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«Ce rapport qui vient à point nommé est une importante contribution au débat grandissant sur la politique internationale en matière de migration. Il traite de la santé d’une population de plus en plus vulnérable dans la perspective des droits humains. Ce faisant, il démontre la valeur des droits humains en tant qu’outil politique. Il reconnaît aussi qu’un changement de paradigme est nécessaire ’pour que les migrants soient traités comme des citoyens du monde, et des personnes ayant des droits’.» Mary Robinson Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme (1997-2002) Série de publications Santé et Droits de l’Homme, Nº 4 Pour plus d’informations, veuillez vous adresser à : Conseillère, Santé et Droits de l’Homme Département Ethique, Commerce, Santé et Droits de l’Homme, Législation, Groupe Développement durable et milieux favorables à la santé Organisation Mondiale de la Santé 20, Avenue Appia - 1211 Genève 27 - Suisse Tel.: (41) 22 791 2523 - Fax: (41) 22 791 4726 E-mail : [email protected] www.who.int/hhr Série de publications Santé et Droits de l’Homme No.4, décembre 2003 Migrations internationales, santé et droits humains Migrations internationales, santé et droits humains Organisation mondiale de la Santé Office of Union Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights December 18

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«Ce rapport qui vient à point nommé est uneimportante contribution au débat grandissantsur la politique internationale en matière demigration. Il traite de la santé d’une populationde plus en plus vulnérable dans la perspectivedes droits humains. Ce faisant, il démontre lavaleur des droits humains en tant qu’outil politique. Il reconnaît aussi qu’un changementde paradigme est nécessaire ’pour que lesmigrants soient traités comme des citoyens dumonde, et des personnes ayant des droits’.»

Mary RobinsonHaut Commissaire des Nations Unies aux droitsde l’homme (1997-2002)

Série de publications Santé et Droits de l’Homme,Nº 4Pour plus d’informations, veuillez vous adresser à :Conseillère, Santé et Droits de l’HommeDépartement Ethique, Commerce, Santé et Droitsde l’Homme, Législation, Groupe Développementdurable et milieux favorables à la santéOrganisation Mondiale de la Santé20, Avenue Appia - 1211 Genève 27 - SuisseTel. : (41) 22 791 2523 - Fax: (41) 22 791 4726E-mail : [email protected]/hhr

Série de publications Santé et Droits de l’Homme No.4, décembre 2003

Migrations internationales,santé

et droits humains

Migrations internationales,santé

et droits humains

Organisation mondiale de la Santé

Office of UnionOffice of the United

Nations HighCommissioner for

Human RightsDecember 18

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M i g r a t i o n s I n t e r n a t i o n a l e s , s a n t é e t D r o i t s H u m a i n s

Remerciements:

Migrations internationales, santé et droits humains a pu voir le jourgrâce au soutien du Gouvernement italien et a été rédigé par HelenaNygren-Krug, Conseillère pour la Santé et Droits de l’Homme à l’OMS,à l’issue de larges consultations. Les personnes ci-après en particulierdoivent être remerciées pour leur contribution, leurs conseils et leursoutien: Colin Bailey, Franz Bauer, Veronica Birga, Christoph Bierwirth,Alisha Bjerregaard, Rachel Brett, Dominique Bush, Alex Capron,Manuel Carballo, Andrew Cassels, Andrew Clapham, Jenny Cook, AttilaDahlgren, Ayesha Dawood, Julie De Riviero, Myriam De Feyter, NickDrager, Sarah Galbraith, Anne Gallagher, Kieran Gostin, MarietteGrange, Oliver Laws, Fernando González-Martín, Danielle Grondin,Mary Haour-Knipe, Katie Heller, Beatrice Loff, Sylvie Da Lomba, TanyaNorton, Lisa Oldring, Annette Peters, Ryzard Piotrowicz, PritiRadhakrishan, Jillyanne Redpath, Nathalie Rossette-Cazel, BarbaraStilwel, Julia Stuckey, Patrick Taran et Gianni Tognoni.

© Organisation mondiale de la Santé 2005

Tous droits réservés. Il est possible de se procurer les publications de l’Organisation mondiale de la Santé auprès des Editions del’OMS, Organisation mondiale de la Santé, 20 avenue Appia, 1211 Genève 27 (Suisse) (téléphone: +41 22 791 2476; télécopie:+41 22 791 4857; adresse électronique: [email protected]). Les demandes relatives à la permission de reproduire ou detraduire des publications de l’OMS - que ce soit pour la vente ou une diffusion non commerciale - doivent être envoyées auxEditions de l’OMS, à l’adresse ci dessus (télécopie: +41 22 791 4806; adresse électronique: [email protected]).

Les appellations employées dans la présente publication et la présentation des données qui y figurent n’impliquent de la part del’Organisation mondiale de la Santé aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires, villes ou zones, oude leurs autorités, ni quant au tracé de leurs frontières ou limites. Les lignes en pointillé sur les cartes représentent des frontièresapproximatives dont le tracé peut ne pas avoir fait l’objet d’un accord définitif.

La mention de firmes et de produits commerciaux ne signifie pas que ces firmes et ces produits commerciaux sont agréés ourecommandés par l’Organisation mondiale de la Santé, de préférence à d’autres de nature analogue. Sauf erreur ou omission,une majuscule initiale indique qu’il s’agit d’un nom déposé.

L’Organisation mondiale de la Santé a pris toutes les dispositions voulues pour vérifier les informations contenues dans laprésente publication. Toutefois, le matériel publié est diffusé sans aucune garantie, expresse ou implicite. La responsabilité del’interprétation et de l’utilisation dudit matériel incombe au lecteur. En aucun cas, l’Organisation mondiale de la Santé ne sauraitêtre tenue responsable des préjudices subis du fait de son utilisation.

Imprimé en Chine - Photo de couverture: © OIM//Chauzy 2003 - Design: François Jarriau/Kaolis.

Catalogage à la source: Bibliothèque de l’OMS

Migrations internationales, santé et droits humains(Série Santé et droits humains)1. Personnes de passage et migrants 2. Réfugiés 3. Emigration et immigration 4. Droits homme 5. Etat de santé 6. Politiquepublique 7. Coopération internationale I. World Health Organization II. Series.

ISBN 92 4 256253 X (Classification NLM: WA 300)ISSN 1726-7994

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Organisation Mondiale de la Santé

Migrations internationales,santé

et droits humains

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« Dans le monde d’aujourd’hui, les véritablesfrontières ne séparent pas les nations, mais les forts et les faibles, les privilégiés et leshumiliés, les hommes libres et ceux qui viventdans les fers. Aucun mur ne peut plus empêcherune catastrophe humanitaire ou des violationssystématiques des droits de l’homme dans unpays de mettre en péril la sécurité nationaled’autres pays situés aux antipodes.»

Kofi Annan, Secrétaire général des Nations Unies,discours prononcé à l’occasion de la remise du

Prix Nobel de la Paix en 2001.

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T andis que nous concentrons nos efforts sur la réalisation desobjectifs en matière de santé fixés dans le cadre des objectifsde développement pour le Millénaire de l’ONU, il importe

de comprendre quels sont les défis à relever en matière de santédans le contexte de la mondialisation. Les migrations – lesmouvements de personnes d’une région vers une autre pendantdes périodes variables – constituent l’un de ces défis majeurschaque jour plus crucial.

Les travaux de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) sontguidés par le principe selon lequel la santé est un droit humainfondamental dont doit pouvoir jouir chaque être humain sansdiscrimination. Les groupes de population vulnérables etmarginalisés requièrent une attention prioritaire. Dans lecontexte des migrations, ces populations vont des migrantsforcés et sans papiers qui n’ont pas accès aux services de santéde base jusqu’aux populations démunies que laisse derrière ellela «fuite des cerveaux», les professionnels de santé des payspauvres migrant vers des pays plus riches.

L’OMS a examiné les défis à relever dans le domaine de la santéet des droits humains dans le contexte des migrationsinternationales, en collaboration avec l’Instituto Mario Negri, leCentre international pour la Migration et la Santé,l’Organisation internationale du Travail, l’Organisationinternationale pour les Migrations, le Haut Commissariat auxDroits de l’Homme et d’autres protagonistes pertinents, ycompris les organisations clés de la société civile.

Nous espérons que ce N° 4, Migrations internationales, santé etdroits humains, de notre série de publications Santé et droitshumains, sera un instrument utile qui permettra d’attirerl’attention du public sur ce sujet important. Nous espérons aussiqu’il pourra servir d’aiguillon pour stimuler les débats entreresponsables politiques en vue de concevoir des solutionssatisfaisantes, qui tiennent compte des considérations de santépublique et des impératifs des droits humains.

Préface

Dr LEE Jong-wookDirecteur général de

l’Organisation mondiale de la SantéGenève - décembre 2003

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Pour des raisons politiques, humanitaires, économiques etenvironnementales, les populations se déplacent de plus enplus fréquemment. Cette mobilité des populations a des inci-

dences sur la santé et les droits humains à la fois pour les migrantset pour les populations que ceux-ci ont quittées. Pour lesmigrants, les obstacles à un bon état de santé sont souvent consi-dérables: ils sont dus à la discrimination, aux barrières linguis-tiques et culturelles, au statut juridique ainsi qu’à d’autres diffi-cultés sociales et économiques. Dans le même temps, lespolitiques migratoires peuvent avoir d’importantes conséquencessur la santé publique. Dans de nombreuses régions du monde, lamigration des professionnels de santé peut être un grave obstacleà la prestation de soins de santé dans les pays d’origine.

Tous les droits humains - y compris le droit à la santé - s’appli-quent à toutes les personnes: migrants, réfugiés et autres non-nationaux. Le Pacte international relatif aux droits économiques,sociaux et culturels reconnaît le droit qu’a toute personne de jouirdu meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capabled’atteindre. Récemment, la Convention sur la protection desdroits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurfamille est entrée en vigueur, prévoyant de nouvelles protectionsdes droits humains pour les travailleurs migrants. Ces disposi-tions, parmi d’autres, doivent faire partie intégrante des poli-tiques, des programmes et de toute législation en matière demigration et de santé.

Nous souhaitons que les débats se poursuivent, en connaissancede cause, sur les défis que représentent ces questions pour lesresponsables politiques. Nous remercions l’Organisation mon-diale de la Santé et ses partenaires pour la contribution précieusequ’ils apportent à ce processus.

Avant-propos

Paul HuntRapporteur spécialdes Nations Uniessur le droit à la santé

Gabriela Rodríguez PizarroRapporteur spécial des NationsUnies sur les droits de l’homme

des migrants

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Partie 1: Migrations, santé et droits humains : introduction1 - Contexte et raison d’être 7

2 - Le paradigme des droits humains 8

3 - Migration: importance et terminologie 9

4 - Pourquoi les populations migrent-elles? Migrants «forcés» et migrants «spontanés» 10

Partie 2: Incidences sur la santé pour ceux qui sont restés5 - La «fuite des cerveaux»: les effets de l’émigration des professionnels de la santé 11

Partie 3: Incidence sur la santé des personnes déplacées6 - Migration forcée et incidences sur la santé 15

7 - La détention des migrants et les menaces qu’elle fait peser sur leur santé 17

8 - Le dépistage aux frontières 18

Partie 4: Santé et droits humains des migrantsdans le pays d’accueil 19

Conclusion 29

Annexe I : Les principales catégories de migrants 30

Annexe II : Instruments juridiques et politiques internationauxet mécanismes pertinents dans le domaine de la santé et de la migration

Les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme 32Normes juridiques internationales propres aux non-nationaux 34Conférences internationales (engagements politiques pour garantirles droits humains des migrants) 35

Table des matières

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La présente publication donne un aperçu de certains desdéfis majeurs que les responsables politiques sont appelés àrelever en se penchant sur les liens existant entre migrations,santé et droits humains. Les données disponibles sont peunombreuses, aussi le tableau dressé par cette publicationn’est-il pas complet. Elle s’efforce toutefois de fournir unpoint de départ utile qui incitera à prendre des mesurespour aborder la question des migrations et de la santé demanière approfondie et dans le souci des droits humains.

La première partie explique pourquoi nous abordons laquestion des migrations et de la santé et ce que signifieaborder cette question dans la perspective des droitshumains. Elle analyse ensuite certains des termes utilisés etnos connaissances quant à l’importance, et aux raisons, desmigrations.

La deuxième partie établit le lien entre les raisons pour les-quelles les populations migrent et les incidences en matièrede santé et de droits humains de ces déplacements pour lespopulations que les migrants ont quittées. Elle fait porterl’attention sur la question de l’émigration des profession-nels de la santé en mettant en lumière les tendances signifi-catives, les incidences financières et les négociations com-merciales en cours.

La troisième partie examine les incidences sur la santé despersonnes déplacées à la fois dans le contexte de la santépublique et pour ce qui est de la santé de l’individu. Elle sepenche sur différents aspects de l’administration des migra-tions, parmi lesquels figurent la détention et le dépistageaux frontières.

La dernière et quatrième partie examine les questions rela-tives à la santé et aux droits humains des migrants une foisqu’ils sont dans le pays d’accueil. Elle s’intéresse en parti-culier aux catégories les plus vulnérables de migrants etsouligne certains des principaux défis à relever pour amé-liorer et protéger leur santé.

Vous trouverez en annexe un glossaire ainsi qu’une liste desinstruments juridiques internationaux et des documents depolitique générale présentant un intérêt pour tout débat surla question de la santé et des migrations.

Ce que vous trouverez dans cette publication

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La présente section explique pourquoi la questiondes migrations et de la santé mérite d’être traitéeet ce que signifie aborder cette question dans laperspective des droits humains. Elle analyseensuite certains des termes utilisés et nosconnaissances quant à l’importance, et aux rai-sons, des migrations.

1. Contexte et raison d’être

Alors que commence un nouveau millénaire,les migrations - le mouvement des personnesd’une région vers une autre pendant des pério-des variables - sont plus prononcées quejamais. L’instabilité politique croissante combi-née au fait que la croissance économique stagnedans un nombre considérable de pays signifieque le déracinement et le déplacement - que cesoit pour des raisons politiques, environne-mentales ou économiques - se poursuivrontprobablement(1) et représenteront un défi tou-jours plus grand pour la santé publique.

Jusqu’à présent, le débat sur la santé dans lecontexte de la mondialisation a été axé sur lemouvement des marchandises et les échanges,une certaine attention étant portée aux person-nes dans la mesure où elles fournissent des ser-vices. La communauté internationale n’a guère

accordé d’attention aux groupes de populationles plus vulnérables dans le contexte des migra-tions. Cependant, l’ampleur des migrations,qu’elles soient forcées ou spontanées, régulièresou irrégulières, semble indiquer que, si l’on nese préoccupe pas de ces groupes, ceux ci et lesindividus qui les composent risquent, dans denombreuses situations, de rester socialementexclus et de ne pas être en mesure de bénéficierde l’état de santé et des soins de santé auxquelsils ont droit en tant qu’êtres humains. Desefforts doivent être faits pour préserver la santépublique et la cohésion sociale dans un mondede plus en plus mobile. En l’absence de telsefforts, la capacité des migrants à contribuer auxsociétés qui les accueillent sera entravée.

Consciente de ces problèmes, l’Organisationmondiale de la Santé (OMS) a rassemblé, au coursdes années 2001-2003, les représentants des orga-nisations internationales concernées ci-aprèspour examiner les problèmes que posent la santéet les migrations dans la perspective des droitshumains et les défis à relever dans ce domaine.Ces organisations reconnaissent que les questionsde santé pour les populations migrantes repré-sentent un grave sujet de préoccupation du pointde vue de la santé publique et des droits humains:- l’initiative pour une mondialisation éthique

(EGI),- décembre 18,- l’Instituto Mario Negri (IMN),- la Commission internationale catholique pour

les Migrations (CICM),- le Centre international pour la Migration et la

Santé (CIMS),- le Bureau international du Travail (BIT),- l’Organisation internationale pour les

Migrations (OIM),- le Haut Commissariat des Nations Unies aux

Droits de l’Homme (OHCHR), et - le Haut Commissariat des Nations Unies pour

les Réfugiés (UNHCR).

Partie 1: Migrations,santé etdroitshumains:introduction

(1) Huddled masses,please stay away. TheEconomist,13 juin 2002, p. 29.(2) Préambule à laConstitution del’Organisation mondiale dela Santé, telle qu’adoptéepar la Conférenceinternationale sur la santé,New York, 19-22 juin 1946 ;signée le 22 juillet 1946par les représentants de 61Etats (Actes officiels del’Organisation mondiale dela Santé, N° 2, p. 100) etentrée en vigueur le 7 avril 1948.(3) Ibid.

La possession du meilleur état de santé qu’ilest capable d’atteindre constitue l’un des droitsfondamentaux de tout être humain, quelles quesoient sa race, sa religion, ses opinions poli-tiques, sa condition économique ou sociale.(2) Lasanté est un état de complet bien-être physique,mental et social, et ne consiste pas seulementen une absence de maladie ou d’infirmité.(3)

Constitution de l’Organisation mondiale de laSanté (1946)

©OIM/Chauzy 2003

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Les organisations internationales, les défen-seurs des droits de l’homme, les gouverne-ments et les ONG accordent une attention tou-jours croissante aux aspects de la migration quiont trait aux droits humains, en particulier auxdroits humains des migrants autres que lesréfugiés et les demandeurs d’asile. Un plusgrand nombre de ratifications par les Etats destraités internationaux reconnaissant les droitshumains des migrants, un regain d’attentionpour les aspects des migrations qui touchentaux droits humains dans le cadre de nombreu-ses conférences nationales et internationales, lanomination d’un Rapporteur spécial desNations Unies sur les droits de l’homme desmigrants et la récente entrée en vigueur de laConvention des Nations Unies sur la protectiondes droits de tous les travailleurs migrants etdes membres de leur famille (Convention desNations Unies sur les travailleurs migrants)sont des manifestations visibles de cette nou-velle attention portée à la question.

Le présent rapport se veut une première contri-bution à la définition de ce qui est inévitable-ment une préoccupation à long terme. Il décritcertaines des questions de santé publique com-plexes que posent les migrations dans la per-spective des droits humains et dans le contextedes schémas actuels de migration. En outre, ilcherche à mettre en lumière l’extrême diversitédes formes de vulnérabilité ainsi que certainsdes défis majeurs que représentent les migra-tions pour les responsables des politiques desanté à l’échelle mondiale.

Compte tenu de la complexité des problèmesen jeu, toute réponse apportée à la question desmigrations internationales aujourd’hui doitporter sur tous les aspects de la question - ets’intéresser à la fois aux facteurs de «répulsion»et «d’attraction» qui déterminent la nature etl’orientation des migrations.(4) Le présent rap-port apporte une modeste contribution en vuede parvenir à une vue d’ensemble indispensa-ble et à une meilleure compréhension de celleci. Il vise d’abord et avant tout à démontrer lanécessité de porter davantage attention à cettequestion, d’effectuer des recherches et d’élabo-rer des méthodes d’action.

Investir dans l’amélioration de la santédans les pays pauvres n’est pas une questiond’altruisme mais d’intérêt à long terme.Ainsi, pour l’hépatite B, il a été démontré enayant recours à des modèles mathéma-tiques que les ressources nécessaires pourempêcher qu’il y ait un porteur de la maladieau Royaume-Uni suffisaient à protéger 4000personnes de la maladie au Bangladesh,parmi lesquelles, statistiquement, 4 étaientsusceptibles d’immigrer au Royaume-Uni.

Il serait donc quatre fois plus efficace finan-cièrement pour le Royaume-Uni de subven-tionner un programme de vaccination contrel’hépatite B au Bangladesh que de mettre enplace son propre programme de vaccinationuniverselle.(5)

2 - Le paradigme des droits humains

Les droits humains sont une protection garantiepar la loi aux individus et aux groupes contre lesactes qui vont à l’encontre des libertés fonda-mentales et de la dignité de l’homme.(6) Cesdroits comprennent tout un ensemble de droitscivils, culturels, économiques, politiques etsociaux et s’appliquent de manière universelle.

Le système des droits de l’homme à l’échelleinternationale fournit une structure idéolo-gique ainsi que des notions juridiques claire-ment structurées et largement acceptées per-mettant d’apporter des réponses d’un point devue législatif et pratique dans le domaine de lasanté et des facteurs déterminants de la santé.C’est sur le respect des droits humains fonda-mentaux de chacun dans la société, principeessentiel et équitable, que doivent s’appuyertoute réponse aux tensions qui apparaissentlorsque des groupes aux intérêts différents serencontrent et toute résolution de ces tensions.

Les instruments internationaux relatifs auxdroits humains reconnaissent explicitementque ces droits, y compris les droits spécifiquesliés à la santé, s’appliquent à toutes les person-nes - aux migrants, aux réfugiés et aux autresnon nationaux. De nombreuses dispositionssont reconnues comme étant applicables à tousles migrants, quel que soit leur statut juridique.Le refus d’octroyer ces droits signifie que les

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(4) Pour de plus amplesexplications sur lesfacteurs derépulsion/d’attraction, voirla partie 1.4.(5) Gay NJ, Edmunds WJ.Developed countries couldpay for hepatitis Bvaccination in developingcountries. British MedicalJournal, 1998, 316:1457.(6) Haut Commissariat desNations Unies aux Droitsde l’Homme, Ecole descadres des Nations Unies.Human Rights: A BasicHandbook for UN Staff.Genève, Nations Unies,2001, p. 3.

