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  • La Rvolution surraliste. 1925/07/15.

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  • Ho 4 __ Premire anne 15 Juillet 1925

    LA REVOLUTION

    SURRALISTE

    ET

    GUERRE

    AU

    TRAVAIL

    SOMMAIREPourquoi je prends la direction de la R. S. :

    AndrBreton.POMES :

    LouisAragon,Paul luard.RVES :

    Max Morise,MichelLeiris,TEXTES SURRALISTES :

    PhilippeSoupault,Marcel Noll, GeorgesMalkine.Les parasites voyagent : BenjaminPret.

    La baie de laiaim : RobertDesnos.Qlossaire (suite): MichelLeiris.

    Nomenclature : Jacques-AndrBoiffard.

    CHRONIQUES :

    Fragments d'une confrence : LouisAragon.Le surralisme et la peinture : AndrBreton.

    Note sur la libert : LouisAragon.Exposition Chirico : MaxMorise.

    Philosophies, L'toile au front : PaulEluard.

    Correspondance.ILLUSTRATIONS :

    GiorgiodeChirico,Max Ernst, Andr Masson.

    JoanMiro, PabloPicasso,MnRay,PitreKoy,etc,

    ABONNEMENT,les 11Numros:France : 45 francsEtranger : 55francs

    Dpositaire gnral : Librairie GALLIMARD

    15, Boulevard Raspail, 15PARIS (VII)

    LE NUMERO ;France : 4 francs

    tranger : 5 francs

  • LA RVOLUTION SURRALISTE

    Directeurs :Pierre NAVILLE et Benjamin PRET

    15, Rue de GrenellePARIS (7

  • DESSINMDIANIMIQUEOBTENUPARMFONDRILLON,MDIUMDESSINATEURDANSSA79' ANNE,PARIS,MARS1909

    POURQUOI JE PRENDS LA DIRECTION

    DE LA RVOLUTION SURRALISTE

    Nous sommes en 1925. Je parle pour ceux qui ont vu la paix s'insinuer, pasmal de gouvernements tenir, pour ceux qui ont vu l indicible but qu'ils se propo-saient s'loigner, quelques hommes et mme quelques femmes faiblir. Leurs yeuxont la couleur de la perte de temps. Ceux-l ont-ils tort de se dfier l'un de l'autre,de chercher l'un chez l'autre le point vulnrable ? L'incognito nous sauverait tous,mais qu'y faire si tel d'entre nous passe dj pour un interdit de sjour, et tel pourun roi ? Nous n'avons pas assez fait pour ne point tre mis en avant, ou en arrire.L'utilit, la vague utilit dispose de nous ingnieusement. On nous prte un semblantde raison sociale. Artiste, ce mot qui trouve son homme au ministre des Affairestrangres * tout comme au bas de l'affiche par laquelle s'annonce une tourne deprovince, ce mot qui ne signifie rien : Vous tes artiste ! Ds lors, quoi que je

    * M. Briand

  • i POURQUOI JE PRENDS LA DIRECTION DE LA RVOLUTION SURRALISTE

    fasse, quelque refus que j'oppose mainte invitation grossire, d'un de mes amisle plaisir public attend exclusivement des contes, d'un autre des pomes en alexan-drins, d'un autre des tableaux o il y ait encore des oiseaux qui s'envolent etquelque certitude intrieure qu il me reste de djouer finalement les calculs en appa-rence les plus flatteurs qu'on aura faits sur moi, je suis, moi aussi, l'objet d'unetolrance spciale, dont je connais assez bien les limites et contre laquelle, pourtant,je n ai pas fini de m lever.

    On sait, on pourrait savoir quels mobiles cdrent, il y a six mois, les fonda-teurs de cette revue. Il s'agissait avant tout, pour eux, de remdier l'insigni-fiance profonde laquelle peut atteindre le langage sous i'impulsion d'un AnatoleFrance ou d'un Andr Gide. Et qu'importe si c'est par le chemin des mots quenous avons cru pouvoir revenir l'innocence. premire ! Si pch il y eut, c estquand l'esprit saisit ou crut saisir la pomme de la clart >.Au-dessus de la pommetremblait une feuille plus claire, de pur ombrage. Quelle tait donc cette feuille ?C'est ce sur quoi tous les chefs-d'oeuvre littraires se taisent. C'est ce que nous,surralistes, nous pourrions dire sans nous gner. En ce qui me concerne, j prouve,devant une certaine manire conventionnelle de s'exprimer, o l'on mnage exagr-ment l'interlocuteur ou le lecteur, le sentiment d'une telle dgradation d'nergie queje ne puis manquer de tenir celui qui parle pour un lche. Ce serait dj trop detoujours se comprendre : s'galer toujours ! Le dsir de comprendre, que je n'ai pasl'intention de nier, a ceci de commun avec les autres dsirs que pour durer il demande tre incompltement satisfait. Or ce dsir est tratreusement combattu par ceuxmmes qui assument la charge de l'entretenir. Ils y pourvoient du moins si peude frais que l'intelligence se forme aux solutions criardes. En dehors du surralismej'ai toujours trop bien compris les ouvrages des hommes, pour si peu les ouvragesde Dieu.

    ...Plutt que de m'en faire comprendre, n'est-il rien que je puisse leur apprendre,oui leur faire apprendre par coeur ? La belle expression ! C'est qu'ici rapparat l'orgueilmais le juste orgueil, celui qui ne peut triompher que de l'innocence. Il se fait jour travers ces lignes d'Antonin Artaud, de Robert Desnos. Il n'est pas comparable la vanit qu'on tire d'un raisonnement impeccable ou de quelque autre bon tourjou.

    Mais, derrire l'amoraht du style, de ce style qui continuera longtemps avoircours, nous dnoncions l'amoralit de l'homme et nous entendions faire justice dela suffisance incroyable qui s'tale dans la plupart de ses livres et de ses discours.Le mystre est sa porte, angoissant au possible, cependant qu'il vaque des affairesdrisoires, qu'il sacrifie " l'immdiat son intrt lointain. C'est le parfait mannequinde Giorgio de Chirico, descendant l'escalier de la Bourse. Partout nous nous trouvonsaux prises avec lui. Nous nous en prendrons ternellement son gosme amer.

    Restent dfinir les conditions de la lutte, puisque tant est que la jeunesse ei;le risque de dsoeuvrement absolu que nous courions nous l'ont fait engager. Noussommes quelques-uns pouvoir mesurer dj le terrain conquis, le terrain perdu.Qu on le veuille ou non, notre volont a t sentie. Peu importent les rserves de dtailauxquelles je veux bien que parmi nous prte toute personnalit. Il n'en est pasmoins vrai que d'un commun accord nous avons rsolu une fois pour toutes d'enfinir avec l'ancien rgime de l'esprit. C'est l, comme on a bien voulu, d'ailleurs, leconstater, une entreprise si hardie, qui ncessite si perduement la confiance de tousceux qui s y donnent que, pour que jamais elle puisse tre mene bien, il nous

  • POURQUOI JE PRENDS LA DIRECTION DE LA RVOLUTION SURRALISTE 3

    faut viter ds maintenant la moindre erreur de tactique : ceci pour l'extrieur.A l'intrieur il conviendrait de ne pas laisser s'accentuer quelques divergences devues, assez artificielles en somme, mais de nature un jour ou l'autre nous paralyser.On aimera peut-tre savoir en quoi ont consist jusqu'ici ces divergences et sur quelleentente nouvelle je puis bien baser la prsente dclaration.

    Le problme de 1objectivation des ides qui domine le dbat qui nous occupeest, naturellement, celui qui parmi nous a donn lieu aux plus pres controverses.A notre poque, les ides nouvelles ne rencontrent pas obligatoirement l'hostilitgnrale et c'est ainsi qu'autour de nous nous avons vu le surralisme bnficier d'unassez large crdit, tant l'tranger qu'en France. On veut bien attendre quelquechose de nous. Si les mots de Rvolution surraliste laissent le plus grand nombresceptique, du moins ne nous dnie-t-on pas une certaine ardeur et le sens de quelquespossibles ravages. A nous de ne pas msuser d'un tel pouvoir. Mais le surralismeest-il une force d'opposition absolue ou un ensemble de propositions purement tho-riques, ou un systme reposant sur la confusion de tous les plans, ou la premirepierre d'un nouvel difice social? Selon la rponse que lui parat appeler semblablequestion, chacun s'efforcera de faire rendre au surralisme tout ce qu'il peut : lacontradiction n'est pas pour nous effrayer. On s'est sans doute un peu ht de dcrterque toute licence devait tre donne la spontanit, ou qu'il fallait se laisser aller la grce des vnements, ou qu on n avait chance d'intimider le monde qu' coupsde sommations brutales. Chacune de ces conceptions, primant tour tour, a eu poureffet de nous drober le bien fond originel de la cause surraliste et de nous inspirerd'elle un regrettable dtachement.

    Je fais nouveau appel la conviction qu'ici nous partageons tous, savoirque nous vivons en plein coeur de la socit moderne sur un compromis si grave qu'iljustifie de notre part toutes les outrances. Que la beaut, la vrit, la justice inclinentleurs fronts fantomatiques et charmants sur nos tombeaux, nous sommes srs deressusciter toujours. Nous n avons pas trop de toutes nos mains agrippes une cordede feu le long de la montagne noire. Qui parle de disposer de nous, de nous fairecontribuer l'abominable confort terrestre ? Nous voulons, nous aurons l'au-del >'de nos jours. Il suffit pour cela que nous n'coutions que notre impatience et quenous demeurions, sans aucune rticence, aux ordres du merveilleux. Quels que soientles moyens auxquels nous jugerons bon de recourir, quelque apparence fuyardeque la vie momentanment nous condamne, il est impossible dans notre foi en sonaptitude vertigineuse et sans fin que nous puissions jamais dmriter de l'esprit.Qu'il soit bien entendu cependant que nous ne voulons prendre aucune part active l'attentat que perptuent les hommes contre l'homme. Que nous n'avons aucunprjug civique. Que, dans 1tat actuel de la socit en Europe, nous demeurons acquisau principe de toute action rvolutionnaire, quand bien mme elle prendrait pourpoint de dpart une lutte de classes, et pourvu seulement qu'elle mne assez loin.

    Dt l'ampleur du mouvement surraliste en souffrir, il me parat de rigueur den'ouvrir les colonnes de ceite revue qu' des hommes qui ne soient pas la recherched'un alibi littraire. Sans y mettre aucun ostracisme je tiens en outre viter par-dessus tout la rptition de menus actes de sabotage comme il s en est dj produitsdans le sein de notre organisation. Au ciel, nous ne sommes pas une toile prs.Ne demeurerions-nous sur un lot presque perdu que quelques mes en voie de sedlivrer et sres, mais vraiment sres de la dlivrance, que ce serait assez pour qu'in-dfiniment les beaux navires fassent naufrage.

