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M.S. LAMOUREUX JE NE CAPITULE PAS Après les attentats de Charlie Hebdo : à quoi ça sert un prof ?

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M.S. LAMOUREUX

JE NECAPITULE

PASAprès les attentats de Charlie Hebdo :

à quoi ça sert un prof ?

Je ne capitule pas

M. S. Lamoureux

Je ne capitule pasAprès les attentats de Charlie Hebdo,

à quoi ça sert un prof ?

Don Quichotte éditions

www.donquichotte- editions.com

© Don Quichotte éditions, une marque des éditions du Seuil, 2015

ISBN : 978-235-949-476-1

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En hommage à toutes les victimes de la haine et de la bêtise.

À l’Albatros, mes enfants, mes élèves, qu’ils soient des oiseaux en vol

ou encore au nid. Aux membres de l’EN, l’oiseau de paradis

et tous ceux qui aiment « chanter, rêver, rire », comme Cyrano.

« Où est le truchement pour lui dire qui vous êtes et lui faire entendre

ce que vous dites ?Vous verrez qu’il vous répondra.

Et il parle turc à merveille. »Molière,

Le Bourgeois gentilhomme (1670)

Sauf exception, vous et moi, on ne fréquente pas les mêmes types. Mes potes sont dangereux  : ils pensent toujours en avance des autres. Vous croyez que je dis ça parce que je vis en banlieue et que j’y suis prof ? Pas du tout. Pour vous, Montaigne, par exemple, c’est un vieux mort il y a des siècles, qui parle dans un langage qu’on ne comprend pas et dont on n’a rien à faire. Pour moi, c’est un gars qui en a, parce qu’il faut en avoir, au xvie  siècle, pour braver la censure, risquer l’exil ou la mort, regarder autrement que tout le monde, et déclarer face à un Indien que le roi exhibe que ce n’est pas de la marchandise, c’est un humain. Ils sont

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comme ça, mes potes. Ils s’appellent Aristote, La Boétie, Molière, Voltaire, Hugo, Desnos, Prévert ou Camus. Y en a même des vivants : Schmitt, Pennac, Daoud, Abd Al Malik… Mon boulot, c’est de faire le « truchement », le passeur d’art entre eux et la centaine d’ados qu’on me confie tous les ans depuis plus de vingt ans.

Mais vous allez rire : j’allais mon petit bonhomme de chemin et j’avais pas tout à fait compris que je faisais ce travail-là. Pourtant, le 11  janvier 2015, toutes les pièces du puzzle se sont emboîtées, et ça m’a paru tout à coup évident de réaffirmer ce que sont en réalité les profs : des interprètes du savoir… Ça me paraît même urgent, parce qu’entre le 7 et le 9  janvier, j’ai comme eu l’impression qu’on essayait de dézinguer mes héros, vos héros, qu’à travers l’hor-reur d’une liste de noms d’humains assassinés par bêtise, on essayait de détruire mes copines Liberté, Égalité, Fraternité. C’est dans l’urgence de les sauver que je vous invite à m’accompagner sur mon sentier, histoire de voir par vous- même comment à force on devient prof, et surtout de réfléchir ensemble à ce qu’on va faire, maintenant.

« Alors on a mis trente ans à réussir à habiter Paris intra- muros, et toi, toi, tu vas aller travailler en banlieue ?

— Ils me proposent un poste là- bas, maman. C’est une grande chance pour moi, tu sais.

— Ils n’ont qu’à t’en proposer un ici ! Ou alors, tu restes surveillante en attendant de passer le concours, et puis c’est tout !

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— Mais j’ai envie d’y aller, moi ! J’en ai marre de donner des conseils aux élèves en cachette ! Puisque le but, c’est d’être prof, autant commencer maintenant… Tu te rends compte, maman, ça fait plus d’un mois qu’ils n’ont pas de prof de français ! Je ne peux pas refuser, ce serait mal.

— Et voilà, tu recommences à te prendre pour Jésus-Christ ressuscité ! Mais qu’est- ce que j’ai fait au bon Dieu pour mériter ça ? Bon. Puisque ta déci-sion est prise, je ne vois pas pourquoi tu me demandes mon avis. Quand je pense que je t’avais inscrite en droit, et que tu as changé d’université sans me consulter !

