Notes Homère

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Comparée à l’Iliade, l’Odyssée s’occupe beaucoup moins de guerre et de combats. Le récit du retour d’Ulysse privilégie l’enchaînement d’une suite de péripéties qui sont mises en relief par la présence du merveilleux. Contrairement au fantastique, qui permet qu’il y ait des doutes à propos de la réalité des événements, le merveilleux introduit le lecteur dans un univers où l’irréel est accepté sans hésitation. A partir de cette comparaison avec l’Iliade, on peut légitimement se demander s’il y a quelque chose dans la composition, dans la structure, dans le thème de l’Odyssée qui exige ce recours très fréquent au merveilleux. Ce qui nous conduit d’abord à identifier la présence du registre merveilleux et ses figurations dans l’Odyssée, avant d’aller nous pencher sur l’interprétation du sens et de l’effet qu’elles peuvent avoir sur le lecteur. En fait, la représentation du merveilleux est tout de même paradoxale. Le merveilleux est abondant dans L’Odyssée, mais il se concentre dans ce qu’on appelle le « récit d’Ulysse », c'est-à-dire dans les livres IX à XII. Dans ces livres, Ulysse a la liberté du conteur et fait le récit de ses propres aventures. Au fond, Homère reste très réservé et ne entre pas dans le détail dans pas mal de cas. Ainsi on va pouvoir analyser ce que la figuration merveilleuse d’une réalité grecque peut signifier dans ce poème. I. Le merveilleux dans l’Odyssée : chronotope et figures a. Un monde merveilleux ou les hommes et les dieux interagissent Le cadre spatiotemporel de l’Odyssée renvoie, comme celui de l’Iliade, à un système de représentations d’un monde héroïque. - La représentation d’un réel historique est indéterminée dans le poème (plusieurs strates), tandis que l’atmosphère générale renvoie à l’univers du mythe. Les hommes et les dieux partagent une expérience commune de l’espace habité. Description de l’île des Cyclopes : tout est produit par une nature fertile, on n’a pas besoin de techniques (agriculture, par exemple). On est en quelque sorte à l’âge d’or.

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Comparée à l’Iliade, l’Odyssée s’occupe beaucoup moins de guerre et de combats. Le récit du retour d’Ulysse privilégie l’enchaînement d’une suite de péripéties qui sont mises en relief par la présence du merveilleux. Contrairement au fantastique, qui permet qu’il y ait des doutes à propos de la réalité des événements, le merveilleux introduit le lecteur dans un univers où l’irréel est accepté sans hésitation. A partir de cette comparaison avec l’Iliade, on peut légitimement se demander s’il y a quelque chose dans la composition, dans la structure, dans le thème de l’Odyssée qui exige ce recours très fréquent au merveilleux. Ce qui nous conduit d’abord à identifier la présence du registre merveilleux et ses figurations dans l’Odyssée, avant d’aller nous pencher sur l’interprétation du sens et de l’effet qu’elles peuvent avoir sur le lecteur. En fait, la représentation du merveilleux est tout de même paradoxale. Le merveilleux est abondant dans L’Odyssée, mais il se concentre dans ce qu’on appelle le « récit d’Ulysse », c'est-à-dire dans les livres IX à XII. Dans ces livres, Ulysse a la liberté du conteur et fait le récit de ses propres aventures. Au fond, Homère reste très réservé et ne entre pas dans le détail dans pas mal de cas. Ainsi on va pouvoir analyser ce que la figuration merveilleuse d’une réalité grecque peut signifier dans ce poème.

I. Le merveilleux dans l’Odyssée : chronotope et figures

a. Un monde merveilleux ou les hommes et les dieux interagissent

Le cadre spatiotemporel de l’Odyssée renvoie, comme celui de l’Iliade, à un système de représentations d’un monde héroïque.

- La représentation d’un réel historique est indéterminée dans le poème (plusieurs strates), tandis que l’atmosphère générale renvoie à l’univers du mythe.

Les hommes et les dieux partagent une expérience commune de l’espace habité.

