Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins...

98
UNIVERSITÉ PAUL SABATIER FACULTÉ DE MÉDECINE TOULOUSE-RANGUEIL D.C.E.M. 2 MODULE 6 DOULEUR – SOINS PALLIATIFS ET ACCOMPAGNEMENT SOUS-MODULE 2 : SOINS PALLIATIFS ET ACCOMPAGNEMENT ANNÉE UNIVERSITAIRE 2008-2009

Transcript of Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins...

Page 1: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

UNIVERSITÉ PAUL SABATIER

FACULTÉ DE MÉDECINE TOULOUSE-RANGUEIL

D.C.E.M. 2

MODULE 6

DOULEUR – SOINS PALLIATIFS ET ACCOMPAGNEMENT

SOUS-MODULE 2 : SOINS PALLIATIFS ET ACCOMPAGNEMENT

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2008-2009

Page 2: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

208

MODULE 6 “DOULEUR SOINS PALLIATIFS – ACCOMPAGNEMENT”

I – OBJECTIFS GENERAUX L’étudiant doit savoir différencier une douleur aiguë ou douleur symptôme d’une douleur chronique ou douleur maladie. Il doit connaître les grands mécanismes physio-pathologiques des douleurs ainsi que leurs étiologies correspondantes et leurs thérapeutiques respectives. Il doit être attentif à écouter, à évaluer et à prendre en charge les souffrances physiques et morales des malades. Il doit être capable de mettre en place et de coordonner les soins palliatifs à domicile ou à l’hôpital chez un malade en fin de vie.

II – PROGRAMME D’ENSEIGNEMENT

Situation : 2ème semestre DCEM2 Volume global : 30 heures Organisé sous la forme de 15 Enseignements Dirigés de 2 heures Modalités : Discussion interactive de dossiers cliniques

Cours sous la forme d’exposés brefs.

III – SOMMAIRE DU POLYCOPIÉ ET DES ENSEIGNEMENTS DIRIGÉS

Page 3: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

209

2ème PARTIE « SOINS PALLIATIFS PLURIDISCIPLINAIRES CHEZ UN MALADE

EN FIN DE VIE. ACCOMPAGNEMENT D’UN MOURANT ET DE SON ENTOURAGE »

CHAPITRE 1 : 212 « CONNAITRE LES BASES ET LES PRINCIPES DES SOINS PALLIATIFS » - Jean-Louis Albarède et Thierry Marmet. CHAPITRE 2 : 224 « SAVOIR METTRE EN ŒUVRE UNE PRISE EN CHARGE PLURIDISCIPLINAIRE D’UN PATIENT RELEVANT DES SOINS PALLIATIFS AU DOMICILE ET A L’HOPITAL » Thierry Marmet CHAPITRE 3 : 240 « SAVOIR EVALUER LES SOUFFRANCES PHYSIQUES ET MORALES CHEZ UN MALADE EN FIN DE VIE ETHIQUE ET DECISION EN FIN DE VIE » - Thierry Marmet CHAPITRE 4 : 264 « DEUIL NORMAL ET PATHOLOGIQUE - LE DEUIL CHEZ L’ENFANT» - Nicolas Saffon, Pascale Allanic et Jean-Philippe Raynaud CHAPITRE 5 : 273 « SAVOIR TRAITER LES SYMPTOMES AUTRES QUE LA DOULEUR CHEZ UN MALADE EN FIN DE VIE – SAVOIR GERER CERTAINES SITUATIONS D’URGENCE ET L’AGONIE »- Nicolas Saffon, Valérie Mauriès, Jacqueline Berthaud.

Page 4: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

210

UNIVERSITÉ PAUL SABATIER

FACULTÉ DE MÉDECINE TOULOUSE-RANGUEIL

D.C.E.M. 2

MODULE 6 DOULEUR – SOINS PALLIATIFS ET ACCOMPAGNEMENT

SOUS-MODULE 2

« SOINS PALLIATIFS PLURIDISCIPLINAIRES

CHEZ UN MALADE EN FIN DE VIE.

ACCOMPAGNEMENT D’UN MOURANT ET DE SON ENTOURAGE. » COORDONNATEUR : JEAN-LOUIS ALBAREDE

ANNEE UNIVERSITAIRE 2008-2009

Page 5: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

211

CHAPITRE I CONNAITRE LES BASES ET LES PRINCIPES DES SOINS PALLIATIFS

Professeur Jean-Louis ALBARDE, Docteur Thierry Marmet Plan du chapitre Pages 211 INTRODUCTION GENERALE SUR LE CONCEPT DE SOINS PALLIATIFS 212 PLURIDISCIPLINAIRE CHEZ UN MALADE EN FIN DE VIE, ACCOMPAGNEMENT DES PATIENTS EN FIN DE VIE ET DE LEUR ENTOURAGE. 1- CONNAITRE LES BASES ET LES PRINCIPES DES SOINS PALLIATIFS 213 1.1 Approche historique de l’évolution des attitudes face à la mort 1.2 L’avènement des soins palliatifs 214 1.3 Du concept de soins palliatifs au concept de soins continus : 215 Le Rapport de Noëlle Lenoir « aux frontières de la vie » 1.4 Le développement des soins palliatifs en France de la circulaire

Laroque Barzach en 1986 à la loi dite Leonetti d’avril 2005 et au nouveau plan de déploiement de la démarche palliative 2008-2012 216

1.5 La définition des soins palliatifs 219 1.6 Les cinq aphorismes de l’approche palliative 220

Page 6: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

212

INTRODUCTION GÉNÉRALE SUR LE CONCEPT DE SOINS PALLIATIFS PLURISDICIPLINAIRES CHEZ UN MALADE EN FIN DE VIE, ACCOMPAGNEMENT DES PARENTS EN FIN DE VIE ET DE LEUR ENTOURAGE (mise à jour juillet 2008)

Tout en améliorant considérablement l’état de santé des populations, augmentant très rapidement l’espérance de vie à la naissance, mais assurant aussi une qualité de vieillesse active et en santé à une fraction de la population de plus en plus importante, la médecine curative est toutefois venue renforcer le rejet séculaire de la mort dans les sociétés occidentales. Par la médicalisation technique et géographique des lieux de mort, la société et la médecine se sont appliquées à techniciser les fins de vie de plus en plus prolongées, fragmentées et déshumanisées. Le spectre de l’échec a souvent conduit à une obstination déraisonnable dans la poursuite de soins à visée curative non seulement devenus sans objet, mais souvent source d’intolérance et de désillusions. Ce climat de silence et de non-dit a non seulement laissé les mourants avec de profondes souffrances physiques et morales mais les a privés en plus, anéantis par la souffrance et rejetés dans l’anonymat, de vivre la fin vie de leur vie dans le respect, de leur autonomie et de leur dignité, indispensables pour donner du sens à ce temps d’accomplissement existentiel. Le mouvement des soins palliatifs né en Angleterre dans les années 60, largement diffusé aux USA, puis à la fin du siècle en France, s’est présenté alors comme un concept et des pratiques élaborés dans une dimension critique de la médecine de la fin du XXe siècle. S’inscrivant ensuite dans une réflexion bioéthique beaucoup plus large des professionnels et de la société, il propose maintenant une philosophie renouvelée du soin inscrivant l’homme malade avec ses souffrances, ses réactions et ses attentes au centre d’ un projet de soins tout en lui garantissant des capacités thérapeutiques codifiées et évaluées bénéficiant d’une approche globale et interdisciplinaire.

Page 7: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

213

1 – CONNAITRE LES BASES ET LES PRINCIPES DES SOINS PALLIATIFS 1.1. Approche historique de l’évolution des attitudes face à la mort.

Même si l’évolution médicale au cours de la deuxième partie du XXe siècle a joué un rôle majeur dans l’intégration du phénomène de la mort dans la société, ce phénomène existentiel majeur a toujours provoqué des modes d’organisation et de pratiques sociétales qui ont beaucoup évolué au cours des siècles. Les historiens et les anthropologues nous montrent combien l’évolution de la perception et l’organisation collectives de la mort dans les sociétés occidentales a évolué, passant de la notion de mort familiale au moyen-âge à une véritable mort cachée en cette fin de XXe siècle. Pendant tout le moyen-âge, la mort comme dans la fable de la Fontaine, est vécue, annoncée, préparée et partagée par la famille et l’entourage. C’est le concept de bonne mort, les cimetières restant près des églises, les funérailles et les rites funéraires étant partagés par toute la collectivité. A partir du XVIIe siècle, sous l’influence de l’église, la charge émotionnelle de la mort devient différente sous la pression du jugement dernier. Si les rites funéraires persistent, elle devient beaucoup plus individuelle, la symbolique des horreurs et des pestilences qui lui sont rattachées amènent la construction de cimetières hors les murs. La période romantique voit fleurir une ostentation du deuil, la mort étant une rupture non plus un passage et l’accent est fortement mis sur la douleur des survivants. Au début du XXe siècle, la mort est laïcisée et les funérailles confiées à des organisations professionnelles ou institutionnelles, c’est la création des pompes funèbres. C’est une mort distanciée. La fin du XXe siècle voit apparaître d’une part une médicalisation intensive de la mort, un déplacement des lieux de fin de vie vers les hôpitaux et les institutions médico-sociales, d’autre part l’effacement progressif des pratiques sociales et des rituels autour de la mort. L’importance des rituels, des cérémonies, ont joué sans aucun doute un rôle d’atténuation de la difficulté du travail de deuil ; ces rituels de mort ont été progressivement remplacés par un effacement de la mort. L’historien Philippe Aries a parfaitement identifié cette période de la mort interdite basée sur une absence de vérité dans le désir d’épargner le malade, de prendre en charge son épreuve, mais rapidement doublée par le souci d’éviter à la société et à l’entourage, un trouble de l’émotion trop insoutenable causé par la laideur de l’agonie et la simple présence de la mort en pleine vie heureuse. Ce processus d’escamotage a amené le déplacement de la mort à l’hôpital. Cette évolution culturelle, masquant une réalité difficile et insoutenable, n’a pas été sans provoquer de profondes réactions qui ont fait le lit des mouvements prônant l’euthanasie qui est apparue pour certains comme une réponse pour préserver la dignité de la personne de la déchéance et de la souffrance. C’est dans cette atmosphère professionnelle et culturelle de déni que le mouvement des soins palliatifs est venu apporter réflexions et réponses en se basant à la fois sur une

Page 8: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

214

réflexion humaniste et à la fois sur les progrès techniques et conceptuels dans l’approche de la douleur et des étapes du mourir.

1.2. L’avènement des soins palliatifs.

1.2.1 Les pionnières : Jeanne Garnier et Mary Aikenhead La mise en place d’institution de soins aux mourants remonte à la deuxième partie du XIXe siècle. Ces structures ont été appelées aussi bien en France qu’en Angleterre : hospice. Le mot hospice, tout d’abord signifiait « hôte » puis plus tard « étranger » désignait un lieu accueillant des pèlerins. Ces voyageurs étant souvent attaqués, blessés et malades, le terme d’hospice a fini par désigner secondairement un lieu où l’on soignait des malades. C’est une française, Madame Jeanne Garnier qui a fondé à Lyon, en 1842, avec la communauté dont elle était fondatrice « les Dames du Calvaire », plusieurs hospices à Lyon. En 1879, les Sœurs irlandaises de la Charité fondées par Sœur Mary Aikenhead ouvrent à Dublin en Irlande le Our Lady’s Hospice. En 1905, ce même ordre religieux fondera à Londres l’hospice Saint-Joseph. C’est à partir de cet hospice Saint-Joseph que plusieurs années plus tard, dans les années 50, sous l’impulsion du Docteur Cicely Saunders, le concept et la notion définitive d’hospice prendra un essor incomparable.

1.2.2 Le mouvement anglais des hospices : rôle de Cicely Saunders et du St Christopher’s-hospice.

Dans les années 50 Cicely Saunders, d’abord infirmière et assistante sociale, devenue ensuite médecin, développe un important travail d’observation et de recherche sur le contrôle de la douleur terminale des patients atteints de cancer. Elle démontre tout d’abord la possibilité de supprimer ou de calmer très fortement la douleur en administrant de la morphine par voie orale de façon régulière et préventive au lieu d’essayer de la calmer lorsqu’elle était installée. Simultanément, ces malades qui étaient sans douleur, restaient conscients et étaient à même d’exprimer leur souffrance, leurs angoisses physiques personnelles, spirituelles et leurs besoins de relations avec la famille. A partir de ces constatations, le Docteur Cicely Saunders acquit la conviction de la nécessité d’ouvrir un hospice. Après d’énormes efforts de sensibilisation, elle réussit à ouvrir, en 1967, l’hospice St Christopher’s situé dans la banlieue sud-est de Londres. Le St Christopher’s comporte initialement 4 salles cloisonnées en petits ensembles de 4 lits et quelques chambres indépendantes, totalisant 62 lits. Très rapidement, l’hospice met à la disposition des personnels qui y travaillent un jardin d’enfants qui accueille chaque jour des enfants en âges d’école maternelle. L’image de l’hospice se transforme donc pour n’être pas simplement un lieu pour les mourants mais comme un lieu vivant et actif. La majorité des patients sont des cancéreux mais on y admet aussi des patients

Page 9: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

215

souffrant de maladies chroniques évolutives. La durée moyenne de séjour est d’environ 12 jours. La notion d’unité purement résidentielle est dépassée et deux ans après son ouverture, le St Christopher’s crée un service d’accompagnement à domicile qui offre écoute, soutien, conseil et service de garde assuré 24 h sur 24. Le service travaille à titre consultatif en lien étroit avec le médecin généraliste du patient et seulement avec sa permission. Dans les années qui suivent, l’hospice St Christopher’s ouvre une consultation pour les familles en souffrance pendant l’agonie et après le décès d’un de ses membres. Dès l’origine, le St Christopher’s offre des programmes d’enseignement et se donne pour mission de former des professionnels de santé et de développer la recherche. Quelques années plus tard, le département de recherche se développe fortement et un département universitaire est créé en collaboration avec le King’s College université de Londres. A l’heure actuelle, le Centre d’Enseignement et de Formation du St Christopher’s accueille environ 3000 professionnels de santé du monde entier. Parallèlement aux activités de pionnier de Cicely Saunders, Elisabeth Kubler Ross, psychiatre suisse, émigrée aux Etats-Unis, mène des recherches et des séminaires sur les étapes du mourir. Elle devient célèbre par son livre « les derniers instants de la vie ». Même si la chronologie de ces étapes est remise en question, Elisabeth Kubler Ross met en évidence la multiplicité des sentiments éprouvés par ceux qui pressentent leur fin proche, ceci permettant de rendre les réactions des soignants moins inappropriées. Le mourant est jusqu’au bout un vivant, un sujet, un être de paroles, une personne, il peut achever les tâches estimées par lui essentielles, trouver un accomplissement. Ceci suppose une transformation radicale de la place du malade, du médecin et de l’équipe soignante ; le malade est replacé au centre ; il devient acteur du système de soins.

1.2.3 Le concept d’Unité de Soins Palliatifs.

Le Dr. Balfour Mount, chirurgien du Royal Victoria Hospital de Montréal au Canada, après une année passée au St Christopher’s, crée au début de 1975 une unité de soins palliatifs qui devient la plus célèbre du monde.

1.3. Du concept de soins palliatifs au concept de soins continus : le Rapport de Noëlle Lenoir « aux frontières de la vie ». La notion de spécificité exclusive des unités de soins palliatifs et rapidement la question du coût de ces unités, a fait apparaître le concept de soin continu qui s’est progressivement imposé en France. Sa première formalisation dans le rapport « aux frontières de la vie – une éthique biomédicale à la Française » dirigé par Noëlle Lenoir est remis au Premier Ministre en 1991. Il y est dit notamment que malgré leurs spécificités, il paraît exclu de multiplier les unités de soins palliatifs vers lesquelles seraient systématiquement dirigés les malades pour y finir leurs jours. La philosophie générale du soins palliatif est une approche humaniste dans les rapports entre les soignants et les soignés ; il faut donc bannir toute ségrégation des mourants, ils ne sont pas des malades différents des autres. Le développement des unités spécialisées doit s’accompagner d’actions tendant à diffuser l’esprit des soins palliatifs dans tous les services hospitaliers. L’unité doit garder toute sa valeur comme lieu de synthèse de la réflexion, de la formation,

Page 10: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

216

de la recherche et de l’évaluation. Elle doit être considérée comme la préfiguration d’une nouvelle conception plus humaine et pluridisciplinaire de la médecine. 1.4. Le développement des soins palliatifs en France de la circulaire Laroque Barzach en 1986 à la loi dite Leonetti d’avril 2005 et au nouveau plan de déploiement de la démarche palliative 2008-2012 Le développement concret en France s’est fait d’une manière progressive au cours des vingt dernières années du XXe siècle. Le point de départ est une double initiative, celle de pionnier, médecins qui créeront à leur propre initiative quelques unités de soins palliatifs fortement relayée par un mouvement associatif intense avec la création de deux grandes associations : « Jusqu’à la mort, accompagner la vie (JALMALV) » et « l’Association des Soins Palliatifs (ASP)».

1.4.1. Le rapport soigner/accompagner Il faut attendre 1985 pour qu’un groupe de travail présidé par Geneviève Laroque soit réuni à la demande du Secrétaire d’Etat chargé de la Santé. Le groupe de travail était multidisciplinaire : médecins, infirmiers, travailleurs sociaux, psychologues, représentants des cultes, représentants du mouvement pour le droit de mourir dans la dignité et d’autres associations, des administrateurs, la Direction Générale de la Santé et des Hôpitaux. Le rapport insiste sur l’importance du traitement de la douleur mais aussi d’une prise en charge globale. L’importance d’une information, sensibilisation et formation vers les professionnels de santé pour la prise en charge des fins de vie. Le groupe propose la définition d’unité dite de soins palliatifs.

1.4.2. La circulaire Laroque/Barzach Les résultats de ce rapport se concrétisent par la publication de la circulaire du 26 août 1986 relative à l’organisation des soins et à l’accompagnement des malades en phase terminale dite circulaire Barzach (Secrétaire d’Etat à la Santé). C’est le premier document officiel qui recommande les soins palliatifs en faveur des patients mais aussi des proches et des soignants qu’il faut protéger du deuil pathologique. Les premières unités de soins palliatifs peuvent ainsi être créées en tant que centres de formation de référence et de recherche dans l’optique de généraliser la pratique de soins palliatifs. Ces structures sont essentiellement hospitalières et contrairement aux hospices anglais, elles sont dispensées à proximité d’un plateau technique hospitalier suffisant. En 1989, le mouvement associatif et les professionnels créent la Société Française d’Accompagnement et de Soins Palliatifs (la S.F.A.P.) qui fédèrent plus de 130 associations chargées de la promotion des soins palliatifs dans le pays et qui devient un interlocuteur incontournable auprès des pouvoirs publics.

1.4.3. La loi hospitalière de 1991 qui réforme le mouvement des hôpitaux, fait apparaître pour la première fois le droit pour les malades d’avoir accès aux soins palliatifs dans les hôpitaux.

1.4.4. Le rapport d’Henri Delbecque en 1993 commandé par Claude Evin Ministre des Affaires Sociales et de la Solidarité, le rapport Delbecque est chargé de faire le point sur l’ application de la circulaire de 1986. Il démontre largement les insuffisances de la mise en application par absence de planification et de pilotage des projets, insuffisance des moyens financiers humains, réticence médicale sur le concept mouroir, le

Page 11: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

217

cloisonnement entre le sanitaire et le social et le défaut de formation en soins palliatifs et à l’éthique.

1.4.5. Le code de déontologie 1995

La réticence du corps médical à s’engager dans la pratique concrète du soin palliatif fait l’objet d’une réécriture du code de déontologie. Si la nécessité d’exercer une mission dans le respect de la vie de la personne et de sa dignité au travers de soins consciencieux, dévoués et fondés sur des données requises de la science et redéfinis, le code insiste très nettement sur la nécessité de donner aux patients une information loyale, claire et appropriée et surtout de s’efforcer, en toute circonstance, de soulager les souffrances et d’éviter toute obstination déraisonnable, d’accompagner les mourants jusqu’à leur dernier instant en réconfortant l’entourage. Le médecin n’a pas le droit de provoquer délibérément la mort.

1.4.6. Le rapport du Sénat Lucien Neuwirth 1998-1999 Le rapport rédigé par Lucien Neuwirth au Sénat constate que le système de santé français comporte de graves lacunes dans l’accès aux soins palliatifs et insiste sur l’absence de législation précise dans le domaine comme étant un obstacle majeur à ce développement.

1.4.7. La loi sur les soins palliatifs de juin 1999 proposée par Bernard Kouchner, a été votée à l’unanimité parlementaire. Elle vise à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs.

Dans son article 1, elle stipule que toute personne malade a le droit d’accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement et reprend une définition des soins palliatifs qui vise à :

• soulager la douleur • apaiser la souffrance psychique • sauvegarder la dignité du malade • soutenir son entourage.

Elle donne le droit à la personne malade de s’opposer à toute investigation ou thérapeutique.

Dans son article 1, elle instaure dans le Code de la Santé Publique un livre préliminaire ainsi rédigé : « droits de la personne malade et des usagers du système de santé ». Dans son article 2, elle précise les moyens d’organiser le développement des soins palliatifs en signifiant que les schémas régionaux d’organisation sanitaires fixent les objectifs permettant la mise en place d’une organisation optimale pour répondre aux besoins en matière de soins palliatifs. Dans ce même article, il est précisé que l’annexe au SROS détermine les moyens nécessaires à la réalisation des objectifs, notamment les unités de soins palliatifs, les équipes mobiles, les places d’hospitalisation à domicile nécessaires.

Dans son article 4, les établissements publics de santé organisent la délivrance de soins palliatifs. De plus, des conditions particulières d’exercice des professionnels libéraux peuvent porter sur des modes de rémunération particuliers autres que le paiement à l’acte.

L’article 10, acte le rôle des bénévoles formés à l’accompagnement de la fin de vie et engagés dans des associations doivent apporter leur

Page 12: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

218

concours à l’équipe de soins en participant à l’ultime accompagnement du malade et en réconfortant l’environnement psychologique et social de la personne malade et de son entourage.

La loi instaure enfin un congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie pour tout salarié dont un ascendant, descendant ou une personne partageant son domicile fait d’objet de soins palliatifs.

1.4.8. Le plan triennal de Bernard Kouchner Un plan triennal de développement des soins palliatifs est mis en place avec des moyens spécifiques permettant d’une part le renforcement des équipes et d’autre part l’organisation territoriale des soins palliatifs avec la mise en place de réseaux qui permettent à des équipes mobiles d’aller apporter leur expertise aux soignants de proximité et d’assurer la formation et la coordination dans le domaine. 1.4.9. Les évolutions réglementaires récentes - loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé :

• elle renforce les droits de la personne notamment le respect de la dignité,

• elle rappelle le droit d'accès à des soins palliatifs et au contrôle de la douleur,

• elle donne un cadre nouveau au partage d'informations avec le patient, lui donnant notamment un accès direct à son dossier médical et la possibilité de désigner une personne de confiance pour la durée d'une hospitalisation,

• elle instaure, dans les établissements de santé, une commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge, qui a pour mission principale de s'assurer du respect des droits des patients hospitalisés,

• elle propose de faciliter l'intervention des associations de bénévoles dans les établissements de santé.

• Elle promeut le développement des réseaux de santé pour la mise en oeuvre de la démarche palliative.

- loi du 22 avril 2005 dite Leonetti relative aux droits des malades et à la fin de vie :

• elle complète le livre préliminaire du code de la santé publique relatif aux droits des malades, en rappelant l'obligation des établissements de santé à mettre en oeuvre la démarche palliative, en renforçant la mission de la personne de confiance qui peut dorénavant accompagner les patients dans tout partage d'information en cours d'hospitalisation et dans les réseaux de santé, en instaurant la possibilité de rédiger des directives anticipées concernant exclusivement ce que le patient souhaite ou ne souhaite pas concernant sa santé s'il n'est plus en mesure de participer à la discussion.

• elle donne un cadre réglementaire à la prise de décisions difficiles, pour faire face au refus de soins des patients qui est considéré comme un droit et pour toutes décisions d'arrêt ou de limitation de soins, sur la base d'une décision collégiale.

- la circulaire du 25 mars 2008 (DHOS/CNAMTS) relative au référentiel national d'organisation des réseaux de santé en soins palliatifs :

Elle donne un cadre règlementaire précis au fonctionnement des réseaux tant dans leur organisation que dans leurs relations à l'environnement. Elle précise les modalités de financement dans le cadre du fonds d'intervention sur la qualité la continuité des soins. Elle définit une obligation d'évaluation, comportant une autoévaluation annuelle par le réseau,

Page 13: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

219

doublée d'une évaluation externe, au terme de chaque période de financement pluriannuel de trois ans.

- la circulaire du 25 mars 2008 DHOS) relative à l'organisation de soins palliatifs : Elle précise les orientations de la politique des soins palliatifs, et fournit des référentiels d’organisation pour les lits identifiés de soins palliatifs, les équipes mobiles de soins palliatifs, les unités de soins palliatifs, l'hospitalisation à domicile et le bénévolat d'accompagnement. - le programme de développement des soins palliatifs de 2008 2012 : il comporte trois axes :

• la poursuite du développement de l'offre hospitalière et l’essort des dispositifs extrahospitaliers,

• l'élaboration d'une politique de formation et de recherche, • l'accompagnement offert aux proches.

Trois mesures résument l'esprit et le sens de ce programme d'actions coordonnées portant sur les soins palliatifs :

• la traduction du souhait légitime des Français de pouvoir choisir le lieu de la fin de sa vie,

• l'amélioration de la qualité de l'accompagnement notamment dans le cadre des soins palliatifs pédiatriques,

• la diffusion de la culture palliative au moyen d'une grande campagne de communication à destination des professionnels et surtout du grand public.

Le plan mobilisera 229 millions d'euros supplémentaires au titre des dépenses d'assurance-maladie pour les soins palliatifs.

1.5. La définition des soins palliatifs.

Définition de la Société Française d’Accompagnement et de Soins Palliatifs (1996) : « les soins palliatifs sont des soins actifs dans une approche globale de la personne atteinte d’une maladie grave évolutive ou terminale. Leur objectif est de soulager les douleurs physiques ainsi que les autres symptômes et de prendre en compte la souffrance psychologique, sociale et spirituelle. Les soins palliatifs et l’accompagnement sont interdisciplinaires. Ils s’adressent au malade en tant que personne, à sa famille et à ses proches, à domicile ou en institution. La formation et le soutien des soignants et des bénévoles font partie de cette démarche. Les soins palliatifs et l’accompagnement considèrent le malade comme un être vivant et la mort comme un processus naturel. Ceux qui les dispensent cherchent à éviter les investigations et les traitements déraisonnables. Ils se refusent à provoquer intentionnellement la mort. Ils s’efforcent de préserver la meilleure qualité de vie possible jusqu’au décès et proposent un soutien aux proches en deuil. Ils s’emploient par leur pratique clinique, leur enseignement et leurs travaux de recherche, à ce que ces principes puissent être appliqués. » Définition des Soins Palliatifs dans la loi n° 99-477 du 9 juin 1999 visant à garantir le droit d’accès aux Soins Palliatifs : « Les Soins Palliatifs sont des soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage. » Définition des Soins Palliatifs selon l’organisation mondiale de la santé 2002 :

« Les Soins Palliatifs cherchent à améliorer la qualité de vie des patients et de leur famille, face aux conséquences d’une maladie potentiellement mortelle, par la prévention et le soulagement de la souffrance, identifiée précocement et évaluée avec précision, ainsi que par le traitement de la douleur et des autres problèmes physiques, psychologiques et spirituels qui lui sont liés .

Page 14: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

220

Les Soins Palliatifs :

• -Procurent le soulagement de la douleur et des autres symptômes gênants ; • -Soutiennent la vie et considèrent que la mort est un processus normal ; • -N’entendent ni accélérer, ni repousser la mort ; • -Intègrent les aspects psychologiques et spirituels des soins aux patients ; • -Proposent un système de soutien pour aider les patients à vivre aussi activement

que possible jusqu’à la mort ; • -Proposent un système de soutien pour aider les familles à faire face à la maladie du

patient ainsi qu’à leur propre deuil ; • -Utilisent une approche d’équipe pour répondre aux besoins des patients et de leur

famille en y incluant, si nécessaire, une assistance au deuil ; • -Peuvent améliorer la qualité de vie et influencer peut être aussi de manière positive

l’évolution de la maladie ; • -Sont applicables tôt dans le décours de la maladie, en association avec d’autres

traitements pouvant prolonger la vie comme la chimiothérapie et la radiothérapie, et incluent des investigations qui sont requises afin de mieux comprendre les complications cliniques gênantes et de manière à pouvoir les prendre en charge. »

1.6. Les cinq aphorismes de l’approche palliative.

C’est Cicely Saunders qui a posé les bases du concept soins palliatifs et ses cinq aphorismes restent toujours d’actualité. 1.6.1. La mort est un événement naturel de la vie.

La modification rapide de la pratique médicale dans la deuxième moitié du XXe siècle et l’occultation progressive de la parole et des rites sur la mort dans la société occidentale ont progressivement exclu des pratiques en fin de vie, la notion du caractère naturel de la mort. Bien que la mort fasse encore partie de la vie, qu’elle l’achève et la clôture en lui permettant d’arriver à une forme d’unité, le développement médical marqué en France par la transformation d’hôpitaux publics en centres hospitalo-universitaires a été la marque du développement de la logique curative de la médecine dont le but est de détecter les étiologies, d’augmenter la quantité de vie du malade, de supprimer si possible la maladie organique ou tout au moins d’en ralentir son évolution. Ce concept a amené le malade a s’en remettre le plus souvent aux équipes soignantes et la famille d’être en accord avec ce mouvement. La réalité quotidienne des durées de vie des agonies prolongées viennent toutefois rappeler à cette médecine technologique, ses limites. Ces limites sont souvent mal acceptées à la fois par les médecins qui l’assimilent à un échec et peuvent être tentés par des réactions d’acharnement ou d’abandon thérapeutique et par les malades et leur famille qui conservent une confiance inébranlable dans le pouvoir de la science médicale. Le médecin et les soignants doivent donc accepter que les limites raisonnables de la médecine curative sont atteintes et que le malade doit être accompagné dans des lieux de soins qui ne sont en rien préparés pour des lieux de vie, afin qu’il puisse vivre jusqu’à l’instant de sa mort. Le soignant doit avoir fait impérativement le deuil de la volonté de la puissance de guérir afin d’essayer d’établit une relation authentique qui efface l’anonymat et la peur.

