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Numéro #2017/3 - Novembre 2017 © Société belge de la Cœliaquie asbl (BE0471299245) Editeur responsable : Constant Depièreux Adresse en cas de contestation ou de retour : Prés à la Cour 10 - B4630 Soumagne Mensuel - (pas de parution en juillet-août) Bureau de dépôt : Liège-X - P801314 Prix pour les non-membres : 3€.

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Numéro #2017/3 - Novembre 2017

© Société belge de la Cœliaquie asbl (BE0471299245)Editeur responsable : Constant Depièreux

Adresse en cas de contestation ou de retour :Prés à la Cour 10 - B4630 Soumagne

Mensuel - (pas de parution en juillet-août)Bureau de dépôt : Liège-X - P801314

Prix pour les non-membres : 3€.

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Mensuel #2017/3 Vivre sans gluten !

Être cœliaque en 2017, chance ou malchance ?

À l’heure où dans notre société on ne sait plusquoi inventer pour nous vendre n’importe quoi, ycompris nous faire croire que le gluten est un poisontoxique pour une bonne partie de la population quiy serait devenue tout à coup allergique ou « sensible», il est bon de remettre les pendules à l’heure !

La maladie cœliaque, un rappelCommençons par nous rappeler ce qu’est réelle-

ment la maladie cœliaque, seule affection qui mériteet nécessite l’éviction du gluten à vie, ce qui n’estpas rien !

C’est une affection auto-immune dans laquellel’organisme exposé au gluten de l’alimentation ré-agit par la production anormale d’autoanticorps(c’est-à-dire des anticorps dirigés contre des cellulesde l’organisme) et de cytokines, substances inflam-matoires, qui vont provoquer des lésions à l’originedes symptômes et des éventuelles complications.

Laissons tomber le terme « intolérance au glu-ten » trop imprécis et gardons quand même ce-lui d’ « allergie au gluten » même si scientifi-quement incorrect, pour nous faire plus facilementcomprendre, au restaurant par exemple… Quant auterme « sensibilité au gluten », nous y reviendronsplus tard.

Un schéma va nous permettre de visualiserce qui se passe chez la personne cœliaque quiconsomme du gluten.

Sur l’image ci-dessous qui représente un agran-dissement au microscope d’une coupe de la mu-queuse intestinale (intestin grêle) d’une personnenon malade, on peut voir les magnifiques villosités,replis en forme de doigts de gants de la muqueuseintestinale qui permettent d’augmenter considéra-blement la surface d’absorption des aliments.

Muqueuse intestinale saine

Sur la seconde image (maladie cœliaque), il n’ya plus de villosités. Malgré la production très aug-

mentée des cellules constituant ces villosités, l’orga-nisme ne parvient pas à compenser la destructionprovoquée par le processus auto-immun, et il enrésulte une atrophie villositaire. La muqueuse de-vient plate et la surface d’absorption des alimentsest considérablement réduite, ce qui explique le pro-blème de malabsorption rencontré chez les malades.

Muqueuse intestinale arasée (cœliaque)

Rappelons que schématiquement et sans entrerdans des détails trop techniques, le gluten est laprotéine de 4 céréales : froment ou blé, épeautre,seigle et orge. Ce sont les céréales à exclure de notrerégime. Toutes les autres céréales sont générale-ment autorisées : riz, maïs, millet, avoine, sarrasin,sorgo, manioc (tapioca), teff, amarante, à conditionqu’elles ne soient pas contaminées par les céréalesproscrites (ce qui peut être le cas avec l’avoine).

Comment devient-on cœliaque ?

À la base il y a une prédisposition génétiqueet ensuite survient un facteur déclenchant environ-nemental, un virus vraisemblablement, ce qui ex-plique que la maladie peut se déclencher à n’im-porte quel âge.

