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  • D. Leclercq (2004) - Mthodes de Formation et Thories de lApprentissage Evnements dApprentissage. Editions de lUniversit de Lige Chap 7 : D. Leclercq & M. Poumay, La mtacognition - page 1/45

    Mthodes de Formation et Thories de lApprentissage

    Chapitre 7

    La Mtacognition

    Dieudonn Leclercq et Marianne Poumay1

    A. Une tonnante absence

    B. Les caractristiques de la mtacognition

    C. Les jugements mtacognitifs

    D. Les analyses mtacognitives

    E. Les rgulations mtacognitives

    F. Les thories explicatives des processus mtacognitifs

    G. Les mthodes et consigne de recueil des jugements

    H. Connaissance partielle, auto-valuation et docimologie

    I. Les qualits mtriques des donnes mtacognitives

    J. Interventions formatives sur la mtacognition

    K. Conclusions et perspectives

    L. Rfrences

    1 Directrice du LabSET (Laboratoire de Soutien lEnseignement Tlmatique) de lUniversit de Lige.

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    A. Une tonnante absencequi sexplique Alors quau terme dune mta-analyse2 sur les facteurs affectant lapprentissage Wang, Haertel et Walberg (1990) concluent Parmi les variables cognitives et affectives, cest la mtacognition qui influence le plus lapprentissage (cit par Tardiff (1992), il faut bien constater, avec Bereiter & Scardamalia (1989), que la formation scolaire actuelle supporte peu les apprenants dans le dveloppement de connaissance sur la connaissance (p. 380). Nous pensons que cette situation est due trois causes fondamentales. La premire est que la pratique gnralise de la mtacognition dans lapprentissage est un phnomne trs rcent dans lhistoire de lhumanit. La deuxime raison est le manque de modles porteurs de clarifications thoriques suffisantes relatives lapprentissage, la connaissance et la mtacognition. La troisime raison est le manque de mthodes, doutils et d indices qui soient dots la fois de validits thorique et consquentielle et de qualits de simplicit dans lutilisation quotidienne. Nous reprenons sparment ces trois causes. Cause 1 : Un vnement dapprentissage non gnralis Contrairement dautres Evnements dApprentissage 3 tels que la modlisation / observation ou la transmission / rception , etc., la mtacognition est dapparition trs rcente dans les mcanismes gnraliss dapprentissage. Nous disons gnraliss car il est vident que des penseurs comme Socrate (Connais-toi toi-mme), Descartes (Je pense donc je suis Discours de la Mthode), Pascal (Thorie des dcisions), Bernouilli (Thorie de lutilit), Damasio (Lerreur de Descartes Le sentiment mme de soi) et bien des philosophes, anciens et modernes, non seulement ont eu recours la mtacognition, mais en ont propos des analyses et des thories. Nanmoins, lusage qui en a t fait na concern quune proportion infime dtres humains en regard de tous les pratiquants potentiels. Pour la trs grande majorit des hommes, leurs reprsentations personnelles relatives aux contenus aussi bien quaux mcanismes dapprentissage restent largement inconscients et ne font lobjet ni de jugements ni danalyses systmatiques fonds sur des dmarches ou des rfrences stables. Nous disons systmatiques parce quil arrive, au hasard des circonstances, que de tels processus interviennent, plus chez certaines personnes que chez dautres. Cest un dfi pour lducation contemporaine de provoquer lirruption massive de la mtacognition parmi les EPA, comme elle a fait irruption, sous le terme de rflexivit chez les enseignants sous limpulsion des travaux de Schn (Le praticien rflexif, 1983). Ce dernier distingue la capacit de rflchir la fois dans (le feu de) laction (en situation durgence) et sur laction (aprs coup). Cause 2 : Un flou conceptuel A la lecture de la dfinition initiale de Flavell et de celle propose par Gombert quinze ans plus tard, on est frapp par la filiation, voire la quasi quivalence, si ce nest le renforcement par des termes des notions de conscience et dintentionnalit 4, dj prsentes mais moins explicitement chez Flavell : Flavell (1976, 232) : La mtacognition fait rfrence la connaissance quon a de ses propres processus cognitifs et de leurs produits ou de ce qui leur est reli, par exemple, les proprits diffrentes des informations ou des donnes pertinentes pour leur apprentissage. La mtacognition se rapporte, entre autres choses, au contrle actif, la rgulation et lorchestration de ces processus en fonction des objets cognitifs et des donnes sur lesquels ils portent, habituellement pour servir un objectif ou un but concret. 2 Par mta-analyse, on entend le rassemblement, laide dune mtrique commune (le calcul dindices dAmpleur

    de lEffet) de rsultats issus dexpriences ayant la mme mthodologie exprimentale (comparaison de groupes exprimentaux et de groupes contrle), mais pas les mmes instruments, donc pas la mme mtrique.

    Nous aurons loccasion, plus en avant dans cet article de discuter de lutilisation du prfixe mta , issu du grec, dans mta-analyse et dans mta-cognition .

    3 Voir Leclercq (2003a) 4 Nous avons mis en gras ces deux mots dans la dfinition de Gombert.

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    Gombert (1990, 27) : Mtacognition : Domaine qui regroupe (1). les connaissances introspectives conscientes quun individu particulier a de ses propres tats et processus cognitifs ;(2). les capacits que cet individu a de dlibrment contrler et planifier ses propres processus cognitifs en vue de la ralisation dun but ou dun objectif dtermin . De nombreux chercheurs (Brown, 1994, Nol, 1991 ; Nol, Romainville et Wolfs, 1995) reconnaissent le manque doprativit de ces dfinitions. Nous essayons ici de les pallier par une dfinition plus oprationnelle, plus susceptible de guider laction.. Par cognition , nous entendons les savoirs, savoir-faire et savoir-tre conscients dune personne dans de multiples domaines. Le Dcrt-Missions de 1997 (article 5) dans sa dfinition de comptences ajoute au concept de cognition les notions dorganisation, dintgration et dapplication des tches particulires : Laptitude mettre en uvre un ensemble organis de savoirs, de savoir-faire et dattitudes permettant daccomplir un certain nombre de tches . A lintrieur de la cognition, nous accorderons une attention spciale la cognition mathtique 5, c--d les savoirs, savoir faire et savoir tre de la personne sur lapprentissage (en gnral), y compris sur lvaluation des apprentissages, sur les institutions dapprentissage, sur les ressources et moyens dapprentissage, etc.

    Nous dfinissons la mtacognition comme suit : Jugements, analyses et/ou rgulations observables effectus par lapprenant sur ses propres performances (processus ou produits dapprentissages) , ceci dans des situations de PRE, PER ou POST performance.

    Cette dfinition dtermine un tableau 9 cellules contenant chacune deux aspects, donc 18 possibilits de classement. Si lon considre les Degrs de Certitude (mentionns DC dans le schma), par exemple, ils ne constituent quune des approches possibles dune de ces 18 possibilits : le jugement PER sur les produits. Par contre, les dialogues mtacognitifs dont il sera question plus tard couvrent lensemble du champ (de la colonne) POST. PRE PER POST Jugement Sur le processus

    Sur le produit

    Sur le processus Sur le produit

    Sur le processus Sur le produit

    Analyse Sur le processus Sur le produit

    Sur le processus Sur le produit

    Sur le processus Sur le produit

    Rgulation Sur le processus Sur le produit

    Sur le processus Sur le produit

    Sur le processus Sur le produit

    Cause 3 : Manque dinstrumentation La psychologie scientifique, via les approches rflexologiques, associationnistes, constructivistes, cognitivistes, instrumentalistes, a, depuis un sicle, permis une meilleure comprhension des mcanismes mentaux. Leur valuation a, elle aussi, fait lobjet de travaux, en psychologie comme en pdagogie. Cependant, depuis la cration en 1974 par Carver du terme Edumtrie dans son article Two dimensions of tests : Psychometric and edumetric , on ne peut que constater que cest la psychomtrie qui a le plus (encore) dvelopp les concepts et instruments typiques de sa mtrique. Cest le cas pour le modle de Rasch, pour la thorie des traits latents, destins au testing pdagogique, mais procdant de techniques largement inspires de la psychomtrie, entre autres dindices de discrimination comme la corrlation point bisriale, la pente des Item Characteristic Curves, fonds sur des repres normatifs. Le prsent chapitre renforcera et dveloppera des pistes typiquement dumtriques fondes sur la connaissance partielle, son auto-valuation via des degrs de certitude, via le calcul de scores de ralisme individuels et diagnostiques, haute validit consquentielle, via la reprsentation des connaissances au moyen dune distribution spectrale dont lidal est la courbe en J et non la courbe de Gauss.

