Montreux Jazz Chronicle 2014 - N°15

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Morcheeba, Montreux Jazz Lab, 20:30 Damon Albarn, Auditorium Stravinski, 17.07 3 Wild Card: Mehdi Benkler 7 Best Of: Damon Albarn 8 Interview: Keb’ Mo’ MORCHEEBA, INCREVABLE F La nouvelle vidéo de Morcheeba, “Gimme Your Love” annonçait un printemps acidulé pour le groupe de pop anglaise révélé au grand public en 1998 avec Big Calm. Morcheeba est plus qu’un groupe composé des deux frères Godfrey et de la voix suave de Skye Edwards: c’est une véritable famille d’élection dont le désir créatif est plus fort que leur sépa- ration momentanée au milieu des années 2000. En vingt ans de car- rière, huit albums studio et une capacité d’enchantement jamais démentie, les membres originaux de Morcheeba se sont retrouvés il y a trois ans pour l’album Blood Like Lemonade. À la tête d’un répertoire soul et pop, saupou- drée de hip-hop, le son suave, sexy, coloré du groupe n’a jamais cessé d’éblouir. MORCHEEBA, TIRELESS E Morcheeba’s new video “Gimme Your Love” announced a lively Spring for this English pop group that came onto the scene in 1998 with Big Calm. More than just a group, with the Godfrey brothers and Skye Edwards’ smooth voice, Morcheeba is a family, and their urge to create together proved too strong for their short break- up in the mid-2000s to last. Aſter a career spanning twenty years, and eight studio albums, with their undeniable ability to en- chant, the original members of Morcheeba reunited three years ago to make the LP Blood Like Lemonade. With their suave, sexy and colorful sound, the group’s repertoire of soul and pop with a smattering of hip hop, is as dazzling as ever. TONIGHT BOSS MONTREUX JAZZ N°15 Vendredi, 18 juillet 2014 Friday, 18 July 2014 Le quotidien du Montreux Jazz Festival The Montreux Jazz Festival daily newspaper

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Le quotidien du Montreux Jazz Festival The Montreux Jazz Festival daily newspaper

Transcript of Montreux Jazz Chronicle 2014 - N°15

Morcheeba, Montreux Jazz Lab, 20:30

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3 Wild Card: Mehdi Benkler 7 Best Of: Damon Albarn 8 Interview: Keb’ Mo’

MORCHEEBA, INCREVABLEF La nouvelle vidéo de Morcheeba, “Gimme Your Love” annonçait un printemps acidulé pour le groupe de pop anglaise révélé au grand public en 1998 avec Big Calm. Morcheeba est plus qu’un groupe composé des deux frères Godfrey et de la voix suave de Skye Edwards: c’est une véritable famille d’élection dont le désir créatif est plus fort que leur sépa-ration momentanée au milieu des années 2000. En vingt ans de car-rière, huit albums studio et une capacité d’enchantement jamais démentie, les membres originaux

de Morcheeba se sont retrouvés il y a trois ans pour l’album Blood Like Lemonade. À la tête d’un répertoire soul et pop, saupou-drée de hip-hop, le son suave, sexy, coloré du groupe n’a jamais cessé d’éblouir.

MORCHEEBA, TIRELESSE Morcheeba’s new video “Gimme Your Love” announced a lively Spring for this English pop group that came onto the scene in 1998 with Big Calm. More than just a group, with the Godfrey brothers and Skye Edwards’ smooth voice,

Morcheeba is a family, and their urge to create together proved too strong for their short break-up in the mid-2000s to last. After a career spanning twenty years, and eight studio albums, with their undeniable ability to en-chant, the original members of Morcheeba reunited three years ago to make the LP Blood Like Lemonade. With their suave, sexy and colorful sound, the group’s repertoire of soul and pop with a smattering of hip hop, is as dazzling as ever.

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MONTREUX JAZZN°15 Vendredi, 18 juillet 2014

Friday, 18 July 2014Le quotidien du Montreux Jazz FestivalThe Montreux Jazz Festival daily newspaper

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MONTREUX JAZZ FESTIVAL, 4-19 juillet 2014

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IMPRESSUMPublished byFondation du Festival de Jazz de MontreuxCreative Content2M2C / Avenue Claude Nobs 5 / 1820 Montreux Switzerlandwww.montreuxjazz.com

CEOMathieu Jaton

Project CoordinatorsMarine DumasIsabel Sánchez

Editor-in-chiefDavid Brun-Lambert

Project AssistantHélène Panchaud

Editorial SecretaryJade Albasini

[email protected]

Contributing EditorsAntoine Bal, David Brun-Lambert, Salomé Kiner, Laurent Küng, Eduardo Mendez, Andrea Nardini, Margaux Reguin, Steve Riesen

PhotographersFFJM : Daniel Balmat, Mehdi Benkler, Arnaud Derib, Marc Ducrest, Lionel Flusin, Anne-Laure Lechat, Damien Richard GM Press : Georges Braunschweig, Edouard Cur-chod, Inès Galai, Lauren Pasche EMI, Musikvertrieb, Phonag, Sony, Universal Music, Warner

