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[email protected] Bulletin de la Section Française de l'ANS n°22 – Juillet 2012 1 Sommaire Editorial du Président ANS Meeting – Juin 2012 Regulatory Information Conference (RIC)- Mars 2012 Conférence de Peter Lyons – 26 avril 2012 Convention SFEN 8 et 9 mars 2012 "Le Nucléaire un an après Fukushima" - Impact aux USA - Conclusion des deux journées Editorial du Président Chers Amis, Ce premier semestre 2012 a encore été marqué, pour le nucléaire, par les résultats des analyses et le retour d'expérience engagé après l'accident survenu au Japon et les perspectives pour la suite. Ce numéro reprend quelques évènements qui permettent de mesurer l'impact de cet évènement et l'avancement des réflexions menées, tant aux USA (conférence RIC en mars à Washington par Marc Gérard Albert, meeting de l'ANS en juin à Chicago par Dominique Grenêche) qu’en France avec la Convention SFEN 2012 qui s'est tenue les 8 et 9 mars à la maison de la Chimie à Paris. Cette convention a été l'occasion de revenir sur cet évènement, à la lumière des études et actions présentées par les exploitants et des analyses faites par les Autorités de Sûreté. Nous reprenons dans ce numéro une présentation faite par l'Industrie Nucléaire américaine, ainsi que les conclusions tirées de ces deux journées par Dominique Minière. Nous présentons aussi une synthèse de la très intéressante conférence que Peter Lyons, Assistant Secretary for Nuclear Energy du DOE, a bien voulu nous donner le 26 avril sur la situation du nucléaire aux USA. Pour ce qui concerne la vie de notre association, la prochaine édition de notre bulletin sera consacrée principalement au voyage d'information des professeurs américains concernant le nucléaire français, organisé par Dominique Grenêche avec le soutien d’ AREVA, de GDF Suez, EDF, CEA et ANDRA. Il sera marqué cette année par un échange mutuel concernant les programmes d'enseignement sur l'énergie nucléaire dans les universités américaines et en France (écoles d'ingénieurs, INSTN, I2EN, Master International...). Nous solliciterons aussi nos visiteurs pour avoir leur retour d'expérience et leurs suggestions pour croiser et enrichir ces programmes de formation, avec le bénéfice d'une meilleure connaissance du nucléaire français acquise lors de ce voyage d'information. Enfin, concernant notre rôle au sein de l'ANS, nous pouvons mentionner la nomination de Dominique Grenêche au Comité International de l'ANS et ma nomination à l'Executive Committee de « Operation and Power Division ». Bien cordialement à tous et en souhaitant vous retrouver pour notre prochaine Assemblée Générale en septembre. Michel Debes

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[email protected]

Bulletin de la Section Française de l'ANS n°22 – Juillet 2012

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Sommaire • Editorial du Président • ANS Meeting – Juin 2012 • Regulatory Information Conference (RIC)- Mars 2012

• Conférence de Peter Lyons – 26 avril 2012

• Convention SFEN 8 et 9 mars 2012 "Le Nucléaire un an après Fukushima"

- Impact aux USA

- Conclusion des deux journées

���� Editorial du Président

Chers Amis, Ce premier semestre 2012 a encore été marqué, pour le nucléaire, par les résultats des analyses et le retour d'expérience engagé après l'accident survenu au Japon et les perspectives pour la suite. Ce numéro reprend quelques évènements qui permettent de mesurer l'impact de cet évènement et l'avancement des réflexions menées, tant aux USA (conférence RIC en mars à Washington par Marc Gérard Albert, meeting de l'ANS en juin à Chicago par Dominique Grenêche) qu’en France avec la Convention SFEN 2012 qui s'est tenue les 8 et 9 mars à la maison de la Chimie à Paris. Cette convention a été l'occasion de revenir sur cet évènement, à la lumière des études et actions présentées par les exploitants et des analyses faites par les Autorités de

Sûreté. Nous reprenons dans ce numéro une présentation faite par l'Industrie Nucléaire américaine, ainsi que les conclusions tirées de ces deux journées par Dominique Minière. Nous présentons aussi une synthèse de la très intéressante conférence que Peter Lyons, Assistant Secretary for Nuclear Energy du DOE, a bien voulu nous donner le 26 avril sur la situation du nucléaire aux USA. Pour ce qui concerne la vie de notre association, la prochaine édition de notre bulletin sera consacrée principalement au voyage d'information des professeurs américains concernant le nucléaire français, organisé par Dominique Grenêche avec le soutien d’ AREVA, de GDF Suez, EDF, CEA et ANDRA. Il sera marqué cette année par un échange mutuel concernant les programmes d'enseignement sur l'énergie nucléaire dans les universités américaines et en France (écoles d'ingénieurs, INSTN, I2EN, Master International...). Nous solliciterons aussi nos visiteurs pour avoir leur retour d'expérience et leurs suggestions pour croiser et enrichir ces programmes de formation, avec le bénéfice d'une meilleure connaissance du nucléaire français acquise lors de ce voyage d'information. Enfin, concernant notre rôle au sein de l'ANS, nous pouvons mentionner la nomination de Dominique Grenêche au Comité International de l'ANS et ma nomination à l'Executive Committee de « Operation and Power Division ». Bien cordialement à tous et en souhaitant vous retrouver pour notre prochaine Assemblée Générale en septembre.