    5 Du grec ancien a??a?? qui signifie japprends

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    B. Les caractristiques de la mtacognition 1. Trois types doprations portant sur les performances : a) Les jugements sont des valuations par lapprenant lui-mme du degr de qualit (ou du degr de certitude dans lexactitude) dune rponse ou du degr de satisfaction qu il attribue sa performance, ou sa comptence (par exemple par anticipation de la performance) si la performance na pas encore eu lieu. Ex : Jestime mon score le plus probable au test de demain 60% de russite . b) Les analyses sont les justifications et explications (les pourquoi), c--d les laborations, les explications que lapprenant donne la qualit de sa performance, ainsi que les attributions causales de ce qui lui arrive (voir plus loin). Ex : Jai tendance lire trop superficiellement la question et tenter de trouver la rponse (dans les solutions proposes) avant de lavoir comprise rellement. c) Les rgulations sont les reconductions ou changements dans les mthodes de travail, dans les habitudes, dans lenvironnement, les dcisions, etc.). Elles correspondent ce que Gombert appelle les capacits quun individu a de contrler et planifier ses propres processus cognitifs en vue de la ralisation dun but ou dun objectif dtermin . Ex : Dans un examen, dsormais, je commence par me demander si lnonc ne contient pas une absurdit, puis jentoure au crayon les mots-cls dun texte et je les relie via les mots qui indiquent des relations. 2. Trois moments Nous distinguons trois situations dactivit mtacognitive : avant (PRE), pendant (PER) et aprs (POST) une performance, une activit dvaluation ou dapprentissage reprable dans le temps. La situation PRE est omniprsente, cest la situation de base : nous sommes dans un certain tat de connaissance ou plutt de reprsentation personnelle du monde, de nous-mme, de lapprentissage, de lvaluation, etc. Sur cette base, nous prenons des dcisions, consciemment ou inconsciemment sur des sujets AVANT den avoir lexprience profonde, prcise et dtaille, bref avant leur performance sur le sujet : le choix dtudes, le choix de profession, le choix de tches, le choix de collaborateurs, le choix de loisirs, etc. Dans lmission TV Questions pour un champion , le candidat doit choisir entre quatre thmes celui sur lequel il souhaite tre interrog. Le candidat estime sa force ( rpondre aux questions dun test) dans chacun des quatre thmes, mais AVANT de connatre les questions. Nous sommes rarement tests (preuve standardise, instrumente) en situation PRE car ds quil y a testing, la ou les mthodes dobservation interfrent avec les donnes (nous ne nous souvenons de certaines choses que si on les sollicite explicitement, nous ne fournissons certains dtails que si on nous les demande), et lobserv son tour ragit aux mthodes (ne pas tout dire, prtendre connatre plus (ou moins) que ce quil pense, etc. ). La situation PER. Cette situation peut durer des mois (la priode de formation) ou quelques minutes : le temps dun testing, dune valuation, dune preuve, de la remise de ses rsultats ou dun apprentissage intentionnel. Cest le plus souvent ces occasions que sont recueillies de faon systmatique et approfondie ( un degr de subtilit proche du maximum possible ) des donnes cognitives et mtacognitives. Quand les rponses correctes ne donnent pas lieu discussion, contestation, il est possible, aprs la communication des rponses correctes, de calculer des indices mtacognitifs comme Confiance, Prudence et Discriminance permettant un feedback facilitant lvaluation des PER-dictions. Il sagit ci de situations o lapprenant est confront des tches prcises (des performances) excuter, soit de sa propre initiative, soit sur sollicitation dun observateur (un professeur, un employeur, etc.), soit par hasard (ranimer une personne qui seffondre en rue), bref sous forme dpreuve ou dexamen ou de test6 ou de rsolution de problme ou encore dapprentissage7. 6 Parmi les preuves, les examens comportent la consquence russite chec et les tests ont la particularit dune application

    standardise (les m^mes conditions pour tous), ce que ne sont pas des examens oraux par exemple.

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    La diffrence entre les situations PRE-Test et les situations PER est que dans ces dernires, lapprenant connat maintenant les circonstances et/ou questions ou tches prcises, les rponses quil a essay dy apporter, les difficults quil a prouves et les efforts quil a dploys pour y arriver. A la diffrence de la situation POST, dans la situation PER, lapprenant ne connat pas encore les rponses modles (ou correctes) attendues par lobservateur (le testeur), ou par la situation-problme (la personne reviendra-t-elle la vie ? Gardera-t-elle des squelles ?). La situation POST. Dans cette situation, le sujet a pu fournir des rponses des problmes, puis disposer des rponses dautrui (expert, pairs) et les comparer aux siennes, mais il y a matire discussion. Mme quand lexpert est incontestable, le jugement de qui a raison fait problme ; a fortiori quand les rponses dautrui sont celles de pairs. Sengage alors un processus de jugement comparatif requrant dune part de se dcentrer (prendre en compte du point de vue dautrui) et dautre part dtre exigent vis--vis de soi comme vis--vis dautrui. Les notions dAuto-complaisance, dauto-laxisme, dauto-indulgence ou au contraire dauto-svrit sont ici centrales. Cest un dfi pdagogique de dvelopper des mthodes o lvaluateur observe prcisment ces variables-l pour en donner lapprenant une image la plus objective possible, mme si elle reste parcellaire et ponctuelle. Lire un texte crit par un expert sur un contenu dont nous avons une connaissance partielle est une situation de type POST : nous avions des pr-reprsentations, des pr-notions. Elles sont confrontes dautres, celles de lexpert. Que croire ? Que revoir ? La mtacognition post-performance vise permettre lapprenant dadapter ses stratgies ultrieures, ses ractions futures, ses dcisions dactions, son rapport la matire, son analyse des problmes. Cette situation de post jugement, post analyse et post rgulation est trs frquente dans la vie adulte, et doit tre entrane pour tre pertinente et efficace. La situation POST est quasi prsente en permanence dans lEvnement dApprentissage que nous avons appel Dbat 8, ou Confrontation de points de vues . En effet, pour que le dbat aie une valeur ajoute mathtique (contribuant lapprentissage), il ne suffit pas que les apprenants travaillent en groupe, ni que leurs ides sopposent, se complmentent, sentrechoquent, encore faut-il que tout cela produise des effets dans lesprit des lapprenants. Des dbats peuvent tre striles si chacun reste fig sur ses positions. 3. Deux objets : a) Les produits La mtacognition peut porter sur les produits (les rsultats) : - Ce que je suis capable de me rappeler et ce que jai oubli. - Les qualits de ce que jai produit : ma performance est-elle correcte ? complte ? rapide ? autonome ? thiquement dfendable ? conome (peu coteuse) ? fluide ? flexible ? originale ? dtaille ou sophistique ? (on reconnat, dans les quatre derniers critres les ides de Torrance) - Les consquences de mes actions : quel effet (sur les lecteurs de mon texte par exemple) aura mon travail et pourquoi. b) Les processus La mtacognition peut porter sur les processus (les dmarches) dapprentissage : - La ncessit ressentie dapprendre : pour rpondre quel besoin, quel manque, quel dsir ? - La slection des contenus apprendre et des ressources (dans quels livres ? avec quels sites web ?) - Lautofixation de la difficult des tches et leur rpartition dans le temps - Les moments et leur pnibilit ou leur attrait ressentis : le dmarrage, la rcolte de donnes, la synthse, la mise au net, etc. - Les critres darrt (quand cest suffisamment bon pour tre prsent autrui, quand jai assez tudi pour marrter, mes seuils de satisfaction dans diverses matires)

    7 Pour Bereiter et Scardamalia, tout apprentissage est une rsolution de problme. 8 Leclercq et Poumay, 2003b

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    - Lvolution, au cours du temps, de la satisfaction ressentie de la tche accomplie, du niveau atteint, des progrs faits. 4. Des donnes conscientes, affectives, et volontairement subjectives Lors dune activit, la mtacognition peut9 constituer une irruption massive de la conscience dans des processus mentaux qui sont continus, car mme la nuit, quand lapprenant dort, son cerveau se gre et organise ses connaissances, mais de faon inconsciente. Dans la mtacognition, laffectif est intimement ml au cognitif, tout spcialement dans lopration mtacognitive de jugement (de sa performance), car il est difficile de distinguer le jugement sur la performance du jugement sur la personne. On voit lirruption de mcanismes de dfense, de dni, de surestimation, sous-estimation, etc. Nous nous baserons sur lintrospection mtacognitive et plus prcisment encore sur ce que nous pouvons en connatre via son expression par lapprenant. Laspect subjectif des donnes rcoltes est prcisment ce qui fait la richesse de la mtacognition : le sujet est acteur de son questionnement. 5. Des exigences de qualits mtriques La mtacognition fait abondamment appel lauto-valuation (subjective) et lauto-observation, sans exclure les allo-valuations (subjectives elles aussi) et les mesures objectives, tout spcialement des fins de comparaison, de confrontation. Nous suggrerons des mthodes et techniques visant rendre les pratiques mtacognitives entre autres plus valides (thoriquement fondes), plus fidles (permettant une tude objective de la subjectivit), plus diagnostiques et suivies deffet (offrant une validit consquentielle), plus praticables, etc. Ces qualits seront dveloppes plus loin. 6. De multiples facettes. Limportante composante auto-valuation de la mtacognition peut tre caractrise, comme les autres valuations, par de multiples facettes ou dimensions telles que critrielle ou normative (se situer par rapport aux autres), sanctionnante ou formative , etc. (voir D. Leclercq, 1999, chap 1 : La Rose des vents de lEvaluation ). 7. Une ncessaire contextualisation Lobjet sur lequel porte la mtacognition en influence la nature et la difficult. Par exemple, pour toute performance cognitive considre, on tentera de prciser tant les processus mentaux considrs que les produits. Par exemple, on recourra la taxonomie de Bloom, pour spcifier si la mtacognition porte sur la recognition (ou le rappel) de connaissances, la comprhension, lapplication, lanalyse, la synthse ou encore lvaluation. Les jugements sur la tche et sur la consigne peuvent influencer les jugements sur sa propre performance. Par exemple, Nol (1991, 12) cite lvolution avec lge de la prise de conscience du caractre incomplet (Markman, 1977) et de lincohrence (Markman, 1978) dun message, chez des enfants. Considrant que cette capacit doit tre entrane systmatiquement, mme dans lenseignement suprieur, Leclercq (1986, 127-144) introduit dans les QCM des Solutions gnrales Implicites telles que Aucune, Toutes, Manque de donnes pour rpondre, Absurdit dans lnonc . Bien que cela relve de la comprhension et non de la mtacomprhension, la nature de la question peut interfrer de faon observable tant objectivement (les taux de russite diffrent selon les types de questions) tantt subjectivement (la difficult ressentie varie selon les questions)10. 9 Nous disons peut car la mtacognition consciente et systmatique est trop peu dveloppe. 10 Ainsi, dans des preuves sur la Psychologie de lapprentissage et la Technologie de lducation passes par des tudiants universitaires en 2 candidature en psychologie, Leclercq (1993, 222) constate que, par rapport une QCM dont la Rponse Correcte (RC) est explicite (QCM-RCExpl), les QCM-RC Aucune ncessitent un dlai de rponse plus grand et les QCM -RC Absurdit un dlai plus court. Les QCM-SGI ont t moins bien russies que

