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Maria desleta

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on lui a mis notre sommaire devant les yeux.

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on lui a mis notre sommaire devant les yeux.

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JuSqu’ou aller pour ton Job

Coucher, mentir, trahir, et même...bosser. Vous êtes

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Petit précis de psychologie de chiottes. Parce qu’on ne

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_8JusQuE

ou AllEr

pour ton

Job?

affronter un tyranPendant huit ans, Emmanuelle, consultante dans un cabinet de conseil, a supporté un boss colérique, agressif, autoritaire et volontiers grossier envers ses employés. Beaucoup ont quitté le navire, lassés de ses sautes d’humeur. «Même les clients ont parfois peur de lui» glisse Emmanuelle. Elle veut que ça cesse, mais elle est pétrifiée à l’idée de lui dire ses quatres vérités. Avec un analyste, elle participe Pendant huit ans, Emmanuelle, consultante dans un cabinet de conseil, a supporté un boss colé-rique, agressif, autoritaire et volontiers grossier envers ses employés. Beaucoup ont quitté le navire, lassés de ses sautes d’humeur. «Même les clients ont parfois peur de lui» glisse Emmanuelle. Elle veut que ça cesse, mais elle est pétrifiée à l’idée de lui dire ses quatres vérités. Avec un analyste, elle participe alors à des s»ances de coaching. Pendant huit ans, Emmanuelle, consultante dans un cabinet de conseil, a supporté un boss colérique, ade coaching. alors à des séances de coaching pour répéter l’entretien qui décidera de sn avenir: soit elle arrange les choses avec ce pa-tron irascible mais malgré tout compétent, soit elle met les voiles. Trois mois à défi-nir une stratégie pour maîtriser ses émotions et être au top le jour J. Le tout avec un accompagnement tendance ad hoc: massage, ostéopathie et autres manipulations de fluides corporels. Enfin zen, Emmanuelle convoque son boss: «il faut qu’on parle». Rien de bien croustillant dans la confrontation, un simple dialogue sur ce qui va et ne va pas, chose pourtant impossible durant ces huit ans. Depuis ces quelques minutes d’explication le patron est presque sympa.

notre expert: marie pezé, psychanalyste et docteur en psychologie, 63 ans, spécialiste de la souffrance du travail.Emmanuelle à bien fait de demander une aide psycholo-gique, mais le travailleur doit surtout s’informer sur ses droits et graver dans son esprit l’article L4121-1 du Code du travail, qui stipule ceci: «L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécu-rité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs».

riSquer ma vie«L’Afrique me faisait rêver depuis tout petit: l’aventure, les grands espaces... Quand ma boite m’a parlé d’un poste en Angola, j’ai signé les yeux fermés. J’ai vite déchanté. Comme tous les expats, je vivais dans un compound ultrasécurisé dont je ne sortais que pour aller au travail, sous escorte. Une fois, je me suis fait dépouiller sur un marché, une autre fois braquer en voiture. J’avais peur du racket et des enlèvements, j’étais sans cesse sur le qui-vive. J’ai tenu deux ans parce que mon boulot était inté-ressant et que, entre mon salaire et les primes de risques et de mobilité, je gagnais 75000 euros par an. De retour à Marseille, j’ai pu m’acheter un appartement et j’ai trouvé un travail tranquille. Nicolas, 29 ans, Marseille).

notre expert: roméo langlois, 34 ans, grand reporter, ex-otage des farc en Colombie.«La vie d’un expat est à l’opposé de celle d’un cor-respondant à l’étranger: L’expat est envoyé par son entreprise, qui assure sa sécurité dans un pays à risque, le correspondant lui va à la rencontre du pays. Il faut être vigilant mais ne pas tomber dans la paranoïa.

sE trAVEstir, sE dépAssEr ou rEstEr soi-mêmE... 16 ExpériEnCEs VéCuEs dAns lE mondE du trAVAil,, CommEntéEs pAr dEs spéCiA-

listEs inAttEndus, Vous AidEnt à trouVEr Vos limitEs

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_Un article de MaUde Paterson / crédits Photos saMUel son, caMille JP.

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CouCherA 21 ans, Sybille décide de se lancer dans des études de médecine. Problème: la prépa coûte cher. Pour s’en sortir, elle s’engage sur le chemin périlleux des petits boulots. «Je finis par trouver un plan qui me convient parfaitement: faire le service dans les mariages. 200 euros par weekend pour une seule nuit de travail. Le premier soir, je suis en binôme avec un jeune homme de 28 ans,. Il me confie que le responsable me fait tra-vailler en même temps qu’une autre fille et qu’il choisira la meilleur pour bosser régulièrement. Coup de mas-sure. Mais je n’ai pas le choix: il me faut ce boulot. Je lui demande: «comment tu sais?» Réponse: «C’est mon frère». L’idée me traverse alors l’esprit de le séduire pour qu’il fasse pencher la balance en ma faveur. Je lui fais de grands sourires pendant la soirée, tout en es-saunt de m’appliquer au boulot. Trois heures du matin, le service se calme, il m’invite à faire une pause clope en tête à tête. Bingo. Il me trouve sympa. Je suis ravie. Il fait froid, on grimpe dans sa voiture et il me dit «tu sais si tu as vraiment envie de bosser on peut toujours s’arran-ger». Tout va très vite, au moment de me rahbiller je me sens aussi sale que forte, au final, j’ai décroché le job. Est-ce que je regrette, oui et non. Ce job j’en avais be-soin mais ça a révélé mon manque de confiance en moi.

Changer de nomEn 2004, Akim décroche un job de courtier en place-ments financiers. Les premiers mois, il doit se consti-tuer une clientèle en prenant des rendez-vous par téléphone. Il se rend vite compte que quelque chose cloche: «Mon nom, Mon nom arane gêne les clients. J’ai beau avoir un très bon contact avec eux, je sens que ça les empêche d’aller plus loin. Je mets un peu de temps à accepter cette réalité, mais ça devient flagrant: je ne décroche des rendez-vous qu’avez des clients maghré-bins! Je finis par en parler à un collège tunisien qui me demande d’emblée: «Tu n’as pas changé de nom?». Lui travaille depuis longtemps avec un nom d’emprunt. J’en parle à mon responsable, très au fait de cette problè-matique, qui m’apporte son soutien. Ensemble, on réfléchit à un nouveau nom, quelque chose qui sonne français, sans en faire trop. C’est comme ça que je deviens Philippe Monier. L’effet est immédiat; J’obtiens quatre fois plus de rendez-vous. Les réactions sont par-fois délicates dans mon entourage, notamment du côté de mes parents, qui peinent à comprendre. Mais pour moi, c’est très simple, je contourne un obstacle. Ce nom d’emprunt, il n’a pas plus d’importance que le cos-tume que je porte. Il m’aide lors du premier contact, après il s’éfface. Mes clients réguliers connaissent mon vrai nom. C’est triste de constater que la société fran-çaise en est encore à ce genre de préjugé.

me trahirCharlotte est une socialiste convaincue, encartée PS depuis plus de dix ans. Mais en 2008, cette brillante économiste reçoit une proposition étonnante: une place dans un cabinet ministériel du gouvernement Fillon! C’est le début d’une aventure schizophrénique: «Au départ, ça me semble impensable, mais je décide tout de même de rencontre les membres du cabnet. C’est très impressionnant, une ruche foisonnante ou s’affairent des trentenaires dynamiques. On me parle du poste: passionnant! L’attrait du job et la possibilité de booster ma carrière sont trop forts: j’accepte. Je deviens donc conseillère technique, ce qui à son im-portance puisque à cet instant je me considère comme une technicienne qui met son travail au service de l’in-

térêt général et non pas d’un gouvernement. Au début, ça se passe bien: mon travail est apprécié, c’est exaltant.

Seul souci: la machine à café. Tout le monde parle po-litique, j’ai du mal à tisser des liens. j’évite aussi les dé-jeuners: impossible d’argumenter face à une table de dix personnes. Et puis le boulot change de nature, on me demande de préparer des «éléments de langage» pour le ministre. Je dois défence des mesures qui vont à l’encontre de mes convictions! Je finis par quitter le ca-binet, l’expérience a été riche. Mais si on me faisait au-jourd’hui la même proposition je refuserais. Charlotte, 30 ans, Paris.

virer un ami«Nous sommes une dizaine autour de la table. Le bureau de l’association au grand compet. Les re-gards se tournent vers moi, le trésorier. J’ai la gorge un peu sèche mais je me lance... Depuis quelques semaines, l’ambiance s’est tendue dans notre bande de potes, enseignants et journalistes. Tous béné-voles, à part deux salariés permanents. Nous suons sang et eau le soir, après nos boulots respectifs, pour terminer un livre collectif, fruit de nos re-cherches. L’éditeur s’impatiente. Albert, un de des deux permanents devait coordonner l’ouvrage et s’était attribué l’essentiel de la rédaction. Mais il n’a rien foutu et, quand on s’en est rendu compte, tous les bénévoles ont dû enchainent les nuits blanches pour combler ses manques. Naturellement beau parleur, Albert a cette fois compromis un dossier vital pour l’association. Alors le bureau à décidé de le licencier Problème: c’est un pote. Aussi on m’a demandé à moi, le benjamin, de lui annoncer. Je le regarde dans les yeux, lui débite sans ciller l’acte d’accusion et prononce la sentence. Philippe, 49 ans, Montmorency.

travaillerP«  Sur mon contrat, je suis à 37,5 heures par se-maine. En réalité, je travaille six jours sur sept, de 10h à 21h30 minimum. J’enchaîne régulièrement plusieurs nuits blanches pour boucler un projet dans mon cabi-net d’architectes. Moi qui suis une grosse dormeuse, je repousse sans cesse mes limites. Le café aidant, j’ai découvert que j’étais plus efficace en pleine nuit. En juin, j’ai bossé tous les jours non-stop, weekend inclus, car j’avais 3 projets à rendre, en plus du suivi quo-tidien de deux chantiers. A la fin, j’étais une loque. Mon patron ne m’a donné que cinq jours de ré-cup’. Impossible d’en demander plus dans une petite agence. L’argent n’est pas ce qui me motive. Je gagne 2 200 euros net par mois, quoi qu’il arrive. Je m’ac-croche car mon patron m’accorde une liberté totale: je gère tout de A à Z. J’emmagasine de l’expérience pour plus tard. J’ai un objectif: monter ma propre agence avec mes 30 ans. » (Cécile, 28 ans, Montreuil)

notre expert: aurélie boullet, 33 ans, alias zoé Shépard, auteure de ta carrière est fi-nie! et du best seller absolument dé-bor-dée! (éd. albin michel) « Cécile a l’air passionnée: c’est génial, mais je m’inquiète pour sa santé. Elle devrait s’économiser, sinon elle va s’épuiser à vivre à une telle cadence. Elle n’est pas loin du burn-out. Il faut trouver un juste milieu. Ne rien faire peut être aussi mauvais. Moi, j’ai

vécu le « bore-out » quand j’ai été placardisée. On pointe, dans la fonction publique. Je venais au bureau de 8h30 à 17h, mais on ne me donnait rien à faire. J’étais évincée de réunions, il y avait un cordon sanitaire autour de moi. Pour que mon cerveau ne s’atro-phie pas complètement, j’ai lu des quantités de rapports de droit et d’économie, en attendant de trou-ver un autre poste. »

me Soumettre«  Prévoyez-vous d’avoir des enfants d’ici à cinq ans? » « Que pensez-vous des 35 heures? » « Etes vous fumeuse? » Pendant l’entretien, les questions étaient tellement bizarres qu’Elisa a senti que ça ne tournait pas rond dans cette boîte de traduction. « La cigarette, j’ai compris plus tard que c’était pour savoir si on ferait des pauses. Mais voilà, je sortais de mon école de traduction et il me fallait une ex-périence sur mon CV. Alors j’ai pris sur moi. » Le règlement intérieur est « ubuesque »: interdiction de parler avec ses collègues (ils communiquaient par Post-it!), tous les mails relus par son supérieur, interdiction d’avoir son téléphone portable allumé... « Régulièrement, le patron s’asseyait derrière moi et me disait: «  Vous avez l’impression d’être efficace, là? » Un jour, une collègue ramasse ses affaires alors qu’il n’est que 11 heures. Elisa lui chuchote: « Tu vas où? » Elle lui répond (en chuchotant aussi): « Je suis virée mais je n’ai pas le droit de le dire. » Délirant. «  J’ai découvert toute la puissance du harcèlement. On suivait tous comme des moutons, moi la pre-mière alors que je suis plutôt grande gueule. Avec ce job, j’ai appris à me taire et qu’il fallait s’attendre à tout dans le travail.  » (Elisa, 31 ans, Barcelone) notre expert: Claude de Scoraille, 49 ans, psycho-thérapeute à la Clinique du travailler« Les premières questions en disent long: le recruteur cherche des profils soumis. Il est dans le tout-contrôle. Face à un patron harce-leur, se taire n’est pas la bonne tactique. Se rebeller non plus! Il faut être plus stratégique: tuer le serpent avec son propre venin. Il faut recréer le ralation. Elisa aurait pu répondre: « Je vous re-mercie de votre attention. Je sais que tout ce que vous faites, c’est pour que les choses aillent bien. Surtout, dites-moi si quelque chose ne vous convient pas dans mon tra-vail. » Il faut sur-solliciter son retour, jusqu’à faire volontaire-ment des petites erreurs. Le har-celeurs sera déstabilisé et n’aura plus de plaisir à harceler. »

blufferP« A l’époque, j’avais faim et je prenais tous les pe-tits boulots. » C’était il y a dix ans, Justine écumait les agences d’hôtesses et de street marketing. « Vous sa-vez faire du roller? » « Oui, bien sûr » Franchement, elle m’aurait dit « Vous savez faire du parapente? » j’aurais dit oui avec la même assurance. C’est sorti

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tout seul. Il me fallait ce job, je verrais plus tard pour les détails techniques.  » Evidemment, Justine NE SAIT PAS faire du roller. L’agence la rappelle pour une mission de tractage sur rou-lettes devant Monoprix d’Issy-les-Moulineaux, en banlieue parisienne. « Le jour J à 7 heures du mat dans ma grosse doudoune blanche Monoprix, je faisais pas la maligne. » Les fesses en arrière, les jambes écartées et fléchies au maximum pour être le plus près du sol, Justine s’accroche aux lampadaires, aux poteaux, aux passants... « Mes collègues hallucinaient, j’étais dans un état de polio attitude. Finalement, c’est devenu un jeu avec les passants qui avaient pitier de moi et prenaient mes flyers. Comme quoi ça valait le coup, on trouve toujours une solution pour rebondir. » (Justine, 31 ans, Paris) notre expert: elky, 31 ans, champion de poker, n°1 français « Pour bluffer, il faut avoir confiance en soi et le jouer à fond. Sinon, c’est vrai-ment ridicule. Au poker, c’est une des qualités essentielles pour gagner. Tout l’art réside dans le regard. Des yeux qui roulent, qui regardent vers le bas ou qui brillent un peu trop et vous êtes cuit. L’idéal, c’est de porter des lunettes de soleil, et surtout il ne faut pas trop réfléchir. Au poker, pour progresser, on filme les parties puis on regarde si notre visage reste impassible, si on ne casse pas la routine des gestes quand on a une bonne main. »

me battreChristine, c’est le cauchemar des patrons. Une salariés modèle d’une agence de com-munication à Nice qui vire au bouledogue à la moindre injustice. «  Je fais bien mon bou-lot, mais faut pas m’chercher. » A 25 ans, elle remet à sa place un patron autoritaire qui l’accuse injustement d’avoir manqué une com-mande: « Si j’étais un mec, je vous casserais la gueule. » « Il m’a répondu par un petit sourire, j’avais gagné son respect. J’ai compris qu’avec ce genre de patron, il fallait rendre coup pour coup. » Depuis, Christine enchaîne. « La hié-rarchie ne m’a jamais pétrifiée. Je considère que l’autre est un adulte avec qui on doit pou-voir discuter. Je ne suis pas du genre à baisser la tête, c’est une question d’estime de soi. » Dernier combat en date: il y a un an, elle frôle le licenciement. «  Je sui arrivée au bureau en fin de matinée pour rattraper ma nuit passée chez un imprimeur. » Christine est convoquée par le patron, sermonnée, elle s’énerve, se dé-fend... l’affaire tourne au vinaigre: mise à pied pour «  insubordination »! « C’était tellement injuste! Il fallait réagir, l’étape suivante, c’était son licenciement. » Avocat, échanges de lettres recommandées, Christine se tient à carreau pendant trois mois. Résultat: la mise à pied est levée et Christine a été augmentée à la fin de

nos experts: marc blanc, 58 ans, ancien secre-taire fédéral de la Cfdt chez total « Christine a le sens des responsabilités. Quand on est irréprochable, on a toute la légitimité pour se faire respecter. C’est plus une question de personnalité que d’âge. Et heureusement! Avec la pression du chômage, nombre de salariés préfèrent cour-ber l’échine plutôt que de se faire remarquer pour obtenir gain de cause. C’est dommage. Les hiérarchies sont aussi en attente de ça. » Sophie M., 32 ans, responsable RH depuis huit ans dans le secteur de l’assurance « Effectivement, si un salarié est performant, il est plus légitime et peut poser ses conditions. Mais dans le cadre du travail, se lâcher à ce point-là est à double tran-chant. Il faut défendre ses valeurs, certes, mais ça reste le milieu professionnel, on ne joue pas sa vie. Dans le cas de Christine, j’analyse son augmentation comme un message déguisé de ses patrons pour qu’elle se calme. »

me faire inSulter« En cuisine, on n’est pas des tendres. La ma-nière dont on se parle peut choquer. C’est très sec, pas de s’il vous plaît », c’est l’efficacité qui prime. » David, 26 ans, a fait ses classes dans un restaurant haut gamme à Lyon, avant de monter en grade pour devenir chef des en-trées. Les « putains mais tu te branles?!!! » (sic) sont légion. Pour une botte d’asperges man-quante, David a déjà vu son chef piquer une colère noire, taper de toutes ses forces sur son plan de travail et lui hurler de rage: « T’es vrai-ment trop con! » « Evidemment, ce sont des rapports infantilisants, et c’est humiliant de se faire reprendre devant ses collègues. Au début, je me justifiait pour tout je bouillonnais. Puis j’ai compris qu’il valait mieux acquiescer, car ce qui compte c’est que le problème soit réglé. Avec le temps, je trouve que c’est justifié. C’est un métier où il faut savoir résister à la pression, et les gens sur qui on gueule moins... ils bossent moins bien. Ce sont les codes de ce milieu, je n’accepterais pas qu’on me parle comme ça dans la vie. » (David, 26 ans, Lyon)

notre expert: michel C., 53 ans, général dans l’armée française, en activité « Ca ne me choque pas que l’on puisse avoir un langage plus vif au moment du coup de feu. Comme dans l’armée, on va pous-ser les jeunes recrues dans leur retranchements pour les aguerrir. L’humiliation n’est pas une méthode en soi. Mais en

