Medievales - Num 29 - Automne 1995
-
Upload
manticora-patiens -
Category
Documents
-
view
233 -
download
0
Transcript of Medievales - Num 29 - Automne 1995
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 1/164
lAT
T7
langue
||
I III'
textes
W{
-L/
JL
*
4
histoire
.ÇÀ
-L/
VALES
JL
*
4
histoire
i
.ÇÀ
N° 29
-
AUTOMNE
1995
/S
L'ÉTOFFE
sSā
ET
LE
VÊTEMENT
§
duCentre
evue
National
ubliée
du
vec
Livre
e
concours
etduC.N.R.S. 11/duCentreationaluLivre tduC.N.R.S.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 2/164
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 3/164
MÉDIÉVALES 29 AUTOMNE 1995
L'ÉTOFFE
ET LE
VÊTEMENT
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 4/164
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 5/164
SOMMAIRE
N° 29
AUTOMNE 1995
L'ÉTOFFE
ET LE
VÊTEMENT
Pratiques
et
symboliques
vestimentaires
Michel PASTOUREAU 5
Quand
les Pathelin achètentdu
drap
Bruno
ROY 9
La lettre
t
l'étoffe.
Étude
sur les
lettres
ans
le
dispositif
es-
timentaire la
fin
du
Moyen
Âge
Jean-Pierre OURDAN 23
Jésus
teinturier.Histoire
symbolique
et sociale d'un métier
réprouvé
Michel
PASTOUREAU 47
Histoire du costume
l'objet
introuvable
Odile BLANC 65
Suffilello e
Montalto, voleur,
ou le
strip-tease
ontraint e la
comtesse d'Artois
Nouvelle de Giovanni SERCAMBI
présentée
ar
Odile
REDON 83
Compter
et nommer 'étoffe à Florence au Trecento
1343)
Laurence
GÉRARD-MARCHANT
87
La
«
dispute pour
la culotte . Variations
ittéraires
t icono-
graphiques
d'un thème
profane
xiiie-xvie
iècle)
Pierre BUREAU 105
ESSAIS ET RECHERCHES
Occulta cordis.
Contrôle de
soi
et
confession
u
Moyen
Âge,
I.
Formes
du silence
Peter VON MOOS
131
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 6/164
4 SOMMAIRE
Notes
de lecture 141
Commynes,
Mémoires
(V. Jouët)
;
Robert
Jacob,
Images
de
la
Justice.
ssai sur
l'iconographieudiciaire
du
Moyen Âge
à
l'âge classique (G.
Grout Grau-
toff)
;
Jean-Marie
Martin,
Italies Normandes
(xe~xiie iècles) (L. Feller)
;
Xudeus e
conversos na
Historia
(J.
P.
Barraqué)
;
Paul
Mommaers,
Hade-
wijch
d'Anvers
L. Moulinier)
;
Modelli
di
santità e
modelli di
comportamento S. Houdard)
;
Gabrielle
Démians D'Archimbaud (dir.), L'oppidum de Saint-
Blaise du
Ve
au
viie
iècle
(C. Raynaud).
Livres
reçus
156
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 7/164
/';-=09 )(8*
=-0/']
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 8/164
/';-=09 )(8*
=-0/']
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 9/164
/';-=09 )(8*
=-0/']
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 10/164
Médiévales9,automne995, p.5-7
Michel PASTOUREAU
PRATIQUES
ET
SYMBOLIQUES
VESTIMENTAIRES
Dans
beaucoup
de
sociétés,
universdu tissu
est
celui
qui
mêle
le
plus
étroitement
es
problèmes echniques
t
matériels
ux
problè-
mes
idéologiques
et
symboliques.
C est
pourquoi
l étoffe et
le vête-
mentconstituent
oujourspour
l historien t
pour
l anthropologue
es
lieux
de
recherche
luridisciplinaire.
ela est
particulièrement
rai
des
sociétés
chrétiennes u
Moyen
Âge
occidental
elles
ne
connaissent
pour
véritable industrie
que
celle du
drap
et
elles articulent utour
des signeset des pratiquesvestimentairesa plupartde leurstaxino-
mies sociales.