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    Sur la ncessit dentraner les lves se rendre compte quune question demande des prcisions, citons Cohen (1963,38) : Dans nombre de nos coles, on semble enseigner aux enfants quil nexiste que des questions lemporte pice, auxquelles doivent tre donnes des rponses galement lemporte pice. [] Face une question qui ne comporte pas une rponse valable unique, ils sont dconcerts, effars, et se raccrochent nimporte quel indice, si mal choisi soit-il [] Il est du devoir du matre de surveiller de prs llve qui prfre une donne claire quoiq ue incorrecte, [la reconnaissance de] lambiguit. 8. Le niveau dimplication et dautonomie de ltudiant dans la mtacognition On distinguera par exemple la mtacognition spontane de la mtacognition sollicite. Ainsi, certains tudiants tiennent rgulirement un carnet de bord , alors que dautres ne pratiquent la mtacognition que lorsque le formateur le propose (vous pouvez fournir des degrs de certitude) ou limpose (vous devez justifier votre certitude). On distinguera aussi la mtacognition autonome de la mtacognition assiste. A ct des donnes subjectives fournies par ltudiant, il est possible de recueillir des donnes objectives sur la performance de lapprenant, par observation directe ou, par ordinateur, via des traces (Georges, 2003). Par exemple, dans un test, lordre de rponse aux questions, le nombre de modifications de rponses, les demandes daide, leur degr de profondeur, la nature et la dure de consultation des aides, la vitesse de rponse, les commentaires ajouts au texte de base (points dinterrogation sur certains mots, OK sur dautres, etc.). 9. Une ncessaire rserve La performance mtacognitive peut varier selon les types de performances et de contenus. Il ne faudrait pas tirer des conclusions sur les capacits mtacognitives dun tudiant ou des tudiants au-del des donnes observes en un lieu, en un temps et dans des circonstances prcises. Jans (1994) a montr que des lves de cinquime anne primaire taient capables de crer des problmes (de gomtrie) comportant des manques et des absurdits et dy rpondre ( celles fabriques par dautres) avec des taux de russite levs, alors que les Questions Rponse Correcte Manque sont les moins bien russies chez des tudiants universitaire dans un autre domaine (la psychologie). Ces diffrences de qualit de performances peuvent tre imputes diverses cause. Lune dentre elles est le contenu (il est facile de se rendre compte quil manque la hauteur pour pouvoir calculer laire dun triangle). Une autre est le type dentranement dont ont bnfici les apprenants, comme le montre lexemple ci-aprs. DHainaut et Michez (1979) ont utilis une mthodologie, recourant la cration avec des lves de 6 primaire. Ils leur ont demand, une fois par jour pendant 20 jours, dinventer des problmes (mesure de laire du carr et du rectangle, pourcentages et intrts). Ils ont montr quils taient capables de rsoudre beaucoup mieux les problmes (distribution noire) que leurs condisciples forms plus traditionnellement (distribution claire des notes). les QCM -RCExpl (66% en moyenne), tout spcialement les QCM -RC manque (28% en moyenne), alors que leur indice de discrimination moyen (rpbis) a t le mme (0,29). Les QCM-RC Absurdit , aussi bien russies (66%) que les QCM-RCExpl, ont eu un indice de discrimination plus lev (0,42).

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    C. Les jugements mtacognitifs

    C1. Les jugements PRE dauto-performances (futures) Brown (1978) constate que, pour les jeunes enfants, il savre plus difficile destimer leur russite une tche avant quon la leur propose, plutt quaprs quils aient tent dy apporter une rponse. Moynahan (1976), Brown et Lawton (1977) attribuent cette difficult au niveau dabstraction quune telle prdiction nessite. Prdire avant de rpondre repose sur la capacit dimaginer un produit non encore ralisQuand on demande des enfants dge prscolaire , de 2 et de 4 annes, destimer ltendue de leur mmorisation, on observe chez les plus jeunes une surestimation du nombre ditems dont ils pourront se rappeler.Les rsultats [de Brown] indiquent que les enfants deviennent plus conscients de la difficult dune tche au fur et mesure quils progressent en maturit[] Les jeunes enfants prouvent beaucoup de difficults apprcier sils connaissent assez le matriel pour le restituer intgralement si on le leur demandait. (Nol, 1991, 25). Cette dernire capacit (estimer quand on est prt affronter une valuation avec succs) est au cur de lIndividually Prescribed Instruction de Pittsburgh (Leclercq, 2003a,11). LIPI pratiquait le principe des self reliant students o les lves gagnent et perdent le privilge de lautovaluation (o ils dcident du moment o ils se testent sur ordinateur) selon quils atteignent ou non le score de 85% de russite. C2. Les jugements PER de ses performances actuelles Nous parcourons ci-aprs quelques approches et leurs mthodes a) Interview (crit ou oral) Le plus souvent, cest lapprenant lui-mme qui se questionne, qui se souffle des stratgies. Dans lexemple ci-dessous, nous soulignons laspect subjectif (et autorflexif) et nous indiquons entre parenthses les actions de rgulation qui suivent naturellement lesanalyses (en italique) et les jugements (en gars) en situation PER.

    Ex. lors dun examen crit par QCM : Maintenant que je vois les questions, quelles sont celles qui auxquelles je pense pouvoir fournir rapidement la rponse correcte avec une certitude leve (pour commencer par celles-l) ? Oui/Non pour chacune . Arriverai-je faire lessentiel et suffisant dans le temps disponible (pour dcider quand je reviendrai sur les questions sautes ? Oui/non. Y a-t-il plusieurs questions pour lesquelles je souponne un manque de donnes (pour leur attribuer une certitude appropri) ? Lesquelles ? c--d Oui/Non pour chacune . Pour quelles questions ai-je le sentiment quil est utile dexpliquer mon point de vue lenseignant ? (pour crire une justification de ma rponse comme on me le permet) ? c--d Oui/Non pour chacune , etc.. .

    Un entranement lanalyse mtacognitive se fait aussi par ce mode de questionnement assist par lenseignant qui, assis aux cts de lapprenant, rflchit tout haut avec lui. b) Le sentiment de connatre Le Feeling of Knowing (FOK) consiste demander au sujet un jugement aprs son chec en rappel sur la probabilit de reconnatre la rponse correcte (Nhouyvanisvong & Reder, 1998). La consigne est du type : Vous tes dans limpossibilit de vous rappeler du nom de.(de vous souvenir des traits du visage de..) Quelle est votre probabilit de le(s) reconnatre parmi une liste de noms (de photos)

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    prsent(e)s ? . Cette consigne, on le voit, fait suite une erreur par omission . elle pourrait aussi tre applique, mutatis mutandis, aprs une erreur par commission (fournir une rponse incorrecte). Le FOK est bas sur la quantit totale dinformation partielle accessible propos du contenu-cible et sur la facilit avec laquelle elle vient lesprit (Koriat, 1998, 16). Cette situation est rapprocher trs fort du phnomne du Tip Of the Tongue ou TOT ( je lai sur le bout de la langue ). Cette consigne FOK ne devrait tre utilise systmatiquement que dans les cas o seule la recognition a du sens (de dtection par exemple). Comme Nhouyvanisvong & Reder (1998,35), nous pensons que le FOK est un processus qui prend place dans les premires secondes de rponse une question de mmoire qui amne dcider si on recherche (dans sa mmoire) ou si on rpond je ne sais pas . Reder (1987) a observ que le dlai pour mettre des jugements FOK sur la rapellabilit dune question est infrieur celui ncessaire pour retrouver la rponse elle -mme. (cit par Koriat, 1998, 19). A ce titre, il est un mcanisme de slection de sa stratgie cognitive. c) Les Degrs de Certitude pour les performances isolables Selon Ebel (1965), Cest un mode de rponse spcial aux questions dun test objectif et un mode spcial de cotation de ces rponses. En bref, le sujet doit indiquer non seulement ce quil croit tre la rponse correcte la question, mais aussi quelle est sa certitude dans lexactitude de sa rponse. Au moment de la cotation, le sujet reoit plus de points pour une rponse correcte avec certitude que pour une rponse accompagne dun doute. Mais a pnalisation dune rponse incorrecte avec certitude est suffisamment lourde pour dcourager les dclarations de confiance non fondes. (cit par Leclercq, 1983, 163). Cette technique a connu beaucoup de dveloppements. Nous lui consacrons les sections du prsent chapitre.

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    d) Les grilles dvaluation de performances complexes Voici une grille qui a t utilise (Jans 200, 215) en situation PER avec les 28 tudiants dun cours de D. Leclercq (Techno de lEducation), men par la mthode des PARMs (Jans et al., 1998). Chacun des tudiants tait invit fournir, en plus de son travail crit, une autovaluation de sa performance sur chacun des critres suivants :

    On peut reprsenter la relation entre le jugement dtudiants et celui de lenseignant. Voici, pour un critre (prsentation dun article de revue lu) du genre de ceux voqus ci-dessus, et pour 21 tudiants, en abscisse les % de qualit de leur travail jugs par les tudiants et, en ordonne, les % de qualit jugs par lenseignant. Certains points reprsentent 2 ou 3 observations (superposes sur le graphique).

    De la comparaison de ces deux subjectivits, il apparat que la corrlation est faible (0,25) mais positive. Pratiquement, TOUS les tudiants se sont jugs satisfaisant (gal ou au-del de 0,5), alors que lenseignant donne une note infrieure 0,5 pour 3 dentre eux. En outre, UN tudiant (le plus gauche sur le graphique), sest octroy un jugement beaucoup plus svre (0,5, le plus bas de toutes les auto-jugements) que le professeur (qui lui attribue 0,9). Deux autres tudiants, auxquels le professeur a octroy respectivement 0,9 et 1 sont plus modestes que le jugement du professeur leur sujet. tous (ils sortent des pointills ). La majorit (15 sur 21) des tudiants sont dans les pointills, ce qui indique une concordance entre le jugement du

    professeur et le leur. Il y a 3 exceptions vers le bas (professeur plus svre que ltudiant) et 3 vers le haut (tudiant plus svre que le professeur). Comment les tudiants interprteront-ils ces divergences quand ils en auront pris connaissance ? Cest un problme de jugement POST qui sera intimement li lanalyse. Cest pourquoi nous le traiterons dans lanalyse POST.

