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Droit de l’OMC – Droit international économique [email protected] Liste des thèmes de TD - TD 1. Situation de la contestation de la mondialisation libérale : l’OMC fait partie des OI qui incarnent la mondialisation libérale, visée par un mouvement de contestation qui s’est vite cristallisé. En Décembre 1999, mouvement de contestation de très grande ampleur, conférence de Seattle, qui contraint les membres de l’OMC à se séparer sans pouvoir adopter une déclaration finale. L’organisation, parce qu’elle incarne cette mondialisation libérale, est l’objet de contestations mondiales. Aujourd’hui, on ne sait pas vraiment si cette contestation est encore d’actualité. Réflexion autour de cette problématique. - TD 2. Statut du groupe d’Etats les plus nombreux : les PED , 2/3 des membres. A l’heure actuelle, est en marche une négociation multilatérale pour réviser l’ensemble des règles : cycle de DOHA, programme de DOHA pour le développement. La problématique du développement a été placée au cœur des relations commerciales internationales. - TD 3. Thématique d’actualité : les accords commerciaux régionaux . Organisation multilatérale, orientée vers l’universalité du droit applicable, qui tolère le régionalisme commercial. Ce qui est symptomatique face à ces ACR, c’est qu’ils ont cru de manière exponentielle dès l’entrée en vigueur des Accords de Marrakech. Que signifie cette démarche ? Relève-t-elle de la contestation ? de la complémentarité ? - TD 4. Le droit de l’OMC et l’accord sur les droits de propriété intellectuelle préserve t- il l’accès aux médicaments pour les Etats les plus pauvres ? protection de la santé publique et obligations commerciales. (jeu de rôle) - TD 5. Le principe fondamental du droit de l’OMC : le principe de non discrimination entre produits similaires. Notion au cœur du droit de l’OMC et conditionne la portée du droit dans les Etats. - TD 6. Perspectives d’évolution à travers le programme de DOHA pour le développement : Novembre 2001, conférence interministérielle de DOHA

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Droit de l’OMC – Droit international économique

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Liste des thèmes de TD

- TD 1. Situation de la contestation de la mondialisation libérale  : l’OMC fait partie des OI qui incarnent la mondialisation libérale, visée par un mouvement de contestation qui s’est vite cristallisé. En Décembre 1999, mouvement de contestation de très grande ampleur, conférence de Seattle, qui contraint les membres de l’OMC à se séparer sans pouvoir adopter une déclaration finale. L’organisation, parce qu’elle incarne cette mondialisation libérale, est l’objet de contestations mondiales. Aujourd’hui, on ne sait pas vraiment si cette contestation est encore d’actualité. Réflexion autour de cette problématique.

- TD 2. Statut du groupe d’Etats les plus nombreux   : les PED , 2/3 des membres. A l’heure actuelle, est en marche une négociation multilatérale pour réviser l’ensemble des règles : cycle de DOHA, programme de DOHA pour le développement. La problématique du développement a été placée au cœur des relations commerciales internationales.

- TD 3. Thématique d’actualité : les accords commerciaux régionaux. Organisation multilatérale, orientée vers l’universalité du droit applicable, qui tolère le régionalisme commercial. Ce qui est symptomatique face à ces ACR, c’est qu’ils ont cru de manière exponentielle dès l’entrée en vigueur des Accords de Marrakech. Que signifie cette démarche ? Relève-t-elle de la contestation ? de la complémentarité ?

- TD 4. Le droit de l’OMC et l’accord sur les droits de propriété intellectuelle préserve t-il l’accès aux médicaments pour les Etats les plus pauvres ? protection de la santé publique et obligations commerciales. (jeu de rôle)

- TD 5. Le principe fondamental du droit de l’OMC : le principe de non discrimination entre produits similaires. Notion au cœur du droit de l’OMC et conditionne la portée du droit dans les Etats.

- TD 6. Perspectives d’évolution à travers le programme de DOHA pour le développement : Novembre 2001, conférence interministérielle de DOHA

Introduction générale 

Définition du DROIT DE L’OMC : Ensemble des règles contenues dans une collection de textes qui forme la charte de Marrakech.

- une 60aine de textes

- adoptés le 15 Avril 1994, EEV le 1er Janvier 1995 (c’est donc un droit jeune).

- 153 parties contractantes.

o Précision : le droit de l’OMC utilise le vocabulaire de “ Membres ” systématiquement utilisé dans les Accords ; il désigne à la fois les Etats, qui sont les plus nombreux, mais aussi qui désigne l’UE et les territoires douaniers chinois membres à part entière (Hong Kong et Macao). On parle des Etats mais il faut l’entendre comme recouvrant comme l’ensemble des parties liées : les Membres.

Les règles constituent le cadre juridique des échanges de biens et de services entre les parties contractantes.

1. Des règles de DI Public = c’est “ un chapitre parmi d’autres du DIP ”. Ce sont des règles qui sont à distinguer du DI Commercial : règles de droit privé pour les opérateurs économiques privés.

2. Une vocation à l’universalité. L’OMC comporte déjà 153 membres et toutes les grandes puissances commerciales y sont. L’immense majorité des PED y sont aussi. De même, cette collection d’acteurs couvre près de 90% du commerce mondial (rapport annuel de l’OMC, 2010). Ces règles, de par cette universalité, revêtent une importance particulière. La Russie reste le grand Etat en dehors, mais les négociations ont réellement été encouragées ces derniers mois et devraient aboutir bientôt.

3. Un objet double = les règles s’intéressent à la circulation de deux facteurs de production : biens et services. Le droit OMC est un pan important du droit de la mondialisation libérale. C’est un droit de l’interdépendance économique.

Ce droit ne naît pas ex-nihilo. L’OMC et son droit s’inscrivent dans la filiation, dans le système qui a perduré pendant plus de 150ans : la GATT, General Agreements on Tarifs and Trade, Accord Général sur le Commerce et les Tarifs douaniers. Il s’agit d’avoir des repères historiques pour mieux comprendre l’activité de l’OMC et son système.

§1 –Le système commercial international avant le GATT

Début 19ème siècle, les relations commerciales entre les Etats sont fortement marquées par le saut du protectionnisme. Les marchandises circulent assez peu, les Etats sont fortement repliés sur eux-mêmes et leurs productions nationales.

I - UN ENCADREMENT JURIDIQUE INTERNATIONAL EMBRYONNAIRE (ACCORDS BILATÉRAUX)

C’est à la faveur de la révolution industrielle et du développement économique, fondé sur une logique capitaliste, économie de marché, que le libre échange commence à prospérer. C’est ce que révèle la pratique commerciale des Etats.

Cette pratique s’accompagne d’une réflexion doctrinale qui va influencer la pratique des Etats, tout en l’expliquant. On cite notamment David RICARDO ou Adam SMITH. Les travaux de ces britanniques vont influencer les échanges des Etats européens et notamment de la Grande Bretagne.

Dans son ouvrage, en 1817, “ Les principes ”, David RICARDO défend la théorie des avantages comparatifs. Elle explique et fonde le commerce international.

Avec cette théorie, en observant la réalité, on constate que les Etats ne bénéficient pas tous des mêmes avantages en terme de production de biens ou d’avantages économiques. Les Etats ont intérêt à se spécialiser dans la fabrication de biens, de marchandises, de produire à des conditions avantageuses. Ils vont donc exporter cette production. Elle bénéficie d’un avantage concurrentiel important sur le marché international. Du même coup, les Etats vont importer les biens qui ne sont pas en mesure de fournir. Chacun se spécialise. Cette théorie implique que les barrières tombent. Elle sous-tend, suppose le libre échange, la circulation. Ce libre échange et la spécialisation sont source de gain.

La GB est au début du 19ème la première plus grande puissance dans le monde ; elle a déjà opéré sa révolution industrielle. Chacun des Etats européens sont influencés et vont adopter cette stratégie en supprimant les barrières aux échanges internationaux. On a tout d’abord une révision et une adaptation du droit national et des pratiques nationales. Les Etats européens vont amender, abroger les législations protectionnistes. Ainsi, en 1946, la GB abroge des lois en vigueur depuis très longtemps qui visaient à protéger les productions nationales de céréales.

De la même façon, les Etats européens commencent à signer des accords et traités bilatéraux, instaurant le libre échange. On a un premier traité bilatéral fondé sur la logique libérale : entre la France et la GB en 1860. En 1862 on a un traité similaire entre la France et l’Allemagne, en 1865 entre l’Allemagne et la GB, etc. On a une multiplication des traités commerciaux fondés sur une logique libérale. La doctrine voit en cette première collection de traités le premier système commercial international orienté vers le libre échange. Le point commun à chacun de ces traités est qu’ils visent à diminuer voire annuler l’outil protectionniste de l’époque.

Est-ce l’amorce d’une tendance générale qui ne va faire que se renforcer? La réponse est non. Assez vite, les intéressés de l’époque reviennent à des stratégies protectionnistes, à l’exception de la GB, du Danemark, de la Hollande.

II - … QUI N’EMPÊCHE PAS UN FORT PROTECTIONNISME

a. Un facteur d’ordre intellectuel  : la thèse protectionniste de LIST

C’est le 1er facteur explicatif de ce repli protectionniste fin 19ème. De nouveaux penseurs viennent contredire la thèse classique de RICARDO.

Frédéric LIST écrit en 1841 “ le Système National d’Economie politique ”. Il démontre ici que le protectionnisme contrairement à RICARDO, pourrait avoir des effets positifs et bénéfiques en termes de développement économique.

Il explique qu’une politique commerciale ainsi orientée vers le protectionnisme est le seul choix qui s’impose lorsque l’on est en retard par rapport à ses partenaires commerciaux. L’Allemagne n’a pas encore fait œuvre de la révolution industrielle et est donc en retard par rapport à la GB. Il montre que ce retard ne sera comblé qu’à l’abri de barrières protectionnistes. Il faut protéger le commerce allemand naissant de la

concurrence internationale. Lorsque le retard sera comblé, la théorie de Ricardo pourra alors prendre le relais et favoriser le libre échange.

La thèse est encore très grande aujourd’hui, notamment auprès des PED (PMA ou Pays intermédiaires). Ils ne peuvent pas favoriser le développement de leur industrie s’ils ne parviennent pas à la protéger de la concurrence internationale. Cette théorie trouve des relais forts au sein de la doctrine US. On considère que les USA doivent aussi appliquer cette théorie nouvellement diffuse. Elle aura donc une influence importante sur les politiques commerciales.

b. Un facteur d’ordre économique

Un autre facteur est lié au fait que les crises économiques vont commencer à se succéder à la fin du 19ème en Europe et ailleurs. Elles affectent tel ou tel secteur de l’économie ; et les Etats, confrontés à ce type de difficultés, trouvent une réponse à travers le protectionnisme.

En 1880, en France, la situation du secteur agricole se dégrade, notamment pour la production de blé. La réponse sur le plan international des autorités françaises sera de relever le tarif douanier : à hauteur de 15% d’abord, puis successifs sur les importations de blés. Cela, jusqu’à ce que la France dénonce les traités bilatéraux GB-Allemagne, en 1892. De plus, la 1ère GM, 1914-1918, génère des tensions protectionnistes. C’est un phénomène de récession généralisée, qui nourrit le repli sur soi. Les situations de crise financière génèrent le repli protectionniste. A l’heure actuelle, depuis 2008, on est entré dans une crainte financière, notamment face aux risques de retours à des logiques protectionnistes.

Il est vrai qu’il y a eu un tassement du commerce mondial, à un taux de 12% en 2008-2009, ce qui correspond à un abaissement sans précédent depuis 1929. Ce tassement est davantage du à la récession qu’à de réelles pratiques protectionnistes effectives ; les Etats ont eu en réalité assez peu recours au mécanisme de protection. Selon le rapport 2010 de l’OMC, on nous indique que les mesures d’inspiration protectionnistes des Etats ne toucheraient que 0,8% des importations de marchandises. Le droit de l’OMC semble avoir rempli sa mission qui est d’encadrer le recours aux pratiques commerciales restrictives.

La crise de 1929 génère un repli protectionniste très fort et généralisé. Tous les Etats vont essayer d’atténuer l’impact de la crise en cherchant à remplacer les importations par la production nationale. Ils vont, à l’appui de ce choix de politique commerciale, multiplier dans les années 30-40 les outils protectionnistes.

Jusqu’à présent, le principal outil économique pour protéger un marché était les droits de douanes. Ici, ils ne deviennent plus qu’un instrument parmi d’autres pour protéger le marché. On voit se multiplier les politiques de quotas, de restrictions quantitatives, qui sont parfois totales notamment avec les embargos. De même, la technique des licences d’importations sont de plus en plus utilisées (document administratif, autorisation préalable pour importer un bien donné et cette technique permet à l’autorité d’imposer des conditions plus ou moins restrictives). L’instrument est très efficace pour la protection du marché. Il ne s’analyse pas comme un outil direct sur les importations, mais si les conditions sont rigoureuses, la protection peut être très efficace.

A la veille de la Seconde GM, les relations internationales et commerciales sont totalement désorganisées. Il n’y a plus du tout de règles communes. L’idée qui s’impose est qu’il faudrait créer des disciplines collectives, multilatérales, de nouvelles règles et institutions juridiques . Cette réflexion s’inscrit dans une politique plus générale : il faut recréer, repenser des relations économiques internationales.

§2 - Caractéristiques du GATT – 1947 : entre le texte et la pratique

I – CIRCONSTANCES DE L’ADOPTION ET DE LA PÉRENNISATION DU GATT

Le GATT est un instrument juridique, signé en 1947 qui perdure jusqu’en 1994, qui a été insufflé par la nécessité de repenser les relations économiques. On désigne ici le General Agreement on Tarifs and Trade. La guerre n’est toujours pas achevée et les Etats se préoccupent des relations économiques mondiales. L’idée sous-tend les grandes réunions diplomatiques : à Bretton Woods en 1944, à la Havane en 1946.

a. Circonstances d’Adoption

Dans ces forums diplomatiques, l’idée est qu’il va falloir, à l’issu de la guerre, renforcer les institutions juridiques internationales, renforcer les institutions de la gouvernance internationale , dans les 3 secteurs clés de l’économie mondiale : la monnaie, les finances et le commerce. La Conférence de Bretton Woods s’occupe des deux premières questions. La Conférence de la Havane s’occupe du dernier pilier : le pilier commerce.

La monnaie  : la Guerre n’est pas finie, mais les Etats savent qu’à son issu, lorsque les transactions reprendront, il faudra qu’elles reprennent au sein d’un système monétaire stable : mettre en place un système monétaire international stable avec des parités fixes entre les données.

Les finances  : les Etats alliés se posent la question de la reconstruction, financer la reconstruction des économies détruites par le conflit. Il faut mettre en place des institutions, des règles, pour que l’aide financière US puisse être financée et redistribuée. On veut aussi éviter le repli protectionniste qui désarticule totalement les relations internationales.

Dès 1944, pour ces deux piliers, on abouti à la création du FMI – Fond Monétaire International- dont le but à l’époque était de mettre en place un système de parité fixe. De la même façon, on a pu créer la BIRD – Banque d’Investissement pour la Reconstruction et le Développement – notamment pour permettre la répartition du plan Marshall. La coopération des finances se traduit par la création du Système de la Banque Mondiale.

Le commerce

La conférence de la Havane se réunie suite à une initiative US. Les USA vont faire en sorte que le Conseil ECOSOC convoque la conférence. Les travaux durent deux ans. Son objet était d’élaborer ce troisième pilier : une Organisation Internationale du Commerce, une OIC, chargée de réguler les échanges mondiaux de marchandises, en plaçant ces échanges sous le signe du libéralisme.

Les négociations aboutissent, en 1948, à la Charte de la Havane. Ce traité bien que achevé, comportait une partie (Chapitre 4) appelée GATT. Cette partie était déjà largement finalisée en 1947 ; les négociateurs, 23 Etats, vont décider qu’il est possible d’envisager une EEV anticipée de ce chapitre 4 GATT, dans l’attente d’une ratification du texte global de la Charte. Ce chapitre ne contenait que des règles substantielles pour promouvoir le libre échange. Dans le reste de la charte, ce sont les aspects institutionnels qui étaient privilégiés, notamment une organisation ad hoc, l’OIC. L’EEV de cette partie de la Charte correspondait à une phase transitoire.

Cependant, la Charte de la Havane ne sera jamais ratifiée. L’histoire de l’échec du Pacte de la SDN se répète : on est face aux USA, à l’initiative du projet de traité, qui obtient largement la plume de rédaction, mais lorsque celle-ci arrive devant le Congrès, le Sénat refuse encore de ratifier la Charte : lobby agricole américain très fort. Cette 1ère puissance mondiale ne ratifiant pas le texte encourage les autres à abandonner la Charte.

b. Circonstances de la pérennisation

Le GATT, accord en forme simplifié, un accord souple, est EEV. La simple signature des Etats à suffit pour engager les Etats. L’accord était censé être provisoire ; dès lors, il était relativement bref (38 articles, largement imprécis).

Il était entendu que le GATT cesserait de s’appliquer le jour où la Charte de La Havane entrerait en vigueur. Celle-ci est signée en Mars 1948, mais lorsque le texte arrive devant le Congrès US, le vote du Sénat est négatif, les USA ne ratifient pas la Charte, et elle tombe en désuétude. Le texte perd de son intérêt.

L’OIC – Organisation Internationale du Commerce qui avait été crée par la Charte ne verra jamais le jour. Et le GATT va se pérenniser et va être appliqué pendant près de 50 ans jusqu’à l’EEV de la Charte de Marrakech le 1 Janvier 1995. On était face à un “ accident historique ”, le GATT, qui va finalement devenir le seul instrument multilatéral encadrant, régissant le droit entre Etat, jusqu’au 1 er

Janvier 1995.

II – CARACTÉRISTIQUES ESSENTIELLES DU GATT

C’est un système souple, minimal, où le droit ne finira par jouer qu’un rôle de second plan.

a. Un système minimal

Sur le plan institutionnel, la structure mise en place est minimale voire minimaliste. On constate qu’on ne parle par d’Etats membre, seulement de parties contractantes (parties contractantes = renvoi aux Etats pris individuellement / Parties Contractantes = collectivité des 23 Etats).

Il y a 3 piliers, 3 volets institutionnels : la réunion des Parties Contractantes (conférence diplomatique plénière, des 23 signataires, réunie 1 fois par an, avec la règle 1 Etat = 1 voix, avec la règle du vote majoritaire). Pendant les intercessions, le travail, les missions et compétences sont entre les mains d’un organe plénier, où siègent toutes les parties contractantes : le Conseil du GATT, réuni 1 fois par mois. Il prépare les grandes décisions. A coté de ces organes diplomatique, on trouve un organe intégré, un Secrétariat, composé de fonctionnaires, avec à sa tête, le DG du GATT.

Le GATT repose sur 2 outils juridiques.

- Le principe de non discrimination. C’est la pierre angulaire du système, le 1er pilier du droit de l’OMC aujourd’hui encore.  La non discrimination est une technique qui présente 2 aspects :

o La non-discrimination entre les produits importés (clause de la Nation la plus favorisée). Un Etat A a accordé une concession commerciale (un droit de douane = 0, une franchise totale pour le lait) à un partenaire Etat B ; par le jeu du principe de la clause, l’Etat A doit étendre le jeu de la concession commerciale à tous les produits importés similaires (à tous les autres partenaires commerciaux pour les produits similaires). Une négociation bilatérale qui devient un phénomène de multilatéralisation et de promotion du libre échange, par le jeu de la clause.

o La clause de traitement national : un Etat s’engage à accorder le même traitement aux produits importés que celui qu’il accorde aux produits domestiques nationaux. Le blé importé bénéficie du même traitement que le blé national. Dès lors, ce traitement est le même sur le plan fiscal (une fiscalité plus lourde ne peut pas frapper un produit importé) et sur le plan réglementaire (notamment pour la vente, le transport et la commercialisation de ce produit). Cela permet de garantir la libre concurrence entre les produits importés et les produits nationaux.

- Le principe de concessions tarifaires à négocier sur une base périodique , 2ème pilier du droit de l’OMC. On agit sur les tarifs douaniers qu’on s’engage à négocier à la baisse, périodiquement. Le GATT de 1947 n’interdit par les droits de douanes et même, il les autorise explicitement. Cependant, on prévoit qu’existe :

o Le Principe de la protection douanière exclusive : les droits de douanes sont le seul instrument économique possible d’utiliser pour protéger le marché. Tous les autres techniques deviennent illégales (politiques de quotas, de licences etc.). Cependant, il est entendu que les tarifs douaniers qui continuent à être imposés doivent à être négociés à la baisse de façon régulière, à travers des cycles de négociations successives (Uruguay Round, dernier cycle).

b. Un système très souple mais trop complexe

L’institution juridique qui témoigne de cette souplesse, c’est la clause du grand-père “ Grand Father Clause ”. Cette disposition figure à la fin de GATT et incitait les parties contractantes à modifier leurs législations nationales antérieures à 1947, pour la mettre en accord avec le texte.  Mais il ne s’agissait que d’une incitation, une invitation, pas une obligation, ni de sanctions. Un assez grand nombre de dispositions nationales en contradiction avec le GATT sont de fait maintenues. = Aucune supériorité effective du GATT sur le droit national antérieur contraire. En 1995, ces législations qui avaient perdurées sont attaquées devant le juge de l’OMC. On assiste notamment à un contentieux assez nourri entre la communauté européenne et les USA qui avaient laissé en vigueur de nombreuses législations anciennes, parfois datant du 18ème siècle.

Le provisoire ayant perduré, il a fallu procéder à des adaptations, à des développements, qui vont procéder à un morcellement du droit applicable (= grande insécurité juridique).

Le droit se multiplie à la faveur des cycles de négociations, les rounds, périodiques, dans lesquelles les parties contractantes vont adopter des textes complémentaires. A l’issue du Tokyo Round, en 1979, un très grand nombre de textes viennent ainsi compléter le texte (code anti-dumping, code sur les négociations, sur les marchés publics, etc.). La caractéristique commune de ces textes complémentaires réside dans les optionalité. Ce sont des textes optionnels et on pratique la technique du pick and choose. Les Etats ne signent que les textes qui ne servent que leurs intérêts, laissant de côté les autres. Cela créé une grande insécurité juridique, une grande complexité du système au minimum. Le cercle des

parties contractantes à ces textes varie d’un texte à l’autre. En 1986, lorsque s’ouvrent les négociations d’Uruguay, on ne sait même plus très bien qui est lié par quoi.

A partir de 1964, on assiste aussi à une évolution qui renforce encore le morcellement du régime juridique, qui renforce son dualisme. On est dans une phase où la décolonisation de l’Afrique et le l’Asie est à peu près achevée. Les Etats nouveaux émergeants sont des pays en développement  ; ils n’ont pas un niveau de développement économique et social comparable aux 43 parties contractantes du GATT. Le GATT s’adapte alors à cette réalité des différences de niveau de développement.

Une partie nouvelle, la partie 4 est rédigée et ajoutée au texte de 1947 : “ Commerce et Développement ”. On est ici face à des règles qui instaurent, qui consacrent, et s’inspirent du principe de la dualité des normes. Les règles qui sont mises en place ici sont des règles spéciales, des règles différentes de celles incorporées dans le texte initial, qui s’appliquent dans les relations entre une partie contractante développée et des pays en développement.

Il y a bien 2 régimes juridiques qui naissent là : le régime juridique de droit commun, et un régime juridique ad hoc, différencié, spécial et dérogatoire au droit commun qui s’applique aux relations nord-sud. Il s’agit de fournir aux PED un statut juridique préférentiel, plus intéressant, qui leur confère des avantages commerciaux plus favorables que ceux qu’ils auraient pu avoir si on leur avait appliqué le droit commun. Cette évolution complexifie une fois encore le système commercial multilatéral.

Après toutes ces adaptations et évolutions, on a aboutit à un régime juridique très compliqué à la veille de l’ouverture des négociations de l’Uruguay, et à un régime qui a perdu de son autorité.

c. Les raisons de la nécessité d’une réforme du système

En marge de toutes ces évolutions, une pratique va se développer à partir du début des 70’s, dans un contexte de crise économique mondiale générale.

La pratique va conduire les Etats du Nord qui se trouvent en difficulté du fait de cette crise, notamment dans les secteurs de l’automobile, du textile ou de l’acier, à adopter des mesures ouvertement protectionnistes. On voit se développer des pratiques contraires aux accords GATT et aux textes complémentaires. Ce sont des pratiques contra legem de forte inspiration protectionniste. Elles se concrétisent par la signature de traités, qui relèvent d’une logique de restrictions commerciales, qui vont progressivement aboutir à ce que des secteurs entiers du commerce international soient extraits du jeu du libre échange et retranchés du champ d’application du GATT.