TranslatorsBridget Black, Louise Fudym, Amandine Lauber, Delphine Meylan, Lisandro Nanzer, Kristen Noto

Printed byImprimExpress SàrlPrinted in Villeneuve5’000 copies on FSC paper

Advertising Mathilde Blandin, [email protected]

Artistic ConsultantDavid Tanguy

Designed byeikonEMF

Wilhelm Kaiser 13 / 1705 Fribourg / Switzerlandwww.eikon.emf.ch/anthracite

Art DirectorJoackim Devaud

Graphic DesignerRebecca Bühler

Layout ComposersRebecca Bühler, Emilie Renevey, Lucien Roussy

F Le Chronicle est plus beau dans les mains d’un lecteur plutôt qu’au sol.E The Chronicle looks better in a reader’s hand than on the floor.

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WILD CARD: MEHDI BENKLER* FACTS & FIGURES

LE SAVIEZ-VOUS

F Les artistes qu’on appelle par leur petit nom, Damon, Quincy ou Stevie, comme si on les connaissait intimement – mais est-ce si faux? Les petites contrariétés du quotidien muées en cruelle déception: une interview qui s’annule, un contact évanoui, un article qui tarde, une «trad» à boucler à l’arrache... Les concerts qui «déchirent» et dont on n’aura finalement vu que peu, parce que pas le temps, parce qu’à la bourre, parce qu’un truc «urgent» à terminer. Parce que le Montreux Jazz ne dort jamais. Ou si peu. Et soudain il y en a un pour remarquer que la fête touche bientôt à sa fin. Qu’il ne reste presque rien. Deux jours. Un. Les heures s’annulent. Plus une minute qui apparaisse pleine et fiable. Bientôt, de l’épopée menée durant cette quarante-huitième édition, il restera des images figées dont ces pages ont tâché au quotidien de retracer l’inten-sité. Concerts et rencontres. Intuitions ou présages. Récits et légendes. Plus tard, les épisodes qu’ont documenté le Chronicle ou les archives du Festival, seront proba-

blement observés comme les seules traces tangibles de l’aventure tissée à Montreux cette année. Entre-temps, les «illusions rétroactives de la mémoire» qu’évoquait Félix Guattari auront fait leur œuvre. On inventera ainsi bien des choses sur ce qui s’est produit en 2014 sur la Riviera. Alors peut-être, et si ces pages ne se perdent pas, vous nous relirez et vous vous souviendrez de «comment c’était.» David Brun-Lambert

E Artists with whom you’re on a first name basis, Damon, Quincy and Stevie, as if you know them well – yet isn’t it the case? The everyday frustrations that turn into harsh disenchantment: an interview is cancelled, someone is impossible to reach, an article isn’t ready, and a translation is needed at the last minute… Amazing concerts that we ended up not seeing much of, because there was no time, because we were in a hurry, because there was something urgent to finish. Because the Montreux Jazz Festival never sleeps. Or hardly. And then suddenly, someone

realizes that the party is coming to an end soon. That there is almost nothing left. Two days. One. Hours fly by. Not a single min-ute that seems full and reliable anymore. We tried to recount the intensity of the saga of this 48th Festival in these pages. The mem-ories that we told you about will remain after it’s over. Concerts and encounters. Intuitions and signs. Stories and legends. The episodes documented by the Chronicle and by the Festival’s archive will later be looked at as the sole tangible traces of the adventure lived at the Montreux Jazz Festival this year. In the meantime, memory’s retroactive illusions, as coined by Félix Guattari will have done their work, and many things will be invented about what happened in 2014 on the Rivieria. So maybe, if these pages don’t get lost, you’ll read us again and you’ll remember “how it was”.

F Le nombre d’albums publiés par Herbie Hancock pour la firme Columbia en 16 ans de collaboration (1972-1988).

E The number of albums released by Herbie Hancock on Columbia over 16 years of collaboration (1972-1988).

F Après un divorce et un second mariage ultra-médiatisé, Michael Jackson réenregistre la chanson «Blood on the Dancefloor » en 1997 au Mountain Studio de Montreux, alors propriété du groupe Queen. Décidé à s’installer sur la Riviera, il convoite le Manoir de Ban autrefois demeure de Charlie Chaplin à Corsier-sur-Vevey. Mais les héritiers s’opposent à la vente de la propriété.

E After a divorce and another over-mediatized wedding, Michael Jackson re-recorded “Blood on the Dancefloor” in 1997 at the Mountain Studio in Montreux, property of Queen at the time. Determined to stay on the Riviera, he coveted the Manoir de Ban in Corsier-sur-Vevey, where Charlie Chaplin used to live. The heirs opposed the sale of the property. *Unexpected Picture.