    - Critre 3 - disp. 4 - (r=0,25)Prsentation de l'article

    3

    2

    3

    0

    0,1

    0,2

    0,3

    0,4

    0,5

    0,6

    0,7

    0,8

    0,9

    1

    0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1

    Autoestimations des tudiants (N=21)

    Est

    imat

    ion

    s d

    u p

    rofe

    sseu

    r

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    C3. Les Jugements POST sur les performances Sauf lorsquil y a contestation de lallovaluation porte sur sa performance, le jugement POST est ladoption du jugement port par autrui ou par un systme. Par exemple, luniversit de Lige, en Facult de Psychologie et des Sciences de lEducation, dans le cadre du projet MOHICAN1, sest droule lopration RESSAC (Leclercq, 2003). Elle a consist fournir chaque tudiant avant la bloque une reprsentation graphique de ses performances en CONNAISSANCES (de mmoire) et en UTILISATION des connaissances (ou comprhension) dans 12 preuves : 4 de MOHICAN en octobre 1999 et 8 en janvier 2000 (leurs partiels dans 4 cours, avec, pour chaque cours, deux sous-notes). Quand le rsultat de ltudiant est suprieur la moyenne (note Z positive), le graphique montre un btonnet dpassant vers la droite. Lorsque le rsultat est suprieur a moyenne (note Z ngative), les btonnets dpassent vers la gauche. Voici un exemple dun tel graphique pour un tudiant :

    Voici des types de jugements POST (et de lanalyse en soulign) et rgulations pour la radiographie spectrale de RESSAC obtenus en mai 2000 (Leclercq, 2003) : Je comprends mieux que je ntudie (on constatera que pour cette tudiante tudier signifie mmoriser ). Par rapport d'autres tudiants de mon entourage, je m'en sors plutt bien. Cela m'a donn encore plus confiance en moi. Je me suis dit "l'unif, c'est facile ! . 1 Monitoring HIstorique des CANdidatures ; ce projet a consist faire passer, en octobre 1999, 10 preuves (dont

    Vocabulaire, Syntaxe, Comprhension de textes, comprhension de graphiques, tableaux et cartes de gographie) 4000 tudiants entrant dans 8 des 9 universits de le CFWB.

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    D. Les analyses mtacognitives

    D1. Analyses mtacognitives en situation PRE Les analyses ainsi menes sont particulirement prsentes dans les dialogues avec des conseillers dorientation : vers quelles tudes me tourner ? Pourquoi ? Ai-je les prrequis en termes de produits (mes connaissances) ou/et en termes de processus (mes dmarches mentales, mes mthodes de travail ? ) et pourquoi ? Est-ce d moi ou dautres (le curriculum, les tablissements de formation par lesquels je suis pass, les enseignants, mes parents, etc.). Est-ce changeable ? Comment ai-je russi dans le pass ? Pourquoi ai-je chou dans le pass ? Pour quelles raisons aurais-je des chances de succs en mengageant dans cette voie ? D2. Analyses mtacognitives en situation PER Les analyses sont sollicites par exemple, en situation PER, par la prsence de zones sur les documents crits invitant justifier ses rponses. Pour les performances isolables, des justifications peuvent tre fournies par ltudiant pour chaque rponse. Le professeur peut convenir de ne lire QUE les justifications qui accompagnent les rponses ne correspondant pas aux rponses attendues. De telles justifications portent souvent sur les produits : pourquoi je pense que ma rponse est correcte. Quand elles portent sur le processus, cest souvent pour le rguler comme nous lavons montr en C2. Il y a analyse chaque fois que ltudiant slectionne un CRITERE de rflexion sur sa propre performance, critre propos duquel il jugera et il se rgulera. En situation PRE, en vue de fournir un feedback, sur les jugements et analyses, lenseignant (ou le conseiller en mthodes de travail ou en choix dtudes) examine le dossier scolaire des performances antrieures ou les rsultats un test (dintelligence par exemple), ou consulte des enseignants ayant eu cet tudiant dans leur classe. Dans les Feedbacks les concepts doptimisme et de pessimisme sont de mise. D3. Les analyses mtacognitives en situation POST Voici des exemples de post-analyses dtudiants de premire anne de candidature ainsi que les commentaires faits par le professeur (D. Leclercq) et une tudiante en mmoire (L. Wislez) qui joue le rle dassistante. Les tudiants sont invits rpondre sur des Questionnaires spectraux (Leclercq et Poumay, 2003) en version papier . Ces questionnaires facilitent la mise en vidence des situations problmes, et de connaissance partielle, ainsi que le calcul des scores de Confiance, Prudence et Nuance (voir Leclercq et Poumay, 2003).

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    Les analyses font suite au remplissage dun questionnaire spectral dont voici lextrait dun exemple : 24/09/2003 PPUQ Chap 3 et 4 p. 66 80 Pr : 6. Aucune 7. Toutes Q C

    100 80 60 40 20 0 1 T.S. Eliot a dit "Where is information lost in" 1. affairs 2. knowledge 3. life 4. wiseness 5. men

    0 20 40 60 80 100

    100 80 60 40 20 0 2 L'unit d'information propose par Shannon est 1. le volt 2. Le mot 3. le caractre 4. la syllabe 5. la lettre

    0 20 40 60 80 100

    100 80 60 40 20 0 3 Utiliser un ordinateur pour produire des textes touche des comptences 1. spcifiques (disciplinaires) 2. dmultiplicatrices (instrumentales) 3. stratgiques (auto-cognitives) 4. dynamiques (motivationnelles)

    0 20 40 60 80 100

    100 80 60 40 20 0 4 L'architecture des comptences en 4 paliers superposs est compare par leclercq 1. un vhicule (un avion) 2. un animal (un insecte) 3. un outil (une mche de foreuse) 4. Un jouet (un cerf-volant)

    0 20 40 60 80 100

    Prudence :

    Nuance :

    Confiance :

    En moyenne, les tudiants reoivent un test par cours (donc un par semaine), ces tests portant comme nom les lettres de lalphabet (A, B, C, D, etc.), dans lordre de leur passation. Ils gardent le questionnaire spectral avec leurs rponses, mais envoient lassistante une feuille de Dialogue mtacognitif comportant 22 lignes. Lassistante transmet ce mme document au professeur, mais sans les lignes 1 et 2 o figurent les nom et prnom de ltudiant. Le professeur et lassistante renvoient leurs commentaires (do lexpression dialogue mtacognitif ). Dans les 4 dialogues mtacognitifs, o lintervention des encadrants est en gras, on retrouve nouveau entremls des lments danalyse et des dcisions de rgulation. Nous avons soulign ces dernires pour les distinguer de lanalyse et pour mettre en vidence que souvent, ltudiant saute du jugement (systmatis dans le formulaire) la rgulation sans passer par la phase danalyse. E16 (a eu 11 RC mais 9 RI qui lui ont fait perdre 4,5 points donc son score classique est 6,5 / 20 ). Jusqu prsent cest pas mal mais le problme cest que malgr ces points de plus (de Confiance, de Prudence et de Nuance), je ne dpasse pas la moitie (10) sur 20. Le mieux cest de ne pas rpondre du tout aux questions o on hsite. Vous obtenez en effet 9,5 sur 20. Quand des points sont retirs par RI, il vaut mieux omettre, mais seulement quand on est TROP PEU sr(e). Quest-ce qui aurait pu, selon vous, amliorer le nombre de bonnes rponses ? E25 (Test D) Trop faible confiance: 3 rponses dont je ntais pas sre et auxquelles jai mis un coefficient de 0 se sont avres exactes Ce quil faudrait, cest que vous compreniez pourquoi vous les avez crues incorrectes. (Test D) : Jai appris faire un choix rapide entre diverses propositions Oui, mais avec une trop faible confiance ! La rapidit, tait elle le but recherch lors de ce test ? Ou lexactitude ou la mtacognition ? E26 (Test D) Jtais heureuse que javais regard dans le dictionnaire quand jai lu le premier chapitre Vous aviez eu l un rflexe TRES prcieux quand on tudieet il a t payant. Continuez comme cela !! Avez-vous limpression que vous auriez d le consulter encore plus, le dictionnaire ? E31 (Test D : na que 7 RC sur 20 Q). J'aurais d aller voir au dictionnaire lors de ma lecture Exact : il faudra le faire pour tous les chapitres. Ce qui est intressant dans votre jugement, cest que vous entrevoyez des modifications dans la faon de prparer un test et pas seulement dans la faon dy rpondre.

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    D4. Les thories explicatives des analyses mtacognitives Certaines de ces thories permettent dexpliquer particulirement bien les jugements, dautres les analyses, et dautres enfin les dcisions de rgulation. Certaines thories sont utiles pour interprter plusieurs de ces oprations. Cest pourquoi nous prsentons ces thories ensemble, en section F ci-aprs.

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    E. Les Rgulations mtacognitives E1. Les Rgulations PRE Ce sont les dcisions que lon prend avant quune performance puisse tre produite. Lauto-fixation de la difficult des tches en est un bel exemple On se rfrera la thorie dAtkinson expose ci-aprs. Voici un exemple de dialogue professeur / tudiant sur ce point, au mois de janvier :

    Professeur : Que visez-vous ? . Etudiant : Russir en deuxime session, avec une satisfaction Professeur Pourquoi pas en premire session ? Etudiant : Je sais que je ny arriverais pas sans gcher la qualit de ma vie .

