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INSTITUT DE FORMATION EN SOINS
INFIRMIERS
Groupement d’Intérêt Public
1 Rue Etienne Gourmelen – BP 1705
29107 QUIMPER CEDEX
L’impact des odeurs dans
le soin
Mémoire d’initiation à la recherche
en soins infirmiers
Semestre 6 : UE 3.4, UE 5.6, UE 6.2.
Catherine GADAL
Promotion 2012/2015
Formation en Soins Infirmiers Formateur guidant : Madame Marie-Hélène VANNSON
INSTITUT DE FORMATION EN SOINS
INFIRMIERS
Groupement d’Intérêt Public
1 Rue Etienne Gourmelen – BP 1705
29107 QUIMPER CEDEX
L’impact des odeurs dans
le soin
Mémoire d’initiation à la recherche
en soins infirmiers
Semestre 6 : UE 3.4, UE 5.6, UE 6.2
Catherine GADAL
Promotion 2012/2015
Formation en Soins Infirmiers Formateur guidant : Madame Marie-Hélène VANNSON
Je déclare sur l’honneur que ce mémoire est le fruit d’un travail personnel, que je
n’ai ni contrefait, ni falsifié, ni copié tout ou partie de l’œuvre d’autrui afin de la
faire passer pour mienne.
Toutes les sources d’information utilisées et les citations d’auteur ont été
mentionnées conformément aux usages en vigueur.
Je suis consciente que le fait de ne pas citer une source ou de ne pas la citer
clairement et complètement est constitutif de plagiat, que le plagiat est considéré
comme une faute grave au sein de l’IFSI, pouvant être sévèrement sanctionnée.
Note au lecteur
« Il s’agit d’un travail personnel et il ne peut faire l’objet d’une publication en
tout ou partie sans l’accord de son auteur »
Remerciements
Tout d’abord, je tiens à remercier Pascal, mon époux, de même que mes deux
garçons, Arthur et Alex pour leur soutien, durant ces trois années et leurs
encouragements sans faille.
Ensuite, je remercie Marie-Hélène VANNSON, ma formatrice de guidance, pour
ses conseils, la disponibilité qu’elle m’a accordée et surtout ses encouragements
qui m’ont été d’une aide précieuse.
Je remercie Mamounette, Annie, Hélène, Andrée, Manue et également toutes les
personnes qui ont participées à l’élaboration de ce travail de recherche, de loin
comme de près, tout particulièrement les professionnelles de terrain qui ont bien
voulu m’accorder du temps et sans qui ce travail n’aurai pu aboutir.
Sommaire
Pages
Introduction ....................................................................................................................... 8
Situation d’appel ............................................................................................................... 9
1 Analyse de la situation : ....................................................................................... 10
Cadre conceptuel ............................................................................................................. 12
1. Définition et déontologie de la profession d’infirmière ....................................... 12
1.1 Soin, conception des soins infirmiers ........................................................... 13
1.2 Le prendre soin ............................................................................................. 15
2 L’Odeur ................................................................................................................ 16
2.1 L’olfaction ou l’odorat ................................................................................. 17
2.2 Emotions générées par les odeurs ................................................................. 18
2.3 Représentations générées par les odeurs ...................................................... 19
3 La relation de soin ................................................................................................ 20
3.1 Définition de la relation ................................................................................ 20
3.2 La relation soignant/soigné ........................................................................... 21
3.3 La communication dans la relation ............................................................... 22
3.4 Les mécanismes de défenses ........................................................................ 23
Synthèse du cadre conceptuel ..................................................................................... 24
Enquête de terrain ........................................................................................................... 26
1. Présentation du dispositif et des modalités d’enquête ......................................... 26
1.1 Choix et construction de l’outil d’enquête ................................................... 26
1.2 Choix des lieux et des populations ............................................................... 26
1.3 Modalités de réalisation ................................................................................ 27
1.4 Traitements des données recueillies ............................................................. 27
2 Analyse des données recueillies .......................................................................... 27
3 Synthèse de l’analyse ........................................................................................... 33
Conclusion ...................................................................................................................... 35
Bibliographie .................................................................................................................. 36
7
Citation d’auteur
« L’homme est un parfum délicat qui imprègne la conduite entière. »
HEGEL, leçon sur la philosophie de la religion
« L’odeur agit sur nous sans limites, autrement dit nous plongeons dans elle »
HUBERTUS TELLENBACH
8
Introduction
A l’issue de ces trois années de formation en Institut de Soins Infirmiers, un mémoire
d’initiation à la recherche en soins infirmiers m’est demandé. Pour ce faire, j’ai choisi
une situation d’appel afin d’appuyer le travail de recherche sur une thématique en lien
avec le domaine de soins infirmiers.
Ma thématique porte sur « l’impact des odeurs dans le soin ». Les odeurs que je
développerais dans mon cadre théorique, sont présentes dans le soin infirmier et parfois
leurs présences, perturbent la dynamique relationnelle. Ainsi, avant mon entrée à l’IFSI,
j’ai travaillé en tant qu’aide-soignante, j’exerçais dans un environnement où les odeurs
tenaient une place particulière, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Dans le milieu de
de la santé, nous sommes tous exposés aux odeurs humaines, corporelle, de plaies
tumorales, d’escarres, de pathologies, de même que celles des dispositifs médicaux.
Nous sommes imprégnés et évoluons quotidiennement avec ces odeurs auxquelles nous
réagissons de manière singulière, pouvant ainsi modifier ou non nos attitudes. Certes, je
ne prêtais pas une attention particulière au sens olfactif, mais au cours des stages en tant
qu’étudiante en soins infirmiers, j’ai été confrontée à des situations de soin, durant
lesquelles, ces odeurs ont été source de difficulté. Face à cette problématique, j’ai pris
conscience de la place de l’odeur dans le soin. Aussi, cette thématique me permettra de
mieux comprendre leurs impacts dans la relation de soin.
En premier lieu, je présenterai ma situation d’appel avec son analyse. A partir de celle-
ci émergera ma question de départ. Ensuite, je développerai un cadre conceptuel ou je
reprendrai les notions essentielles de ma recherche. Puis, je procéderai à l’enquête de
terrain, j’analyserai les entretiens réalisés. Et enfin, je terminerai par une synthèse de la
recherche et la conclusion de ce travail d’initiation à la recherche en soins infirmiers.
9
Situation d’appel
Lors de ma deuxième année à l’IFSI, j’effectue un stage de dix semaines en psychiatrie,
dans un service d’admission, secteur fermé. Je commence ma troisième journée de stage
en horaire d’après-midi. Les transmissions avec l’équipe du matin se terminent avec un
appel téléphonique d’un psychiatre de l’unité nous informant de l’arrivée d’un patient,
transféré du service des urgences de l’hôpital général. Il s’agit d’un homme âgé de 56
ans, adressé pour un sevrage alcoolique avec une prescription d’une douche
antiparasitaire car il est porteur de poux.
Avec l’équipe infirmière présente cet après-midi-là, il est convenu que je suive
l’infirmier référent pour la prise en charge du patient en sevrage. Avant de vérifier la
chambre réservée à cette entrée, l’infirmier référent recherche auprès du cadre de santé
le protocole spécifique à l’isolement parasitaire. Ainsi, tout est préparé avant l’arrivée
du patient attendu.
Quelques minutes après, la sonnette du service retentit, nous indiquant une visite. Il
s’agit probablement de notre entrée. L’infirmier référent se dirige vers le hall d’accueil
pour ouvrir aux brancardiers. Nous recevons le patient qui, à première vue, semble mal
en point. Une odeur enveloppante se dégage du brancard et nous dérange. Un des
ambulanciers s’empresse de conduire le patient vers sa chambre, prétextant un retard sur
un autre rendez-vous. Nous nous dirigeons vers la chambre située en bout de couloir. En
règle générale, une présentation du service et du règlement est faite avec le patient avant
de réaliser un inventaire de ses affaires personnelles dans sa chambre.
Avant d’effectuer le transfert du patient du brancard au lit, l’infirmier s’empare d’une
surblouse, d’un masque, d’une charlotte et m’invite à en faire de même. Les
ambulanciers nous font part de leur trouble concernant l’état d’incurie de cet homme, du
fait qu’il sente mauvais. Ils verbalisent leur mécontentement quant à l’odeur fortement
désagréable dégagée par le patient durant son transport et qui les a fortement
incommodés. L’infirmier acquiesce d’un mouvement de tête en signe de
compréhension. Nous nous sommes déjà rendu compte du malaise provoqué par cette
odeur oppressante qui emplit la pièce.
L’infirmier ouvre discrètement la fenêtre afin d’inhaler un peu d’air avant de se tourner
vers le patient qui laisse paraitre une certaine négligence dans sa prise en soin, au
niveau de son hygiène corporelle. Quelques instants après, l’infirmier réalise l’entretien
d’accueil du patient avec la surveillance clinique et la prise en charge du sevrage :
réhydratation per os, thérapeutique médicamenteuse à visée sédative, avec la prévention
des crises convulsives et des complications neurologiques. Le patient ne montre pas de
signes particuliers du sevrage et semble être rassuré par rapport à l’arrêt de l’alcool. Il
vient à exprimer son embarras face à sa situation sociale « Moi je suis à la rue, SDF
quoi, vous ne pouvez pas comprendre. » Je cerne mieux son problème d’hygiène et sa
précarité.
Je vais l’aider pour effectuer la douche antiparasitaire. Durant tout le soin, j’ai beaucoup
de difficulté à me concentrer sur le patient, son odeur m’incommode vraiment. Je ne
veux pas lui montrer ma gêne, j’ai du mal à respirer, je retiens des grimaces du visage
camouflées derrière le masque qui me fait transpirer, j’ai une sensation d’étouffement.
10
J’évite son regard, je lui fais des réponses brèves, je veux que ce soin s’achève le plus
rapidement possible. Cependant, j’estime que cet homme a le droit aux mêmes
attentions que quiconque.
Une fois le soin fini avec le patient, je m’empresse de retirer la surblouse, la charlotte et
le masque, je veux effacer cette odeur prégnante. Toutefois mon attitude me questionne
sur la prise en charge singulière de ce patient.
1 Analyse de la situation :
J’ai travaillé dans un établissement psychiatrique, pendant plusieurs années en tant
qu’aide-soignante, et ainsi j’ai eu l’occasion d’être confrontée au problème d’hygiène
corporelle notamment chez les psychotiques, qualifiés de patients en état d’incurie.
Ceux-ci présentant une négligence des soins corporels et de l’habillement, j’ai
connaissance des difficultés qu’elles engendrent dans la relation de soin. Dans la
situation présente, la marginalisation du patient l’a conduit à un tel mépris de son corps,
que la relation de soin est entravée par l’odeur déplaisante qu’il exhale. Cependant, il
est du devoir infirmier d’apporter des soins d’hygiène, afin de satisfaire un des 14
besoins fondamentaux selon le modèle de Virginia Henderson1 « être propre et protéger
ses téguments » dimension biologique de la personne, tout en tenant compte de sa
souffrance.
Dans cette situation de soin, bien qu’ayant connaissance du statut social du patient, et de
son âge, je suis surprise par son apparence physique et surtout par l’odeur corporelle
qu’il dégage. Mes sens sont mis en éveil. Pour son transfert, le patient porte une
charlotte afin de dissimuler sa longue chevelure envahie de poux. Son visage laisse
paraitre des signes de fatigue accentués par son problème d’alcoolisme et masqués sous
une barbe non entretenue. Un manque d’hygiène est évident.
L’observation et la surveillance clinique, me conduisent à une proximité du patient, et
de ce fait me mettent mal à l’aise. L’odeur qui se dégage est désagréable, je la subis
comme une agression. J’ai du mal à garder une écoute active, à me focaliser sur le soin.
Mon regard se fixe sur ses mains aux doigts bouffis au bout desquels je découvre de
longs ongles crasseux. Mon odorat est mis à rude épreuve.
En effet, j’ai l’impression que les effluves nauséabondes deviennent de plus en plus
insupportables rien qu’au regard porté sur le patient. Je suis envahie par des émotions,
la gêne me pousse à une réaction de dégout à son égard. Mon attitude ne montre-t-elle
pas un manque d’intérêt, voire un manque de considération de la personne?
Certes mes valeurs soignantes sont bien ancrées et je respecte sa dignité. Je ne suis pas
dans un jugement. La seule stratégie que je puisse mettre en place est de faire au plus
vite la douche afin de ne plus subir ces odeurs incommodantes. Inconsciemment les
mécanismes de défenses se mettent en place, faire au plus vite la douche et fuir cet
espace. La communication qui s’ensuit est du registre du non-verbal.
1 HENDERSON Virginia, infirmière Américaine, (1892-1996), modèle conceptuel de soin basé sur L’école
des besoins.
11
La particularité embarrassante, voire tabou des mauvaises odeurs conduit à ce niveau de
communication. Aussi il m’est impensable de dire au patient qu’il ne sent pas bon.
Qu’est-ce-qui me dérange le plus chez cette personne, son apparence ou son odeur ?
Comment prendre en compte son incurie ?, En est-il conscient ? Mon rôle n’est-il pas de
l’accompagner afin qu’il puisse recouvrer une notion de bien-être ?
Cette situation de soin, m’a fait prendre conscience de l’importance des odeurs au cours
du soin.et suscite plusieurs interrogations :
Pourquoi est-ce difficile de prendre soin d’un patient présentant une odeur
désagréable ?
Les mauvaises odeurs sont-elles préjudiciables à la relation de soin ?
Est-il possible de s’habituer aux mauvaises odeurs ?
Mon attitude est-elle acceptable par rapport à mes valeurs soignantes ?
Ai- je porté une attention suffisante au patient, au point de ne pas tenir compte
de sa souffrance psychique ?
Ainsi cette situation et ces interrogations m’amènent à considérer l’importance de
l’odeur dans le soin et orientent ma question de départ :
En quoi les odeurs ont-elles un impact dans la relation de soins ?
12
Cadre conceptuel
A partir de l’analyse de ma situation et de mon questionnement, j’ai choisi d’explorer
différents concepts à l’aide d’ouvrages, d’articles, de revues scientifiques et
professionnelles.
Aussi avant de développer les concepts de soins, de prendre soin, il me semble
important de revenir sur la définition de la profession infirmière et sa déontologie.
J'étudierai ensuite le concept des odeurs, avec les émotions, et les représentations
qu’elles peuvent générer. Et concernant le troisième concept, je parlerai de la relation de
soin, avec la relation soignant/soigné et de la communication non verbale.
1. Définition et déontologie de la profession d’infirmière
Je souhaite aborder en premier lieu, la déontologie infirmière, avec nos obligations
professionnelles, et la réglementation, cela constitue le cadre de la prise en charge du
patient.
L’exercice de la profession infirmière est soumise.au code de la santé publique
définissant ses domaines d’activité et ses responsabilités.
Les conditions liées à l’exercice de la profession, l’organisation et les règles
professionnelles de même que les dispositions pénales sont clairement stipulées dans la
partie législative du code de la santé publique. La partie réglementaire avec ses règles
professionnelles légifère l’exercice du métier, et le définit tel que ceci : « Est considérée
comme exerçant la profession d’infirmière ou d’infirmier toute personne qui donne
habituellement des soins infirmiers sur prescription ou conseil médical, ou en
application du rôle propre qui lui est dévolu ».2
La fonction infirmière inscrite à l’article R. 4311-1 mentionne « l’exercice de la
profession d’infirmier ou d’infirmière comporte l’analyse, l’organisation, la réalisation
de soins infirmiers et leur évaluation, la contribution au recueil de données cliniques et
épidémiologiques et la participation à des actions de prévention, de dépistage, de
formation et d’éducation à la santé ».
Dès lors l’infirmier peut mettre en œuvre des soins de manière autonome ou relevant
d’une prescription médicale. Nous distinguons ainsi les actes qui relèvent du rôle propre
et ceux qui relèvent d’une prescription médicale. Les actes prescrits sont des actes que
l’infirmier ne peut pas réaliser de sa propre initiative, il n’est habilité à les pratiquer que
sur application d’une prescription médicale ou sur application d’un protocole
préalablement établi. Le rôle propre permet à l’infirmier de réaliser des activités de
soins liés aux fonctions d’entretien et de continuité de la vie, des soins palliants un
manque ou une diminution de l’autonomie, des actions d’identification des besoins, des
risques et des soins assurants le confort et la sécurité de la personne.
2 Profession infirmier, Exercice de la profession, Berger-Levrault, 2012, p.150-199
13
L’exercice infirmier est également soumis à un code de déontologie. Il contient
l’ensemble des devoirs de l’infirmière diplômée d’Etat ou de l’étudiante en soins
infirmiers. Ces règles professionnelles communes à tous les modes d’exercice précisent
les obligations des infirmiers envers les patients et la profession. Il en dégage des
valeurs de la profession à savoir le respect de la vie et de la personne humaine, de sa
dignité et de sa vie privée, la neutralité, la non-discrimination et la morale infirmière.