— Mais maman, je ne voulais pas devenir juge ! Je voulais m’occuper d’enfants, moi !

— Tu n’avais qu’à faire juge pour enfants, et zou, on n’en parlait plus !

— Justement, c’est exactement ce que je ne voulais pas faire. Tu comprends, les juges voient les enfants une fois qu’ils ont fait une bêtise, alors que les profs leur parlent avant, avant que ça dérape, avant que ce soit trop tard.

— C’est bien ce que je disais : au pire, tu te prends pour Jésus, au mieux pour un jésuite… On n’est pas sortis de l’auberge. Tu vois, juge, ça, c’est un métier. J’aurais pu en parler en prenant le thé avec des copines. Tu m’imagines, au milieu du poulail-ler ? Et ta fille, qu’est- ce qu’elle devient ? Et moi, en prenant l’air modeste  : “Elle est juge.” Elles se seraient étouffées de rage. Elles en auraient verdi. Tandis que “elle est prof”, ça n’a pas de mérite, ça. C’est petit, tout petit.

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— Je ne vais pas choisir un métier juste pour que tu fasses la fière devant tes copines, quand même…

— … Avant, je ne dis pas. Quand l’école représen-tait quelque chose aux yeux des gens, oui, peut- être. L’instituteur, au village, c’était quelqu’un… Mais de nos jours, avec tout ce qu’on entend sur les profs, que ce sont des gauchistes, des fainéants, des fonc-tionnaires ! Ah, c’était bien la peine de faire autant de sacrifices pour en arriver là !

— … Mais c’est ce que…— … Et puis ça ne gagne rien, ce métier- là, tu ver-

ras. Tu veux tirer la langue à la fin du mois toute ta vie ? Ah ! quand je pense que tu pouvais faire l’École des chartes ou l’ENA, au lieu de nous embêter tout le temps avec ta littérature ! C’est bien simple, on ne sait plus où mettre les pieds quand on vient chez toi. Des livres, il y en a jusque dans les toilettes, jusque devant les fenêtres, et j’en ai vu dans le placard de la cuisine, c’est un comble ! On se demande ce que tu y trouves et qui n’est pas dans la vie !

— Justement, maman, c’est la vie que j’y trouve. Tiens, en ce moment je lis L’Enfant maudit, de Balzac…

— … Ah, ne me coupe pas la parole, s’il te plaît ! C’est moi qui suis maudite, à essayer de raisonner des enfants qui ont tous des idées saugrenues ! Non mais prof, j’vous jure !

— Bon. Je raccroche, maman. Il est tard. Je t’appelle demain soir pour te dire comment c’était, cette pre-mière journée dans la peau d’un prof. »

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« La lecture emplissait tous les interstices de ma vie.À peine éveillé, je tâtonnais de la main

vers le livre comme un fumeur vers ses clopes. »François Cavanna, Les Ritals (1978)

On est le jour d’après. Le 11 janvier 2015 avait été un dimanche lumineux. Le 12 s’ouvrait comme un lundi gris. C’est le vingt- septième lundi 12  janvier que je vais travailler pour la même boîte  : l’Éduca-tion nationale.

Dans le bus, je relis Les Ritals, de Cavanna. J’ai commencé à trois heures du matin. Une envie de soleil. Un monsieur en costard cravate me sourit et hoche la tête  : « C’est drôle, hein ? » Je lui souris en retour.

Portail, couloir, salle. Une élève me parle de sa maman, qui s’est fait cracher dessus en plein midi et en plein centre- ville parce qu’elle portait son voile pour aller chercher du pain à la boulangerie. Dix personnes au moins assistaient à la scène. Pas une pour ne serait- ce que rappeler à l’ordre le cracheur.

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Ils ont tous tourné la tête. Puis elle se jette dans sa colère  : « Et quoi ? Ma mère d’un mètre cinquante se fait cracher dessus dans la rue et je n’ai pas le droit de m’énerver ? Tout ce qu’ils ont gagné, c’est que maintenant ça va être encore pire qu’avant ! Combien de temps je vais devoir me justifier d’être musulmane ? Je suis française ! Combien de fois je vais devoir le répéter ? Et alors ? J’ai pas le droit de ne pas marcher derrière un homme qui a du sang palestinien sur les mains et de trouver ça quand même dégueulasse de tuer des gens pour des dessins ? » Elle continue encore et encore. Je ne l’interromps pas. Il faut que ça sorte, cette rage. Elle part, les larmes aux yeux. Je n’ai eu que quelques paroles réconfortantes, rien par rapport à l’affront subi. « Jusqu’ici, tout va bien », que j’balance à la pause à une collègue qui semble aussi fatiguée que moi.

