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MEMOIRE DE STAGE Une ONG de développement : arcenciel, Liban Mémoire réalisé par Axelle Coumert Maître de stage : Benjamin Destremau Tuteur-enseignant : Christian Velud INSTITUT D’ETUDES POLITIQUES DE LYON – SEPTEMBRE 2010

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MEMOIRE DE STAGE

Une ONG de développement : arcenciel,

Liban

Mémoire réalisé par Axelle Coumert

Maître de stage : Benjamin Destremau

Tuteur-enseignant : Christian Velud

INSTITUT D’ETUDES POLITIQUES DE LYON – SEPTEMBRE 2010

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SOMMAIRE 

Introduction Générale .....………………………………………………………………….. p.4

I Présentation de la structure et du stage …………………………….. p.7

1 Présentation du contexte libanais …………………………………………………….. p.7

11. Histoire .…………………………………………………………………….. p.7

12. Economie et société …………………………………………………….. p.9

2 Présentation d'arcenciel …………………………………………………………….. p.12

21. La culture d'arcenciel …………………………………………………….. p.12

22. Mission, objectifs et stratégie : le développement durable ………………….. p.13

3 Mon expérience à arcenciel …………………………………………………………….. p.19

31. Le concept de la hiérarchie …………………………………………….. p.20

311. Structure organisationnelle ..………………………………….. p.20

312. Culture du non-pouvoir …………………………………………….. p.21

313. Problèmes rencontrés et solutions existantes .………………….. p.21

32. La gestion des ressources humaines : enjeux et obstacles de .……………….. p.24

321. Principes .…………………………………………………………….. p.24

322. Problèmes rencontrés et solutions existantes .………………….. p.25

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II L'action d'une ONG du Sud : vers de nouveaux réseaux de coopération ?

p.28

1 Le réveil des acteurs privés dans le contexte libanais …………………………………….. p.29

11. La société civile ..…………………………………………………………….. p.29

12. L'action associative ..…………………………………………………………….. p.32

2 L'exemple d'arcenciel dans la mise en place de réseaux sud-sud : le projet Convenio p.34

21. Objectifs du projet et résultats attendus ……………………………………… p.34

22. Activités effectuées ……………………………………………………………….. p.36

23. L'expérience d'arcenciel dans la coopération Sud-Sud …………………….. p.38

3 Une restructuration de la coopération ? ..…………………………………………….. p.40

31. Critiques de la coopération Nord-Sud .…………………………………….. p.40

32. Avantages de la coopération Sud-Sud .…………………………………….. p.45

33. Vers le dépassement des "périphéries" ? ..…………………………………….. p.48

Conclusion Générale .……………………………………………………………………….. p.53

Annexes ……..………………………………………………………………………….. p.54

Bibliographie ……..………………………………………………………………………….. p.67

Je voudrais en premier lieu remercier Benjamin Destremau sans qui je n'aurai jamais trouvé ce

stage ni découvert arcenciel, ainsi que Christian Velud qui a rendu cette expérience possible. Je

remercie aussi toutes les personnes qui m'ont aidée au cours de mon stage, particulièrement

Aurore Saliba et Fady Moujaess. Je voudrais enfin remercier mes collègues : Olivia, Samar,

Pascool, Elie, Ahmad, Fanny, Lucie… qui ont rendu mon séjour à arcenciel et au Liban si

agréable.

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INTRODUCTION GÉNÉRALE 

Dans notre monde de plus en plus intégré, la coopération internationale semble plus active que

jamais, et la solidarité internationale se développe en faveur des pays en développement. Dans

ces pays, la société civile et les acteurs privés ont un rôle fondamental à jouer en faveur du

développement. Dans un constant mouvement de balancier, les progrès de ces sociétés civiles et

les efforts des ONG se renforcent mutuellement, les unes ne pouvant se développer pleinement

sans les autres. Dans certains pays en développement, nous assistons donc, en parallèle à la

montée de la coopération internationale, à un réveil des sociétés civiles, des acteurs privés prenant

en charge leur propre développement face à un Etat défaillant ou sans moyen.

A cet égard, le Liban est un exemple d'école : nous avons ici à faire à un pays au développement

intermédiaire, mais où l'Etat est absent, avec une société oscillant entre conservatisme et

libéralisme mais consciente des disparités existantes sur son territoire. Dans ce pays, les acteurs

privés sont donc les acteurs clés dans les efforts de développement et de soutien à la population.

En prenant appui sur mon expérience dans une ONG libanaise, je vais donc aborder ce double

aspect du développement : le réveil de la société civile et l'action des associations. Puis je

dépasserai ce niveau national pour considérer les choses à un niveau supérieur. En effet, il

semblerait que nous assistions à la création de nouveaux réseaux de coopération internationale,

dépassant les paradigmes prévalant depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

Dans cette étude, nous comprendrons l'expression "pays du Sud" comme désignant tous les pays

non développés, au sens onusien du terme. Ce développement se mesure à partir d'indices

statistiques tels l'indice de développement humain1 (IDH), le revenu par habitant, le taux

d'analphabétisme, l'accès à l'eau..., mêlant donc développement économique et développement

humain. Les pays développés présentent en général un IDH supérieur à 0,8 et réunissent plusieurs

types de pays : les « pays développés à économie de marché » de la deuxième moitié du XXe siècle

(États-Unis, pays d'Europe occidentale, Japon), des pays en transition (Russie, Ukraine, Pologne),

ainsi que de nouveaux pays industrialisés d'Asie (Corée du Sud, Taïwan, Singapour). Les pays en

développement présentent en général un IDH inférieur à 0,8 et réunissent aussi plusieurs

catégories : les nouveaux pays industrialisés et des pays émergents (Brésil, Mexique), des pays                                                              1 L'indice de développement humain (IDH) est un indice statistique composite, créé par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) en 1990, évaluant le niveau de développement humain des pays du monde. Il prend en considération l'espérance de vie à la naissance, le niveau d'étude et d'instruction et enfin le revenu par habitant.

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exportateurs d'hydrocarbures, des pays en situation intermédiaire (les pays d'Afrique du Nord), et

enfin les pays les moins avancés (des pays d'Afrique sub-saharienne pour la majorité). Ce sont ces

pays en développement que nous désignons par l'expression "pays du Sud", choix qui s'explique

par l'attachement à une analyse géopolitique du développement. Selon cette catégorisation

grossière, le Liban, au 83° rang mondial2, est toujours un pays en développement mais au

développement humain assez élevé, ne faisant partie ni des pays les moins avancés, ni des

nouveaux pays industrialisés.

Il faut donc garder à l'esprit que cette typologie ne rend pas compte de la complexité et de la

diversité de la réalité, les pays en développement n'étant absolument pas homogènes, avec des

niveaux de développement très différents. De plus, ces catégories ne sont pas figées, et au

contraire subissent actuellement de nombreux changements : ainsi certains pays qualifiés de pays

émergents sont en train de s’extraire rapidement de leur situation de sous-développement, avec

une hausse rapide du niveau de vie moyen, par exemple la Chine et le Brésil. La Corée du Sud,

ancien pays en développement, est quant à elle devenue un pays développé. D’autres pays

progressent grâce à des revenus économiques comme le tourisme (Kenya,..) ou les rentes du

pétrole et de l'énergie, ou l'industrie en général, comme l'Algérie par exemple.

Dans une première partie, nous présenterons très sommairement le contexte libanais : contexte très

différent de celui existant en France, le Liban étant un pays aux multiples cicatrices et oscillant sans

cesse entre influence occidentale et influence orientale, et entre tradition et modernité. Ce contexte

assez unique mérite une explicitation. Et c'est dans ce milieu qu'est née l'association arcenciel dans

laquelle j'ai effectué mon stage de fin d'études. Après une présentation de l'ONG, assez singulière

elle aussi puisque idéologiquement et financièrement indépendante, contrairement à beaucoup

d'associations libanaises, je tenterai de montrer en quoi son approche est originale et comment,

grâce à son expérience, elle a pu développer une stratégie unique étant pour beaucoup dans son

succès. Enfin, je présenterai mon stage, les problématiques rencontrées et les enseignements

acquis.

Dans une seconde partie, nous partirons de l'exemple d'arcenciel afin d'étudier dans quelle mesure

les réseaux de coopération traditionnels sont progressivement dépassés par la montée en

puissance d'une coopération Sud-Sud. Ce nouveau paradigme remettrait en cause (partiellement

au moins) les réseaux d'aide au développement qui ont existé depuis la fin de la seconde guerre

                                                             2 Le Liban totalise un score de 0.803 et se trouve en dernière position des pays en développement à développement humain élevé et ne se trouve pas dans les dix pays les plus développés de la région MENA (Middle East and North Africa).

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mondiale, et pourrait permettre de dépasser les excès et les limites de l'aide traditionnelle. Il est

par ailleurs sans doute judicieux de se demander si l'analyse géopolitique basée sur l'existence d'un

centre et de périphéries gravitant autour de lui, ne serait pas en train de devenir désuète : les pays

du Sud ont développé des relations propres, créant par là même de nouveaux "centres" que les

pays du Nord se refusent toujours à reconnaître. A cet égard, la coopération Sud-Sud en matière

de développement peut faire office de moteur pour le dépassement des anciens paradigmes

présidant l'analyse des relations internationales.

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PARTIE I : PRÉSENTATION DU STAGE 

Afin de mieux comprendre les enjeux de l'action d'une ONG libanaise au Liban, nous

commencerons par présenter brièvement le contexte dans lequel elle évolue, pour ensuite pouvoir

se pencher sur son action et le cœur de sa mission, en s'attardant plus particulièrement sur le

concept de développement durable. Enfin, je présenterai les problématiques rencontrées lors de

mon stage et les solutions que j'ai pu proposer aux problèmes décelés.

1- Le contexte libanais

Le Liban est un pays qui, surtout en France du fait des liens historiques unissant les deux pays,

nourrit beaucoup de fantasmes. Ne se voulant parfois ni arabe ni occidental, le Liban défie les

tentatives de catégorisations usuelles à bien des égards : culturels, religieux, politiques, socio-

économiques, au point où il est bien difficile de donner une définition académique du Liban. Le

meilleur moyen de connaître ce pays est donc encore de s’y rendre ! Nous tenterons tout de

même, grâce à un aperçu historique et socio-économique, de donner une idée, imparfaite, de ce

qu'est ce petit pays. Cette présentation permettra de mieux saisir les enjeux de l'action d'arcenciel.

11. Histoire :

Le Liban fut dès l'époque phénicienne un carrefour culturel et commercial, son histoire est celle des

nombreuses communautés qui y ont séjournées. Nul n’ignore les nombreuses influences qui ont

fait du Liban ce qu’il est aujourd’hui : depuis l’installation des Phéniciens, au XIVe siècle avant

notre ère jusqu’à aujourd’hui, le Liban a souvent été un refuge ou la convoitise de multiples

peuples, ethnies, confessions.

L'histoire du Liban est donc aussi une histoire violente, faite de confrontations entre ces différentes

identités présentes au pays du cèdre. Ce mémoire n’est pas le lieu pour rappeler ce qu’ont été ces

guerres et ces luttes, beaucoup d'ouvrage présenteront l'histoire du Liban mieux que je ne saurai

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jamais le faire3. Rappelons seulement qu’en 1920 fut créé le " Grand Liban ", dont les frontières

étaient celles du pays actuel. Cette nouvelle entité territoriale suscita l'opposition des nationalistes

arabes, qui souhaitaient la création d'une " Grande Syrie " englobant Syrie, Liban, Palestine et

Jordanie. La Syrie, en particulier, acquérant elle aussi son indépendance, n'a pas admis d'être

privée d'une grande partie de sa façade maritime. Occupé par les Britanniques en juin 1941, le

Liban obtint sa totale indépendance en 1943. Un " pacte national " visa à établir un équilibre entre

les communautés : le président de la République serait maronite; le président du Conseil, sunnite;

le président du Parlement, chiite. Les vingt premières années de l'indépendance furent marquées

par une prospérité économique, qui, toutefois, accrut les inégalités sociales. On parlait alors du

Liban comme de la "Suisse du Moyen-Orient". L'importante croissance démographique des

communautés musulmanes allait faire éclater ce fragile équilibre communautaire. Le

gouvernement libanais ayant soutenu la position des Occidentaux dans le conflit qui les opposait à

Nasser, l'opposition entre les nationalistes arabes, appuyés par la République Arabe Unie4, et les

pro-occidentaux, appuyés par l'Iraq et la Jordanie, provoqua des affrontements

intercommunautaires et l'intervention des États-Unis en 1958, appelés par le président Camille

Chamoun. Le Liban accueillit les Palestiniens chassés de Galilée après 1948. Après la guerre

israélo-arabe de 1967, à laquelle le Liban ne prit pas part, les réfugiés palestiniens affluèrent en

masse, et au lendemain des affrontements avec l'armée hachémite, en septembre 1970 ("

Septembre noir "), l'Organisation de libération de la Palestine, chassée de Jordanie, s'installa avec

ses combattants sur le territoire libanais. Quelque 400 000 Palestiniens ont donc élu refuge au

Liban. Cette présence palestinienne, circonscrite au territoire libanais, allait provoquer

l'intervention des armées de deux puissants voisins : la Syrie et Israël. S’ensuivent les événements

que l’on connaît : une guerre qualifiée de civile mais qui impliqua de nombreuses puissances

étrangères plus ou moins directement, et qui s’étala sur quinze ans, entre 1975 et 1989, date de

la signature des Accords de Taëf. Il y eut ensuite la série d’attentats de 2005 qui vit la mort du

premier ministre Rafic Hariri, la « guerre des 33 jours » qui opposa Israël au Hezbollah durant l’été

2006, l’occupation de Beyrouth par le Hezbollah en 2008, … Bref le Liban vit toujours au rythme

des soubresauts de violence et beaucoup se désespère de ne jamais voir la paix s’installer

durablement dans ce petit pays.

                                                             3 Voir notamment G. Corm, Le Liban contemporain. Histoire et société, La Découverte, 2005, 342p. 4 Nom donnée à l'Union de l'Égypte et de la Syrie entre 1958 et 1961.

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12. Economie et société :

La guerre civile de 1975-1990 a fortement endommagé les structures économiques libanaises,

réduisant de moitié la richesse nationale, et reléguant le pays au rang de simple coffre-fort à

pétrodollars du Moyen-Orient. Cependant, les années de la reconstruction, emmenées par une

politique fiscale efficace, permettent petit à petit au pays de se redresser. De ce fait, le PIB par

habitant a augmenté de 353% dans les années 1990, et sur cette même période, le Liban se situe

en 7e position mondiale en termes de croissance annuelle. Le rétablissement économique du pays

a aussi été fortement aidé par un système bancaire performant, unique dans la région, le

dynamisme de plusieurs PME familiales, l'aide extérieure et l'investissement étranger, notamment

français. La guerre de juillet 2006 a à nouveau eu de lourdes conséquences sur l'économie

libanaise, dont tous les chiffres ont dû être revus à la baisse. Le coût de la guerre et de la

reconstruction a augmenté l'endettement du pays ; la croissance, qui aurait dû atteindre 6 % en

2006, a finalement été nulle ; le secteur touristique a de nouveau fléchi. Cependant, une fois de

plus, le dynamisme libanais a permis de faire face à cette crise, et redresser le pays. Ainsi, le taux

d’endettement du Liban, réel boulet pour le développement, est passé de 180% à 149% de 2006

à 2009, notamment grâce à des taux de croissance de 8% et 9% entre 2008 et 2009.

Il est intéressant de noter que le Liban est passé à travers la crise économico-financière actuelle, et

a même pu profiter de l’arrivée de nouveaux capitaux. Le « miracle libanais » est principalement à

mettre au crédit de son système bancaire aux liquidités considérables, et à l'interdiction de la

spéculation dans les banques commerciales du pays. La diaspora libanaise a aussi joué un rôle

majeur grâce aux transferts de richesse, rapatriée pour échapper à la crise. Par ailleurs, l’année

2009 a enregistré un flux record de touristes au Liban (estimé à 2 000 000 de personnes, le

record devrait être battu cette année). En outre, le Liban dispose d'une proportion de main d'œuvre

qualifiée comparable à la plupart des pays d'Europe, et la plus qualifiée des pays arabes, ce qui

lui confère sur ces derniers un avantage comparatif non négligeable. Remarquons enfin que si le

Liban dispose d’une situation très favorable aux activités agricoles en termes de disponibilité de

l’eau et de fertilité des terres (le Liban a la plus grande proportion de terres arables de tous les

pays arabes), ce secteur n’est que peu développé et ne représente pas plus de 12% du PIB du

pays.