Michel Debes

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� ANS meeting – Chicago 24 au 28 juin 2012 - Dominique Grenêche I – Contexte général Ce congrès s’est tenu à Chicago qui, je le rappelle, est un peu le berceau du nucléaire, puisque c’est dans cette ville que fut réalisée, pour la première fois dans l’histoire une réaction en chaine auto-entretenue, le 2 décembre 1942, sous la direction du physicien italien Enrico Fermi (« pile » CP1 = Chicago Pile 1). C’est aussi près de Chicago que se situe le siège de l’ANS. Le titre choisi pour cet évènement était des plus judicieux dans le contexte actuel de l’énergie nucléaire : « Nuclear science and technology : managing the global impact of economic and natural events ». Ceci montre une fois de plus l’art des américains pour résumer en quelques mots les problématiques du moment. Le congrès de l’ANS était en fait accompagné de 3 autres conférences internationales qui se déroulaient en parallèle et dans les mêmes locaux, ce que les américains appellent « Embedded topical meetings »: • “Decommissioning, Decontamination and Reutilization” (DD&R 2012) • “Nuclear Fuels & Structural Materials for next generation nuclear reactors” (NFSM 2012) • “International Congress on Advances in nuclear Power Plants” (ICAPP 2012).

Cette convergence d’évènements garantissait le succès de l’ensemble de cette manifestation, d’autant que les thèmes traités figurent parmi les plus importants pour l’énergie nucléaire en général. Pour ma part, j‘ai assisté essentiellement à la séance plénière d’ouverture et à toutes les séances plénières du Congrès ICAPP 2012, sauf la dernière (il y en avait 5 au total), ainsi qu’à quelques sessions techniques. Je ne rapporte ici que les points les plus marquants de ces diverses séances, sous forme d’une « note d’ambiance » générale, suivie d’un résumé très synthétique de la séance plénière d’ouverture. II – La participation Compte tenu de ce que l’on vient de dire, il n’est pas étonnant que l’évènement ait bénéficié d’une grande affluence, même si elle n’a pas atteint les records constatés au cours de certaines années récentes. J’ai pu me procurer la liste complète des inscrits, 1300 au total, pour me livrer à une petite statistique sur la représentation étrangère à cet évènement. On trouvera à la fin de ce texte un tableau qui résume cette présence étrangère (avec un rappel des chiffres de 2011), répartie sur 34 pays (hors USA). J’ai compté 346 étrangers, soit plus du quart des inscrits, ce qui marque bien le

caractère réellement international de l’évènement. L’examen de ces chiffres révèle quelques éléments intéressants : • Une présence toujours très dominante des

Coréens, avec 20% des inscrits étrangers (c’était la même chose en 2011). Cela s’explique par le développement extrêmement vigoureux du nucléaire dans ce pays, mais aussi par les relations particulières qu’entretiennent les Etats-Unis avec la Corée du Sud dans tous les domaines touchant au nucléaire.

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• Une délégation française très importante, pas très éloignée de celle des Coréens. Ceci contraste totalement avec l’année dernière, mais il n’y avait, il est vrai, que le congrès ANS en 2011 (sans autre évènement associé).

• Un nombre relativement important d’inscrits

de certains pays comme l‘Italie ou l’Espagne ou même l’Allemagne qui d’habitude s’affichent assez peu dans ce genre de congrès. Il faut y voir sans doute le fait qu’il y avait le congrès sur le démantèlement (DD&R).

• Un nombre assez élevé de Canadiens, ce qui s’explique simplement pas la proximité géographique.

• L’émergence des Emirats Arabes Unis (EAU), dont les représentants ont été très présents au cours de ce congrès. Nous y reviendrons dans ce compte rendu.

• Une participation toujours aussi discrète des Russes, qui jouent pourtant un rôle croissant sur la scène internationale dans le domaine nucléaire. Il est difficile de connaître les raisons de cette désaffection (finances ? limitation de visas ?).

III - Note d’ambiance Après l’ambiance maussade constatée l’année dernière (c’était 3 mois après Fukushima), j’ai pu percevoir quelques signes d’une lente convalescence du nucléaire à la suite du choc du 11 mars 2011. Mais bien évidemment, la renaissance éternellement annoncée depuis des années est encore bien éloignée. Ceci étant, au vu de toutes les présentations et discussions auxquelles j’ai assisté, la situation mondiale apparaît de plus en plus contrastée. Plusieurs pays restent en effet fortement engagés dans le développement de l’énergie nucléaire (la Chine bien entendu, mais aussi la Corée ou encore l’Inde, avec quelques difficultés cependant pour ce dernier pays), alors que d’autres, mais peu, y renoncent totalement (typiquement l’Allemagne, bien entendu) et qu’un bon nombre de pays sont un peu plus hésitants. A cet égard, j’ai retenu les chiffres indiqués par l’un des orateurs d’une session plénière d’ICAPP (Kiyoshi Yamauchi, Président de MHI) selon lesquels 48 pays continuent de supporter l’énergie nucléaire (« still support »), alors que 18 autres sont hésitants et seulement 5 ont décidé d’abandonner. Il ne faut pas oublier non plus ce que l’on appelle les nouveaux entrants, dont le représentant le plus emblématique est actuellement les Emirats Arabes Unis, avec le début de construction de 4 réacteurs de 1400 MWe, vendus par les Coréens (comme on l’a dit, les EAU étaient d’ailleurs très présents à ce congrès et ils se sont beaucoup affichés dans les sessions). Pour ce qui concerne les USA, la situation pourrait se résumer en rapportant ici la phrase prononcée par le Président d’Exelon, John W. Rowe, lors de la séance plénière d’ouverture : « Nuclear will not be economic for one or two decades », et d’ajouter plus loin : « I am pretty sure that gaz will dominate the next decade ». Mais le nucléaire aux USA n’est pas totalement en panne, puisque la construction de quatre réacteurs AP1000 a démarré, dont deux à Vogtle en Géorgie, pour lesquels la NRC vient d’accorder sa licence, après cependant quelques aménagements de procédure et quelques controverses qui ont été un des éléments ayant conduit son Président Gregory

Jaczko à démissionner il y a un mois. Plusieurs interventions (de qualité) ont été d’ailleurs consacrées à ce projet mené par la compagnie d’électricité Southern Nuclear. En revanche, les autres projets encore annoncés l’année dernière comme très proches d’aboutir, se décalent dans le temps. Je n’en ai d’ailleurs pratiquement pas entendu parler dans toutes les séances plénières que j’ai pu suivre. Par contre on constate un intérêt croissant pour les fameux « SMR » (réacteurs de petite taille), pour lesquels la NRC a été saisie sur quelques projets. Une autre question continue de peser sur le développement du nucléaire aux Etats-Unis : celle du devenir des combustibles usés.