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cuisine, comme dans l’armée, chacun doit jouer sa partition au moment de passer à l’action. Celui qui se trompe se fait engueuler et passe pour un peintre après des autres. C’est la règle. »

tout remettre en Jeu«  J’ai quitté mon job et mon petit confort pour créer ma boîte il y a quelques mois.  » Tamia, 31 ans, tient sur ses genoux le fruit de tous ses efforts: la Thé Box, des coffrets de thés vendus depuis cet été par abonnement. Avant, elle était urbaniste dans le secteur public. « J’ai eu envie de nouveauté, de travailler sur un projet concret, rapide. » Avec Julia, son associée, elles décident de se lancer: « En une semaine, on avait posé les bases du concept et choisi d’engager une bonne partie de nos éco-nomies » Mais l’indépendance a un prix: se jeter dans l’inconnu de la création d’entreprise, ne pas se payer la première année et prendre le risque de la faillite. « Avec ce projet, on s’expose personnel-lement. En cas d’échec, notre déception serait im-mense. » (Tamia, 31 ans, Paris)

notre expert: baptiste, 30 ans, trader dans une grande banque française « Si on ne prend aucun risque, on ne peut pas gagner d’argent. Mais Tamia prend bien plus de risques qu’un trader. Pour la majori-té d’entre nous, le job consiste justement à les maîtriser. Moi, si je fais des erreurs, je ne perds pas mon job. Tamia, elle, a engagé son capital personnel, n’a pas de salaire et n’a plus le cadre sécu-risant de l’entreprise. Après, il existe un infime minorité e traders seniors qui jouent avec les fonds propres de la banque (comme Jérôme Kerviel). Ceux-là prennent vraiment des risques »

mariner deux anSPSi aux JO il y avait une épreuve du recrutement le plus long. Alessandro pourrait prétendre au po-dium: deux ans d’entretiens, de tests, de mises en situation, de contre-entretiens, de stages de sélec-tion et d’entretiens de confirmation pour intégrer un cabinet d’avocats à Londres. Une machine de guerre, à tel point qu’on se demande si ce n’est pas le plus endurant qui décrochera la médaille. «  Je me suis battu jusqu’au bout parce que ce job, c’est mon assurance-vie. J’aurai toujours cette expé-rience pour retomber sur mes pattes. » Alessandra a 27 ans et cela fait près de dix ans qu’il se pré-pare. La bonne université, le meilleur classement, une dizaine de stages, le réseautage dans les confé-rences internationales... «  Pendant les entretiens, les recruteurs m’ont demandé de leur vendre des baguettes chinoises équipées d’un ventilateur ou encore ce que je pensais de la crise des subprimes. En deux ans, il faut rester motivé et entraîné à ce genre de questions pour répondre du tac au tac. Et en dehors des phases de sélection, on est censé « s’occuper » comme on peut. » L’ultime test de motivation? (Alessandro, 27 ans, Londres)

notre expert: yoann huget, 25 anS, rug-byman au Stade toulouSain et ailier du xv de franCe « Dans se tels processus de selec-tion, il faut beaucoup d’humilité et de l’acharnement. C’est ce qu’at-tendent entraîneurs et recruteurs. A chaque étape pour Alessandro, comme à chaque match pour moi, il faut se remettre en question, tenter de s’améliorer pour tendre vers l’excellence. On tient sur la longueur en se dopant à l’esprit de compétition. A chaque fois, il faut repartir sur le terrain en essayant d’être le meilleur. »

me faire arnaquer

Ophélie avait pourtant senti l’entourloupe. La pre-mière année de son contrat dans une atelier de bijoux fantaisie se passe bien. Puis la situation se détériore, les payes arrivent de plus en plus tard et les derniers salaires ne sont pas versés. Ophélie ré-clame, sa boss la balade. Pour ses proches, elle oit partir. Problème: elle aime travailler. Créer des bi-joux, c’est son truc. « J’étais très investie. Et ça me faisait de l’expérience. » Alors elle joue le jeu. Mais toujours pas de chèque. Elle quitte la boîte sans avoir touché ses deux derniers mois, ses heures sup’ et son solde de tout compte. Dans cette affaire, elle a aussi perdu de la confiance en soi. « C’est comme si je n’avais pas été reconnue dans mon travail, du coup je doutais de mes compétences. » Ophélie a fini par attaquer aux prud’hommes et a récupéré les salaires manquants. « Cela m’a rendu la reconnaissance que je n’avais pas eue, mon travail retrouvait sa valeur. » (Ophélie, 27 ans, Paris) •

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Ophélie avait pourtant senti l’entourloupe. La pre-mière année de son contrat dans une atelier de bijoux fantaisie se passe bien. Puis la situation se détériore, les payes arrivent de plus en plus tard et les derniers salaires ne sont pas versés. Ophélie ré-clame, sa boss la balade. Pour ses proches, elle oit partir. Problème: elle aime travailler. Créer des bi-joux, c’est son truc. « J’étais très investie. Et ça me faisait de l’expérience. » Alors elle joue le jeu. Mais toujours pas de chèque. Elle quitte la boîte sans avoir touché ses deux derniers mois, ses heures sup’ et son solde de tout compte. Dans cette affaire, elle a aussi perdu de la confiance en soi. « C’est comme si je n’avais pas été reconnue dans mon travail, du coup je doutais de mes compétences. » Ophélie a fini par attaquer aux prud’hommes et a récupéré les salaires manquants. « Cela m’a rendu la reconnaissance que je n’avais pas eue, mon travail retrouvait sa valeur. » (Ophélie, 27 ans, Paris) •

dE

lA

to

ux

fo

rC

éE

à l

A C

uV

Et

tE

tA

pis

séE

dE

pA

piE

r, C

’Est

fo

u l

Es

tr

éso

rs

d’im

Ag

inA

tio

n Q

uE

l’o

n p

Eu

t d

ép

lo

yE

r p

ou

r s

E s

En

tir

à

l’A

isE

Au

x V

éC

és.

Moi

, c’e

st la

peu

r de

dér

ange

r le

s au

tres

qui

m’a

am

ené

à dé

velo

pper

ma

tech

niqu

e, c

onfe

sse

Bert

rand

, 27

ans.

Les

odeu

rs s

ont

sa h

antis

es. S

urto

ut lo

rsqu

’il es

t au

tra

-va

l. D

epui

s tr

ois

ans,

il bo

sse

dans

un

bure

ay d

’ingé

nieu

ss

à M

ontp

ellie

r: «

Je t

e la

isse

imag

iner

l’am

bian

ce...

pas

très

tend

ue.»

exp

lique

t-il

en fa

isant

la m

oue.

Pas

de

chan

ce,

les

toile

ttes

son

t sit

uées

just

e à

côté

de

la p

hoto

copi

euse

. Le

lieu

priv

ilégi

é de

disc

usss

ion.

Et B

ertr

and,

pou

r co

urro

-ne

r le

tout

, sou

ffre

de p

robl

èmes

de

dige

stio

n.

« J’a

i tou

t te

sté:

les

allu

met

tes,

l’aér

osol

, ava

nt, a

près

, rie

n ne

mar

che.

» Ju

squ’

à la

déc

ouve

rte,

il y

a q

uelq

ues

moi

s, de

la fo

rmul

e id

éale

. Je

m’a

ssoi

s su

r la

cuv

ette

de

sort

e à

la c

ouvr

ir in

tégr

alem

ent

et j’

envo

ie u

n ps

chiit

de

déso

do-

risan

t ent

re le

s jam

bes »

. « L

a co

mpr

essio

n re

lativ

e de

l’ai

r en

tre

les f

essu

s et l

e fo

nd d

e la

cuv

ete

perm

et a

ux b

onne

s od

eurs

d’é

touff

er u

n pe

u le

s m

auva

ises

». S

a te

chni

que,

Be

rtra

nd lu

i a m

ême

donn

é un

nom

: la

coc

otte

-min

ute.

Il

n’es

t pa

s le

seu

l à s

avoi

r pa

ssé

lusie

urs

anné

es à

dév

elop

-pe

r de

s st

raté

gies

pou

r qu

e le

s lie

ux d

’aisa

nces

le r

este

vr

aim

ent.

Laet

itia,

25

ans,

adm

et q

ue s

on s

ubte

rfug

e «

n’es

t pa

s pr

atiq

ue »

. Il e

st v

rai q

ue l’

obje

ctif

avou

é es

t am

bitie

ux:

Faire

mes

bes

oins

loin

de

tout

e pe

rson

ne s

usce

ptib

le d

e m

e co

nnaî

tre.

Rie

n qu

e ça

. Mai

s pa

s qu

estio

n d’

alle

r au

fin

fond

des

boi

s, la

etiti

a ai

me

trop

le c

onfo

rt. L

orsq

u’el

le

part

en

vaca

nces

ave

c de

s am

is «

mom

ent t

rès

com

pliq

», e

lle a

rpen

te le

s en

viro

ns a

vec

un s

eul o

bjec

tif e

n tê

te

: rep

éré

les

bars

du

coin

peu

fré

quen

té. «

Cer

te je

me

com

pliq

ue la

vie

, mai

s l’id

ée m

ême

qu’o

n pu

isse

me

voir

sur

le tr

ône

me

dégo

ute.

..».

Nad

ège,

25

ans,

sem

ble

part

ager

ce

sent

imen

t. D

epui

s un

an,

elle

tra

vaill

e da

ns u

ne b

oite

d’é

ditio

n à

Toul

ouse

. A

vant

cha

que

pass

age

aux

cabi

nets

, la

mêm

e qu

estio

n se

po

se: «

Vais-

je fi

nir

dans

le n

oir

? ».

Car

Nad

_ge

est

une

adpe

te d

e la

tec

hniq

ue d

u fa

ntôm

e, d

ès q

ue q

uelq

u’un

re

ntre

dan

s le

s to

ilett

es d

’à c

ôté

j’arr

ête

de r

espi

rer.

Si

la lu

miè

re s

’éte

int

tant

pis.

il fa

udra

con

tinue

r sa

ns. «

Ce

qui a

rriv

e qu

asim

ent à

cha

que

fois,

l’av

anta

ge c

’est

que

les

gens

cro

ient

que

le c

abin

et e

st h

ors-

serv

ice,

et

finiss

ent

par

en c

herc

her

un a

utre

. L’

inco

nvén

ient

c’e

st q

u’on

pe

ut r

este

r tr

ès lo

ngte

mps

.» S

on r

ecor

d es

t de

une

de-

mi-h

eure

. Pou

rquo

i un

tel l

uxe

de p

réca

utio

ns p

our

ten-

ter

de d

issim

uler

nos

bes

oins

nat

urel

s? E

xcès

de

pudi

bon-

derie

? Hyg

iéni

sme

path

olog

ique

? Les

rai

sons

son

t sou

vent

ps

ycho

logi

ques

ana

lyse

Dom

iniq

ue M

azin

, psy

chol

ogue

. D

e no

mbr

eux

adul

tes

oubl

ient

que

leur

déf

écat

ion

n’in

-té

ress

e pe

rson

ne. I

ls m

onte

nt d

es s

trat

agèm

es p

our

ne

pas

être

ent

endu

s, al

ors

que

tout

le m

onde

s’e

n fo

ut !

Et il

fa

ut r

etou

rner

l’âg

e de

l’ap

pren

tissa

ge d

e la

pro

pret

é po

ur

trou

ver

l’exp

licat

ion

de c

ette

lubi

e. C

’est

la r

emiè

re fo

is qu

e le

par

ent

dit

ouve

rtem

ent

ce q

ui e

st b

ien

et m

al :

dans

le p

ot c

’est

bie

n, à

côt

é c’

est

mal

. et

visib

lem

ent,

les

appl

audi

ssem

ents

au

moi

ndre

plo

uf r

este

nt d

ans

un c

oin

de l’

inco

nsci

ent.

Les

adul

tes

sont

per

suad

és q

ue le

mon

de

entie

r es

t obn

ubilé

par

leur

pro

duct

ion.

.. co

mm

e l’é

taie

nt

leur

s pa

rent

s.

A c

ette

obs

essio

n s’a

jout

e la

not

ion

d’in

timité

, dév

elop

pée

à pa

rtir

du X

VIe

siè

cle.

Jusq

ue là

, c’e

st la

rue

qui

tien

t lie

u de

cab

inet

. Hon

te e

t pud

eur

ne s

ont p

as d

e m

ise. E

t voi

que

les

bour

geoi

s au

nez

dél

icat

som

men

t la

pop

ulat

ion

de c

onfin

er le

s m

auva

ises

odeu

rs, c

omm

e le

rap

pelle

l’hi

s-to

rien

Roge

r-H

enri

Gue

rran

d. D

epui

s il

est

bon

ton

de

faire

ses

bes

oins

seu

l. Lo

in d

u re

gard

des

aut

res.

Car

ce

qui i

nqui

ète

les

obse

ssio

nnel

s du

col

on, c

’est

bie

n la

peu

r d’

être

sur

pris

en t

rain

d’e

ffect

uer

cett

e ba

sique

bes

ogne

. A

lors

il fa

ut s

e cr

euse

r la

tête

. Jus

qu’à

l’ex

trêm

e.

Pour

Mar

iann

e, 3

3 an

s, le

s en

nuis

ont

com

men

cé le

jour

ou

elle

a d

émar

ré u

n no

uvea

u bo

ulot

. Au

mêm

e m

omen

t, el

le s

’inta

llait

avec

son

nou

veau

cop

ain.

Alle

r au

x to

ilett

tes

le m

atin

? Pa

s qu

estio

n. E

lles

étai

ent

collé

es a

u m

ur d

e la

ch

ambr

e. Q

uant

à c

elle

du

taf,

impo

ssib

le :

plan

tées

au

mi-

lieu

de l’

open

spac

e. O

n en

tend

ait l

es m

ouch

es v

oler

, alo

rs

pend

ant u

n an

, tou

s le

s m

idis,

Mar

iann

e re

ntre

che

lle e

lle,

just

e po

ur a

ller

aux

WC

, le

truc

idio

t, j’a

vais

huit

stat

ions

de

mét

ro, l

e te

mps

d’a

rriv

er e

t de

m’e

xécu

ter,

je d

evai

s re

part

ir po

ur n

e pa

s êt

re e

n re

tard

. Rés

ulta

t, M

aria

nne

aval

e to

us l

es j

ours

des

san

dwic

hs,

et s

es c

ollè

gues

fi-

niss

ent p

ar la

pre

ndre

pou

r un

e sn

ob.