Description de l’île des Cyclopes : tout est produit par une nature fertile, on n’a pas besoin de techniques (agriculture, par exemple). On est en quelque sorte à l’âge d’or.

Les héros sont des figures exemplaires de cette première manifestation du merveilleux :

- Ils sont plus qu’humains. Ils sont merveilleux parce qu’hyperboliques. Ulysse est « un homme semblable à un dieu » dont la force dépasse celle de tous les

hommes dans le public.

Ce mouvement est contrebalancé par l’humanisation des dieux qui participent activement au déroulement des événements humains.

- Les dieux interviennent : Athéna qui apparaît tantôt déguisée en guerrier, tantôt sous les habits d’un compagnon

d’Ulysse.

Mais les dieux olympiens restent les dieux : le merveilleux ne se produit que lors des interventions.

- C’est l’intervention des dieux qui relève du merveilleux. L’existence d’Athéna n’est pas à proprement parler merveilleuse, alors que ses

manifestations sous d’autres formes et les transformations physiques qu’elle fait subir à Ulysse lorsqu’il arrive à Ithaque sont magiques.

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ὣς ἄρα μιν φαμένη ῥάβδῳ ἐπεμάσσατ᾽ Ἀθήνη.κάρψεν μὲν χρόα καλὸν ἐνὶ γναμπτοῖσι μέλεσσι,ξανθὰς δ᾽ ἐκ κεφαλῆς ὄλεσε τρίχας, ἀμφὶ δὲ δέρμαπάντεσσιν μελέεσσι παλαιοῦ θῆκε γέροντος,κνύζωσεν δέ οἱ ὄσσε πάρος περικαλλέ᾽ ἐόντε:ἀμφὶ δέ μιν ῥάκος ἄλλο κακὸν βάλεν ἠδὲ χιτῶνα,ῥωγαλέα ῥυπόωντα, κακῷ μεμορυγμένα καπνῷ:ἀμφὶ δέ μιν μέγα δέρμα ταχείης ἕσσ᾽ ἐλάφοιο,ψιλόν: δῶκε δέ οἱ σκῆπτρον καὶ ἀεικέα πήρην,πυκνὰ ῥωγαλέην: ἐν δὲ στρόφος ἦεν ἀορτήρ.

τώ γ᾽ ὣς βουλεύσαντε διέτμαγεν. ἡ μὲν ἔπειταἐς Λακεδαίμονα δῖαν ἔβη μετὰ παῖδ᾽ Ὀδυσῆος.

Sur ces mots Athéna lui donna un coup de baguette.Elle flétrit sa belle peau sur son corps souple,fit tomber de son chefs ses cheveux blonds et lui posasur tout le corps la peau d’un homme très âgé,puis érailla ses yeux jadis si beaux ;elle lui mit d’autres habits, de vieux haillonscrasseux, loqueteux, tachés de fumée ;elle jeta dessus une ample peau de cerf, râpée ;lui donna un bâton, une affreuse besacetoute trouée : la bretelle était une corde.

On se quitta sur cette entente ; Athéna se renditA la divine Sparte pour chercher le fils d’Ulysse.(Trad. Jaccottet).

b. Les créatures merveilleuses : petit catalogue

Ces apparitions sont merveilleuses, admirables, étonnantes : θαύματα. Le monstre, ce qui est surprenant ou digne de voir.

Toute l’Odyssée est un répertoire d’apparitions merveilleuses. Elles se concentrent dans le récit qu’Ulysse fait de ses aventures (livres IX à XII) L’espace du voyage : la mer

Le merveilleux est présent sous la forme des créatures mythologiques :- Cyclopes, Lestrygons, deux types différents de monstres mangeurs d’hommes - les Sirènes dont le chant conduit les marins à leur perte : quelles sirènes, à quoi ressemblent-elles ? Elles ne sont pas décrites du tout. Seulement leur chant.-  Charybde et Scylla…

Ou bien dans l’emploi des objets magiques - potions, pharmacopée, baguettes magiques… les potions de Circé qui transforment les hommes en porcs, le pharmakon d’Hélène

qui sert à apaiser les hommes et à leur faire oublier leurs chagrins Les lotophages mangent la feuille de lotus qui leur fait oublier leur famille. Circée

distribue une potion qui transforme les hommes en porcs, peut-être révélant ainsi leur vraie nature.

