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SAUVER L’ORGANE D’APPEL DE L’OMC OU REVENIR AU FAR WEST COMMERCIAL ? ELVIRE FABRY Chercheuse senior, Institut Jacques Delors ERIK TATE Assistant de recherche, Institut Jacques Delors EUROPE PUISSANCE DE VALEURS POLICY PAPER N°225 29 MAI 2018 #OMC #COMMERCE 1 21 Résumé Il y a un an l’on se demandait encore s’il fallait s’attendre à du hard Trump ou à du soft Trump, et jusqu’à quel point le nouveau président américain serait prêt à adopter des mesures unilatérales agressives pour rééquilibrer les échanges commerciaux américains. À présent, face à l’alternance de mesures punitives ciblées sur un produit ou un pays et de sanctions et concessions décidées à Washington, les pays les plus exposés ajustent leur riposte. Au-delà, l’inquiétude des Européens porte également sur la volonté de Donald Trump de s’affran- chir encore davantage des règles multilatérales du commerce ou d’orienter sa stratégie de désta- bilisation sur le renforcement des disciplines de l’Organisation mondiale du commerce. En continuant de bloquer la nomination des juges de l’organe d’appel de l’Organisation mondiale du commerce, les États-Unis peuvent-ils chercher à faire imploser le système de règlement des différends — clé de voûte de la régulation du commerce international ? C’est à la guerre commer- ciale qu’il faudrait alors se préparer, c’est à dire à un commerce sans règle : le Far West commer- cial où tous les coups sont permis. Ou bien, peuvent-ils entreprendre avec l’Union européenne, le Japon et d’autres, de s’attaquer plus sérieusement à certaines distorsions que le capitalisme d’État chinois provoque dans l’économie mondiale et qui pèsent de manière plus décisive sur le déficit commercial américain ? L’OMC a besoin de ses deux jambes, celle du contentieux et celle de la négociation. C’est en parve- nant à amener la Chine à la table des négociations que l’on peut restaurer la confiance des États- Unis dans la capacité de l’OMC à faire respecter des règles équitables et permettre à la « jambe » du contentieux de continuer à assurer sa fonction de réducteur des tensions commerciales. Ce Policy Paper revient sur les griefs de Washington contre l’organe d’appel, pour examiner les réformes de procédures qui peuvent en améliorer le fonctionnement, et se concentrer sur celles des mailles des disciplines multilatérales qui devraient être resserrées pour que le règlement des diffé- rends contribue à maintenir un fair trade. Si la vision du président américain s’avérait plus court-ter- miste, il resterait aux Européens et aux autres grandes puissances à préserver un cadre de régulation plurilatéral, qui sera d’autant plus décisif pour contrer le nouveau facteur disruptif américain.

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  • SAUVER L’ORGANE D’APPEL DE L’OMC OU REVENIR AU FAR WEST COMMERCIAL ?

    ▪ ELVIRE FABRY Chercheuse senior, Institut Jacques Delors

    ▪ ERIK TATE Assistant de recherche, Institut Jacques Delors

    EUROPE PUISSANCE DE VALEURSPOLICY PAPER N°22529 MAI 2018#OMC#COMMERCE

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    Résumé

    Il y a un an l’on se demandait encore s’il fallait s’attendre à du hard Trump ou à du soft Trump, et jusqu’à quel point le nouveau président américain serait prêt à adopter des mesures unilatérales agressives pour rééquilibrer les échanges commerciaux américains. À présent, face à l’alternance de mesures punitives ciblées sur un produit ou un pays et de sanctions et concessions décidées à Washington, les pays les plus exposés ajustent leur riposte.

    Au-delà, l’inquiétude des Européens porte également sur la volonté de Donald Trump de s’affran-chir encore davantage des règles multilatérales du commerce ou d’orienter sa stratégie de désta-bilisation sur le renforcement des disciplines de l’Organisation mondiale du commerce.

    En continuant de bloquer la nomination des juges de l’organe d’appel de l’Organisation mondiale du commerce, les États-Unis peuvent-ils chercher à faire imploser le système de règlement des différends — clé de voûte de la régulation du commerce international ? C’est à la guerre commer-ciale qu’il faudrait alors se préparer, c’est à dire à un commerce sans règle : le Far West commer-cial où tous les coups sont permis. Ou bien, peuvent-ils entreprendre avec l’Union européenne, le Japon et d’autres, de s’attaquer plus sérieusement à certaines distorsions que le capitalisme d’État chinois provoque dans l’économie mondiale et qui pèsent de manière plus décisive sur le déficit commercial américain ?

    L’OMC a besoin de ses deux jambes, celle du contentieux et celle de la négociation. C’est en parve-nant à amener la Chine à la table des négociations que l’on peut restaurer la confiance des États-Unis dans la capacité de l’OMC à faire respecter des règles équitables et permettre à la « jambe » du contentieux de continuer à assurer sa fonction de réducteur des tensions commerciales.

    Ce Policy Paper revient sur les griefs de Washington contre l’organe d’appel, pour examiner les réformes de procédures qui peuvent en améliorer le fonctionnement, et se concentrer sur celles des mailles des disciplines multilatérales qui devraient être resserrées pour que le règlement des diffé-rends contribue à maintenir un fair trade. Si la vision du président américain s’avérait plus court-ter-miste, il resterait aux Européens et aux autres grandes puissances à préserver un cadre de régulation plurilatéral, qui sera d’autant plus décisif pour contrer le nouveau facteur disruptif américain.

  • SOMMAIREIntroduction 3

    1. Les griefs de Washington à l’égard de l’organe d’appel de l’OMC 4

    1.1 Le fonctionnement de l’OA 4

    1.1.1 Son mandat et son fonctionnement 4

    1.1.2 L’appel : un recours en pleine expansion 5

    1.1.3 Les États-Unis comme plaignants et comme défenseurs 6

    1.1.4 La nomination des nouveaux juges et le risque de blocage de l’OA 7

    1.2 Les griefs de Washington à l’égard de l’OA : un vieux contentieux 8

    1.2.1 Le non-respect des procédures 8

    1.2.2 L’autonomisation progressive de l’OA 9

    1.2.3 Un parti pris contre la défense commerciale 10

    2. Comment rétablir le système multilatéral sur ses deux jambes ? 13

    2.1. La jambe du contentieux : la réforme des procédures de l’OA 13

    2.1.1 Limiter la portée de la règle 15 14

    2.1.2 Clarifier les « ambiguïtés constructives » 14

    2.2 La jambe de la négociation : le renforcement des disciplines de l’OMC 15

    2.2.1 Le capitalisme d’État en Chine 15

    2.2.2 Apporter une réponse politique par une initiative trilatérale 16

    2.2.3 Assurer la mise en œuvre des règles existantes 17

    2.2.4 Renforcer les règles 17

    2.3. Revenir sur le principe du consensus pour préserver l’ordre multilatéral 19

    2.3.1 La « dissuasion nucléaire » de la majorité qualifiée 19

    2.3.2 Des mesures d’urgence transitoires 19

    Conclusion 20

    Index 20

    Sur les mêmes thèmes 20

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  • INTRODUCTION

    Donald Trump a fait du fair trade son leitmotiv. Mais cherche-t-il à s’affranchir des règles du commerce international ou à les réformer ? Va-t-il continuer à privilégier une voie unilatérale agressive et transactionnelle en maintenant le curseur sur la seule réduction du déficit com-mercial américain ? Ou bien peut-il déplacer le curseur et tirer parti de sa stratégie de déstabi-lisation pour s’attaquer aux failles des règles du commerce international qui permettent à la Chine de maintenir certaines pratiques économiques déloyales ?

    L’Union européenne n’est pas la seule à déposer plainte à l’Organisation mondiale du com-merce (OMC) contre la brèche que la hausse des droits de douanes sur les importations américaines d’acier et d’aluminium provoque dans le respect des règles multilatérales. Japon, Chine, Russie, Inde, et d’autres lui emboîtent le pas. Alors que Washington annonce une me-sure similaire pour les importations américaines de voitures, après avoir dénoncé l’accord sur le nucléaire iranien et menacé de sanctions toute entreprise étrangère investissant dans ce pays, il est difficile de déterminer les facteurs qui peuvent pousser le président Trump à réfor-mer l’ordre international ou à le déstabiliser un peu plus, au nom de la défense de la sécurité nationale américaine.

    Donald Trump met en œuvre son offensive protectionniste, en appliquant une méthode de représailles sélectives et alternées (carousel retaliation) qui change régulièrement de cibles — produits et pays —, pour amplifier l’effet d’ensemble. Économistes, fédérations profes-sionnelles et acteurs économiques s’inquiètent de l’impact négatif de cette stratégie sur les chaînes de valeur américaines elles-mêmes et la hausse des prix à la consommation sur le marché américain. Donald Trump utilise cette arme de dissuasion pour déstabiliser les pays avec lesquels il veut accélérer des négociations bilatérales qui seraient plus décisives pour l’économie américaine que les seuls droits de douanes ciblés.