Pour

éva

luer

la s

ituat

ion

et t

rouv

er u

ne s

olut

ion,

il a

ura

suffi

de

troi

s co

ups

d’oe

il à

Soph

ie, 2

4 an

s, le

pre

mie

r jo

ur d

ans

sa n

ouve

lle e

ntre

prise

, une

ban

que.

Con

stat

1: t

ous

ses

colla

bora

teur

s so

nt m

ascu

lins,

rien

de p

ire

pour

me

bloq

uer.

Deu

xièm

e co

nsta

t, le

s to

ilett

es jo

uxte

nt

la c

uisin

e, là

ou

tout

le m

onde

pre

nd s

on c

afé

et d

iscut

e.

Mai

s sip

hie

sain

t com

men

t mar

che

une

banq

ue, l

e m

atin

je

cons

ulte

en

ligne

l’ag

enda

de

mes

col

lègu

es. I

l suffi

t de

re-

pére

r la

dem

i-heu

re o

u ils

son

t tou

s en

ren

dez-

vous

pou

r fil

er a

ux t

oile

ttes

. Par

fois

c’es

t di

ffici

le d

e se

ret

enir

alor

s je

pre

nds

un c

ompr

imé

d’im

mod

ium

et

ça p

asse

. Mai

s ça

rev

iend

ra. L

a co

nstip

atio

n ex

cess

ive

et la

ret

enue

des

se

lles

peuv

ent

entr

aine

r de

s ca

s d’

enco

prés

ie, c

’est

à d

ire

des

fuite

s de

mat

ière

s.

La p

ress

ion

des

cabi

nets

d’a

isanc

es s

erai

t-el

le p

lus

fort

e su

r la

gen

t fé

min

ine?

83%

de

nos

conc

itoye

ns n

e se

se

nten

t pa

s pr

opre

s ap

rès

leur

pas

sage

aux

toi

lett

es. E

t la

ne s’

acco

rde

auss

i au

mas

culin

. Mal

gré

ses e

ffort

s , Ju

lien,

25

ans

, a to

ujou

rs d

étes

té c

e m

omen

t. Su

rtou

t les

ode

urs.

Pour

évi

ter

les

désa

grém

ents

olfa

ctifs

, il t

ire la

cha

sse

en

plei

n m

ilieu.

Julie

n n’

a rie

n in

vent

é. R

ien

d’ét

onna

nt d

ans

la c

ultu

re ja

pona

ise, 1

400

mot

s ou

expr

essio

ns p

our

évoa

-qu

er le

s to

ilett

es. C

hez

les

nipp

ons,

le g

agde

t qu

i por

te

le n

om O

tohi

mie

, rep

rodu

it le

bru

it de

la c

hass

e d’

eau.

Fu

tile?

Il p

erm

et d

’éco

nom

iser

jusq

u’à

20 li

tres

d’e

au p

ar

utilis

atio

n, g

aspi

llé p

our

faire

offi

ce d

e ca

mou

flage

son

or •

na

M JU

li_

JOU

RN

ALI

STE

NEO

N

_Un

ar

tic

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e M

aU

de

Pa

te

rso

n /

cr

éd

its

Ph

ot

os

saM

Ue

l so

n, c

aM

ille

JP.

1.2

Page 14: neon mag 2 maquette

_14vo

ir

Neon Magazine_4

lE

go

lf

Est

-il

lE

no

uV

EA

u s

kA

tE

? l

A V

Er

sio

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din

E d

u s

po

rt,

b

Ap

tis

é s

tr

EE

t g

ol

f, s

E J

ou

E m

êm

E Q

uA

nd

on

Est

fA

uC

Moi

, c’e

st la

peu

r de

dér

ange

r le

s au

tres

qui

m’a

am

ené

à dé

velo

pper

ma

tech

-ni

que,

con

fess

e Be

rtra

nd, 2

7 an

s. L

es o

deur

s so

nt s

a ha

ntis

es. S

urto

ut lo

rsqu

’il

est a

u tr

aval

. Dep

uis

troi

s an

s, il

bos

se d

ans

un b

urea

y d’

ingé

nieu

ss à

Mon

tpel

lier:

«J

e te

lais

se im

agin

er l’

ambi

ance

... p

as t

rès

déte

ndue

.» e

xpliq

ue t

-il e

n fa

isan

t la

m

oue.

Pas

de

chan

ce, l

es t

oile

ttes

son

t sit

uées

just

e à

côté

de

la p

hoto

copi

euse

. Le

lieu

pri

vilé

gié

de d

iscus

ssio

n. E

t Be

rtra

nd, p

our

cour

rone

r le

tou

t, so

uffre

de

prob

lèm

es d

e di

gest

ion.

« J’a

i tou

t te

sté:

les

allu

met

tes,

l’aé

roso

l, av

ant,

aprè

s, r

ien

ne m

arch

e.»

Jusq

u’à

la

déco

uver

te, i

l y a

que

lque

s m

ois,

de

la fo

rmul

e id

éale

. Je

m’a

ssoi

s su

r la

cuv

ette

de

sor

te à

la c

ouvr

ir in

tégr

alem

ent

et j’

envo

ie u

n ps

chiit

de

déso

doris

ant

entr

e le

s ja

mbe

s ».

« L

a co

mpr

essi

on r

elat

ive

de l’

air

entr

e le

s fe

ssus

et

le fo

nd d

e la

cu

vete

per

met

aux

bon

nes

odeu

rs d

’éto

uffer

un

peu

les

mau

vais

es »

. Sa

tech

-ni

que,

Ber

tran

d lu

i a m

ême

donn

é un

nom

: la

coc

otte

-min

ute.

Il n

’est

pas

le s

eul

à sa

voir

pass

é lu

sieur

s an

nées

à d

ével

oppe

r de

s st

raté

gies

pou

r qu

e le

s lie

ux d

’ai-

sanc

es le

res

te v

raim

ent.

Laet

itia,

25

ans,

adm

et q

ue s

on s

ubte

rfug

e «

n’es

t pa

s pr

atiq

ue »

. Il e

st v

rai q

ue

l’obj

ectif

avo

ué e

st a

mbi

tieux

: Fai

re m

es b

esoi

ns lo

in d

e to

ute

pers

onne

sus

cep-

tible

de

me

conn

aîtr

e. R

ien

que

ça. M

ais

pas

ques

tion

d’al

ler

au fi

n fo

nd d

es b

ois,

la

etiti

a ai

me

trop

le c

onfo

rt. L

orsq

u’el

le p

art e

n va

canc

es a

vec

des

amis

« m

omen

t tr

ès c

ompl

iqué

», e

lle a

rpen

te le

s en

viro

ns a

vec

un s

eul o

bjec

tif e

n tê

te :

repé

les

bars

du

coin

peu

fréq

uent

é. «

Cer

te je

me

com

pliq

ue la

vie

, mai

s l’i

dée

mêm

e qu

’on

puiss

e m

e vo

ir su

r le

trôn

e m

e dé

gout

e...»

.

Nad

ège,

25

ans,

sem

ble

part

ager

ce

sent

imen

t. D

epui

s un

an,

elle

tra

vaill

e da

ns

une

boite

d’é

ditio

n à

Toul

ouse

. A

vant

cha

que

pass

age

aux

cabi

nets

, la

mêm

e qu

estio

n se

pos

e: «

Vais-

je fi

nir

dans

le n

oir

? ».

Car

Nad

_ge

est

une

adpe

te d

e la

te

chni

que

du f

antô

me,

dès

que

que

lqu’

un r

entr

e da

ns le

s to

ilett

es d

’à c

ôté

j’ar-

rête

de

resp

irer.

Si la

lum

ière

s’é

tein

t ta

nt p

is. il

fau

dra

cont

inue

r sa

ns. «

Ce

qui

arri

ve q

uasim

ent à

cha

que

fois,

l’av

anta

ge c

’est

que

les

gens

cro

ient

que

le c

abin

et

est

hors

-ser

vice

, et

finiss

ent

par

en c

herc

her

un a

utre

. L’in

conv

énie

nt c

’est

qu’

on

peut

res

ter

très

long

tem

ps.»

Son

rec

ord

est

de u

ne d

emi-h

eure

. Pou

rquo

i un

tel

luxe

de

préc

autio

ns p

our

tent

er d

e di

ssim

uler

nos

bes

oins

nat

urel

s? E

xcès

de

pu-

dibo

nder

ie?

Hyg

iéni

sme

path

olog

ique

? Le

s ra

ison

s so

nt s

ouve

nt p

sych

olog

ique

s an

alys

e D

omin

ique

Maz

in, p

sych

olog

ue. D

e no

mbr

eux

adul

tes

oubl

ient

que

leur

féca

tion

n’in

tére

sse

pers

onne

. Ils

mon

tent

des

str

atag

èmes

pou

r ne

pas

êtr

e en

tend

us, a

lors

que

tout

le m

onde

s’e

n fo

ut !

Et il

faut

ret

ourn

er l’

âge

de l’

appr

en-

tissa

ge d

e la

pro

pret

é po

ur t

rouv

er l’

expl

icat

ion

de c

ette

lubi

e. C

’est

la r

emiè

re

fois

que

le p

aren

t dit

ouve

rtem

ent c

e qu

i est

bie

n et

mal

: da

ns le

pot

c’e

st b

ien,

à

côté

c’e

st m

al. E

t visi

blem

ent,

les

appl

audi

ssem

ents

au

moi

ndre

plo

uf r

este

nt d

ans

Pav

és,

to

n, a

rb

re

s...

c’e

st d

ix

fois

PlU

s v

ar

ié q

U’U

n P

ar

co

Ur

s

cla

ssiq

Ue

En

fAn

ts

dE

lA

bA

ll

E0.1.3

_Un

ar

tic

le d

e M

aU

de

Pa

te

rso

n /

cr

éd

its

Ph

ot

os

saM

Ue

l so

n, c

aM

ille

JP.

1.2

coNN

aitr

eco

NNai

tre

Page 15: neon mag 2 maquette

_15

voir

Neon Magazine_4

un c

oin

de l’

inco

nsci

ent.

Les

adul

tes

sont

per

suad

és q

ue le

mon

de e

ntie

r es

t ob

nubi

lé p

ar le

ur p

rodu

ctio

n...

com

me

l’éta

ient

leur

s pa

rent

s.

A c

ette

obs

essi

on s

’ajo

ute

la n

otio

n d’

intim

ité,

déve

lopp

ée à

par

tir d

u X

VIe

siè

cle.

Jusq

ue là

, c’e

st la

rue

qui

tie

nt li

eu d

e ca

bine

t. H

onte

et

pude

ur n

e so

nt

pas

de m

ise.

Et

voilà

que

les

bour

geoi

s au

nez

dél

icat

som

men

t la

pop

ulat

ion

de c

onfin

er le

s m

auva

ises

ode

urs,

com

me

le r

appe

lle l’

hist

orie

n R

oger

-Hen

ri G

uerr

and.

Dep

uis

il es

t bo

n to

n de

fai

re s

es b

esoi

ns s

eul.

Loin

du

rega

rd d

es

autr

es. C

ar c

e qu

i inq

uièt

e le

s ob

sess

ionn

els

du c

olon

, c’e

st b

ien

la p

eur

d’êt

re

surp

ris e

n tr

ain

d’eff

ectu

er c

ette

bas

ique

bes

ogne

. Alo

rs il

faut

se

creu

ser

la tê

te.

Jusq

u’à

l’ext

rêm

e.

Pour

Mar

iann

e, 3

3 an

s, le

s en

nuis

ont

com

men

cé le

jour

ou

elle

a d

émar

ré u

n no

uvea

u bo

ulot

. A

u m

ême

mom

ent,

elle

s’in

talla

it av

ec s

on n

ouve

au c

opai

n.

Alle

r au

x to

ilett

tes

le m

atin

? Pa

s qu

estio

n. E

lles

étai

ent

collé

es a

u m

ur d

e la

ch

ambr

e. Q

uant

à c

elle

du

taf,

impo

ssib

le :

plan

tées

au

mili

eu d

e l’o

pen

spac

e.

On

ente

ndai

t le

s m

ouch

es v

oler

, alo

rs p

enda

nt u

n an

, tou

s le

s m

idis,

Mar

iann

e re

ntre

che

lle e

lle, j

uste

pou

r al

ler

aux

WC

, le

truc

idio

t, j’a

vais

huit

stat

ions

de

mét

ro, l

e te

mps

d’a

rriv

er e

t de

m’e

xécu

ter,

je d

evai

s re

part

ir po

ur n

e pa

s êt

re

en r

etar

d. R

ésul

tat,

Mar

iann

e av

ale

tous

les

jour

s de

s sa

ndw

ichs

, et s

es c

ollè

gues

fin

issen

t par

la p

rend

re p

our

une

snob

.

Pour

éva

luer

la s

ituat

ion

et t

rouv

er u

ne s

olut

ion,

il a

ura

suffi

de

troi

s co

ups

d’oe

il à

Soph

ie, 2

4 an

s, le

pre

mie

r jo

ur d

ans

sa n

ouve

lle e

ntre

prise

, une

ban

que.

C

onst

at n

°1: t

ous

ses

colla

bora

teur

s so

nt m

ascu

lins,

rie

n de

pire

pou

r m

e bl

o-qu

er. D

euxi

ème

cons

tat,

les

toile

ttes

joux

tent

la c

uisi

ne, l

à ou

tou

t le

mon

de

pren

d so

n ca

fé e

t di

scut

e. M

ais

siph

ie s

aint

com

men

t m

arch

e un

e ba

nque

, le

m

atin

je c

onsu

lte e

n lig

ne l’

agen

da d

e m

es c

ollè

gues

. Il s

uffit

de r

epér

er la

de-

mi-h

eure

ou

ils s

ont

tous

en

rend

ez-v

ous

pour

file

r au

x to

ilett

es. P

arfo

is c

’est

di

ffici

le d

e se

ret

enir

alor

s je

pre

nds

un c

ompr

imé

d’im

mod

ium

et ç

a pa

sse.

Mai

s ça

rev

iend

ra. L

a co

nstip

atio

n ex

cess

ive

et la

ret

enue

des

sel

les

peuv

ent e

ntra

iner

de

s ca

s d’

enco

prés

ie, c

’est

à d

ire d

es fu

ites

de m

atiè

res.

La p

ress

ion

des

cabi

nets

d’a

isan

ces

sera

it-el

le p

lus

fort

e su

r la

gen

t fé

min

ine?

83

% d

e no

s co

ncito

yens

ne

se s

ente

nt p

as p

ropr

es a

près

leur

pas

sage

aux

toi

-le

ttes

. Et l

a gê

ne s

’acc

orde

aus

si au

mas

culin

. Mal

gré

ses

effor

ts ,

Julie

n, 2

5 an

s, a

to

ujou

rs d

étes

té c

e m

omen

t. Su

rtou

t le

s od

eurs

. Pou

r év

iter

les

désa

grém

ents

ol

fact

ifs, i

l tire

la c

hass

e en

ple

in m

ilieu

. Jul

ien

n’a

rien

inve

nté.

Rie

n d’

éton

nant

da

ns la

cul

ture

japo

naise

, 140

0 m

ots

ou e

xpre

ssio

ns p

our

évoa

quer

les

toile

ttes

. C

hez

les

nipp

ons,

le g

agde

t qu

i por

te le

nom

Oto

him

ie, r

epro

duit

le b

ruit

de la

ch

asse

d’e

au. F

utile

? Il

perm

et d

’éco

nom

iser

jusq

u’à

20 li

tres

d’e

au p

ar u

tilisa

-tio

n, g

aspi

llé p

our

faire

offi

ce d

e ca

mou

flage

son

ore.

Gab

rielle

, 24

ans

, n

e se

ser

t pa

s de

la c

hass

e po

ur é

touff

er le

s br

uits

: Tr

ois

feui

lles

de p

apie

r to

ilett

e su

ffise

nt.

Je f

orm

e un

tob

ogga

n, e

n le

s ré

part

issa

nt

équi

tabl

emen

t sur

la p

orce

lain

e •

En

fAn

ts

dE

lA

bA

ll

E

na

M JU

li_

JOU

RN

ALI

STE

NEO

N

1.2

coNN

aitr

e

Page 16: neon mag 2 maquette

_16co

NNai

tre

pip

i p

ou

r t

ou

sl

E g

ol

f E

st-i

l l

E n

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VE

Au

sk

At

E?