    ANDR BRETON

  • POEMES

    LA CARM EUE DU PRINTEMPS

    A Jacques Decourt

    Avril renat Voici ses rubans cl ses flammesSes mille petits cris ses gentils ppiementsSes bigoudis ses fleurs ses hommes et sesfemmes

    Je lui fais de ses couleurs tous mes compli-ments

    Dieu que de baisers fous sur l'appui desfentres

    Nous n'avons pas fini de compter les baisersIl y a des semaines entires sous les htresO chantent les pinsons au plumage fris

    Avril n'a pas toujours vcu sous les lambrisIl fut petit ptissier puis compte-gouttesIl gagna son pain la sueur de son.frontDe fil en aiguille il devint contrleur desfinances

    Enfin- par un soleil de tous les diablesIl tomba tout coup amoureux

    LES EIOEIOES LA COTE

    A MiikolmC.nwlcyLe raz de mare entra dans la piceOit tonte la petite famille tait runieIl dit Salut la compagnieEt emporta la maman dans le placardLe plus jeune fils se mit pousser de grandscris

    Il lui chanta une romance de son paysQui parlait de hauts de boisBouts de bois bouts de boisComme aLe pre lui dit Veuillez considrerMais le raz refusa de se laisser emmerderIl mit un peu d'eau sale dans la bouche du,

    malheureux gniteurEt le digne homme expiraDieu ait son aineAlors vint le tour des fillesPar rang de taille

    MATERNIT ./Mlro

    L'une genouxL'autre sur les deux jouesLa troisime, la troisimeComme les animaux croyez-moiLa quatrime de menteLa cinquime je frmis d'horreurMa plume s'arrteEt se refuse et dcrire de telles abominationsSeigneur Seigneur serez-votts moins clment

    qu'elleAlt j'oubliaisLe pouletFut il son, tour dvorPar le raz l'ignoble raz de mare

    MIMOSAS

    A In (Uinoralisation

    Le gouvernement venait de s'abattreDans un buisson d'aubpinesUne grve gnrale se dcouvrait perle levue

    Sous les influences combinesde la lune et dela cphalalgie

  • POEMES

    Les assassins s'enfuyaient dans la perspec-tive des courants d'air

    La victime, pendait la grille comme unbifteck

    Une chaleur claquerAussi faut voir si les casernes en enten-

    daient de drlesL'alcool coulait flot par les tabatires des

    toitsLe mtropolitain, sortit de terre afin de

    respirerQuand tout coup il apparut,Au dtour de la nieUn petit ne qui tranait une voitureDcore pour la bataille des fleursPremier prix pour toute la villeEt les villes voisines

    FALPARSIA Marcel No11

    La nature ternelleMe rchauffe en ses seinsL'heure et ma ritournelleSont mes deux mdecins

    Dansez dansez danseuseVoici le temps d'aimerD'aimer sous les yeusesComme cm bord de la nier

    La chaleur enivranteMe monte jusqu'aux yeuxMon me fulguranteS'lve jusqu'aux deux

    Loris ARAGON

    GEORGES BRAQUEUn oiseau s'envole.Il rejette les nues comme un voile inutile,Il n'a jamais craint la lumire,Enferm dans son- vol,Il n'a jamais eu d'ombre.

    Coquilles des moissons brises par le soleil.Toutes les feuilles dans les bois disent oui,Elles ne savent dire que oui,

    Toute question, toute rponseEt la rose coule au fond de ce oui.

    Un homme aux yeux lgers dcrit le cield'amour.

    Il en rassemble les merveillesComme des feuilles dans un bois.Comme des oiseaux dans leurs ailesEt des hommes dans le sommeil.

    ANDR MASSON

    La cruaut se noue et la douceur agilese dnoue. L'aimant des ailes prend desvisages bien clos, les flammes de la terres'vadent par les seins et le jasmin desmains s'ouvre sur une toile.

    Le ciel tout engourdi, le ciel cjui se dvouen'est plus sur nous. L'oubli, mieux quele soir, l'efface. Prive de sang et de reflets,la cadence des tempes et des colonnessubsiste.

    Les lignes de la main, autant de branchesdans le vent tourbillonnant. Rampe desmois d'hiver, jour ple d'insomnie, maisaussi, dans les chambres les plus secrtesde l'ombre, la guirlande d'un, corps autourde sa splendeur.

    PAUL ELUARD

    2 ENFANTSSONTMENACSPARUNROSSIGNOL

    Matlirnxl

  • RVES

    Max Morise :

    Les personnes qui sont attables avec moisont cellesqui habitent ordinairementla propritrurale de mon oncle L... Nous mangeonsuneexcellenteomelette prpare par mon frre A...Entre un cur, un cur de campagne dont lanoirceur me cause un insupportable malaise.Nous apprenons la mort de quelqu'un. Naturel-lement, tous les convives se lvent aussitt detable et passent dans la pice voisine pourmangeruneautre omelettepluscuite. J'en profitepour me rgaler subrepticementde ce qui restede l'omelette dfendue, tout en me rjouissant la pensequeje pourraiencoremangerma partcle la secondeomelette que l'on m'aura certaine-ment garde. Malheureusement,lorsque je meprsente table, je m'aperois qu'on ne m'arserv qu'une part minuscule, ce dont je meconsoleaismentcar cette omeletteest vraimentbeaucoup trop cuite...

    La voiture dans laquelle je me promne encompagniede S... nous conduitvers la patinoire,sorte d'enceinte ovale ressemblant la fois unvlodrome cl: des fortifications la Vauban.En chemin,nous croisonsdes groupes de pati-neurs et de patineusesqui disputent des courses;il y a des coureurs de vitesse qui avancent rapidesfoules,des coureursdefond qui pdalentsur des bicyclettes patins. Nous arrivons la patinoire juste pour assister l'arrive d'unepreuve. Trois concurrents dbouchent presqueensembledu dernier virage. Ils sont monts surde curieux vhiculesconstruits tout en hauteuret s'actionnant:au moyend'unepoigne laquelleonimprimeun mouvementdeva-et-vientarrire-avant. Lebut est:marqupar un pont demaon-nerie que doit franchir le vainqueur. Or peinecelui-cis'y est-il engagque le pont s'croulegrand fracas soulevant"un norme nuage depoussire.Quand le nuages'est dissipnous pou-vons voir que les deux concurrentsvaincus sesont arrts juste temps pour viter la chutedans l'abme qui s'ouvre leurs pieds.Cetaccidenta eu, entre autres fcheusescons-

    quences,celleclecouper par le milieu l'intermi-nable train de marchandisesqui doit nous per-mettre de continuer notre chemin. On finit pardcider cependant de se mettre en route, mais,par prcaution, on recommandeaux vovageurscles'appuyer de la main la haie qui borde lechemin de fer ou aux trucks chargsde pierreset de charbon gars sur les voies contigus,cequi fait fort mal aux paumes et aux doigts.

    Le train approche du terminus. Il s'engagedans un longet troit couloirdont le parquet estmticuleusementcir et dont les hautes paroissont faites d'un beau bois jaune et brillant.Bientt,sur la droite, la voiesurplombeuneville,tandis que sur la gauche s'ouvre une srie devastes stalles construitesdans le mmegot quele couloir,sparesles unes des autres seulementpar une cloisonet commetapisses du haut enbas de rayons de bibliothque chargs d'unnombreincalculablede volumes.A chaquests.lle,letrain fait halte et tous lesvoyageursdescendentpour chercherun livre, un seul qu'ils ne trouventd'ailleurs pas. Cette opration doit tre de lapremire importance en juger par l'activitfbrile que dploientmes compagnonsde route..Jeme metsmoi-mme chercher,sans tropsavoird'ailleurs ce qu'il faut trouver.

    A l'un de ces arrts, je suis amen entrerdans les W.C. o je trouve quelques paquetsenveloppsdansde la cellophaneet apparemmentdnus d'intrt. Toutefois je consulte les per-sonnesprsentesavant de les jeter et bien m'enprend car S... mefait remarquer que cespaquetscontiennentdes dessins.Et en effetj'ai la stup-faction de dcouvrir une grande varit de des-sins excuts par moi diffrentes p'oquesdemavie,ainsi qu'un livreddicacde Paul Eluard,toutes chosesque j'avais perdues quelquesjoursauparavant. Je ne peux d'ailleursabsolumentpasarriver me mettre dans la tte le titre du livre,en tous points semblable une grammaired'en-fant, que je m'obstine appeler Immortellemaladie malgr les semoncesd'Eluard.

    Une fois descendudu train, je m'aperoisquemes compagnonsde voyage ne sont autres quemes anciens compagnonsde rgiment, et qu'ensommenousne sommesvenus jusque-lque pourfaire l'exercice. Nous prenons donc nos fusils,avec le vague espoirde trouver ce quenous cher-chionstout l'heure. S... est toujours avec moi,mais chaque fois que les ncessits militairespassent au premier plan, par exemple dans lesrassemblements,elle est; remplace nies ctspar RenCrcvel,dont la personnes'efface sontour ds qu'on est mis au repos. Alorsapparatle lieutenant Flori, du 104ergimentd'infanterie,un Corse la cervelle exigu, sous les ordresde quoi j'ai fait mon servicemilitaire et quoije n'ai jamais pu penser depuis sans nauses.Dsce moment, je sens que rien ne va plus, queje n'arriverai pas tirer de mon fusil le partique j'en espraiset lervese termineausummumde mon indignation.

  • REVES

    Michel Leiris :l Je suis mort. Je vois le ciel poudroyer

    comme le cne d'air travers, dans une sallede spectacle, par les rayons d'un projecteur.Plusieurs globes lumineux, d'une blancheur lai-teuse, sont alignes au fond du ciel. De chacund'eux part une longue tige mtallique et l'uned'elle perce ma poitriite de part en part, sansque j'prouve aucune douleur. J'avance vers lesglobesde lumireen glissant doucement le longde la tige et je tiens par la maind'autres hommesqui montent comme moi vers le ciel, suivantchacun le rail qui les perfore. On n'entend pasd'autre bruit que le crissement de l'acier dansnos poitrines.

    2 Je perois si nettement le rapport entrele dplacement rectiligne d'un corps et unepalissade perpendiculaire a direction de cemouvement, que je pousse un cri aigu.3 J:imaginc la rotation de la terre dans l'es-

    pace, non d'une faon abstraite et schmatique,l'axe des ples et l'quateur rendus tangibles,mais dans sa ralit. Ruguosit de la terre.

    4 Andr Massonet moi voluons dans l'aircomme des gymnasiarques.Une voix nous crie : Acrobates mondiaux

    allez-vous bientt descendre tous les deux ? A ces mots, nous nous renversons par-dessusl'horizon et tombons dans un hmisphrecon-cave.

    LESDEMOISELLESD'AVIGNON Picassoions

  • TEXTES SURREALISTES

    Philippe Soupault

    J'ai peur que les ngresqui joignent lesmainspour profaner le nom de Dieu ne sachentmieuxque moi reconnatre la terre et le visagedu ciel.La pluie, cette torture des jours de malheur, etce grandvent qui tremble et qui sedresse,n'ontpas de prise sur ces grands corps plus noirs quela colre.Je n'oubliepas quequelques-unsd'entreeux ont comprisl'usage des flcheset de la mer,qued'autres ont saisi la gorgele soleil.Ogantsdu mystre : mes doigts qui ne savent pas, mesdoigts pleins de votre sang sont d'inutilesrameaux.Voustes forts, frres de la nuit, vous passez

    les jours dans le fil de la faim et de la guerre;vous croyez au bois, la pierre, au feu, maisvous aimez surtout rire de tout ce que vousenseignela joie. Un explorateurau longnez m'aracont que dans le centre de l'Afrique existeun commerce florissant: la vente des enfantspar leurs parents. Chaque anne, au march, ilsamnent des petits et les dbitent afin de lesvendre plus rapidement. Le membre vendu estpeint en blanc. La tte, sagesse,n'est parat-iljamais achete : elle est donne au bouchercomme prime.Les enfants mis en vente savent qu'ils vont

    tre mangsmembrepar membreet l'explorateurm'a dit que ces petits souriaient en montrantleurs dents, sagesse, destine, commerce.Je songe ce sourire de celui qui sera mang,

    au soleilqui chauffemollementleur dos et leursmains, ce soleil qui est du sangen flammeset tout ce chemin qui reste parcourir, petittemps, plus fin qu'un cheveu, plus fuyant quel'eau. Vapeurs, nuages, poussires. Inutile deciter ici une phrase latine.Je songe votre joie, ngres, qui prfrez

    la chair humaine notre dsespoir.

    IIElle est assisedevant sonpianocommedevant

    un miroir ; elle ferme les yeux, elle trempe lesmains dans une cumede musiqueet son corpstout coupva glisserdans lecourant ; une sourcechante et bondit, ses doigts ont des reflets quil-bas s'envolent sur les paysages.Elle penche la tte en arrire pour cueillircle

    ses lvres les meilleursrayons et la peur de lamort. Ses yeux,qu'elle ouvre,planent commelespapillons du danger.Elle ne joue pas pour les animaux du bon

    Dieu, elle se regarde clansun petit lac noir etblanc, pourpre et magique, dans un ocan defleurs et de galops.11semblepour certains que le soleilse couche

    vers midi, pour d'autres que leur coeurmonte leurs lvresMalaise des chelles, cercles des parricides,

    prmditation des crimes, aviation de chamrjre,noyades. Elle lve une main et porte jusqu'son front le poids du sang et la simplicitdescorolles.

    * OBSERVATIONPRSENTEPAR M. PHI-LIPPESOUPAUI.T(AUTEUREN COLLABORATIONAVECM.ANDRBRETONDESCHAMPSMAGN-TIQUES.)