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On attendait beaucoup à ce propos des travaux et des recommandations de la fameuse «Blue Ribbon Commission on America’s Nuclear Future1 » (BRC) qui a rendu ses conclusions fin 2011. Mais pour l’instant, rien de concret n’a encore été mis en œuvre et les combustibles attendent toujours un avenir meilleur sur les sites des centrales nucléaires.

Pour ce qui concerne le Japon, j’ai relevé notamment une intervention du Président du JAIF (Japan Atomic Industrial Forum), Takuyo Hattori, dans laquelle il a évidemment parlé de Fukushima, mais aussi de sujets plus généraux sur l’énergie nucléaire. De façon un peu surprenante de la part d’un Japonais, il a reconnu les carences qui ont conduit à la catastrophe, que je cite ici en anglais, pour être plus fidèle à son propos : « institution defect, lack of imagination and safety culture (I regret that we had all a lack of questioning attitude), insufficient robustesses and preparation ». Venant de cet ancien responsable de la sûreté de la centrale de Fukushima Dai-ichi, c’est une sorte d’acte de contrition que l’on peut garder en mémoire.

Comme je l’ai dit en introduction, les Coréens ont été très présents à la fois en nombre de participants et aussi en nombre de présentations ou en tant que panelistes. De ce point de vue, j’ai noté une certaine forme d’agressivité de la part de certains d’entre eux qui n’hésitent pas à clamer qu’ils sont les meilleurs en parlant par exemple de « Dream Team » des institutions et industriels coréens. L’un d’entre eux a d’ailleurs annoncé le développement de leur prochain produit, l’APR+ (1500 MWe), qui pourrait être construit dans un délai de 36 mois ! Effectivement, voilà une équipe qui fait rêver.

Une des nouveautés de ce congrès a été évidemment la présence marquée des EAU déjà signalée précédemment. Elle s’est traduite par plusieurs interventions concernant la construction des 4 réacteurs de 1400 MWe commandés aux Coréens, alliés à Westinghouse et à Toshiba et dont le chantier vient de démarrer dans le pays. On y a vu 1Commission créée en janvier 2010 par le Secrétaire d’Etat

à l’Energie, Steven Chu, suite au mémorandum de Barack Obama du 29 janvier 2010. Je rappelle que cette Commission de 15 membres est chargée de réfléchir aux options de gestion du combustible nucléaire usé aux Etats-Unis.

d’ailleurs des photos des premiers travaux d’aménagement du site situé évidemment en bord de mer, à environ 270 km à l’ouest d’Abou Dhabi (démarrage de la première unité prévu en 2017). Les différents orateurs sont venus expliquer entre autres les raisons du choix du constructeur (délais, budgets, partenariat, assistance, …) et l’équation énergétique de leur pays qui a motivé leur décision de faire appel à l’énergie nucléaire : croissance très rapide de la demande d’électricité (+ 9 %/an), recours au charbon (importé) plus ou moins prohibé (environnement), part nécessairement marginale des énergies renouvelables (6-7 %), pétrole non économique, gaz majoritairement importé. Au vu des ces exposés et à l’écoute des différentes discussions, il apparaît clairement que les EAU poursuivent avec détermination leur programme sans aucune inflexion après Fukushima, contrairement à ce que certains ont pu imaginer après cet accident et malgré les craintes que peut susciter l’implantation de réacteurs nucléaires au cœur d’une région pour le moins tourmentée.

Du côté français, je signale simplement une excellente intervention de Georges Servière sur les activités mondiales d’EDF, sa stratégie et l’état actuel de ses projets, avec notamment une présentation bien faite sur les EPR en construction ou en projet. Belle marque de la présence française dans ce nucléaire de plus en plus mondialisé.

Je terminerai ce bref tour d’horizon en indiquant qu’il y a eu au cours des différentes sessions, plusieurs interventions de la part de « petits » pays dont on parle moins souvent, mais pour lesquels l’option nucléaire est sérieusement envisagée, notamment dans la zone des pays Baltes (Lituanie par exemple) et la zone du sud asiatique (Malaisie entre autres).

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IV - La séance plénière d’ouverture Une nouveauté : un concert (donné par un orchestre de la marine militaire) précédait cette séance traditionnelle. Il a ouvert la séance en jouant l’hymne national américain !

L’intervention la plus attendue était celle du Congressman Michael K. Simpson, impliqué dans de nombreuses instances et commissions relatives à l’énergie. Il a clairement affiché son soutien au nucléaire, mais il a fait part des nombreuses difficultés qui entravent son développement aux Etats-Unis, notamment du point de vue politique avec le grand décalage entre les termes électoraux très rapprochés et les décisions stratégiques durables qui sont nécessaires en matière d’énergie. Il a par ailleurs insisté sur le fardeau de la dette américaine (réellement abyssale puisqu’il a lancé le chiffre de 16700 milliards de dollars, ce qui fait, si je compte bien, plus de 150 000 dollars par foyer américain) : « the bond market will crash if the Congress does not address this problem ». En réponse à une question de l’auditoire, il a même été jusqu’à affirmer, de façon un peu provocatrice, que si son pays ne faisait rien, il allait devenir la Grèce ! Et il a

