Mode d'entrée possible PAR O. LACOMBE
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Mode d'entrée possible dans certaines phases d'apprentissage de l'activité rugby, ce support ludique et motivant peut faciliter la gestion de la mixité et de l'hétérogénéité morphologique.
PAR O. LACOMBE
Dans cette forme de pratique, issue du football américain, les joueurs portent à chaque hanche une bandelette nommée « flag » (photo ci-dessus) fixée par un scratch à leur ceinture. Il est également possible d'utiliser des foulards ou bandes de tissu en remplacement. Le plaquage est remplacé par l'arrachage (ou « déflagage ») de cette bandelette, ce qui offre de nombreux avantages pédagogiques pour les professeurs d'EPS dans l'approche du rugby, quelque soit le niveau de pratique des élèves. Enfin, Le flag-rugby peut se pratiquer sur n'importe quel terrain, permettant de pallier l'absence fréquente d'installations spécifiques au rugby.
Le terrain : pelouse d'environ 50 à 60 x 35 m avec 2 en-buts d'environ 5 m. Le matériel : une ceinture par joueur équipée de 2 flags scratchés, flags et chasubles ou maillots de couleurs différentes, un ballon de rugby classique. Les équipes : 2 équipes de 5 à 7 joueurs. La durée : 2 x 8 à 2 x 20 min en fonction de l'âge du pratiquant. But du jeu : marquer un essai (1 point) en aplatissant le ballon dans l'en-but adverse.
DISPOSTIF ET REGLEMENT Le règlement n'a rien d'officiel et peut bien évidemment être modifié afin d'atteindre des objectifs précis (encadré, schéma 1). • L'engagement se fait en drop tel un coup d'envoi en rugby. • L'équipe en possession du ballon doit progresser pour marquer un essai sans perdre la balle. • Tout porteur de balle se faisant prendre un flag sera considéré comme plaqué. Il s'arrête à l'endroit où il a été déflagué et la défense recule de 5 m. Si le pla-queur n'a pas le temps de se replacer, il ne peut intervenir sur le nouveau porteur de balle. On
change de main tous les trois pla-quages. Remarque : cette dernière règle peut être adaptée aux caractéristiques des pratiquants. Par exemple, pour des élèves qui ont tendance à conserver et porter trop longtemps le ballon, on demandera le changement de main après un seul plaquage. • La remise en jeu après un essai s'effectue par un coup d'envoi au pied par l'équipe qui a marqué. • Après une sortie en touche, l'équipe adverse remet le ballon en jeu par une passe en arrière à l'endroit où il est sorti. Il n'y a donc pas d'alignement comme au rugby. • Le hors-jeu et l'en-avant entraî
nent systématiquement le changement de possession de balle.
Variables possibles • Dimension du terrain en fonction des formes de jeu retenues : diminution de l'espace sur l'axe latéral afin d'augmenter la densité des joueurs en jeu groupé (voire privilégier le jeu déployé court) et inversement pour le jeu déployé. • Nombre de joueurs : de 4 c 4 à 7 c 7, voire 12 c 12 sur grand terrain. • Création d'une zone appelée « prison » dans laquelle se rend le joueur plaqué afin de replacer son foulard correctement. Un joueur remplaçant entre alors en jeu
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pour assurer la continuité du jeu (le joueur en prison pourra à nouveau entrer en jeu dès qu'un joueur sera déflagué). • Mise en place des phases statiques de touches et de mêlées pour travailler les différents lancements de jeu.
INTÉRÊTS DU FLAG-RUGBY DANS L'APPRENTISSAGE DU RUGBY
Favoriser la prise de « décisions tactiques modulées en jeu » [1] Selon C. Déléris : le rugby est un jeu organisé à partir d'une double logique: sport collectif de combat et sport collectif d'évitement [2]. Les principes fondamentaux découlant de cette définition sont donc tout naturellement : avancer et combattre [3]. Pour entrer dans l'activité on peut envisager deux conceptions « antagonistes » de l'enseignement du rugby.