On estime que le Liban compte une population de 4 millions d'habitants. Les chiffres qui circulent

ne sont pas officiels : en effet, il n'y a pas eu de recensement depuis 1932 et le protectorat

français. À l'époque, les maronites étaient majoritaires. Actuellement, on estime la répartition

confessionnelle nationale à 40 % de chrétiens contre 60 % de musulmans, répartis en dix-huit

confessions reconnues. La population urbaine libanaise représente 87% de la population totale du

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pays. Par ailleurs, le Liban abriterait environ 400 000 Palestiniens5, 50 000 Irakiens et près de

200 000 immigrés du Soudan, des Philippines, du Sri Lanka, d'Ethiopie…, parmi lesquels se

trouve une large majorité de femmes, venues travailler au Liban comme employées de maison. La

société libanaise constitue ainsi un patchwork ethnique et confessionnel, et sa diversité entre pour

beaucoup dans sa renommée.

Le Liban est donc un pays relativement prospère économiquement, ce qui le place plus du côté

des pays développés que de ceux en voie de développement. Cependant, cette richesse

économique est loin de profiter à l'intégralité de la population. En effet, il existe de nombreuses

poches de pauvreté, et de profondes disparités socio-économiques, qui viennent s'ajouter aux

segmentations confessionnelles. Il existe au Liban une élite politico-économique qui concentre

entre ses mains tout le pouvoir politique et financier du pays. A l'autre extrémité du spectre social

s'étend une large population pauvre, résidant loin de la capitale ou dans sa proche banlieue. Entre

ces deux catégories : une classe moyenne qui tend à se paupériser. Le coût de la vie augmente de

manière exponentielle au Liban, et principalement à Beyrouth, notamment à cause de la bulle

immobilière. Cette classe moyenne déjà réduite semble donc aller en s’amenuisant. Seules les

catégories riches de la population peuvent se permettre de rester dans le centre de Beyrouth, les

autres déménagent en bordure de la capitale ou dans les villes de la côte.

Ce gigantisme de la capitale, cette macrocéphalie du pays, est de plus en plus critiqué et remis en

question par les Libanais eux-mêmes : la vie à Beyrouth devient de plus en plus difficile et de

moins en moins agréable6 et pourtant peu est fait pour décentraliser certaines activités

économiques. Le Sud reste donc très peu développé, et le Nord, emmené par Tripoli, tente

péniblement de tirer son épingle du jeu grâce à une économie dynamique. Il ne faut donc pas se

laisser duper par les discours sur "l'oasis libanaise", cette "Suisse du Moyen-Orient", et garder à

l'esprit qu'une grande partie des Libanais se battent pour vivre décemment. Dans ce contexte, les

associations de développement et les efforts d'intégration économique gardent toute leur

pertinence au Liban.

Nous le voyons, la guerre et les accidents de l'histoire ont créé d'importants antagonismes

politiques et religieux, auxquels s'ajoutent des conflits claniques et féodaux, des fractures

économiques et des disparités géographiques. Le Liban est donc un pays à la population

fragmentée en de multiples catégories, qui se rencontrent parfois mais qui ont du mal à se

                                                             5 Chiffre de l’UNRWA 6 Voir notamment à ce sujet un article de G. Corm paru dans une revue libanaise : 10 400km² sans douceur de vivre, Hebdo Magazine n°2743, 4 juin 2010, p. 35.

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comprendre, à se mêler et à communiquer. L’identité libanaise est complexe et difficile à

appréhender, faite à l’image de cette société fragmentée : chaque groupe, chaque segment de

population a sa propre définition de l'identité libanaise (un des exemples les plus frappants, et sans

doute grotesque, est la revendication par certains groupes chrétiens d'une identité phénicienne,

correspondant à un rejet de l'identité arabe) et un consensus national peine à émerger à ce sujet7.

Dans ce paysage social, certes grossi pour l’analyse, arcenciel apparaît alors comme un OVNI

associatif : apolitique et aconfessionnel, ayant à cœur de garder son indépendance idéologique et

financière, l’ONG va à contre-courant d’une encore importante partie de l’opinion publique.

                                                             7 Pour aller plus loin sur les problématiques identitaires, voir notamment un livre de l'écrivain libanais Amin Maalouf, Les identités meurtrières, Grasset, 1998, 189p.

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2- Présentation d'arcenciel

arcenciel est née au Liban le 21 novembre 1985. C’est une idée concrète qui a présidé à sa

création : de jeunes handicapés de guerre d’une vingtaine d’années, souhaitant continuer à vivre

normalement alors que n'ayant d’autre choix que de dépérir dans des foyers ressemblant à des

asiles pour vieillards, ont eu l’idée de fonder une association qui œuvrerait à leur réintégration

dans la société.

arcenciel est donc née au cours de la guerre civile, à une époque où les communautés s’entre-

déchiraient et où tout le Liban fonctionnait selon une logique de ségrégation : chiites contre

sunnites, druzes contre chrétiens, chrétiens contre chrétiens. On assistait alors à de grands

mouvements et déplacements de population, organisés dans le but de regrouper les gens selon

leur appartenance communautaire. arcenciel a donc fonctionné à contre courant en créant une

structure qui se mettrait au service de tout le monde sans discrimination et permettrait de contrer

cette logique de ségrégation. C’est d’ailleurs pourquoi le nom arcenciel a été choisi : parce qu’"il

porte et représente toutes les couleurs, qu’il se lève pour tout le monde". arcenciel est aussi une

entreprise d’inspiration chrétienne, ce nom a donc été choisi en référence d'une phrase de la

Genèse : « Quand l’arc sera dans la nuée, je le verrais et je me souviendrai de l’alliance éternelle

qu’il y a entre Dieu et tous les être vivants. »

Grâce au succès de son action avec et pour les personnes handicapées, l’association a grandi et a

été en mesure d’élargir et de diversifier ses activités pour apporter son soutien à toutes les

personnes en difficulté, que leur handicap soir physique, psychologique, social ou économique.

21. La culture d’arcenciel

arcenciel a à cœur de se distinguer des autres associations par un esprit et une culture originale.

arcenciel considère ainsi qu’il est dommageable de nier la différence : certes le handicap est

source de différence, mais la différence enrichit. De plus, les difficultés ne sont pas perçues comme

génératrices d’échecs, mais au contraire comme source de progrès possibles.

arcenciel s’oppose à cette vision dominante dans le monde du développement qui veut que l’on

aide les plus démunis en faisant de la charité. Il ne faut pas donner un poisson au pêcheur, mais

lui apprendre à pêcher. arcenciel considère donc que chacun peut être l’artisan de son propre

développement, pour peu qu’on lui en donne les moyens. Cette vision originale se traduit à

l’intérieur même d’arcenciel où l’on retrouve des personnes ayant des difficultés de tout ordre à

tous les niveaux hiérarchiques de l’association. Ces personnes sont considérées comme les mieux

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à même de comprendre les besoins des gens qui connaissent les mêmes problèmes qu’elles : qui

mieux qu’un toxicomane peut comprendre un toxicomane, qui mieux qu’une personne en fauteuil

roulant peut comprendre les besoins d’une personne en fauteuil roulant… Ce principe du « conseil

des paires » s’oppose ainsi à l’élite bien pensante qui prétend pouvoir décider à la place des

personnes en difficulté alors qu’elle ne peut approcher leur vécu réel qu’approximativement.

arcenciel est fière de son originalité et entend l’affirmer. L’association a donc réfléchi et développé

sa propre culture institutionnelle, qui regroupe un ensemble de documents, capitalisation de

l’expérience et du parcours de l’ONG : une mission, des objectifs, une charte, une stratégie, une

politique, connus de tous ses volontaires8.

22. La mission, les objectifs et la stratégie : le développement durable

arcenciel travaille depuis 1985 avec et pour toute personne en difficulté et s'est progressivement

donnée pour mission de : « Participer au développement durable de la société par le soutien des

groupes fragilisés et l’intégration des personnes marginalisées ».

Qu’est-ce que le développement durable ? Voici un schéma simple présentant les différentes

composantes du développement et leurs interactions. Seule la corrélation des trois peut être

appelée durable.

Le développement durable est une réponse de tous les acteurs (États, acteurs économiques, société

civile) pour reconsidérer la croissance économique à l'échelle mondiale afin de prendre en compte

                                                             8 Voir la Charte et la Politique en Annexe n°1 et 2.

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les aspects environnementaux et sociaux du développement. Le développement durable veut par

ailleurs répondre aux besoins du présent sans pour autant compromettre la capacité des

générations futures de répondre aux leurs.

Le développement durable, c’est donc la gestion rationnelle des ressources humaines, naturelles et

économiques qui vise à satisfaire les besoins fondamentaux de l’humanité. L'objectif ultime de ce

développement est de gommer les inégalités à travers trois axes principaux : la préservation et la

valorisation de l'environnement, la promotion et la mise en place d'une économie plus

performante, et enfin l'avènement d'une société plus équitable. L'approche doit comporter deux

composantes :

► Dans le temps : nous avons le droit d’utiliser les ressources de la Terre mais le

devoir d’en assurer la pérennité pour les générations futures.

► Dans l’espace : chaque humain a le même droit aux ressources de la Terre : c'est

le principe de destination universelle des biens.

Tous les secteurs d'activité sont concernés par le développement durable : l'agriculture, l'industrie,

l'habitation, l'organisation familiale, mais aussi les services (finance, tourisme,...) qui,

contrairement à une opinion quelquefois répandue, ne sont pas qu'immatériels.

De ce concept découle donc un certain nombre d'exigences. D’une part, la satisfaction des

besoins essentiels des communautés humaines présentes et futures doit prendre en compte les

contraintes démographiques comme l’accès à l’eau, à l’éducation, à la santé, à l’emploi, ainsi

que la lutte contre la faim ou la malnutrition. D’autre part, figure également comme objectif

l’amélioration de la qualité de vie, c’est-à-dire un accès plus facile aux soins médicaux, aux

services sociaux, à la culture, et donc au bien-être social. Enfin, le respect des droits et des libertés

et le renforcement de nouvelles formes d’énergies renouvelables comme l’énergie éolienne, solaire

ou géothermique sont aussi des aspects importants du développement durable.

Au niveau international, la promotion du développement durable a été concrétisée par la

Conférence de Rio en 19929 (dit "Sommet de la Terre"), et l'Agenda 2110 qui y a été adopté, ainsi

que par les Objectifs du Millénaire pour le Développement. Chacune de ces initiatives prend en

compte les différents aspects du développement que nous avons évoqués plus haut.

                                                             9 Voir la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement, Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, réunie à Rio de Janeiro du 3 au 14 juin 1992. 10 L'Agenda 21 (ou Action 21) est un plan d'action adopté par 173 chefs d'État lors du sommet de la Terre, à Rio, en 1992. Il formule des recommandations dans des domaines variés : la pauvreté, la santé, le logement, l'envorinnement, l'agriculture, la gestion des déchets…

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A travers ses sept programmes, arcenciel entend œuvrer en faveur du développement durable et

répondre à ces exigences. Mais arcenciel souhaite aussi œuvrer en faveur du développement

durable de manière interne : les principes appliqués aux actions à destination des bénéficiaires

sont aussi pris en compte dans la politique interne et guident la conduite de l'association dans

toutes ses décisions.

La dimension sociale : prise en compte des personnes en difficulté

arcenciel développe des programmes adaptés en fonction des sollicitations et de l’identification

de nouveaux besoins. L'association est ouverte à tout groupe de personnes souffrant de difficultés

variées :

• Agriculteurs • Chercheurs d’emplois • Ex-prisonniers / ex-toxicomanes • Jeunes en difficultés • Malades • Personnes handicapées • Travailleurs étrangers, etc…

arcenciel entend ainsi prendre en compte toutes les personnes et groupes vulnérables lors du

développement de chacune de ses actions. Au niveau interne, arcenciel applique le même principe

: des personnes en difficulté vont être recrutées afin de leur donner la chance d'avoir un emploi et

d'acquérir des compétences. De même, les volontaires de l'association peuvent bénéficier des

services de l'ONG s'ils en ont besoin (services médicaux, sociaux…). C'est ainsi qu'arcenciel

travaille "avec et pour toutes personnes en difficulté".

La dimension environnementale : préservation des ressources naturelles

Depuis 2003, arcenciel possède un programme environnement qui a pour principale activité le

traitement des déchets hospitaliers des hôpitaux implantés au Liban. Par ailleurs, arcenciel

s’organise en interne afin de sensibiliser chacun à la protection de l’environnement (diminution de

l’utilisation du plastique, du papier, de l’énergie…). arcenciel travaille pour intégrer à l’ensemble

de ses activités et de ses centres des normes de qualités environnementales.

Page 16: mémoire - axellec : Une ONG de développement : arcenciel, Liban

 16 

La dimension économique : rentabilité des activités et autonomie financière

Dans chacun de ses programmes, arcenciel veille à ce que l'intégralité de ses services soit

accessible à tous, même aux plus pauvres. L'association applique donc une politique de prix des

services originale, basée sur le cas par cas et prenant en compte un ensemble de critères

pertinents : ressources, nombre de personnes à charge, situation familiale, handicap éventuel…

De plus, dans le cadre de certains programmes, une aide financière est proposée aux personnes

dans le besoin, à condition que cet argent serve à des buts précis (aide à la scolarité, aide à la

réalisation d'opération de santé…). Dans un contexte de crise économique quasi permanente où

beaucoup d’entreprises à but lucratif font faillite, arcenciel s’efforce de trouver les moyens de

rentabiliser chacune de ses activités afin d’être le moins tributaire possible des donations et par là

d'atteindre un maximum d’autonomie financière. Cette indépendance économique est aussi un

gage de son indépendance idéologique.

arcenciel cultive en effet son indépendance sur le plan idéologique, politique comme financier.

Elle n’est tributaire ni d’une minorité confessionnelle, ni d’un parti ou d’une personnalité politiques

et parvient à assurer un taux d’indépendance de 80 % grâce à son autofinancement. Cela lui

permet de s'émanciper des bailleurs de fonds et d'assurer une certaine pérennité de ses activités.

Afin d'atteindre ces objectifs de développement durable, arcenciel a adopté une stratégie basée

sur trois piliers. La stratégie d'une association consiste à mettre en place tous les éléments qui vont

permettre d’atteindre les objectifs fixés. D’autres associations peuvent concevoir la même mission

et les mêmes objectifs, en revanche, la stratégie mise en place par arcenciel lui est propre.

Le travail communautaire qui permet de déceler et d’évaluer les besoins concrets des

personnes : La démarche de travail d’arcenciel est pensée afin de profiter au plus grand

nombre, à la société dans son ensemble. De plus, arcenciel entend répondre aux besoins

réels de la population, et non plaquer des idées préconçues à une situation existante. Ce

travail communautaire est réalisé par des visites et enquêtes sur le terrain, par la création

d'une relation de confiance entre les populations locales et arcenciel. La philosophie

d’arcenciel est ainsi basée sur l’évaluation des besoins et le diagnostic de la situation, qui

conduisent à la mise en place d’activités et programmes adéquats.

Page 17: mémoire - axellec : Une ONG de développement : arcenciel, Liban

 17 

Les centres de référence répartis sur tout le territoire libanais qui délivrent des services

spécialisés et travaillent avec et pour les bénéficiaires. Les activités mises en place dans ces

centres correspondent aux besoins repérés lors de l'étape précédente.

Le programme public qui garantit le cadre légal et la pérennité des deux autres piliers à

travers une définition des normes, une adaptation de la législation et un système de

couverture sociale. C'est lors de cette étape qu'arcenciel participe au développement de la

société dans son ensemble.

La stratégie globale d’arcenciel pourrait être ainsi résumée en trois mots : projet, programme et

politique.

Projet

Le projet peut correspondre à un besoin exprimé par la communauté mais il peut être aussi le

résultat d’une envie, d’une vision. Un projet suppose la planification d'une idée, la prévision des

moyens adéquats à l'exécution de ce projet et la segmentation de l'idée en tâches attribuées aux

ressources humaines. Un projet est donc limité dans le temps, possède un début et une fin.

Programme

Suivant le domaine dans lequel il se situe, le projet mis en place dans un centre peut être répété

ailleurs et devenir un programme. Le projet est alors institutionnalisé pour être géré efficacement.

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 18 

Cela suppose la construction de bâtiments ou l’aménagement d’espaces, l’achat d’équipement

adéquat ainsi que le recrutement de volontaires. arcenciel a développé, au fur et à mesure des

besoins identifiés, 7 programmes -, agriculture, emploi, environnement, jeunesse, mobilité et

accessibilité, santé, social - mis en œuvre à travers 16 centres répartis sur tout le

territoire libanais.11

Politique

La mise en place d’un programme est souvent le résultat d’un manque constaté dans la société

libanaise en général. Le fonctionnement efficace d’un programme bien structuré peut amener

arcenciel à proposer une standardisation, voire une législation au niveau national. Ainsi

l’association a le sentiment d’œuvrer non seulement pour ses usagers mais également pour tous

les Libanais dans la même situation. C’est ainsi que les activités du programme « réhabilitation »

ont conduit au vote d’une loi concernant tous les handicapés au Liban en juin 2000 (dite "Accès et

Droit"), et le programme environnement a entraîné la mise en place d'une réglementation

nationale sur le traitement des déchets d'activités de soins à risques infectieux.