“En tout cas, je sais pas à quoi il ressemble ton mec, mais t’as bien fait de pas le tromper avec ça! ”Entendu dans les toilettes femmes du Lab

“Well, I don’t know what your boyfriend looks like, but you were right not to cheat on him with that! ”Heard in the ladies room at the Lab

EDITO

INFORMATIONF Pour toutes les informations sur les prix et mises à jour du pro-gramme, veuillez télécharger la«Montreux Jazz App»E For information on the prices and updates on the program, please download the “Montreux Jazz App” www.montreuxjazzfestival.com

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AUDITORIUM STRAVINSKI 20:00

RICHARD GALLIANO BIRÉLI LAGRÈNE DIDIER LOCKWOOD

HERBIE HANCOCK WAYNE SHORTER

MONTREUX JAZZ CLUB 20:00

MELISSA LAVEAUX

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MONTREUX JAZZ LAB 20:30

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CRÉATIONS Château de Chillon

IVRESSESLES FLEURS DU MAL DE BAUDELAIREET LA ROSE DES VENTS DE DEBLUË 21:00

MUSIC IN THE PARKSUSSEX UNIVERSITIES BIG BAND 14:00CARDIFF UNIVERSITY BIG BAND 16:15101ST ARMY DIXIELAND BAND 18:30JACK RADICS WITH LOVE & LAUGHTER 21:00TWEEK 23:30

THE ROCK CAVE 22:00

RANDOM GODTHE RAMBLING WHEELS

THE STUDIO 22:00

BRING ME BACK ( HOUSE CLASSICS )

ROCCAASTON MARTINEZTREMENDOTONIC

AFTERSHOWSF Dès la fin des concerts E Start when concerts end

Montreux Jazz LabKOFFI & THE GANG FEAT. DJ PHAROAH

Montreux Jazz ClubF Jam Sessions improvisées et DJs.E Improvised Jam Sessions and DJs.

WORKSHOPS Petit Palais

QUANTUM OF SOUNDS 15:00

Petit PalaisINSOMNIA ALIVE 17:00

BAR EL MUNDOZUMBA SESSION ALCHY 16:00DIMITRIS SEVDALIS DIMITRIS CHRISTOUPOULOS 18:00JORGE GALI 20:00

HAVANEANDO - MAMBO CLUB GENEVA LATIN 22:00

DJ RUMBA STEREO, DJ SAM CORSO

CHALET D’EN BASF L’espace muséal du Festival: dispositifs interac-tifs, diffusion des archives, expo photo et autres activités à découvrir.

E The Festival’s interactive museum with exhibits, Festival archives, photo collection among other activities.

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–Ivresses, Château de Chillon, 21:00

«Nous sommes Vaudoise au Montreux Jazz Festival du 4 au 19 juillet 2014.»

1130.388 mm

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MONTREUX JAZZ CREATION, INVITATION AU VOYAGEF Il est des choses qui ne sont pas faites pour durer. Elles naissent, existent et disparaissent en un souffle, ne laissant derrière elles que le souvenir d’un instant fugace qui ne vivra désormais plus que dans la mémoire, la parole des rares chanceux qui y ont assistées. Un re-gard troublant dans la rue, une jupe soulevée par le vent urbain, une création au Château de Chillon. C’est une invitation au voyage que le Montreux Jazz Festival vous propose en cet avant-dernier jour de cérémonie. Une promenade sinueuse et multiforme guidée

par un trio jazz – saxophone ténor, contre-basse et percussions – et un octuor à cordes vocales. Les choristes de l’Académie Vocale de Suisse Romande chanteront l’ivresse, ou plutôt les ivresses alors que le soleil se cou-chera, diffusant ses derniers rayons à travers les meurtrières du Château de Chillon. Inspi-rées des Fleurs du Mal de Baudelaire et de la Rose des Vents de François Debluë, le ton sera à la mélancolie et à l’amour. Osez alors le voyage jusqu’entre les murs de cet édifice millénaire, là où tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté.Laurent Küng

MONTREUX JAZZ CREATION, STEP ABOARDE Some things aren’t made to last. They’re born, they exist, and then they’re gone with only a whisper, leaving naught but an ephem-eral trace that will only ever live in our mem-ories and in the words of the lucky few who were there. An unsettling look in the street, a skirt lifted up by the city wind, an experi-ence at the Château de Chillon. Montreux Jazz invites you on a journey on this second to last day of the Festival. It is a multi-faceted wind-ing walk led by a jazz trio – tenor saxophone, double bass, and percussion – and an 8-person choir. The singers from the Académie Vocale de Suisse Romande will take us on a euphor-ic voyage while the sun sets and its last rays color the arrow slits of the Château de Chillon. The melancholy and love of Baudelaire’s Fleurs du Mal and François Debluë’s Rose des Vents will set the tone. Dare to enter the walls of this thousand-year-old castle where everything is orderly, beautiful, luxurious, calm, and sensual.