    Bien plus significatives que toute concession qu’il souhaite obtenir des Canadiens et des Mexicains sur les règles d’origine, ou sur les barrières non-tarifaires qui protègent le marché agricole européen, celles qu’il attend de la Chine ne peuvent pourtant se limiter à des pour-centages et des quotas d’importations de produits made in US. Ce serait passer à côté des distorsions majeures que le niveau de développement de la Chine provoque aux États-Unis et dans l’économie mondiale avec son capitalisme d’État, fondé sur un système d’entreprises d’État, de subventions publiques et d’influence du gouvernement sur les choix stratégiques des acteurs économiques. C’est bien ce système qui constitue le moteur de la stratégie “Made in China 2025” adossée à l’initiative de la Route de la soie (OBOR) et qui parait en contradiction avec, sinon la lettre, du moins l’esprit des règles de l’OMC.

    Reste à déterminer si la partie engagée par Washington est un billard à trois bandes : au-delà des tarifs punitifs et des renégociations bilatérales, la cible finale pourrait bien être l’organe d’appel (OA), voire même l’ensemble du mécanisme de règlement des différends de l’OMC. Après consultation et examen du litige par les panels d’experts qui se prononcent en première instance, l’organe d’appel offre le dernier recours possible pour régler un différend commercial entre deux pays et éviter une escalade du conflit. Il constitue la clé de voûte de la régulation du commerce international.

    Donald Trump veut-il faire imploser le mécanisme de règlement des différends en conti-nuant à bloquer la nomination de nouveaux juges à l’OA ou souhaite-t-il en améliorer le fonc-tionnement ? S’il devait opter pour la première option, c’est bien à proprement parler à la guerre commerciale qu’il faudra se préparer, c’est-à-dire à un commerce sans règle : le Far-West commercial où tous les coups sont permis.

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    DONALD TRUMP VEUT-IL FAIRE IMPLO-SER LE MÉCANISME DE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS ?“

  • Comment maintenir l’intérêt du président américain pour le règlement des différends à l’OMC ? Des réformes de procédure peuvent-elles suffire lorsque Washington reproche à l’OA d’outre-passer les limites de son mandat et de créer de nouveaux droits et devoirs pour les membres de l’OMC en dehors du cadre des négociations multilatérales ? Ne faut-il pas traiter l’enjeu au niveau politique puisque ce que dénonce Washington est au fond la substitution de la négocia-tion entre membres de l’OMC par la décision des juges.

    L’OMC a besoin de ses deux jambes, celle du contentieux et celle de la négociation. C’est en parvenant à amener la Chine à la table des négociations que l’on peut restaurer la confiance des États-Unis dans la capacité de l’OMC à faire respecter des règles équitables et permettre à la « jambe » du contentieux de continuer à assurer sa fonction de réducteur des tensions commer-ciales. L’intérêt que Pékin a démontré jusqu’ici pour le système multilatéral peut-il ouvrir la voie à cette « confrontation constructive » ? En se limitant à un deal bilatéral de court terme, qui res-semble à du troc, Washington et Pékin ne feraient que retarder le risque de guerre commerciale.

    Après avoir analysé les griefs américains contre l’organe d’appel, nous examinerons ici les réformes de procédures qui peuvent en améliorer le fonctionnement, pour nous concentrer sur celles des mailles des disciplines multilatérales qui doivent être resserrées pour que le règlement des différends contribue à maintenir un fair trade.

    1 ▪ LES GRIEFS DE WASHINGTONÀ L’ÉGARD DE L’ORGANE D’APPEL DE L’OMC

    1.1 Le fonctionnement de l’organe d’appel

    1.1.1 Son mandat et son fonctionnementLe système de règlement des différends mis en place en 1947 par l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) restait très fragmenté. Il n’y avait pas de délais de procédure établis. Il était facile de bloquer les décisions — qui devaient être adoptées par consensus — et beaucoup de procédures traînaient en longueur sans être conclues. Alors que ce système laissait encore prévaloir la loi du talion commercial, l’Accord de Marrakech de 1994 instituant l’OMC a donc entrepris de formaliser ces procédures et de créer un organe d’appel.

    Ce mécanisme « global » s’applique à tous les litiges relatifs à l’application des accords de l’OMC, qu’il s’agisse des accords multilatéraux ou des accords commerciaux préférentiels ré-ciproques entre deux partenaires ou plus. C’est le moyen pour régler un différend entre les parties, qui dès lors s’engagent à ne pas agir unilatéralement.

    Le mandat de l’organe d’appel et son fonctionnement sont précisés dans l’article 17 du Mémo-randum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends (MRD) de l’Annexe 2 de l’Accord de Marrakech. Cet organe permanent est composé de sept membres/juges qui sont nommés par consensus des 164 membres de l’OMC, pour un mandat de quatre ans, renouvelable une fois. Bien que tous les membres puissent présenter un candidat, il est établi de manière informelle que ces sièges sont réservés pour les plus grandes puissances commerciales, notamment les États-Unis et l’Union européenne.

    L’OA permet de confirmer, modifier ou infirmer les constatations et les conclusions juridiques du panel d’experts ou groupe spécial créé à la demande d’un État membre de l’OMC pour examiner une plainte qu’il adresserait à un autre État membre, lorsque la procédure de consul-

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    L’OMC A BESOIN DE SES DEUX JAMBES, CELLE DU CONTEN-TIEUX ET CELLE DE LA NÉGOCIATION. “

  • tation a échoué. Lorsqu’ils sont adoptés par l’Organe de règlement des différends (ORD), les rapports de l’OA doivent être acceptés par les parties au différend. Plusieurs principes sont respectés :

    • La neutralité. Les juges sont des experts qui, sans être employés à plein temps, se déplacent à Genève autant que nécessaire pour traiter un cas. Ils doivent être trois pour traiter une procédure en appel et ne peuvent avoir la même nationalité que celle de l’une des parties au différend.

    • L’approbation quasi-automatique. Après la remise du rapport intérim du groupe spécial d’experts, l’une ou l’autre des parties ont 60 jours pour notifier une demande en appel, sans quoi le rapport est approuvé de façon « quasi-automatique » selon le principe du consensus « négatif » ou « inverse ». Il est en effet approuvé à moins qu’il n’y ait un consensus contre son adoption. Un membre ayant l’intention de bloquer la décision d’adopter le rapport doit persuader tous les autres membres de l’OMC (y compris la partie adverse dans l’affaire en cause) de se rallier à sa cause ou tout du moins de rester passifs. Cela signifie donc aussi qu’un seul membre peut toujours empêcher ce consensus inverse, c’est-à-dire éviter que l’adoption de la décision ne soit bloquée. Très théorique, ce consensus négatif n’a jamais eu lieu, tandis que dans le cadre du GATT, c’est le consensus positif qui prévalait. Cette quasi-automaticité a été mise en place pour renforcer la sécurité et la prévisibilité du système commercial international. Ce qui explique sans doute le pourcentage important de rapports qui vont en appel.

    • La confidentialité. Comme pour les groupes spéciaux, pour l’OA, les délibérations sont confidentielles. Les rapports sont rédigés sans que les parties au différend soient pré-sentes, au vu des renseignements fournis et des déclarations faites. Les avis exprimés dans le rapport du groupe spécial par les personnes faisant partie de ce groupe sont anonymes.

    • La compensation en cas de défaut de mise en œuvre. La compensation et la suspen-sion de concessions ou d’autres obligations sont des mesures temporaires auxquelles il peut être recouru dans le cas où les recommandations et décisions ne sont pas mises en œuvre dans un délai raisonnable par l’une des parties du différend.

    Toutes les procédures de fonctionnement de l’ORD et de l’OA favorisent à chaque étape le dialogue et la consultation entre les parties, y compris avant l’adoption des mesures de com-pensation qui viennent d’être évoquées. Le consensus et l’obtention d’un accord mutuellement acceptable ont structuré progressivement la jurisprudence de l’OMC.

    1.1.2 L’appel : un recours en pleine expansionAlors que l’OA a été conçu comme une sécurité, pour se prémunir contre d’éventuelles mau-vaises décisions des groupes spéciaux, il a été beaucoup plus sollicité que prévu. En moyenne, 66,85% des différends ont été en appel entre 1995 et 2014, contribuant ainsi à élaborer une ju-risprudence consistante. Alors que ces dernières années les deux tiers des différends allaient en appel, en 2016 près de 90% des rapports ont été en appel.

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  • FIGURE 1 ▪ Nombre de différends renvoyés en appel à l’OMC

    0

    50

    100

    150

    200

    1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014

    Nombre total de différends Différends traités en appel

    Source : Institut Jacques Delors d’après les données OMC

    1.1.3 Les États-Unis comme plaignants et comme défenseursLes États-Unis ont gagné 90% des plaintes qu’ils ont déposées, sans compter les différends qui ont été réglés à l’amiable. Sur les 176 plaintes qui sont allées en appel entre 1996 et 2017, 85 ont concerné les États-Unis et dans 55 cas ils étaient plaignants1. Les États-Unis sont à la fois le pays qui dépose le plus de plaintes dans le monde et celui contre lequel on dépose le plus de plaintes. C’est aussi le pays qui perd le plus de dossiers dans lesquels il est le défenseur. Ce ratio gagnant-perdant est néanmoins à peu près équivalent à celui des autres pays membres.

    Cependant, concernant plus spécifiquement les mesures anti-dumping appliquées par les États-Unis et l’Union européenne, 94% des différends dans lesquels les États-Unis ou l’UE ont été défenseurs, ont été perdus en appel2. Les États-Unis n’en ont gagné que 2 (DS221 et DS491) sur 29 ; et l’UE, aucun sur 8. Ces chiffres expliquent mieux l’impatience de Washing-ton vis à vis de ce qu’ils identifient comme un dysfonctionnement de l’OMC sur l’usage des instruments de défense commerciale.

