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Français Méthodes de ciblage dans les régimes des populations en précarité Note de cadrage

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Méthodes de ciblage dans les régimes

des populations en précarité

Note de cadrage

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AVANT-PROPOS

Le Ministère de la Santé organise les 13 et 14 mars 2015 un Symposium International sur la Couverture Sanitaire à l’occasion du troisième anniversaire du Régime d’Assistance Médicale (RAMED). Cet événement fournit notamment l’occasion de dresser le bilan national des trois années de généralisation du RAMED, de souligner les contraintes rencontrées dans le cadre des divers aspects de ce programme et d’identifier des réformes qui permettraient d’améliorer sa mise en œuvre au regard notamment des meilleures pratiques internationales. Il fournit en outre l’occasion d’examiner et discuter le système actuel de sélection des bénéficiaires du RAMED.

Dans ce contexte, le ministère de la santé et le ministère de l’intérieur ont organisé, avec l’appui de la Banque mondiale, un atelier de préparation des débats sur le système de sélection des bénéficiaires du RAMED le 18 février 2015. La rencontre a été coprésidée par Messieurs Abdelhak HARRAK, Gouverneur, Directeur des Systèmes d’Information et de Communication (DSIC) du Ministère de l’Intérieur, et Abderrahmane ALAOUI, Directeur de la Planification et des Ressources Financières (DPRF) du Ministère de la Santé. Y ont participé les parties prenantes au système actuel de sélection des bénéficiaires du RAMED et autres institutions nationales et internationales pouvant apporter une expertise sur ce système. L’atelier du 18 février avait pour objectifs de : (1) établir un bilan des forces et faiblesses du système actuel de sélection des bénéficiaires du RAMED et (2) recueillir les recommandations d’experts nationaux et internationaux d’amélioration du système actuel.

PRESENTATION DU SYSTEME ACTUEL DE SELECTION DES BENEFICIAIRES DU RAMED

De tous les programmes de protection sociale existants aujourd’hui au Maroc, le RAMED est celui qui dispose du mécanisme de sélect ion de bénéf ic ia i res le plus sophistiqué. Nonobstant certaines catégories de la population systématiquement bénéficiaires, sans considération de leur niveau de vie , les individus ciblés par le RAMED sont la population pauvre et vulnérable. Leur identification repose sur un système schématisé ci-dessous.

L’atelier du 18 février a donné lieu à la préparation de la présente note, qui a pour objectif d’alimenter les débats sur le système actuel de sélection des bénéficiaires du RAMED.

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SENSIBILISATION

La généralisation du RAMED en 2012, suite à l’expérimentation de 2008 à 2012 dans la région de Tadla-Azilal, avait donné lieu à une campagne d’information pour la population générale. Le personnel de santé continue par ailleurs d’informer la population jugée susceptible d’être éligible. Enfin, un site Internet décrit en langue arabe et en langue française la procédure d’inscription et propose au téléchargement le questionnaire sur le niveau de vie des demandeurs (qui servira à la détermination d’un score – voir ci-dessous).

Selon l’expérience internationale, afin d’assurer l’inscription de la population pauvre et vulnérable et notamment la population la plus défavorisée de cette catégorie (en d’autres termes, minimiser les erreurs d’exclusion), un accompagnement social est nécessaire dans les zones les plus défavorisées. En République dominicaine par exemple, le système de sélection commun aux programmes d’assistance sociale (y compris le programme de couverture médicale non-contributif), utilise la ligne d’assistance téléphonique de l’Office présidentiel des technologies de l’information pour informer et renseigner les bénéficiaires potentiels.

Au Maroc, la mise en place d’un système d’accompagnement social des demandeurs potentiels éviterait en outre à ces derniers des va-et-vient inutiles en les informant en amont des exigences associées à l’inscription (pièces justificatives notamment). Il permettrait d’appuyer la population illettrée pour remplir les dossiers de demande d’inscription.

Les demandes d’inscription des bénéficiaires potentiels du RAMED sont actuellement déposées dans les annexes administratives locales, qui sont les services administratifs assurant le maillage territorial le plus étroit. Cette proximité avec la population fait écho aux meilleures pratiques internationales des programmes d’assistance sociale dits « à la demande ».