La déontologie infirmière, nous permet de voir les principes de moralité, d’éthique et de
compétences requises, lors de la prise en charge des patients. Il est à noter, qu’en
parallèle des textes réglementant la profession infirmière, les patients bénéficient de
droits fondamentaux inscrits dans plusieurs textes, comme la Loi du 4 mars 2002, dite
« loi Kouchner, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé »3
Cette loi mentionne l’ensemble des droits fondamentaux qui doivent être respectés
lorsqu’un malade est pris en charge. De plus, concernant les droits des patients, la
circulaire du 2 mars 2006, « Charte de la personne hospitalisée » souligne également
que : « la personne est traitée avec égards »4. En conséquence, le cadre légal permet la
reconnaissance du statut des patients, leur donnant la possibilité de s’engager dans leur
santé et d’être acteur du soin.
Concernant la situation de soin évoquée, j’estime avoir adapté les règles de bonnes
pratiques professionnelles, référencées au code de déontologie infirmier. Malgré la
situation personnelle du patient, sans abri, son problème d’alcoolisme, son incurie, les
soins ont été réalisés sans jugement, avec respect de la personne soignée et de sa
dignité.
1.1 Soin, conception des soins infirmiers
Avant de commencer par la définition du soin, mes lectures, m’ont orientée vers une
approche anthropologique du soin qui correspond à mes valeurs, à mes représentations,
des soins infirmiers à savoir que:
« Soigner n’est pas un acte médical. On peut vivre sans traitement mais pas sans soin.
[…]Toute situation de soin nécessite de partir de la personne malade, et pas seulement
du diagnostic de soin. Il est important de connaitre les croyances du patient, ses
représentations par rapport à la maladie, au corps, au soin et les liens entre les uns et
les autres, afin de respecter ce qui appartient à l’identité intime de la personne. »5
J’ai poursuivi les recherches, et sur le plan sémantique, les définitions du soin sont
multiples. Il existe différentes approches des soins infirmiers suivant les courants de
pensée des soins infirmiers.
J’ai relevé deux définitions, qui semblent correspondre le mieux à ma situation d’appel :
3 DESOIGNE Philippe. Cours : Sciences humaines, sociales et droits, UE 1.3 S1 : Législation, éthique,
déontologie. IFSI Quimper-Cornouaille. Novembre 2012. 4 Ibid.
5 DARGENT Fanny. Psychologie, sociologie, anthropologie. UE 1.1.Issy-les-Moulineaux, Elsevier Masson :
2012. P.71-72.
14
Définition du Robert : Le soin « Actes par lesquels on soigne quelque chose ou
quelqu’un. Action agréable à quelqu’un. Action par lesquelles on donne à son
propre corps une apparence nette et avenante. Actions par lesquelles on
conserve ou on établit la santé. Synonyme : attention, prévenance, sollicitude,
douceur, cajolerie, nursage, hygiène, secours… ».6
Dans le dictionnaire des soins infirmiers, le soin est défini comme « une action
ou un ensemble d’actions qu’une personne accomplit pour se soigner ou pour
soigner autrui »7
Ces deux définitions, nous permettent de voir le concept de soin sous deux dimensions,
la première, perceptive qui répond au terme « care » lorsqu’il s’agit de « faire attention
à… », « se soucier de… ». La seconde est une dimension de l’action s’expliquant par le
terme « cure » qui vise à réparer puisse qu’il s’agit de « traiter… », « de procurer des
soins à … ».
Le care permet au soignant d’intégrer la question de la vulnérabilité, de la sensibilité et
de la dépendance. C’est la conception fondamentale des soins infirmiers prenant en
compte l’aspect scientifique et technique du soin à des qualités humanistes dans le but
de promouvoir le bien-être de la personne. Cependant, cette perception suppose une
disposition morale du soignant avec des valeurs soignantes, tolérance, respect de la
pudeur et de la dignité envers la personne.
Les infirmiers, comme nous l’avons vu précédemment, dispensent des soins, soit dans le
cadre de leur rôle propre ou du rôle sur prescription. Les soins que nous dispensons sont
des actes personnalisés, durant lesquels nous tenons compte des valeurs et de la volonté
de la personne. Les soins donnés, ont des objectifs visés et sont adaptés à la situation.
Les soins délivrés relèvent de plusieurs dimensions : préventive, éducative, de
maintenance, curative, de réhabilitation, ainsi que palliative.
Ces aspects des soins, me semblent essentiels. Les soins ne sont pas que des actes
purement techniques, il faut avant tout prendre en considération le patient, nous ne
faisons pas qu’exécuter des actes, aussi les soins, nous dirigent vers une dimension de
partage, comme le décrit M A ROUSSELET-GOUSSEAU, dans son article sur « le soin
se construit à deux », « Le soin se partage et c’est en se respectant mutuellement que
nous y parvenons. Il n’y a plus de dominé ni de dominant, seulement deux êtres qui se
comprennent et qui vivent l’instant présent, sans préjugé, sans jugement ».8
Dans ma situation d’appel, les soins que je délivre au patient, sont à visés curatifs, je lui
porte une aide pour la réalisation de sa douche antiparasitaire. Les soins qui, selon V
HENDERSON, permettent de répondre aux besoins fondamentaux du patient,
6 Le Petit Robert, tome 1. Paris : Le Robert, 1984. 1784p.
7 René MAGNON et COLL, Dictionnaire des soins infirmiers, Groupe Infirmier de recherche, Editions
AMIEC, Lyon, 2000 8 ROUSSELET-GOUSSEAU Marie-Ange. Le soin se construit à deux. L’infirmière magazine, janvier 2015,
n°356p.74
15
consistent, à aider le patient au recouvrement de sa santé, tout en intégrant la qualité
technique du soin et la qualité relationnelle. Bien que je tienne compte de la
personnalité du patient, l’odeur nauséabonde qu’il dégage, me perturbe dans le soin, au
point de modifier mon comportement. Elle m’a permis de me questionner, de
m’interroger sur la place de l’odeur dans le soin. Je vais maintenant aborder la notion de
prendre soin.
1.2 Le prendre soin
Ce concept me semble important. La profession infirmière s’articule autour de la prise
en soin du patient. « Le prendre soin », devient la pièce principale du projet de soin. Le
contact que le soignant a avec la personne soignée, est un acte de prendre soin, préalable
à tout échange.
Prendre soin, commence par porter une attention à soi, à un objet, à une personne. Dans
notre vie quotidienne, nous sommes en perpétuelle relation avec cette notion.
Dans une situation de soin, quel que soit l’état psychique ou physique du patient, le
soignant par l’action de prendre soin engage sa compréhension des besoins selon la
nature et la réponse à leurs apporter.
D’après W. HESBEEN, infirmier et docteur en santé publique, « Le concept de
« prendre soin » désigne cette attention particulière que l’on va porter à une personne
vivant une situation particulière en vue de lui venir en aide, de contribuer à son bien-
être, de promouvoir sa santé. »9
Le concept de prendre soin, nous décrit plusieurs notions, le rendant complexe. Le
soignant va, par son approche, porter une attention particulière à la personne, par des
gestes simples, comme un regard, un toucher, un sourire, une voix calme, et prendre le
temps. Cette attitude soignante permet de considérer le patient comme un sujet à part
entière. Le soignant, prend soin de la personne dans sa situation singulière, en
combinant différents éléments tels que la perception, le savoir-être, la dextérité et
l’intuition. Le soignant fait preuve d’empathie, il est bienveillant à l’égard de la
personne, qu’il traite non comme malade ou comme un corps objet, mais comme corps
sujet en tant qu’être singulier. Le prendre soin peut être signifié comme « une valeur »,
soignante, en ce sens qu’il permet de considérer « l’être humain en tant que sujet
singulier ou corps que la personne est »10
comme l’écrit cet auteur. Le patient reste un
sujet unique, le soignant doit l’aider à comprendre ses réactions face à la situation de
soin, l’accompagner dans son adaptation à celle-ci, l’aider à reconnaitre ses ressources.
L’infirmier fait preuve de sollicitude et de respect à l’égard du patient, « le prendre
soin » est représenté par des valeurs professionnelles telle que « l’humanitude »11
.
9 HESBEEN Walter, prendre soin à l’hôpital, inscrire le soin dans une perspective soignante. Paris, inter
édition, 1997,208p 10
Ibid. 11
L’humanitude est un concept basé sur l’approche émotionnelle inventé par Yves GINESTE, spécialiste des soins aux personnes âgées.
16
Celles-ci sont énumérées dans les règles professionnelles infirmières et dans la
déclaration des droits de l’homme.
Prendre soin, c’est accompagner, aider le patient à satisfaire ses besoins perturbés, à
recouvrer un état d’indépendance, d’autonomie, à retrouver une meilleure qualité de vie.
L’infirmier dispense des soins individualisés et adaptés à chaque situation singulière.
Dans ma situation d’appel, en prenant soin du patient et à travers sa singularité, l’odeur
qu’il dégage, m’incommode au point d’influencer le soin. Malgré le port du masque,
l’odeur n’est pas neutralisée, j’ai cette sensation désagréable, qu’elle me pénètre, elle
devient répulsive, aussi la seule échappatoire est de réaliser la douche rapidement. Fuir,
pour ne plus sentir, seule stratégie que je puisse adopter. Mon comportement me
questionne, suis-je toujours dans la dimension du prendre de soin de ce patient ?
L’odeur a ce pouvoir de me perturber.
2 L’Odeur
L’hôpital n’est pas un lieu dépourvu d’odeur. Qui n’a jamais prononcé en y entrant, « ça
sent l’hôpital ». C’est un endroit où se mélangent les odeurs humaines aux produits
médicaux. Dans cette atmosphère aseptisée, les odeurs ont souvent une connotation
négative.
L’odeur, d’après la définition du dictionnaire Petit Robert: « émanation volatile de
certains corps et susceptible de provoquer chez l’homme ou chez un animal des
sensations dues à l’excitation d’organes spécialisés. »12
.
Cet effluve se disperse dans l’espace, sans limites, nous donnant l’impression de
pénétrer notre corps. Rien ne se rappelle à notre mémoire autant qu’une odeur, son effet
est instantané.
Chacun d’entre nous, les interprète de différentes manières, en les caractérisant
d’agréables, de neutres ou de désagréables. En conséquence, nous ne pouvons définir
une odeur, à une personne n’ayant jamais été confronté à celle-ci. Nous la décrivons par
l’effet qu’elle suscite, « écœurante » ou appropriée à son origine, « odeur de vomi ».
Dans son ouvrage, sur les sens, D. AKERMAN, en évoquant l’odorat, nous
dit : « L’odorat est le sens le plus muet. Il est sans mots. Cette absence de vocabulaire
nous lie la langue. Décrire avec les adjectifs visuels tels que le rouge, bleu brillant,
caractéristique d’une odeur, dégoutante, enivrante, soulève le cœur. »13
En effet, nous
sommes obligés de parler des odeurs par métaphore, comme par exemple « l’odeur de
rose » ou « de transpiration ».
12
Le Petit Robert. Paris, Le Robert, 1984. 1784p. 13
ACKERMAN Diane. Le livre des sens, p.18
17
2.1 L’olfaction ou l’odorat
« L’odorat est un puissant magicien qui nous fait traverser des millions de kilomètres
ainsi que les années que nous avons vécues. »14
« Le verbe « sentir »comme action de communication s’applique à la fois à l’émetteur
(d’odeur), mais aussi au récepteur (d’odeur). « Avoir la sensation ou la perception de…
(Un objet, une qualité, un fait) c’est percevoir, flairer, renifler, deviner, pressentir ».
Avec « flairer », on retrouve la notion d’animalité du sens de l’odorat, […] « dégager,
c’est répandre une odeur de… » C’est fleurer, embaumer, puer…On retrouve dans les
différents termes, les qualités attribuées à l’odeur par celui qui choisit tel ou tel
verbe. »15
L’odeur est sentie grâce à notre odorat. Il fait partie de nos cinq organes des sens dont
nous disposons. C’est le sens le plus déprécié et considéré comme le plus archaïque16
.
Les odeurs venant de l’environnement sont respirées par les fosses nasales, ces
molécules sont détectées au niveau de l’épithélium olfactif où sont situés des millions
de cellules olfactives dites chémorécepteurs, spécialisées dans la perception des odeurs.
Ensuite, elles sont véhiculées jusqu’au cerveau où elles sont examinées, interprétées et
stockées. L’impression olfactive saisie est mémorisée dans le système limbique (centre
des émotions) qui tient compte du contexte émotionnel dans lequel nous sentons
l’odeur.
Dès le 3ème
mois de grossesse, le fœtus dispose de chémorécepteurs lui permettant
l’olfaction, son odorat se forge durant la gestation. Ce sont les odeurs de la maman que
le nouveau-né perçoit à la naissance, il reconnait l’odeur corporelle de celle-ci. L’odeur
est mémorisée, elle devient une mémoire de l’identité personnelle et de celle de la
famille. Comme le souligne PH. WIERINGA, professeure, Haute Ecole de la Santé,
Lausanne, « La modalité sensorielle de l’olfaction nous accompagne durant notre vie
entière, dès avant notre naissance même. »17
L’individu brasse environ douze m3 d’air quotidiennement, pouvant ainsi détecter un
nombre élevé d’odeurs, allant jusqu’à plus de dix mille. Notre odorat a deux grandes
fonctions, l’une qualifiée de fonction de « détection-alarme », nous protégeant des
émanations dangereuses telles que le gaz, les vapeurs toxiques. La seconde fonction
intervient dans la reproduction grâce aux phéromones, il s’agit de substances chimiques
sécrétées par toutes les créatures animales et humaines. Ainsi les phéromones ont un
pouvoir de séduction. Ces mécanismes olfactifs ont pour but le maintien de la vie.
Ces recherches sur l’olfaction, me convainquent qu’en ce qui concerne le soin,
l’olfaction est un sens majeur, qui ne me laisse pas indifférente. En effet, dans la prise
en charge singulière du patient mon odorat apparait comme mon sens dominant. Même
si je détourne mon regard, l’odeur s’impose, je ne parviens pas à la dissimuler.
14
DUPERRET-DOLANGE Hélène. Le nez du soignant, p 1 15
Ibid. p 1. 16
SAN JUILLAN Mireille. L’olfaction un sens à découvrir. Objectif soins, février 2004, n°123. P.16 17
WIERINGA Phyllis. A vue de nez ou du plaisir d’humer. Perspective soignante, avril 2004, n°19, p18
18
2.2 Emotions générées par les odeurs
Toutes les odeurs que nous percevons, qu’elles soient agréables ou désagréables,
génèrent en nous des émotions. Je vais d’abord m’intéresser à la définition de l’émotion.
Emotion : «du latin emotus=émotif. Réaction affective plus ou moins vive à une
situation présente ou passée. Les émotions peuvent ainsi être immédiates ou différées, et
s’accompagner de modifications physiologiques diverses. Elles sont marquées à
différents degrés par le plaisir ou le déplaisir. »18
Cela permet de comprendre, qu’une odeur puisse déclencher en nous, des émotions
entrainant une modification de notre état affectif. Les émotions occasionnent des
sentiments, des sensations mettant en tension notre organisme.
L’odeur, a le pouvoir de nous submerger, nous ramener à des souvenirs. B.
LONGERICH, souligne dans son article : « L’odorat est façonné au fil du temps, par
l’environnement, les habitudes, la culture, la mémoire. »19
Ainsi, l’odeur est associée à
une situation vécue, une expérience passée, nous procurant des sensations qui vont du
bien-être, à la gêne, en passant par ce que nous pourrions appeler un confort olfactif. Il
suffit d’une odeur pour se remémorer l’enfance, des vacances avec l’odeur de la mer, du
soleil ou de la pluie entrainant un sentiment de joie ou de tristesse. L’odeur est source
d’émotion.
Les odeurs influencent notre comportement, elles entretiennent un lien étroit avec nos
émotions, elles sont des souvenirs qui les remuent. Ce lien entre émotions et odeurs joue
un rôle au niveau de nos relations sociales.
Comme nous l’avons vu, les services de soins sont des lieux où nous sommes en contact
avec diverses odeurs. Ces contraintes odoriférantes, peuvent venir nous perturber au
cours du soin, induisant en nous des émotions inconscientes telles que la joie, la peur, la
honte, le rejet ou la répulsion.
Dès lors, l’évocation d’une odeur déplaisante, peut provoquer une impression de
danger, comme par exemple, l’odeur de vomi d’un patient. Difficilement supportable,
elle peut déclencher un réflexe nauséeux, et parfois des vomissements. Un sentiment de
gêne, de culpabilité, nous envahi, pouvant modifier nos attitudes, nous faire rougir,
perturber notre timbre de voix, nous contraignant à retenir notre gestuelle.