                                                             11 Voir le détail des programmes et l'impantation géographique des centres arcenciel en Annexe n°3 et 4.

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 19 

3- Mon expérience à arcenciel

J'ai effectué mon stage sous l'égide de la Direction Générale et du département ressources

humaines. Ma mission s'apparentait en quelque sorte à du consulting interne : j'ai dû effectuer une

revue des missions et objectifs des programmes de l'ONG, m'assurer qu'ils concordaient avec la

culture d'arcenciel, pour enfin repérer les manques et dysfonctionnements et proposer des

solutions. Je me suis ainsi beaucoup attardée sur les manques en ressources humaines et les

carences au niveau du suivi des activités et du travail des volontaires. En partenariat avec les

ressources humaines, j'ai par exemple rédigé des fiches de mission et des plans d'action ainsi que

des profils de poste, qui permettront à arcenciel de recruter les personnes dont l'association à

besoin. Concernant les problèmes de suivi, j'ai été amenée à créer des tableaux de bord et des

procédures simples permettant de répondre au moins en partie à ces carences. J'ai aussi formulé

des recommandations à la Direction concernant les problèmes de fond. Lors de ce stage, afin de

comprendre les enjeux et déceler les manques, j’ai dû procéder à de nombreux entretiens avec les

volontaires de l’association, et ai évoqué avec eux les difficultés que rencontrent actuellement

arcenciel : ce stage m’a donc permis de comprendre les rouages d’une ONG, les enjeux de son

action, et les nombreux problèmes rencontrés en interne.

Beaucoup des problèmes que rencontrent actuellement arcenciel sont liés à sa croissance

extrêmement rapide, à son explosion. En quelques années, arcenciel est passée du statut

d’association locale d’aide aux handicapés à celui d’acteur majeur de la société civile libanaise,

connu et reconnu même en-dehors des frontières du pays, et employant plus de 500 personnes sur

tout le territoire12. L’ONG n’a pas été en mesure, car prise de court et ne possédant alors pas le

recul nécessaire, d'adapter sa structure à son nouveau statut : on ne gère pas 7 programmes, 16

centres et 500 employés, comme on gère une équipe d’une centaine de personnes. A cet égard,

les défis auxquels est confrontée arcenciel sont des défis que peuvent rencontrer toute ONG et

toute entreprise. Le stage que j’ai effectué, me mettant directement en contact avec ces problèmes,

a donc été extrêmement enrichissant puisque les connaissances que j’y ai acquises et les choses

que j’ai tentées de mettre en place sont transposables à tout type de structure.

                                                             12 Pour un rapide aperçu de l’évolution de l’association, voir Annexe n°5.

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31. La conception de la hiérarchie

311. Structure organisationnelle

L’organigramme d’arcenciel nous montre que la structure de l’association est organisée d’une part

en programmes qui servent des tiers et d’autre part en départements dont le but est d’optimiser les

services proposés dans les programmes. Quatre départements soutiennent l’action quotidienne

des programmes :

- Administration - Partage - Ressources humaines - Gestion des centres

arcenciel a la volonté de faire différent13 et a donc développé une forme organisationnelle

originale, qui ne correspond pas aux formes classiques couramment rencontrées.

1.7. Le concept de la hiérarchie à arcenciel

« Dans toute structure organisationnelle, il existe une forme de hiérarchie qui consiste en général à

classer des fonctions et des pouvoirs selon un rapport de subordination et d’importance. Dans la

majorité des institutions, la structure hiérarchique se dessine sous forme pyramidale avec un

directeur général qui a les pleins pouvoirs et des subordonnés par ordre décroissant d’importance.

Il en résulte la plupart du temps une lutte pour le pouvoir à tous les niveaux et des conflits

d’intérêts qu’il faut gérer.

Dans ce domaine comme dans d’autres, arcenciel souhaite cultiver la différence en pratiquant la

culture du non pouvoir. Ceci est déjà bien visible dans la forme graphique de l’organigramme de

l’association qui n’est pas pyramidal. Il s’agit plutôt d’une gravitation autour d’un centre de gravité

et à partir de là, d’un rayonnement vers l’extérieur.

Extrait du Règlement d’arcenciel

Cette structure radiante a des conséquences importantes sur l'organisation du travail : il n'y a à

arcenciel que peu de chef, donc peu de pression hiérarchique. Par ailleurs, cette structure laisse,

en théorie du moins, une grande place à l'initiative personnelle.

                                                             13 Voir la politique d'arcenciel en Annexe n°2.

Page 21: mémoire - axellec : Une ONG de développement : arcenciel, Liban

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312. Culture du non-pouvoir

Cette structure organisationnelle est née de la volonté de faire différent aussi au niveau de la

conception de la hiérarchie : arcenciel entend en effet se distinguer des autres associations et

entreprises en pratiquant la culture du non pouvoir.

« De la culture du non-pouvoir

La culture d’arcenciel c’est essentiellement une culture du non-pouvoir. Les responsables de

chaque programme, étrangers aux luttes stériles pour l’acquisition d’avantages professionnels et à

tout esprit de concurrence ou de compétition, poursuivent le but, qu’ils se sont tracés, prenant leur

responsabilité par-devant soi et surtout par-devant leurs usagers, bénéficiaires de leur programme.

C’est pourquoi personnalité, capacités et efficacité individuelles comptent davantage que les

diplômes ou les titres. »

Extrait de la Culture d’arcenciel

Plutôt que de parler de « direction », il vaudrait mieux parler de « coordination » entre les

programmes qui sont au service des usagers et les départements qui en sont le support.

« La notion de chef imposant n’existe pas à arcenciel. Par contre, il est indispensable d’avoir un

référent qui suit les problèmes, gère les questions d’horaires, d’absences, la qualité du travail, les

équipements : c’est plus une personne qui saura allier la figure paternelle de guide, de référent

mais aussi d’apprentissage dans la voix droite. »

313. Problèmes rencontrés et solutions existantes

Cette forme organisationnelle particulière fait d'arcenciel une structure compacte et rationnalisant

les fonctions de support, communes à tous les programmes. Ceci a le triple avantage de réduire

les coûts, de centraliser ces fonctions, et d'avoir des experts dont la mission correspond pleinement

aux compétences.

Cependant, avec l'évolution fulgurante qu'a vécue l'association, certains de ces départements ne

sont plus en mesure de répondre à tous les besoins de l'association. De plus, il y a un risque

d'overlapping, de chevauchement des fonctions, notamment entre centres et départements. Voici

un extrait d'un rapport rendu à arcenciel concernant un des centres que j'ai été amené à étudier :

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"Wati est un centre de services, qui remplit les objectifs d'arcenciel par le biais des programmes

qu'il héberge. Une restructuration de l'organigramme est actuellement en cours afin de conférer au

chef de centre plus d'autonomie. Les responsables de programme seront désormais des

responsables techniques, le chef de centre sera plus qu'un simple intendant et sera en charge de

toutes les fonctions de support présentes dans son centre. L'indépendance acquise par le centre

permettra une meilleure coordination des différents programmes et une rationalisation des

dépenses de fonctionnement."

La répartition des responsabilités n'est ainsi pas toujours claire. Certaines activités sont-elles sous la

responsabilité du chef de centre, de certains programmes, ou bien du ressort des départements ?

Cette question se pose pour toutes les activités ayant attrait aux ressources humaines, aux IT, à la

comptabilité… : ces fonctions sont regroupées en département, mais peuvent être faites de

manière interne à un programme ou à un centre. Le problème se pose aussi avec le département

transport, se trouvant dans le centre de Wati :

"Le département transport, en tant que gestionnaire de tous les véhicules d'arcenciel, dépend à la

fois de l'administration (centre de Jisr el Bacha) et du centre de Wati. Ceci entraîne une confusion

et des dysfonctionnements au niveau de la hiérarchie et du suivi des activités : qui est le supérieur

du responsable transport, le responsable de centre ou le responsable administration d'aec ? Il

faudrait par conséquent clairement placer le département sous la responsabilité unique du centre

de Wati afin de simplifier les réseaux de hiérarchie et d'information"

Si cela permet une flexibilité certaine, ce fonctionnement entraîne aussi toute une série de

questionnements : quand le travail doit-il être confié aux départements, quand doit-il être fait en

interne… ? Il serait nécessaire, afin d’apporter des solutions à ce problème et d’optimiser le travail

de chacun, de reprendre l’organigramme général d’arcenciel, en redistribuant les tâches et en

précisant dans le détail les relations entre programmes, centres et départements. Il est intéressant

de noter qu’un tel organigramme n’existe pas à l’heure actuelle, la répartition des tâches se faisant

au cas par cas.

La structure organisationnelle entraîne aussi des problèmes au niveau de la hiérarchie :

contrairement à ce qu'il se passe avec une structure pyramidale, il n'y a à arcenciel que de chefs et

très peu d'intermédiaires. Ce choix fait partie de la culture d'arcenciel et correspond à sa politique.

Cependant, cette orientation entraîne un certain nombre de difficultés au niveau de l'autorité, du

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suivi du travail des volontaires et de la prise de décision. Des problèmes de discipline (retards,…)

sont donc assez fréquents et difficilement gérables puisque l'organisation du travail est basée

principalement sur la responsabilité qu'a chacun de son propre travail et de son propre rythme.

Au cours de mon stage, j'ai donc été amenée à proposer des solutions, ou au moins des débuts de

solutions, aux dysfonctionnements recensés dans les programmes et les centres étudiés. La majorité

des problèmes identifiés ne pouvant être réglés en quelques jours, ma mission a donc été de créé

des offres de stage correspondant à ces problèmes. J'ai donc rédigé des fiches de mission,

accompagnées de plans de stage et de tableaux de bord afin d'optimiser le suivi. Après analyse

des organigrammes, il est aussi apparu que beaucoup de postes étaient vacants, ou que certains

volontaires remplissaient trop de tâches. J'ai donc aussi créé des profils de poste destinés à

recruter des volontaires et expliciter leurs mission et objectifs de poste.

Un des principaux problèmes identifiés, comme je l'ai expliqué, réside dans le manque de suivi des

activités et du travail des volontaires. Une solution simple permettant de répondre partiellement à

ce problème est la mise en place de tableaux de bord14. Ces tableaux permettent de compiler une

série d'indicateurs pertinents et d'avoir un aperçu rapide et pratique de l'état des activités. Un

tableau de suivi peut aussi être construit en fonction d'objectifs : il permet alors de mesurer

l'avancement de son travail, de repérer les retards et d'avoir une vision de l'activité inscrite dans le

temps.

Ces tableaux de bord doivent être remplis par les volontaires et destinés à leur responsable

hiérarchique, ce qui soulève un autre problème : l'identification des responsables. Au cours de

mon stage, j'ai donc proposé des restructurations d'organigramme et l'explicitation des liens

hiérarchiques. Ceci a permis de clarifier les responsabilités de chacun et d'identifier, pour chaque

unité de travail, le responsable à qui les comptes doivent être rendus. Les problèmes de déficit

hiérarchique pourront aussi être en partie régler par le recrutement de cadres responsables, dont

arcenciel manque cruellement.

Enfin, la constatation d'un vide au niveau du contrôle hiérarchique et du suivi, ainsi que la révision

des organigrammes, a permis une réflexion sur de nouvelles procédures de décision et d'action,

qui seront écrites noir sur blanc et connues de tous les volontaires concernés. Ces nouvelles

procédures sont en cours de rédaction.

                                                             14 Voir un exemple de fiche de suivi (fiche d'autoévaluation de stagiaires en assistance sociale) en Annexe n°6.

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32. La gestion des ressources humaines : enjeux et obstacles

321. Principes

arcenciel a développé une culture originale aussi dans le domaine de la gestion des ressources

humaines.

« De son mode de recrutement

Lors du recrutement de nouveaux collaborateurs, l’association porte son choix de préférence sur

les personnes qui font partie de l’un de ses groupes cibles. Personnes handicapées, jeunes en

difficulté, personnes atteintes de troubles psychiques, ex-détenus… sont privilégiés dans l’espoir

que leur recrutement les mène sur la voie de la réinsertion sociale. D’autre part et cela est encore

plus essentiel, la présence de ces personnes en difficulté à des postes clefs d’aec, peut constituer

une lueur d’espoir pour ceux qui se situent en marge de la société et qui comme eux, se sentent les

laissez pour compte d’un système qui les rejette. L’exemple de la réussite professionnelle de

personnes elles-mêmes handicapées, ex-détenus… qui au-delà d’une solidarité compassionnelle

de l’esprit, partagent indubitablement leur lourde réalité quotidienne, peuvent les aider à ouvrir

une brèche dans ce qui leur semble être l’horizon condamné de leur existence. »

Extrait de la Culture d’arcenciel

La politique de l'association en matière de rémunérations fait aussi d'arcenciel une structure d'une

grande originalité :

"La gestion des rémunérations à arcenciel est à la fois complexe et atypique. Complexe, car

l’association exerce des activités de type et de volume très différents suivant la région dans laquelle

elle est implantée et suivant les besoins sociaux qui y sont répertoriés. Atypique également, car

cette gestion se veut différente des politiques habituelles et classiques dans ce domaine."

"On ne choisit pas de travailler à arcenciel, association d’inspiration chrétienne, dans le but

d’accumuler des biens matériels qui sont censés nous apporter le bonheur. La première et véritable

rémunération d’un volontaire, c’est le bonheur et la satisfaction éprouvés à l’accomplissement de

sa tâche."

Chaque personne est considérée comme un cas particulier pour lequel il faut prendre en compte

un certain nombre de paramètres qui lui sont propres afin de déterminer son salaire. Par ailleurs,

si les rémunérations à arcenciel ne sont pas celles offertes par une entreprise, arcenciel offre à ses

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volontaires les mêmes services qu'à ses bénéficiaires : services médicaux, aide à la scolarisation,…

en plus d'une couverture sociale et médicale ainsi que la retraite, ce qui est loin d'être répandu au

Liban.

322. Problèmes rencontrés et solutions existantes

Si l'on procède à une rapide analyse des avantages et des inconvénients de la stratégie RH

d'arcenciel, on voit que cette dernière contient de multiples points positifs, mais est sans doute

inadaptée à la taille actuelle de l'association. En effet, une des forces d'arcenciel réside dans son

dynamisme et la permanence de sa culture : recruter des jeunes permet de les former à l'esprit

d'arcenciel, de rester en phase avec la société qui évolue sans cesse, et représente pour ces

derniers l'occasion d'acquérir de l'expérience. De plus, les "anciens" se chargent d'encadrer et de

guider les jeunes, de pérenniser l'expérience d'arcenciel et de garder vivante ses raisons d'être.

arcenciel offre une qualité d'ambiance de travail très rare et la flexibilité dont fait preuve

l'association dans les horaires, la gestion du travail… intéressent des profils différents : des

étudiants, des mères de famille, des professeurs, etc., et cette variété de profils apporte des

regards nouveaux et enrichit. arcenciel garde donc une équipe dynamique et fourmillante de

projets et d'idées nouvelles.

Cependant, ce mode de fonctionnement présente aussi des inconvénients : la fidélisation des

jeunes est dans les faits difficile, ils viennent rechercher à arcenciel une première expérience, et pas

assez souvent une carrière. Outre les problèmes de continuité dans le travail, ce turn-over implique

que le temps et les moyens investis dans la formation des jeunes sont perdus pour l'association. Les

deux principaux problèmes que rencontrent les ressources humaines d'arcenciel concernent donc

un manque de stabilité des effectifs (fort turn-over) et un manque de motivation chez certains

volontaires. Les causes de ces problèmes sont multiples : elles regroupent tout à la fois la politique

de rémunération, le poids des "pères" d'arcenciel, le manque au niveau de la gestion des carrières

et le manque de sanctions.

La politique salariale entraîne une absence de moyen de pression par la rémunération : ceci peut

paraître cynique, mais j'ai plusieurs fois remarqué que les volontaires, conscients d'être payé moins

qu'ailleurs, se sentent moins redevables à l'association et prennent leur travail moins au sérieux.

Par ailleurs les "pères" d'arcenciel paraissent parfois former une oligarchie jouissant d'un certain

nombre de passe-droits qui peuvent surprendre les volontaires, et fermant les derniers échelons de

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l'organigramme. La culture de non-pouvoir semble donc être à géométrie variable, et les prises de

décision souvent unilatérales. Cependant, conscient de ce problème, la Direction d'arcenciel

privilégie de plus en plus la constitution de "Comités directeurs", regroupant à la fois les fondateurs

et les volontaires concernés et permettant une prise de décision collégiale.