©OIM/Chauzy 2003

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non nationaux risquent fort d’être socialementexclus et de ne pouvoir bénéficier des servicesde santé, ce qui peut avoir de graves consé-quences à la fois pour eux et pour leurs com-munautés d’accueil et d’origine.

En résumé, une approche soucieuse des droitshumains des questions complexes relatives auxmigrations exige que les incidences sur lesdroits humains de toute politique, programmeou législation relatifs aux migrations soientexaminées. A un stade plus précoce, il faut quele système des droits de l’homme soit utilisépour examiner les options possibles en matièrede législation, de politiques et de programmes.En d’autres mots, les droits humains doiventfaire partie intégrante de la conception, de lamise en oeuvre, du suivi et de l’évaluation despolitiques et des programmes de migration.

3 - Migration: importanceet terminologie

Le terme «migration internationale» recouvreun vaste ensemble de mouvements de popula-tion, les raisons de ces mouvements et le statutjuridique des migrants, qui détermine le tempspendant lequel ils peuvent séjourner dans unpays d’accueil et à quelles conditions.

Près de 175 millions de personnes, soit 2,9 % dela population mondiale, vivent actuellement demanière temporaire ou permanente en dehorsde leur pays d’origine.(7) Ce chiffre inclut les tra-vailleurs migrants, les immigrants ayant obte-nu le droit d’établissement, les réfugiés et lesdemandeurs d’asile, mais il ne tient pas comp-te de l’augmentation des déplacements irrégu-liers ou sans papiers qui caractérisent désor-mais les migrations partout dans le monde.

Vingt millions de travailleurs africainsvivent et travaillent en dehors de leur paysd’origine et, d’ici 2015, c’est un travailleurafricain sur dix qui vivra et travaillera endehors de son pays d’origine.(8)

Une distinction est faite entre les migrants ensituation régulière et les migrants en situationirrégulière (avec papiers ou sans papiers). Lesmigrants en situation régulière ou disposant depapiers sont des personnes dont l’entrée, la rési-dence et, le cas échéant, l’emploi dans un paysd’accueil ou dans un pays de transit ont été recon-nus et autorisés par les autorités officielles de l’E-tat. Les migrants en situation irrégulière ou sanspapiers - sans titre de séjour - (parfois désignéssous l’appellation erronée de migrants/immi-grants «illégaux») sont des personnes qui sontentrées dans le pays d’accueil sans autorisationlégale ou qui sont restées au delà de la périodeautorisée, comme, par exemple, les étrangers depassage, les touristes, les étudiants étrangers oules travailleurs sous contrat temporaire.

Une distinction est également faite entre lesmigrants «spontanés» et les migrants «forcés».Les migrants spontanés sont des personnes quiont décidé d’émigrer de leur propre initiative(bien qu’il puisse y avoir de fortes pressions éco-nomiques ou autres les incitant à se déplacer). Ils’agit notamment des travailleurs migrants, desmembres d’une famille qui retrouvent leurs pro-ches et des étudiants étrangers. Les migrationsforcées font référence aux «mouvements de réfu-giés et de personnes déplacées à l’intérieur deleur propre pays (du fait de conflits) ainsi que depersonnes déplacées du fait de catastrophesnaturelles ou de catastrophes environnementa-les, de catastrophes chimiques ou nucléaires, dela famine ou de projets de développement».(9)

(7) World MigrationReport. Genève,Organisationinternationale pour lesMigrations, 2003.(8) ILO calls for Change inMigration Policies inSouthern Africa, 29 novembre 2002.Organisationinternationale du Travail,2002 (communiqué depresse)(http://www.ilo.org/public/english/dialogue/actrav/new/291102.htm).(9) Mission Statement ofthe InternationalAssociation for the Studyof Forced Migration(IASFM), Oxford, IASFM,1994(http://www.unibamberg.de/-ba6ef3/iasfm/mission.htm, accessed 16 March 2004).

©OIM/Lowenstein-Lom 1999

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4 - Pourquoiles populationsmigrent-elles? migrants «forçés» et migrants«spontanés»

Tout au long de l’histoire, des personnes ont étéobligées d’abandonner leur foyer pour fuir lespersécutions, la violence politique et les conflitsarmés.(10) Toutefois, aujourd’hui, la différenceréside dans la nature et l’incidence sur la santédes conflits armés. Les guerres sont moins desconfrontations entre des armées professionnel-les que des conflits déchirants entre des militai-res et des civils du même pays ou entre desgroupes hostiles de civils armés. De plus en plusfréquemment, les guerres sont des conflits inter-nes de faible intensité, qui durent plus long-temps.(11) Dans ces combats depuis les fenêtresdes appartements ou dans les rues des villageset des banlieux, les distinctions entre combat-tants et non combattants s’estompent rapide-ment.(12) En conséquence, les victimes civiles entemps de guerre sont passées de 5% au débutdu siècle à 15% au cours de la Première Guerremondiale, puis à 65% à la fin de la SecondeGuerre mondiale, pour atteindre finalementplus de 90% dans les guerres des années 90.(13)

Dans le même temps, le nombre total de réfu-giés du fait de conflits armés dans le monde aconsidérablement augmenté, pour passer de 2,4millions en 1974 à plus de 27,4 millions aujour-d’hui.(14) Le nombre de personnes déplacéesdans les pays ravagés par les conflits est estiméà 30 millions.(15)

La pauvreté croissante (à la fois réelle et relati-ve) incite les personnes à se déplacer pourrechercher du travail. Les images d’une vie

meilleure dans d’autres parties du monde sonttransmises par des médias qui atteignent dés-ormais les endroits et les communautés lesplus reculés. Le fossé qui ne cesse de se creuserentre le Nord et le Sud pour ce qui est desrichesses et le besoin croissant d’une maind’oeuvre jeune et relativement bon marchédans les pays du Nord permettent de penserque cette tendance dans le domaine des migra-tions se poursuivra. Les changements écono-miques, démographiques et technologiques etl’évolution du marché de l’emploi dans denombreux pays du Nord exigent des person-nes qu’elles soient en mesure de se déplacer defaçon très similaire aux produits et aux mar-chandises - librement et dans de brefs délais.(16)

Malgré ces facteurs contraignants, les tra-vailleurs migrants ne sont généralement pasconsidérés comme entrant dans la catégoriedes migrants forcés. Le débat est cependant deplus en plus vif sur la question de savoir dansquelle mesure l’absence de satisfaction desdroits économiques, sociaux et culturels forceégalement les personnes à abandonner leurfoyer pour rechercher ailleurs des moyens desurvivre et de subvenir à leurs besoins. Enrésumé, il est de plus en plus difficile d’établirune distinction claire entre migrants «forcés»et migrants «spontanés». ◆

1 0

(10) Haut Commissariatdes Nations Unies pour lesRéfugiés. The State of theWorld’s Refugees: FiftyYears of HumanitarianAction. Oxford, OxfordUniversity Press, 2000, p. 1.(11) Machel G. L’impact desconflits armés sur lesenfants (Rapport del’expert des Nations Uniesdésigné par le Secrétairegénéral des NationsUnies). New York, UNICEF,1996(http://www.unicef.org/graca/patterns.htm,accessed 23 March 2004).(12) Ibid.(13) Ibid.(14) Ibid.(15) Ibid.(16) Carballo M, Divino II,Zeric D. Analytic Review ofMigration and Health andas it Affects EuropeanCommunity Countries.Genève, Centreinternational pour laMigration et la Santé,1997, p. 3.

©OIM/Chauzy 1995

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M i g r a t i o n s I n t e r n a t i o n a l e s , s a n t é e t D r o i t s H u m a i n s

Cette partie établit le lien entre les raisons pourlesquelles les populations migrent et les inciden-ces en matière de santé et de droits humains deces déplacements pour les populations que lesmigrants ont quittées. Elle fait porter l’attentionsur la question de l’émigration des profession-nels de la santé en mettant en lumière les ten-dances significatives, les incidences financièreset les négociations commerciales en cours.

5 - La «fuite des cerveaux»:les effets de l’émigrationdes professionnelsde la santé

Les gouvernements ont l’obligation de veiller àce qu’il existe, en quantité suffisante, des instal-lations, des biens et des services ainsi que desprogrammes fonctionnels en matière de santépublique et de soins de santé.(17) Cela supposenotamment un personnel médical et profession-nel qualifié recevant un salaire décent par rap-port au niveau national.(18) Des politiques enmatière de ressources humaines qui permettentd’améliorer les résultats des systèmes de santésont particulièrement importantes dans la per-spective des objectifs de développement duMillénaire(19) et pour réduire les obstacles que lespays peuvent rencontrer en s’efforçant de résou-dre les problèmes de santé majeurs que sont leVIH, la tuberculose et le paludisme.(20)

Dans de nombreuses régions du monde, en parti-culier dans les pays en développement ayant desolides traditions d’éducation et de formation pro-fessionnelle, la fuite des professionnels pose ungrave problème.(21) Celui ci est d’autant plus pro-noncé dans les pays où la capacité de réinvestisse-ment dans le système éducatif est limitée. Pour ces

pays, la perte de professionnels de santé peutentraîner de graves insuffisances dans les servicesdisponibles pour les communautés locales et dansla capacité du pays à faire progresser ses pro-grammes de développement dans le domaine dela santé. Pour compenser de telles pertes, les pro-fessionnels restants s’adaptent parfois pour four-nir des services qui sortent du champ de leur expé-rience.(22) Ceux qui ne partent pas portent aussi lefardeau que représentent une charge de travailaccrue, davantage de tension, un faible salaire, unmatériel de médiocre qualité, le manque de chefsd’équipe et d’information ainsi que l’absence deperspectives de carrière, l’ensemble de ces facteurspouvant saper leur motivation à poursuivre leurtravail dans de telles conditions.(23) (Ces conditionsne s’appliquent pas uniquement dans le contextedes migrations transfrontières, mais égalementdans le cas des migrations internes.(24))

•Les tendances des migrationsinternationales

Le phénomène désigné sous l’expression «fuitedes cerveaux» existe depuis des décennies.Parmi les médecins formés au Ghana dans lesannées 80, 60% émigraient à l’étranger,(25) et ils’agit nullement d’un scénario inhabituel dansde nombreuses régions d’Afrique et d’Asie.Une étude menée en 1998 dans 7 Etats africainsa montré que le pourcentage de postes vacantsdans le secteur de la santé publique allait de 6%(pour les médecins au Lesotho) à 72,9% (pourles spécialistes au Ghana).(26) Le Malawi a faitétat d’un niveau de vacances de postes de 52,9%pour les infirmières.(27) De tels taux de vacancesde postes conduisent inévitablement à une priseen charge insuffisante; si cette tendance se pour-suit, certains des besoins des populations enmatière de santé deviendront de plus en plusdifficiles à satisfaire.(28)

(17) Le droit de toutepersonne de jouir dumeilleur état de santéphysique et mentalequ’elle soit capabled’atteindre (Pacteinternational relatif auxdroits économiques,sociaux et culturels).Observation générale No14 (2000), paragraphe12.a). Les observationsgénérales permettent declarifier la nature et lateneur des droitsindividuels et desobligations des EtatsParties.(18) Ibid.

(19) Objectifs dedéveloppement de l’ONUpour le Millénaire. NewYork. United Nations, 2000(http://www.un.org/french/millenniumgoals/).(20) Mercer H et al. Human resources forhealth: developing policyoptions for change (DraftDiscussion Paper).Genève, Organisationmondiale de la Santé, 2001(WHO/EIP/OSD).(21) Stilwell B et al.Developing evidence-based ethical policies onthe migration of healthworkers: conceptual andpractical challenges.Human Resources forHealth, 2003, 1:8.(22) Ibid., p. 8.(23) Ibid., p. 7.(24) Ibid., p. 4.(25) Stalker P. Emigration-Brain Drain.In: Stalker’s Guide toInternational Migration(http://pstalker.com/migration/mg_emig_3.htm).(26) Dovlo DY. Retentionand Deployment of HealthWorkers and Professionalsin Africa (exposé). Addis-Abeba, Comité consultatifsur l’amélioration de lacollaboration entre lesprofessionnels de la santéet les gouvernements pourl’élaboration et la mise enoeuvre de la réforme dusecteur de la santé, 2002.(27) Ibid.(28) Ibid.

Partie 2: Incidences surla santé pourceux qui sontrestés

©OIM/Chauzy 2003

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M i g r a t i o n s I n t e r n a t i o n a l e s , s a n t é e t D r o i t s H u m a i n s

Les données générales sur les migrations interna-tionales sont rares, mais diverses sources statis-tiques permettent de fournir certaines données uti-les sur les migrations des travailleurs du domainede la santé (par exemple les recensements/études,les registres administratifs, les visas d’émigration,les données concernant les permis de travail et lesstatistiques aux frontières). La nature de ces sour-ces peut toutefois varier d’un pays à l’autre. Dansde nombreux pays, il y a d’importantes lacunes enmatière d’information et une proportion considé-rable des flux migratoires n’est pas chiffrée, ren-dant difficile la comparaison des données entrepays.(32) En conséquence, le suivi international desmigrations est entravé par les problèmes liés à laqualité et à la comparabilité des données.

Les données fiables dont on peut cependant dispo-ser confirment que les pays les plus riches conti-nuent à recruter du personnel dans les pays endéveloppement(33) et que l’émigration des profes-sionnels de la santé se poursuivra tant qu’il y auraailleurs des salaires plus compétitifs. Il est de plusen plus fréquemment admis que les pays «recru-teurs» devraient évaluer l’incidence de leurs poli-tiques sur la satisfaction des droits humains dansd’autres pays.(34)

Il est clair qu’il faut faire davantage pour conce-voir des solutions dont toutes les parties concer-nées tireront parti.(35) L’une des options possiblesconsiste à recenser les éventuelles mesures d’in-citation des professionnels de la santé à resterdans leur pays d’origine et à agir sur ces mesu-

1 2

(29) L’Organisationmondiale de la Santé etl’ONUSIDA dévoilent leurplan pour traiter 3 millionsde malades du SIDA d’ici2005. Genève,Organisation mondiale dela Santé, 2003(communiqué de presse,1er décembre 2003:http://www.who.int/mediacentre/releases/2003/pr89/fr/).(30) Grubb I, Perriens J,Schwartländer B.Traitements antirétroviraux:une approche de santépublique : surmonter lesobstacles. Genève,Organisation mondiale dela Santé, 2002, p. 3.(31) Ibid., p. 4.(32) Voir la référence sousla note de bas de page 21,paragraphe 5.(33) Voir la référence sousla note de bas de page 25.(34) Duties sansFrontières: Human rightsand global social justice.Geneva, InternationalCouncil on Human RightsPolicy, 2003, 46-53.(35) La participationpolitique des groupes depopulation concernés ettouchés par les décisionsen matière de santé quiseront prises aux niveauxcommunautaire, nationalet international est unaspect important d’uneapproche soucieuse desdroits humains. Celasignifierait que lescommunautés de migrantsauraient leur mot à diredans les processus dedéfinition des priorités, deprise de décision, deplanification, de mise enoeuvre et d’évaluation despolitiques et stratégies quiauront une incidence surleur santé et leurdéveloppement.(36) Il a été constaté quel’amélioration desconditions de vie et detravail constituait de tellesmesures d’incitation. VoirThe Role of Wages inSlowing the Migration ofHealth Care Professionalsfrom Developing Countries,Genève, Organisationmondiale de la Santé(document non publiédisponible sur demandeauprès du groupe Basesfactuelles et information àl’appui des politiques desanté, EIP, Organisationmondiale de la Santé, 1211Genève 27, Suisse), pp. 14-15. Toutefois, les auteursmettent en garde contre lefait que cette conclusionn’est applicable que danscertaines situations et qu’iln’existe pas suffisammentd’informations pour qu’ellesoit le reflet d’une qualitéd’analyse optimale.

Le personnel professionnel constitue actuelle-ment la majeure partie des migrants économiques.Il part à la recherche de salaires et de conditions detravail plus attrayants, d’une carrière profession-nelle plus intéressante et d’une vie meilleure pourlui même et ses enfants. Les agents de santé figu-rent parmi le personnel professionnel le plusrecherché, et ils sont souvent recrutés dès l’obten-tion de leur diplôme. L’émigration du personnel desanté peut se traduire par de graves pertes en capital humain pour les pays d’origine, empêchantle développement du secteur de la santé et rédui-sant la capacité de ces pays à fournir des servicesde santé.

Lorsque le personnel professionnel de santémigrant a reçu une formation dans son pays d’ori-gine dans le cadre de systèmes éducatifs subven-tionnés par l’Etat, ce sont les pays en développe-ment qui vont soutenir les systèmes de santé despays développés.

Parmi les mesures politiques possibles figurent :

1. Des contrats originauxUn hôpital d’un pays développé s’emploie à

conclure un accord bilatéral avec des hôpitaux d’unpays en développement afin de recruter des infir-mières pour une durée limitée. Il leur accordera descontrats de cinq ans, mais trois de ces annéesseront passées dans le pays d’origine, non dans lepays recruteur.

Il semble que les contrats originaux de ce typeaient un certain avenir. Ils permettent au paysrecruteur de subventionner financièrement le sec-teur de la santé, en particulier les ressourceshumaines, dans le pays d’origine et au personnelprofessionnel de la santé de travailler à l’étranger.

Une plus grande transparence dans les inten-tions en matière d’émigration et la réglementationfaciliterait ce processus. Le fait de déterminer si lepersonnel professionnel a l’intention d’émigrer puisd’utiliser des mécanismes contractuels qui précisentla durée des contrats dans les deux pays, moyennantun financement ou au moins des subventions despays développés les plus riches, pourrait se traduirepar des avantages pour toutes les parties.

2. L’investissement dans l’éducationLe pays A souhaite recruter des infirmières du

pays B. Au lieu d’un simple recrutement, A a créé uninstitut de formation des infirmières dans B, finan-cé par les employeurs potentiels du pays A. Cetinstitut forme les infirmières selon les critères dupays B, et certaines de ces infirmières émigrent versle pays A alors que d’autres restent dans le pays B.

Il est inhabituel d’investir dans le système édu-catif d’un autre pays mais, lorsqu’il y a des dés-équilibres de main d’oeuvre, cela peut relever dubon sens et fournir l’occasion d’offrir une compen-sation financière au pays «expéditeur» et de ren-forcer les infrastructures.

Barbara Stilwell, Organisation mondiale de laSanté/Bases factuelles et information à l’appui despolitiques de santé, 2003.

Quarante-deux millions de personnes viventaujourd’hui avec le VIH/SIDA; aussi, améliorerl’accès aux thérapeutiques antirétrovirales(TARV) pour ceux qui en ont le plus besoin estl’un des défis les plus cruciaux dans le domainede la santé internationale. Pour relever ce défi,l’Organisation mondiale de la Santé s’emploie,en collaboration avec la communauté interna-tionale, à fournir les thérapeutiques antirétrovi-rales indispensables à 3 millions de personnesdans les pays en développement d’ici à la finde 2005.(29)

Parmi les problèmes posés par la fournitured’un traitement antirétroviral à un grand nombrede personnes dans des situations où les res-sources sont limitées figure la question de lacomplexité des traitements eux mêmes et dumanque de personnel de santé qualifié pouradministrer les médicaments.(30) Toutefois, l’ex-périence des programmes de traitement parantirétroviraux en cours dans des pays en déve-loppement a montré l’utilisation optimale quipeut être faite des ressources humaines dispo-nibles. Par exemple, les aspects relatifs auxsoins et au suivi des personnes vivant avec leVIH/SIDA peuvent être délégués aux agents desanté et aux membres de la communauté.(31)

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res.(36) Un soutien financier en vue d’augmenterles salaires des médecins et des infirmières et deles doter des fournitures et du matériel nécessai-res pourrait donner un élan appréciable auxinfrastructures de santé en Afrique.(37)

•Incidences financièresCompte tenu de l’investissement financier quereprésente pour les gouvernements la forma-tion de personnel professionnel, la perte denouveaux diplômés constitue une perte finan-cière et humaine énorme pour les pays en ques-tion. Il y a de bonnes raisons de croire que cettepratique contribue à élargir le fossé qui sépareles pays riches des pays pauvres.(38) Nombreuxsont ceux qui avancent que la portion de leurrevenu que les travailleurs migrants internatio-naux envoient depuis leur pays d’emploi versleur pays d’origine joue un rôle crucial dans leséconomies des pays d’origine.(39) Toutefois, dansla réalité, tous les migrants n’envoient pas d’ar-gent chez eux.(40) Même lorsqu’ils le font, leurcapacité à envoyer des fonds est souvent limi-tée par les aléas dus à la précarité de leuremploi dans leurs pays d’adoption.