A l’inverse, une bonne odeur à le pouvoir d’apaiser, de procurer du bien-être tant chez
le patient que chez le soignant, de transmettre l’envie de s’occuper de soi, comme par
exemple, les effets de toilettes telles qu’une crème ou un parfum de qualité dans une
chambre fraichement aérée, peuvent nous pousser à une attitude de détente, d’ouverture
envers le patient et produire plus de disponibilité, jusqu’à prolonger le soin.
Dans ma situation de soin, l’odorat est le sens le plus sollicité dans l’interaction
corporelle. Ces contraintes olfactives, provoquent chez moi des sensations désagréables,
elles suscitent du dégoût, jusqu’à la répulsion. Au fur et à mesure du temps, j’ai
18
MANOUKIAN Alexandre, MASSEUBEUF Anne. La relation soignant/soigné. Paris : Lamarre 1995 p.143 19
LONGERICH Brigitte. Pratique des soins, p.40
19
l’impression que l’odeur pestilentielle du patient me pénètre. Je me sens en difficulté, je
suis « touchée » par l’état du patient. Ses odeurs ne me laissent pas indifférente et me
bousculent. Elles m’ont permis de me questionner et de m’interroger sur la place de
l’odeur dans le soin.
2.3 Représentations générées par les odeurs
Nous arrivons aux représentations produites par les odeurs. Il me semble intéressant de
mentionner la définition de la représentation sociale : « est la construction d’un savoir
ordinaire élaboré à travers les valeurs les croyances partagées par un groupe social
concernant les objets (personnes, évènements, catégories social…) et donnant lieu à
une vision commune des choses qui se manifeste au cours des interactions sociales. »20
Comme nous l’avons vu précédemment, notre mémoire olfactive s’élabore dès notre
plus jeune âge et ce en fonction du groupe social dans lequel nous vivons, aussi notre
culture, notre vécu, influencent nos représentations. Par exemple, à l’évocation d’une
eau de toilette, nous interprétons, de manière individuelle, l’image de celle-ci, en lui
attribuant une note de senteur agréable ou désagréable.
D’après WIERINGA Ph. « Les notions de beau et de laid, représentées en partie par les
odeurs, infiltrent constamment les soins […] prend un caractère hédonique ou révulsif,
rappelant les registres du propre et du sale, du tabou et de la souillure, de l’ordre et du
désordre. »21
Les représentations sociales des odeurs ont évoluées au cours des siècles. De nos jours,
la culture européenne, prône le « sentir bon ». Les odeurs corporelles dites désagréables
sont masquées par les déodorants, les produits de cosmétiques parfumés, allant jusqu’à
des notes exotiques, de vanille, coco, mangue, etc…nous donnant une impression de
voyages dans des îles lointaines. A l’opposé, les « mauvaises odeurs » sont pointées du
doigt, elles montrent le signe d’une négligence et sont donc méprisables. Ces odeurs
sont rattachées au sale à « celui qui pue ». Nous retrouvons dans ce terme la qualité
attribuée à l’odeur.
Ces pensées, nous emmènent au 18ème
siècle, où odeur et maladie ont un lien, l’odeur
identifie la peste. Le peuple va fuir ou masquer l’épidémie, la maladie porte la mort.
Ainsi, les aromates apparaissent afin de couvrir les miasmes putrides. A. CORBIN
souligne que « l’attention olfactive au putride traduit l’angoisse de l’être du corps qui
ne peut fixer, retenir les éléments qui le composent, qu’il tient des êtres précédents et
qui permettront la combinaison des êtres nouveaux. »22
L’odeur provoque de l’angoisse,
le pourri est approprié au démon, à l’enfer, à la mort.
20
DARGENT Fanny. Psychologie, sociologie, anthropologie. UE 1.1.Issy-les-Moulineaux, Elsevier Masson : 2012. P.50 21
WIERINGA Phyllis. A vue de nez ou du plaisir d’humer. Perspective soignante, avril 2004, n°19, p.27 22
ROQUE Sandrine. Le miasme et la jonquille CORBIN Alain, Aubier, Montaigne, 1982.http://socio.ens-lyon.fr/agregation/corps/corps_fiche_corbin.php
20
L’odeur est source d’exclusion, au 19ème
siècle, les bourgeois repoussent la population
des travailleurs à l’extérieur des villes, comme les hôpitaux, les prisons et cimetières.
Tout ce qui génère de la puanteur est écarté. Il en va de même pour les prostituées, les
homosexuels, les paysans. Les odeurs deviennent supports aux divisions sociales et
raciales. Les causeries parlent d’odeurs différentes entre une personne blonde, rousse ou
brune, pareillement selon une personne arabe, africaine ou juive. La pensée se fait
discriminatoire et raciste. L’odeur humaine reste un sujet tabou. Nous pouvons voir,
qu’à chaque temps de l’histoire de l’homme, les images des odeurs ne sont pas neutres.
De nos jours, les mauvaises odeurs, sont toujours associées à l’idée de saleté, de
maladie ou de mort.
Dans la pratique du soin, les odeurs sont omniprésentes. En général, nous les qualifions
de désagréables. Chacun d’entre nous les ressent différemment. Elles peuvent venir
perturber notre comportement, jusqu’à provoquer une gêne, qu’il est difficile d’évoquer
ouvertement aux patients. Nous éprouvons de réelles difficultés pour lui parler de sa
mauvaise odeur. Les odeurs sont taboues, elles sont généralement vécues sous silence
ou non-dits. Notre appartenance socio culturelle personnelle, nos propres valeurs,
s’imposent manifestement, car nous voulons toujours « effacer » les odeurs des
patients.
3 La relation de soin
3.1 Définition de la relation
Avant de définir la relation soignant/soigné, je souhaite aborder le concept de la
relation, car elle fait partie de notre quotidien infirmier. Dans le contexte
d’hospitalisation, nous entrons en relation avec le patient au travers d’un acte de soin.
Le terme « relation » vient du latin, il signifie un rapport, un lien entre deux choses. La
relation est une rencontre entre deux personnes.
Comme l’indique A. MANOUKIAN, psychologue, formateur en milieu hospitalier :
« une relation, c’est une rencontre entre deux personnes au moins, c’est-à-dire deux
caractères, deux psychologies particulières et deux histoires. »23
Mais d’après lui,
d’autres facteurs interviennent dans la formation d’une relation comme :
Les facteurs psychologiques
Les facteurs sociaux
Les facteurs physiques 24
Concernant les facteurs psychologiques, ils sont liés à nos représentations, nos
émotions, nos désirs et nos préjugés.
23
MANOUKIAN Alexandre, MASSEUBEUF Anne. La relation soignant/soigné. Paris : Lamarre 1995 p.9 24
Ibid. p.9
21
Pour les facteurs sociaux, il nous faut tenir compte de l’âge de la personne soignée, de
son appartenance à un statut, à son rôle social, à sa culture. Ceci dans le but de se
conformer au mieux à ce qu’elle est.
Quant aux facteurs physiques, il s’agit de l’aspect physique, nos propres perceptions.
S’arrêter à l’aspect physique de la personne n’est pas une chose facile, surtout lors d’un
soin d’hygiène, la relation au corps peut engendrer des difficultés relationnelles.
Cette définition nous permet de comprendre qu’une relation n’est pas constante, c’est-à-
dire qu’elle peut varier selon les facteurs rencontrés et que nous ne pouvons maitriser.
A MANOUKIAN mentionne : « Au-delà de la relation entre deux personnes, c’est son
contexte qui permet à chacun de déduire un sens. »25
La relation dépend du contexte
dans lequel elle s’établit (l’évènement, l’environnement, la pathologie,…) mais
également de la personnalité de chaque individu.
Afin que la relation de soin se crée, nous commençons par observer et écouter le patient.
Nous mobilisons nos connaissances pour décrypter les renseignements livrés par le
patient afin de l’accompagner et l’aider dans sa prise en charge. Notre action, se porte
sur le patient et l’environnement, afin que celui-ci, identifie ce qui pose problème et
utilise ses ressources. Cette approche permet d’établir une relation de confiance. Chaque
moment passé auprès du patient nous conduit à une relation soignant/soigné. Je vais
m’attarder sur cette relation particulière.
3.2 La relation soignant/soigné
J’ai relevé dans le dictionnaire encyclopédique des soins infirmiers que la relation
soignant/soigné est le « Lien existant entre deux personnes de statut différent, la
personne soignée et le professionnel de santé. Cette relation nécessite trois attitudes :
Un engagement personnel de l’infirmière, le malade étant accepté sans
jugement de valeur, tel qu’il est, avec un mode de raisonnement, d’autres
réactions et d’autres sentiments.
Une objectivité, pour éviter une déformation de ce qui est vu et entendu.
Un maximum de disponibilité.
La relation soignante n’est pas une relation de salon, elle a pour but l’aide et le soutien
de la personne soignée jusqu’à son retour à l’autonomie. Elle permet d’identifier les
demandes de la personne et d’analyser les interactions. »26
La relation est en effet, un lien entre deux individus, ici en l’occurrence, entre le
soignant et le patient Cette définition, nous permet de comprendre, qu’à chaque
interaction avec le patient, nous devons lui porter une attention particulière. Nous
devons faire abstraction de nos préjugés, ils sont des obstacles à la relation. L’écoute
soutenue n’est pas subjective, nous faisons preuve d’empathie, de congruence afin de
créer un climat relationnel favorable au bon déroulement du soin.
25
Ibid. p.10 26
POTIER Marguerite. Dictionnaire encyclopédique des soins infirmiers.
22
Il est important de distinguer que nous ne pouvons pas pratiquer un soin, à chaque
personne, de façon identique. Les raisons de cette relation sont déterminées par le soin à
dispenser. Aussi la relation se trouve complexifiée face aux effluves nauséabonds, cette
relation de soin m’est peu ordinaire, du fait de l’état d’incurie du patient. Elle sort du
cadre courant. L’entrée dans la relation de soin est conditionnée par l’accompagnement
du patient à ses soins d’hygiène. Durant la douche, la communication se complique, il
m’est embarrassant d’aborder la question de son apparence physique, d’autant plus que
je suis dans la sphère intime du patient. L’odeur, occasionnée par la négligence
corporelle entrave l’échange verbal.
Je vais à présent aborder la communication car c’est un concept important dans la
relation soignant/soigné.
3.3 La communication dans la relation
L’entrée en relation commence par la communication qui en est la base. La
communication est définie comme : « action, fait de communiquer, d’établir une
relation avec autrui. »27
. Nous utilisons deux modes de communication, le digital
(verbal) qui définit le contenu de la relation avec les codes sociaux, culturels et
l’analogique (non verbal) qui définit la relation, par notre comportement.
Par rapport à ma situation je vais développer la communication non-verbale, car elle
semble être le mode principal d’expression, dans ma relation de soin étudiée. Comme
rappelle Roger MUCCHIELLI, psycho-sociologue, « On ne peut pas ne pas
communiquer » : tout comportement vaut communication.28
Notre comportement devient
communication, il transmet un message.
Ce mode analogique, peut s’exprimer par le langage du corps, de façon consciente ou
non. « Ce langage non verbal se compose des éléments suivants : la distance physique,
encore appelée proxémie, l’expression faciale, le contact des yeux, le contact physique,
la posture, les gestes, l’apparence ainsi que les odeurs. »29
La proxémie situe quatre
types de distances dans l’espace dirigeant notre comportement. La distance personnelle
de 45 à 120cm, nous gardons l’autre à une distance à bout de bras. La distance intime,
allant du contact à 45 cm, la présence du patient, nous est imposée. Dans ma situation,
je suis dans la distance intime. Je perçois son odeur, le rythme de sa respiration, l’odeur
et le souffle de son haleine, je ressens une gêne. L’expression faciale, est caractérisée
par des mimiques que je tente de dissimuler sous le masque, mon mal-être crispe mon
sourire. Mes gestes sont rapides, mon regard est fixé sur ce corps fatigué, vieilli
prématurément par la vie dans la rue. Ce corps communique également une souffrance.
Chacun adapte son propre comportement. La communication est omniprésente, tant côté
soignant où côté patient.
27
Le Petit Larousse illustré. Paris : Larousse, 1993.p 249 28
CLBB/LL, UE4.2 S2 Soins relationnel cours « concept de communication », IFSI Quimper-Cornouaille, mai 2013 29
BIOY Antoine, BOURGEOIS Françoise, NEGRE Isabelle. Communication soignant/soigné, Repère et pratiques. Paris : Bréal, 2009. P.45
23
Comme le souligne A MANOUKIAN : « C’est avec son corps, sa parole et son
affectivité que l’on rentre en relation. L’affectivité est l’élément central. Nous pouvons
dire qu’elle est au cœur des relations, soit pour les fonder, soit pour les souder, soit
pour les défaire. Même quand nous nous y attendons le moins, elle révèle sa présence
au travers des perturbations comme le bégaiement, les lapsus, les rougissements, les
tremblements, les malaises, etc. »30
Dès qu’une relation de soin s’établit, chacun des protagonistes, patient, soignant, y
investit une part d’affectivité. Elle peut s’exprimer dans la relation soignant/soigné par
une présence attentive, une qualité d’écoute, une sensibilité lors des soins avec le
patient. Dès lors, il nous est important de reconnaitre la dimension affective de
l’exercice infirmier. Nous ne pouvons pas nier nos affects, cela nécessite une bonne
connaissance de soi, une maitrise de nos attitudes, afin de ne pas se laisser submerger.
Nous devons adapter la juste distance dans toute relation de soin.
H DUPERRET DOLANGE, cadre de santé en unité d’hémovigilance, cite dans son
article « sur le nez su soignant » en parlant du comportement et attitudes des soignants
soumis aux odeurs désagréables que nous sommes toujours dans une communication
non-verbale. « Dire à quelqu’un qu’il ne sent pas bon, est très difficile, sinon
impossible. […] Voilà pourquoi les réactions sont le plus souvent non verbales et ainsi
assimilables à des mécanismes de défense. »31
3.4 Les mécanismes de défenses
Je vais maintenant aborder les mécanismes de défenses avec sa définition
Mécanismes de défense : ceux sont des mécanismes psychologiques inconscients
utilisés par le moi pour se défendre des angoisses provenant de l’extérieur (émotions,
exigences du ça et du surmoi) ou de l’extérieur du sujet (situation).
Il existe un bon nombre de mécanismes de défenses, je vais exposer ceux généralement
employés par les soignants.
« La projection désigne l’opération inconsciente par laquelle le sujet expulse de
soi et localise sur l’autre, personne, chose, des qualités, des sentiments, des
désirs, qu’il méconnaît ou refuse en lui. (ex : ce n’est pas moi qui ressent de
l’agressivité, c’est le patient qui est agressif).
La banalisation représente une mise à distance du ressenti.
La fausse réassurance, elle amène le soignant à se dissimuler une réalité
indésirable en se montrant optimiste de façon inadaptée dans une situation qui
nécessiterait la prise en compte de la souffrance de la personne.
30
MANOUKIAN Alexandre, MASSEUBEUF Anne. La relation soignant/soigné. Paris : Lamarre 1995 p.9 31
DUPERRET-DOLANGE Hélène. Le nez du soignant, p 10
24
La technicisation processus par lequel le soignant se protège derrière une
pensée rationnelle, raisonnable par excès face à l’émergence affective.
L’évitement. Mécanisme général qui vise à échapper à une situation perçue
comme potentiellement pénible, problématique (éviter un soin particulier, un
entretien avec un malade ou un proche…)
La dérision. L’utilisation de l’ironie, du cynisme comme mise à distance ou déni
de la souffrance.
La fuite en avant. Le soignant se montre hyperactif, passant d’une tâche à
l’autre sans tenir compte de la réalité des besoins du patient. Ce mécanisme vise
à se soustraire à ses représentations ou ses affects par le recours à l’action et
l’activité motrice opérationnelle, factuelle. Il s’agit de faire pour contre-investir
la pensée, le ressenti.
L’identification projective. Mode de relation pathologique ou soignant et soigné
fusionnent sans qu’il ne soit plus possible de repérer ce qui appartient à l’un ou
à l’autre. »32
Dans la situation de soin, lors de la douche du patient, je me retrouve à mon insu, très
touchée, émue, je réagis fortement, sans m’en rendre compte, par des projections
négatives vers le patient, sous la forme de rejet, de dégoût. De plus j’utilise la fuite en
avant, en faisant au plus vite sa douche, je n’arrive plus à prendre en compte les besoins
réels du patient, de même que sa souffrance physique et psychique. Face à mes
sentiments, à mes émotions, j’ai mis en place des mécanismes de défenses. Ils nous
aident à maintenir un équilibre émotionnel acceptable.