Page 15: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

221

1.6.2. Lorsqu’il n’est plus possible de contrôler la maladie, les soins doivent se centrer sur la qualité de vie du patient et de son entourage.

L’équipe soignante ne doit donc pas abandonner le malade mais au contraire changer son objectif de soins pour opter vers une optimisation de la qualité de vie qui doit remplacer progressivement celui de la durée. En effet, la mort reste une épreuve douloureuse et difficile ; il convient de garder beaucoup d’humilité en évitant de tomber dans une utopie qui consisterait à croire que l’on est capable de réaliser un modèle de bonne ou de belle mort. Les soins vont donc se centrer sur la qualité de vie et doivent rester actifs, précis, pertinents et évalués. L’accompagnement et les soins palliatifs prennent conscience que la personne arrivée au terme de sa vie, malgré son extrême vulnérabilité et fragilité, doit être respectée comme un sujet singulier, vivant, désirant et souffrant, porteur d’une histoire qui s’inscrit dans le temps. Une attention toute particulière doit être portée au contrôle de la douleur et des symptômes physiques désagréables afin de supprimer, lorsque cela est possible, la souffrance physique. De la même manière, la prise en charge du corps et le respect des besoins fondamentaux, doivent êtres assurés. Ce maintien d’un niveau de confort satisfaisant pourra permettre l’expression de la personne et de sa famille ; cette écoute doit créer un espace de confiance dans lequel le malade pourra vivre moins difficilement sa vulnérabilité, ses humiliations, ses peurs, ses inquiétudes et donner à entendre sa vie émotionnelle. L’équipe soignante doit essayer de percevoir le malade dans sa globalité, d’entendre son désir plus que de le réaliser à sa place. Elle doit aussi être extrêmement attentive au sens que le mourant pourra trouver dans ces instants de fin de vie et devra être en attente des réactions souvent ambivalentes du malade qui peut alterner des phases d’agressivité, de repli sur soi, d’élan pulsionnel parfois surprenant.

1.6.3. La famille est intégrée à l’équipe pluridisciplinaire.

La famille est confrontée à une crise très grave : l’approche de la mort de l’un des siens désorganise sa vie, parfois sa cohésion. Chacun est interpellé par la mort de l’autre qui le renvoie à la sienne. A la tristesse et à la fatigue se surajoute souvent un sentiment de culpabilité et d’incompréhension par rapport aussi bien à la fin de vie présente qu’à des évènements partagés au cours de l’existence. Il convient donc d’essayer de créer un climat de confiance pour que la famille se sente accueillie, respectée, et devienne solidaire de l’équipe soignante pour y trouver sa place. La famille doit garder confiance dans la compétence de l’équipe soignante et pour cela doit être consultée lorsque des décisions sont à prendre concernant la prise en charge du patient agonisant. Le caractère dramatique de la situation aboutit souvent à une impossibilité de communication à l’intérieur de la famille, à une véritable conspiration du silence, aggravant l’isolement et la solitude de celui qui meurt. Cette absence totale de communication génère habituellement une angoisse réciproque ; l’équipe soignante doit donc s’investir dans la relation à la famille, cette

Page 16: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

222

relation est importante pour le malade pour faciliter son replacement dans son histoire, sa culture et son passé ; pour la famille, de retrouver sa place et de se préparer progressivement à une séparation inéluctable et plus tard affronter la période de deuil.

1.6.4. Des bénévoles sont associés à l’équipe pluridisciplinaire.

La loi du 9 juin 1999 stipule que les bénévoles formés à l’accompagnement de la fin de vie et appartenant à des associations qui les sélectionnent, peuvent avec l’accord de la personne malade et de ses proches, et sans interférer avec la pratique des soins médicaux et paramédicaux, apporter leur concours à l’équipe de soins en participant à l’ultime accompagnement du malade et en confortant l’environnement psychologique et social de la personne malade et de son entourage. La durée des traitements, la diversité des lieux de soins, menacent pour le malade et ses proches les liens sociaux de manière insidieuse. Cet isolement engendre à son tour des souffrances et les soignants se trouvent investis de la charge d’accompagner seuls ces patients en fin de vie et en même temps, soutenir les proches. Les bénévoles constituent un moyen privilégié pour la société civile d’inventer de nouvelles pratiques qui s’imposent de façon urgente lorsque les structures sont dépassées en créant du lien social pour permettre aux individus de faire corps ensemble, face au danger qui les menace. Ils ont un rôle d’alerte et de témoignage ; le bénévole est un être engagé, malades et familles reconnaissent chez lui l’expression d’une solidarité essentielle. Ils sont là pour reconnaître et valoriser les personnes au-delà des altérations physiques et psychologiques, leur apporter leur présence, l’écoute, le soutien moral. Cette présence d’un anonyme, non professionnel, non familial, est un témoin essentiel de l’appartenance et du lien social qui est une des bases du sentiment d’humanité. Ce travail extrêmement difficile nécessite donc de la part des associations des efforts importants de recrutement, d’orientation, de formation et d’écoute de la part des bénévoles.

1.6.5. Seule une équipe fonctionnant dans l’interdisciplinarité est à même d’accomplir un accompagnement et des soins palliatifs de qualité. Les limites du pouvoir médical, la nécessité d’une présence régulière, les

nombreuses facettes de l’approche de l’homme souffrant et mourant dans sa globalité, nécessitent la présence d’intervenants différents séparés par leur personnalité, leur morale, mais aussi par leurs compétences. Cette équipe doit pouvoir assurer l’accompagnement et les soins palliatifs d’une manière équilibrée ; elle doit donc se soumettre à une organisation et à une répartition des tâches qui doivent pouvoir être rediscutées mais doivent toujours respecter l’identité et la profession de la personne.

En dehors des soignants traditionnels, il existe habituellement : un

psychologue, une assistante-sociale, un officier du culte. Il s’agit d’un fonctionnement en interdisciplinarité pour permettre, grâce à la mutualisation instantanée de l’approche de chacun, d’avoir une compréhension la plus complète possible.

Malgré toutes ces précautions, ce travail d’équipe est difficile et la souffrance des soignants doit être accompagnée et détectée afin d’éviter des situations de souffrance bien connue sous la nom de burn-out.

Page 17: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

223

CHAPITRE II SAVOIR METTRE EN ŒUVRE UNE PRISE EN CHARGE PLURIDISCIPLINAIRE D’UN PATIENT

RELEVANT DES SOINS PALLIATIFS AU DOMICILE ET A L’HOPITAL

Docteur Thierry MARMET – Chef de Service CRASP-HJD Plan du Chapitre pages

1 – LE CONCEPT D’EQUIPE PLURIDISCIPLINAIRE 224 Fig 1 « Modèle atomique »

Fig 2 « Modèle transdisciplinaire » 225 Fig 3 « Modèle interdisciplinaire » .

2 – LES ORGANISATIONS D’ÉQUIPE EN HIÉRARCHIE DE POUVOIR 226 Représentation graphique d’un organigramme de type hiérarchie de pouvoir 227

3 – LES ORGANISATIONS D’ÉQUIPE EN HIÉRARCHIE DE FONCTION 228 Représentation graphique d’un organigramme de type hiérarchie de fonctions 229

4 – LES OBSTACLES AU BON FONCTIONNEMENT D’UNE ÉQUIPE 230 1. Les obstacles liés au malade 2. Les obstacles liés à la main-d’œuvre « Schéma relation cause .. » 231 3. Les obstacles liés au milieu 232 4. Les obstacles matériels 5. Les obstacles liés au problème méthodologique

5 – LES DIFFERENTES MODALITÉS DE MISE EN ŒUVRE DE L’INTERDISCIPLINAIRE EN SOINS PALLIATIFS 233 5.1 Les unités de soins palliatifs 1- Leur histoire 2- Référentiel d’organisation des soins relatifs aux unités de soins palliatifs 5.2 Les équipes mobiles de soins palliatifs intra-hospitalières 234 1- Définition 2- Référentiel d’organisation des soins relatifs aux équipes mobiles de soins palliatifs 235 5.3 Les lits identifiés en soins palliatifs 1- Définition 2- Référentiel d’organisation des soins relatifs aux lits identifiés de soins palliatifs 5.4 Le fonctionnement en réseau 236 1- Les principes généraux d’organisation 2- Les missions et le fonctionnement des réseaux 237 3- Organisation générale du réseau

Page 18: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

224

CHAPITRE II SAVOIR METTRE EN ŒUVRE UNE PRISE EN CHARGE PLURIDISCIPLINAIRE D’UN PATIENT

RELEVANT DES SOINS PALLIATIFS AU DOMICILE ET A L’HOPITAL

Docteur Thierry MARMET – Chef de Service CRASP-HJD 1 – LE CONCEPT D’EQUIPE PLURIDISCIPLINAIRE Le modèle pluridisciplinaire appliqué à la prise en charge de la douleur est né aux Etats Unis vers les années 1960. On le doit à un pionnier de cette époque J.J. BONICA1 qui souhaitait, grâce à la mise en commun d’une réflexion pluriprofessionnelle, améliorer la situation de patients douloureux chronique pour lesquels l’ensemble des démarches somatiques et psychologiques était mis en échec. La multidisciplinarité représente à l’heure actuelle une réalité organisationnelle et historique qui s’impose dans la gestion en santé publique. Elle trouve une implication logique dans la prise en charge de la douleur chronique, de l’accompagnement et des soins palliatifs. La définition du dictionnaire Robert est la même pour pluridisciplinarité, multidisciplinarité, interdisciplinarité : « qui concerne plusieurs disciplines ou domaine de recherche ». Lorsqu’on aborde le fonctionnement des équipes en tant que modèle d’action et de communication, il semble toutefois nécessaire de décrire les différents types d’équipes dites « pluridisciplinaires » : - Le modèle pluridisciplinaire figuré en 1 est dénommé modèle « atomique ». Le patient

est certes au centre des actions, mais il s’agit d’une juxtaposition de compétences, les différents acteurs n’ayant pas réellement de communication directe. L’analyse de ce modèle fait apparaître des insuffisances dans le mode de communication de l’équipe.

Figure 1 MODELE ATOMIQUE 1 BONICA J.J. Evolution of multidisciplinary/interdisciplinaryy pain programs in « Pain Centres : a revolution in healthcare ». 9-32. Raven Press, 1988.

PATIENT Acteurs

Page 19: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

225

- Le modèle transdisciplinaire figuré en 2. Le patient y est également au centre des

prises en charge. Il réunit autour de lui des professionnels ou acteurs qui assurent des actes. En matière d’action, on peut reprocher une segmentation de l’action des soignants qui n’ont aucun lien entre eux. Dans la communication, le patient assure la continuité entre lui et les soignants. Cette communication peut être de bonne ou de mauvaise qualité en fonction du patient (personnalité, compétences, motivations).

Figure 2 MODELE TRANSDISCIPLINAIRE - Le modèle interdisciplinaire est figuré dans le schéma n°3. Il représente un idéal

d’actions et d’échanges entre le patient qui se trouve au centre d’un réseau de communication et les acteurs des soins qui sont en interactivité.

Figure 3 MODELE INTERDISCIPLINAIRE

PATIENT Acteurs

PATIENT Acteurs

Page 20: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

226

L’interaction, la communication dans un groupe font partie des préoccupations de toutes les organisations socioprofessionnelles. Le groupe interdisciplinaire qui va se consacrer à la prise en charge de la douleur chronique ou de l’accompagnement et des soins palliatifs doit déjà se définir comme un véritable groupe et non comme une collection d’individus. A ce titre, il existe une interaction entre les membres, le partage de buts communs, des rôles, de normes bien définies et un réseau d’attractions interpersonnelles. La coordination d’un groupe interdisciplinaire représente un élément important. Le « Leadership » doit répondre aux recommandations fonctionnelles suivantes :

1 – créer et encourager un bon climat, 2 – garder le réseau de communication ouvert, 3 – harmoniser les pratiques, 4 – proposer des compromis, 5 – aides à exprimer des sentiments, 6 – établir des standards et des critères, 7 – évaluer et soumettre les résultats pour atteindre un but.

La prise en charge de la douleur chronique, de l’accompagnement et des soins palliatifs en équipe pluridisciplinaire représente une réalité et un modèle qui infiltre peu à peu l’ensemble des pratiques dans ce domaine.

2 – LES ORGANISATIONS D’EQUIPE EN HIERARCHIE DE POUVOIR C’est un modèle pyramidal dépendant et figé qui se retrouve plus volontiers dans le modèle pluridisciplinaire atomique et/ou le modèle transdisciplinaire décrit dans le paragraphe précédent. L’équipe est un ensemble de sujets soumis sous le contrôle d’un élément reconnu, accepté comme chef. Chaque élément de l’équipe est identifié : - par la compétence que lui prête l’élément dominant, - par la fonction que lui attribue l’élément dominant dans son système. Chaque élément de l’équipe ne connaît pas bien la définition des autres qui est une définition par niveaux non individualisés. Il y a généralement méconnaissance du champ de compétences des autres éléments d’un niveau différent du sien. Dans ce système, chaque élément se situe en fonction de l’échelon supérieur : - ce modèle comporte un outil relationnel hiérarchique de pouvoir sur les personnes par un

mode d’échange fondé sur le pouvoir déterminé par l’élément dominant, - ce modèle est confronté à la difficulté de triage de l’information qui génère perte de

temps, perte d’informations par la masse d’informations que chaque élément du groupe transmet de son niveau vers le niveau supérieur. La représentation graphique ci-après (figure 4) présente un exemple d’organigramme de type hiérarchie de pouvoir qui illustre l’atomisation des éléments et la faible probabilité d’une communication de bonne qualité.

Dans la hiérarchie de pouvoir, chaque élément de l’équipe a tendance :

1. A remettre en cause la fonction de l’élément supérieur ; 2. A vivre les crises comme un danger pour lui-même ; 3. A rejeter tout élément déclencheur, car il est vécu dangereux pour la stabilité et la

perpétuation du système ;

Page 21: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

227

4. A ne pas s’interroger sur sa pratique et à vivre l’interrogation de sa pratique par un élément de son niveau sur un mode intrusif, par un élément du niveau supérieur sur un mode persécutif ;

5. A remettre en cause les décisions et à mal les mettre en pratique, car elles ne sont pas porteuses de sens pour lui.

REPRESENTATION GRAPHIQUE D’UN ORGANIGRAMME DE TYPE

HIERARCHIE DE POUVO HIERARCHIE DE POUVOIRIR

Chapitre 2 Directeur du Service de Soins Infirmiers Chapitre 4 Méd

ecins

Infirmier(e)

Chapitre 3 Surveillant(e) Chef

Chapitre 1 Surveillant(e) d’un service

Aide Soignant(e) Aide Soignant(e)

Agent des Services Hospitaliers

Patient Bénévole

? ?

Page 22: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

228

3 – LES ORGANISATIONS D’EQUIPE EN HIERARCHIE DE FONCTION Elles nécessitent le prérequis du fonctionnement dans le modèle de l’interdisciplinarité, que la représentation graphique ci-après (figure 5) révèle dans un organigramme de type hiérarchie de fonction. Dans ce modèle centré sur le patient, on distingue clairement une organisation hiérarchique claire, nécessaire au fonctionnement institutionnel, intégrant des relations fonctionnelles bien définies où chaque élément de l’équipe a le même poids dans l’objectif de qualité pour la réalisation des projets de soins. Ce modèle exige une communication, une écoute. Il facilite le soutien entre chaque membre de l’équipe. Ce modèle fait une place plus grande à la relation sociale en laissant toute sa place à la famille et permet l’intégration de bénévoles. Ce modèle est exigeant car fondé sur l’autonomie de chacun de ses membres corrélée à une responsabilité quant à l’aboutissement des décisions prises consensuellement en terme d’actions et de projets de soins. Une telle organisation ne peut être opérationnelle sans le prérequis de la rédaction consensuelle d’un projet de service fondé sur les valeurs qui réunissent les acteurs de cette équipe et sur des objectifs de qualité de soins partagés.

Page 23: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

229

REPRESENTATION GRAPHIQUE

D’UN ORGANIGRAMME DE TYPE

HIERARCHIE DE HIERARCHIE DE FONCTIONS FONCTIONS

Directeur Administratif

Directeur du Service de Soins

Infirmiers

Médecin-Assistant

Aide-Soignante

Chapitre 6 Surveillante-Chef

Chapitre 5 Médeci-Chef

Surveillante

Famille

Infirmière

A.S.H. Bénévole

Patient

Relation Hiérarchique

Relation fonctionnelle Relation de Soin Relation « Sociale » Relation « Partenariale »

Institution

Sociétéé

Page 24: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

230

4 – LES OBSTACLES AU BON FONCTIONNEMENT D’UNE EQUIPE Lorsqu’on applique au disfonctionnements de l’équipe un modèle d’analyse tel le schéma relation causes-effets d’Ishikawa (modèle ci-joint : figure 6), on peut relever des problèmes selon les cinq pôles du modèle : 1 - Les obstacles liés au malade : - de nombreuses équipes peuvent être mises en difficulté par les projections négatives

que le malade peut renvoyer à l’équipe en refusant ses soins en les critiquant, en portant des accusations sur l’équipe de l’évolution péjorative de sa maladie…

- les équipes fonctionnant de façon atomisée sont souvent en difficulté pour ne pas prendre ces projections au premier degré. La communication propre au fonctionnement des équipes interdisciplinaires permet d’attribuer un autre sens à ce comportement des patients comme l’une des stratégies de faire face qu’ils peuvent mobiliser pour s’affronter à l’épreuve de la maladie. Cela crée des conditions plus favorables à une prise en compte de ce comportement du malade dans le projet de soins.

2 – Les obstacles liés à la main-d’œuvre : L’attention portée ces dernières années aux conditions de travail des soignants a clairement argumenté la problématique de l’épuisement professionnel. Le risque est important pour les soignants fréquemment confrontés à des situations de souffrance de leur patient et des familles de ces patients. Des situations de soins complexes, la confrontation à la douleur mal contrôlée, aux symptômes mal contrôlés, aux tableaux cliniques qui interrogent sur le sens de l’action de soins ou la valeur de la vie du patient sont autant de situations reliées significativement à l’épuisement professionnel et à la souffrance des soignants. Face à la problématique de l’épuisement professionnel, encore appelé « burn out » des modalités de prévention ont fait la preuve de leur efficacité : Toutes les actions de formations continues des professionnels de santé, notamment lorsqu’elles peuvent mettre en œuvre également l’interdisciplinarité, sont un des moteurs puissants du ressourcement des équipes soignantes. De nombreuses études ont pu apporter la preuve du rôle préventif des actions de formations continues. La communication et le partage de l’information tels qu’ils peuvent être idéalement mis en œuvre dans le modèle interdisciplinaire ouvre sur la probabilité plus grande que chaque élément de l’équipe ose prendre la parole pour signifier ses difficultés dans la relation de soins, ce qui en soit, est déjà un élément de réponse à la problématique. L’équipe interdisciplinaire y ajoute l’incidence supplémentaire du soutien informel, interpersonnel que comporte ce modèle. Des organisations plus spécifiques pour faire face à l’épuisement professionnel peuvent être mises en place tels le groupe de parole. L’expérience des groupes de parole et leur devenir renvoie aussi au prérequis de l’organisation en modèle interdisciplinaire. Les études ont pu prouver que dans les autres modèles, la prise de parole d’éléments fonctionnant dans les groupes atomisés ouvre sur la demande que ces groupes soient organisés par groupes professionnels avec refus de la présence des éléments hiérarchiques. Le groupe de parole est à priori un lieu fermé où peut être mis en parole l’indicible, ce qui exige de la part des participants, le consentement tacite à ce que ce qui s’y dit ne sort pas de ce lieu d’échange. Si ces conditions peuvent être réunies dans la mise au travail de l’économie psychique qu’il génère potentiellement, il permet à chaque élément de l’équipe et donc à l’équipe une maturation.

Page 25: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

231

SCHEMA RELATION CAUSE : EFFET

D’ISHI KAWA

Prise en charge Patients en fin de vie

MILIEU MAIN D’OEUVRE MALADE

PRISE

EN CHARGE PATIENT

EN FIN DE VIE

MATERIEL METHODE

Objectif : faire la liste pour les cinq dimensions des obstacles à la prise en charge de d’un patient en fin de vie

Page 26: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

232

3 – Les obstacles liés au milieu : Dans ce domaine, des études ont également montré que les milieux de soins qui fonctionnent sans projet ou dont le projet a été construit exclusivement par l’encadrement sont plus en difficulté pour atteindre des objectifs de qualité que les équipes ou les projets d’établissement et les projets de service ont été construit dans l’interactivité de tous les membres qui concourent au fonctionnement de l’institution ou du service. Les expériences qui s’appuient sur les démarches d’amélioration continue de la qualité (dont ont peut dire schématiquement qu’elles nécessitent « d’écrire ce que l’on fait, de faire ce que l’on a écrit et de vérifier régulièrement qu’on fait bien ce que l’on a écrit »), sous réserve de ne pas devenir procédurier et de se noyer dans les procédures de rédaction de référentiels, de protocoles, de recommandations… est porteuse d’une réelle modification dans les modalités du travailler ensemble pour produire des soins de qualité. 4 – Les obstacles matériels : Est-il besoin de faire la démonstration que des locaux inadaptés, l’accès aux médicaments, aux techniques, la problématique des effectifs et de leur compétence sont autant de difficultés. La projection des équipes soignantes en terme de manque de temps, manque de moyens, manque d’effectifs s’intègrent aussi dans les stratégies de faire face à la souffrance induite par la pratique des soins, en tant que mécanismes de défense. 5 – Les obstacles liés au problème méthodologique : Un des points centraux de ce problème est la question du dossier partagé du malade, notamment avec les évolutions législatives qui donnent aujourd’hui la possibilité plus grande au malade d’accéder directement à son dossier2. Sous l’égide de l’Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation de la Santé, les recommandations, et les modèles d’évaluation sont disponibles pour faire évoluer la qualité du dossier du malade3. Quelques questions ci-après pour bien cibler ce qui revient le plus régulièrement à la question : Comment passer des modèles scolaires d’évaluation des besoins du patient, de la douleur, des symptômes… à des modalités pratiques dans les soins de tous les jours qui soient le moins chronophage possible et qui comportent l’idée de garder une trace accessible à tous les membres de l’équipe soignante ?

Comment passer de la nécessité de garder une trace écrite de ce que l’on apprend au jour le jour du patient, de sa famille, de sa maladie…? Si tout le monde est convaincu de la nécessité de tenir une observation cursive dans le dossier du malade, la difficulté est d’aller vers des transmissions ciblées où seuls les faits nouveaux nécessitant une réflexion et de nouvelles décisions doivent être mis en exergue.

Comment assurer la confidentialité quant au contenu du dossier, lorsque ce dossier est unique et accessible à tous les membres de l’équipe interdisciplinaire, sans que cela ne soit une source de limitation matérielle supplémentaire ? 2 Loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. 3 ANAES. Recommandations pour la tenue du dossier de soins infirmiers du malade à domicile. Juin 1997.

Page 27: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

233

5 – LES DIFFERENTES MODALITES DE MISE EN ŒUVRE DE L’INTERDISCIPLINARITE EN SOINS PALLIATIFS

La circulaire précitée, du 25 mars 2008 relative à l'organisation des soins palliatifs décline des référentiels d’organisation des différentes structures concourrantes à la mise en oeuvre de la démarche palliative. 5 – 1 Les Unités de Soins Palliatifs 1 – Leur histoire : Les Unités de Soins Palliatifs ont vu le jour au Canada à l’initiative d’un des pionniers des Soins Palliatifs Balfour Mount qui a créé la première Unité de Soins Palliatifs à l’Hôpital Royal Victoria après un séjour au St Christopher’s Hospice de Londres dans l’intentionnalité de réintroduire l’accompagnement et les soins palliatifs dans la continuité des soins en milieu institutionnel. En 1987, le Docteur Maurice Abiven ouvre la première Unité de Soins Palliatifs au sein de l’Hôpital International de la cité Universitaire (aujourd’hui Institut Mutualiste Montsouris). Comme il l’explique dans son livre Pour une mort plus humaine4 il s’inspire du modèle canadien qui préfère, à la formule de l’hospice privé, celle des petites unités d’une dizaine de lits semblables aux Unités de Réanimation, dans les groupes hospitaliers. Néanmoins, en France, compte tenu de l’orientation prise progressivement après le rapport du Docteur Henri Delbecque5 faisant un état des lieux de mise en place de l’accompagnement et des soins palliatifs en application de la réforme de la loi hospitalière de 1991, (dans la perspective d’aller plutôt vers la continuité des soins), le choix a été fait de ne développer qu’un petit nombre d’Unités de Soins Palliatifs, si possible dans les CHU, dans la perspective qu’elles soient un lieu de référence pour la pratique, la recherche et surtout la formation des professionnels de santé. Le pendant de cette politique est de développer préférentiellement des équipes mobiles pour apporter un soutien, des compétences, des actions de formation aux équipes confrontées à la problématique de l’accompagnement et des soins palliatifs. 2 – référentiel d’organisation des soins relatif aux unités de soins palliatifs - définition : les unités de soins palliatifs sont des unités spécialisées qui ont une activité spécifique exclusive en soins palliatifs. Elles accueillent de façon temporaire ou permanente, toute personne atteinte de maladie grave, évolutive, mettant en jeu le pronostic vital, en phase avancée ou terminale, lorsque la prise en charge nécessite l'intervention d'une équipe pluridisciplinaire ayant des compétences spécifiques. - missions : les unités de soins palliatifs, constituant un élément essentiel du maillage de l'offre régionale de soins palliatifs, ont vocation à participer à son organisation et assurent une triple mission :

4 ABIVEN M. Pour une mort plus humaine. Inter Editions. 1997. 5 DELBECQUE H. Les Soins Palliatifs et l’accompagnement des malades en fin de vie. Paris. Ministère de la Santé et de l’Action Humanitaire, La Documentation Française. 1993.

Page 28: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

234

• de soins et d'accompagnement complexes et de recours : elles accueillent les situations les plus complexes qui ne peuvent plus être suivies à domicile, en établissement médico-social, ou dans leurs services hospitaliers d'origine ;

• de formation tant dans le champ de la formation initiale que de la formation continue (notamment des référents en soins palliatifs), elles accueillent et accompagnent des stagiaires, elles participent au fonctionnement d'espace éthique et d'un centre de référence et de documentation ;

• de recherche et de ressources tant dans le champ de la recherche clinique et thérapeutique que dans celui des sciences humaines et sociales, de la pédagogie et de la santé publique.

- Organisation : critères d'admission : lorsque que la charge en soins est trop lourde, lorsque les équipes prenant en charge le patient ont besoin de prendre du recul, lorsque la personne malade présente une détérioration majeure de sa qualité de vie, soit en raison de l'intensité ou de l’instabilité des symptômes, soit en raison d'une souffrance majeure, lorsqu'il existe un questionnement difficile dans le champ de l'éthique.

C'est la multiplicité des critères qui définit la complexité justifiant l'indication d'une admission en unité de soins palliatifs. - Coopération : les unités de soins palliatifs ont vocation à intégrer naturellement un réseau de soins palliatifs dans leur territoire. Elles contribuent à la permanence téléphonique pour conseils aux médecins traitants, aux référents hospitaliers, aux infirmières libérales ou hospitalières ayant en charge un malade relevant de la démarche palliative. Elles développent des liens étroits avec les services disposant de lits identifiés. La collaboration avec des bénévoles d’accompagnement est conditionnée par la signature d'une convention entre l'association et l'établissement de santé. - Critères d'implantation : Chaque région doit comporter au minimum une unité de soins palliatifs située dans un CHU ou dans un établissement autorisé ayant une activité en cancérologie. - Moyens de fonctionnement : Il est recommandé qu'une unité de soins palliatifs dispose au minimum d'une capacité de 10 lits. Les personnels sont recrutés sur la base du volontariat. La prévention de leur épuisement professionnel doit être organisée (groupe de paroles ou tout autres organisations). Ils doivent avoir reçu une formation de type approfondissement en soins palliatif ou être titulaire d'un diplôme universitaire ou d’un diplôme interuniversitaire de soins palliatifs. Il est souhaitable qu'un membre de l'équipe ait une expérience de formateurs ou ait bénéficié d'une formation de formateurs. Les formations spécifiques dans la dimension éthique, l'évaluation et le traitement de la douleur doivent être également favorisées. - Moyens matériels spécifiques : les unités de soins palliatifs doivent pouvoir mettre des chambres individuelles à disposition des patients et être en mesure de disposer de lits d'appoint pour les proches. Il est nécessaire de disposer d'une pièce d'accueil et ou de repos pour les proches, d'un lieu pour les bénévoles d’accompagnement, ainsi que de locaux de réunion destinés notamment aux entretiens avec les proches et aux réunions de l'équipe. 5 – 2 Les Equipes Mobiles de Soins Palliatifs intra-hospitalières 1- définition : Outre l’attachement à la continuité des soins qui ont présidé à leur mise en place, les équipes mobiles ne sont pas sans lien avec « l’inconvénient » des Unités de Soins Palliatifs. La représentation que se fait aujourd’hui l’opinion publique et bien entendue, on va le retrouver chez les malades et leurs proches, c’est qu’elles font figure de mouroir. Le mot « palliatif » prend aujourd’hui un tour redoutable, au point que la plupart du temps, on n’ose pas le présenter comme tel. Combien de fois entendons-nous dire de la part des patients ou des familles qu’ils se croient dans une maison de repos, voire de convalescence. Nous

Page 29: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

235

entendons aussi des patients et des familles dire combien ils ont mal vécu le transfert dans l’Unité de Soins Palliatifs, se sentant abandonnés de l’équipe en laquelle ils avaient mis toute leur confiance. C’est donc aussi pour prendre en compte ces difficultés que se justifient les équipes mobiles de Soins Palliatifs. L'équipe mobile de soins palliatifs est une équipe multidisciplinaire et pluriprofessionnelle, rattachée à un établissement de santé, qui se déplace au lit du malade et auprès des soignants, à la demande des professionnels de l'établissement de santé. Ses membres ne pratiquent, en principe, pas directement d'actes de soins, la responsabilité de ceux-ci incombe au médecin qui a la charge de la personne malade dans le service ou qui a fait appel à l'équipe mobile. 2- référentiel d’organisation des soins relatif aux équipes mobiles de soins palliatifs. - missions : l'équipe mobile a pour but de faciliter la mise en place de la démarche palliative et d'accompagnement dans les services d’hospitalisation, qui disposent ou non de lits identifiés de soins palliatifs. Elle participe à la continuité des soins palliatifs au sein de l'établissement et au sein du territoire qu'elle dessert lorsqu’elle intervient à l'extérieur de l'établissement notamment en EHPAD. Elle participe à la permanence téléphonique. - Objectifs opérationnels :

• mettre en oeuvre des actions de conseil, de soutien, et de concertation auprès des professionnels et équipes référents ;

• assurer le soutien psychologique et où social des proches pendant la maladie ou après le décès ;

• mettre en oeuvre des actions de formation et de recherche. - Organisation et fonctionnement :

• placée sous la responsabilité d'un médecin qui en assure la coordination, elle respecte deux principes majeurs : le travail en équipe pluridisciplinaire et le principe de non substitution ;

• elle intervient sur la demande d'un patient, de sa famille, d'une équipe soignante après validation par le référent médical du patient ;

• elle collabore avec les lits identifiés de l'établissement, les unités de soins palliatifs et les réseaux de santé.