Les créatures, tout d’abord, habitent la mer. Car la mer, sans doute l‘un des personnages principaux de l’Odyssée, est présentée dans son étendue liquide comme le lieu où l’imagination déborde, sans loi et sans limites.

(D’autre part, les voyages d’Ulysse lui font subir l’effet, bon ou mauvais, de plusieurs plantes magiques. La pharmacopée de l’Odyssée est en fait un ensemble de remèdes dont on ne connaît pas l’origine et qui ont des effets plus ou moins irréels sur les êtres humains.)

Enfin, Protée, qui n’est pas un dieu Olympien, appartient à cette catégorie de θαύματα. Il est d’une certaine façon, une image incarnée de la mer changeante : oinops pontos, mer vineuse.

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« Aucun dieu ne connaît la mer comme Protée ». Il donne son sens au mot protéiforme, c’est-à-dire, qui emprunte toutes les formes. C’est la figure où le merveilleux se manifeste avec le plus d’intensité. Dans le livre IV Ménélas assiste à ses métamorphoses : cet être divin prend la forme d’un lion, d’une panthère, d’un sanglier, d’un torrent, d’un arbre… Quant on parle de la mer on parle de la métamorphose.

Protéiforme : expliquer

Plus précisément, le cas de Protée, dieux non olympien, qu’on appelle le Vieil Homme de la Mer, est exemplaire. On a vu qu’il représente la mer, ses métamorphoses. Mais il montre aussi que le merveilleux est essentiel dans l’acte qui révèle la vérité. Un rite complexe doit être exécuté pour le saisir. Cette métamorphose à un pouvoir oraculaire.

Mais cela ne nous suffit pas. Nous cherchons, dans cette vaste matière qu’est l’Odyssée, une force extrême, une puissance qui se cache. Le premier personnage merveilleux de l’Odyssée est la mer. L’océan lui-même qui est en fait un des sujets essentiels du poème. C’est dans ce décor changeant et dans cette espace ouvert aux voyages, où les vaisseaux sont pontoporoi, c'est-à-dire qu’ils se frayent un chemin sur la mer. C’est là qu’Ulysse fera la rencontre d’étranges créatures dont je vais vous faire un catalogue : dans ce que plusieurs historiens et philologues ont appelé le « récit d’Ulysse », le personnage principal de l’Odyssée relate des faits surprenants, les merveilles du voyage.La présence du merveilleux dans tout le récit d’Ulysse est indéniable. Elle a en réalité plusieurs objectifs, et plusieurs effets sur l’esporit du lecteur.

II. Le rôle du merveilleux dans la narration

Contes de fées

a. Eclat…

Le premier effet du merveilleux est évidemment d’émerveiller. - Le poète narrateur colore la traversée du marin de rencontres invraisemblables « marquer d’un éclat accru l’aventure humaine ». Qu’Ulysse se joue et se moque d’un Cyclope, d’un monstre, du fils du dieu de la mer,

cela est bien plus intéressant et amusant, qu’une aventure prosaïque équivalente. Le récit d’aventures qui vont au-delà du réel a un certain rapport avec les contes de

fées. Or le poète Valéry prétend que seul un cerveau enfantin peut avoir peur d’un monstre.Θαυμα dans l’épisode du cyclope

Le désir de voir des objets et des êtres merveilleux : Plus que simple instrument d’agrément de l’aventure, le merveilleux est en fait

synonyme de l’aventure.

D’où le lien avec le schéma du conte !

b. Le schéma actanciel

Dans le récit des aventures d’Ulysse le merveilleux joue cependant un rôle narratif. - Nous pouvons creuser la comparaison avec le conte en rappelant quelques éléments du

schéma actanciel.