Synthèse du cadre conceptuel
Pour ce premier travail de recherche, les lectures d’ouvrages et de revues scientifiques
m’ont aidée à la rédaction du cadre conceptuel. Ces apports théoriques m’ont également
permis de mieux comprendre la conjonction étroite entre les odeurs, le soignant, et le
soigné.
Il apparait que les concepts de soin et prendre soin sont des concepts complexes, suivant
les courants de pensée des théories du soin. Plusieurs systèmes de valeurs viennent s’y
conjuguer donnant du sens aux soins infirmiers. Quant à la notion de relation, elle est la
base du soin infirmier. Dans cette relation de soin, de nombreux éléments interagissent
comme la communication, les émotions, les représentations face aux odeurs, la
communication, les attitudes et les mécanismes de défenses.
32
DARGENT Fanny. Psychologie, sociologie, anthropologie. UE 1.1.Issy-les-Moulineaux, Elsevier Masson : 2012. P 82-83.
25
Ce travail de recherche m’a permis de remarquer que notre odorat se façonne en
fonction de notre culture, notre environnement, notre mémoire et nos habitudes. J’ai
également pris conscience que l’odeur est quelque chose d’intime, liée à notre vécu
personnel. Dans le milieu soin, certaines pathologies génèrent des émanations
désagréables, posant des problèmes tant aux soignants, qu’aux patients eux-mêmes. Dès
lors, la question de l’odeur devient embarrassante, c’est un sujet peu abordé.
Aussi, dans la relation soignant/soigné, en présence d’odeur désagréable, il est
important, pour le soignant, de reconnaitre ses affects et de savoir les gérer afin de
maintenir la place centrale du patient, dans le soin.
Au vu de mes recherches théoriques réalisées, ma question de recherche sera :
En quoi les odeurs désagréables peuvent-elles influencer la relation
soignant/soignant ?
Pour confronter mon travail de recherche à l’expérience des professionnelles
infirmières, je vais réaliser une enquête de terrain auprès de trois soignantes montrant
un intérêt pour mon sujet de MIRSI.
26
Enquête de terrain
1. Présentation du dispositif et des modalités d’enquête
A l’issue du travail de recherche effectué, grâce au cadre conceptuel, j’ai construit un
guide d’entretien, composé de sept questions ouvertes en lien avec ma problématique.
Mon objectif principal est de savoir si les odeurs peuvent influencer la relation
soignant/soigné. Ce guide va me servir pour confronter mes écrits à la réalité, par
l’enquête de terrain, qui consistera à interviewer, trois infirmières exerçant dans
différents lieux de soins.
1.1 Choix et construction de l’outil d’enquête
Pour mener à bien l’enquête de terrain, je souhaite questionner les professionnelles, sur
la base d’entretien semi-directif. Cet outil me semble le plus adapté pour l’enquête car à
chaque question soulevée correspond un objectif à atteindre. De plus, il laisse le choix à
la personne interviewée de répondre librement à la question posée. Il me permet
également d’intervenir au cas où une question produirait une difficulté de réponse chez
les infirmières interrogées. Il laisse un temps de réflexion et autorise les silences.
1.2 Choix des lieux et des populations
Ma première prise de contact s’est faite sur appel téléphonique auprès des
professionnelles, de façon à exprimer ma démarche et exposer le sujet de mon travail de
recherche.
Mes choix d’entretiens se sont dirigés vers trois lieux de soins différents, afin de
distinguer si l’univers olfactif est commun, ou non aux infirmières.
Relevant de la promotion professionnelle et dépendant d’un établissement public de
santé mentale, mon projet professionnel m’amènera à y travailler. En conséquence, j’ai
contacté diverses unités d’un centre hospitalier psychiatrique, parmi lesquelles deux
m’ont répondu favorablement. La première, une MAS (maison d’accueil spécialisée),
dispose d’un hébergement permanent pour des adultes handicapés gravement
dépendants. L’état de santé de ces patients demande un recours à du personnel soignant
pour les actes de la vie courante, avec des soins constants et une surveillance médicale.
Concernant la seconde, il s’agit d’une USLD (Unité de soins de longue durée),
hébergeant des personnes âgées atteintes de déficience mentale et de troubles
neuropsychiatrique, sollicitants également des soins continus avec une surveillance
médicale. Les pathologies rencontrées en géronto-psychiatrie sont principalement des
démences, des syndromes de glissement, des délires, la dépression nécessitant de longs
traitements.
Quant au troisième entretien, il me paraissait intéressant de comparer un environnement
autre que le milieu hospitalier, c’est pourquoi je me suis tourné vers le soin à domicile
J’ai eu beaucoup de refus, les infirmières libérales ont mis en avant un manque de temps
27
du point de vue organisationnel. J’ai malgré tout réussi à obtenir un entretien auprès
d’une infirmière libérale remplaçante.
1.3 Modalités de réalisation
Les entretiens exploratoires se sont déroulés sur les lieux d’exercice des trois
infirmières, soit respectivement en cabinet infirmier libéral, en USLD et en MAS. Ils
ont tous été enregistrés à l’aide de mon téléphone portable. Pour l’ensemble les
conditions de réalisation étaient favorables, nous n’avons pas été dérangées par le bruit,
ni interrompu en cours d’entretien. La durée de ceux-ci varie entre 10 et 20 minutes
d’enregistrement.
Ces entretiens se sont fait sur la base du volontariat, je leur ai précisé que leur anonymat
serait préservé, elles ont donc toutes autorisé la retranscription de ceux-ci dans le
MIRSI.
Entretien N° 1
IDE libérale, s’est déroulé au cabinet infirmier, vers 15 heures sur son temps de
coupure, avant la tournée du soir. Nous étions installées face à face dans un
bureau.
Entretien N° 2
IDE USLD, s’est réalisé en cours de la matinée, une fois les soins terminés,
durant son temps de pause. Nous étions installées dans la salle de réunion du
service.
Entretien N° 3
IDE MAS, s’est effectué en fin d’après-midi, après la réunion institutionnelle de
service. J’ai retrouvé l’infirmière dans la salle réservée aux familles, située à
l’entrée de l’unité.
1.4 Traitements des données recueillies
Dans un premier temps les entretiens ont été retranscrits intégralement, puis classés
dans un tableau pour y être analysés. (cf. annexes II, III, IV)
2 Analyse des données recueillies
Pour ce travail d’analyse j’ai choisi de traiter les questions une à une. Je ferai le lien
entre les données obtenues et les recherches théoriques, en mettant en avant
l’expérience des soignantes consultées.
Mon premier objectif était de connaitre l’ancienneté des professionnelles, avec leur
expérience, voici le classement de l’échantillon interviewé.
28
Ce classement nous indique que ces trois professionnelles ont certes une maturité dans
l’expérience de l’exercice infirmier, avec un parcours varié pour chacune d’entre elles.
Aussi, je peux voir que l’IDE MAS a une expertise de 15 ans en service de soin suite et
réadaptation. Je constate également qu’elles ont une pratique supérieure à 3 années dans
l’unité où elles exercent actuellement, donc une bonne connaissance de l’environnement
odoriférant, notamment en secteur d’hospitalisation.
Ma deuxième question abordait les odeurs avec lesquelles elles étaient le plus en contact
dans leur soin. Elle visait à confirmer la présence d’odeur dans le milieu du soin.
Chaque infirmière relate une odeur particulière, émanant en priorité du patient, telle que
« les odeurs de fin de vie »33
, « les odeurs d’urines, de selles, de plaie »34
, « les
escarres »35
. Il y une réelle prise en compte des odeurs dans le soin. Force est de
constater que les réponses obtenues viennent affirmer notre fonction olfactive de
mémorisation. L’odorat est bel et bien un sens prééminent chez le personnel soignant,
les odeurs s’imposent manifestement. Celles mentionnées par les trois soignantes sont
toutes d’origine humaine, en lien avec la maladie et la mort. Aucune d’elles n’énonce
d’odeur relative aux produits médicaux. Cependant, l’IDE libérale revient sur ses
premières réponses, en rajoutant « les odeurs d’urines de chats, problème d’hygiène au
niveau propreté des maisons », elle nous montre que le domicile n’est pas un lieu
dépourvu d’odeur, elle exprime le fait que nous sommes en permanence soumis aux
odeurs, et pas uniquement dans le milieu hospitalier. Elle souligne sa sensibilité à
l’environnement olfactif du domicile. Je constate que les odeurs sont dans le quotidien
infirmier, quel que soit le service hospitalier, mais aussi dans l’expérience du domicile.
Les avis partagés rejoignent d’une manière générale mon cadre conceptuel, à savoir que
33
Annexes III, p. XII 34
Annexes II, p. V 35
Annexes IV, p. XVII
Entretien N°1
IDE LIBERALE
Entretien N°2
IDE USLD
Entretien N°3
IDE MAS
Age 52 ans
32 ans 48 ans
Diplôme 1998 (17 ans)
2008 (7 ans) 1989 (26 ans)
Ancienneté
dans le service
actuel
6 ans
5 ans 3 ans et demi
Expériences
professionnelles Chirurgie
digestive
EHPAD
Admission
psychiatrique
Personne âgée
Moyen séjour
SSR
EHPAD
Rééducation,
réadaptation (15 ans)
Libéral
Polyclinique
EHPAD
29
nous sommes plongés dans un milieu pourvu d’odeurs mélangées, référencées en
fonction de leur origines.
Je poursuis, la question posée consistait à savoir quelle est l’odeur la plus
incommodante et leur ressenti. Dans mon travail de recherche j’évoque qu’une odeur
agréable ou désagréable peut déclencher en nous des émotions et induire un changement
d’attitude. Ces propos sont confirmés par les soignantes. Leurs avis sont unanimes,
toutes trois me livrent d’emblée un attribut olfactif à connotation négative. Chacune
formule une odeur spécifique.
Pour l’IDE libérale, c’est : « l’odeur de vomi,… […], l’odeur d’urine de chat », elle
revient sur l’odeur de vomi, en stipulant qu’elle l’a tout de même peu rencontrée. Pour
elle, l’odeur incommodante est plutôt environnementale. Elle se trouve dans l’embarras
pour livrer son ressenti. Elle décrit ses affects en répétant le mot « terrible », de
nombreuses fois, cette impression d’être envahie même à travers ses vêtements, après
être sortie du domicile, c’est entêtant, une sensation d’obsession, une impression
d’agression. Pour elle, c’est l’effet de surprise, inattendu, qui va faire que les odeurs
sont incommodantes, n’y étant pas préparée.
Concernant l’IDE USLD, c’est : « l’odeur de fin de vie », elle la qualifie de
particulière, la conduisant à un mal être, pouvant lui provoquer des nausées. Elle
identifie la souffrance du patient. J’ai pu voir sur son visage des mimiques dès qu’elle
prononçait les termes : « odeur spécifique, désagréable, » lui faisant resurgir des
émotions. Elle parle de ses affects en lien avec un certain attachement aux résidents,
l’impuissance du soignant face à la mort, d’où son sentiment d’injustice. L’odeur
décrite est reliée à la mort.
Quant à la troisième, L’IDE MAS, c’est : « les escarres », elle emploie le mot de
puanteur, de pourriture, d’horrible, elle éprouve une sensation de mal être, un rejet. Elle
me fait par d’une situation vécue alors qu’elle était élève infirmière, la première fois
qu’elle a vu « la personne était pourrie d’escarres… […], c’est un souvenir qui est resté tout le temps, je repense à cette personne. ». Elle me parle de l’effet de surprise,
pas préparée à sentir une telle odeur d’escarre, à l’évocation de ce souvenir, l’odeur est
gravée à vie dans sa mémoire, comme l’indiquait l’IDE libérale, l’odeur subie devient
déplaisante.
Je retrouve beaucoup de similitude à l’énoncé des odeurs incommodantes, comme la
relation avec les affects, avec l’inconscience, l’utilisation personnelle des qualités
attribuées à l’odeur. Cela nous ramène finalement aux fonctions et rôle de notre odorat.
Les termes utilisés par ces soignantes sont simples : « terrible, désagréable, odeur de
puanteur, particulière », sans plus de précisions. Je constate que leur vocabulaire
olfactif est peu précis, peu élaboré, le registre qu’elles utilisent, est associé à leur propre
expérience, à leur représentation, à un évènement passé. Je peux dire communément
qu’elles montrent un réel embarras pour qualifier les odeurs dérangeantes, comme je l’ai
référencé dans mon cadre théorique.
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A la question quatre, je souhaitais savoir si les odeurs pouvaient avoir un impact dans la
relation de soin avec le patient, les trois réponses apportées sont toutes divergentes.
L’IDE N° 1, répond par un non, mais ensuite elle se contredit, en parlant des sensations
de gêne en rapport à l’odeur de plaie, vomissement. « … j’ai eu du mal ouais. Euh…
j’ai eu du mal, euh… quelques-fois mais quoique, ça ne m’a pas empêché de finir mon
soin. L’odeur environnementale de l’environnement m’a eu parfois gêné à tel point que
des fois j’étais obligée de mettre un masque. » Par la suite, elle revient sur les odeurs
désagréables du domicile où elle adopte une attitude d’évitement, en réalisant le soin le
plus rapidement, montrant moins de disponibilité envers le patient et ne prenant plus le
temps de discuter avec lui. Son objectif est atteint, le soin est réalisé.
L’IDE N°2, m’affirme « non », néanmoins met un bémol en ce qui concerne les
situations de fin de vie où là, elle admet la particularité de ce moment de prise en soin
car la propriété de cette odeur lui déclenche des émotions, occasionnant effectivement
une perturbation de la relation de soin mais qu’elle essaie de cacher.
L’IDE N°3, quant à elle certifie que les odeurs d’escarre ou de colostomie l’ont troublée
et de fait ont modifié la relation de soin : « mais les colostomies ils nous voient de face,
donc faut garder le sourire, faut garder … pour pas qu’ils s’inquiètent, mais en même
temps … parce que déjà eux ils ont l’odeur aussi ».
A travers leurs différentes réponses, je constate que les odeurs désagréables leur
procurent malgré tout de la gêne et influencent leur comportement. Chacune opérant
selon sa propre opinion. J’en reviens sur la partie des représentations générées par les
odeurs, je m’aperçois que les odeurs restent toujours taboues. Dès que nous sommes en
présence, comme ici des odeurs déplaisantes, elles nous induisent des émotions
inconscientes. D’une manière générale, ces trois infirmières tentent de cacher leur gêne
mais aussi envers le patient, elles ne veulent pas montrer leur trouble, elles essayent de
garder le sourire ou évitent de parler. A l’évidence, les soignants vivent des moments
difficilement supportables dans leurs actes quotidiens. Certes la relation de soin se
trouve quelque peu entravée mais toutes trois agissent conformément aux textes
déontologiques de la profession infirmière. Elles dispensent leurs soins à tout patient
quels que soient leurs sentiments et donc agissent dans l’intérêt de la personne soignée.
Leur pratique infirmière se conjugue autour de la singularité de la personne et du
respect. Comme le souligne l’IDE libérale : «j’aurais toujours de l’empathie et de la
sympathie pour l’autre, malgré l’odeur, ça ne changera rien à ma vision de l’autre. »
Pour affronter ces odeurs, je voulais connaitre quels moyens les infirmières mettent en
place. Par exemple, deux d’entre elles utilisent un moyen matériel, le masque, elles
disent qu’il est une protection, une barrière. Toutes deux s’expriment
ouvertement : « j’ai souvenir d’avoir mis un masque aussi mais, là je faisais que
passer, et j’avais dit que j’étais enrhumée, donc là j’avais mentis, pour pas vexer ».
L’autre, complète : « Et en même temps faut pas le montrer à la personne, donc on
essaie de se cacher, euh …, après ce que j’avais pris comme distance c’est de dire que
je suis enrhumée, de mettre un masque devant la figure pour essayer de pas montrer à
la personne qu’on n’est pas bien, parce que le masque cache beaucoup. C‘est une façon
de se camoufler parce que c’est vrai que ce n’est pas agréable ». En plus du masque,
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elle rajoute à cette stratégie un peu de son parfum sur sa tenue, pour elle sentir son
odeur de parfum, ça la rassure.
Pour l’IDE USLD, le masque n’est d’aucune efficacité, elle dit « on essaye, de prendre
sur soi, donc, ce qui n’est pas évident, évidemment, en rentrant dans la chambre, mais il
faut qu’on fasse abstraction à l’odeur. » Elle considère que le masque est une barrière à
la relation de soin. Il n’a pas d’utilité, ne masquant pas l’odeur et elle pense à
l’incommodité de la personne en portant un masque face à celle-ci. Comment se
décharger du port du masque en l’absence de signes contagieux ? Je remarque que
chacune d’elles emploient d’autres stratagèmes personnels, les amenant vers des
changements d’attitudes personnelles.