    Ladoption dhabitudes relve de ce mme niveau. r Une des raisons pour lesquelles les tudiants dveloppent une propension apprendre par cur des sujets potentiellement significatifs est quils ont appris par de mauvaises expriences que des rponses fondamentalement correctes mais non exprimes dans une correspondance verbatim avec ce qui leur avait t expliqu sont considres comme incorrectes par certains professeurs. Une autre raison vient dun niveau gnral lev danxit ou dune exprience dchec chronique dans une matire Ils manquent de confiance dans leur capacit dapprendre de faon significative, et ds lors ne voient pas dautre alternative la panique que dtudier par cur (Ausubel et al., 1978, 41-43). E2. Les Rgulations (ou dcisions) PER Pendant la production du travail (ou la rponse aux questions du test), les tudiants ont pris une srie de dcisions : Omissions, corrections de rponses, approfondissement de certaines questions et pas dautres, demande daide. Dans ces dcisions, linfluence du payement (le barme de cotation annonc) est omniprsente. On rappellera ici que lomission constituant une zone aveugle de lvaluation, on tentera de lviter le plus possible par un barme appropri. On consultera ce sujet larticle de Leclercq et Poumay (2003) La connaissance partielle . Faisons ici un gros plan sur l accs des aides lors de la performance a) On peut autoriser ltudiant consulter une rfrence (un livre, des notes, un site web) aprs avoir rpondu une premire fois. Exemple 1 : Dans une exprience de testing en deux temps, Leclercq et Boskin (1990) ont montr que la consultation (par des tudiants universitaires) des pages dun hypermdia amliorait la performance au post-test chez 43 des 50 tudiants. Ils ont aussi mis en vidence que le gain dpendait du degr de familiarit de ltudiant avec les QCM, avec linformatique et avec la connaissance pralable du contenu. Exemple 2 : Dans une autre preuve universitaire en deux temps (avec consultation du livre de rfrence entretemps), Leclercq (1993, 223) a observ les amliorations suivantes : -pour les QCM-RCExpl : de 50% 54% (+4%) et les QCM-RC Toutes : de 55 60% (+5%) -pour les QCM-RC Aucune : de 40 48% (+8%) et les QCM-RC Absurdit : de 58 65% (+7%) -pour les QCM-RC Manque : de 33 35% (+2%) Il nest pas difficile dimaginer les raisons qui amnent ces diffrences de rsultats.

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    b) On peut aussi organiser le testing de sorte ce que lon obtienne systmatiquement la rponse dun tudiant dabord sans aide, puis avec aide. Exemple : Magain (1995) et Leclercq (1999, 4,23) recourent des questions PRIM-BIS, o la deuxime question commence par dvoiler une partie de la rponse puis pose une question plus simple que la premire. Par exemple,: Dans la question PRIM il y avait une absurdit. Voyez-vous laquelle ? . Suit alors la place pour une rponse rdige (QRO) ou une liste de solutions (QCM), la solution correcte de la BIS pouvant tre une QCM-RCExpl ou Aucune ou Toutes ou Manque . Ces auteurs ont observ qualors que les questions PRIM entranaient 35% de rponses incorrectes, 20% subsistaient mme aprs la BIS, 15% seulement tant corriges . A linverse, parmi les 65% de rponses correctes la PRIM, seules 50% taient correctement justifies lors de la BIS, 15% ne ltant pas. Ce questionnement en deux temps permet D. Leclercq de distinguer la capacit danalyse (vigilance cognitive) de la comprhension. La deuxime situation (b) et le deuxime exemple ne relvent PAS de la rgulation, mais en constituent un entranement, car, comme le dit Nol (1991, 13) : Ce nest que lorsquils sont avertis de lexistence dun problme que les enfants amliorent leurs rsultats aussi bien lorsque lincohrence est prsente de manire explicite que lorsquelle napparat quimplicitement.

    E3. La rgulation en situation POST E3. 1. De possibles effets pervers On aurait pu encore distinguer la RETRO-diction qui consiste rpondre la question A refaire, maintenant que je sais ce que je sais, quaurais-je d rpondre ? et en faire une composante de la situation de POST diction. Nous ne suivrons pas ce chemin car il pourrait entraner u effet pervers important, savoir vhiculer lide que les expriences dchec sont nfastes et viter tout prix, alors que nous pouvons apprendre beaucoup de nos erreurs. En outre, le temps ne se rebobine pas et il ne nous semble pas souhaitable dencourager les valus reconstruire leur propre histoire comme si elle ne stait pas droule. E3.2 Situation mtacognitive POST et Dbat La seule expression du point de vue de lapprenant est une condition ncessaire mais non suffisante de la mise en relation de son point de vue avec dautres. Encore faut-il que cette mise en relation elle-mme soit systmatiquement organise. Cela suppose que le temps ncessaire une telle confrontation soit dgag dans lespace de formation ; cela suppose aussi la mise en place de dispositifs pdagogiques qui organisent efficacement cette confrontation des points de vue. (Bourgeois et Nizet, 1997,148). Un des exercices proposs aux tudiants a pour but, par une rflexion sur leurs propres habitudes de prise de notes et par la confrontation de leur pratique celles de leurs pairs, de les amener prendre conscience que cest chacun de se construire sa propre mthode selon une approche personnelle, selon le contexte, (Parmentier et Romainville, 1998, 79). Delhaxhe (2003) adopte ce mme principe. Dans son cours distance Mthodes en ligne , il invite ltudiant prendre des notes sur un expos (vido) puis comparer ses notes avec celles dautres et en tirer des conclusions sur les stratgies adopter.

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    E3.3. Fournir les critres ou non ? La tche peut consister non seulement produire de la qualit, mais aussi dfinir les critres mmes de cette qualit, ce qui constitue une performance dun niveau suprieur. On risque de ne pas lentraner et mme de latrophier si on fournit toujours ltudiant les critres par lesquels on va lvaluer ou par lesquels il va sauto-valuer. La confrontation des points de vue sur les critres eux-mmes permettra lapprenant de tirer parti des diffrences et sa capacit de senrichir ainsi de lapport dautrui relve de la post-diction. E3.4 Un exemple de dispositif favorisant le jugement, lanalyse et la rgulation POST Voici un exemple de dispositif dentranement et dvaluation sur cette capacit de se fixer des critres et les dfendre : Le cours de Pdagogie & Audio-Visuel est donn par D. Leclercq et F . Georges, essentiellement en Enseignement Distance (EAD). Les tudiants disposent dune version crite du cours (200 pages) et, pour plusieurs chapitres, dune version en ligne . Pour diverses preuves, un certain flou est laiss dans les consignes. Ainsi, dans lanalyse dun message publicitaire (une page dans un magasine) la consigne est

    Pour faire comprendre des adolescents les mcanismes par lesquels les publicitaires manipulent les lecteurs - consommateurs, souvent de faon subliminale (sans que le lecteur en prenne conscience), analysez la page publicitaire ci-dessous, en appliquant, entre autres, les principes du chapitre 1 section K que vous jugez les plus pertinents pour atteindre lobjectif .

    Les tudiants sont alors invits changer leurs analyses et discuter la pertinence de leurs choix et celle des choix des autres, par exemple en produisant une rponse consolide par les apports du groupe (ce qui vient dautrui tant dans une couleur diffrente). E3.5 Exemples danalyses et de rgulations POST sur les performances Jans (2000) a organis des sessions de confrontation mtacognitive entre ltudiant et le professeur (D. Leclercq). A lissue de cette rencontre, ltudiant a rpondu par crit deux questions :

    1.Quest-ce que cette discussion avec le professeur ta appris ( tous points de vue) ? 2.Quelle(s) dcision(s) as-tu prise(s) pour tenter damliorer tes auto-valuations lavenir ? A quoi vas-tu tre plus attentif(ve) ?

    Jans (2000, 379) a fait une synthse des rponses la question 1. Lapprentissage le plus souvent cit (par 12 sur 18 tudiants) concerne sa capacit dautovaluation. Par exemple : Jai appris que javais lhabitude, quel que soit le critre, de me surestimer . Lutilisation du pass (javais) est prometteuse . Voici quelques rponses la question 2 : Je vais essayer de prendre plus de recul par rapport au niveau dexigences parfois exagr que je me fixe. Je vais tenter dobtenir plus dinformation sur la signification et la prcision de certains critres dvaluation qui me semblent vagues ou mal dfinis. Je vais prendre plus de temps pour mauto-valuer. Je veillerai dornavant vrifier plus profondment mon travail avant de mvaluer . Je vais donc toujours matteler justifier mes observations, mes critiques, puis ensuite seulement me mettre les points.

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    F. Thories explicatives des processus mtacognitifs

    F1. Lestime de soi et limage de la tche

    Selon William James (1890), dans Bednar et al. (1993), Lestime de soi globale est le rsultat du rapport entre le succs (ce que lon accomplit) et le s prtentions (ce que nous pensons pouvoir accomplir) .

    Succs Estime de soi = ----------------------------

    Prtentions Il ny a aucun impact de lestime de soi si la personne subit un chec dans un domaine nayant aucune importance ses yeux. Les individus focalisent principalement leurs comptences dans certains domaines ; en particulier dans ceux o ils aspirent russir.

    On devrait parler de l'estime de soi dans divers domaines : l'estime de soi scolaire, l'estime de soi sportif, l'estime de soi dans les relations interpersonnelles, etc. L'estime de soi (tout court) serait la RESULTANTE de ces diverses composantes, mais selon des "formules" propres chacun. L'un s'estimant beaucoup sur un terrain minimisera l'importance des autres terrains (o, trs ralistement, il se considre nul), qui, ses yeux, ne comptent pas; le rsultat en est une trs bonne estime de soi dans l'ensemble. Ce mme mcanisme (hypervalorisation d'un seul aspect) peut avoir des consquences fcheuses. Ainsi, dans nos pays (et plus encore au Japon), l'estime de soi scolaire pse fortement sur l'image que les jeunes ont d'eux-mmes. Une image scolaire ngative peut "gcher" l'image de soi totale et mener la dpression, la dlinquance, au suicide (au Japon notamment). L'cole porte d'autant plus de responsabilit dans ces cas que c'est souvent elle qui a "impos" cette image de lui-mme l'enfant, l'tudiant. Albert Jacquard dit "C'est le regard des autres port sur nous qui nous rend aimables ou dtestables nos propres yeux". Pour Carl Rogers, l'estime de soi rsulte des interactions avec les autres et du regard port sur soi par les autres. c'est ce qu'il appelle le SOI REEL. Mais il existe aussi un SOI IDEAL (que nous aimerions devenir), et vers quoi nous tendons. Ce besoin d'estime de soi nous pousse recherche un regard positif des autres, mais ce regard est souvent CONDITIONNEL : les autres ne nous l'octroyent que si nous sommes conformes LEURS attentes, LEURS dsirs, LEURS normes, LEURS volonts. Nous risquons de ne pas manifester ce qui est "nous mme", pour obtenir ce regard positif. Pour Rogers, l'ducateur doit toujours avoir un regard positif inconditionnel permettant l'autre (l'lve, l'enfant) de SE dvelopper sans crainte, d'exprimer SA personnalit.