En outre, dans le contexte de la migration desprofessionnels de la santé, rien n’atteste queles fonds transférés par les émigrants contri-buent nécessairement aux investissementsdans le domaine de la santé dans leur paysd’origine, en particulier du fait que les fondstransférés ne sont pas directement réinvestisdans le capital humain. Ainsi, même si la capa-cité économique d’un pays est renforcée à longterme, la perte à court terme de professionnelsde la santé peut avoir une incidence négativesur les services assurés et sur l’accès à ces ser-vices dans les pays en développement.(42)

Graphique 2: Fonds transférés parles travailleurs émigrés vers lespays en développement, par région,1999-2002 (en milliards de dollars)

•Réglementation des échangesLa question de la migration des profession-nels de la santé est d’autant plus d’actualitéque se déroulent actuellement des négocia-tions dans le cadre de l’Accord général sur lecommerce des services (AGCS), cadre juri-dique moyennant lequel les Membres del’Organisation mondiale du Commerce(OMC) libéralisent progressivement le com-merce des services, y compris les services liésà la santé.(44) On espère que les négociationsqui ont commencé en 2000 entraîneront undéveloppement du commerce des services desanté, mais seront aussi l’occasion d’attirerl’investissement étranger direct et de l’adap-ter aux priorités nationales en matière desanté.(45) Toutefois, il existe des risques asso-ciés à la libéralisation, étant donné que tousles pays ne sont pas prêts à transformer cesgains potentiels en progrès sur le plan de lasanté pour la majorité de leur population.

(37) Friedman EA. AnAssessment of theFeasibility of WHO’sProposal toTreat 3 MillionHIV/AIDS Patients by2005: A Physicians forHuman Rights WhitePaper. Boston, Physiciansfor Human Rights andPartners in Health, 2002(http://www.phrusa.org/campaigns/aids/who_doc.html, accessed 24 March2004).(38) Wheen F. Labour’snew idea - scrambledgovernment? Tory night ofthe living dead. TheGuardian, 6 septembre2000.(39) Voir la référence sousla note de bas de page 21,paragraphe 8. Voir aussi:Outward Bound. TheEconomist, 28 septembre-4 octobre 2002, pp. 29-32.(40) Selon ManuelCarballo, Directeur duCentre international pourla Migration et la Santé(CIMS), Genève.(41) Voir la référence sousla note de bas de page 21,paragraphe 8.(42) Ibid., 9. Voir aussiBases factuelles etinformation à l’appui despolitiques de santé,Prestation des services desanté, projet de noted’information, 16décembre 2002 (documentnon publié, disponible surdemande auprès duGroupe Bases factuelles etinformation à l’appui despolitiques de santé, EIP,Organisation mondiale dela Santé, 1211 Genève 27,Suisse), p. 6.(43) Ibid., 9.(44) Bien que l’AGCS soitentré en vigueur en 1995,«jusqu’à présent, seseffets sont restés limités,car la plupart desMembres de l’OMC ontcontracté assez peud’engagements allant au-delà des niveaux d’accèsexistants». OMS/OMC, LesAccords de l’OMC et lasanté publique : Etudeconjointe de l’OMS et duSecrétariat de l’OMC.Genève, Organisationmondiale de la Santé etOrganisation mondiale duCommerce, 2002, p. 51.Dans le cadre de l’AGCS, lecommerce des services desanté signifie « laprestation de servicesspécialisés et généraux desanté, de services de soinsinfirmiers, de services desoins hospitaliers, deservices d’ambulance ainsique des services dephysiothérapie et desservices paramédicauxfournis par les laboratoiresmédicaux et leslaboratoires dentaires ».Definitions and Debatesfor Health and Trade PolicyMakers: A Glossary of 103Health and GlobalizationTerms (document nonpublié, disponible surdemande auprès deMondialisation, commerceet santé (GTH/ETH/SDE),Organisation mondiale dela Santé, 1211 Genève 27,Suisse).(45) OMS/OMC, LesAccords de l’OMC et lasanté publique : Etudeconjointe de l’OMS et duSecrétariat de l’OMC.Genève, Organisationmondiale de la Santé etOrganisation mondiale duCommerce, 2002, p. 20.

Les fonds transférés par les travailleurs émi-grés sont, après l’investissement étrangerdirect (IED), la deuxième source de financementextérieur pour les pays en développement. En2001, ces fonds transférés par les travailleursvers les pays en développement ont représentéUS $72,3 milliards, soit un montant beaucoupplus élevé que le montant total des mouve-ments officiels et des apports d’IED privé. Aucours de la dernière décennie, les fonds trans-férés par les travailleurs vers les pays en déve-loppement ont dépassé le montant total de l’ai-de mondiale au développement.(41)

TRANSFERTS DE FONDS (en milliards de dollars)

Afrique subsaharienne

Asie du Sud

Moyen-Orientet Afrique du Nord

Asie orientaleet Pacifique

Amérique latineet Caraïbes

Asie centrale

Source: Banque Mondiale, 2003 (43)

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M i g r a t i o n s I n t e r n a t i o n a l e s , s a n t é e t D r o i t s H u m a i n s

Dans certains cas, le commerce des services desanté a aggravé les problèmes existants sur lesplans de l’équité du financement des servicesde santé et de l’accès à ces services. Ainsi, lespays pauvres qui consacrent des ressources autraitement de patients étrangers peuvent, cefaisant, détourner des ressources qui pour-raient servir à satisfaire des besoins intérieurs.En outre, les besoins des régions éloignées etdes populations désavantagées tendent à êtrenégligés, compte tenu du fait que les hôpitauxprivés à but lucratif financés de l’étrangerciblent les marchés plus rentables.(46)

Une approche fondée sur les droits humainsexige des gouvernements qu’ils évaluent l’im-pact potentiel de tout accord commercial surla satisfaction des droits humains, en accor-dant une attention particulière aux groupes depopulation les plus vulnérables et aux grou-pes marginalisés.(47) Dans le contexte du droithumain à la santé, par exemple, cela signifie-rait évaluer l’impact de l’accord commercialconcerné sur la disponibilité, l’accessibilitéphysique et économique, la qualité et l’accep-tabilité, d’un point de vue culturel, des instal-lations, biens et services en matière de santé,en accordant une attention particulière auxgroupes de population les plus vulnérables.(48)

Il faudrait démontrer que l’accord permettrait,en puissance, de promouvoir ou d’améliorerla satisfaction du droit à la santé.

En vertu de l’AGCS, une certaine flexibilité estménagée aux pays pour qu’ils gèrent le com-merce des services d’une façon qui respecte,protège et permette de satisfaire le droit à lasanté en adoptant des stratégies de réglemen-tation et des mécanismes de mise en oeuvre.L’obligation de l’Etat de protéger les droitshumains signifie, par exemple, qu’il doit

veiller à ce que les acteurs non étatiques, telsque les entreprises privées, agissent confor-mément à la législation relative aux droitshumains au sein de sa juridiction. En d’autrestermes, les Etats sont tenus de faire en sorteque les tiers se conforment aux normes envigueur en matière de droits humains enadoptant une législation, des politiques etd’autres mesures pour permettre un accès suf-fisant aux soins de santé, une information dequalité, etc., et fournir des moyens accessiblesde compensation si les personnes se voientrefuser l’accès à ces biens et services.(49) ◆

1 4

(46) Ibid., p. 126.(47) Hunt P. Rapport duRapporteur spécial desNations Unies sur le droitde toute personne de jouirdu meilleur état de santéphysique et mentalesusceptible d’être atteint.Genève, Conseiléconomique et social,Commission des Droits del’Homme,E/CN.4/2003/58,paragraphes 82-85.(48) Voir la référence sousla note de bas de page 17,paragraphe 12.(49) Nygren-Krug H. 25Questions et réponses surla santé et les droitshumains. Genève,Organisation mondiale dela Santé, 2002 (SérieSanté et droits humains,No 1), paragraphe 15.(50) Voir la référence sousla note de bas de page 45,paragraphe 125.

La libéralisation du commerce peut contri-buer à améliorer la qualité et l’efficacité desprestations et/ou augmenter les rentrées dedevises s’il existe des cadres réglementairesappropriés en matière de santé. Par exemple,les hôpitaux financés par des investisseursétrangers peuvent fournir des services qui n’étaient pas disponibles auparavant. Les nou-veaux hôpitaux peuvent aussi offrir des possi-bilités d’emploi attrayantes à des profession-nels de la santé qui pourraient, sinon, quitterle pays. Les recettes provenant du traitement de patients étrangers peuvent êtreutilisées, par exemple, pour améliorer desinstallations qui bénéficient également à lapopulation résidente.(50)

OMS/OMC, Les Accords de l’OMC et la santépublique, p. 125.

©OIM/Alyanak 1995

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M i g r a t i o n s I n t e r n a t i o n a l e s , s a n t é e t D r o i t s H u m a i n s

Le barrage des Trois Gorges, d’une hauteur de 182 mètres, que construit actuellement la Chine sur le Yangtze,devrait avoir une incidence sur la santé et sur le sort de millions de personnes d’ici à 2009. Le lac de retenue dépla-cera au moins 1,3 million de personnes et aura, sur toute sa longueur, des conséquences directes sur la vie de 20autres millions de personnes. Près du futur réservoir, la densité de la population, qui est pauvre et vit dans desconditions insalubres, est très élevée. Les services de santé, l’approvisionnement en eau et l’assainissement sontinappropriés et il y a une forte incidence du rhumatisme articulaire aigu, de l’hépatite B, de la pneumonie, de larougeole et de la diarrhée. Parmi les autres risques pour la santé figure la possible réapparition d’infections endé-miques telles que le paludisme, la paragonimose, la fièvre hémorragique épidémique à virus Hantaan avec syn-drome rénal, l’encéphalite japonaise B et la leptospirose. La maladie de Keshan, une cardiomyopathie fréquem-ment mortelle chez les jeunes femmes et les enfants qui est liée à la pauvreté en sélénium des sols, à une infectionentérovirale, à la moisissure des céréales et aux régimes alimentaires dans les régions endémiques, peut appa-raître parmi les personnes déplacées. La fluorose due à l’utilisation non contrôlée de charbon contenant du fluoret aux eaux souterraines est également une menace. Il y a une importante concentration de main-d’oeuvre et lavie nocturne active augmente le risque de transmission du VIH, un risque qui est encore accru par la prévalencede la gonorrhée qui se place au troisième rang des maladies infectieuses en Chine. La menace la plus grave tientau fait que la schistosomiase pourrait s’établir dans la zone du lac de retenue. Cette maladie parasitaire persistele long du fleuve Yangtze malgré un programme de lutte vieux de 40 ans, les zones endémiques étant situées à40 kilomètres seulement en dessous du barrage ainsi qu’à 500 kilomètres au dessus de Chongqing. Des épidé-mies de schistosomiase, de paludisme et d’autres infections parasitaires se sont déclarées autour de nombreuxlacs de retenue créés par des barrages ailleurs dans le monde. Pourtant, aucun programme n’a été mis sur piedpour lutter contre ces menaces que représente le barrage des Trois Gorges pour la santé publique.

«Public Health and Public Choice: dammed off at China’s Three Gorges?» Adrian Sleigh & Sukhan Jackson, Lancet,351 (9114): 1449-1450, 16 mai 1998.

Cette partie examine les incidences sur la santédes personnes déplacées à la fois dans lecontexte de la santé publique et pour ce qui estde la santé de l’individu. Elle examine les diffé-rents aspects de l’administration des migrations,parmi lesquels figurent la détention et le dépis-tage aux frontières.

6 - Migration forcée et incidences surla santé

• Les personnes déplacées pour desraisons liées au développement

Une approche soucieuse des droits humainsexige que tout projet de développement soit éva-lué dans l’optique de son incidence sur les droitshumains, y compris le droit à la santé.(51) Malgréle fait que les politiques et les projets mis en oeu-vre en principe pour améliorer «le développe-ment» sont la principale cause de déplacementau niveau mondial, ce phénomène est souventtrès peu reconnu et ne donne lieu qu’à un soutienou à une aide extérieurs à la population touchéetrès limités.(52) Les projets de barrage déplacent àeux seuls près de 10 millions de personnes par an

en moyenne.(53) Les minorités indigènes ou eth-niques ainsi que les populations urbaines oururales défavorisées en subissent de manièredisproportionnée les conséquences.(54)

©OIM/Lowenstein-Lom 2000

Partie 3: Incidence sur la santé des personnesdéplacées

(51) Voir la référence sousla note de bas de page 47,paragraphes 82-85.(52) Loughna S.What is Forced Migration?Oxford, Forced MigrationOnline(http://www.forcedmigration.org/whatisfm.htm).(53) Ibid.(54) Ibid.

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(6Rsl’GéCl’Ep(6NcrocmmND(hpa(6oSAWDp2(6lap(6AAp(6eelepddpfaeudRQSIn2(haeGa(6dRA(hccsa(6PCDSYHthfo2

(55) Health and SocialStatus of InternallyDisplaced People in Bosnia andHerzegovina. Ginebra,Centro Internacionalpara las Migracionesy la Salud (CIMS),1996, en 7.(56) Health Impact ofLarge Post-ConflictMigratory Movements- the Experience ofMozambique. Informede la Conferencia deMaputo, 20-22 demarzo de 1996.Ginebra, OrganizaciónInternacional para lasMigraciones, 1996, en 11.(57) State of the World’sMothers. Washington, DC,Save the Children, 2003(http://www.savethechildren.org/mothers/report_2003/index.asp,visitado el 23 de marzo de2004), en 1.(58) Carballo, M. Migrants,Displaced People andViolent Behaviour: agrowing public healthchallenge. Ginebra, Centro Internacional paralas Migraciones y la Salud(CIMS), 1999.(59) “En lugar deproporcionarrehabilitación y un entorno de apoyo a losindividuos que escapan de la opresión, losgobiernos han dedicadoesfuerzos, tiempo y dinero para reproducir elentorno de amenazas ymiedos del que han huidoesas personas.” Silove D,Steele Z, Mollica RF.Detention of asylumseekers: assault on health,human rights, and socialdevelopment. Lancet 2001,357:1436-37.(60) Asylum seekers & their health. Londres,British MedicalAssociation, 2003(http://www.bma.org.uk/ap.nsf/Content/asylumseekershealth, visitado el23 de marzo de 2004).(61) Doctors and AsylumSeekers. En: BritishMedical Association, eds.The Medical Professionand Human Rights: AHandbook for a ChangingAgenda. Londres, ZedBooks, 2001:382-412.(62) Rodríguez Pizarro, G.,Informe de la Relatoraespecial para los derechoshumanos de los migrantes.Ginebra, ConsejoEconómico y Social,Comisión de DerechosHumanos,E/CN.4/2002/94, 2002,párrafo 32.(63) United NationsConvention AgainstTransnational OrganizedCrime: The Protocolagainst the Smuggling ofMigrants. Viena, Oficina delas Naciones Unidas contrala Droga y el Delito, 2000(http://www.unodc.org/palermo/smugg.htm,visitado el 24 de marzo de2004).

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•Personnes déplacées etréfugiés

Dans les situations de conflit, le déplacementdes populations signifie fréquemment que lepersonnel de santé est aussi déplacé, ce quientraîne une désorganisation des services desanté et l’interruption d’un accès vital auxsoins.(55) En conséquence, des maladies quiavaient auparavant été endiguées peuventréapparaître sous forme d’épidémie. Par exem-ple, en Angola, la trypanosomiase qui, entre1949 et 1974, avait chuté de 2500 à 3 cas, est ré-apparue, un Angolais sur trois risquant désor-mais de contracter la maladie.(56)

•Les demandeurs d’asileLes réfugiés et les demandeurs d’asile arrivantdans les pays d’asile ont souvent subi de graveschocs et traumatismes. Nombre d’entre eux sontsusceptibles de souffrir de troubles post-trau-matiques (PTSD), d’anxiété et de la perte demembres de leur famille. Dans de nombreux cas,il est possible qu’ils aient également subi des

actes de torture et d’autres violences, y comprisdes violences sexuelles. Des incapacités psycho-sociales, à la fois à court et à long terme, sont àprévoir parmi les populations déplacées, et leurcapacité à s’adapter aisément et activement auxpays d’accueil peut être amoindrie.(59)

• Les migrants faisant l’objetd’un trafic illicite

L’introduction de restrictions plus rigoureuses àl’entrée pour les migrants d’une manière généralea conduit à une augmentation du nombre de per-sonnes s’efforçant d’entrer dans les pays de façonnon officielle. Un grand nombre de migrants meu-rent chaque année alors qu’ils font l’objet d’un tra-fic illicite par voie terrestre ou maritime: ainsipeut-on citer les exemples tragiques de 356 per-sonnes noyées alors que l’embarcation surchargéequi les transportait a coulé au large des côtes de

Il est de plus en plus fréquemment reconnuque les civils, et en particulier les femmes et lesenfants, sont les principales victimes desconflits modernes, qu’ils soient blessés, dépla-cés, traumatisés ou tués.(57) Certes les hommessont les combattants, mais les femmes, lesenfants et les personnes âgées vivent une exis-tence éprouvante, et il n’est pas suffisammentfait pour les protéger de la violence, de l’ex-ploitation et des brutalités liées aux guerres.

Les femmes et les filles encourent desrisques énormes pour leur santé dans lescamps de réfugiés, où elles sont fréquemmentles victimes de violences sexuelles, même dela part des gardiens. Une étude menée à bienparmi un groupe de réfugiés burundais en Tanzanie a montré que 25% des femmes ducamp de Kanembwa avaient subi des violen-ces sexuelles.(58)

La British Medical Association a critiqué ledurcissement de l’attitude vis-à-vis desdemandeurs d’asile en Grande-Bretagne.(60)

Confrontée aux problèmes des risques pour lasanté publique si les arrivants ne font pas l’ob-jet d’un examen médical approprié, l’Associa-tion déplore le manque de temps dont dispo-sent les médecins pour établir une relation deconfiance avec les survivants de traumatismeset d’actes de torture, l’absence de soutien envue d’un traitement des problèmes fréquentsde santé mentale et le fait que le systèmeactuel signifie que des personnes vulnérablesarrivent pour être traitées sans aucune miseen garde, sans planification et sans soutienlinguistique. Les médecins prodiguant les pre-miers soins déploient des efforts considéra-bles pour soigner des personnes qui disentavoir souffert d’actes de torture, de viols ou detraumatismes physiques et psychologiquesgraves.(61)

(55) Health and SocialStatus of InternallyDisplaced People inBosnia and Herzegovina.Genève, Centreinternational pour laMigration et la Santé,1996, p. 7.(56) Health Impact ofLarge Post-ConflictMigratory Movements - theExperience of Mozambique.Rapport de la Conférencede Maputo, 20-22 mars1996. Genève,Organisationinternationale pour lesMigrations, 1996, p. 11.(57) State of the World’sMothers. Washington DC,Save the Children, 2003(http://www.savethechildren.org/mothers/report_2003/index.asp.,accessed 23 March 2004),p. 1.(58) Carballo M. Migrants,Displaced People andViolent Behaviour: agrowing public healthchallenge. Genève, Centreinternational pour laMigration et la Santé,1999.(59) «Au lieu de veiller à laréadaptation despersonnes fuyantl’oppression et de fournirun environnement propiceà celle-ci, lesgouvernements en sontvenus à recréer, à grandsfrais, l’environnement faitde menaces et de craintesque ces personnes ontfui.» Silove D, Steele Z,Mollica RF. Detention ofasylum seekers: assaulton health, human rightsand social development.Lancet, 2001, Vol. 357;pp. 1436 37.(60) Asylum seekers &their health. London,British MedicalAssociation, 2003(http://www.bma.org.uk/ap.nsf/Content/asylumseekershealth).(61) Doctors and AsylumSeekers. In: BritishMedical Association, eds.The Medical Professionand Human Rights: AHandbook for a ChangingAgenda. London, ZedBooks, 2001:382-412.

©OIM/Alyanak 1995

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l’Indonésie en 2001(62) ou de migrants chinois mortspar asphyxie dans la remorque d’un camion dansle port britannique de Douvres en 2000.(63)

• Victimes de trafic illiciteLes trafiquants utilisent des tactiques de coerci-tion, parmi lesquelles la tromperie, la fraude, l’in-timidation, l’isolement, la menace et l’utilisationde la force physique ainsi que la servitude pourdettes pour asservir leurs victimes. Les consé-quences négatives sur la santé des victimes dutrafic illicite, qui sont en grande majorité des fem-mes et des enfants, sont notamment les suivantes:une plus grande vulnérabilité, une capacitémoindre à faire des choix positifs en termes desanté; l’exposition à des risques sur le plan de lasanté et aux maladies infectieuses, en particulierpour ceux dont les conditions de vie sont précai-res; la violence physique ou des conditions deservitude dans le cadre du travail; les incidencessur la santé génésique et sexuelle, y compris lesinfections sexuellement transmissibles, les gros-sesses non désirées, les avortements pratiquésdans de mauvaises conditions, la stérilité et leVIH/SIDA; ainsi que les incidences sur la santémentale et l’équilibre affectif.(64)

7 - La détention desmigrants et lesmenaces qu’elle fait peser sur leur santé

Généralement, les gouvernements considèrentles migrants arrivants plus comme un problèmeque comme une chance. Pour faire face à l’affluxde ces migrants, de nombreux pays d’accueil ontétabli des centres de détention pour migrants afinde traiter, d’examiner et de gérer les demandesdes migrants avant de les autoriser à s’installerdans le pays d’accueil, dans le meilleur des cas.