La première IDE reconnait faire son soin plus vite, pour échapper à l’odeur. Nous
retrouvons là les mécanismes de défense : « la fuite en avant. » Il en va de même pour
l’IDE USLD, lorsqu’elle met ses émotions de côté, cette posture, la conduit aussi à un
autre mécanisme de défense : « la banalisation. ». Pour elle, le dialogue, l’échange au
sein de l’équipe soignante est un soutien, il permet un partage des ressentis. Ce besoin
de communiquer vise à améliorer le confort, le bien-être et la dignité du patient. C’est
une façon de mettre les odeurs à distance : « […] c’est comme ça, peut être avancée,
avec l’équipe par rapport à la fin de vie, aux odeurs, à ce qui peut y avoir dans la
chambre et qu’on essaie d’améliorer. »
Pour l’IDE MAS, devant une odeur répugnante et face à son impossibilité à réaliser le
soin, elle préfère trouver la personne dans l’équipe, chez qui la perception peut être plus
supportable, passer le relais pour confier le soin. Elle indique également un moyen
personnel, à savoir le soutien d’un tiers extérieur comme l’aide d’un psychologue ou du
médecin grâce à la parole, au travail de supervision. Aussi, elle me raconte son travail
de prévention auprès des patients paraplégiques ou tétraplégiques ayant des escarres
malodorants. : « c’est des personnes, ben souvent qui étaient paraplégiques ou
tétraplégiques, donc qui avaient l’habitude de venir régulièrement en rééducation, pour
des escarres, donc à chaque fois on leur disait la prévention, on leur disait dans quel
état ils étaient, on leur faisait des photos, on leur montrait, donc ben là je ré insistait
sur la prévention pour leur dire, ben voilà, si on nous écoutait un peu plus souvent,
qu’on faisait attention, qu’ils ne reviendraient pas dans cet état là et voilà. Après quand
ils étaient au fauteuil, quand on se parlait autrement ça allait, mais le soin ça on ne
pouvait pas. ». L’éducation thérapeutique du patient, en passant par des mesures de
prévention, pour la prise en charge de l’odeur, fait bien partie du rôle propre infirmier.
Je retrouve là les dimensions préventives, éducatives, des soins infirmiers développés
dans le concept de soins.
Je voulais savoir si l’expérience permettait de mieux supporter les odeurs. Les réponses
reçues donnent divers avis suivant l’interprétation de la question posée.
L’IDE libérale, me dit : « non », en déviant ses propos sur son sens olfactif peu
développé. Elle se réfère à l’histoire de ce sens subjectif, personnel, en lien à la
mémoire et aux émotions. Néanmoins, elle a pu me dire que progressivement, elle
arrive à faire abstraction des odeurs dérangeantes en se concentrant sur le soin. Elle me
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souligne aussi l’effet d’adaptation : « c’est quelque chose qui maintenant, je veux dire,
au niveau des selles et des urines et par exemple les odeurs de plaies, quelque chose
que je sens mais euh… je ne peux pas dire qu’elle me surprend, elle est habituelle. » A
ceci, elle m’explique encore que l’expérience peut être un atout, face à une odeur de
plaie, sa caractéristique lui sert sur l’évolution favorable ou non de celle-ci. Elle
examine cette information olfactive, et révèle sa curiosité porté sur ce langage
particulier, de l’odeur du pansement. Nous démontrant que l’odeur est communication,
c’est un message non-verbal.
L’IDE USLD affirme que : « Oui, on s’y fait à la longue ». Son interprétation, renvoie à
l’explication précédente de la première IDE.
Pour la troisième, sa réponse a les deux facettes : « De mieux les supporter … oui et
non, c’est surtout de mieux les gérer, d’apprendre à trouver des ressources pour le
gérer et puis on est plus à l’aise pour discuter avec la personne. » Pour elle,
l’expérience permet de mieux tolérer, d’être plus à l’aise pour en parler, par un travail
sur soi et surtout d’arriver à en parler avec le patient. Elle continue en ajoutant qu’il est
primordial d’intégrer le patient dans le soin. Je retrouve l’idée citée dans le paragraphe
sur le soin, où selon M A ROUSSELET-GOUSSEAU, « le soin se construit à deux. »
Je peux donc dire que dans l’ensemble l’expérience permet une meilleure gestion et
tolérance de l’odeur dans le soin. Certes, il semble impossible aux soignants de
s’habituer à une exhalaison fétide.
La dernière question avait pour objectif de savoir si les infirmières parlaient des odeurs
désagréables avec le patient. Deux IDE admettent qu’elles ne peuvent pas aborder avec
le patient, le sujet de l’odeur désagréable.
L’IDE USLD, revient sur les patients en fin de vie avec qui, il lui est préférable de faire
abstraction de l’odeur. Les émotions ressurgissent, elle pense que le fait d’en parler aux
patients ne ferait qu’augmenter leur souffrance et se dit en difficulté à l’évocation de la
mort. Malgré tout, elle se sent prête à faire un travail en équipe, sur les odeurs dans la
relation de soin.
Quant à l’IDE libérale, elle se trouve dans l’embarras concernant l’impact dans la
relation de soin, car elle n’a aucun souvenir sur une telle situation. Alors elle reparle
d’elle, en stipulant : « Difficile à dire parce que moi je ne suis pas très sensible aux
odeurs. Ça n’a pas vraiment d’impact, si ce n’est que je disais tout à l’heure, ça a
réduit le temps passé auprès de la personne. ». Elle détourne sur le registre des bonnes
odeurs, au détour des soins d’hygiène, valoriser la personne, la renarcississer. Elle met
le doute sur son sens dominant : l’odorat ou la vue ? Elle conclut par la bonne odeur qui
peut procurer du bien être à la personne. Ma question était en lien avec les odeurs
déplaisantes, je n’avais pas évoqué les odeurs agréables.
Pour L’IDE MAS, il semble plus aisé de parler au patient, d’une odeur désagréable
induite par sa pathologie. Au préalable, il lui est important d’instaurer une relation de
confiance. Celle-ci facilite le dialogue, l’IDE prend en considération ce que le patient
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ressent lui-même. Celui-ci est acteur de sa prise en charge. Toutefois, elle reconnait
qu’il est plus problématique de parler de mauvaises odeurs avec une personne
présentant une négligence corporelle. Elle explique que c’est un obstacle, dans le sens
ou cela touche à l’intimité du patient. Nous savons que le manque d’hygiène chez
certaines personnes peut traduire une souffrance psychique, qu’il faut prendre en
considération.
Au travers de tous ces éléments signifiés, je retrouve la définition de la relation
soignant/soigné, avec la notion de distance relationnelle dans les soins corporels. Je l’ai
référencée dans le concept de la relation. Cela me laisse à penser que l’accompagnement
par la parole pourrait peut-être lever le tabou et éviter que les odeurs soient passées sous
silence ? A l’évidence, il n’est pas facile de parler, au patient de l’effluve déplaisant
durant le soin. Le langage parlé, laisse place à la communication non-verbale par
l’utilisation de mimiques, d’attitude de fuite ou de distance pour le soin, de masque, de
parfum… Chacun essaie de se protéger des odeurs
3 Synthèse de l’analyse
L’analyse des entretiens m’amène à dire que dans l’ensemble les réponses obtenues par
les professionnelles de terrain concordent avec mon cadre conceptuel. Elles ont toutes
répondu ouvertement aux questions.
Je perçois qu’effectivement, quel que soit le lieu d’exercice, les soignantes sont toutes
en contact avec des odeurs durant le soin. D’autre part, je remarque que chacune d’elles
réagit différemment face aux émanations désagréables. Il leur est difficile de qualifier
une odeur incommodante, celle-ci n’est pas uniquement d’origine humaine, comme l’a
soulevé l’une d’elles. Je peux dire que l’odeur déplaisante reste subjective, certes elle
provoque chez les soignantes de la gêne, du rejet, des sensations d’obsessions. Gêne
pour les soignantes mais également envers la personne soignée, elles essayent de
préserver celle-ci, ne voulant pas montrer leur désarroi. Ces odeurs peuvent déclencher
des troubles chez les soignantes, qui incontestablement, assurent les soins. Elles mettent
en place divers moyens matériels ou personnels, afin d’y faire face. L’expérience
olfactive du soin permet de mieux tolérer et gérer celles-ci.
D’une manière générale, pour les infirmières, en parler avec le patient représente une
difficulté. Par ailleurs, je constate que l’échange en équipe pluridisciplinaire devient une
nécessité, dans la mesure où cela permet une mise à distance du problème rencontré, au
cours de la situation de soin, à forte concentration d’odeur.
Cet aspect du travail en équipe pluridisciplinaire est un apport pour moi, dans ce travail
de recherche. La notion de communication en équipe, ne peut qu’être favorable afin que
les odeurs ne soient plus passées sous silence. Elle démontre aussi l’importance du
travail d’équipe autour de la prise en charge du patient dans sa singularité. La mise en
place de réunion avec l’intervention de médecins, de psychologues permet de mieux
appréhender les difficultés rencontrées par rapport aux odeurs dans la relation de soin.
Ce travail d’équipe peut permettre l’instauration d’une relation de confiance avec le
patient.
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Il me semble également important de noter les limites de la portée de l’enquête de
terrain qui se borne à trois entretiens et porte uniquement sur deux secteurs de soins. Il
se dégage cependant une cohérence et une convergence dans les réponses qui permettent
d’extrapoler les résultats.
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Conclusion
Ce travail de recherche ou MIRSI, marque la fin de mes trois années passées à l’institut
de formation en soins infirmiers. Ce temps de formation m’a apporté de nombreux
savoirs, savoir-être et savoir-faire. Ces apprentissages m’ont été d’une aide précieuse
dans mes questionnements sur le soin infirmier et m’ont permis de me positionner.
Ainsi, ce travail de recherche m’a permis de reconsidérer les odeurs présentes dans la
relation de soin, de mieux comprendre leur pouvoir, de mieux les appréhender et surtout
de mieux les accepter. J’ai pu mener mes réflexions sur les odeurs dans le soin et
prendre conscience de la place de nos émotions dans la relation soignant/soigné.
Effectivement les odeurs s’imposent dans le quotidien des soignants, quel que soit le
lieu de l’exercice infirmier. J’ai pu me rendre compte que de tous les sens sollicités dans
la fonction soignante, l’odorat reste un sens peu considéré.
Ce travail m’a aussi permis de constater l’omniprésence des odeurs dans la relation de
soin et que cette présence est loin d’être anodine pour le bon déroulement du soin. Pour
autant ce sujet reste tabou et n’est jamais abordé parmi les nombreux sujets traités
durant tout le parcours de formation en soins infirmiers ainsi qu’en situation de stage.
Il me semble également important de noter l’effort qui doit être fait au niveau du
dialogue dans les équipes soignantes à ce sujet, afin d’instaurer une communication
aidante avec le patient et de ne plus passer sous silence le phénomène des odeurs.
Pareillement, cette étude m’a donné l’occasion de faire un travail sur soi-même et suite
à l’analyse des entretiens des professionnelles, de considérer les odeurs du patient, non
pas comme une contrainte mais comme un atout pour élaborer son projet de soin.
Aussi ma réflexion sur ce travail de recherche me fait prendre conscience d’une
difficulté de dialogue entre soignant/soigné et je pense qu’il serait intéressant d’explorer
cette problématique lors d’un prochain travail de recherche:
En quoi la prise en compte de la souffrance du patient occasionnée par les
mauvaises odeurs de sa pathologie, peut-elle favoriser la relation d’aide ?
.
36
Bibliographie
OUVRAGES :
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BIOY Antoine, BOURGEOIS Françoise, NEGRE Isabelle. Communication soignant/
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HESBEEN Walter. Prendre soin à l’hôpital, inscrire le soin infirmier dans une
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RAJABLAT Marie. La toilette voyage au cœur du soin.2ème
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DICTIONNAIRES :
Le Petit LAROUSSE illustré 1993. Paris : Larousse, 1992. 1784 p.
PETIT ROBERT 1. Paris : Le Robert, 1984. 1784 p.
MAGNON René, DECHANOZ Geneviève, LEPEZQUEUX Maryvonne. Dictionnaire
des soins infirmiers, 2ème
édit Lyon : édit AMIEC, 2000. 333p.
POTIER Marguerite. Dictionnaire encyclopédique de soins infirmiers. Paris : Lamarre
Poinat, 2002. 363 p.
37
ARTICLES DE REVUES :
HAUTEMULLE Mathieu. Au quotidien le flair infirmier. L’infirmière magazine,
novembre 2011, n°311. P.14-21
MERCADIER Catherine. La dimension sensorielle du soin. Perspective soignante, avril
2002, n° 13.p.21-26.
WIERANGA Phyllis. A vue de nez ou du plaisir d’humer. Perspective soignante, avril
2004, n° 19. P. 17-34.
DOCUMENTS INTERNET :
DUPERRET DOLANGE, Sylvie. Le nez du soignant. Revue de l’AMIEC [En ligne]
1995, n° 30/31 p.1-11 (consulté le 05/02/2015) disponible sur :
http://papidoc.chic-cm.fr/542nezdusoignant.html
LONGRICH, Brigitte. Une touche de bien-être dans la tourmente. Soins infirmiers
[PDF] 2011, p.40-43] (consulté le29/01/2015) disponible sur :
www.evanescence.ch/news/Soins
ROQUE, Sandrine. Le miasme et la jonquille CORBIN Alain, Aubier, Montaigne,
1982.ENS Lyon section de sociologie fiche de lecture[en ligne] p.1-9 (consulté le
29/01/2015) disponible sur :
http://socio.ens-lyon.fr/agregation/corps/corps_fiche_corbin.php
Annexes
II
Sommaire des annexes
Pages
Annexe I : Guide d’entretien ............................................................................. III
Annexe II : Entretien N° 1 – Infirmière libérale ................................................. V
Annexe III : Entretien N° 2 – Infirmière USLD ............................................... XII
Annexe IV : Entretien N° 3 – Infirmière MAS.............................................. XVII
Annexe V : Tableau récapitulatif ................................................................... XXII
III
Annexe I : Guide d’entretien
Problématique : En quoi les odeurs ont-elles un impact dans la relation de soin ?
Mon objectif principal est de savoir si les odeurs peuvent influencer la relation
soignant/soigné.
1. Mon objectif est de connaitre l’âge du soignant et l’ancienneté dans la
profession IDE.
Question : Pouvez-vous me donner votre âge ? Depuis combien de temps
exercez-vous en tant qu’infirmière ?
2. Dans le milieu du soin, il existe toujours des odeurs. Je désire savoir
quelles sont les odeurs le plus ressenties par l’IDE.
Question : Dans quels services avez-vous exercé et dans quel service
exercez-vous actuellement? Pouvez-vous me citer les odeurs avec
lesquelles vous êtes (ou avez été) le plus en contact ?
3. Mon objectif est de connaitre quelles odeurs incommodes le plus l’IDE
et son ressenti face à celles-ci.
Question : D’une manière générale pouvez- vous me dire quelles odeurs
vous incommodes le plus dans l’exercice infirmier ? Pouvez-vous me dire
ce qu’elles provoquent chez vous ?
4. Mon objectif est de savoir si les odeurs peuvent avoir un impact dans
la relation de soin avec le patient
Question : Avez-vous déjà été confronté à une odeur gênante qui vous a
mis en difficulté dans la relation avec le patient ? Pouvez-vous me parler
de cette (ces) situation(s) ?
5. Mon objectif est de connaitre ce que met en place l’IDE pour affronter
les odeurs.
Question : Quels moyens mettez-vous en place pour affronter ces odeurs ?
6. Mon objectif est de savoir si l’expérience permet de mieux supporter
les odeurs.
Question : Pensez-vous que l’expérience permet de mieux supporter les
odeurs ? Pourquoi ?
IV
7. Mon objectif est de savoir si l’IDE parle des odeurs avec le patient et
si cela a un impact sur la relation de soin
Question : Parlez-vous avec le patient des odeurs que vous jugez
désagréables ?
Si oui, est-ce que cela a un impact sur la relation de soin ?
V
Annexe II : Entretien N° 1 – Infirmière libérale
ESI Alors, moi ma problématique c’est, en quoi les odeurs ont-elles un impact
dans la relation de soins. ?
Donc, mon objectif principal, c’est de savoir si les odeurs peuvent
influencer la relation soignant/soigné.
Donc, pouvez-vous me donner votre âge ?
IDE 52 ans
ESI Depuis combien de temps exercez-vous en tant qu’infirmière ?
IDE Oh, je ne sais même pas…, depuis 17 ans.
ESI D’accord. Dans quel service avez-vous exercé ? Et dans quel service
exercez-vous actuellement ?