D'une manière générale, on peut estimer que la stabilité des effectifs dans une structure semblable

à celle d'arcenciel naît de deux choses : un engagement à long terme et une motivation. Au cours

de ma mission, j'ai été amenée à repérer certaines défaillances qui touchent à ces deux points. Les

solutions proposées, de même que celles étudiées dans le cadre de Comités stratégiques, vont

donc dans le sens d'un renforcement de ces deux éléments.

► L'engagement vient d'une part de la recherche d'expérience et d'autre part de la recherche

de bénéfices. Les bénéfices peuvent être matériels, mais aussi d'ordre moral. Ainsi, il ne faut pas

sous-évaluer le sentiment de participer à une mission supérieure, et l'importance accordée aux

valeurs collectives, à l'humanisme et à l'intérêt public. De plus, si arcenciel a fait le choix d'une

politique de rémunération originale, l'existence de nombreux avantages médicaux, sociaux,… peut

en partie compenser les écarts de salaire existants avec d'autres structures.

► La motivation est plus complexe. Elle vient du sentiment de participer à une mission

tangible, qui peut être rendu par exemple par des visites sur le terrain, l'explicitation de la culture

de l'association… Elle vient aussi d'un besoin de reconnaissance pouvant être satisfait par la mise

en valeur et l'acquisition de compétences, et par une évolution interne (notion de "carrière"). Par

ailleurs, il ne faut pas nier le fait que la motivation naît aussi des bénéfices matériels. Enfin, un

certain nombre de sanctions, juste et expliquées, peut permettre de motiver les volontaires : une

réflexion est actuellement menée au sein du département RH afin de mettre en place une grille de

sanctions, sans remettre en cause la politique de l'association qui prône l'autodiscipline.

Nous noterons enfin un certain nombre de problèmes liés à l'organisation même du département

Ressources Humaines. Tout d'abord, le poste de gestion des carrières et des compétences est

vacant, ce qui crée de gros blocages dans l'évolution interne et influe négativement sur la

motivation. Les avancements et les augmentations, de même que les formations, viennent

principalement de demandes personnelles des volontaires, il n'y a pas de procédure systématique.

De plus, l'effectif des RH étant relativement limité (quatre personnes pour un total de 500

employés), il est nécessaire de mettre en place des procédures de coordination entre le

département et les centres s'apparentant à une décentralisation des tâches. Il est aussi nécessaire

de mettre en place un suivi systématique des besoins des centres et programmes, par exemple par

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le biais de questionnaires à remplir tous les trimestres, car nous avons remarqué que beaucoup de

besoins évidents en ressources humaines étaient inconnus du département du fait d'un manque de

suivi. Enfin, il est aussi nécessaire de correctement systématiser les procédures d'accueil des

stagiaires afin que leur venue à arcenciel bénéficie pleinement à la fois aux stagiaires et à la

structure.

arcenciel est une ONG originale, qui ne correspond pas aux stéréotypes de la société dans

laquelle est évolue. De fait, la société libanaise est une société qui a les moyens de son propre

développement, tant financièrement que dans les mentalités, mais où subsistent un nombre de

fractures et de blessures qui inhibent souvent toute action. A cet égard, le travail d'arcenciel est

encourageant. L'association entend œuvrer pour le développement durable, et met ces principes

en pratique aussi de manière interne : cette cohérence dans son action est sans doute pour

beaucoup dans sa crédibilité et sa réussite. Si cette réussite est sans doute aujourd'hui la cause

principale des problèmes rencontrés par arcenciel, l'ONG a conscience de ces dysfonctionnements

et tente d'œuvrer à leur rectification. La tâche sera sans doute longue et délicate, car elle remet en

cause certains principes fondateurs de l'association. arcenciel doit donc encore réfléchir à

comment trouver un point d'équilibre, sans se compromettre, entre sa culture et l'impératif

d'efficacité, ce qui pourra, dans les années à venir, être la condition de sa survie.

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PARTIE II : L’ACTION D’UNE ONG DU SUD : DE NOUVEAUX RÉSEAUX DE COOPÉRATION ? 

Nous tenterons ici de voir ce qu'a d'original l'action d'une ONG du Liban, donc du Sud, dans sa

manière de contribuer au développement durable. Nous réfléchirons aussi à ce que peut nous

apprendre l'expérience internationale d'arcenciel. La première partie se focalisera donc sur une

analyse plus sociétale du Liban, qui montrera que toute action en faveur du développement doit

passer par un effort de renforcement de la société civile, donc du tissu associatif. Dans une

seconde partie, nous verrons que l'action d'arcenciel s'inscrit dans ce cadre en dépassant les

frontières et en visant à la mise en place de réseaux de coopération Sud-Sud par le renforcement

des sociétés civiles des pays cibles. Enfin, dans une dernière partie, nous dépasserons le cas

libanais pour tenter d'extrapoler au niveau international. Nous montrerons ainsi qu'on assiste à

l'émergence de nouvelles formes de coopération qui témoignent d'un éveil des sociétés civiles et

d'un dépassement des anciens paradigmes développementaux. La coopération Sud-Sud pourrait-

elle être alors une réponse aux critiques faites à l'aide au développement actuelle ?

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1- Le réveil des acteurs privés

Il est difficile, lorsque l’on parle du Liban, d’échapper à une grille de lecture centrée sur les

logiques communautaires, réduisant les luttes pour le pouvoir à l’identité confessionnelle de

leaders, et renvoyant les enjeux de ces luttes aux stratégies d’alliance avec des acteurs étrangers,

qu’ils soient syriens, palestiniens, israéliens ou américains. Nous nous demanderons ici si la

société civile libanaise peut échapper à ces fractures, à cette grille de lecture. Le civil est ce qui

relève du citoyen, de son statut, en tant que membre d'une collectivité nationale. On peut alors

définir la société civile comme le domaine de la vie sociale organisée qui est largement autonome

de l'Etat et de ses représentants : c'est le corps social par opposition à la classe politique, militaire

ou religieuse. Partant du constat de l'existence d'une société civile au Liban, nous verrons quel est,

à l'intérieur de cette société civile, le rôle des associations.

11. La société civile au Liban :

Le Liban fournit un contexte particulier principalement dû à sa structure politico-sociale basée sur

le confessionnalisme. Le Pacte national de 1943, document non-écrit, stipule que le président doit

être un Chrétien Maronite, le premier ministre un Musulman sunnite et le Représentant du

Parlement, un Musulman Chiite. L'accord de Taëf d’octobre 1989, qui a mis fin à 15 années de

guerre civile, a entériné ce système politique de partage des pouvoirs entre les différentes

confessions religieuses. Conformément à l’Accord de Taëf, Chrétiens et Musulmans sont

représentés à parts égales au Parlement, au Conseil des ministres ainsi que pour les hauts postes

civils et militaires. Chacune des sous-communautés Alaouite, Druze, Chiite, Sunnite au sein de la

communauté musulmane, ainsi que les Catholiques arméniens, les Arméniens orthodoxes, les

Catholiques grecs, les Orthodoxes grecs et les Maronites pour ce qui concerne la communauté

chrétienne, sont représentés de manière « proportionnelle »15. Enfin, le Liban est un cas particulier

dans la région du fait de la très importante diaspora. En effet, plus de 12 millions de Libanais

vivent à l'étranger, tout en gardant de très forts liens avec leur pays d'origine. L'influence de cette

diaspora sur les 4 millions de citoyens présents au Liban est considérable et joue un rôle majeur

dans l'évolution des mentalités.

                                                             15 L'utilisation de guillemets renvoie au fait qu'aucun recensement n'a été effectué depuis le mandat français, afin de ne pas attiser les tensions religieuses. Cette proportionnalité est donc toute relative.

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 30 

La nationalité n’est accordée qu’en fonction de l’appartenance à un groupe confessionnel

déterminé, même s’il est théoriquement possible d’être libanais sans pour autant avoir une religion

(il existe une campagne en faveur du retrait de la confession du registre de l’état civil). C'est dans

ce contexte confessionnalisé que doit se développer la société civile. Partant de là, les luttes de la

société civile libanaise se concentrent-elles sur la création de cette société civile, par opposition à

une société segmentée par le confessionnalisme ou l'appartenance politique, ou arrive-t-elle à se

saisir de problématiques plus spécifiques, à lutter pour les droits civils au Liban ?

Afin d'apporter un début de réponse à ces questions, Karam Karam établit un historique de l'éveil

civil au Liban : "Au cours de ces deux décennies, la « société civile » libanaise – certains groupes

d’intérêts sectoriels ou porteurs de cause collective –, se mobilise autour de plusieurs projets. Il

s’agit soit de revendiquer la mise en œuvre de réformes annoncées, soit de soulever de nouvelles

problématiques dans le contexte de la « reconstruction » et de la « réconciliation ». Différents cycles

de mobilisations ont ainsi rythmé l’après-guerre au Liban : une mobilisation civile (dominante entre

1995-2000), une mobilisation souverainiste (plutôt de 2000 au printemps 2005) et une

mobilisation partisane (qui débute à partir de l’été 2005 et le retrait syrien). Ces trois cycles de

mobilisation se distinguent par la problématique dominante qui les anime, c’est-à-dire de la façon

dont ils participent à la formation d’identités politiques et dont ils interviennent sur la définition

d’acteurs, de groupes dominants et de « contre-acteurs ». Elles se distinguent également par leur

portée réformiste, les mobilisations civiles étant les plus articulées autour de causes réformistes."16

La société civile se réveille donc au milieu des années 1990. L'époque y est en effet propice : à la

fin de la guerre, le chantier de la reconstruction et de la réconciliation est énorme et l'espoir de

voir se lever sur les ruines du pays une société meilleure émerge dans certains groupes sociaux. Si

les espoirs de changements politiques furent un feu de paille, quelques acteurs se saisir de l'espace

public, et y affirmèrent leurs revendications. L'auteur ajoute ainsi :

"En réaction à [la] clôture du champ politique, des acteurs civils s’organisèrent, « faute de mieux »

pour certains, dans l’espace associatif en particulier pour s’opposer aux politiques du

gouvernement, et non pas au gouvernement lui-même […] Ouvertement non violentes, elles

érigèrent en cause collective des problématiques cruciales pour la société politique après quinze

ans de guerre civile : comment mener une action collective transversale et appuyée sur un mot

d’ordre « civique » dans une société décrite avant-guerre et durant la guerre comme segmentaire,

conflictuelle et guerrière. Autrement dit comment mobiliser des groupes sociaux face à cette

organisation politique et sociale particulièrement dominante et structurante ? Elles firent face à

                                                             16 Karam Karam et Myriam Catusse, Le Liban de Taëf en panne de réforme, Lebanese Center for Policy Studies, Beyrouth, Décembre 2009, p. 9.

Page 31: mémoire - axellec : Une ONG de développement : arcenciel, Liban

 31 

trois défis : s’inscrire en faux vis-à-vis de solidarités religieuses et communautaires, se démarquer

de formes d’actions militaires, violentes ou, en l’occurrence miliciennes et soulever des

revendications politiques, portant par exemple sur les droits de l’Homme ou les libertés politiques,

dans un système politique « fermé »."17

C'est en 2005, à la suite de la mort de l'ancien premier ministre Rafic Hariri, que les Libanais se

sont véritablement soulevés et ont compris la puissance du corps social face au champ politique.

Si l'espoir né à la fin de la guerre civile ne fut pas largement partagé18, celui de 2005 eut une

ampleur nationale : plus d'un million de personnes se sont réunies à Beyrouth, place des Martyrs,

pour protester contre la présence syrienne, mais pas seulement. Ce que demandaient ces citoyens,

parmi lesquels beaucoup de jeunes, c'était l'avènement d'un Liban nouveau, plus juste et surtout

plus démocratique. Cette jeunesse du printemps de Beyrouth, impressionnée de sa propre audace

et de sa propre force, s'est alors sentie capable de changer les choses. Si une fois de plus les

espoirs furent déçus et les promesses vaines, si ces jeunes sont retournés à leur quotidien, les

événements de mars 2005 restent gravés dans la mémoire collective libanaise comme la plus

formidable démonstration pacifique de force de la société civile, comme peu de pays n'en ont

jamais connu.

Depuis 2005, peu d'événements "civils" ont fait sentir la présence d'une société active, sauf peut

être dernièrement, le 25 avril 2010, la Laïque Pride : ce mouvement, organisé via les réseaux

sociaux Facebook et Twitter, a rassemblé plus de 4 000 personnes dans la capitale libanaise lors

d'une marche en faveur de l'égalité des droits, le mariage civil ainsi que le droit des femmes à

transmettre la nationalité libanaise. Les participants ont aussi manifesté leur volonté de voir aboli le

confessionnalisme politique. Rappelons toutefois que si ce mouvement témoigne d'une

conscientisation des jeunes, principaux participants, il reste toutefois l'œuvre d'une certaine classe

sociale et ne saurait représenter ni l'ensemble de la société, ni l'ensemble de la jeunesse.

On le voit, il existe bien une société civile libanaise mais cette dernière lutte surtout pour son

indépendance, et beaucoup moins pour des causes plus sociales, pour le développement, signe

d'un éveil récent et d'une maturité encore à affirmer. Le renforcement de la société civile face aux

segmentations politiques et communautaires est un impératif tant d'un point de vue démocratique,

qu'afin de multiplier le nombre d'acteurs et d'initiatives en faveur des droits sociaux.

                                                             17 17 Karam Karam et Myriam Catusse, Ibid., p. 10 18 En effet, si l'Accord de Taëf a été signé, la guerre n'était pas réellement terminée : deux puissances étrangères occupaient encore le Liban, plusieurs attaques armées devaient avoir lieu, sans parler de la véritable guerre psychologique qui a débuté à Beyrouth entre les partisans des différentes forces en présence.

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 32 

12. L'action associative19 :

On le voit donc, que ce soit en 2005 ou lors de la Laique Pride, la mobilisation au Liban s'inscrit

souvent dans un élan spontané, la société civile tentant de s'extraire des réseaux habituels de

contestation que l'on connaît en Europe : partis politiques, syndicats, et même associations.

Cependant, en-dehors de ces manifestations "coups de poing", dans un pays comme le Liban où

les réseaux sont à la base de l’organisation de la société et des communautés, le lobbying

constitue le premier des moyens d’action pour la société civile. La constitution de plusieurs ONG

en réseau, ainsi qu’en "Plateforme", répond à un mouvement naturel pour se faire entendre,

surtout du gouvernement.

Le Liban est membre fondateur des Nations unies, institution à laquelle il a adhéré dès 1945. Il a

ratifié un certain nombre d’instruments internationaux qui instituent la liberté associative20. Cette

liberté fondamentale est également consacrée et traitée dans la Constitution et dans la législation

interne. Il convient aussi de relever que la loi sur les associations couvre également les partis

politiques, comme c'est le cas en France.

Toutefois, la liberté associative au Liban n’est pas absolue, loin s’en faut. C’est ainsi que les

étrangers n’ont pas le droit de créer des associations de la même manière que les Libanais. Une

loi spéciale exige une autorisation préalable prise par décret au Conseil des ministres pour la

création d’une association étrangère et instaure un contrôle très strict sur toute l’activité de

l’association. Ceci pose un problème notamment pour les associations de Palestiniens. Par

ailleurs, les jeunes n’ont aucune liberté pour former et gérer des associations. Les associations de

jeunesse (et de sport) sont soustraites au régime de droit commun que constitue la loi sur les

associations et sont soumises à une autorisation préalable du ministre compétent. De fait, la vie de

ces associations est totalement régie par le ministère et soumise au pouvoir discrétionnaire du

ministre et de son directeur général. Une réforme globale du ministère a été envisagée, qui

impliquerait le remaniement total de la loi, mais cette volonté de libéralisation ne s’est pas encore

concrétisée.

                                                             19 Pour aller plus loin : Karam Karam, Le mouvement civil au Liban, Revendications, protestations et mobilisations associatives dans l’après-guerre, Paris/Aix-en-Provence, Karthala/IREMAM, 2006, 361 p. Le politologue libanais s’interroge dans ce livre sur le développement de nouveaux rapports de force non-violents, qui ne seraient pas fondés sur les divisions politiques et communautaires traditionnelles. Son étude accorde une attention particulière aux associations et acteurs civiles qui sont apparus au cours des dernières décennies, et qui se poseraient en alternative aux divisions politiques stérilisantes. 20 Notamment la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (art.20), et le Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques (art.21 et 22) sur la liberté de réunion pacifique et la liberté d'assocition.

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Beaucoup d’ONG libanaises ont ainsi une proximité avec le pouvoir, sans que l'on soit toutefois

toujours en droit de les qualifier de "GONGO"21, à l’exception des associations de

développements et de bienfaisance directement liées à de hauts responsables politiques ou

dirigées par leurs épouses, plus nombreuses qu'on ne le croit.