Compte tenu de l’incapacité et/ou de la réticencedes pays hôtes à investir de manière significativedans la santé et les installations sanitaires pour lescentres de détention et les camps de réfugiés, bonnombre de ces camps sont surpeuplés, et lesconditions de vie y sont propices à la transmis-sion des maladies contagieuses. Les réfugiés

fuyant la guerre ou d’autres catégories demigrants tels que ceux qui ont été victimes de tra-fic illicite peuvent souffrir de troubles post trau-matiques, ce qui est susceptible d’entraîner uneaugmentation des actes d’agression, la situationétant elle même exacerbée par les conditions devie dans ces centres et par la façon dont lesmigrants sont traités. La question de savoir si lamanière dont elles sont traitées a une incidencesur les personnes concernées à long terme - etcomment - n’apparaît pas clairement, maisl’«engagement idéologique» des enfants concer-nés, lorsqu’il est combiné à des troubles post trau-matiques (PTSD), peut se traduire par des ten-dances à la violence plus tard au cours de leur vieet être à l’origine d’actes de violence dans lessociétés d’accueil et à l’encontre de celles-ci.(65)

Il a également été constaté que la détention avaitune incidence négative sur la disponibilité et l’ac-cessibilité des soins de santé, comme sur le droità l’intimité. Par exemple, il a été établi que lesconsultations avaient parfois lieu en présence desgardes, que l’accès aux soins médicaux devait, endehors des périodes prévues, être négocié avec lepersonnel et que les rendez-vous pouvaient êtreannulés faute de personnel d’encadrement offi-ciel disponible.(66)

Dans de nombreux pays occidentaux qui recon-naissent la nécessité d’une détention minimumpendant qu’ont lieu l’identification et les exa-mens sanitaires, la tendance est désormais à lalibération au sein de la communauté.(67) De fait, unsystème en trois volets allant de la détention enétablissement fermé puis ouvert à la mise enliberté au sein de la communauté, ou une combi-naison de ces solutions, est probablement sou-haitable partout. Il peut en effet s’avérer moinscoûteux et certainement plus humain de permet-tre aux nouveaux arrivants de vivre avec des pro-ches ou des amis, sous réserve de l’obligation derendre compte et/ou d’une caution, les besoinsen logements publics s’en trouvant réduits.(68)

(62) Rodríguez Pizarro G.Rapport du Rapporteurspécial sur les droits del’homme des migrants.Genève, Conseiléconomique et social,Commission des Droits del’Homme,E/CN.4/2002/94, 2002,paragraphe 32.(63) Convention desNations Unies contre lacriminalité transnationaleorganisée: Protocolecontre le trafic illicite demigrants par terre, air etmer. Vienne, Office desNations Unies contre laDrogue et le Crime, 2000(http://www.unodc.org/palermo/smugg.htm,accessed 24 March 2004).(64) Phinney A. Traffickingof Women and Children forSexual Exploitation in theAmericas. Washington, DC,Women, Health andDevelopment, Organisationpanaméricaine de la Santé,2001, pp. 4-6.(65) Voir la référence sousla note de bas de page 58,paragraphes 12-13.(66)Loff B. Detention ofAsylum Seekers inAustralia. Lancet, 2002,pp. 359-792.(67) La Suède, parexemple, met les arrivantsen détention pour vérifierleur identité, mais laplupart des personnesdétenues sont relâchéesdans un délai très bref, enparticulier s’ils ont de lafamille ou des amis vivanten Suède. Dans ce pays,un enfant ne peut pas êtredétenu plus de 6 jours.Refugee Fact Sheet:Question and Answer.Sydney, AmnestyInternational Australie,2001(http://www.amnesty.org.au/whats_happening/refugees/resources/fact_sheets/General_Questions,accessed 24 March 2004).(68) Alternatives todetention. Glebe, TheRefugee Council ofAustralia(http://www.refugeecouncil.org.au/html/current_issues/alternative.s1.html, accessed 24 March 2004).(69) From Persecution toPrison: The HealthConsequences ofDetention for AsylumSeekers. Boston and NewYork City, Physicians forHuman Rights (PHR) andthe Bellevue/NYU Programfor Survivors of Torture,2002.

Au moment de la crise économique qu’a connue laCorée du Sud à la fin des années 90, il y avait 90 000migrants sans papiers dans le pays. Des milliersd’entre eux ont alors reçu l’ordre de quitter le pays oubien de payer une amende, alors que nombre d’entreeux étaient sans emploi et donc incapables de payercette amende. Les migrants étaient fréquemmentdétenus dans des conditions inhumaines, dans descellules surpeuplées, avant d’être déportés.

Amnesty International Index, ASA 25/02/99.Amnesty International, février 1999.

De la persecution à la prison:Les conséquences de la détention surla santé des demandeurs d’asile

Une récente étude de l’association Physiciansfor Human Rights portant sur les demandeursd’asile en détention sur l’ensemble du territoiredes Etats-Unis laisse penser que la détention estun important facteur de stress pour les deman-deurs d’asile, qui se traduit par une aggravationdes symptômes psychologiques. Les deman-deurs d’asile en détention ne semblent pas rece-voir les soins appropriés dans le domaine de lasanté mentale. En outre, cette étude s’inquiètede la manière dont les demandeurs d’asile sonttraités à la fois au moment de leur arrivée dans lepays et pendant leur détention.(69)

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8 - Le dépistageaux frontières

Le droit international reconnaît le droit qu’a toutepersonne de quitter son pays.(70) Toutefois, il n’exis-te pas d’obligation correspondante pour un Etatd’autoriser l’entrée sur son territoire. En consé-quence, les visas permettant de quitter un territoi-re ont été éliminés dans presque tous les pays, tan-dis que, pour les ressortissants de certains pays,des visas d’entrée sont régulièrement introduits.

Traditionnellement, les questions d’immigrationont été considérées comme relevant de la souve-raineté nationale. Les gouvernements de nomb-reux pays adoptent actuellement une approcherestreignant l’immigration. Aussi les migrationsactuelles ont-elles pour toile de fond une plusgrande discrimination et une hostilité empreintede xénophobie à l’égard des migrants ainsi quedes politiques nationales qui rendent l’entrée,l’intégration sociale et le bien-être des migrantsplus difficiles. Les attaques terroristes du 11 sep-tembre 2001 qui ont été suivies d’un renforce-ment des mesures de sécurité nationale ontcontribué à durcir ce type d’attitude et à apporterde l’eau au moulin des partisans de politiquesd’immigration restrictives.(71)

La discrimination fondée sur l’état de santé est deplus en plus fréquemment proscrite dans le cadrede la législation internationale sur les droits del’homme.(72) Il y est moins explicitement fait réfé-rence dans les traités internationaux relatifs auxdroits de l’homme par comparaison, par exemple,avec les dispositions relatives au sexe, à la race ouà la religion. Toutefois, l’état de santé est large-ment reconnu comme inclus dans l’expression«ou toute autre situation» et est en conséquencel’un des motifs prohibés de discrimination.

Etablir le profil des migrants en fonction de leurétat de santé est une pratique courante. Certainsgouvernements utilisent le dépistage comme unmoyen d’obtenir des renseignements nécessairespour orienter les migrants vers des soins de santé;toutefois, d’autres ont tendance à utiliser ce dépis-tage pour bloquer l’entrée dans le pays. En Suisse,par exemple, les travailleurs temporaires officielsfont l’objet d’un dépistage pour détecter les mal-adies courantes au moment de leur entrée dans lepays et avant la délivrance des contrats de travailmais, dans le cas des infections les plus aisémentguérissables, y compris la tuberculose, le traite-ment est offert par l’Etat.(73) Selon le Départementd’Etat américain, environ 60 pays exigent desétrangers qu’ils fassent un test VIH avant l’entréedans le pays s’il s’agit de visiteurs à long terme,tels que les étudiants et les travailleurs.(74) Il ressortdes données factuelles disponibles que le dépis-tage du VIH n’a pas sa place parmi les procéduresde dépistage à l’entrée dans un pays, étant donnéque les données épidémiologiques disponibles surla transmission et l’histoire naturelle du VIH mon-trent que le fait de permettre à des migrants conta-minés par le VIH de pénétrer dans un pays n’aug-mente pas le risque pour la population locale.(75) En1994 déjà, un rapport de l’OMS démontrait l’inef-

ficacité et le caractère contre productif des restric-tions en matière de voyages pour les trois raisonssuivantes(76): 1) le VIH est déjà présent dans chaquepays du monde; 2) il est impossible de fermer lesfrontières de manière efficace et permanente; et 3)dans la mesure où les personnes vont craindrel’application des restrictions, elles peuvent péné-trer ou rester illégalement dans le pays et, comp-te tenu de leur statut de clandestin, il est alors peuprobable qu’elles aient recours aux mesures d’intervention préventives. Le document del’OMS poursuivait en indiquant qu’il existaitdeux vues divergentes sur le lien entre les ques-tions économiques et les restrictions aux voyagesdes personnes contaminées par le VIH/SIDA.Selon l’une de ces opinions, ces procédures dedépistage n’étaient pas justifiables d’un point devue économique. Selon l’autre opinion, si ces pro-cédures de dépistage obéissaient à des raisonséconomiques, le VIH/SIDA ne devait pas fairel’objet d’une distinction par rapport à d’autresmaladies comparables.(77)

Dans le cas de maladies hautement infectieusestelles que le SRAS,(78) qui représente une menaceimmédiate pour la santé du grand public, ledépistage au départ peut être un importantmoyen de protéger la santé publique. Comptetenu du fait qu’il est impossible de fermer hermé-tiquement les frontières nationales ou de ralentirde manière significative les migrations et que lespersonnes porteuses d’une maladie peuvent nepas être conscientes de leur état de santé, la sur-veillance dans le cadre de la santé publique despersonnes présumées infectées et de leurs prochespeut représenter la stratégie la plus efficace.(79)

Dans la pratique, cela peut vouloir dire ouvrirdavantage les portes à une immigration/desmigrations légale(s) et régulière(s), en prévoyantun dépistage des maladies hautement infectieu-ses et en appliquant les mesures d’isolement et dequarantaine de manière appropriée, conformé-ment aux principes de Syracuse.(80) ◆

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(70) Déclaration universelledes droits de l’homme (10décembre 1948) (désignéeci-après sous l’acronymeDUDH), article 13.2).(71) The Aftermath ofSeptember 11 - TheTightening of ImmigrationPolicies. Valencia,Statement by HumanRights Watch on theoccasion of the Euro-Mediterranean Civil Forum,13 avril 2002(http://www.hrw.org/press/2002/04/valenciaspeecho413.htm. accessed 14 April 2004).(72) Le principe a étéréaffirmé dansl’Observation générale N°14 et dans les résolutionsde la Commission desNations Unies sur les Droitsde l’Homme. Voir lesrésolutionsE/CN.4/RES/1997/33,E/CN.4/RES/1999/49 etE/CN.4/RES/2001/51 sur laprotection des droitsfondamentaux despersonnes infectées par levirus del’immunodéficiencehumaine (VIH) ou atteintesdu syndrome del’immunodéficienceacquise (SIDA).(73) Braunschweig S,Carballo M. Health andHuman Rights of Migrants.Genève, Centreinternational pour laMigration et la Santé, 2001.(74) HumanImmunodeficiency Virus(HIV) Testing Requirementsfor Entry into ForeignCountries. Washington, DC,Département d’Etataméricain, Mars 2003(http://travel.state.gov/HIVtestingreqs.html).(75) Matteeli A, El-Hamad I.Asylum Seekers andClandestine Populations.In: Haour-Knipe M, RectorR, eds. Crossing Borders:Migration Ethnicity andAIDS, Bristol, Taylor &Francis, 1996, 184-185.(76) Programme mondialde lutte contre le SIDA del’OMS. Report of thePreparatory Meeting for aConsultation on Long TermTravel Restrictions andHIV/AIDS. Genève,Organisation mondiale dela Santé, 1994, p. 6.(77) Ibid., 7.(78) Syndrome respiratoireaigu sévère.(79) Spiro P. The legalchallenges SARS poses.CNN Findlaw, 29 April 2003(http://edition.cnn.com/2003/LAW/04/29/findlaw.analysis.spiro.sars/).(80) Nations Unies, Conseiléconomique et social,Sous-Commission desNations Unies de la Luttecontre les Mesuresdiscriminatoires et de laProtection des Minorités,principes de Syracuseconcernant les dispositionsdu Pacte internationalrelatif aux droits civils etpolitiques qui autorisentdes restrictions ou desdérogations, document des Nations UniesE/CN.4/1985/4 (1985),annexe.

Seules certaines conditions fixées par lesinstruments juridiques internationaux relatifsaux droits humains peuvent justifier les limita-tions à l’exercice de certains droits humains. Cesconditions, connues sous le nom de «principesde Syracuse», sont notamment les suivantes:1. la restriction est décidée et appliquée

conformément à la loi;2. la restriction est conforme à un objectif légi-

time d’intérêt général;3. la restriction est strictement nécessaire

dans une société démocratique pour attein-dre cet objectif;

4. il n’existe pas d’autre moyen moins inter-ventionniste et restrictif pour atteindre lemême objectif;

5. la restriction n’est pas imposée arbitraire-ment, c’est-à-dire de manière déraisonna-ble ou discriminatoire; et

6. la restriction est limitée dans le temps etsoumise à un réexamen.

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Cette partie examine certaines des questionsrelatives à la santé et aux droits humains aux-quels les migrants sont confrontés une fois dansle pays d’accueil. Elle s’intéresse en particulieraux catégories les plus vulnérables de migrantset souligne certains des principaux défis à releverpour améliorer et protéger leur droit à la santé.

Le degré de vulnérabilité dans lequel se trouventles migrants dépend d’un large ensemble de fac-teurs, qui va de leur statut juridique à leur envi-ronnement général. Nous présentons ci-aprèscertains éléments clés qui sont directement ouindirectement liés à la satisfaction des droitshumains individuels et peuvent avoir uneinfluence sur la santé et le bien-être des migrants.

• Accessibilitéet statut juridique

L’un des facteurs déterminants les plus impor-tants quant aux difficultés rencontrées par lesmigrants pour accéder aux services de santé tientà la question de leur statut juridique dans le pays.Il convient par conséquent de commencer cetteanalyse en étudiant les questions relatives à lasanté et aux droits humains lorsqu’il s’agir demigrants sans papiers ou en situation irrégulière.

Les lois et les politiques qui empêchent lesmigrants d’accéder aux services sociaux, ycompris aux soins de santé, sur la base de leurstatut au regard de l’immigration s’appuientsur l’idée - qu’ils contribuent à véhiculer -,selon laquelle les migrants en situation irré-gulière eux-mêmes sont les premiers respon-sables de leur situation précaire, qu’il seraitcoûteux pour le contribuable de leur offrir desservices de santé et que le fait de les excluredes avantages sociaux permettra de découra-ger les futurs migrants dépourvus de titre deséjour. On considère par conséquent fréquem-ment que l’Etat fait oeuvre de charité ou de«générosité» en autorisant l’accès aux servicesde santé aux migrants en situation irrégulière.Cependant, conformément à la législation surles droits humains, les gouvernements ont desobligations juridiques vis à vis de la santé dechaque personne relevant de leur juridiction.

(81) Allocution prononcéepar le Secrétaire généralde l’Organisation desNations Unies, Kofi Annan,à l’occasion de laConférence Emma Lazarussur les mouvementsinternationaux d’êtreshumains, 21 novembre2003. New York, NY,Nations Unies, 2003(communiqué de presseSG/SM/9027 ;http://www.un.org/News/Press/docs/2003/sgsm9027.doc.htm).

©OIM/Alyanak 1995

Partie 4: Santé et droitshumains desmigrantsdans le paysd’accueil

«C’est à l’empressement des pays richesà accueillir les migrants et à la façon dont ilsles traitent que sera mesuré leur attache-ment à l’égalité entre les individus et à ladignité humaine. Leur capacité de s’adapteraux changements découlant de la migrationsera un indicateur de leur volonté d’accep-ter les obligations qu’entraîne la mondiali-sation au même titre que les chances qu’elleoffre et de leur conception d’une citoyennetémondiale. Et leur attitude envers la ques-tion sera également un critère de la cons-cience qu’ils ont des enseignements et desobligations de l’histoire.»(81)

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M i g r a t i o n s I n t e r n a t i o n a l e s , s a n t é e t D r o i t s H u m a i n s

2 0

(8HUGNKPCU(P(8

(8FSLSOEN12

Bien que les droits humains s’appliquent à cha-cun sur le territoire d’un Etat, un traitementdifférencié pour des motifs de nationalité estdans certaines circonstances autorisé.(82) Toute-fois, en vertu de la Convention internationalesur l’élimination de toutes les formes de dis-crimination raciale, les gouvernements ne peu-vent faire de discrimination entre non ressor-tissants ni favoriser certaines nationalités parrapport à d’autres.(83)

L’embauche de migrants en situation irrégu-lière peut être encouragée par des politiquesgouvernementales restrictives qui n’obligentpas les employeurs à fournir une protection enmatière de santé à ces migrants, cette main-d’oeuvre devenant alors moins coûteuse que lerecrutement de ressortissants du pays quirequièrent une assurance médicale. Cependant, le droit international relatif auxdroits de l’homme comme les impératifs desanté publique exigeraient que les migrants ensituation irrégulière bénéficient au moins d’unniveau minimum de protection en matière desanté publique. Néanmoins, les traités interna-tionaux qui reconnaissent expressément lesdroits à la santé des migrants en situation irré-gulière ne sont que deux: la Convention sur lestravailleurs migrants (1990) et la Conventionsur les organisations de travailleurs ruraux(1975). Il convient également de noter que,dans son interprétation du droit à la santé, leComité des Droits économiques, sociaux etculturels a déclaré que les Etats ont l’obligationde respecter le droit à la santé «en s’abstenantde refuser ou d’amoindrir l’égalité d’accès –pour des motifs économiques, physiques etculturels – de toutes les personnes, dont… lesdemandeurs d’asile et les immigrants en situa-tion irrégulière, aux soins de santé prophylac-tiques, thérapeutiques et palliatifs».(84)

(82) Affaire Nottebohm(Liechtenstein v.Guatemala) (1951-1955)CIJ, Recueil 1955, p. 4.(83) Conventioninternationale surl’élimination de toutes lesformes de discriminationraciale (adoptée le 21décembre 1965, entrée envigueur le 4 janvier 1969)(ci-après CIEDR). L’article1.1) stipule: l’expression«discrimination raciale»vise toute distinction,exclusion, restriction oupréférence fondée sur larace, la couleur,l’ascendance ou l’originenationale ou ethnique...».Il précise en outre que laConvention «ne s’appliquepas aux distinctions,exclusions, restrictions oupréférences… selon qu’ils’agit de ses ressortissantsou de non-ressortissants»(article 1.2)). Il exigenéanmoins des Etats qu’ilsveillent à ce que «cesdispositions ne soient pasdiscriminatoires à l’égardd’une nationalitéparticulière» (article 1.3)).(84) Voir la référence sousla note de bas de page 17,paragraphe 34.

La Convention internationale de 1990 sur laprotection des droits de tous les travailleursmigrants et des membres de leur famille confè-re à tous les travailleurs migrants et aux memb-res de leur famille, qu’il s’agisse de migrants ensituation régulière ou irrégulière, le droit derecevoir les soins médicaux d’urgence. Toute-fois, elle ne prévoit pas que les migrants ensituation irrégulière doivent bénéficier de mesu-res de prévention contre les maladies telles queles diagnostics précoces et le suivi médical.

©OMS/Virot

Un migrant atteint du VIH/SIDA, M. D., a avec suc-cès fait appel d’un arrêté d’expulsion vers Saint-Kitts,un Etat insulaire des Caraïbes, prononcé par le Royaume-Uni, en avançant que son expulsion l’exposerait à un traitement inhumain et dégradant, en violationde l’article 3 de la Convention européenne des droitsde l’homme. En appel, la Cour européenne des droitsde l’homme s’est prononcée en faveur de M. D., décla-rant qu’il y avait violation de l’article 3 étant donnéque l’expulsion de M. D. vers Saint-Kitts se tradui-rait par l’arrêt brutal du traitement médical permettantde prolonger sa survie, compte tenu de l’incapacité de ce pays à fournir un traitement antirétroviral appro-prié. Tout en notant que les circonstances étaient dans cette affaire exceptionnelles, la Cour a constaté que les protections contre le traitement inhumain oudégradant contenues dans l’article 3 avaient un carac-tère absolu et devaient être appliquées quelle que soitla nature du comportement de l’expulsé potentiel.