    FIGURE 2 ▪ Différends sur des mesures anti-dumping dans lesquels les États-Unis et l’Union européenne étaient défenseurs

    94%

    6%

    Différends perdus

    Différends gagnés

    Source : Institut Jacques Delors, d’après les données OMC, 2018

    1. Tetyana Payosova, Gary Clyde Hufbauer, et Jeffrey J. Schott “The Dispute Settlement Crisis in the World Trade Organisation: Causes and Cures”, PIIE, mars 2018, p3.2. Dans ce calcul tiré de l’indice des différends de l’OMC, seuls les jugements prononcés ont été pris en compte et cela ne prend pas en compte les cas qui concernent des mesures de sauvegarde ou des mesures compensatoires. Les différends ont été considérés comme perdus, même si le défenseur n’a que “partiellement” perdu. Voir https://www.wto.org/english/tratop_e/dispu_e/dispu_agree-ments_index_e.htm

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    1.1.4 La nomination de nouveaux juges et le risque de blocage de l’OA Les États-Unis n’ont pas attendu Donald Trump pour bloquer la nomination de nouveaux juges à l’OMC. En 2011, Barack Obama avait déjà bloqué le renouvellement du mandat de Jennifer Hillman, pourtant américaine, et en 2014 celui de James Gathii, également américain, avant de le faire à nouveau en mai 2016 pour le sud-coréen Seung Wha Chang, auquel il reprochait d’adopter des décisions qui outrepassent les limites des droits et obligations des membres de l’OMC. Signe d’un renforcement de la politisation du processus de nomination des juges, ce fut la première fois que Washington s’opposait à la nomination d’un juge non américain.

    Alors que, depuis 2017, Washington bloque la procédure de nomination du successeur de trois juges (depuis le 30 juin 2017, 1er août 2017 et 11 décembre 2017), l’inquiétude monte. Sur les sept juges qui composent l’OA, à l’heure actuelle on n’en compte donc plus que quatre, dont les mandats expirent aux échéances suivantes :

    • le 30 septembre 2018 (le malgache Shree Baboo Chekitan Servansing), • le 10 décembre 2019 (l’américain Tom Graham et l’indien, Ujal Singh Bhatia), • et enfin le 30 novembre 2020 (le chinois Hong Zhao).

    FIGURE 3 ▪ Calendrier des mandats des juges de l’organe d’appel de l’OMC

    Puisqu’ils doivent être trois pour juger un différend, si les États-Unis continuent à s’opposer à la nomination de nouveaux juges — dont la procédure prend plusieurs mois —, l’OA pourrait être bloqué dès décembre 2019. Il reste à déterminer si l’Organe d’appel ne serait pas déjà partiellement bloqué dès octobre 2018 au nom d’une impartialité des juges qui serait mise en cause : puisque n’étant plus que trois, on ne peut plus avoir recours à la sélection aléatoire pour le choix de chaque trio de juges qui traite un cas. Certes, chacun juge se doit de représenter les membres de l’OMC dans leur ensemble sans défendre plus spécifiquement les intérêts de son pays d’origine. Mais la tradition informelle qui veut que des postes de juges soient réservés à certaines grandes puissance commerciales (notamment Union européenne, États-Unis, Chine) souligne bien l’impact stratégique de cette attribution et renforce l’enjeu de leur impartialité.

    Décembre 2016 7 membres

    Hong Zhao nomméeaprès que YuejiaoZhang a fini son

    mandat.

    7 membres

    Ricardo Ramírez-Hernández finit son

    mandat.

    6 membres1er décem

    bre 2016

    30 juin 2017

    1er août 2017

    11 décembre 2017

    30 septembre 2018

    10 décembre 2019

    Hyun Chong Kimdémissionne.

    Pas de nouvellenomination.

    5 membres

    Peter Van denBossche finit son

    mandat.  Pas de nouvelle

    nomination.

    5 membres

    Shree Baboo ChekitanServansing finira son

    mandat.

    3 membres

    Ujal Singh Bhatia andThomas R. Grahamfiniront leur mandat.

    Décembre 2019 1 membre

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    Or, le scénario où il ne resterait plus que trois juges n’a pas été anticipé par les procédures de travail de l’OA. Encore moins celui dans lequel il ne resterait uniquement qu’un juge américain et un juge chinois en plus d’un juge indien, comme ce serait le cas en octobre 2018. Dans un contexte de guerre commerciale ouverte entre les États-Unis et la Chine, la question de l’im-partialité de ces deux juges amène à se demander si des dossiers en appel dans lesquels les États-Unis et/ou la Chine sont plaignants ou défenseurs pourraient encore être traités.

    On notera également que d’après l’article 16.4 du MRD, dès que « une partie a notifié sa déci-sion de faire appel, le rapport du groupe spécial ne sera pas examiné par l’ORD, en vue de son adoption, avant l’achèvement de la procédure d’appel » : il suffira donc à un membre de décider de faire appel pour bloquer l’adoption du rapport du groupe spécial de l’ORD qui ne lui est pas favorable, puisque la procédure d’appel ne pourra être menée à son terme. Le blocage de l’OA paralyserait aussi l’ORD.

    Au début de sa présidence en janvier 2017, Donald Trump n’avait pas affiché de position ferme sur la nomination des juges à l’OA. Alors que le changement d’administration ne permettait pas encore de s’accorder sur le lancement de la procédure nécessaire pour remplacer Peter Van den Bossche, Washington se disait prêt à soutenir la position de consensus avancée par l’Argentine, le Brésil, le Chili, le Guatemala, le Mexique et le Pérou. Cependant au tournant de l’été 2017, l’obstruction au renouvellement des mandats des juges est devenue claire.

    Si les critiques de Washington sur le fonctionnement de l’OA préexistaient à l’arrivée de Trump à la présidence des États-Unis et dépassent les clivages partisans, le fait que des juges dont le mandat a expiré (Kim et Ramirez-Hernandez) mènent à leur terme des procédures qu’ils ont engagées, est présenté par comme un irritant de trop3.

    1.2 Les griefs de Washington à l’égard de l’OA : un vieux contentieuxLe Bureau du représentant américain au commerce (USTR) rappelle que les administrations américaines successives ont tenté depuis 2005 de sensibiliser leurs partenaires aux dysfonc-tionnements de l’OA, sans obtenir de résultat : ni les membres de l’OMC, ni l’OA n’auraient pris acte de ces préoccupations.

    Les critiques concernent d’abord des manquements au bon respect des procédures de l’OA. Mais l’enjeu est plus politique. La sollicitation croissante de l’OA serait le reflet du dysfonction-nement de la fonction négociatrice de l’OMC et contribuerait à contourner la volonté souveraine des membres de l’OMC. Il serait plus facile à un État d’obtenir des avancées sur des points précis en portant plainte contre un autre État qu’en cherchant à ouvrir des négociations multilatérales. La jurisprudence de l’OA limiterait même la capacité des États-Unis à utiliser les instruments de défense commerciale. En d’autres termes, si l’OA n’est pas responsable du déséquilibre structu-rel qui s’est créé entre judiciaire et législatif à l’OMC, l’OA aurait contribué à le renforcer.

    1.2.1 Le non-respect des procéduresParmi les divers griefs américains à l’égard de l’OA figure le non-respect des procédures, qui porte sur plusieurs points précis :

    • Le préavis de démission d’un juge

    La démission de Hyun Chong Kim pour devenir ministre du commerce de la Corée du Sud, n’a pas fait l’objet d’un préavis de 90 jours, comme le prévoit les procédures de travail de l’OA.

    3. Le 31 août 2017, les États Unis affichent une position claire : “We consider that the first priority is for the DSB to discuss and decide how to deal with reports being issued by persons who are no longer members of the Appellate Body. Members should consider how resolution of those issues might affect a selection process.” La position est réaffirmée à nouveau le 23 octobre 2017 : “In the U.S. view, we cannot consider a decision launching a selection process when a person to be replaced continues to serve and decide appeals after the expiry of their term.”

    https://geneva.usmission.gov/wp-content/uploads/2017/08/Aug31.DSB_.Stmt_.as-delivered.fin_.public.pdfhttps://geneva.usmission.gov/wp-content/uploads/2017/10/Oct.23.DSB_.Stmt_.as-delivered.fin2_.pdf

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    • L’allongement de la durée des procédures en appel

    Alors que les délais requis pour mener une procédure en appel sont de 60 jours, ou 90 jours pour les appels complexes, ils n’ont été respectés qu’une seule fois depuis 2013 et la durée moyenne actuelle est de près d’un an (US–Aircraft a pris 346 jours ; les trois derniers dossiers de l’OA ont pris 265, 207 and 262 jours). L’OA peut en effet demander à l’ORD (et donc aux États membres) de lui accorder des délais supplémentaires s’il estime en avoir besoin. Pour Washington, le respect du délai autorisé inciterait l’OA à restreindre son examen aux questions de droit plutôt que de réexaminer l’ensemble de la procédure.

    • Quid des procédures en cours lorsque le mandat d’un juge expire ?