La
présente
ivraisonde
Médiévales souhaiterait on-
ner un
aperçu
de la diversité e ces
problèmes,
même
si,
en
raison
de
quelques
défections,
accent
a
finalement
lus
été mis sur l ima-
ginaire
et les
systèmes
e
représentationue
sur les
contraintes ech-
niques
ou
les données
archéologiques. éparertrop
nettement
es dif-
férents errains
investigation
urait
du reste té
anachronique
t mal-
venu :
l imaginaire
fait
toujours partie
de la réalité.
Dans
le vêtement
médiéval,
en
effet,
out
est
signifiant
les tis-
sus
(matière,
exture,
rovenance, écor),
les
pièces
et
les
formes,
es
couleurs qualité des colorants, olidité, uminosité, onset nuances),
le travailde
coupe
et
d assemblage,
es
dimensions,
es accessoires
t,
bien
sûr,
la
façon
de
porter
e vêtement.
l
s agit d exprimer ar
des
signes
conventionnels,
oujours
fortement
odés,
un certain
nombre
de valeurs
et
d en assurer es contrôles
orrespondants.
hacun
doit
porter
e
vêtement
e
son
état et de
son
rang.
Se vêtir
plus
richement
ou
plus pauvrement u il
n est
d usage
dans la classe ou
dans le milieu
auquel
on
appartient
est un
péché d orgueil
ou une
marque
de
déchéance c est
en outre une
transgression
e l ordre
social
et
donc
une
cause
de scandale. Partout a
fonction
axinomique
du
vêtement
prime
sa fonctionutilitaire.Bien avant d aider à
se
protéger
ontre
les effetsdu climat on s habille à peu près de la mêmefaçon tout
au
long
de
l année
et d un bout à l autre de la
Chrétienté cciden-
tale)
ou
à
s adapter
à
telle ou telle
activité
matérielle,
e vêtement it
qui
l on
est,
en
soulignant
appartenance
un
groupe familial,poli-
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 11/164
6
M. PASTOUREAU
tique, domestique,professionnel,
militaire,
eligieux, thnique,
ultu-
rel)
et en
signalant
ouvent
a
position,
e
rang
ou la
dignité
u
sein
de ce
groupe.
Le vêtementmédiévalest une réalité
nstitutionnellet
normative
t non
pas
une réalité
ndividuelle,
u elle
soit
affective,
esthétique,
udique, psychologique
u
phénoménologique;
n ne
porte
pas
les vêtements
ue
l on
aime,
on
porte
ceux
que
Ton doit
porter.
Par
là
même,
es
moralesvestimentairesont
nombreuses t con-
traignantes.
lles ont
ongtemps
té le faitdes
théologiens
t
des
hom-
mes
d Église (l habit
monastique
n est
exemple
e
plus ancien),
avant
d être
eprises
t
renouveléesjpar
es autorités
aïques
à
partir
es
xiie-xiiie
siècles.A la findu Moyen Âge, les lois somptuairest les décrets esti-
mentaires
rolifèrent
artout, pécialement
ans les villes.Ces
lois,
qui
sous
des formes iverses
erdurerontarfois usqu au
xviiie
iècle
ainsi
à
Venise,
à Zurich
ou à
Nuremberg),
nt une
triple
fonction.
Tout
d abord
économique
limiter ans toutes es classes
et
catégories
ocia-
les les
dépenses
concernant
e vêtement t
ses accessoires
ainsi
que
d autres
objets,
notamment
a
vaisselle)
ar ce
sont des investissements
improductifs.
nsuite
ne fonctionmorale maintenirne tradition
hré-
tienne
de décence et
de
tempérance
en ce
sens,
ces lois et
décrets e
rattachent
u
grand
ourantmoralisateur
ui
traverse out e
MoyenÂge
finissant
t dont
a
Réforme
rotestante
e fera héritière.
nfin,
t
sur-
tout,une fonctiondéologique instaurerar e vêtementnordre ocial
fait
de
classifications,
e
hiérarchies,
e
barrières
t de
ségrégations.