    Il sembleque, jusqu' prsent,Vaspect-du sur-ralismeque l'ona surtout je iiosedirepresqueitniqiicmenltudiest Vaspectverbalsi l'onpeutainsi s'exprimer.Des observationsque j'ai recueillieson peut

    dduirequesouscertainesiujlueiiees!'imaginationdesfaitspeutaussidictercertainsrcitsqui.quoiquemoins colors,moins chatoyants,prsentent descaractreset offrentdes symptmes1resnets.D'autre part, des exemplessont citer:] CeluideRaymond-Roussel.J'ai eu l'honneur

    et le plaisir d'entretenir l'auteur d'Impressionsd'Afrique pendant une rptitionde L'Etoile aufront. Je ne crois pas tre tmraireen dclarantque Raymond Roussel crit ses

  • TEXTES SURREALISTES

    Pierre/

  • TEXTES SURREALISTES

    les maisons duquel on prvient les visites, nesera pas prvenu.Quant la ville, elle reste sa place.A peine

    ville. Aussi bien, qu'est-ce qu'une ville? 11y ades annes.Dans cette ville est un music-hall,et dans le

    music-hallun spectateur qui le fait exprs, etsa mante est taille dans une vagueafricainedela plusbelleeau.Ala sortie,lesdanseusesl'atten-daient et lui dirent : Monsieur,commeje suisheureuse de vous avoir admir. Queltalent estle vtre. Voulez-vousme permettre? Les dan-seuses boivent les paroles qu'il pense, ellescoutent ce qui monte dans leur dos, ellesman-gent sa bouche et la lui donnent pour la vie.Il faut que tout soit termin avant l'aube. Il nesera rien dit de l'aube. On peut dire que toutcela n'est qu'un rve, bien entendu.Un soir.Quelquepart.Quelqu'un.Au rendez-vous,l'hommey est dj. Il entend

    qu'il dit : Il faut que je regardelesobjets pourqu'ils soient immobiles.Ferm-je les yeux, etds lors cette pierre fait des culbutes: Elle lesfait mmeavec bruit. D'ailleurs, le plus remar-quable est que la fin clela dernireculbute con-cide parfaitement avec l'instant que j'ouvre lesyeux nouveau.Commentserais-jeavecmoi ? 11tord sa bouche de chaleuravec ses mains,

    et des larmes y montent, et la lune leur donneun grand prix fabuleux. Il se parle l'oreilleets'offreun bouquetd'artifice.Bientt,il va partir,il va sourired'enfant. Il fera bien quelquechose,tout demme,si cen'tait qu'il ne craignedes'enaller partout. Les vagues navires vus cle prs,il aime les navires.Pour s'entendre, il doit s'couter. Ses paroles

    ne sont singuliresqu'en raison des conditionsqu'elles tablissent et du chant bijoutier.11regarde la lune, qui, dans le mmetemps,

    devient un cran. L'homme ou autre chosemurmure qu'il ne croit pas l'astronomie.Maiscet cranjoue levrai rlede la lumire,et commetoutes les lumiresil se cacheabsolumentautantde dtails qu'il en voit.L'homme s'assied sur une pierre froide. Il

    attend la poupe.Non qu'il et aucun rendez-vous, mais. 11se compare aux rossignols,auxpicasseaux. Douteux ultime, il sait bien qu'iln'est qu'un ami venu de la terre d'ombre.Tel unpendu, il demeure sensibleaux moindresvices.Mettezvosbrasautourdevous, lia eudesfemmescommeMarie Stuart, qui lui a lguses yeux,dont il a fait des bouclesd'oreilleso se miresonventre sidoux.Sonromancommencetoujourspar la fin, 11dcoupele baclesonvisage l'aided'une prire ouverte. Il est victimede la larmebleue, cette affreuse maladie qui dcima deshommesentiers.Aussittvnt la neige,comme

    l'occasiond'une chose.Du coeurde l'ange partaitun fil imperceptible.Au bout du fil est un brinde neige.Enfin se disloquele tonnerre qui peut-tre le

    dbarrassera de sa nature adventive. Jusqu'prsent seule sa main droite merge.Il promne lentement sa main gauche sur le

    ciel, et les nuages disparaissent. Ensuite il s'al-longea sur la terre et mit son oreille contre lemridien. Ce mridien traversait aussi le ciel,o les quatre amiraux trangers marchaient auson de l'orguevers une habitation sur le toit delaquelle tait l'autre l'une.Lepremieramiraldisait : C'estun galadesplus

    importants.Le deuxime amiral disait: L'Orient du

    marbre.Le troisime amiral disait ; Que de mondes.Ils marchaient dans les empreintes l'un de

    l'autre. Leurs doigts deviennent transparents. Nous allons plus vite que l'habitation, ditcelui qui avait une belle tte d'amiral.Le deuxime rpond : Ah oui, c'est une

    petite veuve lastique qui vient tous les jours.Sa significationne change que lorsqu'apparatla dent d'or. Elle ne boit jamais,mais ellevient ma table. Bonjour,la Mort,lui dis-je textuelle-ment.

    DESSINPOUR" LASURPRISE" Chirico

  • TEXTES SURREALISTES

    Ils sonnrent. -C'est bien ici, demanda l'und'eux, que nous allonsvoir la femmedu monde?Il ne leur fut point rpondu.Une pancarte attira l'attention : Dfense.Et tous trois s'crirent en mme temps : Pourquoi me regardez-vous? je vous prie de

    n'en rien faire.Sur le chemin ils virent le mausole du

    quatrime amiral. Son nom brillait comme unmiracle : Phillips Argenta.Les quatre escadres trangres appareillrent.

    Lorsqu'ellescontournrentleMalstrom,le haut-parleur fit entendre la voix du premier amiral : Le croiseur Amiral tournera sans cesse versla gauche, autour du Malstrom,dans le sensdes autodromes.Il y a l'instant de l'quilibre dans une chaise,

    dans une prison.La lune se droule en forme de femme du

    monde et regagne l'habitation travers la che-mine.Les amiraux sont partis, mais ils ont laissce

    qu'elle voulait et elle s'en caresse.Puis elle se droule en forme de poulpe, et

    regagne l'ocan.Le Malstromest entour par une terrasse en

    bton arm, large de 13 mtres et haute deI.500 mtres, de faon que les plus grandesvagues, qui ne mesurent que 1.400mtres, ne lapuissent atteindre.Trois constructionsmarquent les tiers de cette

    circonfrence.La machinerie du tourbillon, lebar et la maison de j concierge. La conciergeest la mort. Elle est dans l'escalier.L'homme se releva. Je suis grandi par l'pouvante, dit-il.

    Il me faudrait un couloir trs haut, et quidescendt d'une seule traite. Or, je sais que jedois voir ici la poupe, et j'ai dcid de- noussatisfaire. Est-ce que cela se voit ? Commeje suis favorable, ce soir. On m'attend au coinde la rue, au n 12, et tendre. Un rire qu'ellejette par les fentresquand elledit qu'ellene saitpas si elle ne se sent pas bien. Quand elle sedshabille, la mer danse du ventre derrirel'cluse et pourrit lentement ce beau tableau.Elleboit certainementplus que la raison,maislepremier venu peut aussi la boire vau-l'eauqu' cela ne tienne ou s'en aille. Aussitt, elledevine son nom et le dit.Il se dshabilla par amour. L'amour est plus fort qu'elle, cria-t-il.Davantage, il se dressa. Un effort prolonglui

    permit de se hausserde quelquestoisesau-dessusdu sol. Ses membres,se raidissant, prirent l'ap-parence de'la vie. Il montait, et fut bientt enface de la lune. Il l'immobilisa par le pouce etl'index alphabtiques, et lui demanda : Autant t'en emporte le vent ?

    Paul Eluard :Le diamant qu'il ne t'a pas donn, c'est parce

    qu'il l'a eu la fin de sa vie, il n'en connaissaitplus la musique, il ne pouvait plus le lancerenl'air, il avait perdu l'illusion du soleil, il nevoyait plus la pierre de ta nudit, chatonde cettebague tourne vers toi.De l'arabesque qui fermait les lieux d'ivresse,

    la roncedouce,squelette de ton pouceet tous cessignesprcurseursde l'incendieanimal qui dvo-rera en un clin de retour de flammeta grcedela Sainte-Claire.Dans les lieux d'ivresse, la bourrasquede pal-

    meset de vin noir fait rage. Les figuresdentelesdu jugementd'hier conserventaux journesleursheures entr'ouvertes. Es-tu sre, hrone auxsens de phare, d'avoir vaincu la misricordeetl'ombre, ces deux soeurslavandires,prenons-les la gorge,ellesne sont pas jolieset pour ce quenous voulorisenfaire, le mondese dtacherabienassez vite cleleur crinire peignant l'encenssurle bord des fontaines.

    Sans la menacerouge d'une pe, dfaisantsachevelure qui guide des baisers, qui montre quel'endroit le baiser se repose,elle rit. L'ennui,sur son paule, s'est endormi. L'ennui ne s'en-nuie qu'avec elle qui rit, la tmraire, et d'unrire insens,d'un rire clefin du jour semant soustous les ponts des soleilsrouges,deslunes bleues,fleursfanesd'un bouquet dsenchant.Elle estcomme une grande voiture de bl et ses mainsgermentet noustirent la langue.Lesroutesqu'elletrane derrire elle sont ses animaux domes-tiques et ses pas majestueux leur ferment lesyeux.

    Grandes conspiratrices, routes sans destine,croisant l'x de mes pas hsitants, nattes gonflesde pierresou de neige, puits lgersdans l'espace,rayons de la rouedes voyages,routes de brisesetd'orages, routes viriles dans leschampshumides,routes fminines clans les villes, ficellesd'unetoupie folle, l'homme, vous frquenter, perdson chemin et cette vertu qui le condamneauxbuts. Il dnouesa prsence,il abdique son imageet rve que les toilesvont se guider sur lui.

    Commentne pas penser l'amour quand (regarde une coutellerie?

    CLARAWALLIN

    L'amour, c'est la contradiction qu: appadans le rel.

    Louis ARAGON

  • LES PARASITES VOYAGENT

    Voil comment cela s'est pass: J'avais reu un ferreux (i) sur le rond (2)

    et je glissaisdans le blanc (3), lorsque je sentisqu'on me serrait les tiges (4)

    Je pensais: adevientsec!(5)maisj'taistrop loin pour m'exprimer (6). Quand il y eutde l'air (7)je me trouvais avec les voletants (8) au moins quinze pipes (9) au-dessus descrottes (10); mais tu sais, je n'ai jamais aimjouer avec la fume (n ) ; je ne souhaitaisqu'unechose: me retrouver sur les crottes. Je me dis : Ce n'est:pas sourd (12),je n'ai qu' me couler le long des poussants (13). Maisde le dire,tait autre chosequedele faire.Lorsquejevoulusessayer, je vis que les poussants et moi a nefaisait qu'un. Cen'est pas drlede se savoir toutd'un coup un employdu noir (14) tant donnsurtout qu'il n'y avait pas de raison pour que'cela se termint. J'essayais encore une fois clequitter le poussant, mais c'tait du vent (15)!

    J'tais poussant et bienpoussant. Je sentaisle cogneur(16)qui s'affolait dans ma valise (17).Je croyais que j'en tais la dernire ligne demon chapitre (18), je me mordais (19): unbavard (20) se posa sur mon occ (21),roula surmon cornu (22), de l sur ma valise, descenditsur mon perut (23)et me brla,une tige.

    Je gueulais comme une sirne, sans merendre compte que, depuis que ma tige taitbrle, je n'tais plus fixau poussant. Je fisunbol (24)et tombai sur un clai (25)qui, au lieud'tre cras,s'enfonaclansmavalise.Cen'tait

    pas de l'amour (1)! Lui, surtout, clairait (2)et je ne savais pas comment faire pour qu'ilparmint (3).- J'eus un coup(4) et il fallaitque je fusse

    vraiment troue (5) pour n'avoir pas pens cela plus tt. Je me mis faire des fleurs (6)et aprs quelquesgrossestulipes (7) le rond del'clai apparut hors de mon piston (8). Et ilchantait, il chantait, c'tait pire que la Chenal.