    Une règle des procédures de travail de l’OA dite règle 15 permet à un juge dont le mandat a pris fin de traiter un dossier jusqu’à son terme, sous réserve d’un accord de l’OA et d’une notification préalable à l’ORD. Cette possibilité répond d’abord à un argument d’efficacité : si la procédure est déjà bien engagée il est inutile de faire appel à un nouveau juge avec lequel il faudra tout recom-mencer, ajoutant délai supplémentaire et coût additionnel. Or l’allongement de la durée moyenne d’une procédure en appel ne ferait que renforcer les occasions d’utilisation de cette règle 15.

    Les États-Unis s’opposent cependant à l’application de cette règle invoquant notamment le fait que, si la nationalité du nouveau juge nommé est la même que celle du juge dont le mandat a expiré, cela permet à un pays membre d’avoir deux juges pendant cette période de chevauche-ment, en contradiction avec la règle de « un juge maximum par pays membre »4.

    Le 28 février 2018, les États-Unis ont à nouveau contesté le fait que cette autorisation relève de l’OA et que l’ORD ne fasse que l’objet d’une notification, en rappelant que la règle 15 n’a d’ailleurs elle-même pas fait l’objet d’une approbation par l’ORD.

    Exploitant cette brèche juridique pour faire obstruction à la nomination de nouveaux juges, Washington pourrait également contester la décision finale adoptée par les juges dont le man-dat a expiré, et par là même contester l’autorité de l’OA. Alors que n’ayant pas actuellement de dossier en appel qui les concerne, les États-Unis ne seraient pas eux-mêmes affectés. On notera que début 2018, un membre de l’OA, dont le mandat a expiré en juin dernier, est engagé sur trois procédures d’appel et un autre, dont le mandat a expiré en décembre, doit en finaliser cinq5.

    Or la charge sur les quatre juges restants d’un nombre de renvois en appel toujours plus im-portant ne devrait qu’allonger encore le délai d’une procédure d’appel et le risque de traitement d’un dossier par un juge dont le mandat a expiré. Et réciproquement, plus il y a de procédures poursuivies par les juges qui ont terminé leur mandat, plus les États-Unis seront enclins à blo-quer la nomination de nouveaux juges.

    1.2.2 L’autonomisation progressive de l’OALa critique du non-respect des procédures de l’OA se double d’une méfiance croissante de Washington à l’égard de ce qu’il qualifie d’« activisme judiciaire » de l’OA, estimant que l’or-gane outrepasse les compétences qui lui sont attribuées. L’OA aurait profondément remis en cause l’esprit et la lettre des accords de Marrakech.

    Du point de vue américain, les négociations du cycle de l’Uruguay visaient à créer une organi-sation qui soit dirigée par ses membres – seuls habilités à négocier sur un sujet donné. Qu’il s’agisse de l’ORD ou de l’OA, ces organes restent sous le contrôle des 164 membres actuels et tout problème d’interprétation des règles de l’OMC doit remonter au niveau des membres.

    4. Ainsi, le rapport sur le différend EU – Antidumping Measures on Imports of Certain Fatty Alcohols from Indonesia (DS442), pour lequel le juge Hyun Chong Kim avait été mobilisé, a circulé auprès des membres de l’OMC après sa démission, et après que le mandat d’un autre juge du dossier en appel, Ramirez-Hernandez, a expiré en juin 2017, contrevenant selon Washington au respect des procédures de travail de l’OA, qui auraient dû conduire à faire remplacer Kim par un autre juge sur cette affaire ou ne pas faire adopter le rapport. 5. “Transition on the WTO Appellate Body: A Pair of reforms?”, IIEL issue Brief 2/2018, p2.

  • 10 ▪ 21

    L’OMC reste de ce point de vue un deal qui implique, sous forme de contrat, des droits et des devoirs entre ses membres, sans que l’OA puisse développer de manière autonome une juris-prudence des règles de l’OMC. Tout système judiciaire est appelé à faire un travail d’interpré-tation des normes juridiques établies. Mais il lui appartient seulement de corriger des erreurs juridiques commises par le panel de l’ORD, non de créer des nouveaux droits et obligations pour les membres de l’OMC.

    Les États-Unis dénoncent l’indépendance acquise progressivement par l’OA en estimant qu’il ne lui appartient pas de combler les lacunes des accords OMC : les omissions dans les textes ont une raison d’être particulière puisque cela signifie que les États n’ont pas réussi à s’accorder. Par ailleurs, pour Washington, il faut garder en mémoire les circonstances et l’histoire des négociations qui permettent d’interpréter les accords et d’éclairer le sens de cer-taines dispositions6.

    Washington reproche à l’OA de dépasser les limites de son mandat de plusieurs manières :

    • Overreaching : en créant de nouvelles obligations pour les États membres par l’interpré-tation des accords de l’OMC. Les décisions des juges de l’OA se substitueraient ainsi au cadre juridique du pays concerné par le différend7.

    • Obiter dicta : plutôt que de se contenter de régler le différend, l’OA produirait des avis contraignants sur des sujets qui ne sont pas soulevés par les parties et/ou ne sont pas essentiels à la résolution du différend8. Non seulement cela retarderait les procédures mais créerait une jurisprudence pour de futurs contentieux qui n’a pas lieu d’être.

    • Examens « de novo » : l’intégralité les décisions des panels de l’ORD serait réexaminée par l’OA, de l’établissement des faits (qui relèvent de la compétence des États) à leur qualification juridique (qui relève de la compétence des panels). Ce qui, de fait, a conduit l’OA à modifier ou renverser 85% des décisions de l’ORD. Pour Washington cela revient à priver les membres de l’OMC d’une procédure en deux étapes.

    • Établissement de précédents : l’OA estime que seule l’interprétation qu’il retient des accords est valable, alors que selon les textes, si une disposition admet plusieurs in-terprétations, la mesure prise par une administration nationale est conforme à l’OMC tant qu’elle respecte une des interprétations possibles. Ainsi l’article 17.6 de l’Accord anti-dumping donne une certaine importance aux décisions factuelles et interprétations du droit des autorités nationales et vise à empêcher les groupes spéciaux chargés du règlement des différends de prendre des décisions fondées uniquement sur leur propre point de vue.

    • Dépendance importante au secrétariat de l’OA : le manque d’expertise juridique de cer-tains juges les conduirait à se reposer excessivement sur les travaux du secrétariat de l’OA (résumés des positions des parties, problèmes juridiques soulevés par le cas, éva-luation des faits, avant-projets de décisions). Dans la pratique le secrétariat aurait ainsi acquis un rôle prépondérant dans l’élaboration d’une jurisprudence du droit commercial, là où pour Washington cet abandon de souveraineté exigerait la procédure formelle d’un vote au Congrès américain.

    1.2.3 Un parti pris contre la défense commerciale Les États-Unis se méfient d’autant plus de l’influence du secrétariat de l’OA qu’ils lui reprochent d’avoir développé une jurisprudence ouvertement hostile aux instruments de défense com-

    6. PIIE, 2018, p8 ; op. cit.7. DS449.8. Voir l’avis des États-Unis sur les rapports DS453 entre le Panama et l’Argentine sur les services financiers, DS430 entre les États-Unis et l’Inde sur les produits agricoles, et DS447/478 entre les États-Unis et l’Indonésie sur l’importation de produits horticoles et animaux.

    LES ÉTATS-UNIS DÉNONCENT L’INDÉ-PENDANCE ACQUISE PROGRESSIVEMENT PAR L’OA EN ESTIMANT QU’IL NE LUI APPAR-TIENT PAS DE COMBLER LES LACUNES DES ACCORDS OMC.

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    merciale (IDC)9. L’OA se fonderait sur des constructions juridiques académiques10 plutôt que sur la réalité des distorsions de concurrence provoquées par les subventions publiques non conformes aux règles de l’OMC. La jurisprudence de l’OA aurait même rompu l’équilibre entre la libéralisation et la défense commerciale, sur lequel sont fondés les accords de l’OMC.

    L’interprétation de l’accord sur les subventions de l’OMC faite par l’OA en 2011 dans le règle-ment du différend entre les États-Unis et la Chine sur les entreprises d’État (DS379) explique le mieux la critique américaine des dysfonctionnements de l’OA.

    Rappelons que l’article 1.1 de l’accord sur les subventions et les mesures compensatoires communément évoqué par l’acronyme anglais SMC (Subsidies and countervailing measures agreement), adopté lors de l’Uruguay round, définit une subvention comme « une contribu-tion financière des pouvoirs publics ou de tout autre organisme public ». Il existe en effet un grand nombre d’organismes qui, sans bénéficier des prérogatives de la puissance publique, sont contrôlés par le gouvernement et peuvent donc servir de canal à une contribution finan-cière (notamment les entreprises d’État et banques publiques). Pour éviter que les États ne contournent les dispositions de l’accord par le biais de ces organismes, les rédacteurs au-raient choisi d’y faire référence sous le terme générique d’« organismes publics ». Historique-ment, toute entité contrôlée par les pouvoirs publics serait donc un organisme public au sens de l’article 1 de l’accord sur les subventions.

    Le différend de 2011 concernait les mesures antidumping et compensatoires appliquées par les États-Unis contre des entreprises d’État chinoises qu’ils ont considérés comme des orga-nismes publics puisqu’elles sont majoritairement « contrôlées » par le gouvernement chinois. Pékin leur a opposé une définition plus restrictive d’un organisme public, considérant qu’il fal-lait apporter la preuve que ces entreprises sont « investies et exercent une fonction gouverne-mentale ». La décision du panel de l’OA a été favorable à la Chine.