ajouté « Austerity is a reality », en disant clairement que dans ces conditions, il devenait difficile de financer la recherche. Suivait une présentation assez académique sur l’organisation WENRA (« Western European Nuclear Regulator’s Association ») et ses actions « post-Fukushima ». Intéressant sans doute pour ceux qui dans la salle n’avaient aucune idée de l’existence de ces instances multinationales en matière de sûreté et de leurs travaux, mais un tel exposé n’avait pas sa place dans la séance d’ouverture d’un tel congrès. L’exposé suivant était beaucoup plus intéressant et original, car il traitait d’un sujet très spécifique, mais ô combien majeur pour le nucléaire : celui des effets sur la santé des faibles doses de radiation. Il était présenté par Sylvain Costes (d’origine française), travaillant au « Laurence Berkeley National Laboratory ». Ces travaux, financés en partie par la NASA pour l’étude des effets des rayonnements cosmiques sur les astronautes, font appel à des imageries de l’évolution dans le temps de cellules vivantes du sein soumises à des doses variables de rayonnements (des petites animations assez spectaculaires ont été présentées). Les données tirées de ces expériences sont ensuite exploitées en utilisant des modèles mathématiques. Les résultats semblent montrer que pour les faibles doses, les risques de cancers ne sont pas proportionnels aux doses reçues, ce qui contredit évidemment la fameuse loi linéaire sans seuil universellement adoptée aujourd’hui (et parfois utilisée de façon malveillante). La prudence s’impose néanmoins face à ces études qui ne constituent qu’une des pièces de ce puzzle si compliqué. La séance s’est achevée avec un discours malheureusement assez terne de la nouvelle Commissaire de la NRC, Kristine Svinicki. Après avoir parlé assez longuement de Chicago et de questions assez personnelles, elle a brossé un tableau presque bureaucratique de la NRC, en décrivant notamment sa réorganisation et son domaine d’intervention. Puis elle a décrit en termes assez convenus l’action de la NRC (« Quality and consistency of our decisions », « independence », « public involvement », etc.…). Bref, un discours pas très captivant.

Michael K. Simpson

Kristine Svinicki

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Nombre de participants inscrits par pays

Pays (> 2 personnes) Nombre de participants

Rappel juin 2011

Corée du Sud 72 31

France 63 5

Japon 43 13

Canada 31 9

Allemagne 23 11

Chine 20 8

Italie 15 3

Suède 10 6

Taïwan 8 0

Espagne 7 2

Suisse 7 4

Emirats Arabes Unis 6 2

Angleterre 6 1

Russie 6 2

Finlande 4 0

Mexique 3 0

République Tchèque 3 2

Pays Bas 2 0

Argentine 2 0

Israël 2 0

Pays avec un seul participant :

Roumanie, Belgique, Inde, Irak, Lituanie, Slovénie, Roumanie,

Colombie, Brésil, Kazakstan, Turquie, Croatie, Singapoure

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���� Regulatory Information Conference, Washington 13-15 mars 2012, Marc-Gérard Albert, IRSN

Comme chaque année au mois de mars, la NRC a organisé la Regulatory Information Conference (RIC), qui réunit les acteurs de la sûreté nucléaire, américains et étrangers. L’édition de cette année, la première après l’accident de Fukushima, a attiré plus de 3000 participants, dont des représentants de 35 pays.

Ouvrant la RIC, le Président Jaczko a souligné que la NRC, qui avait démontré sa capacité à être réactive, devait maintenant s’attacher à se montrer plus proactive, et cette importance attachée à la proactivité a constitué le fil directeur de son exposé. Rappelant les incidents survenus en 2011, l’inondation de Fort Calhoun et le tremblement de terre à North Anna, il a souligné qu’ils n’avaient pas eu de conséquences graves grâce au conservatisme de la conception de ces installations, qui était une forme de proactivité. Il s’est félicité des succès de la NRC en 2011 : le bon déroulement de l’examen de la première licence combinée (COL) de construction et d’exploitation, son action sur la culture de

sûreté et la préparation aux situations d’urgence, le suivi de la flotte et la gestion des compétences, qui devaient être plus proactifs.

S’agissant de l’accident de Fukushima, outre la mobilisation de la NRC, il a souligné l’importance à attacher à la prévention des évènements pouvant conduire à la contamination de zones significatives : si de telles situations étaient techniquement gérables, la perte de larges zones était inacceptable par la société. Il fallait étendre le concept de base de conception (« design basis ») et repenser le cadre réglementaire en termes de conséquences, et pas seulement de probabilités. L’objectif d’éviter tout relâchement de radioactivité était le seul permettant de répondre aux préoccupations du public.

Les autres commissaires et Bill Borchardt, Directeur exécutif de la NRC, se sont également exprimés en session plénière. Ce dernier a brossé un intéressant panorama des activités de la NRC en 2011 : opérations, recherche, activités internationales…

Le Commissaire Apostolakis a développé son sujet favori de la régulation guidée par l’analyse des risques (risk-informed) : ce concept devait être appliqué, sur une base pragmatique et progressive, pour repenser le cadre réglementaire et le rendre plus cohérent à l’horizon de 10-15 ans. L’approche « risk-informed » et les méthodes probabilistes permettaient de traiter l’ensemble des situations, y compris les évènements « beyond design basis » et les questions de sécurité ; dans cette perspective les analyses probabilistes de niveau 3 constituaient le niveau le plus achevé et le plus complet des études sur un site.

Le Commissaire Magwood a abordé la question de l’aval du cycle. Le stockage sur site des combustibles usés pour des durées supérieures à un siècle constituait pour lui « une très mauvaise idée ». Il était confiant dans la sûreté des solutions envisagées pour la gestion et le stockage final des combustibles et des déchets, mais était davantage préoccupé par la question des transports. Comme la Commissaire Svinicki, il estimait que la NRC devait se préparer à une éventuelle demande de licence pour une installation de retraitement. On relèvera à cet égard qu’il a cité la partition-transmutation comme une solution pour diminuer la toxicité des déchets.