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    F2. Le sentiment dauto-efficacit Albert Bandura (1981) a appel Self Efficacy la croyance dune personne dans sa capacit deffectuer un comportement ncessaire pour latteinte dun rsultat dtermin (Sdorow, 1995). Ce concept doit tre replac dans lide de Bandura du dterminisme rciproque o les facteurs de la conduite ne sont pas dtermins essentiellement par lenvironnement (comme Skinner en faisant lhypothse) ni essentiellement par le psychisme (comme Freud en faisait lhypothse pour linconscient), mais que ces trois facteurs sinfluencent rciproquement. Le sentiment defficacit dtermine nos choix dactivits, lintensit de nos efforts, notre persvrance face des obstacles, notamment en rduisant lanxit. Un dterminant important de la Self efficacy est lexprience pralable des succs et des checs. Un autre est lexprience vicariante, savoir la connaissance des performances dautres auxquels nous nous comparons. Un troisime est la persuasion verbale (dun pair, dun enseignant, dun parent). Un quatrime est le degr dexcitation (arousal) du sujet dans une situation : ni trop ni trop peu. F3 Lespoir de succs et la peur de lchec

    Abraham Maslow dabord, J. Atkinson ensuite distinguent deux types de personnes. Dune part celles qui seraient motives par la recherche du succs (hope of success) et qui, dans ce cadre, acceptent les checs sans blessure narcissiques, comme le revers de la mdaille : pour russir, il faut beaucoup essayer et essuyer dchecs. Dautre art, les personnes qui veulent par-dessus tout viter lchec (fear of failure). Selon ces deux thoriciens de la motivation, les difficults auxquelles ces deux types de personnes sattaquent sont diffrentes. Les premires auront tendance sattaquer des tches de difficult moyenne, les secondes des tches trs faciles (en prdisant leur russite) ou trs difficiles (en prdisant leur chec). Pour comprendre comment ces deux types de personnes en arrivent l, il faut faire appel la thorie dAtkinson sur lauto

    dtermination de la difficult des tches (voir ci-aprs). F4 Les conceptions sur les mdias Ces analyses sont influences par des conceptions spcifiques comme celles qui concernent les mdias. Gavriel Salomon, 1983 et Cennamo, 1983 ont test lhypothse selon laquelle les lves pensent Reading is tough, TV is easy . Ds lors, on peut expliquer le constat de russite moins bonne de la TV par limplication moindre des apprenants, qui pensent que cela va entrer tout seul . De telles reprsentations ( prconceptions ) existent aussi sur les techniques dvaluation : Si je suis interrog par QCM , je russirai beaucoup moins bien que quand je peux me dfendre loral . Donc, la prcision de la consigne (type de questionnement, temps limit ou non, etc. ) facilite la mtacognition. Les mesures prises par certaines universits qui obligent les enseignants prciser les modalits dvaluation ds le dbut de lanne ont donc un effet bnfique sur la mtacognition.

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    F5. Les attributions causales Rotter (1966) a dfini le concept locus of control par le fait quune une personne peut attribuer ce qui lui arrive des causes internes (cest de ma faute, cest moi quen revient le mrite) ou par des causes externes (je ny suis pour rien, cest d aux circonstances ou autrui).

    Julian Rotter Weiner (1985) distingue les choses qui peuvent changer des non changeables. Cela donne 4 situations illustres par les explications que peut donner un tudiant pour expliquer son chec un examen (de psychologie par exemple) :

    Jai chou parce que Attribution causale Interne externe changeabilit changeable je navais pas tudi

    suffisamment jai tir au sort la question la plus difficile de toutes

    Non-changeable

    je ne suis pas fait pour cette matire -l

    le professeur est trs svre (une peau de vache ).

    Bernard Wiener Wiener (1984) a montr que ce nest que lorsquun apprenant considre les causes dune situation comme changeables et internes quil sengage dans un processus de prise en charge de ses difficults en vue de les surmonter. et leurs justifications Le je ne suis pas fait pour cette matire-l peut tre son tour - expliqu : personne dans la famille na dorientation vers cette matire ou mes tudes antrieures

    ne my ont pas prpar ou ces tudes conviennent un autre type de personnalit ) - argument : la preuve, cest que je russis bien dans les matires x, y et z et non dans les matires a, b

    et c ou dailleurs, Mme D. pense comme moi . Faire parler ltudiant des raisons de son chec ou de sa russite et lui faire justifier ses jugements permet

    lenseignant de dterminer le type dattribution causale et den faire prendre conscience ltudiant.

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    F6. La rduction de la dissonance cognitive Selon Heider (1958), nous cherchons la COHERENCE entre nos diverses actions, et l'EQUILIBRE COGNITIF avec nous-mme et les autres. En consquence, nous avons tendance viter les situations de contradiction cognitive, de rechercher les personnes qui "pensent comme nous". Nous ne supportons pas bien la contradiction entre diverses utilits et, pour rduire cet inconfort, nous sommes amens prendre des dcisions non optimales ou les justifier. Ainsi imaginons que nous venions d'acheter une voiture (X) conformment aux critres auxquels nous accordons le plus d'importance, c'est--dire, dans l'ordre : confort, faible consommation, robustesse, rapidit. Imaginons maintenant que quelqu'un nous dmontre que ce n'est pas le meilleur choix que nous aurions pu faire : une autre voiture (Y) remplit mieux toutes les conditions. Cette dissonance cognitive (entre ce que nous aurions souhait faire et ce que nous avons vraiment fait) est d'autant plus pnible que la diffrence est grande. Selon Lo FESTINGER (1957), pour rduire cette dissonance, nous utiliserons diverses stratgies, comme, par exemple, a) "rviser" nos critres : nous nous dirons que, tout compte fait, le confort n'est pas si important, ni la rapidit , ni la russite scolaire (rationalisations a posteriori) b) introduire de nouveaux critres (X est une voiture europenne, je connais le concessionnaire, etc.).

    Lo Festinger F7. Lauto-fixation de la difficult des tches John ATKINSON (1974) nous propose ce sujet un modle intressant, mme sil ne reprsente pas la ralit, car il donne des prdictions proches de la ralit. Cest donc un modle du type cela se passe comme si . Pour Atkinson, le plaisir retir de la russite dune tche est une fonction de la difficult de cette tche, difficult que lon peut dfinir comme 1-p (o p est la probabilit de russite) :

    Plaisir = 1 - p Si le modle sarrtait l, les individus se fixeraient des tches trs difficiles, puisque ce sont elles qui produisent le plus de plaisir quand on les russit. Or nous savons que la majorit des personnes ne fait pas ce choix. Notamment parce que les tches difficiles, par dfinition, sont rarement russies. A quoi bon ds lors entreprendre des tches qui donneraient une grande satisfaction SI on les russissait, mais quen ralit on ne russit jamais. Le modle dAtkinson prvoit cela puisquil considre que le choix dune tche nest pas fait sur base du Plaisir, mais du plaisir probabilis :

    Plaisir probabilis = (1-p) p En remplaant p par toutes les valeurs allant de 0 1, on peut montrer (Leclercq, 1999) que le plaisir probabilis maximal se produit quand p vaut 0,5, donc pour une tche dont les chances de succs sont dune sur deux, de 50%, soit un compromis : une tche suffisamment difficile pour procurer du plaisir en cas de russite et suffisamment facile pour que cette russite survienneassez souvent. Lestimation de p est une affaire personnelle et cest sur cette base que la plupart des personnes, selon Atkinson, se fixent la difficult des tches quils entreprennent. Ainsi, le type dtudes que lon entreprend, lintrieur de ce type dtudes, le niveau de russite (S, D, GD, PGD) que lon vise.

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    F8. Les styles cognitifs et prfrences de styles dapprentissage Il existe plusieurs propositions, thories, hypothses quant aux styles cogntifs : certains seraient plus iconiques et dautres plus verbaux (Riding), certains seraient dpendants du champ et dautres indpendants du champ (Witkin), certains seraient srialistes et dautres globalistes ou holistes (Pask), certains tudieraient de faon superficielle, dautres de faon approfondie (Entwistle et Marton), etc. Approfondissons ici un seul de ces styles , celui que Jrome Kagan appelle impulsifs vs rflexifs ou tempo conceptuel de KAGAN. Lpreuve typique de Kagan est le Matching Familiar Figures Test (MFF de Kagan et al., 1964). Un modle est prsent, ainsi que 6 dessins fort proches du modle, mais dont un seul lui est totalement identique. Lexaminateur chronomtre le temps de latence la demi-seconde prs et le nombre derreurs. Les IMPULSIFS sont les enfants dont le temps de latence moyen est infrieur la moyenne du temps du groupe dge et dont le nombre derreurs est suprieur la moyenne des erreurs pour le groupe dge. Les REFLEXIFS sont dfinis de manire inverse. Notons que lon dtermine ainsi 4 catgories, et que lon en ignore deux (les sous-groupes a et d) :

    Latence Faible Eleve

    Taux Faible a REFLEXIFS derreur Elev IMPULSIFS D

    Jrome Kagan

    Kagan (1965) et Yando et Kagan (1968) observent une assez bonne stabilit test-retest (dans les mmes conditions) du trait rflexivit-impulsivit , aussi appel tempo conceptuel . Messer (1970), lui, a montr que si lon augmente les conditions danxit, les enfants rapides et inefficients (les impulsifs) augmentaient leur temps de latence ... et diminuaient leur nombre derreurs (rejoignent les rflexifs), ce que lauteur explique par une attention accrue la tche en raison dun accroissement de la crainte de lchec. Bien entendu, la consigne (temps libre ou temps limit) a un impact sur les comportements, donc les observations.