A l’échelle internationale, les processus d’inscription varient d’un programme et d’un pays à l’autre. Le Brésil, la Géorgie, l’Iran, la Jordanie et la Roumanie favorisent ainsi généralement les inscriptions « à la demande ». Cette logique peut toutefois engendrer une exclusion des (plus) pauvres. D’autres pays ont donc choisi de s’appuyer sur une logique d’enquête, dans le cadre de laquelle les services administratifs, proactifs, se rendent

DEMANDE D’INSCRIPTION

Cette tâche d’accompagnement social en amont du processus de sélection pourrait être assurée par :

• le pôle social et ses partenaires associatifs au sein des localités isolées ayant un important taux de pauvreté,

• l’administration communale et/ou de jeunes accompagnateurs sociaux dans les lieux d’enregistrement des demandes d’inscription (annexes administratives, pachaliks et caïdats).

Les actions préalables à la mise en place d’un tel système sont les suivantes :

• la conception d’un guide pour l’inscription expliquant dans le détail comment remplir le formulaire (avec des exemples concrets) et listant les pièces justificatives requises,

• la formation en cascade du personnel de ce système d’accompagnement.

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Sur la base des informations sur le niveau de vie du formulaire compris dans la demande d’inscription, les pouvoirs publics octroient un score au demandeur. Le scoring actuel varie entre milieu urbain et milieu rural. En milieu urbain, les critères d’éligibilité sont les suivants : (1) un score des conditions socioéconomiques inférieur à un seuil, (2) un revenu annuel déclaré et pondéré inférieur à un seuil. En milieu rural, les critères d’éligibilité sont les suivants : (1) un score patrimonial inférieur à un seuil, (2) un score des conditions socioéconomiques inférieur à un seuil. Cette méthode de scoring (dite aussi proxy means testing) ayant démontré son efficacité pour sélectionner la population pauvre, de nombreux pays l’ont adoptée : Brésil, Chili et Géorgie notamment.

Le système de scoring du RAMED pourrait toutefois être amélioré :

• Il repose sur des données sur les ménages ayant plus de dix ans, qui ne correspondent plus à la réalité économique et sociale.

• Il repose sur une définition statistique du ménage, alors que l’unité bénéficiaire du RAMED est la famille nucléaire. Ce décalage conduit les demandeurs à mal remplir le formulaire , ce qui fausse l’estimation du niveau de vie.

• Le critère du revenu déclaré peut donner lieu à des sous-estimations par les demandeurs. Or une vérification objective est impossible dans le cadre d’une économie largement informelle. Il est donc recommandé d’apporter au moins trois modifications à la formule de scoring :

SCORINGdans les ménages. Cette approche étant toutefois plus coûteuse, un système mixte peut également être adopté, la logique d’enquête étant réservée aux zones les plus pauvres et les plus isolées (comme en Egypte, en Indonésie et en République dominicaine).

Au Maroc, la population la plus défavorisée pourrait être exclue compte tenu de la nécessité de se déplacer à l’annexe administrative locale. Le système actuel d’enregistrement des demandes, fixe, pourrait être complété, par exemple par un système mobile assuré par des équipes itinérantes couvrant la population vivant dans des localités enclavées et/ou ayant un taux de pauvreté élevé. Ces équipes mobiles comprendraient du personnel chargé de l’enregistrement des demandes et du personnel chargé de délivrer, au besoin, les pièces justificatives nécessaires à la constitution de demandes complètes.

Les actions préalables au démarrage d’un tel système seraient notamment :

• la mobilisation de ressources humaines additionnelles afin de renforcer les guichets fixes et de constituer les équipes mobiles,

• la mobilisation de ressources budgétaires additionnelles (production des nouveaux outils, formation, etc.),

• la forte coordination des services administratifs, notamment dans les équipes mobiles (à l’instar de la coordination au moment de l’inscription des ménages au programme Tayssir).

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COMMISSIONS

• S’appuyer systématiquement sur les données les plus récentes sur le niveau de vie des ménages pour réviser les variables de la formule et leurs poids, en intégrant si possible des variables sur l’état de santé, certaines pathologies lourdes et coûteuses ayant un impact massif sur le niveau de vie des ménages.

• Réviser le questionnaire d’inscription pour supprimer l’ambiguïté actuelle sur la définition du ménage. Les questions devraient clairement faire référence au ménage au sens statistique et non à la famille nucléaire. Le questionnaire devrait toutefois permettre d’identifier les familles nucléaires. Il est important de tester et valider sur le terrain le formulaire révisé avant de l’adopter définitivement afin de s’assurer qu’il est compréhensible pour tous les acteurs (y compris les demandeurs et les profession-nels impliqués dans le processus d’inscription).