IDE J’exerce en libéral actuellement. J’ai exercé en lycée, en clinique
psychiatrique, en clinique privée chirurgicale, j’ai exercé aussi en hôpital
psychiatrique, c’est tout. Et en libéral.
ESI Et en service hospitalier, dans un service spécifique ?
IDE Alors en service hospitalier, j’ai fait les services d’admission de personnes
âgées en crise, les services d’admission adulte et long séjour psychiatrique.
ESI Sinon, vous pouvez me citer les odeurs avec lesquelles vous êtes ou vous
avez été le plus en contact. ?
IDE Les odeurs d’urines, de selles, ça c’est les deux premières.
Les odeurs, alors à domicile, les odeurs d’urines de chat, ça c’est terrible,
autrement les odeurs de maisons, appartements sales, ça c’est plutôt un
problème d’hygiène au niveau de la propreté de la maison.
Les odeurs d’escarres, les odeurs de plaies, je les donne toutes par ordre en
fait, parce que les odeurs d’urines de chat dans les maisons, ce serait même
plus courant que les odeurs de plaies, je crois qu’on rencontre plus cette
odeur, que les odeurs de plaies.
ESI Et en service hospitalier ?
IDE En service hospitalier, il n’y a que les selles, les urines, les odeurs d’urines,
le vomi et peut-être l’odeur de la personne âgée, quand on a une période où
on n’a pas travaillé et que l’on revient dans le service, mais c’est une odeur
générale à l’établissement, ce ne serait pas une pièce, ni un soin, ce serait
une odeur générale à l’établissement, par exemple en long séjour
psychiatrique, quand je ne travaillais pas pendant un moment et que je
revenais après 2 ou 3 semaines d’absence et bien je ressentais, cette odeur
quand je rentrais, alors que quand j’y travaillais tout le temps, je ne la
sentais pas.
VI
ESI Donc, avec le temps, on s’habitue à l’odeur ?
IDE Oui.
ESI Euh, sinon d’une manière générale, pouvez-vous me dire quelle odeur
vous incommode le plus dans l’exercice infirmier ?
IDE L’odeur de vomi, bien que je ne l’ai pas rencontré souvent, mais l’odeur de
vomi, Euh… ben… l’odeur de chat dans les maisons qui m’incommode
beaucoup parce que l’on est obligée d’y faire face quand on rentre dans les
maisons et de la supporter tout le temps qu’on est avec la personne, ça je
trouve assez terrible. Et les odeurs de négligence, je veux dire de maisons
mal…, où il n’y a pas d’hygiène. Ça c’est très dur parce qu’il faut rester le
temps du soin. Ce n’est pas l’odeur, en lui-même du soin, qu’on est en train
de faire, ce serait plutôt environnemental, en fait je dirai.
ESI D’accord.
IDE Et ça c’est plus dur. Voilà. A domicile en tout cas.
ESI A domicile ?
IDE Oui, là je parle à domicile, oui.
ESI D’accord. Et, pouvez-vous me dire ce qu’elles provoquent en vous ?
IDE La surprise d’abord, euh … de l’envahissement au niveau euh… En
deuxième du coup, c’est plus de l’ordre de l’envahissement, vous sentez
cette odeur partout dans la maison donc vous en êtes envahie, et après, de
l’obsession, à tel point que même je me souviens être sortie de maisons où
c’était entêtant, de l’obsession même après dans la voiture où vous avez
l’impression, que tout vous envahi, même au niveau des vêtements.
ESI D’accord.
IDE Cette odeur elle est euh,… elle est enregistrée par le cerveau. Et elle ne vous
quitte pas, des fois pendant très, très, très longtemps. Mais autrement, dans
l’odeur du soin lui-même, euh…, c’est quelque chose qui maintenant, je
veux dire, au niveau des selles et des urines et par exemple les odeurs de
plaies, quelque chose que je sens mais euh… je ne peux pas dire qu’elle me
surprend, elle est habituelle, euh… elle va me servir euh… je veux dire par
exemple , l’odeur de plaie, elle va me servir, je veux dire euh… ben tiens il
y a plus de fibrine qui a coulée. Ça va dégager une odeur toute particulière,
je sais que même, avant de défaire le pansement, la fibrine aura beaucoup
coulée. Donc ça fait partie du soin, mais elle ne me dérange pas.
ESI D’accord.
IDE Elle ne me dérange pas. Voilà.
VII
ESI Euh… sinon, donc avez-vous déjà été confronté à une odeur gênante qui
vous a mis en difficulté dans la relation avec le patient ?
IDE Alors, proprement dit au niveau du soin, non. Pas du tout. C’était de l’ordre
d’un soin que j’étais en train de faire, pas du tout. Des selles, des urines,
voilà, des plaies, vomissements, ça me… j’ai eu du mal ouais. Euh… j’ai eu
du mal, euh… quelques-fois mais quoique, ça ne m’a pas empêché de finir
mon soin. L’odeur environnementale de l’environnement m’a eu parfois
gêné à tel point que des fois j’étais obligée de mettre un masque.
ESI D’accord.
IDE Pour pouvoir faire une barrière entre l’odeur environnementale et moi.
Voilà.
ESI D’accord. Et pouvez-vous me parler de cette situation justement où il a
fallu mettre un masque pour supporter ?
IDE Ben là, il s’agissait, alors euh… j’ai fait mon soin, j’avais qu’un dextro, et
insuline à faire chez cette personne. J’ai mis un masque euh… oui. Je ne
suis pas restée longtemps faire le soin parce je ne pensais qu’à une chose,
c’était de sortir, mais c’est une odeur environnementale en fait. Donc, ce
n’était pas… je n’étais pas venue, euh…, j’étais venue pour faire un soin,
donc j’ai fait mon soin, et c’est vrai que je suis partie très vite, je ne suis pas
restée discuter avec la personne, il fallait que je sorte. Voilà.
ESI D’accord.
IDE Donc je ne sais pas euh… est ce que ça répond proprement dit à la question
les odeurs environnementales, ou bien, est-ce que c’est…
ESI Ben, ça fait partie d’un ensemble, c’est vrai que, ben l’hôpital aussi il y a
des odeurs de l’hôpital qui, en soit euh…, font partis parce que c’est les
lieux, c’est les produits, c’est les personnes, c’est… oui, tout un ensemble.
Euh… oui, l’odeur peut-être aussi dans une chambre, quelqu’un qui, je ne
sais pas moi, qui ne s’est pas lavé, une odeur de transpiration, c’est
insupportable, on va dire c’est l’odeur qui pénètre, enfin qui est présente
dans la pièce, et c’est avec l’environnement.
IDE D’accord, ok.
ESI Euh… sinon, quels moyens mettez-vous en place pour affronter ces
odeurs ?
IDE Euh… ben un, je vais prendre la fuite le plus rapidement possible si cela me
dérange trop, si vraiment au bout d’un moment, ça m’incommode et que
vraiment je ne peux plus, que ça devient très lourd. Euh…
ESI Prendre la fuite, ça veut dire faire… ?
VIII
IDE C’est à dire réduire mon temps auprès de la personne. Voilà, euh… au
niveau du soin autrement dit, ça ne me dérange pas, donc euh…
éventuellement, si ça me dérangeais, ce serait de mettre un masque. Voilà.
Mais je ne pense pas que… ça ne réduirait pas en tout cas… ça ne réduit pas
le temps passé auprès de la personne.
ESI D’accord. Donc le masque permet de supporter entre guillemet, l’odeur.
IDE Ouais. Et ça ne, comment dire euh… ça ne va pas changer euh… je vais dire
euh… je suis infirmière, et je ne vais pas, comment dire, j’aurais toujours de
l’empathie et de la sympathie pour l’autre, malgré l’odeur, ça ne changera
rien à ma vision de l’autre.
ESI D’accord.
IDE Voilà, ça ne me gêne pas, j’arrive à faire que moi-même, euh… dans mon
conscient, même si l’odeur, elle est forte, je veux dire au niveau du soin,
j’arrive à faire que ça ne me dérange pas du tout, à me mettre dans un état
d’esprit, un état de conscience qui va faire que je vais oublier l’odeur.
ESI D’accord.
IDE Voilà. Je pense même que si l’odeur est très forte, et que elle peut être
dérangeante, j’arrive je pense à me mettre dans un état un peu modifié de
conscience qui peut être…, qui va faire que je vais être pleinement avec
l’autre, et que l’odeur, je vais en faire abstraction.
ESI D’accord.
IDE Voilà.
ESI Et la personne, comment euh… le fait de vous voir avec un masque, elle
réagit comment ?
IDE Je préviens carrément euh… en disant euh… alors, chez cette personne, on
avait été obligé de… je lui avais carrément dit: « écoutez, je suis désolée,
mais il y a les odeurs, je ne peux plus, je ne peux pas. Il y a les odeurs de
chats Monsieur, vous avez besoin des chats » et, il n’y avait pas que les
odeurs des chats, c’était terrible. Euh… donc euh… mais je préviens, je
préviens, je préviens l’autre. Maintenant, euh… c’est à prendre dans le
contexte. Euh… qu’est-ce que… j’ai souvenir d’avoir mis un masque aussi
mais, là je faisais que passer, et j’avais dit que j’étais enrhumée, donc là
j’avais mentis, pour pas vexer. C’est vraiment à prendre au cas par cas en
fait.
ESI D’accord. Euh… sinon, pensez-vous que l’expérience permet de mieux
supporter les odeurs ?
IDE Non. Non, je pense que, il y a des gens qui sont plus, alors, moi je n’ai pas
un odorat très développé, et je ne peux pas dire que je suis très sensible au
IX
parfum. J’aime, mais je ne suis pas sensible, aux odeurs. Je pense qu’il y a
de l’ordre, déjà génétiquement et héréditairement, de l’ordre de euh… d’un
tout à chacun, voilà. Euh… je sais qu’il y a des collègues qui vraiment ont
beaucoup, beaucoup de mal avec les odeurs. Moi, je n’y suis pas sensible.
Voilà. Donc je pense que déjà, il y l’air d’une composante héréditaire et
génétique et aussi d’une histoire parce que je pense que il y a des gens qui
ont développé euh… l’odorat parce qu’il… par rapport à leurs histoires
personnelles, donc il y a trois composants à prendre en compte chez l’autre,
et je pense qu’il y a des gens qui sont plus sensibles que moi.
ESI D’accord.
IDE Voilà.
ESI Et je pense que je dois arriver à ma dernière question. Donc euh… parlez-
vous avec le patient des odeurs que vous jugez désagréables ?
IDE Alors, deux cas de figures, est ce que ça m’est arrivée d’en parler avec des
patients en parlant d’autres patients, peut-être, oui. Je pense à une dame, oui,
ou peut-être les gens m’ont posé des questions, à ce sujet-là, est ce que
l’odeur de ma plaie vous incommode ? Ma réponse, elle a dû… non,
surement, parce que je n’ai pas souvenirs vraiment. Alors, donc en parlant,
alors ce serait soit de parler par exemple… alors soit, les personnes dont on
parle des odeurs en général, ou de leur odeur, donc ça c’était le premier cas.
J’ai pu en parler certainement avec les patients mais je n’ai pas souvenirs.
ESI Et donc quand vous avez parlé avec eux, est-ce que ça a un impact sur la
relation de soin ?
IDE Difficile à dire parce que moi je ne suis pas très sensible aux odeurs. Ça n’a
pas vraiment d’impact, si ce n’est que je disais tout à l’heure, ça a réduit le
temps passé auprès de la personne. Mais ça, c’est pour ma part à moi, parce
que j’imagine qu’il y a d’autres collègues que je connais qui …, sont très,
très sensibles à l’odeur. Je pense même que ça doit les envahir et moi
j’avoue que non, ça n’a pas vraiment, ça n’a pas d’impact avec les gens.
Vraiment non.
ESI D’accord.
IDE Je n’ai pas souvenir en tout cas, mis à part des odeurs environnementales, ou
voilà, j’ai réduit le temps, j’ai mis un masque, je n’ai pas de souvenir
vraiment d’une situation qui m’aurais complétement marquée à vie à propos
des odeurs.
ESI Est-ce que vous pensez que c’est facile de parler des odeurs à vos
patients ? D’autant plus que… (Interruption)
IDE Non, si j’y pense, je n’en parle jamais. Je n’en parle jamais car je fais
abstraction de ça.
X
ESI D’accord. Ce n’est pas dans l’ordre du tabou, de parler au patient de son
odeur, non ?
IDE Ce n’est même pas que c’est tabou, euh… Je trouve que ce n’est pas
l’essentiel. Euh… par contre de dire à une personne d’aller vers le point
positif en disant par exemple en lavant, en disant : oh là, là, vous allez sentir
bon après ou lui mettre du parfum. Je dirais que l’odeur, elle est plus… si je
vais en parler c’est plus dans le sens d’un positif et d’une valorisation et du
narcissisme. Dans cet ordre-là, il servirait dans l’ordre du soin.
ESI D’accord.
IDE Parce que j’y ai pas pensé avant. Mais ce ne serait pas euh… pour m’en
servir, c’est un peu compliqué. Voilà, je me servirais de l’odeur pour
positiver.
ESI Dans le registre, oui de… de l’estime de soi du patient d’être…
IDE Parce qu’en fait, j’ai pensé à la mauvaise odeur, mais les bonnes odeurs, ça
ne veut pas dire que j’ai pensé que la personne sentait mauvais avant. Mais
le fait que je la lave et que je lui mette du parfum ou quelque chose après,
c’est dans l’ordre de la renarcississer, de faire que, que ce moment est plus
beau, que je l’aide, que, voilà, c’est un échange entre nous, de la rendre plus
belle, voilà. Ça c’est un objectif de soin positif. Maintenant, les odeurs, c’est
vrai que j’ai pensé qu’aux mauvaises odeurs et pourquoi je n’ai pas pensé
aux bonnes odeurs ? Je ne sais pas. Voilà.
ESI Parce que peut-être que… Mauvaises odeurs c’est dans l’ordre du
déplaisant, et quand on parle des odeurs, c’est peut-être plus du registre du,
quelque chose de pas agréable…
IDE Pas agréable, voilà. Ouais.
ESI D’accord.
IDE Mais une odeur, quelqu’un qui est lavé après le soin, on est toujours avec la
personne aussi.
ESI Oui, c’est un temps plaisant donc peut-être qu’on va…
IDE C’est un temps plaisant, et on est passé à un autre registre aussi, oui.
ESI Oui, et qu’on a peut-être envie de prolonger ce temps du fait que c’est
quelque chose d’agréable, je ne sais pas.
IDE Je ne sais pas en fait, je ne crois pas, je ne crois pas parce je mets en avant
plus la relation et l’odeur plus à côté. C’est vrai que quand j’ai fermé une
porte et que j’ai laissé la personne bien jolie, bien propre, euh… je suis
contente, mais est-ce que c’est de l’ordre de l’odeur, non. Ce serait plutôt de
l’ordre du visuel. En fait, je suis plus visuelle. Donc les odeurs, c’est
XI
intense, voilà, qui ne… en fait, ça me ramène au fait que je travaille plus
visuellement, qu’avec l’odorat.
ESI Qu’avec l’odorat.
IDE Ouais, mais y en a, certainement des collègues qui doivent travailler avec
l’odorat. Ça je…, elles doivent être plus euh… elles ont plus développé ce
sens que moi, et moi je suis très visuelle donc si je mets la personne très
belle, je suis très contente. Si elle à un parfum que je lui ai mis, bon, elle
sent bon, mais voilà, ce n’est pas plus pour moi, je serai pas plus heureuse
en sortant de là, voilà. Peut-être qu’elle, elle serait contente, c’est de l’ordre
de, voilà du soin aussi, ça fait partie d’une globalité. En fait, l’odeur fait
partie du soin mais pour moi, c’est secondaire, voilà.
ESI D’accord. Bon, ben je vous remercie d’avoir répondu au questionnaire,
merci.
XII
Annexe III : Entretien N° 2 – Infirmière USLD
ESI Alors je tenais, quand même à vous remercier de votre présence, et pour
m’avoir autorisé à venir vous questionner, sur donc mon thème de MIRSI
qui porte sur les odeurs et l’impact dans la relation de soin.
Alors la 1ère
question ça va être : Pouvez-vous me donner votre âge ?
IDE 32 ans
ESI Depuis combien de temps exercez-vous en tant qu’infirmière ?
IDE Depuis 2008, donc 7 ans.
ESI D’accord ; Dans quel service avez-vous exercé ? Et dans quel service
exercez-vous actuellement ?
IDE Alors j’ai fait Laennec, en moyen-séjour. Après, en maison de retraite sur
Fouesnant, Clinique des Glénan à Bénodet, et euh depuis 2010, à la
Résidence de Kerfily sur Gourmelen.
ESI D’accord, euh…Pouvez-vous me citer les odeurs avec lesquelles vous avez
été ou vous êtes le plus en contact ?