Keb’ Mo’, Montreux Jazz Club

Von Pariahs, Montreux Jazz Lab

Babyshambles, Montreux Jazz Lab

Michael Kiwanuka, Auditorium StravinskiPORT

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Damon Albarn, Auditorium Stravinski

Benjamin Clementine, Montreux Jazz Club BEST

OFBENJAMIN CLEMENTINE, LA VOIX DES

CHOSES MUETTESF La foule est éparse. Peu connaissent encore Benjamin Clementine. Pourtant, dans son âme, dans sa voix, on reconnaît le grain et les extravagances des plus grands. Le dos voûté, il s’installe au piano. Il appartient à cette catégorie de gens légèrement trop grands, semblant inadaptés aux objets quo-tidiens. L’éclairage est obscur, on devine un visage sculptural. Son âme est noire, éraflée, pleine de tristesse et de questions. «You know, my heart is a melodram». On l‘avait deviné. Le dandy effleure son piano, murmure ses textes chagrins et s’arrête, abruptement. Le silence s’installe. «It’s just a piano and a voice. I don’t know why you come to see this». L’atmosphère se détend, l’albatros déploie ses ailes, désinvolte. Suivent d’autres moments de grâce musicale et Benjamin redevient muet. Il n’a plus envie de jouer, IL veut qu’on lui raconte une histoire. L’his-toire d’une journée ou celle de notre vie. Il a en lui la beauté d’une symphonie grandiose bredouillée par une jeune fille dans une cage d’escalier. Cette beauté est imparfaite, asymé-trique. Profondément humaine. Laurent Küng

BENJAMIN CLEMENTINE, THE VOICE OF ALL THINGS SILENTE The crowd is sparse. Very few people know Benjamin Clementine’s name. But he has the soul and voice of a legend, the extrava-gance that indicates potential greatness. He sits at the piano with his back curved. He seems like one of those people who are just a little too big and unused to daily ob-jects. The dim lighting obscures his face. His dark, bruised soul is brimming with sadness and questions. “You know, my heart is a melodrama,” he says. We had surmised as much. The dandy tickles the ivories, mur-murs words of sadness, and suddenly stops. Pure silence. “It’s just a piano and a voice. I don’t know why you come to see this.” The tension eases, the albatross spreads his wings, nonchalant. Moments of musical grace recommence only to fall silent again. Benjamin no longer wants to play. He wants us to tell him a story. An adventure story, or our life stories. In him lives the beauty of a grandiose symphony that stutters because of the girl in the stairwell. This beauty is im-perfect. Asymmetrical. Truly human.

DAMON ALBARN, BADASS POPF Qu’il semble loin le temps des enfantillages avec les frères Gallagher! Complet et mature, Damon Albarn s’est depuis longtemps affranchi d’une étiquette britpop trop réduc-trice. Aujourd’hui, il s’éclate sur scène et retourne la pop-rock dans tous les sens, puisant dans son large répertoire. Gorillaz, Blur, Rocket Juice & The Moon, The Good, the Bad and the Queen… Tout y passe! Une veste en cuir, un jeans. Damon Albarn la joue sobre. Il ouvre avec deux chansons de son sublime album solo. Le public est en-core timide, mais le bonhomme a du métier. Tel un ivrogne cherchant la castagne dans un pub londonien, il tend les bras et bombe le torse: «Bougez-vous!». On se ramasse la pre-mière bouteille d’eau. Il y en aura sept en tout! On fait un saut dans le temps: Gorillaz, «Kids With Guns». Cette fois, le public explose! Il faut dire que les chansons du groupe virtuel sont celles qui font le plus frémir le Strav. Devant moi, une fille ne loupe aucune parole de Gorillaz, mais pianote sur son portable le reste du temps. Hérésie! Elle deviendra for-cément hystérique pendant «Clint Eastwood». Mais qui ne l’était pas! I ain’t happy, I’m feeling glad. I got sunshine in a bag… Le refrain est repris en chœur et tournera dans nos têtes toute la nuit. The future is comin’ on, is comin’ on… Steve Riesen

DAMON ALBARN, BADASS POPE Long gone is the childish behavior with the Gallagher brothers! Damon Albarn is ma-ture, full-grown, and free from the constrain-ing label of Britpop. Today, he has a blast on stage and calls upon his vast repertoire to bring back pop-rock in all of its forms. Gorillaz, Blur, Rocket Juice & The Moon, and The Good, the Bad & the Queen are all brought into the mix. A leather jacket and jeans. Damon Albarn keeps it simple. He opens with two songs from his amazing solo album. The public is still shy, but the good gentleman is a pro. Like a drunk looking for a fight at a pub in London, he puffs out his chest and opens his arms wide. “Move!” He splashes the crowd with the first of seven bottles of water. We take a trip back in time to Gorillaz’s “Kids with Guns”. This time the public goes wild! The songs by the virtual group make the Strav quake. A girl in front of me doesn’t miss a single word to Goril-laz songs, but spends the rest of the time drumming away on her cell phone. Traitor! Needless to say, she goes crazy during “Clint Eastwood” but really, who doesn’t? I ain’t happy, I’m feeling glad. I got sunshine in a bag… everyone sings the chorus that will be stuck in our head for the rest of the night. The future is comin’ on, is comin’ on…

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Le guitariste et songwriter américain Keb’ Mo’ a exploré les racines du blues du Delta hier soir au Montreux Jazz Club. Propos recueillis par Eduardo Mendez

F  Vous avez incarné le guitariste blues mythique Robert Johnson dans un documentaire.  Que représente-t-il pour vous?Robert Johnson et le blues étaient empreints d’un certain mystère. Il composait ses propres chan-sons, il était créatif. Il a créé une musique qui a traversé les âges et qui demeure toujours d’actualité.