• Supprimer le critère du revenu déclaré. Le calcul d’un score à partir de critères observables et fortement corrélés au niveau de pauvreté est en principe suffisant pour sélectionner et classer les ménages selon différents niveaux de pauvreté.

La méthode de sélection des bénéficiaires du RAMED est mixte. En sus du système de scoring précité, des commissions locales interministérielles statuent sur l’éligibilité des demandeurs, en particulier des demandeurs que le système de scoring exclue ou classifie comme vulnérable . Les commissions sont « souveraines » ; les scores qui leurs sont transmis sont donc indicatifs. Elles peuvent par exemple prendre en compte l’état de san-té d’un demandeur et, retranchant le coût des soins qu’il supporte, le changer de catégorie. Comme l’illustre le graphique ci-dessous, généralement, soit les commissions locales entérinent la catégorisation issue du système de scoring, soit elles émettent une opinion plus favorable.

La commission locale, tout comme la commission de recours – provinciale/préfectorale – à laquelle peuvent faire appel les demandeurs en cas de rejet de leur demande par la commission locale, peuvent commanditer des enquêtes sur le niveau de vie des demandeurs. Il serait souhaitable que ces enquêtes, ainsi que les modalités d’examen des demandes, soient codifiées et standardisées afin de minimiser la marge discrétionnaire et que ces enquêtes soient systématisées

pour les demandeurs dont les membres de la commission ont une connaissance limitée , conformément aux meilleures pratiques inter-nationales.

Enfin, il est vivement recommandé d’évaluer les erreurs d’inclusion (admission comme bénéficiaires de demandeurs ne relevant pas des catégories de la population ciblées) et surtout les erreurs d’exclusion (population relevant des catégories de la population ciblées qui n’est pas effectivement bénéficiaire du RAMED) à travers des enquêtes auprès de la population, de préférence les enquêtes auprès des mé-nages existantes du Haut commissariat au plan, du ministère de la santé ou encore de l’Observatoire national du développement humain, comme dans le cadre des meilleures pratiques internationales. En Colombie, par exemple, le système de sélection des bénéficiaires des programmes de protection sociale est évalué et mis à jour tous les trois ans.

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DELIVRANCE DE LA CARTE ET AUTHENTIFICATION DU BENEFICIAIRE

Une carte RAMED est remise aux bénéficiaires ; sa validité est de trois ans pour les ménages considérés comme pauvres. Une fois leur contribution annuelle payée, les ménages considérés comme vulnérables disposent d’une carte valable pendant un an (renouvelable deux fois contre contribution annuelle). Il s’agit d’une carte « d’entrée de gamme », dotée d’une bande magnétique, sur laquelle sont apposées les photos du chef de famille et sa conjointe / de la chef de famille, aux côtés de leurs numéros d’identification individuels RAMED respectifs et de leurs numéros de cartes d’identité nationales. Au verso, la carte énumère les ayants-droit et leurs numéros d’identification individuels RAMED associés.

En 2014, une évaluation des systèmes d’identification au Maroc, y compris du système d’identification du RAMED, a été réalisée grâce à un outil standardisé permettant des comparaisons internationales . Le rapport soulignait qu’au regard des standards internationaux l’infrastructure d’authentification, pour vérifier si lesprétendants aux prestations hospitalières sont bien éligibles, était modeste, le problème de vulnérabilité face à la fraude se posant particulièrement pour les ayants-droit listés au verso de la carte. Par ailleurs, la carte RAMED n’étant pas dotée de fonctions logiques ou sécuritaires, elle pourrait être facilement falsifiée ou imitée. Enfin, le système d’identification du RAMED peut être considéré comme un système autonome puisqu’il exige une copie des cartes d’identité nationales et n’a pas établi de lien direct reliant les bases de données les unes aux autres.

L’évaluation des systèmes d’identification précitée préconisait pour le système du RAMED :

• Le développement de l’interopérabilité des systèmes d’information associés au RAMED d’une part, à la carte d’identité nationale, aux assurances sociales et aux autres opérateurs nationaux susceptibles d’étayer les informations déclarées par les demandeurs d’autre part.

• Le renforcement de l’infrastructure authentification, à savoir : une carte robuste associée à un système de vérification de l’identité au point de service (l’hôpital).