- moyens de fonctionnement : l'équipe comporte du temps de médecin, d'infirmière, de psychologue et de secrétaire ; du temps de cadre infirmier, de kinésithérapeute, d'assistants de service social est souhaitable. Ils doivent avoir une formation spécifique en soins palliatifs et si possible une expérience professionnelle dans ce champ. Le personnel et recruté sur la base du volontariat et fait l'objet de mesures de prévention de l'épuisement professionnel et de formation continue. -moyens matériels : l'équipe mobile dispose de locaux suffisants pour permettre à l'équipe d'assurer ses différentes missions, travail pluridisciplinaire, préparation de formations, et notamment d'un secrétariat et d'un espace pour permettre l'accueil des entretiens avec les proches. 5 – 3 les lits identifiés en soins palliatifs

1. Définition : les lits identifiés de soins palliatifs se situent dans des services qui sont confrontés à des fins de vie ou des décès fréquents, mais dont l'activité n'est pas exclusivement consacrée aux soins palliatifs. L'individualisation de lits identifiés au sein d'un service ou d'une autre unité de soins permet d'optimiser son organisation pour apporter une réponse plus adaptée à des patients qui relèvent de soins palliatifs et d'un accompagnement, comme à leurs proches.

2. Référentiel d'organisation des soins relatif aux lits identifiés de soins palliatifs :

- missions : • ils permettent d'assurer la prise en charge de patients dont l'état nécessite des soins

palliatifs, sans se trouver pour autant dans une situation trop complexe.

Page 30: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

236

• Ils font appel à des équipes médicales et paramédicales formées aux techniques de prise en charge palliative et mettent en oeuvre, dans un cadre adapté, les recommandations de bonnes pratiques en matière de soins palliatifs.

• Une attention particulière est portée au respect des corps des patients décédés. - organisation :

• ils s'inscrivent dans une organisation graduée des soins palliatifs et se conçoivent dans un esprit de mutualisation des compétences et des moyens.

• ils ont vocation à participer à un réseau de santé de soins palliatifs, de cancérologie ou de gérontologie.

• un référent soins palliatif médecin et un référent soignant sont identifiés dans le service concerné. Ils ont un rôle particulier en matière de coordination.

• l’admission doit s'appuyer sur une évaluation globale médico- psycho-sociale du patient. Elle donne lieu à un projet de soins individualisés, évolutif, inscrit dans le dossier médical.

• ils doivent pouvoir bénéficier de l'intervention intra ou interhospitalière d’une équipe mobile de soins palliatifs.

• la présence de bénévoles d’accompagnement est conditionnée par la signature préalable d'une convention.

• ils peuvent relever d'une activité de court séjour, de moyen séjour ou de soins de longue durée.

- moyens de fonctionnement : • les lits identifiés bénéficient d'un ratio de personnel majoré afin de mettre en oeuvre

les missions spécifiques liées à l'accompagnement de la fin de vie. (Augmentation du ratio d'infirmiers ou d’aide soignantes de 0.30 E. T. P. par rapport au lit standard)

• l’ensemble des personnel a reçu une formation en soins palliatifs et connaît la démarche palliative. Le ou les référents soins palliatifs doivent avoir une expérience pratique, s'inscrire dans une démarche de formation continue, et être titulaire d'un diplôme de type interuniversitaire.

• les établissements disposant de ses lits doivent pouvoir mettre des chambres individuelles à disposition des patients concernés et être en mesure de disposer d'un lit d'appoint pour les proches. il est nécessaire de disposer d'une pièce d'accueil ou de repos pour les proches et de disposer de locaux pour les bénévoles accompagnements, les réunions destinées aux entretiens avec les proches et de l'équipe.

5 – 4 Le fonctionnement en réseau De nombreux textes ont régi ces dernières années l’organisation des soins en réseau. Une circulaire du 25 mars 2008 relative au référentiel national d'organisation des réseaux de santé en soins palliatifs, donne un cadre précis à sa mise en oeuvre L’intentionnalité est que les Soins Palliatifs doivent progressivement s’intégrer dans la pratique de tous les soignants à domicile comme en établissement de santé en insistant sur la complémentarité des actions entre le domicile et l’hôpital pour assurer la continuité et la qualité de la prise en charge : « les réseaux de santé de soins palliatifs s’adressent à toute personne, quel que soit son âge, atteinte d’une maladie grave évolutive ou mettant en jeu le pronostic vital, en phase avancée ou terminale, ainsi qu'à ses proches » 1 – Les principes généraux d’organisation : Afin d’appliquer le droit d'accès à la démarche palliative sur l’ensemble du territoire national, les Agences Régionales de l'Hospitalisation élaborent obligatoirement un volet spécifique aux Soins Palliatifs dans les schémas régionaux d’organisation sanitaire. Les ARH veillent en particulier, à susciter, à appuyer, à financer les différentes composantes de l’offre de soins telles que définies dans la circulaire sur la base de diagnostics régionaux et d’une organisation définie en fonction des besoins du malade et en lien avec les unions régionales des caisses d’assurance maladie.

Page 31: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

237

Les réseaux de Soins Palliatifs, comme tous les réseaux de santé, constituent une forme organisée d’action collective apportée par des professionnels en réponse à un besoin de santé des individus ou des populations, à un moment donné, sur un territoire donné. Ils peuvent être selon les cas, locaux, départementaux ou régionaux et prennent en compte la dimension de proximité. 2 – Les missions et le fonctionnement des réseaux : Conseil – soutien – appui des intervenants à domicile Le réseau organise un soutien des soignants qui le demande, ponctuellement ou dans le cadre de formation action, en apportant dans des situations difficiles une aide efficace à la décision et au retour et au maintien à domicile. Continuité des Soins Elle doit être assurée 24 h sur 24 par le réseau grâce notamment à une coordination entre les structures qui la compose. Elle permet de pourvoir au remplacement des acteurs de l’équipe à domicile en cas d’absence. En cas de difficulté pour assurer la permanence et la continuité des soins, le recours à l’hospitalisation peut être retenu avec l’accord de la personne malade ou de son entourage. Coordination Le réseau doit mettre en place une coordination entre l’ensemble des intervenants, y compris les bénévoles, les structures de santé qui prennent en charge les personnes en fin de vie. Cette mission peut prendre la forme d’une équipe de coordination qui créée notamment les liens entre le domicile et l’hôpital. Formation continue des acteurs et des équipes Le réseau doit proposer un système de formation continue à tous les acteurs potentiels du réseau. Trois types de formation peuvent être développés : formation multidisciplinaire à l’apprentissage du travail en réseau, qui doit permettre au membre de s’approprier la dynamique du réseau, formation aux soins palliatifs avec discussion de cas clinique et réflexions sur l’analyse des pratiques, et formation action et soutien des soignants qui permet d’établir un lien direct avec les soignants. Communication et système d’information Le réseau doit proposer un système d’information facilitant la communication entre les acteurs impliqués dans la prise en charge du patient qui passe par : des cahiers de liaison, des échelles d’évaluation des symptômes si possible commun et qui suivront la personne malade sur toute sa trajectoire, un système de permanence téléphonique pour les urgences et conseils, et enfin, un réseau de communication permettant la transmission de dossiers et facilitant conseils, informations et formation. Le réseau a enfin la mission de mettre en place sa propre évaluation pour vérifier si les objectifs du réseau sont atteints, si les procédures utilisées pour atteindre ces objectifs sont les plus adaptés. La finalité de l’évaluation est de permettre l’adaptabilité du réseau, son évolutivité. Dans la mesure du possible, le cahier des charges et les indicateurs permettant l’évaluation seront déterminés en accord entre les acteurs de soins, les représentants des usagers de la santé et les représentants de l’Agence Régionale de l'Hospitalisation et de l’Union Régionale des Caisses d’Assurance Maladie. Une évaluation externe, sera mise en place dès lors qu’un financement lui sera consacré. 3. Organisation générale du réseau :

• l'aire géographique du réseau est dimensionnée pour permettre l'inclusion d'environ 150 patients par an, en cohérence avec les orientations définies par le SROSS et les projets médicaux de territoire ;

• l'équipe opérationnelle de coordination assure deux fonctions distinctes, l'une tournée vers le pilotage du réseau et l'autre tournée vers la coordination des soins ;

• la coordination des soins repose sur des équipes d'appuis qui interviennent autant que de besoin au lieu de vie du patient. Elles ne se substituent en aucun cas aux professionnels de proximité autour du patient ;

Page 32: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

238

• le réseau définit des modalités de coordination pluridisciplinaire entre les intervenants et les formalise au sein de la charte du réseau ;

• l'inclusion des patients est décidée par le réseau lui-même après consentement du patient, de ses proches, en concertation avec le médecin traitant ;

• le patient peut être amené à désigner une personne de confiance et /ou à rédiger des directives anticipées ;

• le réseau doit au minimum disposer d'un dossier patient sanitaire et médico-social partagé, prenant en compte le rôle des et aidants. Ce dossier est tenu à jour par les différents intervenants. Le consentement éclairé du patient est recueilli pour toute diffusion ou utilisation d'informations le concernant.

• Pour chaque personne incluse dans le réseau, un plan personnalisé d'intervention est établi et versé au dossier, il permet :

d'élaborer un projet de soins personnalisé et de veiller à sa mise en oeuvre, de mettre en place un plan d'aide sociale et de veiller à sa mise en oeuvre, d'organiser les soins, dans un objectif de continuité, de qualité, de

permanence et de cohérence, de s'assurer de l'efficacité des liens et des échanges entre acteurs du

domicile, institutions sanitaire, médico-sociale et sociale, et l'équipe opérationnelle de coordination ;

• les réseaux de soins palliatifs doivent rechercher une complémentarité avec les autres réseaux de territoire notamment douleur, cancérologie et personne âgée ;

• les réseaux sont articulés avec les autre dispositif de la démarche palliative : unité de soins palliatifs, lits identifiés, équipes mobiles et hospitalisation à domicile ;

• les réseaux disposent au minimum de temps de médecin et d'infirmière coordonateur, de psychologue, d'assistante de service social et de secrétariat. L’ensemble des professionnels à une expérience, une formation spécifique en soins palliatifs et bénéficie d'une démarche de prévention de l'épuisement professionnel et de formation continue ;

• le financement des réseaux relève du fonds d'intervention de la qualité de la continuité des soins.

Page 33: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

239

CHAPITRE III SAVOIR EVALUER LES SOUFFRANCES PHYSIQUES ET MORALES CHEZ UN

MALADE EN FIN DE VIE ETHIQUE ET DECISION EN FIN DE VIE

Plan du Chapitre pages 3-1 Souffrance physique : La place de la douleur dans l’accompagnement des patients en fin de vie 240 3.1.1 Rappel des bases neurophysiologiques 3.1.2 Rappel des principes d’évaluation de la douleur 3.1.3 Echelle de prise en charge de la douleur cancéreuse de l’OMS 242

1- Les recommandations de bonnes pratiques du groupe expert de l’Association Européenne de Soins Palliatifs

2- Les stratégies thérapeutiques 3- Traitement s médicamenteux : Les paliers d’analgésiques pour le

traitements de la douleur cancéreuses 3.1.4 Les recommandations de bonnes pratiques du groupe expert de l’Association

Européenne de soins palliatifs 243

3-2 Le concept de souffrance totale 245 3.2.1 Définition 3.2.2 La souffrance spirituelle 246 3.2.3 La souffrance sociale 247 3.2.4 La souffrance mentale 248 3.2.5 La souffrance de l’équipe soignante 3-3 Éthique et décisions en fin de vie 251 3.1 Introduction 3.2 L’acharnement thérapeutique

3.2.1 Définition 3.2.2 La renonciation à l’acharnement thérapeutique : positions déontologiques 252

3-3 L’euthanasie 3.3.1 Définition 3.3.2 Le code déontologique 253 3.3.3 L’euthanasie et les missions de porter secours 3.3.4 L’euthanasie peut être qualifiée de meurtre 254 3.3.5 L’euthanasie et le droit de mourir dignement 255 3.3.6 L’exception d’euthanasie 256 3.3.7 Les décisions de limitation et d’arrêt de soins

3- 4 Repères pour une prise de décision dans les situations difficiles de fin de vie 258

3.4.1 Introduction 3.4.2 Les repères déontologiques 3.4.3 Les repères pragmatiques de la décision 3.4.4 Le concept d’éthique clinique 261

Page 34: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

240

CHAPITRE III SAVOIR EVALUER LES SOUFFRANCES PHYSIQUES ET MORALES CHEZ UN

MALADE EN FIN DE VIE ETHIQUE ET DECISION EN FIN DE VIE

Docteur Thierry MARMET – Chef de Service – CRASP- HJD 3.1. Souffrance Physique : La place de la douleur dans l’accompagnement des patients en fin de vie 3.1.1. Rappel des bases neurophysiologiques Il est exceptionnel que dans l’accompagnement d’un patient en fin de vie, la douleur physique soit absente. Les différents mécanismes de la douleur physique peuvent être à l’œuvre :

- La douleur par excès de nociception lorsqu’il y a une lésion tissulaire. - Les douleurs neuropathiques lorsqu’il existe une ou des lésions sur les neurones

des voies de la douleur. Il convient ici d’attirer l’attention sur la situation de la cancérologie. Les traitements et le génie propre évolutif des cellules cancéreuses sont propres à créer les conditions de l’émergence d’une douleur neuropathique : la chirurgie, la radiothérapie, la chimiothérapie sont potentiellement agressives pour les neurones de la douleur ; dans son génie évolutif, la maladie cancéreuse par compression, infiltration, envahissement médullaire peut potentiellement créer des douleurs neuropathiques.

- Le mécanisme des douleurs psychogène est également très présent dans les situations de fin de vie. Il n’est pas exceptionnel qu’il mobilise le souvenir de situations douloureuses vécues par des membres proches du patient. Il est aussi habituel au travers d’un interrogatoire fin, de mettre en évidence la résurgence d’une douleur que l’on peut qualifier « cicatricielle » d’une expérience douloureuse vécue antérieurement par le patient. On peut alors la qualifier de lésion potentielle puisque l’imagerie et la clinique ne peuvent valider la réalité de lésions tissulaires à ce moment là. C’est par exemple, le cas d’une douleur qui réapparaît dans le territoire où un patient à fait vingt auparavant un zona ; il n’avait eu aucune des douleurs classiques post-zostériennes ; à l’occasion d’une tumeur cérébrale sans aucun rapport avec le territoire incriminé, il va développer un tableau douloureux dans le métamère concerné. Mais bien souvent il s’agit d’une douleur siné-matéria qui nécessitera une attention particulière dans sa prise en charge, dans la mesure où elle ne relève pas des thérapeutiques médicamenteuses antalgiques habituelles, mais essentiellement d’une approche psycho-comportementale.

3.1.2. Rappel des principes d’évaluation de la douleur Nous ne reprendrons pas ici en détail l’ensemble des connaissances et des modèles mis en œuvre dans l’évaluation de la douleur mais nous tenterons de proposer une synthèse pratique opérationnelle dans l’accompagnement des patients en fin de vie. 1 : L’évaluation initiale de la plainte douloureuse : elle doit répondre aux cinq classiques questions de la démarche de résolution de problème : où le patient a-t-il mal ? quand a-t-il mal ? comment a-t-il mal ? combien a-t-il mal ? et pourquoi a-t-il mal ? :

Page 35: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

241

- A la réponse « où » qui doit préciser le siège et l’irradiation de la douleur, la réponse peut mobiliser le schéma du corps où le patient dessine lui-même les siège de sa ou ses douleurs, leurs irradiations, leurs superficialités ou leurs profondeurs.

- A la question « quand » il s’agit non seulement de faire un calendrier de la douleur dans la journée, dans la semaine où dans le temps plus généralement mais également de créer les conditions de le relier à des évènements qu’il augmentent ou la diminuent.

Le principe de la feuille de surveillance horaire laissée à la disposition des patients compétents ou remplie régulièrement par l’équipe soignante dans les autres situations, semble l’outil le plus approprié pour répondre à cette question.

- La question « comment » comporte au moins quatre facettes : • Les mots qu’emplois le patient pour décrire sa douleur : bien entendu, on peut

mobiliser les questionnaires de vocabulaire mais il y a surtout une attention à porter à l’utilisation de tous les mots qui peuvent d’une part décliner les douleurs neuropathiques (toutes les variations autour de la sensation de brûlures, de dysesthésies, de fulgurances…) et les maux qui réfèrent à un retentissement émotionnel à la douleur (notamment dans le registre de la dépression).

• Le retentissement de la douleur sur les actes de la vie quotidienne en soulignant qu’ils servent de support à toutes les échelles d’hétéro-évaluation.

• Le retentissement de la douleur en terme de comportement : on retrouve également ces critères dans les échelles d’hétéro-évaluation. En pratique ambulatoire, cinq paramètres sont particulièrement fondateur de l’hypothèse que le patient est douloureux : la crispation de son front, la crispation de ses mâchoires, la recherche d’une attitude antalgique, l’anticipation anxieuse des soins potentiellement douloureux, et la plainte. Dans la pratique des Soins Palliatifs où la réalisation systématique des échelles d’hétéro-évaluation pour les patients dans l’incapacité de s’exprimer est très chronophage, il est entendu, lorsque nous faisons une prescription anticipée protocolisée et singularisée pour chaque patient que si ces critères sont présents, le patient accède à une dose supplémentaire d’antalgiques appelée entredose.

• La réponse « comment » doit aussi s’attacher à repérer les signes d’accompagnement du tableau douloureux en terme d’asthénie, d’insomnie, de peur, de nausée, de constipation, de dyspnée…

- La réponse « combien » relève de deux modalités d’évaluation : • D’une part, en mobilisant les échelles d’autoévaluation pour les patients

compétents : bien entendu, en priorité, l’échelle visuelle analogue et en cas d’impossibilité d’utilisation, les échelles numériques ou de vocabulaires simples.

• D’autre part, les échelles d’hétéroévaluation validées (échelle de l’IGR pour les enfants, échelle San Salvadou pour les patients handicapés mentaux, échelle ECPA, Doloplus 2 pour les personnes âgées non communicantes) ou simplifiées telles que décrites ci-dessus. Il est indispensable de croiser l’autoévaluation et l’hétéroévaluation de l’intensité de la douleur qui donne également une appréciation des composantes psychogènes des comportements douloureux.

- A la question « pourquoi », il s’agit de formuler l’hypothèse des composantes nociceptives, neuropathiques ou psychogène du comportement douloureux fondatrice de la décision thérapeutique à mettre en œuvre mais aussi de préciser l’éventuelle intrication avec les autres composantes de la souffrance au plan psychique, sociale et spirituel comme nous le détaillerons ci-après.

2 : L’évaluation de la douleur à la phase de titration des besoins en antalgiques et une fois l’équilibre antalgique atteint :

Page 36: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

242

A la phase de titration, l’évaluation doit être attentive, régulière, rigoureuse. Elle doit faire systématiquement l’objet d’une feuille de surveillance. Bien entendu, les indicateurs de l’intensité de la douleur tant en auto qu’en hétéroévaluation sont ici les critères les plus pertinents pour assurer le suivi tout en gardant des liens étroits avec le temps, le retentissement sur les actes de la vie quotidienne et la survenue d’effets secondaires. Les supports de surveillance doivent intégrer ces différentes dimensions. 3.1.3. Echelle de prise en charge de la douleur cancéreuse de l’OMS6 En 1982, une consultation de l’OMS s’est tenue à Milan en Italie. Elle a réuni un groupe d’experts sur le traitement de la douleur cancéreuse. Ils appartenaient à des spécialités comme l’anesthésiologie, la neurologie, la neurochirurgie, les soins infirmiers, l’oncologie, la pharmacologie, la psychologie et la chirurgie. Ils ont préparé un premier exposé sur les directives concernant le traitement de la douleur cancéreuse. Ces directives exprimaient un avis unanime, à savoir qu’en utilisant un nombre limité de médicaments, il était tout à fait possible de soulager la douleur chez la majorité des cancéreux dans le monde. Des études sur la possibilité d’appliquer ces directives et sur leur efficacité ont commencé dans un certains nombres de pays ayant différents systèmes de soins de santé sous la direction de l’OMS et du Centre collaborateur OMS pour le traitement de la douleur cancéreuse à l’Institut National de Cancérologie de Milan. Les directives sur la prise en charge de la douleur cancéreuse ont pris corps après une réunion de l’OMS sur le traitement global de la douleur cancéreuse qui s’est tenu à Genève en décembre 1984. 1 : Les recommandations de l’OMS pour l’évaluation de la douleur cancéreuse : 1. Croire les plaintes du malade concernant sa douleur ; 2. Evaluer la sévérité de la douleur du malade ; 3. Evaluer l’état psychologique du malade ; 4. Analyser en détail les plaintes concernant la douleur ; 5. Effectuer un examen physique complet ; 6. Ordonner et contrôler personnellement toutes les investigations diagnostiques

nécessaires ; 7. Envisager d’autre méthode de traitement de la douleur pendant le bilan initial ; 8. Evaluer le degré de soulagement de la douleur après le début du traitement. 2 : Les stratégies thérapeutiques reposent sur la série de principes ci-après : 1. La dose d’analgésique devrait être déterminée d’après les besoins individuels ; 2. L’emploi de médications orales est préférable ; 3. L’insomnie doit être vigoureusement traitée ; 4. Les effets secondaires doivent être systématiquement traités ; 5. Des médicaments adjuvants sont nécessaires chez certains malades (principe de la

coanalgésie) ; 6. L’évolution du malade doit être soigneusement surveillée. 3 : Traitements médicamenteux : les paliers d’analgésiques pour le traitement de la douleur cancéreuse : L’emploi des analgésiques est l’élément fondamental du traitement de la douleur cancéreuse ; utilisés correctement, ils sont efficaces chez un fort pourcentage de malades. Il est suggéré de suivre trois paliers successifs : 1. L’utilisation des antalgiques non opioïdes avec la mobilisation d’éventuels adjuvants co-

antalgiques. Les antalgiques non opioïdes sont en premier ligne le Paracétamol puis l’Aspirine et les anti-inflammatoires. La Noramidopyrine douée d’une activité antalgique

6 Traitement de la douleur cancéreuse. Organisation Mondiale de la Santé. Genève. 1987 (disponible Librairie Arnette 2, rue Casimir-Delevigne – 75006 Paris).

Page 37: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

243

très significative compte tenu de ses effets secondaires ne sera mobilisée que si ces effets sont proportionnés à la situation pronostique du patient, dans la mesure où la Noramidopyrine s’avère un coanalgésique puissant dans les douleurs des viscères et organes digestifs. En ce qui concerne la coanalgésie, on entend par là, la mobilisation en co-prescription de certains médicaments psychotropes mais également de techniques spécifiques comme la chirurgie, la radiothérapie, la chimiothérapie à visée antalgique. Il s’agit également de la mobilisation de toutes les techniques qui peuvent contribuer au confort du patient : kinésithérapie, ergothérapie, relaxation, sophrologie,…

2. En cas d’inefficacité du palier 1, sont mobilisés les opioïdes faibles. Nous disposons de trois types de molécule : la codéine, le dextropropoxyphène, le tramadol, en soulignant que seul le tramadol existe sous une forme injectable. La codéine et le tramadol existent sous des formes à libération prolongées. Dans ce deuxième palier, il est possible d’associer aux opioïdes faibles, des non opioïdes en particulier le paracétamol qui est souvent associé aux molécules précitées. Dans ce même palier, la mobilisation de la coanalgésie à bien entendu toute sa place.

3. En cas de contrôle insatisfaisant au palier 2, il convient de mobiliser les opioïdes forts. La panoplie des opioïdes forts disponibles en France s’est actuellement élargie outre l’accès à la morphine sous toutes les formes possibles orale, à libération immédiate et prolongée et injectable. Sont arrivés sur le marché français d’Hydromorphone(forme LP exclusive) et l’Oxycodone (formes LP, LI et injectable) qui sont venues compléter la présence du Fentanyl qui existe sous forme de patch à libération prolongée sur 72 h et plus récemment sous forme à libération immédiate par voie transmuqueuse. Cette panoplie devrait s’enrichir probablement de la méthadone compte tenu des effets limitant l’hyperalgésie propre à cette molécule. Là encore, la mobilisation des non opioïdes et en particulier le paracétamol obéit à des principes de coanalgésie. Bien entendu, toutes les autres formes de coanalgésie concourent à la qualité et à l’efficacité de la prise en charge.

4. Bien que l’échelle de l’OMS n’ait que 3 marches, il est un petit nombre de situations qui ne sont pas contrôlées par cette approche et qui relèvent d’une approche interdisciplinaire telles qu’elles peuvent être mises en œuvre dans les centres d’évaluation et de traitement de la douleur. Cette évaluation pluridisciplinaire peut conduire à mobiliser si les décisions sont proportionnées avec l’état pronostique du patient des techniques neurochirurgicales notamment en terme de neurostimulations et plus exceptionnellement d’interruption des voies de la douleur.

3.1.4. Les recommandations de bonnes pratiques du groupe expert de l’Association Européenne de Soins Palliatifs La grande majorité des douleurs dues au cancer répondent à des traitements pharmacologiques qui utilisent des antalgiques administrés par voie orale, en association avec des médicaments adjuvants. Ce traitement est basé sur les recommandations de l’OMS : une échelle propose une augmentation progressive, étape par étape des antalgiques. Il s’agit plus d’un concept que d’un protocole rigide et non modifiable (OMS, 1986). Ce schéma thérapeutique permet une très grande flexibilité dans le choix des médicaments, et l’échelle de l’OMS doit être surtout considérée comme une stratégie de prise en charge de la douleur due au cancer. Cette prise en charge symptomatique est intégrée dans le traitement spécifique de la maladie et avec les techniques non médicamenteuses. 1/ La morphine est l’opioïde à utiliser en première intention pour traiter la douleur modérée ou sévère du cancer.

Page 38: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

244

2/ La voie orale est la voie de référence pour administrer la morphine. Dans l’idéal, 2 formes galéniques sont requises : une forme à libération normale (pour déterminer la dose d’équilibre) et une autre forme à libération modifiée (pour le traitement de fond). 3/ Il est plus simple d’effectuer une titration en administrant de la morphine à libération normale toutes les 4 heures et en donnant la même dose pour les accès douloureux paroxystiques. Cette entredose « de secours » peut être administrée aussi souvent que le patient en a besoin (jusqu’à 1 fois par heure) ; il convient donc de réévaluer la dose de base tous les jours. La dose de fond doit alors être ajustée de manière à incorporer le total des entredoses de morphine. 4/ Si la douleur revient constamment avant que la dose suivante n’ait été donnée, la dose de base doit être augmentée. En général, des doses de morphine à libération normale ne doivent pas être prescrites plus souvent que toutes les 4 heures. Il ne faut pas administrer les morphines à libération modifiées plus souvent que toutes les 12 ou 24 heures (en fonction de la durée d’action de chaque produit). Lorsque les patients sont stabilisés avec une dose régulière de morphine par voie orale ils doivent toujours pouvoir accéder à des entredoses de secours pour calmer les accès de douleurs aiguës paroxystiques. 5/ Dans plusieurs pays, la morphine à libération normale n’est pas disponible, et bien que son utilisation soit préférable pour obtenir un soulagement optimal de la douleur, une stratégie différente est recommandée, en débutant le traitement avec de la morphine à libération modifiée. L’intervalle entre les adaptations de la dose doit être espacé d’au moins 48 heures ce qui rallonge la phase de titration. 6/ Les patients qui reçoivent de la morphine à libération normale toutes les 4 heures peuvent prendre une double dose au coucher. Cela s’avère être un moyen simple et effectif, qui évite que le patient ne soit réveillé par la douleur. 7/ Il existe plusieurs formes galéniques de morphine à libération modifiée. A ce jour aucune étude ne permet de dire qu’il y a une différence substantielle dans la durée d’action, l’efficacité ou la puissance entre les comprimés, les gélules ou les solutions liquides de morphine à libération modifiée sur 12 heures. Cette pratique semble être valable pour les formes modifiées sur 24 heures. 8/ Lorsque les patients ne peuvent pas prendre la morphine par voie orale, la voie sous-cutanée est choisie en premier. En général, il n’y a aucune indication à donner de la morphine par voie intramusculaire aux patients atteints de douleur chronique puisque l’administration par voie sous-cutanée est plus simple et moins douloureuse. 9/ Le rapport d’équianalgésie entre la morphine par voie orale et par voie sous-cutanée est situé entre 1 : 2 et 1 : 3 (cela signifie qu’il faut mettre 20 à 30 mg de morphine par voie orale pour obtenir la même efficacité que 10 mg de morphine par voie sous-cutanée). 10/ La voie sous-cutanée est la méthode de choix pour traiter les patients qui ont besoin d’une voie parentérale continue. 11/ La perfusion intraveineuse de morphine peut être préférée chez certains patients a – qui sont déjà porteurs d’un cathéter intraveineux ; b – qui ont un œdème généralisé ;

c – qui ont développé un érythème, des nodules ou des abcès stériles lors d’une perfusion sous-cutanée ;

d – qui ont une circulation périphérique de mauvaise qualité… 12/ Le rapport d’équianalgésie entre la morphine par voie orale et par voie intraveineuse est situé entre 1 : 2 et 1 : 3.