En raison des facteurs génétiques, la probabi-lité pour un membre de la famille au 1er degré (pa-rents, enfants, frères et sœurs) d’un cœliaque decontracter à son tour la maladie est de 1 sur 10,bien supérieure à la prévalence générale qui, dansnotre population, est estimée à plus ou moins 1 sur200. Celle-ci semble augmenter au fil du temps, etplusieurs hypothèses sont évoquées pour expliquerce phénomène : l’augmentation du gluten dans leblé (par hybridations successives au fil du temps),l’ajout de gluten dans la confection des produitsde boulangerie pour en « améliorer » la texture etl’élasticité, la modification de notre flore intestinale(le microbiote), et d’autres changements environ-nementaux. En outre un meilleur dépistage de lamaladie est à prendre en considération dans cette« augmentation » du nombre de cas.

Une particularité de la maladie cœliaque estqu’elle peut rester longtemps méconnue, soit que

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la personne présente peu ou pas de symptôme, soitque le(s) médecin(s) consulté(s) n’y pense(nt) pastoujours…

Au vu des nombreux témoignages recueillis ausein de notre association, il apparait qu’en fait, iln’y a pas de frontière nette entre les cas sympto-matiques et les cas non symptomatiques. En effet,nombre de malades cœliaques méconnus se sont ha-bitués à leur état et ne « découvrent » leurs symp-tômes qu’à postériori, après que le diagnostic ait étéposé (par dépistage familial par exemple) et qu’ilsaient commencé à suivre un régime sans gluten. Ilsdécouvrent alors un état de bienêtre qu’ils n’avaientjamais connu auparavant.

Quels sont justement ces symptômes ?Ils sont très variables, surtout chez l’adulte.Chez le nourrisson et le petit enfant, on ob-

serve classiquement quelques semaines ou quelquesmois après l’introduction du gluten (vers 6 moisen général) des diarrhées importantes, des flatu-lences, une perte d’appétit, des vomissements, unétat grincheux, une perte de poids ou une cassurede la courbe de poids, un état de dénutrition voiremême de déshydratation si le diagnostic n’est pasposé rapidement.

Chez l’enfant plus grand et l’adulte, la malab-sorption peut être moindre et n’entrainer que descarences spécifiques (en fer, en protéines, en vita-mines, en sels minéraux) et rendre alors le diag-nostic plus difficile. On peut ainsi rencontrer uneanémie plus ou moins importante par manque defer, des œdèmes par manque de protéines, des frac-tures spontanées par manque de calcium et de vita-mine D, des hémorragies et hématomes spontanéspar manque de vitamine K.

Un symptôme très fréquent chez l’adulte, maisqui peut avoir de multiples causes est la fatiguechronique. Celle-ci peut être due à une ou plusieurscarences, mais aussi uniquement au processus auto-immunitaire qui épuise l’organisme.

Les troubles digestifs, alors qu’ils sont presquetoujours présents et à l’avant-plan chez le nourris-son et l’enfant, ne se rencontrent que chez moinsde la moitié des adultes atteints et recouvrent aussibien la constipation que la diarrhée, des ballonne-ments ou encore des douleurs abdominales, des di-gestions difficiles ou du brulant par reflux gastro-œsophagien.

Il s’y ajoute souvent une intolérance secondaireau lactose parce que la lactase, l’enzyme qui permetde digérer le lactose, se trouve dans les villosités,lesquelles sont détruites par la maladie cœliaque.

Parmi les autres symptômes, citons encore ladépression nerveuse parfois sévère, divers troublesneurologiques, des douleurs articulaires, la stérilité,

les fausses couches, les migraines, la stomatite aph-teuse, l’alopécie. Enfin la dermatite herpétiformeest une expression cutanée de la maladie cœliaque.

Comment poser le diagnostic ?

Il est très important de diagnostiquer la maladieavant de se lancer dans un régime sans gluten. Pour-quoi ? Parce qu’il s’agit d’un régime contraignantqui va devoir être poursuivi à vie. Inutile donc de sepasser du gluten si ce n’est pas indispensable ! Etaussi parce que la preuve scientifique de la maladiedonne droit à un forfait mensuel (actuellement de38 €) octroyé par l’INAMI (via sa mutuelle) pourcompenser le surcout du régime. Enfin parce que lerégime sans gluten permet de guérir complètementde la maladie et qu’il n’est donc plus possible aubout de quelques semaines de régime de la détec-ter.