Gregory Jaczko

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Même si la plupart des sessions techniques étaient centrées sur les activités réglementaires de la NRC, les présentations et les débats ont fait une large part aux réflexions post-Fukushima. Pour autant, si les analyses de l’accident, de ses conséquences et des insuffisances qu’il a révélées semblaient globalement convergentes, ces réflexions n’étaient pas toujours conclusives quant aux concepts et actions concrètes à mettre en œuvre pour améliorer la sûreté. Cependant, en marge de la RIC, l’ANS a organisé une conférence très intéressante au cours de laquelle M. Masui, du METI japonais, a présenté une description des causes, du déroulement et des conséquences de l’accident avec une précision inconnue jusqu’alors dans les présentations d’officiels japonais (une semaine plus tard, M. Masui a délivré à l’AIEA une présentation sensiblement identique, disponible sous http://www.scribd.com/doc/86730285/Causes-and-Countermeasures-Masaya-Yasui-Deputy-Director-General-Nuclear-Safety-Regulation-Reform-METI).

Enfin, la RIC a été l’occasion de confirmer l’engouement actuel aux Etats-Unis pour les petits réacteurs, objet de financements de l’administration américaine et de nombreux projets des industriels.

De nombreux supports, présentations et vidéos de la RIC sont disponibles sous http://www.nrc.gov/public-involve/conference-symposia/ric/index.html et http://video.nrc.gov .

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���� Programme nucléaire des Etats-Unis – Synthèse de la conférence de Peter Lyons (Secrétaire Adjoint pour l’énergie nucl éaire au DOE) – 26 avril 2012, François Justin, SFEN Essonne

Ne sont repris que les éléments essentiels de la conférence organisée par la Section Française de l'American Nuclear Society (SFANS) en présence de son Président Michel Debes (EDF).

Rappel du parc de 104 réacteurs (69 PWR et 35 BWR) sur 31 états, produisant 19% de l'électricité des Etats-Unis. Une remarque (qui a été énoncée sur une question finale) : l'électricité la moins chère aux Etats-Unis est actuellement produite en brûlant du gaz de schistes, dont le dégagement massif de gaz à effet de serre pourrait soulever à terme des difficultés d'acceptation ! D'ailleurs les producteurs d'électricité souhaitent toujours diversifier leurs sources.

L'opinion américaine, avec 60 à 65 % de favorables à l'énergie nucléaire avant Fukushima, n'a décru que de 5 % après l'accident, effet de la distance d'après le conférencier. Les Autorités (NRC) n'en ont pas moins demandé une analyse de la situation des réacteurs américains en service à la lumière des enseignements des causes de l'enchaînement accidentel. Après l'analyse des réponses, la NRC a conclu qu'il n'y avait pas de risque imminent, qu'une situation similaire était très improbable et que les mesures existantes réduisaient les risques de dommages sur le combustible, ce qui a permis au Président Obama de déclarer le 26 mars 2012 que les Etats-Unis poursuivront leur programme nucléaire civil. La NRC a néanmoins demandé des renforcements des centrales : • réévaluation des agressions externes, • règles plus sévères sur les pertes des

sources électriques, • mesures de réduction des conséquences

des accidents hors dimensionnement, • renforcement des évents des réacteurs

bouillants Mark 1 & 2 (causes des explosions d'hydrogène à Fukushima),

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• exigences renforcées sur l'instrumentation des piscines de stockage des combustibles usés,

• renforcement des procédures de sauvegarde,

• équipes d'intervention et de communication.

De son côté, le DOE a lancé des recherches « post-Fukushima » : • systèmes passifs de refroidissement :

convection naturelle des fluides, gravité, gaz ou vapeur sous pression,

• entreposage des combustibles usés en conteneurs secs,

• examen des critères de résistance aux séismes,

• combustibles sous forme de particules d'environ 1 mm gainées en SiC dites « TRISO » (enrobage de carbure de silicium utilisé dans les réacteurs à haute température anciens refroidis à l'hélium),

• modèle de réacteur virtuel pour les analyses de comportement des systèmes (EDF avait initié des études de simulation vers 2000 : projet REVE pour simuler les effets d'irradiation des cuves),

• formation et entraînement d'équipes d'intervention sur des réacteurs accidentés.

Un budget de 170 millions de $ sur 5 ans a été attribué à 72 universités sur ces sujets.

Par ailleurs, des recommandations ont été faites sur l'entreposage des combustibles usés et le stockage des déchets avec l'objectif de un ou deux sites de stockage profond. Le conférencier a reconnu que les élections tous les 4 ans et les alternances des instances dirigeantes n'étaient pas favorables à une politique suivie en la matière.

De même, des études de 3 cycles de combustible différents sont envisagées : direct (stockage direct des combustibles usés), ouvert modifié (une variante de ce que nous appelons MOX en France, avec un traitement partiel du combustible ne séparant pas l'uranium et le plutonium du combustible usé et stockage des MOX usés), recyclage intégral des matières fissiles (génération 4 de réacteurs à neutrons rapides en France avec stockage des déchets de haute et très haute activité).

Pour les réserves d'uranium, les Etats-Unis suivent avec intérêt les recherches japonaises sur l'extraction de l'uranium contenu dans l'eau de la mer : de 900 $ par kg d'uranium actuel, le coût pourrait descendre à 680 $ et même 250 $ à l'avenir. Il semblerait également que les Etats-Unis auraient repris les études sur l'enrichissement laser de l'uranium.

Pour ce qui est des constructions, un premier AP1000 de 1150 MWe est en construction depuis 2011 sur le site de Vogtle en Géorgie, sur un concept Westinghouse, ce site contenant déjà 2 PWRs de 1200 MWe fonctionnant depuis 1987 et 1989. C'est la première construction depuis 30 ans aux Etats-Unis. Le même type est en construction à Sanmen, en Chine, avec 2 réacteurs en construction et 4 autres prévus. A noter que l'EPR français est en cours d'étude pour la certification par la NRC.