Page 39: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

245

13/ Nous ne recommandons pas les voies d’administration buccale, sublinguale et par nébulisation pour la morphine parce qu’il existe actuellement aucune preuve d’un quelconque avantage clinique par rapport aux voies conventionnelles. 14/ Le citrate de fentanyl par voie tranmuqueuse (O.T.F.C.) est un traitement efficace des accès aigus douloureux paroxystiques, chez les patients déjà équilibrés par de la morphine orale ou tout autre opioïdes du niveau 3 de l’OMS. 15/ Pour réussir un traitement de la douleur avec des opioïdes, il faut non seulement que l’analgésie soit acceptable mais encore qu’il n’y ait pas trop d’effets secondaires. Si ces règles sont appliquées (recommandations de l’OMS et de l’EAPC, avec la morphine comme opioïde de niveau 3 de référence) un contrôle efficace de la douleur peut être obtenu pour la majorité des patients. Pour une petite frange de la population, obtenir un soulagement adéquat sans effets secondaires trop importants nécessite d’utiliser un autre opioïde ou d’avoir recours à l’administration d’un antalgique par voie médullaire et/ou d’utiliser des techniques de contrôle de la douleur non médicamenteuses. 16/ Une petite proportion de patients développe des effets secondaires intolérables avec la morphine orale (malgré l’utilisation concomitante de médicaments adjuvants) et n’obtient pas un contrôle satisfaisant de la douleur. Chez ces patients, il est recommandé de passer à un autre opioïde ou à une autre voie d’administration. 17/ Si l’hydromorphone et l’oxycodone sont toutes deux disponibles par voie orale sous forme à libération normale et sous forme à libération modifiée, elles peuvent être considérées comme des alternatives intéressantes à la morphine orale. 18/ La méthadone est une autre alternative efficace mais qui peut être plus compliquée à utiliser que les autres opioïdes en raison des grandes variations interindividuelles de sa demi-vie plasmatique, de son rapport d’équianalgésie et de sa durée d’action. Son utilisation par des non-spécialistes n’est pas conseillée.

19/ Le fentanyl transdermique est une alternative efficace à la morphine orale, mais il convient de le réserver aux patients dont la douleur est stable. Il est utile chez les patients qui ne sont pas à même de prendre de la morphine par voie orale ; c’est une option proposée en alternative à la perfusion sous-cutanée de morphine. 20/ L’administration par voie moléculaire (péridurale ou intrathécale) d’antalgiques opioïdes en association avec des anesthésiques locaux ou avec de la clonidine doit être envisagée dans des cas particuliers : quand la douleur est difficile à équilibrer, quand les effets secondaires deviennent intolérables malgré le bon usage des opioïdes associés à des non opioïdes, donnés par la bonne voie d’administration. 3.2. Le concept de souffrance totale 3.2.1. Définition Nous devons ce concept aux Docteurs Cicely SAUNDERS et Mary BAINES7 dans le cadre de leurs recherches au sein du Saint Christopher’s Hospice à Londres. Elles définissent ainsi la douleur totale : « Quand le contrôle de la douleur physique reste difficile, il faut explorer les composantes mentales, sociales et spirituelles. Bien qu’une telle division risque d’être artificielle, elle nous éclairera, cependant, dans nos efforts pour comprendre la souffrance d’un patient et l’aider ainsi que sa famille ». 7 SAUNDERS C., BAINES M., DUNLOPA R. La vie aidant la mort, thérapeutiques antalgiques et soins palliatifs en phase terminale. Arnette Blackwell. 1995.

Page 40: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

246

L’emploi du mot « douleur » ne doit pas nous faire nécessairement croire qu’il s’agit d’une douleur réclamant un traitement médicamenteux immédiat. Ainsi l’exprime un patient qui soulagé de la composante physique de sa douleur après réévaluation de son traitement pour métastases osseuses d’un cancer pulmonaire : « Je suis content d’être venu dans ce Service parce que maintenant je ne souffre plus, mais vous ne pouvez pas savoir combien j’ai mal ». Dans la prise en charge du comportement douloureux du patient et dans la perspective de ce concept de souffrance totale, il s’agit donc d’explorer avec le patient et sa famille toutes ses composantes sociales, spirituelles et psychologiques qui donnent à son comportement douloureux une coloration singulière propre à chaque patient et à leur histoire. 3.2.2. La souffrance spirituelle 1 : Définition : Lorsque nous abordons la spiritualité, nous nous ne la réduisons pas à un aspect purement religieux bien qu’il soit présent au fond des questions qui se posent au patient. Par spiritualité, nous entendons toutes les questions qui tournent autour du sens de la vie, de l’existence du patient, de l’épreuve de sa maladie, de l’épreuve de la souffrance. De nos jours, peu de gens sont aptes à exprimer leurs doutes et leurs souffrances en terme proprement religieux. Néanmoins, les sentiments d’échec et de regret du type : « Si seulement… », « Je regrette… », « Il est trop tard pour… », « Mais qu’est-ce que j’ai bien pu faire pour en être là… », restent fréquents et souvent intenses. Un des moteurs de la souffrance spirituelle est lié au sentiment de culpabilité qui peut réellement être décrit comme une douleur spirituelle allant parfois jusqu’à l’angoisse profonde (angoisse est ici entendu comme une peur à laquelle il est impossible d’attribuer un objet). 2 : Les peurs spirituelles : Comme nous le verrons dans les chapitres ci-après, derrière le concept de souffrance totale, il est un fil conducteur qui repose sur l’angoisse comme définie ci-dessus (une peur à l’objet indéfinissable) ou sur des peurs dont le patient peut désigner un objet dans le cadre d’une écoute attentive. Sans que la liste ci-dessous soit exhaustive, voici quelques peurs qui reviennent souvent dans les échanges avec les patients en souffrance spirituelle :

• peur de ne pas avoir eu une bonne vie, • peur d’avoir raté sa vie, • peur d’avoir fait rater leur vie aux membres de la famille, • peur de ne pas avoir eu le temps de faire tout ce que l’on souhaitait, • peur d’être responsable de la survenue de cette maladie, • peur d’exposer les siens à cette même maladie (exprimée sous toutes ses

formes : contagiosité, hérédité, génétique,… ), • peur de la souffrance comme punition à des fautes réelles ou fantasmées, • peur de ce qui va se passer après, • peur de l’au-delà….

3 : Modalités de prise en charge : une écoute attentive permet de détecter cette composante spirituelle, parmi les problèmes issus de la personnalité, de la culture ou du passé du malade. Certains patients ont un fond de croyance religieuse et il peut être important, dès le début, de faire intervenir l’aumônier de l’hôpital ou s’ils sont soignés chez eux, de leur faire rencontrer un prêtre ou un représentant du culte de leur choix. Le fait de pouvoir accorder le pardon auquel tout être humain aspire peut être manifestement apaisant.

Page 41: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

247

D’autres n’ont pas en eux cette ressource, ici l’ambiance d’acceptation crée par fonctionnement en équipe interdisciplinaire de Soins Palliatifs peut offrir un espace où le simple fait que le patient soit reconnu et respecté dans sa position de sujet peut adoucir ce type de souffrance. Une attention doit être portée au fait que nos propres convictions religieuses doivent aider à créer un tel climat mais en aucun cas, cependant, l’adhésion du patient à nos croyances ne doit être la condition préalable à une aide efficace. Non seulement, chacun doit rester libre de toute pression en ce sens, mais l’idée même ne doit jamais effleurer l’esprit des soignants. 3.2.3. La souffrance sociale 1 : Définition : La souffrance sociale prend source dans tout ce qui peut poser problème dans les liens du patient avec sa famille et son environnement. L’épreuve de la maladie crée une situation d’altérité. Elle donne potentiellement la sensation pour le patient d’être dans une relation d’inégalité, de grande dépendance, voire de déchéance. Avec la problématique aujourd’hui que pose le sens de la dignité dans sa forme relative, cela peut conduire le patient à un sentiment de perte de dignité qui peut conduire à des demandes d’euthanasie. 2 : Les peurs sociales : Comme nous l’avons dit pour la souffrance spirituelle, elles ont pour moteur l’angoisse assortie d’un certain nombre d’objet de peurs dont la liste ci-après donne les plus fréquentes :

- Peur d’être un fardeau pour la famille ou la société, - Peur de ne plus être regardé comme un être humain, - Peur de perdre sa dignité, - Peur de ne plus pouvoir participer aux décisions quant à son propre devenir ou

quant aux décisions utiles à la famille, - Peur du détournement de ses biens par des membres de la famille, - Peur sur comment fera la famille quand le patient ne sera plus là, - Peur pour l’avenir des enfants…

3 : Modalités de prise en charge : En ce qui concerne le patient, la mobilisation d’une écoute active non jugeante et un accueil qui lui fait ressentir le moins possible l’altérité propre à sa maladie, à sa situation critique ou à son aspect vont d’emblée créer un climat de confiance propice à la verbalisation de ses peurs. Un effort particulier doit être fait dans l’accompagnement des familles notamment du conjoint. En cas de maladie à terme prévisible, il reste souvent vrai que de nombreuses familles prennent la situation en main au point qu’elle en arrive à prendre des décisions concernant le malade sans qu’il ne participe en aucun cas à la discussion. Il n’est pas exceptionnel que dans ce contexte, s’appuyant sur les mécanismes de déni ou de dénégation mis en œuvre par le patient pour supporter la situation, ils entretiennent une conspiration du silence exigent la complicité des équipes soignantes. Cela ne manque pas de créer une altération de la communication dans la mesure où chaque acteur est sur le qui vive pour éviter de prononcer toute phrase ou tout mot qui pourrait amener le patient à comprendre la réalité de sa situation. Cela conduit immanquablement à majorer la souffrance du patient qui bien entendu, perçoit que cette attitude est inquiétante quant à sa situation. Il sera toujours nécessaire d’expliquer l’évolution probable de la maladie, ce qui peut être fait pour supprimer la douleur et les autres symptômes possibles et également décrire la mort sous son aspect réel le plus probable. Les familles ont une image souvent effrayante de la mort, accentuée par la vision de la dépendance croissance et du changement physique de certains mourants. Pourtant, comme on peut le voir dans maintes situations différentes,

Page 42: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

248

grâce à des soins compétents, presque tous les malades sombrent doucement dans l’inconscience et s’éteignent paisiblement. Les familles ont peu de chance de le savoir, à moins que l’on leur dise. Elles peuvent entretenir des craintes inutiles qui aggravent leur chagrin et leur appréhension naturelle. Des renseignements d’ordre pratique peuvent aussi servir à les rassurer par exemple, qui appeler en cas de crise, ce que l’on peut attendre de chacun des membres de l’équipe soignante, enfin quelles aides ou avantages sociaux supplémentaires ils pourront éventuellement obtenir. Dans le contexte de la souffrance sociale, il faut aussi aborder la question des enfants et des adolescents. Tenter de les protéger aboutit généralement à l’effet opposé, les exclure peut les blesser profondément. Ils ont besoin, d’une part, qu’on leur explique la maladie et son traitement, explication que leur parent risque de ne pas être en mesure de donner lui-même ; il faut, d’autre part, les rassurer sur le fait que le cancer n’est ni contagieux ni héréditaire. Question qui revient très régulièrement non seulement chez les enfants mais également chez les adultes. Une autre problématique propre à la souffrance sociale consiste à tenir le malade dans l’ignorance au sujet du budget familial et autre problème d’ordre pratique, ce qui équivaut à dresser des barrières qui risquent de l’accabler davantage. Il imaginera qu’il a blessé ou offensé les autres, que les charges financières sont lourdes pour la famille. Le patient devrait cependant participer à toutes les discussions et à tous les projets, de même, qu’il devrait, dans la mesure du possible, tenir sa place dans la vie familiale de tous les jours. Le désir impérieux d’épargner tout souci au malade est bien compréhensible, mais cette attitude protectrice amène souvent des tensions paralysantes. Elle est d’ailleurs regrettable, car le patient apprendra probablement la vérité par d’autres moyens. Ne pas partager un secret avec un intime altère inévitablement la communication et peut accroître considérablement la détresse générale. Enfin, si l’admission à l’hôpital ou en service spécialisé devient nécessaire, le confort du malade s’en trouvant amélioré et l’anxiété familiale allégée, ceci ne doit pas se faire au prix de sentiments de culpabilité. Il faut être attentif à rassurer la famille : elle a fait ce qu’elle a pu, mais une assistance professionnelle est désormais indispensable à plein temps. L’équipe soignante peut être attentive à ne pas prendre le relais d’une manière telle que la famille se trouve exclue des soins, encore qu’il puisse être difficile de la faire participer aux soins physiques du patient. Elle y sera encouragée chaque fois que possible. Quoi qu’il en soit, sa simple présence peut contribuer largement à la sécurité et à l’apaisement du malade : ceci devrait être, sans nul doute, rendu possible et explicite. Cette période confère en quelque sorte un droit de présence aux membres de la famille, en tant que soignés et soignants à la fois, leur rôle unique doit être souligné et renforcé. Dans les Unités de Soins Palliatifs, l’équipe soignante est toujours attentive à accorder une attention soutenue à la famille qui veille pour la première fois l’un des siens au seuil de la mort. 3.2.4. La souffrance mentale 1 : Définition : Ceux qui ont eu l’occasion d’être constamment à l’écoute des mourants distinguent chez eux toutes une gamme de réaction commune. Elisabeth KÜLBLER ROSS les décrit comme des étapes de prise de conscience déroulant une phase de déni, une phase de colère, une phase de marchandage, puis une phase de tristesse allant jusqu’à l’acceptation. PARKES les compare au travail de deuil ou à d’autres situations de perte. Ils insistent tous les deux sur le fait que certaines de ces étapes manquent, qu’elles ne se succèdent pas toujours dans un ordre rigoureux, peuvent se chevaucher ou peuvent être vécues plus d’une fois, particulièrement lors d’une maladie faite de rémissions et de rechutes ou dont l’aggravation se fait par paliers. Quiconque est confronté à une situation pronostique défavorable ou à des nouvelles fâcheuses quant à l’évolution de la maladie, a tendance à réagir au départ avec incrédulité

Page 43: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

249

en déniant la réalité de la situation ou en la minimisant dans une attitude de dénégation. Conserver cette attitude est assez difficile. Quand elle commence à fléchir, le patient peut manifester des désirs et des refus analogues à l’agitation douloureuse qui suit un deuil récent. Il peut ressentir de la colère devant son propre sort et la projeter sur l’inefficacité de son traitement, l’inefficacité des soignants qui le lui donnent, ces projections agressives peuvent aussi être projetée sur la famille qui ne l’a pas aidé comme il le souhaitait. Il est possible de transformer ces sentiments à conditions que les uns et les autres puissent les exprimer dans un contexte de compréhension et en ne mobilisant ni un silence offensé, ni une attitude de fuite en battant en retraite, ni en projetant à son tour son agressivité sur ce patient insupportable. Il n’est pas exceptionnel dans ce contexte que le patient passe par des phases de négociation de la poursuite des traitements, de la reprise des traitements spécifiques, de l’arrêt de certains traitements ou de la mobilisation du recours à d’autres savoirs faire ou d’autres pratiques quand il ne mobilise pas des objectifs qu’il veut atteindre : retourner une dernière fois à la maison, attendre le retour d’un enfant, attendre un mariage, ou tout autre forme de cérémonie… Au fur et à mesure que progresse la prise de conscience du patient, il peut passer par des phases de grande tristesse. Il convient, ici, d’être attentif à distinguer cette tristesse naturelle à la pensée d’une vie qui s’achève, d’une dépression, véritable situation psychopathologique nécessitant une approche thérapeutique spécifique. A l’inverse, il serait inapproprié de mettre systématiquement sous anxiolytiques ou antidépresseurs tout patient traversant ces phases de tristesse. Enfin, le patient peut traverser des phases de plus grande sérénité témoignant d’un cheminement vers l’acceptation de sa situation. Il n’est pas exceptionnel que ces phases soient l’occasion d’une exacerbation de la demande relationnelle tant en direction des familles, que des soignants que des bénévoles. Ces phases peuvent également prendre la forme d’une exacerbation libidinale avec retour à des désirs alimentaires. Ces situations ont été décrites notamment dans un article sur le travail de trépas par le psychanalyse Michel De M’UZAN8. 2 : Les peurs mentales : Dans ce chapitre également, comme dans les deux précédents, lorsque le patient peut sortir de l’angoisse pour formuler des objets à ses peurs, nous rencontrerons toutes les déclinations de ce qui s’inscrit dans le registre des pertes, des séparations et de la perte ultime qui est celle de la vie :

- Peur de la perte d’autonomie, - Peur de la dépendance, - Peur de perdre la tête, de la folie, - Peur de ne plus se contrôler, - Peur de ne plus pouvoir rien faire de ses propres mains, - Peur de la solitude, - Peur de l’abandon, - Peur de ne plus être aimé, - Peur de perdre la vie…

3 : Modalités de prise en charge : La peur, tout comme l’espoir peut persister sous différents masques tout au long d’une maladie. Craindre la séparation, craindre la douleur et l’affaiblissement, craindre de ne pas être à la hauteur, tout cela est fréquent à l’approche de la mort. Si décourageante que soit la complexité des problèmes auxquels doivent faire face de nombreux malades, nous ne devons pas nous sentir impuissants. Mourir n’est pas une maladie psychiatrique et ne requiert pas habituellement que l’on fasse appel à un consultant spécialisé. Certains pensent qu’ils ne peuvent rien offrir d’autre qu’une compréhension maladroite et gardent leur 8 De M’UZAN Michel «Le travail du trépas » in De l’art à la mort. Collection Tel. Gallimard. Paris. 1977

Page 44: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

250

distance. Ils ne réalisent pas que c’est justement cet effort de compréhension et non le fait qu’il réussisse ou non qui brise la solitude du patient. Se sentant eux-mêmes impuissants, ils rejoignent le malade à son propre niveau, où leur silence est plus utile encore que de veine parole. « Alors que Ivan ILLICH mourrant se débattait dans une quête angoissée sur le sens de la vie, le seul qui réussissait à l’aider quelque peu était le jeune paysan qui le veillant de son plein gré, l’épaulait au sens propre du terme » (TOLSTOÏ, 1887). Dans cette situation, les sentiments négatifs exprimés par les patients doivent être d’une force effrayante ; il est préférable qu’ils soient exprimés plutôt qu’enfouis avec pour seul résultat de surgir sous une autre forme susceptible de traumatiser à la fois la famille et l’équipe de soins. Ouvrir un espace de parole et encourager le patient à exprimer ses peurs fait partie de l’accompagnement des patients en fin de vie. Au-delà de la présence de l’équipe soignante et de la famille, les bénévoles peuvent jouer un rôle considérable. N’oublions pas que l’ennui peut être source majeure de douleur mentale ; une bonne séance de bavardages et au même titre que d’autres distractions est un des meilleurs moyens de le combattre. De ce point de vue, les activités mettant en jeu l’imagination et la créativité sous une forme ou une autre ont une grande vertu thérapeutique. Les médicaments psychotropes peuvent aider à contenir le fardeau de la maladie dans des limites supportables par le patient. Ils sont largement utilisés. La plupart des mourants reçoivent à un moment ou à un autre, mais leur indication et leur titration doivent être régulièrement remis en question en fonction de la symptomatologie, du comportement du patient et des bénéfices réels qu’ils tirent de leur administration. 3.2.5. La souffrance de l’équipe soignante Les membres des équipes soignantes souvent confrontés à la souffrance et à la proximité de la mort, ont également besoin de soutien. Pour tous ceux qui travaillent dans ce domaine, il y a des moments douloureux et déconcertants. Plus les soignants sont proches de la faiblesse des patients, de la douleur de leurs familles, plus les soignants ressentiront les effets de la séparation. Tous les soignants qui rencontrent la mort pour la première fois, la trouvent terrifiante et même d’une étrangeté inquiétante. Une question revient alors souvent de se demander si a été fait tout ce qu’ils auraient du faire. Les soignants se sentent souvent accablés et il est indispensable qu’ils aient l’occasion d’en discuter sans tarder avec quelqu’un dont l’expérience soit plus grande. Quelle que soit leur fonction, les soignants peuvent souffrir eux-mêmes de solitude et d’épuisement, d’esprit de contestation, de colère et de dépression. Pour surmonter ces sentiments, ils ont besoin de les partager. Se contenter de les nier ou de les refouler entrave toute tentative pour mieux se prendre en charge et par conséquent pour mieux aider les autres ensuite. La force de ceux qui choisissent de se consacrer exclusivement à ce genre de tâche et qui persévèrent, se gagne par une entière compréhension des réalités et non en se retranchant derrière des techniques. Le choc initial que produit le fait de travailler en direct dans une telle ambiance et l’effet démoralisant des morts qui se succèdent sans cesse appelle un soutien de l’équipe ou du groupe sous une forme ou sous une autre. Il est bon en effet de varier ce soutien. Les staffs d’équipe interdisciplinaire sont l’un des lieux où s’organise cette prise de parole et du soutien informel des membres de l’équipe entre eux. Il est également recommandé d’organiser spécifiquement des groupes de parole propres au fonctionnement des équipes régulièrement confrontées à la souffrance et au décès de leurs patients. Cela peut potentiellement conduire à acquérir suffisamment de confiance dans ce que les soignants font en se libérant suffisamment des angoisses pour être à l’écoute de la détresse des autres.

Page 45: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

251

3.3 éthique et décisions en fin de vie 3.1. Introduction L’expérience de l’accompagnement des personnes en fin de vie est expérience de la confrontation à des décisions difficiles ou à des demandes difficiles formulées soit par le patient soit par sa famille. En ce qui concerne les décisions difficiles, cette phase de l’évolution de l’histoire d’un patient et de sa maladie interroge régulièrement sur l’utilité ou l’inutilité de poursuivre des investigations, d’introduire ou non de nouveaux traitements. C’est tout le dilemme entre acharnement thérapeutique aujourd’hui appelé obstination déraisonnable et limitation des soins. Il n’est également pas facile de prendre la décision de suspendre des traitements ou des aides médico-techniques qui peuvent prolonger la vie ou dont la cessation comportent clairement le risque de hâter la survenue de la fin du patient. Deuxième questionnement éthique, il concerne les demandes du patient et en particulier le patient qui demande à ce qu’on l’aide à mourir. La difficulté ici est de décrypter ce qu’il y a dans cette demande. Dans l’immense majorité des cas, il y a derrière cette demande une demande de type « soyez à mes côtés » parce qu’il y a un certains nombres de peurs et de craintes plus qu’il n’y a une véritable demande « mettez fin à mes jours ». Ce concept d’acharnement thérapeutique et de limitation des soins sont au centre d’un dilemme de la médecine occidentale, né dans les années soixante dix et toujours présent à l’orée du 21ème siècle dans un contexte socio-économique ne permettant pas une croissance continue des dépenses de santé. Ce dilemme est la manifestation d’un conflit entre deux philosophies :

- L’une « téléologique » où le résultat mesure la valeur de toute action. Elle s’appuie sur une morale conséquentialiste ou utilitariste, morale à posteriori qui assume la responsabilité de trancher dans le sens de ce qui est le meilleur ou le moins mauvais pour le patient et la collectivité. Ainsi est éthiquement bonne l’action qui produit le plus de bien ou le moindre mal à un coût raisonnable, privilégiant le bénéfice collectif. Cette morale s’impose davantage dans les pays anglo-saxons.

- L’autre « déontologique », dominée par l’idée de bienfaisance qui refuse de dériver la morale d’une notion pragmatique du bien. Elle s’appuie sur une morale de conviction ni observable ni démontrable. Cette morale se retrouve dans les écrits du philosophe Kant : « Agis de telle sorte que tu traite l’humanité dans ta personne aussi bien qu’en la personne d’autrui comme une fin et jamais comme un moyen ».

3.2. L’ACHARNEMENT THERAPEUTIQUE 3.2.1 Définition La controverse de l’acharnement thérapeutique est née dans les années 1970, lorsque les indéniables progrès médicaux avaient conduit à une dérive. La médecine s’était donnée pour objectif de guérir de plus en plus de maladies à n’importe quel prix, notamment sous l’angle des inconforts supplémentaires générées par les soins, en réduisant bien souvent le malade à un objet de soins. Cette controverse conduira les instances ordinales à attirer l’attention des médecins sur l’obstination déraisonnable en soulignant « qu’il n’y a aucune obligation morale à faire durer une vie au prix de prouesses technologiques susceptibles de générer des inconforts supplémentaires, venant aggraver la souffrances d’une vie arrivant à son terme ». Un certain nombre de patients, leur famille et des soignants vont alors se mobiliser, lutter contre l’acharnement thérapeutique en réclamant que l’on rende au malade leur position de sujet dans la perspective de leur donner la parole pour qu’ils puissent exprimer des choix de ce qu’ils jugent bon pour eux. Par acharnement thérapeutique, nous entendons donc toutes situations décisionnelles qui conduisent à mobiliser de façon excessive des moyens humains, matériel et technique dans l’intentionnalité de vouloir contrôler à tout prix un état morbide chez un patient dont le pronostic de vie est très réservé.

Page 46: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

252

3.2.2 La renonciation à l’acharnement thérapeutique : positions déontologiques. L’article 2 du code de déontologie médicale dans les devoirs généraux des médecins à l’article 2 précise : « Le médecin, au service de l’individu et de la santé publique, exerce sa mission dans le respect de la vie humaine, de la personne et de sa dignité… ». Dans les commentaires du code de déontologie médicale dans son édition de 2001 est présenté un argumentaire sur le respect de la vie humaine : « Le respect de la vie humaine peut conduire à des excès. Le bon sens indique et toutes les autorités morale l’ont reconnu, que respect de la vie ne veut pas dire prolongation à tout prix de la vie humaine dans un cas désespéré. L’acharnement thérapeutique doit être dénoncé : quand tout est indiscutablement perdu, il est inutile de maintenir en vie artificiellement, avec des techniques qui peuvent être douloureuses ou pénibles pour un mourrant sans espoir de survie, alors qu’il est indispensable de traiter la douleur et d’apporter un soutien psychologique et moral ». Cette question souvent traitée sans nuance à l’occasion d’un exemple spectaculaire, est en réalité très difficile. La réanimation médicale, qui a transformé le pronostic des états graves n’aurait jamais été possible sans l’obstination des réanimateurs. Il faut, devant les états les plus graves, lutter avec tous les moyens possibles tant qu’il existe un espoir, si faible soit-il, mais il est déraisonnable et critiquable de poursuivre une lutte acharnée, surtout si les moyens employés sont pénibles pour le malade, lorsqu’il n’y a plus aucun espoir de retour à une vie de qualité. Dans certain cas, le médecin devra prendre en considération, pour arrêter sa ligne de conduite, la qualité de la vie réservée au malade – grandement déterminée par l’avis de ce dernier – à l’issue de l’action thérapeutique : prolongation artificielle de la vie chez certains incurables comme chez certains nouveaux nés, trachéotomie pour assistance respiratoire prolongée d’un malade atteint d’une neuropathie irréversible, ablation d’une tumeur maligne cérébrale qui laissera gravement handicapée. Ainsi même cette règle morale majeure qui nous gouverne, le respect de la vie humaine, ne doit pas être suivie sans discernement, avec une obstination excessive. Déjà chez Hippocrate, la dignité de la personne passe avant la préservation de la vie à tout prix. L’éthique médicale ne se laisse jamais emprisonner dans des formules simplistes ou dans des réponses stéréotypées. Elle exige le jugement nuancé, le choix critique bien pesé, de celui qui assume la responsabilité des soins. 3.3. L’EUTHANASIE

3.3.1 Définition La lecture des articles de la grande presse, de la littérature médicale, et plus généralement des nombreux ouvrages centrés sur la mort et la souffrance, publiés depuis quelques années font apparaître que le mot euthanasie prend des sens différent selon les auteurs. La principale difficulté tient au fait que les auteurs clarifient rarement le sens qu’ils donnent au mot. Ainsi en le définissant mal, ils induisent une confusion chez les lecteurs, confusion que l’on retrouve dans notre société.

Le sens étymologique Le mot euthanasie, déjà utilisé dans l’antiquité grecque, a pour sens étymologique « la bonne mort ». Plus près de nous, l’utilisation du mot euthanasie est retrouvé pour la première fois dans un ouvrage de Francis BACON, homme d’état et philosophe anglais. Ce texte The advancement of learning date de 1605, sa forme définitive a été donnée en 1623. Francis BACON constate chez les médecins anglais du 17ème siècle un total manque d’intérêt pour le traitement de la douleur. Il les invite à un effort de recherche dans ce domaine afin de permettre au malade d’échapper aux affres des derniers moments de la vie et de s’éteindre de manière beaucoup plus paisible. C’est une telle mort qu’il appelle euthanasie.

Les premières associations entre la bonne mort et l’acte qui la procurerait apparaissent à la fin du 19ème siècle dans le dictionnaire de médecine De Littré. L’euthanasie y est définie comme la mort arrivant au milieu du sommeil provoqué afin d’éviter une agonie douloureuse. Cette définition montre que le terme commence à désigner non plus seulement la qualité des derniers moments de la vie mais aussi l’acte de prendre soin du mourrant dans le dessein de lui assurer une telle mort.