*L’exemple topique est celui du secteur textile . Les industries textiles sont vieillissantes et ne supportent plus la concurrence internationale, notamment les textiles fabriqués en Asie ou au Maghreb. La réaction est alors d’essayer de protéger l’industrie textile européenne. Au début des 70’s, on conclu des accords nord-sud bilatéraux dits d’autolimitation. On est dans une logique protectionniste. Ces accords fixent des quotas annuels d’importations pour une liste couverte par l’accord. Le Sud accepte de limiter en volume chaque année ses exportations vers l’Etat du Nord des destinataires, et il a l’assurance d’avoir accès à ce marché tout de même. Ce type d’accord se multiplie, jusqu’en 1994. Un accord Multifibres, l’AMF, est conclu. Il rassemblait à la fois les Etats du Nord importateurs, et les Etats du Sud exportateurs, pour fixer des règles minimales pour encadrer la négociation des accords bilatéraux de limitation. Ce sont des accords cadre. Ils sont renouvelés jusqu’à la Charte de Marrakech. Un importateur peut convenir de quotas, mais ceux ci doivent être révisables annuellement, logique protectionniste provisoire, et en cas de perturbation brutale et grave du marché national, un Etat importateur peut bloquer complètement les importations par le jeu d’une clause de sauvegarde et fermer complètement les frontières. L’AMF est renouvelée jusqu’à l’EEV de la Charte. L’Accord couvrait à l’époque 80% du commerce mondial textile : 80% échappait au jeu du libre-échange des accords GATT.

Diffusion de cette logique d’autolimitation aux autres secteurs (automobile par exemple : cf. cours M1 S1-s1 Intégration Economique européenne).

On constate que le système GATT est devenu totalement obsolète, inadapté. Dès lors, on est face à une dérèglementation du secteur du commerce international. Le droit ne joue plus qu’un rôle marginal dans les relations commerciales multilatérales. C’est dans ce contexte que s’ouvre l’Uruguay Round en Septembre 1986. Les parties contractantes décident de remettre à plat tout le système, et les négociations durent 8 ans.

§3 – L’Uruguay Round et l’adoption de la Charte de Marrakech, 1994

Comment et dans quel contexte opère la transition entre le GATT et le système actuel ?

I – LES AMBITIONS DE LA DÉCLARATION DE PUNTA DEL ESTE

Ce dernier cycle avant Marrakech s’ouvre à Punta Del Este le 19 Septembre 1986. Il débouche sur une Déclaration qui fixe les lignes directrices de la négociation. Elle fixe les objectifs. Il est adopté malgré les lignes de fracture qui séparent les Etats :

a. Les points initiaux de discordes

La ligne transatlantique sur la question de l’agriculture (USA-CEE) : les produits agricoles sont dans le champ d’application du GATT de 1947. Mais très vite, ces deux principaux intéressés de l’époque vont convenir qu’il y a lieu d’extraire du jeu du GATT le commerce des produits agricoles. Fin 40- début 50, on voit donc se développer des techniques juridiques qui permettent de déroger au libre échange en matière agricole. En 1986, le point de vue des USA a évolué et ils voudraient que la matière soit mise sur la table des négociations pour que la question agricole donne lieu à des négociations et un accord, pour marquer au moins le début du retour dans le jeu du libre-échange. La CEE, au début, à une position plus retranchée. Ce 1er clivage va cependant être dépassé.

Le clivage nord-sud : Les PED souhaitent obtenir le démantèlement de tous les accords qui limitent leurs capacités d’exportations vers le Nord, notamment de l’accord multifibres AMF. Les Etats industrialisés, eux, voudraient obtenir l’inclusion, l’incorporation dans le jeu du libre-échange, de secteurs nouveaux. Il y en a deux : le commerce des services (intérêt du Nord) et la protection des droits de propriété intellectuelle liés au commerce au niveau international (ADPIC).

b. L’Adoption de la Déclaration et les compromis

Malgré ces clivages, la déclaration est adoptée. Elle ne signe qu’un compromis global qui prend en compte chacun de ces clivages. Chacun fait des concessions pour obtenir des privilèges dans d’autres domaines, pour que chacun ait le sentiment d’avoir obtenu des avantages équilibrants. Le texte définit 4 axes de négociations.

L’abandon protectionniste : Les parties contractantes décident de mettre de l’ordre dans les disciplines communes préexistantes. Il faut créer des règles qui vont permettre le démantèlement de tous les accords d’inspiration protectionniste, à commencer par l’accord AMF. Sur le plan du

principe donc, les PED obtiennent gains de cause par la réintégration du commerce des textiles dans le jeu du libre échange.

L’extension du jeu du libre-échange à des secteurs nouveaux : En échange de cette concession et des abandons des accords d’autolimitation, les parties contractantes s’engagent à étendre le jeu du libre échange aux nouveaux secteurs : services et ADPIC.

Réhabiliter le rôle du droit dans les relations commerciales. Il s’agit de limiter, de mieux encadrer, la mise en œuvre de toutes les clauses qui dans le GATT permettaient de déroger au libre-échange. L’un des points forts de la Déclaration de 1986 porte sur cet aspect : redéfinir les régimes juridiques pour limiter les pratiques abusives.

Renforcer les institutions du GATT. Le GATT n’a jamais été une organisation internationale de jure. Il n’avait pas la Personnalité Juridique. Les institutions n’étaient en plus que minimales. Le 4ème volet de la Déclaration prend acte de cette faiblesse : les parties contractantes conviennent qu’il faut renforcer les institutions de façon à mieux encadrer la mise en œuvre des règles de fond. C’est l’aspect suivi. On créé des règles de fond plus précises, plus contraignantes, pour un nombre de secteurs plus grands. Mais on met en place un nombre d’accords pour cela.

L’objectif est donc très ambitieux. Aucune des cycles de négociations précédents n’avaient atteint ce niveau. Les négociations seront dès lors difficiles. Elles vont durer 8 ans. Il y aura des crises, qui essentiellement, concerneront le dossier agricole (USA-CEE, ayant du mal à trouver un compromis sur cette question stratégique).

Les crises seront dépassées. Les 13 et 14 Avril 1994, à Marrakech, les 124 Etats parties contractantes et la CEE signent la Charte de Marrakech qui va consigner l’ensemble des résultats des négociations.

II – LE RÉSULTAT DES NÉGOCIATIONS

C’est un ensemble de textes, très dense, très complexe. Les règles seront dès lors plus précises, plus nombreuses, plus contraignantes que celles du GATT de 1947. Une soixantaine de textes.

a. La structure des accords

Le 1er texte et ses annexes  (Page 4 – 13 du plan) forme l’intégralité du tout premier accord : la création de l’OMC. Les annexes sont des traités, ce sont des textes tout aussi obligatoires. Elles ont donc, toutes, la même valeur juridique. Les déclarations ne sont en revanche pas contraignantes (# décisions).

Il y a une disproportion flagrante entre les Accords - les dispositions de type institutionnelles - et les dispositions de fond, de matérielles sur les règles et principes gouvernant le commerce.

Sur le plan institutionnel, on est dans une logique d’approfondissement, mais toujours dans une logique minimaliste. Ce n’est pas une logique Onusienne qui a un système institutionnel très complet. On a des éléments institutionnels dans chacun des textes (ex. Annexe 2 et 3 de l’Accord 1). On règle le contentieux des différends, on prévoit des rapports étatiques pour les politiques commerciales nationales afin de garantir qu’elles n’entrent pas en contradiction avec l’OMC.

Le reste de l’Accord 1 gouverne les échanges, sont des règles matérielles. L’Annexe 4 regroupe 4 accords, 4 traités. Les deux derniers ont cessés de s’appliquer en 1998. Le point commun à ces accords annexe 4 c’est d’être des Traités non pas multilatéraux mais plurilatéraux. On a là les deux seuls traités optionnels. Ils ne rassemblent pas tous les membres de l’OMC, n’y adhèrent que les Etats qui les acceptent. L’Annexe 1 est le cœur des règles matérielles concernant le commerce des marchandises (secteur traditionnel), le commerce des services, et les droits de propriété intellectuels (les deux volets nouveaux). Dans l’annexe traditionnelle 1A, le traité de base continue à être le GATT, mais révisé en 1994, “  le GATT de 1994 ”. Il est complété par des mémorandums qui développent le régime juridique d’une clause, d’une disposition du GATT de 1994. Ainsi, pour les dispositions stratégiques, on a définit plus précisément le régime juridique, le rendant dès lors plus contraignant.

b. Contenu des accords

Chacun de ces textes sont soumis à un principe : la force contraignante pour chaque membre. = Article 2 §2 de l’Accord créant l’OMC. Cet article a introduit une révolution par rapport à tout la pratique antérieure. Tous les accords multilatéraux font partie intégrante de l’accord créant l’OMC (Accord n°1) et ils sont contraignants pour tous les membres. C’est le principe du single undertaking, de l’engagement unique, ou principe “ du paquet ”. Cet accord met fin à la pratique du pick and choose, il met fin à la possibilité pour les membres de n’adhérer que aux accords conformes aux intérêts de l’Etat en écartant les textes qui ne le seraient pas. On prend tout lorsqu’on est membre de l’OMC.

- C’est un gage de sécurité juridique. C’est la fin de la pratique antérieure qui avait conduit à la situation qu’on ne savait plus qui était lié par quoi. Ici, le régime juridique est connu par avance de tous.

- C’est aussi dès lors un gage de bonne foi ; ces textes correspondent à une logique d’ensemble. Ils ont scellés, en 1994, un compromis global, en recevant et donnant en échange. Il est donc naturel que chacun des Etats doivent adhérer à tout : souci de fidélité au principe des négociations qui ont eu lieu. Gage de sécurité juridique et de prévisibilité.

La clause du grand père est répudiée purement et simplement. Article 16 § 4 de l’accord OMC “ chaque membre assurera la conformité de ses lois, réglementations, et procédures administratives, avec ses obligations, telles qu’elles sont énoncées dans les accords figurant en annexe ”. Tout le droit devra donc être mis en conformité, on ne peut plus se prévaloir de l’antériorité du droit national pour ne pas appliquer les règles prévues.

Le régime juridique de toutes les clauses échappatoires (de sauvegarde) a été renégocié de façon à le rendre plus précis, notamment de façon à éviter les abus et dérives protectionnistes qui ont caractérisé la période précédente. La question des réserves a été posée. Est ce que ces textes les autorise ? La technique des réserves à un traité permet de concrétiser un droit à la carte. L’enjeu était donc fort ici. On observe que les réserves pour l’accord 1 créant l’OMC sont interdites, purement et simplement . Pour les autres traités, annexes, les réserves sont possibles mais très strictement encadrées. On essaye de privilégier l’unité, la cohérence du système global.

Il y a bien eu création d’un système de réglementation des différends d’une nature quasi-juridictionnelle. Ce n’était pas le cas auparavant. Il faut veiller à ce que les accords soient effectivement respectés. RUS FABRI on a renforcé les règles du jeu, en les rendant plus précises et contraignantes, mais il était donc nécessaires de s’assurer que tous jouent avec les mêmes. Il faut avoir la garantie que tous les partenaires respectent les mêmes règles. On a donc créé un juge, pour régler les litiges et faire appliquer le droit. On est face à une innovation exceptionnellement majeure, introduisant une révolution dans les relations commerciales multilatérales.

En tant que traité solennel, les dispositions sont donc appliquées par tous les membres qui les ont ratifiés conformément à leurs procédures constitutionnelles respectives. On assiste donc à un approfondissement des règles existantes, à une extension des disciplines à de nouveaux secteurs, à un contrôle renforcé de l’exécution de ces règles, etc. En bref, il s’agit d’un renforcement de la place du droit dans le système commercial international.

* * *

TITRE 1 – Les acteurs institutionnels du système commercial international

***

Les normes de l’OMC, dans leur immense majorité, s’adresse aux Etats, et à l’UE, aux acteurs institutionnels, et non pas aux opérateurs privés. C’est pour cela qu’on s’attarde ici sur les acteurs institutionnels.

Chapitre 1 – L’OMC

SECTION 1 – LES CARACTÈRES DE L’OMC

Il faut rappeler que ce qui caractérise la période précédente, rappelons le, c’est la faiblesse de l’appareil institutionnel. La Charte entendait palier ces insuffisances institutionnelles. Il s’agissait d’abord de créer un OI à part entière, qui siège en Suisse, à Genève. Cette OI ne rompt pas avec l’acquis de GATT. (§1) Elle obéit aujourd’hui à une architecture qu’on pourrait qualifier de classique, mais minimaliste en même temps. (§2)

§1 – Une OI à part entière, nouvelle, mais qui ne rompt pas avec l’acquis du GATT

a. L’Organisation à part entière, classique mais atypique

L’OMC trouve son fondement juridique dans un traité solennel, contrairement au GATT de 1947 qui n’était qu’un accord en forme simplifiée. Cet accord est complété ensuite par des annexes où figurent le droit matériel et institutionnel. L’Accord premier OMC est très bref. 16 articles décrivent le statut juridique de l’organisation, ses structures, son fonctionnement et ses attributions. Il est par ailleurs classique du point de vue du contenu.

L’OMC est désignée comme étant “ le cadre institutionnel commun ” article 2§1 pour la gestion de toutes règles, dont le fonctionnement repose sur des principes fondamentaux qui n’existaient pas à

l’époque du GATT. Ces principes permettent de donner l’autonomie nécessaire à l’OI, par rapport à ses membres, pour accomplir à bien ses missions.

Article 8§1 : “ L’OMC aura la Personnalité Juridique...et la capacité juridique ”. Cette disposition est aujourd’hui très classique, mais à l’époque, et ici, cette disposition est très importante. Le GATT de 1947 n’avait jamais été doté de la PJ, il n’était pas au niveau statutaire une OI. En réalité, le statut est devenu ambigu : il n’accordait pas le statut d’une OI de jure, mais les Etats se comportaient comme étant dans une OI ; c’était une OI de facto uniquement. L’accord de 1994 met fin à cette ambigüité en dotant l’OMC de la pleine Personnalité juridique.

On trouve très vite les droits conférés aux OI : le droit d’adopter un budget autonome (article 7) ( !! elle n’est pas compétente à se livrer à des aides, à des missions opérationnelles concernant le budget) c’est donc un seul budget de fonctionnement, qui est donc modeste. De la même façon, elle peut “ nouer tout lien utile avec les autres OI ” qui agiraient dans un secteur de compétence qui pourrait intéresser l’OMC, et les ONG (acteurs privés) – article 5.

Cependant, à côté de ces aspects classiques, on a à faire à une organisation atypique. Ce projet existait déjà dans la Charte de la Havane. Le rôle de l’OMC consiste à veiller à la bonne application de tous les accords, notamment ceux figurant en annexe. Il doit sanctionner la violation des accords, à travers la procédure décrite, prévenir des éventuelles incompatibilités des politiques commerciales avec le droit de l’OMC (à travers un mécanisme d’examen permanent). Elle a donc un rôle de gestion, de surveillance, même de contrôle, de la mise en œuvre des obligations commerciales des Etats.

Ces mécanismes de contrôle et sanctions sont inédits ; aucune autre OI ne s’est vue reconnaître de telles compétences. Pour autant, on est face à une OI qui n’a pas le pouvoir d’un droit dérivé ; elle n’a pas le pouvoir de fabriquer des règles issues du droit OMC. L’OMC n’a aucun pouvoir normatif. Pourtant, la plupart des OI exerce d’abord et avant tout leurs missions à travers les pouvoirs normatifs (cf. nombreuses résolutions adoptées par l’AG des NU). A l’OMC, elle agit par d’autres biais et elle n’a pas reçu ce pouvoir normatif. C’est en cela notamment qu’elle est atypique.

b. Une Organisation nouvelle   : une transition / adaptation de l’acquis du GATT de 1947

Avec la Charte, il n’était pas question de faire table rase du passé en 1994. Il était d’ailleurs prévu que les parties contractantes au GATT de 1947, qui ne souhaitaient pas adhérer à la Charte de 1994, pourraient continuer à appliquer l’ancien GATT. Cette idée a été cependant abandonnée. On a supposé d’une trop grande complexité juridique, et donc d’incertitudes juridiques. Dès lors, les parties se sont ralliées à la Charte. Mais toujours est-il que les négociateurs ne se sont jamais inscrits dans une volonté de rupture complète avec le GATT de 1947.

Au contraire, on démontre de la volonté de préserver une continuité ; l’article 16§1, en tant que disposition finale prévoit que “ sauf disposition contraire…l’OMC sera guidée par les décisions, procédures, et pratiques habituelles des parties contractantes du GATT de 1947 et des organes établis dans le cadre du GATT de 1947 ”. Tous les accords, la Jurisprudence, acquis pendant le GATT de 1947 forment un acquis, qui va servie d’inspiration aux organes de l’OMC, pour autant que l’acquis du GATT ne remet pas en cause les obligations de cette nouvelle Charte de Marrakech. De la même façon, le Secrétariat de 1947 est devenu le Secrétariat de l’OMC. 

Le GATT de 1947 n’a pas été abandonné ; il a seulement été révisé. Il est devenu le GATT de 1994 et il figure à l’accord 1 A de l’Accord OMC. Dès lors, le cœur du droit applicable aux échanges internationaux de marchandises et services est resté.

C’est bel et bien une continuité, autant institutionnelle que matérielle.

§2 – Une OI obéissant à une structure classique mais pragmatique

Les rédacteurs ont fait le choix d’être en dehors de l’exemple Onusien. L’influence anglo-saxonne est réelle ici.

a. Une structure qui préserve un équilibre

Même si le GATT de 1947 n’était pas institutionnel, on a assisté à une institutionnalisation minimale, autour d’un triptyque :

- un Secrétariat avec un DG (organe intégré, administratif chargé d’assuré le suivi de l’accord),

- en amont, deux organes diplomatiques, l’un qui se réunit tous les deux ans ( l’Assemblée Plénière) pour la réunion des Parties Contractantes,

- et l’autre qui se réunit chaque mois, (le Conseil des Représentants).

La structure actuelle, décrite à l’article 4, ne s’éloigne pas totalement du GATT de 1947. L’article décrit les principaux organes de l’OMC. On retrouve la Conférence Ministérielle (organe diplomatique plénier), dont les missions sont exercées pendant les inter-sessions, par le Conseil Général (organe diplomatique plénier toujours), et au côté desquelles on retrouve un Secrétariat, avec un DG. A côté de ces organes de base, on trouve de nouveaux organes.

Cependant, l’équilibre institutionnel entre des organes diplomatiques, pléniers, et des organes intégrés composés d’experts indépendants, n’est pas rompu. Il met l’accent sur le rôle premier des organes inter étatiques ; le pouvoir suprême est entre les mains des organes où siègent les Etats. Cet équilibre confirme le choix d’une OI tournée réellement vers l’inter-étatisme. La Charte de Marrakech a confirmé le rôle des organes indépendants, au rôle des experts qui animent les institutions en charge des règlements des différends (groupes spéciaux et organes d’appels).

b. L’illustration de l’équilibre institutionnel (Page 16, organigramme de l’OMC).

1. ORGANES DIPLOMATIQUES

Au sommet, on trouve la La Conférence Ministérielle, avec tous les membres de l’OMC.

La Charte de Marrakech, l’accord OMC, lui donne le pouvoir de décision suprême. Elle se réunit tous les 2 ans. Depuis l’existence de l’OMC il y a eu 7 Sessions, la dernière ayant eu lieu en Décembre 2009 à Genève. Cela paraît peu, mais cette périodicité est classique. La Conférence est un organe présent pour 2 choses, en amont et en aval des négociations quotidiennes. La Conférence intervient en amont pour donner l’impulsion, pour lancer, initier, un nouveau cycle de négociation en définissant un mandat, sur la base duquel les négociations ont lieu au quotidien au siège de l’organisation. Elle intervient enfin en aval, une fois les négociations achevées, en tant qu’organe d’enregistrement ; elle prend acte de ce qui a été

convenu ou non entre les membres de l’OMC. Elle adopte le texte qui reprend le contenu des accords. Plus un pays est riche, plus il a de moyens financiers, humains et institutionnels, et plus la mission et les négociations permanentes à Genève seront menées par lui-même ; c’est en cela qu’on dit que les PMA sont marginalisés au quotidien.

La Conférence fonctionne le principe classique de l’égalité juridique : un membre égale une voix. Il n’y a pas de surreprésentation des grandes puissances. Cela est très atypique par rapport aux autres organisations économiques où on pratique le vote pondéré qui permet aux puissances économiques d’être surreprésentées. Pour l’UE, on a choisit la méthode du vote alternatif. L’UE dispose de 27 voix : la décision à prendre, si elle relève de la compétence exclusive de l’UE, alors l’UE exerce son droit de vote et dispose de 27 voix ; soit la décision relève d’un domaine de compétences partagées (notamment en matière d’ADPIC) alors ce sont les délégations nationales qui votent à titre individuel (au total on a aussi 27 voix mais exercées individuellement). Le vote de l’UE ne s’ajoute pas à celui des Etats. Cela étant, la pratique montre que généralement, on statut par consensus et non pas suite à un vote formel.

Le monopole d’interprétation a été confié aux organes pléniers (article 9§2). C’est un choix très respectueux de la souveraineté des Etats. C’est une façon pour les Etats de garder le contrôle du droit et des possibilités d’évolutions de celui-ci à travers les efforts d’interprétation. Le juge de l’OMC, même si les accords n’utilisent pas cette terminologie, se livre à des interprétations. Il se trouve que les rapports adoptés par le juge, font autorité de chose jugée ; ils sont obligatoires et exécutoires. Comment considérer alors que cet article 9 §2 de fait, préserve le monopole d’interprétation des organes diplomatiques pléniers. Les interprétations judiciaires ont une valeur contraignante pour les Etats. Différence entre le texte et la pratique.

De la même façon, ils ont compétence en matière d’octroi de dérogations (article 9§3). Lorsqu’un membre de l’OMC se trouve face à une situation exceptionnelle, qu’il ne peut pas appliquer, respecter, ses obligations commerciales, il peut demander l’autorisation formelle de déroger. Cette dérogation est acceptée par la majorité des ¾. C’est une procédure strictement encadrée, ce qui n’était pas le cas en 1947. Les amendements de révisions ne peuvent être adoptés que par la Conférence, à la majorité renforcée des ¾.

Enfin, pour l’admission de membres nouveaux, la décision revient aussi à la Conférence qui statue à la majorité des 2/3.

En dessous, le Conseil Général est exactement composé de la même manière que la Conférence.

Il se réunit tous les mois à Genève, il exerce ses pouvoirs entre les sessions. Il est assisté par les Trois Conseils sectoriels. Le Conseil Général a plusieurs casquettes, des mandats différents :

Notion de dédoublement fonctionnel en adéquation au choix minimaliste

Le Comité des Négociations Commerciales (CNC) – au même rang organigramme que le Conseil - est une structure née dans les jours qui ont suivis la Déclaration de DOHA qui ouvre un nouveau cycle de négociations. Elle est adoptée en Novembre 2001, et en Janvier 2002, on créé le CNC. Il obéit à la logique du dédoublement fonctionnel. Lorsque les membres de l’OMC se réunissent à Genève pour négocier sur le fondement de la déclaration de DOHA et exécuter le mandat, ils se réunissent en Comité des Négociations Commerciales. C’est le Conseil Général, qui se réunit en un tel Comité. C’est la même composition mais avec un ordre du jour différent. C’est une structure ad hoc avec dédoublement fonctionnel.

Les deux autres, Organe de Règlement des Différends (ORD) ou Organe chargé de l’examen des politiques commerciales. Le Conseil Général se réunit, avec pour ordre du jour l’administration du

mémorandum d’accord sur le règlement des différends ou du mécanisme d’examen des politiques commerciales.

Au troisième niveau, on trouve les Trois conseils sectoriels.

Ces trois conseils sont une nouveauté. Le Conseil du GATT (annexe 1A), le Conseil des ADPIC (annexe 1C) et le Conseil du commerce et services (annexe 1B), correspondent aux trois grands secteurs régis par l’Accord OMC et ses annexes. Ce sont des organes diplomatiques pléniers, où siègent tous les membres de l’OMC.

L’ensemble de ces organes diplomatiques ont aussi créé des Organes Subsidiaires.

Cependant, aujourd’hui, on est face à des organes diplomatiques totalement bloqués : c’est pour cela que les négociations de DOHA n’avancent pas. Le réel pouvoir aujourd’hui se situe en réalité dans les Organes intégrés.

2. ORGANES INTEGRES

On trouve tout d’abord le Secrétariat avec à sa tête le DG.

Il est composé de 630 fonctionnaires (ce qui n’est pas beaucoup) et obéit à la logique minimaliste et de rationalisation (l’ONU, même si c’est une OI généraliste, a un secrétariat de 40.000 membres). A la tête, un DG nomme ces fonctionnaires ; il bénéficie du statut de fonctionnaire lui-même, ce qui garantit un statut d’indépendance liée à la fonction publique internationale. Le DG est nommé par consensus, et obéit à une logique hautement politique (toujours le résultat de négociations difficiles entre les membres OMC). En 1999, la Conférence ministérielle, ne parvenant pas à un consensus autour d’un seul nom, à porter un mandat à 6ans coupé en 2 pour deux DG différents (Hollandais et Thaïlandais). Aujourd’hui, c’est un français dans un 2ème mandat en 2009. On constate cependant que les secrétaires généraux qui se sont succédés n’incarnent pas l’une des puissances commerciales de la planète (éviter une trop grande influence sur la scène internationale).