Il
est
dommage
ue pendant
i
longtemps
es historiens e la
société
médiévale e soient
peu
intéressés
u vêtementt aux
pratiques
estimen-
taires.
ls ont abandonné
es domaines la
«
petite
istoire et aux tra-
vaux
d amateurs,
ou bien se sont contentés
une
étude
archéologique
des
formes u
costume,
tude
envisagée
uccessivementous un
angle
romantique,
sthétique
t
positiviste.
r ce n est évidemment
as
cela
qui
est
en
eu
dans le faitvestimentaire
le vêtement a riend anecdo-
tique
ni
de
romantique,
ncore moins
d esthétique
c est un véritable
système ocial. Heureusement, epuisune ou deux générations, ousl influence e
l anthropologie,
e la
sociologie
t de la
sémiologie pen-
sons
ci à
l ouvrage
pionnier
e Roland
Barthes,
e
système
e la
mode,
publié
en
1967), quelques
historiens u
Moyen Âge
et de
l Époque
moderne nt
entrepris
es
enquêtes
nouvelles,
onsidérant
e
vêtement
comme
un
objet
d histoire
part
entière t les
pratiques
vestimentaires
comme
un terrain
leinement
ransdisciplinaire
t transdocumentaire.
Plusieurs
ravaux ndividuels
u collectifs nt
déjà
vu le
jour.
Souhai-
tons
que
les
pistes
insi
ouvertes oient fructueusementuivies
par
les
recherches n cours
ou à venir.L écart reste
n effet
mmense
ntre a
richesse
du
sujet
et les
trop
rares études
dont nous
disposons.
Ce
qui
est
vraidu
vêtement ans a société éritable est
encore
plus
dans
la société
conographique.
ci,
plus que partout
illeurs,
e costume
est
support
de
signes
t instrument
e
classification.
ans les
images,
en
effet,
es
attributst es codes
sont
oujours
plus
accentués,
lus systé-
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 12/164
PRATIQUES
T
SYMBOLIQUES
ESTIMENTAIRES 7
matiques,plus
redondants
ue
dans la réalité.Plus
que
jamais
il
faut
savoir
à
qui
l on a affaire t ne
pas
confondre
n
apôtre
vec un
simple
prophète,
n saint vec son
bourreau,
un roi avec
son
vassal,
un
maître
avec
son
apprenti
u bien un
évêque
avec un abbé et encore
moins un
prélat
vec un
simple
lerc. Mais ici deux
axes s entrecroisent
ui
obli-
gent image
à
faire
preuve
de
souplesse
et
de
subtilité ans ses
codes
et dans ses
procédés
un axe social et un axe
moral.
Il
faut non
seule-
ment
distinguer
es
personnages
ien nés de ceux
qui
se situent
lus
bas
dans
l échelle
sociale,
mais
il
faut
aussi mettre n
valeur ceux
qui,
du
point
de vue
éthique,
ont
pris
en bonne
part
et
ceux
qui,
à un
titre u
à un autre,sont dévalorisés u dévalorisants. l y a des nobles et des
vilains t
il
y
a des
bons
et
des méchants.
Or
ces deux
axes ne
se
recou-
vrent
pas
nécessairement,
oin
s en faut
il
existede
mauvais
rois ou
de
mauvais
princes,
omme
l
existedes
artisans ertueux t
des
domes-
tiques exemplaires
il
existedes
empereurs aïens
cruels
t
sanguinaires
et des serfsmisérables t
généreux
il
existedes
chevaliers
élons t
des
roturiers
emplis
e
courage
ou de
noblesse.
L image
doit dire
tout
cela
et le dire avec nuance. Comme
elle doit aussi
souligner
appartenance
de tel
personnage
tel ou tel
groupe,
es
intentions
ui
l animent
dans
telleou telle
cène,
es
relations
u il
entretient
vec
les
autres
personna-
ges
de
l image,
voire avec ceux
qui
prennent
lace
dans
l image
précé-
denteou dans l imagesuivante.Pour ce faire, e vêtement avec ses
formes,
es
couleurs,
on
décor,
es
nsignes
t
ses
accessoires
est tou-
jours
un
attribut
rivilégié.
l
obéit
à
des codes dont
certains ont
récur-
rents travers ifférentes
atégories images
t de
documents,
ans
une
chronologie
t une
géographie arges,
et
d autres
plus
spécifiques
tel
ou tel
document,
elleou telle
œuvre
d art,
tel
ou tel
artiste u
atelier.