    F9. Auto contrle et gestion de soi Chacun d'entre nous peut SE manipuler. Tout d'abord en s'assignant (en pleine conscience) des buts dont la difficult est calcule de telle sorte que leur atteinte procure un plaisir suffisamment intense et suffisamment frquent (voir compromis au centre de la thorie d'Atkinson). Ensuite en s'octroyant des renforcements pour des efforts. C'est le cas de l'tudiant "en bloque" qui s'octroie quelques pages de bandes dessines ou dix minutes de jogging ou de musique, chaque fois qu'il a termin l'tude d'un chapitre. Les personnes qui tentent d'arrter de fumer ou de perdre du poids ou de cesser de se ronger les ongles, etc. utilisent aussi parfois ce principe (de compensation, d'auto-rcompense pour efforts fournis). La plupart de ceux qui acceptent de "souffrir" durant leurs tudes en esprent des compensations (diffres).

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    Une autre technique consiste, pour protger sa dcision "arranger son propre environnement" en liminer les stimuli-dclencheurs ou simplement les possibilits matrielles de passage l'acte. Le fumeur n'achtera plus de cigarettes, vitera mme de passer en face du magasin o on vend, mettra au grenier le fauteil-dans-lequel-juste-aprs-le-repas-il-ETAIT-si-bon-de-fumer-une-(bonne) cigarette. Pour plus de dtails, on consultera l'ouvrage de VanRilaer (1992) "La gestion de soi". Ayant compris que plus un contenu est travaill en profondeur, mieux il est retenu (Cf. Craik et Lockart), les tudiants ont intrt se CONSTRUIRE des rsums de cours plutt qu' les lire simplement ou adopter les rsums de condisciples (il faudra qu'ils prvoient le temps ad hoc). Ayant compris que leur mmoire verbale court terme est limite (Cf. Miller) ils tudieront dans un lieu o nul autre ne parle. Ayant compris que l'image (Paivio, 1971) et le son (Brooks,1968 & 1970 ) peuvent apporter des supplments ses capacits mnmoniques verbales, l'tudiant "agrmentera" son texte de dessins, de schmas, de photos. Il ira mme jusqu' enregistrer certaines squences de raisonnement de narrations ou de descriptions pour les rentendre (en voiture par exemple).

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    G. Les mthodes (les consignes) de recueil des jugements a) Les commentaires verbaux libre (auto ou allo) ou catgories nominales2 On peut demander au sujet de sexprimer de la faon qui lui convient. On obtient alors des rponses varies telles que Je nai jamais t trs laise avec ce thme ou Cela mtonnerait que je russisse beaucoup de questions sur le sujet ou encore je nen ai pas retenu grand-chose . On voit en quoi lanalyse a posteriori par lobservateur risque dtre complexe et peu fconde tant est imprcise la consigne, donc la diversit des rponses possibles, dans leur fond et dans leur forme. b) Les chelles dvaluation verbales (auto ou allo) ou ordinales3 Le sujet est invit se positionner sur un des chelons dune chelle qui lui est propose (ex : Si lon me posait des questions sur le sujet, jen russirais ), chaque chelon tant dcrit avec des mots, comme trs peu voire aucune , peu , peu prs la moiti , beaucoup , toutes . On voit en quoi cette faon de poser la question est une demi-mesure, puisquil existe (voir ci-aprs) une faon plus prcise et tout aussi peu coteuse de poser la question. On est dans un cas semblable celui des enqutes sur la consommation de cigarettes o il est tellement simple de demander combien de cigarettes fumez-vous par jour ? plutt que de sen tenir des expressions vagues du genre peu , moyennement , beaucoup , excessivement . c) Les chelles normatives (auto) mtriques4 Le sujet se positionne par rapport aux performances dun groupe de rfrences (dont les performances sont ou ne sont pas (encore) connues. Par exemple, ltudiant positionnera sa performance parmi celles de ses condisciples, le patient parmi celles de son groupe de formation. La connaissance du groupe par le sujet est videmment cruciale dans ce type de mesure. Les modalits de rponses peuvent tre Le meilleur , Parmi les 20% meilleurs , parmi les 40% meilleurs , etc. jusque Le plus faible . La largeur des catgories a du sens dans la mesure o les questions ou tches trs prcises ne sont pas encore connues, ce qui rend difficile pour un sujet de se positionner. Le feedback sur ces PRE-dictions peut se faire sous forme de nombres ( Vous tes en ralit le 24 sur 100 ), de graphiques (situant la personne dans le continuum) ou les deux. d) les chelles critrielles (auto) mtriques pour performances isolables Le sujet exprime son degr de matrise anticip ou sa comptence, lchelle la plus simple tant la dichotomie. Par exemple un questionnaire numrant des capacits relatives linformatique (sauver un fichier dans Office, chercher un mot sur le web, etc..) o lapprenant rpond par OUI (je matrise) ou NON. Une forme plus nuance consiste demander lapprenant dannoncer son pourcentage de russite le plus probable (ex : 60%) des preuves sur le sujet. On trouvera dans larticle la connaissance partielle des dtails sur la faon de poser les questions et dexploiter les rponses. Voici une de ces faons. Se situer en valeur absolue quand on ne connat pas encore les questions est difficile ; nous recommandons donc de combiner les deux derniers modes de PRE-diction (normatif ET critriel).

    2 Les catgories nominales ne peuvent faire lobjet de sriation : il ny a pas dordre entre elles. 3 On ne peut appliquer les oprateurs arithmtiques sur les catgories et chelles nominales, tout au plus les

    oprateurs > et

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    e) les chelles critrielles pour performances complexes Dans un cours de 2 anne de candidature en Psychologie et Sciences de lEducation, nous avons propos aux tudiants de pratiquer la mthode des PARMs (Leclercq et al., 2003, AIPU) o, grosso modo, ce sont les tudiants qui donnent le cours et non plus le professeur. Les tudiants (volontaires) taient invits constituer des groupes de 5 dont un ayant accs internet depuis son domicile. Cest cet tudiant qui, via la mail, est en contact avec le professeur, notamment pour soumettre des ides, en discuter, etc, dans la phase de prparation de lanimation. Le professeur avait annonc que la performance (animer ses collgues de faon multimdias pendant 15 minutes sur un point particulier de la matire, puis rpondre aux questions de la salle) serait note selon les 10 critres suivants. sur justifications Dfi 10 Expos Fond 10 Expos Forme orale 10 Expos Forme Mdia 10 Critique 10 Lien 10 Activit-fond 10 Activit forme 10 Rponse aux Questions fond 10 Rponse aux Questions forme 10

    Somme 100 On aurait pu inviter les tudiants auto-noter leur performance avant que le professeur remette SES notes, sur chacun des 10 critres, et de justifier leur note dans la colonne de droite ; ce qui na pas t fait. Aprs la prestation, le professeur a utilis la colonne de droite pour y mettre SES justifications. Cest sur cette base que les groupes qui le voulaient pouvaient ragir, toujours par mail, ce que certains groupes ont fait. On ne parlera dchelle dvaluation descriptive pour un critre donn que si chacun des chelons des degrs dexcellence est dcrit. Voici une telle description pour le critre lien de la grille ci-dessus :

    -Le lien est pertinent 1. oui 2. trs -Le lien est exploit par ltudiant 1. oui 2. assez bien 3. de faon trs pousse -Le lien est original 1.oui 2. trs -Le lien est bien prsent 1. oui 2. trs bien 3. Exceptionnellement bien

    On constatera que ces quatre chelles permettent dobtenir au total 10 points pour le critre et que ces critres, tout absolus quils soient reclent des composantes normatives (loriginalit et le caractre exceptionnel).

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    H. Connaissance partielle5, auto-valuation et docimologie

    (Quino, 1983, 107)

    5 Cet article est inspir de celui que les mmes auteurs ont prsent lIPCEM (Institut de Perfectionnement en

    Communication et Education Mdicales) lors de la 13 Journe de lIPCEM 2003, Lvaluation de lducation thrapeutique du patient, Paris, 20 juin 2003.

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    H1. Apprendre H1A. LHomme est lespce qui apprend crit David Kolb (1984). Il est vrai que ce trait distinctif entre lanimal et lhomme est sans doute un des plus fondamentaux. Lespce doit srement sa survie cette formidable capacit. Il est fort probable que la majorit des 8 faons dapprendre, des 8 vnements dapprentissage (Leclercq, 1998 ; Poumay, 2001), sont pratiques depuis des millnaires : lobservation (et imitation de modles comportementaux), la rception (de messages mis par dautres humains dans un code, par exemple le langage), la pratique (accompagne du guidage dune personne plus comptente, idalement un expert), lexploration (ou recherche pour rpondre SES questions), lexprimentation (ou vrification de SES hypothses), la cration (de SES modles), la mtacognition (le savoir sur ses savoirs) et le dbat (la confrontation des points de vue). Cest de la mtacognition que nous traiterons ici. Au sicle de la connaissance , on est tonn du peu de considration porte aux sentiments de doute et de certitude accompagnant les rponses de personnes confrontes des questionnaires de connaissance. Pourtant, dans ses Rgles pour la conduite de lesprit (1628), Descartes lui-mme insistait sur le doute systmatique. Cest parce que nous doutons que nous vrifions (en relisant la notice du mdicament), que nous demandons un expert (le mdecin par exemple), que nous prenons des prcautions (par exemple agir en prsence dun tiers qui pourrait intervenir). Or nous doutons souvent. Cest mme une tape normale de lapprentissage.. tape trop peu entrane.

    H1B. La connaissance partielle Apprendre une chose est-ce passer de lignorance totale la connaissance parfaite (donc de 0% de connaissance 100% de connaissance) ? Bruno De Finetti (1965) a montr que ctait plus subtil que cela en introduisant le concept de connaissance partielle .

    Lapprentissage de tous les jours est-ce ds lors voluer de lignorance totale la connaissance parfaite en passant par divers degrs de connaissance partielle ? Pour De Finetti, la plupart des apprentissages consistent passer dun tat de connaissance partielle (donc suprieur 0% car nous avons trs souvent des pr-reprsentations ou des pr-acquis) un autre tat de connaissance partielle (souvent plus lev mais natteignant pas forcment 100%). Quand nous voulons mesurer les progrs de connaissance ds lapprentissage, nous devons donc nous donner les moyens conceptuels et techniques (les instruments de mesure) appropris au degr de finesse, de granularit de lobjet observ, ici les processus mentaux. Dans ce domaine, les valuateurs en sont trop longtemps rests utiliser des moyens trop peu nuancs, un peu comme des biologistes qui travailleraient sans microscope ou des chimistes qui travailleraient la pelle charbon. Tout le texte qui suit est marqu du sceau des phrases de De Finetti (1965, 109) : Partial knowledge exists ; to detect it is interesting, necessary and feasible .