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Dans l’Odyssée, comme dans un conte de fées, il y a un héros et une quête. Le héros rencontre des personnages et visite des lieux qui participent à sa quête

(adjuvants) ou s’y opposent (opposants) Comme le loup du petit Chaperon rouge, le Cyclope est un monstre anthropophage

qui, du point de vue narratif, représente un obstacle pour Ulysse. les sirènes conduisent les marins à leur mort, Charybde et Scylla sont des points clés

de la traversée des mers. Au contraire, la présence tutélaire d’Athéna dans le poème et ses interventions merveilleuses servent à faire avancer l’action. La plupart des obstacles qui empêchent Ulysse d’avancer sont des manifestations du merveilleux.

L’exemple-type de ce schéma est le double rôle que jouent les poisons et les herbes magiques dans le livre 10. En arrivant chez Circé, les compagnons d’Ulysse sont charmés par la sorcière. Ils boivent copieusement la potion qu’elle prépare pour eux, et sont transformés en porcs par un coup de baguette. Voyant que quelque chose les retient, Ulysse décide d’aller les chercher. Mais Hermès l’arrête. Il lui donne le molu une herbe qui doit le protéger contre les mauvais sorts de Circé. Ce jeu de pharmacie synthétise en fait l’image double, polyvalente du merveilleux, qui est exprimée par le mot grec de pharmakon : à la fois poison et remède.

Le merveilleux est donc un instrument narratif essentiel de l’Odyssée. Cependant, les descriptions des merveilles restent superficielles, comme si Homère avait une sorte de réserve à cet égard. Quel est leur rapport au réel de l’époque ? Peut-on voir le merveilleux comme une présentation oblique du réel géographique et historique ?

III – Le merveilleux et le réel

a. A la limite du merveilleux : réserves d’Homère

L’atmosphère du merveilleux est totale dans l’Odyssée, mais le poète, s’il fait jouer un rôle important aux interventions qui dépassent le réel, ne s’attarde pas à détailler

Le merveilleux n’est présent que de façon oblique, sans beaucoup de descriptions, par allusions à la légende et aux grands récits connus des Grecs de l’époque.

Les Cyclopes ne sont jamais décrits. Ils sont grands, et horribles, et fils de Poséidon. Ils mangent des hommes. De même les Lestrygons. Il y a une sorte de réticence chez Homère à vouloir décrire… Il insiste plutôt sur l’effet. On est censé savoir qu’ils n’ont qu’un œil celui-ci n’étant jamais mis en valeur jusqu’à la scène de l’aveuglement (et là encore l’accent porte sur l’action.

Chez Virgile : « monstrum horrendum, informe, ingens cui lumen ademptum »At genus e siluis Cyclopum et montibus altisExcitum ruit ad portus et litora complent.Cernimus astantis nequiquam lumine toruo

Et il n’est jamais décrit. Chez les Lestrygons, également, la mère de la princesse est « grande comme une montagne » c’est tout.

b. Mais il y a dans ce monde un double mouvement d’éloignement, temporel et spatial.- Temporel l’action se déroule dans un temps inexact, qui mêle différentes réalités de plusieurs

époques : nous sommes dans le temps héroïque.

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- Spatial la plupart de ces évènements merveilleux ont lieu en mer, dans des lieux fréquentés

seulement par des marins. une grande partie des personnages merveilleux et des remèdes magiques viennent de

l’extrémité des terres, d’un ensemble de pays mal connus qui sont perçus par le public comme des régions magiques.

L’Egypte est dans l’Odyssée le paradigme d’une sorte d’orient riche et magique. C’est en Egypte que Ménélas attrape Protée. C’est d’Egypte que vient la potion qu’Hélène prépare pour apaiser le cœur des Achéens. Le poète nous dit que l’Egypte est un pays où tous les hommes sont médecins.

c. Le merveilleux est merveilleux, mais il nous apprend pas mal de choses sur la façon

dont les grecs au long de la composition du poème percevaient les réalités qui les entouraient.

c. Si nous combinons l’éloignement spatio-temporel et l’aspect discret de la description du merveilleux nous pouvons rejoindre des courants d’interprétation fort intéressants.