Les associations pullulent sur le territoire libanais et sont relativement diversifiées : on trouve ainsi

des associations de défense des droits de l'Homme, d'assistance juridique, de lutte contre la

torture, de protection de l'environnement, de soutien aux femmes, aux enfants, aux prisonniers, aux

travailleurs étrangers, aux handicapés… Cette arborescence témoigne d'un réel dynamisme de la

société civile libanaise, mais ne doit toutefois masquée le fait que cette société civile ne se déploie

pas de la manière qu'en Europe : comme nous l'avons dit, beaucoup de ces associations ont des

connivences, ne serait-ce que financières, avec des partis ou personnalités politiques, et une large

majorité d'entre elles ont une coloration religieuse qui se reflètent souvent sur leur travail. Par

ailleurs, le monde associatif n'échappe pas à la règle du "contact" qui implique que connaître la

bonne personne au bon endroit donne un certain nombre de facilités, voire de passe-droits, par

exemple dans la remise de l'autorisation de création, trop souvent délivrée à discrétion.

Dans un entretien accordé en octobre 2007 au Réseau Euro-Méditerranéen des Droits de

l'Homme, Marie Ghandous22 a ainsi déclaré :

L’exercice de la liberté d’association est comme beaucoup d’autres choses au Liban, tiraillée entre

deux forces contradictoires. Ce qui la pousse vers l’avant, même si ce n’est pas l’avis de certains,

c’est le multi confessionnalisme et la volonté des organisations de la Société Civile de conserver

les avancées dans ce domaine. Ce qui la tire vers l’arrière, c’est la tentation des autorités de

revenir à des pratiques qui sont encore en usage dans les autres pays de la région. Nous avons

vécu ce genre de tentatives de retour en arrière durant la guerre entre 1975 et 1990 mais même

durant cette période, les défenseurs des droits de l’Homme, avec l’aide considérable de la justice,

ont réussi à préserver les acquis.

La société civile libanaise, on le voit, diffère fortement de celle active en Occident. Tout est très

politisé au pays du Cèdre et ce contexte particulier d'action implique pour les associations de

trouver un positionnement original, un point d'équilibre. D'autant que du tissu associatif dépend

une large partie des efforts en faveur du développement de la société, dans un intéressant

                                                             21 On appelle GONGO (Government Orientated Non Governmental Organization), de fausses ONG profitant des financements internationaux et largement pilotées par les gouvernements. 22 Marie Ghandous est avocate , professeur de droit et présidente de l'ADLL ( Association pour la défense des droits et libertés).

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 34 

mouvement de balancier : les associations favorisent le développement, qui à son tour renforce la

société civile.

2- L'exemple d'arcenciel dans la mise en place de réseaux Sud-Sud : le projet Convenio

C'est dans ce contexte libanais qu'arcenciel évolue et entend participer au développement. Fort de

ses succès nationaux, et suivant sa volonté d'œuvrer en faveur du plus grand nombre, l'association

a exporté ses compétences, savoir-faire et convictions au-delà des frontières libanaises. Nous

entendons montrer ici, à travers l'exemple d'arcenciel, comment la coopération entre des entités du

Sud peut apporter des résultats probants en matière de développement.

21. Objectifs du projet et résultats attendus

Convenio est un projet ambitieux développé par arcenciel et soutenu par la l'Agence Espagnole de

Coopération Internationale (AECI), entamé en 2006 et dont la phase I est en train d'aboutir23.

Face au succès du projet, la phase II va être lancée en novembre 2010.

L'objectif général de Convenio est d'augmenter et d'améliorer les services à destination des

personnes handicapées grâce à la mise en place d'infrastructures, de services communautaires et

de formations au Liban, en Jordanie, en Syrie et en Egypte24. A cet objectif général s'ajoutent

quatre objectifs spécifiques : faire du "capacity building" à destination des ONG locales des quatre

pays afin d'améliorer la qualité et la quantité de services aux personnes handicapées ; fournir des

services aux bénéficiaires ciblés selon leurs besoins personnels détectés dans les quatre pays du

Convenio ; sensibiliser et conscientiser les communautés afin de favoriser l'intégration des

personnes handicapées ; répondre aux besoins des personnes handicapées affectées par la guerre

au Sud Liban. Ce projet est rendu possible par l'expérience accumulée par arcenciel en matière de

production d'aides techniques et des succès de son programme mobilité, ainsi que par son

professionnalisme reconnus par ses différents partenaires.

Le savoir-faire et l'expertise développés par arcenciel depuis vingt ans concernent principalement la

réhabilitation. Ce programme est en place dans les huit centres établis au Liban et implique

                                                             23 La Fundación Promoción Social de la Cultura (FPSC), une ONG espagnole, sert par ailleurs d'intermédiaire entre l'AECI et arcenciel. Voir le budget du Convenio en Annexe n°7. Le projet a débuté le 5 novembre 2006 et doit aboutir le 4 novembre 2010. 24 La deuxième phase se concentrera sur l'adaptation des lieux de vie et de travail dans ces mêmes pays.

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l'ensemble de la communauté locale. En 1994, arcenciel a lancé le premier Programme National

pour les handicapés du Liban (Accès et Droit) qui fait désormais parte intégrante du Ministère des

Affaires Sociales, et compte cinq centres administratifs implantés sur tout le territoire libanais, 70

employés, 56 000 personnes handicapées enregistrées, et a à son actif une loi comprenant 101

articles votée par le parlement, des dizaines de décrets et réglementations, de classifications

nationales, normes et standards pour la livraison de services. Il a aussi présidé à la création d'un

Comité National des Handicapés, regroupant des représentants du gouvernement, d'ONG,

d'organisations en faveur des personnes handicapées, ainsi que des individus handicapés. Ce

programme est une expérience pilote dans la région et a été reconnu comme un succès et jugé

efficace par les experts internationaux, ONG et institutions à travers le monde.

Extrait du projet Convenio

L'objectif qui nous intéresse dans le cadre de cette étude est le premier d'entre eux, concernant le

capacity buiding (renforcement des compétences) des ONG des quatre pays.

La poursuite des objectifs exposés permettra d'atteindre un certain nombre de résultats au fur et à

mesure de l'avancement du projet. Ces résultats montrent une volonté de partenariat entre les

quatre pays du Sud concernés, dans un effort de transfert de compétences et de renforcement des

acteurs du développement.

Les ONG partenaires en Jordanie, Syrie et Egypte ont été choisies après recensement des

associations présentes sur place opérant dans le domaine du soutien aux personnes handicapées

et dont la structure semblait correspondre aux besoins du projet. Ces ONG ont ensuite su créer,

grâce aux outils mis en place par arcenciel, un tissu associatif qui s'étend progressivement dans

ces quatre pays. On remarque d'emblée qu'un des principaux résultats du projet est la création

d'un réseau d'ONG à l'intérieur et entre les quatre pays : le renforcement de la société civile est

donc au centre des préoccupations de Convenio. Grâce à ce réseau, chaque ONG impliquée est

en mesure de coordonner ses activités et de transférer les informations afférentes aux autres ONG

du pays, ainsi qu'à celles des trois autres pays du Convenio. Dans les résultats attendus figurent

aussi l'intention de voir au moins une ONG par pays capable de rassembler quatre autres ONG

nationales dans un comité de coordination. Ce comité de coordination joue le même rôle que le

réseau, mais au niveau local. De même, un site internet va être mis en place afin de servir d'outils

de collecte d'information et de vitrine aux actions du Convenio. Ce site permettra une meilleure

coordination et communication entre les différentes ONG des pays impliqués.

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Le résultat le plus évident du projet est le renforcement des capacités des trois ONG arabes en

Egypte, en Jordanie et en Syrie, travaillant en faveur des personnes handicapées. Les besoins de

ces ONG ont été identifiés et leur personnel a bénéficié d'un échange de savoir-faire. De plus, ces

ONG profitent du support matériel et de formation en matière d'aide aux personnes handicapées

qu'arcenciel a pu développer grâce à son expérience dans le domaine au cours de ses 25 années

d'existence. L'objectif de cet échange de savoir-faire est de permettre la création d'initiatives

propres en faveur de l'intégration et du développement des personnes handicapées. Ces mêmes

associations produiront à leur tour des activités de capacity building à destination d'autres acteurs

du développement. La création de cette chaîne de coopération à un double objectif : d'une part un

objectif développemental, d'autre part un objectif de soutien à la société civile. Le projet Convenio

est donc bien un exemple flagrant de coopération Sud-Sud, impliquant des acteurs du Sud

agissant en faveur des populations du Sud.

22. Activités prévues en vue d'atteindre les objectifs et d'obtenir ces résultats

Afin de mettre en place ce transfert de connaissances et de renforcer les compétences des ONG

partenaires, plusieurs activités sont nécessaires. La première étape, une fois les ONG

sélectionnées et le partenariat établi, est le processus d'évaluation, par ces ONG locales, des

besoins des personnes handicapées, au sein de leurs propres communautés. Grâce à un travail de

terrain, menés conjointement par les associations et arcenciel, les partenaires du Convenio ont

acquis une idée précise des populations cibles, de leurs modes de vie et de leurs besoins réels.

Cette étape est fondamentale avant la mise en place de toute activité de soutien, et rentre dans la

stratégie d'arcenciel de travail communautaire25. L'expérience d'arcenciel dans ce domaine a

beaucoup profité aux ONG partenaires, qui ont pu apprendre à mener un travail efficace et en

accord avec leurs principes d'action. Afin que cette étape se déroule de manière optimale, il est

cependant nécessaire que les ONG partenaires aient une expérience importante au sein des

communautés cibles. En effet, arcenciel n'agit qu'en tant de conseiller, d'expert en matière de

travail communautaire, mais ne peut en rien remplacer l'association locale qui doit elle-même se

faire connaître et acceptée des populations cibles. Il faut garder ainsi à l'esprit que Convenio n'est

pas un projet permettant à arcenciel de développer ses programmes à l'étranger, mais de la mettre

en contact avec des ONG locales qui se chargeront elles-mêmes de développer leurs

programmes. C'est seulement de cette manière que la communauté locale et la société civile

                                                             25 Voir la stratégie d'arcenciel p.36.

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profiteront de changements réels. A ce titre, nous avons bien affaire à un exemple de coopération

Sud-Sud. Nous reviendrons sur les avantages d'une telle coopération plus loin.

Cette évaluation sur le terrain des besoins permettra de déterminer les activités devant être mises

en place et les modules de formation devant être développés. Grâce à de multiples visites des

locaux des partenaires, les besoins internes ont aussi pu être évalués. Il est fondamental pour la

réussite du projet que les partenariats entre associations se passent bien, aussi, après la signature

des contrats, des visites des centres d'arcenciel ont été organisées. Voici un exemple de plan

d'action basé sur une évaluation des besoins effectué par arcenciel et l'ONG partenaire en Egypte

:

An evaluation of needs was made in the various centers, and planning of future activities was

established:

1- A new working space will be rehabilitated to contain the “Assistive Aids Unit”

2- This AAU will be equipped to deliver appropriate technical aids.

3- A truck will be bought and equipped (Mobile Maintenance Unit) to provide reparations and

maintenance of technical aids in four districts (Mohafazat) of Egypt.

4- The different working teams will be trained to the different aspects of the work.

5- A number of technical aids (500) will be delivered to beneficiaries.

6- Awareness campaigns will be addressed to beneficiaries and their communities

Finally, the process of transmitting the knowledge of arcenciel will make use of the new

technologies today available in all countries, and that became part of all learning processes.

Extrait du projet Convenio

Le projet Convenio peut être considéré comme un succès à bien des égards, et principalement au

niveau du transfert de compétences et de renforcement des capacités des ONG locales. Outre

l'amélioration des locaux et des équipements, ainsi que les formations pratiques et théoriques

effectuées, arcenciel a aussi contribué à l'amélioration des fonctions marketing et administratives et

de comptabilité de ces associations. Enfin, la création de réseaux d'ONG a permis un réel

renforcement de la société civile et du réseau associatif, permettant d'œuvrer plus efficacement en

faveur du développement :

As far as visibility, yadan bi yad profited from the trainings in marketing and finance, and the

yadan bi yad center started opening up to the outside world in order to show the Aleppo

population its successful partnership experience as well as its activities ; group visits for

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 38 

businessmen and for a Syrian red crescent association were organized. A brochure presenting the

yadan bi yad activities was conceived and is presently being distributed to the greater public.

This opening enables to create a network of NGOs, or other institutions that are more and more

aware of the matter of handicapped people whom can help yby’s activities in one way or another.

In July 2008, arcenciel gave a lecture on community work at the Aleppo public university of social

sciences, within the framework of a regional seminar on community work in which several syrian,

palestininan and lebanese NGOs participated.

Extrait du projet Convenio

23. L'expérience d'arcenciel dans la coopération Sud-Sud

Ce n'est pas la première fois qu'arcenciel travaille avec des ONG du Sud, l'association a déjà une

expérience importante dans ce domaine.

The Arab League, within a program launched by the Arab ministers of Social Affairs, have

organized two field visits to arcenciel premises in Lebanon in 1999 and 2002. The delegations

were constituted of Arab experts in disabilities, NGO’s and public institutions members, who

wished to share arcenciel experience, on a micro and macro level.

Extrait de Convenio

Un grand nombre d'expériences de transfert de compétences a déjà été fait par arcenciel au Liban

mais aussi dans d'autres pays arabes, africains, asiatiques et d'Europe de l'Ouest. L'expérience de

Convenio n'est donc pas une action isolée, mais correspond à la fois à la stratégie d'arcenciel et à

un mouvement global de multiplication des initiatives de type Sud-Sud. Nous ne citerons ici que

des exemples relevant du programme réhabilitation, mais il en existe s'inscrivant dans le cadre

d'autres programmes26.

Au Liban, arcenciel organise de multiples sessions de formation à destination des ONG locales sur

des sujets aussi variés que le travail, l'enfance, le management,… Le Centre National de

Formation Sociale a sollicité arcenciel en tant que formateur pour les travailleurs sociaux et le

personnel des ONG spécialisées afin de fournir des formations sur comment agir avec des                                                              26 Un des meilleurs exemples serait le proje DEHO Syrie concernant la mise en place d'un système national de gestion des déchets hospitaliers, sur le modèle de ce qu'a fait arcenciel au Liban.

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personnes handicapées, comment évaluer les besoins, comment faire du travail communautaire,

etc… De nombreuses ONG et organisations agissant pour les personnes handicapées ont aussi

envoyé leur équipe afin d'assister à des formations techniques organisées dans les ateliers

d'arcenciel, et ont demandé des expertises techniques et un support afin d'ouvrir et d'équiper des

ateliers de réparations, montrant par là l'ancrage du transfert de compétences.

En Egypte, des formations de management ont été organisées pour le personnel d'ONG locales.

L'évaluation de ces formations a montré que "Le savoir-faire spécifique d'arcenciel dans le

management de centre où 90% des travailleurs ont des besoins particuliers (handicap, maladie

mentale, …) a été particulièrement appréciée". Une expérience similaire a été lancée en Jordanie.

En Syrie, le responsable du programme réhabilitation d'arcenciel a été désigné par les autorités

pour participer au comité joint entre la Syrie et le Liban pour la coordination des Affaires Sociales.

Un représentant du ministère syrien s'est intéressé à Accès et Droit et l'échange s'est soldé par la

mise en place d'un programme similaire en Syrie, débutant par la distribution de carte d'invalidité.

En Ethiopie, arcenciel a participé à l'équipement des ateliers fournissant des aides techniques pour

enfants atteints de paralysie. L'ONG libanaise s'est chargée de la formation et de la supervision du

projet, depuis le recensement des besoins de la communauté jusqu'à la livraison du produit final.

arcenciel a aussi développé des partenariats avec des associations dans des pays comme l'Inde, la

Macédoine, l'Algérie, la Palestine… dans tous les domaines en lien avec ses activités.

L'étonnant exemple d'arcenciel.france

Une des plus surprenantes créations d'arcenciel est cette branche ouverte en France : l'ONG du

Sud a décidé de partir à l'assaut du Nord, faisant par là même un joli pied-de-nez à l'histoire et

aux dogmes de la coopération.

Né en août 2006, pendant la "guerre des 33 jours", arcenciel.france a été créée pour soutenir

l'association libanaise auprès des déplacés : plus d'un million de personnes qui ont dû tout quitter

pour ne retrouver que ruines et destruction. Deux ans plus tard, les besoins au Liban restant

toujours énormes, les volontaires de l'association ont accru leur implication et ont installé leur

bureau à Lyon. arcenciel a également revu son positionnement en envisageant son action dans

une démarche de développement plus que dans une démarche d'urgence. arcenciel.france

possède actuellement trois axes de travail prioritaires :

- un support multidimensionnel aux programmes déjà existants : financier, humain, matériel, technique. - la sensibilisation et formation aux métiers d’arcenciel auprès des acteurs et futurs acteurs du développement. - le développement de programmes pour les personnes en difficulté en France.