(Affaire D c. Royaume-Uni, Recueil 1997, vol. III)

©OIM/Lowenstein-Lom 2000

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(85) Verbruggen N, ed.Health Care forUndocumented Migrants:Germany, Belgium, theNetherlands, UnitedKingdom. Brussels,Platform for InternationalCooperation inUndocumented Migrants(PICUM), 2001.(86) Ibid., p. 37.(87) Hanson P. MigrantFarmers «Suffering inSilence»: California GroupsLook at Problems andSolutions. The HispanicOutlook on HigherEducation: EthnicNewswatch, 2002, pp.12(17) à 28.

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Il y a d’importants points communs dans les objectifs poursuivis par les gouvernements dans le domaine de l’im-migration irrégulière. Les réponses politiques et juridiques apportées peuvent toutefois différer largement. L’expé-rience de la France et de l’Angleterre en est un exemple, témoignant d’approches différentes de la question desdroits sociaux pour les migrants en situation irrégulière, avec des conséquences sensibles sur la santé publique etles droits humains:

La France a, depuis l’adoption de la loi de 1893, une tradition vieille de plus d’un siècle de garantie d’un libre accèsdes communautés défavorisées aux soins de santé, quels que soient leur statut juridique ou leur nationalité. En 1999,l’Assemblée nationale française a adopté la couverture maladie universelle (CMU) qui vise à fournir un accès iden-tique aux soins de santé à toutes les personnes économiquement faibles. La CMU subordonne l’accès aux soins desanté à une résidence stable et régulière dans le pays, excluant ainsi les migrants en situation irrégulière du bénéfi-ce de sa protection. L’accès des migrants en situation irrégulière aux consultations, ordonnances et traitements gra-tuits a néanmoins été maintenu par l’intermédiaire de l’Aide médicale de l’Etat (AME). Toutefois, une modificationapportée à la loi en 2002 requiert des bénéficiaires de l’AME qu’ils contribuent à leur traitement, ce qui, comme cer-tains le craignent, pourrait dissuader les migrants en situation irrégulière de chercher à obtenir une aide médicale,exacerbant par là même leur vulnérabilité. Faisant l’objet de vives critiques, le Gouvernement a pour l’instant suspen-du la mise en oeuvre de la réforme de l’AME. Malgré cette reconnaissance de la responsabilité du Gouvernement defournir des soins de santé aux migrants en situation irrégulière, de nombreux obstacles empêchent cet accès dans lapratique: le manque de publicité et de connaissance de ce droit dans la communauté des migrants; la crainte de l’ex-pulsion; des procédures complexes; et les lourdes contraintes qui pèsent sur les ressources hospitalières.

L’Angleterre a adopté une approche différente en ne traitant pas explicitement du droit à la santé des migrants ensituation irrégulière dans sa législation. Le droit de bénéficier du «National Health Service» (NHS) anglais repose surla question de savoir si une personne a «sa résidence habituelle» au Royaume-Uni. En tant que «visiteurs étrangers»,les migrants en situation irrégulière doivent en principe supporter le coût des services hospitaliers et n’ont droit qu’àun traitement limité dans le cadre du NHS. En outre, pour ce qui est des traitements non urgents, les médecins géné-ralistes sont libres de décider s’ils fourniront le traitement dans le cadre du NHS ou sur la base d’un paiement privé. Laplupart des migrants en situation irrégulière ne sont pas en mesure de payer comme un patient privé pourrait le faire.

Les expériences française et anglaise de l’immigration irrégulière varient largement dans leurs manifestationspolitiques et juridiques. Toutefois, l’accès des migrants en situation irrégulière aux soins de santé est dans chaquesystème inapproprié. Tandis que la législation française stigmatise les migrants en situation irrégulière en n’autori-sant l’accès aux soins que par l’intermédiaire d’un système complexe et sélectif, la législation anglaise rend l’accèsaux soins de santé incertain en restant silencieuse sur la question.

Sylvie Da Lomba, Fundamental social rights for irregular migrants: a case study of irregular migrants’ right tohealth care in France and England, University of Leicester, Royaume Uni, étude présentée lors de la Conférence inti-tulée “Irregular Migration And Human Rights” (Migrations irrégulières et droits humains), 29 juin 2003.

ot

Il est fréquent que les travailleurs migrants nesoient pas visés par les programmes de santé finan-cés par l’Etat et, souvent, ils ne sont pas en mesurede s’offrir une assurance privée. En conséquence,même dans les pays très riches, l’état de santé destravailleurs migrants est généralement médiocre; ungrand nombre d’entre eux ne sont pas assurés et ilssont fréquemment mal informés des programmesqui peuvent les protéger. Lors d’une étude effectuéeparmi les travailleurs agricoles migrants en Califor-nie, dont la majorité était des jeunes Mexicainsmariés ayant un faible niveau d’éducation, il estapparu que les pourcentages d’asthme, d’accidentsvasculaires cérébraux, de maladies cardiaques et dediabète étaient élevés. Près de 20% de ces hommesétaient exposés au risque d’hypercholestérolémie,d’hypertension ou d’obésité, et nombre d’entre euxsouffraient d’anémie grave. Environ 30% d’entre euxn’étaient jamais allés chez un médecin, plus de lamoitié n’avaient jamais vu un dentiste, 75% d’entreeux n’avaient pas d’assurance-santé et seuls 7% deces hommes bénéficiaient des programmes d’assu-rance destinés aux faibles revenus financés par leGouvernement. En outre, tandis que 20% avaientsouffert de traumatismes liés au travail qui auraientdû leur donner droit à une indemnisation, seuls 30%de l’ensemble des travailleurs avaient connaissancede ces programmes.(87)

Les programmes nationaux de soins de santéfont fréquemment une discrimination à l’encon-tre des migrants temporaires (la plupart desmigrants relèvent à un moment donné de cettecatégorie) et en particulier ceux d’entre eux quisont dépourvus de papiers, en autorisant uni-quement l’accès aux soins d’urgence pour lesnon-ressortissants.(85) Cela oblige les migrants àattendre jusqu’à ce qu’ils aient le sentiment queleur état est suffisamment grave pour justifier dese présenter aux services d’urgence. Des problè-mes mineurs qui auraient pu être traités à unstade précoce peuvent ainsi devenir plus graveset, par conséquent, plus coûteux à traiter. Cepen-dant, la plupart des migrants sans papiers s’ef-forcent, dans un premier temps, de résoudre lesproblèmes eux mêmes par l’automédication ouen ayant recours à des personnes qui ne sont pasdes professionnels de la santé au sein de leurcommunauté.(86) La pression qui en résulte pourles services de soins d’urgence et, en conséquen-ce, l’utilisation inefficace des services de santén’ont pas dissuadé les responsables politiques demaintenir de telles politiques.

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La crainte que les agents de santé aient desliens avec les autorités chargées de l’immigra-tion est un autre facteur qui peut tout à faitdissuader les migrants en situation irrégulièrede chercher à obtenir des soins et un traite-ment. Lorsque ce lien existe, il peut faire fuirles migrants en situation irrégulière cherchantà obtenir un accès aux services de soins. Detels liens peuvent aussi compromettre l’enga-gement des professionnels de la santé àrespecter le droit à la vie privée de ceux quirecherchent des soins. La confidentialité sur leplan professionnel doit être encouragée et pro-tégée par la loi, et les professionnels de lasanté doivent être soutenus dans leur défensede ce principe dans le contexte de leur travailavec les migrants sans papiers. Dans la pra-tique, si les professionnels de la santé sontsouvent peu enclins à divulguer des rensei-gnements médicaux, ils sont cependant prêtsà révéler le nom d’une personne qu’ils soi-gnent. Il est par conséquent essentiel de préci-ser que la confidentialité médecin/patient estun principe fondamental.(88)

Dans la perspective des droits humains, lesgouvernements devraient encourager l’indé-pendance de la profession médicale. Laresponsabilité de cette profession doit d’abordet avant tout être de défendre la santé en tantque droit humain. Former les travailleurs de lasanté aux droits humains pour ce qui est desmigrants en situation irrégulière pourrait êtreun moyen utile d’apporter des réponses à cer-tains des problèmes dans le secteur de lasanté. Des efforts devraient également êtrefaits pour veiller à ce que la politique publiqueet la législation promeuvent l’accès de tousaux soins préventifs et curatifs de base, et dis-socient clairement un tel accès de l’applicationde la législation sur l’immigration.

Dans le cas des maladies infectieuses, une légis-lation prévoyant un accès universel aux soins etau traitement a été mise en oeuvre dans cer-tains pays. Par exemple, la nouvelle loi relativeaux maladies contagieuses en Allemagnerequiert que certaines maladies infectieuses,telles que la tuberculose, soient diagnostiquéeset traitées de manière anonyme et gratuite dansles établissements de santé publique.(89) Toute-fois, pour d’autres problèmes de santé tels quela santé mentale, dont les avantages pour legrand public ne sont pas directement évidents,les services sont rarement mis à la dispositiondes migrants en situation irrégulière.(90)

Le problème de l’accès aux services ne se limitepas aux migrants en situation irrégulière. Mêmeles migrants en situation régulière peuvent êtreexclus des prestations et services publics lorsquel’accès à ceux ci est limité aux citoyens et rési-dents permanents. Par exemple, les immigrantsen situation régulière qui sont arrivés aux Etats-Unis depuis l’adoption de la «Personal Respon-sibility and Work Opportunity Act» en 1996 nepeuvent bénéficier de l’aide médicale qu’aprèscinq ans de résidence non interrompue.(92)

(88) Voir la référence sousla note de bas de page 85,paragraphe 90.(89) Ibid., p. 38.(90) Ibid., p. 43.(91) Committee onCommunity HealthServices. Health Care forChildren of ImmigrantFamilies. Pediatrics, 1997,100(1): 153 156.(92) The PersonalResponsibility and WorkOpportunity ReconciliationAct, 1996 (P.L. 104-193). Laloi a été modifiée en 2002; cependant la prescriptionde cinq ans de résidenceest toujours en vigueur.Voir: Temporary Assistancefor Needy Families:Program Instruction.Washington, DC, UnitedStates, Department ofHealth & Human Services,Administration for Childrenand Families, Office ofFamily Assistance, 2003(http://www.act.dhhs.gov/programs/ofa/pl2003-3.htm).(93) Commission del’Emploi et des Affairessociales. Rapport sur uneproposition de règlementdu Conseil permettantd’étendre les dispositionsdu Règlement CEE N°1408/71 aux résidents depays tiers qui ne sont pasencore couverts par cesdispositions uniquementpour des raisons denationalité (COM(2002) 59 CE C5-0084/2002 CE2002/0039(CNS)).Bruxelles, Parlementeuropéen A5-0369/2002(http://www.december18.net/instrumentsregionEUOomen-Ruijten.pdf,accessed 25 March 2004).

Depuis le début de la mondialisation et l’aug-mentation qui s’en est suivie dans les migrationsinternationales, «… il est de plus en plus largementadmis que ’ce qui se passe près de chez vous peutaussi arriver chez vous’. Le ’village mondial’ estbien plus qu’un marché mondial. Dans le villagemondial, il n’y a qu’une seule santé publique mon-diale. A cet égard, le cas de la tuberculose est unbon exemple: en Australie, à Hong Kong (Chine),en Malaisie et à Singapour, le nombre des cas detuberculose n’a pas baissé depuis plusieursannées, à cause de l’incidence de la tuberculosechez les nouveaux immigrants».

ONUSIDA/OIM, Le droit des migrants à la santé(2001), p. 28.

« Les initiatives de santé publique sont, depar les intentions qui sont à leur origine etleur conception, universelles, et la protectionde la santé publique exige que l’ensemble dela communauté y ait accès. Les restrictionsquant à l’accès aux services qui seraientimposées aux immigrants limiteraient grave-ment l’efficacité des programmes de proximi-té, de dépistage, de prévention et de traite-ment liés aux maladies infectieuses.»(91)

Le Parlement européen envisage d’élargirles dispositions en vertu desquelles un res-sortissant d’un pays tiers qui réside de maniè-re régulière dans un Etat Membre et qui sou-haiterait travailler dans un autre Etat Membrepourra bénéficier du transfert des droitsacquis au titre d’un régime de sécurité socia-le. Cela permettrait finalement de comblerune lacune de la législation et représente unenouvelle étape nécessaire et importante pourgarantir l’égalité de traitement aux ressortis-sants de pays tiers résidant dans un EtatMembre.(93)

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• Accessibilité et abordabilité (accessibilité économique)

La réalisation du droit à la santé suppose ce quisuit: «les installations, biens et services en matièrede santé doivent être d’un coût abordable pourtous. Le coût des services de soins de santé ainsique des services relatifs aux facteurs fondamen-taux déterminants de la santé doit être établi surla base du principe de l’équité, pour faire en sorteque ces services, qu’ils soient fournis par des opé-rateurs publics ou privés, soient abordables pourtous».(94) L’inégalité dans la reconnaissance et laprotection devant la loi est un obstacle majeur àl’égalité d’accès aux services de santé et à l’acces-sibilité économique de ces services.(95)

Il est encourageant de constater qu’il existe desinitiatives positives dans certaines des grandesentreprises transnationales pour que les tra-vailleurs migrants et leur famille puissent béné-ficier de soins abordables et accessibles. Certai-nes de ces entreprises ont compris la menace quereprésentait pour la productivité un mauvaisétat de santé, en particulier le VIH/SIDA et latuberculose. Dans certaines régions du sud del’Afrique, par exemple, les maladies et les décèsliés au SIDA ont réduit la main-d’oeuvre de20%.(97) Aussi existe-t-il une collaboration denombreuses entreprises entre elles, avec les gou-vernements et la société civile afin de s’attaquerà des maladies telles que le VIH/SIDA.(98) L’in-dustrie minière du sud de l’Afrique, qui dépendpresque entièrement de la main-d’oeuvre immi-grée, a ouvert la voie dans ce domaine.

•Stigmatisation etdiscrimination

La discrimination manifeste ou implicite viole l’undes principes fondamentaux du droit internatio-nal relatif aux droits de l’homme et elle est fré-quemment à l’origine d’un mauvais état de santé.Le droit à la santé oblige les gouvernements à faireen sorte que «les installations, biens et services enmatière de santé [soient] accessibles à tous, en par-ticulier aux groupes de population les plus vulné-rables ou marginalisés, conformément à la loi etdans les faits, sans discrimination fondée sur l’unquelconque des motifs proscrits».(101) Dans lecontexte de la santé, ces motifs sont «la race, lacouleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinionpolitique ou toute autre opinion, l’origine nationa-le ou sociale, la fortune, la naissance, un handicapphysique ou mental, l’état de santé (y compris l’in-fection par le VIH/SIDA), l’orientation sexuelle, lasituation civile, politique, sociale ou autre».(102)

(94) Voir la référence sousla note de bas de page 17,paragraphe 12.b).(95) L’exclusion raciale etéconomique: Implicationspolitiques. Genève,Conseil international pourl’Etude des Droitshumains, 2001, pp. 7-10.(96) Guasasco C, Heuer LJ,Lausch C. Providing HealthCare and Education toMigrant Farmworkers inNurse-Managed Centers.Nursing EducationPerspectives, 2002, Vol.23, N° 4, pp. 166-171.(97) Issue Brief: HIV/AIDSin the Workplace - BusinessImportance. San Francisco,Business for SocialResponsibility, 2003(http://www.bsr.org/BSRResources/IssueBriefDetail.cfm?DocumentlD=49032).(98) Global Health Initiative(GHI). Genève, WorldEconomic Forum, 2003(http://www.weforum.org/site/homepublic.nsf/Content/Global+Health+Initiative).(99) Global HealthInitiative. Un exempled’intervention du secteurprivé: le dépistage des casde tuberculose évolutive,avec un taux de guérisonou de fin du traitement de88% pour un coût annuelinférieur à US $85 paremployé. Genève, WorldEconomic Forum, 2002(http://www.weforum.org/pdf/Initiatives/GHI_TB_CaseStudy_AngloGold.pdf ).(100) Ibid.(101) Voir la référence sousla note de bas de page 17,paragraphe 12.b).(102) Voir la référencesous la note de bas depage 17, paragraphe 18.

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AngloGold est une grande entreprise internationa-le exploitant des mines d’or dont la main-d’oeuvre estsituée majoritairement en Afrique du Sud. Soucieusede s’attaquer au nombre croissant de cas de tubercu-lose parmi ses employés en Afrique du Sud, Anglo-Gold est à l’origine d’un programme contre la tuber-culose «visant à réduire le nombre croissant de cas detuberculose, et le fardeau financier qui en résulte, enpermettant à l’entreprise de rester compétitive sur leplan international dans l’intérêt de ses employés, deleur famille, des actionnaires et de l’Afrique duSud».(99) Un élément essentiel de cette politiqueconsiste à garantir la protection médicale de l’em-ployé et à faire en sorte que «les employés aient unaccès gratuit aux installations sanitaires sur les sitesminiers; un conjoint officiel ainsi que les enfants nésde cette union pourront bénéficier gratuitement dudépistage de la tuberculose et d’un traitement».(100)

«Global Health Initiative»: un exemple d’interventiondu secteur privé : le programme de lutte contre latuberculose d’AngloGold.

Les travailleurs migrants souffrent fréquem-ment de leur incapacité à obtenir une assurancemédicale. Outre que leurs conditions de travailet de vie sont souvent dangereuses, lesmigrants refusent fréquemment de chercher àobtenir un traitement médical du fait des coûtsque cela entraîne, de leurs difficultés à s’absen-ter de leur travail, à trouver des services degarde d’enfants et des problèmes de transport.Nombre d’entre eux connaissent mal les systè-mes locaux de soins médicaux et peuvent avoirdes difficultés d’ordre linguistique ou culturelpour faire part de leurs problèmes.

Bien que le Gouvernement des Etats-Unis aitinstitué un certain nombre de programmes pourque les enfants bénéficient d’une assurancemédicale quel que soit leur statut ou le statut deleurs parents au regard de l’immigration, denombreux parents ne tirent pas parti de ces pro-grammes parce que le caractère précaire de leursituation rend difficile l’obtention de ces presta-tions, parce qu’ils sont préoccupés par leur sta-tut au regard de l’immigration ou parce qu’il leurest difficile d’accéder physiquement aux soins.(96)

©OIM/Alyanak 1995

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L’incapacité à faire respecter la loi dans un soucid’égalité du fait de la stigmatisation ou de la dis-crimination constitue un obstacle important à l’é-galité de traitement. La responsabilité des gou-vernements en matière de non discriminationconsiste à garantir l’égalité de protection et d’op-portunité devant la loi, ainsi que la satisfaction defait des droits tels que le droit à la santé publique,aux soins médicaux, à la sécurité sociale et auxservices sociaux.(105)

La stigmatisation fait référence à des attitudesselon lesquelles certains groupes sont perçuscomme inférieurs dans tel ou tel domaine simple-ment du fait de leur appartenance à un groupe.Ainsi, lorsque les groupes dominants voient avecsérénité la marginalisation systématique d’autresgroupes et justifient ces disparités en suggérantque le groupe lui-même est au moins en partieresponsable et qu’il ne mérite pas l’égalité de trai-tement, ce faisant ils les stigmatisent. La stigmati-sation diffère de la discrimination dans la mesureoù la première a trait à des perceptions plutôt qu’àdes faits. Toutefois, elles sont toutes deux intrinsè-quement liées dans la mesure où la stigmatisationpermet ou favorise des effets discriminatoires. Ilapparaît aussi que, lorsque la discrimination estcombattue avec succès, la stigmatisation diminue,ou se manifeste moins ouvertement.(106)

• Discrimination fondée sur lesexe et sur la répartition desrôles entres hommes et femmes

En raison de leur double marginalisation, entant que femmes et en tant que migrantes, lestravailleuses migrantes se trouvent dans des

situations qui les exposent aux violences etaux sévices, tant dans le milieu familial quedans le milieu professionnel.(109)

Le Rapporteur spécial des Nations Unies surles droits de l’homme des migrants a mis enlumière les problèmes auxquels sont confron-tées les travailleuses migrantes, en particulierlorsqu’elles sont employées à des travauxdomestiques, qui prennent les formes suivan-tes: «rétention du salaire, violences physiqueset sexuelles, malnutrition, confiscation du pas-seport».(110) L’OIM fait état du décès d’un grandnombre d’Ethiopiennes travaillant de manièretemporaire dans des pays arabes; chez les fem-mes qui réussissent à rentrer chez elles, «lesvertèbres et les membres cassés, les brûlures àl’acide et d’autres témoignages de violencesphysiques» sont fréquents.(111)

En 1998, les Emirats arabes unis ont procé-dé au dépistage de l’ensemble de leur popula-tion et ont rapatrié tous les travailleursmigrants dont le test VIH/SIDA s’est avéré posi-tif.(103) Des pratiques de ce type peuvent aisé-ment décourager les populations migrantes dese présenter dans les services de santé parcrainte d’être déportées(104) et peuvent s’avéreren fait contre-productives par rapport auxobjectifs de santé publique poursuivis dans lecadre du dépistage. Dans certains cas, ellespeuvent aussi soulever des inquiétudes quantau droit à la vie privée et, dans une perspectivede santé publique, elles ont montré qu’ellesn’étaient pas particulièrement efficaces pourprotéger la santé de la population.