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rsi

on

Cit

Ad

inE

du

sp

or

t,

bA

pt

isé

st

rE

Et

go

lf,

sE

Jo

uE

mE

Qu

An

d o

n E

st f

Au

Ch

é

On

n’im

agin

e pa

s to

utes

les

petit

es v

exat

ions

 que

la v

ie q

uotid

ienn

e ap

port

e à 

ceux

qu

i se

sent

ent

diffé

rent

s.  Q

uand

on

n’a 

pas

envi

e de

cho

isir

si l’o

n es

t un

hom

me

ou u

ne fe

mm

e, m

ême

alle

r au

x to

ilett

es p

eut 

être

véc

u co

mm

e un

e di

scrim

ina-

tion,

 com

me

le p

oint

ait

un r

appo

rt d

e la

Com

miss

ion 

euro

péen

ne s

ur le

s pe

r-so

nnes

tra

ns e

t in

ters

exué

es, e

n 20

11. D

ans

l’arr

ondi

ssem

ent 

de F

riedr

ichs

hain

et

de K

reuz

berg

, à B

erlin

, les

indé

cis

vont

enfi

n po

uvoi

r pi

sser

dan

s le

ur g

enre

grâ

ce à

de

s lie

ux d

’aisa

nces

qui

leur

son

t déd

iés

dans

les 

adm

inist

ratio

ns o

uver

tes

au p

ublic

.U

ne in

itiat

ive

port

ée p

ar le

par

ti pi

rate

, ent

ré a

u pa

rlem

ent

du L

and

de B

erlin

en

 sep

tem

bre 

2011

, et

voté

e av

ec le

s vo

ix d

e la

 gau

che

et d

es v

erts

déb

ut m

ars

2013

. Ava

nt d

’équ

iper

les

écol

es e

t le

s bi

blio

thèq

ues

de W

.-C. s

péci

alem

ent 

amé-

nagé

s, le

s pa

nnea

ux «

Hom

mes

» e

t «

Fem

mes

» d

es t

oile

ttes

de

la s

écu

et d

e la

mai

rie q

ui r

éuni

t le

s de

ux q

uart

iers

 ser

ont

enle

vés

dès

le 1

er ju

in. L

e te

mps

 de

réflé

chir

à l’o

rgan

isatio

n de

ces

wa-

wa

du t

roisi

ème

type

: si

l’inst

alla

tion

de t

able

s à 

lang

er (

pour

que

les

hom

mes

AU

SSI p

uiss

ent 

chan

ger

leur

s bé

bés)

est

acq

uise

, ce

lle d

’urin

oirs

fait

déba

t •

na

M JU

li_

JOU

RN

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STE

NEO

N

_Un

ar

tic

le d

e M

aU

de

Pa

te

rso

n /

cr

éd

its

Ph

ot

os

saM

Ue

l so

n, c

aM

ille

JP.

1.3

Page 17: neon mag 2 maquette

_17

voir

pip

i p

ou

r t

ou

s

1.3

Page 18: neon mag 2 maquette

_18co

NNai

tre

AC

tiV

ist

E d

E

Ch

oC

sp

riè

re

pu

nk

Elle

s so

nt la

bêt

e no

ire d

u pr

ésid

ent r

usse

Vlad

imir

Pout

ine.

En

févr

ier

dern

ier,

dans

une

égl

ise o

rtho

doxe

de

Mos

cou,

les

Puss

y R

iot

ento

nnen

t un

e pr

ière

pu

nk à

l’e

ncon

tre

du d

irig

eant

. Une

pre

stat

ion

que

ce d

erni

er n

’app

réci

e gu

ère.

Rés

ulta

t, de

ux fi

lles

de c

e gr

oupe

pun

k fé

min

iste

ont

été

cond

amné

es

à de

ux a

ns d

e ca

mp

de t

rava

il. Fo

rmée

s en

201

1, le

s Pu

ssy

Rio

t n’

en s

ont

pas

à le

urs

prem

ière

s fr

asqu

es. L

es p

unke

ttes

ont

par

ticip

é à

dive

rses

per

for-

man

ces

artis

tique

s au

sei

n du

col

lect

if Vo

ïna,

don

t on

vou

s pa

rlait

dans

le n

°1

de N

EON

. Par

mi l

eurs

act

ions

, il y

a e

u no

tam

men

t un

phal

lus

géan

t pei

nt s

ur

un p

ont f

aisa

nt fa

ce a

u siè

ge d

u KG

B…

pr

ot

eSta

tio

n S

an

gla

nt

eM

anife

stat

ion

à po

il co

ntre

le c

omm

erce

de

four

rure

, mise

en

scèn

e m

orbi

de

pour

dén

once

r la

tau

rom

achi

e… G

rand

déf

ense

ur d

e la

cau

se a

nim

ale,

l’or

-ga

nism

e PE

TA e

st c

onnu

pou

r se

s ac

tions

cho

cs, s

ouve

nt d

énud

ées.

La p

e-tit

e de

rniè

re d

u ge

nre 

? En

aoû

t de

rnie

r, de

s m

ilitan

tes

man

ifest

ent

plac

e de

la

Bas

tille

à P

aris

dans

une

bai

gnoi

re r

empl

ie d

e ju

s de

tom

ate 

! Une

mise

en

scèn

e pl

utôt

gla

uque

des

tinée

à d

énon

cer

les

test

s de

s la

bos

cosm

étiq

ues

sur

nos

amis

les

bête

s.

SCèn

e d

e C

rim

eD

es s

ilhou

ette

s bl

anch

es s

ur le

sol

, un

périm

ètre

de

sécu

rité…

Non

, il n

e s’a

git

pas

du d

erni

er to

urna

ge d

eNC

IS, m

ais

d’un

e m

ise e

n sc

ène

d’A

ctio

n co

ntre

la

faim

. Dan

s le

cad

re d

e la

jour

née

mon

dial

e de

l’al

imen

tatio

n, l’

ON

G a

rep

ro-

duit

une

scèn

e de

crim

e gé

ante

dan

s un

e tr

enta

ine

de v

illes

fran

çaise

s. Bu

t de

la

man

œuv

re :

repr

ésen

ter

les

10 0

00 fe

mm

es e

t en

fant

s de

moi

ns d

e 5

ans

qui m

eure

nt c

haqu

e an

née

de m

alnu

triti

on.

Cou

p d

e g

ueu

le t

op

leSS

Prot

este

r se

ins

nus,

tel e

st le

mod

e op

érat

oire

des

Fem

en, g

roup

e fé

min

iste

orig

inai

re d

’Ukr

aine

. En

octo

bre

dern

ier,

c’es

t do

nc t

ople

ss q

u’el

les

man

i-fe

sten

t dev

ant l

e m

inist

ère

de la

Just

ice.

L’o

bjet

de

leur

indi

gnat

ion 

? Le

verd

ict

dans

une

affa

ire d

e vi

ols

colle

ctifs

. Lut

tant

pou

r le

dro

it de

s fe

mm

es, c

esse

x-tiv

istes

, com

me

elle

s se

qua

lifien

t, n’

en s

ont

pas

à le

ur p

rem

ier

coup

d’é

clat

 : pr

otes

tatio

n lo

rs d

e l’E

uro

2012

et

des

jeux

Oly

mpi

ques

de

Lond

res,

man

i-

mA

nif

Est

At

ion

s sE

ins

nu

s, m

isE

s E

n s

nE

Cu

lo

tt

éE

s… p

ou

r

ob

tE

nir

gA

in d

E C

Au

sE, C

Er

tA

ins

mil

itA

nt

s n

E r

EC

ul

En

t

dE

VA

nt

riE

n.

_Un

ar

tic

le d

e M

aU

de

Pa

te

rso

n /

cr

éd

its

Ph

ot

os

saM

Ue

l so

n, c

aM

ille

JP.

1.4

Page 19: neon mag 2 maquette

_19

coN

Nai

tre

Neon Magazine_4

AC

tiV

ist

E d

E

Ch

oC

s

fest

atio

n de

vant

les

fenê

tres

de

Dom

iniq

ue S

trau

ss-K

ahn

suite

à l’

affai

re d

u So

fitel

… E

t ce

la n

’est

pas

prê

t de

s’a

rrêt

er :

les

Fem

en o

nt p

ris d

’ass

aut

le

quar

tier

de la

Gou

tte

d’O

r à

Paris

, où

elle

s ont

cré

e le

pre

mie

r ce

ntre

d’e

ntra

î-ne

men

t int

erna

tiona

l pou

r fé

min

istes

.

éva

no

uiS

Sem

ent

S Co

lleC

tif

SVo

ilà q

ui a

déro

uter

bie

n de

s pa

ssan

ts :

en o

ctob

re d

erni

er, u

ne v

ague

de

sync

opes

fait

rage

dev

ant

un H

&M

par

isien

. Pas

de

pani

que 

: il s

’agi

ssai

t d’

une

simul

atio

n d’

Éthi

que

sur

l’étiq

uett

e, c

olle

ctif

milit

ant p

our

le r

espe

ct d

es d

roits

au

tra

vail

dans

les

pays

du

Sud.

Le

but

? Sy

mbo

liser

les

évan

ouiss

emen

ts d

es

Cam

bodg

iens

bos

sant

dan

s la

con

fect

ion,

ces

der

nier

s ne

gag

nant

pas

suffi

-sa

mm

ent

pour

se

nour

rir c

orre

ctem

ent.

Obj

ectif

: po

usse

r le

s m

arqu

es d

e te

xtile

s se

four

niss

ant a

u C

ambo

dge

à pa

yer

conv

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dur retour pour l’immigréQuand Maldonado clandestin mexicain, rentre chez lui,

il n’est plus le bienvenu.

aprèS l’inCendieLeur immeuble à brûlé. Dix-huit mois après, les rescapés

racontent.

maiS danS quel monde vivonS nouS

Au Brésil, lire ouvre les portes du pénitenciermaiS danS quel payS vivonS nouS

Ayrault fait son jardin à Matignon

vendeur de Sperme

Jonas, étudiant, éjacule pour payer la fac.

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Voilà trente-huit heures que Maldonado est allongé dans la une cellule pour douze détenus. L’air est lourd et humide, la pièce pue la pisse. Il est trempé de sueur, a mal au ventre de faim, mal au coeur de tristesse? D’après la loi fédérale des Etates-Unis, il est un criminel. Infraction «8 USC 1325 – Improper entre by alien», entrée illgéale d’un étranger sur le sol américain. «Leoncio Gaspar Maldonadp!» hurle un officier. Il se lève, le suit. En chemin, il perd à moitié ses chaussures en cuir, son jean glisse sur ses hanches. Les policiers lui ont retiré ses lactes et sa ceinture pour l’empê-cher de se pendre. On prend l’empreinte de sa main droite, on scanne son iris, on photographie son visage. 1M64, cheveux coupés très court, plombage sur l’incisive gauche. Les données sont comparées ave celles de la base du FBI. L’ordinateur af-fiche: «Trouvé».

Il y a deux ans, en Floride, Maldonado avait grillé un feu rouge. Il avait alors payé une amande sans faire d’histoire et personne n’avait vérifié son permis de séjour.»Tu étais déjà sur le territoire?» demande l’officier en espagnol. Il fait oui de la tête. Nus sommes à l’été 2009, et c’est la deuxième fois que Leoncio Gaspar Maldonado tente d’entrer sur le territoire américain. La première fois, c’était en 2001, et ça avait mar-ché. Ouvrier agricole en Floride, dans le Michigan et d’autres Etats, en fonction des récoltes, il gagnait pres de dix dollars de l’heure: dix fois plus qu’au Mexique.

Pendant huit ans, il avait envoyé des sous à sa famille, à Santo Domingo dans la pro-vince d’Oaxaca, après avoir payé le loyer, le téléphone et de quoi manger. Les di-manches, il leur parlait un quart d’heure en appelant chez les voisins car sa famille n’avait pas le téléphone. Pour Maldonado, ses enfants éaient deux vois devenant un peu plus graves avec les années. Mais un dimanche de 2009, la mère de Maldonado ne vnt pas répondre au téléphone. «Elle est occupée, mais elle va bien» lui dit la voisine. «Elle est occupée, mais elle va bien» lui dit sa fille. «Elle est occupée, mais elle va bien» lui dit son fils. «Elle n’est pas occupée, et elle ne va pas bien», pense Maldonado. «Ne rentre pas à la maison, je t’en prie. Nous avons besoin d’argent».Il ne perdra pas sa mère sans l’avoir vue une dernière fois. Il prend la route:4000 kilomètres en direction du sud, en bus Greyhound et en stop. Personne ne jette un oeil à ses papiers au poste-frontière. Lorsqu’il rapelle chez lui, il est déjà au Mexique. «Ta mère va mieux, le rassure la voisine. Elle était à l’hôpitale, je te la passe» «Mi Hijo, mon fils», dit-elle en prenant le combiné. «Tu es au Mexique?» Ne rentre pas à la maison, je t’en prie. Nous avons besoin d’argent. Comment pourrons-nous en-voyer les enfants à l’école, sinon?» «J’aurais dû réfléchir avant de quitter les Etats-Unis» admet Maldonado.

Pendant deux mois, il erre dans le Nord du Mexique, vend des journaux, travaille sur des chantier et tu ne gagnes pas d’argent.»Là, tu ne fais que travailler et tu ne gagnes as d’argent.» Maldonado veut retourner aux Etats-Unis. Mais huit ans après sa première traversée de la frontière, il est devenu quasiment impossible d’entrer sans papiers. Entre-temps, le nombre de gardes-frontières a doublé. En tout, 18000 policiers surveillent les 3000 kilomètres de grillage. Dans les Etats du Sud des Etats-Unis, on prend des mesures sévères contre ce que beaucoup regardent comme une «invasion étrangère». 400 000 immigrés illégaux ont été expulsés du territoire américain en 2011.

_Un article de MaUde Paterson / crédits Photos saMUel son, caMille JP.

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«C’est bon», se dit-il en escaladant pour la deuxième fois de sa vie la clôture de sécurité. 2 heures du matin. L’interstate 10, artère principale du Sud des Etats-Unis, n’est qu’à quelques heures de marche. Sur le bord de l’autoroute, il trouvera sûrement un conducteur pour le prendre en stop jusqu’à la ville la plus proche. Pis il se volatilisera en bus sur le réseau routier américain. Soudain, des phares allumés. Maldonado se couche sur le sol, retient son souffle. Il entend des bruits de moteur, des aboiements, des pas qui se rapprochent – Lorsque Maldonado raconte sa fuite, ça ressemble à un thriller au cinéma. Un museau humide se colle contre son oreille. «Monte dans le camoin», lui ordonne le garde frontière. Destination : le centre de rétention.

L’histoire de Maldonado commence des années aupara-vant, à Santo Domingo, un village du Sud du Mexique. On y vit souvent avec moins de deux dollars par jour. Il quitte l’école après le primaire, devient plombier puis père de deux enfants. Il boit trop, sa femme le quitte. Il est débordé avec ses deux gamins âgés de 3 et 4 ans. Il les confie à sa mère pour suivre une cure de désin-toxication. A son retour, il ne trouve pas de boulot. Sa famille a de quoi manger, du riz et des haricots, mais pas assez d’argent pour inscrire les enfants à l’école. Chaque mois, un bus s’en va vers le nord. A l’intérieur, des jeunes hommes en route pour les Etats-Unis. Les familles qui ont quelqu’un «là-bas» voient leur maison d’argile se transformer en maison de pierre. Dans leurs assiettes, le poulet remplace les oeufs. Ceux qui en sont revenus racontent: les rues sont propres, on a toujours une liasse de billets dans la poche. Ils montrent des pho-tos de voitures de sport, des vues de Las Vegas.