Il y a ceux qui sont d’accord pour qu’on lutte contre le racisme mais que l’antisémitisme ne dérange pas, d’autant qu’ils le confondent avec l’antisionisme. Le peuple palestinien, oui. Les Kurdes ou la Syrie, ils ne connaissent pas, et la Corée « on s’en fout, on les confond tous, les jaunes ». Il y a ensuite ces élèves qui ne comprennent pas qu’on censure tel chanteur ou tel orateur et pas d’autres, et auxquels je dois expliquer la différence entre le blasphème, qui n’est pas puni par la loi française puisque l’État est laïc depuis 1789, et le révisionnisme qui l’est, ainsi que l’incitation à la violence et à l’antisémitisme. Ils ne sont pas convaincus. Je leur suggère de se trouver d’autres héros, et j’écris une citation de Martin Luther King au tableau, et une autre de Tahar Ben Jelloun.

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Ils notent. Plus tard, je leur montre au vidéoprojecteur le plafond de la chapelle Sixtine et je lance, comme un défi : « Pensez- vous que Michel-Ange a commis un blasphème ? » Ils restent sans voix. Me voici lancée dans la Renaissance italienne. Ils ne savent même pas situer le Vatican sur une carte, je ne suis pas sortie de l’auberge, mais « jusqu’ici, tout va bien ». Tiens, au fait, ils connaissent le film de Mathieu Kassovitz mais ils ne savent pas que son père est juif  : « Sérieux ? Moi qui le trouvais trop d’la balle, ce film ! » Ils vont me coller La Haine, avec leurs remarques débiles, ces andouilles.

Récréation. Dans les couloirs, les élèves me saluent toujours avec respect et je leur réponds par des sourires ou par leur prénom  : « Bonjour Nawel. Bonjour Blandine. Bonjour Mohammed… » Mme  le Proviseur passe en salle des profs pour montrer sa solidarité. Elle campe ferme sur ses positions. Elle a déjà reçu ces derniers jours des gamins pour leur expliquer avec autorité et bienveillance la ligne à tenir. Ils s’y tiennent. Les profs échangent quelques mots. De la retenue. Du calme. Là, vraiment, tout va mieux.

Troisième heure. Je récupère des émotifs. Ils veulent partager. Nous lisons les poèmes qu’ils devaient me rendre. C’est joli. Puis je ramasse les copies. Une dizaine reste pendant la pause. Je leur fais entendre le slam Je suis Charlie que Grand Corps Malade a composé dans la nuit de mercredi à jeudi dernier… Ça sonne. Ils insistent pour que toute la classe l’entende. Comme avant les événements on travaillait sur une séquence intitulée « La dénonciation de la violence

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des cités dans le rap français », ils me demandent de le rajouter dans les lectures analytiques pour le bac, ou au moins en document complémentaire. C’est promis, ils ne diront pas de conneries si l’examinateur leur parle de Charlie. Mais faut- il prendre ce risque ? Faut- il aller jusque- là ?

La question est légitime car il y a aussi tout à coup ces gamins qui s’insurgent parce qu’ils ont vu un dessin avec le Coran troué de balles et la légende  : « Le Coran c’est de la merde ; ça n’arrête même pas les balles. » Il faut reprendre encore et encore, patiemment, les explications  : qu’est- ce que l’humour ? l’ironie ? la distanciation ironique ? Eux se sentent blessés. Je trouve tout à coup un argument choc  : « Et alors, dans les kiosques à journaux, ils vendent aussi de la presse poubelle et des revues pornos ! Moi, ça me choque mais ça me regarde, et je ne suis pas obligée de les acheter ! Charlie Hebdo non plus ! » Silence de la classe. Un point pour moi.