Une nouveauté a été présentée avec beaucoup d'avantages, les « Small Modular Reactors », d'une puissance de moins de 300 MWe : • conception intégrée, • construction rapide en usine (8 fois moins

cher qu'une construction sur site), • moindre besoin de capitaux, • refroidissement à l'air possible (pour

l'évacuation de la puissance à l'arrêt ?), • implantation souterraine envisageable pour

la sûreté, • budget de 452 millions $ sur 5 ans pour

développer 2 conceptions différentes, • pourraient être implantées sur des sites US

où des anciennes centrales à charbon seraient démantelées.

NB : en italique : commentaires sur les éléments développés par le conférencier.

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���� Convention de la Société Française d’Energie Nucléa ire (SFEN) - 8 et 9 mars 2012 - "Le nucléaire un an après Fukushima"

I - Présentation des deux journées de la convention La catastrophe survenue le 11 mars 2011 sur la côte est du Japon, due à un séisme majeur suivi d'un Tsunami dévastateur a été un traumatisme dramatique pour ce pays. Au-delà des nombreuses victimes et des conséquences directes de cet évènement, l'impact sur les tranches nucléaires de Fukushima, dont l'ampleur a excédé les bases de dimensionnement des installations, a conduit à des rejets radioactifs nécessitant des mesures de protection importantes des populations et de l'environnement. La sûreté des réacteurs partout dans le monde a été soumise à questionnement, en particulier en France et en Europe.

De nombreuses informations ont déjà été fournies et des débats ont eu lieu dès les premières semaines de l'accident. Des vérifications et évaluations complémentaires de sûreté ont été engagées et des mesures ont été prises ou sont en cours pour prendre en compte ce retour d'expérience et renforcer, là où c'est nécessaire, la défense en profondeur et la sûreté des installations nucléaires, ainsi que les organisations et moyens de crise vis à vis de situations extrêmes.

Le but de ces deux journées de la convention SFEN 2012, un an après cet accident, a été de rassembler les informations objectives et synthèses disponibles pour en présenter un bilan aussi complet que possible, en tenant compte des résultats des réflexions et études

engagées. Après une introduction de Luc Oursel, Président de la SFEN, et une intervention du Premier Ministre François Fillon sur l'importance de l'énergie nucléaire pour la France, la première journée a permis de présenter les grandes lignes d'action qui contribueront à accroître la sûreté des tranches nucléaires, en tenant compte des enseignements tirés de l'évènement. La deuxième journée a cherché à porter un regard sur la situation du nucléaire mondial dont le développement ralenti dans certains pays se poursuit néanmoins au plan mondial, et à évoquer les aspects et conséquences économiques et sur les systèmes de production et réseaux d'électricité. Elle a aussi permis de couvrir les impacts possibles sur les bilans énergétiques et corrélativement les rejets de GES. La Jeune Génération a été sollicitée pour exprimer sa vision et les impacts sociologiques ont été évoqués. Cette journée s'est achevée par une table ronde concernant la question de l'acceptation publique et par une conclusion de Dominique Minière, Vice Président de la SFEN, sur la ré-interrogation du nucléaire après Fukushima. Les présentations de cette journée sont disponibles sur le site de la SFEN. Nous reprenons ici une présentation faite par un représentant de l'Industrie nucléaire américaine Jim Spina (CENG) et la conclusion de Dominique Minière, Vice Président de la SFEN.

II - Industry Current Status and its Prospects in t he United States - Mr. Jim Spina - Vice-

President Corporate Site Operations of CENG

Les 104 réacteurs en exploitation aux USA, sur 65 sites de production, constituent une flotte diversifiée : 69 PWR (Westinghouse, B&W, CE) et 35 BWR (GE, Mark I or II containment), avec 10 grands exploitants, mais aussi des exploitants de tranche unique. Les principaux acteurs industriels sont les Owner's Groups (PWROG, BWROG) qui apportent une plateforme commune pour la résolution des problèmes techniques, le NEI, qui porte la voix de l'industrie sur les questions réglementaires et politiques, l'INPO qui s'assure de l'excellence d'exploitation et l'EPRI pour la recherche.

Les centrales américaines ont déjà vécu des agressions externes (séismes : Perry en 1986, North Anna en 2011 ; tempêtes et tornades ; inondations : Fort Calhoun et Cooper en 2011...) et des programmes d'action ont été ou sont engagés : Individual Plant Examination for External Events

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(IPEEE, 1988) ; Station Black Out Analysis (10CFR50.63, 1988), réévaluation du risque sismique (NRC Generic Issue 199, 2006) ; exigences réglementaires de la NRC post 9/11 pour accroître le niveau de protection (10CFR50.55, B.5.b). � Actions réglementaires

La NRC, après un rapport en juillet 2011, a défini les actions prioritaires à engager (octobre 2011) : - actions à engager sans délai (Tier1. “no undue delay”) :

réévaluation des risques sismiques et d'inondations, réexamen de la Station Black Out Rule, mitigation des accidents hors dimensionnement, fiabilité des système d'éventage (BWR Mark I et Mark II), instrumentation des piscines de combustibles, procédures d'urgence et gestion des accidents graves ;

- actions à mener dès que possible (Tier2. selon ressources critiques) : possibilité d'appoint de secours en piscine combustible, compléments réglementaires aux procédures d'urgence ;

- sujets en cours d'examen par la NRC (Tier3.) : risques sismiques et inondation, maîtrise des incendies ou inondations déclenchés par un séisme, fiabilité des systèmes d'éventage pour les autres types de confinements (BWR), contrôle et mitigation du risque H2 à l'intérieur du confinement ou autres locaux, organisation d'urgence pour les situations de « prolonged station black out » et des évènements affectant plusieurs tranches.

Des questions complémentaires sont encore en cours d'évaluation par la NRC : filtration associée aux systèmes d'éventage (pour juillet 2012), perte de la source froide ultime, étendue de la zone d'urgence, distribution de pastilles d'iode au-delà de 10 miles, transfert du combustible usé en stockage sec, instrumentation sismique. � Organisation de l'industrie

A partir des enseignements tirés de Fukushima (INPO, EPRI, vendeurs..), des actions à court terme ont été engagées dès mars et mai 2011 (INPO IER 11-1 et 11-2).