Maldonado, s’en va sans vraiment dire adieu, sans effu-sion ni embrasses. Comme s’il allait revenir un peu plus tard. Sur son dos, un sac de toile. Dedans, un tee-shirt, une paire de jeans, deux boîtes de haricots, deux litres d’eau et dix tortillas. Le bus ronronne trois jours et trois nuits avant d’atteintre Nogales, ville frontière ou vit sa cousine. Elle lui trouve un «coyote». Le passeur lui de-mande 1500 dollars pour l’emmener jusqu’à Phoenix, Arizona. Maldonado n’a même pas cinq dollars en poche. Pas grave: tu me paieras ta dette en travaillant là-bas». Pendant trois nuits, Maldonado et trois autres Mexicains traversent le désert. La journée, il s’allongent sur le sol, se camouflent avec de la terre et des branches séchées. La température grimpe, entre 40 et 50°C. EN moyenne, un migrant meurt chaque jour de soif ou d’insolation sous le soleil cuisant. Le quatuor remplit des bouteilles en plastique dans des trous d’eau croupie et mange la moisissure sur les tortillas. Le coyote tue trois serpents. Maldonado: «J’ai cru que j’allais mourir».Maldonado, s’en va sans vraiment dire adieu, sans effu-sion ni embrasses. Comme s’il allait revenir un peu plus tard. Sur son dos, un sac de toile. Dedans, un tee-shirt, une paire de jeans, deux boîtes de haricots, deux litres d’eau et dix tortillas. Le bus ronronne trois jours et trois nuits avant d’atteintre Nogales, ville frontière ou vit sa cousine. Elle lui trouve un «coyote». Le passeur lui de-mande 1500 dollars pour l’emmener jusqu’à Phoenix, Arizona. Maldonado n’a même pas cinq dollars en poche. Pas grave: tu me paieras ta dette en travaillant là-bas». Pendant trois nuits, Maldonado et trois autres Mexicains traversent le désert. La journée, il s’allongent

sur le sol, se camouflent avec de la terre et des branches séchées. La température grimpe, entre 40 et 50°C. EN moyenne, un migrant meurt chaque jour de soif ou d’insolation sous le soleil cuisant. Le quatuor remplit des bouteilles en plastique dans des trous d’eau croupie et mange la moisissure sur les tortillas. Le coyote tue trois serpents. Maldonado: «J’ai cru que j’allais mourir».

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irVoilà trente-huit heures que Maldonado est allon-gé dans la une cellule pour douze détenus. L’air est lourd et humide, la pièce pue la pisse. Il est trempé de sueur, a mal au ventre de faim, mal au coeur de tristesse? D’après la loi fédérale des Etates-Unis, il est un criminel. Infraction «8 USC 1325 – Improper entre by alien», entrée illgéale d’un étranger sur le sol américain. «Leoncio Gaspar Maldonadp!» hurle un officier. Il se lève, le suit. En chemin, il perd à moitié ses chaussures en cuir, son jean glisse sur ses hanches. Les policiers lui ont retiré ses lactes et sa ceinture pour l’empêcher de se pendre. On prend l’empreinte de sa main droite, on scanne son iris, on photographie son visage. 1M64, cheveux coupés très court, plombage sur l’incisive gauche. Les don-nées sont comparées ave celles de la base du FBI. L’ordinateur affiche: «Trouvé».

Il y a deux ans, en Floride, Maldonado avait grillé un feu rouge. Il avait alors payé une amande sans faire d’histoire et personne n’avait vérifié son permis de séjour.»Tu étais déjà sur le territoire?» demande l’of-ficier en espagnol. Il fait oui de la tête. Nus sommes à l’été 2009, et c’est la deuxième fois que Leoncio Gaspar Maldonado tente d’entrer sur le territoire américain. La première fois, c’était en 2001, et ça avait marché. Ouvrier agricole en Floride, dans le Michigan et d’autres Etats, en fonction des récoltes, il gagnait pres de dix dollars de l’heure: dix fois plus qu’au Mexique.

Pendant huit ans, il avait envoyé des sous à sa famille, à Santo Domingo dans la province d’Oaxaca, après avoir payé le loyer, le téléphone et de quoi manger. Les dimanches, il leur parlait un quart d’heure en ap-pelant chez les voisins car sa famille n’avait pas le télé-phone. Pour Maldonado, ses enfants éaient deux vois devenant un peu plus graves avec les années. Mais un dimanche de 2009, la mère de Maldonado ne vnt pas répondre au téléphone. «Elle est occupée, mais elle va bien» lui dit la voisine. «Elle est occupée, mais elle va bien» lui dit sa fille. «Elle est occupée, mais elle va bien» lui dit son fils. «Elle n’est pas occupée, et elle ne va pas bien», pense Maldonado. «Ne rentre pas à la maison, je t’en prie. Nous avons besoin d’argent».Il ne perdra pas sa mère sans l’avoir vue une dernière fois. Il prend la route:4000 kilomètres en direction du sud, en bus Greyhound et en stop. Personne ne jette un oeil à ses papiers au poste-frontière. Lorsqu’il ra-pelle chez lui, il est déjà au Mexique. «Ta mère va mieux, le rassure la voisine. Elle était à l’hôpitale, je te la passe» «Mi Hijo, mon fils», dit-elle en prenant le combiné. «Tu es au Mexique?» Ne rentre pas à la maison, je t’en prie. Nous avons besoin d’argent. Comment pourrons-nous envoyer les enfants à l’école, sinon?» «J’aurais dû réfléchir avant de quitter les Etats-Unis» admet Maldonado.

Pendant deux mois, il erre dans le Nord du Mexique, vend des journaux, travaille sur des chantier et tu ne gagnes pas d’argent.»Là, tu ne fais que travailler et tu ne gagnes as d’argent.» Maldonado veut retour-ner aux Etats-Unis. Mais huit ans après sa première traversée de la frontière, il est devenu quasiment impossible d’entrer sans papiers. Entre-temps, le nombre de gardes-frontières a doublé. En tout, 18000 policiers surveillent les 3000 kilomètres de grillage. Dans les Etats du Sud des Etats-Unis, on prend des mesures sévères contre ce que beaucoup regardent comme une «invasion étrangère». 400 000 immigrés illégaux ont été expulsés du territoire américain en 2011.

«C’est bon», se dit-il en escaladant pour la deuxième fois de sa vie la clôture de sécurité. 2 heures du matin. L’interstate 10, artère principale du Sud des Etats-Unis, n’est qu’à quelques heures de marche. Sur le bord de l’autoroute, il trouvera sûrement un conducteur pour le prendre en stop jusqu’à la ville la plus proche. Pis il se volatilisera en bus sur le ré-seau routier américain. Soudain, des phares allumés. Maldonado se couche sur le sol, retient son souffle. Il entend des bruits de moteur, des aboiements, des pas qui se rapprochent – Lorsque Maldonado raconte sa fuite, ça ressemble à un thriller au ciné-ma. Un museau humide se colle contre son oreille. «Monte dans le camoin», lui ordonne le garde fron-tière. Destination : le centre de rétention.

L’histoire de Maldonado commence des années auparavant, à Santo Domingo, un village du Sud du Mexique. On y vit souvent avec moins de deux dollars par jour. Il quitte l’école après le primaire, devient plombier puis père de deux enfants. Il boit trop, sa femme le quitte. Il est débordé avec ses deux gamins âgés de 3 et 4 ans. Il les confie à sa mère pour suivre une cure de désintoxication. A son retour, il ne trouve pas de boulot. Sa famille a de quoi manger, du riz et des haricots, mais pas assez d’argent pour inscrire les enfants à l’école. Chaque mois, un bus s’en va vers le nord. A l’intérieur, des jeunes hommes en route pour les Etats-Unis. Les fa-milles qui ont quelqu’un «là-bas» voient leur maison d’argile se transformer en maison de pierre. Dans leurs assiettes, le poulet remplace les oeufs. Ceux qui en sont revenus racontent: les rues sont propres, on a toujours une liasse de billets dans la poche. Ils montrent des photos de voitures de sport, des vues de Las Vegas.

Maldonado, s’en va sans vraiment dire adieu, sans ef-fusion ni embrasses. Comme s’il allait revenir un peu plus tard. Sur son dos, un sac de toile. Dedans, un tee-shirt, une paire de jeans, deux boîtes de haricots, deux litres d’eau et dix tortillas. Le bus ronronne trois jours et trois nuits avant d’atteintre Nogales, ville frontière ou vit sa cousine. Elle lui trouve un «coyote». Le passeur lui demande 1500 dollars pour l’emmener jusqu’à Phoenix, Arizona. Maldonado n’a même pas cinq dollars en poche. Pas grave: tu me paieras ta dette en travaillant là-bas». Pendant trois nuits, Maldonado et trois autres Mexicains traversent le désert. La journée, il s’allongent sur le sol, se camouflent avec de la terre et des branches séchées. La température grimpe, entre 40 et 50°C. EN moyenne, un migrant meurt chaque jour de soif ou d’insolation sous le soleil cuisant. Le quatuor rem-plit des bouteilles en plastique dans des trous d’eau croupie et mange la moisissure sur les tortillas. Le coyote tue trois serpents. Maldonado: «J’ai cru que j’allais mourir».

l’histoirE dE mAldonAdo Com-mEnCE dEs AnnéEs AupArAVAnt, à sAn-to domingo, un VillAgE du sud du mExiQuE.

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Il y a deux ans, en Floride, Maldonado avait grillé un feu rouge. Il avait alors payé une amande sans faire d’histoire et personne n’avait vérifié son permis de séjour.»Tu étais déjà sur le territoire?» demande l’of-ficier en espagnol. Il fait oui de la tête. Nus sommes à l’été 2009, et c’est la deuxième fois que Leoncio Gaspar Maldonado tente d’entrer sur le territoire américain. La première fois, c’était en 2001, et ça avait marché. Ouvrier agricole en Floride, dans le Michigan et d’autres Etats, en fonction des récoltes, il gagnait pres de dix dollars de l’heure: dix fois plus qu’au Mexique.

Pendant huit ans, il avait envoyé des sous à sa famille, à Santo Domingo dans la province d’Oaxaca, après avoir payé le loyer, le téléphone et de quoi manger. Les dimanches, il leur parlait un quart d’heure en ap-pelant chez les voisins car sa famille n’avait pas le télé-phone. Pour Maldonado, ses enfants éaient deux vois devenant un peu plus graves avec les années. Mais un dimanche de 2009, la mère de Maldonado ne vnt pas répondre au téléphone. «Elle est occupée, mais elle va bien» lui dit la voisine. «Elle est occupée, mais elle va bien» lui dit sa fille. «Elle est occupée, mais elle va bien» lui dit son fils. «Elle n’est pas occupée, et elle ne va pas bien», pense Maldonado. «Ne rentre pas à la maison, je t’en prie. Nous avons besoin d’argent».Il ne perdra pas sa mère sans l’avoir vue une dernière fois. Il prend la route:4000 kilomètres en direction du sud, en bus Greyhound et en stop. Personne ne jette un oeil à ses papiers au poste-frontière. Lorsqu’il ra-pelle chez lui, il est déjà au Mexique. «Ta mère va mieux, le rassure la voisine. Elle était à l’hôpitale, je te la passe» «Mi Hijo, mon fils», dit-elle en prenant le combiné. «Tu es au Mexique?» Ne rentre pas à la maison, je t’en prie. Nous avons besoin d’argent. Comment pourrons-nous envoyer les enfants à l’école, sinon?» «J’aurais dû réfléchir avant de quitter les Etats-Unis» admet Maldonado.

Pendant deux mois, il erre dans le Nord du Mexique, vend des journaux, travaille sur des chantier et tu ne gagnes pas d’argent.»Là, tu ne fais que travailler et tu ne gagnes as d’argent.» Maldonado veut retour-ner aux Etats-Unis. Mais huit ans après sa première traversée de la frontière, il est devenu quasiment impossible d’entrer sans papiers. Entre-temps, le nombre de gardes-frontières a doublé. En tout, 18000 policiers surveillent les 3000 kilomètres de grillage. Dans les Etats du Sud des Etats-Unis, on prend des mesures sévères contre ce que beaucoup regardent comme une «invasion étrangère». 400 000 immigrés illégaux ont été expulsés du territoire américain en 2011.

«C’est bon», se dit-il en escaladant pour la deuxième fois de sa vie la clôture de sécurité. 2 heures du matin. L’interstate 10, artère principale du Sud des Etats-Unis, n’est qu’à quelques heures de marche. Sur le bord de l’autoroute, il trouvera sûrement un conducteur pour le prendre en stop jusqu’à la ville la plus proche. Pis il se volatilisera en bus sur le ré-seau routier américain. Soudain, des phares allumés. Maldonado se couche sur le sol, retient son souffle. Il entend des bruits de moteur, des aboiements, des pas qui se rapprochent – Lorsque Maldonado raconte sa fuite, ça ressemble à un thriller au ciné-ma. Un museau humide se colle contre son oreille. «Monte dans le camoin», lui ordonne le garde fron-tière. Destination : le centre de rétention.

L’histoire de Maldonado commence des années auparavant, à Santo Domingo, un village du Sud du Mexique. On y vit souvent avec moins de deux dollars par jour. Il quitte l’école après le primaire, devient plombier puis père de deux enfants. Il boit trop, sa femme le quitte. Il est débordé avec ses deux gamins âgés de 3 et 4 ans. Il les confie à sa mère pour suivre une cure de désintoxication. A son retour, il ne trouve pas de boulot. Sa famille a de quoi manger, du riz et des haricots, mais pas assez d’argent pour inscrire les enfants à l’école. Chaque mois, un bus s’en va vers le nord. A l’intérieur, des jeunes hommes en route pour les Etats-Unis. Les fa-milles qui ont quelqu’un «là-bas» voient leur maison d’argile se transformer en maison de pierre. Dans leurs assiettes, le poulet remplace les oeufs. Ceux qui en sont revenus racontent: les rues sont propres, on a toujours une liasse de billets dans la poche. Ils montrent des photos de voitures de sport, des vues de Las Vegas.

Maldonado, s’en va sans vraiment dire adieu, sans ef-fusion ni embrasses. Comme s’il allait revenir un peu plus tard. Sur son dos, un sac de toile. Dedans, un tee-shirt, une paire de jeans, deux boîtes de haricots, deux litres d’eau et dix tortillas. Le bus ronronne trois jours et trois nuits avant d’atteintre Nogales, ville frontière ou vit sa cousine. Elle lui trouve un «coyote». Le passeur lui demande 1500 dollars pour l’emmener jusqu’à Phoenix, Arizona. Maldonado n’a même pas cinq dollars en poche. Pas grave: tu me paieras ta dette en travaillant là-bas». Pendant trois nuits, Maldonado et trois autres Mexicains traversent le désert. La journée, il s’allongent sur le sol, se camouflent avec de la terre et des branches séchées. La température grimpe, entre 40 et 50°C. EN moyenne, un migrant meurt chaque jour de soif ou d’insolation sous le soleil cuisant. Le quatuor rem-plit des bouteilles en plastique dans des trous d’eau croupie et mange la moisissure sur les tortillas. Le coyote tue trois serpents. Maldonado: «J’ai cru que j’allais mourir».L’histoire de Maldonado commence des années auparavant, à Santo Domingo, un village du Sud du Mexique. On y vit souvent avec moins de deux dollars par jour. Il quitte l’école après le pri-maire, devient plombier puis père de deux enfants. Il boit trop, sa femme le quitte. Il est débordé avec ses deux gamins âgés de 3 et 4 ans. Il les confie à sa mère pour suivre une cure de désintoxication. A son retour, il ne trouve pas de boulot. Sa famille a de quoi manger, du riz et des haricots, mais pas assez d’argent pour inscrire les enfants à l’école. Chaque mois, un bus s’en va vers le nord. A l’intérieur, des jeunes hommes en route pour les Etats-Unis. Les fa-

milles qui ont quelqu’un «là-bas» voient leur maison d’argile se transformer en maison de pierre. Dans leurs assiettes, le poulet remplace les oeufs. Ceux qui en sont revenus racontent: les rues sont propres, on a toujours une liasse de billets dans la poche. Ils montrent des photos de voitures de sport, des vues de Las Vegas.

Maldonado, s’en va sans vraiment dire adieu, sans ef-fusion ni embrasses. Comme s’il allait revenir un peu plus tard. Sur son dos, un sac de toile. Dedans, un tee-shirt, une paire de jeans, deux boîtes de haricots, deux litres d’eau et dix tortillas. Le bus ronronne trois jours et trois nuits avant d’atteintre Nogales, ville frontière ou vit sa cousine. Elle lui trouve un «coyote». Le passeur lui demande 1500 dollars pour l’emmener jusqu’à Phoenix, Arizona. Maldonado n’a même pas cinq dollars en poche. Pas grave: tu me paieras ta dette en travaillant là-bas». Pendant trois nuits, Maldonado et trois autres Mexicains traversent le désert. La journée, il s’allongent sur le sol, se camouflent avec de la terre et des branches séchées. La température grimpe, entre 40 et 50°C. EN moyenne, un migrant meurt chaque jour de soif ou d’insolation sous le soleil cuisant. Le quatuor rem-plit des bouteilles en plastique dans des trous d’eau croupie et mange la moisissure sur les tortillas. Le coyote tue trois serpents. Maldonado: «J’ai cru que j’allais mourir».