IDE Euh.., les odeurs, de fin de vie…
ESI D’accord,
IDE euh.., il y a une odeur particulière, en rentrant dans la chambre, euh…au
niveau de la peau du patient, euh que d’autre personne du service ne sente
pas particulièrement c’est vrai, qu’au départ c’est difficile à expliquer aux
collègues euh qu’on a une odeur comme ça, au niveau de la peau. A mon
avis, il doit y avoir un, (silence) …... au niveau des pores de la peau, qui
doivent … sortir.., une odeur spécifique et c’est assez désagréable. Parce
qu’on peut avoir des nausées. (Grimaces du visage)
ESI D’accord. Euh d’une manière générale, pouvez-vous me dire quelle
odeur vous incommode le plus dans l’exercice infirmier ?
IDE Et bien justement l’odeur de la fin de vie, qui me dérange le plus, que la
toilette en générale, quand il y a des urines ou bien des selles.
ESI D’accord, Et pouvez-vous me dire ce qu’elle provoque chez vous ?
IDE Un mal être, parce que je, euh comme nous connaissons les patients depuis
quelques mois ou des années, mais il se forme des sentiments, on s’attache
aux patients. Donc quand on les voit…euh, se dégrader et en fin de vie et
bien on a un peu de mal par rapport à ça justement. Sachant, on se dit…c’est
injuste par rapport au patient, alors que bon,… c’est avec l’âge. C’est la
continuité des soins, on a fait au maximum, de ce qu’on pouvait faire, ce
XIII
qu’on a pu faire. Donc, du coup c‘est incommodant et c’est dans la relation
avec le patient en fin de vie, euh… du coup, on n’a pas envie que le patient
parte.
ESI oui,
IDE Qu’il s’en aille comme ça c’est,… (Émotions) c’est difficile à dire, comme
ça, du coup, on est quand même obligée de poursuivre les soins chez la
personne. Ça demande beaucoup plus… (Silence), d’attention qu’une autre,
en règle générale.
ESI C’est l’évocation de la mort peut-être ?
IDE Surement, mais je, bon, j’ai…, je devrais, il faudrait que je puisse poursuive,
justement d’autres expériences, voir plus de théorie sur la fin de vie, avec
tout ce qu’il y a aux alentours, la famille, la personne qui souffre, les odeurs,
voilà. Il y a aussi une dignité par rapport au patient, qu’il faut aussi essayé
de gérer, et ce n’est pas toujours évident par rapport à ça.
ESI D’accord. Avez-vous déjà été confronté à une odeur gênante qui vous a
mis en difficulté dans la relation avec le patient ?
IDE Euh, non.
ESI Pas particulièrement.
IDE Non.
ESI D’accord. Donc il n’y a pas de situation où,… (Interruption)
IDE C’est à chaque fois, et bien, c’est les situations de fin vie. Sinon en règle
générale ben, les odeurs, on passe par-dessus, donc, ça ne me dérange pas le
restant du temps.
ESI D’accord. Et quels moyens mettez-vous en place pour affronter ces
odeurs ?
IDE Et bien déjà, j’essaie de mettre mes émotions de côté, pendant la réalisation
de la toilette. Justement je me dis que c’est, déjà, pour son confort, au
patient. Donc il faut faire abstraction, euh, aux odeurs, sachant que de toute
façon, on va y rester un moment dans la chambre, vu que c’est quand même,
des soins de confort, qu’on va lui faire. Donc du coup, voilà, (soupirs), on
essaye, de prendre sur soi, donc, ce qui n’est pas évident, évidemment, en
rentrant dans la chambre, mais il faut qu’on fasse abstraction à l’odeur.
ESI D’accord, vous n’utilisez pas de masque ?
IDE Non.
ESI Ou de
XIV
IDE Non, parce que ça peut déranger, un peu, le patient, de nous voir avec un
masque, justement, sur la bouche, alors que c’est beaucoup mieux, quand on
fait une toilette, quand on la réalise, ben, qu’on soit proche du patient, parce
s’ il nous voit avec le masque, ça peut faire, une barrière, au moment de la
toilette, parce que le patient peut se dire… « Je suis en fin de vie, mais je
n’ai pas une infection, une infection pulmonaire ou staphylocoque doré »,
alors voilà, c’est, pour moi non, c’est. Je, je ne peux pas. Voilà, il me faut
être en contact directement, que je n’ai pas besoin de me cacher, au patient,
parce que, ça ne sert à rien, de toute façon.
ESI D’accord, Pensez-vous que l’expérience permet de mieux supporter les
odeurs ?
IDE Oui
ESI Oui
IDE Oui, parce que au fur et à mesure de toute façon, on voit l’évolution de la
maladie, du patient, la prise en charge, des soins, donc au bout d’un moment
on sait que de toute façon (silence) où on va en finir avec le patient, où il va
terminer, ses jours, donc du coup voilà, c’est (inspiration) trop dur où on est,
mais on sait, que les patients vont y rester et ils vont finir leur jour avec
nous, donc du coup, voilà c’est (silence), on s’y fait à la longue.
ESI On s’y fait à la longue. D’accord. Et votre expérience passée dans les
services de, autre que du long séjour ?
IDE Euh, ben…, les odeurs étaient beaucoup plus fortes, vu que c’était des
escarres assez importantes, donc les odeurs sont aussi, aussi, différentes
qu’on peut avoir avec la fin de vie.
ESI D’accord,
IDE Avec ça, on peut être, avoir des nausées, parce que là c’est, on a mal pour le
patient.
ESI hum, oui,
IDE Voilà, c’est…, parce qu’il faut dire aussi, on peut tourner de l’œil, parce
qu’on voit aussi l’escarre évoluer, et bon l’odeur en plus, le toucher, la vue,
ça peut déranger pas mal de soignants, par rapport à ça.
ESI D’accord, et justement, est-ce-que vous arrivez à parler avec le patient des
odeurs que vous jugez désagréables ?
IDE Non, j’ai du mal.
ESI Du mal.
IDE Ouais, parce que j’ai déjà du mal pour les patients, en fin de vie justement,
alors là, bien faire la prise en charge des soins, et en plus, si je dois en parler
XV
de l’odeur, euh… non, déjà, on essaie de faire au maximum, de les soulager,
on essaie de les accompagner jusqu’au bout, de les rassurer, pour dire qu’on
est avec eux. Tandis que là, en plus de parler des odeurs, ça risque de, peut-
être, les contrarier, de les mettre à mal justement. Parce ce qu’ils peuvent se
rendent compte, qu’ils sont en fin de vie, donc on ne va pas leur mettre
quelque chose de plus avec leurs douleurs, donc on essaie de faire
abstraction, sur nos émotions, par rapport à ce qu’on peut ressentir, donc, on
essaie de rester souriant et de pas être à trop respirer, de pas trop renifler les
odeurs dans la chambre. Voilà.
ESI Et d’après vous est-ce-que c’est quelque chose de facile ou pas de parler
de l’odeur au patient ?
IDE Ça peut être compliqué, mais on peut en parler après euh, avec l’équipe.
ESI Avec l’équipe,
IDE Avec l’équipe, on peut en reparler justement. Bien plus en profondeur, de
ce qu’on peut ressentir, des odeurs avec les patients.
ESI d’accord.
IDE Le patient, même, s’il n’est plus apte à communiquer avec nous, ce n’est
pas évident de leur en parler. Déjà qu’ils ont des troubles de mémoire des
troubles du comportement, on ne va pas aller leur en rajouter en plus. Donc,
je préfère m’occuper intégralement du patient et j’en reparle en dehors de la
chambre.
ESI D’accord. Pour vous, donc, le fait d’en parler en équipe, ça permet aussi de
se décharger de la lourdeur.
IDE Voilà, oui, oui.
ESI De la lourdeur, entre guillemet, de l’importance de l’odeur qui
IDE Ah, oui, bien justement, c’est comme ça, où on peut, peut être avancée,
avec l’équipe par rapport à la fin de vie, aux odeurs, à ce qui peut y avoir
dans la chambre et qu’on essaie d’améliorer. Justement, parce que de toute
façon le patient ne va pas nous, nous envoyer autre chose, que soulagement
ou autre (silence), ce sera plus, avec les collègues, qui vont nous dire, « oui,
voilà on pourrait améliorer les choses dans la chambre, améliorer le confort,
ou améliorer les techniques que l’on pourrait avoir en rentrant dans la
chambre.
ESI D’accord.
IDE Avec le patient donc. Généralement quand moi j’ai les odeurs, c’est quand
ils sont déjà en fin de vie, et euh, voilà, je ne sais pas comment le préciser
autrement, mais, voilà, je suis comme ça et d’autres personnes seront peut-
XVI
être pas comme moi avec les odeurs, mais chez moi c’est très, j’ai un odorat
très développer.
ESI D’accord, bien ben écoutez, je vous remercie, je pense qu’on a fait le tour
des questions.
XVII
Annexe IV : Entretien N° 3 – Infirmière MAS
ESI tout d’abord, je tenais à vous remercier de faire cet entretien avec moi, donc
dans le cadre de notre mémoire, où moi mon sujet porte sur l’influence des
odeurs dans le soin.
Donc, je vais vous poser quelques questions, ça ne va durer non plus un
temps long.
Donc au début, je souhaiterais savoir votre âge ?
IDE 48 ans
ESI depuis combien de temps exercez-vous en tant qu’infirmière ?
IDE 25 ans
ESI 25 ans. Alors, deuxième question,
IDE 26 ans
ESI 26 ans, les années passent, on ne se rend même pas compte.
Dans quel service avez-vous exercé et dans quel service exercez-vous
actuellement ?
IDE Alors, j’ai travaillé à l’hôpital à Auxerre, mais pas très longtemps, 3 mois,
après j’ai fait 15 ans en rééducation et réinsertion professionnelle dans
l’Hérault, après j’ai fait du libéral, j’ai travaillé à la polyclinique à Quimper
et maison de retraite et encore en psy depuis trois ans et demi.
ESI D’accord, donc, un parcours bien étayé.
Alors, pouvez-vous me citer les odeurs avec lesquelles vous êtes ou vous
avez été le plus en contact ?
IDE Les escarres
ESI Les escarres
IDE Oui,
ESI D’accord. Pouvez-vous me dire, d’une manière générale quelles odeurs
vous incommodent le plus dans l’exercice infirmier ?
IDE Ah, ben c’est les escarres, les escarres que j’ai beaucoup de mal à supporter.
ESI D’accord, et pouvez-vous me dire ce qu’elles provoquent chez vous ?
IDE Euh, un mal être, un rejet quelque part, je ne sais pas de quoi c’est lié, mais
de voir ces trous là avec cette odeur de puanteur, c’est horrible.
ESI Le mal être, il peut être, euh, de quel ordre ?
XVIII
IDE Ben peut-être ne pas trop accepter de voir quelqu’un arriver à ce stade-là, de
pourriture entre guillemets, parce que là on arrive à de la pourriture, donc je
pense que c’est ça surtout, un peu le rejet et puis peut-être aussi parce que
j’ai été confrontée à un stage en deuxième année, mon premier stage en
médecine, je n’avais jamais vu d’escarre vrai, à part des petites rougeurs, et
là l’infirmière m’a dit : va commencer la toilette, j’arrive, et là, la personne
était pourrie d’escarres et une odeur pas possible en ouvrant la porte. Bon,
j’ai pris sur moi ce jour-là, mais la toilette a été très compliquée.
ESI Très compliquée …
IDE Ouais, parce que je ne voulais pas montrer à la personne que j’étais … mal.
ESI Oui
IDE Et en même temps on a un peu de rejet quoi, vis-à-vis de la personne, donc
on est entre deux, hein.
ESI D’accord
IDE Donc c’est un souvenir qui est resté tout le temps.
ESI Qui est resté tout le temps !
IDE Ah oui, ça m’a marqué je crois à vie, ce truc
ESI D’accord, donc ça reste bien …
IDE Oui, même l’odeur, dès qu’il y a une odeur d’escarre, je repense à cette
personne.
ESI D’accord, avez-vous déjà été confrontée à une odeur gênante qui vous a
mis en difficulté dans la relation avec le patient ?
IDE Ben, ouais, celle-là, ou alors aussi peut-être aussi les gens qui ont des colos,
suite d’intervention de colostomie, où là au départ les selles ont une odeur
un peu forte, un peu différente, mais là bon comme c’est en visu, donc, faut
faire attention
ESI Donc, la question qui suit, c’est pouvez-vous me parler de cette situation
ou de ces situations, en parlant de la gêne, de ce que vous avez pu mettre
en … ?
IDE Ben ouais, parce que c’est vrai qu’on a envie un peu de vomir, parce que ces
odeurs c’est un peu … bon. Et en même temps faut pas le montrer à la
personne, donc on essaie de se cacher, euh …, après ce que j’avais pris
comme distance c’est de dire que je suis enrhumée, de mettre un masque
devant la figure pour essayer de pas montrer à la personne qu’on n’est pas
bien, parce que le masque cache beaucoup. C‘est une façon de se camoufler
parce que c’est vrai que ce n’est pas agréable. Bon suivant les escarres où ils
sont placés, c’est vrai que quand la personne c’est au niveau sacrum, bon
XIX
ben ils sont tournés sur le côté, ils nous voient pas de face, mais les
colostomies ils nous voient de face, donc faut garder le sourire, faut garder
… pour pas qu’ils s’inquiètent, mais en même temps … parce que déjà eux
ils ont l’odeur aussi hein.
ESI Et pour vous donc, donc je pense que vous m’avez déjà répondu, quel
moyen mettez-vous en place pour affronter ces odeurs ? Donc c’est le …,
le masque
IDE Le masque oui, ou alors mettre un peu de parfum sur la tenue et puis essayer
de pencher un peu la tête pour avoir le parfum
ESI Avoir son odeur de parfum
IDE Se rapprocher de quelque chose qu’on connait bien, qui nous rassure
ESI D’accord, donc vous diriez que votre odeur ou quelque chose de l’ordre
d’un parfum d’une note agréable peut rassurer.
IDE Peut aider à nous rassurer quoi, parce que après je ne sais pas la personne en
face comment elle le ressent, mais je sais que là où j’ai été le plus en
difficulté c’est quand j’étais enceinte hein, alors là, je me rappelle en
rééducation, y’a un monsieur, je ne pouvais pas aller le faire hein, c’était
impossible
ESI Impossible ?
IDE Ah non, je vomissais à chaque fois.
ESI Donc, du coup il faut trouver la personne … dans l’équipe ou le relais à qui
confier
IDE Ouais
ESI Humm, est-ce que c’est difficile de parler dans ces cas-là, même au niveau
de l’équipe, son ressenti ou ses difficultés
IDE Euh …, au niveau de l’équipe c’était possible parce qu’on était pas mal
d’infirmières à avoir eu des grossesses à peu près dans les mêmes temps et à
avoir à plusieurs les mêmes problèmes, donc, euh, autant le premier je n’ai
pas eu de souci, mais la deuxième, je ne pouvais pas quoi.
Donc, bon, voilà. C’était surtout les gros escarres, les petits escarres, ça
passait, mais les gros escarres avec odeur et tout, non.
Eh ben sinon, vis-à-vis de la personne, ben je lui ai expliqué.
ESI D’accord.
IDE J’étais désolée, ce n’était pas que je ne voulais pas lui faire le pansement,
mais que je ne pouvais pas, en étant enceinte.
ESI Et en face de vous, la personne pouvait comprendre ou difficile de …
XX
IDE Ben, c’est-à-dire que là bon, c’est des personnes, ben souvent qui étaient
paraplégiques ou tétraplégiques, donc qui avaient l’habitude de venir
régulièrement en rééducation, pour des escarres, donc à chaque fois on leur
disait la prévention, on leur disait dans quel état ils étaient, on leur faisait
des photos, on leur montrait, donc ben là je ré insistait sur la prévention
pour leur dire, ben voilà, si on nous écoutait un peu plus souvent, qu’on
faisait attention, qu’ils ne reviendraient pas dans cet état là et voilà.
Après quand ils étaient au fauteuil, quand on se parlait autrement ça allait,
mais le soin ça on ne pouvait pas.
ESI D’accord, et pensez-vous que l’expérience permet de mieux supporter les
odeurs ?
IDE De mieux les supporter … oui et non, c’est surtout de mieux les gérer,
d’apprendre à trouver des ressources pour le gérer et puis on est plus à l’aise
pour discuter avec la personne quand même, euh, après le soin ou avant le
soin pour lui expliquer, ben notre ressenti aussi et puis luis demander du
coup à elle comment elle le ressent, le fait d’avoir une odeur sur elle aussi,
parce que nous on la sent, mais la personne aussi
ESI D’accord, donc le pourquoi, ce serait plus par l’expérience qui permet de
mieux appréhender entre guillemets peut-être l’odeur ?