Dans
l image,
e
vêtement st
toujoursporteur
e
significations
ortes.
C est
pourquoi,
ci
aussi,
il
est
dommageque
les
travaux
oient
i
peu
nombreux.
Non
seulementnous
manquons,
pour
l ensemble de
l Europe
occidentale,
e
répertoires
t
d instruments
énéraux
ui
nous
aideraient reconnaître,classer t à interpréterifférentsypes e vête-ments,mais nous
manquons
ussi de
monographies
td étudesdedétail.
Bon nombre
historiens e l art ne
soupçonnent
as
la
richesse
infor-
mations
u ils pourraient
etirer e
l analyse
des
vêtements
mis en
scène
dans
une
œuvred art ou
dans un
ensemble
images.
D autres n accor-
dent
à
l iconographie u un
rôle
accessoire
t
préfèrent,
ncoreet
tou-
jours,
se consacrer
des
taches
ugées plus
nobles l étude
du
style
(qu est-ce
que
le
style
)
et la
biographie
es
artistes
transformée
ou-
vent n
hagiographie).
ls ont tort.Pour
les
époques anciennes,
icono-
graphie
st
toujours
a
branche a
plus
fructueuse
e
l histoire
e
l art,
parce
que
c est celle
qui
fait
pleinement
e
cette
discipline
difficile t
souventmaltraitée, ne authentique ciencehistorique.
École
pratique
des
hautes
études,
Ve
section
45-47,
rue
des
Écoles
F-75005
Paris
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 13/164
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 14/164
10
B. ROY
fonctionnaire u roi
René,
3)
le fou
Triboulet,
comédien
perpétuel.
Voilà
pour
le côté Pathelin côté
Josseaume,
'identité
st double :
1)
le
drapier, 2)
son
homonyme
e franciscain6.
Est-ce
trop
demander u texte e Pathelin
que
de le lire
ces deux
niveaux? Jene le crois
pas.
Cettefarce
déjà
subi
victorieusement
lu-
sieurs ests
d'ambiguïté7,
t rien
n'empêche
u'elle
en
subisse
d'autres.
La scène du
marchandage
du
drap,
ce haut-lieu
du théâtre
omique
médiéval,
mérite
'être
confrontée
vec
des
documents
istoriques ro-
venant
'Anjou.
Dans
l'hypothèse
ù
le Pathelin urait té
créé
Angers,
une telle onfrontation valeurde
contre-expertise.
eux
contributions
importantesontà notredisposition la thèsede FrançoisePiponnier,
qui
étudie e rôle social des vêtements la cour de
René
d'Anjou8,
et
la
monographie
e Michel Le
Mené sur
e
drapierJacquet
du
Boyle,
qui
tenait
boutique
à
Angers
durant es
années 14409.
1. La
pièce
s'ouvre sur une
querelle
de
ménage.
Excédée
par
la
pauvreté
dans
laquelle
la maintient on
mari,
Guillemette
e
plaint
de
l'état lamentablede ses vêtements
v. 30-31)
«
Nos habits
sont
plus
minces
que
de l'étamine
»
L'étamine,
tissu
léger10
t
de mau-
vaise
qualité,
servait,
la cour
d'Anjou,
à
découper
les
patrons11.
Gurlkamettee
pouvait
trouvermeilleur
xemplepour
illustrer
a
piè-
tre condition.,
Elle se metensuite accabler son mariet lui reproche a réputa-
tion de
fourberie,
ui explique
selon elle
la
désertionde
la
clientèle.
6.
LMF,
pp.
30-31
«
Chronologie
e Guillaumeosseaume
).
7. Cf.
J.Dufournet
t M.
Rousse,
ur
a
«
Farce e Maître ierre
athelin
,
Paris,
986,
p.
35-58
«
La recherchee
Pambiguïté
).