De la même façon, on trouve l’Organe d’Appel ou les Groupes spéciaux de règlements des différends.

Ils sont composés d’experts indépendants toujours ; ils exercent leurs missions sous le contrôle de l’ORD. Dans le traité qui décrit les procédures de règlement des différends, le mémorandum d’accord sur le règlement des différends, toutes les procédures opèrent sous le contrôle de l’ORD – Organe de Règlement des Différends – organe diplomatique. Il exerce une fonction de type contentieux.

Lorsqu’un litige nait entre 2 Etats, au sujet de l’application du droit OMC, l’Etat qui s’estime lésé peut demander à l’ORD de désigner un groupe spécial pour trancher de différend. Il sera habilité sous la base d’un mandat défini pour trancher en droit ; si la solution ne convient pas aux parties, elles feront appel et l’Organe d’Appel tranchera en dernier ressort.

C’est l’Organe de règlement qui désigne les membres du Groupe Spécial. Ils sont 3 experts. L’article 8 du mémorandum d’accord prévoit de façon précise les règles et critères à prendre en considération pour la désignation des experts (compétence, indépendance, etc.). Ainsi, les 3 experts ne peuvent pas avoir la nationalité de l’une des parties au litige, ce qui pose beaucoup de problème notamment pour l’UE (on exclue 27 nationalités). Pour faciliter la désignation dans le respect de ces critères, une liste préconstituée d’experts, et potentiellement éligibles, est tenue par le Secrétariat. Ce n’est qu’une liste indicative et l’ORD va alors pouvoir choisir 3 noms dans cette liste. Ces experts sont ensuite dotés du statut équivalent à celui de magistrat. Si les parties ne parviennent pas à se mettre d’accord sur 3 noms, le DG est habilité à trancher.

En Appel, les règles sont différentes. La mission de l’organe est elle-même différente. C’est un organe permanent, contrairement aux groupes spéciaux qui sont dissous dès lors qu’ils ont solutionné le litige. L’Organe est donc préconstitué, composé de 7 membres qui ne statuent jamais en formation plénière. Il statue toujours en section de 3 membres. La nomination est très politique. Ils sont désignés par l’ORD pour un mandat de 4ans renouvelables 1 fois. Les critères pris en compte sont des critères de qualification, de compétence, de l’équilibre, de la représentativité de l’organisation, d’indépendance (même si la condition relative à la nationalité ne joue pas ici). Il était acquis que les puissances commerciales seraient représentées avec la Charte de 1994 (à l’époque USA, Japon, UE). Ce choix, qui ne correspond pas à une exigence textuelle, est toujours pratiqué. Jusqu’à l’arrivée de la Chine, les 4 autres sièges étaient occupés par le monde en développement (1 africain, 1 latino-US, 2 asiatique). Avec l’arrivée de la Chine, la donne est modifiée. Elle a un expert auprès de l’organe d’Appel et il ne reste donc plus que 3 experts pour le monde en développement (1 Afrique, 1 US-Sud, 1 Asiatique).

Le pouvoir réel de l’OMC est bel et bien là.

SECTION 2 – LE RÔLE ET MISSIONS DE L’OMC

Article 2 et Article 3 = l’OMC doit servir de cadre institutionnel commun à la gestion de tous les accords. Les fonctions de l’OMC sont décrites alors de manière très large à l’article 3.

§1 – L’OMC, Gestionnaire des Accords

Il s’agit d’un rôle d’encadrement, afin de faciliter la mise en œuvre, l’administration et le fonctionnement des Accords de Marrakech.

Ce rôle est classique, mais néanmoins capital. L’OMC est un outil de régulation des relations commerciales multilatérales ; pour rétablir le rôle du droit et pour qu’il soit à nouveau un outil de régulation, il faut que les Etats soient encadrés. Il faut dès lors renforcer les disciplines multilatérales, et il faut que les Etats ne soient pas livrés à eux-mêmes dans l’application des textes.

Contrairement à la période précédente, où on était face à un système institutionnel très souple avec une grande autonomie des parties contractantes, on passe à un système institutionnel très fort. Ce cadre va contrôler les membres de l’OMC dans la mise en œuvre des leurs exigences juridiques ; l’organisation OMC est donc le superviseur, le gardien de la charte et de la légalité . L’OMC est aussi gardien de l’équilibre général, global que formalise tous ces textes. On est face à une fonction de contrôle renforcé, et il s’agit d’asseoir l’effectivité des règles et du système.

Pour que l’OMC puisse remplir cette fonction, on va créer des procédures, des mécanismes. Il y a 2 accords dans la Charte qui sont à mettre en regard par rapport à cette fonction.

1. Le MECANISME D’EXAMEN PERMANENT DES POLITIQUES COMMERCIALES – annexe 3.

Ce mécanisme correspond à des procédures classiques de contrôle interétatique, de type exceptionnel, et qui ne débouche pas, en tout état de cause sur des mesures contraignantes en cas de non respect de la Charte. C’est un mécanisme qui oblige les membres de l’OMC à faire rapport, selon une périodicité qui varie sur les mesures adoptées, en vue de mettre en forme leurs politiques commerciales.

La périodicité des rapports varie : plus l’Etat a une part représentative dans le commerce mondial, plus les rapports sont rapprochés. Ainsi, les puissances commerciales font rapport tous les 4 ans. Il s’agit des USA, de la Chine, du Japon, de l’UE. Les 16 autres parties, représentatives du commerce mondiales sans être une puissances, font un rapport tous les 6 ans. Enfin les autres, intégrées dans le commerce mondial mais non significatives au niveau mondial, rendent un rapport tous les 8 ans.

Ici, le rôle de Secrétariat est important. Deux rapports sont produits. Le premier est d’autoévaluation, évaluation nationale produit par l’Etat, et un deuxième est produit par le Secrétariat lui-même sur la situation des deux Etats concernés. Ces deux rapports sont examinés par l’organe diplomatique plénier : le Conseil général, réuni en Organe d’examen des politiques commerciales. Il y a ensuite débat entre les deux.

On rappelle que le Conseil n’a aucun pouvoir pour adopter des recommandations, encore moins des sanctions contraignantes.

2. Le MECANISME de REGLEMENT DES DIFFERENTS

On est face ici à des procédures quasi juridictionnelles, qui vont déboucher sur des rapports contraignants, qui ont autorité de chose jugée.

Le siège du pouvoir de l’OMC est véritablement là, entre les mains de ces juges.

Le règlement des différends dans le cadre du GATT de 1947: des recommandations adoptées par une logique conciliatoire, dépourvues d’autorité juridique, et dont l’autorité dépendait du consensus unanime et positif des Parties contractantes (peu d’effectivité).

Les mécanismes de règlement des différents, dans le cadre du GATT de 1947, sont d’abord à analyser pour comprendre le changement radical de 1994. Les articles 22 et 23 du GATT de 1947 est le fondement textuel juridique. Il est minimal, très sommaire. Il va servir de base à un mécanisme de conciliation politique.

Lorsque deux parties contractantes au GATT s’opposaient, elles étaient d’abord tenues de négocier (obligation classique dans le contentieux interétatique). Elles avaient ensuite la possibilité de désigner un panel d’experts (3 membres généralement en pratique), habilité à adopter un rapport, sur la base du mandat qui leur était confié, pour établir des constatations et conclusions. Ces conclusions étaient dépourvues d’autorité juridique. C’était une simple recommandation, qui acquérait une valeur plus forte, dès lors qu’elle était endossée par la collectivité des parties contractantes. Mais l’unanimité des parties devait l’adopter, afin qu’il s’impose pour la partie perdante.

Cette étape a bien fonctionné tant que les tensions commerciales restaient modérées. Lorsque les tensions deviennent plus importantes, au début des 70’s, on observe corrélativement que cette mécanique là ne fonctionne plus correctement. Les signes des dysfonctionnements sont multiples. Les parties mises en cause vont bloquer la procédure. Soit elles bloquent de manière anticipée en empêchant la désignation du panel. A supposer que celui-ci soit finalement désigné et qu’il statue, la partie perdante s’opposait ensuite à la formation du consensus. Egalement, à supposer que le rapport soit adopté, le nombre de rapports non exécutés augmente à partir de ces années.

Ces dysfonctionnements se multiplient à partir du début- milieu des 70’s. C’est parce que la partie de conciliation, qui repose sur la bonne foi des parties, ne joue plus son rôle. Dès lors, il était nécessaire de réformer le mécanisme.

Réforme du système, le GATT de 1994 : une logique davantage juridictionnelle, procédures obligatoires et contraignantes, consensus négatif. Introduction d’une phase d’Appel et garantie de l’effectivité des décisions prises.

En 1994, la Charte révise en profondeur le système, en adoptant un traité ad hoc. Sur le plan quantitatif, on note l’existence désormais d’un traité qui décrit des procédures beaucoup plus précises. On ne répudie pas de manière radicale le système antérieur. Le mémorandum d’accord repose sur la logique des articles 22 et 23 du GATT de 1994. On est donc toujours dans une logique conciliatoire, dans cette logique séquentielle, mais on a introduit en plus, à différentes phases de la procédure, des règles nouvelles.

On est alors aujourd’hui dans une procédure de conciliation qui a glissé vers le juridictionnel. On impose des procédures contraignantes, qui relèvent des procédures obligatoires. L’étape du règlement négocié est toujours un préalable nécessaire. Les membres OMC reposent toujours sur des consultations pour permettre un règlement direct, qui reste la procédure préférée. Il est d’ailleurs dit que le règlement par les organes ad hoc créés par le texte n’est qu’un supplétif au règlement négocié direct préféré. De fait, aujourd’hui, beaucoup de différends sont désamorcés par cette procédure.

Ceci dit, si cela ne marche pas, les membres peuvent activer les procédures décrites. La terminologie “ panel ” n’est pas mentionnée dans le texte bien qu’elle soit toujours utilisée en doctrine ; on parle aujourd’hui d’un “ groupe spécial ”. C’est l’organe ad hoc constitué de 3 experts désignés par l’ORD et mandatés pour trancher, sur la base de la Charte de Marrakech, le différend qui lui est soumis. La partie mise en cause ne peut pas bloquer indéfiniment la désignation du panel comme c’était le cas dans l’ancien système.

Une fois que ce groupe spécial est constitué, il rend un rapport, à la suite d’une procédure qui relève du contradictoire ; ce rapport est dénué de toute autorité juridique ; il n’a pas de valeur juridique en tant que tel. Mais ce rapport doit toujours être endossé par l’ORD. Cependant, cet organe ne statue plus en appliquant la règle du consensus positif, mais il statue désormais par consensus dit négatif. On a donc inversé la logique d’adoption des rapports. Dès lors, l’organe diplomatique n’a pas d’autres choix que d’adopter le rapport, sa compétence est devenue une compétence liée, l’adoption est automatique. Pour que le rapport ne soit pas adopté, il faut qu’il y ait un consensus en ce sens. Or, il y aura toujours au moins une partie qui s’opposera à ce que le rapport NE soit Pas adopté : la partie gagnante de l’affaire. On est donc réellement dans une intervention juridictionnelle plus que conciliatoire.

Contrepartie de cela, on a introduit une phase d’Appel, devant un organe préconstitué : l’Organe d’Appel Permanent. Cette innovation est majeure. Cette phase n’existait pas en 1947 et sa fonction est celle d’une unification, de mise en cohérence des obligations juridiques des Etats. L’organe d’appel statue comme un juge de cassation. Ainsi, l’organe d’Appel ne se prononce que sur des points de droit (pas les faits). Il s’agit de dire si le groupe spécial a bien ou mal jugé via le droit de l’OMC. Mais son pouvoir est

plus. S’il constate et conclue que le groupe spécial a mal jugé, il devient alors un juge d’appel, et il va substituer ses propres constatations et conclusions. Il ne renvoie pas ; il casse et il rejuge lui-même l’affaire. Cela pose problème, car parfois, il n’a pas les éléments de faits nécessaires. Toujours est-il qu’il est investi de ce grand pouvoir : de cassation et d’appel. Les rapports adoptés en appel, en eux-mêmes, n’ont pas d’autorité juridique ; ils doivent être endossés par l’ORD, qui doit statuer par consensus négatif encore une fois, donc ils deviennent automatiques.

Enfin, la dernière innovation à introduire, c’est qu’une fois qu’un rapport définitif est adopté, la partie, en charge de l’exécution du rapport, n’est pas livrée à elle-même. Elle est encadrée dans la mise en œuvre, un ensemble de procédures d’exécution qui pèsent sur la partie en charge de l’exécution du rapport. Elles sont sans équivalent, et il n’y a aujourd’hui aucune autre juridiction internationale qui met en jeu ce type de procédures. On fait en sorte que le rapport soit appliqué de façon effective. C’est une réponse à l’un des grands dysfonctionnements. S’ils n’exécutent pas, on a aussi une possibilité d’appliquer des contre-mesures commerciales, dont la logique est de faire pression sur l’Etat en charge d’appliquer ces mesures.

Bilan de la réforme et du mécanisme de règlement des différends

Un nombre de plaintes exponentiel depuis 1995. Depuis 1995 et depuis que le système fonctionne, le nombre de plaintes à dépasser la barre des 420 au 1er Février 2011. C’est un chiffre considérable. Le nombre de plaintes totales entre 1947 et 1994 était de 300. Les Etats ont donc confiance en la procédure  ; le juge est devenu très attractif, du fait du caractère autoritaire acquis du mécanisme. La partie a des chances de voir ses revendications appliquées.

Un tassement de nouvelles plaintes depuis 2004. Cela dit, depuis 2004, on assiste à un tassement du niveau des plaintes nouvelles, alors même que la Chine a adhéré et qu’elle fait l’objet d’un contentieux très nourrit. Pendant les 10 premières années, le système était sollicité car les Etats voulaient que les règles soient mieux précisées par le juge. En 2004, manifestement, les dispositions qui posaient problème on été interprétées et les Etats se sont mis en conformité. Il n’y a plus beaucoup de législations en contradiction avec le droit OMC. Cela explique que le contentieux depuis 2004 soit essentiellement un contentieux anti-dumping, un contentieux de mesures de défense commerciale ponctuelle, non pas des législations qui poseraient problème.

Le nombre d’affaires ayant trouvé une issue définitive est aussi tout à fait remarquable. Soit que l’issue ait été trouvée par la voie amiable, soit parce qu’il y a eu adoption d’un rapport définitif. A l’heure actuelle sur les 420 plaintes, il ya eu un peu plus de 180 rapports définitifs. Le juge statue relativement vite et beaucoup.

Diversification des parties à l’instance mais déséquilibre toujours présent. Par rapport à la période antérieure, les parties se sont diversifiées. Entre 1947-1994, la proportion était de 80/20 (80% des plaintes par des pays industrialisés / 20% de plaintes par des pays en développement). C’était donc essentiellement perçu comme un mécanisme qui servait les intérêts commerciaux des pays industrialisés.

Le désintérêt par les PED s’est traduit par ce que la doctrine a appelé “ un anti-GATT ”, qu’était la CNUCED – Conférence des Nations Unies pour le Commerce en développement. De plus, pour aller voir les panels du GATT, il faut des moyens financiers, des ressources humaines adaptées, et ce n’était pas le cas de l’immense majorité des PED. Ces procédures sont donc davantage activées par le Nord pour ces faits concrets.

Aujourd’hui, le ratio a évolué depuis 1995. Il est aujourd’hui de 60/40. Le déséquilibre est donc moins grand, il y a une démocratisation du système.

De plus, on a vu apparaître un contentieux Sud/Sud, qui n’existait pas jusque là. Ces différends sont révélateurs de la confiance que les Etats concernés accordent à ces nouvelles procédures.

Cela dit, lorsqu’on observe de plus près les PED qui vont voir le juge, il faut réaliser et dire que cette démocratisation reste très relative. Même si la majorité des membres de l’OMC sont des PED, ceux qui vont voir le juges sont les même : la Chine, le Brésil, l’Inde, le Mexique et quelques autres : l’Argentine, la Thaïlande, la Corée du Sud. Aucun pays africain n’est présent, du moins aucun rapport n’a été adopté concernant, soit en tant que plaignant ou partie mise en cause. Quelques plaintes ont été initiées pour l’Afrique du Sud, l’Egypte pour une affaire de thon, mais aucun rapport définitif n’a été adopté. Dès lors, la démocratisation, si elle est bien réelle, reste relative, avec cette absence notable de l’Afrique du côté plaignant.

La seule explication ici qui reste est l’absence  de moyen financier, matériel pour saisir l’instance.

Enfin, on est face à un juge qui est très attractif, efficace ; c’est un juge qui veille au respect des décisions. Mais dans les contentieux les plus sensibles, ceux qui mettent en scène les grandes puissances commerciales, les rapports continuent à ne pas être exécutés malgré les procédures très sophistiquées qui visent pourtant à la contrainte d’exécution. Le rapport dans l’affaire Hormone, en Janvier 1998, condamne l’embargo européen contre le bœuf US et canadien élevé aux anabolisants  ; l’embargo n’est toujours pas levé. La communauté a refusé d’exécuter le rapport Hormones (2009, solution européenne). Les rapports n’avaient aucun effet.

Les procédures ont donc montrées leurs limites : des Etats, sur la plan politique, financier, économique, ont le moyen de rester en marge des procédures, dès lors qu’elles estiment que l’application des rapports n’est pas dans leurs intérêts.

§2 – L’OMC, Enceinte des négociations permanentes

Cette fonction est plus originale et elle est tournée vers l’adaptation constante des règles. L’article 3§2 le prévoit ainsi. Cette compétence est donnée à la Conférence ministérielle. On est face ici à un thème – le droit international économique ou du commerce - qui génère des règles nécessairement évolutives. Il doit être adapté quasiment en continu par les membres des Etats auxquels il s’applique  ; le sujet est lui-même très mouvant. Les règles ne sont donc pas figées et c’est en cela que l’OMC est un lieu de négociations permanentes.

Les négociations sont quotidiennes au siège de l’organisation, à Genève. La Conférence ministérielle, qui ne se réunit que tous les deux ans, est l’organe qui va intervenir en amont puis en aval de ces négociations qui se déroulent au quotidien.

Il s‘agit, en amont, de décider de l’opportunité de renégocier les règles du jeu, définir un mandat de négociation. Sur cette base, les membres mènent les négociations. Après un consensus formé, la Conférence intervient en aval pour endosser, entériner le résultat de ces négociations. La conférence ministérielle est investie d’un pouvoir de décider, article 4 §1, “ sur toutes les questions relevant de tout accord commercial multilatéral ”. Ce pouvoir est à mettre en parallèle avec le fait qu’elle n’adopte pas, qu’elle ne fabrique pas de droit dérivé, qu’elle n’a pas de pouvoir normatif, contrairement aux autres organes des autres OI. Ce choix est politique ; les Etats ont voulu garder la main, ils ne se sont pas dessaisis en la confiant à un organe.

Lorsque la Conférence de DOHA se réunit en Novembre 2001, les accords EEV en Janvier 1995 sont renégociés. On est donc dans cette logique. On adopte en 2001 deux grands textes.

Il s’agit d’abord de la Déclaration de Doha qui ouvre un nouveau cycle de négociations. Initialement, ce cycle est qualifié par les observateurs, à l’instar des cycles précédents, du “  Doha Round ”. Ce cycle a été depuis rebaptisé “ Programme de Doha pour le développement ” notamment en raison de l’objectif affiché par la déclaration, pour renégocier les règles du jeu. La déclaration ouvre ce cycle et un autre texte est adopté sous le nom de “ Décision et préoccupation des questions liées à la mise en œuvre ”. Ce sont des obligations de comportements (négocier sur la bonne foi), pas des comportements de résultats (pas d’obligation de conclure le cycle).

Les négociations se déroulent dans l’organe ad hoc du CNC – Comité des Négociations Commerciales - qui fonctionne sous dédoublement fonctionnel (“ Conseil réunit en … ” ). La composition plénière et politique définit 21 thèmes de négociation ; elle est donc d’une grande complexité et c’est presque tout le droit de l’OMC qui est remis à plat.

Les négociations ouvertes en 2001 ne sont toujours pas achevées, alors même qu’on prévoyait dans la Déclaration un terme en Janvier 2005. Le mandat n’a pas été achevé, le déroulement des négociations étant très chaotique. Le point d’orgue de l’affrontement, entre les membres de l’OMC très impliqués dans la négociation, repose notamment sur la Conférence de Cancun - Août-Septembre 2003 - au Mexique, qui cristallise un fracture radicale. On se sépare sur un constat d’échec et les relances successives (Genève en Aout 2004, Hong-Kong Décembre 2005) qui voulaient débloquer le dossier agricole, n’ont pas réussi à trouver de consensus sur tous les dossiers. Les Etats freins sont les puissances commerciales du Nord qui n’ont pas intérêt à adhérer à une libéralisation accrue du secteur agricole. Les Etats qui poussent sont les Etats émergeants, Brésil en tête.

Chapitre 2 – Les membres de l’OMC

Article 12 §1 “ Tout Etat ou territoire douanier distinct … pourra accéder au présent accord à des conditions à convenir entre lui et l’OMC ”. On a donc deux catégories de membres.

SECTION 1 – LES ETATS

§1 – Participation à l’OMC : les modalités de membres

On est face à une organisation qui comporte, toutes catégories confondues, 153 membres.

La plus importante des accessions au cours de ces dernières années est celle de la Chine, qui n’était pas partie contractante au GATT de 1947. Elle devient membre en Décembre 2001, en même temps de Taïwan (Taïpé en Janvier 2002, sous le statut de territoire douanier distinct). Cette adhésion est la plus significative.

Seule la Russie, dernière grande puissance commerciale, reste en dehors. Les négociations avec la Russie avaient débutées en 1996 mais sont chaotiques. Elles ont été interrompues en 2006 sur des blocages avec les questions énergies, le conflit en Géorgie, etc. Jusqu’en 2010, la position officielle de la Russie était celle du retrait : la Russie qui considère ne pas avoir besoin de l’OMC créé d’ailleurs une union

douanière avec leurs voisins le Kazakhstan et ?. Cette Union est présentée comme pouvant contrer le multilatéralisme de l’OMC. Il semble que les négociations aient repris et aient des chances d’aboutir à des négociations favorables et brèves, avant fin 2011. Les principaux dossiers qui bloquaient (gaz, énergie, exportations russe de bois) ont été débloqués.

Une fois son adhésion, on sera face à une réelle universalité, d’autant plus qu’on compte encore aujourd’hui 30 demandes d’adhésions aujourd’hui. Tous les Etats sont donc demandeurs.

La Charte envisage deux hypothèses, articles 11 et 12.

1. LES MEMBRES ORIGINAIRES

Il faut tout d’abord avoir été partie contractante au GATT de 1947. En 1994, 114 parties contractantes acquièrent ce statut de membre originaire. La CEE acquiert ce statut là également, alors même que la CEE n’a jamais été partie contractante de jure au GATT ; elle n’était partie contractante que de facto, car lorsque la CEE est créée en 1957, elle met en œuvre une PAC, une politique commerciale commune, un tarif douanier commun, qui fait qu’elle ne pouvait pas rester en dehors du GATT alors même que ses Etats étaient membres.

Egalement, il faut avoir accepté l’ensemble des engagements adoptés à Marrakech, l’ensemble des accords multilatéraux (moins annexe 4 accords plurilatéraux). Accepter tout est une façon de rappeler le principe de l’engagement unique, du single undertaking (cf. introduction §3). L’Etat concerné, partie à la totalité, doit produire une liste nationale d’engagements, de concessions commerciales, avec des tarifs douaniers, qu’il s’engage à appliquer à l’égard de ses partenaires. Le droit OMC c’est les accords Marrakech, et les 153 listes individuelles produites par les membres, qui font l’objet d’une jurisprudence récurrente et constante sur la valeur juridique de ces listes : ce sont des engagements contraignants qui peuvent être sanctionnés devant le juge.

2. LES MEMBRES ACCEDANTS

Une condition de fond : accepter tout le droit OMC, principe de l’engagement unique, single undertaking

Il s’agit de respecter l’article 12, qui pose une seule condition de fond : le principe de l’engagement unique. Il faut qu’ils acceptent tous les engagements multilatéraux des accords OMC. Dès lors, il leur faudra adapter leurs législations nationales pour être en accord avec les différents textes.

Des conditions procédurales : un aide-mémoire comme base des négociations bilatérales, étendues à tous les membres par la suite.

La condition procédurale permet à ce que l’Etat candidat adresse une demande formelle au Secrétariat, assortie d’un aide-mémoire, dans lequel il expose sa politique commerciale et économique. C’est sur la base de ce texte que les négociations vont s’engager.