    Je tirais sur le rond de l'clai, et aprsune dizaine de rles (9)d'efforts, je russis me-dbarrasser cle l'clai. Libre, il n'eut riende plus pressque de jouer la sve (10).Quant moi, j'tais clanslesbois flottants (11)et ce-pendant je prendsle vieux (12) rmoinque jen'avais rien dans la blague (13) depuis deuxsets (14).J'avais des tigesd'air (15),sans clouteparce que je n'avais rien saqu (16)depuis long-temps, et au bout cledix pipes, je fondis (17)et ne tardai pas me balancer(iS). Je retour-nai l'air (19) en sentant des fraises (20)metomber sur le rond.

    Bon Dieu, voil la dcharge (21)! Cette claque (22)eut un effet magique,et

    le brleur (23) reparut. 11pouvait tre sal (24)et, commenous tions en t, le brleur auraitd se trouver au-dessusclemoi. 11tait: magauche et il se rapprochait cle moi toutevitesse. Cinqou six rles plustard, il tait entremes jambes et mon radis (25) tait prt.

    Ah ! Quelledouceurmon pope (26)!C'taitcomme une mince (27) nouvelle et tout min-ail(28)en moi. Jamais je n'aurais douille (29)

    *Extraitde MOUTAUXVACHESHTAHCHAMPD'HOX\EU H, roman.(1) Ferreux: rcliitd'obus. (1) Ci:n'cltiilJXISlel'ani/iur: cen'taitpusagrable.(2) Jioiiil: t(Hc. (2)Eclaire:tre furieux,Cl)(Hisserdans le blunr: s'vanouir. !)l'urmenir: s'en allerrapidement.(-1)Serrer1rsliijes: Prendrepar lesmembres. (-1)Coup: ide.(5)a ilei'ientt.ce:a Ionnie mal. (f>)Tronc:blc.((>)Etretroploinpours'exprimer: tre troptourdi (li)J'm're(les/leurs: excrter,

    pourse dtendre. (7) Tulipe: Kxcrmeiil.(7)Qiuinilil u eutlel'air : quandje revins moi. (S) Piston: anus.(cS)Lesvoletants:les oiseaux. (l)j Utile:minute,(il) Pipe: mtre. (10)Jouerlu sve:s'enfuir.(10)Crottes:sol. (11)Hlredans lesboisflottants: lre ivre.(11).loueraveclu fume:se trouveren l'air dans (!2) Vieux: Dieu.une positioninstable. (Kl)La bloque: l'estomac.(12)Sourd: dilHcile. (U) Sel: jour.(1.')Se roulerle Ion:/les[toussants:se glisserle (15)Avoirlesliijesdair : flageolersursesjambes,longdesbranches,ou d'un arbre (1G)Saquer:manger.(Il) Hlreemploydu noir: trelesfeuillesqui font (17)Fondre: tomber,s'elondrer.clel'ombre. (18)Sebalancer:dormir.(15) Vent: impossible-. (10)Retourner l'air: se rveiller.(l(i) Cot/nrur: ca-ur. (20)Fraises: grossesgouttesde pluie.(17) Valise:poitrine. (21)De.hurije: averse.(lcS)La dernire,liijnedemonchapitre.:les derniers (22)Claque:parole,instantsque j'avais vivre. (23)Brleur:soleil.(19)Semordre:se tromper. (2-1)Sal: midi.(20)Jltwurd: bouche. (25)Jiadis: sexe.(21)Occ:front. (2(>)Pope: ami,camarade,(22)Cornu: nez. (27)Mince: danse.(23)Pe.rcol: ventre. (2S)Mincer: danser(24)Bol: mouvement. (20)Dauillcr: imaginer.(25)Eclai: chat.

  • LES PARASITES VOYAGENT 3

    cela. Et je t'assure, que maintenant, c'est bienfiniavec les culottes (i). Tu ne sais pas ! tu nesais JXIS!

    Aprs cela, le brleur disparut dans unpoussant. Je sentais que j'tais galle (2) mince, et

    je minais seul, pendant des pailles (3) et despailles.Je partis \ ers le brleurqui tait retourn sa place dans le chapeau (4), mais au boutclequelques rles, je sentis que je ne pourrais yarriver, je retombais sur les crottes et m'y en-fonai tout entier, mais c'tait clial (5) et celachallai (6) de plus en plus.

    A la tin, je revins la surface des crottes,mais je m'aperus (pie j'tais galle cygne, sur\\n porte-feuilles (7) cl j'avais les boucles (8)au vent. Sur les crottes, tait un gros dor (9)

    en pleine misre (1). Il me fit un petit signedu plat (2) et me cria :

    H ! Lohengrin ! Avance au rallie-ment !

    Ta gueule, lui rpondis-je,et je l'accom-modai de mon mieux (3).

    Je suis le gnral Pau, entends-tu. Tuseras fusill. Mauvais Franais, tratre !)Paille: heure.(I) Chapeau: ciel.(5) Chai: chaleur,((i) Chtier: chauffer,(7) Porte-/milles: tang couvertde nnuphars.()Noir: mort.(7) Changerde lueur: quitter un endroit.(8) Crosser: marcher.

  • >4 LES PARASITESVOYAGENT

    longtemps: cinq pailles au moins. Je venais detraverser une pousserie (l) et je longeais unemouille (2) lorsque d'un vieux poussant, noirdepuisdes pattes (3), sortit l'clai dont j'avaiseu tant de peine me dbarrasser. Il se levadroit sur ses tiges arrire et me dit :

    J'ai connuune petite Japonaise qui por- tait des griffesau bout des seins.Cette Japo- naise tait une petite vicieuse.Elle avait une cage pleine d'oiseaux, dans laquelle se trou- vaient deux boules creuses d'gale grosseur composes d'une feuille extrmement mince de laiton. L'une tait aboslumentvide et dans l'autre se trouvait une boule pleine moins grossede quelques centimtres. La petite Ja- ponaiseappelait cette dernirele mle. Quand elle tenait dans sa main les deux boules l'une ct cle l'autre, elle prouvait une sorte de frmissement qui durait longtemps et se renouvelait au moindremouvement.

    Ce petit frmissement,cette secousselgre mais longtempscontinue, faisait ses dlices. Elle introduisait d'abord la boule vide dans son vagin et la mettait en contact avec le col cle la matrice, puis elle introduisait l'autre boule. Alors, le plus lger mouvement des cuisses, du bassin, ou mme la plus lgre rection des parties internesde la gnration dterminaient une titillation voluptueuse qui se prolongeait volont.

    Eh bien, le croiriez-vous,je ne pouvais la voir faire cela sans me sentir un irrsistible dsirde dvorer un canari.

    Bonjour,Monsieur. Et il partit, me laissantune normeboussole

    sur le rond. n Qu'est-ceque cela signifie? pensai-je.Sre-

    mert cet ciai ::st tur (4) et j'allai grouter (5)lorsque du haut d'un poussant un veux-tu (6)fondit de poussette (7) en poussette et vint seplacer sur le nord de ma boussole. L'aiguilleaimante qui tait dirigesur le pays clechai (8)se dtourna brusquementet resta caque (9) surle nord.

    Fadr (10),fis-jeenmoi-mme,qu'est-cequise passe ?

    Cen'tait cependant pas sourd piler (u) :mon rond tait galle boussole,eu plutt la bous-sole et mon rond s'taient si bien runis qu'ilsne faisaient plus qu'un. J'tais bien totu (12).

    Tu voisquelledescente(1)j'aurais eusur lesboule-vardsavecun rondsemblable:lesroubes(2)m'au-raient enchin (3), ils auraient dit que j'taistur. Doncj'tais bien totu. C'est alors que j'eus

    le coup de me dcaler (4). Pour un coup c'taitun coup et je m'en flicitai aussitt. J'tais peine dcal que je me trouvais au volant d'untaxi arrt sur La Toile (5). Je n'y pilais plusrien et je roussais (6) autour de moi commesi j'tais tur. Les sipes (7) me roussaient etparaissaient se demanderce que je faisais l etpourquoij'avais l'air aussi tur. Finalement j'enpris mon parti. J'embrayai et dmarrai touteallure, dans la directionde la Porte Maillot. Jen'avais pas fait cent pipes que je m'aperus quela route tait barre. Un troupeau de pules (8) s'avanait sor-

    tant d'une coque (9)situesur la droite de l'ave-nue de la Grande-Arme,traversait cette avenueau grandgalop,rentrait dans une coquede l'autrect, ressortait par une large (10) du premiertage et, montant sur le dos cleleurs popes (il),qui arrivaient en sens inverse,retournait dans lacoque du ct droit de l'avenue, pntrait parune largedu premiertage, en ressortait par unelargedu deuxime,denouveautraversait l'avenuesur le dosde leurs popes,pntrait dans la coquedu ct gauche clel'avenue et ainsi clesuite, ensorte que l'avenue tait compltementbarre.

    J'tais ponn (12): Comment faire [jourcontinuermon chemin? Il ne fallait pas songer passer par-dessus ce troupeau de pules, ilstaient tropnombreuxet formaient une murailleinfranchissable.J'eus un coup hroqueou degnie,commetu voudras. Je reculaid'une cen-taine de pipes, je dmarrai en troisime, puispoussant la pdale cle l'acclrateur, je donnaitous les gaz et arrivai sur l'obstacle cletoute lavitesse de mes douzepules.

    Je passai travers sans accident. Quand jedis sans accident, je parle poyr l'escalope(13),car je tuai deux pules,et j'avais peine franchila muraille,qu'une dtonation effroyablereten-tissait, faisant trembler les crottes et secouantlescoquescommedes chteaux de cartes. Je me retournai, il n'y avait plus un seul

    [mie. A leur place, se trouvait un tang remplide mercure,mais le plus trange, tait que l'arc

    (1) Pousserie: fort,bois(2) Mouille: rivire.(3) Pattes: annes.(4) Tur:'Iov.(5) Crouler: S'enaller(fi)Veux-tu: oeil(7) Poussette: branches(8) Le.paysdectial: le sud.(9) Caque: immobile.(10)Fadr: exclamationexprimantl'inquitude.(11)Sourd piler: difficile comprendre.(12)Totu: ennuy,inquiet.

    (1)Descente: allure.(2) Roubes: agents.(3)Enchiner: arrter.(4)Dcaler: dshabiller.(5)La Toile: la placede l'Etoile,(fi)Pousser: regarder.(7) Sipcs: gens.(8)Paies: chevaux.(9)Coque: maison.(10)Large: fentre.(11)l^opes: ami, camarade,congnre.(12)treponn: tre indcis.(13)L'escalope: moi.

  • LES PARASITESVOYAGENT .5

    de triomphe avait disparu. Au-dessus de sonemplacement,se trouvait le S. I. (l) tenant unecasserole la main, dans laquelle il cillait (2)en disant : Je suis le docteur Vornoff,cou- tez-moi bien ! Et il se mit raconter cettepetite histoire que je trouve stupide : Avec les ttes on peut faire de superbes

    fourrures imitant le lophophore. Mais, ce sont surtout les jardiniers qui les

    emploient, non seulement comme rservoirs,mais pour la culture intensive.

    On peut, dans les louves, trouver clequoi sefabriquer un mobilier rustique.

    Le fond donne le fond, les fves le dossieret les pieds et la messe ainsi faite, a l'air d'unmeuble en bois courb.

    Avec deux fonds et trois manches on a unpetit guridon la fois lgant et rustique; dela mme manire on construit de trs joliestrangres. Des tonnelles et des kiosques semontent en utilisant les cerclesque l'on recouvrede soie sur laquelle on sme des graines!

    Enfin, lesvieux, coupsen deux, sont utilisspour prendre des bains par ceux qui n'ont pasde baignoires.

    Aprs cesclaques, il vida sa casscrollepleinede cille (1) sur la tte d'un roube qui se trouvaitau-dessous de lui et clans lequel je reconnus legnral Joffre, le vainqueur de la Marne,commeon dit. (Et moi,donc ?) On ne peut pas dire quece n'tait pas drle : Ah, ce qu'on fabaille (2)quand on est en Rpublique. Je repartis toute vitesse. C'est alors que

    je te rencontrai, dans la pousseriecleBoulogne,craquant (3) avec une cidotte qui criait : Oh ! les bons champignonsgnongnons! Et voil ! Qu'est-ce que tu penses cle

    cela ? Je pense qu'on pourrait gratter le

    sel (4) et passci'nos vacances Deauville. Tu as raison, groutons Deauville.