Il y a cette question lancinante : nous sommes allés voir il y a quelques jours Qu’Allah bénisse la France. Je l’avais inscrit dans la liste du bac… Faut- il le main-tenir ? Et juste derrière, ce jeune de seize ans qui déclare, les larmes aux yeux : « Abd Al Malik, qu’Allah le protège, il s’en est sorti. Mais moi, madame, je n’ai pas sa force, pas son courage et personne ne m’aide. Je sais déjà que je n’y arriverai pas. » Que dois- je lui répondre ? Que la France, l’Éducation nationale et la République veillent sur lui ? D’ailleurs, faudrait que ces trois allégories se dépêchent car il en est à son troisième foyer d’accueil en trois ans et ça com-mence à peser lourd. Je sens bien que ce n’est pas

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le moment d’attraper la grippe. Allez, quoi, on tient bon, tous  : un petit pas puis un autre. Reprenons. Est- ce que quelqu’un dans la classe peut me rappeler ce qu’est un sonnet ?

Retour en bus. Comment je me suis retrouvée dans cette mélasse ? Est- ce que tous ces visages autour de moi ont seulement conscience d’y être aussi ? Bon alors on se calme et on résume. En comptant à la louche, j’ai la responsabilité d’une centaine de cerveaux en construction, et j’ai encore cinq mois pour leur faire comprendre ce que signifie « Je suis Charlie ». Soyons lâche : d’abord, pourquoi serait- ce à moi de le faire ? Les premières L, je ne dis pas, je les torture en moyenne deux heures par jour, en tout je les vois neuf heures par semaine, ça peut finir par leur faire de l’effet, si je martèle façon bourrage de crâne… Mais les premières ES, cinq heures, ça va faire juste… Et les BTS, deux heures chaque classe, là c’est carrément mission impossible.

Ah, mais j’oubliais, l’école m’aide. Me voilà soula-gée ! J’imagine très bien la collègue de maths, entre deux équations  : « Sachant que f(x) = x2 + 2x – 3, vous me direz la valeur de x en rappelant au passage que celle d’un humain est inestimable. » Pourquoi je n’ai pas fait prof de maths ? J’aurais pu me planquer dans les x. C’est tout moi, ça : je me laisse emporter par les belles idées des autres, et après j’ai comme des envies irréfléchies de les mettre en œuvre ! Bon. Pas la prof de maths. Ou alors autrement. Le rai-sonnement, la déduction, elle connaît ça par cœur, forcément. Que faut- il mettre en place pour parler

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« ensemble » plutôt « qu’à côté » ? Le prof d’anglais ? Celle d’espagnol ? Pourquoi pas. Oui, il faudrait com-mencer par avoir une attitude commune face aux événements, un discours… Or, depuis le 7  janvier, on a plutôt tendance à se regarder tous avec des grands yeux effarés. Ça ressemble plutôt à quelque chose du genre  : « Youhou, je suis tout seul et j’ai besoin qu’on me rassure. » On a tous vraiment pris une sacrée baffe, sur ce coup.

Bref, je comprends qu’il me faut du temps pour réfléchir à une stratégie, du temps et du recul. Ils ont donné leur opinion. C’était cash. C’était trash. À mon tour maintenant  : comment je déconstruis ces préjugés et comment je construis du sens ? Autrement dit, comment je fais mon boulot de prof  : les faire passer de l’opinion au fait. Comment, par exemple, je leur explique que leur opinion sur les juifs ou les homosexuels ou les Coréens est non seulement ridicule mais fausse… et même dangereuse. Et d’abord, ils ne connaissent pas de Coréen. Et d’abord, un humain ne ressemble pas à un autre, et ranger des humains dans des catégories, dans des cases, c’est juste un truc pratique, mais ça peut aussi devenir très dan-gereux. Si je dis  : « Les Chinois aiment le riz », je dis déjà une ânerie. Je suis déjà dans le préjugé. Si je dis  : « La plupart des Chinois mangent beaucoup de riz », je suis plus proche de la réalité. Il faut que je leur fasse comprendre que toute la richesse de l’homme réside dans l’individu, ce qui n’exclut pas qu’il se reconnaisse dans un groupe. « Le peuple français se regroupe autour de valeurs fondamentales énoncées dans la devise de cette nation  :  Liberté,

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Égalité, Fraternité. » Là ça colle. Mais : « Les Français mangent des escargots », ça s’appelle un préjugé et c’est faux.