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Il y a deux ans, en Floride, Maldonado avait grillé un feu rouge. Il avait alors payé une amande sans faire d’histoire et personne n’avait vérifié son permis de séjour.»Tu étais déjà sur le territoire?» demande l’of-ficier en espagnol. Il fait oui de la tête. Nus sommes à l’été 2009, et c’est la deuxième fois que Leoncio Gaspar Maldonado tente d’entrer sur le territoire américain. La première fois, c’était en 2001, et ça avait marché. Ouvrier agricole en Floride, dans le Michigan et d’autres Etats, en fonction des récoltes,

il gagnait pres de dix dollars de l’heure: dix fois plus qu’au Mexique.

Pendant huit ans, il avait envoyé des sous à sa famille, à Santo Domingo dans la province d’Oaxaca, après avoir payé le loyer, le téléphone et de quoi manger. Les dimanches, il leur parlait un quart d’heure en ap-pelant chez les voisins car sa famille n’avait pas le télé-phone. Pour Maldonado, ses enfants éaient deux vois devenant un peu plus graves avec les années. Mais un dimanche de 2009, la mère de Maldonado ne vnt pas répondre au téléphone. «Elle est occupée, mais elle va bien» lui dit la voisine. «Elle est occupée, mais elle va bien» lui dit sa fille. «Elle est occupée, mais elle va bien» lui dit son fils. «Elle n’est pas occupée, et elle ne va pas bien», pense Maldonado. «Ne rentre pas à la maison, je t’en prie. Nous avons besoin d’argent».Il ne perdra pas sa mère sans l’avoir vue une dernière fois. Il prend la route:4000 kilomètres en direction du sud, en bus Greyhound et en stop. Personne ne jette un oeil à ses papiers au poste-frontière. Lorsqu’il ra-pelle chez lui, il est déjà au Mexique. «Ta mère va mieux, le rassure la voisine. Elle était à l’hôpitale, je te la passe» «Mi Hijo, mon fils», dit-elle en prenant le combiné. «Tu es au Mexique?» Ne rentre pas à la maison, je t’en prie. Nous avons besoin d’argent. Comment pourrons-nous envoyer les enfants à l’école, sinon?» «J’aurais dû réfléchir avant de quitter

les Etats-Unis» admet Maldonado.

Pendant deux mois, il erre dans le Nord du Mexique, vend des journaux, travaille sur des chantier et tu ne gagnes pas d’argent.»Là, tu ne fais que travailler et tu ne gagnes as d’argent.» Maldonado veut retour-ner aux Etats-Unis. Mais huit ans après sa première traversée de la frontière, il est devenu quasiment impossible d’entrer sans papiers. Entre-temps, le nombre de gardes-frontières a doublé. En tout, 18000 policiers surveillent les 3000 kilomètres de grillage. Dans les Etats du Sud des Etats-Unis, on prend des mesures sévères contre ce que beaucoup regardent comme une «invasion étrangère». 400 000 immigrés illégaux ont été expulsés du territoire américain en 2011.

«C’est bon», se dit-il en escaladant pour la deuxième fois de sa vie la clôture de sécurité. 2 heures du matin. L’interstate 10, artère principale du Sud des Etats-Unis, n’est qu’à quelques heures de marche. Sur le bord de l’autoroute, il trouvera sûrement un conducteur pour le prendre en stop jusqu’à la ville la plus proche. Pis il se volatilisera en bus sur le ré-seau routier américain. Soudain, des phares allumés. Maldonado se couche sur le sol, retient son souffle. Il entend des bruits de moteur, des aboiements, des pas qui se rapprochent – raconte sa fuite, semble •

milles qui ont quelqu’un «là-bas» voient leur maison d’argile se transformer en maison de pierre. Dans leurs assiettes, le poulet remplace les oeufs. Ceux qui en sont revenus racontent: les rues sont propres, on a toujours une liasse de billets dans la poche. Ils montrent des photos de voitures de sport, des vues de Las Vegas.

Maldonado, s’en va sans vraiment dire adieu, sans ef-fusion ni embrasses. Comme s’il allait revenir un peu plus tard. Sur son dos, un sac de toile. Dedans, un tee-shirt, une paire de jeans, deux boîtes de haricots, deux litres d’eau et dix tortillas. Le bus ronronne trois jours et trois nuits avant d’atteintre Nogales, ville frontière ou vit sa cousine. Elle lui trouve un «coyote». Le passeur lui demande 1500 dollars pour l’emmener jusqu’à Phoenix, Arizona. Maldonado n’a même pas cinq dollars en poche. Pas grave: tu me paieras ta dette en travaillant là-bas». Pendant trois nuits, Maldonado et trois autres Mexicains traversent le désert. La journée, il s’allongent sur le sol, se camouflent avec de la terre et des branches séchées. La température grimpe, entre 40 et 50°C. EN moyenne, un migrant meurt chaque jour de soif ou d’insolation sous le soleil cuisant. Le quatuor rem-plit des bouteilles en plastique dans des trous d’eau croupie et mange la moisissure sur les tortillas. Le coyote tue trois serpents. Maldonado: «J’ai cru que j’allais mourir».

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mAldonAdo à VéCu En ClAndEstin Aux EtAts-unis. sur un mAlEntEndu, il Est

rEntré Au mExiQuE. ou il sE sEnt un étrAngEr.

Voilà trente-huit heures que Maldonado est allongé dans la une cellule pour douze détenus. L’air est lourd et humide, la pièce pue la pisse. Il est trempé de sueur, a mal au ventre de faim, mal au coeur de tristesse? D’après la loi fédérale des Etates-Unis, il est un criminel. Infraction «8 USC 1325 – Improper entre by alien», entrée illgéale d’un étranger sur le sol américain. «Leoncio Gaspar Maldonadp!» hurle un officier. Il se lève, le suit. En chemin, il perd à moitié ses chaussures en cuir, son jean glisse sur ses hanches. Les poli-ciers lui ont retiré ses lactes et sa ceinture pour l’empêcher de se pendre. On prend l’empreinte de sa main droite, on scanne son iris, on photographie son visage. 1M64, che-veux coupés très court, plombage sur l’incisive gauche. Les données sont comparées ave celles de la base du FBI. L’ordinateur affiche: «Trouvé».

Il y a deux ans, en Floride, Maldonado avait grillé un feu rouge. Il avait alors payé une amande sans faire d’histoire et personne n’avait vérifié son permis de séjour.»Tu étais déjà sur le territoire?» demande l’officier en espagnol. Il fait oui de la tête. Nus sommes à l’été 2009, et c’est la deuxième fois que Leoncio Gaspar Maldonado tente d’entrer sur le territoire américain. La première fois, c’était en 2001, et ça avait marché. Ouvrier agricole en Floride, dans le Michigan et d’autres Etats, en fonction des récoltes, il gagnait pres de dix dollars de l’heure: dix fois plus qu’au Mexique.

Pendant huit ans, il avait envoyé des sous à sa famille, à Santo Domingo dans la province d’Oaxaca, après avoir payé le loyer, le téléphone et de quoi manger. Les di-manches, il leur parlait un quart d’heure en appelant chez les voisins car sa famille n’avait pas le téléphone. Pour Maldonado, ses enfants éaient deux vois devenant un peu plus graves avec les années. Mais un dimanche de 2009, la mère de Maldonado ne vnt pas répondre au téléphone. «Elle est occupée, mais elle va bien» lui dit la voisine. «Elle est occupée, mais elle va bien» lui dit sa fille. «Elle est occu-

pée, mais elle va bien» lui dit son fils. «Elle n’est pas occu-pée, et elle ne va pas bien», pense Maldonado. «Ne rentre pas à la maison, je t’en prie. Nous avons besoin d’argent».Il ne perdra pas sa mère sans l’avoir vue une dernière fois. Il prend la route:4000 kilomètres en direction du sud, en bus Greyhound et en stop. Personne ne jette un oeil à ses pa-piers au poste-frontière. Lorsqu’il rapelle chez lui, il est déjà au Mexique. «Ta mère va mieux, le rassure la voisine. Elle était à l’hôpitale, je te la passe» «Mi Hijo, mon fils», dit-elle en prenant le combiné. «Tu es au Mexique?» Ne rentre pas à la maison, je t’en prie. Nous avons besoin d’argent. Comment pourrons-nous envoyer les enfants à l’école, si-non?» «J’aurais dû réfléchir avant de quitter les Etats-Unis» admet Maldonado.

Pendant deux mois, il erre dans le Nord du Mexique, vend des journaux, travaille sur des chantier et tu ne gagnes pas d’argent.»Là, tu ne fais que travailler et tu ne gagnes as d’argent.» Maldonado veut retourner aux Etats-Unis. Mais huit ans après sa première traversée de la frontière, il est devenu quasiment impossible d’entrer sans papiers. Entre-temps, le nombre de gardes-frontières a doublé. En tout, 18000 policiers surveillent les 3000 kilomètres de grillage. Dans les Etats du Sud des Etats-Unis, on prend des me-sures sévères contre ce que beaucoup regardent comme une «invasion étrangère». 400 000 immigrés illégaux ont été expulsés du territoire américain en 2011.

«C’est bon», se dit-il en escaladant pour la deuxième fois de sa vie la clôture de sécurité. 2 heures du matin. L’interstate 10, artère principale du Sud des Etats-Unis, n’est qu’à quelques heures de marche. Sur le bord de l’au-toroute, il trouvera sûrement un

l’histoirE dE mAldo-nAdo CommEnCE dEs AnnéEs AupArAVAnt, à sAnto domingo, un VillAgE du sud du mExiQuE.

_Un article de MaUde Paterson / crédits Photos saMUel son, caMille JP.

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Voilà trente-huit heures que Maldonado est allongé dans la

une cellule pour douze détenus. L’air est lourd et humide,

la pièce pue la pisse. Il est trempé de sueur, a mal au ventre

de faim, mal au coeur de tristesse? D’après la loi fédérale

des Etates-Unis, il est un criminel. Infraction «8 USC 1325

– Improper entre by alien», entrée illgéale d’un étranger

sur le sol américain. «Leoncio Gaspar Maldonadp!» hurle

un officier. Il se lève, le suit. En chemin, il perd à moitié ses

chaussures en cuir, son jean glisse sur ses hanches. Les poli-

ciers lui ont retiré ses lactes et sa ceinture pour l’empêcher

de se pendre. On prend l’empreinte de sa main droite, on

scanne son iris, on photographie son visage. 1M64, che-

veux coupés très court, plombage sur l’incisive gauche.

Les données sont comparées ave celles de la base du FBI.

L’ordinateur affiche: «Trouvé».

Il y a deux ans, en Floride, Maldonado avait grillé un feu

rouge. Il avait alors payé une amande sans faire d’histoire et

personne n’avait vérifié son permis de séjour.»Tu étais déjà

sur le territoire?» demande l’officier en espagnol. Il fait oui

de la tête. Nus sommes à l’été 2009, et c’est la deuxième

fois que Leoncio Gaspar Maldonado tente d’entrer sur le

territoire américain. La première fois, c’était en 2001, et ça

avait marché. Ouvrier agricole en Floride, dans le Michigan

et d’autres Etats, en fonction des récoltes, il gagnait pres de

dix dollars de l’heure: dix fois plus qu’au Mexique.

Pendant huit ans, il avait envoyé des sous à sa famille, à

Santo Domingo dans la province d’Oaxaca, après avoir

payé le loyer, le téléphone et de quoi manger. Les di-

manches, il leur parlait un quart d’heure en appelant chez

les voisins car sa famille n’avait pas le téléphone. Pour

Maldonado, ses enfants éaient deux vois devenant un peu

plus graves avec les années. Mais un dimanche de 2009, la

mère de Maldonado ne vnt pas répondre au téléphone.

«Elle est occupée, mais elle va bien» lui dit la voisine. «Elle

est occupée, mais elle va bien» lui dit sa fille. «Elle est occu-

pée, mais elle va bien» lui dit son fils. «Elle n’est pas occu-

pée, et elle ne va pas bien», pense Maldonado. «Ne rentre

pas à la maison, je t’en prie. Nous avons besoin d’argent».

Il ne perdra pas sa mère sans l’avoir vue une dernière fois. Il

prend la route:4000 kilomètres en direction du sud, en bus

Greyhound et en stop. Personne ne jette un oeil à ses pa-

piers au poste-frontière. Lorsqu’il rapelle chez lui, il est déjà

au Mexique. «Ta mère va mieux, le rassure la voisine. Elle

était à l’hôpitale, je te la passe» «Mi Hijo, mon fils», dit-elle

en prenant le combiné. «Tu es au Mexique?» Ne rentre

pas à la maison, je t’en prie. Nous avons besoin d’argent.

Comment pourrons-nous envoyer les enfants à l’école, si-

non?» «J’aurais dû réfléchir avant de quitter les Etats-Unis»

admet Maldonado.

Pendant deux mois, il erre dans le Nord du Mexique, vend

des journaux, travaille sur des chantier et tu ne gagnes pas

d’argent.»Là, tu ne fais que travailler et tu ne gagnes as

d’argent.» Maldonado veut retourner aux Etats-Unis. Mais

huit ans après sa première traversée de la frontière, il est

devenu quasiment impossible d’entrer sans papiers. Entre-

temps, le nombre de gardes-frontières a doublé. En tout,

18000 policiers surveillent les 3000 kilomètres de grillage.

Dans les Etats du Sud des Etats-Unis, on prend des me-

sures sévères contre ce que beaucoup regardent comme

une «invasion étrangère». 400 000 immigrés illégaux ont

été expulsés du territoire américain en 2011.

«C’est bon», se dit-il en escaladant pour la deuxième

fois de sa vie la clôture de sécurité. 2 heures du matin.

L’interstate 10, artère principale du Sud des Etats-Unis,

n’est qu’à quelques heures de marche. Sur le bord de l’au-

toroute, il trouvera sûrement un Voilà trente-huit heures

que Maldonado est allongé dans la une cellule pour douze

détenus. L’air est lourd et humide, la pièce pue la pisse. Il

est trempé de sueur, a mal au ventre de faim, mal au coeur

de tristesse? D’après la loi fédérale des Etates-Unis, il est

un criminel. Infraction «8 USC 1325 – Improper entre by

alien», entrée illgéale d’un étranger sur le sol américain.

«Leoncio Gaspar Maldonadp!» hurle un officier. Il se lève,

le suit. En chemin, il perd à moitié ses chaussures en cuir,

son jean glisse sur ses hanches. Les policiers lui ont retiré

ses lactes et sa ceinture pour l’empêcher de se pendre.

On prend l’empreinte de sa main droite, on scanne son

iris, on photographie son visage. 1M64, cheveux coupés

très court, plombage sur l’incisive gauche. Les données

sont comparées ave celles de la base du FBI. L’ordinateur

affiche: «Trouvé».

Il y a deux ans, en Floride, Maldonado avait grillé un feu

rouge. Il avait alors payé une amande sans faire d’histoire et

personne n’avait vérifié son permis de séjour.»Tu étais déjà

sur le territoire?» demande l’officier en espagnol. Il fait oui

de la tête. Nus sommes à l’été 2009, et c’est la deuxième

fois que Leoncio Gaspar Maldonado tente d’entrer sur le

territoire américain. La première fois, c’était en 2001, et ça

avait marché. Ouvrier agricole en Floride, dans le Michigan

et d’autres Etats, en fonction des récoltes, il gagnait pres de

dix dollars de l’heure: dix fois plus qu’au Mexique.

Pendant huit ans, il avait envoyé des sous à sa famille, à

Santo Domingo dans la province d’Oaxaca, après avoir

payé le loyer, le téléphone et de quoi manger. Les di-

manches, il leur parlait un quart d’heure en appelant chez

les voisins car sa famille n’avait pas le téléphone. Pour

Maldonado, ses enfants éaient deux vois devenant un peu

plus graves avec les années. Mais un dimanche de 2009, la

mère de Maldonado ne vnt pas répondre au téléphone.

«Elle est occupée, mais elle va bien» lui dit la voisine. «Elle

est occupée, mais elle va bien» lui dit sa fille. «Elle est occu-

pée, mais elle va bien» lui dit son fils. «Elle n’est pas occu-

pée, et elle ne va pas bien», pense Maldonado. «Ne rentre

pas à la maison, je t’en prie. Nous avons besoin d’argent».

Il ne perdra pas sa mère sans l’avoir vue une dernière fois. Il

l’histoirE dE mAldonAdo Com-mEnCE dEs AnnéEs AupArAVAnt, à sAnto domingo, un VillAgE du sud du mExiQuE.

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au Mexique. «Ta mère va mieux, le rassure la voisine. Elle

était à l’hôpitale, je te la passe» «Mi Hijo, mon fils», dit-elle

en prenant le combiné. «Tu es au Mexique?» Ne rentre

pas à la maison, je t’en prie. Nous avons besoin d’argent.