- Influence sur les écritures savantes de l’antiquité Homère est une autorité : une référence plus ou moins fiable pour les mythographes,

les historiens et les géographes de l’Antiquité. Pline en tire de nombreuses descriptions de peuples Egyptiens : les Troglodytes, les Augiles, les Garamantes. Le géographe Strabon en fait de même. Hérodote situe le pays des lotophages

d. Le merveilleux peut recouvrir une perception de l’altérité- Plus près de nous, l’historien s’est demandé si des monstres mangeurs d’hommes

comme les Cyclopes et les Lestrygons n’étaient pas une représentation monstrueuse de barbares corynthiens.

-ἔνθεν δὲ προτέρω πλέομεν ἀκαχήμενοι ἦτορ:Κυκλώπων δ᾽ ἐς γαῖαν ὑπερφιάλων ἀθεμίστωνἱκόμεθ᾽, οἵ ῥα θεοῖσι πεποιθότες ἀθανάτοισινοὔτε φυτεύουσιν χερσὶν φυτὸν οὔτ᾽ ἀρόωσιν,ἀλλὰ τά γ᾽ ἄσπαρτα καὶ ἀνήροτα πάντα φύονται,πυροὶ καὶ κριθαὶ ἠδ᾽ ἄμπελοι, αἵ τε φέρουσινοἶνον ἐριστάφυλον, καί σφιν Διὸς ὄμβρος ἀέξει.τοῖσιν δ᾽ οὔτ᾽ ἀγοραὶ βουληφόροι οὔτε θέμιστες,ἀλλ᾽ οἵ γ᾽ ὑψηλῶν ὀρέων ναίουσι κάρηναἐν σπέσσι γλαφυροῖσι, θεμιστεύει δὲ ἕκαστοςπαίδων ἠδ᾽ ἀλόχων, οὐδ᾽ ἀλλήλων ἀλέγουσιν.

Ulysse les connaît comme peuple, les décrit comme tel, comme hommes : emploi des termes ἂνηρ ἂνθρωποι que rien ne sépare des hommes sinon qu’ils ne mangent pas de blé, et leur énorme taille. Impiété du Cyclope

Une façon détournée de représenter satiriquement l’autre, ennemi ou rival, en le reléguant au domaine du monstrueux : ce que font les savants antiques dont nous avons parlé.

Conclusion :

Le merveilleux peut recouvrir une perception de l’altérité

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En tant qu’epos… c’est un mode de compréhension MAIS… Cette merveille se manifeste dans l’image protéiforme de la mer et, en fin de compte,… Ulysse voyageur marin etc.

La narration elle-même en tire cette atmosphère d’admiration qui rend difficile une transposition purement historique comme celle que l’on peut faire de la guerre de Troie. L’essentiel des aventures d’Ulysse, racontées par le personnage lui-même, ce qu’on a appelé le « récit d’Ulysse » est le point où se concentrent toutes ces aventures, qui passent donc par le prisme du voyageur tenu de rapporter des merveilles. Car la magie du récit est aussi celle du merveilleux. L’aventure humaine est colorée, la pensée, chatoyante. Ulysse, le voyageur, déforme peut-être les réalités pour attirer son public. Peut-être et sans doute ment-il, il exagère. Homère était appelé le plus grands des menteurs par des auteurs comme Lucien de Samosate..Le récit motive le merveilleux : le merveilleux appelle le récit. Ulysse vit des aventures afin de les raconter et les raconte pour émerveiller le public. Sans le merveilleux, pas d’Odyssée puisqu’Ulysse, Odysseus lui-même est polutropos, change mille fois, fait mille tours, comme Protée et ses métamorphoses, comme le visage d’Homère à travers les siècles.

c. Car enfin, quoi de plus merveilleux, quoi de plus fabuleux que le rythme même du poème, lorsqu’il fait corps avec le récit des charmes et des poisons des sorcières, lorsque la magie de l’hexamètre nous saisit et nous transporte au lieu même où se produisent les évènements ?