    BENJAMINPRET

    LECHASSEUR JoonMiro

    (1) S. 1.: soldatinconnu(2) Ciller: uriner.

    (1) Cille: urine.(2) Fabailler: rigoler.(3) Craquer: fairel'amour.(4)Gratterle sel: prendrele train sansbillet.

  • LA BAIE DE LA FAIM

    Navire en boisd'bne parti pour le Ple nord,voici que la mort se prsente sous la forme d'unebaie circulaire et glaciale, sans pingouins, sansphoques, sans ours. Je sais quelle est l'agonied'un navire pris dans la banquise, je connais lerle froidet la mort pharaoniquedesexplorateursarctiques et antarctiques, avec les anges rougeset verts et le scorbut et la peau brlepar le froid.D'une capitale d'Europe, un journal emport parun vent du sud monte rapidement vers le pleen grandissant:et ses deux feuilles sont les deuxgrandes ailes funbres.ON EST SANSNOUVELLES DE LA MIS-

    SION ALBERT...

    ON PART A LA RECHERCHE DE LAMISSION...

    DES PCHI-.URS DE BALEINES ONTDCOUVERT...

    Et je n'oublie pas les tlgrammes de condo-lances,ni la stupide anecdote du drapeau natio-nal fichdans la glace,ni le retour des corps sui-des prolonges d'artillerie.Stupide vocation de la vie libre des dserts :

    Qu'ilssoientde glaceou de porphyre-,sur lenavireou dans le wagon, perdus dans la loulc-ou dansl'espace, cette sentimentale image (lu dsordreuniversel ne me touche pas.Ses lvres font monter les larmes mes yeux.

    File est l. Sa parole frappe mes tempes (le sesmarteaux redoutables. Ses cuisses que j'imagineont des appels spontans vers la marche. Jet'aime et: tu feins de m'ignorer. Je veux croireque lu feinsde m'ignorer ou plutt non, ta mimi-que est pleine d'allusions. La phrase la plusbanale a des sous-entendus .mouvants quandc'est toi qui m'adresse la parole.Tu m'as dit que tu tais triste. L'aurais-tu

    dit un indiffrent?Tu m'as dit lemot amour .Commentn'aurais-tu pa.s remarqu mon moi?Comment n'aurais-tu pas voulu le provoquer ?Ousi tu m'ignores, c'est qu'il est mal imprim,

    ce calendrier, toi, dont la.prsencene m'est pasmme ncessaire. Tes photographies sur mesmurs et dans mon coeur les souvenirsaigus quej'ai gard clemes rencontres avec toi ne jouentqu'un bien pitre rle clansmon amour. Tu es,toi, grande en mon rve, prsente toujours, seuleen scneet pourtant tu n'es pourvued'aucun rle.Tu passes rarement sur mon chemin. Je suis

    l'ge o l'on commence regarder ses doigtsmaigris et o la jeunesse est si pleine, si rellequ'elle ne va pas tarder se fltrir. Tes lvresfont monter des larmes mes yeux ; tu couchestoute nue dans mon cerveau et je n'ose plusdormir.

    Et puis j'en ai assez, vois-tu, de parler de toi haute voix.Le corsaire Sanglot poursuit sa route loin de

    nos secrets dans la cit dpeuple. Il arrive, cartout arrive, devant un btiment neuf, l'Asiled'alins. Pntrer ne fut pour lui qu'une for-malit. Le conciergele conduisit un secrtaire.Son nom, son ge et ses dsirs inscrits, il pritpossessiond'une coquette cellule peinte en rougevif.Ds qu'il eut pass la dernire porte de l'asile,

    les personnagesmultiples du gnievinrent lui :Entrez, entrez, mon fils, clansce lieu rserv

    aux mes mortifies, et que le tendre spectaclede la retraite prpare votre orgueil la gloireprochaine que lui rserve le Seigneur dans sonparadis de satin et de sucre. Loin des vains bruitsdu monde, admirez avec patience les spectaclescontradictoires que la divinit absolue impose vos mditations et, plutt que vous absorber dfinir la plastique de Dieu, laissez-vouspntrerpar son atmosphre victorieuse cls miasmeslgersmais nombreuxclela.socit ; que la saveurmmedu Seigneurmeuvevotre bouche destineau jene, la prophtie et . la communion avecle dispensateur de tout, que vos yeux blouisperdent jusqu'au souvenir des objets matrielspour contempler les rayons flamboyants cle safoi, que votre main sente le frlement distinctdes ailes archangliques,que votre oreille couleles voix mystrieuses et rvlatrices. Et si cesconseilsvous semblent:entachs d'une sataniquesensualit, rappelez-vous qu'il est faux que lessensappartiennent la matire. Ilsappartiennent l'esprit, ils ne servent, que lui cl: c'est par euxque vous pouvez esprer l'extase finale. Pntreen toi-mmeet reconnais l'excellencedes ordresde la sensualit. Jamais ils ne tentrent autrechoseque fixerl'immatriel; en dpit despeintres,des sculpteurs, des musiciens, des parfumeurs,des cuisiniers, ils ne visent qu' l'abstrait le plusabsolu. C'est que chacun de ces artistes nes'adresse qu' un sens alors qu'il convient, pouravoir accs aux suprmesflicits, cleles cultivertous. Le Matrialiste est celui qui prtend lesabolir, ces sens admirables. Il se prive ainsi dusecours efficacecle l'ide car il n'est pas d'idesabstraites. L'ide est concrte, chacune d'elles,une fois mise, correspond une cration unpoint quelconque de l'absolu. Priv de sens,l'ascte immonden'est plus qu'un squelette avecde la chair autour. Celui-l et ses pareils sontvous aux ossuaires inviolables. Cultivez doncvos sens, soit pour la flicit suprme, soit pourla suprme tourmente, toutes deux enviablespuisque suprme et votre disposition. Ainsi parla un pseudo-Lacordaire.Et prouvez-moi,s'il vous plat, que ce n'tait

  • LA BAIE DE LA FAIM '7

    pas le vrai ? Il tait deux heures cle l'aprs-midi.Le soleil s'entr'ouvrit et une pluie de boussoless'abattit sur la terre : de magnifiquesboussolescle nickel indiquant toutes le mme nord...Le mme nord o la mission Albert agonise

    maintenant parmi les cristaux. Des annes plustard, des pcheurs des les clela Sonde recueillent

    JEUNESFILLESDANSANTDEVANTUNEFENTRE Picasso1925

    un tonneau, vestige de l'expdition, un tonneaublanc de sel et odorant. L'un des pcheurs sentgrandir en lui l'attrait Ou mystre. Il part pourParis. 11entre au service d'un club spcial.La pluie de boussolescessepeu peusur l'asile.

    En place d'arc-en-ciel surgit Jeanne d'Arc-cn-ciel. Elie revient pour djouer les manoeuvres

    d'une faction ractionnaire. Toute arme, sortiedes manuels tendancieux, Jeanne d'Arc vientcombattre Jeanne d'Arc-en-ciel. Celle-ci, purehrone voue la guerre par sadisme, appelle son secours les multiples Throigne cle Mri-court, les terroristes russes en robe fourreau desatin noir, lescriminellespassionnes.La pcheuse

    de perles voit grandir les yeux des hommes qui]'coutent. Enivre elle se prend son proprejeu. Son amant dans une barque participe dumme rve.Alors la pcheuse tirant un revolver de son

    corsage, l o les faibles mettent des billetsd'amour : Je t'adore, mon amant ! et voici

  • i8 LA BAIE DE LA FAIM

    qu'aujourd'hui, jour choisipar moi seule cetteminute prcise, je t'offre la blessure bante demon sexe et celle sanglante de mon coeur! Elle dit et pressant son arme sur son sein, lavoil qui tombetandis qu'une petite fumebleue'lve la suite d'une dtonation.

    La salle se vide en silence. Sur une- femmeadmirable un homme en frac recueille de sabouche encore un baiser sur la bouche. Jeanned'Arc-en-ciel,le sein nu et chevauchantun chevalblanc sans selle, parcourt Paris. Et voici que lesptards de dynamite dtruisent la stupide effigieen cuivre casserolede la rue des Pyramides,celle de la place saint Augustin et l'glise (unede moins1)par surcrot.Jeanne d'Arc-en-ciel, triomphant enfin de la

    calomnie,est rendue l'amour. La missionAlbertavec ses mts surmonts d'un oriflamme estmaintenant au centre d'une pyramide de glace.Un sphinx de glacesurgit et compltele paysage.De la brlante Egypte au ple irrsistible uncourant miraculeux s'tablit. Le sphinx desglaces parle au sphinx des sables

    Sphinxdesglaces.Qu'ilsurgissele Bonapartelyrique! Du sommet de ma pyramide quarantepoques gologiques contemplent non pas unepoigne cle conqurants, mais le monde. Lesbateaux voilesou chemines,jolis chameaux,vogurentvers moi sans m'atleindre et je m'obs-tine contempler dans les quatre faces parfai-tement poliesdu monumenttranslucide la dcom-position prismatique des aurores borales.

    Sphinx des sables. Et voici que les tempsapprochent !Onsouponnedj l'existenced'uneEgypte polaire avec ses pharaons portant aucimier cle leur casque non pas le scarabe dessables, mais l'esturgeon. Du fond cle la nuit clesix mois, une lsis blonde surgit, rige sur unours blanc. Les baleines luisantes dtruirontd'un coup de queue le berceau flottant desMoses esquimaux. Les colosses de Memnonappellent les colossescleMemoui.Les crocodilesse transforment" en phoques. Avant peu lesrvlations sacres traceront de grands signesalgbriques pour relier les toiles entre elles.

    Sphinx des glaces. Maux pour le corps,mots pour la pense! L'nigme polaire que jepropose aux aventureux n'est pas un remde.Chaque nigme a vingt solutions ! Les motsdisent indiffremment le pour et le contre. Ln'est pas encore la possibilit d'entrevoir l'ab-solu.La pcheuse de perles toute sanglante, et

    n'ai-jc pas voulu la tuer, mais elle survit cetattentat moral. La toute sanglante pcheusevoitentrer dans la salle Jeanne d'Arc-en-cielsa soeur.Sur les socles inutiles de la Jeanne de Lorrainede gigantesques pieuvres de charbon de terre

    s'rigent. Les animeurs viendront y dposer descouronneset une petite lampe Davis qui brleranuit et jour en mmoire du sexe poilu de lavritable aventurire.Corsaire Sanglot que j'avais oubli dans la

    coquette cellule, s'endort.Un ange d'bne s'installe son chevet, teint

    l'lectricit et ouvre la grammaire du rve.Lacordaire parle : De mme qu'en 1789 la monarchie absolue

    fut renverse,il faut en 1925abattre la divinitabsolue. Il y a quelque chose de plus fort queDieu. Il faut rdiger la Dclaration des droits del'me, il faut librer l'esprit, non pas en le sou-mettant la matire mais en lui soumettant jamais la matire ! Jeanne d'Arc-en-ciel, en marche depuis des

    annes, arrive devant le sphinx des glaces avec,sous le bras, LE VOYAGEAU CENTRE DELA TERRE.Elle demande rsoudre l'nigme.

