Moyennisation d'un oscillateur stochastique quasi conservatif

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C. R. Acad. Sci. Paris, t. 331, Série I, p. 1029–1032, 2000Problèmes mathématiques de la mécanique/Mathematical Problems in Mechanics

Moyennisation d’un oscillateur stochastique quasiconservatifPierre BERNARD, Abdelhak RACHAD

Laboratoire de mathématiques appliquées, Université Blaise-Pascal, 21, avenue des Landais,63177 Aubière, FranceCourriel : [email protected], [email protected]

(Reçu le 29 mai 2000, accepté après révision le 23 octobre 2000)

Résumé. L’analyse de la fiabilité de systèmes mécaniques soumis à des sollicitations aléatoiresnécessite la connaissance de caractéristiques associées à la loi de probabilité du processusdéplacement qui sont inaccessibles à un calcul exact. Considérant le cas d’oscillateursfortement non linéaires, faiblement amortis et soumis à de faibles sollicitations aléatoires,on énonce dans cette note plusieurs théorèmes limites lorsque le petit paramètre tend verszéro. Les limites obtenues fournissent des approximations de quantités utiles en fiabilité.Soumises à des tests numériques, celles-ci s’avèrent d’excellente qualité. Ces limitessont des résultats de moyennisation étendant les résultats connus jusqu’à présent qui nes’appliquaient pas au cas de fortes non-linéarités. 2000 Académie des sciences/Éditionsscientifiques et médicales Elsevier SAS

Stochastic averaging of a quasi-conservative oscillator

Abstract. Reliability analysis of mechanical systems under random excitation needs the knowledgeof characteristics of the probability distribution of the displacement process which are notexactly calculable. Taking the case of weakly damped strongly nonlinear oscillators underweak stochastic excitations, several limit theorems, as the small parameter goes to zero, arestated in this Note. The obtained limits give good approximations of some quantities thatresult useful for reliability. After numerical testing, they result to be excellent. These limitsare of averaging type, and extend known results which were not supposed to be availablein the case of strong nonlinearities. 2000 Académie des sciences/Éditions scientifiqueset médicales Elsevier SAS

1. Introduction

L’équation suivante apparaît dans de nombreux problèmes de mécanique aléatoire :

x+ εf(x, x) + g(x) = εnh(x, x)w, (1)

w étant un bruit blanc standard. La présence du petit paramètreε souligne le caractère quasi conservatifdu mouvement aléatoire décrit par l’équation (1),n est un paramètre situant la taille du bruit par rapport àcelle de l’amortissement.

Note présentée par Philippe G. CIARLET .

S0764-4442(00)01760-2/FLA 2000 Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. 1029

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En dehors du cas où les fonctionsf etg sont linéaires eth constante, il n’est possible de calculer de façonexacte aucune caractéristique de la loi du processus déplacementx solution de (1), que l’on s’intéresse à ladensité de probabilité invariante, au noyau de probabilités de transition, à la fonction de corrélation ou à ladensité spectrale de puissance.

Utilisant la géométrie de l’espace des phases de l’oscillateur conservatif associé à (1) (obtenu en fixantε= 0), nous allons mettre en évidence, dans l’esprit de la méthode de variation des constantes de Lagrange,un processus lent (amplitude) et un processus rapide (angle). Le premier décrit la lente dérive de l’oscillateurdue aux petites perturbations, le deuxième la rotation rapide du système conservatif le long des courbesde niveau de l’énergie. Ces variables sont très proches des variables action-angle d’Arnol’d [1]. Notonstoutefois que les variables introduites ont un caractère explicite qu’ont très rarement les variables action-angle, mais que, en revanche, la transformation associée n’a pas de raison d’être symplectique. On pourraégalement trouver dans [5] et d’autres références ([8] par exemple) des changements de variables relevantdu même esprit. Nous tenons à souligner l’article [4] qui a inspiré ce travail.

Lorsqueε→ 0, on obtient divers théorèmes limites, suivant les valeurs de l’exposantn, qui sont autantd’approximations à la disposition de l’utilisateur. Les démonstrations des résultats énoncés se trouvent dansle travail [6].