• La première privilégie l'aspect collectif de combat en proposant des formes de luttes collectives. L'entrée par une approche historique telle que la préconise P. Conquet va dans ce sens (la soûle étant considérée comme l'ancêtre du rugby). Il propose aux élèves des situations de jeu sur un terrain réduit en largeur avec un médecine-bail. Ce «jeu de bataille » actualise les luttes collectives, l'affrontement, les pénétrations, potentialise par les qualités qu'il peut développer (physiques, psychologiques, intellectuelles) toutes les réponses qui devront être apportées plus tard dans le jeu [4]. En effet, la forte densité d'opposants (l'espace de jeu étant réduit sur l'axe latéral) ainsi que la réduction de la vitesse de course du porteur de balle (en particulier engendrée par le poids et le diamètre du médecine-bail) vont nécessairement amener les élèves à être confrontés aux notions de combat individuel et collectif. • La seconde conception privilégie les comportements d'évite-ments, de courses et de passes. Les notions de combat individuel et collectif étant beaucoup moins présentes voire absentes. Le flag-rugby, en augmentant ce type de comportements chez le joueur, trouve sa place dans ce mode
d'entrée. Il confronte l'apprenant à un travail au niveau des décisions tactiques modulées en jeu. L'enseignant peut, en fonction des contextes, des objectifs poursuivis et du niveau des élèves, jouer sur la complémentarité du flag-rugby avec cette approche de la pratique traditionnelle de l'APS rugby (tableau). Il cherche prioritairement à développer l'intelligence tactique qui consiste à prendre en compte les effets créés sur l'organisation défensive (...) pour déplacer le jeu sur la partie momentanément faible [5].
Faciliter la gestion de la sécurité Le flag-rugby aide les élèves à gérer de façon optimale l'équilibre entre sécurité active et sécurité passive. La sécurité active Les élèves construisent progressivement une part de gestion autonome des notions de risque et de sécurité car ils s engagent dans une pédagogie motrice de la prise d'informations multiples et interactives [6]. Il est question d'une gestion de la sécurité par l'élève en direction : - de lui-même. Exemple : « Je fais le choix de perforer ou de passer en fonction de l'organisation défensive adverse » ; - ou des autres. Exemple : « Je conserve le ballon si je perçois un
défenseur direct sur mon partenaire le plus proche ». Dans ce cas il faut amener l'élève à connaître sa propre « zone de sécurité » (c'est-à-dire la distance fictive avec son opposant direct permettant d'agir librement et en toute sécurité, à savoir environ 3 m) afin qu'il modère son propre engagement et qu'il acquière une véritable « gestion de sa vie physique ». La sécurité passive Cette activité nécessite un aménagement particulier qui peut aider l'enseignant à limiter les problèmes affectifs dus à l'appréhension du contact et les risques physiques. Le déflagage en remplaçant le plaquage, réduit les charges émotionnelles ainsi que les accidents, ce qui facilite l'apprentissage. Il convient toutefois de préciser qu'il n'existe pas de mise en action corporelle qui soit totalement dépourvue de risque physique.
Faciliter la mixité et hétérogénéité morphologique Cette approche aide à gérer cer-tains problèmes de mixité et d'hétérogénéité morphologique particulièrement ressentis par les enseignants à partir du cycle central du collège. En effet, si l'on s'intéresse aux caractéristiques
Tableau, intérêts du flay-rugby selon les niveaux en rugby
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générales du comportement des filles et de certains garçons dans l 'APSA rugby, on s'aperçoit très vite qu'elles sont conditionnées en majeure partie par l'appréhension du contact. Par exemple, on observe : - des attitudes de crainte par rapport au contact avec le sol et/ou l'adversaire, - des courses vers l 'arr ière ou latérales, - des courses lentes et/ou arrêtées au contac t ou le plus souvent avant le contact, - des joueurs « satellites » refusant le ballon, - des joueurs qui jettent le ballon en l'air avant le contact,
- des joueurs focalisés sur l'adversaire et qui ne regarderont donc pas le partenaire proche. Pour faire face à ces comportements, les enseignants utilisent généralement un aménagement des règles du jeu , c o m m e par exemple : « Si je suis porteur de balle face à une fille, je dois passer mon ballon avant le contact ou ralentir ma course afin qu'elle me plaque et si je suis défenseur alors je la plaque en contrôlant et en l'accompagnant au sol voire en la ceinturant ». En fait, en EPS et particulièrement en rugby, cette hétérogénéité que représente la mixité sexuelle est sans doute plus
visible qu'ailleurs puisqu'elle repose sur un grand nombre de différences: morphologiques, de maturation, de ressources physiques, d'habiletés, d'âge, d'expériences antérieures, de vitesse, de force [7]. Selon nous, ce n'est donc pas la mixi té en rugby qui pose problème mais la gestion de l'hétérogénéité qu'il convient de maîtriser. Le flag-rugby peut aider l'enseignant en ôtant momentanément les aspects contact et combat, à gérer au mieux cette hétérogénéité tout en induisant des comportements spécifiques au rugby adap tés bien é v i d e m m e n t au niveau de chacun.