Les négociations ne s’engagent pas avec tous les membres, ce sont seulement des négociations bilatérales avec les principaux partenaires. C’est uniquement lorsque les offres de libéralisation, faites par l’Etat accédant, sont jugées suffisamment équilibrées par rapport aux avantages qu’il va tirer de sa participation, que le consensus sur l’adhésion va être acquis. Par la suite, par le jeu de la clause de la

nation la plus favorisée (clause NPF), on va étendre l’accord à tous les membres de l’OMC. Mais la négociation reste bilatérale.

Le résultat des négociations est consigné dans un traité “ Accord concernant les modalités d’accession ”. Il va être entériné par la Conférence ministérielle, qui a toujours statué par consensus en pratique. L’adhésion est effective une fois l’accord ratifié par l’Etat concerné.

Il n’y a aucune condition tenant à la forme, au niveau de développement économique.

Ainsi, la Chine et le Vietnam, économie planifiée, ont pu devenir membres.

Le statut d’observateur est spécifique à l’OMC. Il s’agit de prendre l’engagement simultané d’ouvrir des négociations pour une adhésion prochaine à l’OMC ; ce statut préfigure l’accès au statut de membre à l’OMC. C’est notamment le statut du Saint Siège – le Vatican - .

Enfin, une clause de retrait dans l’accord existe. Elle figure à l’article 15, au titre du “ retrait ”. La seule condition est procédurale, il n’y a pas à justifier cette démarche. Existe-t-il une pratique réelle de cette faculté ? Non, seules des menaces ont eu lieu ; elles sont le fait d’un Etat qui menacent régulièrement, les USA. Des débats à la Chambre des représentants sont réguliers, et des projets de retrait sont menaçants, sans que cela ait réellement abouti. L’OMC leur impose des contraintes qu’ils n’avaient pas suspectées à l’époque ; ils se retrouvent souvent en tant que parties mises en cause, et de parties perdantes. On songe notamment aux contentieux de l’Affaire des sociétés de ventes à l’étranger, l’Affaire Boeing (contentieux croisé avec l’industrie aérienne européenne). Toujours est-il qu’un débat perdure.

§2 – Un statut prenant en compte les inégalités de fait

La question qui se pose est celle de savoir si les 153 membres ont un statut juridique égal ou non. On pratique les inégalités compensatrices des normes. L’ordre juridique consacre les inégalités juridiques compensatrices de fait, qui existent entre les membres de l’organisation.

Contrairement aux autres organisations internationales économiques universelles (institutions du groupe de la BM par exemple, etc.), l’OMC proclame l’égalité juridique de ses membres, notamment au niveau du processus décisionnel, de représentation des organes, etc. Il n’y a pas de surreprésentation commerciale.

Mais une exception existe pour les Pays en Développement qui bénéficient du TSD – Traitement Spécial et Différencié.

Ce TSD n’est pas une invention de 1994 ; c’est une pratique qui existait déjà à l’époque du GATT ; en 1964, dans le prolongement de la réunion de la première CNUCED, évènement politique majeur, le GATT est révisé et les parties lui ajoutent une partie : la partie 4, “ Commerce et Développement ”. Il y a déjà introduction de la logique de la dualité des normes. Une question se pose déjà à l’époque : quels sont les Etats éligibles à ce traitement juridique plus favorable ?

1. L’ACCES AU TSD

Cette question préalable est fondamentale et elle pollue beaucoup les négociations ouvertes en 2001 à Doha. Les Etats bénéficiaires de ce TSD ne sont pas définis dans la Charte de façon explicite. Il ne s’agit pas d’une catégorie juridique homogène. Dans ces catégories juridiques, il y a des sous-catégories.

On évacue d’emblée le cas de certaines catégories spécifiques visées par certains accords ad hoc. Ainsi, l’accord sur l’agriculture créé des règles spéciales plus favorables et concernent des petits pays importateurs nets de produits alimentaires. L’accord vise à protéger les Etats en développement particulièrement fragile et en dépendance alimentaire. Pour l’accord sur les textiles et vêtement, l’ATV, a pris fin en 2005 son objet étant réalisé ; il distinguait le statut des PED petits fournisseurs de textiles et vêtements. C’était une catégorie ad hoc car particulièrement fragiles au regard de l’esprit de libéralisation des textiles.

Le droit de l’OMC restant, hors des TSD, évoque le statut juridique des PMA ou le statut juridique des autres PED (catégorie de droit commun, autres PED), toujours sans définir ce qu’est un PED.

Si on s’essaie à la définition (cette détermination étant nécessaire), le droit OMC renvoie à la liste établie par les Nations Unies en ce sens pour les PMA. Les NU ont établi une liste des PMA, régulièrement mise à jour par l’Assemblée Générale de l’ONU. Pour la catégorie PED, la règle applicable au sein des NU est celle de l’auto-élection. Lorsqu’un Etat adhère à l’OMC, il a la faculté de se proclamer et revendiquer ce statut de PED, sachant que ce statut n’abouti pas forcément à un même résultat pour tout le droit OMC. Un même Etat peut s’autoproclamer PED pour les accords sur l’agriculture, mais pas pour les autres accords. La contrepartie à cette règle, lorsqu’un Etat s’autoproclame PED, cette auto-proclamation ne lie pas les autres membres de l’OMC, ils ne sont pas tenus d’assurer un traitement différencié à l’Etat qui le réclame. Des Etats tels la Roumanie, Pologne, Hongrie, avant leur adhésion à la Communauté européenne, s’étaient proclamés PED pour tout le droit OMC. Mais des contentieux devant le juge de l’OMC ont eu lieu, et ce juge, en fonction des accords visés, a accepté la qualification PED ou l’a rejetée.

2. LE CONTENU DU TSD

D’emblée, on souligne un décalage entre ce que disent les accords de Marrakech et leur effectivité. C’est ce décalage qui est d’ailleurs au cœur de la déclaration de Doha axée sur le développement.

La partie 4 de 1964 a été complétée par une décision de 1979 dans le cadre du Tokyo Round  ; elle va consolider de manière décisive le régime juridique inauguré en 1964. Le fondement juridique du TSD aujourd’hui est triple. Il y a d’abord la partie 4 du GATT, droit positif. Il ya ensuite les précisions importantes de 1979, et des ajouts avec la Charte en 1994.

A. PARTIE 4 = L’absence de réciprocité attendue pour les engagements pris par les pays industrialisés

La partie 4 est toujours d’actualité ; elle repose sur une consécration fondamentale qui figure à l’article 36 §8 et cette consécration est celle de la non réciprocité. Par dérogation au droit commun du GATT, au principe de non discrimination des articles 1 et 3, la partie 4 nous explique que “  les parties contractantes développées n’attendent pas de réciprocité pour les engagements pris par elle dans les négociations commerciales ” pas de réciprocité dans les avantages commerciaux que les pays développés auraient attribués aux PED.

C’est l’inverse de ce que souhaitait le principe de non discrimination et même, on institutionnalise la discrimination ; selon que l’avantage commercial s’applique dans les relations Nord-Nord, il ne s’applique pas pour autant dans les relations Nord-Sud, il pourra être différent. C’est l’anti-clause de la clause NPF article 1 du GATT.

On voit s’installer dans le droit de l’OMC, un régime juridique dual. C’est le triomphe de la dualité des normes. Ce dispositif va être consolidé par la décision de 1979, adoptée dans le cadre des négociations de Tokyo. Cette décision a été appliquée par l’organe d’appel dans un différend.

B. Apport de la DECISION DE 1979   : la clause d’habilitation

a. La notion de la clause d’habilitation

La décision consolide l’acquis de 1964, au sens où elle a pour objet et effet de légaliser de manière permanente les préférences commerciales non réciproques, au bénéfice des PED. Elle le fait à travers une clause, la “ clause d’habilitation ”.

Celle-ci prévoit que les traitements préférentiels non réciproques ou TSD, susceptibles d’être accordés aux PED, deviennent licites de plein droit, ce qui n’était pas le cas sous l’empire de la Partie 4. Les Traitements préférentiels étaient devenus possibles, mais encore fallait-il que l’Etat du Nord obtienne au préalable une obligation de déroger à la clause NPF. Avec la décision de 1979, il n’est plus nécessaire d’obtenir cette dérogation ; les préférences commerciales non réciproques deviennent licites de plein droit.

L’intérêt de cette clause tient aussi au fait que le champ d’application de la clause d’habilitation est précisé ; il est très large et les domaines couverts sont au nombre de 4 :

- Tous les traitements préférentiels accordés aux PMA

- Les préférences tarifaires que les PED pourraient négocier entre eux

- Les préférences tarifaires accordées dans une relation Nord-Sud, au titre du système généralisé de préférence

- Les préférences non tarifaires régies par tous les accords conclus dans le cadre du GATT

La clause d’habilitation comporte cependant encore des limites.

Elles sont liées au principe de l’auto-élection. La contrepartie de cela c’est que les parties contractantes développées n’ont pas l’obligation juridique d’accorder des préférences commerciales. La clause créé la possibilité juridique de le faire, mais aucune obligation de le faire. Les PED sont simplement éligibles à ce traitement préférentiel.

b. Application du principe de la Clause d’habilitation : Affaire Communauté Européenne 2004

Rapport de l’Organe d’Appel, Mars 2004, Affaire Communauté Européenne

Une question fondamentale se pose de manière tardive. Elle n’est réglée qu’à l’occasion du rapport de l’Organe d’Appel de Mars 2004, dans l’affaire Communauté Européenne, conditions d’octroi du système généralisé de préférence.

Cette question a été posée en 2003 par l’Inde, qui attaquait devant le juge OMC un règlement communautaire. Il instituait le Système Généralisé Préférentiel – SGP - de la Communauté européenne. C’est un ensemble de préférences tarifaires, de tarifs douaniers préférentiels, que la Communauté européenne offre aux PED éligibles, et ce système, ce schéma est incorporé dans un règlement.

Ce règlement, attaqué en 2004, n’est pas une nouveauté. Il existe depuis 1972 et il est régulièrement révisé par la Communauté européenne pour les besoins des PED. La Communauté n’est pas le seul donneur de préférences tarifaires sur cette forme là ; il existe d’autres systèmes, accordés par d’autres puissances industrielles, notamment un élaboré par les USA. Le principe est toujours le même : un Etat au Nord offre des tarifs douaniers préférentiels, pour un certain nombre de produits, dans un certain nombre de domaines. Il revient aux Etats potentiellement éligibles en PED, de présenter leur demande de préférence commerciale tarifaire à la Communauté Européenne. Cette aide commerciale est unilatéralement définie.

En 2004, l’affaire arrive devant l’Organe d’Appel. L’Inde considère ce schéma comme contraire au droit OMC.

Faits   :

Au moment où le juge OMC est saisi, la communauté européenne vient de réviser en 1998 le régime initial et elle introduit une nouveauté. En plus du schéma du système de droit commun, en plus des préférences, celles qui concernent tous les PED des produits visés, le règlement de 1998 introduit des régimes dits spéciaux. Il y a donc le régime général qui vaut pour tous les PED et il y a 4 régimes additionnels spéciaux.

Ces régimes, ou certains d’entre eux, sont attaqués par l’Inde. Ils s’analysent en préférence commerciale additionnelle, qui viendrait s’ajouter aux préférences commerciales, liées à la réalisation de conditions qui sont propres à chacun des 4 régimes visés.

Un premier régime spécial en faveur des PMA ne concerne que ces Etats PMA.

Ensuite, on trouve un régime spécial dit d’encouragement à la protection de l’environnement. Le but est de récompenser les PED qui feraient des efforts particuliers en matière de protection de l’environnement et respecteraient certaines normes et conventions internationales en terme environnemental.

Un troisième régime est dit “ régime Drogues ” pour récompenser une liste d’Etats nommément désignés (12), parce qu’ils ont été identifiés par la Communauté comme ayant adopté des mesures concrètes pour la lutte contre la production et le trafic de drogue.

Enfin, le régime dit de protection des droits sociaux des travailleurs, la communauté propose de récompenser les PED qui auraient ratifié certaines conventions de base de l’OIT.

L’inde considère que les régimes additionnels sont contraires au droit de l’OMC. On note que l’Inde n’est éligible qu’au régime général, et à aucun des régimes spéciaux.

Fondement / Justification de la procédure initiée par l’Inde   :

L’Inde considère ces régimes spéciaux comme discriminatoires :

- contraires à la fois à l’article 1-1 du GATT , clause NPF,

- et aussi à la clause telle qu’elle est formulée dans la déclaration de 1979 : la clause d’habilitation ne permet pas de différencier les PED et accorder des préférences à une catégorie des PED et pas à d’autres ; elle donne obligation d’un régime égal à tous les PED.

Problème de droit   :

La question était de savoir si un Etat Nord donneur pourrait avoir souverainement une politique de coopération de développement différenciée en fonction des Etats du Sud PED, en décidant de cibler son aide ou non.

C’est une question de politique commerciale, les politiques peuvent elles être ciblées au sens d’instruments de la diplomatie de l’Etat donneur, comme élément qui lui permettrait d’avoir une audience ou influence dans un pays ou groupe de pays donné ?

Solution du Juge OMC   :

Le juge sanctionne le règlement communautaire, mais en partie seulement.

Il interprète alors la clause d’habilitation telle que définie dans la décision de 1979 et il va considérer que la clause d’habilitation oblige à traiter de manière égale des PED qui seraient dans une situation égale.

Il est possible de discriminer, sous entendu qu’il y ait une différenciation objective.

En l’espèce, le règlement est quand même condamné, mais cela ne concerne que le régime drogue. * A noter que pendant la durée de l’instance, la plainte de l’Inde ne vise plus que le régime drogue, avec un arrière plan politique évident. Le Pakistan est éligible au tel régime, et l’Inde non.

Le Juge considère le régime comme illicite, car il ne concerne qu’une poignée d’Etats, et que la Communauté ne s’est pas expliquée de façon objective sur le choix de ces Etats  ; la liste est totalement arbitraire. Sous entendu alors que si la liste de différenciation avait été objective, le règlement n’aurait pas été condamné.

Suites de l’Affaire   :

La Communauté révise alors son règlement, pour se mettre en accord avec le rapport de l’organe d’appel en maintenant des régimes additionnels spéciaux, mais en se gardant bien de lister arbitrairement des Etats. Elle liste aussi des critères objectifs, afin de pratiquer une discrimination positive.

c. Autre exemple du traitement préférentiel : les demandes de dérogations

Une autre interprétation, judiciaire, a eu lieu concernant le statut des PED. Un rapport avait été adopté en 1997 dans l’affaire Banane.

Il ne s’agissait pas de la clause d’habilitation mais de l’article 1-1 du GATT sur la clause NPF et de l’article 9 OMC portant sur la procédure de demandes de dérogations (si un membre OMC estime qu’il n’est pas en mesure de remplir ses obligations, il peut demander d’y déroger). Au cœur de l’affaire Banane, il y avait cette procédure de dérogation. L’article 11 du GATT interdit les restrictions quantitatives aux échanges. La partie mise en cause c’est la Communauté européenne.

Faits   :

Ce qui était juridiquement contesté était un règlement communautaire qui organisait le marché commun de la banane au sein de la CEE. Le règlement définissait les conditions dans lesquelles la commission organisait le marché. On trouvait d’un côté les bananes ACP – Afrique Caraïbe Pacifique – convention de Lomé, accord de coopération commercial – et les bananes dollars – en provenance de l’Equateur (1er exportateur mondial de bananes), Honduras, Mexique, USA, Etats à l’origine de la plainte. Ces dernières bananes étaient produites et commercialisées par des sociétés américaines Chiquita et Dole.

La question concernait le règlement communautaire qui opérerait un traitement discriminatoire défavorable, qui défavorise la banane dollar. Cette différenciation serait contraire à l’article 1-1 et article 11 du GATT qui interdit les discriminations envers les PED. La communauté européenne savait son règlement contraire au GATT sans entrer dans les habilitations de 1979, pensait se protéger en demandant une autorisation de déroger sur le fondement de l’article 9 OMC.

Solution   :

La CEE perd totalement l’affaire, le juge OMC va interpréter le contenu de la dérogation et va considérer que la dérogation ne permettait pas à la Communauté de discriminer dans les termes retenus les bananes dollar et ACP. La Communauté DOIT traiter de manière égale les bananes qui arrivent sur le territoire communautaire. Condamnation de la politique préférentielle. On a eu à faire à un différend emblématique.

La CEE va trainer les pieds avant d’exécuter le rapport banane et en parallèle, elle va renégocier la convention qui la liait aux Etats ACP. L’accord de Cotonou remplace l’accord ACP, et prévoit l’impossibilité pour la CEE de maintenir une discrimination préférentielle.

La clause d’habilitation en 1979 est complétée par une autre clause : la clause évolutive. C’est la contrepartie à la première clause.

d. La clause évolutive, en complément de la clause d’habilitation

C’est un dispositif indiquant que le statut plus favorable et préférentiel auquel les PED sont éligibles à réclamer au titre de la clause d’habilitation, ne peut être que temporaire. Il ne va perdurer que tant que l’Etat en développement sera en situation de difficulté économique. Dès lors qu’il aura rattrapé son retard en terme de développement, il ne sera plus éligible à ce statut et il devra retourner au statut de droit commun.

La clause évolutive est aussi appelée clause du retour graduel.

La clause évolutive est rédigée dans les termes peu précis et elle ne définit pas le seuil à partir duquel le développement opère. On comprend la logique économique et politique qui sous-tend la clause. Elle visait en 1978 les Nouveaux Pays industrialisés ; aujourd’hui elle vise le cas des pays émergeant. La clause évolutive vise à extraire ces Etats.

C. Ajouts de la CHARTE DE MARRAKECH, 1994

La charte, négociée entre 1986 et 1994 pendant 8 ans, le fut dans une période peu propice à un statut dual et dérogatoire au profit des PED. On est entré, surtout en 1992-94, en phase de libéralisme triomphant. Le discours du DI du développement, préoccupation des pays les plus pauvres, discours de l’aide publique commerciale, est jugé très périmé.

On parlait de traitement différencié plus favorable. Mais les accords de Marrakech parlent bien de traitements spéciaux différenciés.

a. Glissement sémantique

Sur le plan sémantique, on voit un glissement qui correspond à un changement de paradigme du début des 90’s. On se rend compte que les PED continuent à bénéficier d’un traitement spécial et différent, mais l’accent est mis sur le retour graduel au droit commun ; on n’est plus tellement dans une logique de dualité des normes.

Aujourd’hui on est dans une logique principe/exception. Le Rapport CEE – SGP lorsqu’on se prononce sur le statut de la clause d’habilitation, prend soin de dire que c’est une exception au principe de la clause NPF. Le fait de préféré cette terminologie veut dire que le statut des PED est conçu comme un statut précaire, dérogatoire, et dont l’essence même est transitoire. Il a vocation à évoluer vers le droit commun, vers le retour au droit commun, et c’est cette philosophie là qui découle de la Charte de Marrakech. Les ajouts témoignent de ce glissement.

b. Dispersion du régime du Traitement Spécial Différencié

Ces traitements spéciaux et différenciés – TSD - résident dans 145 dispositions aujourd’hui incorporées ici et là dans les accords ; 22 d’entres elles concernent spécifiquement les PMA. Ces dispositions se résument autour de 4 points :

- Dispositions qui reconnaissent les intérêts spéciaux des PED : la plupart du temps, on a à faire à des énoncés typiques, dans le domaine de la soft law. Les membres OMC prendront en considération des intérêts spéciaux des PED lorsqu’ils mettront en œuvre les obligations OMC. Le Nord n’a pas vraiment pris d’engagements contraignants, ce sont des proclamations de principe sans effets juridiques contraignants.

- Dispositions qui emportent des exemptions d’obligations ou allègements d’obligations en faveur des PED – PMA.

- Dispositions de délais. La plupart des accords prévoient des délais pour que l’accord soit exécutés, plus longs au profit des PED et encore plus long au profit des PMA = flexibilité temporelle. Cela correspond à une logique de droit commun.

- Dispositions octroyant une assistance technique. Cette assistance est à la fois financière et en terme de ressource humaine pour adapter leur législation et leurs pratiques commerciales et mettre celle-ci en conformité avec. C’est une nouveauté qui a existé au moment où les parties contractantes ouvraient un round de négociations. Et là encore, ce volet exprime encore une volonté de retour au droit commun. Depuis, de nombreuses mesures financières ont été adoptées pour renforcer l’assistance technique.

3. BILAN DU STATUT DES PED A L’OMC  

Quel est le degré d’effectivité de ce statut aujourd’hui, en particulier à la lumière de la déclaration de Doha ?

A. AVANT DOHA

a. Un bilan nuancé.

En terme économique, le poids des puissances commerciales et des grands émergeants (Chine, Brésil) continue à s’imposer dans les échanges de biens et de services. Ce ne sont pas les PED qui assurent la plus grande part du Commerce international. Les rapports adoptés depuis 1994 traduisent directement cette réalité. Les contentieux importants concernent les puissances commerciales. Les accords de Marrakech semblent avoir profité aux puissances commerciales du Nord plus que pour les Etats en développement.

Ceci dit, le bilan comporte aussi des aspects positifs.

Les Accords, en renforçant le rôle du droit dans les relations commerciales, a accru la sécurité juridique. Ainsi, le mécanisme de résolution des différends fait l’objet d’une pratique plus ouverte et plus démocratique. Des aspects positifs incontestables sont donc notés.

Mais il est incontestables que les PED en 1994 doivent faire de très grandes concessions commerciales au Nord, notamment dans le domaine des ADPIC, des services, et dans le domaine tarfiaire. Ils ont consentis à une ouverture de leur marché très grande, ils ont joué le jeu du libre-échange de manière évidente, et en retour, ils vont avoir très vite le sentiment d’avoir été trahis.

b. Le ressenti des PED

Tout d’abord, dans certains domaines clés pour les PED, les puissances industrielles et notamment l’UE- les USA – continuent à maintenir des pratiques ouvertement protectionnistes, notamment pour ce qui concerne l’agriculture.

Deuxième raison, elle tient au fait que dans les domaines très sensibles pour le Nord, les accords ne sont pas forcément appliqués par le Nord. Les puissances industrielles qui s’estiment menacées par la concurrence des PED invoquent le jeu des clauses de flexibilité, et il en existe un très grand nombre (cf. Partie 2). A cette réponse, les pays n’ont pas les moyens financiers ou techniques de contester devant le juge OMC.

Enfin, le processus décisionnel à l’OMC est égalitaire dans les textes ; on statue par consensus. Mais dans la réalité, il est très déséquilibré, au profit d’une poignée d’Etats, appelée “ la Quad ”. La Quadrilatérale rassemble les USA, l’UE, le Canada et le Japon. Pendant longtemps, le processus décisionnel

a été monopolisé par ce groupe, qui se réunissait à Genève, élaborait des compromis, ensuite proposés à l’adhésion des autres membres de l’OMC. La Quad n’est plus aujourd’hui en condition d’hégémonie. Aujourd’hui, des Etats sont venus perturber : Brésil et Chine. Mais ce rééquilibrage reste très partiel.

Finalement, les grands émergeants sont entrés dans la danse, mais l’immense majorité des PED et les pays africains sont en dehors de ce processus décisionnel et plus d’une trentaine d’Etats n’ont pas de représentations permanentes au siège de Genève.

Ce constat négatif a servit de toile de fond pour la conférence interministérielle de Doha. On donne le sentiment que les intérêts des PED sont mieux pris en compte qu’ils ne l’ont été en 1994 lorsque la Charte a été adoptée.

B. La CONFERENCE DE DOHA

a. Les apports de la Conférence

1ère remarque :

Lorsque la conférence interministérielle se tient, on a l’impression que la cause des PED a été beaucoup mieux défendue et entendue. Ils ont été mieux en mesure de faire entendre leurs voix que ça n’avait été le cas lors de l’ouverture des précédentes négociations. Le contexte diplomatique et politique a changé. Lorsque la déclaration est adoptée et que les négociations entrent dans leurs phases finales, début 90, on est dans un contexte de fin bilatéralité, et la logique libérale s’impose comme seul modèle de développement économique.

Pourtant, en 2001, les accords de Marrakech sont mis en œuvre depuis un temps, et les effets pervers de la mondialisation libérale commencent à être perçus : augmentation des disparités dans le sud, augmentation de la pauvreté, etc. Pour apporter des correctifs à la logique des marchés, on ne se pose plus dans le modèle précédent du triomphe du libéralisme, mais dans une volonté d’encadrer ce libéralisme.

2ème remarque :

Lorsqu’on lit le texte adopté par la Conférence, on constate qu’il est plus orienté vers le développement.

Il commence par une déclaration politique, d’intention, de 11 points, et elle est suivie d’un programme d’actions. Dès le point numéro 2, la déclaration rappelle que la majorité des membres de l’OMC sont des PED. C’est une façon de dire qu’en termes de fréquence, en terme statistique, les règles les plus appliquées de l’OMC sont les règles dérogatoires, les régimes spécifiques. L’objectif des négociations est posé comme étant “ de mettre leurs besoins au centre du travail ”, mettre l’accent sur la fragilité particulière des PMA. Une occurrence revient 8 fois dans cette déclaration : le mot “ effectivité ”. Il s’agit d’améliorer l’effectivité des traitements spéciaux et différenciés, des règles applicables aux PED . C’est une façon de dire que ces règles ne marchent pas, ne sont pas respectées, bien appliquées : elles souffrent d’un manque d’effectivité. Au moins au niveau politique, il y a donc une volonté de faire du Sud une priorité.