Page 47: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

253

Un nouveau sens va être rattaché au mot euthanasie. Il s’origine dans l’émergence du concept de vie ne valant pas d’être vécue à la fin du 19ème siècle en Allemagne. Préparé par la publication du 1895 du « droit à la mort » de A. JOST, le débat va prendre son essor avec la publication, en 1920 à Leipzig, du livre d’un juriste Karl BINDINGet d’un psychiatre Alfred HOCHE. Ils proposent d’autoriser de mettre fin aux vies qui ne valent pas la peine d’être vécue : « Je ne peut prouver vraiment aucun fondement légal tant d’un point de vue social, moral ou religieux à refuser la mort à un incurable qui le réclame de façon pressante, je considère ce droit comme simple devoir légal de miséricorde ». On sait la tragique destinée de cette approche pendant la 2ème guerre mondiale.

Le sens contemporain C’est ainsi qu’au début du 20ème siècle, le terme d’euthanasie avait pris le sens nouveau de procurer une mort douce mais en mettant délibérément fin à la vie du malade. C’est désormais le sens prédominant du mot dans l’opinion publique des sociétés occidentales. Le même terme sert ainsi à désigner l’acte de provoquer la mort dans le dessein d’épargner des souffrances et il signifie aussi la mort douce et paisible de celui qui s’éteint. Cette confusion qui s’établit est renforcée par l’évolution de la médecine. Disposant à cette époque d’analgésiques puissants dont l’emploi présente parfois des risques pour le malade, beaucoup de médecins vont se sentir responsables de la mort de leur patient lorsque celui ci meurt au terme d’une maladie ayant nécessité l’emploi de tels analgésiques. Dans le même temps, parce qu’ils jugent certaines thérapeutiques de prolongation de la vie inappropriés à la situation du malade et qu’ils y voient la source de souffrance inutile d’autres médecins vont s’abstenir d’utiliser de telles techniques en disant avoir alors une attitude euthanasique, cela ne va pas sans susciter parfois chez eux un véritable sentiment de culpabilité. C’est dans ce contexte que l’on va accoler au mot euthanasie un certains nombres d’épithètes. On parle d’euthanasie passive pour qualifier des situations dans lesquelles soit on omet soit on arrête des thérapeutiques qui auraient peut être prolongées la vie du malade. On parle d’euthanasie active au sujet d’un acte délibéré d’injecter une substance létale au malade. On parle même d’euthanasie indirecte si la mort n’est pas recherchée délibérément et si l’acte prescrit ne conduit pas nécessairement à la mort. D’autres épithètes ont été associés au mot euthanasie. Si le geste est effectué sans le consentement du patient pour des mobiles multiples tels la pitié pour un être humain diminué, la conviction que certaine existence humaine n’a pas de sens, le désir de soulager une famille ou un service hospitalier d’une présence souffrant et lourde à supporter et mêmes aux motifs économiques, on parlera alors d’euthanasie sociale. Enfin, si l’acte de provoquer la mort d’un incurable ou d’un être humain en proie à la souffrance est posée à la demande de l’intéressé, on parlera d’euthanasie volontaire. En conclusion, compte tenu des amalgames et des faux sens dans le débat lié à ces épithètes accolés à l’euthanasie, le consensus semble actuellement se dégager pour retenir la définition suivante de l’euthanasie : Tout acte qui met fin de façon délibérée à la vie d’un patient atteint d’une maladie incurable et évolutive et qui en fait la demande réitérée.

3.3.2 Le code de déontologie Le code de déontologie médicale interdit clairement l’euthanasie. En effet, l’article 38 du code précise que la mission du médecin est de soulager la douleur, d’accompagner son patient mourrant jusqu’à ses derniers moments et soutenir l’entourage mais il est clairement précisé qu’il n’a pas le droit de provoquer délibérément la mort. A souligner toutefois en France qu’aucun texte ne prononce le terme d’euthanasie. Nous y reviendrons plus loin, mais le code pénal se sanctionne pas l’euthanasie en tant que telle, il sanctionne le fait de donner délibérément la mort par diverses qualifications pénales.

3.3.3 L’euthanasie et les missions de porter secours L’obligation de porter secours à une personne pour un médecin constitue un devoir moral et professionnel comme le stipule l’article 8 du code de déontologie médicale : « Tout médecin qui se trouve en présence d’un malade ou d’un blessé en péril ou informé qu’un malade ou un blessé est en péril doit lui porter assistance ou s’assurer qu’il reçoit les soins nécessaires. »

Page 48: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

254

L’article 223-6 du code pénal en fait un délit qui : « Sera puni des même peines (5 ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende) quiconque s’abstient volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle soit en provoquant un secours ». Le délit de non assistance à personne en danger est constitué dès lors que les trois éléments légaux sont réunis :

- Le péril - Le secours - L’abstention volontaire.

L’arrêt des techniques et de réanimation ou du traitement pourrait-il être qualifié d’omission de porter secours ? Si le patient se trouve en état de mort clinique, le fait de débrancher les suppléances techniques n’appelle aucune qualification juridique. En revanche, le médecin qui ne procède pas à la réanimation d’un patient peut se voir reprocher le délit de non assistance à personne en danger. En effet, le patient était en danger, le médecin aurait pu le réanimer par le biais de techniques médicales mais s’est abstenu volontairement. Par sa non intervention, le patient est décède et la qualification d’omission de porter secours pourrait être retenue selon les circonstances. La loi de mars 2002 sur les droits des malades ouvre un nouvel élément à intégrer à nos discussions décisionnelles. C’est le fait qu’un malade loyalement informé dans la perspective d’obtenir son consentement éclairé est en mesure de refuser ou de consentir à certaines de nos décisions. C’est simple lorsque le patient est compétent pour participer à la discussion. Cela renvoie à sa famille ou à la personne de confiance telle qu’elle est définie par cette même loi, lorsque le patient n’est plus en mesure de participer à la discussion. La loi d'avril 2005 dite Léonetti, relative aux droits des malades et à la fin de vie donne un cadre plus précis aux soignants pour faire face au refus de soins. Face à un refus de soins, le médecin doit expliquer au patient les conséquences de sa décision et lui laisser un délai raisonnable de réflexion ; il peut lui offrir la possibilité de demander un deuxième avis médical ; au terme du délai de réflexion, si le patient persiste dans sa décision, elle est inscrite et tracée dans le dossier du patient ; il est alors proposé au patient de poursuivre les soins qu'il accepte, en étant attentif au respect de sa dignité.

3.3.4 L’euthanasie peut être qualifiée de meurtre L’euthanasie peut conduire à la qualification d’empoisonnement

L’article 221-5 du code pénal précise : « Le fait d’attenter à la vie d’autrui par l’emploi ou l’administration de substances de nature à entraîner la mort constitue un empoisonnement ; l’empoisonnement est puni de 30 ans de réclusion criminelle… » La qualification d’empoisonnement est subordonnée à la réunion de deux éléments :

- L’élément intentionnel à savoir la volonté de provoquer la mort par l’administration de substance que l’on connaît de nature à provoquer la mort,

- L’élément matériel, le fait d’administrer une substance de nature à provoquer le décès de la personne.

Les médecins craignent parfois qu’en utilisant des morphiniques, ils pratiquent une euthanasie et qu’en conséquence une action pénale soit engagée à leur encontre. Cependant, on ne peut pas retenir la qualification d’empoisonnement, en effet, l’intention première n’est pas de tuer mais de soulager (cf. dans le paragraphe suivant le principe du double effet). Par ailleurs, l’état de nécessité peut disculper le geste du médecin qui s’emploie à soulager la souffrance de son patient par des remèdes qui risquent éventuellement de mettre en danger la vie des patients. Les conditions fixées par le code pénal ne sont donc pas réunies. Il y a bien décès du patient mais non par la volonté délibérée du médecin. Il est intervenu dans le cadre de sa mission de soin et tout particulièrement celle de soulager son patient. Le décès ne peut pas lui être imputable dès lors qu’il n’a commis aucune faute ou infraction pénale.

La qualification d’assistance au suicide L’assistance au suicide est illégale en France, qu’elle soit active (qualification pénale d’homicide) ou passive (qualification de non assistance à personne en danger).

Page 49: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

255

Par une décision du 29 avril 2002, la cour européenne des droits de l’homme a refusé d’autoriser un droit au suicide assisté d’une patiente en fin de vie. Diane PRETTY gravement malade souhaitait que l’on puisse l’aider à mourir pour mettre un terme à une vie devenue insupportable par l’importance de ses souffrances. Cependant, les tribunaux du Royaume-Uni et de la cour européenne des droits de l’homme ont refusé le lui accorder le droit de se faire aider à mourir. La mort assistée reste un sujet tabou dans de nombreux pays et le cas de Diane PRETTY n’est pas isolé. En France Dominique KNOCKAERT, dans un article « Le Parisien » du 18 mai 2002 demandait à être euthanasié dès que ses douleurs deviendront totalement « insupportable ». « La mort est pour moi une forme de liberté ». C’est la raison pour laquelle elle a rédigé un testament de vie où il est précisé : « Je refuse d’être maintenue en vie par des médicaments ou techniques ou moyens artificiels, je demande que l’on ait recours à l’euthanasie, à la mort douce ». Comme nous l’avons précisé, ce document n’a aucune valeur juridique en France. En effet, on ne peut pas demander par avance dans un document écrit l’intervention d’une tierce personne pour provoquer le décès. Le consentement de la personne ou sa demande ne peut justifier l’infraction. Nous reviendrons plus loin sur la loi d'avril 2005, dans ses propositions de décision collégiale d'arrêt ou de limitation de soins prenant en compte si besoin l’avis d'une personne de confiance désignée par le patient ou les directives anticipées qu'il aurait pu rédiger.

L’indifférence des mobiles dans l’acte d’euthanasie Il convient de bien noter que ni le mobile, ni le consentement de la victime ne constitue une excuse légale ou de fait justificatif. Ces éléments n’ont aucune influence sur l’établissement de la culpabilité, mais en auront, en revanche, sur le prononcé de la peine. En effet, quelle que soit la qualification pénale retenue, le mobile est indifférent. L’infraction est constituée dès lors que la personne provoque volontairement le décès de la personne, même si son intention première était d’abréger les souffrances. En revanche, cette intention pourra être prise en considération lors du prononcé de la peine. Pour preuve, la cour d’assisse du Vaucluse a condamné Elie B. à deux ans de prison avec sursis pour avoir tué sa femme gravement malade. Par le prononcé de la peine, à savoir du sursis pour un meurtre, la cour d’assisse d’Avignon a implicitement reconnue que l’intention de Mr B. était d’abréger les souffrances de sa victime. Plus généralement, un relevé de la jurisprudence dans ce type de situation montre que la justice fait toujours preuve de compassion pour les auteurs de ces actes en prononçant des peines souvent symboliques

3.3.5 L’euthanasie et le droit de mourir dignement Le docteur Jean COHEN président de l’association pour le droit de mourir dans la dignité dit : « L’autorisation de contrôler l’euthanasie permettrait d’en finir avec l’hypocrisie collective tout en laissant au malade la possibilité de préserver sa dignité ». L’association pour le droit de mourir dans la dignité cherche à accorder une valeur juridique à la volonté d’une personne qui demande à bénéficier de l’euthanasie. Cette revendication repose sur le principe de l’autonomie de la volonté c’est à dire c’est le malade et lui seul qui prend cette décision sans intervention d’une tierce personne. L’association s’oppose à l’acharnement thérapeutique et souhaite une dépénalisation lors d’une aide compatissante à la mort. Pour l’ADMD, la mort est beaucoup trop médicalisée et la volonté du malade pas suffisamment écoutée. Cependant, la demande de mettre fin à sa vie quand la fin de vie devient trop difficile et douloureuse ne va pas sans poser de problème notamment sur l’interprétation à donner de la demande. Légiférer sur le sujet de l’euthanasie n’est pas chose aisée. Nombreuses questions se posent, quelles personnes peuvent en bénéficier ? a partir de quel moment peut on dire ou décider qu’une personne doit mourir et donc provoquer son décès ? comment être certain que c’est toujours le souhait du patient et pas tout simplement un appel au secours, de détresse ? L’expérience et le développement des soins palliatifs en France attestent que dans l’immense majorité des cas, la demande d’aide à mourir n’est pas une demande de mettre fin à la vie mais une demande que les soignants, les proches et

Page 50: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

256

l’environnement soient là à leurs côtés, face à l’ensemble des peurs qui peuvent être présentes à ce moment là.

3.3.6 L’exception d’euthanasie Dans un premier temps, en 1991, le comité consultatif national d’éthique avait précisé que légiférer sur le sujet de l’euthanasie était beaucoup trop complexe et serait source de difficultés et d’interprétations abusives. Dans tous les cas, il posait en priorité le développement de l’accompagnement et des soins palliatifs. Le CCNE justifiait son refus, d’une part, par le fait que le geste d’euthanasie reste au regard de la loi un meurtre répréhensible par le code pénal. D’autre part, la fonction de la médecine est de soigner et non de faire mourir ses patients. Dans un second temps en 1998, dans un rapport « consentement éclairé et information des personnes qui se prêtent à des actes de recherche », le CCNE s’est déclaré favorable à relancer une discussion publique sur le sujet de l’accompagnement des malades en fin de vie, y compris la question de l’euthanasie. Ce sont dans ces circonstances et en réponse aux divers rapports rendus sur ce sujet que le CCNE a publié un rapport en janvier 2000 où est soulevé la question de l’exception d’euthanasie. Le CCNE fait alors une distinction : il prohibe fermement l’intervention d’une tierce personne pour mettre fin à la vie d’une personne avec l’intention d’abréger ses souffrances. En revanche, si le malade fait la démarche de cette demande, le CCNE considère qu’il est consentant à l’acte et on peut alors parler d’exception d’euthanasie. Pour le CCNE : « Il n’est jamais sain pour une société de vivre en décalage trop important entre les règles affirmées et la réalité vécue ». C’est la raison pour laquelle le CCNE a parlé de cette notion d’exception d’euthanasie, motivée par le principe de l’engagement solidaire et du consentement : « Face à une situation de détresse, lorsque tout espoir thérapeutique est vain et que la souffrance se révèle insupportable notamment lorsque la mise en œuvre des autres démarches (soins palliatifs, accompagnement, refus de l’acharnement thérapeutique) s’est révélé impuissante à une offre de vie supportable, on peut se trouver conduit à prendre en considération le fait que l’être humain surpasse la règle et que la simple sollicitude se révèle parfois comme le dernier moyen de faire face ensemble à l’inéluctable. Cette position peut être qualifiée d’engagement solidaire. » Cette exception d’euthanasie ne conduit pas à une dépénalisation du geste. En revanche, elle permet au juge de prendre en considération les mobiles. Il s’agit d’apprécier le bien fondé des prétentions des intéressés au regard non pas de la culpabilité en fait et en droit, mais des mobiles qui les ont animé que le CCNE qualifie d’ouvertures exceptionnelles : souci d’abréger les souffrances, respect du demande formulée par le patient, compassion face à l’inéluctable. Cependant, au regard de la législation pénale, l’exception d’euthanasie présenté par le CCNE suppose l’introduction par le législateur d’une éventuelle réforme du code pénal et du code de procédure pénale et de précisions complémentaires du CCNE. A ce jour, l’euthanasie reste un geste interdit.

3.3.7. Les décisions de limitation un arrêt de soins Au début des années 2000, l'affaire du jeune pompier Vincent Humbert a ravivé le débat sur la dépénalisation de l'euthanasie. Quadriplégique, il avait demandé à sa famille à l'équipe qui le prenait en charge puis au président de la république a la possibilité de que l'on mette fin à ses jours. Sa mère a fini par lui administrer un traitement létal. Il a néanmoins été conduit en réanimation semble avoir été pris une décision collégiale d'extubation qui n'a pas conduit à son décès. Un des médecins qu'il avait en charge lui alors injecté une substance létale est conduite à son décès. L'instruction judiciaire a conduit à un non-lieu pour le médecin et pour la mère de Vincent. C'est dans ce contexte qu'a été instituée la commission de Jean Leonetti qui a conduit à la loi du 22 avril 2005. Prenant acte qu'aucun de ses interlocuteurs auditionnés ne demandés à ce que soit très agressé l'interdit du meurtre la commission a proposé d'encadrer les pratiques soignantes faces au refus de soins et aux décisions de limitation et d'arrêts de soins en s'appuyant sur le principe de double effet. Cette même loi à renforcer les droits des patients en fin de vie en élargissant la mission de la personne de confiance et en proposant la rédaction de directives anticipées.

Page 51: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

257

a. Les décisions de limitation et d'arrêt de soins : Lorsqu'une équipe soignante est confrontée à devoir prendre une telle décision, la loi prévoit deux situations, selon que le patient est en mesure ou non de participer à la discussion. Dans le cas ou il peut participer à la discussion, son avis prévaut. Dans le cas où il ne peut participer à la discussion, le médecin qui va prendre la décision, devra prendre en compte hiérarchiquement les directives anticipées, l’avis de la personne de confiance et l’avis de la famille et des proches. La discussion s'instaure d'abord dans l'équipe soignante, elle peut s'enrichir de l'avis d'une équipe extérieure, intégrer ce qu'a pu dire le patient soit verbalement, soit dans des directives anticipées, si besoin l’avis de la personne de confiance, l’avis de la famille jusqu'à ce que s'impose un consensus acceptable sur ce qu'il convient de poursuivre, de suspendre ou de ne pas commencer. In fine, c'est bien le médecin du patient qui va prendre cette décision et nul autre. Il convient d'être particulièrement attentif à la clarté de la responsabilité de cette décision, pour qu'une famille ne porte pas le poids dans le sentiment d'avoir pu se tromper. b. La personne de confiance : La loi d'avril 2005 a étendu sa mission,( une fois clairement désignée par écrit par la personne malade et cela doit être tracé dans le dossier du patient), à être présente au côté de la personne chaque fois qu'il y aura une discussion décisionnelle médicale la concernant. (À noter que les circulaires de 2008 sur les réseaux de santé prévoient que le patient inclus dans un réseau de santé peut désigner une personne de confiance). Le concept de secret médical partagé est donc élargi à la personne de confiance. Dans toute situation où la personne malade n'est plus en mesure de participer à la discussion décisionnelle, le médecin référent du patient devra prendre en compte son avis dans la décision qu'il va prendre. Soulignons que le législateur, dans des décrets d'application, à donné un cadre précis pour les décisions d'arrêt ou de limitation des soins et aux directives anticipées, par contre il n'a pas donné de cadre à la mission délicate de la personne de confiance qui n'est pas sans poser un certain nombre de questions. Les personnes de confiance peuvent être mises en difficulté par cette mission et il convient d'être particulièrement attentif à leur accompagnement. c. Les directives anticipées : C'est un document écrit, rédigé par le patient, daté et signé, dans lequel il atteste être en pleine possession de ses moyens et précise, exclusivement en matière de santé, ce qu'il souhaite ou récuse, le moment venu, s'il n'est plus en mesure de participer à la discussion décisionnelle qui le concerne. Ce document est valable pour une période de 3 ans, à partir de la date de rédaction. La validité est cursive pour une nouvelle période de 3 ans, lors de toute revalidation de la date et de tout ajustement du contenu. Le décret d'application prévoit que les directives anticipées peuvent être dictées, si le patient ne peut écrire, à deux témoins, dont l'un peut être la personne de confiance. Ils prennent, sous la dictée, les volontés du patient et attestent qu'il est en pleine possession de ses moyens mentaux. Ils s'identifient sur le document qu'ils datent et signent. Le décret prévoit que les directives doivent être remises au médecin traitant, charge à lui d'en informer les correspondants lors de toute hospitalisation. Toutefois, le patient peut décider de le garder par devers lui, le confier à la personne de confiance ou à un membre de sa famille. En tout état de cause, il est souhaitable qu’il signale à son médecin traitant, l'existence de ces directives qui doivent être tracées dans le dossier personnel médical du patient. Le décret rappelle que le médecin qui va prendre une décision, concernant un patient qui ne peut plus participer à la discussion, doit prendre en compte, donc rechercher l'existence de directives anticipées et s'attacher à vérifier leur validité.

Page 52: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

258

3.4. REPERES POUR UNE PRISE DE DECISION DANS LES SITUATIONS DIFFICILES DE FIN DE VIE 3.4.1. Introduction

Les difficultés décisionnelles concernant les malades en fin de vie s’attestent sur les nombreux débats autour des concepts d’acharnement thérapeutique et de limitation des soins. Afin de donner des repères pour les prises de décisions, nous proposerons, d’une part, des repères déontologiques et d’autre part, un mode de discussion des décisions qui se proposent chaque fois qu’une décision s’avère difficile d’essayer de répondre aux trois questions suivantes :

- Pourquoi allons-nous prendre cette décision ? - Pour qui allons-nous prendre cette décision ? - De quel droit ?

Cela nous conduira à poser les principes de l’éthique clinique issue d’une pratique née dans les pays nord-américains notamment au Canada et qui est mise à l’œuvre dans les réflexions habituelles des équipes de Soins Palliatifs.

3.4.2. Les repères déontologiques Dans sa version du décret 95-1000 (paru au Journal Officiel du 8 septembre 1995), le code de déontologie français fournit des repères plus précis que dans les versions antérieures tant en ce qui concerne la question de l’acharnement thérapeutique que celle de la limitation des soins. Nous citerons l’article 2 relatif au respect de la personne, de la vie humaine et de la dignité ; l’article 8 mobilisant le discernement du médecin quant aux avantages et inconvénients des investigations et thérapeutiques possibles ; l’article 35 qui insiste sur la loyauté des informations fournies au patient et l’article 36 qui rappelle l’impérieuse nécessité d’obtenir un consentement éclairé. En ce qui concerne la question des Soins Palliatifs et de la prise en charge de la douleur, le nouveau code de déontologie introduit deux articles qui sont une avancée très significative en ce qui concerne la problématique des maladies à pronostic réservé. L’article 37 indique : « En toute circonstance, le médecin doit s’efforcer de soulager les souffrances de son malade, l’assister moralement et éviter toute obstination déraisonnable dans les investigations et ou les thérapeutiques » ; L’article 38 précise : « Le médecin doit accompagner le mourrant jusqu’à ses derniers moments, assurer par les soins et mesures appropriées, la qualité d’une vie qui prend fin, sauvegarder la dignité du malade et réconforter son entourage. Il n’a pas le droit de provoquer délibérément la mort ». Les articles que nous avons ainsi mis en exergue illustrent les liens privilégiés qu’entretient le code de déontologie avec la morale de conviction : respect de la vie, de la dignité à la personne humaine, de son autonomie, de son individualité tout en faisant place à une morale téléologique en se référent notamment dans les articles 8 et 37 aux principes de futilité, de proportionnalité que nous allons détailler ci-après.

3.4.3. Les repères pragmatiques de la décision 1. La réponse à la question : « Pourquoi cette décision ? : intentionnalité de la décision ». Nous attirons tout d’abord l’attention sur les manières de répondre à la question « Pourquoi » : - L’une consiste à mobiliser la locution conjonctive « parce que ». Cette réponse

introduit certainement la cause, le motif de la décision mais de façon justificative. Soulignons que le terme employé seul marque le refus ou l’impossibilité de répondre. A vouloir trop justifier ou trouver une cause de décision, le risque existe de se retrouver dans l’impossibilité de formuler une réponse à l’ultime « Pourquoi » du patient,

- L’autre façon de répondre mobilise la locution conjonctive « pour que ». Elle introduit de façon plus claire le but, l’intention et comporte également la potentialité d’introduire la conséquence de la décision. Appliquée à la décision d’une nouvelle chimiothérapie dans une situation de cancer polymétastatique, on

Page 53: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

259

mesure que les réponses du type : « parce que le patient demande quelque chose, parce qu’il faut faire quelque chose, parce que l’on ne peut pas rester sans rien faire, parce qu’il faut maintenir l’espoir du patient … » n’ouvrent pas sur le même type de délibération qu’une réponse du type « pour que les effets attendus de cette chimiothérapie contribuent au confort physique et psychologique du patient ».

Pour faciliter la réponse à la question « pourquoi », nous proposons de mobiliser les principes suivants :

- Le principe de bienfaisance : Prérequis hippocratique : « d’abord ne pas nuire ». Chacune de nos décisions doit attester activement la référence à l’obligation de faire le bien au sens physique, moral et métaphysique ;

- Le principe du double effet :

C’est un principe de procédure qui aide à la décision en se demandant si un effet nuisible peut être acceptable lorsqu’on va prescrire un traitement. Pour l’invoquer, le soignant doit avoir l’intention d’un effet désirable et des motivations claires et il reconnaît la possibilité d’un effet indésirable et inévitable. Il existera toujours une différence éthiquement consistante entre prévoir un effet négatif et avoir l’intention de le produire. Ce principe repose sur quatre conditions :

• Le traitement est au moins neutre, sinon bénéfique, mais peut avoir aussi bien des conséquences positives que négatives ;

• L’intention du clinicien et l’effet bénéfique (par exemple soulager la douleur) mais l’effet négatif prévisible (possibilité de raccourcir la vie) peut être inévitable ;

• L’effet négatif n’est pas nécessaire à la réalisation de l’effet positif désiré ; • Il existe des raisons suffisantes (soulagement de la douleur) pour accepter le

risque lié à l’effet négatif. 2. La réponse à la question « pour qui cette décision : finalité de la décision ». Les principes que nous allons mobiliser doivent conduire à ce que la décision désigne clairement le patient comme le bénéficiaire du résultat attendu. Il convient de prévenir la mise en œuvre de toutes les décisions qui in fine répondraient plus à la souffrance de la famille ou des équipes soignantes de n’avoir rien à faire ou à dire face à un patient en situation critique. Pour répondre à cette question, nous proposons de mobiliser deux principes téléologiques : le principe de futilité et de proportionnalité, et un principe déontologique : le respect inconditionnel de l’autonomie du patient.

- Le principe de futilité : La futilité des décisions doit se mesurer en fonction des objectifs cliniques pour chaque patient considéré dans son individualité physique, psychique, sociale et spirituelle. Il convient ici d’établir une distinction claire entre deux composantes du principe de futilité : les effets physiologiques et les bénéfices escomptés.

Certains traitements sont futiles parce qu’ils ne pourraient produire l’effet physiologique voulu chez le patient, c’est ainsi que sur la base des essais cliniques et des expériences cliniques, la probabilité est souvent infinitésimale qu’une chimiothérapie mette un terme à un processus cancéreux au stade métastatique. D’autres traitements peuvent être futiles parce qu’ils ne permettent pas d’atteindre des objectifs cliniques de soins même s’ils peuvent prolonger la vie biologique. Par exemple, si l’objectif des traitements est de restaurer une certaine indépendance au patient en fin de vie, son futiles les traitements qui le condamnent à dépendre d’appareil de maintien de vie.

Page 54: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

260

Il est ainsi justifié de suspendre ou de ne pas mettre en œuvre tout traitement médicamenteux ou toute aide technique qui au mieux n’entraîneraient que des effets physiologiques sans bénéfices réels en terme en qualité de vie.

- Le principe de proportionnalité : Il propose que les traitements et investigations disponibles soient contre-indiqués lorsque les techniques mises en œuvre posent des contraintes ou des souffrances au patient qui sont hors de proportions avec les bénéfices qu’il peut en recevoir. Il s’agit ici de parfaitement maîtriser les effets adverses ou iatrogènes des décisions qui pourraient être prises en récusant celles qui vont induire une souffrance surajoutée.

- Le principe du respect inconditionnel de l’autonomie du patient : Ce principe nous amène à considérer en permanence le patient dans une position de sujet capable de choisir ce qui est bon pour lui et les risques qu’il est prêt à courir. Ce principe mobilise un pré-requis qui est celui du partage loyal de l’information avec le patient afin d’obtenir son consentement éclairé. Le rôle des soignants et du médecin en particulier est de livrer au patient avec tact et discernement les éléments d’informations qui lui permettront de choisir les décisions les plus adaptées à sa situation. Dans la situation où le patient n’est plus en mesure de communiquer, de comprendre et de s’exprimer, le respect de l’autonomie du patient se heurte à cette incapacité. La décision va alors dépendre de l’interaction entre la famille, la personne de confiance et l’équipe soignante. Un des critères essentiels à cette décision, est d’essayer alors d’évaluer ce qu’aurait voulu le patient s’il avait été capable de s’exprimer ou s'il l’a exprimé dans des directives anticipées. Les proches qui connaissent bien le patient, peuvent suggérer à l’équipe médicale comment il aurait voulu être traité notamment dans le cadre d’une maladie terminale.

3. La réponse à la question « de quel droit : responsabilité de la décision » Ses applications interrogent la loi, la compétence des soignants mais aussi la responsabilité dans les coûts qu’il engage. Enfin, comme la loi nous y engage, nous serons particulièrement attentifs aux patients qui ne peuvent participer à la prise des décisions notamment quand leurs fonctions supérieures sont altérées. Nous proposons de mobiliser quatre principes pour éclairer la réponse à cette question :

- Le principe d’humilité : Il rappelle à l’ensemble des soignants et aux médecins en particulier lorsqu’ils vont prendre in fine la décision, le fait qu’il est aujourd’hui difficile de maîtriser l’ensemble des connaissances développées par les progrès médicaux mais également les bonnes pratiques et les bonnes attitudes que le développement de la médecine a profondément diversifiées.

Ce principe recommande de recourir à l’interdisciplinarité dans la perspective que la décision soit le fruit de la délibération du plus grand nombre.

- Le principe d’équité : Il recommande de respecter ce à quoi les individus ont droit. C’est l’occasion de souligner que notre pratique soignante est autorisée parce que la loi lui donne un cadre qui a l’expérience, est bien souvent méconnu des soignants. C’est donc aussi l’occasion de rappeler que tous les actes commis par des soignants et sortant du cadre légal, peuvent faire l’objet de poursuites pour coups et blessures.

Mais le principe d’équité, s’il fait référence à la loi, ne se résume pas à la loi. Il s’articule avec les valeurs fondatrices que l’on retrouve dans le serment hippocratique et tout particulièrement l’inaliénable dignité de l’homme (la dignité est ici entendue dans son sens absolu comme la hauteur que je dois reconnaître en l’autre au fondement du fait qu’il est une personne humaine).