    ENCADRÉ 1 ▪

    Dans le règlement du différend entre les États-Unis et la Chine sur les entreprises d’État (DS379) de 2011, Washington reproche à l’OA :

    • d’avoir entrepris, sans compétence légitime, de créer un préambule à l’accord SMC, considéré dorénavant comme clé d’inter-prétation de l’accord, en s’appuyant sur la déclaration ministérielle de Punta del Este qui ne fait pas partie des accords OMC, et en outre en utilisant un vocabulaire qui n’est pas le même que celui du SMC, alors même que l’absence même de préambule était intentionnelle, puisqu’elle résultait de l’impossibilité de parvenir à un consensus sur l’objet et les finalités de l’accord sur les subventions.

    • d’avoir considéré comme des règles applicables les projets d’articles de la Commission du droit international (CDI) sur la responsabilité des États pour fait internationalement illicite de 2001, alors qu’ils n’ont jamais été adoptés par les parties ; en outre ces projets d’articles, qui relèvent du droit international public, ne sont pas appropriés au cadre d’un droit multilatéral négocié spécifiquement pour réguler le commerce international et correspondent aux intentions spécifiques des États à un moment donné pour limiter les subventions publiques.

    • de s’être fondé sur les projets d’article 4 et 5 définissant un organe d’État comme toute entité exerçant, et/ou habilité à exer-cer, des prérogatives de puissance publique, pour considérer que dans l’accord antisubventions le terme organisme public ne concerne pas nécessairement les entreprises d’État.

    Dès lors, selon cette jurisprudence de 2011, les États qui souhaitent appliquer l’accord anti-subventions à l’encontre d’une entreprise d’État devront démontrer que l’entreprise en ques-

    9. A Comparison of WTO and CIT/CAFC Jurisprudence in Review of U.S. Commerce Department Decisions in Antidumping and Countervailing Duty Proceedings, John D. Greenwald, Tulane Journal of International and Comparative Law 21 (2), 2013, pp 261 – 272.10. Cette critique cible notamment P. Van den Bossche, universitaire belge, ancien directeur par intérim du Secrétariat de l’OA, puis membre de l’OA pendant deux mandat de 2009 à 2017, qui serait à l’origine de cette interprétation.

  • 12 ▪ 21

    tion est investie d’une « autorité gouvernementale », ce qui rend dans les faits la mise en œuvre de l’accord particulièrement difficile et limite toute nouvelle initiative des États-Unis ou d’autres membres de l’OMC contre les entreprises d’État chinoises. Le gouvernement chinois pourrait désormais considérer qu’une étape temporaire vers le capitalisme de marché, les entreprises d’État, constitue un modèle durable d’organisation de leur économie.

    En 2014, les conclusions du panel de l’OA sur un nouveau contentieux qui oppose les États-Unis à la Chine sur les entreprises d’État ont repris la jurisprudence de 2011 pour rappeler que tout organisme majoritairement contrôlé par l’État ne peut être considéré comme une entreprise d’État. Les États-Unis ont rappelé que si les rédacteurs de l’accord anti-subventions avaient souhaité une définition aussi restrictive, ils auraient été plus clairs, et que devait plutôt être considéré comme « entreprise publique » tout organisme contrôlé par l’État dont il peut utiliser les ressources comme il le souhaite.

    Pour sa part, l’Union européenne a estimé que le rapport de 2011 de l’OA ne donne pas une interprétation définitive du terme « organisme public » et qu’il y a un manque d’informations – et donc de transparence – sur ces entreprises qui ne permet pas de déterminer si elles assurent une fonction gouvernementale.

    En réduisant ainsi le champ d’application de l’accord SMC – si seules les entités investies d’une autorité gouvernementale peuvent se voir légalement imposer des mesures anti-sub-ventions, de nombreuses entreprises d’État sont de facto exclues –, la jurisprudence de l’OA serait décalée par rapport aux distorsions de concurrence actuelles. En outre, elle impute au plaignant la charge de la preuve que l’entreprise d’État concernée exerce des fonctions gouver-nementales, sans même préciser le type de preuve qui doit être apportée.

    La décision de l’OA introduirait une incertitude car elle ne déclare pas que les entreprises d’État chinoises visées ne constituent pas des organismes publics, mais bien que le Département américain du Commerce a fondé sa décision sur une interprétation erronée du terme « orga-nisme public ». Ce faisant l’OA ne remplirait pas sa fonction première, qui est de fournir des indications claires et pratiques permettant l’application des accords de l’OMC.

    Enfin, non seulement la décision de l’OA n’inciterait pas à engager de nouveaux contentieux de ce type auprès de l’OMC, mais elle aurait l’effet contreproductif d’inciter les États et en premier lieu la Chine à faire preuve d’opacité, en dissimulant le contrôle qu’ils exercent sur leurs entreprises, puisque la charge de la preuve revient à l’administration plaignante.

    Cet enjeu a d’autant plus cristallisé une critique américaine bipartisane et une perte de confiance à l’égard de l’OMC qu’à présent le montant des subventions chinoises crée un pro-blème systémique de surcapacités dans de nombreux secteurs (acier, aluminium, ciment, …) : « Nous [les États-Unis] continuerons à combattre avec agressivité [ces énormes distorsions chinoises et les droits et privilèges spéciaux dont bénéficie la Chine dans le cadre des règles anti-dumping et dont ne bénéficient pas les autres membres de l’OMC] et d’autres enjeux pour s’assurer que l’OMC assure une réelle concurrence commerciale qui récompense le travail difficile et l’innovation – et non les distorsions commerciales de pays comme la Chine »11, a regretté l’USTR.

    Si l’OMC ne peut faire appliquer les accords qui ont été élaborés, et empêche leurs membres de faire pleinement usage des instruments de défense commerciale, les États-Unis seraient-ils renvoyés à l’unilatéralisme pour rétablir un fair trade ?

    11. 2017 Annual Report of the President of the United States on the Trade Agreements Program, USTR, p33.

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    2 ▪ COMMENT RÉTABLIR LE SYSTÈMEMULTILATÉRAL SUR SES « DEUX JAMBES » ?Donald Trump cherche-t-il à faire imploser l’OA pour se défaire du carcan du système multila-téral ? Le blocage de l’OA exerce un levier sur les partenaires des États-Unis pour qu’ils recon-naissent publiquement que certaines de ses décisions ont remis en cause l’esprit de l’accord de Marrakech et les pousser à résoudre ce problème. Mais si les critiques américaines sur le fonctionnement de l’OA sont claires, les propositions de réformes venant de Washington le sont moins. Quel peut dès lors être le rôle des Européens pour conduire les États-Unis à préserver cet organe de régulation des conflits commerciaux ? Peut-on se contenter d’ajus-ter les procédures de travail de l’OA ? Ou les dysfonctionnements de l’OA dénoncés par Was-hington ne renvoient-ils pas directement à l’enjeu systémique plus profond des carences des règles de l’OMC pour lutter contre des distorsions de concurrence commerciale de plus en plus problématiques ? Pour sauver la « jambe du contentieux », il faudrait également renforcer à nouveau l’autre jambe de l’OMC, celle de la « négociation ».

    2.1. La jambe du contentieux : la réforme des procédures de l’OA Les règles d’amendement des procédures de travail de l’OA offrent plus de souplesse que celles du Mémorandum de règlement des différends. Pour amender ce dernier qui établit les règles de l’appel, il faut obtenir un consensus au sein de l’Organe de règlement des diffé-rends et lors d’une conférence ministérielle de l’OMC. Les tentatives américaines et chiliennes d’amendement du MRD pour contraindre les panels et l’OA à se limiter strictement à leur man-dat, n’ont ainsi pas obtenu le consensus requis12.

    En revanche, les procédures de travail de l’OA sont élaborées en consultation avec le Direc-teur général de l’OMC et le Président de l’Organe de règlement des différends (ORD). Pour les amender, l’OA n’est pas explicitement contraint d’obtenir un consensus à l’ORD (article 17.9 du MRD) et ne doit tenir compte que des commentaires des membres de l’OMC. Ces procédures de travail de l’OA ont ainsi été modifiées six fois depuis 199513.

    L’on pourrait néanmoins se heurter à une contrainte supplémentaire : une échéance à partir de laquelle ces amendements ne seraient plus possibles. En effet, toutes les décisions qui ne se rapportent pas à un appel (qui « seront prises uniquement par la section affectée à cet appel » – c’est à dire trois juges) « seront prises par l’Organe d’appel dans son ensemble » (as a whole)14. L’interprétation de cet « ensemble » suscite des débats entre juristes. S’agit-il des 7 juges/membres de l’OA ? Qu’en est-il lorsque qu’il n’y en a plus que 4 sur 7 comme c’est le cas actuellement ? Ne s’agit-il que d’une majorité de quatre juges ? Pourrait-on encore amender les procédures de travail de l’OA après le 30 septembre 2018 si, le mandat de Shree Baboo Cheki-tan Servansing expirant et les États-Unis continuant de bloquer la nomination de nouveaux juges, il n’y avait plus que 3 juges ?