2. Les variables amplitude-angle

Le travail de Bogolioubov et Mitropolski [3] concerne le cas déterministe, et le point de vue est de traiterl’oscillateur non linéaire comme perturbation d’un oscillateur linéaire. Cela suppose donc des non-linéaritésfaibles. L’extension de leurs travaux dans le contexte aléatoire a été faite par Stratonovitch [7]. Ces auteursconsidèrent des perturbations d’un oscillateur linéaire

x+ ω20x= 0,

dont les orbites périodiques dans l’espace des phases sont des cercles. D’où l’utilisation naturelle decoordonnées polaires, et l’introduction des variables ditesKBM ou parfois de van der Pol.

Le changement de variables(x, y) ∈R2 r (0,0)→ (a,ψ) ∈R∗+ × S1 est défini par :

x= a cosψ, y = aω0 sinψ, (2)

oùω0 est la pulsation propre de l’oscillateur non perturbé.Pour étendre au cas d’un système non linéaire, on examine d’abord le système non perturbé

x+ g(x) = 0. (3)

Nous ferons surg les hypothèses suivantes,G désignant le potentiel de rigidité (G′ = g) :

(H1) G ∈C∞(R); (H2) G′(0) = 0, G′′(x)> 0, ∀x ∈R; (H3) lim|x|→∞

G(x) =∞.

Dans ce cas, les solutions de (3) sont périodiques, et le portrait de phase correspondant est constitué deslignes de niveau de l’Hamiltonien

C(h) ={

(x, y) ∈R2; 12 y

2 +G(x) = h}. (4)

Il s’agit de courbes fermées entourant l’origine. Dans le cas linéaire(g(x) = ω20x), ces lignes de niveau

sont des cercles pour un bon choix des échelles.Le mouvement sera dorénavant décrit dans un nouvel espace de phases, qui est le cylindre des variables

amplitude-angle définies dans le paragraphe suivant. La définition de la transformation(x, y) 7→ (a,ψ),généralisant les variables KBM, dépend des propriétés de symétrie deG.

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2.1. Le cas symétrique: la fonctionG est paire. –On garde formellement l’expression de la transfor-mation (2), mais la constanteω0 est remplacée par une fonctionω(a,ψ) des nouvelles variables(a,ψ),

x= a cosψ, y = aω sinψ, ω(a,ψ) =√

2[G(a)−G(a cosψ)

]/(a| sinψ|

).

Bien entendu, sig(x) = ω20x, alors la fonctionω se réduit à la constanteω0.

2.2. Le cas asymétrique. –L’asymétrie se traduit par l’apparition d’un biais dans l’expression dudéplacement, et par conséquent dans l’expression de la fonctionω

x= a cosψ+ ζ(a), y = aω sinψ, ω(a,ψ) =√

2[G(a+ ζ(a)

)−G

(a cosψ+ ζ(a)

)]/(a| sinψ|

).

Le bais ζ peut être défini, en considérant les deux positions pour lesquelles l’énergie potentielle estmaximum, par l’équation

G(a+ ζ(a)

)=G

(−a+ ζ(a)

).

Dans les deux casω(a,ψ) ne s’annule pas (cf. [6]), ce qui est conforme à une approche de moyennisation :on moyennise relativement au mouvement rapide, à condition qu’il reste rapide.

3. Approximations par moyennisation

Appliquons ce qui précède à l’oscillateur (1). Ce dernier est modélisé par un système d’équationsdifférentielles stochastiques au sens de Stratonovitch, vérifié par le couple position-vitesse(x, y)

dx= y dt, dy =−(g(x) + εf(x, y)

)dt+ εnh(x, y) ◦ dw.

En passant aux variables amplitude-angle(a,ψ), l’espace des phases est un cylindre et l’on obtient lesystème

da= εc1(a,ψ) dt+ εnγ1(a,ψ) ◦ dw, dψ =−ω(a,ψ) dt+ εc2(a,ψ) dt+ εnγ2(a,ψ) ◦ dw,

où les fonctionsω, c1, c2, γ1 et γ2 peuvent être explicitées en utilisant l’une des deux transformationsprécédentes, selon que le potentielG est symétrique ou non. La mesure invariante portée par les trajectoiresde (3) d’amplitudea sera notéem(a,dψ).