Page 55: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

261

- Le principe de justice : Il propose de distribuer honnêtement bénéfices – risques et coûts. La réflexion décisionnelle ne peut faire l’impasse sur la nécessité d’évaluer le coût humain et matériel de toutes décisions. Les moyens dont nous disposons pour assurer les soins ne peuvent croîtrent de façon indéfinie, nous le mesurons chaque jour plus pleinement à l’orée du 21ème siècle. Si la limitation des soins pour des raisons économiques ne peut s’imposer comme un principe premier à nos décisions, nous portons la responsabilité d’aider les patients à choisir les réponses les plus efficientes dans le rapport coût – efficacité.

- Le principe de sollicitude : Il propose de respecter inconditionnellement l’égalité des individus quelle que soit leur altérité. Nous le mobilisons tout particulièrement pour les patients incompétents en raison de l’altération de leurs fonctions supérieures, lorsque la discussion ne va pouvoir s’instaurer qu’entre l’équipe soignante et la famille afin de tendre au mieux vers la décision qui aurait été celle souhaitée par le patient lui-même. 3.4.4. Le concept d’éthique clinique

1 : Le champ de l’éthique clinique Elle touche toutes les décisions, incertitudes, conflits de valeurs et dilemmes auxquels les médecins et les équipes médicales sont confrontées aux chevets des patients. Elle se donne pour finalité d’aboutir à un jugement pratique sur ce qu’il faut faire ou ne pas faire pour aider un patient à faire des choix thérapeutiques qui correspondent le mieux à ses besoins cliniques et à ses intérêts en général. 2 : La méthode de l’éthique clinique L’éthique clinique défie les traditions philosophiques et morales, quitte le discours abstrait et prend position sur ce qu’il devrait être fait maintenant, lorsque la décision est cruciale pour l’avenir du patient et que les conséquences en sont souvent irréversibles. En éthique clinique, le patient est la norme qui régit les décisions à prendre et les jugements pratiques à porter. C’est à partir de l’histoire du patient que l’éthique clinique interprète les principes et précise ce qu’ils exigent, permettent, tolèrent ou prohibent pour ce patient. Il ne s’agit pas d’analyser chaque cas à la lumière d’une grille de principes moraux, philosophiques et religieux pour en tirer une conclusion. Les principes doivent être soumis à la grille des cas individuels, à un éventail d’histoires personnelles, constitué de souffrances et de pertes multiples, de menaces à l’intégrité personnelle et de mort. L’éthique clinique est une activité intellectuelle distincte et originale : pour interpréter correctement les dilemmes éthiques, il faut comprendre la situation clinique dans toute sa subtilité et sa complexité médicale et individuelle. Sa méthode peut se résumer ainsi : chaque cas renferme sa propre solution. Si l’on comprend le patient, son corps et son histoire dans sa totalité, les autres éléments indispensables pour résoudre l’incertitude, le conflit ou le dilemme vont se dégager progressivement de la discussion. La communication et la discussion sont essentielles pour décrire et comprendre le cas du patient dans son ensemble. Tous les points de vue éclairés et pertinents doivent s’exprimer et se corriger mutuellement : ceux du patient (s’il est conscient et capable de les exprimer), ceux des médecins, des infirmières, des membres de la famille, des autres consultants et de toutes autres personnes qui ont un rôle à jouer dans la problématique individuelle du patient. Le grand défi de l’éthique clinique consiste donc à établir un dialogue et à le maintenir jusqu’à ce que la confrontation de ces différents points de vue amène à choisir l’essentiel et à atteindre un consensus tolérable sur ce que l’on doit faire ou éviter.

Page 56: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

262

CHAPITRE IV DEUIL NORMAL ET PATHOLOGIQUE

LE DEUIL CHEZ L’ENFANT

Nicolas Saffon, Pascale Allanic et Jean-Philippe Raynaud

Plan du Chapitre pages 1. La notion de mort chez l’enfant 264 1.1 Le concept de mort 1.2 Créatures « transitionnelles » 266 2. Clinique du deuil chez l’enfant 2.1 Les étapes du deuil 267 2.2 Particularités du deuil chez l’enfant 2.3 Les complications du deuil chez l’enfant 269 2.4 L’accompagnement de l’enfant endeuillé 3. Eléments de bibliographie 270

Page 57: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

263

CHAPITRE IV DEUIL NORMAL ET PATHOLOGIQUE

LE DEUIL CHEZ L’ENFANT

L'enfant est confronté de façon très précoce à la perte et à la mort. Le processus

même de maturation psychique avec ses stades imbriqués les uns dans les autres suppose qu'une partie de nous meurt, en tant qu'elle était liée à un certain mode de relations à l'environnement, pour laisser place à de nouveaux investissements.

La notion de travail de deuil est aujourd'hui contestée alors qu'elle était au cœur des préoccupations des premiers psychanalystes Karl Abraham et Sigmund Freud. Pour ce dernier : “ le deuil est régulièrement la réaction à la perte d'une personne aimée ou d'une abstraction mise à sa place, la patrie, la liberté, un idéal…etc ”. On voit bien ici que ça n'est pas seulement la mort qui est commune à tous les hommes mais aussi la perte.

Le travail de deuil est donc bien un processus psychique complexe qui permet de ne

pas rester dans la douleur insupportable la perte et de se détacher à terme, au moins partiellement, des absents disparus pour investir de nouveaux objets.

Ce concept paraît encore très actuel et ce ne serait donc pas le processus du deuil

qui serait devenu soudain obsolète mais la vulgarisation réductrice qui consiste de façon opératoire à dire: “ il faut faire son deuil en un an ”.

En effet, particulièrement chez l'enfant, le processus de deuil, tout en étant bien

identifiable va s'étaler sur plusieurs années et connaître plusieurs paliers jusqu'à la fin de l'adolescence et même au delà.

Ce phénomène, qui n'est pas une maladie, consiste selon Kristeva à : “ traverser les

sentiments d'amour et de douleurs que provoque la perte d'une personne aimée et irremplaçable pour se retrouver et non pas dans l'indifférence mais dans une mémoire sereine ”. Cependant toutes les pertes ne sont pas équivalentes et dans nos pays occidentaux où la durée moyenne de vie a augmenté comme diminuait la mortalité infantile, certaines pertes sont devenues plus rares et d'autant plus insoutenables.

Plusieurs voies d'accès conduisent à une meilleure compréhension de ce que peut-être le cheminement du deuil pour l'enfant. On dispose d'études directes, d'observation d'enfants, mais également de récits d'adultes, de romans, d'autobiographies ou de fragments d'analyse.

L'enfant, quel que soit son âge n'est pas seulement confronté à la perte des grands-parents, il peut, dans des circonstances plus ou moins violentes (maladie, accident, suicide,

Page 58: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

264

meurtre) perdre un ou deux de ses parents, un frère, une sœur, un camarade de classe.

Or, au regard du deuil, l'enfant n'est pas un adulte en miniature, sa manière de vivre le processus du deuil dépendra de son âge, de son fonctionnement mental avant la perte, des relations qui préexistaient dans la famille, de sa relation singulière au disparu, du poids symbolique hérité des générations passées qui pèse sur ses épaules. On sait aujourd'hui que le deuil porté par l'enfant va influencer non seulement son développement psychoaffectif, sa maturation, mais également sa santé physique. Il est donc essentiel pour tout médecin confronté à un enfant souffrant de se renseigner précisément sur les événements de vie qu'il a connus et plus particulièrement les deuils, même anciens.

Enfin chez l'enfant, le deuil est vécu en fonction de son développement cognitif, de sa culture. Ainsi la notion même de mort n'est intégrée que progressivement dans la pensée de l'enfant. I - LA NOTION DE MORT CHEZ L’ENFANT

1.1. Le concept de mort

L’enfant utilise et manipule très tôt le concept et le mot de mort. Il pense à la mort, il joue à la donner à la reprendre, à l'annuler. Sa conception de la mort varie au cours du temps, influencée par des facteurs externes mais aussi par le mode de fonctionnement mental. En effet la mort n'est pas qu'une affaire de savoir, elle a partie liée avec la croyance. La notion de mort sera donc modelée par les deux lignées du développement psychoaffectif ou pulsionnel et du développement cognitif.

Chez le bébé :

Au début de sa vie, le petit homme ne connaît pas la mort. Il n'a probablement que des prémisses pour éprouver les limites entre soi et non soi. Il est pourtant complètement dépendant d'un autre et commence par ressentir la satisfaction ou non de ses besoins essentiels.

Pourtant on sait que dès la vie in utero, le bébé peut reconnaître et donc mémoriser des éléments de son environnement et plus particulièrement des caractéristiques de sa mère, de son père y compris le fait qu’ils se préoccupent de lui. Il sera donc très tôt sensible à l'absence, au caractère inquiétant d'une trop grande discontinuité ou de la disparition brutale d'un élément essentiel de son environnement.

Même s'il n'est pas question de parler d'un réel travail de deuil du bébé, celui-ci manifeste à sa façon le désagrément de l'absence et de la perte. Si elle n’est pas bien compensée, cette perte pourra avoir des conséquences très lourdes sur son développement.

Chez le jeune enfant : Avant quatre ans, vie et mort vont progressivement prendre sens au fur et à mesure que l'enfant accède à la symbolisation.

Au début, l'enfant ne connaît que l'absence et la douleur de la séparation. À travers

Page 59: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

265

des jeux répétitifs, il tente de s'en rendre maître, de mentaliser ce qu'initialement il subit. Il joue à cache-cache, à faire apparaître et disparaître des objets, élabore des stratégies pour faire revenir auprès de lui sa mère qui s'est absentée.

Mourir est alors une autre de façon de vivre, un peu comme l'alternance veille sommeil. Le déroulement même de l'existence n'est pas perçu comme linéaire, avec un début et une fin, mais plutôt comme circulaire avec alternance de vie et de mort. Dans les jeux, le fait d'être mort est péjoratif mais pas angoissant.

Progressivement, les notions de vivant et de mort vont s'enrichir et se diversifier.

Pour l’enfant, celui qui est mort ne peut plus parler, ne peut plus bouger, ne mange plus. Pourtant il peut voir et entendre sans difficulté ce qui se passe autour de lui.

À cet âge, l'enfant commence à connaître le monde en fonction des références familiales, il découvre les attributs de la mort : cimetière, cercueil, rituels.

La mort est parfois personnifiée. D'une certaine façon il y a confusion entre la mort et le mort. L'enfant pense encore qu'il peut échapper à la mort, elle ne le concerne pas directement.

Entre sept et neuf ans :

Au moment où commence la scolarité primaire, vont émerger à la fois les notions d'irréversibilité et l'angoisse liée à la mort. L'enfant se défend volontiers des angoisses de mort par des rationalisations défensives, par l'usage de la pensée magique “ si je dis certains mots ou si je fais certaines choses, je serai protégé de la mort ou bien mes parents en seront protégés ”.

Entre neuf et onze ans :

La notion de mort de l'enfant se rapproche de celle des adultes. Il peut en donner une définition abstraite, prend conscience du caractère biologique est universel du phénomène.

Par ailleurs, l'idée de mort est d'abord associée à un phénomène extérieur plutôt

violent, une agression, une maladie. Cette conception correspond à l’émergence du sentiment de culpabilité. Si quelqu'un est mort c’est que quelqu'un d'autre l’a tué ou a voulu sa mort.

Dans les premières années, l'enfant est envahi par un sentiment de toute-puissance, son hostilité inconsciente à l'égard du père, par exemple dans la période œdipienne, peut tout à fait donner lieu à un sentiment violent de culpabilité si ce dernier meurt prématurément.

Le recours à la pensée magique, à des pratiques de conjuration, l'impression que tout ce qui se passe dans la famille est de sa responsabilité va perdurer chez l'enfant jusqu' à l'adolescence.

On voit bien ainsi qu'il ne s'agit pas de franchir des étapes avec des seuils bien nets mais qu'au contraire chaque étape avec son mode de fonctionnement mental infiltre la précédente et la suivante.

Bien sûr la représentation de la mort sera aussi fonction de l'éducation donnée par les parents. Elle sera d'autant plus précise qu'on parle librement de la mort et des disparus dans la famille.

Page 60: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

266

Dans un milieu rural où on est confronté très tôt au cycle de naissance et de mort des

animaux, la notion de mort sera plus facilement évolutive.

Les conversations entre enfants, la télévision et les jeux vidéo apportent aussi leur contribution à la représentation de la mort. En effet en observe facilement la distance prise par un enfant avec le spectacle télévisé de la mort.

L'école quant à elle semble faire peu de place à l'appropriation de la notion de mort.

Enfin même si on commence à mesurer l'impact des images télévisées sur la violence sociale des enfants, la “ jauge de vie ” des jeux vidéo permet peut-être de différencier utilement le monde de la fantaisie et de la création et celui de la dure réalité.

1.2. Créatures "transitionnelles"

Comme l'adulte, mais plus que lui, l'enfant a recours à des catégories intermédiaires pour se représenter l'inconnu.

Le fantôme permet d'approcher les liens entre monde des vivants et monde des morts. Il est une tentative de déni de la mort puisqu'il est à la fois mort et toujours actif, il revient de la mort et ne peut lui-même la trouver.

La figure du squelette joue le même rôle pour tenter de maîtriser et d'élaborer la peur suscitée par le cadavre et la putréfaction.

Enfin dans certaines familles, les images d' esprit, d'oiseau, d'ange, sont utilisées pour pouvoir parler des attributs des morts tout en gardant à l'esprit une image connue, et une représentation partagée.

L'expérience clinique montre que ça n'est pas parce que l'enfant ne livre pas volontiers son corpus d'idées concernant la mort qu'il n'a pas en lui tout un monde infiltré de fantasmes et de magie. On ne pourra y avoir accès que par une écoute patiente ou à l'aide de médiation par le jeu et le dessin. II - CLINIQUE DU DEUIL CHEZ L'ENFANT

Les manifestations du deuil chez l'enfant peuvent être parfois bruyantes. Cependant comme on l'a fait longtemps pour la douleur physique, on peut facilement sous-estimer l'éprouvé du deuil devant un enfant qui paraît ne pas souffrir, qui ne pleure pas et qui continue à jouer. Ça n'est pas parce qu'on ne voit rien que l'enfant ne souffre pas.

Le travail de deuil chez l'enfant n'est pas superposable à celui de l'adulte. Cependant les grandes étapes peuvent se retrouver.

Page 61: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

267

2.1. Les étapes du deuil

1 - choc et traumatisme

Si on considère que traumatisme psychique est un débordement des défenses et des mécanismes de pensée habituels, l'annonce de la mort d'un proche à un enfant est bien un événement qui peut être traumatique.

Il peut y avoir une réaction de sidération, de colère, la mise en place rapide de défenses de comportement dans un but de décharge. L'enfant s'agite, son attention se disperse comme s'il voulait échapper à la mise en images et en représentation de ce qui lui est dit ou de ce qu'il a vu.

2 - dépression et “ folie ”

La situation de deuil provoque régulièrement une réaction dépressive chez l'enfant. Comme toujours chez l'enfant, cette dépression peut se présenter sous des visages divers : Irritabilité, variations rapides de l'humeur, désinvestissement scolaire, troubles du sommeil ou de l'appétit, mise en danger de soi chez un enfant devenu très turbulent, apparition d'une fatigue durable ou d'une maladie somatique...etc

Comme chez l'adulte il n'est pas rare d'observer des manifestations de perte de la réalité comme si le deuil faisait basculer dans la psychose.

L'enfant parle avec la personne disparue, la voit longtemps près de lui, mélange le récit de rêves et des manifestations d'allure hallucinatoire.

Ces éléments ne sont pas les signes d’un deuil pathologique ou d'une psychose débutante mais des éléments normaux et utiles du processus de deuil.

3 - terminaison et acceptation

Au bout de quelques semaines, parfois quelques mois, la douleur sera moins grande, l’intérêt pour le monde extérieur plus authentique. Cependant le deuil va changer de forme mais le travail se prolongera pendant plusieurs années. En effet, de la même façon que la nature des relations avec la personne qui est décédée aurait varié au cours du développement, l'enfant va au fil du temps voir se réchauffer puis se refroidir de nouveau les liens qu'il entretient avec les représentations du disparu qu'il porte en lui. Ce n'est parfois que très tardivement, à l'âge adulte, qu'on pourra parler de cicatrice éteinte du deuil. Alors seulement celui qui est mort pourra être évoqué sans désorganisation psychique, sans culpabilité écrasante.

2.2. Particularités du deuil chez l'enfant

Les manifestations cliniques dans la période du deuil doivent être interprétées à la lumière du fonctionnement mental antérieur de l'enfant.

Page 62: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

268

En fonction de l'âge

Même si l'enfant avant quatre ans peut montrer les trois étapes du deuil (protestation, le désespoir, détachement), elles n'ont pas forcément chez lui la signification d'un processus à l'œuvre. Il va souffrir de l'absence, il va être atteint par la dépression des adultes restant autour de lui. La perte d'un adulte proche et à fortiori de la mère aura bien sûr des effets considérables sur le bébé ou le jeune enfant mais le travail de deuil proprement dit, sera différé et repris au cours de l'enfance et de l'adolescence.

Chez le jeune enfant, il sera essentiel qu'il retrouve un environnement sécurisant, stable, lui procurant ce dont il a besoin et on devra s'attacher par exemple à ce qu'il ne reste pas confronté à la seule présence d'un adulte endeuillé.

Après quatre ou cinq ans, le travail de deuil est plus facile à observer. L'enfant s'identifie à l'objet perdu, il n'a plus son père ou sa mère à sa disposition mais il est, au moins partiellement, son père ou sa mère qu'il a mise en lui. Il peut se sentir extrêmement coupable du fait de son ambivalence à l'égard du mort y compris de façon déplacée. Par exemple il peut éprouver de la culpabilité à s'attacher au nouveau compagnon du parent resté seul. Pourtant l'investissement d'une nouvelle relation peut être tout à fait utile au processus de deuil à condition que le nouveau compagnon ou la nouvelle compagne n'interdise ni le souvenir du parent disparu ni les manifestations émotionnelles qui peuvent paraître parfois excessives.

Il peut être terrorisé à la pensée de nouvelles morts ou pertes. Il pourra alors être envahi d'idées obsédantes ou de prières obsessionnelles pour conjurer le sort.

Chez l'adolescent, si le deuil ressemble à celui de l'adulte, il s'accompagne fréquemment d'idées de suicide. S'il s'agit de la perte d'un parent, il est compliqué par le fait que l'adolescent était aux prises avec une réviviscence œdipienne (rivalité - hostilité à l'égard des parents) et avec une séparation progressive parfois conflictuelle avec ses parents.

En fonction de la famille

Les modalités de la vie familiale avant le décès mais aussi la capacité des adultes survivants à vivre authentiquement leur deuil tout en reprenant progressivement leurs investissements vont profondément modifier l'attitude de l'enfant endeuillé. Dans certaines familles, on s'attachera par exemple à ne rien montrer, à faire “ comme si ”. Or l'enfant même jeune est très sensible à la facticité des affects. La nature des liens entre le disparu et l'enfant lui-même va peser également. Dans certaines familles, l'enfant porte un “ mandat transgénérationnel ” qui va parfois aggraver son vécu de culpabilité lorsqu'il sera confronté à un deuil. Par exemple, il porte le nom d'un grand-père et doit aux yeux de la famille en avoir toutes les qualités. La manière d'annoncer la mort mais aussi la participation de l'enfant au rituel seront variables en fonction des cultures. Le médecin confronté à un enfant endeuillé devra chercher à connaître les traditions culturelles et particulières de chaque famille.

En fonction des circonstances - perte d'un frère ou d'une sœur :

D'un point de vue général, les sentiments de culpabilité sont ici particulièrement vifs, qu'il y ait eu ou non une rivalité fraternelle consciente. Un cas particulier est celui des

Page 63: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

269

enfants de remplacement (par exemple un enfant qui porte le nom d'un aîné disparu), le deuil ne sera alors possible qu’à condition que les parents eux-mêmes aient pu faire ce chemin.

- suicide d'un des parents :

La question régulièrement posée au médecin est celle de la révélation. Il y a eu souvent idéalisation du parent disparu et pourtant cette sorte de faux secret pèse sur la famille. Le moment et les modalités de la révélation doivent être discutée au cas par cas mais il semble utile et intéressant de prononcer assez tôt le mot de suicide.

- disparition d'un des adultes de l'entourage (guerre, naufrage...etc) :

Lorsque le père ou la mère ont disparu alors même que tout porte à croire qu'ils sont décédés, le processus de deuil est parfois suspendu, la croyance en un retour possible persiste très longtemps.

2.3. Les complications du deuil chez l'enfant

Généralement, on observe une aggravation des éléments psychopathologiques

lorsqu'il y en avait antérieurement.

Précocement, on peut observer une anxiété majeure dans son intensité ou sa durée, une profonde culpabilité pathologique, des manifestations à type de troubles du comportement grave, agressivité, hyperactivité, mise en danger de soi de façon répétée, tentative de suicide.

À distance, la perte d'un des parents a fortiori des deux exposerait à davantage de maladies somatiques et de pathologies psychiatriques à l'âge adulte. La séparation ou la perte précoce serait un facteur de plus mauvais pronostic. Ces éléments sont statistiques et il est hors de propos d'affirmer que tout deuil précoce conduit à une pathologie somatique ou psychiatrique de l'adulte.

2.4 L'accompagnement de l'enfant endeuillé

Accompagner un enfant dans le deuil c'est accompagner aussi sa famille ou son entourage.

Il faudra être particulièrement vigilant à l'égard des jeunes enfants dont la souffrance peut passer inaperçue et qui ne sont pas encore psychiquement aptes au processus de deuil. Pour eux la qualité de l'entourage sera essentielle mais il sera souvent utile de proposer une consultation spécialisée.

Le deuil n'est pas une maladie, il fait partie des épreuves de la vie et pouvoir le traverser donne parfois une force supplémentaire au Moi ainsi qu'un sens à existence.

Pour que ces aspects positifs du deuil puissent advenir, il faudra que la perte ne se résume pas à un traumatisme psychique.

Il convient donc de parler à un enfant des circonstances de la mort. Plus particulièrement il faudra lui dire que la personne qu'il aime est bien morte, répondre à ses questions sans construire de faux récit.

Il faudra être capable d'endurer sa colère, son indignation ou son agitation initiale.

Il faudra essentiellement lui dire à quel point on peut comprendre qu'il se sent

Page 64: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

270

coupable mais que la mort de la personne disparue n'est pas de sa responsabilité, quoi qu’il ait pu penser.

On pourra soutenir les parents, les encourager à demander à l'enfant s'il veut voir le défunt avant les funérailles, lui laisser un présent, donner un texte ou un dessin.

Il paraît essentiel que l'enfant reste intégré à la famille en deuil, s'il participe au rituel, aux funérailles, il aura d'autant moins tendance à enfouir ses émotions, à taire ses représentations.

On pourra encourager l'évocation de la personne décédée à travers les objets qu'elle a laissés mais aussi des photos, des enregistrements, les films.

L'enfant pourra de façon symbolique continuer pendant quelque temps à produire des objets, des dessins ou des textes destinés à la personne qu'il a perdue et à l'inverse on pourra lui confier quelques objets ayant appartenu au défunt.

En effet si on préconise couramment de faire parler les enfants, en pratique cela n'est pas si facile et on aura parfois besoin d'un professionnel, d'une médiation à l'aide d'un dessin ou d'un jeu symbolique consistant à attribuer des couleurs à chacune de ses émotions.

Lorsque des proches demandent un conseil, on préconisera d'entourer l'enfant mais aussi les adultes restés auprès de lui et endeuillés comme lui.

Il existe des associations proposant de l’aide, des groupes de soutien et des supports écrits pour les enfants endeuillés.

Il faudra encourager les plus proches à se partager les tâches pratiques, conduire l’enfant à l'école ou à une séance de sport. L'essentiel étant de ne pas se sentir seul face à l'absence et à ses propres sentiments.

Si on se réfère à Alain de Broca, pédiatre, il n’y a pas d’indication systématique d’une surveillance médicale pour les enfants en deuil, il faudrait “ garder un œil sur l’enfant avec beaucoup de respect …s’attacher à ne pas banaliser sans trop dramatiser non plus ”. Les enfants confrontés à des deuils violents (pris dans un accident, témoins de meurtre ou de suicide) devraient bénéficier d’un suivi pédiatrique étroit et au moins d’une consultation pédopsychiatrique.

En cas de troubles psychiques durables, dépression, velléités suicidaires, arrêt du développement ou panne des investissements, il conviendra de travailler avec les parents et l’enfant pour aboutir à une consultation pédopsychiatrique. III - ELEMENTS DE BIBLIOGRAPHIE : BACQUE MF, HANUS M, Le deuil, Que sais-je, PUF 2000. DE BROCA A, Deuils et endeuillés. Comprendre pour mieux écouter et accompagner, Masson, Coll. médecine et psychothérapie, 2°éd, 2001. Deuils, vivre c’est perdre. Revue Autrement, série Mutations, n° 128, Autrement. FREUD S, Deuil et mélancolie, Œuvres complètes, tome XIII, PUF, Paris, 1988.

Page 65: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

271

HANUS M, Les deuils dans la vie, Maloine 1994. HANUS M, SOURKES BM, Les enfants en deuil, Frison Roche, Paris 1997. Le deuil, Monographie, Dir. Amar N, Couvreur C, Hanus M, Revue française de psychanalyse, PUF, 1994. L’enfant, la maladie et la mort, La lettre du GRAPE, n° 26, déc.1996. VIDEO : HUME C. Les enfants en deuil. 36mn. Vivre son deuil. 7 Rue Taylor 75010 Paris.

Page 66: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

272

CHAPITRE 5 SAVOIR TRAITER LES SYMPTOMES AUTRES QUE LA DOULEUR

CHEZ UN MALADE EN FIN DE VIE. SAVOIR GERER CERTAINES SITUATIONS D’URGENCE ET L’AGONIE.

Nicolas Saffon, Valérie Mauriès, et Jacqueline berthaud

Plan du Chapitre pages

1. Introduction 2. La Dyspnée 3. L’Agonie 4. L’Agitation délirante 5. L’Anxiété 6. L’Hydratation 7. La Fatigue

8. Les Situations d’urgence 9. Les Nausées et Vomissements 10. La Constipation 11. Les Diarrhées 12. Les Occlusions digestives 13. Les Atteintes buccales 14. L’Anorexie et la Cachexie 15. La prise en charge du Hoquet en Soins Palliatifs 16. Conclusion générale

Page 67: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

273

I - INTRODUCTION Hors du champ de la médecine curative, la médecine palliative s’emploie à traiter non

plus la maladie elle-même, mais ses effets et les complications intercurrentes

Les symptômes sont généralement polyfactoriels et toute la difficulté est de savoir jusqu’où aller dans les investigations pour déterminer leur cause. En matière de symptômes, il existe des : Symptômes objectifs Symptômes subjectifs

Ils doivent être traités pour aboutir au meilleur confort du patient après identification autant que possible de leur origine. Leur prise en charge est spécifique en Soins Palliatifs, car : Il existe peu de protocoles médicaux établis sur les méthodes classiques

de comparaisons Il s’agit plus d’une Experience Based Medecine que d’une Evidence Based

Medecine, même si tous les efforts des praticiens convergent dans ce sens (difficultés actuellement à établir des protocoles de recherche)

Les prescriptions sont guidées par la connaissance des mots clés suivants :

PROPORTIONNALITE : tout examen complémentaire et tout traitement

destinés à améliorer l’état du patient doivent être proportionnés à son état général ( pas de TDM in extremis, pas d’antibiothérapie en phase agonique…)

TITRATION recherche de la plus petite dose efficace, générant le moins

d’effets secondaires possibles.

SURVEILLANCE rapprochée de l’efficacité et des effets secondaires permettant une adaptation des prescriptions chez des patients fragiles, évolutifs, et présentant généralement plusieurs symptômes intriqués ( le RÔLE INFIRMIER EST MAJEUR : ce travail ne peut se faire que dans la collaboration entre soignants).

EVALUATION ET MODIFICATIONS THERAPEUTIQUES FREQUENTES.

Le principe médical de base PRIMUM NON NOCERE vaut toujours et encore, avec une réflexion constante sur le rapport bénéfices/risques de chacune des prescriptions (les soins par ailleurs, ne doivent pas générer de douleur ou d’inconfort…).

INDIVIDUALISATION DU TRAITEMENT

: Les symptômes étant traités sur la base de l’évaluation qu’en fait le patient, deux patients présentant des symptômes identiques ne seront pas forcément traités de la même façon. Les choix thérapeutiques seront autant que possible explicités au patient (en fonction de sa demande d’information) et à la famille (ceci est particulièrement important à la maison pour pouvoir assumer les choix thérapeutiques ou si la famille est un soutien ou participe à la prise en charge.)

Page 68: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

274

CHOIX DES PRIORITES THERAPEUTIQUES Un patient en soins palliatifs présente généralement plusieurs symptômes :

(Constipation, anorexie, nausée, anxiété, dyspnée…), il n’est pas toujours facile de tout prendre en charge en même temps : une hiérarchisation des priorités avec le patient peut lui permettre de ne pas se décourager et de se sentir acteur, de se réapproprier les décisions.

« Aujourd’hui on va traiter ce symptôme plutôt de ceci… et demain on verra cela… exemple manque d’appétit, fatigue… » en fonction de la gêne

subjective du patient. Il n’y a pas de symptôme mineur dès l’instant où il gène le patient (bouche sèche, prurit).

NE PAS LIMITER LE TRAITEMENT A L’UTILISATION DES

MEDICAMENTS : toujours rechercher ce qui peut contribuer au confort du patient dans la modification de l’environnement matériel et humain, l’ ergothérapie,les modifications d’ installation, les possibilités de distractions....

SYSTEMATISER LES PRESCRIPTIONS POUR LES SYMPTOMES

PERSISTANTS ET REDIGER DES PRESCRIPTIONS ANTICIPEES destinées à traiter soit la survenue de symptômes nouveaux mais prévisibles dans le contexte de la pathologie du patient soit la recrudescence de symptômes traités (ex : pour un patient traité pour comitialité, prévoir une prescription « si crise comitiale, faire... », pour un patient douloureux, prévoir le traitement de la survenue de douleurs inopinées etc).