8.
F.
Piponnier,
ostume
t vie ociale. a
cour
Anjou
ive-xve
iecles,
aris-
La
Haye,
Mouton,
970
ci-dessousbrégé PIP.]
voir ussi
u même
uteur,
À
propos
e
textiles
nciens,
rincipalement
édiévaux
,
Annales SC t.
22, 1967,
pp.
864-880.
9.
M.
Le
Mené,
La
comptabilité
e
Jacquet
u
Boyle,
marchand
'Angers
(1441-1449)
,
dans
nquêtes
tdocuments
Nantes,
niv. e
Nantes,
971,
p.
11-51.
Poure contexteénéral,oird.,LescampagnesngevineslafinduMoyen ge,
Nantes,
982,
p.
406-419.
our
es dentificationses
issus,
es
vêtementstdes
four-
rures,
ous
tilisons
V.
Gay,
Glossaire
rchéologique
u
Moyen
ge
t de a
Renais-
sance,
aris,
.
1,
1887,
. 2 revu t édité
ar
H.
Stein,
1928
ci-dessous
brégé
Gay]
L.
Douët-D'Arcq,
omptes
e
l'argenterie
es
rois
e
France
Paris,
851,
pp.
345-408
«
Tabledes mots
echniques) [ci-dessous
brégé
Douët-d'Arcq]
G.
Espinas,
a
draperie
ans
a Flandre
rançaise
u
Moyen
ge,
aris,
923,
vol.
H.
Laurent,
Uncommerce
'exportation
u
Moyen
ge.
La
draperie
es
Pays-Bas
enFrance
tdans es
pays
méditerranéens
xue-xveiècle),
aris,
935
G.
de
Poerck,
La
draperie
édiévale
n
Flandre
t
nArtois.
echnique
t
terminologie,
ruges,
vol.,
1951
ci-dessous
brégé
de
Poerck]
K.
Zangger,
ontributionla
terminologie
des
issus
nancien
rançais,
urich,
945
ci-dessous
brégé
Zangger]
E.R. Lund-
quist,
a mode
t onvocabulaire.
uelques
ermese a mode
éminine
u
Moyen
Âge, uivis e leur volutionémantique,öteborg,950ci-dessousbrégéLund-
quist]
R.
Delort,
Le commercees
ourrures
nOccidentla
fin
du
Moyen
ge,
Rome,
978.
10.
Étamine
Zangger,
pp.
58-9
«
tissu
éger
de laine ou
de
coton
)
;
L.
Douët-d'Arcq,p.
cit.,
p.
374.
11. Cf.
PIP.,
p.
388.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 15/164
QUAND
LES
PATHELINACHÈTENT U
DRAP 11
Mais Pathelin tient
bon,
et s'efforcede détourner 'attention sur
d'autres
personnes v.
54-61)
-
Pathelin Personne ne
s'y
connaît aussi
bien
que
moi
en
plaidoirie.
-
Guillemette
Grand Dieu dites
plutôt
la
tromperie
du
moins
en avez- ous la
réputation.
-
Pathelin
Non
les
vrais
trompeurs,
e sont ces
gens
vêtus
de camelos et
de camocas
qui
se
prétendent
vocats,
mais
qui
en réalité
ne le
sont
pas12.
Le camelot est un tissu très
uxueux,
mporté
d'Asie
;
on le cite
habituellement
vec les soieries13
quant
au
camocas,
c'est
aussi une
étoffe
de
grande
valeur,
que
les textesmettent
resque
à
égalité
avec
le
drap
d'or14. La
réplique
de Pathelin est déroutante à
qui
donc
veut-il se
comparer
En
effet,
quels
avocats se
payeraient
e luxe
d'être
aussi
richement
abillés
? et
pourquoi
ces
gens
se
prétendent-
ils avocats s'ils
ne le
sont
pas
vraiment
La
réponse
cette
ncongruité
e
trouve
dans
la
mention u came-
lot
par
Pathelin
c'est
ici
précisément
ue
le
spectateur
a
pénétrer
dans le
second
sens de la
réplique.