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3- Une restructuration de la coopération?

L'exemple d'arcenciel et la manière dont l'ONG a développé ses activités, multipliant les

partenariats en dehors du territoire libanais, nous incite à nous pencher plus avant sur la

coopération entre pays dits du Sud. En effet, l'aide au développement n'est-il pas encore de nos

jours pensé comme un mouvement allant du Nord vers le Sud ? Se basant sur l'exemple

d'arcenciel, ne serait-on alors pas en train d'assister à un changement structurel des réseaux

d'aide, à un renouvellement de ce paradigme ? Nous aborderons ici cette question de manière

théorique, en considérant tout d'abord les échanges Nord-Sud puis Sud-Sud, pour enfin essayer de

tirer de ces analyses des conclusions quant à la géopolitique actuelle de l'aide au développement.

31. Critiques de la coopération Nord-Sud

L'aide au développement est le transfert d'argent effectué majoritairement par les pays

développés27 à destination de gouvernements ou de projets ponctuels portés par des organisations

non-gouvernementales. Cette manne se répartie en trois catégories : l'aide humanitaire d'urgence,

l'aide "charitable" passant par des organisations de bienfaisance, et l'aide dite "systématique" ou

"publique" pouvant être bilatérale ou multilatérale28. L'aide publique au développement (APD) est

la forme la plus connue de l'aide au développement et aussi la plus importante de la coopération

Nord-Sud. L’aide d’urgence et l’aide charitable ne sont pas exemptes de critiques mais elles sont

modestes dans leurs sommes et ne jouent qu’un petit rôle dans l’aide au développement en

général.

Le donateur peut être constitué d'un pays ou d'une entité publique ou privée d'un pays (pour la

France c'est l'Agence française de développement (AFD)) ou encore d'un groupe de pays par

l'intermédiaire d'une organisation internationale (FMI, Banque mondiale…). Mais l'aide au

développement est aussi le fait de particuliers, d'entreprises, d'ONG, de fondations…

                                                             27 Ou par les institutions internationales, ce qui au final revient au même, ces dernières étant majoritairement financées par les pays développés, qui décident aussi de l'utilisation de cet argent. 28 Ces milliards peuvent être transférés sous différentes formes : les prêts concessionnels ou les subventions.

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 41 

L'aide au développement est une action qui peut prendre les formes suivantes :

– financement de projets par dons – prêts d'argent à taux préférentiel – annulation de dettes

Au cours des cinquante dernières années les pays riches ont transféré en Afrique seule plus de

mille milliards de dollars sous forme d’aide au développement, et ce en raison de l’idée sacrée

que les riches doivent, et surtout peuvent, extraire les pauvres de leur pauvreté. La consécration de

cette idée a eu pour principale conséquence de figer le débat sur la forme que devait adopter

cette aide. Cette forme, celle de l’assistance, n’a jamais été remise en cause par les décideurs de

l’aide au développement, et ce malgré les critiques et les bilans plus que mitigés établis depuis ses

débuts dans les années 1950.

L’aide reste en effet le pivot de la politique actuelle de développement et l’un des thèmes les plus

populaires de notre époque. Cependant, le constat est sévère : cette aide sous forme d’assistance

a été et continue d’être, pour la plus grande partie du monde en développement, un échec

cinglant. La permanence d'une pauvreté indignante n’est évidemment pas le seul fait des méfaits

de l’aide au développement. Cependant on ne peut s’empêcher de se poser la question de l’utilité

et de la pertinence de cette aide quand on observe à quel point le Sud, l’Afrique étant à sujet

paradigmatique, a pu focaliser l’attention des médias et des populations en Occident dans ces

dernières décennies. Deux constats s’imposent alors à nous :

► Depuis les années 1960 et les progrès de la diffusion de l’information, les populations des

pays riches ne sont pas restées insensibles devant la misère dans laquelle se débattent

certains pays. Ces populations ont exprimé, directement ou indirectement, par le biais de

leur gouvernement respectif, des organisations internationales, ou des multiples

Organisations Non Gouvernementales qui ont vu le jour après la guerre civile au Biafra

dans le sillage de Médecins Sans Frontières, une volonté de mettre fin aux atrocités qui

frappent les pays pauvres.

► Les gouvernements et les organisations internationales ont vite pris conscience de cette

volonté et ont réagi en mettant en place tout un système d’aide au développement,

déversant dans les pays pauvres des milliards au fil des décennies dans le but de les aider

à sortir de la spirale du sous-développement.

Les analyses disponibles distinguent habituellement sept étapes décisives dans l’histoire de l’aide

publique internationale :

I. Sa naissance à Bretton Woods dans les années 1940

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 42 

II. L’ère du plan Marshall dans les années 1950 III. La décennie de l’industrialisation dans les années 1960 IV. Le virage vers une assistance conçue comme la réponse à la pauvreté dans les années

1970 V. L’assistance comme instrument de stabilisation et d’ajustement structurel dans les années

1980 VI. L’assistance comme bras de la démocratie et de la bonne gouvernance dans les années

1990  VII. L’obsession actuelle d’une aide comme solution unique à la myriade de problèmes dont

souffre l’Afrique.

Avec une aide officielle au continent chiffrée à 13% du PIB en moyenne, l’Afrique est

complètement dépendante de l’aide. Cette dépendance induit chez les gouvernements un certain

laxisme dans la gestion du pays, ces derniers perdant de vue le besoin de s‘assurer des recettes

fiscales stables. Les vastes montants alloués et une culture de dépendance de l’aide encouragent

également les gouvernements à entretenir des secteurs publics aussi démesurés qu’improductifs –

façon comme une autre de récompenser les « amis ». On voit ainsi dans la plupart des pays en

développement une tendance à l'hypertrophie des appareils gouvernementaux proportionnelle à la

taille des aides accordées.

Les critiques faites à l’aide au développement ne sont pas nouvelles. Les premières critiques

sérieuses vinrent de l’économiste hongrois travaillant à la renommée London School of Economics,

Peter Bauer, dès les années 1980. Selon lui, déjà à l’époque, l’aide entravait le développement

parce que l’argent finissait toujours entre les mains d’un petit nombre d’élus. Il décrivait l’aide

comme « une façon de taxer les pauvres en Occident pour enrichir les nouvelles élites des

anciennes colonies ». Bauer accusait déjà les politiques d’aide au développement d’être en

complet décalage avec les raisonnements économiques sérieux et avec la réalité. Plus récemment

de nouvelles études d’économistes de la Banque Mondiale comme Bill Easterly ou Paul Collier

viennent enrichir cette critique de l’aide au développement, mais pour l’instant les décideurs de ces

programmes restent sourd, ou plutôt ne préfèrent pas remettre en cause une routine dans laquelle

tout le monde, jusqu’aux populations civiles des pays occidentaux, est confortablement installé

depuis plusieurs décennies.

Il existe en effet une certaine contrainte à prêter : la Banque mondiale emploie 10 000 personnes,

le FMI plus de 2 500, on peut ajouter 5 000 personnes travaillant pour les Nations Unies, et les

employés d’au moins 25 000 ONG enregistrées, des organisations de bienfaisance privées, sans

oublier le bataillon de personnes travaillant dans les services de coopération des gouvernements.

Au total, environ un demi-million de personnes travaille dans le secteur de l’aide, et représentent

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 43 

un lobby puissant. L’aide est leur moyen de subsistance, comme elle l’est pour les fonctionnaires

qui la reçoivent, et la détournent parfois.

De plus les donateurs sont en permanence dans la contrainte de « l’année fiscale » : ils craignent

les conséquences pour leurs agences de la non-utilisation des fonds de l’année fiscale pendant

laquelle leurs dépenses ont été programmées. En effet, si une organisation ne dépense pas, durant

l’année fiscale, tout l’argent qu’elle était censée dépenser, il y a fort à croire qu'elle recevra moins

l’année suivante. Les donateurs souhaitent ainsi placer leur argent dans des organisations où les

actions seront les plus visibles et bénéfiques à leur image internationale, et rechignent à placer à

long terme, le temps court de l'aide s'apparentant alors au temps court des affaires : l'argent doit

porter ses fruits rapidement. Les donateurs craignent également, en cessant d'alimenter les pays

receveurs en argent, que ces derniers ne soient plus en mesurer de rembourser leurs dettes, ce qui

risquerait de compromettre la santé financière des donateurs/prêteurs.

Peu importe donc la situation du pays en question, il faut donner. En 1992, la Banque Mondiale

publiait une étude dans laquelle elle concluait que le versement des tranches d’aide annuelles

avoisinait les cent pour cent même quand le pays concerné ne respectait les conditions imposées

que dans une proportion inférieure à 50%. Une des raisons des échecs de l'aide au

développement, telle que pratiquée par les pays du Nord, est donc structurelle : le modèle créé

exige que l'argent afflue, et ce indépendamment de toutes visées de développement, simplement

pour des raisons purement formelles d'auto-entretien du système.

Un autre travers de l’aide est bien résumé par cette phrase de Peter Bauer : « l’aide détourne le

peuple de toute activité économique productive et l’oriente vers la vie politique ». L’aide étrangère

ne renforce pas le capital social, elle l’affaiblit. En contrariant les mécanismes de la responsabilité,

en encourageant la recherche de la rente, détournant certaines forces vives du marché du travail,

supprimant toute pression pour réformer les politiques et les institutions inefficaces, l’aide poussée

au bout de sa logique garantit deux choses : que dans les pays les plus dépendants de l’aide le

capital social restera faible, et que ces pays eux-mêmes resteront pauvres.

Par ailleurs, au niveau économique, l’aide étouffe le secteur des exportations : c’est le « mal

néerlandais ». Les flux d’aide dépensés sur des biens domestiques provoquent une hausse des prix

des autres ressources localement en quantité limitée et rendent moins compétitives les industries

qui doivent affronter la concurrence internationale et dépendent de cette ressource. Les

économistes du FMI ont reconnu que c’est là l’une des raisons principales de l’échec de l’aide29.

                                                             29 Ces mêmes économistes ajoutent que l’aide peut être inflationniste et qu'elle a tendance à réduire l'épargne et les investissements. Pour un exposé plus détaillé des critiques de l'aide, voir notamment William

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 44 

L’aide cause des goulots d’étranglement : très souvent les pays pauvres n’ont même pas la

capacité d’absorption nécessaire à l'utilisation des flux d’aide octroyée par les pays riches.

Une intervention efficace à court terme peut n’avoir que très peu d’effets bénéfiques durables. Pire

encore, elle risque involontairement de saper les chances, si fragiles soient-elles, de

développement durable. C’est bien là ce qui devrait constituer le véritable étalon de l’aide : sa

capacité à favoriser une croissance économique durable, viable sur le long terme, et à arracher un

grand nombre de gens à la pauvreté. Les tenants de l’aide soutiennent pour expliquer son échec

qu’elle fonctionne mais que les pays riches n’ont pas été assez généreux, et plaident pour un

« grand coup d’épaule » qui arrangerait définitivement les choses. En 2000, 189 pays ont souscrit

aux Objectifs du Millénaire pour le Développement. Dès 2005 le coût du programme a été

réévalué : une injection supplémentaire de 130 milliards de dollars par an serait nécessaire pour

réaliser ces objectifs dans beaucoup de pays. Et en 2007 les Nations Unies organisèrent une

conférence sur le thème « Financing For Development » à l’occasion de laquelle les principaux

donateurs promirent d’accroître leurs contributions pour les porter de 0,25% du PNB à 0,7%,

convaincus que les 200 milliards supplémentaires règleraient les problèmes des pays en

développement. Dans la pratique les engagements ne furent pas tenus et les partisans de l’aide

s’accrochent à cette défection de la générosité des pays donateurs pour soutenir que l’aide

marcherait si les pays riches donnaient ce qu’ils ont promis, et ce même après d’innombrables

rapports et études démontrant l'échec de l'aide. En 1996, Boone montra qu’en fait, cette aide

avait financé la consommation, et très peu l’investissement. Au cours des trente dernières années

les pays les plus dépendants de l’aide peuvent se prévaloir d’un taux de croissance annuel moyen

de moins de 0,2%. Entre 1990 et 1998 quand le flux de l’aide à l’Afrique était à son apogée, la

pauvreté en Afrique est passée de 11 à 66%, progression effarante. Sur le milliard de personnes

vivant aujourd’hui en Afrique, environ 600 millions survivent dans la pauvreté. L’échec de l’aide

est si évident que même le FMI a recommandé aux gouvernements, aux donateurs et aux

organisations des diverses campagnes de se montrer plus modestes dans leurs déclarations et de

ne pas prétendre que l’accroissement de l’aide résoudra les problèmes de l’Afrique. Il reste encore

à changer les pratiques…

L'afflux de capitaux engendré par l'aide crée une dépendance dans les pays du Sud, dépendance

d'autant plus dangereuse qu'elle nourrit un certain nombre de travers destructeurs : corruption,

perte de pouvoir de la société civile, alimentation des conflits de prédation des ressources, frein au

développement de l'économie…

                                                                                                                                                                                              Easterly, Le fardeau de l'homme blanc : L'échec des politiques occidentales d'aide aux pays pauvres, Editions d'Organisation, 2009 et Dambisa Moyo, L’aide fatale, JC Lattès, 2009.

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 45 

La coopération Nord-Sud envisage le développement comme l'octroi d'une aide. Cette conception

a engendré une véritable industrie du développement, abreuvée par les sommes colossales versées

par les pays du Nord, et auto-entretenue par son propre fonctionnement. Cette forme de

coopération n'a en fait engendré que peu de changements durables dans les sociétés aidées et

s'est même montrée dangereusement contre-productive en certains endroits du globe. L'aide au

développement ne doit plus se mesurer en termes quantitatifs (combien de millions ont été versés),

et le qualitatif doit reprendre ses droits. Il serait sans doute temps de revoir notre conception du

développement et réfléchir à la manière d'assurer la durabilité des changements des pays du Sud,

chose possible seulement par un développement endogène et un soutien aux sociétés civiles. A cet

égard, la coopération Sud-Sud semble apporter des pistes intéressantes.

 

 

32. Avantages de la coopération Sud-Sud

Les critiques évoquées plus haut, se faisant plus pressantes, entraînent actuellement au sein des

instances internationales, une prise de conscience de la nécessité d'opérer un changement dans

l'aide au développement. Les modalités actuelles ne sont plus satisfaisantes, ni du point de vue de

leur efficacité, ni même de leurs principes. L’essor de la coopération Sud-Sud s’inscrit dans ce

mouvement de refonte des fondements de l'aide, dans une dynamique mondiale de révision des

méthodes et procédures de financement du développement, telles que définies dans les Objectifs

du Millénaire30, ainsi que par la Conférence internationale sur le financement du

développement31. Il y a en effet, depuis quelques années, une prise de conscience au niveau des

plus hautes instances internationales de la nécessité d’opérer des modifications profondes dans les

procédures d’allocation de ressources, en reconnaissant à la base que « les pays partenaires

[doivent exercer] une réelle maîtrise sur leurs politiques et stratégies de développement et assurent

la coordination de l’action à l’appui du développement »32. En d'autres termes, les pays du Sud

doivent avoir mot au chapitre en matière d'aide au développement et doivent être en mesure de

contrôler et de superviser les initiatives prises par le Nord dans ce domaine. Il aura donc fallu plus

de 60 ans pour arriver à cette conclusion somme toute évidente.

Outre le principe d'une prise en charge de son propre développement, qui marquerait la fin d'un

assistanat postcolonial malsain et inefficace, la coopération Sud-Sud prône aussi des méthodes                                                              30 retenus en 2000 par la communauté internationale. 31 organisée en mars 2002 à Monterrey. 32 « Principe d’appropriation » défini par la « Déclaration de Paris sur l'efficacité de l'aide au développement », Forum de haut niveau sur l'efficacité de l'aide, Paris, 28 février-2 mars 2005 ; voir également dans le même sens la Déclaration de Rome sur l’harmonisation, Rome, 25 février 2003.

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 46 

différentes. Les acteurs du Sud ont ainsi une connaissance de leur environnement et de ses besoins

que les acteurs du Nord ne peuvent approcher qu'au prix d'études poussées et fastidieuses. Cette

familiarité avec le contexte permet une plus grande efficacité et rapidité du travail. Si certains

estiment qu'un regard extérieur est nécessaire afin de prendre les décisions adéquates, puisque ce

regard est pensé comme objectif, il semble au contraire que tous les acteurs soient conditionnés

par le contexte dans lequel ils ont été créés, donc que l'objectivité absolue ne soit pas possible.

Partant, il semble plus avantageux d'intervenir dans un contexte connu, dont on maîtrise les codes.