Ce diagnostic se fait en 2 étapes : d’abord parune prise de sang à la recherche des IgA anti-transglutaminase et des IgG anti-gliadine déami-dés, tous deux hautement spécifiques de la maladiecœliaque. S’ils sont présents, une biopsie intestinales’impose toujours actuellement pour confirmer aveccertitude le diagnostic. Elle est réalisée par endo-scopie digestive haute (gastroscopie) et prélève plu-sieurs fragments de muqueuse au niveau du duo-dénum. Il est possible que dans un avenir plus oumoins proche l’on puisse se passer de la biopsie dansun certain nombre de situations et notamment chezl’enfant (recommandations de la société européennepédiatrique de gastroentérologie, hépatologie et nu-trition).

Gérer sa cœliaquie ?

Apprendre que l’on est cœliaque ou que sonenfant l’est peut entrainer des sentiments contra-dictoires et parfois présents en même temps. Onpeut ressentir un soulagement d’avoir enfin trouvéla cause de ses ennuis de santé, surtout si la re-cherche a duré longtemps ou si la symptomatolo-gie était très sérieuse faisant craindre pour la viede l’enfant. Le diagnostic met fin à l’angoisse etrassure puisqu’il y a un traitement « simple » (lerégime sans gluten) qui va mettre fin aux désagré-ments. Mais d’autre part, l’annonce de ce diagnos-tic est aussi un choc, car si le régime sans glutenmet fin à la maladie cœliaque, l’état de cœliaquelui, va durer toute la vie et c’est donc à un régimeà vie que la personne va devoir se soumettre, avectoutes les contraintes que cela suppose.

Chacun réagira en fonction de sa personnalitéà cette annonce, mais aussi en fonction de l’accom-pagnement qui lui est donné. Notre association et

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tous les bénévoles qui s’y investissent peuvent êtreune aide précieuse à ce niveau.

Non diagnostiquée et donc non traitée, la ma-ladie cœliaque peut entrainer la survenue de dif-férentes complications non négligeables, comme lelymphome, un cancer des ganglions lymphatiques,à cause de la stimulation incessante du systèmeimmunitaire (risque multiplié par 80). D’autrescancers peuvent également apparaitre en l’absencede traitement (adénocarcinomes digestifs et de lasphère ORL).

Un retard de croissance staturopondérale peuts’observer chez l’enfant, pouvant conduire à une pe-tite taille chez l’adulte.

Une ostéoporose peut survenir à l’âge adulte parcarence prolongée en calcium et/ou en vitamine D.

La maladie cœliaque s’accompagne plus fré-quemment d’autres maladies auto-immunes, maisce risque diminue lorsque le régime sans gluten estbien respecté.

Il est donc crucial de respecter scrupuleusementle régime sans gluten dès que le diagnostic est posé.

Au début il faut y associer pendant quelques se-maines un régime sans lactose, le temps que les vil-losités repoussent et que réapparaisse la lactase, en-zyme qui permet de digérer le lactose présent danstous les produits laitiers quoique dans une moindremesure dans ceux dont le lactose a été en partietransformé en acide lactique comme le yaourt etles fromages par exemple.

Au début également il faudra éventuellementcorriger les carences en donnant des supplémentsen fer, vitamines ou calcium selon les cas.

Théoriquement le régime sans gluten est simplepuisqu’il suffit d’exclure de l’alimentation les 4 cé-réales incriminées (froment ou blé, seigle, épeautreet orge).

En pratique, c’est un régime très contraignantqui a des répercussions sur la vie sociale et psycho-logique du cœliaque. Le cœliaque doit prendre l’ha-bitude de préparer et emporter avec lui son casse-croûte et ses en-cas personnels. Il doit résister auxmultiples tentations qui se présentent à lui dansune vie sociale normale et gérer la frustration quien découle. De nombreux plats cuisinés ou alimentscomposés peuvent contenir de la farine de froment(céréales, charcuteries, plats en sauce, etc…). Lireconsciencieusement les étiquettes et s’informer pré-cisément avant de consommer un aliment doiventdevenir une seconde nature.