À
la cour
d'Anjou,
le camelot
était réservé n priorité u roi, à la reine et à la familleprincière,
ou à des visiteurs e
marque15.Cependant,
un autre
personnagey
avait
droit,
e fou
Triboulet.
Celui-ci
reçut
n
1447
une
robe en came-
lot
de
plusieurs
ouleurs,
doublée en
drap
vert
d'Angleterre voir
ci-
après, Appendice).
Comme l'a fait
remarquer
.
Piponnier,
a
qua-
lité
de cette robe mettait
riboulet u sommetde la
hiérarchie esti-
mentaire,
égalité
avec le roi René
lui-même16.Mais la
garde-robe
de Triboulet
ne
se
limitait
pas
à
ce
vêtement,
oin
de là. Pour
les
années
1440-1450,
nnées de son
floruit
on
relève
dans les
archives
des mentions
de
plusieurs
utres habits d'un luxe
extrême
-
une robe
de
gris
fourrée de
martres (voir Appendice28.10.47) ;
-
une robe en
satin cramoisi imitant e
drap
d'or,
fourrée
d'agneau (8.11.47)
;
12.
Texte
riginal
Dufournet
d.,
p. 52)
Pathelin
« Il
n'y
nul
ui
se
con-
gnoisse
si hault n advocacïon. Guillemette
M'aist ieu mais n
trompacïon,
/
au
mains
n
avezvous
e os. PathelinSi ont eulx
ui
de
camelos sont es-
tus t de
camocas,
qu'ilz
dient
u'i
sont
dvocas,
mais
our
ant e e
sont
lz
mye.
13.
Camelot
Gay
,
pp.
262-265
Zangger,
p.
38-40
PIP.,
p.
381
F. Pipon-
nier,
À
propos...
,
loc.
cit.,
pp.
872-873
Lundquist,
p.
89-103.
14.Camocas Douët-djArcq,p.355-356 Gay , pp.265-267 Zangger,
pp.
40-41 F.
Piponnier,
À
propos...
,
loc.
cit.,
p.
871.
15. Cf.
PIP.,
pp.
166,
190-191
le roi)
p.
176
la reine)
p.
180
les
enfants
royaux)pp.
192-193,
32
la
princesse
e
Calabre)
p.
209
dons
ux
écuyers
e
la
cour u aux
gentilshommes
enus n
visite).
16.
PIP.,
p.
237.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 16/164
12 B. ROY
- un caban fourré
d'agneau (12.2.48)
;
-
une robe
longue
en
damas,
fourrée e
queues
de
genettes,
t
deux
pourpoints
de futaine
2.9.52
et
18.3.52)
;
-
une robe noire fourrée
d'agneau,
et
un
chaperon
fourré
(20.3.53)
;
-
une
robe
noire et un
chaperon
(4.4.53)
;
etc.
Pour
comprendre
e
passage
cité du Pathelin il
faut se
reporter
à la cour
d'Anjou
lors de la
première eprésentation
e la
pièce,
c'est-
à-dire
une dizaine
d'années
après
l'acquisition
de
cetterobe en
came-
lot. Selon mon
hypothèse,
riboulet-acteur tient e rôle de
Pathe-
lin ; il porteprobablement etterobe précieuse ous son habit d'avo-
cat,
de la même
façon
que
son
interlocuteur
osseaume
orte
une tuni-
que
de franciscain
ous
son habit de
commerçant17.
uand
il
parle
des
gens
vêtus de
camelot,
qui peut-il
désigner
d'autre
que...
lui-
même
?
Ainsi
entendue,
a
réplique
enfreint olontairementa
logi-
que
du sens littéral
pour
donner accès à une valeur
méta-textuelle,
qui
cadre bien avec
la
sémiologiepathelinienne
en
effet,
du
début
à la
fin
de la
pièce,
le
spectateur
era maintenudans une sorte de
va-et-vient ntrethéâtre t
réalité,
entre
sens littéral t double
sens.
Pathelin ne
déroge
ci à son rôle d'avocat
que pour
mieux mettre n
scène sa
personne
du Triboulet.