LIMITES
Les caractéristiques de cette activité, en occultant la dimension de combat du rugby en dénature ce qui fait son essence même. Si le flag-rugby peut être un bon complément à l'activité rugby, il ne peut en aucun cas s'y substituer en tout début d 'apprentissage. Le combat et l'affrontement collectif direct sont des notions fondamentales auxquelles l'élève doi t être confronté d ' e m b l é e . C'est seulement après une première phase dans laquelle l'aspect collectif de combat est privilégié, que nous proposons aux élèves des situations de flag-rugby permet tant , à différents niveaux, d ' a b o r d e r et approfond i r des objectifs particuliers (tableau). Pour passer d'une phase à l'autre, l 'enseignant aménage les règles du jeu (telles que présentées précédemment). Une fois les « inhibitions » dépassées, il peut alterner a lors des s i tua t ions de flag-rugby avec des situations de jeu globales incluant les contacts. Pour le niveau débutant , cette approche peut s ' env i sager en continuité avec celle proposée par P. Lemaître et collaborateur [8].
EXEMPLES DE SITUATIONS
NIVEAU 1
Situation 1
Organisation :2c 1 sur un terrain de 20 x 10 m avec un en-but d'une largeur de 5 m (schéma 2).
Objectifs • Gérer un surnombre offensif en faisant progresser collectivement la balle vers la cible. • Intégrer la règle du hors-jeu et sa conséquence l'en-avant.
But : avancer et marquer sans se faire déflaguer.
Consignes • L ' ense ignan t donne le signal et passe à l'attaquant Al qui réceptionne, les autres joueurs peuvent alors intervenir enjeu. • L'attaquant A2 se replace rapidement derrière Al afin de ne plus se t rouver en situation de hors jeu. • Le défenseur (D) essaye de déflaguer le porteur de balle (PB). • Changement de rôles après 10 passages : les attaquants dev iennent défenseurs et inversement. • 1 essai = 1 point.
Critère de réussite : marquer le plus de points possibles sur 10 passages (au moins 6/10).
Variables • Lancement de jeu par le professeur au sol. • A2 derrière A l au signal de l'enseignant.
Situation 2 Organisation : 4 c 2+2+1 sur terrain de 50 x 20 m avec en-but de 5 m (schéma 3).
Objectif : gérer un surnombre offensif en faisant progresser collectivement la balle vers la cible.
But : avancer et marquer sans se faire déflaguer.
Consignes • L'enseignant donne le signal et passe à l'attaquant Al qui réceptionne, les autres joueurs peuvent alors intervenir en jeu et essayent de progresser vers la cible adverse. Les défenseurs D1 et D2 entrent dans la zone 1 (ZI) et essayent de déflaguer le PB. • Les dé f enseu r s D3 et D4 entrent dans la zone 2 (Z2) et essayent de déflaguer le PB. • Le dernier défenseur D5 est présent en zone 3 (Z3) dès le départ.
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• Les défenseurs n'ont pas le droit de sortir de leurs zones respectives et entrer dans les zones « tampons » (1 m de large) afin de ne pas se retrouver positionnés sur une même ligne. • Changement de rôles après 10 passages. Critère de réussite : marquer le plus de points possibles en 10 passages (au moins 6/10). Un déflagage en ZI = 0 pt ; en Z2 = 2 pt ; en Z3 = 3 pt ; un essai = 5 pt. Variables • Lancement de jeu au sol par le professeur. • Augmentation ou diminution du nombre d'attaquants et de défenseurs.