Pouvez-vous expliquer ce que sont les légendaires «crossroads» (carrefours) dont il parle dans ses chansons?Pour moi, ces crossroads sont surtout très symbolique. C’est à un crossroad que Robert Johnson a rencontré le diable. Bien sûr, il n’y avait pas de vrai diable. Les crossroads sont donc pour moi un lieu où on fait des choix: «Est-ce que tu joues, ou non? Est-ce que c’est du sérieux, ou non?» Ces carrefours, c’est donc ça. Y mettre le pied c’est prendre des décisions personnelles, décisives.

Vous étudiez l’histoire du blues?J’aime me renseigner et décou-vrir ses influences, ses racines, son esprit, ses origines. Puis la souffrance des gens, ainsi que la beauté qu’elle a engendrée. Le blues est une forme d’art née de la détresse. Cette souffrance incarne l’émotion, les sentiments. Et même si tu n’es pas accablé

quand tu joues les mesures du blues, tu crées néanmoins une forme de blues. Une musique joyeuse voit alors le jour. De la détresse naît donc la joie.

Quel est le plus beau souvenir de votre carrière ?L’un de mes souvenirs musicaux les plus mémorables a eu lieu à Montreux. C’était pour le concert de B.B. King. J’étais assis dans les coulisses derrière la grande scène, aux côtés de Herbie Hancock et Wayne Shorter. On attendait tous que B.B. King sorte de l’ascenseur. De vrais gosses. B.B. King est ensuite arrivé, il est monté sur scène et nous a tous invité à jouer avec lui. Je voyais Herbie Hancock exulter comme un enfant. Tout le monde voulait jouer avec B.B. King. C’était mémorable.

The American guitarist and songwriter Keb’ Mo’ explored the roots of Delta blues last night during his concert in the Montreux Jazz Club.Interview by Eduardo Mendez

E  You incarnated Robert Johnson in a documentary. What does he represent for you?There is something mysterious about Robert Johnson and the blues. He was writing songs, he was being creative. And he did something very important that stuck through and lasted all this time.

Can you explain what the myth-ical “crossroads” are that he depicts in his songs? The crossroad is very symbolic for me. It’s at a crossroad that Robert Johnson met the devil. But there is no real devil, of course. Crossroads are places were you make decisions: “Are you gonna play, or not? Are you real about this, or not?” That’s what they are. To be at a crossroads means making personal and decisive choices.

Are you interested in the history of blues?I like looking at influences on blues, its roots, its spirit, its ori-gins. The suffering of the people and the beauty that came out of that suffering. The blues is an art form born of misery. This suffer-ing is tied up in emotions and feelings. Even if you don’t have the blues when you play those

licks, you make that sound. It makes a joyful sound. Joy comes from misery.

What’s the most memorable mo-ment of your career?One of my most memorable musi-cal moments was here in Montreux. It was B.B. King’s concert. I was sitting in the wings of the big stage with Herbie Hancock and Wayne Shorter.

We were waiting for B.B. King to come out of the elevator. We were like kids! B.B. King arrived and took the stage. He invited us all up to play. I saw Herbie Hancock just like an excited kid. Everybody wanted to play with B.B. King. It was amazing.

«Est-ce que tu joues, ou non?»

“Are you gonna play, or not?”

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«TON BADGE, S’TE PLAÎT» F «Bonjour, ton badge s’te plaît? » Sérieux? Il exagère, ce type. Il m’a déjà vu cent fois. Et il me demande encore… Il fait son bou-lot, après tout. Pas marrant tous les jours, ce travail. Ça dépend du client. Certains peuvent se montrer lourdaud, du genre à rechigner à sortir leur Access, si vous voyez… Quant à moi, je ne m’en cache pas: mon badge, je suis fier de le montrer. A dire vrai: c’est un plaisir sans cesse renouvelé.

Je suis face à la porte imposante du B1. C’est elle qui délimite le monde dans lequel évolue une partie du Staff du Montreux Jazz de celui des festivaliers. Ici, ça fume des clopes, ça dis-cute, ça traine, ça profite du soleil ou du bon air. Certains des gars de la TV sont là. On se connaît. On est voisins. On s’aime bien. «Hé les mecs, quoi de neuf?» On se raconte gentiment la soirée de la veille. «On s’est couchés super tard! C’était l’enfer ce matin!», dit l’un d’entre eux. En cinq minutes, j’ai tous les détails de ce qui s’est passé à El Mundo. Certains sont savoureux. Et je ne dis pas «sages». J’en reviens à la porte du B1. Vous ne l’avez peut-être jamais remarqué en vous pro-menant sur les quais, mais pour les membres du Staff, c’est l’un des lieux clés de leur vie au Festival. Et pour cause: en traînant ici cinq minutes par heure, on peut rencontrer plus de gens qu’en un mois entier passé à Shanghaï. «Tu travailles où ce soir? Au lab?» demande un type avec une chemise hawaïenne. «Club», répond une maigrichonne qui croque dans une pomme. D’autres gens affluent.