Le programme de travail qui apparaît ensuite comporte 3 paragraphes pertinents. Les paragraphes 42 et 43 concernent le statut des PMA et le paragraphe 44 concerne le TSD de façon générale.

- Il est dit que les PMA continueront de bénéficier d’un traitement encore plus favorable que les autres PED intermédiaires.

- De plus, toutes les dispositions existantes devront être rendues plus effectives, elles sont donc réexaminées dans cet objectif.

- De la même façon, éventuellement, un accord adhoc, un accord cadre, pourra être conclu sur le TSD. Les dispositions actuelles qui existent sont éparses, elles traversent tous les accords ; il s’agirait alors de réfléchir à une démarche plus cohérente et à les regrouper.

- Enfin, l’assistance technique et financière de ces pays devra être renforcée.

Lorsque le programme de travail met l’accent sur ce dernier point qu’est l’assistance technique et financière, c’est une façon pour les Etats de mettre l’accent sur le fait que l’une des priorités parmi les autres est de renforcer les capacités d’exportation des PED, de leur permettre en appliquant mieux les accords, de renforcer leur capacité commerciale, et de réintégrer le droit commun du même coup. C’est sur ce point là que les résultats ont été les plus significatifs.

Depuis 2001 et de fait, l’OMC renouvelle périodiquement le plan d’assistance technique qui permet en substance de financer des cessions de formation au droit de l’OMC, destinées aux juristes des PED. Le budget que l’OMC consacre à l’assistance technique n’a cessé d’augmenter, avec un fond d’affectation spéciale, consacré entièrement à l’assistance technique. Cela se produit en 2005, à l’issu de la Conférence ministérielle de Hong Kong, et par la création d’un mécanisme d’aide pour le commerce.

Ce portail d’aide est une concrétisation de ce qu’invitait à faire la déclaration de Doha, c’est un mécanisme d’assistance financière destiné aux PED et particulièrement aux PMA, pour renforcer leurs capacités. Il est porté par le droit de l’OMC mais il repose aussi sur la participation des autres pays. Il créé par là-même un cadre intégré qui va au-delà de l’OMC pour parvenir à un cadre plus efficace.

L’aide pour le commerce et ce cadre intégré est le seul acquis des négociations de Doha, c’est le seul progrès enregistré sur cette base. Toute cette logique de mécanisme reflète un retour au droit commun, et non pas une accentuation des dérogations. On fait en sorte que les PED puissent retrouver le droit commun.

b. Le blocage

Les puissances commerciales peinent à faire des concessions que les PED vont jugés assez satisfaisantes, et ce notamment sur la question agricole. D’un autre côté, le front des PED a totalement explosé, il n’est pas uni (même s’il ne l’a jamais réellement été, avec la distinction PED autres / PMA). Mais le forum des PED autres que PMA a complètement explosé et l’unité n’existe pas ; il y a des lignes de fracture radicales qui se sont cristallisées en 2003 avec la Conférence ministérielle de Cancun. Elle se sépare sur un constat d’échec.

C. La CONFERENCE DE CANCUN

Deux ans après le lancement des négociations commerciales de Doha, et les volontés de renégociations multiples, deux questions sensibles ont fait l’objet de la Conférence de Cancun. Elles intéressent toutes les deux les PED et sont même cruciales.

1) La question des subventions agricoles que deux des membres de l’OMC accordent à leurs agriculteurs : USA et CEE.

2) La question sur l’accès aux médicaments en parallèle avec les obligations de l’OMC au titre de l’accord  ADPIC

La Conférence débouche sur un texte, une déclaration qui confirme ou du moins invite fortement à une interprétation de l’accord sur les ADPIC pour ne pas remettre en cause l’accès aux médicaments des Etats les plus pauvres. Cette question était cruciale pour les PED afin de sauvegarder les préoccupations légitimes de santé publique des PED.

Sur le dossier agricole, la rupture est consommée et nait une nouvelle donne diplomatique. Il traduit un bouleversement total des équilibres à l’œuvre dans la négociation. Les USA et la CEE se sont enfermés depuis le début des 50’s – fin des 50’s dans une logique de type protectionniste. Les agricultures américaines et européennes sont très protégées de la concurrence internationale et elles sont très subventionnées. Dès lors, elles arrivent sur le marché de façon très compétitive, les prix sont très bas. Le jeu de la concurrence internationale est faussé et cela pénalise fortement les productions agricoles au Sud, notamment les PED exportateurs. Tous les PED sont concernés mais un en particulier se fait le leader de la cause : le Brésil.

a. Les groupes d’opposition

Le Brésil est en situation d’inonder le marché mondial notamment avec le soja. Il est soutenu dans cette cause notamment par l’Afrique du Sud, l’Inde, et la Chine. Les économistes les désigneront sous le nom de “ BICS – Brasil, India, China, South Africa ”. Ils vont rallier à leur cause un groupe de 20 Etats, et va se former une coalition inédite. Elle n’a aucune existence institutionnelle, et prend le nom de G20. On retrouve alors des Etats tels que l’Australie qui rejoint la cause des grands émergeants sur ces questions. Ils vont s’opposer à l’offre d’Août 2003 des USA-CEE.

Mais une autre coalition se forme, pour ne rassembler que des PED. Elle prend le nom de G90. On trouve pratiquement tous les autres PED, avec tous les PMA et presque tous les Etats africains. Il défend une position qui ne rejoint pas forcément la position du G20. Le G20 s’est arc-bouté sur la suppression totale des subventions étatiques, mais plaide aussi pour la suppression totale des droits de douanes en matière agricole. La position du G90 ne rejoint pas la position du G20 sur cette question. Les Etats veulent pouvoir maintenir un niveau élevé de l’agriculture, et le Sud se fissure sur la matière agricole.

A Cancun, on voit enfin apparaître un petit groupe de 4 PMA Africains, le groupe “ sur l’initiative coton ”. on cite le Tchad, le Mali, le Burkina et le Bénin. Ils sont en situation de mono exportation et ils sont très fortement pénalisés par les subventions américaines au coton. Les cotonniers US inondent le marché mondial en étant subventionné par le marché US et est donc fortement concurrentiel. Les 4 PMA plaident donc pour un démantèlement total et radical des subventions du coton ; et ils rajoutent une demande de compensation tant que le démantèlement ne sera pas consacré.

b. Bilan de Cancun

Lorsque la Conférence prend fin, on se sépare sur un constat d’échec. La question du G20 ne trouvera aucun compromis ; le seul texte adopté encore une fois concerne l’accès aux ADPIC ; mais tous les autres dossiers seront gelés.

Cependant, une nouvelle donne diplomatique s’est cristallisée. Un nouveau rapport de force est né à l’OMC. Avant, les négociations commerciales étaient dominées par une position et des propositions de réformes de la Quad (rappel : USA, CEE, Japon, Canada). Après Cancun, on constate que désormais, la Quad est tenue de composer, d’une part avec le G20, les grands émergeants, sachant que la position des autres

PED et PMA se trouve fragilisée par le fait que les intérêts du G90 ne sont pas forcément les mêmes que ceux du G20. Dès lors, il n’est pas certain que ce nouveau rapport de force profite aux plus pauvres. La Quadrilatérale a compris qu’elle n’avait pas d’autres choix que de composer avec des marchés de taille considérable et un potentiel de développement énorme.

Les négociations sont complètement interrompues en Septembre 2003. Elles sont relancées à Genève, en Août 2005, à Hong Kong en Décembre 2005. La déclaration de Hong Kong témoigne d’une certain volonté de relancer le processus, mais s’agissant des PED, pratiquement aucune avancée significative, et on s’est contenté de réaffirmer une seule intention politique. Le seul acquis restant la mise en place de l’aide pour le commerce dans un cadre intégré pour renforcer les capacités commerciales des PED.

Depuis, il ne s’est pas passé grand-chose. Il est évident que les PED persistants et réels et les Puissances commerciales n’accepteront jamais un approfondissement des concessions commerciales, des TSD, si par ailleurs les grands émergeants n’acceptent pas eux-mêmes de sortir de la catégorie PED. Le Nord considère cela comme une aberration économique que de maintenir un TSD aux pays émergeants de la même façon que pour les PED à revenus intermédiaires. Cependant, les émergeants ne veulent pas entendre parler de cette logique, et à supposer qu’ils finissent d’en accepter le principe, se pose ensuite la question des critères de différenciations entre PED.

SECTION 2 – LES TERRITOIRES DOUANIERS DISTINCTS, ET L’UE

L’UE n’est pas seulement un territoire douanier distinct mais constitue une catégorie à lui seul. Pour les territoires douaniers, on cite Hong Kong, Macao, et Taipé (Taiwan).

Le point commun entre ces 4 entités, c’est qu’elles ont vocation à être membres à part entière car il s’agit de “ territoires douaniers distincts jouissants d’une autonomie entière dans la conduite de leurs relations commerciales extérieures ”. Il y a une différence considérable entre l’UE d’un côté et les territoires douaniers chinois.

Ces derniers répondent aux critères créant l’accord OMC, et ce sont seulement des entités territoriales dotées d’un statut particulier. L’UE est aussi un territoire douanier à part entière, qui jouit de relations commerciales extérieures, mais il est en plus composé de 27 Etats, et constitue l’une des grandes puissances commerciales de la planète.

En Juin 2009, la Russie a, pendant quelques semaines, annoncé son intention d’adhérer à l’OMC sous ce statut d’Union douanière, avec le Bélarusse et le Kazakhstan. Elle a finalement renoncé à cette démarche là, et la Russie a vocation à adhéré en tant qu’Etat.

1. L’UE

Parce qu’elle est elle-même composée d’Etats, en plus d’être une union douanière, l’UE est un membre sui generis et c’est le seul membre qui corresponde à ces catégories. Mais on est face à une entité qui

résulte d’un ACR – Accord commercial régional – elle est donc soumise aux contraintes que le droit OMC fait peser sur ces accords là. On songe notamment à celles qui figurent :

- Article 24 du GATT : règlemente les conditions dans lesquelles les ACR peuvent être conclus dans le domaine du commerce des marchandises.

- Clause d’habilitation pour les PED incorporée en 1979, dispositif similaire, qui s’applique et définit les conditions dans lesquelles un ACR peut être conclu entre pays en développement.

- Article 5 de l’AGSE (le pendant de l'art 24 du GATT mais dans le domaine des services).

S'agissant des traités fondateurs de l'UE, c'est l'article 24 du GATT qui a vocation a s'appliquer. Il mentionne les conditions dans lesquelles le régionalisme commercial est toléré à l'OMC. En effet, comment peut on concevoir qu'il soit possible pour un groupe restreint de membres de conclure un accord commercial au regard de la clause de la nation la plus favorisée (elle suppose la multilatéralisation des concessions commerciales) ? C’est un réel conflit entre multilatéralisation et régionalisme. Considérer que certains membres peuvent s'octroyer des concessions commerciales en excluant les autres membres de l'OMC pose un problème de logique. Les accords régionaux ne devraient donc pas être possibles.

L'article 24 souligne qu'ils sont tolérés. Il existait dans la version initiale du GATT et n'a pas été modifié depuis. En 1947 il est incorporé dans l'accord et est le signe que, dès le début, le GATT a pris en considération les accords régionaux, les mécanismes de coopération régionale entre certaines parties contractantes seulement.

Les parties contractantes en 1947 font le constat qu'il faut privilégier une approche pragmatique. Le régionalisme existe en 1947, et un très grand nombre de parties contractantes sont liées entre elles par des accords. Il n'est pas question de remettre en cause cette logique préférentielle. L'art 24 pose le principe suivant lequel le régionalisme est possible bien qu’encore une fois contraire à la clause de la nation la plus favorisée, mais sous réserve de certaines conditions. L'art 24 définit ces conditions.

a. Conditions aux ACR

1ère observation :

L'article 24 ne s'intéresse pas à tous les accords régionaux, il ne s'applique qu'à ceux qui ont des effets contraignants notamment en termes de tarifs douaniers. Il ne s'applique pas aux simples accords de coopération. C'est pourquoi l'accord qui crée l'OCDE ne relève pas de la logique de l'article 24.

2ème observation :

L’article 24 distingue 2 catégories d'accords et définit pour chacun d'eux un régime juridique ad hoc

Une Zone de Libre Echange, ZLE : (Ex : AELE) Ici l'accord fait tomber les barrières commerciales entre les membres mais que concernant les produits originaires de la zone. Les produits importés continuent à se voir imposer d'éventuelles restrictions commerciales. Les Etats liés par un accord de ce type n'ont pas l'obligation de définir un tarif douanier commun ni donc une politique commerciale commune à l'égard du reste du monde. L'enjeu c'est de définir des règles d'origine efficientes.

Une UD - Union Douanière. Le traité créant l'Union douanière fait disparaître les frontières à l'intérieur de l'Union. Dès lors, tous les produits circulent librement à l’intérieur. Les Etats doivent alors définir une politique commerciale commune et un tarif douanier commun. Le niveau de contrainte est beaucoup plus élevé que dans un ACR de type ZLE.

Point commun : l'un et l'autre créent des contraintes tarifaires à l'égard des participants.

L'article 24 s'intéresse aux deux. Le §4 précise que les deux ont un point commun : “ les zones de libre échange comme les unions douanière visent à une intégration plus étroite des économies des pays participants ”. De plus, les deux ont pour objectif “ l 'élimination des obstacles pour l'essentiel des échanges commerciaux ”.

Il y a cependant des différences et pour ces deux types d'accords, l'art 24 va poser des conditions qui ont pour objet d'écarter, d'empêcher, les accords qui auraient pour effet “ d'opposer des obstacles au commerce avec les pays tiers ”. L'art 24 ne tolère que les accords qui vont à l'inverse faciliter le commerce avec les pays tiers et entre les participants. On est dans une logique de facilitation des échanges.

b. Critères des ACR acceptés

Quels sont les critères qui vont permettre d'écarter les accords qui créent des obstacles nouveaux ? Quelles sont les conditions juridiques ? Ces critères sont de deux ordres.

Conditions procédurales

i) Un contrôle à priori des accords projetés est effectué. A l'article 24 un mécanisme impose aux parties contractantes du GATT de notifier au préalable au conseil des représentants (à l'époque), au conseil du commerce des marchandises (aujourd'hui) le projet. Il sera examiné par le conseil. Il pourra dire si oui ou non il est compatible avec les conditions de fond. Les Etats peuvent également demander une autorisation de déroger en cas de non compatibilité.

Ce mécanisme n'a jamais fonctionné à l'époque du GATT et il ne fonctionne pas mieux aujourd'hui. Le nombre d'accords notifiés est considérable de sorte que le conseil des marchandises a du mal à faire face. Plus fondamentalement, avant 1994 les parties contractantes au GATT, lorsqu'il leur est arrivé de délibérer sur un projet d'accord, ne sont jamais parvenues à définir de manière consensuelle des recommandations.

Ainsi, le traité de Rome, lorsqu'il est conclu en 1957 entre les 6 Etats de l'époque qui sont parties au GATT depuis 10 ans, va être soumis au conseil des représentants. Doute sérieux de compatibilité avec les conditions de fond mais il était politiquement inconcevable qu'il soit déclaré incompatible, ils ont donc décidé de ne pas adopter de recommandations. Le traité de Rome a été porté par les EU pour lutter contre le communisme.

Une pratique très laxiste est donc née, on examine rarement de manière approfondie les accords. Une règle coutumière s'est imposée : si le conseil des représentants n'adopte pas de recommandations formelles pour relever l'incompatibilité, il y a une présomption de comptabilité de l'accord. Aucun ACR n'a été déclaré incompatible.

ii) Un contrôle à postériori reste possible par l'organe d'appel.

Une affaire, en 1999, Turquie textile, confirme cette option. Elle oppose l'Inde à la Turquie (mise en cause). Le juge était saisi de la compatibilité de mesures adoptées en application de l'accord d'Ankara (union douanière entre la Turquie et la CE). L'Inde estimait que les mesures adoptées sur le fondement de l'accord, et le traité lui-même, étaient incompatibles.

A titre préliminaire l'Organe d'Appel devait se prononcer sur sa compétence pour évaluer cet accord régional qui n'avait pas été déclaré incompatible. Le juge de l'OMC va se déclarer compétent, contrairement à ce que soutenait la Turquie, pour contrôler à postériori une union douanière qui n'a pas été déclarée incompatible à priori.

Cette décision semble conférer une précarité aux ACR entrés en vigueur. Cependant, la jurisprudence est très peu abondante.

Conditions de fond.

- Une condition commune aux zones de libre échange et aux unions douanières : l’obligation de libéraliser l'essentiel des échanges.

C'est par rapport à ce critère qu'un doute sérieux est né à propos de la compatibilité du traité de Rome. La PAC est une politique interventionniste, tout sauf libérale, qui aboutit à protéger complètement le commerce des produits agricoles communautaires.

L'article 24 n'explique pas ce critère d’une libéralisation des échanges. Certains Etats ont soutenu que c'était un critère quantitatif : on pouvait considérer que l'essentiel des échanges étaient libérés dès lors que 80% au moins des échanges étaient couverts par l'accord. D'autres ont invoqués un critère qualitatif : aucun secteur clé ne doit échapper au jeu de l'accord.

Le débat n'a jamais été tranché. En 1994, l'art 24 n'est pas modifié mais un mémorandum d'accord relatif à son interprétation est ajouté. Il vise en principe à préciser ses conditions de mise en œuvre.

On peut penser que la libéralisation est plus grande si elle s'applique à tout le commerce, et qu’elle est plus petite si un secteur majeur en est exclu. Lorsque l'Organe d'Appel s'est saisi de l'affaire Turquie textile, il y aurait pu y donner une interprétation. Effectivement le juge a abordé ce point et apporte quelques critère : il doit être apprécié avec une certaine souplesse, l'essentiel des échanges “ suppose que ce n'est pas la totalité mais que c'est néanmoins beaucoup plus qu'une certaine partie ”. On n’avance pas et ces indications quant au critère ne sont que trop sommaires.

- Une condition qui ne concerne que les unions douanières relatives au commerce avec les pays tiers.

Article 24 §5A. Cette condition impose une Neutralité de l’UD, dans les effets qu’elle pourrait avoir vis-à-vis des tiers : “ les nouveaux droits de douanes ne seront pas dans leur ensemble d'une incidence générale plus élevée que les droits de douane en vigueur auparavant dans chacun des territoires participants ”.

En réalité ces dispositions ne vont pas remplir leur rôle de frein, de contrôle. Qu’est ce c’est des droits de douanes qui ne sont pas élevés “ dans leur ensemble ” ? L’article 24 ne le dit pas, et le mémorandum d’accord adopté pour l’interprétation de l’article 24 ne développe pas beaucoup ce critère. Il doit faire l’objet d’une évaluation objective. Ce qu’on aurait pu attendre n’y figure pas. Le juge, pour sa part, à donné quelques indications dans 2 affaires.

Affaire Turquie textile, 1999 = le juge précise que le critère doit être interprété de manière restrictive. Le but de l’article 24 étant d’empêcher les UD qui pénaliseraient les relations avec les tiers, il faut donc se livrer à une approche restrictive.

Février 2000, Affaire Canada = certaines mesures affectent l’industrie automobile. Le rapport est adopté par un groupe spécial, sans appel ; le plaignant est le Japon. Est en cause un accord bilatéral, une UD qui unie le Canada aux USA, et le Japon va contester les mesures, du moins certaines incorporées dans l’accord UD. Ces mesures avaient eu pour objet d’établir un régime douanier pour cette industrie, pénalisant pour la Japon tiers à l’accord. Le Japon obtient gain de cause, “ l’article 4 ne peut manifestement pas justifier les mesures douanières manifestement incompatibles avec les règles de l’OMC pour les produits originaires du pays tiers ”.

c. La pratique des ACR

Quel a été le rôle de l’article 24 et la pratique depuis 1995 de l’article 5 AGCS ? Lorsque les ACR sont conclus entre deux PED, leur compatibilité est évaluée sur le fondement de la clause d’habilitation (régime juridique qui s’inspire de l’article 24 mais de façon plus souple). Quelle est sa pratique également ?

Y a-t-il un réel frein au régionalisme dans le cadre du GATT ?

Données quantitatives

Selon les données quantitatives, depuis 1947 et jusqu’au moins Juillet 2010, 474 ACR ont été notifiés aux instances du GATT-OMC ; parmi ce chiffre, 123 avaient été notifiés avant l’EEV de la Charte de Marrakech, et depuis, 350. Il y a donc une croissance exponentielle du régionalisme (cf. courbe statistique de l’OMC). Sur ce total, l’immense majorité a été notifiée au titre de l’article 24 du GATT (351) ; 31 sur la clause d’habilitation (ACR entre PED), et enfin, 92 ont été conclus sur le fondement de l’article 5 AGCS.

La très grande majorité a pour objet le commerce des marchandises, puis des services ; et dans une moindre mesure, ils concernent les relations entre PED. L’essentiel, soit environ 90% de ces ACR, sont

créateurs de Zones de Libre Echange (ZLE) ; les Etats, quand ils agissent dans un cadre restreint, sont intéressés par l’ouverture des frontières entre eux, sans effet sur le reste du monde (complexité des accords d’UD, et degré d’intégration et de contraintes plus importantes).

On assiste donc à un décollage important des ACR après l’EEV de la Charte de Marrakech. La pratique est extrêmement développée, à un tel point qu’aujourd’hui, plus de la moitié du commerce mondial s’effectue dans le cadre d’ACR, donc dans un cadre dérogatoire par rapport aux règles de l’OMC et la clause NPF. Incontestablement donc, il y a une certaine marginalisation des règles multilatérales.

Conséquences

On met en relief l’évolution qui joue dans le sens de la progression du régionalisme et de la dégression du multilatéralisme, comme si ces dernières règles ne servaient pas, au mieux, les intérêts de l’Etat. On doit tirer enseignement de cette prolifération d’ACR, quant à sa légitimité et son avenir.

Dès lors, le rôle de “ frein ” des articles précités n’est pas effectif ; les conditions procédurales et de fond ne semblent absolument pas jouer. Il n’existe qu’un seul Etat qui ne soit pas engagé dans un Réseau d’ACR : la Mongolie. Tous les autres membres sont donc liés avec des ACR, aux ambitions plus ou moins grandes : beaucoup d’accords sont bilatéraux. N’empêche que c’est une pratique commune à tous les membres, et lorsque l’OMC doit évaluer la compatibilité d’un accord soumis, l’évaluation n’est que superficielle, et n’aboutira pas sur une possibilité d’incompatibilité. Il y a un réel statu quo car tous les ACR qui lient les membres sont affectés d’une réalité douteuse, et chacun souhaite les préserver.

Une réflexion politique, en 2006, a eu lieu. Un mécanisme ad hoc a été adopté sous la forme d’une décision et l’article 24 et l’article 5 de la clause d’habilitation. Elle instaure et complète la procédure de contrôle, d’examen a priori des accords.

Elle a été adoptée par le Conseil Général de l’OMC, et on lit qu’il institue un mécanisme provisoire, destiné à assurer une plus grande efficacité à la procédure de contrôle, et notamment une plus grande transparence pour les ACR conclus. Les accords notifient les projets de textes et celui-ci est évalué par le Comité des ACR, compétent pour évaluer les accords conclus sous l’article 24 GATT-OMC et l’article 5 AGCS, et le Comité Commerce et Développement évalue les ACR soumis par les PED sur le fondement de la clause d’habilitation. Ce n’est pas un réel bouleversement. Depuis le 9 Février 2011, il est procédé à un examen de l’efficacité de cette nouvelle procédure.

Il a été mis en place parce qu’une réflexion politique a été engagée à l’OMC sur le devenir de l’OMC elle-même, au regard de cette pratique du régionalisme. Peut-on voir, la prolifération des ACR, comme une porte d’entrée vers le libéralisme à l’échelle multilatérale ?

L’ASEAN, de par sa structure, de par son contenu, permet à ces accords et ces Etats là d’adopter et d’adapter leur pratique commerciale, afin de les considérer comme une voie d’entrée de ces Etats vers une logique multilatérale. Par contre, certains accords pourraient relever d’une autre stratégie économique, pour contrer finalement la logique multilatérale ; on serait alors dans une logique de fragmentation de l’ordre juridique, de repli sur soi, et non pas de complémentarité. C’est le cas notamment des accords dit ADPIC + ; ce sont des accords bilatéraux sur les droits de propriété intellectuelles, conclus souvent à l’initiative des USA, avec un partenaire PED. Ils vont plus loin que les accords ADPIC conventionnels, et imposent des contraires beaucoup plus importantes.