PREVENIR LES EFFETS SECONDAIRES INDUITS PAR LES

PRESCRIPTIONS (particulièrement avec les traitements antalgiques)

• NE PAS PROMETTRE L’IMPOSSIBLE qui ne serait pas tenable (essayer de fixer des objectifs réalistes) MAIS toujours RASSURER LE PATIENT en lui disant : « Nous restons près de vous et allons faire tout notre possible pour vous aider » jusqu’au bout.

• Tout traitement est destiné à améliorer la qualité de la survie ; si c’est la durée de survie qui est visée, cela ne doit pas faire au détriment de la qualité.

En fait, il faut savoir S’ADAPTER ! ! ! Chaque patient est unique. Il faut intégrer dans la prise en charge médicale ses

désirs, ses appréhensions dans une situation où la maladie est particulièrement menaçante. Il est difficile de savoir quelle sera la dose efficace pour traiter tel ou tel symptôme

(opioïdes, laxatifs, psychotropes…) et la titration exige beaucoup plus de temps et d’attention que les prescriptions standardisées. Les prescriptions doivent être réactualisées en fonction de l’évolution du patient qui peut être rapide...

♦ Quelles que soient les décisions prises, il importe de les argumenter et de

laisser des traces écrites : ceci est particulièrement vrai en ce qui concerne les arrêts thérapeutiques.

Page 69: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

275

♦ NE JAMAIS PERDRE DE VUE QU IL S AGIT DESORMAIS PLUS DE PRENDRE EN CHARGE UN MALADE QU UNE MALADIE

« A ce stade de la maladie, une analyse des antécédents médicaux, une définition précise des symptômes actuels, un examen complet et bien mené, des examens complémentaires appropriés restent indispensables. Il ne s’agit plus, comme avant, de diagnostiquer la nature de la maladie, mais plutôt de trouver l’origine des symptômes d’un mal désormais incurable… La souffrance terminale doit être abordée comme une maladie en soi, susceptible de répondre à un traitement rationnel ». Cicely SAUNDERS

II – LA DYSPNEE Elle constitue une gêne respiratoire qui est ce que “le patient dit qu’elle est”. On

peut parler de dyspnée en l’absence de modification du rythme respiratoire. Il s’agit d’un phénomène subjectif (comme la douleur : “expérience sensorielle et

émotionnelle désagréable en lien avec un dommage réel ou potentiel”). Comme pour la douleur, il n’y a pas de corrélation anatomo-clinique (L’importance

des lésions et l’importance de la gêne ne se superposent pas).

L’intrication avec l’anxiété est constante.

Il s’agit d’un symptôme fréquent : jusqu’à 70 % patients K et sévère : soulagé dans moins de la moitié des cas

Symptôme pénible pour tous (patients, famille, équipe), il fait craindre au patient et à sa famille de “mourir étouffé”.

Son évaluation en est difficile (comme pour la douleur). Les signes objectifs en faveur

d’une dyspnée intense sont les suivants :

FR > 30 Cyanose des extrémités Sueurs Tirage Impossibilité de s’exprimer Immobilité “d’épargne” Troubles de la conscience

Il importe d’évaluer la gêne ressentie par le patient et le retentissement sur ses activités. On sera amené à distinguer :

La dyspnée asphyxiante terminale qui relève d’une sédation et la dyspnée subaigue ou chronique.

Page 70: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

276

2.1 La question qui sous-tend la conduite à tenir est de savoir si elle est réversible

L’expérience clinique permet une première évaluation

Au minimum : rechercher

Une anémie Une infection Une fausse route Un obstacle trachéobronchique Un épanchement pleural Un pneumothorax Un bronchospasme Une embolie Une insuffisance cardiaque

Les arguments cliniques Les arguments biologiques contribuent à noter ces diagnostics. Les arguments radiologiques Plusieurs causes sont généralement intriquées. Les moyens d’investigation mis en œuvre doivent être proportionnés à l’état clinique du patient(pas de TDM in extremis !), pas de gazométries intempestives. Les moyens non invasifs tels qu’une oxymétrie peuvent être utilisés bien qu’ils soient susceptibles d’augmenter l’anxiété du patient. 2.2 Moyens thérapeutiques mis en oeuvre

SPECIFIQUES ETIOLOGIQUES (Liste non exhaustive)

Prothèses endobronchiques si compression extrinsèque Laser si compression intrinsèque ponction pleurale drainage de pneumothorax transfusion si anémie traitement à visée hématologique si leucostase antibiothérapie ou/et antifongithérapie si infection accessible à un

traitement ... traitement de l’insuffisance cardiaque.

NON SPECIFIQUES NON MEDICAMENTEUX

Ventilation assistée “humainement” = Techniques d’aide respiratoire : accompagnement calme du rythme respiratoire

Circulation d’air (ventilateur) Installation du patient en ½ assis Oxygénothérapie

• Si hypoxie clinique et/ou oxymétrique • Sinon, ? en test (cela peut rassurer le patient). Mais risque de sècheresse buccale et de dépendance

Sous une forme adaptée au confort du patient : lunettes, sonde, masque à un débit adapté de soulagemente du patient.

Page 71: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

277

MEDICAMENTEUX Corticoïdes : (antioedémateux, bronchodilatateurs)

Voie IV / SC 1 à 2 mg kg méthylprédnisolone par 24 h Voire 500 à 1500 mg/24 h si compression tumorale, pendant quelques

jours. (penser à associer des antisécrétoires). Morphine

D’utilisation tabou pour beaucoup de soignants par peur de la dépression

respiratoire. D’expérience, il n’existe pas de risque de dépression si l’on pratique une titration prudente et si l’on dispose de l’antidote(Narcan).

Le mécanisme d’action de la Morphine à visée eupnéisante est mal connu.

Elle pourrait agir par : • Diminution de la sensibilité des centres respiratoires à

l’hypercapnie et à l’hypoxie. • Diminution du travail respiratoire et de la consommation d’O2. • Diminution de la douleur et de l’anxiété.

Elle doit être prescrite dans ce cas-là plutôt par voies IV(++) ou SC : • 2,5 mg à 5 mg en titration si le patient n’est pas sous morphinique

en répétant les injections en fonction de l’efficacité. • Dose de base augmentée de 30 à50% si morphine déjà en cours. • Si dyspnée très sévère : 1 à 2 mg répétés /10 min jusqu’au

soulagement (soit subjectif, soit FR /2), en administrant ensuite une dose horaire = 50 % de la dose totale administrée.

Certains ont pu utiliser la morphine par voie inhalée ; des études sont en cours de réalisation pour évaluer le véritable intérêt de la morphine par cette voie.(résultats contradictoires à ce jour) Anxiolytiques et neuroleptiques Ils s’avèrent quasiment systématiques en utilisant préférentiellement des produits à demi-vie courte et en respectant une fois de plus le principe de titration. Les neuroleptiques peuvent être d’utilisation plus sûre (bonne efficacité anxiolytique

du Nozinan) Si encombrement surajouté :

D’abord réduire les apports ! Diurétique éventuellement (si signes cliniques de défaillance cardiaques

surajoutés ou à visée de test thérapeutique) Antisécrétoire = scopolamine IV – SC – TD atropine Aspiration : ce geste n’est pas anodin; il est même potentiellement agressif

et aggravant, avec risque de saignement, d’hypoxie, de bronchospasme. L’indication doit être pesée et les conditions de réalisation bonnes.

Installation du patient en latéral : la position de ¾ est la plus adaptée

Page 72: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

278

III – L’AGONIE

Agonie vient du grec agônia qui signifie lutte, angoisse et c'est la période qui précède le décès. « Le mourant vit un combat perdu d'avance à l'image de la chèvre de monsieur Seguin opposée au loup pendant la nuit. Pendant cette période, la diminution des fonctions vitales est telle que le mourant "prend ses distances" par rapport à l'entourage... »Dr JM Lassaunière

C’est une période émotionnellement très intense. L’équipe médicale peut être confrontée à des demandes très variées de la famille généralement très angoissée par cet ultime moment.

Elle survient au terme d’une période terminale que l’on doit identifier lorsque coexistent :

• Faiblesse extrême • Confinement au lit • Altération de la conscience (souvent) • Altération cutanée (apparition d’escarres aux points d’appui) • Troubles de la déglutition, (ce qui oblige à repenser la voie d’administration

des traitements et passer en voie SC – IV) • Troubles respiratoires (pauses, respiration irrégulière, paradoxale, tirage...)

Ainsi que des signes spécifiques tels que :

Apparition de nouveaux symptômes comme des « râles »… Aggravation des symptômes existants

(dyspnée / douleur / confusion / vomissements…) Cependant, la période terminale reste difficile à définir à la fois sur le plan clinique

et sur le plan biologique. L’expérience reste à ce jour irremplaçable. Il s’agit d’une situation instable nécessitant :

1. de redéfinir les objectifs de prise en charge, le confort étant plus que jamais la priorité,

2. une réorganisation des soins : réaménagement du domicile : disponibilité (Réseau)

3. d’en faire un diagnostic « positif » pour reposer les objectifs de soins et éviter les malentendus (avec la famille et/ou l’équipe) sur par exemple la justification de l’arrêt de traitements futiles (ex : antibiotiques, hypoglycémiants, antihypertenseurs, antithrombotiques, alimentation...)

Il importe alors de ne pas réaliser de geste intempestif :

- sondage urinaire - lavement…. - pansement agressif - prélèvement sanguin… - examen paraclinique.

Il faut assurer une prise en charge globale, c’est-à-dire :

Du patient :

- Assurer son hygiène jusqu’au bout mais en adaptant les gestes ; - Continuer à apporter au patient des soins attentifs, même en l’absence de

communication (contrat de non abandon, soins de bouche ++, soins d’yeux…) ;

Page 73: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

279

- Ne pas prolonger le « mourir », mais ne pas hâter la mort non plus ; - Réfléchir à l’intérêt (ou à la futilité) de la nutrition, de l’hydratation

artificielles et de traitements tels que : antihypertenseurs, hypoglycémiants, hormones de substitution…

- Ne pas se dérober en questionnement spirituel = • Trouver les moyens d’assister le patient ; ce qui ne signifie pas

forcément avoir les réponses. De la famille et/ou de son environnement amical :

- En la prévenant de l’aggravation de l’état du patient Surtout + + + si pronostic est à quelques heures…. (essayer « d’adoucir » le choc que représente le décès Mais prudence ! (pas d’évaluation intempestive du temps à vivre restant)

- Expliquer ce qui peut arriver / ce qui arrive (pour autant qu’on le puisse) - Encourager la participation (surtout si le patient est inconscient et la famille

en difficulté devant cette perte de la conscience et avec le sentiment d’impuissance qui en découle).

La connaissance que nous avons de ce qui se passe pour le

patient est limitée : « faisons comme s’il pouvait entendre, comprendre… », ne restons pas à son chevet pour parler de lui comme s’il n’existait déjà plus… De l’équipe :

- Assurer et encourager une formation à l’accompagnement spirituel - Bien repréciser l’intérêt de chaque prescription et de chaque soin

Les râles agoniques

Ce sont les bruits respiratoires produits dans les derniers moments de vie. Ils sont toujours impressionnants pour l’entourage et peuvent s’accompagner de modifications du rythme respiratoire.

Ils sont produits par les mouvements respiratoires des sécrétions stagnant

dans les régions pharyngolaryngées et trachéobronchiques en raison d'une perte des réflexes de déglutition et de toux. Les mesures de prise en charge sont les suivantes : Diminution voire arrêt de l’hydratation : l’hyperhydratation aggrave l’encombrement ; la sècheresse buccale peut être soulagée par des soins de bouche réguliers Installation du patient « ¾ » : ceci permet un drainage postural tout en préservant le confort du patient Aspirations (éventuellement) : elles ne doivent pas être systématisées, mais planifiées et si besoin après sédation ; le risque de bronchospasme, d’hypersécrétion réactionnelle, d’hémorragie ou d’hypoxie passagère doivent être connus Il faut être vigilant au niveau de dépression délivré par les prises murales ; il est généralement trop important.

Page 74: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

280

Anticholinergiques Atropiniques destinés à empêcher la production de sécrétions, (Aucune efficacité sur sécrétions pharyngées)

Ils n’agissent pas non plus sur les sécrétions présentes. En titration (recherche de la plus petite dose efficace) ; par ailleurs, si les injections discontinues sont peu efficaces, on peut passer la même dose à la seringue électrique en continu.

• Scopoderm (dispositif transdermique non remboursable par la sécurité sociale à domicile, un patch sur trois jours, à réévaluer après 24 heures ; possibilité de coller plusieurs patchs)

• Scopolamine IV – SC : de 0,25 mg toutes les 6 heures à 0,5 mg toutes les 4 heures.

• Atropine IV – SC : idem Il existe un risque de rétention urinaire à connaître. Il n’existe pas d’argument ne faveur de l’un ou de l’autre : la scopolamine est plutôt sédative, alors que l’atropine a des effets neuropsychiques centraux à type d’excitation.

Diurétiques : si défaillance cardiaque associée ; en pratique, ils sont systématiquement prescrits s’il existe des râles crépitants. (ex 60 mg de lasilix iv en association avec les antisécrétoires) Antibiotiques et mucolytiques n’ont pas leur place à ce stade de la vie du patient

IV – L’AGITATION DELIRANTE Fréquente chez les patients cancéreux environ 85 % en phase terminale : Peut être considérée comme un des éléments de la phase terminale (les thèmes de persécution doivent attirer l’attention) lorsque s’y associent des signes d’aggravation de l’état général. Symptomatologie difficile pour le patient Risque de fugue, de blessure à soi-même ou aux autres, d’angoisse voire de

panique Symptomatologie difficile pour l’entourage Risque de compromettre la communication

Symptomatologie difficile pour l’équipe Risque d’épuisement car les patients mobilisent beaucoup d’énergie et de

surveillance, surtout LA NUIT !! (personnel réduit). LA TENTATION est GRANDE de SEDATER RAPIDEMENT le PATIENT et/ou D’UTILISER UNE CONTENTION.

Page 75: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

281

1) COMPRENDRE LE SYMPTOME : Faire un examen clinique permettant d’éliminer le plus simple

Fécalome (attention aux fausses diarrhées ; toujours vérifier que les ordonnances de patients sous morphiniques comportent des laxatifs )

Rétention d’urine (iatrogène induite par les morphiniques et les psychotropes principalement et /ou s’intégrant à la pathologie du patient)

Infection (la fièvre de patients sous antalgiques antipyrétiques peut être masquée !)

Syndrome méningé Pâleur, tachycardie, hypoxie...

La réalisation d’examens complémentaires doit être envisagée en partant

des plus “simples” : FN (rechercher une anémie)FN (rechercher une anémie) Calcémie (hypercalcémie) Urée Urée –– créat (insuffisance rénale) créat (insuffisance rénale) Ionogramme (natrémie : hyper ou hypo…) pour aller vers les plus “compliqués” : par exemple, TDM cérébral à la recherche de métastases TDM cérébral à la recherche de métastases

cérébralescérébrales Ponction lombaire (recherche d’une méningite carcinomateuse) À condition d’être sûr d’avoir des ressources thérapeutiques; faire un examen pour le faire en sachant pertinnement qu’il n’y a pas de solution thérapeutique n’est pas utile au patient; parfois même en l’absence de possibilité thérapeutique, la réalisation de l’examen permet de recueillir les informations nécessaires pour maintenir un dialogue avec la famille qui comprend ainsi ce qui se passe(objectivation des troubles)

Penser à faire des “fenêtres thérapeutiques” chez des patients

polymédicamentés en avec des traitements à visée neuropsychique Ne pas imputer trop vite ces manifestations délirantes à la

morphinothérapie ; cette hypothèse peut éventuellement être envisagée si les signes suivants sont associés aux idées délirantes :

Existence d’un myosis, de myoclonies mais le risque est faible si le principe de titration est respecté

SACHANT QUE DANS ENVIRON 50 % DES CAS, AUCUNE CAUSE SPECIFIQUE NE SERA IDENTIFIEE (BRUERA, JOURNAL OF PAIN & SYMPTOM MANAGEMENT, 1992)

Page 76: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

282

2) TRAITER LE SYMPTÔME A côté des mesures thérapeutiques étiologiques si elles sont

envisageables, toujours mettre en œuvre Des mesures psycho-environnementales visent à rassurer et à protéger

(le patient et secondairement la famille): Éviter le bruit, la lumière (attention aux TV allumées…) Eviter les stimulations : “Un cerveau défaillant”, comme tout autre

organe fait davantage face à une moindre charge de travail Privilégier les chambres à 1 lit pour ce type de patient Proposer des panneaux de type “Merci de vous adresser à

l’infirmière avant toute visite” permettant d’informer les visiteurs sur cet état d’agitation et la nécessité d’être dans une relation calme

Réorienter le patient : plus par une assistance humaine que technique (il semble que les pendules, calendriers...ne soient pas plus efficaces pour réorienter le patient que les recadrages faits par les soignants lors de leur passage)

Eviter les comportements anxieux, ambivalents, désordonnés potentiellemnt aggravants

Ne pas surenchérir dans les délires en posant des questions à type de reformulation « que voulez-vous dire quand vous dites… »

Ne pas attacher les patients trop facilement ( cf recommandations ANAES sur la contention qui devient une prescription médicale)

Associer les bénévoles à la prise en charge pour assurer une présence calme

Profiter des phases de lucidité pour être en relation avec le patient

Des mesures pharmacologiques :

Tranquilliser le patient, l’apaiser : intérêt des neuroleptiques sur les autres tranquillisants quand la note délirante prédomine sur la note anxieuse.

HALDOL ++ • Voies d’administrations multiples + + + (po – iv – sc) • Bonne marge de sécurité • Action anti-émétisante associée à l’action anti-

productive! souvent intéressante en Soins Palliatifs • En trois prises, en respectant une titration qui

débute à 0,5 à 1 mg par prise • dosages par voie orale (le dosage à 2 mg/ml (10

gouttes = 1 mg) est celui que nous utilisons le plus)

RISPERDAL : neuroleptique per os uniquement, une prise par jour(mais peu de possibilités de titration)

NOZINAN : neuroleptique intéressant car activité

anxiolytique associée ; plusieurs présentations (po, iv, sc) ; les posologies de départ sont de l’ordre de 5mg par prise 3fois par jour

Page 77: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

283

HYPNOVEL : benzodiazépine présente à l’hôpital uniquement, (anxiolytique brève durée d’action = risque d’effet rebond à l’arrêt) utilisée dans le cadre de protocoles consensuels (recommandations de la SFAP publiées dans la revue de Médecine Palliative éditée chez Masson dans le n°1 paru en Octobre 2002)

HALDOL Biodisponibilité : Orale 60 %

Parentérale 100 % (la dose parentérale doit représenter entre la moitié et les deux tiers de la dose orale)

Absorption : Orale – pic sérique entre 4 et 6 h

Intramusculaire – pic sérique entre 20 et 40 mn Intraveineuse – pic sérique entre 2 et 20 mn

Demi-vie : 16 h (quelle que soit la voie d’administration) Administration : Orale – 0,5 mg à 20 mg en doses fractionnées Rectale – équivalente à la dose orale Sous-cutanée Intraveineuse – action rapide – 2 à 5 mg (à raison d’1mg/mn), répéter après 30 mn si

besoin jusqu’au contrôle Posologie : Equilibrer la dose en fonction du comportement La dose habituellement requise est de l’ordre de

20 mg/24 h Dose maximale : 60 à 100 mg/24 h Dose d’entretien : 50 % de la dose requise au

cours des premières 24 h Effets indésirables : Syndrome extrapyramidal (parkinsonisme,

akathisie, crises oculogyres) - pic avec une dose entre 4 et 20 mg - rare si voie parentérale - traiter avec anticholinergique, benzodiazéines

et/ou une réduction de la dose Sédation (rare) Hypotension orthostatique (rare) Anticholinergique (rare)

Page 78: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

284

V – PRISE EN CHARGE DE L’ANXIETE

Les symptômes anxieux sont fréquents en soins palliatifs. Ils sont difficiles à identifier et donc à traiter du fait de leur intrication somato-psychique. Le but de leur prise en charge est d’en atténuer le vécu pénible et le retentissement sur la qualité de vie : cependant, « détresse psychologique zéro », ne peut constituer un objectif réaliste en fin de vie, qui constitue une période de crise par excellence.

Chapitre 2 L’anxiété n’est pas toujours pathologique ; elle peut être normale et adaptative(peur normale de la mort ; de la souffrance et de la maladie …). Ce n’est que lorsqu’elle est associée à une pathologie psychiatrique sous-jacente ou qu’elle met en péril les liens affectifs et les relations aux soignants qu’elle devient pathologique.

Cependant, elle nécessite, même quand elle n’est pas considérée comme pathologique, un traitement, à partir du moment où elle est vécue comme pénible par le patient…La prise en charge relationnelle et la reconnaissance du trouble constituent le minimum de la prise en charge du symptôme. La compréhension du trouble passe par une démarche étiologique : existe-t-il une pathologie une pathologie organique sous-jacente

Trouble anxieux d’origine organique

douleur mal contrôlée syndrome confusionnel et troubles cognitifs pathologies cardio-respiratoires( insuffisance respiratoire, embolie

pulmonaire, angine de poitrine, pneumothorax, hémorragie interne…) pathologie neurologique (tumeur cérébrale..) trouble métabolique (hypoglycémie, hypercalcémie…)

Dans ces situations, le trouble organique est rarement isolé ; Lorsqu’il existe

une pathologie sous-jacente incontrôlable, les symptômes anxieux peuvent s’avérer très difficiles à prendre en charge.

Trouble anxieux d’origine psychique 1) Anxiété symptomatique d’une pathologie psychiatrique sous-jacente -syndrome dépressif -troubles obsessionnels compulsifs -psychose 2) Anxiété isolée -trouble de l’adaptation avec humeur anxieuse -réaction anxieuse simple -anxiété anticipatoire -syndrome de stress post-traumatique -attaque de panique -phobies 3) Anxiété de l’entourage et des soignants

Page 79: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

285

Il existe de façon avérée des interactions entre l’état émotionnel des patients et celui de l’environnement. Certaines situations sont anxiogènes (douleur) à la fois pour le patient et l’entourage, avec un effet d’amplification réciproque. Prise en charge

Réaliser une anxiolyse et non une sédation par des moyens au minimum non médicamenteux, éventuellement médicamenteux et éventuellement dans les suites d’une évaluation spécialisée.

Moyens non médicamenteux :

Ecoute de la plainte du patient avant tout , en évitant de la faire taire trop tôt ou trop vite

Création d’un environnement calme et sécurisant Temps accordé à un patient en demande d’explications Relaxation, massages, thérapies occupationnelles Soutien spirituel

Moyens pharmacologiques

Ils reposent sur l’utilisation des classes thérapeutiques suivantes : Benzodiazépines : se souvenir des avantages et inconvénients des produits en fonction de leur demi-vie ; les effets secondaires doivent être intégrés( en particulier la myorelaxation chez des patients déjà affaiblis) ainsi que la notion de tolérance. Neuroleptiques : leur action anxiolytique est complexe et indirecte ce qui en circonscrit les indications aux situations suivantes :

inefficacité des benzodiazépines, anxiété associée au délire ou aux hallucinations, risque de dépression respiratoire sous benzodiazépines.

L’haldol est la molécule de référence( bon rapport bénéfices/risques ; multiples voies d’administration). Les doses anxiolytiques sont généralement inférieures aux doses anti-psychotiques. Anti-dépresseurs : en pratique sont utilisées des molécules appartenant aux classes suivantes :

• Imipraminiques, particulièrement lorsqu’à l’anxiété qui accompagne la dépression s’associe un tableau douloureux neuropathique (AMM comme antalgique)

• Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine : leur profil pharmacologique semble plus favorable que celui des imipraminiques (évaluation en cours par des études comparatives) et ces produits trouvent des indications préférentielles dans le traitement des attaques de panique et les troubles obsessionnels compulsifs.

• Antidépresseurs divers (venlafaxine et miansérine) : la première est indiquée dans les états d’anxiété généralisée de plus de 6 mois.

La seconde est intéressante du fait de l’absence d’effets secondaires anticholinergiques et vasculaires. Par ailleurs, tous les traitements susceptibles d’agir sur un symptôme inconfortable sont potentiellement co-anxiolytiques.

Page 80: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

286

Finalement, l’anxiété constitue un symptôme ubiquitaire difficile de ce fait à prendre en charge. L’enquête étiologique repose en partie sur l’évaluation de la durée des troubles (symptôme aigu ou chronique). Il ne faut jamais oublier qu’en face de la mort l’anxiété n’est pas forcément pathologique et que la contention pharmacologique du trouble n’est ni toujours justifiée ni le seul recours : en tout cas, elle ne doit pas servir à « faire taire le patient ».

VI – HYDRATATION DES PATIENTS EN SOINS PALLIATIFS De façon physiologique, c’est la soif qui permet de réguler les apports mais il y a

une diminution de la sensation de soif avec l’âge. De façon pathologique: les patients ont moins d’ingestat du fait des symptômes

potentiels suivants: Anorexie Odynophagie Lésions de la cavité buccale Nausées – vomissements Retard de la vidange gastrique Altérations cognitives Dépression Mais en fin de vie, les besoins sont moindres car : Diminution des efforts Diminution du poids corporel Diminution des pertes insensibles (sauf si fièvre) Diminution de l’élimination de l’eau libre

Sécrétion inappropriée d’ADH pathologique (syndrome paranéoplasique) ou iatrogénique (morphine)

Il n’y a pas de postion “pour” ou “contre” à priori une hydratation artificielle

mais une réponse liée à une approche individualisée. 6.1 Symptômes potentiellement liés à la déshydratation

Constipation hyperthermie Soif et ± sécheresse de la bouche Confusion Agitation Majoration des douleurs Toxicité des traitements : Accumulation des métabolites toxiques ;

Exemple :pour les morphiniques, l’accumulation des métabolites(dont certains sont actifs) peut générer :

Myoclonies Hyperalgésie Confusion Somnolence Nausées

Page 81: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

287

6.2 Evaluation de l’état d’hydratation Elle se fait sur :

Les apports liquidiens : diminués le plus souvent Le volume urinaire Les signes cliniques : Soif Sécheresse muqueuses ( + si O2 ….) Pli cutané de la tension oculaire de la turgescence veineuse Tachycardie Hypo TA orthostatique

les œdèmes peuvent masquer les signes tels que le pli cutané…

Fièvre Myoclonies Nausées Confusion

Les signes biologiques : Hyperprotidémie (relative si dénutrition) Hypernatrémie urée et de la créat.

Ces chiffres ne peuvent s’interpréter qu’en fonction des chiffres antérieurs ? Cependant, aucun signe n’est fiable isolément et par ailleurs, il n’y a pas de réelle spécificité à cette évaluation aux soins palliatifs

6.3 Arguments décisionnels

La soif exprimée (l’hydratation est alors indiquée en sachant qu’il n’y a pas forcément de soulagement à la soif…par l’ hydratation(dysrégulation centrale)

Les désirs du patient.

Soit le patient souhaite une hydratation artificielle et les bénéfices-inconvénients doivent lui être expliqués

Soit les soignants pensent qu’une hydratation artificielle est indiquée et le patients la refuse : ce refus doit être interrogé ; y a t-il :

• une dépression sous-jacente ? • une confusion ? • ou s’agit-il d’un refus conscient ?

L’état général du patient : Si le patient est en phase terminale, il y aurait libération de cétones ayant un effet anesthésique et des « avantages » à la déshydratation comme :

Moins de mictions, Un obscurcissement de la conscience qui n’est pas forcément source

d’inconfort(diminution de l’angoisse), Moins de risque de surcharge liquidienne…

( + si trouble du SNV)

Page 82: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

288

Les perceptions de l’équipe : pour certains, l’hydratation constitue le minimum de soins et l’arrêt, un abandon du patient.

Les perceptions de la famille qui peut avoir peur que le patient ne “ meure de

soif ” et qui considère également qu’hydrater le patient constitue le minimum des soins.

6.4 Modalités thérapeutiques

Les Soins de bouche (bâtonnet coton d’eau glacée éventuellement aromatisée) constituent une alternative lorsqu’il existe une bouche sèche.

Biafine, Bicarbonate, Ulcar, Xylocaïne en cas de bouche douloureuse Avec de l’eau oxygénée diluée lorsqu’existent des saignements.

La voie orale tant qu’elle est possible reste privilégiée. Hydratation par voie sous-cutanée

Siège : partie supérieure du corps (deltoïdes, zones sous claviculaires…). Matériel : . butterfly 21-23 . compresse . opsite pour recouvrir l’ailette et pouvoir surveiller .la zone de ponction Soluté : . Nacl 9°/°° ou

. G5 % 2/3 + Nacl 1/3 Quantité : . de 500 cc à . vol urinaire + 500 cc . pas de maximum… : si nécessité de réhydrater le patient, on peut installer plusieurs sites. Durée : pas de durée limite ; elle est déterminée par la surveillance de la tolérance. CONTRINDICATIONS : . Oedèmes diffus (rarissimes) . Troubles de la coagulation . Infections cutanées Hydratation par voie IV : elle sera choisie préférentiellement S’il existe un site implantable (patients ayant eu de la chimiothérapie) ou une voie centrale. Elle ne doit pas être réalisée par voie périphérique pour des durées prolongées. Si la nécessité d’utiliser d’autres traitements par voie IV s’impose Le volume injecté est équivalent à celui injecté par voie sous-cutanée.