La réponse de l'industrie est pilotée de façon spécifique par un "Fukushima Response Steering Committee" (animé par CENG), focalisé sur les bénéfices à tirer pour la sûreté rapidement et de manière cohérente pour l'ensemble de la flotte nucléaire, en interaction avec la NRC.

Elle couvre d'une part des actions de vérification à court terme (gestion des accidents internes et externes, refroidissement des combustibles usés et mitigation, formation des opérateurs, marges en cas de perte de toutes les sources de puissance AC) et des programmes d'action ciblés moyen et plus long terme (2016) : - programme FLEX : approvisionnement de moyens mobiles pour préserver les fonctions de sûreté

critiques (pompes, générateurs diesels, compresseurs, câbles et raccordements, logistique, batteries...) sur site et sur des bases régionales (achats mars 2012) ;

- confinement : fiabilité des systèmes d'éventage BWR (Mark I-II), conditions d'accès et opérabilité en situation accidentelle (perte de source...), stratégie d'éventage précoce, filtration (NRC policy juillet 2012) ;

- gestion des accidents graves/emergency preparedness (EP) : utilisation des équipements mobiles, stratégies de confinement, guides d'accidents graves (SAMG) ; extension à des scénarios multi-tranches, difficultés d'accès, perte de sources prolongées.

MARK 1 - Enceinte

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� Actions menées par CENG (Constellation Energy Nucle ar Group)

CENG exploite les centrales de Nine Mile Point 1/2 (2 BWR: GE 2/MarkI 610 MWe et GE 5/MarkII 1140 MWe), R.E. Ginna (1 PWR Wes-2 loop 585 MWe) et Calvert Cliff 1/2 (2 PWR CE-2loop 850 MW).

En complément des actions passées ou en cours (agressions externes, Station black out, éventage Mark I...), CENG a initié des vérifications (marges par rapport aux agressions externes, pertes prolongées des sources de puissance...) et a engagé un projet en cohérence avec la réponse de l'industrie pour satisfaire aux exigences fixées par la NRC : déploiement du programme FLEX pour fin 2012, mise en œuvre de

modifications : batteries, renforcement du système d'éventage Mark I (tenue au séisme), filtration, tenue à haute température de joints des pompes primaires, inondations, scénarios multi-tranches.... En conclusion , la réponse de l'industrie nucléaire a été coordonnée en vue d'aboutir à des améliorations de sûreté significatives fondées sur les enseignements de Fukushima. Une stratégie de prévention et de mitigation a été définie, avec priorité aux actions destinées à prévenir les dommages au combustible et à maintenir l'intégrité du confinement et pouvant apporter un maximum de bénéfice pour la sûreté à court terme (2012) et plus long terme (2016), en cohérence avec les actions engagées au plan international. CENG a pris des initiatives proactives et cohérentes avec la réponse de l'industrie américaine et des exigences réglementaires.

Nine Mile Point

R.E. Ginna

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III - Conclusion des journées SFEN « Il me revient le redoutable privilège de conclure ses 2 journées sur « Fukushima, un an après », organisées autour des 2 thématiques que sont La Sûreté d’un côté, les Perspectives de l’autre. Je pense parler en votre nom pour dire combien ces 2 jours ont été une vraie réussite et marqueront je le pense, l’histoire de la SFEN. Par la qualité des exposés tout d’abord. Et par la HAUTEUR de VUE qui, je le crois, ont marqué comme une clavette l’ensemble des présentations et des échanges. Que ces échanges aient porté sur la technique, avec les ECS, sur l’organisation de la sûreté, avec l’exposé sur WANO ou la table ronde d’hier, sur les perspectives énergétiques aujourd’hui ou sur la perception des risques et de l’acceptabilité. Finalement, à quoi nous conduit cette hauteur de vue ? D’une part, à placer le nucléaire dans son HISTOIRE. Le nucléaire n’est ni une évidence, ni le diable en personne. Le nucléaire, l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire s’inscrit dans une histoire, une naissance difficile, une croissance …et des accidents de croissance. Si je peux reprendre ma casquette EDF quelques minutes, je rappellerai qu’EDF, c’est Electricité de France, pas Nucléaire de France, notre mission est une mission de Service Public, Produire de l’Electricité Sure, Propre et Pas Chère. Il est normal que l’accident de Fukushima nous réinterroge et réinterroge la place, voire l’existence du nucléaire civil. Et il me semble que c’est d’autant plus urgent qu’il faut se rappeler, les débats l’ont montré, qu’il y aura de plus en plus de nouveaux entrants dans le nucléaire, de nouveaux pays, de nouveaux opérateurs, et si l’on se souvient que la plupart des accidents ont eu lieu quelques mois, voire quelques années après le démarrage des réacteurs, les risques sont peut-être encore plus devant nous que derrière nous. La question est bien : quels enseignements faut-il tirer de Fukushima, que va réinterroger cet accident ? Là aussi, sachons revenir à l’HISTOIRE de la SÛRETE NUCLEAIRE. Three Miles Island nous a appris qu’au-delà de la conception aussi bien faite que possible, il y a derrière les machines, des hommes et des femmes qui exploitent les réacteurs, peuvent faire des erreurs, de là l’importance des facteurs humains, des procédures et de l’interface homme/machine. Tchernobyl a conduit à l’émergence du concept de Culture Sûreté. Et de l’importance de la Transparence. Je ne sais pas, si pour reprendre des éléments de la précédente table ronde, il faut en la matière faire des « open datas », quelle est la psychologie des « sachants », de quelle pédagogie il faut faire preuve. Je sais simplement qu’une industrie comme la nôtre ne doit pouvoir jamais être accusée de manque de transparence. J’ai appris que la transparence ce n’est pas rien dire bien sûr, ce n’est pas tout dire non plus, c’est pour reprendre l’expression de Comte Sponville, « dire aux autres ce qu’ils n’aimeraient pas apprendre par quelqu’un d’autre que vous ». Ce qui vous place immédiatement dans la logique de l’autre, pas dans votre logique propre. La vraie difficulté pour les opérateurs de nos centrales, c’est que ce qui est important pour eux, une pompe qui sur les voies de sûreté pourrait ne pas fonctionner en cas d’accident, donc un Evènement Significatif Sûreté de niveau 1, voire de niveau 2, n’est pas forcément ce qui est important pour le public. Alors qu’un Evènement de niveau 0, voire non classé, typiquement un rejet radioactif extrêmement mineur qui sera peu important pour les opérateurs le sera pour le public. La difficulté pour les opérateurs est bien de se placer dans cette logique de l’autre tant pour la communication …que pour la détection des évènements. Et que va donc réinterroger Fukushima ? Je n’ai pas LA réponse. Tout juste puis-je à ce stade, vous donner quelques éléments sur ce que je perçois comme étant MA réponse. Je pense que Fukushima va réinterroger :