    Si la critique mineure du non-respect du préavis de 90 jours requis avant la démission d’un juge est un enjeu qui doit pouvoir être mieux anticipé, plusieurs pistes d’amendements des

    12. PIIE, 2018, op.cit. Voir par exemple, WTO DSB, “Negotiations on Improvements and Clarifications of the Dispute Settlement Un-derstanding on Improving Flexibility and Member Control in WTO Dispute Settlement,” Contribution by Chile and the United States, TN/DS/W/28, December 23, 2002; WTO DSB, “Negotiations on Improvements and Clarifications of the Dispute Settlement Understanding,” Further Contribution of the United States on Improving Flexibility and Member Control in WTO Dispute Settlement, Communication from the United States, TN/DS/W/82, 24 octobre 2005, and Addendum, TN/DS/W/82/ Add.1, 25 octobre 2005.13. https://www.wto.org/french/tratop_f/dispu_f/ab_procedures_f.htm#fnt114. Règle 3.1 des procédures de travail de l’OA.

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    procédures sont néanmoins évoquées pour répondre aux attentes de Washington et amener les États-Unis à préserver le fonctionnement de l’OA et l’ensemble du système de règlement des différends de l’OMC.

    2.1.1 Limiter la portée de la règle 15 C’est d’abord en vue de limiter la portée de la règle 15, permettant à un juge dont le mandat a expiré de mener une procédure en appel jusqu’à son terme, que plusieurs pistes de réformes peuvent être envisagées ; bien que des objections américaines persistent.

    Il s’agirait de :

    • (i) S’accorder sur le principe que l’OA n’autorise la poursuite de l’instruction que lorsque l’étape clé de l’audience d’appel a eu lieu15 : cela limiterait le recours à la règle 15 mais n’effacerait pas le risque d’avoir deux juges de même nationalité qui coïncident pendant quelques mois.

    • (ii) Interdire à un juge de commencer à instruire un dossier trois mois avant la fin de son mandat (durée maximum souhaitée pour l’instruction d’un dossier) : cela ne garantit pas encore que l’instruction d’un dossier ne dépasse pas ce délai et donc l’échéance de la fin du mandat du juge.

    • (iii) Prolonger le mandat d’un juge jusqu’à ce qu’il y ait eu un consensus sur la nomina-tion d’un nouveau juge, comme c’est la cas pour la Cour internationale de Justice et la plupart des cours et tribunaux internationaux16. Cela laisserait encore la possibilité au pays d’origine du juge dont le mandat est prolongé d’utiliser son veto pour bloquer la nomination d’un nouveau juge et maintenir son juge en place. Outre le fait que cela pourrait exiger un amendement du MRD lui-même (article 17.2) et non simplement un amendement des procédures de travail de l’OA (règle 13), les États-Unis se sont récem-ment17 opposés à cette option estimant que l’ORD ne s’apparente pas à une cour ou un tribunal international.

    Si les États-Unis concentrent autant leur critique sur cet enjeu, c’est aussi qu’il est lié à l’al-longement de la durée de l’instruction en appel qui renforce le risque de orbiter dicta et à l’autonomisation croissante de l’OA.

    2.1.2 Clarifier les « ambiguïtés constructives »Comme évoqué précédemment, les critiques américaines de l’overreaching, de l’orbiter dicta, et de la limitation de diverses interprétations des accords de l’OMC à celle de l’OA (établissement de précédents) expriment une même crainte : l’empiètement de l’OA sur certaines ambiguïtés des règles de l’OMC, qualifiées d’ « ambiguïtés constructives » car volontairement admises par les membres de l’OMC et appelant de futures nouvelles négociations. Les États-Unis ne sont d’ailleurs pas les seuls à exprimer cette inquiétude (Mexique, Inde, Chili, Argentine, Pakistan, Costa Rica, Malaisie et Turquie)18.

    Rappelant que dans le MRD il a été précisé que « les recommandations et décisions de l’ORD ne peuvent pas accroître ou diminuer les droits et obligations énoncés dans les accords visés » (article 3.2), l’Agenda 2017 de politique commerciale du Président réitère même l’attachement de Washington à la suprématie de la souveraineté américaine sur toute forme de juridiction internationale19.

    15. IIEL, 2/2018, op. cit.16. On notera que c’est le principe appliqué pour les membres de la US International Trade Commission (IIEL, 2/2018, op.cit, p4).17. Déclaration des États-Unis du 27 mars 2018 à l’ORD, p11. 18. Terence P. Stewart, “The Broken Multilateral Trade Dispute System”, Asia Society Policy Institute, 7 février, 2018, p5.19. The President’s 2017 Trade policy Agenda, p2.

    https://geneva.usmission.gov/wp-content/uploads/2018/03/Mar27.DSB_.Stmt_.as-delivered.fin_.rev_.pdf

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    On notera cependant que l’innovation la plus importante apportée par le cycle d’Uruguay, pour renforcer le mécanisme de règlement des différends, vient de l’introduction du principe du « consensus négatif » évoqué précédemment, qui veut qu’un consensus soit nécessaire pour s’opposer à l’adoption d’un rapport20. Comme le souligne Pascal Lamy, ancien directeur géné-ral de l’OMC, voilà « comment le Rubicon de la supranationalité a été franchi en 1994 »21.

    Plutôt que de contester cette supranationalité des décisions de l’OA, une première piste d’amendement visant à clarifier les «  ambiguïtés constructives  » des règles de l’OMC consisterait à renvoyer à un Comité de l’OMC les enjeux ambigus qui exigent débat et négocia-tion entre les membres de l’OMC – option privilégiée par Washington.

    La seconde piste consisterait à appliquer la règle de la majorité des trois-quarts inscrite à l’ar-ticle IX.2 de l’Accord de Marrakech pour interpréter cet accord (avec une interprétation faisant autorité), en délaissant la pratique historique du consensus.

    Si des amendements de procédures de l’OA peuvent viser à réengager un dialogue plus constructif avec Washington, sans effacer toutes les critiques américaines, l’on perçoit que l’enjeu demeure de porter au bon niveau politique une discussion sur les ambiguïtés des règles de l’OMC qui tarde à être engagée. Traitées au cas par cas, en fonction des plaintes renvoyées en appel, ces ambiguïtés pourraient tout autant appeler une négociation plus di-rectement ciblée sur le problème sous-jacent à la critique américaine : certaines distorsions bien spécifiques que provoque le capitalisme d’État chinois, qui préoccupent tout autant les Américains, les Européens, les Japonais et d’autres pays dans le monde. Sauver l’organe d’ap-pel exige d’investir du capital politique pour renforcer la « deuxième jambe » de l’OMC, celle de la négociation. La plainte déposée récemment par les États-Unis auprès de l’OMC contre les transferts de technologies imposés par la Chine démontre encore un intérêt persistant de Washington pour le système multilatéral, sur lequel les Européens doivent prendre appui pour réengager le débat sur le renforcement des règles de l’OMC.

    Lorsque le président actuel de l’OA, Ujal Singh Bhatia, évoquait en mai 2018 la nécessité de ne pas affaiblir le système de règlement des différends de l’OMC pour « revitaliser » sa capacité de négociation, car les membres ne seront prêts à s’accorder sur de nouvelles règles que si l’on peut garantir leur mise en œuvre, il n’a fait que souligner le lien indissociable entre ces deux organes du contentieux et de la négociation22.

    2.2 La jambe de la négociation : le renforcement des disciplines de l’OMCLa pression engagée sur la Chine pour l’amener à la table des négociations gagne à être mul-ti-latéralisée, car les discussions bilatérales entre les États-Unis et la Chine risquent de péna-liser d’autres pays, en commençant par les pays en développement. C’est au niveau de l’OMC qu’il faut traiter ces enjeux. Si l’on ne peut dire que la Chine triche avec les règles de l’OMC à laquelle elle a adhéré en 2001, le niveau de développement qu’a atteint le pays ne permet plus de justifier la poursuite de certaines distorsions. Les mailles de la discipline multilaté-rale sont devenues trop larges, et ne permettent pas d’encadrer ces distorsions.

    2.2.1 Le capitalisme d’État en ChineLors de sa création en 1995, l’OMC a été conçue comme une organisation internationale vi-sant à faciliter le commerce entre des économies de marché, dans lesquelles le rôle de l’État 20. Ce faisant l’on supprimait le droit d’une quelconque partie, le plus souvent celle dont la mesure est contestée, de bloquer l’établis-sement d’un groupe spécial ou l’adoption d’un rapport : « Historique du règlement des différends de l’OMC », OMC ; « Les organes de l’OMC intervenant dans le processus de règlement des différends », OMC21. Pascal Lamy, « L’Organisation mondiale du commerce et le droit », Communication à l’Académie des Sciences morales et poli-tiques, Paris, 18 janvier 2016.22. https://www.wto.org/english/news_e/news18_e/ab_07may18_e.htm

    PLUTÔT QUE DE CONTESTER CETTE SUPRANATIONALITÉ DES DÉCISIONS DE L’OA, UNE PREMIÈRE PISTE D’AMENDEMENT VISANT À CLARIFIER LES « AMBIGUÏTÉS CONSTRUCTIVES » DES RÈGLES DE L’OMC.

    https://www.wto.org/french/tratop_f/dispu_f/disp_settlement_cbt_f/c2s2p1_f.htmhttps://www.wto.org/french/tratop_f/dispu_f/disp_settlement_cbt_f/c3s1p1_f.htm#decision_makinghttps://www.wto.org/french/tratop_f/dispu_f/disp_settlement_cbt_f/c3s1p1_f.htm#decision_makinghttps://www.wto.org/english/news_e/news18_e/ab_07may18_e.htm

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    reste limité. L’entrée de la Chine à l’OMC en 2001 a été un défi d’autant plus important pour le système multilatéral qu’il a dû absorber une économie fondée sur un très large secteur public et un rôle prédominant des entreprises d’État. Cette transition ne s’est pas faite sans inquiétude vis à vis de la capacité de l’OMC à encadrer une telle économie dominée par l’État. Dès 1998, un expert du commerce international comme Gary Clyde Hufbauer a commencé à mettre en garde la Chine sur la nécessité de privatiser et libéraliser ses entreprises d’État, sans quoi tout l’appareil de l’OMC serait mis en péril23.