    Enignu

    Qu'est-ce qui monte plus haut que le soleilet descend plus bas que le feu, qui est plusliquide que le vent et plus dur que le granit ?Sans rflchir, Jeanne d'Arc-en ciel rpond :

    Une bouteille. Et pourquoi ? demande le sphinx. Parce que je le veux. C'est bien, lui peux passer, CEdipeide et

    peau. Dieu pied.Elle passe. Un trappeur vient elle, charg

    cle peaux de loutres. 11lui demande si elle con-nat Mathilde, mais elle ne la connat pas. 11lui donne un pigeon-voyageur et tous deuxpoursuivent-des chemins contradictoires.Dans le laboratoiredes idesclestesun pseudo-

    Salomon de Caus met la dernire main auxpures du mouvement perptuel. Son systmebas sur le jeu des mares et sur celui du soleiloccupe quarante-huit feuilles de papier canson.A l'heure o ces lignes sont crites l'inventeurest fort occup couvrir la quarante-huitimefeuillede petits drapeaux triangulaireset d'toilesasymtriques. Le rsultat ne se fera pas attendre.Commela onzimeheure s'approche toute gr-

    sillante du bouillon des alchimistes, un petitbruit se fait entendre la fentre. Elle s'ouvre.La nuit pntre dans le laboratoire sous l'aspectd'une femmenue et ple sous un large manteaud'astrakan. Ses cheveux blonds et coups fontune lueur vaporeuse autour de son visage fin.Elle pose la main sur le front de l'ingnieur etcelui-ci sent couler une mystrieuse fontainesous la muraille de ses tempes tourmentes parles migraines.Pour calmer ces migraines, il faudrait une

    migrationd'albatros et de faisans. Ils passeraient

  • LA BAIE DE LA FAIM 19

    une heure durant sur le pays d'alentour puiss'abattraient dans la fontaine.Mais la migrationne s'accomplitpas. La fon-

    taine coule rgulirement.Lanuit s'enva abandonnantsurlelit individuel

    un bouquet de nnuphars. Au matin le gardienvoit le bouquet. Il questionne le fou qui nerpond pas et, ds iors, aux bras de la camisolede force, le malheureux ne sortira plus de sacellule.Au petit jour, CorsaireSanglot a dj quitt

    ces lieux drisoires.Jeanne d'Arc-en-ciel,la pcheuse de perles,

    Louise Lame se retrouvent dans un salon. Parla fentreon voit la tour Eiffels'rigeren grissurun ciel de cendres.Sur un bureau d'acajou unpresse-papier de bronze en forme de sphinxvoisine avec une boule de verre parfaitementblanc.Que faire quand on est trois ? Se dshabiller.

    Voici que la robe de la pcheusetombe d'uncoup la rvle en chemise.Une chemisecourteet blanche laissant voir les seins et les cuisses.Elle s'tire en billant cependant que LouiseLame dgrafe minutieusement son costumetailleur. La lenteur de l'opration rend plusnervant le spectacle,un sein jaillit puis dispa-rat. La voicinue elleaussi. Quant Jeanne, ellea depuis longtempslacrsoncorsageet arrachses bas.Toutes trois se mirent dans une psych et la

    nuit couleurde braisesvives les enveloppedansdes reflets de rverbreset masqueleur treintesur lecanap.Leurgroupen'est plusqu'clairciesblanches dues aux gestes brusques et massemouvante anime d'une respirationuniqueCorsaire Sanglot passe sous la fentre. Il la

    regardedistraitementcommeil a regardd'autresfentres. 11se demande o trouver ses troiscompagneset continuesa promenade.Sonombreprojete par un phare d'automobile tourne auplafonddu salon commeune aiguillede montre.Un instant les trois femmes la contemplent.Longtempsaprs sa disparition,ellesse deman-dent encore la raison de l'inquitude qui lestourmente. L'une d'elle prononce le nom ducorsaire.

    O est il cette heure ? mort peut-tre ? Et jusqu'au soir ellesrvent au coin du feu.La missionAlbert a t dcouverte par des

    pcheursde baleines.Le bateau emprisonndansles glacesne recelait plus que des cadavres.Undrapeau fich dans la banquise tmoignait del'effortdes malheureuxnavigateurs.Leurs restesseront ramens Oslo (anciennement Chris-tiania). Les honneurs seront rendus par deuxcroiseurs.Unecompagniede marinsveilleraleursdpouillesjusqu' l'arrive du cuirass qui lesemportera en France.L'Asile d'alins, blanc sous le soleil levant,

    avecseshautesmuraillesdpassespar desarbrescalmeset maigres,ressembleau tombeaudu roiMausole.Et voiciquelesseptmerveillesdumondeparaissent. Ellessont envoyesdu fond des gesaux fous victimes de l'arbitraire humain.Voici le colossede Rhodes. L'Asile n'arrive

    pas ses che\ilies. Il se tient debout, au-dessus,les jambes cartes. Le phare d'Alexandrie,enredingote,semet toutes lesfentres.Degrandsrayons rouges balayent la ville dserte, dserteen dpit des tramways, de trois millionsd'habi-tants et d'une police bien organise. D'unecaserne la diane surgit sonoreet cruelle,tandisque le croissant allgoriquede la lune achvede se dissoudre ras de l'horizon.Lesjardins du Champ-de-Marssont parcourus

    par un vieillard puissant, au front vaste, auxyeuxsvres.Il se dirigeversla pyramideajoureclela tour. Il monte. Le gardienvoit le vieillards'absorber dans une mditation profonde. Il lelaisse seul. Le vieillard alors enjambe la balus-trade, se jette dans le vide et le reste ne nousintressepas.Il y a des instants de la vie o la raison de

    nos actes nous apparat avec"toute sa fragilit.Je respire,je regarde,je n'arrive pas assigner

    mes rflexionsun champclos.Elless'obstinent tracer des sillons entrecroiss.Commentvou-lez-vous que le bl, proccupationprincipale,des gens que je mprise,puissey germer.MaislecorsaireSanglot,la chanteusedeMusic-

    hall, LouiseLame,les explorateurspolaireset lesfous,runis par inadvertanceclansla plainearided'un manuscrit, hisseront en vain au haut desmts blancs les pavillonsnoirs annonciateursdepeste s'ils n'ont auparavant, fantmesjaillis clela nuit profondede l'encrier,abandonnles pr-occupations chres celui qui cle cette nuitliquide et parfaite ne fit jamais autre chosequedes taches ses doigts, tachespropres l'appo-sition d'empreintes digitales sur les murs ripo-lins du rve et, par l, capablesd'induire enerreur les sraphins ridicules de la dductionlogique,persuadsque seul unesprit familierdesmajestueusestnbresa pu laisserune trace tan-gible de sa nature indciseen s'enfuyant l'ap-proche d'un danger commele jour ou le rveil,et loinde penserque le travail du comptableetcelui du pote laissent finalement les mmesstigmatessur lepapieret queseull'oeilperspicacedes aventuriers de la penseest capablede fairela diffrenceentre les lignessansmystredu pre-mier et le grimoire prophtiqueet, peut-tre son insu, divin du second,car les pestes redou-tables ne sont que temptes de coeurs entre-choqus qu'il convient d'affronter avec desambitions individuelleset un esprit dgagdustupide espoirde transformeren miroirle papierpar une criture magique et efficace.

    ROBERTDESNOS

  • GLOSSAIRE : J'Y SERRE MES GLOSES

    (Suite) *

    A

    AGONIE je divague, j'affirme et je nie tour tour, honni par l'ge qui m'est une dague.

    APPARENCEforme happepar la prsence.ARMUREramure de larmesptrifies.ARTRES l~arde.scl cratres.AVENTURE-- les maltires aveuglesson! avidesde vent.

    B

    BALANCE la miennerecenseht substancever-haie.

    BLANCplan pur: ni longni large,ni rapide nilem.

    BLEU le bl des lueurs d'aiguille que le ciel

    passeau cri! le.BOLIDES halles solidesqui lapident leslobesduvide.

    BOUCHE souchedu gol, chemindesmots etdu baiser.

    BRUN crin rechedu terrain brut.

    C

    CADENCE cartilage du silence.CERVEAU cercueilde verre, sans renouveau.CRATURES grenienlde la nature.CRIMEune mine de cris.CROUPE coupe,de.saveurs, pourriture pour lecrne.

    D

    DPART je nie spare,d de.hasard.

    E

    CHINE chellede signes,plus douequ'un colde cygne.

    EMMERDANT /( mal de nier et le mal dedents.

    PAULES plesdesailes disparues.

    F

    FIRMAMENTfirmementeusedes aigles.FLANC blanc, il s'lancecommeune flamme..

    G

    GENOUXengrenages ou-verrons.GORGE (les 2 G se recourbentet figurentdeuxseins; for du centreesl leur gage),

    H

    HANCHE hache,dessensqui doucementtranche.

    1

    INCENDIE le sang, lessens: indicesdecendre.INTERVALLE val aux terres invisibles.

    J

    JAMBES hampedes jeux cambrspar l'ambre.JARRET irrc des bondseu an cl.JAUNE (tubedu jeune,de l'argile etdes nuages.

    L

    LVRES on les //'.'commedes livres.

    M

    MAUVE couleur des mots suaves que l'amoursauve des ruses.

    MLANCOLIE- collierde lances qui me lie.MORAINESmarraines desglaciers. leurs reinesmortes.

    'N

    NBULEUSESbullesnescouveusesde lueurs.NOIR lesoir,le roi, le nord, noyspar le nant.NOMBRILait creuxd'une le l'ombrese noue.NOURRITURE sourdnoeudritueldescratures.

    Voirle.n" 3 dela P. S.

  • GLOSSAIRE

    O

    OLIVE couleurd'yeux, d'oeujslivides.ORAGE e d'or des eaux.

    ORANG l'aurore des anges; mesosy ontnag.

    OREILLES leur treilles'enroulel'orbedessons.

    P

    PARABOLE parcours instabledesparoles.PASSION/Vpasse, et je subisdsirs, et drision.PAUPIRE sa peau protgela pierre de l'oeil,PORPHYRE porchedu dlire, fissure, pierre de

    l'amorphe.POUSSIRE elle tousse entre les serres de lalumire.

    PUTRFACTION trve, fraction,prparant lapuret.

    R

    ROSE la chair deschoses.ROUGE ht roueet les oragesdu sang, dont la

    rage rongela peau.

    S

    SIMILITUDE-- (identiques, les ; / semlentet

    Prparentla pierre uniede l'U).

    T

    TORSE torchevive, unespireeusortsans traces

    U

    UNIFORMIT inutile monotoniede la noripefige.

    UNIT nudit: nid de l'ternit.UNIVERSEL nivel,par l'hiver de l'espaceet dittempsconfondus.

    V

    VAL celui du vol se creusedans l'air avec desailes.

    VENTRE il ne s'entrouvre qu' la vie.

    VERT couleurde terre ouverteaux sves.VERTBRES leur colonnede verre se heurteaux tnbres.

    VIOLET le voile des ombres, une spultureviole.

    VOCABLE le cbleon le volcan.

    ( suivrei)Michel LEIRIS

    MADEMOISELLEDIVINESAINT-POL-ROUX

    Ce qu'il faut surtout, c'est dbarrasser l'artdo tout ce qu'il contient de connu jusqu' prsent,tout sujet, toute ide, toute pense, tout symboledoivent tre mis cle ct.

    Il faut que la pense se dtache tellementde tout ce qu'on appelle la logique et le sens,qu'elle s'loigne tellement cletoutes les entraveshumaines, de sorte que les choses lui appa-raissent sous un aspect nouveau comme illu-mines par une constellation brillante pour lapremire fois.

    G. DECHIRICO(1913)

  • NOMENCLATURE

    Antonin Artaud hart des os treints.

    Andr Breton prte aux clsl'encretonne.

    Andr Masson le son des antres.

    Benjamin Pret le nain aime les jambesdemon pre.

    Francis Grardfranged'as-sises gisantes.

    Giorgio cle Chi-rico orchi d cesorguesde l'or-gie.

    GeorgesLimbour limbes desorles et desproues.

    GeorgesMalkinegorgeclinede la mort.

    Jacques-AndrBoiffard boire hantpar les affres.

    Jacques Baron l'arbre auxfleurons denacre.

    Louis Aragon l'ouragan.

    Max Ernst nerfs l'est exacerbes.

    Mathias Lbeck luths et rebecs.

    MichelLeiris le risquedes chellesiri-ses.

    Max Morise horizon masqu.

    MarcelNoll merd'argent anneausal.

    Paul Eluard ' ailes sol lud.

    Pierre Naville le animale ptriehier.

    Pablo Picasso qu ipo1-lence des pa-raboles astra-les.

    Pierre Reverdy hydre .pieet rve.

    Philippe Sou-

    paultelfeau souf-fle d'opium.

    Ren Crcvel les ravinsdu crne et durveil.

    Robert Desnos nocesde lahaine et desbordels.

    Raymond Rous-sel la rousseurdu mondesou-rit tes ais-selles.

    Roger Vitraclesarcs ivrest'inter-

    rogent.Roland Tuai lente tuerie rde,

    ailes tues.

    JACQUES-ANDRBOIFFARD

    L'ARMURE AwlrtMasson.