L’une des questions est de savoir si on ne pourrait pas mettre en place des règles, qui mettent en place une hiérarchie entre les ACR et le droit OMC, un principe général valable pour tous les accords, pour que ces accords ne peuvent s’inscrire que dans une complémentarité.

CHAPITRE 3 – Les Relations avec l’extérieur

La pratique, notamment les liens avec les autres OI, est très en retrait. Elle n’appelle donc pas de développements très longs. Dès lors, c’est une question essentielle des relations extérieures que l’OMC peut avoir ; si on se replace dans une perspective historique, la Conférence ministérielle de 1999 de Seattle, se sépare sur un constat d’échec, en raison du mouvement de contestation violent dans les rues de Seattle, dirigé contre l’OMC. L’un des thèmes majeurs est le manque de transparence de l’organisation ; on est face à une organisation qui fonctionne en mode “ clos ”, qui communique peu, qui est repliée sur elle-même. L’OMC serait une espèce d’électron libre, et serait caractérisée par un problème grave de gouvernance tout sauf démocratique. Un problème de légitimité important toucherait l’organisation. On s’interroge sur la nature des liens institutionnels et les autres acteurs institutionnels ou privés qui opèrent dans le champ d’action commercial ou international.

Quelle est la légitimité de la gouvernance de l’OMC ?

SECTION 1 – AVEC LES AUTRES ORGANISATIONS INTERNATIONALES

Est-ce vraiment une organisation isolée, ou a-t-elle des liens avec les autres OI ?

1. Constat d’une marginalité   : statut GATT et création OMC

Dans le contexte de la 2nde GM, les Etats ont décidé de négocier des chartes constitutives qui vont créer, chacune, des OI dans les 3 secteurs clés que sont, pour les relations économiques : la monnaie, les finances, le commerce. En 1944, la négociation sur la monnaie et les finances aboutie au FMI et au groupe de la Banque Mondial. Chacune de ces deux institutions reçoit le statut d’Institution Spécialisée de l’ONU.

Le GATT n’est pas une OI à part entière, en tout cas pas dotée de jure d’une importance juridique. Ce n’est qu’en 1994 que l’OMC voit le jour. On aurait pu penser qu’elle viendrait compléter le diptyque des IS financières et monétaires. Le débat a eu lieu lorsque les structures de l’OMC ont été négociées. La réponse que les rédacteurs de la Charte ont adoptée était négative ; l’OMC reste en marge des institutions onusiennes sur le plan institutionnel.

2. Raisons d’une marginalité

Les raisons sont à la fois techniques et politiques.

Sur le plan juridique, technique, le statut d’IS n’a pas été retenu car les rédacteurs de la Charte OMC (les puissances commerciales, la Quad) ne voulait pas de ce statut. Il était entendu que ce statut créerait des contraintes beaucoup trop lourdes. Les contraintes qui sont liées à ces IS aboutissent et sont marquées par une bureaucratie excessive, et l’ère de modernité de 1994 refuse ce schéma.

Les contraintes découlent de la Charte ONU, dans ses articles 63 et 64, qui définissent les liens susceptibles d’unir les IS de l’ONU et le Conseil ECOSOC. Le Conseil ECOSOC, un des 6 organes principaux de l’ONU, a le droit de demander des comptes aux Institutions Spécialisées ; il a le droit de leur adresser des recommandations. L’article 64 ajoute que le Conseil ECOSOC peut demander aux IS de faire des rapports, régulièrement. Il s’agit donc de vérifier que les recommandations formulées ont été respectées. Lorsque la Charte est négociée, les puissances commerciales ne souhaitaient pas que l’Organisation OMC créée ait des comptes à rendre à l’ONU. Elle a été créée dans une optique minimaliste, pragmatique, et anti-ONU.

Derrière ces raisons, il y a un réel débat politique. En effet, les puissances commerciales affichent depuis la décolonisation une très grande méfiance par rapport à l’ONU, surtout pour débattre des questions économiques et commerciales. Depuis la décolonisation, les PED ont la majorité au sein de l’AG de l’ONU, et on sait les effets que ce changement a produit au niveau de l’AG (= elle adopte des stratégies et des mesures visant à créer un nouvel ordre économique international). On cite notamment en 1964, la réalisation, par le forum de la CNUCED, de l’anti-GATT (inégalités compensatrices, dualité des normes). Dès lors, les puissances considèrent que le discours développé ne sert pas leur intérêt, seul les intérêts des PED.

3. Fondement juridique des relations et pratique

Les articles 3 §5 et 5 §1 posent les bases juridiques que l’OMC peut entretenir avec les OI.

L’article 3 concerne les liens entre les institutions du FMI et les institutions de la Banque Mondiale.

L’article 5 a un objectif plus général et prévoit que le Conseil Général conclura les arrangements appropriés pour les autres relations et coopérations efficaces avec les autres OI intergouvernementales.

En pratique, ces fondements juridiques ont été utilisés par le Conseil Général, pour l’octroi du statut d’observateur (systématiquement accordé au FMI et à la BM – et avec variations pour les autres OI). Les autres OI reçoivent ce statut ou non en fonction des organes de l’OMC (Conseil Général et des 3 Conseils sectoriels). Il y a bien des liens qui se sont concrétisés avec ce statut. Cependant dans ce cas, la coopération reste embryonnaire, elle ne conduit pas l’OMC à s’estimer liée par le point de vue des organisations qu’elle consulte dans le cadre de ce statut d’observateur.

Pourtant, l’enjeu est fort, et la coopération est essentielle entre les institutions et les ordres juridiques.

Problématique ENVIRONNEMENT / COMMERCE

D’autres secteurs ont une coopération institutionnelle plus avancée ; c’est le cas du secteur de l’environnement. La problématique du commerce croisait souvent celle de l’environnement, et c’est notamment le cas lorsque les normes environnementales s’analysent ou sont susceptibles de déboucher sur des mesures commerciales. Ainsi, il existe une convention qui s’occupe du commerce international tout en protégeant les espèces menacées. L’objet est environnemental, mais l’outil qui est promu par ce traité est commercial. L’outil commercial croise la problématique environnementale. La logique d’interdiction du commerce pour des raisons environnementales est en opposition frontale à l’article 4 OMC qui interdit les restrictions aux échanges.

Le protocole de Cartagéna est conclu en 2000 pour la régulation du commerce international des OGM. Le texte a été conclu pour servir de contre-feu au droit OMC, dans une logique de conflit assumé. Le droit OMC et l’accord SPS (Sanitaire et Proto Sanitaire) pose des problèmes d’interprétation  ; il n’est pas certain qu’un membre qui voudrait interdire sur son territoire les importations d’OGM le puisse. Il y a un problème d’articulation majeure entre ces deux textes. Un très grand nombre d’accords environnementaux multilatéraux comportent et autorisent des mesures commerciales restrictives avec pour but la protection de l’environnement.

L’ordre juridique de l’OMC est propre à accueillir ces Accords Multilatéraux Environnementaux (AME). L’OMC développe les accords institutionnels de tous les AME susceptibles d’entrer en conflit avec le droit OMC. En développant les liens et le dialogue avec les organisations intergouvernementales, on va trouver des liens harmonieux.

La déclaration de Doha n’a pas modifié fondamentalement ce que dit l’Accord OMC (article 3 et 5), elle se contente de lancer un appel à la coopération avec l’ONU, la CNUCED, avec le CNUE, etc. organisations internationales qui ont en charge le commerce. Mais la pratique n’a pas été fondamentalement modifiée.

SECTION 2 – AVEC LA SOCIÉTÉ CIVILE

Il s’agit d’évoquer les acteurs non institutionnels au sens du DIP, qui n’ont pas la PJ internationale, qui n’ont pas la PJ pleine et incontestée que peuvent avoir les Etats ou les Organisations intergouvernementales : il s’agit donc des ONG et des sociétés transnationales, opérateurs économiques privés, et enfin des syndicats.

Y a-t-il des liens et des bases juridiques entre l’OMC et les opérateurs privés cités ? Quelle forme cette coopération prend-t-elle depuis 1994 ?

Les liens sont peu développés ; ils ont été crispés dans les 1ères années de l’OMC, et très vite ont fait l’objet important de discours de contestations. Le point commun entre les différents acteurs, c’est que ce ne sont pas des acteurs traditionnels, et ils remettent en cause la conception classique du fondement du droit de l’OMC. C’est normalement un droit interétatique essentiellement. Ceci dit, il y a une base juridique dans l’accord créant l’OMC qui permet à l’organisation d’entrer en relation avec l’opérateur économique privé : article 5 §2.

Au niveau du Conseil Général, la seule catégorie d’acteurs visés est la catégorie ONG. Le Conseil Général pourra conclure les arrangements appropriés aux fins de consultations et de coopération avec des ONG, en rapport avec celles dont l’OMC traite. C’est l’OMC qui a la main, qui a le pouvoir d’entrer en relation ou non. Seules sont éligibles les ONG qui ont un champ d’action en rapport avec le droit international du commerce. C’est l’ancrage juridique qui figure dans l’accord créant l’OMC.

On note aussi de possibles relations politiques ou juridiques avec l’OMC.

A la lecture de la Charte, jusqu’au traité de mémorandum d’accord sur le règlement des différends, on décrit les procédures susceptibles d’être activées avec un contentieux né entre les membres OMC (rappel des procédures quasi judiciaires). Cette disposition de l’article 13 du mémorandum est un “ droit de demander des renseignements ”. Le dispositif qui suit explique que lorsque le juge statue, il se peut qu’il ait besoin d’obtenir une aide dans la décision, qu’il ne puisse pas statuer seul, notamment pour des questions techniques, en dehors des solutions. Le juge permet de solliciter le conseil d’experts individuels ou institutionnels opérant dans le cadre de structures publiques collectives.

Initialement, la pratique d’une coopération politique était réservée, restreinte. [traumatisme lié à la Conférence de Seattle, et aux contestations publiques : celle qui suit c’est celle de Doha, dont le choix du lieu n’est pas neutre : le Qatar n’est pas un lieu d’accès si facile, contrairement aux USA]. Au-delà de cet épisode conjoncturel, la question des liens avec les ONG, est une question sensible et donne lieu de la part des PED majoritaires au Conseil Général, à des liens réservés, et ceci pour des raisons politiques. Les ONG les plus actives sont les ONG du Nord, souvent même Nord-US. Il y a très peu d’ONG dans les PED, et elles n’ont pas les mêmes moyens que celles qu’ont les autres = manque de légitimité.

Au-delà de cette question Nord-Sud, il est vrai que la participation des ONG au fonctionnement de l’organe politique du Conseil Général de l’OMC, repose sur des questions concrètes, de légitimité  ; quelle entité sera susceptible d’être considérée comme légitime pour entrer en relation avec l’OMC ? On précise qu’il s’agit des ONG qui sont en rapport avec les questions en rapport. Mais comment s’assurer de l’indépendance de l’ONG vis-à-vis des grands lobbies industriels (agro alimentaire, etc.). Les défis et questions ici sont sensibles et expliquent la grande réserve des avis non gouvernementaux.

L’OMC a mis en ligne une procédure d’accréditation pour les ONG .

Coopération judiciaire   : la pratique de l’amicus curiae

La pratique née de l’article 13, du droit de demander des renseignements à des personnes ou experts marque une évolution intéressante. Elle a donné lieu à une évolution mesurée du juge vis-à-vis des personnes privées. Cette évolution conduit à s’interroger sur la pratique de l’amicus curiae : pratique développée dans les pays de Common Law qui accueillent des “ amis de la Cour ”.

Cet amicus curiae est une personne (expert agissant en tant que groupement), entité privée qui n’a pas le statut de partie au procès ni de tierce partie au procès, une personne privée indépendante, et cette personne est autorisée par la juridiction à présenter, au cours de la procédure, des communications écrites qui vont porter sur des points de droit, analyse juridique ou sur des éléments purement factuels, mais susceptibles d’éclairer le juge dans sa décision. Il va autoriser les communications écrites présentées par les parties ici désignées.

En France, les tribunaux civils français accueillent ces types de pratiques depuis quelques années. Devant les juridictions internationales, la pratique - s’agissant des juridictions internationales qui ne s’occupent que des cas interétatiques - la procédure amicus curiae est en général ignorée. Cette pratique n’est pas à l’œuvre dans le cadre du contentieux interétatique ; elle est à l’œuvre devant les instances de contrôle qui traitent des droits de l’homme, du DIHumanitaire. Les tribunaux pénaux pratiquent cet amitus curiae, car le contentieux concerne les personnes.

Devant le juge OMC, la question se pose de manière singulière, bien qu’on soit face à un juge interétatique. Le juge va poser lui-même la pratique sur le fondement de l’article 13 du Mémorandum d’Accord. Cette JP a un intérêt à ouvrir le prétoire : cela permettrait au juge de prendre en compte le point de vue d’experts ouverts à des préoccupations, qui ne sont pas commerciales ni économiques, et qui tiennent à la défense d’intérêt général, voire à la protection et à des implications avec des questions non strictement économiques.

L’Affaire Amiante est un différend interétatique, entre USA-Canada et Communauté Européenne. Elle a pour objet l’embargo français sur les importations d’amiante du Canada ; mais derrière cette interdiction, l’objectif est bien affiché par les autorités françaises : la protection des travailleurs dans le secteur industriel automobile ou construction, qui utilisent l’amiante. Cette affaire emblématique est de santé publique, il y a surement un intérêt majeur à ce que les syndicats des travailleurs puissent être entendus dans le cadre de la procédure amitus curiae.

Pour les inconvénients, ils sont à la fois politiques et techniques : si le prétoire est ouvert largement, il y a un risque d’engorgement de la procédure. Comment s’assurer aussi de l’indépendance des experts et entités, s’assurer de leur légitimité, de leur représentativité, et faire en sorte que les intérêts du Nord ne soient pas surreprésentés face aux intérêts des PED ?

L’Organe d’Appel développe une pratique dans ce sens : le principe est l’ouverture, mais les conditions à remplir sont restrictives et la pratique du juge après cette JP est tellement restrictive elle-même, qu’au fond, le bilan est très réservé. = JP des Crevettes en 1998,

C’est la 1ère fois que l’organe d’appel aborde de front et de manière méthodique la question, en définissant une ligne jurisprudentielle, de laquelle il s’écartera par la suite ; cela oppose les USA à 3 Etats asiatiques, exportateurs de crevettes (Thaïlande, Malaisie, Pakistan). La thèse imposait aux crevettiers étrangers un processus de certification, fondé sur un processus environnemental. Les USA imposait une technique de pêche US, composée par ailleurs de crevettiers US, qui permettait de ne pas capturer des tortues de mer, par ailleurs, protégées par diverses règlementations environnementale. Des mémoires, au

titre de l’amicus curiae, sont proposés par les ONG américaines, en appuyant la position US. Ils vont être rejetés par le Groupe Spécial et il y aura appel sur ce point ; aux yeux des requérants-appelant, il y avait erreur de droit. Le juge doit répondre de savoir si le juge spécial a compétence ou non à trancher sur le point de savoir si .. L’organe d’appel distingue en 1ère instance et en appel. Il y a un principe dans le mémorandums d’accord qui est celui de la marge discrétionnaire totale des Groupes Spéciaux pour s’informer comme ils le souhaitent (articles 12 et 13) le juge déduit la possibilité pour le groupe spécial de faire ce qu’il veut (les accepter, même s’il ne les a pas solliciter, les rejeter ou les solliciter). C’est une façon d’ouvrir l’accès au prétoire, tout en donnant au juge de 1ère instance la possibilité de contrôler et éviter tout envahissement du prétoire. L’écran étatique doit être maintenu, la procédure devant le juge OMC est réservée aux Etats et un mémoire d’amicus curiae ne sera pris en compte que si l’un des Etats ne fait sien le mémoire d’amicus curiae.

Cette position va évoluer assez vite dans le Rapport US – Acier au plomb, Rapport de Mai 2000. L’Organe considère que, finalement, il peut aligner sa situation sur celle du Groupe Spécial et il va supprimer la différence de statut et considérer que l’Organe d’Appel a aussi un pouvoir discrétionnaire (Mémorandum, article 13).

A travers ces 2 affaires, le juge ouvre le prétoire. Mais ce n’est qu’une ouverture de principe. Si on observe la pratique jurisprudentielle développée sur la base du rapport de 1998 puis sur la base du rapport de 2000, très rares sont les affaires où le juge accepte de prendre en compte les mémoires soumis à lui spontanément, et la pratique montre qu’il ne s’explique pas des raisons qui le conduisent à rejeter les mémoires.

La pratique restrictive avait été inaugurée dans le Rapport Amiante (2001) - enjeu sociétal très fort. On pouvait supposer que les ONG ou les syndicats, personnes privées, se mobilisent autour de ce différend. Pendant la procédure, il y a 11 demandes de dépôt d’un mémoire écrit, d’amicus curiae, pour certaines ONG, pour d’autres de syndicats de travailleurs ou encore d’associations professionnelles d’entreprises œuvrant dans le secteur de l’amiante. Les demandes ont toutes été rejetées, aussi bien celle qui visaient à défendre le point de vue de l’amiante que l’interdiction du canada, elle rejette toutes ses demandes sans s’en expliquer, et la JP est généralement restrictive. S’il accepte le décompte, il statut très brièvement, consacrant une ligne ou deux au mémoire accepté, pour dire que le mémoire accepté ne lui est d’aucune aide et ne le prendra pas en compte sur le fond.

Dans le rapport des Affaires OGM septembre 2006, Rapport CEE et produits bio-technologiques. Les ONG s’étaient fortement mobilisées, et aussi certains experts, agissant à titre purement individuel. Ils avaient soumis des mémoires à ce titre. Le groupe spécial rejette encore ces mémoires = pratique restrictive. 

Pourquoi avoir ouvert de principe et ne retenir qu’ne pratique restrictive ? Il est difficile pour le juge de s’assurer de l’indépendance des experts pour faire valoir leur volonté devant la Cour et le conflit d’intérêt peut aller très loin (risque d’instrumentalisation abusive de la procédure d’amicus curiae).

Affaire Thaïlande-Pologne, droit anti-dumping 2001= La 1ère affaire a opposé la Thaïlande et la Pologne, étant mise ne cause pour un droit anti dumping. L’affaire est jugée en Appel en mars 2001 et il y avait soumission d’un mémoire d’amicus curiae émanent d’un groupement d’association professionnelle US et le mémoire déposé montrait que ce groupe d’experts avait manifestement eu connaissance des pièces de procédure écrite produite en appel. La Pologne était liée avec ce groupement, et en réalité, il n’était pas du tout indépendant de l’Etat polonais. Il y a un risque de dérapage évident de la procédure ce qui explique la pratique restrictive.

Dans l’affaire CEE produits biotech, avant que le rapport final du Groupe Spécial soit distribué aux parties en Septembre 2006, il y a eu, conformément à la procédure habituelle, distribution aux parties d’un rapport dit intermédiaire (mars-avril 2006, systématiquement proposé aux Etats en litige) et l’idée

que sous-tend cet Etat est qu’ils sont encore à ce stade en mesure de négocier la solution du litige. Il est soumis à l’appréciation des parties et c’est une ultime invitation à trouver un règlement direct. Lorsque le rapport intermédiaire est distribué, il est totalement confidentiel. Mais dans les heures suivant la distribution du rapport des Etats au litige, l’une des ONG admise et sollicitée pour déposer un mémoire d’amicus curiae, “ les amis de la terre ”, ONG pour la défense de l’environnement. La publication du lendemain dans la presse (Le Monde) indique que la CEE avait gagné l’affaire, mais ce qui était faux. Mais le rapport intermédiaire / collusion, conflit d’intérêt, détournement de la procédure ; le GS dans son rapport final va dénoncer la violation manifeste des règles de confidentialité en enquêtant et en cherchant comment cette association aurait pu avoir connaissance ; l’OMC après va adopter des règles de procédures plus strictes, destinées à garantir l’effectivité de la confidentialité de la procédure (documents électroniques).

La question de la participation des personnes privées au règlement des différends reste légitime, renvoie à des enjeux croisés et pose un vrai problème. Les dernières évolutions montrent que le juge a essayé de trouver une autre méthode qui permette aux personnes privées d’être informées des procédures en cours : l’ouverture au public des audiences en appel lorsque l’affaire présente un intérêt ou soulève des questions d’iG.

Dans l’Affaire Hormones 2 ou USA retour à zéro, le juge a décidé d’ouvrir au public les audiences= sujets sensibles, façon de répondre à la préoccupation des personnes privées en faveur d’une plus grande transparence pour le règlement des différends.

Titre 2 – Les règles substantielles du Système commercial international –

* * *

CHAPITRE 1 – Les domaines couverts par le droit de l’OMC

Le champ d’application est extrêmement large et on n’a pas le temps d’entrer dans les domaines les plus significatifs. L’une des caractéristiques de la Charte est d’avoir considérablement élargi le champ d’application des règles multilatérales, le jeu des disciplines collectives.

La 1ère méthode a consisté à faire revenir dans le champ du droit, 2 thèmes qui, initialement, en 1947, relevaient bien du champ du GATT, mais avaient été progressivement exclus. On réintègre donc ces deux secteurs : commerce des textiles et commerce des produits agricoles. La 2ème méthode, qui a permis l’extension en 1994 du champ d’application du droit au commerce international, a inclus des secteurs qui n’avaient jamais été incorporés dans le jeu du droit de l’OMC : les services, les droits de propriété intellectuelle, et les investissements liés au commerce.

SECTION 1 – L’EXTENSION DU DOMAINE DES MARCHANDISES PAR LA RÉINTÉGRATION DE SECTEURS AUTREFOIS MIS À L’ÉCART : LE CAS DE L’AGRICULTURE ET DES TEXTILES

Ils ont en commun d’être tous les 2 des secteurs clés pour les PED, du moins pour certains d’entre eux, les exportateurs, et ceux qui sont importateurs et exportateurs ; ils renvoient aussi à des enjeux très forts pour le Nord : ces deux secteurs sont réintégrés et ils le sont par le biais de règles dont la portée n’est pas comparable, elles n’ont pas la même ambition en 1994.

§1 – Les textiles

Les textiles ont fait l’objet d’un accord ad hoc, l’accord ATV - sur les Textiles et les Vêtements - qui a aujourd’hui cessé de s’appliquer. Il contenait une clause fixant une échéance précise, et l’objectif qu’il fixe devait être réalisé au terme de ces 10ans. Au 1er janvier 2005, l’ATV a donc naturellement cessé de s’appliquer.

C’est un des accords de la charte de Marrakech dont l’objet est le démantèlement de l’accord Multifibres, AMF. C’était un traité multilatéral conclu en 1973, pour 4 ans, mais il sera renouvelé périodiquement jusqu’en 1994. L’AMF est un accord d’inspiration protectionniste et il a eu pour objet d’extraire le commerce du textile du jeu du libre échange, et du champ d’application du GATT de 1947, réinstaurant une logique protectionniste par dérogation au GATT de 1947. L’AMF définissait des principes, des lignes directrices destinées à encadrer et servir de guide et de modèle à des accords bilatéraux, à conclure entre les Etats importateurs et les Etats exportateurs-fournisseurs. De fait, sur la base de l’AMF, les principaux importateurs Etats du Nord vont conclure avec leurs principaux fournisseurs des accords. Les USA, sur ce fondement, vont conclure un 40aine de traités bilatéraux, et aussi pour la CEE. Les partenaires au Sud sont toujours les mêmes (Etats asiatiques, Corée, Taïwan, Hong Kong, Tunisie, Maroc, Egypte). Ils sont dits d’autolimitation et ils fixent des quotas annuels d’importations qui venaient limiter la capacité d’exporter les Etats asiatiques, mais ils étaient révisables chaque année à la hausse, avec un coefficient commun de 6%. Dans le même temps, les autres clauses communes étaient de sauvegarde, et pouvaient être invoquées par l’Etat importateur en cas de situation grave de l’état des marchés. Les PED ont accepté ce jeu de politiques de quotas, car ça leur permettait et leur garantissait un accès au marché du Pays importateur partenaire, sachant que la révision annuelle ne pouvait jouer qu’à la hausse et ils y

trouvaient une certaine sécurité. Les produits liés par les accords bilatéraux n’ont pas été satisfaits avec ces nouveaux quotas. La question de l’AMF et des protections protectionnistes a divisé les PED. Mais la décision a été prise de renoncer à ce type de pratique et l’accord sur les textiles entre Janvier 1995 et 2005 devait démanteler l’accord AMF, en augmentant progressivement les quotas, jusqu’à les supprimer. Les protections sont abrogées en totalité le 1er Janvier 2005 ; le commerce des textiles est donc dans le champ d’application du GATT de 1994.

En revenant sur le texte de l’ATV, on s’aperçoit qu’il n’interdisait pas de recourir aux mécanismes de sauvegarde, notamment au jeu de l’article 19 du GATT de 1994. Il énonce une clause de sauvegarde d’application générale. L’ATV n’interdisait pas le jeu de la clause de l’article 19. Depuis 2005, cette clause continue à jouer. L’observation du commerce des textiles depuis 2005 montre que le recours à la clause continue d’être fréquent, et quand ils n’utilisent pas ce mécanisme, ils utilisent d’autres moyens (anti dumping) et s’il n’y a plus de restrictions quantitatives (quotas) il en réside d’autres autorisés par le GATT de 1994.