De plus, tout acteur évoluant dans son environnement d'origine détient vis-à-vis des populations

avec lesquelles il travaille une légitimité qu'un acteur externe ne peut avoir. Cette proximité du

terrain et la connaissance des problématiques spécifiques permettent aussi un regard et des idées

neuves sur les manières de procéder et les solutions envisageables. Par ailleurs, cesser de penser

l'aide au développement, qu'il serait peut-être nécessaire de renommer "soutien au

développement", en termes de rendements et d'efficience, autorise plus facilement une vision à

moyen voire long terme des changements.

Le développement de la coopération Sud-Sud est par ailleurs en cela important qu'il responsabilise

les populations du Sud en leur montrant qu'elles sont capables de prendre en charge leur propre

développement. Non seulement elles s'extraient en partie de la tutelle "charitable" du Nord, mais

elles réalisent aussi qu'elles ne doivent plus attendre les bras croisées que quelqu'un se charge,

mal, de leur développement, et qu'elles ont le devoir de réagir et de réfléchir à ce qui est bon pour

elles, loin des discours normalisateurs de l'Occident. Cette voie permet donc un changement

endogène de la société, seul gage de la pérennité des actions entreprises.

En outre, la coopération Sud-Sud, considérée comme en secteur économique à part entière, a des

effets indirects sur les sociétés du Sud : elle entraîne en effet la création d'un nombre non-

négligeable d'emplois et de ressources, et ce non plus seulement pour les techniciens de l'aide

venant du Nord ou les élites dirigeantes, mais pour les populations du Sud. Ainsi, par exemple,

arcenciel emploie plus de 500 personnes, essentiellement des Libanais. Le développement a donc

des retombées indirectes positives localement, et sa simple existence participe au développement

de la société, du fait qu'il constitue un secteur d'activités créateur de richesse comme un autre.

Il est cependant important de noter que si les initiatives Sud-Sud en faveur du développement local

se multiplient, d'une manière générale, les bailleurs de fonds restent largement au Nord. Ainsi,

dans le cadre de Convenio, c'est la coopération espagnole qui finance la plus grande partie du

projet. Nous avons donc plus à faire à une coopération Nord-Sud-Sud, qu'à une véritable

coopération Sud-Sud. Dans ce type de coopération, chacun apporte ses avantages comparatifs :

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 47 

le Nord fournit les capitaux, le Sud apporte une manière de faire originale, une expérience du

contexte. Ce fonctionnement permet aux pays du Sud de choisir leurs modalités de

développement, tout en bénéficiant de moyens d'action relativement importants.

Revenons sur le cas d'arcenciel.france : cette expérience originale, si ce n'est unique, mérite que

l'on s'attarde sur les enseignements à en tirer. Nous avons ici à faire à une ONG du Sud

s'implantant au Nord dans le but de participer au développement local. C''est expérience va donc

à rebours des discours ambiants, des conceptions établies, et de l'histoire. Les enjeux de l'action ne

sont ici pas les mêmes qu'au Sud, et particulièrement qu'au Liban : au Nord, les efforts de

développement et d’aide aux démunis sont majoritairement pris en charge par l’Etat et les

puissances publiques. Cet état de fait n'implique cependant pas l'absence de lacunes dans le

système. Certes, il est vrai que l'Etat occidental, et peut-être plus encore en France où la tradition

de l'Etat social est fortement ancré, prodigue à ses citoyens les services et les aides nécessaires à la

poursuite d'une vie digne. Cependant, d'une part, toute personne vivant en France n'est pas

automatiquement considérée comme citoyenne, donc ne reçoit pas forcément les aides de l'Etat

Providence. D'autre part, il est relativement aisé de tomber en-dehors des circuits d'aide et de se

retrouver avec des ressources minimes. Enfin, nulle société ne peut avoir la prétention d'affirmer

être arrivée au stade ultime du développement. Il existera toujours, dans n'importe quelle société,

des personnes fragilisées et des groupes marginalisés. La mission d'arcenciel garde donc toute sa

pertinence, même dans les pays dits développés du Nord. S'implanter en France est aussi rappeler

que si les citoyens se sentent le devoir moral d'aider les populations défavorisées du Sud, ils en

oublient trop souvent que des gens pauvres vivent aussi en bas de chez eux. La création

d'arcenciel.france est donc une utile provocation qui peut agir sur certains comme un électrochoc.

arcenciel.france est par ailleurs un exemple nous montrant comment on peut tirer profit des

avantages du Nord, principalement financiers, tout en apportant sa propre contribution aux

sociétés impliquées : arcenciel.france envoie ainsi des appels à projet au Liban, donc fait profiter à

ce dernier des capitaux du Nord, tout en participant au développement de la société française.

Ceci marque une certaine responsabilisation de l'action, qui ne consiste plus à prendre pour

prendre, mais à être conscient que cet apport du Nord n'est pas quelque chose de dû. Enfin, dans

ses activités de capacity-building et de formation des futurs acteurs du développement,

arcenciel.france importe au Nord son expérience enrichissante et originale d'ONG du Sud. Nous

l'avons vu, les principes et les méthodes de travail sont différentes de celles des ONG du Nord et il

est donc intéressant d'étudier les deux manières de faire. Ces activités d'arcenciel.france ont donc

le mérite de prouver qu'on peut faire différemment de ce que professent les géants du

développement.

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Ainsi, incontestablement, la coopération pour le développement est aujourd’hui appréhendée dans

sa complexité et ne se réduit plus uniquement à des décisions financières ou techniques. Il existe

une volonté réelle de prendre en compte le développement dans une démarche intégrant ses

différentes dimensions politiques, sociales et économiques. Les nouvelles dispositions ne se limitent

pas à redonner les cartes aux pays du Sud. Les pays du Nord, conservant leur rôle de financeurs,

ont toujours un droit de regard sur l'utilisation des ressources et maintiennent des normes

exigeantes en matière de bonne gouvernance économique et politique. Ainsi, avec ces nouvelles

modalités, le développement devient endogène, condition sine qua non à son ancrage dans la

société, tout en profitant et se nourrissant des capacités financières et de l'expérience capitalisée

des pays Occidentaux.

33. Vers le dépassement des "périphéries" ?

Nous adopterons ici un point de vue plus géopolitique en tentant de voir si les changements dans

les réseaux de coopération nous poussent à constater l'émergence d'un nouveau paradigme en la

matière, remettant progressivement en cause celui qui avait prévalu depuis la guerre froide. Cet

ancien paradigme, impliquant que le Nord aide le Sud dans ce qu’il considère être sa

modernisation, est basé sur le postulat géopolitique que le Nord constitue le centre à partir duquel

rayonne les différents flux mondiaux : financiers, économiques, scientifiques, culturels, moraux, et

d’aides.

Avec son concept d'économie monde, Fernand Braudel affirme ainsi que le sous-développement

des pays du Sud est dû à leur place dans la structure de l'ordre économique international actuel. Il

estime ainsi que tous les pays étant globalisés, l'économie mondiale se caractérise par le centre, la

semi-périphérie et la périphérie. Les grandes puissances de l'OCDE (au premier rang desquels les

États-Unis) constituent le centre de l'économie-monde, et les pays en développement se situent

dans la périphérie33. Peut-on alors affirmer que nous sommes enfin à un moment favorable à

l’innovation des coopérations Sud-Sud, rendant caduque la notion de périphéries et marquant

l'avènement, au moins au niveau de la coopération, d'une multiplicité de centres ?

                                                             33 Voir une carte des flux du commerce mondial en Annexe n°8.

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Certes les grandes instances décisionnelles restent dominées par les pays occidentaux, les

négociations internationales sont toujours des processus qui ne dépendent que des choix des

acteurs du Nord. Cependant, en marge de ces instances internationales se développe une

véritable coopération régionale au Sud-Sud, impliquant autant des Etats que des sociétés civiles.

Ainsi, du point de vue interétatique, les Nations Unies reconnaissent elles-mêmes cette poussée :

« La coopération Sud-Sud a été prise en compte dans les principales politiques nationales et

régionales au cours de l’exercice biennal 2003-2004 grâce à une tendance générale en faveur de

l’intégration régionale. À l’heure actuelle, il existe plus de 210 accords d’intégration en vigueur

couvrant plus de la moitié du commerce mondial. Les pays en développement sont à l’origine de

40 % des accords existants. Cela s’explique essentiellement par le fait que les pays en

développement, grands et petits, reconnaissent qu’ils ont besoin de la solidarité régionale dans un

monde où les rapports de force sont inégaux. »34

Toujours au niveau interrégional le groupe des 77 + la Chine35 est un des plus grands promoteurs

de la coopération Sud-Sud. La Conférence de haut niveau du Groupe des 77 + la Chine, tenue

en décembre 2004 à Marrakech, a conclu que la coopération Sud-Sud "n'est pas seulement une

option mais un impératif" complétant la coopération Nord-Sud en vue de contribuer à la

réalisation des objectifs du Millénaire concernant le développement. Plus récemment, en juin

2005, les membres du Groupe des 77 + la Chine ont adopté la Déclaration de Doha ainsi qu'un

Plan d'action axé sur la coopération Sud-Sud, le progrès et la lutte contre la pauvreté. Il a

également été décidé de la création d’un " Fonds du Sud pour le développement et les situations

humanitaires". 40 millions de dollars de dons ont été promis pour ce fonds, dont 20 millions par le

Qatar et 2 millions par la Chine. On voit se dessiner ici les nouveaux contours d'une coopération

internationale, correspondant aux nouveaux rapports de force mondiaux : la continuelle montée

en force de la Chine et le poids financier des pays du Golfe dans les pays en voie de

développement36.

                                                             34 Nations Unies, Coopération Sud-Sud pour le développement, Comité de haut niveau pour l’examen de la coopération Sud-Sud, , Examen des progrès réalisés dans l’application du Plan d’action de Buenos Aires et des nouvelles orientations de la coopération technique entre pays en développement, Quatorzième session, New York, 31 mai-3 juin 2005. 35 Le Groupe des 77 est une coalition de pays en développement fondée en 1964 et conçue pour promouvoir les intérêts économiques collectifs de ses membres et créer une capacité de négociation accrue au sein des Nations unies. Créée par 77 pays, l'organisation a grandi et compte en 2009 130 pays membres. 36 On pense notamment au continent africain, qui voit l'arrivée en force de la Chine et l'afflux de capitaux des Emirats.

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Cependant, il est de plus en plus difficile de considérer les BRICA comme des pays du Sud, de par

leur démographie, leurs performances économiques, et leur poids croissant sur la scène

internationale. Loin de remettre en cause l'émergence d'un nouveau paradigme, ceci confirme la

création de nouveaux centres, peut-être toujours écartés des grandes instances internationales,

mais qui ne tirent pas moins profit de leur coopération régionale37.

Pour comprendre la montée en force de la coopération Sud-Sud, il faut aussi évoquer le contexte

international actuel, marquée par la crise économico-financière, qui a accentué la perte de

confiance dans les Etats du Nord, leurs politiques et leur capacité à assurer un développement

durable et stable. Le centre du monde ne bascule certes pas encore vers les pays de

développement, mais la prééminence des anciens centres semblent s’atténuer car malgré la crise

financière les économies des pays du Sud semblent avoir le vent en poupe, parce que peu intégrée

dans le système international actuel, créé par le Nord. Là est le paradoxe : les économies

africaines jusqu'alors lésées par le système financier international y trouvent désormais un

avantage comparatif, preuve qu’une coopération Sud-Sud devrait être envisagée par les pays en

voie de développement dans cette fenêtre d’opportunité que représente la crise systémique du

modèle capitaliste néolibéral.

Par ailleurs, outre cette coopération interétatique encouragée par toutes les instances

internationales, d’autres acteurs que les Etats ont développé depuis plusieurs années des actions

de coopération Sud-Sud, notamment les institutions universitaires et de recherche ainsi que divers

acteurs de la société civile, dont les ONG. On parle beaucoup de la nouvelle coopération

bilatérale ou multilatérale entre pays du Sud, mais on oublie très souvent le travail des sociétés

civiles du Sud travaillant pour le Sud. Une des principales raisons de cet oubli est que très peu

d'études existent à ce sujet. Cela s’explique par le fait que ce phénomène est très récent et

bousculent beaucoup de convictions dans les pays du Nord, comme dans les pays du Sud. Les

sociétés du Sud ne seraient ainsi pas capable de prendre en charge, financièrement,

techniquement et même philosophiquement, son propre développement. L'expérience d'arcenciel

nous prouve le contraire.

Le développement des relations sud-sud, outre son pragmatisme38, s'inscrit aussi dans un

mouvement entamé il y a plusieurs décennies de rejet du modèle occidental dominant. Dans cette

perspective le mouvement des non-alignés39, des tiers-mondistes40,… sont les précurseurs des

                                                             37 Voir une carte des principaux accords régionaux en Annexe n°9. 38 Voir paragraphe 32. Avantages de la coopération Sud-Sud p.45. 39 Le mouvement des non-alignés est une organisation internationale née lors de la Conférence de Bandung en 1955 dans un contexte de Guerre Froide. Il regroupe actuellement 118 États qui se définissent comme n'étant alignés ni avec, ni contre aucune grande puissance mondiale. Le but de l'organisation tel que défini

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processus actuels de coopération. Ces réseaux sont donc à la fois une preuve d'une maturité des

sociétés civiles du sud, ainsi qu'une composante d'un mouvement plus large, politique et

géostratégique, de positionnement sur la scène internationale. Enfin, outre un impératif

géopolitique, la montée en puissance de la coopération régionale entre entités du Sud répond

également à un impératif de rationalisation dans l’utilisation des ressources dans la mesure où elle

contribue à améliorer la concertation aux niveaux sous-régional, régional et international, et à

mieux orienter les ressources financières, humaines, organisationnelles et techniques là où elles

sont nécessaires.

On le voit, l'aide au développement telle que nous la connaissons peut être sujette à beaucoup de

critiques et ne pas remplir ses objectifs de développement. Comment alors la remplacer, ou du

moins la modifier ? Quelles devraient être les nouvelles manières de faire ? En se basant sur les

exemples exposés, nous voyons que la coopération porte ses fruits et œuvre à un développement

durable de la société si des initiatives bénéficiant des capitaux du Nord, mais du travail de terrain

des pays du Sud, sont encouragées. L'implication d'intermédiaires ayant une expertise que les

ONG ou les institutions occidentales n'ont pas permet, au moins en partie, d'échapper à ce travers

de l'aide au développement qui consiste à arroser de millions certaines sociétés ou groupes, sans

que cela implique un développement durable. Les agences de coopération espagnole,

canadienne, allemande… multiplient ce genre d'expériences, mais l'Agence Française de

Développement semble toujours réticente à franchir le cap. Ainsi, au Liban, l'AFD verse la large

majorité de ses aides aux ministères ou à des entreprises auxquelles sont déléguées des activités

de développement, mais très peu à des associations. Or l'argent n'entraîne pas automatiquement

le développement. Et les pratiques occidentales ne sont pas forcément celles qui marchent le

mieux dans le contexte des pays du Sud. De plus, enfin de promouvoir un développement réel de

la société, il est nécessaire de s'assurer que les changements sont endogènes et que la société

civile absorbe les évolutions. Or, cela a rarement été le souci de des agences internationales

engoncées dans leur système-monstre… Le développement passe par une construction progressive

de la société civile à qui l'on donne les moyens de prendre en charge son propre développement.

                                                                                                                                                                                              dans la « Déclaration de la Havane » de 1979 est d'assurer : « l'indépendance nationale, la souveraineté, l'intégrité territoriale et la sécurité des pays non alignés dans leur lutte contre l'impérialisme, le colonialisme, le néocolonialisme, la ségrégation, le racisme, le sionisme, et toute forme d'agression étrangère, d'occupation, de domination, d'interférence ou d'hégémonie de la part de grandes puissances ou de blocs politiques » et de promouvoir la solidarité entre les peuples du tiers monde. 40 Le tiers-mondisme une idéologie politique qui attribue la responsabilité de la pauvreté des pays du Sud aux interventionsdu capitalisme occidental. Ce mouvement est basé sur des principes anti-colonialistes et anti-capitalistes.

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CONCLUSION GENERALE 

Pour que le développement de toute société soit véritablement durable, il doit être endogène. Par

conséquent, chaque société doit prendre en charge son propre développement. Ceci est possible

si des acteurs publics et privés prennent et se voient donner les moyens d'agir, par les structures

dans lesquelles ils évoluent, mais aussi, pourquoi pas, par des entités extérieures. Malgré les

progrès de certains pays en matière de développement, il est indéniable que la majorité des

capitaux et des leviers financiers restent au Nord. Par conséquent, l'exemple du Convenio

développée par arcenciel présente des modalités intéressantes : nous avons ici à faire à une

coopération Nord-Sud-Sud, ou chaque partie apporte une expertise spécifique et ses avantages

propres. Et, mettant l'accent sur le transfert de compétences, ce projet participe à la consolidation

de la société civile des pays partenaires, dans une perspective de développement. Cette

coopération Sud-Sud, à rebours de ce qui a été fait pendant des décennies, principalement en

Afrique, est à la fois un signe et une incitation au développement de la société civile des pays en

développement.