  • CHRONIQUES

    Fragments d'une Confrence *

    Qui sont ces gens ? Qu'ai-je faire avec eux ?Etrangers je sors du train noir. Il n'y a rien decommunentre vous et moi. Voicique vous tesdevant moi comme l'alcool au fond d'un verre,et je bois le lac de vos regards. Quelschemins,queLsignesd'encre, quellesconjonctionsd'astres,quels dessins purs dans le ciel transparent, nonrien, toute explication serait drisoire. Ce quim accable estd'abord qu'ici jecesse cle croire la toute-puis-sance de la pa-role. J'choue cette falaise,vo-tre oreille. Vousn'avez pas tptris avec mesmots, mon lan-gage peine yavez-vous donnune attentionaimable. Mesmots, Messieurs,sont ma ralit.Chaque objet, lalumire, et VOUS-m m es, voscorps, seul len om (| u e j edonne ce glis-sant aspect del'ide l'veilleenmoi cette vievritable, que lesmmes sons nesuscitent: [jointen vous. Je peidsauprs cle vousle vrai de cepou-voir, qui fait enmme tempsqu'on m'appelleauprs de vous,je perds l'effectif de ma parole, moi cpii ai,parat-il, comme nul autre ce don de la magie,et le got d'en user. Sduire! ce jeu s'estbrl tout un peu de ma vie. Ce n'tait pasun jeu, au reste, c'tait ma vie. J'ai connu lesvoies sonores qui donnent accs dans l'esprit,et s'ouvrent sur le coeur. O fentres, il fallait:que ma main pousst vos persiennes, et vous

    me livriez le passage humain. Les femmes demon pays, cle mon pays, remarquez bien, queje dteste, o tout ce qui est franais commemoi me rvolte proportion que c'est franais,les femmes clemon pays m'ont habitu croireaux mots que je prononce, et qui inaugurenten elles un miracle o tout mon tre prendrapart ; et pour mon esprit, sur la route intellec-

    tuelle ou j aime exercer sa ty-rannie, l'espritd'un autre esttoujours un peufemme pourmonesprit.Mais vous,

    hommes d'ail-leurs, commententendriez- vousce que je vaisVOUSdire ? Toutce qui pour moivaut de vivre oudemourir,qu'est-ce pour vousvraiment ? Peut-tre un para-doxe.Croyez-moipourtant, l'hom-me ne s'exprimepoint par para-doxes. 11 vientdes confins d'uncyclone, et: cequ'il a traversjusqu' vous, cesmontagnes clel'esprit auraientretenu de leursdoigts gigantes-ques les lgreschevelures clenuages, desquel-les les bateleurs

    prennent soin d'orner leurs fronts. Maisvous nem'entendrezpas, car que sais-jc de vous? de cequi fut pour vous la douceur du monde, de cequi vous a retenu, de cette cole buissonnire(les annes oi'ivous avez gar la fois vos paset votre coeur? Dans les rues ce charme quivous arrte soudain, ces .manires d'une jeunefille, la rondeur d'une taille ou la courbe d'unsein, pour moiqu'y vois-je qui ne soit l'exotismeet sans doute que c'est cette couleur d'oprette,si le hasard vous la sert clansmes phrases, qui

    LARVOLUTIONLANUIT MaxPrnst

    * Faite Madrid, la Residenciades Esttidianles(le 18 avril 1925).

  • *4 FRAGMENTS D'UNE CONFERENCE

    me vaudra que vous tombiez au lacis de mesmots, dans mes piges.Un Franais,vous meprenez pour un Franais. Je me lve pourtanten faceclecette ide locale,la bouchedbordantd'imprcations,rejetant",rejetant ce qui voudraitmeparticulariserl'esprit, accusermadpendance,ce qui cherche me dfinir,et me fermer desterritoires humains. Je ne suis born que parla btise, et si vous me lancez mon pays latte, je le dsavoue; il est la btise, en tantqu'il sert me qualifier. J'arrache de moi cetteFrance, qui ne m'a rien donn, que de petiteschansonset des vtements bleus d'assassin.Aux nouvelles que j'apporte, vous ne trou-

    verez pas de quoi rire. Fini le vaudeville, et jevous prie une seule fois cle considrer que jesuis le messager d'un grand drame. Je ne suispas venu pour vous plaire, pour vous fairepasser un bon moment, et puis allez donc, lelendemain repart, et c'est: encore la veille.Je suis un porteur de germes,un empoisonneurpublic. Trouvez mauvais, si a vous chante,le ton insolent qu'il me plat de prendre pourparler, je ne suis pas de la race des amuseurset des valets. Je me tiens dans un heu sinistrede la pense o la dclamation souveraine estde mise, et honte qui marcherait sur la traneclumanteau de cour de mes mots. Ni politicien,ni pote : je suis un homme, rare engeanceence sicleo tous ceux qui s'adonnent aux chosesde l'esprit ne sont plus que des toxicomanes,clsivrognes. Je ne m'abaisse pas parler auxgens, il m'arrive de penser devant eux. Je necherche ni la discussion,ni la flagornerie.Jeprfre les injures au got, btard qu'on prendparfois mes syllabes chantantes. Je ne vousentends pas, vous autres. Au bord de ce torrentsous les eaux cunieuses, je regarde s'enfuirl'ombre des oiseauxvolant au-dessusdes galets.On ne me dtachera pas clu grand souci mta-physiquequi occupeet dvaste en mme tempsma vie. Vous aurez beau bayer, vous aurezbeau sourire. Je ne peux penser rien, que jene sachetout d'abord ce cpieje fais ici, souscetteformeabsurde, et pourquoi ces yeux bleus avecces cheveux noirs. Que la considrationstrilede son destin enfin consume l'homme! qu'ilsuit dtourn du train de ses jours,du bonheur,et surtout de l'immondetravail.

    je vais dire son fait au travail, ce dieu incon-test qui rgne en Occident.Quand les prostitues aux lueurs finissantes

    clu jour, avec leur petit sac et leur poignantespoir,apparaissentau coindesruesdescapitales,quand les prostitues supputant leurs dsirsregardent approcher les pardessus des hommes,leurs chapeaux melons et leurs chanes d'or,pourquoi, o jeunes gens laborieux, et vousfemmesque le besoin, ou par exemplela dpr-ciation internationale cle la monnaie cle votre

    pays, n'a pas encore rduits doucement autrottoir, pourquoi le mpris se mle-t-il lapiti sur vos lvreset dansvos songes? L'hommequi a enfin consenti au travail pour assurersa vie, l'hommequi a os sacrifierson attention,tout -"?qui demeurait en lui de divin, au dsirpurilde continuer vivre, celui-ciqu'il descendeen lui-mme, et qu'il reconnaissece qu'est auvrai la prostitution. Ah ! banquiers, tudiants,ouvriers, fonctionnaires,domestiques,vous tesles fellateursde l'utile, les branleursde la nces-sit. Je ne travaillerai jamais, mes mains sontpures. Insenss, cachez-moi vos paumes, etces callus intellectuels, dont vous tirez votrefiert. Je maudis la science,cette soeurjumelledu travail. Connatre!Etcs-vousjamaisdescendusau fond de ce puits noir ? Qu'y avez-voustrouv,quelle galerie vers le ciel ? Aussi bien je nevous souhaite qu'un grand coup de grisou quivous restitue enfin la paresse qui est la seulepatrie de la vritable pense.Et quel tour imprvu la pense humaine

    vient de prendre dans l'aurore. Des animauxfabuleux se lvent l'horizon. Je n'annoncepas le miracle, le miracle est l clans le jour.Voyez: l'homme reconnat qu'il savait voler, etl'oiseau s'tonne. Dsormaisqu'importe que laterre soit ronde,noussommesrestitus l'infini.Permettez-moi, Messieurs, d'entreprendre la

    patiente histoire des temps nouveaux,que voussachiez enfin comment, l o l'Europe meurtaux pieds de l'ocan, vient, au milieudes signesde la mort, des invasions, des clipseset desdbordements de marcages, vient d'expirerenfin la vieille re chrtienne

    Quel tour prend le Surralisme,o cela mne,ce qui en sort, si j'en suis toujours content,voil les questions ingnues qu'au printempsde cette anne 1925, qui est un clatementde tant: de merveilles",et tout me sollicite versmille douceurs profuscs, vers la dispersiondema colreet:de monplaisir,voil lesquestionsingnues qu'alors ceux qui m'abordent meposent chaque coup. H, Monsieur,tes-vouscontent de la posie? Alors a va, les images?En vrit je vous le dis, incrduleset mendiants,aujourd'hui la penseest aux piedsdes hommes,l'esprit flambe neuf clans la grande couleuramorale clu vent. C'est: quand je vais, c'estquand je viens que tout se mue, et se dnoue.L're des mtamorphosesest ouverte. Regardezautourdevous, tout est fragile,et tout, si j'tendscettemain,va changer.Voustesdansunegrotte.Vous tes sur la mer. Chut, entendez-vouslessirnes? Je ferai jaillir le sang blonddes pavs.Toutefois, si vous me demandez, moi qui

    tout en proie des sentiments extrmes, et lecoeur possd d'une passion dmesure qui semesure,et o vousn'avez pas entr,vous autres,

  • FRAGMENTS DUNE CONFRENCE 25

    moi qui pourrait bien certains jours envoyerpromener l'univers, pour un regard qui ne mequitte point, si vousme demandezce qui marquecette anne par laquelle le sicle coud l'un l'autre ces deux premiers quarts, cette annequ'on a cru clbrer Paris par une expositiondes arts dcoratifs qui est une vaste rigolade,

    COMPTE RENDUDE L'EXPOSITIONDESARTSDCORATIFS Monliuq

    je vous dirai que c'est au sein mme du surra-lisme, et sous son aspect, l'avnement d'unnouvel esprit de rvolte, un esprit dcid s'attaquer tout. C'est dans l'amour, c'estclans la posie) que la rvolte ternellementprend naissance. Celui cpii baigne i\cjh clansl'infiniest prt, hommes, ren\ erservos chteauxde cartes. Et naturellement (pie s'il y a dansun coin du monde quarante hommes prts tout, sacrifier leur vie pour le bouleversementclumonde, et c'est peu que leurvie, et c'est peuque le monde, vousallez rire et trouver drisoireque des gens qui ne disposent d'aucun pouvoir,qui ne sont rien, sans argent, sans hypocrisie,parlent tout d'un coupclervolution,et prennentau premier pas le ton, et tout l'appareil mentalcle la Grande Terreur. C'est pourtant ce faitsans prcdent clans l'histoire humaine quivient d'unir ceux qui ne se croyaient que ce seullien, la posie, et un certain got de l'insens.