La Chine.

Lorsque l’ATV prend fin en Janvier 2005, entre temps, la Chine a adhéré à l’OMC depuis 4 ans. La fin de l’ATV génère une crise commerciale de très grande ampleur, entre la Chine d’un côté, et de l’autre les principaux importateurs de textiles chinois (USA et UE). Ils vont considérer que la fin de l’AMF, dans le contexte de la fin ATV, conduirait à un déferlement des textiles chinois sur le commerce mondial. On observe ainsi une augmentation de 1519% de pantalon en coton en provenance de la Chine sur le territoire US. L’ouverture des frontières génèrent donc des tensions entre les principaux marchés de destination.

Les USA et l’UE avaient anticipé la fin de l’ATV, et lorsque la Chine adhère à l’OMC, une clause ad hoc, sous la forme d’un article 242, a été insérée dans le protocole d’accession de la Chine à l’OMC. Elle octroyait aux partenaires de la Chine, un droit de négocier, à partir de Janvier 2005, un accord provisoire, permettant de limiter les importations de textiles chinois, s’il s’avérait que sur le plan économique, l’ouverture totale au 1er Janvier 2005 menaçait leur propre industrie. Ce protocole était ouvert jusqu’en 2008. Il va y avoir une réaction unilatérale des USA et de la CEE qui va conduire à fermer les frontières aux textiles chinois et les deux intéressés, USA et CEE, vont prendre des négociations avec la Chine. Deux accords d’autolimitation sont conclus = en Mai 2005 entre CEE et Chine, et le 13 Mai 2005 entre USA et Chine. Ils ont couverts une assez grande catégorie de textiles pour ensuite être levés en 2008 pour la CEE et en 2009 pour les USA. La Chine est devenue le 1er exportateur mondial de textiles et représente environ 50% des parts du marché mondial.

§2 – L’agriculture

A la veille des accords, l’agriculture représente 10% du commerce mondial : c’est une part importante du commerce. Les principaux Etats sont la CEE, qui monopolise à elle seule plus de la moitié des échanges agricoles, suivis par les USA, et tout le reste du monde (une prévalence des pays émergeants de l’époque Brésil, Inde, Chine, Thaïlande, Malaisie). Lorsqu’on raisonne en volume relatif, on ne traduirait qu’une certaine partie de la réalité. Pour un grand nombre de PED et surtout pour les PMA, l’agriculture représente une part très importante voire essentielle du commerce national. Ils sont donc très intéressés par le statut du commerce des produits agricoles. Les marchés du Nord sont solvables et importants. Inversement, ils ont intérêt à protéger leur propre production de la concurrence internationale. Encore plus, l’agriculture est le terrain d’enjeux croisés, nord-sud / nord-nord. Les deux puissances commerciales de l’époque sont des partenaires majeurs.

L’agriculture, en 1947, est dans le champ d’application du GATT et il n’est pas en dehors du GATT. Sous l’effet conjugué de divers facteurs, le commerce des produits agricoles va être extrait par le jeu du GATT.

Facteurs économiques

Volonté de l’époque de protéger l’accès à l’approvisionnement, volonté de protéger le consommateur, l’approvisionnement du marché européen, américain. Or, si on laisse jouer la libre concurrence, on constate une grande volatilité des prix. Pour mieux garantir les intérêts du consommateur UE et US, il y a des raisons à ne pas appliquer le libre échange. De la même façon, le lobby agricole US est très puissant, il a même empêché l’Etat US de ratifier la Charte de la Havane. Même chose au niveau européen. Les gouvernements, à l’époque, sont sensibles à ces lobbies.

Facteurs d’ordre culturels, sociologiques

Ils sont liés à ce que représente l’agriculture pour les USA, et pour l’UE. On est face à des conceptions et symboliques très différentes, qui jouent pour la protection. Du côté US, c’est l’image du colon pionnier qui a conquis l’Etat US, et on préserve l’image à protéger le secteur en aidant par les aides massives l’agriculteur US. En UE, la multifonctionnalité traduit le fait que l’agriculture, du point de vue du droit communautaire, n’est pas seulement tournée vers la production ou l’élevage ; elle permet de protéger le territoire, le paysage, l’environnement. Elle permet la prise en compte du bienêtre animal, un ensemble de fonctionnalités liées à l’activité agricole. La politique agricole interventionniste soutient cet ensemble objectif.

Très tôt, en 1955 pour les USA, et en 1957 pour la CEE, les USA et l’Europe communautaire vont développer des stratégies qui vont extraire le commerce des produits agricoles du jeu du GATT de 1947.

1. Exclusion des produits agricoles par le GATT de 1947

1) La mise en œuvre de l’article 11 §2 du GATT

Il est question des restrictions quantitatives aux échanges, interdites dans leur principe, obéissant à une logique libérale. Mais l’article 11§2 permet 2 exceptions pour les produits agricoles :

- La prohibition aux exportations de produits agricoles lorsque le but est de faire face à des pénuries alimentaires (ne plus exporter, le blé en Ukraine depuis Eté 2010,

- Restrictions à l’importation de produits agricoles dans les cas limitativement énumérés par le texte, et si les conditions sont réunies. Ainsi, pour faire face à la nécessité de l’Etat qui ferme ses frontières d’écouler des excédents agricoles ; et lorsque ces excédents auront été écoulé, le marché sera à nouveau ouvert.

Très vite, des contentieux vont se nouer. On cite notamment des contentieux transatlantiques, sur la base de cet article ; le panel saisi va pouvoir délivrer une interprétation de la JP qui émerge au début des années 1950 (produits laitiers des Pays Bas pour une plainte dirigée contre les USA, 1952, sanctions commerciales appliquées aux USA) = interprétation restrictive des restrictions au commerce et produits agricoles. Mais, très vite, les USA vont demander en 1955 et obtenir un “  waiver ” général sur le commerce des produits agricoles, une autorisation de déroger. Ils pourront exclure du champ du GATT le commerce agricole. La CEE procède exactement de même. Et obtient un waiver pour mettre en place la PAC telle que prévue dans le traité.

2) Les subventions à l’exportation de produits agricoles

On n’est plus dans les restrictions quantitatives, mais dans un autre type d’outil qui fausse le jeu de la concurrence international = les subventions à l’exportation. Effet de distorsion contraire au libre échange.

Le GATT, pour ces subventions, à l’article 16§4 n’interdit pas dans son principe de telles subventions. Cependant, elles sont encadrées juridiquement, dans un sens restrictif. L’idée est qu’on ne va pas toucher à ces politiques publiques, mais on va les encadrer pour les limiter. L’article intervient au niveau du champ d’application possible des subventions, et il limite le jeu des exportations des produits agricoles, non transformés, bruts. Ils peuvent faire l’objet de subventions à l’exportation. De plus, le régime juridique lui-même pose des conditions restrictives, avec des critères cumulatifs. L’objectif est d’éviter que l’Etat n’utilise cet outil là de façon à obtenir, ou détenir, une part plus qu’équitable du commerce mondial. Le régime juridique est placé sous le signe le la loyauté. Subvention “  dans la limite de ”.

Mais ni la CEE ni les USA ne s’entendent sur la définition de ce que c’est qu’un produit agricole brut, non transformé, ni sur les critères qui caractérisent le régime juridique. Dans un 1 er temps on va assister à des tirs croisés, sur la question des subventions à l’agriculture. Dans les 60’s, on a une série de rapports, adoptés par des panels, qui condamnent les subventions US ou européennes. Ces rapports ne sont que rarement tranchés et s’ils le sont, ils ne sont pas adoptés. La partie perdante va bloquer le rapport. Dans la décennie 70, les deux intéressés se livrent à une escalade, une course à la subvention. Plus on subventionne, plus les prix seront compétitifs, plus on a de chance de gagner des parts de marchés. Des prix mondiaux et des distorsions de concurrence de plus en plus grandes sont subis de plein fouet par les PED. Les politiques de subventions créent des déséquilibres importants entre les Etats. Les Etats riches ont les moyens de mener ce type de politique, et promouvoir des exportations concurrentielles.

3) Relâchement général des disciplines en matière agricole et le recours accru aux mesures SPS, - Sanitaires et Phytosanitaires

Les Etats protègent leur marché, non pas par des restrictions quantitatives, mais par des mesures sanitaires ; elles ne sont pas foncièrement contraires au GATT mais elles se multiplient, deviennent inquiétantes et certaines deviennent contraires.

En 1986, c’est dans ce contexte que s’ouvrent les négociations d’Uruguay : autour d’une pratique protectionniste.

Les 2 puissances ont trouvé un compromis, le contexte économique a changé. Les 2 intéressés sont arrivés à l’autosuffisance, et leur marché ne permet pas de parvenir à l’auto suffisance. Or, les nouveaux marchés solvables sont, en 1986, limités. En effet, certains Etats, notamment les grands émergeants, sont en situation d’exporter leur propre production de produits agricoles. Egalement, les PED sont pour la plupart surendettés, donc même dans un cas de besoin d’exportation, ils ne peuvent pas honorer leur contrat. On a donc une accumulation des excédents agricoles au Nord, notamment au sein de l’Europe communautaire (excédents laitiers) et la course en avant pour le subventionnement demande à être sans cesse davantage compétitif.

Mais les USA ont soutenu que cette course n’était pas soutenable. En 1986, l’idée s’est imposée, aussi bien du côté US que communautaire, qu’il y avait lieu de changer les règles du jeu, de coordonner les politiques d’intervention publique, dans le sens d’un abaissement du niveau d’intervention. Les autres Etats exportateurs de produits agricoles ne peuvent accueillir que des produits exportés.

Le groupe de CAIRNS, coalition d’Etats retrouvés sur le dossier agricole, pour plaider l’ultra libéralisme (puissances industrielles : Canada, Australie, émergeants : Brésil, Inde, Afrique Sud, etc). Ces Etats, qui plaident pour le démantèlement, vont appuyer le compromis nord US pour libéraliser le commerce des produits agricoles. Le compromis va déboucher sur deux textes qui montre que, parce

qu’ils existent, en 1994 , le commerce des produits agricoles n’est pas réintégré dans le GATT mais fait l’objet de règles séparées, spécifiques ( = accord sur l’agriculture, l’accord SPS) règles ad hoc qui continuent à être dérogatoires au GATT, moins achevées en terme d’objectifs du libre échange que celles applicables aux produits industriels.

Un article 21 dans l’accord sur l’agriculture dit explicitement que “ les dispositions du GATT de 1994 et des autres accords commerciaux multilatéraux (SPS) seront applicables au commerce des produits agricoles, sous réserve des dispositions du présent accord ”. Logique d’exception, de dérogation.

L’article 21 est invoqué par la CEE intervenue en tierce partie dans le différend entre USA et Brésil sur la question des subventions US au coton. Dans ce rapport, la CEE invoque l’article 21 en faisant valoir le fait que cet article vise à sanctuariser les politiques agricoles du Nord, ou subventions à l’agriculture, il fallait trouver un argument supplémentaire pour interpréter dans un sens US ( ?)

On est donc aujourd’hui face à deux textes.

2. Les règles actuelles du secteur agricole

A. L’accord sur l’agriculture

Il définit le cadre général du régime mis en place dans le préambule : “ l’accord n’est qu’une base pour entreprendre un processus de réforme dans l’objectif de long terme et d’obtenir un système de commerce des produits agricoles qui soient équitables et axés sur le marché ”. On est dans le cadre d’un accord programatoire.

L’équité mentionne ici la problématique Nord-Sud, les besoins des Etats en développement, et aussi les considérations extra commerciales qui peuvent interférer (protection de l’environnement et de la sécurité alimentaire). L’accord dans le dispositif contient 2 séries d’engagements : les engagements à effets immédiats, tournés vers le libre échange, et l’article 20, un engagement de négocier pour continuer la libéralisation avec une date butoir.

1) Engagements à effets immédiats

Chaque membre de l’OMC, en devenant signataire, prend l’engagement de démarrer la réduction ou l’élimination de toutes les distorsions qui traversent le  secteur agricole, dès lors qu’elles sont le fait de sa propre politique. En 1994, les membres originels et accédants, chaque membres à produit une liste individuelle d’engagement pour libéraliser, qui correspond à son offre dans le secteur agricole, a été annexé à la liste globale d’engagement au titre su GATT de 1994 (listes nationales individuelles d’engagement). Dans cette rubrique, chaque membre a identifié les produits pour chacun d’eux, sur la base des principes qui figurent dans l’accord de l’agriculture.

Les listes individuelles ont un statut juridique très clair, elles ont valeur contraignante, conventionnelle. Elles ont la même valeur que la Charte elle-même ; elles lient et elles sont susceptibles d’être interprétées, appliquées par le juge (Rapport ,affaire CEE Subventions aux exportations de sucre, 2005 : la CEE fait l’objet d’une liste mal rédigée et le juge va sanctionner cette politique : la politique sucrière de la CEE est attaquée par le Brésil et ce qui a été au cœur est une note infrapaginale, dans la liste d’engagement de la CEE, qui la considérait comme lui permettant de maintenir intégralement sa politique de subvention au sucre (producteurs de sucres ACP, producteurs indiens) l’organe d’appel ne va pas suivre cette interprétation communautaire et le juge c=va sanctionner cela

2) Contenu des listes individuelles sur les engagements pris par les membres.

On distingue 3 rubriques :

Les engagements qui concernent l’accès au marché 

Il s’agit des droits de douanes, mesures tarifaires dissuasives et le reste appelé “  obstacles non tarifaires ”. La plupart des mécanismes de protection sont les obstacles non tarifaires. Ces mesures non tarifaires, très différentes, ont un point commun : elles sont moins transparentes et souvent difficiles à identifier, plus que les droits de douanes ; dès lors, leur démantèlement est encore plus dur. Elles ne sont d’ailleurs pas souvent perçues comme étant susceptible de restreindre le commerce. L’accord GATT pose un principe : une obligation de conversion des obstacles non tarifaires en droits de douane (art 4§2), une obligation dite de tarification. Cela montre deux choses : que les droits de douanes ne sont pas interdits, et même, ils peuvent être très élevés, ils sont sans restriction. Les progrès sur la voie de la libéralisation restent à venir, car les droits de douanes pouvant être très élevés, la libéralisation ne sera effective que lorsqu’ils pourront eux-mêmes être perçus à la baisse. Le GATT invite les Etat membres à prendre des engagements chiffrés selon une logique de dualité des normes et une progression, selon que l’on est pays développé, pays en développement ou PMA. Le Pays prend un engagement sur un terme (6 mois pour les pays développés, 10 mois pour les PED) et sur un pourcentage de baisse (36% de baisse pour le pays développé, 24% pour les PED). Les PMA ne sont pas impliqués par de tels engagements.

Des engagements concernant les aides.

On a un engagement de réduire les aides qui existe déjà naturellement, et une clause de stand still , par laquelle les membres s’engagent à ne pas créer d’aide nouvelle. Les aides sont des outils économiques entre les mains de l’Etat, puissance publique, qui correspondent à des versements pour soutenir la production agricole. Ces aides doivent être progressivement réduites. Elles sont appliquées exclusivement, à l’époque, par 3 membres : la CEE (avec la PAC), la Norvège et le Japon. Le volet de l’accord intéresse donc uniquement ces 3 membres. Le régime mis en place est compliqué et repose sur une logique dite “ des feux tricolores ”. On distingue les aides dites de la boîte bleue, de la boîte orange et de la boîte verte. Seule la boîte orange présente un réel danger. Les aides bleues et vertes sont réputées neutres, elles ne faussent pas le jeu de la concurrence. Il n’y a donc pas obligation ni de les réduire, ni de les supprimer. Leurs effets sur le marché sont nuls ou très faibles.

- Les aides de la boîte orange sont présentées aux articles 6 et 7. “ Ce sont des instruments qui ne figurent ni dans la boîte bleue, ni dans la boîte verte ”. La définition, par la négative, explique le principe posé d’obligation de conversion en Mesure Globale de Soutien (MGS). Cette mesure devra être réduite progressivement, mais la logique qui s’impose est toujours celle de la dualité des normes : PMA aucune obligation de réduction. Cependant, il apparaît que seul les Pays développés sont réellement concernés. La MGS est un engagement d’une réduction de 20% sur 6ans. Cette conversion en MGS permet de sélectionner et moduler la réduction en fonction de la sensibilité du produit agricole.

- Article 6-1, 7-1 et annexe 2 relèvent de la boîte verte : les aides à la production en cas de catastrophe naturelle, visant à protéger l’environnement, pour les agriculteurs à la retraite à visée sociale, ou encore pour une aide alimentaire. Les aides de la boîte verte correspondent à l’un des objectifs de l’accord énuméré dans le préambule du texte : prise en compte de l’équité dans le

régime juridique mis en place. On prend en compte des objectifs économiques, qui relèvent d’une démarche autre, qui prend en considération les droits sociaux, etc.

- Article 6 §5A. Les aides de la boîte bleue sont dites “ aides directes ”. Elles sont versées au bénéfice de produits soumis eux-mêmes à des quotas et limitation de production. On rappelle qu’elles ne sont pas soumises à un engagement de réduction.

Les engagements pour la question stratégique des subventions :

Les subventions, au contraire des aides, sont des versements sur les fonds publics pour l’exportation en matière agricole. En 1986, les USA sont prêts à négocier un texte pour prévoir l’élimination totale des pratiques économiques telles. La CEE s’y oppose, il est impossible politiquement de démanteler ses subventions à l’époque. La négociation s’ouvre sur un compromis : on réduit, tout en maintenant la possibilité d’appliquer ce type de soutien. Les subventions faussent réellement le jeu normal de concurrence. Elles sont un outil d’intervention problématique, et elles font l’objet d’une règlementation stricte. Articles 3 §3 et article 8 A 11. Le principe général prévoit que les subventions ne sont pas interdites, mais elles ne sont possibles que dans le cadre juridique étroit fixé par l’accord. On prévoit un régime juridique parallèle article 9§1 et 10§1.

- Article 9§1 : Premièrement, les membres peuvent prendre l’engagement de réduire les subventions énumérées (quels engagements, dans quelle limite quantitative ? quels sont les subventions visées ?). On a deux données dans cet article : une réduction en volume et en valeur. Les membres s’engagent à réduire le volume des produits subventionnés (-21% de produits subventionnés pour els exportations), et ils s’engagent aussi à réduire la valeur des subventions octroyées (-36%). De plus, la clause de stand still s’applique aussi ici. L’article 3§3 de l’accord prévoit que pour les produits qui ne seraient pas prévus dans la liste, on a une obligation pure et simple de continuer à appliquer les subventions. (affaire USA-CEE sur les sociétés de vente à l’étranger, Rapport en Appel, Février 2000). On cite ici les tarifs préférentiels sur les transports, les versements en nature (la plupart des subventions agricoles sont concernées ici par le champ d’application de l’article 9§1). La JP a consacré cela en faisant une interprétation extensive de l’article. Rapport 2005 en appel, Le Sucre, CEE-Brésil : les subventions que la CEE accordait aux producteurs de betteraves sont mises en cause par le Brésil. Ces subventions permettaient de vendre à perte – à très bas prix sur le marché mondial. L’Organe d’Appel a considéré qu’il s’agissait bien d’une subvention au sens de l’article 9§1, aboutissant à une aide publique pour vendre à un tarif compétitif qui n’était pas le prix du marché. Elles étaient donc illégales.

- L’Article 10§1 : “ les subventions à l’exportation qui ne seraient pas énumérées à l’article 9§1 relèvent de l’article 10§1 ; ces mesures d’interventions ne seront pas appliquées d’une manière qui entraîne ou menacent d’entraîner un contournement des engagements en matière de subvention à l’exportation [pris au titre de l’article 9§1] ”. C’est en quelque sorte un article de bonne foi énoncé ici. La pratique de l’article 10§1, telle qu’interprétée par le juge, a montré qu’il était difficile pour un membre OMC d’arriver à justifier un engagement pris au titre de 9§1.

Rapport 2000, en appel, USA-CEE, législation fiscale avantageuse: 1ère interprétation de l’article 10§1. Le différend oppose la CEE en partie plaignante, contre les USA, sur tout le système fiscal de l’exportation aux USA. Le recours était dirigé contre la législation US à l’exportation en matière fiscale : elle étai avantageuse pour toutes les entreprises US qui pratiquent l’exportation (presque toutes, et de grosses entreprises  : Boeing, Microsoft, General Motors, etc.). On était face à un système fiscal qui avantageait finalement l’immense majorité des productions exportées par les USA. La dimension économique du recours est donc très importante. Cette législation reposait sur un ensemble de textes, qui établissait un système

permettant à l’entreprise de créer une filiale implantée à l’étranger mais plus exactement dans un paradis fiscal (4 ou 5 Etats privilégiés). Lorsqu’une entreprise mère concluait une vente à l’étranger, elle vendait d’abord fictivement à sa filiale établie dans un pays fiscalement avantageux, un produit soumis à la législation US avantagée. Lorsque la filiale revendait le produit au destinataire étranger, la fiscalité était nulle (paradis fiscal). L’entreprise vendait donc des produits à un coût très faible (évalué à -30% par les économistes). La CEE attaque la législation, considérant qu’elle pourrait être analysée comme étant équivalente à une subvention à l’exportation. L’Organe d’appel statue ici sur l’article 10§1 et la législation fiscale US est condamnée. / L’organe précise que l’Etat n’a aucun moyen de contrôler, de limiter ces avantages, (que la subvention serait donc automatique pour n’importe quelle entreprise). Or, les USA dans leur liste individuelle d’engagements ont pris un engagement de limiter les subventions pour des produits énumérés. Les USA peuvent donc contourner les engagements pris au titre de l’article 9§1, donc incompatibilité de la loi avec l’article 10§1. /

La règlementation est très compliquée mais elle a été interprétée comme limitant, de fait, la possibilité pour un membre OMC d’accorder des subventions qui ne figurent pas dans sa liste.

Article 13, Clause de Paix, 1995.

Elle s’est appliquée jusqu’en Septembre 2003 : les subventions à l’exportation et aides à la production ne pourront pas faire l’objet de contestations devant le juge, ni donner lieu à compensation, sous réserve de certaines conditions. Donc la possibilité pour les Etats de s’attaquer dans des contentieux croisés sur la question des aides ou subventions était bloquée, pour apaiser les relations commerciales sur le dossier agricole. Ce climat que la clause voulait créer était favorable à la reprise des négociations pour poursuivre la libéralisation à peine amorcée dans l’accord.

Cependant, la clause ne s’appliquant que sous certaines conditions, des contentieux ont été porté à connaissance du juge. Mais globalement, la clause a rempli sa fonction. Dans l’affaire USA – Brésil, subventions au coton, les USA avaient invoqué la clause de Paix ; cette interprétation a été rejetée par l’Organe d’Appel considérant que les subventions attaquées ne tombaient pas dans le champ de l’article 13.

L’effort de libéralisation reste à venir. Entre 1994 et 2001, ouverture des négociations de Doha, les pays intéressés ont continué à augmenté les volumes de subventionnement.

B. L’accord SPS – Produits sanitaires et phytosanitaires

L’Accord 20B du GATT : régime juridique

L’accord autorise les restrictions aux importations des produits agricoles lorsqu’ils sont susceptibles de protéger les plantes, animaux, etc. Les importateurs ont eu tendance à multiplier les mesures en l’espèce, mais pourtant, elles sont de nature ambigüe, alors elles peuvent poser problème.

L’accord est animé par une logique d’équilibre. On recherche la balance, l’équilibre entre les préoccupations de santé et d’environnement, et le libre-échange. On cherche à concilier deux domaines a priori contradictoires.

- Affaire de l’embargo sur le bœuf aux hormones,

- Affaire de l’embargo sur le saumon canadien Australie-Canada,

- Embargo sur les pommes de Nouvelle-Zélande,

- Embargo des produits US au Japon,

- Moratoire sur les OGM USA-Canada-Argentine imposé par la CEE,

- Embargo sur les volailles chinoises imposés par les USA

- En cours = Plainte US contre un règlement communautaire interdisant les mesures d’aseptisation de la viande, qui abouti à imposer un embargo sur les volailles au chlore.

L’accord pose le principe de la reconnaissance mutuelle et de l’équivalence de la mesure SPS  ; les Etats doivent reconnaître comme valides les mesures SPS adoptées par leurs partenaires. L’accord invite alors à l’harmonisation des mesures SPS adoptées par les membres de l’OMC. La JP – et l’article 3§2 - invite une harmonisation sur la base de standards définis par les organes de normalisation =

Commission du Codex Alimentarius, commission mixte FAO-OMS qui définit des seuils à ne pas dépasser pour les additifs alimentaires : taux en matière d’hormones de croissance dans l’élevage bovin, les colorants alimentaires.