Grâce au développement des moyens de communication, entraînant un accès accru à

l'information, et aux avancées relatives du droit civil, les acteurs se multiplient et leurs possibilités

d'actions s'accroissent. L'éclosion des sociétés civiles comme actrices de leur développement

s'inscrit dans ce mouvement général d'émergence de nouveaux acteurs et de nouveaux rapports de

force. Ces changements au sein de la structure de la coopération internationale nous incitent à

voir un dépassement de l'ancien paradigme soutenant que les pays développés forment un centre

et que gravitent autour les périphéries, tentant d'approcher ce centre. En matière d'aide au

développement cette tendance s'estompe de plus en plus et, on l'a vu, c'est une bonne nouvelle.

Les nouveaux réseaux de coopération Sud-Sud créés, avec l'appui du Nord, sont le signe d'une

part d'un monde de plus en plus intégré – la coopération n'est plus l'apanage des pays développés

– et d'autre part de la multiplication de "centres", rendant caduque l'idée d'un centre unique face à

une périphérie frappant à sa porte. Il serait enfin intéressant de réfléchir à une nouvelle

dénomination de ces acteurs du développement, l'ancienne catégorisation ne fonctionnant plus et

l'expression "centres multiples" n'étant guère satisfaisante.

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 53 

ANNEXES 

1- La Charte d'arcenciel ……………………………………………………… p.55

2- La politique d'arcenciel ……………………………………………………… p.56

3- Programmes ……………………………………………………… p.57

4- Implantation géographique ……………………………………………………… p.58

5- Chronologie de l’expansion d’arcenciel ……………………………………………… p.59

6- Exemple de suivi : fiche d'autoévaluation pour les stagiaires en assistance sociale …... p.61

7- Budget de Convenio ……….……………………………………………… p.65

8- Flux du commerce mondial ……………………………………………………… p.66

9- Carte des accords régionaux ……………………………………………………… p.67

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1- Charte :

Esprit d’égalité arcenciel reconnaît que tous les hommes sont égaux. Ainsi les membres de

l’équipe arcenciel servent toute personne sans discrimination aucune, de

race, de religion ou de sexe.

Esprit de respect le respect de la personne humaine est une valeur vécue au quotidien par

les membres de l’équipe arcenciel. Toute personne reçue le sera dans le

respect de sa dignité.

Esprit d’accueil arcenciel met un point d’honneur à accueillir toute personne suivant les

règles de l’hospitalité. Ainsi les membres de l’équipe arcenciel se font un

devoir de manifester une disponibilité, une discrétion et un dévouement

continuels à l’égard de tout usager.

Esprit d’équipe confiance, loyauté, égalité et solidarité sont les valeurs qui unissent les

membres au sein d’une même équipe arcenciel - bénévoles, volontaires

comme salariés - dans la poursuite d’un but désintéressé : les personnes

en difficulté au service des personnes en difficulté.

Professionnalisme les personnes servies, notamment les plus faibles, ont droit au meilleur,

c’est pourquoi la performance est le but recherché par chaque membre de

l’équipe arcenciel. La continuité et le suivi des actions accomplies assurent

la qualité du travail réalisé, passer de la charité à l’utile et au

professionnalisme.

Transparence arcenciel s’engage à ce que sa politique d’action se fonde sur les notions

de transparence morale [dire et montrer ce qu’on pense] et d’intégrité

[faire ce qu’on dit].

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2- Politique d'arcenciel

Faire différent

Faire différent pour se démarquer des autres, pour donner plus de visibilité et pour garantir la

réussite de ce que l’on entreprend. C'est réussir à penser à des solutions inédites aux problèmes

qui se posent, que les autres n’ont pas réussi à trouver parce qu’ils ont tendance à fonctionner

toujours de la même manière.

Utiliser des nouvelles technologies

Utiliser des nouvelles technologies pour garantir un gain d’efficacité et une économie de temps. A

arcenciel on considère que les personnes en difficulté ont droit au meilleur service. Les

technologies nous permettent ainsi d’atteindre un plus grand nombre de personnes et d’être

proches des gens qui ont des difficultés à écrire ou à lire en mettant à leur portée des supports tels

que des Cds interactifs et des carnets d’épreuves.

La personne en difficulté au service de la personne en difficulté

A arcenciel on retrouve des personnes qui ont toutes sortes de difficulté. Nous pensons que ces

personnes sont plus à même de comprendre les besoins des gens qui connaissent les mêmes

problèmes qu’elles. C’est pourquoi arcenciel a instauré un système : le conseil des paires. A titre

d’exemple, aucun ingénieur mécanique qui souhaite concevoir un fauteuil roulant ne peut aussi

professionnel soit-il, connaître les besoins réels d’une personne handicapée comme la personne

paraplégique elle-même. Il est obligé de se référer à des personnes handicapées et de les

consulter pour arriver à un résultat satisfaisant.

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 56 

3- Programmes

Agriculture: lancement d'une initiative nationale "wataneh" pour faciliter la commercialisation de

produits agricoles, à travers un réseau de 50 boutiques et 200 agriculteurs; formations (à la

prévention des maladies, à l’augmentation de la qualité de la production, à la limitation de

l'utilisation des pesticides...) et assistance technique personnalisée à plus de 200 agriculteurs;

partenariat avec une coopérative agricole de la Békaa pour amélioration des techniques de

gestion et de production parcelle par parcelle; modernisation du parc de machines agricoles,

laboratoire d’analyse des sols…

Emploi: identification des besoins du marché; formations adéquates menant à l’emploi;

partenariat avec Microsoft avec plus de 1300 formations en informatique par an; recherche

d’emplois et de métiers pour les personnes en difficulté; support post-emploi, …

Environnement : collecte des déchets de plus de 70 établissements de soins; gestion de 5 usines

de traitement de déchets à risques infectieux; activités éco-touristiques dans le cadre de nos

auberges. La mise en place de notre stratégie nationale s’effectue en collaboration avec tous les

acteurs concernés.

Jeunesse : animation de 5 clubs jeunesse, accueillant en moyenne 200 personnes par jour;

support à la troupe de cirque arcenciel; organisation d’entraînement et de matchs de basket, foot,

cours de musique, dessin, danse etc…; support scolaire, après l’école, encadrement et formation

de jeunes mineurs délinquants; gestion d’une école de la maternelle jusqu’en brevet EB9; 3

garderies accueillant tous les enfants, quelque soit leurs conditions physiques, sociales,

économiques et de 3 écoles de parents; gestion de 3 auberges de jeunesse. arcenciel est vice-

président de la fédération libanaise des auberges de jeunesse au Liban.

Mobilité & Accessibilité: production de fauteuils roulants et autres aides techniques, fabriqués par

une équipe dont plus de 90% sont des personnes en difficulté; distribution d'aides techniques;

adaptation de véhicules et de lieux de vie etc... arcenciel est membre élu du Comité National

pour les Personnes handicapées et a initié et implanté le programme national « accès et droits »

qui a mis en place un système de couverture sociale et a fait voter plus d’une centaine d’articles de

loi et de décrets.

Santé : gestion de 4 dispensaires, d’un laboratoire d’analyse médicales, de 4 cliniques dentaires,

de 4 centres de physiothérapie, lancement d’un service d’ergothérapie et d’orthophonie etc...

Social : visites à domicile; support conseil de pair et orientation; gestion de 4 magasins sociaux;

support institutionnel pour les constitutions d’ONG, et de communautés locales….

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4- Implantation géographique

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5- Chronologie de l’expansion d’arcenciel

1980 : Un groupe de scouts du Liban, parmi lesquels se trouvent des jeunes handicapés moteurs de guerre, œuvre pour l’insertion des personnes handicapées et la reconnaissance de leurs droits

1982 : Démarrage des ateliers professionnels dans les usines de « Lignes et couleurs »; des personnes handicapées sont initiées au travail de ponçage, menuiserie et peinture du bois. Leur apprentissage relance les activités de cette usine dont la production avait été quelque peu ralentie durant la guerre

1984 : Création d’une structure indépendante dont les activités débutent dans un petit local en préfabriqué localisé dans la banlieue nord de Beyrouth

Vente et diffusion de stickers et d’une brochure sur arcenciel, ses activités et sa mission Première réunion des fondateurs d’arcenciel au Q.G. des Scouts du Liban 1985 : arcenciel est autorisé par le Ministère de l’Intérieur sous le N° 162/AD, le 21/11/ 1985.

Première réunion de l’assemblée générale pour l’élection du conseil d’administration 1986 : Déménagement à Beyrouth (Jisr el Wati) dans des locaux prêtés par des amis d’arcenciel 1987 : Création d’un atelier de réparation de fauteuils roulants et d’un atelier pour l’adaptation

des véhicules. Distribution de fauteuils roulants et autres aides techniques aux usagers Acquisition d’un local à Broumana destiné à devenir un foyer d’accueil et de réhabilitation à la vie domestique des handicapées

1991 : Création de l’atelier pour chaussures orthopédiques et corsets-sièges Ouverture d’un centre de kinésithérapie

Lancement dans la région du Mont Liban et dans la banlieue de Beyrouth, du programme de RBC (Réadaptation à Base Communautaire)

1992 : Acquisition d’un terrain à Jisr el Bacha, région métropolitaine de Beyrouth, destiné à accueillir des ateliers de formation pour jeunes filles

1993 : Participation à la création du CNPH (Conseil National des Personnes Handicapées). Nomination de son Directeur Général et d’une personne handicapée comme conseillers du ministre par arrêté du Ministère des Affaires Sociales N° 33/1-1993

Acquisition d’un terrain au nord du Liban dans la région du Akkar 1994 : Nomination d’arcenciel comme membre du comité national pour les personnes

handicapées représentant les associations par arrêté du Ministère des Affaires Sociales N° 6/1-1994 Lancement du programme national « Accès & Droits ». arcenciel est nommé coordinateur général du programme et membre de son comité exécutif Donation d’une parcelle de terrain adjacent au fleuve de Beyrouth par décret présidentiel N° 5513, le 12/8/1994 Création de l’atelier de fabrication de fauteuils roulants en partenariat avec Handicap International

Démarrage du travail communautaire dans la région du nord du Liban 1995 : arcenciel est reconnue d’utilité publique par décret N° 7541, le 18/11/1995

Démarrage de la construction du centre de Halba grâce au financement de Handicap International et de l’Union Européenne Le centre d’arcenciel à Jisr el Wati est accrédité comme centre officiel du Ministère des Affaires Sociales pour la carte d’invalidité

1996 : Inauguration et ouverture des premiers étages du centre de Halba au nord du Liban

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Démarrage de la construction du centre de Jisr el Wati, corniche du fleuve, en partenariat avec l’AECI (Agencia Española de Cooperacion Internacional)

Démarrage de quelques activités sportives et éducatives à Halba 1997 : Création du premier club jeunesse, le « Rainbow Club» à Halba Délocalisation de l’atelier de fabrication et de réparation d’aides techniques vers Halba

Accréditation du centre de Beyrouth, Jisr el Wati, par le Ministère des Affaires Sociales pour la distribution d’aides techniques

1998 : Accréditation du centre Halba par le Ministère des Affaires Sociales pour la distribution des aides techniques, le 18/6/1998 Homologation du fauteuil roulant « Mazard » par le Ministère des Affaires Sociales le 22/6/1998

Création d’un espace thermoformage au centre de Jisr el Wati 1999 : Inauguration du centre de Beyrouth, Jisr el Wati, corniche du fleuve, en présence de Son

Excellence José Maria Aznar, Premier Ministre d’Espagne Accréditation du centre de Taanayel par le Ministère des Affaires Sociales pour la fabrication des aides techniques le 1/8/1999 Démarrage des travaux de construction d’un centre de formation à Jisr el Bacha dans le grand Beyrouth, grâce au financement de la FPSC (Fondacion Promocion Social de la Cultura) et l’AECI (Agencia Española de Cooperacion Internacional)

2000 : Vote par le parlement et publication au journal officiel N° 25 daté du 8 juin 2000, de la loi 220/2000, loi d’orientation en faveur des personnes handicapées Création du club jeunesse le « Rainbow club » dans le centre de Beyrouth, Jisr el Wati 2001 : Ouverture du centre de formation de Jisr el Bacha ; le département Partage et le bureau de placement, y deviennent opérationnels Création du département Volontariat

arcenciel rejoint la chaîne Franconet financé par l’ACDI (Agence Canadienne de Développement International)

2002 : Création du Rainbow Club de Taanayel 2004 : Création d’un Rainbow Club au centre de Damour et à Kfarnabrakh Mise en place d’une « école d’été » en vue d’aider les élèves avant la rentrée scolaire

Rentrée de classe pour « L’école Al Mahabba » à Kfarnabrakh, de la maternelle à la classe de quatrième

Ouverture à Damour d’une salle de physiothérapie Ouverture d’une Auberge au centre de Damour et d’une clinique dentaire et d’un magasin social

Création du Rainbow club au couvent Saint Michel à Maasser el Chouf Aménagement d’une auberge à Maasser el Chouf Création du nouveau programme déchets hospitaliers 2005 : Construction des locaux de Taanayel Obtention du permis environnemental pour le centre de traitement de l’Hôtel Dieu de F rance

Obtention du permis environnemental pour le centre de traitement sur le site de la décharge municipale de Zahlé Prévue d’une ouverture pour la fin de l’été 2005 d’un laboratoire pour des analyses sanguines au centre de Damour.

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6- Exemple de suivi : fiche d'autoévaluation pour les stagiaires en assistance sociale

Stagiaire Responsable Nom : Nom : Prénom : Prénom : Fonction : Fonction :

Date Date Date Date Date Date Date Date

Compétences professionnelles Conduite d'entretiens et visites à domicile Participation au travail administratif (rédaction de dossiers,…)

Repérage et analyse les besoins Choix de priorités en fonction des besoins Proposition des solutions adaptées aux bénéficiaire et aux capacités du programme Utilisation des connaissances théoriques

Acquisition de compétences Respect du secret professionnel, discrétion Respect du calendrier et des échéances prévues

Respect des horaires/ponctualité

Sous-total /50 /50 /50 /50 /50 /50 /50 /50

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Capacités relationnelles

Adaptation à la culture d'arcenciel

Relations avec l'équipe Relations avec les bénéficiaires (écoute, respect, confidentialité)

Adaptation au lieu de travail

Bonne communication sur son travail

Sous-total /25 /25 /25 /25 /25 /25 /25 /25

Qualités personnelles

Enrichissement personnel

Autonomie

Sens de l'initiative

Souci du détail/précision Curiosité et ouverture au-delà de la stricte mission

Sous-total /25 /25 /25 /25 /25 /25 /25 /25

Total /100 /100 /100 /100 /100 /100 /100 /100

Réalisation des objectifs Date Date Date Date

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Objectifs : mise en pratique des connaissances, acquisition de compétences, bonne participation au travail du programme,… (voir fiche de mission)

Ce que vous avez réalisé et acquis

Commentaires du stagiaire

Commentaires du responsable

Réalisation des objectifs Date Date Date Date

Objectifs (cf. profil de poste et fiche de mission)

Ce que vous avez réalisé

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Commentaires du stagiaire

Commentaires du responsable

Notation : 1 : Insuffisant 2 : Passable 3 : Correct 4 : Bon 5 : Excellent

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6- Budget de Convenio

ENTITES

PARTICIPANTES

MONTANT DE LA

SUBVENTION

AECI

% FONDS

PROPRES

% 2006 2007 2008 2009

AECI 2.000.000 80 % 500.00

0

500.000 500.00

0

500.00

0

FPSC 24.000 1 % 24.000

arcenciel 478.850 19 % 103.00

0

125.283 125.28

3

125.28

3

TOTAL 2.000.000 80 % 502.850 20 % 627.00

0

625.283 625.28

3

625.28

3

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7-Flux du commerce mondial

Source : OMC

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8- Carte des accords régionaux

Source : CNUCED

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BIBLIOGRAPHIE 

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monde ", éd. Armand Colin, 1979.

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• Corm, Georges, 10 400km² sans douceur de vivre, Hebdo Magazine n°2743, 4 juin

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d'Organisation, 2009.

• Easterly, William, Le fardeau de l'homme blanc : L'échec des politiques occidentales d'aide

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monde (avec S. Amin, G. Arrighi & A.G. Frank) Ed. La Découverte, 1991.

• Wallerstein, Immanuel, Comprendre le monde. Introduction à l'analyse des système-

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