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    H2. La connaissance et sa gestionH2A. La connaissance fausse De tout temps, les philosophes ont attir lattention sur limportance de la mtacognition. On attribue Confucius (551-479 B.C.) les propos suivants suivants : Le matre dit : Yu, veux-tu que je tenseigne ce quest la connaissance ? Quand vous connaissez une chose,cest dtre conscient que vous la connaissez. Et quand vous ne connaissez pas une chose, de reconnatre que vous ne la connaissez pas. Un proverbe arabe dit : Celui qui sait et sait quil sait est sage ; suis-le. Celui qui ne sait pas et ne sait pas quil ne sait pas

    est un fou ; fuis-le. Celui qui ne sait pas et sait quil ne sait pas est un

    enfant, enseigne-lui. Celui qui sait et ne sait pas quil sait est endormi ;

    rveille-le. (Leclercq & Bruno,1993,1). Plus prs de nous, le philosophe anglais Bertrand Russel fait la mme distinction : Le problme, dans notre monde, est que les imbciles sont srs de tout et les sages pleins de doutes. . Mark Twain va dans le mme sens : Ce nest pas ce que nous ignorons qui nous nuit. Cest ce dont nous sommes srs, mais qui est faux. . EBEL (1965,49) dfinit comme suit les Degrs de Certitude : Cest un mode de rponse spcial aux questions dun test objectif et un mode spcial de cotation de ces rponses. En bref, le sujet doit indiquer non seulement ce quil croit tre la rponse correcte une question, mais aussi sa certitude dans lexactitude de sa rponse. Au moment de la cotation, le sujet reoit plus de points pour une rponse correcte avec certitude que pour une rponse accompagne dun doute. Mais la pnalisation dune rponse incorrecte avec certitude est suffisamment lourde pour dcourager les dclarations de confiance non fondes . (cit par Leclercq, 1983).

    H2B. La gestion de la connaissance est vitale dans de nombreuses professions Cest des pilotes et des mcaniciens davion que nous avons dabord demand dexprimer leur certitude dans leurs rponses des tests), avec lexigence 100% correct 100% de certitude . (Leclercq, 1983). Nous avons ensuite travaill en mdecine durgence.

    Nous lappliquons aux tudiants universitaires. Plus rcemment, nous lappliquons aux patients diabtiques (Brutomesso et al. 2003 ; Leclercq et al., 2003).

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    H3. La qualit spectrale des performances

    H3A. Connaissances utilisables ou non pour laction

    Darwin Hunt (1993) a suggr que certaines connaissances pourtant correctes sont si peu sres que lon ne peut se baser sur elles pour agir. Il suggre de distinguer les connaissances utilisables (correctes et suffisamment sres), inutilisables et les nuisibles, voire dangereuses (les connaissances incorrectes dont on est sr). En effet, il y a pire que ne rien savoir, cest tre convaincu dune chose fausse, et ce avec une certitude leve, si bien que lon passera laction sur base de cette mconnaissance , avec les consquences graves que cela peut ventuellement avoir. Shuford appelle misconception les connaissances dangereuses. On verra (exemples en ducation des patients) que lenseignement peut avoir des effets paradoxaux, en diminuant le taux de rponses incorrectes, bien sr, mais en augmentant la certitude des incorrectes qui demeurent. Selon les contenus, et selon la force des tudiants, leur tendance prendre ou non des risques, les distributions spectrales (cf ci-aprs) individuelles refltent des attitudes mtacognitives, entranables et modifiables.

    H3B. La distribution spectrale de la qualit

    des rponses Les rponses des personnes testes avec les 6 degrs de certitude (0, 20, 40, 60, 80, 100%) peuvent tre situes le long dun continuum horizontal en 13 positions allant de -100 % (erreur avec certitude 100 %), soit la pire des performances, +100 % (rponse correcte avec certitude 100 %), soit la performance idale. Voici la distribution spectrale de la qualit des rponses de 3905 tudiants entrant dans 8 universits de la Communaut franaise Wallonie-Belgique, un test de vocabulaire de 45 questions (soit plus de 175.000 rponses) lors de lopration MOHICAN1 : On constate que,

    -33 % seulement des connaissances sont utilisables (correctes avec plus de 50 % de certitude), -20 % sont dangereuses (incorrectes avec plus de 50 % de certitude) -47 % sont inutilisables (certitude infrieure 50 %). Cette dernire catgorie peut tre subdivise en ignorance reconnue (26 %) et connaissance peu assure (16 %). Lomission (5 %) constitue la tache aveugle de tout testing, une non information , do notre invitation aux tudiants fournir des rponses en les accompagnant de la certitude 0%, reconnaissant par l leur ignorance.

    1 Monitoring Historique des CANdidatures (Leclercq,

    2003).

    4 610 9 9 8 5 4 5 7

    10 10 13

    0

    1020

    3040

    50

    -100 -8

    0

    -60

    -40

    -20 0

    om

    0 20 40 60 80 100

    20%dangereuses

    33%utilisables

    47%inutilisables

    20%dangereuses

    33%utilisables

    47%inutilisables

    20%dangereuses

    33%utilisables

    47%inutilisables

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    H4. La validit thorique des concepts de certitude et de qualit spectrale

    H4A. La distribution recherche par les ducateurs est une courbe en J

    On sait que les psychologues font un usage considrable de la courbe en cloche aussi appele Courbe de Gauss , notamment en psychologie diffrentielle o il importe de mesurer les diffrences entre personnes (en QI par exemple). La courbe de Gauss exprime des phnomnes distribus alatoirement comme le sont bien des phnomnes naturels (la taille, le poids, lintelligence, etc. ). Ses proprits mathmatiques ont bien connues des statisticiens et des constructeurs de tests psychologiques. Certaines personnes se sont imagines que la distribution idale des rsultats scolaires ou conscutifs un apprentissage tait la courbe de Gauss. Il nen est rien et G. de Landsheere (1983) a dnonc cette erreur par lexpresion le dangereux mythe de la courbe de Gaus . La courbe recherche par les pdagogues est la courbe en J, indicatrice dune concentration des rsultats vers le plafond de lexcellence. Dans une distribution spectrale, la forme de la distribution peut tre observe tant pour les rponses correctes (hmispectre droit) que pour les rponses incorrectes (hmispectre gauche). Lamlioration dune performance (aprs apprentissage) ne tient pas seulement la diminution du nombre de rponses incorrectes, mais aussi la forme des deux distributions hmispectrales. Dans le graphique ci-dessous, les losanges reprsentent les valeurs du prtest et les rectangles celles du post-test (plus en J que le prtest). (Jans, 2000).

    H4B. Trois modles mentaux sous -tendant

    les formules de notation Quand on utilise des QCM classiques (1 des k solutions proposes est correcte), ltudiant a des chances de fournir la rponse correcte en rpondant au pur hasard. On a, depuis longtemps (Henmon, 1911) imagin des formules de correction pour divination (en anglais correction for guessing ) qui consistent retirer des points en cas derreur, mais pas en cas domission. Dans la correction for guessing classique, on retire 1/(k-1) point par erreur si lon a accord 1 point par rponse correcte. Bruce Choppin (1971) a montr que cette formule de correction est inspire par un modle que lon sest fait de lactivit mentale de ltudiant en-train-de-rpondre--une-QCM. Ce modle 1 est Quand ltudiant sait, il choisit la Rponse Correcte. Quand il ne sait pas, il tape au hasard parmi les k solutions . Or, montre Choppin, dautres modles sont plus valides. Par exemple le modle 2 : Quand ltudiant sait, il choisit la solution correcte. Quand il ne sait pas, il commence par liminer les solutions quil sait tre incorrectes et tape au hasard dans celles qui restent, ce qui amne poser les questions autrement (Leclercq, 1986, ). Le modle 3, auquel nous nous rallions, ne fait plus cette distinction entre Quand il sait et quand il ne sait pas , distinction tellement radicale quelle est illusoire. Il dit Quand un tudiant est devant les solutions dune QCM, il les range par ordre de plausibilit et, si la consigne lui impose de ne fournir quune seule rponse, alors il fournit celle dont la probabilit est la plus leve. Cest sur ce modle 3 que sont bases les approches recourant la certitude.

    0

    5

    10

    15

    20

    25

    I5 I4 I3 I2 I1 I0 C0 C1 C2 C3 C4 C5

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    H5. Le remplacement de la correction for guessing classique

    H5A. Les dfauts de la cfg La "rectification classique pour devinette" (traduction de "correction for guessing"), consiste appliquer aux QCM un Tarif positif en cas de Rponse Correcte (TC) et un Tarif ngatif en cas de rponse Incorrecte (TI). Si TC vaut + 1 point, TI est calcul en fonction du nombre (k) de solutions (proposes dans la QCM) de manire ce que l'esprance mathmatique d'une rponse au hasard soit nulle. Ce tarif vaut : - 1 / (k-1), le signe moins indiquant un RETRAIT de points. Cette procdure doit tre abandonne pour les cinq raisons fondamentales qui suivent : 1. Elle est base sur un modle thorique faux (le modle 1 dans la classification de Choppin ignorant la thorie des dcisions 1 2. Elle est injuste : elle sur-rectifie et sous-rectifie selon les cas, et ce de faon incontrlable, parce qu'elle est aveugle. 2 3. Elle n'est pas informative pour le professeur : il n'apprend rien de plus sur l'tudiant. 3 4. Elle n'est pas formative pour l'valu : il n'apprend rien de plus sur son ralisme quant sa connaissance ; il n'apprend pas grer le doute, la fois moteur dans l'laboration de la connaissance, respectable moralement et au coeur mme de la connaissance partielle (Descartes).