    J'ai vu, et c'est tout ce que j'ai vous dire,ceux-lque l'attention croissantequi lesentouraitpouvait capter, et suffisammentdivertir, je lesai vus s'arrter dans leur course, se consulterdu regard, et sans gard pour leurs amitis,leurs affections, instruire le procs cle chacund'entre eux avec une pre soif de dcouvrirla plaie cache en chacun. Ils se sont jets lesuns sur les autres, ils ont confront les bassessesde leurs mes, leurs grandeurs. Et maintenantils se savent purs, quelque chose les joint querien ne peut rompre. Ils se connaissent,et qu'im-porte, rieurs, vos narquoiseschansons?Je vous annonce l'avnement d'un dictateur :

    Antonin Artaud est celui qui s'est jet la mer.Il assume aujourd'hui la tche immense d'en-traner quarante hommes qui veulent l'trevers un abme inconnu, o s'embrase un grandflambeau, qui ne respectera rien, ni vos coles,ni vos vies, ni vos plus secrtes penses. Aveclui, nous nous adressonsau inonde, et chacunsera touch, chacun saura ce qu'il a mprisde divin, ce qu'il a laiss perdre sous sa formedans une flaque i\u soleil, chacun saura sonignominie, cl d'abord les grandes puissancesintellectuelles, universits, religions, gouverne-ments, qui se partagent celle terre, et: qui ds1enfance dtournent l'homme de soi-mmesuivant un dessein tnbreusement prtabli.A rien ne sert de nous opposer votre scepti-cisme. Croyez-vous,oui ou non, la force infiniede la pense? Nous aurons raison de tout,l'.t d'abord nous ruinerons cette ci1ilisationqui vous est chre, o vous tes moulscommedes fossiles dans le schiste. Monde occidental,tu es condamn mort. Noussommes les dfai-tistes de i'Europe, prenez garde, ou plutt non :riez encore. Nous pactiserons avec tous vosennemis, nous avons dj sign avec ce dmonle Rve, le parchemin scell de notre sang etcle celui des pavots. Nous nous ligueronsavecles grands rservoirs d'irrel, (.lue l'Orient,votre terreur, enfin, notre voix rponde. Nousrveillerons partout les germes de la confusionet du malaise. Nous sommes les agitateurs del'esprit, 'foutes les barricades sonl lionnes,toutes les entraves vos bonheurs maudits.Juifs, sortez des ghettos. Qu'on affamele peuple,afinqu'il connaisseenfinlegotdu painde colre!Bouge, Inde aux mille bras, grand Lrahmalgendaire. A toi, Egypte, l'.t que Jcs traficantsde drogues se jettent, sur nos pays terrifis.Que l'Amrique au loin croule de ses buildingsblancs au milieu des prohibitions absurdes.Soulve-toi, monde. Voyez comme cette terreest sche, et. lionne pour tous les incendiesOn dirait de la paille.Riez bien. Nous sommes ceux-l qui donne

    ront toujours la main l'ennemi.Louis AKAGON

  • Le Surralisme et la Peinture

    ARLEQUIN PicassolO'-i-l

    L'oeil existe l'tat sauvage. Les Merveillesde la. terre trente mtres de hauteur, les .Mer-veillesde la mer trente mtres de profondeurn'ont gure pour tmoin que l'oeil hagard qui,pour les couleurs, rapporte tout l'arc-cn-cicl.11prside l'change conventionnelde signauxqu'exige, parat-il, la navigation de l'esprit.Maiscpii dressera l'chellede la vision? Il N-aceque j'ai dj vu maintesfois,et ce (pied'au!respareillement ni oui dit voir, ce que je croispouvoir reconnatre, soit (pic je n'y tienne pas,soil que j'y tienne, par exemple la faade clel'Opra de Paris ou bien un cheval, ou bienl'horizon; il v a ce cpie je n'ai VUque 1resrare-ment et que ie n ai pas toujours choisid'oubliermiclene pasoublier,selonlecas ;il ya cequ'ayantbeau le regarder je n'ose jamais voir, qui esttout ce que j'aime (et je ne vois pas le restenon plus) ; il v a ce que d'autres ont vu, disentavoir vu, cl que par suggestionils parviennent-m ne parviennent pas me taire voir; il y aaussi ce que je vois diffremmentde ce >\uclevoient tous les autres, cl mmece que je com-mence voir qui n'es! pas visible.Ce n'est pastout.A ces divers degrs de sensations corres-

    pondentdes ralisationsspirituellesassezprciseset assez distinctes pour qu'il nie soit, permisd'accorder l'expression plastique une valeur

    que par contre je ne cesseraide refuser l'ex-pression musicale, celle-ci cle toutes la plusprofondmentconfusionnellc.En effet les imagesauditives le cdent aux images visuelles nonseulement en nettet, mais encore en rigueur,et n'en dplaise quelques mlomanes,ellesnesont pas faites pour fortifierl'ide de la grandeurhumaine. Que la nuit continue donc tombersur l'orchestre, et qu'on me laisse, moi quicherche encore quelque choseau monde,qu'onme laisse les yeux ouverts, les yeux ferms il fait grand jour ma contemplationsilencieuse.Le besoin de fixer les images visuelles, ces

    images prexistant ou non leur fixation, s'estextriorisde tout temps et a abouti la for-mation d'un vritable langage qui ne me paratpas plus artificiel que l'autre, et sur l'ori-gine duquel il serait vain de m'attarder.'fout au plus me dois-je de considrer l'tatactuel de ce langage,de mme que l'tat actueli\u langage potique, et de le rappeler s'il estncessaire sa. raison d'tre. Il me semble queje puis beaucoup exiger d'une facult qui,par-dessus presque toutes les autres, me donnebarre sur le rel, sur ce qu'on entend vulgai-rement par le rel. De quoi suis-jc autant lamerci quede quelqueslignes,de quelquestachescolores? L'objet, l'trange objet lui-mme

    TUDIANT Picasso1913

  • LE SURREALISME ET LA PEINTURE

    y puise la plus grande partie de sa force deprovocation et Dieu sait si cette provocationest grande, car je ne puis comprendre quoi elle tend. Que m'importe que les arbressoient verts, qu'un piano soit en ce moment plus prs de moi qu'un carrosse, qu'uneballe soit cylindrique ou ronde ? C'est pourtantainsi, si j'en croismes yeux, c'est--dire jusqu'un certain point. Je dispose, en pareil domaine,d'une puissance d'illusion dont, pour peu quej'y prenne garde, je cessed'apercevoir les limites.Rien ne s'oppose en ce moment ce que j'arrtemon regard sur une planche quelconque d'unlivre et voici que ce qui m'entourait n'est plus.A la place de ce qui m'entourait il y a autrechose puisque, par exemple, j'assiste sens diffi-cults une tout autre crmonie...Sur la gravurel'angle clu plafond et des deux murs parvientsans peine se substituer cet angle-ci. Jetourne des pages et, en dpit de la chaleurpresque incommodante, je ne refuse pas lamoindre part de mon consentement.ce paysaged'hiver. Je me mle ces enfants ails. Il vit-devant lui une caverne illumine dit unelgende et, effectivement,je la vois aussi. Je lavois comme . cette heure je ne vous vois pas,vous pour qui j'cris, et pourtant j'cris pourvous voir un jour, aussi vrai que j'ai vcu uneseconde pour cet arbre cle Nol, pour cettecaverne illumine,ou pour les anges. Entre cestres voquset les tres prsents, la diffrencea beau rester sensible, il m'arrive chaqueinstant d'en faire bon march. C'est ainsi qu'ilm'est impossible de considrer un tableauautrement que comme une fentre dont monpremier souci est de savoir sur quoi elle donne,autrement dit si, d'o je suis, la vue est belle,et je n'aime rien tant que ce qui s'tend devantmoi perte de vue. Je jouis, l'intrieur d'uncadre de n figure, paysage ou marine d'unspectacledmesur.Queviens-jcfaire l, qu'ai-je dvisager si longuement cette personne, dequelle tentation durable suis-jc l'objet ? Maisc'est un homme, parat-il, qui me fait cetteproposition! Je ne me refuse pas le suivreo il veut me mener. C'est seulement ensuiteque je juge si j'ai bien fait cie le prendre pourguideet:si l'aventure clanslaquelleil m'a cntiantait digne de moi.Or, je l'avoue, j'ai pass commeun fou clans

    les salles glissantes des muses : je ne suis pasle seul. Pour quelques regards merveilleux quem'ont jet des femmes en tout semblables celles d'aujourd'hui, je n'ai pas t dupe uninstant de ce que m'offraient d'inconnu cesmurs souterrains et inbranlables. J'ai dlaisssans remords d'adorables suppliantes. C'taienttrop de scnes la fois sur lesquellesje ne mesentais pas le coeurde jouer. A travers toutesces compositionsreligieuses,toutes ces allgories

    champtres, je perdais irrsistiblement le sensde mon rle. Dehors la rue disposait pour moicle mille plus vrais enchantements. Ce n'estpas ma faute si je ne puis me dfendre d'uneprofonde lassitude l'interminable dfil desconcurrents de ce prix de Rome gigantesqueo rien, ni le sujet ni la manire cle le traiter,n'est laiss facultatif.Je n'entends pas par l faire entendre qu'au-

    cune motion ne peut se dgager en peintured'une Lda , qu'un soleildchirant ne puissese coucherdans un dcor de palais romains ,ni mmequ'il soit impossiblede donner quelquesemblant de moralit ternelle l'illustrationd'une fable aussi ridicule que La Mort et leBcheron.Je pense seulement que le gnie negagne rien emprunter ces chemins battus ouces voies dtournes. De telles gageures sontpour le moins inutiles. Il n'est rien avec quoiil soit dangereux de prendre des liberts commepeut-tre avec la libert.Maisle stade de l'motion pour l'motion une

    fois franchi, n'oublions pas que pour nous, cette poque, c'est la ralit mme qui est:enjeu. Commentveut-on quenous nous contentionsdu trouble passager que nous procure telle outelle oeuvred'art ? 11n'y a pas une oeuvred'artqui tienne devant notre primitivisme intgralen ce sens. Quand je saurai o prend fin en moila terrible lutte clu vcu et du viable, quandj'aurai perdu tout espoir d'accrotre dans desproportions stupfiantes le champ rel, jusqu'iciparfaitement limit, cle mes dmarches, quandmon imagination,en se repliant,sur elle, ne feraplus que concideravecma mmoire,je m'accor-derai volontiers, omme les autres, quelquessatisfactions relatives. Je me rangerai alorsau nombredes brodeurs. Je leur aurai pardonn.Maispas avant !Une conception trs troite de Vimitation,

    donne pour but l'art est. l'origine du gravemalentendu que nous voyons se perptuerjusqu' nos jours. Sur la foi que l'homme n'estcapable que de reproduire avec plus ou moinscle bonheur l'image de ce qui le touche, lespeintres se sont montrs par trop conciliantsclans le choix de leurs modles. L'erreur com-mise fut cle penser que le modle ne pouvaittre pris que dans le monde extrieur, ou mmeseulement qu'il y pouvait tre pris. Certes lasensibilit humaine peut confrer l'objetd'apparence la plus vulgaire une distinctiontout fait imprvue; il n'en est pas moins vraique c'est faire un pitre usage clu pouvoir ma-gique cle figuration dont certains possdentl'agrment que clele faire servir la conservationet au renforcement de ce qui existerait sanseux. Il y a l une abdication inexcusable. Il estimpossibleen tout cas, dans l'tat actuel de lapense, alors surtout que le monde extrieur

  • i8 LE SURREALISME ET LA PEINTURE

    parat de nature de plus en plus suspecte, deconsentir encore pareil sacrifice. L'oeuvreplastique,pour rpondre lancessitdervisionabsolue des valeurs relles sur laquelle aujour-d'hui tous les esprits s'accordent, se rfreradonc un modlepurementintrieur,ou ne serapas.Reste savoir ce qu'on peut entendre par

    modleintrieur, et c'est ici qu'il convient des'attaquer au grand problme soulev ces der-nires annes par l'attitude de quelqueshommesayant vraiment retrouv la raison de peindre,problme qu'une misrable critique d'art s'ef-force dsesprment d'luder. Si Lautramont,Rimbaudet Mallarm,dans le domainepotique,ont t les premiers douer l'esprit humainde ce qui lui faisait tellement dfaut : je veuxdire d'un vritable isolant grce auquel cetesprit:se trouvant idalement abstrait de tout,commence s'prendre de sa vie propre ol'atteint et le dsirable ne s'excluent plus etprtend ds lors soumettre une censureperma-nente, de l'espce la plus rigoureuse, ce quijusque l le contraignait ; si, depuis eux, lanotion du permis et du dfendu a pris cetteconsistancelastique que nous lui connaissons, tel point par exemple que les mots famille,patrie, socit, nous font l'effet de plaisanteriesmacabres; si vraiment ils nous ont dcids attendre de nous seuls notre rdemption ici-bas,il a fallu pour que nous nous jetions corpsperdu sur leurs traces, anims de cette fivrecle conqute, mais de totale conqute, qui nenous quittera plus jamais, que nos yeux, nosc-.hcrsyeux refltassent ce qui, n'tant pas, estpourtant aussi intense que ce qui est, et quece fussent nouveau des imagesoptiquesrelles,nous vitant de regretter quoi que ce soit cleceque nous quittions. La. route mystrieuse ola peur chaque pas nous guette, o l'envieque nous avons de rebrousser chemin n'estvaincue que par l'espoir fallacieuxd'tre accom-pagns, voici quinze ans que cette roule est:balaye par un puissant projecteur. Voiciquinzeans que Picasso, explorant lui-mmecette route,y a port fort:avant ses mains pleinesclerayons.Nul avant lui n'avait os y voir. Les potesparlaient bien d'une contre, qu'ils axaientdcouverte, o le plus naturellement du mondeleur tait apparu un salon au fond d'unlac mais c'tait l pour nous, une imagevirtuelle. Par quel miracle cet homme,que j'ail'tonnem