Les préjugés, ça colle à la peau de tout le monde, et ça m’énerve particulièrement. Non, tous les juifs ne sont pas banquiers et ne correspondent pas à la description du personnage de Gobseck dans le roman éponyme de Balzac. Le texte est daté. Il faut l’inscrire dans un contexte. Balzac croyait dans une pseudo- science, la physiognomonie, qui consiste à assimiler des traits de caractère à des traits physiques. On a associé à des personnes un physique et un comporte-ment dans lequel ils ne se reconnaissent pas, et c’est quand même eux qui savent mieux que les autres qui ils sont ! D’ailleurs, on voit où ça a conduit le monde, le préjugé. Des millions de morts. Les juifs, les Tziganes, entre autres victimes… tous ces gens ont payé un tel tribut à la connerie, on ne va pas leur refaire ce coup l’air de rien, quand même ! On ne va pas faire semblant de ne rien avoir appris depuis, quand même ! Et on ne va pas le laisser faire à d’autres ! L’école apprend à vivre ensemble, et pas seulement à vivre avec. Je m’enrichis, la France s’enrichit de ta présence. Merci de faire partie de mon univers.

Et contrairement à ce que j’ai pu entendre, il y a des mots qui ne trompent pas. Il y aura cette colère partagée entre mes élèves et moi, qui monte petit à petit. Ces phrases entendues au détour d’un couloir et réentendues ensuite en classe  :

« Ils ont tiré sur un homme à terre ! Un homme qui demandait pitié ! C’est la honte pour eux ! »

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« Ils ont tué des gens qui n’avaient pas d’arme ! Ce sont des lâches ! C’est facile quand on a un flingue de faire genre on est les plus forts ! »

« On s’en fout de la couleur des rétros de la voiture, on ne parle pas de ça. On te dit que le mec était déjà touché, que l’autre pouvait passer à côté sans le tuer, qu’il l’a achevé ! C’est normal qu’un policier aille au secours des autres, c’est lui le héros et eux les connards ! »

« Charb, on est d’accord ou pas, mais il a fait ce qu’il a dit  : il s’est pas couché, le mec, il a vécu debout. Respect. »

Bref, un malentendu s’est installé, mais le fond est bon  : les valeurs partagées sont bien là car les mêmes faits nous écœurent. Par quels moyens dois- je le leur faire réaliser ?

C’est le moment que choisit Pierre pour me télé-phoner. Il arrivera par avion demain. Je suis priée de venir le chercher et de faire taxi car il compte se rendre à plusieurs enterrements. Je réponds oui à tout et je raccroche en vitesse. Je lutte toute la nuit avec un tas de papiers et de bouquins, mais rien ne vient. Rien à leur dire, ou en tout cas pas dans le bon ordre, parce que trop pétri d’affect. Aucun texte ne colle. Tout ramène à Charlie, mais est- ce une catas-trophe ? Il me faut du temps pour tout ranger dans mon cerveau et revenir solide face aux élèves. C’est donc ce que je vais dire à mon chef d’établissement qui, inquiète de me voir accrochée à la machine à café, est venue s’enquérir de mon état de santé. Je sais que je peux être sincère, en l’occurrence, parce

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Django Reinhardt 294Duke Ellington 294Benny Goodman 294Count Basie 294Sy Oliver 294« Not in my Name » 296, 302Coexister 296Philip K. Dick, « The Minority Report » (1956) 297https://www.youtube.com/watch?v=D- DZUnh8- Ro 300Latifa Ibn Ziaten, la maman d’Imad Ibn Ziaten, le premier militaire

assassiné par Mohammed Merah à Toulouse le 11 mars 2012 303Daniel Balavoine 303Patrick Modiano 304Murakami 306Robert Desnos 10, 287, 305, 306Frank Herbert 273, 306, 307Frank Herbert Dune (1965) 273Milan Kundera 306Alexandre Soljenitsyne 306Charlie Chaplin 306Gotlieb 306Pasolini 306Enki Bilal 306Léonard de Vinci 306Albert Einstein, Pourquoi la guerre (1932) 307Jean Moulin 308Le capitaine Dreyfus 138, 308

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composition : nord compo à villeneuve- d’ascq

impression : corlet imprimeur s.a. à condé- sur- noireau

dépôt légal : août 2015. n° 128212 (00000)imprimé en france