Tout en ayant particulièrement besoin d’uneprotection sociale, même en tant que ressortis-sants du pays concerné, les Roms d’Europe del’Est (souvent appelés «voyageurs» étantdonné qu’ils ont tendance à migrer à la fois àl’intérieur des pays et entre les pays) n’ontdans la pratique toujours pas accès aux servi-ces de santé et aux autres services sociaux.(107)

La situation est difficile à redresser du fait queles communautés Roms ont eu tendance àrépondre à la discrimination en internalisantles attentes de la société environnante. Lors-qu’un groupe s’isole délibérément, il devientpolitiquement invisible et donc plus exposé.(108)

©OIM/Motus 1997

(103) Voir la référencesous la note de bas depage 73, paragraphe 10.(104) Ibid.(105) Conférence mondialecontre le racisme, ladiscrimination raciale, laxénophobie etl’intolérance qui y estassociée : santé etabsence de discrimination.Genève, Organisationmondiale de la Santé, 2001(WHO/SDE/HDE/01.2)(série de publicationsSanté et droits humainsN°2, 2001).(106) Voir la référence sousla note de bas de page 95,paragraphes 5-10.(107) Ibid., p. 9.(108) «[S]on retrait peutaussi l’empêcher des’adapter à l’évolution dela société, le rendant plusvulnérableéconomiquement.Habitués à vivretraditionnellement enmarge et dépendants pourleur survie du commerceavec les populationslocales, les Roms enRoumanie, en Hongrie, enBulgarie et en Républiquetchèque ont beaucoupsouffert pendant lapériode communiste despolitiques qui lesobligeaient à prendre deslogements permanents età travailler dans desusines. Après la chute ducommunisme, la plupartd’entre eux ont perdu ouabandonné leurs emploisen usine, pour découvrirque leurs marchéstraditionnels n’étaient plusviables». Ibid., p. 18.(109) Rodríguez Pizarro G.Rapport du Rapporteurspécial sur les droits del’homme des migrants.Genève, Conseiléconomique et social,Commission des Droits del’Homme,E/CN.4/2000/82,paragraphe 56.(110) Ibid., paragraphe 63.(111) Ethiopie: entretiensavec des victimes de latraite. OIM Infos, Genève,Organisationinternationale pour lesMigrations, juin 2001.

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•Le droit à la sécuritéet l’hygiène du travail(113)

Il est très probable que les migrants, en particulierles migrants peu qualifiés ou en situation irrégu-lière, seront affectés à des emplois à haut risque,peu payés et avec un encadrement limité. Lesmigrants acceptent généralement des emplois queles travailleurs locaux refusent, dans des domai-nes tels que l’exploitation minière, la construction,l’industrie lourde ou les travaux agricoles, où ilspeuvent être exposés à toute une série de risquesde maladies ou d’accidents professionnels induitspar des agents toxiques, de longues heures de tra-vail et une protection très faible, voire inexistante,pour ce qui est des vêtements ou du matériel engénéral. Les obstacles linguistiques, le manque decommunication, l’absence de connaissance dumatériel moderne et des attitudes différentes en

matière de sécurité sont autant de facteurs quiaugmentent les risques pour la santé dans le tra-vail.(114) D’une manière générale, le taux d’accidentsdu travail en Europe est environ deux fois plusélevé pour les travailleurs migrants que pour lestravailleurs originaires du pays,(115) et il n’y a aucu-ne raison de croire que la situation n’est pas lamême dans d’autres parties du monde.

Les employeurs considèrent fréquemment que lesmigrants sont un personnel trop temporaire pourconsacrer des ressources à leur formation, et lesproblèmes de communication réduisent souventencore davantage cette possibilité. Les travailleursmigrants, et en particulier les travailleurs migrantsne possédant pas de titre de séjour, acceptent sou-vent ces conditions de travail dangereuses parcrainte d’attirer l’attention sur eux et de perdreleur emploi ou d’être expulsés. L’absence deconnaissance du pays, de la culture et de la languesignifie aussi que les travailleurs migrants n’ont enrègle générale pas connaissance de leurs droits.

• Les droits à une nourriture(116)

et à un logement suffisants(117)

L’accès à une alimentation et à une nutrition sai-nes et suffisantes est étroitement lié aux capaci-tés économiques des personnes et, dans le casdes migrants, cela pose un certain nombre deproblèmes complexes, étroitement liés les unsaux autres. Outre les changements radicaux queles migrants sont souvent obligés d’apporter àleurs habitudes alimentaires dans le cadre deleurs mouvements transfrontières, le caractèreéconomique de la migration signifie que lesmigrants auront sans doute peu de ressources àconsacrer à la nourriture; même si cela n’est pasle cas, l’adaptation à de nouveaux ingrédients età de nouvelles habitudes peut représenter unchoc culturel non négligeable.(119)

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Le Ministère du Travail du Royaume hashémitede Jordanie a approuvé un contrat de travail spé-cial pour les employées de maison non jordanien-nes. Ce contrat est le premier de ce genre en Jor-danie, et devrait servir de modèle pour d’autrespays dans la région arabe. Il renforce la coordina-tion entre les pays d’origine et la Jordanie, paysd’accueil pour un nombre croissant de travailleursmigrants en provenance d’Asie; il garantit lesdroits des travailleurs migrants à une assurance-vie, aux soins médicaux, à des jours de repos et aurapatriement au moment de l’expiration de leurcontrat; il réitère le droit des travailleuses migran-tes à être traitées conformément aux normes inter-nationales en matière de droits humains. Cetteinitiative est la conséquence de l’augmentation dunombre de migrants employés aux travaux domes-tiques dans la région arabe. L’absence de protec-tion juridique pour ces travailleurs a conduit à uneaugmentation des violations commises à leurencontre et limité le soutien dont ils pouvaientbénéficier dans les pays d’accueil.(112)

Au sein de toute population, il y a dessous-groupes de population qui courent desrisques plus élevés. On estime que le nombrede travailleurs agricoles migrants au Canadas’élève à 13 000, dont 10 000 en Ontario. Laplupart des travailleurs de l’Ontario viennentde Jamaïque et du Mexique et sont embau-chés pendant sept mois de l’année à lacueillette des fruits et à d’autres travaux agri-coles. Les travailleurs agricoles présententdes signes visibles de blessures dues auxpesticides: ils souffrent de gonflement desyeux et de lésions de la bouche. Comme lesautres travailleurs agricoles, les travailleursmigrants ne sont pas couverts par de nomb-reux types de protection des travailleurs, àl’exception de l’indemnisation pour les acci-dents du travail.(118)

(114) Carballo M, Siem H.Migration, Migration Policy,and AIDS. In: Haour-KnipeM, Rector R, eds. CrossingBorders: Migration,Ethnicity and AIDS, Bristol,Taylor & Francis, 1996, at35-36. Voir également lanote de bas de page 16,paragraphe 55.(115) Bollini P, Siem H. NoReal Progress TowardsEquity: Health of Migrantsand Ethnic Minorities onthe Eve of the Year 2000.Social Sciences andmedicine, 1995, 41(6), pp. 819-828.(116) PIDESC, article 11.(117) PIDESC, article 11.(118) Factsheet:Occupational Risks fromPesticides. Toronto, WorldWildlife Fund Canada,2000 (http://www.wwf.ca/satellite/prip/factsheets/occupational-risks.html).(119) Voir la référence sousla note de bas de page 16,paragraphe 59.

(112) Special WorkingContract for Non-JordanianDomestic Workers: AnOpportunity to EnhanceProtection for aParticularly VulnerableGroup of Women Workers,21 January 2003. Amman,Fonds de Développementdes Nations Unies pour lesFemmes/Bureau régionalpour les Etats arabes(communiqué de presse;http://www.unifem.org.jo/press_releases.htm).(113) Pacte internationalrelatif aux droitséconomiques, sociaux etculturels (adopté le 16décembre 1966 et entré envigueur le 3 janvier 1976),article 7 (ci-après: PIDESC).

©OIT/Classet 1997

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M i g r a t i o n s I n t e r n a t i o n a l e s , s a n t é e t D r o i t s H u m a i n s

Le logement est un indicateur de la qualité devie dont jouissent les populations et, dans lecas des migrants, en particulier des migrantssans papiers, le logement pose le plus sou-vent problème. Non seulement la plupart desmigrants arrivent ils avec peu d’argent mais,dans de nombreux cas, leur statut officiel esttemporaire et ne leur permet donc pas d’«in-vestir» dans un logement de bonne qualité,même s’ils ont les moyens financiers de lefaire. Les barrières sociales ne font fréquem-ment qu’aggraver ce problème en destinantuniquement certaines zones des villes et citésaux migrants.

De nombreuses études ont montré combienétaient fréquents les cas où les nouveauxmigrants étaient contraints de se regrouperdans les zones défavorisées des villes et descités et dans des logements de qualité infé-rieure où la surpopulation et une hygièneinsuffisante sont la norme.(120) Dans des en-vironnements postindustriels, comme en

Allemagne, en Autriche, en France, en Italieet aux Pays-Bas, cela est devenu une source demorbidité potentielle, y compris d’accidentschez les enfants, pour les migrants de tousâges.(121)

•Le droit à la vie de famille

Des études portant sur des travailleursmigrants dans diverses parties d’Afrique fontétat de logements médiocres associés à desconditions de travail dangereuses et à unegrave désorganisation sociale. Elles font réfé-rence à des abus d’alcool chroniques et à desschémas de comportement sexuel qui condui-sent à une rapide propagation des infectionssexuellement transmissibles, y compris leVIH/SIDA(123) et sont largement dus à la sépa-ration d’avec les épouses ou les compagnes.(124)

Une étude menée en Afrique du Sud est arri-vée à la conclusion que les travailleursmigrants et leurs partenaires risquent deuxfois plus de contracter l’infection à VIH que lescouples non migrants.(125)

Réagissant aux conséquences négatives pourla santé qui résultent de l’isolation des tra-vailleurs migrants et reconnaissant le droit à lavie de famille, de nombreuses entreprisesmodifient leurs politiques pour permettre auxfamilles d’être réunies dans le but d’améliorerla productivité des employés.

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«Rappelons nous pour commencer que lesimmigrés ne sont pas simplement des unitésde main d’oeuvre. Ce sont des êtres humains.Ils ont des émotions, ils ont des familles et sur-tout ils ont des droits, les droits de l’hommejustement, qui devraient être au coeur mêmedes débats et des politiques dans ce domaine.Parmi ces droits, il y a le droit à l’unité de lafamille; en fait, la source de loin la plus abon-dante de migrants en Amérique du Nord et enEurope est la réunification des familles.»(122)

Dans l’entreprise Kahama Mining CorporationLimited (KMCL) en Tanzanie, une filiale à 100% deBarrick Gold Corporation, des initiatives ont étémises en oeuvre pour traiter des problèmes deVIH/SIDA sur le lieu de travail. Reconnaissant l’im-portance de la présence des familles pour les tra-vailleurs migrants, «les programmes de préventionsur le lieu de travail sont axés sur le financement delogements locaux à des prix abordables pour lesmineurs et leur famille». Dans l’entreprise KMCL,cela passe par «l’élaboration d’un programme visantà l’acquisition d’un logement par les employés de lamine afin de leur permettre de vivre près de leur lieude travail. L’un des objectifs de ce programme est deréduire les comportements sexuels à risque quirésultent de la séparation des familles».

World Economic Forum, Global Health Initiative: unexemple d’intervention du secteur privé: l’élabora-tion d’un programme durable de lutte contre leVIH/SIDA pour les employés par l’intermédiaired’une participation active à la vie locale.(126)

(120) Ibid, p. 33.(121) Voir la référence sousla note de bas de page 73,paragraphe 8.(122) Voir la référencesous la note de bas depage 81.(123) Girdler-Brown B.Eastern and SouthernAfrica. InternationalMigration, 1998, 36, pp. 513-551.(124) Schooks M. Al ThatGlitters: How HIV CaughtFire In South Africa - PartOne: Sex and the MigrantWorkers. The Village Voice,28 avril-4 mai 1999.(125) Ibid., citation deLurie M. Migration andAIDS In Southern Africa:Challenging commonassumptions, A&M News,octobre 2002, 4, pp. 11-12(http://www.aidsmobility.org/lurie.html).

(126) Global HealthInitiative Private SectorIntervention Case Example:Developing a sustainableHIV/AIDS programme foremployees through deepcommunity involvement.Genève, World EconomicForum, 2002(http://www.weforum.org/pdf/Initiatives/GHI_HIV_CaseStudy_BarrickGold.pdf).

© OMS/Virot

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M i g r a t i o n s I n t e r n a t i o n a l e s , s a n t é e t D r o i t s H u m a i n s

•Accessibilité physiquedes services de santé

Le droit à la santé requiert que les installations,biens et services en matière de santé soient «phy-siquement accessibles sans danger pour tous lesgroupes de la population, en particulier les grou-pes vulnérables ou marginalisés».(127) Toutefois, lasituation, la distance et les horaires d’ouverturedes services de santé peuvent poser des problè-mes pour les migrants. Pour diverses raisons, lestravailleurs migrants peuvent être moins facile-ment en mesure de s’absenter de leur travail pourobtenir des soins de santé pendant la journée. Defait, dans de nombreux pays, ils doivent prendredeux ou plusieurs emplois pour survivre écono-miquement et ne sont donc même pas en mesured’avoir accès aux soins en fin de journée.(128) Enoutre, ils vivent et travaillent souvent dans deszones des villes et cités ou dans des zones agrico-les où il est rare que les services de santé soientphysiquement situés.

• Services de santé réceptifsaux exigences culturelleset de bonne qualité

Toutes les installations, biens et services enmatière de santé doivent être appropriés sur leplan culturel: c’est là un élément crucial dudroit à la santé.(129) Toutefois, les services desanté appropriés sur le plan culturel sont géné-

ralement limités; ils demandent des ressourcesainsi qu’un esprit de soutien et de coopérationvis-à-vis des migrants. Dans la pratique, raressont les mesures prises pour adapter explicite-ment les services aux besoins des migrants(131)

et, dans de nombreux cas, cela conduit à desdiagnostics erronés, un traitement inappropriéet une mauvaise observance du traitement dela part des patients.(132)

La qualité des services est aussi un important fac-teur à prendre en compte s’agissant de la maniè-re dont les migrants sont traités lorsqu’ils accè-dent aux soins de santé. On a ainsi fait état de casoù les professionnels de santé acceptaient desnormes inférieures en matière de soins et de trai-tement lorsque le statut au regard de l’assurancene pouvait être précisé à l’avance ; une fracturedonnait par exemple lieu à la pose d’un plâtreplutôt qu’à une intervention chirurgicale pourréduire l’os fracturé.(134)

De plus en plus nombreuses sont les entrepri-ses transnationales qui ont créé leurs propresservices ou installations de santé pour leursemployés et leurs proches. Anglo American Cor-poration est une entreprise d’extraction minièredont les activités et sites d’exploitation sontsitués en Afrique, en Europe, en Amérique du Sudet du Nord et en Australie et qui emploie uneimportante main-d’oeuvre immigrée. Au coursdes années 90, Anglo American a mis au point unprogramme complet de lutte contre le VIH/SIDApour ses employés, en se préoccupant à la fois deprévention et de traitement; ce programme pré-voit notamment la distribution de préservatifs, letraitement des MST, la prestation de conseils et ledépistage sur une base volontaire. Des étudesmenées dans de nombreuses entreprises mont-rent que cette approche a permis de faire pro-gresser le niveau de prise de conscience vis-à-visdu SIDA; d’augmenter les demandes en préser-vatifs; et d’abaisser l’incidence des MST. En août2002, Anglo American a annoncé des projetsvisant à fournir des thérapeutiques antirétrovira-les à ses employés ayant contracté le VIH/SIDA.

Global Business Coalition on HIV/AIDS: AngloAmerican plc Workplace Program.(130)

«Le choc culturel qui accompagne souventle contact initial avec un nouveau systèmesocioculturel peut s’avérer complexe d’unpoint de vue psychologique et impliquer biendavantage que la simple négation de l’accèsaux services locaux de santé ainsi qu’aux ser-vices sociaux. L’intégration sociale puis l’ac-culturation sont un processus compliqué fai-sant intervenir des processus de transfertlinguistique, social, culturel et conceptuel quipeuvent priver les migrants de tout ce à quoi ilsétaient auparavant habitués et qui pouvaitconstituer la base de leur identité.»(133)

©OIM/Lowenstein-Lom 1999

(127) Voir la référencesous la note de bas depage 17, paragraphe 12.b).(128) Voir la référencesous la note de bas depage 73, paragraphe 11.(129) Voir la référencesous la note de bas depage 17, paragraphe 12.c).(130) Anglo American plcWorkplace Program. NewYork, Global BusinessCoalition on HIV/AIDS,2002(http://www.businessfightsaids.org/wpp_popup.asp?CompanyID=48).(131) Carballo M, Siem H.Migration, MigrationPolicy, and AIDS. In:Haour-Knipe M, Rector R,eds. Crossing Borders:Migration, Ethnicity andAIDS. Bristol, Taylor &Francis, 1996, p. 44.(132) Voir la référencesous la note de bas depage 73, paragraphe 10.(133) Voir la référencesous la note de bas depage 131, paragraphe 36.(134) Voir la référencesous la note de bas depage 85, paragraphe 41.

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M i g r a t i o n s I n t e r n a t i o n a l e s , s a n t é e t D r o i t s H u m a i n s

• Le droit de rechercher,de recevoir et de répandredes informations(135)

L’accessibilité de l’information en matière desanté comprend le droit de rechercher, de rece-voir et de répandre des informations et desidées concernant les questions de santé.(136)

Même lorsque des dispositions législatives

nationales garantissent l’accès aux services, laméconnaissance de celles-ci parmi les migrantsentrave leur capacité à accéder aux soins.

En fait, la méconnaissance de ce qui est dispo-nible ou des questions de santé d’une maniè-re générale est l’une des raisons les plus fré-quemment invoquées par les migrants pourexpliquer le fait qu’ils n’aient pas recours auxservices de santé de manière efficace ou qu’ilsne prennent pas eux mêmes des mesures pourprévenir la maladie.(137) Des études menéesdans un certain nombre de pays d’Europeoccidentale montrent que les taux de mortali-té et de morbidité maternelles ainsi que demortalité infantile sont plus élevés parmi lesfemmes immigrantes que chez les femmesappartenant aux majorités ethniques desmêmes pays.(138) Les taux d’avortement sontplus élevés et les niveaux d’utilisation descontraceptifs modernes sont généralementinférieurs.(139) Les différences sont liées à unmoindre degré d’information quant aux servi-ces et aux droits pertinents, par exemple en cequi concerne les soins prénatals ou l’accès auxcontraceptifs.(140) D’une manière générale, il estétabli qu’en Europe, les migrants sont systé-matiquement mal informés; ils ont des origi-nes différentes, souffrent de la barrière de lalangue et nombre d’entre eux ont un faibleniveau d’instruction.(141)

De nombreux migrants ne peuvent tout sim-plement pas communiquer avec le personnelde santé de manière constructive. Rares sontles pays où l’on a couramment recours auxservices d’interprètes dans les établissementsde santé; par exemple, en Suède, il s’est avéréque l’issue défavorable de certaines grossessesétait tout autant influencée culturellement quedéterminée biologiquement.(142) En conséquen-ce, les risques de diagnostic erroné et de trai-tement inapproprié ont toujours été et conti-nuent à être élevés. C’est dans le domaine dela santé mentale que cela est le plus manifeste,puisque la communication entre le patient etle personnel soignant est là d’une importancefondamentale.

Pour conclure, il est important de sensibiliserles autorités responsables de la santé publiqueet d’obtenir leur coopération pour veiller à lasatisfaction des droits à l’information et à l’é-ducation en matière de santé des migrants, àla fois dans le contexte des services de santé etdans celui, plus large, des efforts visant à pro-mouvoir la santé. ◆

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©OMS/Virot

(135) Pacte internationalrelatif aux droits civils etpolitiques (adopté le 16décembre 1966, entré envigueur le 23 mars 1976)(ci-après: PIDCP).(136) Voir la référencesous la note de bas depage 17, paragraphe 12.b).(137) Voir la référencesous la note de bas depage 73, paragraphe 11.(138) Ackerhans M etStaugard F. eds. Healthissues of minority womenliving in Europe. Rapportd’une réunion tenue àGöteborg (Suède) les 11-12novembre 1999. Bruxelles,Commission européenne,2000.(139) Ibid.(140) Ibid.(141) Ibid.(142) Ibid.

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(143) Voir la référencesous la note de bas depage 81.(144) Voir la référencesous la note de bas depage 144, paragraphe 1.(145) A better way. TheEconomist, 2 novembre2002, p. 15.(146) A modestcontribution. TheEconomist, 2 novembre2002, p. 11.