    Le protocole d’adhésion de la Chine avait déjà entrepris de renforcer les instruments de dé-fense des autres membres de l’OMC. Mais on a pu y voir de simples ajustements qui ne per-mettaient pas de traiter sérieusement l’enjeu24. Depuis 2001, d’importants programmes de subventions publiques chinoises ont concerné autant l’industrie de l’acier et du verre, que du papier ou encore des pièces détachées dans l’automobile25.

    Si un effort de libéralisation de l’économie chinoise a été engagé, depuis la crise financière l’importance des entreprises d’État n’a fait que se renforcer. Elles représentent aujourd’hui près de 40% des principaux actifs industriels chinois et 80-90% de part de marché dans les « in-dustries stratégiques »26. Ces dernières années d’importantes fusions d’entreprises d’État ont également eu lieu, pour créer des champions nationaux et internationaux avec une puissance de compétitivité et de domination sur le marché qui est considérable.

    Ceci est devenu particulièrement significatif dans les secteurs de l’acier et de l’aluminium dans lesquels les subventions publiques chinoises ont provoqué d’importants problèmes de sur-capacité. L’ambassadeur de l’UE à l’OMC ne pointait pas autre chose que les subventions de l’État chinois lorsqu’en mai 2018, au Conseil général de l’OMC, il déclarait que les problèmes actuels de distorsions économiques mondiales et de surcapacités sont dus à des modes de production qui ne sont pas fondés sur les principes du marché27. Ces distorsions du modèle économique chinois sont un problème pour le système multilatéral.

    Alors que la Chine a déposé plainte auprès de l’OMC après l’expiration de son protocole d’ad-hésion en décembre 2016 contre les pays qui ne lui reconnaissent pas son statut d’économie de marché28, cet enjeu attise les préoccupations.

    2.2.2 Apporter une réponse politique par une initiative trilatéraleSauver l’OA et préserver l’OMC dans son ensemble exigent d’apporter une réponse politique à ce défi. S’il a attiré l’attention des membres du G20 sans encore de mobilisation détermi-nante, c’est en marge de la 11e conférence ministérielle de l’OMC à Buenos Aires, en décembre 2017, que les États-Unis, l’Union européenne et le Japon se sont engagés dans une « initiative trilatérale » pour traiter ensemble les problèmes de distorsions économiques chinoises (sub-ventions, entreprises d’État, transferts de technologies forcés, exigences de contenu local et préférences)29. En mars 2018, ils ont dressé une liste d’actions communes, prévoyant de se retrouver en marge de la réunion ministérielle du Conseil de l’OCDE des 30 et 31 mai 2018, à

    23. “China as an Economic Actor on the World Stage: An Overview,” G. C. Hufbauer, dans F. Abbott (ed), China in the World Trading System: Defining the Principles of Engagement, Kluwer Law International, 1998, p50.24. Philip Levy, “The Treatment of Chinese SOEs in China’s WTO Protocol of Accession”, Volume 16, Issue 4, World Trade Review, octobre 2017, pp. 635-653.25. Usha Haley and George Haley, Subsidies to Chinese Industry: State Capitalism, Business Strategy, and Trade Policy, Oxford University Press, 201326. Examen des politiques commerciales : Chine, OMC, 2016.27. https://eeas.europa.eu/delegations/world-trade-organization-wto/44201/eu-statements-ambassador-marc-vanheukelen-gene-ral-council-8-may-2018_en28. L’UE a maintenu sa position tout en s’accordant en décembre 2017 sur un renforcement de ses instruments de défense anti-dumping.29. http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2017/december/tradoc_156458.pdf

    https://www.cambridge.org/core/journals/world-trade-review/volume/869C4C1AB60C6D99A04AD0466D5454A6https://www.cambridge.org/core/journals/world-trade-review/issue/symposium-on-stateowned-enterprises-in-china/BEF7AE692CA146C272B3B4F7088C8E67https://eeas.europa.eu/delegations/world-trade-organization-wto/44201/eu-statements-ambassador-marc-vanheukelen-general-council-8-may-2018_enhttps://eeas.europa.eu/delegations/world-trade-organization-wto/44201/eu-statements-ambassador-marc-vanheukelen-general-council-8-may-2018_enhttp://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2017/december/tradoc_156458.pdf

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    Paris, pour faire avancer des initiatives communes.

    S’il y a un élan de réforme pour mieux encadrer les subventions des entreprises d’État chinoises, ces efforts devraient viser à la fois à renforcer la mise en œuvre des règles existantes, notam-ment concernant la notification des subventions, et à renforcer les disciplines de l’OMC sur les subventions, notamment les financements à taux inférieurs à ceux du marché qui sont assurés par des institutions financières publiques. Si le spectre des distorsions chinoises est vaste, l’initiative trilatérale pourrait se concentrer en premier lieu sur l’enjeu des subventions.

    2.2.3 Renforcer la mise en œuvre des règles existantesDans le cadre de l’OMC, les membres peuvent prendre des mesures de protection contre les en-treprises qui ont reçu des subventions et certaines subventions, comme celles à l’exportation, qui sont interdites. Il faut s’assurer que ces règles soient respectées en commençant par le besoin de notifier auprès des autres membres de l’OMC toute subvention publique. L’article 25.1 de l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires (SCM) contraint tous les membres de l’OMC à des délais de notification. Cependant, l’OMC estime que le pourcentage de membres ayant notifié des subventions est tombé de 50% à 38% depuis 199530.

    Le président du Comité SCM, Jin-Dong Kim, a réitéré son inquiétude concernant le manque chronique de respect des obligations de transparence, qui porte préjudice au fonctionnement de l’accord SCM31.

    L’UE propose ainsi notamment d’amender les règles de transparence et de notification des subventions pour32 :

    • assurer une surveillance plus rationnelle du respect des obligations de notification, pas-sant par une plus grande implication du Secrétariat de l’OMC ;

    • pouvoir porter plainte contre une subvention lorsque l’État qui l’a accordée ne l’a pas notifiée, malgré la demande qui lui avait été adressée par le plaignant ;

    • voire même, instaurer une présomption générale réfutable selon laquelle toutes les sub-ventions non notifiées pourraient donner lieu à une action.

    L’engagement d’autres grandes puissances commerciales affectées par ces défaillances de notification, en commençant par les États-Unis et le Japon, serait décisif pour restaurer la confiance dans le fonctionnement et la légitimité de l’OMC, offrant la possibilité de mieux lut-ter contre une concurrence déloyale dues aux subventions octroyées à certaines entreprises.

    2.2.4 Amender les règlesDans le cadre de leur initiative trilatérale, les États-Unis, l’Union européenne et le Japon de-vraient également viser à renforcer la discipline du SCM sur les subventions elles-mêmes. À la suite d’une réunion à Genève en octobre 2017, la communication qu’ils ont adressée à l’OMC, avec le Canada et le Mexique, cible notamment les financements à taux inférieurs à ceux du marché dont bénéficient certaines entreprises, ce qui leur permet d’éviter la faillite, encourage une plus forte production et provoque des surcapacités sur les marchés d’exportation. Ceci vise le système financier chinois, qui assure le financement du secteur privé. Il est organisé autour de trois catégories de banques d’État et de banques contrôlées par l’État chinois : les banques commerciales, les banques à capitaux mixtes et les banques de prêts politiques. Ensemble, elles représentent en 2015 près de 70% des actifs bancaires chinois.

    30. « Améliorer les disciplines relatives aux notifications de subventions », TN/RL/GEN/188, OMC, 2017.31. https://www.wto.org/english/news_e/news17_e/scm_25apr17_e.htm32. https://docs.wto.org/dol2fe/Pages/FE_Search/DDFDocuments/236581/r/TN/RL/GEN188.pdf

    https://www.wto.org/english/news_e/news17_e/scm_25apr17_e.htm

  • 18 ▪ 21

    Cette prédominance de l’État dans le secteur financier chinois permet au gouvernement de protéger et de développer les industries stratégiques, indépendamment de simples consi-dérations commerciales. Ces dernières années, les crédits de plus en plus importants qui ont été alloués à des entreprises d’État à la solvabilité douteuse ont accru les problèmes de surcapacités sur les marchés internationaux. Nicholas Lardy du Peterson Institute for Interna-tional Economics a montré que la part des prêts aux entreprises d’État chinoises a augmenté substantiellement par rapport à celle des prêts octroyés aux entreprises privées, bien que les bénéfices des entreprises d’États sont bien moins importants.