Autant une hydratation artificielle peut être indiquée en cas de déshydratation symptomatique, autant il faut avoir présents à l’esprit les inconvénients possibles de l’hydratation de principe :

- Prolongement potentiel de la phase terminale - Production accrue d’urines - Augmentation des sécrétions digestives et bronchiques (majoration de la toux….) - Limitation de l’autonomie par le biais des perfusions

Page 83: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

289

- Risque de surcharge : surtout si elle se fait par voie IV Il faut donc rechercher un consensus incluant les points de vue médicaux et « affectifs », exposer les différentes alternatives et justifier le choix… (avantages et inconvénients des décisions) et réévaluer dans le temps ! ! VII – LA PRISE EN CHARGE DE LA FATIGUE

La fatigue, fréquemment rencontrée en soins palliatifs, est souvent présentée par le patient comme un symptôme très inconfortable, une sensation pénible, à laquelle les soignants ne prêtent pas toujours attention : en effet, elle leur apparaît comme « normale », soit du fait des traitements soit du fait de la maladie elle-même. Elle a principalement été étudiée dans la maladie cancéreuse. Définition

« La fatigue liée au cancer est un symptôme subjectif désagréable, intégrant l’ensemble des sensations corporelles, allant de la lassitude à l’exténuation qui créent un état général tenace affectant les capacités de fonctionnement normal de l’individu »

Cette fatigue n’est pas « réparable » par le repos et le sommeil(situation tenace), à l’inverse de la fatigue physiologique. Il importe d’en connaître quelques-uns des aspects pour mettre en œuvre certaines mesures de prévention ou de traitement.

Comme pour la douleur, il s’agit d’une sensation subjective difficile à explorer.

7.1 Etiologies Chapitre 3 Cette sensation est multifactorielle. Elle résulte de l’association de plusieurs facteurs, dont :

1) La pathologie tumorale et ses conséquences(anémie, dénutrition, déshydratation, hypercalcémie…) :

2) Les traitements (chimiothérapies, radiothérapie, chirurgie, traitements immunomodulateurs, hormonothérapie..) et leurs conséquences (aplasie, anémie, infection, douleur, vomissements…)

3) Le vécu émotionnel (dépression, troubles du sommeil…) 4) L’état général du patient avant le traitement

Chapitre 4

7.2 Traitements La prise en charge obéit aux règles habituelles : ♦ recherche d’une cause curable permettant une prise en charge spécifique :

transfusions globulaires (cf arbres décisionnels par spécialités) injection d’érythropoïétine correction d’une hypercalcémie antibiothérapie…

♦ utilisation de thérapeutiques non spécifiques,

Page 84: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

290

Corticoïdes : l’ « effet » coup de fouet est généralement probant à l’introduction du traitement

Quel produit, quelle dose, quelle durée ? il n’existe pas de recommandation consensuelle dans cette indication

Effets secondaires au long cours à peser : en particulier l’immunosuppression et les risques infectieux y afférant

Revoir la prescription et la réajuster L’efficacité antalgique associée peut être bénéfique chez des patients généralement

douloureux

♦ Prise en charge non médicamenteuse

Reconnaître la plainte du patient Lui permettre autant que possible de bouger : dans les limites de ses demandes et avec aide (le repos permanent aggrave la sensation de fatigue) Permettre les mobilisations passives : avec kiné Accompagner le patient et la famille dans la compréhension qu’une alimentation plus importante n’est pas la réponse à cette fatigue. VIII – SITUATIONS D’URGENCE EN SOINS PALLIATIFS Cette notion d’urgence en soins palliatifs est extrêmement limitative :

la douleur l’agitation, la détresse psychologique aiguë, les dyspnées asphyxiantes les hémorragies cataclysmiques

constituent des situations où il est possible d’agir rapidement (dans l’urgence) pour soulager le patient.

Il est utile de préciser que les situations à risque létal ne constituent pas forcément une situation d’urgence, au sens habituel du terme ( réanimation)du fait du caractère létal de la pathologie elle-même.

La notion de réanimation est un volet spécifique qui doit être abordé sous l’angle double de :

La volonté du patient d’être réanimé en cas de défaillance potentiellement létale Du stade évolutif de la maladie qui rend réaliste ou non tout geste de réanimation

En France, il n’existe aucune législation sur la nécessité pour un patient de faire connaître sa volonté d’être ou non réanimé. Dans le cadre de pathologies évolutives (neurologiques par exemple), pouvant à un moment donné de leur évolution générer une détresse respiratoire par défaillance neuro-musculaire et redevables de mesures agressives telles que trachéotomie et ventilation assistée, la question de la réanimation doit être abordée avec le patient Celle-ci sera formulée ouvertement et la réponse du patient consignée dans le dossier de façon à être accessible à l’ensemble de l’équipe. Cette décision doit être régulièrement ré-évaluée

Page 85: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

291

avec le patient. Par ailleurs, la famille avec l’accord du patient, doit être informée de cette décision.

Autrement dit, l’urgence évoquée en soins palliatifs, relève essentiellement de mesures de soulagement plus que de mesures de réanimation.

Concernant la douleur, l’agitation et les situations de détresse psychologique, l’application des prescriptions antérieurement développées permet le plus souvent de réduire le symptôme.

Concernant les détresses respiratoires et les hémorragies cataclysmiques à

risque vital immédiat, des recommandations éditées par un groupe de travail sous l’égide de la société française d’accompagnement et de soins palliatifs(SFAP) en 2002, préconisent la réalisation d’une sédation : celle-ci a pour but de diminuer ou de faire disparaître la perception d’une situation vécue comme insupportable par le patient. Le produit utilisé est une benzodiazépine (Midazolam) disponible actuellement à l’hôpital et dont la rapidité d’action en fait un produit de choix dans des situations rapidement mortelles.

IX – LES NAUSEES ET VOMISSEMENTS

Les nausées et les vomissements sont des symptômes couramment observés au cours d’un cancer en phase avancée ; leur incidence est de 40 à 70 % Leur physiopathologie est un phénomène complexe que nous ne détaillerons pas dans ce chapitre, impliquant de nombreux récepteurs et sites d’action (cf. Tableau 1).

Leur prise en charge nécessite d’en connaître les principales causes ainsi que le mode d’action des différents traitements permettant d’adapter au mieux la thérapeutique (cf Tableau 2).

1.1 Evaluation

La première étape est de différencier nausée et vomissement.(les nausées peuvent être plus pénibles que les vomissements eux-mêmes ; il faut garder en tête le risque de fausse-route potentielle chez un patient souffrant de vomissements et dont la conscience serait altérée)

Ensuite, la fréquence, la quantité, le contenu et l’heure de survenue doivent être

précisés.

Page 86: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

292

TABLEAU 1* – CLASSIFICATION DES MEDICAMENTS UTILISES POUR SOULAGER LES NAUSEES ET LES VOMISSEMENTS

Site d’action supposé Classe Exemple

Chapitre 5 Système nerveux central

Centre de vomissement

Anticholinergique Antihistaminique Anticholinergiquea Anit-5HT2

Hyoscine hydrobromide Cyclizine, dimenhydrinate phénothiazines Lévomépromazine

CTZ Anti-dopamine (D2) Anti-5HT3

Halopéridol, phénothiazines métoclopramide dompéridone Granisétron, odansétron, tropisétron

Cortex cérébral Benzodiazépine Cannabinoïde Corticoïde

Lozarépam Nabilone Dexaméthasone

Tractus gastro-intestinal Prokinétique

Anti-5HT4

Anti-dopamine (D2)

Métoclopramide, cisapride Métoclopramide, dompéridone

Antisécréteur Anticholinergique Analogue de la somatostatine

Butylhyoscine bromure, glycopyrronium Octréotide, vapréotide

Blocage vagal des récepteurs 5HT3

Anti-5HT3 Granisétron, ondansétron, tropisétron

Anti-inflammatoire Corticoïde Dexaméthasone a. Les antihistaminiques et les phénothiazines ont tous des propriétés antagonistes au niveau des récepteurs H1 et des propriétés anticholinergiques (Tableau 2) TABLEAU 2* – CAUSES DES NAUSEES INDUITES PAR LES MEDICAMENTS

Mécanisme Médicaments

Irritation gastro-intestinale AINS Fer Antibiotiques Acide tranexamique

Stase gastrique Opioïdes Tricycliques Phénothiazines Anticholinergiques

Activation de la CTZ Opioïdes Digoxine Antibiotiques Imidazolés Cytotoxiques

5HT3 récepteurs Cytotoxiques * European Journal of Palliative Care, 1998 ; 5(2).

Page 87: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

293

9.2 Causes et Traitements

9.2.1 Causes les plus fréquentes en soins palliatifs

Les causes iatrogènes : Les Morphiniques Mécanisme : stimulation de la trigger zone et stase gastrique Traitement : Halopéridol +/- Métoclopramide (Noter l’utilisation récente et

prometteuse d’un neuroleptique tel que le Zyprexa) L’hypertension intra crânienne : sur tumeur ou métastases cérébrales

Mécanisme : stimulation des centres cérébraux supérieurs Traitement : Corticothérapie+Mannitol, + Halopéridol /- Primpéran

Les troubles métaboliques : hypercalcémie sur métastases osseuses Mécanisme : stimulation de la trigger zone Traitement : celui de l’hypercalcémie avec en particulier : Perfusion d’Arédia (à

une fréquence de tous les 15 j à toutes les 3 semaines)+ Halopéridol /- Primpéran

Les occlusions digestives partielles ou totales : sur néoplasie intestinale, carcinose péritonéale

Mécanisme : Compression mécanique et stimulation des récepteurs intestinaux Traitement : Corticothérapie, Halopéridol, antisécrétoires (octréotide), Le

métoclopramide n’est pas indiqué car il est prokinétique (la stimulation de la motricité digestive sur un obstacle digestif est contrindiquée).

L’Angoisse :

Mécanisme : stimulation directe sur le centre du vomissement Traitement : Anxiolytiques et halopéridol +/- métoclopramide

Par ailleurs dans le contexte plus spécifique de soins palliatifs cancérologiques au décours de chimiothérapies émétisantes, des antiémétiques tels que les sétrons (Kytril, Zophren) peuvent être prescrits. Les Posologies :

• L’Halopéridol en titration : de: 0,5mg par prise en 3 prises par jour jusqu’à une dose efficace sans effet secondaire majeur

• Le métoclopramide : 5mg par prise en 3 prises par jour jusqu’ à 30mg/j

9.2.2 Les autres causes

Les irritations de la muqueuse gastrique ou œsophagienne (RGO, gastrite, ulcère,

candidose œsophagienne) de la capsule hépatique (métastases hépatiques) et les compressions médiastinales (extension tumorale) par l’intermédiaire de la stimulation du nerf vague peuvent entraîner des nausées ou vomissements.

Les traitements par chimiothérapie ou radiothérapie par stimulation de la trigger zone et du centre du vomissement. Au décours ou dans les suites de chimiothérapies émétisantes, des antiémétiques tels que les sétrons (Kytril, Zophren) peuvent être prescrits.

Chapitre 6 Chapitre 7 Conclusion

La prise en charge des nausées et des vomissements en soins palliatifs implique

d’en connaître ses principales causes, celles ci étant souvent intriquées (ex : patient porteur

Page 88: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

294

d’une pathologie cancéreuse en phase de dissémination métastatique osseuse, cérébrale, sous morphiniques…).

Il faut connaître l’usage spécifique des neuroleptiques et des corticoïdes dans cette

indication. X – LA CONSTIPATION

Symptôme très fréquent en Soins Palliatifs et responsable d’un inconfort majeur !!! Seule la surveillance régulière des selles (souvent négligée !) et un traitement préventif précoce permettront d’éviter sa survenue.( et l’apparition d’une constipation « maligne » avec fécalome nécessitant une extraction potentiellement traumatisante). Causes : multiples et generalement intriquees

• Alitement • Déshydratation • Alimentation peu abondante (bol alimentaire modeste) et pauvre en fibres. • Blocage du péristaltisme intestinal : causé principalement par des médicaments :

antalgiques de palier 2 et 3, antidépresseur tricyclique,… Diagnostic,

• Interrogatoire • clinique, • +/- TR

Attention aux fausses diarrhées, elles signent en général un obstacle haut situé.

Traitement

Règles hygiéno-diététiques Médicaments : Il existe plusieurs classes de laxatifs dont le mode d’action est spécifique ; (tenir compte des habitudes des patients sous laxatifs avant d’être malade) ; il faut parfois les associer ;

1. Osmotique : Lactulose, Forlax, Transipeg… 2. Lubrifiant : Lansoÿl, huile de paraffine… 3. Stimulant du péristaltisme intestinal : Péristaltine .. 4. Laxatif de lest :

Les suppositoires et les lavements :

1. Suppositoire d’Eductyl ou de glycérine 2. Microlax 3. Normacol 4. Lavement sur sonde (Eau tiède + vaseline)

Chapitre 8 Chapitre 9 CONCLUSION

Les causes de la constipation sont multiples et intriquées. La place de la prévention reste primordiale. Ainsi, on n’oubliera pas la prescription de laxatif dès l’introduction d’antalgique de palier 2.

Page 89: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

295

L’évaluation du transit physiologique (fréquence des selles variable d’un individu à

l’autre en situation physiologique) permet de mieux programmer les traitements laxatifs qui peuvent être associés pour retrouver un transit le plus proche possible de la normalité. XI – LES DIARRHEES : Les causes et les traitements 11.1 Fausse diarrhée sur fécalome

A envisager en premier lieu devant la fréquence de survenue des constipations chez les patients en Soins Palliatifs.

Traitement : prise en charge de la constipation ; Avant de programmer un asp, il faut faire un TR ; mais il arrive que le TR ne soit

pas contributif car le fécalome est très haut situé.

11.2 Diarrhée infectieuse

La diarrhée d’origine candidosique est fréquente, les patients étant souvent sous corticoïdes avec un terrain immunodéprimé. Il peut donc être intéressant de faire des coprocultures afin d’adapter le traitement Traitement : antifungique par voie orale+ SMECTA ou ULTRA LEVURE

11.3 Diarrhée sur antibiotique Traitement : arrêt des antibiotiques + SMECTA ou ULTRA LEVURE

11.4 Diarrhée post-radiothérapie abdominale sur colite radique Traitement : corticothérapie (éventuellement par voie locale)+ SMECTA ou

ULTRA LEVURE

N’N’UTIUTILISER LLISER L ’I’IMMODIUM QUMMODIUM QU’’EN DERNIER RECOURSEN DERNIER RECOURS

SS’’ IL EXISTE UN RISQUE IL EXISTE UN RISQUE DD’’OCCLUSION INTESTINALOCCLUSION INTESTINALEE

La diarrhée pose le problème de l’altération cutanée qu’elle peut générer ; des mesures de protection de la peau doivent être considérées.

La question des mauvaises odeurs consécutives peut également se poser ; elle doit être prise en compte. XII – LES OCCLUSIONS DIGESTIVES

12.1 Fréquence

Page 90: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

296

5 à 42 % cancers avancés de l’ovaire 4 à 24 % cancers avancés colo-rectaux Elles peuvent également survenir au décours de cancers du sein, de cancers du pancréas…

12.2 Physiopathologie

1. Obstruction mécanique : - Intrinsèque ou extrinsèque (accroissement de la tumeur primitive ou secondaire) - Strangulation sur bride (post chirurgicale) - Lésions radiques - Fécalome

2. Obstruction fonctionnelle :

- Hypercalcémie. - Infiltration du mésentère ou des plexus par le tissu cancéreux iléus paralytique.

3. Occlusion mixte :

- Carcinose Péritonéale.

12.3 Clinique

Elle dépend du siège de l’occlusion. La douleur est constante chez 90 % des patients. Les coliques intermittentes sont constantes chez 15 % des patients. L’occlusion est partielle ou totale.

L’occlusion confronte à la question de l’alimentation Occlusions hautes

Vomissements post prandiaux alimentaires abondants et fréquents. Abdomen non météorisé. Déshydratation.

Occlusions basses

Vomissements à distance des repas, moins fréquents, fécaloïdes. Météorisme abdominal. Fausse diarrhée.

12.4 Prise en charge

La voie d’administration des médicaments se fera soit par voie sous cutanée ou par voie intraveineuse. Lutter contre la douleur

Arrêt des médicaments qui stimulent le péristaltisme. Les morphiniques : antalgiques de choix dans l’occlusion. Les Antispasmodiques.

Lutter contre les nausées et vomissements

Antiémétiques :

Page 91: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

297

a) Médicaments prokinétiques : Primpéran contrindiqué chez les patients en occlusion totale.

b) Les Neuroleptiques : - Haldol : 5 à 15 mg/j en en SC ou IV - Nozinan : 5 à 50 mg/j en SC ou IV - Zyprexa

Antisécrétoires :

a) Les Anticholinergiques : - Scopolamine : 0.5 à 2 mg/j en SC ou IV

b) Les Analogues de la somatostatine:

- Sandostatine : 0.2 à 0.9 mg/j en SC c) le mopral En ce qui concerne le b et le c, il s’agit de traitements beaucoup plus onéreux qui ne pourront se faire qu’en cas d’échec des traitements usuels ou d’une occlusion haute très productive

Tenter de rétablir un transit intestinal dans les occlusions partielles

Avec des corticoïdes : -ils agissent en diminuant l’œdème péri tumoral Avec un traitement laxatif doux

La sonde nasogastrique

En accord avec le patient. En cas d’échec du traitement médical. En cas de vomissement fécaloïde ou hémorragique digestif très inconfortable

pour le patient. A visée de décharge des liquides et des gaz

De façon transitoireDe façon transitoire La gastrostomie : Elle peut être réalisée lors de l’intervention initiale(diagnostique) ou ultérieurement. L’occlusion confronte à la question de l’alimentation ; celle-ci peut être poursuivie éventuellement par voie orale,(alimentation plaisir), la gastrostomie ou la jéjunostomie permettant une vidange du contenu gastrique.

CONCLUSION 1. Le traitement de l’occlusion intestinale en Soins Palliatifs est essentiellement un

traitement médical et peu chirurgical. 2. Le traitement est d’autant plus efficace que l’occlusion est partielle et basse. 3. La sonde nasogastrique n’est utilisée qu’après échec du traitement médical en accord

avec le patient. XIII – LES ATTEINTES BUCCALES

L’atteinte buccale chez un patient en Soins Palliatifs est un symptôme inconfortable très fréquent. Les conséquences en sont multiples pour les patients : Douleur, trouble de l’élocution et de la déglutition, sensation de soif, mauvaises

odeurs.

Les différents types d’atteintes sont :

Page 92: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

298

1. La sécheresse de la bouche 2. Les infections mycosiques 3. Les ulcérations 4. Les hémorragies

PHYSIOPATHOLOGIE DES ALTERATIONS BUCCALES

13.1 La sècheresse de la bouche

Clinique :

• Sensation de soif, perte du goût. • Difficulté pour mastiquer et pour déglutir. • Muqueuse buccale sèche, rouge parfois rôtie. • Sécrétions salivaires épaisses, avec débris alimentaires.

Causes :

• Post radiothérapique ou chimiothérapique. • Traitement par morphinique, anticholinergique, et antidépresseur.

Radiothérapie

Chimiothérapie Tumeur, Hémopathie

infections

Déshydratation Radiothérapie

Médicaments divers Atteintes neurogènes

Mauvaise hygiène

ALTERATIONS SALIVAIRES FONCTIONNELLES

AGRESSION MUQUEUSE DIRECTE

CANDIDOSES Infections. BACTERIENNE ou VIRALE : Stomatites, caries, parodonties, passage systémique

DOULEUR NUTRITION ENTRAVEE

et ANOREXIE

COMMUNICATION ALTEREE

Page 93: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

299

• Déshydratation. • Respiration bouche ouverte • Oxygénothérapie

Traitements :

• Soins de bouche fréquents à base de bicarbonate de sodium 3 à 4 fois par jour. • Pulvérisation d’eau le plus fréquemment possible. • Salive artificielle (artisial) ou Pilocarpine

13.2 Les infections mycosiques

Clinique : • Langue saburrale : apparaît recouverte d’un enduit blanchâtre, pouvant aller

jusqu’à un dépôt noirâtre ; en fait, il n’y a pas de clinique spécifique mais en revanche la sensation subjective de cuisson ou de sable dans la bouche est très suspecte de surinfection mycosique.

• Atteinte œsophagienne parfois associée. Causes :

• Immunodépression en lien avec la maladie (hémopathie) ou les traitements par chimiothérapie.

• Désorganisation de la flore buccale. • Mauvaise hygiène bucco-dentaire.

Traitements :

• Fungizone ou Daktarin gel buccal. • Triflucan par voie générale si atteinte œsophagienne associée.

13.3 Les ulcérations buccales Causes :

• Immunodépression (post chimiothérapie ou hémopathie) avec atteinte virale herpétique.

• Post radiothérapie. Clinique : sous forme

• Aphtose : ulcération ovalaire à bord net et fond sanieux • Ulcérations herpétiques plutôt confluentes. • Stomatite avec une langue dépapillée. • Décoloration des muqueuses.

Traitements :

traiter la douleur est une priorité : ceci peut être fait de façon locale avec des anesthésiques(Xylocaïne gel) ou des « pansements »(sucralfate Ulcar)) ; (ne pas donner d’anesthésique avant une prise alimentaire );

si le traitement in situ est insuffisant, il faut administrer les antalgiques par voie générale(y compris des morphiniques)

traiter une probable infection herpétique(zovirax injectable), si les lésions sont étendues et si la douleur est intense ou s’il y a une fièvre ; en effet les lésions herpétiques ne sont pas spécifiques et doivent être envisagées chez un patient immunodéprimé par sa maladie ou les traitements .

Page 94: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

300

13.4 Les hémorragies buccales Causes :

• Tumeur locale • Troubles de l’hémostase (en lien avec la maladie cancéreuse ou avec les

traitements) Traitements :

• Soins de bouche à l’eau oxygénée • Alginate de Calcium : COALGAN • Hémostatiques par voie générale ?

CONCLUSION

L’exploration de la cavité buccale est rarement effectuée dans l’examen clinique d’un patient. Elle est capitale dans la prise en charge d’un patient en soins palliatifs car elle permet, après avoir mis en place des soins de bouche adaptés et fréquents dans la journée, de redonner au patient un confort majeur, et peut être un appétit diminué du fait de ces lésions. XIV – L’ANOREXIE ET LA CACHEXIE

L’anorexie est un des symptômes les plus fréquents en phase palliative s’inscrivant le plus souvent dans un tableau de cachexie.

L’anorexie pose directement le problème de l’alimentation, questionnement central en Soins Palliatifs à la fois pour le patient, les familles et les équipes soignantes.

Avant toute décision thérapeutique, il est important de faire une évaluation nutritionnelle du patient :

14.1 Evaluation nutritionnelle 1. Interrogatoire • Sur les antécédents alimentaires récents. • Existence de symptômes associés : douleur, asthénie, constipation, lésions buccales ou

sécheresse de bouche, anxiété et dépression. • Sur les demandes du patient :a t’il faim et demande t’il à manger • Sur les goûts et habitudes du patient. 2. Examen clinique

• Recherche d’une amyotrophie et de signes de déshydratation. • Recherche de lésions buccales pouvant être à la base de l’anorexie. • La pesée du patient et le chiffrage de la perte de poids récente ne se font que

lorsqu’il existe des possibilités de rénutrition ou dans le cadre d’un bilan préthérapeutique

14.2 La prise en charge

Page 95: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

301

Eliminer les causes possibles de l’anorexie • Traitement de la douleur • Prise en charge des nausées et vomissements • Traitement des atteintes buccales avec intensification des soins de bouche • Prise en charge de l’angoisse et du syndrome dépressif • Prise en charge de la constipation

La place des corticoïdes L’appétit peut être stimulé par des petites doses de corticoïdes quotidiennes le matin.

La prise en charge nutritionnelle

Il faut avoir présent à l’esprit que le syndrome anorexie-cachexie est associé à de nombreuses pathologies (cancéreuse, infectieuse ou dégénérative) par le biais de mécanismes biochimiques complexes : si la maladie elle-même échappe au contrôle, ce symptôme échappera également. Il peut constituer, en dehors des causes précédemment énumérées, un syndrome incurable, contre lequel « gavage » et alimentations artificielles n’amélioreront pas ni la qualité de vie ni l’espérance de vie. a) L’alimentation Per Os :

Toujours dans une dynamique palliative de confort, la notion de plaisir dans l’alimentation est essentielle. C’est dans ce but que le patient ne sera ni forcé ni stimulé pour manger.

C’est à partir du moment où le patient émet le souhait de manger, que la voie per os sera privilégiée (si celle ci reste encore possible) et favorisée par :

• La flexibilité dans l’horaire des repas • L’adaptation des repas aux goûts du patient • Le fractionnement des repas

Parfois le patient ne demande rien mais c’est la famille qui souffre de ne pas voir

s’alimenter leur proche avec la peur de le voir « mourir de faim » ou « que les escarres s’aggravent ». Il est alors important de pouvoir expliquer à la famille que même un apport calorique conséquent ne freinera pas le processus de dégradation de l’état général enclenché par la maladie cancéreuse, l’anorexie s’inscrivant dans un syndrome paranéoplasique.

Lorsque l’alimentation per Os est impossible (fausses routes, obstacle sur les voies aéro-digestivse) et que le patient est en demande de nutrition, on pourra envisager avec lui une autre forme d’alimentation n’altérant pas son confort. On retrouve ce type de situation souvent dans des contextes de pathologie neurologique dégénérative impliquant des prises en charge à moyen et à long terme. b) L’alimentation Entérale :

- La sonde nasogastrique :

Souvent traumatique et inconfortable pour le patient, donc peu utilisée en Soins Palliatifs.

- La gastrostomie simple :

Possible chez les patients ayant une espérance de vie prolongée en particulier les patients atteints de pathologie neurologique dégénérative.

Avantage : geste chirurgical simple, rapide et peu douloureux.

Page 96: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

302

Inconvénients : possibilité de reflux gastro-œsophagien avec risque de fausses routes et de pneumopathie par reflux et encombrement pulmonaire chronique

c) L’alimentation Parentérale :

• Possible uniquement chez le patient porteur d’une voie veineuse centrale ou d’un PAC. Et en cas d’impossibilité d’alimentation entérale

• Comporte des risques infectieux. • Risque d’aggraver une encéphalopathie hépatique en cours • Technique onéreuse. • Peu pratiquée en Soins Palliatifs(concerne surtout les soins palliatifs précoces

avec projets thérapeutiques nécessitant un bon état nutritionnel) CONCLUSION

L’anorexie est un symptôme souvent associé à la cachexie, s’inscrivant dans un syndrome paranéoplasique quand elle survient chez des patients cancéreux.

Ceci pose directement le problème de l’alimentation, qui souvent est

source de souffrance pour le patient mais surtout pour l’entourage.

A partir du moment où le patient demande à manger, l’alimentation per os sera la voie privilégiée et favorisée afin de satisfaire ce plaisir tout en conservant le confort du patient; On n’oubliera pas de prendre en charge les facteurs étiologiques et environnementaux qui peuvent être à la base de l’anorexie.

L’alimentation Entérale ou Parentérale ne sera envisagée que dans le cas où

l’alimentation orale est impossible et à la demande du patient, informé de l’évolution de sa maladie. Elle ne doit pas générer plus d’inconfort pour le patient et se situe plus dans le cadre d’une prise en charge à moyen et long terme, en particulier chez les patients atteints de pathologies neurologiques dégénératives.

Seule une écoute et un examen clinique de qualité permettront au médecin, dans le

cadre d’une l’interdisciplinarité, de prendre la bonne décision dans la prise en charge nutritionnelle d’un patient en Soins Palliatifs. XV – LA PRISE EN CHARGE DU HOQUET EN SOINS PALLIATIFS 1. Physiopathologie :

Mal élucidée

Plus un réflexe digestif que respiratoire

Le centre du hoquet se trouverait dans le tronc cérébral.

Page 97: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

303

2. Clinique :

C’est une secousse brève du thorax avec mise en tension brutale des

muscles inspiratoires et fermeture de la glotte avec inhibition des activités œsophagiennes et des muscles expiratoires.

Le hoquet peut entraîner un inconfort majeur chez le patient du fait de son intensité et de son caractère incoercible.

3. Prise en charge :

Le traitement est avant tout étiologique, celui :

D’un R.G.O.

D’une pathologie inflammatoire sus et sous phrénique

D’une atteinte du tronc cérébral

D’une cause métabolique : insuffisance rénale

de la suppression des toxiques : alcool, nicotine 4. A défaut d’agir sur les causes

Les psychotropes tels que :les neuroleptiques( Halopéridol, chlorpromazine),ou les antidépresseurs( amitriptyline)

CONCLUSION Le hoquet peut être un symptôme particulièrement inconfortable de par sa fréquence, son intensité physique et sonore. Ce symptôme banal au demeurant peut donc devenir une souffrance physique et psychologique majeure pour le patient et son entourage. L’introduction de certains psychotropes, cités précédemment, permettront le plus souvent de faire céder ce symptôme parfois incoercible. XVI - CONCLUSION GENERALE

L’accompagnement d’un patient en fin de vie confronte généralement à de multiples symptômes, tant physiques que psychiques. Il existe par ailleurs des intrications somato-psychiques qui nécessitent parfois de savoir prendre son temps, pour en faire une évaluation la plus précise possible.

La liste des symptômes abordés dans ce cours n’est pas exhaustive.

La prise en charge se déroule parfois à l’hôpital, parfois à domicile,

mais il faut tenir compte de l’environnement naturel du patient où qu’il soit et

Page 98: Module 6 - Partie 2version2008 version finale 6 - Partie 2.pdf · module 6 douleur – soins palliatifs et accompagnement sous-module 2 « soins palliatifs pluridisciplinaires chez

304

essayer de ne pas exclure cet environnement ; bien entendu, ce dernier est parfois absent, car tétanisé par l’angoisse que génère la fin de vie d’un proche.

Il faut savoir l’aider alors à retrouver une place, si cela est possible.

Une prise en charge spécifique avec les thérapeutiques et les moyens dont on dispose permet le plus souvent d’obtenir la qualité de vie la meilleure possible dans une période de la vie qui demeure éprouvante pour tous : patients, familles, équipes. Pour en savoir plus …

Bibliographie générale se rapportant aux Soins Palliatifs « Mort d’Ivan Illitch » de Tolstoï. « La douleur » de A. Daudet « Le Deuil » Que sais-je ? Marie-Frédérique Bacque et Michel Hanus « L’Euthanasie » Que sais-je ?