Bonjour, bonjour. Bises. Accolades. Poignées de mains ghetto. Tout y passe. «Poussez-vous! Poubelles!» Soudain ça s’agite. Tout le monde se colle contre les murs. L’équipe chargée de la propreté fonce en poussant plusieurs bennes à ordures. Ceux-là, tout le monde les adore, leurs pas de généraux en campagne, leurs airs d’enragés. On peut les voir qui propulsent les containers sur la montée qui, depuis la porte du B1, mène à la promenade où vous mangez vos glaces. Les gars de la propreté: des durs-à-cuir, efficaces et tout. Respect. «Tu écris sur quoi aujourd’hui?», me demande le type à la porte du B1. «Un garçon rencontre une fille», je réponds. Ils se rencontreraient à cette porte. Ou alors au sein de l’équipe propreté. Et ça commencerait par la phrase classique: «T’aurais pas du feu?»…

“BADGE PLEASE”E “Hello, badge please.” Seriously? This guy’s a bit much. He’s already seen me a hundred times and he’s still asking. I guess he’s just doing his job. It can’t be much fun, day in, day out. It depends on who you’re dealing with. Some people get angry, only getting their badges out grudgingly. You know the type. I don’t hide my badge though, I’m proud of it. To tell the truth, I get a little thrill every time I show it. I’m in front of the huge door to B1. It’s the barrier between a large number of the Montreux Jazz Festival staff and the festi-val-goers. It’s where people smoke, chat, hang out and get some sun or a breath of fresh air. Some of the guys from the TV are here. We know each other. We’re neighbors.

We get on well. “Hey guys, what’s up?” We discuss yesterday night. “We went to bed really late. This morning was god-awful!” one of them says. Five minutes later and I’ve got all the gossip about the night’s events at El Mundo. Some of it’s pretty juicy, and not all of it was clever!

But anyway, back to the door. You may have never noticed it while you’re walking along the quays, but it’s one of the most important places in the staff’s Festival life. And with reason! If you spend five min-utes here, you’ll meet more people than in a month in Shanghaï. “Where are you working tonight? At the Lab?” asks a bloke in a Hawaiian shirt. “Club,” re-plies a skinny girl who’s eating an apple. More people turn up. Hello, hello, kisses, hugs, ghetto-style handshakes. It’s all going on here.“Mind your backs! Bins!” All of a sudden, people start moving and pressing themselves against the walls. The cleaning team charges past with a chain of wheelie bins. Everyone loves these guys, marching along like gener-als on campaign, seeming angry. You can see them pushing bins up the slope from the door to B1, onto the promenade where you eat your ice cream. The cleaning team is hard! Respect. “What are you writing about today?” someone hanging out outside the door asks me. “A boy who met a girl,” I reply. They met outside the door to B1. Or when they were working on the cleaning team. It began with the classic phrase, “You got a light?” Andrea Nardini

“Mind your backs! Bins!”

«Poussez vous! Poubelles!»

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«MR. LOYAL»

Entre Herbie Hancock et le Montreux Jazz, l’histoire d’amour se poursuit depuis trente cinq ans. Résumé d’une indéfectible fidélité.F 13 juillet 1979. Herbie Hancock est pour la première fois programmé à Montreux. Pour inaugurer son baptême du feu, le pianiste monte sur scène flanqué de Chick Corea et du percussionniste Phineas Newborn. Les choses com-mencent gentiment avec une relecture du mellow «Some-day My Prince Will Come». À peine plus tard, Hancock se détache, offrant un premier solo: «Button Up» qui scelle son histoire d’amour avec la Riviera. Un lien, depuis, jamais altéré. Pensez: ce soir Herbie Hancock fête sa vingt-troisième venue au Montreux Jazz.

Mau MauCeci n’est pas une biographie d’Herbie Hancock. Mais un salut désordonné à ses principaux mérites. Premier d’entre eux: avoir convoqué dans son art plus d’un demi-siècle de musique américaine. Et ici, on ne dit pas seulement «jazz». Mais plutôt cette «Great American Music» qu’avait ébauché Duke Ellington entre les symphonies «noires, brunes et beiges» des dernières années et un retour serein au sacré.

Prenant à son compte les circonvolutions parfois brusques des musiques urbaines US des années 50 à 2000, Hancock a démultiplié ses terrains de chasse avec un appétit rare-ment constaté chez ses contemporains. Chez lui s’invitait ainsi Gershwin ou Peterson. Funk ou électricité. Electronique ou standards pop rénovés. À l’observer évoluer d’un territoire à l’autre le pianiste nous apparaissait parfois en Mau Mau enragé et à qui le grand frisson de la traque jamais ne suffit tout à fait. Les plus grands? Il les a tutoyé. Donald Byrd d’abord. Dexton Gordon, plus tard.

Miles, bien sûr. Wayne Shorter, hier et encore ce soir. D’eux, il a reçu. À son tour, il a transmis. Que lui reste t-il à prou-ver. Rien. Strictement.