Dominique Minière

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� D’un côté la gouvernance mondiale du nucléaire. Notamment avec l’arrivée de nouveaux entrants. On voit bien qu’un accident anywhere est un accident everywhere. Et que dans le même temps, le nucléaire est une matière politique dont aucun pays ne laissera le pilotage à une organisation internationale quelle qu’elle soit. Sans doute la solution passe-t’elle par des clavettes à tous les étages : l’AIEA qui contrôlerait fortement les Etats, les Autorités de Sûreté qui dans une grande organisation internationale, se challengeraient et progresseraient ensemble. Enfin des opérateurs qui à travers WANO renforcent le contrôle de chacun d’entre eux dans leur propre intérêt commun.

� D’un autre côté, plus philosophiquement, je pense que Fukushima montre que l’inacceptable n’est

pas le nombre de morts, qui resteront très limités, mais c’est la possible contamination long terme de territoires après un accident nucléaire sévère. Et c’est mon propre personnel qui me l’a fait comprendre, quand après Fukushima, il y a eu ces longs débats dans nos centrales sur le thème : est-ce possible chez nous ? Tout simplement parce que les premières personnes concernées, ce serait notre personnel, leur famille, leurs parents, leurs amis qui vivent auprès de nos centrales. Et tout simplement parce que c’est ce qui fait la différence entre un accident « classique », une explosion d’une usine par exemple, où la vie peut reprendre après le deuil, et un accident nucléaire : si quelqu’un qui habite à Orléans peut imaginer demain qu’en cas d’accident à Saint-Laurent, à 20 km environ, il doit évacuer sa maison de famille et que le petit fils de son petit fils ne pourra pas l’occuper, alors oui pour lui, le nucléaire est inacceptable. Et oui pour moi aussi, c’est inacceptable et il faut l’arrêter. La question est donc bien de savoir comment rendre cette contamination long terme impossible : • Bien entendu via le renforcement de la conception de nos réacteurs, via la résistance de nos

installations. Nous avons déjà fait beaucoup après les accidents antérieurs, la mise en place de recombineurs à hydrogène, surtout la mise en place de filtres à sable qui retiendraient le césium, responsable de cette contamination long terme. Mais nous pouvons encore faire plus, c’est le sens des mesures proposées dans les ECS.

• Mais si au-delà de tout ce renforcement, il nous faut imaginer l’inimaginable, par définition impossible à prévoir à la conception, il nous faut alors renforcer la résilience de nos organisations : face au cygne noir du livre de Taleb, qui conduit à la conclusion que même en minorant le risque d’accident via la conception, une industrie qui aurait pour conséquence quelque chose d’inacceptable n’est pas viable, la seule réponse ne peut être que dans la résilience des organisations. Notamment de manière à pouvoir retrouver, dans les premières 24 heures, avant l’ouverture du filtre à sable, eau et électricité nécessaire au refroidissement de nos réacteurs. C’est le sens de la Force d’Action Rapide du Nucléaire.

Au final, y aura-t’il un avant et un après Fukushima ? Je me méfie des formules. Mais il me semble qu’on ne peut plus parler du nucléaire, en tout cas, je n’en parle plus après Fukushima de la même façon qu’avant. Il me semble important d’inscrire le Nucléaire :

� Dans son histoire

� Dans son utilité : • économique : UN moyen de produire de l’électricité, pas LE moyen et il faut donc pouvoir aussi

parler des autres, • industrielle et vis-à-vis des emplois, • environnementale : avec d’un côté son impact positif sur le climat, de l’autre la question des

déchets.

Mais dans ses risques aussi, dans son volet SÛRETE. Avec d’un côté la responsabilité UNIQUE de l’exploitant, ce qui suppose un modèle industriel pour qu’il puisse l’exercer, celui de l’exploitant concepteur, qui a les moyens d’augmenter régulièrement le niveau de sûreté de ses réacteurs. Et de l’autre, une CONVICTION forte, qui n’est pas forcément partagée par tous, comme l’a montré le débat d’hier : la seule SÛRETE VIABLE est une SÛRETE qui PROGRESSE en permanence.

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Pour terminer, le rôle de la SFEN est d’éclairer ses membres, de les informer. Je pense que le rôle de la SFEN est aussi de les mettre en questionnement, car nous ne sommes jamais meilleurs en sûreté que lorsqu’on doute et que l’on s’interroge. Et que nous ne sommes jamais meilleurs pour faire avancer les débats que lorsque nous sommes humbles, sûreté rime avec humilité, que nous écoutons, que nous ENTENDONS, que nous ne sommes pas arrogants et donc pas crispés, bref quand nous avons une vraie humanité. Car in fine, ne sommes nous pas que des hommes et des femmes. J’espère que vous vous sentez à l’issue de ces 2 jours, à la fois rassérénés, mais aussi questionnés et donc d’une certaine façon GRANDIS. Merci. »

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