Comment pourrons-nous envoyer les enfants à l’école, si-

non?» «J’aurais dû réfléchir avant de quitter les Etats-Unis»

admet Maldonado.

Pendant deux mois, il erre dans le Nord du Mexique, vend

des journaux, travaille sur des chantier et tu ne gagnes pas

d’argent.»Là, tu ne fais que travailler et tu ne gagnes as

d’argent.» Maldonado veut retourner aux Etats-Unis. Mais

huit ans après sa première traversée de la frontière, il est

devenu quasiment impossible d’entrer sans papiers. Entre-

temps, le nombre de gardes-frontières a doublé. En tout,

18000 policiers surveillent les 3000 kilomètres de grillage.

Dans les Etats du Sud des Etats-Unis, on prend des me-

sures sévères contre ce que beaucoup regardent comme

une «invasion étrangère». 400 000 immigrés illégaux ont

été expulsés du territoire américain en 2011.

«C’est bon», se dit-il en escaladant pour la deuxième

fois de sa vie la clôture de sécurité. 2 heures du matin.

L’interstate 10, artère principale du Sud des Etats-Unis,

n’est qu’à quelques heures de marche. Sur le bord de l’au-

toroute, il trouvera sûrement un Voilà trente-huit heures

que Maldonado est allongé dans la une cellule pour douze

détenus. L’air est lourd et humide, la pièce pue la pisse. Il

est trempé de sueur, a mal au ventre de faim, mal au coeur

de tristesse? D’après la loi fédérale des Etates-Unis, il est

un criminel. Infraction «8 USC 1325 – Improper entre by

alien», entrée illgéale d’un étranger sur le sol américain.

«Leoncio Gaspar Maldonadp!» hurle un officier. Il se lève,

le suit. En chemin, il perd à moitié ses chaussures en cuir,

son jean glisse sur ses hanches. Les policiers lui ont retiré

ses lactes et sa ceinture pour l’empêcher de se pendre.

On prend l’empreinte de sa main droite, on scanne son

iris, on photographie son visage. 1M64, cheveux coupés

très court, plombage sur l’incisive gauche. Les données

sont comparées ave celles de la base du FBI. L’ordinateur

affiche: «Trouvé».

Il y a deux ans, en Floride, Maldonado avait grillé un feu

rouge. Il avait alors payé une amande sans faire d’histoire et

personne n’avait vérifié son permis de séjour.»Tu étais déjà

sur le territoire?» demande l’officier en espagnol. Il fait oui

de la tête. Nus sommes à l’été 2009, et c’est la deuxième

fois que Leoncio Gaspar Maldonado tente d’entrer sur le

territoire américain. La première fois, c’était en 2001, et ça

avait marché. Ouvrier agricole en Floride, dans le Michigan

et d’autres Etats, en fonction des récoltes, il gagnait pres de

dix dollars de l’heure: dix fois plus qu’au Mexique.

Pendant huit ans, il avait envoyé des sous à sa famille, à

Santo Domingo dans la province d’Oaxaca, après avoir

payé le loyer, le téléphone et de quoi manger. Les di-

manches, il leur parlait un quart d’heure en appelant chez

les voisins car sa famille n’avait pas le téléphone. Pour

Maldonado, ses enfants éaient deux vois devenant un peu

plus graves avec les années. Mais un dimanche de 2009, la

mère de Maldonado ne vnt pas répondre au téléphone.

«Elle est occupée, mais elle va bien» lui dit la voisine. «Elle

est occupée, mais elle va bien» lui dit sa fille. «Elle est occu-

pée, mais elle va bien» lui dit son fils. «Elle n’est pas occu-

pée, et elle ne va pas bien», pense Maldonado. «Ne rentre

pas à la maison, je t’en prie. Nous avons besoin d’argent».

Il ne perdra pas sa mère sans l’avoir vue une dernière fois. Il

prend la route:4000 kilomètres en direction du sud, en bus

Greyhound et en stop. Personne ne jette un oeil à ses pa-

piers au poste-frontière. Lorsqu’il rapelle chez lui, il est déjà

au Mexique. «Ta mère va mieux, le rassure la voisine. Elle

était à l’hôpitale, je te la passe» «Mi Hijo, mon fils», dit-elle

en prenant le combiné. «Tu es au Mexique?» Ne rentre

pas à la maison, je t’en prie. Nous avons besoin d’argent.

Comment pourrons-nous envoyer les enfants à l’école, si-

non?» «J’aurais dû réfléchir avant de quitter les Etats-Unis»

admet Maldonado.

Pendant deux mois, il erre dans le Nord du Mexique, vend

des journaux, travaille sur des chantier et tu ne gagnes pas

d’argent.»Là, tu ne fais que travailler et tu ne gagnes as

d’argent.» Maldonado veut retourner aux Etats-Unis. Mais

huit ans après sa première traversée de la frontière, il est

devenu quasiment impossible d’entrer sans papiers. Entre-

temps, le nombre de gardes-frontières a doublé. En tout,

18000 policiers surveillent les 3000 kilomètres de grillage.

Dans les Etats du Sud des Etats-Unis, on prend des me-

sures sévères contre ce que beaucoup regardent comme

une «invasion étrangère». 400 000 immigrés illégaux ont

été expulsés du territoire américain en 2011.

«C’est bon», se dit-il en escaladant pour la deuxième

fois de sa vie la clôture de sécurité. 2 heures du matin.

L’interstate 10, artère principale du Sud des Etats-Unis,

n’est qu’à quelques heures de marche. Sur le bord de l’au-

toroute, il trouvera sûrement un Voilà trente-huit heures

que Maldonado est allongé dans la une cellule pour douze

détenus. L’air est lourd et humide, la pièce pue la pisse. Il

est trempé de sueur, a mal au ventre de faim, mal au coeur

de tristesse? D’après la loi fédérale des Etates-Unis, il est

un criminel. Infraction «8 USC 1325 – Improper entre by

alien», entrée illgéale d’un étranger sur le sol américain.

«Leoncio Gaspar Maldonadp!» hurle un officier. Il se lève,

le suit. En chemin, il perd à moitié ses chaussures en cuir,

son jean glisse sur ses hanches. Les policiers lui ont retiré

ses lactes et sa ceinture pour l’empêcher de se pendre.

On prend l’empreinte de sa main droite, on scanne son

iris, on photographie son visage. 1M64, cheveux coupés

très court, plombage sur l’incisive gauche. Les données

sont comparées ave celles de la base du FBI. L’ordinateur

affiche: «Trouvé».

Il y a deux ans, en Floride, Maldonado avait grillé un feu

rouge. Il avait alors payé une amande sans faire d’histoire et

personne n’avait vérifié son permis de séjour.»Tu étais déjà

sur le territoire?» demande l’officier en espagnol. Il fait oui

de la tête. Nus sommes à l’été 2009, et c’est la deuxième

fois que Leoncio Gaspar Maldonado tente d’entrer sur le

territoire américain. La première fois, c’était en 2001, et ça

avait marché. Ouvrier agricole en Floride, dans le Michigan

et d’autres Etats, en fonction des récoltes, il gagnait pres de

dix dollars de l’heure: dix fois plus qu’au Mexique.

Pendant huit ans, il avait envoyé des sous à sa famille, à

Santo Domingo dans la province d’Oaxaca, après avoir

payé le loyer, le téléphone et de quoi manger. Les di-

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les voisins car sa famille n’avait pas le téléphone. Pour

Maldonado, ses enfants éaient deux vois devenant un peu

plus graves avec les années. Mais un dimanche de 2009, la

mère de Maldonado ne vnt pas répondre au téléphone.

«Elle est occupée, mais elle va bien» lui dit la voisine. «Elle

est occupée, mais elle va bien» lui dit sa fille. «Elle est occu-

pée, mais elle va bien» lui dit son fils. «Elle n’est pas occu-

pée, et elle ne va pas bien», pense Maldonado. «Ne rentre

pas à la maison, je t’en prie. Nous avons besoin d’argent».

Il ne perdra pas sa mère sans l’avoir vue une dernière fois. Il

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au Mexique. «Ta mère va mieux, le rassure la voisine. Elle

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Comment pourrons-nous envoyer les enfants à l’école, si-

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admet Maldonado.

Pendant deux mois, il erre dans le Nord du Mexique, vend

des journaux, travaille sur des chantier et tu ne gagnes pas

d’argent.»Là, tu ne fais que travailler et tu ne gagnes as

d’argent.» Maldonado veut retourner aux Etats-Unis. Mais

huit ans après sa première traversée de la frontière, il est

devenu quasiment impossible d’entrer sans papiers. Entre-

temps, le nombre de gardes-frontières a doublé. En tout,

18000 policiers surveillent les 3000 kilomètres de grillage.

Dans les Etats du Sud des Etats-Unis, on prend des me-

sures sévères contre ce que beaucoup regardent comme

une «invasion étrangère». 400 000 immigrés illégaux ont

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Les données sont comparées ave celles de la base du FBI. L’ordinateur affiche: «Trouvé».

Il y a deux ans, en Floride, Maldonado avait grillé un feu rouge. Il avait alors payé une amande sans faire d’histoire et personne n’avait vérifié son permis de séjour.»Tu étais déjà sur le territoire?» demande l’officier en espagnol. Il fait oui de la tête. Nus sommes à l’été 2009, et c’est la deuxième fois que Leoncio Gaspar Maldonado tente d’entrer sur le territoire américain. La première fois, c’était en 2001, et ça avait marché. Ouvrier agricole en Floride, dans le Michigan et d’autres Etats, en fonction des récoltes, il gagnait pres de dix dollars de l’heure: dix fois plus qu’au Mexique.

Pendant huit ans, il avait envoyé des sous à sa famille, à Santo Domingo dans la province d’Oaxaca, après avoir payé le loyer, le téléphone et de quoi manger. Les di-manches, il leur parlait un quart d’heure en appelant chez les voisins car sa famille n’avait pas le téléphone. Pour Maldonado, ses enfants éaient deux vois devenant un peu plus graves avec les années. Mais un dimanche de 2009, la mère de Maldonado ne vnt pas répondre au téléphone. «Elle est occupée, mais elle va bien» lui dit la voisine. «Elle est occupée, mais elle va bien» lui dit sa fille. «Elle est occu-pée, mais elle va bien» lui dit son fils. «Elle n’est pas occu-pée, et elle ne va pas bien», pense Maldonado. «Ne rentre

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pas à la maison, je t’en prie. Nous avons besoin d’argent».Il ne perdra pas sa mère sans l’avoir vue une dernière fois. Il prend la route:4000 kilomètres en direction du sud, en bus Greyhound et en stop. Personne ne jette un oeil à ses pa-piers au poste-frontière. Lorsqu’il rapelle chez lui, il est déjà au Mexique. «Ta mère va mieux, le rassure la voisine. Elle était à l’hôpitale, je te la passe» «Mi Hijo, mon fils», dit-elle en prenant le combiné. «Tu es au Mexique?» Ne rentre pas à la maison, je t’en prie. Nous avons besoin d’argent. Comment pourrons-nous envoyer les enfants à l’école, si-non?» «J’aurais dû réfléchir avant de quitter les Etats-Unis» admet Maldonado.

Pendant deux mois, il erre dans le Nord du Mexique, vend des journaux, travaille sur des chantier et tu ne gagnes pas d’argent.»Là, tu ne fais que travailler et tu ne gagnes as d’argent.» Maldonado veut retourner aux Etats-Unis. Mais huit ans après sa première traversée de la frontière, il est devenu quasiment impossible d’entrer sans papiers. Entre-temps, le nombre de gardes-frontières a doublé. En tout, 18000 policiers surveillent les 3000 kilomètres de grillage. Dans les Etats du Sud des Etats-Unis, on prend des me-sures sévères contre ce que beaucoup regardent comme une «invasion étrangère». 400 000 immigrés illégaux ont été expulsés du territoire américain en 2011.

«C’est bon», se dit-il en escaladant pour la deuxième fois de sa vie la clôture de sécurité. 2 heures du matin. L’interstate 10, artère principale du Sud des Etats-Unis, n’est qu’à quelques heures de marche. Sur le bord de l’au-toroute, il trouvera sûrement un Voilà trente-huit heures que Maldonado est allongé dans la une cellule pour douze détenus. L’air est lourd et humide, la pièce pue la pisse. Il est trempé de sueur, a mal au ventre de faim, mal au coeur de tristesse? D’après la loi fédérale des Etates-Unis, il est un criminel. Infraction «8 USC 1325 – Improper entre by alien», entrée illgéale d’un étranger sur le sol américain. «Leoncio Gaspar Maldonadp!» hurle un officier. Il se lève, le suit. En chemin, il perd à moitié ses chaussures en cuir, son jean glisse sur ses hanches. Les policiers lui ont retiré ses lactes et sa ceinture pour l’empêcher de se pendre. On prend l’empreinte de sa main droite, on scanne son iris, on photographie son visage. 1M64, cheveux coupés très court, plombage sur l’incisive gauche. Les données sont comparées ave celles de la base du FBI. L’ordinateur affiche: «Trouvé».

Il y a deux ans, en Floride, Maldonado avait grillé un feu rouge. Il avait alors payé une amande sans faire d’histoire et personne n’avait vérifié son permis de séjour.»Tu étais déjà sur le territoire?» demande l’officier en espagnol. Il fait oui de la tête. Nus sommes à l’été 2009, et c’est la deuxième fois que Leoncio Gaspar Maldonado tente d’entrer sur le territoire américain. La première fois, c’était en 2001, et ça avait marché. Ouvrier agricole en Floride, dans le Michigan et d’autres Etats, en fonction des récoltes, il gagnait pres de dix dollars de l’heure: dix fois plus qu’au Mexique.

Pendant huit ans, il avait envoyé des sous à sa famille, à Santo Domingo dans la province d’Oaxaca, après avoir payé le loyer, le téléphone et de quoi manger. Les di-manches, il leur parlait un quart d’heure en appelant chez les voisins car sa famille n’avait pas le téléphone. Pour Maldonado, ses enfants éaient deux vois devenant un peu plus graves avec les années. Mais un dimanche de 2009, la mère de Maldonado ne vnt pas répondre au téléphone. «Elle est occupée, mais elle va bien» lui dit la voisine. «Elle est occupée, mais elle va bien» lui dit sa fille. «Elle est occu-pée, mais elle va bien» lui dit son fils •

l’histoirE dE mAldonA-do CommEnCE dEs An-néEs AupArAVAnt, à sAn-to domingo, un VillAgE du sud du mExiQuE.

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_Un article de MaUde Paterson / crédits Photos saMUel son, caMille JP.

Voilà trente-huit heures que Maldonado est allongé dans la une cellule pour douze détenus. L’air est lourd et humide, la pièce pue la pisse. Il est trempé de sueur, a mal au ventre de faim, mal au coeur de tristesse? D’après la loi fédérale des Etates-Unis, il est un criminel. Infraction «8 USC 1325 – Improper entre by alien», en-trée illgéale d’un étranger sur le sol américain. «Leoncio Gaspar Maldonadp!» hurle un officier. Il se lève, le suit. En chemin, il perd à moitié ses chaussures en cuir, son jean glisse sur ses hanches. Les policiers lui ont retiré ses lactes et sa ceinture pour l’empêcher de se pendre. On prend l’empreinte de sa main droite, on scanne son iris, on photographie son visage. 1M64, cheveux coupés très court, plombage sur l’incisive gauche. Les données sont comparées ave celles de la base du FBI. L’ordinateur affiche: «Trouvé».

Il y a deux ans, en Floride, Maldonado avait grillé un feu rouge. Il avait alors payé une amande sans faire d’his-toire et personne n’avait vérifié son permis de séjour.»-Tu étais déjà sur le territoire?» demande l’officier en es-pagnol. Il fait oui de la tête. Nus sommes à l’été 2009, et c’est la deuxième fois que Leoncio Gaspar Maldonado tente d’entrer sur le territoire américain. La première fois, c’était en 2001, et ça avait marché. Ouvrier agri-

cole en Floride, dans le Michigan et d’autres Etats, en fonction des récoltes, il gagnait pres de dix dollars de l’heure: dix fois plus qu’au Mexique.