Depuis quelques années le régime sans glutenapparait comme une nouvelle mode, la panacéepour certains nutritionnistes ou des guérisseurs enmal d’inspiration. Des sportifs de haut niveau, desvedettes et même des personnalités politiques enont vanté les soi-disant mérites ! Ce qui est regret-table et il nous faut encore une fois insister sur ce

point, c’est que parmi toutes ces personnes qui éli-minent le gluten de leur alimentation, quelle qu’ensoit la raison, 70 % n’ont pas d’abord procédé à untest de dépistage ! Et même si ce régime est pro-posé par un professionnel de la santé (médecin oudiététicien), un test diagnostique n’est pas non plusréalisé dans 40 % des cas !

Il semblerait donc qu’il y a plus de non cœ-liaques qui suivent un régime sans gluten que decœliaques ! Et qu’il y a toujours plus de cœliaquesqui s’ignorent que de cœliaques dûment diagnosti-qués ! Un comble !...

Et qu’en est-il de la sensibilité au gluten?

Celle-ci doit rester un diagnostic d’exclusion,car aucun examen ne permet de confirmer son exis-tence, tous les tests restant négatifs à ce jour. Néan-moins selon certains chercheurs, il est possible qu’ils’agisse d’un sous-groupe du syndrome du côlon ir-ritable. Dans celui-ci l’éviction de certains nutri-ments, dont le gluten entre autres, peut avoir uneffet favorable sur les symptômes. Des études ontd’ailleurs montré que l’on retrouve une maladie cœ-liaque dans 2 à 6 % des cas de colopathie fonction-nelle (synonyme du côlon irritable).

Ce qui est certain c’est que les IgG alimentaires,qui font l’objet d’un juteux commerce pour des la-boratoires peu scrupuleux, restent des tests san-guins non validés scientifiquement et n’ont donc au-cune raison d’être. On retrouve ces anticorps chezdes sujets en bonne santé, et leur présence signi-fie seulement que la personne consomme ces ali-ments (études effectuées chez des donneurs de sangn’ayant aucune plainte).

Pour nous cœliaques, cette nouvelle mode dusans gluten a des effets positifs et négatifs. Positifsparce que le marché du sans gluten n’a jamais étéaussi florissant, nous offrant un vaste de choix dedenrées plus appétissantes les unes que les autres.Le revers de la médaille est que parmi ces denréesexiste le pire comme le meilleur sur le plan dié-tétique. Autrefois la personne cœliaque, en étant« privée » de plats en sauce, viennoiseries, pâtis-series et autres friandises trop grasses et trop su-crées, pouvait au moins bénéficier d’une alimenta-tion plus saine. Ce n’est hélas plus le cas, et lestentations de la malbouffe sans gluten se retrouventun peu partout. Autre conséquence négative de lamode du sans gluten pour nous cœliaques, c’estque parfois nous ne sommes plus pris autant au sé-rieux qu’avant, même dans des lieux de soins. Unepersonne cœliaque hospitalisée récemment et ayantprévenu le service de son régime sans gluten, a reçula visite d’une infirmière (ou d’une diététicienne ?)qui est venue lui demander si elle devait suivre son

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régime sans gluten tous les jours !... Elle a dû jus-tifier la nécessité impérieuse de son régime !

Et demain ?Peut-on espérer un jour accéder à d’autres trai-

tements qui permettraient de consommer à nou-veau du gluten, à l’instar de la personne intoléranteau lactose qui peut en consommer en avalant unegélule de lactase ?

Cela fait des années que l’on nous dit que lesrecherches vont bon train en la matière et qu’il estpossible que d’ici quelques années l’industrie phar-maceutique nous propose d’avaler, qui un complexe

d’enzymes pour dégrader le gluten en peptides in-offensifs, qui des résines polymériques pour séques-trer le gluten, qui des antagonistes de la zonulinepour diminuer la perméabilité intestinale, ou en-core l’un ou l’autre vaccin ou immunomodulateur,etc… en espérant que les effets secondaires soientsupportables…

Mais en attendant cet hypothétique avenir(heureux ?), il nous faudra continuer à nous passerde gluten. La SBC a encore de beaux jours devantelle pour nous y aider !

Dr Geneviève Jadoul

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