SchockDes artistes venus se produire au Montreux Jazz, Herbie Hancock compte parmi ceux dont la fidélité obstinée confine au particulier. Afin d’interroger les étapes qui consolidèrent cette romance, on plonge dans ses archives. Vingt-deux concerts attendent sur bandes. C’était l’expédi-tion punitive réalisée avec les Headhunters II en 1989 au Casi-no, d’abord. Herbie y revisitait le classique «Watermelon Man» en le rudoyant sans affection, l’abandonnant finalement déglinguée. L’année suivante, il se la jouait solo, revisitant à touches feutrées les maîtres par lesquels son propre écrin s’était dessiné: McCoy Tyner, Bill Evans ou Wynton Kelly. Pluie de fantômes sur Montreux. Peu après, il investissait pour la première fois le Stravinski: sa maison. Au Festival, et à l’exception d’une apparition au Casino Barrière, Hancock n’aura en effet plus joué qu’ici depuis 1993, y apparaissant en duo (Lang Lang, 2009), en quartet ou quintet. En version «Future Shock» aussi, tout Moog dehors lors d’une nuit sous bannière «Future 2 Future» où il exprimait la gravité de compter parmi ceux, si rares, qui donnent le ton à leur époque. Ainsi Herbie est en ville ce soir? Personne ne s’étonne. Pas plus qu’à ses côtés se tienne Wayne Shorter avec qui Herbie vint déjà au Festival en 1991 ou 2004. Une vieille histoire, alors. Une belle affaire possédant le confort du familier et l’étrangeté des amours immodérés. David Brun-Lambert

“MR. LOYAL”

The love story between Herbie Hancock and Montreux Jazz has been going strong for 35 years. We present a summary of his unwavering fidelity. E 13 July 1979. Herbie Hancock was invited to play at Montreux for the first time. His début appearance alongside Chick Corea and percussionist Phineas Newborn began slowly with a mellow rendition of “Someday My Prince Will Come”. Hancock quickly broke off with his first solo “Button Up”, which cemented his relationship with the Riviera. A bond that was never broken. Just remember that tonight, Herbie Hancock is celebrating his 23rd perfor-mance at Montreux Jazz.

Mau MauThis isn’t Herbie Hancock’s biography – it’s a jumbled sort of salute to his merits. First among these is his incorpora-tion of a half-century of American music into his style, and we’re not just talking about jazz. We mean everything that falls under the “Great American Music” that Duke Elling-ton had christened several years previously with “black, brown, and white” symphonies and a peaceful return to the sacred. He has taken on the often abruptly changing loop of American urban music from the 1950s until the year 2000 and opened up his playing field with a zest rarely found in other musicians of his era. Gershwin and Peter-son, funk and zing, electronic and mainstream pop. All were welcomed with open arms into Hancock’s art. His jumps from one area to another often looked like a frantic Mau Mau, and the thrill of the chase was never enough. He became close to the biggest names in the game. Donald Byrd came first. Then Dexton Gordon. And obviously Miles. He was with Wayne Shorter last night and will be again tonight. He learned from them. He passed on their knowledge. He has nothing left to prove. Period.

SchockOut of all of the artists who’ve made an appearance at Montreux Jazz, Herbie Hancock’s unwavering fidelity is on a level of it’s own, maybe even supernatural. To get a better view of how the romance developed, we only need to look back at the archives where 22 concerts’ worth of film reels await us. At the back of the pile, there’s his 1989 concert at the Casino with the Headhunters II. He destroyed the classic “Watermelon Man” without the slightest worry and left it hanging in pieces. The year after, he played it solo with muffled beats like the masters whose tracks he soon followed: McCoy Tyner, Bill Evans, and Wynton Kelly. The spirits of previous performers were back in Montreux. Soon after, he went on stage at the Stravinski for the first time. Apart from a concert at the Casino Barrière, he has played exclusively at the Stravinski since 1993 and has ap-peared in a duo (Lang Lang, 2009), quartet, or quintet. He brought out his Moog synthesizer, which he also used on Future Shock, for a night dedicated to Future 2 Future and expressed the gravity of being one of the few who set the tone for their time. So Herbie’s in town tonight.

No surprise there. Also not a shocker that he’s alongside Wayne Shorter considering the duo already played the Festival in 1991 and 2004. Everyone knows the story – the beautiful story of comfort-ing familiarity and overwhelming love.

TIMELINE

«Great American Music»

“Great American Music”

1983«Rock It» et Future Shock

1979Premier concert au Montreux Jazz Festival

1973Fondation des Headhunters

19971&1 avec Wayne Shorter

1971Mwandishi

1965Maiden Voyage

1963Rejoint le quintet de Miles Davis

1962 Takin’ Offpremier album chez Blue Note

1961Engagé par Donald Byrd

1940naissance à Chicago

Herbie Hancock en 10 dates.