NIVEAU 2
Situation 3 • Organisation : 6 c 6 (ou 7 c 7). 2 terrains : 1 terrain de 20 x 10 m
(zone de jeu groupé) et un terrain de 30 x 30 m (zone de jeu déployé) avec zones d'en-but de 5 m. Au départ de l'action, les joueurs se trouvent dans une zone située entre les 2 terrains, matérialisée par 4 plots. Tous sont munis de flags ou de foulards accrochés à la ceinture (schéma 4). Objectifs : choisir la forme de jeu adaptée à l'espace latéral qui convient (réduit ou large). • Enjeu groupé : conserver le ballon debout ou au sol (plaquage autorisé et déflagage interdit). • En jeu déployé : conserver la ballon en perforant ou en évitant la défense (plaquage interdit et déflagage autorisé). But : conserver le ballon, avancer et marquer. Consignes • L'enseignant effectue un lancement de jeu dans l'une des 2 aires de jeu sur une équipe attaquante (lancement « main-main » : l'en
seignant propose le ballon à l'une des 2 équipes. Le joueur le plus proche vient le chercher dans ses mains. Cette forme de lancement permet de varier le placement initial des joueurs). • Au coup de sifflet, les 2 équipes vont faire le tour des plots correspondants à l'aire de jeu choisie afin de pouvoir commencer à jouer (équipe A derrière le plot A et équipe B derrière le B). • L'arbitre annonce le changement d'équipe attaquante si dans la zone de jeu groupé les attaquants ont perdu le ballon ou si dans la zone de jeu déployé un joueur a été « déflagué ». Les joueurs reviennent alors à la zone de départ. Critères de réussite : marquer le plus d'essais possibles sans perdre le ballon (concours entre les 2 équipes). 1 essai = 1 point. Variables • Lancement de jeu en l'air ou au sol. • Dimension de l'aire de jeu et éloignement des plots d'entrée (plus les plots des défenseurs sont éloignés, plus ils sont en « crise de temps » et doivent s'organiser rapidement face aux attaquants). • Possibilité donnée à l'équipe qui défend de
contre-attaquer sur la même aire de jeu. Sur la zone de jeu déployé, l'enseignant introduit un ballon supplémentaire.
NIVEAU 3
Situation 4 Organisation ; 6 c 6 sur terrain de 50 x 35 m (schéma 5). Objectifs • Offensif : jouer dans les intervalles afin de progresser vers la cible. • Défensif : communiquer pour s'organiser défensivement. • But : conserver le ballon, avancer et marquer. Consignes Lancement de jeu par un des 2 joueurs situé en zone 01 par un coup de pied de 5 m minimum, sur les attaquants à récupérer obligatoirement de volée. • Les 2 joueurs 01 défendent uniquement dans la zone centrale (vert foncé). • Les 4 joueurs 02 vont chacun faire le tour de leur plot (2 sont placés à droite, 2 à gauche) afin de défendre dans la zone arrière. • Les attaquants réceptionnent le ballon et s'organisent pour progresser collectivement vers la cible. • Dès qu'un joueur est déflagué, la situation s'arrête. • Changement de rôles après 10 passages. Critères de réussite : marquer le plus de points possibles en 10 passages (au moins 6/10). Si le joueur est déflagué après la zone hachurée : 1 point. Si l'essai est marqué : 5 points. Variables • Lancement de jeu derrière les attaquants ou en balle rasante. • Augmentation du nombre de défenseurs dans la zone hachurée. • Limitation du nombre de passes afin d'obliger les élèves à prendre l'intervalle.
La suppression du contact et le caractère ludique du flag-rugby facilitent l'intégration de tous dans le jeu, quels que soient le niveau, les craintes et les particularités de chacun. Elle permet le développement et/ou la construction de compétences qui pourront être réinvesties progressivement dans l'activité rugby [6].
Olivier Lacombe Professeur d'EPS,
LEGTA de Bourges (18). E-mail : [email protected]
Bibliographie [1] Deleplace R., Rugby de mouvement, rugby total, Éd. Revue ERS. 1979.
[2] Deleris C, Un combat commun à l'école et au club. Éd. Vigot, 1993. [3] Collinet S., Nérin J.-Y., Peyresblanques M.. Rugby, Coll. : De l'école... aux associations, Éd. Revue EP.S, 1992 (nouvelle édition en 2003). [4] Conquet P., Les fondamentaux du rugby moderne. Éd. Vigot, 1996 (2' édition). [5] Villepreux P., Le rugby. Éd. Denoël, 1991. [6j Martinet P.-H., « Le risque en toute sécurité », Revue EP.S n° 255. septembre-octobre 1995. [7] Chevalier P.-H., « La mixité et les pratiques corporelles à l'école », Revue EP.S n° 300, mars-avril 2003. [8] Lemaître P. et coll., « Avancer : résolution des problèmes affectifs liés au contact », Revue EP.S n° 303, septembre-octobre 2003. Site Internet : http://membres.lycos.fr/eps- rugby/
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