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M i g r a t i o n s I n t e r n a t i o n a l e s , s a n t é e t D r o i t s H u m a i n s

Des personnes vivant dans des sociétés différen-tes de par le monde sont de plus en plus interdé-pendantes. Pour faire référence au monde, nousparlons fréquemment de «village mondial». Cetteexpression permet de visualiser le monde commeune communauté unique qui laisse actuellementapparaître des inégalités comparables à celles quicaractérisaient les pays en cours d’industrialisa-tion (tels que l’Angleterre ou la France) au XIXe

siècle, lorsque des disparités tout aussi profondesexistaient entre riches et pauvres.(144)

Avec le temps, les gouvernements sont parvenus,ou ont été contraints, à prendre conscience du faitque les inégalités sociales et économiques extrêmessont insupportables. Les changements suscités lesont conduits à reconnaître leurs responsabilitésface aux populations en termes d’accès à l’éduca-tion, aux services d’assainissement et de santé.Tant qu’il n’y aura pas une prise de consciencesemblable des gouvernements des pays richesquant à leurs responsabilités vis-à-vis des popu-lations défavorisées du Sud, les disparités conti-nueront à s’aggraver. Le monde restera instable etla multiplication des faits attestant d’une aug-mentation de l’immigration ne devrait pas appa-raître comme une surprise.

Les études actuelles indiquent qu’il y a peu d’uni-formité dans la gestion des migrations, même dansle cadre de groupements régionaux tels que l’Unioneuropéenne. Il y a aussi une absence de données,qui rend impossible la présentation d’un tableaucohérent des liens entre migration, santé et droitshumains. Nous n’avons donc pu faire que des obser-vations préliminaires pour déterminer dans quellemesure les migrants font l’objet de pratiques dis-criminatoires, comment ils ont recours aux servicesde santé et comment ils participent à l’économie, ycompris en fournissant des services de santé.

Les avantages économiques potentiels que repré-senterait pour le monde la libéralisation desmigrations pourraient rendre insignifiants lesavantages induits par la suppression des obsta-cles aux échanges.(146) Cela est particulièrementvrai lorsque les populations vieillissent et que leséconomies ont besoin du nouvel élan apporté parune main-d’oeuvre mobile, dans des domainesde qualification où l’offre est insuffisante; parexemple lorsque des hôpitaux souhaitent embau-cher des médecins et des infirmières étrangers.Bien qu’essentiels pour faire comprendre auxélecteurs qu’ils peuvent tirer avantage d’une plusgrande ouverture à l’immigration, les argumentséconomiques doivent être associés aux impératifsdans le domaine des droits humains. Le droit, lesapproches et les mécanismes relatifs aux droitshumains exigent des politiques de migration quisauvegardent la dignité humaine et garantissentdes démarches humaines et justes. Etant donnéque les pays sont confrontés à la question desavoir comment gérer l’augmentation des migra-tions, il est important que les instruments relatifsaux droits de l’homme soient considérés commeune composante essentielle de la prise de décisionspolitiques. S’ils vont de pair avec un autre élémentimportant - la collecte de statistiques fiables -, desstratégies positives pourront être mises au point.

Nous sommes loin du changement de paradigmequi voudrait que les migrants soient traitéscomme «des citoyens du monde» et «des person-nes ayant des droits» quel que soit l’endroit d’oùils viennent et l’endroit où ils vont. Un change-ment demandera du temps, l’instauration d’undialogue, des informations précises, de la bonnevolonté et, surtout, une volonté politique. Le pré-sent rapport ne représente qu’un tout petit pasdans cette direction. ◆

«…la réponse consiste à gérer les migrations avecdu bon sens et de l’imagination, dans un esprit desolidarité et de coopération. C’est la seule attitudequi permettra de respecter les intérêts des migrantset ceux des communautés qui les accueillent, et derespecter aussi les droits des uns et des autres.»(143)

Conclusion©OIM/Lowenstein-Lom 1999

«Tout comme la réduction des obstacles auxéchanges de marchandises a permis au monde des’enrichir au cours de la deuxième moitié du XXe

siècle, la réduction des obstacles aux mouvementsdes personnes pourrait être un puissant moteurd’enrichissement au cours de la première moitiédu XXIe siècle.»(145)

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M i g r a t i o n s I n t e r n a t i o n a l e s , s a n t é e t D r o i t s H u m a i n s

Les demandeurs d’asile sont des personnes quiont fui vers un autre pays où ils ont demandé laprotection de l’Etat en revendiquant le statut deréfugié, mais qui n’ont pas reçu de décisionfinale quant à leur demande. Selon les informa-tions les plus récentes dont dispose le HCR, onestime à près de 1 015 000 le nombre de deman-deurs d’asile dans le monde entier.(147)

Les personnes déplacées pour des raisons liéesau développement(148) sont des personnes qui ontété obligées de se déplacer du fait de politiques etde projets mis en oeuvre pour, en principe, faireavancer le «développement»; il s’agit notammentde la construction de barrages et de routes; d’ini-tiatives d’aménagement urbain; de projets d’ex-ploitation minière ou de déboisement; et de la miseen place de parcs/réserves naturel(le)s ou de pro-jets relatifs à la biosphère. Selon les estimations, aucours des années 90, quelque 90 à 100 millions depersonnes dans le monde ont été déplacées du faitde projets de développement des infrastructures.

Les personnes déplacées à l’intérieur de leur pro-pre pays, comme les réfugiés, sont des personnesqui ont été contraintes de se déplacer du fait desituations de guerre, de conflits civils ou de persé-cutions politiques. Toutefois, à la différence desréfugiés, elles ne franchissent pas les frontièresinternationales mais restent plutôt sur le territoire

de l’Etat dont elles ont la nationalité et, technique-ment, continuent à relever de la juridiction dugouvernement de cet Etat. Selon les principesdirecteurs des Nations Unies relatifs au déplace-ment de personnes à l’intérieur de leur proprepays, les personnes déplacées à l’intérieur de leurpropre pays sont «des personnes ou des groupesde personnes qui ont été forcés ou contraints à fuirou à quitter leur foyer ou leur lieu de résidencehabituel, notamment en raison d’un conflit armé,de situations de violence généralisée, de violationsdes droits de l’homme ou de catastrophes naturel-les ou provoquées par l’homme, ou pour en éviterles effets, et qui n’ont pas franchi les frontièresinternationalement reconnues d’un Etat».(149) Bienque le nombre des personnes déplacées soit estiméentre 20 et 25 millions dans le monde entier,(150) l’ab-sence de chiffres et la réticence des autorités natio-nales à admettre ce problème signifient que cenombre est sans doute largement sous-évalué.

Les travailleurs migrants constituent une caté-gorie majeure parmi les migrants d’une manièregénérale. La Convention internationale sur laprotection des droits de tous les travailleursmigrants et des membres de leur famille a définiles travailleurs migrants comme suit: «les per-sonnes qui vont exercer, exercent ou ont exercéune activité rémunérée dans un Etat dont elles nesont pas ressortissantes»,(151) une définition sem-blable à celles qui sont inscrites dans les conven-tions pertinentes de l’OIT.(152)

Selon les estimations des Nations Unies et de l’OIT,sur les 175 millions de migrants dans le monde,120 millions sont des travailleurs migrants et leurfamille.(153) Plus précisément, l’OIT estime qu’il y aaujourd’hui approximativement 20 millions detravailleurs migrants, d’immigrants et de memb-res de leur famille en Afrique, 18 millions en Amé-rique du Nord, 12 millions en Amérique centraleet en Amérique du Sud, 7 millions en Asie du Sudet en Asie orientale, 9 millions au Moyen-Orient et 30 millions dans toute l’Europe. L’Europe occi-dentale compte à elle seule près de 9 millions d’étrangers actifs d’un point de vue économique et 13 millions de personnes à leur charge.(154)

Le réfugié est défini par la Convention de 1951relative au statut des réfugiés comme toute per-sonne qui, «craignant avec raison d’être persécu-tée du fait de sa race, de sa religion, de sa natio-nalité, de son appartenance à un certain groupesocial ou de ses opinions politiques, se trouvehors du pays dont elle a la nationalité et qui nepeut ou, du fait de cette crainte, ne veut se récla-mer de la protection de ce pays».(155) La Conven-tion de 1951 relative au statut des réfugiés est lapierre angulaire du régime international de pro-tection des réfugiés.(156) Le Protocole de 1967 asupprimé les restrictions géographiques et tem-porelles qui figuraient dans la Convention.

3 0

Annexe I: Les principalescatégories de migrants

©OIM/DeCesare 2002

(147) Refugees byNumbers 2003. Genève,Haut Commissariat desNations Unies pour lesRéfugiés, 2003, p. 4(http://www.unhcr.org.uk/info/briefings/statistics/documents/numb2003.pdf).(148) Voir la référencesous la note de bas depage 52.(149) Principes directeursrelatifs au déplacement depersonnes à l’intérieur deleur propre pays. Rapportdu représentant duSecrétaire général chargéde la question despersonnes déplacées dansleur propre pays. Genève,Nations Unies, 1998(extrait du documentE/CN.4/1998/53/Add.2).(150) Voir la référencesous la note de bas depage 147, paragraphe 1.(151) Conventioninternationale sur laprotection des droits detous les travailleursmigrants et des membresde leur famille (adoptée le18 décembre 1990, entréeen vigueur le 1er juillet2003) (ci-après: CTM).(152) Voir annexe 2.(153) ILO meeting calls forchange in migrationpolicies in Southern Africa.Genève, Organisationinternationale du Travail,2002 (communiqué depresse;http://www.ilo.org/public/english/dialogue/actrav/new/291102.htm).(154) Current dynamics ofinternational labourmigration: Globalisationand regional integration.Genève, Organisationinternationale du Travail,2002(http://www.ilo.org/public/english/protection/migrant/about/index.htm).(155) Convention relativeau statut des réfugiés(adoptée le 28 juillet 1951,entrée en vigueur le 22avril 1954).(156) Elle consolide lesinstruments internationauxrelatifs aux réfugiésadoptés antérieurement etfournit l’instrument decodification de leurs droitshumains le plus complet.

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M i g r a t i o n s I n t e r n a t i o n a l e s , s a n t é e t D r o i t s H u m a i n s

(157) Voir la référencesous la note de bas depage 147, paragraphe 4.(158) Trafficking inPersons: USAID’sResponse. Washington,DC, USAID Office ofWomen in Development,2001, p. 1.(159) Protocole additionnelà la Convention desNations Unies contre lacriminalité transnationaleorganisée visant àprévenir, réprimer et punirla traite des personnes, enparticulier des femmes etdes enfants (adopté le 15novembre 2000, entré envigueur le 25 décembre2003), article 3.a).(160) Protocole contre letrafic illicite de migrantspar terre, air et mer,additionnel à la Conventiondes Nations Unies contre lacriminalité transnationaleorganisée (adopté le 15novembre 2000, entré envigueur le 28 janvier 2004),article 3.a).(161) Voir la référence sousla note de bas de page 16,paragraphe 17.(162) World MigrationReport 2000. Genève,International Institute onMigration, 2000, p. 243.(163) The EconomicBenefits of InternationalEducation to the UnitedStates: A StatisticalAnalysis. Washington, DC,NAFSA: Association ofInternational Educators,2003(http://www.nafsa.org/content/PublicPolicy/DataonInternationalEducation/EISIntroB.pdf, accessed 16 March 2004).

Le Haut Commissariat des Nations Unies pourles Réfugiés estime qu’au début de 2002 il y avaitapproximativement 10,4 millions de réfugiésdans le monde entier.(157) Toutefois, le nombre deréfugiés de fait, par opposition aux réfugiés enre-gistrés, est probablement plus élevé, étant donnéque les réfugiés se trouvent fréquemment dansune situation similaire à celle de la main-d’oeuvre migrante sans papiers qui choisit de nepas disposer de papiers par crainte du rejet oud’autres représailles. Dans des pays où les fron-tières sont mal définies et où des familles peuventvivre des deux côtés de la frontière, des réfugiéspeuvent être pris en charge par des proches sansmême retenir l’attention des autorités locales.

Les travailleurs sous contrat temporaire sont lacatégorie la plus courante parmi les travailleursmigrants disposant de papiers. Ils sont admisdans le pays d’accueil pour des périodes limitéesétant entendu qu’ils rentreront chez eux une foisque leur contrat expirera. Ils sont pour la majori-té d’entre eux peu qualifiés et recrutés pour tra-vailler dans l’agriculture ou la construction, deuxdomaines où le travail est saisonnier et où lesfluctuations du marché peuvent aisément dicterdes changements dans la demande.

La traite des personnes est un problème de plusen plus aigu au niveau mondial, le nombre desvictimes de la traite internationale étant estiméentre 700 000 et 4 millions chaque année.(158) La traite des personnes est définie par le Protocolevisant à prévenir, réprimer et punir la traite despersonnes comme «le recrutement, le transport, letransfert, l’hébergement ou l’accueil de person-nes, par la menace de recours ou le recours à laforce ou à d’autres formes de contraintes, parenlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité oud’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre oul’acceptation de paiements ou d’avantages pourobtenir le consentement d’une personne ayantautorité sur une autre aux fins d’exploitation».(159)

Les migrants faisant l’objet d’un trafic illicitesont protégés par le Protocole contre le trafic illi-cite de migrants par terre, air et mer, qui définitce phénomène comme «le fait d’assurer, afind’en tirer, directement ou indirectement, unavantage financier ou un autre avantage maté-riel, l’entrée illégale dans un Etat Partie d’unepersonne qui n’est ni un ressortissant ni un rési-dent permanent de cet Etat».(160)

Les immigrants permanents sont une catégoriemajeure de migrants, en particulier pour lespays traditionnels d’immigration. Le droitinternational n’a pas établi de définition juri-dique commune; la législation et la pratiqueau niveau national varient considérablementpour ce qui est de la définition des catégoriesd’immigrants, de leurs qualifications et leurtraitement. Néanmoins, tant que les non natio-naux admis à des fins d’immigration n’ont pasobtenu le statut de résident permanent ou decitoyen du pays d’accueil, ils peuvent aussiêtre désavantagés ou limités dans leur accèsaux soins et aux droits en matière de santé parrapport aux ressortissants de ces pays.

Les migrations internationales de travailleurssont de plus en plus sélectives en termes de sexeet d’âge et nombreuses sont les politiques natio-nales relatives à l’immigration et à la migrationde main d’oeuvre «temporaire» qui interdisentlégalement l’entrée des familles accompagnantles travailleurs migrants temporaires.(161) Desprogrammes de regroupement familial ont étémis sur pied pour permettre aux familles destravailleurs migrants de les rejoindre après uncertain temps. Le regroupement familial comptepour une large part de toute l’immigration régulière dans les pays occidentaux, représen-tant plus de 70% de l’ensemble des immigrantsadmis aux Etats-Unis en 1998.(162)

Pour compléter cet aperçu des dispositionsjuridiques internationales et des définitionsreconnues, il convient de mentionner les étu-diants étrangers. Ceux-ci se déplacent pourbénéficier de programmes universitaires etdes possibilités offertes par les pays et leursétablissements d’enseignement. Les Etats-Unis sont toujours la destination la plus pri-sée, avec près de 590 000 étudiants étrangersinscrits dans les universités américaines aucours de l’année universitaire 2002-2003.(163)◆

©OIM/Barriga 1999

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M i g r a t i o n s I n t e r n a t i o n a l e s , s a n t é e t D r o i t s H u m a i n s

Les instrumentsinternationaux relatifsaux droits de l’homme/droits humainsLe cadre juridique international relatif aux droitshumains comporte un certain nombre de traitésfondamentaux qui s’appliquent à toutes les per-sonnes, y compris les migrants. L’instrument leplus fondamental en matière de droits humainsest la Déclaration universelle des droits de l’hom-me (DUDH, 1948) qui, dans une large mesure, faitpartie du droit coutumier international. Chacunpeut se prévaloir de tous les droits et de toutes leslibertés proclamés dans la Déclaration, sans dis-tinction aucune, notamment d’origine nationa-

le.(164) Les droits humains fondamentaux énoncésdans cet instrument, y compris le droit à la recon-naissance de sa personnalité juridique et le droit àun niveau de vie suffisant pour assurer sa santé,son bien-être,(165) sont applicables aux migrants, ycompris à ceux qui sont en situation irrégulière.

En vertu de la Convention internationale sur l’é-limination de toutes les formes de discrimina-tion raciale (CIEDR, 1965), les Etats Parties à laConvention ont l’obligation de garantir les droitscivils, politiques, économiques, sociaux et culturelsde l’ensemble de la population et non seulementde leurs citoyens.(166) Toutefois, la CIEDR prévoit lapossibilité d’un traitement différencié entre ressor-tissants et non ressortissants, bien qu’entre les nonressortissants, les Etats ne puissent établir de discri-mination à l’égard d’une nationalité particulière.(167)

En 1966, les dispositions de la Déclaration uni-verselle des droits de l’homme ont été codifiéesen droit impératif sous la forme de deux traités –le Pacte international relatif aux droits écono-miques, sociaux et culturels (PIDESC) et le Pacteinternational relatif aux droits civils et poli-tiques (PIDCP). Ces deux traités, combinés à laDéclaration universelle des droits de l’homme,forment ce que l’on désigne sous le nom de Char-te internationale des droits de l’homme.

L’article 12 du PIDESC fournit l’expression laplus impérieuse du droit à la santé dans le droitinternational relatif aux droits humains. Les 148Etats Parties au Pacte international «reconnais-sent le droit qu’a toute personne de jouir dumeilleur état de santé physique et mentale qu’el-le soit capable d’atteindre».(168) En outre, le Pacteinternational inclut plusieurs autres droits quisont essentiels à la réalisation de ce droit à lasanté, y compris les droits à une nourriture(169) et àun logement suffisants,(170) à la sécurité et l’hygiè-ne du travail(171) et à l’éducation.(172) Bien que cesdroits doivent être exercés sans discriminationaucune quant à, notamment, l’origine nationale,le Pacte autorise spécifiquement les pays en déve-loppement à déterminer dans quelle mesure ilsgarantiront les droits économiques reconnus dansle présent Pacte à des non-ressortissants.(173)

Il convient de garder à l’esprit que le principe deréalisation progressive du plein exercice des droitshumains(174) impose aux Etats l’obligation d’agir,aussi rapidement et efficacement que possible, envue de la réalisation de ces droits. Ce principe estpar conséquent pertinent à la fois pour les paysles plus pauvres et les pays les plus riches, puis-qu’il reconnaît les contraintes dues aux ressour-ces disponibles tout en requérant de tous les paysqu’ils manifestent des progrès constants vers leplein exercice de ces droits.

Le Pacte international relatif aux droits civils etpolitiques (PIDCP) reconnaît aussi plusieurs

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Annexe II: Instruments juridiques etpolitiquesinternationauxet mécanismespertinents dansle domaine dela santé et dela migration

(164) Article 2 de laDéclaration universelledes droits de l’homme.(165) Article 25 de laDéclaration universelledes droits de l’homme.(166) CIEDR, article 5. Voiraussi la Déclaration duComité pour l’éliminationde la discrimination racialequi a été créé pour assurerle suivi de la mise enoeuvre de la Convention.Document UNCERD/226/Add.9,paragraphe 314.(167) CIEDR, article 1.(168) PIDESC, article 12.(169) PIDESC, article 11.(170) PIDESC, article 11.(171) PIDESC, article 7.(172) PIDESC, article 13.(173) PIDESC, article 2.3).(174) PIDESC, article 2.

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droits qui font partie intégrante de la réalisationdu droit à la santé, tels que les droits à l’informa-tion,(175) à la vie privée,(176) à la liberté de circula-tion(177) et à la sécurité de sa personne.(178) Le PIDCPrequiert des Etats qu’ils garantissent les droitsreconnus dans le Pacte à tous les individus setrouvant sur leur territoire et relevant de leurcompétence, sans distinction aucune.(179) Le Comi-té des Droits de l’Homme qui est l’organe chargéde superviser la mise en oeuvre du PIDCP aconfirmé qu’ «en général, les droits énoncés dansle Pacte s’appliquent à toute personne, …quelleque soit sa nationalité…».(180) Le Pacte comporteaussi une disposition de vaste portée contre la dis-crimination fondée sur l’origine nationale ou so-ciale, la naissance ou toute autre situation sociale,(181)

outre une disposition prévoyant expressément laprotection du droit à la non discrimination.(182)

Faisant fond sur la Charte internationale desdroits de l’homme, d’autres traités internatio-naux relatifs aux droits de l’homme ont été axéssoit sur des groupes ou catégories de populationspécifiques tels que les femmes et les enfants, etplus récemment les travailleurs migrants, soit surdes questions particulières telles que la discrimi-nation raciale.