L’office International des Epizootie (Organisation mondiale de la santé animale),

Le Secrétariat de la Convention Internationale pour la protection des végétaux (CIPV).

L’article 3§3 pose une présomption de compatibilité entre une mesure SPS et l’accord lui-même en droit de l’OMC, dès lors que cette mesure est basée sur les normes adoptées par ces trois organes cités.

Il définit un régime juridique strict concernant les mesures adoptées, sanitaires et phytosanitaires, ne pouvant être adoptées que dans un régime juridique très strict fixé par accord. Ce régime repose sur 3 catégories d’exigences :

- le respect du principe de proportionnalité (une mesure, pour être compatible avec l’accord, doit être appliquée uniquement par rapport au but sanitaire et phytosanitaire par rapport au but poursuivi). Elle ne doit pas être restrictive plus qu’il n’est requis pour obtenir le niveau de protection approprié.

- Le 2ème principe figure à l’article 20D prévoit la non-discrimination et la sincérité. Lorsqu’un membre OMC applique une mesure SPS, il doit le faire d’une manière non discriminatoire et la mesure ne doit pas constituer une mesure protectionniste déguisée qui ne dirait pas son nom.

- Enfin, le principe de justification scientifique a posé problème : une mesure SPS ne peut être adoptée ou maintenue que si elle est fondée sur une évaluation scientifique du risque, qui conduit à pouvoir établir la preuve scientifique de le risque existe.

Problèmes d’interprétation de certaines dispositions pas assez précises

Qu’est ce qu’une mesure adoptée “ sur la base de norme codex ” = qu’est ce qu’une norme conforme ? Compatible ? Qu’est ce qu’un niveau approprié ? Son objectif est de permettre aux Etats d’adopter des mesures protectrices de la santé et de l’environnement. Mais en même temps “ les membres de l’OMC doivent tenir compte de l’objectif qui consiste à réduire au minimum les effets négatifs sur le commerce ”. Où est le point d’équilibre entre la santé-environnement et les effets sur le commerce réduits au minimum ?

Interprétation depuis 1995

Une trentaine de plaintes ont été soumises à l’ORD, sur le fondement de l’accord SPS, et une 10aine a prospéré, donnant lieu à des rapports définitifs sur le fond. Aucune mesure SPS évaluée par le juge OMC n’a trouvé grâce à ses yeux : elles ont toutes été sanctionnées. L’accord imposerait donc des conditions restrictives, et l’exigence des tests scientifiques semblent difficile à remplir.

Des questions capitales dans l’affaire Hormone 1, Rapport de Janvier 1998, sont réglées, notamment celles de la charge de la preuve. Plainte des USA, Canada, contre la CEE, pour un règlement communautaire qui impose un embargo sur la viande bœuf élevée aux hormones et anabolisant. 6 hormones sont visées par le règlement et elles font l’objet de normes adoptées dans le contexte codex alimentarius. Le règlement communautaire est fondé sur des normes techniques plus sévères. Il fallait se demander si la charge de la preuve revenait à la Communauté européenne - de prouver la nocivité pour le consommateur – ou si la charge reposait sur les plaignants ? L’article 3§3 de l’accord déclare une “ présomption de compatibilité d’une mesure SPS adoptée sur la base d’une norme codexe ”. Or ici, le règlement plus sévère n’est pas adopté sur une norme codexe, il n’y a donc pas de présomption de compatibilité à faire tomber par le plaignant. La charge de la preuve change donc et il revient à la CEE de prouver que sa mesure est malgré tout nécessaire pour la protection du consommateur. Le Groupe Spécial suit le raisonnement des USA sur la présomption de compatibilité de l’article 3§3 ; mais en Appel, le juge sanctionne le Groupe Spécial. L’Organe d’Appel rappelle que conformément à une JP établie en 1996 dans un Rapport USA-Chemises indiennes pour l’application de l’ATV,

“ la charge de la preuve dans le contentieux OMC est une question classique qui se présente comme devant n’importe quelle juridiction et repose sur le plaignant ”.

L’article 3§3 fait peser une présomption de compatibilité, mais elle ne doit pas être comprise à contrario comme faisant peser une mesure d’incompatibilité sur une mesure qui irait au-delà des normes codexes. Pour la charge de la preuve, il revient bien au plaignant de rapporter un début au moins de preuve que la mesure attaquée n’est pas compatible avec le droit de l’OMC. L’apport à été crucial  ; si l’organe d’appel avait suivi la 1ère instance, on aurait imposé une charge très lourde sur le défendeur en général.

Dès lors, le principe n’interdit pas à un Etat membre OMC de maintenir des exigences en matière de santé publique particulièrement élevées, plus élevées que les standards internationaux. Maintien de l’autonomie des Etats pour définir le niveau de protection pour la santé souhaitée.

Au fil des JP (le 1er étant Rapport Hormones 1), l’Organe d’Appel va préciser cette question de l’exigence de justification scientifique. Cette condition d’un accord SPS fondé sur une explication scientifique des risques et de la nécessité d’un tel accord. Le juge développe une méthodologie à l’intention des Etats, et à l’intention des Groupes Spéciaux. Lorsqu’ils doivent évaluer un accord, ils suivent les prescriptions dégagées par l’organe d’Appel.

Il explique que le risque à évaluer est le risque réel et pas seulement le risque en laboratoire. Dans le Rapport Hormones 1, la CEE se devait d’évaluer les effets négatifs qu’il pourrait y avoir sur la santé des personnes dans le monde réel “  où les gens travaillent, vivent, meurent ”. De plus, le critère de la spécificité de l’évaluation est nécessaire. Les évaluations scientifiques ne doivent pas être générales (ex. dans le Rapport Hormones 1, évaluation pour les 6 hormones existantes). Il faut évaluer la dangerosité dans les cas spécifiques, évalué par rapport au contexte face aux mesures adoptées. De la même façon, le risque à évaluer doit être vérifiable (Affaire Australie-Saumon “ l’incertitude de risque n’a pas à être évaluée ”). Dans le même coup, le risque est probable dans sa

réalisation, pas seulement possible dans sa réalisation. Enfin, il va falloir déterminer un lien entre la mesure adoptée et le risque encouru . La relation doit être objective, logique : il faut un lien raisonnable. Le juge préférera toujours une mesure “ moins restrictive ” de type moratoire, temporaire, à une mesure d’embargo total et définitif.

Enfin, dans le Rapport Hormones II, adopté en 2008, ce qui a été au cœur du différend, c’était la question du statut de l’indépendance et de la crédibilité des experts qui avait été mandés par le groupe spécial. L’Organe d’Appel va en profiter pour délivrer des solutions sur le rôle de la science dans ce type de contentieux. L’un des enjeux de l’accord SPS est l’expertise. Les informations produites doivent être probantes pour le juge ; celui-ci peut se faire assister par les experts pour l’aider ; il n’a pas les moyens d’établir lui-même la crédibilité et le sérieux des parties. La question du rôle de la science dans l’application de l’accord est essentielle. Des lignes directrices doivent alors le lier pour désigner ces experts. Dans l’Affaire Hormones 2, le GS avait désigné des experts par rapport au sujet d’élevage des bœufs sur la technique décrite. L’indépendance était douteuse. En appel, la question se pose sur leur impartialité et sur la qualité des expertises. L’OA déclare que “  la science joue un rôle central dans une évaluation des risques ” ; il y a un enjeu capital de la question de la désignation des experts. L’Organes d’Appel évalue la désignation des experts et sanctionne le GS, considérant un “ doute sérieux sur leur impartialité ”. Les lignes directrices sont dressées ici pour l’avenir. Il pose des balises pour ce qui concerne les pouvoirs du Groupe Spécial du juge en 1ère instance, lorsqu’il doit utiliser les rapports d’experts. L’OA explique que bien-sûr que le juge peut s’appuyer sur les expertises et déterminer si les évaluations scientifiques sont conformes, mais il ne peut pas substituer sa propre analyse des risques.

Enfin, le principe du statut de précaution dans le droit OMC a été définit dans le Rapport Hormones 1. Jusqu’à présent, tous les différends nés en application de l’accord SPS ont porté sur des mesures qui répondaient à un risque incertain, non scientifiquement prouvé. On a été donc chaque fois sur le terrain de la précaution. L’état des avancées scientifiques ne permet pas de connaître réellement les risques (# Affaire amiante, risque certain). Ce principe pourrait permettre d’adopter des mesures (restrictives pour le commerce) en réponse d’incertitudes scientifiques. La réponse de la CEE face à l’incertitude de la toxicité des viandes est l’embargo, dans le Rapport Hormone. La CEE avait plaidé en invoquant ce PGD. C’est un moyen de contrer les conditions à remplir pour les accords SPS. La question s’est alors posée de savoir si le juge peut appliquer des normes, des règles, qui seraient en dehors du droit de l’OMC ? La réponse est affirmative sous condition. Dans le MARD, l’article 3§2 permet au juge d’interpréter le droit OMC conformément aux règles coutumières d’interprétation des traités (Convention de Vienne 1969, dispositif 31§33 : lorsqu’un traité doit être interprété, l’interprète prend en compte “ toutes les autres règles pertinentes du DIP applicables entre les parties ”). Le droit de l’OMC n’est pas un OJ isolé du reste du DIP. Le juge s’interroge sur le statut du principe de précaution. Pour le juge de l’OMC, en l’état actuel, le principe de précaution ne serait pas un PGD susceptible de l’emporter sur les règles OMC, en l’occurrence sur les accords SPS. Dès lors, ce raisonnement n’est pas valide. Cette JP n’a jamais été démentie.

§3 – Les Négociations Commerciales Multilatérales : enjeux et blocages

L’article 20 créé une obligation de négocier, de poursuivre la libéralisation du commerce des produits agricoles.

Cette obligation comporte une date : Janvier 2000, pour une renégociation sur l’agriculture. Avant même la cycle de Doha, la négociation a donc recommencé. En 2001, le cycle de Doha s’ouvre et les

négociations y sont incorporées. Le calendrier de Doha était très serré. Les Pays devaient faire une offre de libéralisation avant le 31 Mars 2003, et le cycle devait être achevé au 1 er Janvier 2005. Il fallait définir des modalités pour permettre aux membres de faire leurs offres sur les trois piliers des négociations.

Ce calendrier n’est pas tenu et pour comprendre les blocages, il faut distinguer selon les trois piliers.

1. 1er pilier : Accès au marché , droits de douanes et obstacles non tarifaires

Ce pilier intéresse toutes les parties. SI on veut réussir les négociations, tous les membres importateurs-exportateurs sont pointés.

2. 2ème pilier et 3ème pilierr : subventions à l’exportation et aides à la production

Cela concerne notamment USA et CEE sur la question agricole. Pour ces piliers, la négociation devait avoir d’abord lieu dans un cadre bilatéral ; et si ces deux puissances parvenaient à un compromis pour une réduction concertée des subventions et aides, la négociation pourrait alors se poursuivre et soumettre ce compromis bilatéral aux autres membres OMC.

En Septembre 2003, la Conférence ministérielle de Cancun se tient. Quelques mois avant, USA et CEE avaient trouvé un accord bilatéral et s’étaient entendus sur une réduction simultanée sur des concessions réciproques. Ce compromis est proposé pendant la Conférence de Cancun. Mais ce projet est repoussé par une coalition spontanée, à l’initiative du Brésil (G20). Il va refuser en bloc la proposition euro-américaine concernant les subventions à l’agriculture. Les autres PED vont rejoindre les autres pays.

Chacun fait le constat qu’entre 1994 et 2003, l’accès au marché des Pays Développés importateurs, demeure largement fermé ; les subventions et les aides n’ont pas été réduites de manières significatives. L’accord scelle finalement une forte inégalité Nord-Sud, avec un traitement différencié favorable au Nord : il laisse subsister des possibilités d’interventions sous la forme d’aides et de subventions, entre les mains du Nord, et pas entre les mains des PED.

Le Groupe des PMA n’a pas développé une position en tant que telle et il a fini par se rallier au groupe ACP- Afrique Caraïbe Pacifique – pour former une autre coalition spontanée, qui va se cristalliser à Cancun : le G90. Le Groupe va défendre l’élimination totale des subventions à l’exportation et des aides à la production, mais soutient le maintien des positions défensives pour la question de l’accès au marché. Il n’y aurait pas lieu de démanteler tous les droits de douanes et libéraliser tout l’accès au marché.

Initiative Coton : tardivement, alors que la Conférence est déjà enlisée, 4 Pays Africains déposent un projet de texte, “ Initiative sur le coton ”, en situation de quasi mono-exportation de coton, réclament le démantèlement des subventions au coton qu’appliquent les USA notamment, sur 4ans et réclament des compensations financières dans l’intervalle. L’initiative va connaître le même sort : un blocage en 2003.

Les négociations reprennent à Genève et elles vont déboucher sur un texte : Décision du CG du 1er

Août 2004, qui va relancer les négociations sur les 3 piliers. C’est sur cette base que de nouvelles offres vont être faites par l’OMC.

En Décembre 2005, la Conférence de Hong-Kong débouche sur un texte. La Déclaration de Hong Kong comporte un volet agriculture- §3 à 10. Mais, en réalité, ce texte témoigne très peu d’une avancée des négociations. L’avancée stratégique des subventions à l’exportation est d’une hypocrisie totale. On affirme un démantèlement en 2013, mais c’est en réalité un résultat qui aurait de toutes façons découler de l’accord sur l’agriculture pris en 1994 par les USA et l’UE.

En Juillet 2008, on a à nouveau un blocage, représentatif d’un malentendu fondamental entre les USA/UE et les grands émergeants (notamment l’Inde), sur ce que signifie le couple commerce-développement, lorsqu’on l’applique au domaine agricole. Ici, on cristallise un refus de compromis d’un

sens à donner sur ce couple. La thèse US serait de dire que si le commerce des produits agricoles doit être mis au service du développement économique, ça serait uniquement en jouant le jeu du libre échange (donc pilier accès au marché). La thèse de l’Inde est différente : si le commerce des produits agricoles doit être mis au service du développement, il faut permettre aux PED d’accéder aux marchés, contrôlés. L’opposition est très technique : le mécanisme de sauvegarde spéciale. L’Inde considère que les PED doivent pouvoir obtenir, dans le texte à adopter, la possibilité de faire jouer une clause de sauvegarde spéciale, que seuls les PED pourraient invoquer lorsqu’ils sont confrontés à une concurrence internationale non soutenable et qui provoquerait une baisse de prix des produits agricoles trop importante. Les USA ne toléraient pas ce mécanisme de façon aussi souple.

Aujourd’hui, les lignes n’ont pas vraiment bougées. L’année 2011 est importante car les négociations sont censées aboutir avant fin de l’année.

SECTION 2 – L’EXTENSION DES DISCIPLINES MULTILATÉRALES À DES SECTEURS NOUVEAUX

Les trois secteurs témoignent de l’évolution de l’économie et du commerce. Lorsque le GATT de 1947 est conclu, seul le commerce des marchandises est mentionné. On ne s’est pas intéressé à la manière dont les marchandises étaient produites ni aux corolaires (investissements, droits de propriété, etc.). En 1994, la donne change ; le commerce des services a pris une importance considérable et va donner lieu à des négociations et un accord : AGCS, Accord Général sur le Commerce des Services. Egalement, deux sujets sont pris en compte : ils rythment la production réalisée.

§1 – Les droits de propriété intellectuelle : l’accord sur les ADPIC

Le sujet des ADPIC est abordé en droit privé, et a été négocié sous la pression dans grands laboratoires pharmaceutiques. Le cœur de l’accord est donc basé sur les brevets.

A. La raison d’être de l’accord et les intérêts en présence

Il s’agit de comprendre le fondement économique des ADPIC. A la base de ce droit, on fait un constat  : lorsqu’une personne, physique ou morale, créé une œuvre ou invente un procédé industriel (molécule, etc.) cette activité intellectuelle suppose un effort, un talent, et aussi souvent un investissement important voire très coûteux. Par le même coup, cet effort doit être logiquement récompensé, qu’il soit rémunéré. Cette rémunération n’existe pas si l’œuvre créée ou le procédé inventé tombe immédiatement dans le domaine public pour faire l’objet d’une exploitation concurrentielle. Pour que la rémunération existe, le créateur-inventeur doit bénéficier d’un monopole d’exploitation de l’œuvre ou du procédé, d’un bénéfice économique. Le droit de la propriété intellectuelle assure à l’inventeur ce monopole.

On note que le monopole peut être soit temporaire (la logique des brevets, valables pour 10ans, 20ans, etc.), ou définitif (création d’une marque). De plus, ce monopole, sur le plan économique, a une finalité que de permettre la rémunération juste de l’effort fournit, et celle de maintenir le prix du bien, lié à l’invention ou à la création, à un niveau acceptable pour le consommateur (sans quoi il n’y aurait plus de marché). Enfin, pour que le monopole soit effectif, efficace, cela suppose que des procédures, des formalités soient mises en place pour que le monopole puisse être opposable aux tiers.

Dès lors, on constate une grande disparité Nord-Sud. Les législations des pays industrialisés sont très protectrices avec un droit de la propriété intellectuelle très efficace couvrant tous les secteurs  ; les

législations des PED sont soit très faiblement protectrices (beaucoup de dérogations) soit inexistantes. En même temps, un droit international de la propriété intellectuelle existe bien (OMPI, Organisation Mondiale pour la Propriété Intellectuelle - qui gère un certain nombre de conventions multilatérales), mais son efficacité n’est pas : les règles internationales souffrent d’un manque d’effectivité et sont peu nombreuses. Le droit international ne vient pas compenser les législations des PED.

En 1994, le droit de PPI entre dans le champ de compétence de l’OMC. On cite deux raisons à ce choix.

1) La part des marchandises, que les économistes qualifient de marchandises intensives en droit de PPI, a considérablement augmenté. Ce sont des biens dont le prix sur le marché découle, non pas des molécules-matériaux de fabrication, mais bien de la rémunération, des droits liés à la PPI (ex. médicaments).

2) Le commerce international des produits de contrefaçon est une réalité importante, qui renie le commerce de certains Etats, et qui pèsent sur le chiffre d’affaire d’un grand nombre d’opérateurs (produits de luxe). On les estime à 5% du commerce mondial en 1994.

Du point de vue diplomatique, les intérêts en jeu sont situés autour de deux coalitions importantes. D’un côté, une poignée de puissances commerciales (USA, Japon, CEE à l’époque) sont appuyés par les opérateurs économiques (industries pharmaceutiques, industries chimiques, industries du luxe et sociétés d’auteurs), s’opposent au monde en développement. La première coalition considère qu’une meilleure effectivité et protection de la PPI est indispensable pour renforcer les avantages comparatifs dans le commerce mondial, et accroître ainsi les revenus tirés de l’exportation des biens concernés. Les PED ont compris pour leur part que, si on définit des règles effectives en PPI, cela se traduira par un surcoût, un renchérissement de l’accès à la technologie (savoir-faire véhiculé par les brevets). Ils finissent quand même par se rallier, en espérant des concessions dans d’autres secteurs stratégiques : textiles et agriculture, sur la logique du compromis global, “ donnant-donnant ”.

B. Le contenu du Texte des ADPIC   : présentation générale

L’objet de l’accord sur les ADPIC est “ d’éviter que les droits de PPI et les règles applicables en la matières, ne constituent des obstacles au commerce légitime et éviter aussi le commerce des marchandises de contrefaçons ”. L’objectif est très général et l’accord est atypique. Il s’inspire de la technique des directives communautaires.

Il repose sur trois groupes de dispositions :

Les principes fondamentaux : principe de non-discrimination au cœur. Ici, on retrouve la non-discrimination du point de vue de la protection accordée d’une part aux titulaires de droits nationaux et aux titulaires de droits étrangers ; d’autre part, la protection accordée par l’Etat A détenteurs de droits dans son Etat et aux détenteurs de droits à tous les membres de l’OMC. De plus, la technique de transposition de l’accord nécessaire, obligatoire , dans le droit national. On va procéder par harmonisation des législations nationales, sur la base de l’accord, pour chacun des droits de PPI couverts. On va s’assurer par le jeu de l’obligation de transposer que tous les membres de l’OMC assurent une protection minimale aux droits dans le champ de l’accord.

5 sections correspondant chacune à un droit, un domaine de la PPI. Pour chacune, l’accord définit des règles ad hoc transposées dans les droits nationaux. Une section sur les brevets, sur les droits d’auteurs, les marques, sur les indications géographiques ou appellations d’origine (voulue par la CEE), et enfin, une section sur les dessins et modèles industriels. La section la plus développée concerne les brevets.

Dispositions classiques qui visent à assurer le suivi de l’accord . Cependant, ces mécanismes sont extrêmement détaillés (21 articles).

C. Les Brevets, section V de l’Accord ADPIC

Cette section a été portée véritablement par l’industrie pharmaceutique, et elle porte sur une question sensible. Les enjeux économiques et humains (santé publique) sont considérables et la problématique Nord-Sud est ici très caricaturale, en apparaissant ici de manière spectaculaire.

En 1994, 3 Etats se partagent 85% des brevets déposés dans le monde, toute rubrique confondue. On cite les USA, le Japon et la CEE. Aujourd’hui, ce taux est moins vraie: la recherche devient très concurrentielle dans les pays tels que l’Inde, la Chine. La recherche est très concentrée à l’époque entre ces trois entités. Les PED ne représentent que 3 % des dépenses budgétaires que les Etats consacrent à la recherche. Le savoir-faire est très concentré en Nord.

Dès lors, pour que les PED accèdent à ce savoir protégé par le brevet, on a deux solutions.

La 1ère est soutenue par le Droit International du Développement : la règle de droit international doit prendre en compte les inégalités de fait colossales entre les Etats pour les compenser. Elles doivent donc promouvoir les transferts de technologies de manière avantageuse pour les PED.

Cette conception conduit les PED à développer une stratégie double : les PED ont tenté d’imposer, dans le cadre des instances ONU, la négociation de codes de conduite applicables aux sociétés transnationales, qui imposent à ces opérateurs une obligation de transfert de technologie, en échange du droit de s’implanter sur le territoire des PED. De plus, ils se sont dotés de législations nationales qui combinent deux éléments : le droit national de la PPI dans les PED exclue d’abord du jeu de la protection des secteurs considérés comme stratégiques : santé, alimentation ; de plus, dans ces législations, on a institué des régimes de licences dites obligatoires. Cette technique juridique permet aux PED qui sont dotés d’une capacité industrielle (Inde, Brésil), d’autoriser la fabrication, sur le territoire de l’Etat, d’un produit breveté, sans le consentement du titulaire du brevet. C’est cette technique qui permet à l’Inde de devenir le 1er fabriquant au monde de médicaments génériques. Ces médicaments génériques, sous “ licences obligatoires ”, non sous brevets, sont beaucoup moins coûteux (jusqu’à 8 fois moins cher).

Le développement de courants d’échanges Sud-Sud devient très importants entre les Etats à licences-obligatoires et les PED-PMA sans capacité industrielle mais aux besoins énormes de médicaments (Inde – Afrique, Argentine ou Brésil – Etats latinos US).

Ce type de législation n’a pas été inventée par les PED. Les pays industrialisés, notamment la Suisse, se dotent de législations protectrices en matières de brevet que très tardivement (France 1958, Allemagne 1968, Suisse 1979). Avant, la pratique dans ces pays étaient les mêmes que dans les PED dotés des législations licences-obligatoires. Les Pays du Nord ont développé ces techniques et c’est ce qui leur a permis de développer leur industrie pharmaceutique et industrielle.

La 2ème solution consiste à privilégier la protection de la PPI avec une conséquence économique  : l’accès au savoir-faire n’est pas libre, il s’achète, et on privilégie la rémunération du détenteur du brevet.

L’accord ADPIC contraint les membres de l’OMC à assurer une protection minimale. L’article 27 prévoit qu’un brevet sera obtenu pour “ toutes les inventions de produits ou procédés dans tous les domaines technologiques ”. = champ large et peu de dérogations possibles. Dès lors, la technique des licences

§2 – Les investissements liés au commerce : l’accord sur les MIC (non traité)

§3 – Les services : l’AGCS

§4 – Les accords plurilatéraux (pour mémoire)

CHAPITRE 2 – Les outils juridiques de promotion des échanges de marchandises

Section 1 – La promotion du commerce par application du principe de non-discrimination

§1 – La non-discrimination entre partenaires commerciaux : la CNPF

§2 – La non discrimination entre produits : la clause du traitement national

Section 2 – La promotion du libre échange par l’encadrement des obstacles au commerce

§1 – L’objectif d’élimination des obstacles tarifaires

§2 – L’encadrement des obstacles non tarifaires

A. Interdiction des restrictions quantitatives aux échanges

B. Lutte contre les pratiques déloyales

a. Pratiques déloyales des entreprises : dumping

b. Pratiques déloyales des Etats : subventions

C. Autre obstacles non tarifaires

Section 3 – La promotion du commerce par l’encadrement des exceptions

§1 – Exceptions générales et spécifiques

§2 – Dérogations

§3 – Sauvegardes