Notons au passage que nous avons mis en évidence la présence d’un couple de processus lent et rapide(a,ψ), qui dépendent du paramètreε. Les coefficients moyennés qui apparaissent dans les théorèmes quisuivent sont définis par moyennisation relativement à la mesurem(a,dψ) = dψ/ω(a,ψ) :

c(a) =

(∫S1m(a,dψ)

)−1 ∫S1c1m(a,dψ),

b(a) = c(a) +1

2

(∫S1m(a,dψ)

)−1 ∫S1

(γ1∂γ1

∂a+ γ2

∂γ1

∂ψ

)m(a,dψ),

σ2(a) =

(∫S1m(a,dψ)

)−1 ∫S1γ2

1m(a,dψ).

THÉORÈME 1 (Loi des grands nombres). –Nous supposonsn > 1/2, ainsi que (H1) à (H3). Leprocessusa

( ·ε

)converge en loi dansC(R+,R∗+) vers un processus déterministe, solution de l’équation

différentielle ordinaireda/dt= c(a).

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THÉORÈME 2 (Théorème central limite). –Nous supposonsn = 1, ainsi que(H1) à (H3). La loi desgrands nombres est donc valable. NotonsD = (a− a)/

√ε l’écart normalisé du processusa (qui dépend

de ε) et de la limitea. Dans ces conditions, le couple(a,D)( ·ε

)converge en loi vers(a,D), où a est

défini par la loi des grands nombres, etD est solution de l’équation différentielle stochastique linéairedD= c′(a)D dt+ σ(a) dW (t),W étant un mouvement brownien standard.

THÉORÈME 3 (Approximation diffusion). –Nous supposonsn = 1/2, ainsi que (H1) à (H3). Leprocessusa

( ·ε

)converge en loi sur l’espace des trajectoiresC(R+,R∗+) vers un processus de diffusiona

dont le générateur infinitésimal estL= b(a) d/da+ 1/2σ2(a) d2/da2.

4. Un exemple : l’oscillateur de Duffing–van der Pol

Il s’agit de l’équation suivante [8], pourm entier :

x+ ε(x2 − 1

)x+ x2m+1 =

√2ε w.

On ne sait pas calculer la probabilité invariante dans l’espace des phases. En revanche, en utilisant latransformation (4), on obtient la densité de probabilité invariante de l’amplitude limite du théorème 3 sousla forme explicite :

p(a) = τna2n+1 exp

(− αn

2βn(n+ 2)a2(n+2) +

1

2(n+ 1)a2(n+1)

),

avec

τn =

∫ 2π

0

√2(n+ 1) sin2ψ

1− cos2(n+1)ψdψ, αn =

∫ 2π

0

√1− cos2(n+1)ψ cos2ψ | sinψ|dψ,

βn =

∫ 2π

0

√1− cos2(n+1)ψ | sinψ|dψ.

Cela permet d’obtenir une bonne approximation de la probabilité invariante de l’oscillateur de Duffing–van der Pol.

Cette méthode peut être appliquée à de nombreux autres exemples. Une utilisation importante en fiabilitéest l’approximation de la loi du maximum du déplacement sur un intervalle de temps donné (voir [2]).

Références bibliographiques

[1] Arnol’d V.I., Chapitres supplémentaires de la théorie des équations différentielles ordinaires, Éditions Mir, Moscou,1980.

[2] Bernard P., Espinouze S., Rachad A., Random perturbations of Hamiltonian systems, stochastic averaging andapplications to random vibrations, in: Progress in Stochastic Structural Dynamics, Publ. du LMA 152, 1999, pp. 57–77.

[3] Bogoliubov N., Mitropolski Y., Asymptotic Methods in the Theory of Nonlinear Oscillations, Gordon & Breach,1961.

[4] Bouc R., The power spectral density of response for a strongly nonlinear random oscillator, J. Sound and Vibration175 (3) (1994) 317–331.

[5] Burton T.D., Hamdan M.N., Analysis of nonlinear autonomous conservative oscillators by a time transformationmethod, J. Sound and Vibration 87 (4) (1983) 543–554.

[6] Rachad A., Principes de moyennisation pour des oscillateurs stochastiques non linéaires, Thèse de doctorat,Université Clermont-II, 1999.

[7] Stratonovitch R.L., Topics in the Theory of Random Noise, Vol. 1 & 2, Gordon & Breach, 1963.[8] Xu Z., Cheung Y.K., Averaging method using harmonic functions for strongly nonlinear oscillators, J. Sound and

Vibration 174 (4) (1994) 563–576.

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