La Convention sur l’élimination de toutes lesformes de discrimination à l’égard des femmes(CEDAF, 1979) s’applique à toutes les femmes,qu’elles soient ou non citoyennes des Etats Parties.La Convention comporte des dispositions visant àce que les Etats Parties éliminent la discriminationà l’égard des femmes dans le domaine des soins desanté en vue de leur assurer les moyens d’accéderaux services médicaux, y compris ceux qui concer-nent la planification de la famille, et des servicesappropriés et, au besoin, gratuits pendant la gros-sesse, pendant l’accouchement et après l’accou-chement, ainsi qu’une nutrition adéquate pendantla grossesse et l’allaitement.(183)

La Convention contre la torture et autres peinesou traitements cruels, inhumains ou dégra-dants (CCT, 1984) s’applique à toute personnequi a été soumise à la torture dans un territoiresous la juridiction de tout Etat Partie. Aucunepersonne ne sera expulsée, refoulée ou extradéevers un autre Etat où il y a des motifs sérieux decroire qu’elle risque d’être soumise à la torture.(184)

Plusieurs conventions établissant des normesinternationales spécifiques pour la sécurité et lasanté au travail ont été élaborées sous les auspicesde l’Organisation internationale du Travail (OIT),et largement ratifiées. Elles prévoient des normesde protection de la santé dans le cadre de l’emploiet sont donc applicables en particulier aux tra-vailleurs migrants et aux autres non-nationaux(tels que les réfugiés) exerçant un emploi ou uneactivité rémunérée. Par exemple, la ConventionN° 155 du BIT sur la sécurité et la santé des tra-

vailleurs (1981)(185) préconise l’application pro-gressive d’un ensemble de mesures de préventionet l’adoption d’une politique nationale cohérenteen matière de sécurité et de santé, tout en établis-sant à la fois la responsabilité des employeurs defaire en sorte que le travail et le matériel ne pré-sentent pas de risque pour la sécurité et la santédes travailleurs, et les obligations et droits des tra-vailleurs. En outre, il y a de nombreuses conven-tions, telles que la Convention N° 167 du BIT

concernant la sécurité et la santé dans la cons-truction (1988),(186) qui ont trait plus précisément àdivers secteurs d’activité économique et à diverstypes de matériel ou d’agents dangereux.

La Convention relative aux droits de l’enfant(CDE, 1989) dont la ratification est quasi-universelle, inclut le droit de l’enfant de jouir dumeilleur état de santé possible.(187) En outre, elleprévoit un cadre de protection qui est applicableà tous les enfants: «Les Etats Parties s’engagent àrespecter les droits qui sont énoncés dans la pré-sente Convention et à les garantir à tout enfantrelevant de leur juridiction, sans distinctionaucune, indépendamment de toute considéra-tion de race, de couleur, de sexe, de langue, dereligion, d’opinion politique ou autre de l’enfantou de ses parents ou représentants légaux, deleur origine nationale, ethnique ou sociale, deleur situation de fortune, de leur incapacité, deleur naissance ou de toute autre situation».(188)

La mise en oeuvre des traités fondamentaux enmatière de droits de l’homme fait l’objet d’unsuivi par des commissions d’experts indépen-dants connues sous le nom d’organes de sur-veillance de l’application des traités. Chacun deces traités(189) majeurs a son propre organe de sur-veillance et se réunit régulièrement pour analy-ser les rapports présentés par les Etats Parties etpour engager un «dialogue constructif» avec lesgouvernements quant au respect de leurs obli-gations en matière de droits humains. En vertude chacun des principaux traités sur les droitshumains, les organes de surveillance de l’appli-cation des traités des Nations Unies prévoient unmécanisme pour accroître la responsabilité desgouvernements en matière de droits humains.

©OIM/Chauzy 2003

(175) PIDCP, article 19.(176) PIDCP, article 17.(177) PIDCP, article 12.(178) PIDCP, article 6.(179) PIDCP, article 2.(180) Situation desétrangers au regard duPacte (Pacte internationalrelatif aux droits civils etpolitiques). Observationgénérale N° 15 (1986),paragraphe 1.(181) Ibid.(182) PIDCP, article 26.(183) Convention surl’élimination de toutes lesformes de discrimination àl’égard des femmes(adoptée le 18 décembre1979, entrée en vigueur le3 septembre 1981) (ci-après: CEDAF), article 12.(184) Convention contre latorture et autres peines outraitements cruels,inhumains ou dégradants(adoptée le 10 décembre1984, entrée en vigueur le28 juin 1987) (ci-après:CCT), article 3.(185) Convention (N° 155)du BIT concernant lasécurité, la santé destravailleurs et le milieu detravail (adoptée le 22 juin1981, entrée en vigueur le11 août 1983).(186) Convention (N° 167)du BIT concernant lasécurité et la santé dans laconstruction (adoptée le20 juin 1988, entrée envigueur le 31 janvier 1995).(187) Convention relativeaux droits de l’enfant(adoptée le 20 novembre1989, entrée en vigueur le2 septembre 1990) (ci-après : CDE), article 24.(188) CDE, article 2.(189) CCT, CIEDR, PIDCP,PIDESC, CEDAF, CDE.

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M i g r a t i o n s I n t e r n a t i o n a l e s , s a n t é e t D r o i t s H u m a i n s

En mai 2000, le Comité des Droits économiques,sociaux et culturels a adopté l’observation géné-rale N° 14 sur le droit au meilleur état de santésusceptible d’être atteint qui fixe les critèresvisant à la pleine réalisation du droit à la santé.(190)

Ce texte précise que le droit à la santé doit êtreinterprété comme le droit de bénéficier d’unensemble d’installations, de biens, de services etde conditions nécessaires à la réalisation dumeilleur état de santé susceptible d’être atteint, etsouligne que ces éléments doivent être disponi-bles, accessibles, acceptables et de bonne qualité.(191)

Il y a au sein du système des Nations Unies deuxmécanismes extraconventionnels qui sont parti-culièrement adaptés à la promotion et la protec-tion de la santé et des droits humains desmigrants. Le premier est représenté par le Rap-porteur spécial sur le droit de toute personnede jouir du meilleur état de santé physique etmentale susceptible d’être atteint, dont lesfonctions sont les suivantes:a) rassembler, solliciter, recevoir et échanger

des renseignements émanant de toutes lessources pertinentes, y compris des gouver-nements, des organisations intergouverne-mentales et non gouvernementales, surl’exercice des droits de toute personne dejouir du meilleur état possible de santéphysique et mentale;

b) établir un dialogue suivi et étudier lesdomaines de collaboration possibles avectous les acteurs pertinents;

c) rendre compte de la réalisation du droit à lasanté et de l’évolution dans ce domaine,notamment en ce qui concerne les lois, poli-tiques et pratiques les plus propices à lajouissance de ce droit, et des obstacles ren-contrés sur le plan interne et au niveauinternational dans sa réalisation;

etd) recommander des mesures propres à pro-

mouvoir et à protéger l’exercice du droit dechacun à la santé, en vue de soutenir lesEtats dans leurs efforts pour améliorer lasanté publique.(192)

Un autre mécanisme consacré à la santé et auxdroits humains des migrants est représenté parle Rapporteur spécial sur les droits de l’hom-me des migrants. Celui-ci est chargé de:

a) demander et recevoir des informations detoutes les sources pertinentes, y compris lesmigrants eux mêmes, au sujet des viola-tions des droits de l’homme commises àl’encontre des migrants et de leur famille;

b) formuler des recommandations appropriéesen vue de prévenir les violations des droitsde l’homme des migrants et d’y porter remè-de, partout où elles peuvent se produire;

c) promouvoir l’application effective des nor-

mes et règles internationales pertinentes enla matière ;

d) recommander des actions et mesures àmettre en oeuvre aux niveaux national,régional et international, pour mettre unterme aux violations des droits de l’hommedes migrants;

ete) adopter une approche sexospécifique dans

la demande et l’analyse d’informations, ets’intéresser particulièrement à la discrimi-nation multiple et à la violence qui s’exer-cent contre les femmes migrantes.(193)

Normes juridiquesinternationales propresaux non-nationauxEn vertu de la Convention de 1951 relative austatut des réfugiés, les réfugiés se verront accor-der le même traitement que les nationaux des142 Etats Parties en ce qui concerne la sécuritésociale, y compris pour ce qui est de la materni-té, la maladie, l’invalidité et la vieillesse.

Deux instruments spécifiques qui prévoient laprotection des droits fondamentaux au travail etdes droits humains des travailleurs migrants, etqui encouragent la coopération interétatique enmatière de migration de la main-d’oeuvre, ontété élaborés par l’OIT. La Convention N° 97 del’OIT concernant les travailleurs migrants(révisée)(194) couvre les individus qui migrent d’unpays à un autre en vue de travailler pour unemployeur. La Convention N° 143 de l’OIT surles migrations dans des conditions abusives etsur la promotion de l’égalité de chances et detraitement des travailleurs migrants(195) oblige lesEtats Parties à respecter les droits fondamentauxde l’homme de tous les travailleurs migrants -quel que soit leur statut juridique.

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(190) Voir la référencesous la note de bas depage 17.(191) Ibid., paragraphe 12.(192) Résolution 2002/31de la Commission desDroits de l’Homme,Conseil économique etsocial, Genève.(193) Résolution 1999/44de la Commission desDroits de l’Homme,Conseil économique etsocial, Genève.(194) Convention (N° 97)de l’OIT concernant lestravailleurs migrants(adoptée le 1er juillet1949, entrée en vigueur le22 janvier 1952). LaConvention est complétéepar la recommandation (N°86) concernant lestravailleurs migrants(adoptée le 1er juillet1949).(195) Convention (N° 143)sur les migrations dansdes conditions abusives etsur la promotion del’égalité de chances et detraitement des travailleursmigrants (adoptée le 24juin 1975, entrée envigueur le 9 décembre1978).

©OMS/Virot

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La dynamique qui a été à l’origine des négocia-tions engagées par les Nations Unies sur le pre-mier traité multilatéral visant à combattre lecrime organisé - la Convention des NationsUnies contre la criminalité transnationale orga-nisée (2000)(196) - est venue de la prise de cons-cience, dans la période qui a suivi la guerre froi-de, du fait que de nombreuses formes decriminalité transnationale organisée représen-taient une grave menace pour la démocratie. LaConvention, qui est entrée en vigueur le 29 sep-tembre 2003,(197) est complétée par le Protocolevisant à prévenir, réprimer et punir la traite despersonnes, en particulier des femmes et desenfants, qui prévoit des mesures en vue d’assu-rer le rétablissement physique, psychologique etsocial des victimes de la traite des personnes.(198)

Elle est également complétée par le Protocolecontre le trafic illicite de migrants par terre, airet mer, qui comporte également des mesuresrelatives à la protection et à l’assistance que lesEtats doivent apporter afin de protéger les droitsde ces groupes de migrants particulièrement vul-nérables.(199) Les deux Protocoles ont fait l’objetdes quarante ratifications requises et entreronten vigueur au début de 2004.(200)

La Convention internationale sur la protectiondes droits de tous les travailleurs migrants et desmembres de leur famille est entrée en vigueur le1er juillet 2003. L’une des idées maîtresses de cetteConvention est que les travailleurs migrants ontdroit à la protection de leurs droits humains fon-damentaux quel que soit leur statut juridique. Ellereconnaît en particulier le droit de tous les tra-vailleurs migrants et de leur famille à des soinsmédicaux d’urgence,(201) et le droit des travailleursmigrants qui sont pourvus de documents ou ensituation régulière et de leur famille à l’égalité detraitement avec les ressortissants de l’Etat d’em-ploi et à l’accès aux services de santé.(202) Elle pré-voit aussi une coopération entre les Etats pourprotéger les migrants, réduire l’immigration irré-gulière et l’exploitation des migrants et pour assu-rer leur retour dans la sécurité et la dignité.

Bien qu’il n’existe pas de traité juridiquementcontraignant qui traite expressément du traite-ment des personnes déplacées sur le territoire deleur propre pays, il est important de soulignerqu’elles ont tout autant droit à la protection dudroit international que tous les autres citoyens deleur pays. En outre, l’Assemblée générale desNations Unies a reconnu que les principes direc-teurs relatifs au déplacement de personnes àl’intérieur de leur propre pays,(203) bien que nonjuridiquement contraignants en eux-mêmes,sont fondés sur les droits humains existants etsur le droit humanitaire, et constituent le cadrenormatif international pour apporter protectionet assistance aux personnes déplacées sur le ter-ritoire de leur propre pays.

ConférencesInternationales(Engagements politiquespour garantir les droitshumains des migrants)Les conférences mondiales ont joué un rôle clépour guider les travaux des Nations Uniesdepuis leur création: elles incitent les gouverne-ments et les ONG à agir; elles établissent des nor-mes internationales et des principes directeursqui guideront les politiques nationales; elles off-rent un forum dans le cadre duquel de nouvellespropositions peuvent être débattues et unconsensus recherché; et elles mettent en place desprocessus moyennant lesquels les gouverne-ments prennent des engagements et font réguliè-rement état des progrès accomplis. Plusieursimportantes conférences récentes des NationsUnies ont expressément mis l’accent sur les liensentre migration et santé.(204) Bien qu’elles ne fas-sent pas partie du cadre juridique internationalofficiel des droits de l’homme, ces conférencesdonnent lieu à des déclarations et à des program-mes d’action qui représentent des engagementsde politique générale de la part des Etats-nations.

La Déclaration et le Programme d’action deVienne (1993) ont appelé à accorder «une grandeimportance à la promotion et à la protection desdroits des personnes appartenant à des groupesrendus vulnérables y compris les travailleursmigrants» et à l’élimination de toutes les formesde discrimination à leur égard. Ils ont instam-ment prié les Etats de créer des conditions prop-res à susciter plus d’harmonie et de toléranceentre les travailleurs migrants et le reste de lapopulation de l’Etat dans lequel ils résident.(205)

Le Programme d’action de la Conférence inter-nationale sur la population et le développementde 1994 inclut de nombreuses références auxmigrants et à la santé. Ainsi, il appelle instam-ment les gouvernements à fournir aux migrantset aux réfugiés un accès à des services de santéappropriés. Il demande aussi aux gouverne-ments de veiller à ce que les personnes déplacéessur le territoire de leur propre pays bénéficient deservices de santé de base, y compris de servicesde santé en matière de reproduction et de plani-fication familiale.(206)

Le Programme d’action de Beijing (1995)(207)

reconnaît que les femmes sont confrontées à desobstacles à une pleine égalité et à toute possibilitéde progrès du fait de leur race, langue, origineethnique, culture ou une autre situation. Il recon-naît aussi que des obstacles supplémentaires exis-tent pour les femmes immigrantes et migrantesdéplacées, y compris les travailleuses migrantes.Il appelle instamment les gouvernements àveiller à la pleine réalisation des droits humains

(196) Convention desNations Unies contre lacriminalité transnationaleorganisée (adoptée le 15novembre 2000, entrée envigueur le 29 septembre2003).(197) UN Conventionagainst TransnationalOrganized Crime to enterinto force on 29september. Vienne,Service de l’informationde l’ONU, 7 juillet 2003(communiqué de presseL/T/4373 - SOC/CP/263 ;http://www.un.org/News/Press/docs/2003/lt4373.doc.htm).(198) Voir la référencesous la note de bas depage 159, article 46.(199) Voir la référencesous la note de bas depage 160, article 16.(200) En avril 2004, lessignataires du Protocolecontre le trafic illicite demigrants par terre, air etmer étaient au nombre de112 et les Parties aunombre de 46. Lessignataires du Protocolevisant à prévenir, réprimeret punir la traite despersonnes, en particulierdes femmes et desenfants, étaient 117 et lesparties 52. Signatories tothe UN Convention againstTransnational Crimes andits Protocols. Vienne,Office des Nations Uniespour le contrôle desdrogues et la préventiondu crime, 2004(http://www.unodc.org/unodc/en/crime_cicp_signatures.html).(201) CTM, article 28.(202) Ibid., articles 43 et45.(203) Voir la référencesous la note de bas depage 149.(204) World MigrationReport. Genève,Organisationinternationale pour lesMigrations, 2002, p. 88.(205) Déclaration etProgramme d’action deVienne de la Conférencemondiale sur les droits del’homme, Vienne, 1993.Document des NationsUnies A/CONF.157/23,partie I, paragraphe 24 etpartie II, paragraphes 33et 34.(206) Programme d’actionde la Conférenceinternationale sur lapopulation et ledéveloppement, Le Caire,1994. Document desNations UniesA/CONF.171/13,paragraphe 922.(207) Déclaration etProgramme d’action deBeijing, QuatrièmeConférence mondiale surles femmes, Beijing, 1995.Document des NationsUnies A/CONF.177/20,paragraphes 58.k)-l) ;125.b)-c).

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de toutes les femmes migrantes, y compris les tra-vailleuses migrantes; à les protéger contre la vio-lence et l’exploitation; et à prendre des mesurespour permettre aux travailleuses migrantes ensituation régulière d’accéder pleinement à l’auto-nomie. Il demande aussi la mise en place de ser-vices accessibles sur les plans linguistique et cul-turel à l’intention des femmes et des petites fillesmigrantes, y compris des travailleuses migrantesqui sont victimes de violence en raison de leursexe, ainsi que la prise de conscience de la vulné-rabilité des travailleuses migrantes, dont le statutjuridique dans le pays d’accueil dépend d’em-ployeurs qui risquent d’abuser de la situation, àla violence et à d’autres formes d’abus.

Le document final de 1999 proposant les princi-pales mesures pour la poursuite de l’applicationdu Programme d’action de la Conférence duCaire (CIPD+5) demande instamment aux gou-vernements à la fois des pays d’origine et despays d’accueil «d’assurer aux migrants une pro-tection efficace [et] de fournir des services desanté de base et des services sociaux, y comprisdes services de santé en matière de sexualité et dereproduction et des services de planificationfamiliale…».(208) Le même document appelle aussià un soutien accru des populations réfugiéespour sauvegarder leur santé et leur bien-être.

Le Rapport final Beijing+5 (2000) a réitéré lesnotions clés qui figuraient dans la Déclaration etle Programme d’action de Beijing de 1995. Ledocument a également souligné les risquesdécoulant, pour la santé des femmes et des filles,des effets de la mondialisation sur les flux migra-

toires de main d’oeuvre: il s’agit d’un problèmeactuel qui entrave la mise en oeuvre intégrale dela Déclaration et du Programme d’action de Beijing.(209)

La Déclaration d’engagement sur le VIH/SIDAadoptée par la session extraordinaire de l’As-semblée générale des Nations Unies en juin2001 appelle instamment les gouvernements àélaborer et à commencer à appliquer, aux niveauxnational, régional et international, des stratégiesqui facilitent l’accès aux programmes de préven-tion du VIH/SIDA pour les migrants et les tra-vailleurs mobiles, d’ici à 2005, notamment enfournissant des informations sur les services sani-taires et sociaux.(210)

La Conférence mondiale contre le racisme, ladiscrimination raciale, la xénophobie et l’into-lérance qui y est associée, qui s’est tenue à Dur-ban, en Afrique du Sud, en 2001, a en particulierinvité instamment «tous les Etats à interdire touttraitement discriminatoire à l’égard des étran-gers, des travailleurs migrants au motif de la race,de la couleur, de l’ascendance ou de l’originenationale ou ethnique, notamment, le caséchéant, en ce qui concerne l’octroi de visas, depermis de travail, le logement, les soins de santéet l’accès à la justice».(211) En outre, elle a recom-mandé aux pays accueillant les migrants d’«envi-sage[r] de leur fournir à titre prioritaire des servi-ces sociaux adéquats, notamment en matière desanté…, en coopération avec les institutions desNations Unies, les organisations régionales et lesorganismes financiers internationaux».(212)

Le Plan d’action international sur le vieillisse-ment adopté par la Deuxième Assemblée mon-diale des Nations Unies sur le vieillissementqui s’est tenue à Madrid en 2002 appelle à l’inté-gration des migrants âgés dans leurs nouvellescommunautés moyennant «des mesures visant àaider les migrants âgés à continuer de bénéficierd’une sécurité économique et sanitaire».(213) ◆

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(208) Principales mesurespour la poursuite del’application duProgramme d’action de laConférence internationalesur la population et ledéveloppement, New York,1999. Document desNations Unies G.A. RES/S-21/2, paragraphe 24.a).Voir également laréférence sous la note debas de page 204,paragraphe 88.(209) Rapport du Comitéplénier spécial de la vingt-troisième sessionextraordinaire del’Assemblée générale, New York, 2000. Document des NationsUnies A/S-23/10/Rev.1.(210) Résolution adoptéepar l’Assemblée générale :Déclaration d’engagementsur le VIH/SIDA. New York, 2001. Document des NationsUnies A/RES/S-26/2.(211) Rapport de laConférence mondialecontre le racisme, ladiscrimination raciale, laxénophobie etl’intolérance qui y estassociée, Durban 2001.Document des NationsUnies A/CONF.189/12,Programme d’action,paragraphe 81.(212) Ibid., Programmed’action, paragraphe 30.(213) Plan d’actioninternational, DeuxièmeAssemblée mondiale sur levieillissement, Madrid,2002. Document desNations UniesA/CONF.197/9, annexe 2.