    FIGURE 4 ▪ Évolution des prêts aux entreprises d’État et aux entreprises privées en Chine

    4854 52

    57

    34

    19

    36

    2832

    35

    60

    69

    0

    10

    20

    30

    40

    50

    60

    70

    80

    2010 2011 2012 2013 2014 2015

    Secteur privé État

    Source : Peterson Institute for International Economics, Nicholas R. Lardy and Zixuan Huang, 2018

    Limiter la capacité de l’État à intervenir dans le secteur financier est une question sensible, notamment depuis la crise financière de 2007-2008. Un des principaux enjeux liés aux sub-ventions chinoises concerne les rémunérations « moins qu’adéquates » (LTARs - Less Than Adequate Remunerations) par lesquelles le gouvernement soutient des entreprises avec des financements en dessous des taux du marché. Mais d’autres pays en ont fait de même après la crise.

    Une autre piste consisterait à limiter les financements apportés par l’État à des entreprises qui n’ont pas un plan crédible de restructuration. Cela peut ne pas suffire à circonscrire le pro-blème des subventions chinoises puisque des entreprises peuvent se restructurer sans quitter le marché, comme elles devraient supposément le faire. Il faudrait également s’intéresser aux conditions d’annulation de dettes, à partir de la définition des critères de solvabilité d’une en-treprise, et à la façon de s’assurer que les swaps de dettes contre capitaux propres se font sur base de critères commerciaux.

    S’il reste difficile d’obtenir un accord sur ces financements en dessous des taux du marché à court terme, une concertation active des grandes puissances économiques est nécessaire. Pour amener la Chine à la table des négociations en vue d’amender l’accord SCM, il est essen-tiel de mobiliser largement autour de propositions constructives, en gardant à l’esprit l’enjeu de la sauvegarde du système commercial multilatéral.

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    Entreprendre de resserrer les mailles des disciplines de l’OMC conduirait alors aussi à revenir sur le régime multilatéral qui gouverne le secteur de l’agriculture – sur lequel les États-Unis devraient se préparer en retour à faire des concessions –, et développer une règlementation multilatérale pour le commerce électronique, comme également pour les barrières non-ta-rifaires qui prennent à présent plus d’importance dans les échanges commerciaux.

    Privilégier cette approche constructive avec les États-Unis pour engager une négociation sur le renforcement des disciplines de l’OMC, que souhaitent tout autant les Européens et bien d’autres partenaires commerciaux, signifie s’engager dans un bras de fer avec la Chine. Toutefois si Donald Trump renonçait à installer ce rapport de force avec Xi Jinping en se limi-tant à une transaction basée sur des pourcentages et des quotas d’importations, les grands défenseurs de l’ordre multilatéral seraient contraints de le préserver par d’autres moyens.

    2.3 Revenir sur le principe du consensus pour préserver l’ordre multilatéralSi la menace d’un blocage de l’OA et de l’ensemble du système de règlement des différends est une arme de dissuasion que les États-Unis utilisent pour convaincre la Chine de venir à la table des négociations, elle reste tout autant une menace pour les autres membres de l’OMC. Ces derniers doivent aussi se préparer à faire appel en dernier recours à des mesures d’urgence qui préservent une capacité de règlement des différends, si nécessaire sans les États-Unis.

    2.3.1 La « dissuasion nucléaire » de la majorité qualifié Le véto américain à la nomination de nouveaux juges à l’OA pourrait être contourné par un vote à la majorité qualifiée. La procédure de nomination serait mise à l’agenda du Conseil général de l’OMC qui appliquerait le principe de la majorité qualifiée à titre exceptionnel.

    Qualifiée de « dissuasion nucléaire », cette option exigerait toute la détermination d’une forte coalition de membres de l’OMC disposée à s’opposer aux États-Unis. Néanmoins cette option privilégierait encore un recours au sein du cadre de l’OMC.

    D’autres mesures, conçues comme transitoires, peuvent également être évoquées.

    2.3.2. Des mesures d’urgence transitoiresLa première option serait que l’OA amende ses propres règles pour permettre qu’à titre excep-tionnel, les rapports des groupes spéciaux de l’ORD soient considérés comme définitifs le jour même où ils sont renvoyés en appel33. Ce qui ne supprimerait pas formellement la procédure d’appel, mais permettrait de temporiser le temps de trouver une solution consensuelle avec les États-Unis et/ou la Chine.

    Par ailleurs, un recours à un système d’arbitrage ad hoc, déjà autorisé par l’article 25 du MRD34, pourrait garantir la bonne volonté des membres de l’OMC de continuer à éviter un système de rétorsions unilatérales pendant ce qui ne devrait être qu’une phase de transition35.

    L’arbitrage est engagé sur la base d’un accord mutuel des parties concernées, qui doivent s’accorder sur les procédures à suivre et s’engager à respecter la décision finale adoptée, sans que l’ORD soit impliqué. Ce faisant cet arbitrage permettrait encore de rester dans le cadre de l’OMC. Cependant, si l’article 3.10 du MRD appelle tous les membres à s’engager dans des

    33. “How to Save WTO Dispute Settlement from the Trump Administration ?”, Steve Charnovitz, International economic law and policy blog, 3 novembre 2017. 34. Ce type d’arbitrage a déjà été utilisé en 2001 pour résoudre un différend entre les États-Unis et l’Union européenne. https://www.wto.org/english/tratop_e/dispu_e/cases_e/ds160_e.htm 35. Jens Hillebrand Pohl, University of Maastricht https://www.maastrichtuniversity.nl/blog/2017/12/maintaining-trust-wto-adjudica-tion-arbitration-‘safety-valve

    http://worldtradelaw.typepad.com/ielpblog/2017/11/how-to-save-wto-dispute-settlement-from-the-trump-administration.html https://www.wto.org/english/tratop_e/dispu_e/cases_e/ds160_e.htmhttps://www.wto.org/english/tratop_e/dispu_e/cases_e/ds160_e.htmhttps://www.maastrichtuniversity.nl/blog/2017/12/maintaining-trust-wto-adjudication-arbitration-%E2%80%98safety-valvehttps://www.maastrichtuniversity.nl/blog/2017/12/maintaining-trust-wto-adjudication-arbitration-%E2%80%98safety-valve

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    procédures « de bonne foi dans un effort visant à régler ce différend », la réticence de certains pays à engager un arbitrage sur un différend qu’ils peuvent tout autant perdre, peut prévaloir sur la volonté de préserver le système multilatéral.

    Enfin, il pourrait être envisagé de répliquer les procédures de l’OA dans un accord séparé, signé par une « coalition des volontaires »36, décidée à préserver l’équilibre du commerce inter-national, sans devoir renégocier tout le régime commercial. Cet accord prendrait alors effet seulement si l’OA est bloqué par les États-Unis. Tout en faisant sortir le mécanisme de règle-ment des différends de l’OMC, on s’efforcerait encore de préserver un système plurilatéral37.

    Ces diverses options présentent la contrainte de devoir être portées par le leadership d’un nombre décisif de membres de l’OMC et renforceraient la confrontation avec les États-Unis au risque de les conduire à s’affranchir plus largement du système multilatéral. Mais ces ultimes recours pourraient s’avérer nécessaires si Donald Trump renonce à concentrer sa pression sur les distorsions chinoises. L’UE a un rôle essentiel à jouer dans ce leadership.

    CONCLUSIONL’impasse actuelle dans laquelle se trouve le système commercial multilatéral, tant par la me-nace que font peser les États-Unis sur le mécanisme de règlement des différends que celle que fait peser le capitalisme d’État chinois sur le commerce international, constitue à la fois une menace et une opportunité pour l’Union européenne. Les États-Unis considèrent qu’au fil du temps, l’organe d’appel a limité la capacité des membres de l’OMC à adopter des me-sures de rétorsions contre les subventions non autorisées par les règles de l’OMC, ouvrant la voie à une concurrence déloyale. Ce n’est qu’en s’attaquant sérieusement à cet enjeu que les critiques américaines de l’organe d’appel pourront être désamorcées. Bloquer le processus de nomination des juges ne devrait alors viser qu’à installer le bon rapport de force avec une Chine qui devrait faire la preuve de son propre attachement à un système multilatéral dont elle a su profiter depuis vingt ans. Préserver l’OMC en cherchant à renforcer ces « deux jambes », celle qui négocie pour préserver celle du contentieux, sera déterminant pour l’avenir de l’économie mondiale. Si la vision de Donald Trump s’avérait plus court-termiste, en commen-çant par l’échéance des élections américaines à mi-mandat de l’automne 2018, il resterait aux autres grandes puissances commerciales, UE en tête, à préserver un cadre de régulation plurilatéral, qui sera d’autant plus décisif pour contrer le nouveau facteur disruptif américain.

    INDEXGATT : Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (General Agreement on Tariffs and Trade)

    MRD : Mécanisme de règlement des différends

    OA : Organe d’appel

    ORD : Organe de Règlement des différends

    OMC : Organisation mondiale du Commerce36. “From the Board: The US Attack on the WTO Appellate Body”, Legal Issues of Economic Integration, Kluwer Law Online, Volume 45 (2018) / Issue 1, pp 1-11.37. Pieter Jan Kuijper, “The US Attack on the Appellate Body”, International Law and Economic Policy blog, novembre 2017.

    PRÉSERVER L’OMC EN CHERCHANT À REN-FORCER CES “DEUX JAMBES”, CELLE QUI NÉGOCIE POUR PRÉ-SERVER CELLE DU CONTENTIEUX, SERA DÉTERMINANT POUR L’AVENIR DE L’ÉCONO-MIE MONDIALE.

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  • SMC : Accord sur les subventions et les mesures compensatoires (Subsidies and countervailing measures agreement)

    USTR : Bureau du représentant américain au commerce (United States Trade Representative)

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