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MURAT OPAN, RESPONSABLE ECONOMAT

Marshall Murat*** F «Tu vas livrer le bar Pub et tu passes par l’infirmerie te prendre deux dafalgans.» Murat Opan rouspète un ravitailleur encore mal remis de ses agapes nocturnes. Sous ses airs de papa grondeur, le responsable de l’économat veille sur ses ouailles, qui le lui rendent bien. Son fief, un entrepôt de 300 mètres carrés, est protégé des importuns par une porte fermée sur laquelle on peut lire, entre autres messages d’amour, «In Murat We Trust». De la confiance, il en fallait, pour lui confier cette forteresse, et le go-sier du Festival: c’est dans ce laby-rinthe de transpalettes que sont stockés les quelques 120 000 litres de bières, les 15 000 bouteilles de vin, les 100 000 bouteilles d’eau et les 80 000 bouteilles de boissons non alcoolisées écoulés en quinze jours de Montreux Jazz Festival: «Nous sommes les gardiens du Saint Graal auquel viennent s’abreuver tous les bars et débits de boisson présents sur le site de la manifestation. En tout, nous recevons plus

de 3000 commandes pour une équipe de 20 personnes.» Pour gérer à la pièce près ce Tetris géant, Murat Opan est présent sur les lieux de 9h à 1h du matin: «Moi, je n’aime pas bosser. Et il n’y a rien de plus efficace qu’un flemmard qui se met au travail. Mieux c’est fait, et moins on galère», explique l’homme aux basket Puma – un animal sym-bole de pouvoir.

Il pourrait diriger son secteur en monarque nanti, distribuant ses ordres en s’épargnant le geste. Mais on le voit courir et soule-ver, contrôler les commandes et motiver les troupes. Un rythme de forçat qui vient parfois à bout de sa patience. Petit par la taille, mais grand par le coffre, l’homme au borsalino Heineken estampillé d’une étoile de sheriff fait tonner ses directives dans les entrailles du B1. Des gueulantes légen-daires dont les échos ricochent PO

RTRA

IT

contre l’acier des pyramides de fûts, et qui retombent en pluie sur les coupables ébahis. L’orage dissipé, il roule ses yeux céru-léens et reprend sa verve enjouée. Lorsqu’il ne travaille pas pour le Montreux Jazz Festival, Murat Opan aime faire danser les gens. DJ Moe Selector depuis 10 ans, il officie surtout dans des soirées privées: «Après 30 ans, le boum-boum, c’est fini. Moi, je passe

surtout des classiques, de la fin des 60’ au début des années 90’». C’est comme ça qu’il a rencontré sa femme: «Elle était restée pour aider à ranger. D’habitude, quand une nana touche à des câbles, c’est la catastrophe. Mais elle les avait si bien enroulés.... J’ai trou-vé ça intéressant.» Le romantisme se niche aussi dans les esprits bien ordonnés. Salomé Kiner

MURAT OPAN, STOCK ROOM MANAGER

Marshall Murat***E “Deliver that to the Bar Pub then go to the infirmary and get a couple of painkillers.” Murat Opan scolds a delivery boy who’s still not fully recovered from last night. Behind his grumpy dad act, the stock room manager watches over his flock. They serve him well. His kingdom is a ware-house, 300 meters squared, pro-tected from unwelcome visitors by a closed door that bears love messages such as “In Murat We Trust.” Trust is certainly needed to hand over the reins of this fortress, the source of the Festival’s refreshment. In this lab-yrinth, there are pallets with the 120,000 liters of beer, the 15,000 bottles of wine, the 100,000 bot-tles of water and the 80,000 bot-tles of other non-alcoholic drinks that keep the Festival afloat for its full fifteen days. “We are the guardians of the Holy Grail for all the bars and other drink stands on the Festival site. In total, we receive over 3,000 orders for a team of twenty people.” To man-age this giant Tetris game to the nearest millimeter, Murat Opan is on site from 9 am to 1 am. “I don’t like working. And there’s nothing more efficient than a lazy person who decides to work. The better it’s done, the fewer problems there are,” he explains. He’s wearing Puma trainers – an animal that symbolizes power. He could manage his sector like a distant monarch, giving orders but doing nothing. But we see him rushing about, lifting things, checking orders and rallying the troops. He works fast, occasion-ally losing his temper. He’s small,

but has a big voice. This guy who wears a Heineken fedora with a sheriff’s star sends instructions thundering along the bowels of the B1 building. His legendary shouts ricochet off the pyramid of steel barrels and rain down on the guilty parties. The storm clears, he rolls his blue eyes and is back to his usual lively self.

When he’s not working for the Montreux Jazz Festival, Murat Opan likes to get people dancing. He’s been DJ Moe Selector for ten years, mainly playing at private parties. “After thirty years, I’ve had enough of music that’s just noise. I mainly play classics from the late ‘60s to the early ‘90s.” That’s how he met his wife. “She stayed to pack up. Usually, when a woman touches cables it’s a disaster. But she coiled them nicely. It interested me.” Even organized people have a romantic side.«Nous sommes les

gardiens du Saint Graal.»

“We are the guardians of the Holy Grail.”

Parmigiani_HQ • Visual: Tonda Metrographe S • Magazine: Chronicle_2014 (CH) • Language: English • Doc size: 210 x 294 mm • Calitho #: 06-14-99243 • AOS #: PF_01387 • EB 25.6.2014

www.parmigiani.ch

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