IDE Voilà, mieux appréhender et puis
ESI Mieux la tolérer
IDE Ouais, mieux la tolérer parce que ben du coup comme on est plus à l’aise
pour en parler avec la personne, ben on le vit mieux, là on n’est plus en
position d’échec pur, on sait que même la personne le vit mal, donc le fait
d’en parler à deux, quitte à avoir l’aide de la psychologue ou avoir l’aide du
médecin, pour nous aider.
ESI D’accord, d’avoir recours à …
IDE a possibilité extérieure, une aide extérieure
ESI Voilà, de pouvoir en parler à l’extérieur, déjà facilite ou permet de mieux
gérer.
Et donc pour finir, parlez-vous avec les patients des odeurs que vous jugez
désagréables, si oui, est-ce que cela a un impact sur la relation de soin ?
IDE Alors après tout dépend, les odeurs, bon quand c’est des odeurs ben liées à
des pansements ou liées à des choses, bon ben c’est sûr qu’on en parle avec
gens pour qu’on soit dans une relation de confiance, après quand c’est des
odeurs corporelles parce que c’est une personne qui refuse de se laver, c’est
vrai que c’est pas le même impact, parce que faire comprendre à quelqu’un
qu’il sent pas bon parce qu’il s’est pas lavé, c’est plus dur à gérer qu’une
odeur liée à un escarre ou à une colo …
XXI
ESI A une plaie
IDE Voilà, c’est plus dur, parce que là ça touche vraiment l’intimité
ESI De la personne, oui
IDE Plus dur
ESI Et dans le sens plus dur, vous diriez que c’est de l’ordre, que ce n’est pas
facile de parler, je dirais peut-être tabou … de parler d’odeur ?
IDE Pour certains oui, bon ben c’est vrai qu’on leur dit hein, ça serait peut-être
bien d’aller faire une toilette, ou alors : il y a quelques jours que vous n’avez
pas du vous laver, mais bon après on ne peut pas faire. C’est vrai que
l’avantage de la rééducation, quand c’était comme ça, c’est qu’on disait aux
gens, bon ben, quand y’avait pas de plaie hein, ben non, pas de piscine si
vous n’allez pas à la douche
ESI D’accord
IDE C’est peut-être lié, mais bon après, selon les personnes qu’on a en face, on
n’a pas d’impact hein, s’ils n’ont pas l’habitude de se laver, on ne va pas
changer hein.
ESI D’accord.
IDE De se laver, de changer les vêtements, de …minimum vital.
ESI Oui, d’être dans … prendre soin et de ce qui est du registre de la toilette.
IDE C’est dur.
ESI D’accord, donc là c’est plus les odeurs …
IDE Corporelles.
ESI Liées au manque d’hygiène ?
IDE Ce n’est pas les mêmes odeurs
ESI D’accord, bien écoutez, je vous remercie, Nous avons fait le tour des
questions.
XXII
Annexe V : Tableau récapitulatif
Thème Sous thème Entretien N°1
IDE LIBERALE
Entretien N°2
IDE USLD
Entretien N°3
IDE MAS
Odeurs Odeurs avec
lesquelles elles
sont le plus en
contact
« Odeur d’urines, de selles
Urines de chat, maisons sales.
Escarres, plaies.
Odeurs des personnes âgées. »
« Odeurs de fin de vie »
« Et bien justement
l’odeur de la fin de vie,
qui me dérange le plus,
que la toilette en
générale, quand il y a
des urines ou bien des
selles. »
« Les escarres. »
Odeurs
Incommodantes
Désagréables
Déplaisantes
« L’odeur de vomi, bien que je
ne l’ai pas rencontré souvent,
mais l’odeur de vomi, Euh…
ben… l’odeur de chat dans les
maisons qui m’incommode
beaucoup parce que l’on est
obligée d’y faire face quand on
rentre dans les maisons et de la
supporter tout le temps qu’on
est avec la personne, ça je
trouve assez terrible. Et les
odeurs de négligence, je veux
dire de maisons mal…, où il n’y
a pas d’hygiène. l’odeur, plutôt
environnemental »
« Et bien l’odeur de fin
de vie, Donc, du coup
c‘est incommodant »
« Ah, ben c’est les escarres, les
escarres que j’ai beaucoup de mal à
supporter. »
« Ben, ouais, celle-là, ou alors aussi
peut-être aussi les gens qui ont des
colos, suite d’intervention de
colostomie, où là au départ les selles
ont une odeur un peu forte, un peu
différente, mais là bon comme c’est
en visu, donc, faut faire attention »
XXIII
Emotions
Le ressenti face
aux odeurs
« La surprise d’abord, euh … de
l’envahissement au niveau euh…
En deuxième du coup, c’est plus
de l’ordre de l’envahissement,
vous sentez cette odeur partout
dans la maison donc vous en
êtes envahie, et après, de
l’obsession, à tel point que
même je me souviens être sortie
de maisons où c’était entêtant,
de l’obsession même après dans
la voiture où vous avez
l’impression, que tout vous
envahi, même au niveau des
vêtements »
« Et bien l’odeur de fin
de vie, Un mal être,
justement. [….],
« il se forme des
sentiments, on s’attache
aux patients. Donc quand
on les voit…euh, se
dégrader et en fin de vie
et bien on a un peu de
mal par rapport à ça.
Qu’il s’en aille comme
ça c’est,… (Émotions)
c’est difficile à dire,
comme ça, du coup, on
est quand même obligée
de poursuivre les soins
chez la personne. Ça
demande beaucoup
plus… (Silence),
d’attention qu’une autre,
en règle générale. »
« Euh, un mal être, un rejet quelque
part, je ne sais pas de quoi c’est lié,
mais de voir ces trous là avec cette
odeur de puanteur, c’est horrible »
« Ben peut-être ne pas trop accepter
de voir quelqu’un arriver à ce stade-
là, de pourriture entre guillemets,
parce que là on arrive à de la
pourriture, donc je pense que c’est
ça surtout, un peu le rejet »
« parce que j’ai été confrontée à un
stage en deuxième année, je n’avais
jamais vu d’escarre vrai, à part des
petites rougeurs, et là l’infirmière
m’a dit : va commencer la toilette,
j’arrive, et là, la personne était
pourrie d’escarres et une odeur pas
possible en ouvrant la porte. »
« c’est un souvenir qui est resté tout
le temps, Ah oui, ça m’a marqué je
crois à vie, dès qu’il y a une odeur
d’escarre, je repense à cette
personne. »
XXIV
Impact dans la
relation de soin
« Ben là, il s’agissait, alors
euh… j’ai fait mon soin, j’avais
qu’un dextro, et insuline à faire
chez cette personne. J’ai mis un
masque euh… oui. Je ne suis
pas restée longtemps faire le
soin parce je ne pensais qu’à
une chose, c’était de sortir, mais
c’est une odeur
environnementale en fait. Donc,
ce n’était pas… je n’étais pas
venue, euh…, j’étais venue pour
faire un soin, donc j’ai fait mon
soin, et c’est vrai que je suis
partie très vite, je ne suis pas
restée discuter avec la
personne, il fallait que je
sorte. »
« C’est à chaque fois, et
bien, c’est les situations
de fin vie »
« après quand c’est des odeurs
corporelles parce que c’est une
personne qui refuse de se laver, c’est
vrai que ce n’est pas le même
impact, parce que faire comprendre
à quelqu’un qu’il ne sent pas bon
parce qu’il s’est pas lavé, c’est plus
dur à gérer qu’une odeur liée à une
escarre ou à une colo … »
Moyens
matériel utilisés
pour affronter
les odeurs
« L’odeur environnementale m’a
eu parfois gêné à tel point que
des fois j’étais obligée de mettre
un masque… […]. »
« après ce que j’avais pris comme
distance c’est de dire que je suis
enrhumée, de mettre un masque
devant la figure pour essayer de pas
montrer à la personne qu’on n’est
pas bien, parce que le masque cache
beaucoup. C‘est une façon de se
camoufler parce que c’est vrai que
ce n’est pas agréable. »
XXV
Moyen
personnel
utilisé pour
affronter les
odeurs
« je vais prendre la fuite le plus
rapidement possible si cela me
dérange trop, si vraiment au
bout d’un moment, ça
m’incommode et que vraiment
je ne peux plus, que ça devient
très lourd »
« C’est à dire réduire mon temps
auprès de la personne »
« donc on essaie de faire
abstraction, sur nos
émotions, par rapport à
ce qu’on peut ressentir,
donc, on essaie de rester
souriant et de pas être à
trop respirer, de pas trop
renifler les odeurs dans
la chambre. »
ou alors mettre un peu de parfum sur
la tenue et puis essayer de pencher
un peu la tête pour avoir le parfum »
« Se rapprocher de quelque chose
qu’on connait bien, qui nous
rassure »
Mécanisme de
défense
[…]. Je ne suis pas restée
longtemps faire le soin parce je
ne pensais qu’à une chose,
c’était de sortir, […], j’étais
venue pour faire un soin, donc
j’ai fait mon soin, et c’est vrai
que je suis partie très vite, je ne
suis pas restée discuter avec la
personne, il fallait que je sorte.
« donc on essaie de faire
abstraction, sur nos
émotions, par rapport à
ce qu’on peut ressentir,
donc, on essaie de rester
souriant »
Attitude,
Comportement,
face à une
odeur
dérangeante
« je vais prendre la fuite le plus
rapidement possible si cela me
dérange trop, si vraiment au
bout d’un moment, ça
m’incommode et que vraiment
je ne peux plus, que ça devient
très lourd »
« donc on essaie de faire
abstraction, sur nos
émotions, par rapport à
ce qu’on peut ressentir,
donc, on essaie de rester
souriant et de pas être à
trop respirer, de pas trop
renifler les odeurs dans
« Euh, un mal être, un rejet quelque
part, je ne sais pas de quoi c’est lié,
mais de voir ces trous là avec cette
odeur de puanteur, c’est horrible. »
XXVI
« C’est à dire réduire mon temps
auprès de la personne »
la chambre. »
Parler avec le
patient de
l’odeur
désagréable
« Non, si j’y pense, je n’en parle
jamais. Je n’en parle jamais
car je fais abstraction de ça. »
« Non, j’ai du mal. »
« Ouais, parce que j’ai
déjà du mal pour les
patients, en fin de vie
justement, alors là, bien
faire la prise en charge
des soins, et en plus, si je
dois en parler de l’odeur,
euh… non, »
« Ça peut être
compliqué, mais on peut
en parler après euh, avec
l’équipe »
« Alors après tout dépend, les
odeurs, bon quand c’est des odeurs
ben liées à des pansements ou liées à
des choses, bon ben c’est sûr qu’on
en parle avec gens pour qu’on soit
dans une relation de confiance,
après quand c’est des odeurs
corporelles parce que c’est une
personne qui refuse de se laver, c’est
vrai que c’est pas le même impact,
parce que faire comprendre à
quelqu’un qu’il sent pas bon parce
qu’il s’est pas lavé, c’est plus dur à
gérer qu’une odeur liée à un escarre
ou à une colo …Voilà, c’est plus
dur, parce que là ça touche vraiment
l’intimité »
Expérience
permet de
mieux
supporter
l’odeur.
« Non. Non, je pense que, il y a
des gens qui sont plus, alors,
moi je n’ai pas un odorat très
développé, et je ne peux pas
dire »
« c’est…, parce qu’il
faut dire aussi, on peut
tourner de l’œil, parce
qu’on voit aussi l’escarre
évoluer, et bon l’odeur
en plus, le toucher, la
vue, ça peut déranger
pas mal de soignants, par
« De mieux les supporter … oui et
non, c’est surtout de mieux les gérer,
d’apprendre à trouver des
ressources pour le gérer et puis on
est plus à l’aise pour discuter avec
la personne quand même, euh, après
le soin ou avant le soin pour lui
expliquer, ben notre ressenti aussi et
XXVII
rapport à ça. » puis luis demander du coup à elle
comment elle le ressent, le fait
d’avoir une odeur sur elle aussi,
parce que nous on la sent, mais la
personne aussi »
« Ouais, mieux la tolérer parce que
ben du coup comme on est plus à
l’aise pour en parler avec la
personne, ben on le vit mieux, là on
n’est plus en position d’échec pur,
on sait que même la personne le vit
mal, donc le fait d’en parler à deux,
quitte à avoir l’aide de la
psychologue ou avoir l’aide du
médecin, pour nous aider.[…]
a possibilité extérieure, une aide
extérieure »
Atout dans la
clinique lors du
soin
« elle va me servir euh… je veux
dire par exemple, l’odeur de
plaie, elle va me servir, je veux
dire euh… ben tiens il y a plus
de fibrine qui a coulée. Ça va
dégager une odeur toute
particulière, je sais que même,
avant de défaire le pansement,
la fibrine aura beaucoup
XXVIII
coulée. »
Qualification
de l’odeur
cette odeur […] donc vous en
êtes envahie, et après, de
l’obsession, à tel point que
même je me souviens être sortie
de maisons où c’était entêtant,
de l’obsession […] où vous avez
l’impression, que tout vous
envahi, même au niveau des
vêtements
euh.., il y a une odeur
particulière, […] au
niveau de la peau du
patient, c’est vrai, qu’au
départ c’est difficile à
expliquer.,[…] une
odeur spécifique et c’est
assez désagréable. Parce
qu’on peut avoir des
nausées.
« mais de voir ces trous là avec cette
odeur de puanteur, c’est horrible. »
« accepter de voir quelqu’un arriver
à ce stade-là, de pourriture entre
guillemets, parce que là on arrive à
de la pourriture, donc je pense que
c’est ça surtout, un peu le rejet »
GADAL
Catherine
Title : the impact of odours on the patient-care relationship
The hospital is not an odour-free place. Caregivers are faced with body smells, tumour
wounds and bed sores. These unpleasant odours are an obstacle to the patient-carer
relationship. The purpose of this work is to understand whether these odours that are smelt
or felt while caring for the patient can change the behaviour of the carer and disrupt nursing
care. First of all, a case was explained and analyzed. Then theoretical research was carried
out thanks to key words. Then three nurses from three different care units were being
interviewed on smells while looking after the patients. The findings of this research were
recorded, transcribed and compared to the framework. On the whole, this study found that
nurses are not insensitive to odours. Indeed, smells while caring for patients can provoke
either embarrassment disgust or even rejection. Caregivers generally associate odours with
images of diseases, hygiene problems, putrefaction or decay and death. According to their
perception, each nurse will adapt their strategy to cope with care in an efficient way. Even
if it can be difficult sometimes for the nurse to deal with unpleasant odours, they will
always try to do their best. To conclude, it is true that odours are generally perceived in a
very negative way by carers and patients alike, whereas in fact, odours should be an asset.
Indeed, odours are useful to carers to enable them to make a diagnosis.
Keywords: care, care relationships, emotions, odours
Titre : L’impact des odeurs dans la relation de soin
L’hôpital n’est pas un lieu sans odeurs. Les soignants sont soumis aux odeurs corporelles,
de plaies tumorales, d’escarres. Ces odeurs désagréables créent une difficulté dans la
relation soignant/soigné. L’objectif de la recherche est de déterminer si les odeurs senties au
cours du soin peuvent modifier le comportement du soignant et perturber la relation de soin.
Tout d’abord, une situation de soin a été décrite et analysée. Ensuite la recherche théorique
a été réalisée grâce à l’émergence de mots-clés. Puis trois infirmières, de trois unités de
soins différentes ont été interviewées sur les odeurs dans le soin et leur pratique. Les
réponses ont été enregistrées, retranscrites, analysées et comparées aux résultats de la
recherche conceptuelle. Dans l’ensemble, les résultats ont montré que les infirmières ne
sont pas insensibles aux odeurs. En effet, les odeurs perçues au cours de la prise en charge
du patient peuvent provoquer de la gêne, du dégout, voire du rejet. D’une manière générale,
les odeurs perçues renvoient chez les soignants les images de maladie, de problèmes
d’hygiène, la décomposition et la mort. Face à leur ressenti, chaque infirmière adapte sa
propre stratégie pour affronter le soin d’une manière efficace. Même si c’est parfois
difficile pour les infirmières, elles feront toujours en sorte, de s’occuper du patient, le
mieux possible. En conclusion, il est vrai que les odeurs sont généralement perçues de
façons négatives par les soignants et les patients, alors qu’en fait, les odeurs devraient être
un atout car elles sont utiles aux soignants pour poser un diagnostic infirmier.
Mots clés : émotions, odeurs, relation de soin, soin.
INSTITUT DE FORMATION EN SOINS INFIRMIERS QUIMPER
CORNOUAILLE
1 rue Etienne Gourmelen- BP170
29107 QUIMPER CEDEX
TRAVAIL ECRIT DE FIN D’ETUDES – Année 2012-2015