Pendant huit ans, il avait envoyé des sous à sa famille, à Santo Domingo dans la province d’Oaxaca, après avoir payé le loyer, le téléphone et de quoi manger. Les di-manches, il leur parlait un quart d’heure en appelant chez les voisins car sa famille n’avait pas le téléphone. Pour Maldonado, ses enfants éaient deux vois devenant un peu plus graves avec les années. Mais un dimanche de 2009, la mère de Maldonado ne vnt pas répondre au téléphone. «Elle est occupée, mais elle va bien» lui dit la voisine. «Elle est occupée, mais elle va bien» lui dit sa fille. «Elle est occupée, mais elle va bien» lui dit son fils. «Elle n’est pas occupée, et elle ne va pas bien», pense Maldonado. «Ne rentre pas à la maison, je t’en prie. Nous avons besoin d’argent».Il ne perdra pas sa mère sans l’avoir vue une dernière fois. Il prend la route:4000 kilomètres en direction du sud, en bus Greyhound et en stop. Personne ne jette un oeil à ses papiers au poste-frontière. Lorsqu’il rapelle chez lui, il est déjà au Mexique. «Ta mère va mieux, le rassure la voisine. Elle était à l’hôpitale, je te la passe» «Mi Hijo, mon fils», dit-elle en prenant le combiné. «Tu

es au Mexique?» Ne rentre pas à la maison, je t’en prie. Nous avons besoin d’argent. Comment pourrons-nous envoyer les enfants à l’école, sinon?» «J’aurais dû réflé-chir avant de quitter les Etats-Unis» admeendant deux mois, il erre dans le Nord du Mexique, vend des journaux, travaille sur des chantier et tu ne gagnes pas d’argent.»-Là, tu ne fais que travailler et tu ne gagnes as d’argent.» Maldonado veut retourner aux Etats-Unis. Mais huit ans après sa première traversée de la frontière, il est devenu quasiment impossible d’entrer sans papiers. Entre-temps, le nombre de gardes-frontières a doublé. En tout, 18000 policiers surveillent les 3000 kilomètres de grillage. Dans les Etats du Sud des Etats-Unis, on prend des mesures sévères contre ce que beaucoup regardent comme une «invasion étrangère». 400 000 immigrés illégaux ont été expulsés du territoire amé-ricain en 2011.

«C’est bon», se dit-il en escaladant pour la deuxième fois de sa vie la clôture de sécurité. 2 heures du matin. L’interstate 10, artère principale du Sud des Etats-Unis, n’est qu’à quelques heures de marche. Sur le bord de l’au-toroute, il trouvera sûrement un

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Il y a deux ans, en Floride, Maldonado avait grillé un feu rouge. Il avait alors payé une amande sans faire d’his-toire et personne n’avait vérifié son permis de séjour.»-Tu étais déjà sur le territoire?» demande l’officier en es-pagnol. Il fait oui de la tête. Nus sommes à l’été 2009, et c’est la deuxième fois que Leoncio Gaspar Maldonado tente d’entrer sur le territoire américain. La première fois, c’était en 2001, et ça avait marché. Ouvrier agri-

cole en Floride, dans le Michigan et d’autres Etats, en fonction des récoltes, il gagnait pres de dix dollars de l’heure: dix fois plus qu’au Mexique.

Pendant huit ans, il avait envoyé des sous à sa famille, à Santo Domingo dans la province d’Oaxaca, après avoir payé le loyer, le téléphone et de quoi manger. Les di-manches, il leur parlait un quart d’heure en appelant chez les voisins car sa famille n’avait pas le téléphone. Pour Maldonado, ses enfants éaient deux vois devenant un peu plus graves avec les années. Mais un dimanche de 2009, la mère de Maldonado ne vnt pas répondre au téléphone. «Elle est occupée, mais elle va bien» lui dit la voisine. «Elle est occupée, mais elle va bien» lui dit sa fille. «Elle est occupée, mais elle va bien» lui dit son fils. «Elle n’est pas occupée, et elle ne va pas bien», pense Maldonado. «Ne rentre pas à la maison, je t’en prie. Nous avons besoin d’argent».Il ne perdra pas sa mère sans l’avoir vue une dernière fois. Il prend la route:4000 kilomètres en direction du sud, en bus Greyhound et en stop. Personne ne jette un oeil à ses papiers au poste-frontière. Lorsqu’il rapelle chez lui, il est déjà au Mexique. «Ta mère va mieux, le rassure la voisine. Elle était à l’hôpitale, je te la passe» «Mi Hijo, mon fils», dit-elle en prenant le combiné. «Tu

es au Mexique?» Ne rentre pas à la maison, je t’en prie. Nous avons besoin d’argent. Comment pourrons-nous envoyer les enfants à l’école, sinon?» «J’aurais dû réflé-chir avant de quitter les Etats-Unis» admet Maldonado.

Pendant deux mois, il erre dans le Nord du Mexique, vend des journaux, travaille sur des chantier et tu ne gagnes pas d’argent.»Là, tu ne fais que travailler et tu ne gagnes as d’argent.» Maldonado veut retourner aux Etats-Unis. Mais huit ans après sa première traversée de la frontière, il est devenu quasiment impossible d’entrer sans papiers. Entre-temps, le nombre de gardes-fron-tières a doublé. En tout, 18000 policiers surveillent les 3000 kilomètres de grillage. Dans les Etats du Sud des Etats-Unis, on prend des mesures sévères contre ce que beaucoup regardent comme une «invasion étran-gère». 400 000 immigrés illégaux ont été expulsés du territoire américain en 2011.

«C’est bon», se dit-il en escaladant pour la deuxième fois de sa vie la clôture de sécurité. 2 heures du matin. L’interstate 10, artère principale du Sud des Etats-Unis, n’est qu’à quelques heures de marche. Sur le bord de l’autoroute, il trouvera sûrement un

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Voilà trente-huit heures que Maldonado est allongé dans la une cellule pour douze détenus. L’air est lourd et humide, la pièce pue la pisse. Il est trempé de sueur, a mal au ventre de faim, mal au coeur de tristesse? D’après la loi fédérale des Etates-Unis, il est un criminel. Infraction «8 USC 1325 – Improper entre by alien», en-trée illgéale d’un étranger sur le sol américain. «Leoncio Gaspar Maldonadp!» hurle un officier. Il se lève, le suit. En chemin, il perd à moitié ses chaussures en cuir, son jean glisse sur ses hanches. Les policiers lui ont retiré ses lactes et sa ceinture pour l’empêcher de se pendre. On prend l’empreinte de sa main droite, on scanne son iris, on photographie son visage. 1M64, cheveux coupés très court, plombage sur l’incisive gauche. Les données sont comparées ave celles de la base du FBI. L’ordinateur affiche: «Trouvé».

Il y a deux ans, en Floride, Maldonado avait grillé un feu rouge. Il avait alors payé une amande sans faire d’his-toire et personne n’avait vérifié son permis de séjour.»-Tu étais déjà sur le territoire?» demande l’officier en es-pagnol. Il fait oui de la tête. Nus sommes à l’été 2009, et c’est la deuxième fois que Leoncio Gaspar Maldonado tente d’entrer sur le territoire américain. La première fois, c’était en 2001, et ça avait marché. Ouvrier agri-cole en Floride, dans le Michigan et d’autres Etats, en fonction des récoltes, il gagnait pres de dix dollars de l’heure: dix fois plus qu’au Mexique.

Pendant huit ans, il avait envoyé des sous à sa famille, à Santo Domingo dans la province d’Oaxaca, après avoir payé le loyer, le téléphone et de quoi manger. Les di-manches, il leur parlait un quart d’heure en appelant chez les voisins car sa famille n’avait pas le téléphone. Pour Maldonado, ses enfants éaient deux vois devenant un peu plus graves avec les années. Mais un dimanche de 2009, la mère de Maldonado ne vnt pas répondre au téléphone. «Elle est occupée, mais elle va bien» lui dit la voisine. «Elle est occupée, mais elle va bien» lui dit sa fille. «Elle est occupée, mais elle va bien» lui dit son fils. «Elle n’est pas occupée, et elle ne va pas bien», pense Maldonado. «Ne rentre pas à la maison, je t’en prie. Nous avons besoin d’argent».Il ne perdra pas sa mère sans l’avoir vue une dernière fois. Il prend la route:4000 kilomètres en direction du sud, en bus Greyhound et en stop. Personne ne jette un oeil à ses papiers au poste-frontière. Lorsqu’il rapelle chez lui, il est déjà au Mexique. «Ta mère va mieux, le rassure la voisine. Elle était à l’hôpitale, je te la passe» «Mi Hijo, mon fils», dit-elle en prenant le combiné. «Tu es au Mexique?» Ne rentre pas à la maison, je t’en prie. Nous avons besoin d’argent. Comment pourrons-nous envoyer les enfants à l’école, sinon?» «J’aurais dû réflé-chir avant de quitter les Etats-Unis» admet Maldonado.

Pendant deux mois, il erre dans le Nord du Mexique, vend des journaux, travaille sur des chantier et tu ne gagnes pas d’argent.»Là, tu ne fais que travailler et tu ne gagnes as d’argent.» Maldonado veut retourner aux Etats-Unis. Mais huit ans après sa première traversée de la frontière, il est devenu quasiment impossible d’entrer sans papiers. Entre-temps, le nombre de gardes-fron-tières a doublé. En tout, 18000 policiers surveillent les 3000 kilomètres de grillage. Dans les Etats du Sud des Etats-Unis, on prend des mesures sévères contre ce que beaucoup regardent comme une «invasion étran-gère». 400 000 immigrés illégaux ont été expulsés du territoire américain en 2011.

«C’est bon», se dit-il en escaladant pour la deuxième fois de sa vie la clôture de sécurité. 2 heures du matin. L’interstate 10, artère principale du Sud des Etats-Unis, n’est qu’à quelques heures de marche. Sur le bord de l’autoroute, il trouvera sûrement un Voilà trente-huit heures que Maldonado est allongé dans la une cellule pour douze détenus. L’air est lourd et humide, la pièce pue la pisse. Il est trempé de sueur, a mal au ventre de faim, mal au coeur de tristesse? D’après la loi fé-dérale des Etates-Unis, il est un criminel. Infraction «8 USC 1325 – Improper entre by alien», entrée illgéale d’un étranger sur le sol américain. «Leoncio Gaspar Maldonadp!» hurle un officier. Il se lève, le suit. En che-min, il perd à moitié ses chaussures en cuir, son jean glisse sur ses hanches. Les policiers lui ont retiré ses lactes et sa ceinture pour l’empêcher de se pendre. On prend l’empreinte de sa main droite, on scanne son iris, on photographie son visage. 1M64, cheveux coupés très court, plombage sur l’incisive gauche. Les données sont comparées ave celles de la base du FBI. L’ordinateur affiche: «Trouvé».

Il y a deux ans, en Floride, Maldonado avait grillé un feu rouge. Il avait alors payé une amande sans faire d’his-toire et personne n’avait vérifié son permis de séjour.»-Tu étais déjà sur le territoire?» demande l’officier en es-pagnol. Il fait oui de la tête. Nus sommes à l’été 2009, et c’est la deuxième fois que Leoncio Gaspar Maldonado tente d’entrer sur le territoire américain. La première fois, c’était en 2001, et ça avait marché. Ouvrier agri-cole en Floride, dans le Michigan et d’autres Etats, en fonction des récoltes, il gagnait pres de dix dollars de l’heure: dix fois plus qu’au Mexique.

Pendant huit ans, il avait envoyé des sous à sa famille, à Santo Domingo dans la province d’Oaxaca, après avoir payé le loyer, le téléphone et de quoi manger. Les di-manches, il leur parlait un quart d’heure en appelant chez les voisins car sa famille n’avait pas le téléphone. Pour Maldonado, ses enfants éaient deux vois devenant un peu plus graves avec les années. Mais un dimanche de 2009, la mère de Maldonado ne vnt pas répondre au téléphone. «Elle est occupée, mais elle va bien» lui dit la voisine. «Elle est occupée, mais elle va bien» lui dit sa fille. «Elle est occupée, mais elle va bien» lui dit son fils. «Elle n’est pas occupée, et elle ne va pas bien», pense Maldonado. «Ne rentre pas à la maison, je t’en prie. Nous avons besoin d’argent».Il ne perdra pas sa mère sans l’avoir vue une dernière fois. Il prend la route:4000 kilomètres en direction du sud, en bus Greyhound et en stop. Personne ne jette un oeil à ses papiers au poste-frontière. Lorsqu’il rapelle chez lui, il est déjà au Mexique. «Ta mère va mieux, le rassure la voisine. Elle était à l’hôpitale, je te la passe» «Mi Hijo, mon fils», dit-elle en prenant le combiné. «Tu es au Mexique?» Ne rentre pas à la maison, je t’en prie. Nous avons besoin d’argent. Comment pourrons-nous envoyer les enfants à l’école, sinon?» «J’aurais dû réflé-chir avant de quitter les Etats-Unis» admet Maldonado.

Pendant deux mois, il erre dans le Nord du Mexique, vend des journaux, travaille sur des chantier et tu ne gagnes pas d’argent.»Là, tu ne fais que travailler et tu ne gagnes as d’argent.» Maldonado veut retourner aux Etats-Unis. Mais huit ans après sa première traversée de la frontière, il est devenu quasiment impossible d’entrer sans papiers. Entre-temps, le nombre de gardes-fron-tières a doublé. En tout, 18000 policiers surveillent les 3000 kilomètres de grillage. Dans les Etats du Sud des

Etats-Unis, on prend des mesures sévères contre ce que beaucoup regardent comme une «invasion étran-gère». 400 000 immigrés illégaux ont été expulsés du territoire américain en 2011.

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Voilà trente-huit heures que Maldonado est allongé dans la une cellule pour douze détenus. L’air est lourd et humide, la pièce pue la pisse. Il est trempé de sueur, a mal au ventre de faim, mal au coeur de tristesse? D’après la loi fédérale des Etates-Unis, il est un criminel. Infraction «8 USC 1325 – Improper entre by alien», en-trée illgéale d’un étranger sur le sol américain. «Leoncio Gaspar Maldonadp!» hurle un officier. Il se lève, le suit. En chemin, il perd à moitié ses chaussures en cuir, son jean glisse sur ses hanches. Les policiers lui ont retiré ses lactes et sa ceinture pour l’empêcher de se pendre. On prend l’empreinte de sa main droite, on scanne son iris, on photographie son visage. 1M64, cheveux coupés très court, plombage sur l’incisive gauche. Les données sont comparées ave celles de la base du FBI. L’ordinateur affiche: «Trouvé».

Il y a deux ans, en Floride, Maldonado avait grillé un feu rouge. Il avait alors payé une amande sans faire d’his-toire et personne n’avait vérifié son permis de séjour.»-Tu étais déjà sur le territoire?» demande l’officier en es-pagnol. Il fait oui de la tête. Nus sommes à l’été 2009, et c’est la deuxième fois que Leoncio Gaspar Maldonado tente d’entrer sur le territoire américain. La première fois, c’était en 2001, et ça avait marché. Ouvrier agri-cole en Floride, dans le Michigan et d’autres Etats, en fonction des récoltes, il gagnait pres de dix dollars de l’heure: dix fois plus qu’au Mexique.

Pendant huit ans, il avait envoyé des sous à sa famille, à Santo Domingo dans la province d’Oaxaca, après avoir payé le loyer, le téléphone et de quoi manger. Les di-manches, il leur parlait un quart d’heure en appelant chez les voisins car sa famille n’avait pas le téléphone. Pour Maldonado, ses enfants éaient deux vois devenant un peu plus graves avec les années. Mais un dimanche de 2009, la mère de Maldonado ne vnt pas répondre au téléphone. «Elle est occupée, mais elle va bien» lui dit la voisine. «Elle est occupée, mais elle va bien» lui dit sa fille. «Elle est occupée, mais elle va bien» lui dit son fils. «Elle n’est pas occupée, et elle ne va pas bien», pense Maldonado. «Ne rentre pas à la maison, je t’en prie. Nous avons besoin d’argent».Il ne perdra pas sa mère sans l’avoir vue une dernière fois. Il prend la route:4000 kilomètres en direction du sud, en bus Greyhound et en stop. Personne ne jette un oeil à ses papiers au poste-frontière. Lorsqu’il rapelle chez lui, il est déjà au Mexique. «Ta mère va mieux, le rassure la voisine. Elle était à l’hôpitale, je te la passe» «Mi Hijo, mon fils», dit-elle en prenant le combiné. «Tu es au Mexique?» Ne rentre pas à la maison, je t’en prie. Nous avons besoin d’argent. Comment pourrons-nous envoyer les enfants à l’école, sinon?» «J’aurais dû réflé-chir avant de quitter les Etats-Unis» admet Maldonado.

Pendant deux mois, il erre dans le Nord du Mexique, vend des journaux, travaille sur des chantier et tu ne gagnes pas d’argent.»Là, tu ne fais que travailler et tu ne gagnes as d’argent.» Maldonado veut retourner aux Etats-Unis. Mais huit ans après sa première traversée de la frontière, il est devenu quasiment impossible d’entrer sans papiers. Entre-temps, le nombre de gar •

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