Il
transforme
n
objet
comique
sa
marquevestimentaire,es richeshabits dont le comblait e roi René
et
qui composaient
une
partie
de son identité la cour. La trame
comique y
gagne
en
densité,
aussi
vrai
qu'un
fou de cour
est
par
métier
un maître en
trompacion v. 56)
18.
2.
Quand
les
deux
époux
se
prennent
rêver ux
vêtements
ont
ils
auraient
nvie,
'évocationdes couleurs
t
des tissusn'est
pas
inno-
cente elle annonce
en
quelque
sorte les deux niveaux de
l'action
(v.
75-6 et
90-1)
:
-
Pathelin
Quel
couleur
vous
semble
plus
belle
/
d'ung gris
?
vert ou d'une brunette / ou d'autre?19 (...).
-
Pathelin
J'acheteray
ou
gris
ou vert / et
pour
ung
17. Cf.
LMF
pp.
35-36.
18. Sur es fous
e
cour,
oirM.
Lever,
e
sceptre
t
a marotte.istoirees
Fousde Cour
Paris,
983. our
Triboulet,
p.
126-128
mention
rès
apide).
19. Je
m
carte
ci de la
ponctuation
es editions odernes
J.
Dufournet
«
d'ung ris
ert u
d'une runete
;
R.H.
Holbrook
«
d'ung ris
ert
d'ung rap
de Brucelle
»)
pour
uivre
a
traduction
atine
u
Pathelin
aiteu début u
xvie
iè-
cle
v.
109-110)
«
Quis
gratus
st ibi olor Num uteus
/
Sin
perseus
Vel
iui-
dus
»
(W.
Frunz
d.,
Zurich, 977,
.
130).
Le tissu
ris
ouvait
evêtir
lusieurs
nuances,ont evertcf.PIP.,p.390) mais a logiqueu textestmieuxbservéesi on considèree
gris
t e vertommetant eux toffesifférentesPathelina
d'ailleurs
xpliciter
a
réplique
u
v. 90
«
J'acheteray
u
gris
u vert.
Ces deux
étoffesormaient
n
couple,
ans es
xpressionsopulaires
«
ni
envert
i
en
gris
(
=
pas
du
tout,
ullement)
G.
Di
Stefano,
ictionnaire
es
ocutionsn
moyen
ran-
çais,
Montréal,993,
.
885b).
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 17/164
QUAND
LES
PATHELIN
ACHÈTENT
U
DRAP
13
blanchet20,
uillemette,
me faulttrois
quartiers
e brunette1
/ ou une aulne.
Dans le combat
que
vont se livrer athelin et
Josseaume,
e
gris
et
le vert ont valeur
emblématique.
À
la cour
d'Anjou,
le
vert était
associé
à la folie et
à
l'exotisme22.
uant
au
gris23
t
accessoirement
au
brun,
ls
pouvaient^
voquer
'habit de
saint
François,
qu'on
appe-
lait aussi au
Moyen
Âge
«
saint
Gris
»24.
En
s'aidant de
précisions
gestuelles,
e comédien
qui jouait
Pathelin
pouvait
facilement ournir
aux
spectateurs
a clé de
ces doublets
chromatiques.
3. La scène du marchandagedu drap a été souventcommentée,
mais
presque
exclusivementn fonction es
systèmes
monétaires,
ar
on
pensaity
trouver es
arguments
our
la
localisation
et la
datation
de la
pièce25.
Pourtant,
u
plan
de l'action
dramatique,
es
jeux
sur
le
drap
ont
priorité.
Ce
sont les
hésitations,
t finalement
e choix
de
Pathelin,
qui
constituente
principal
ressort
omique
de la
scène.
Avant de
jeter
son dévolu sur
un
tissu en
particulier,
athelin
va d'abord se montrer
ntéressé
ar
deux
pièces
d'étoffe.La
première
n'offre
pas
de
particularités péciales (v. 190-2)
-
Pathelin
Cestuycy
est
il
tainten laine ? /
Il
est fort ome
ung cordoen26.
20. Blanchetvêtemente dessous cf.C.
Enlart,
Manuel
'archéologie
ran-
çaise epuis
es
emps érovingiensusqu'à
a Renaissancet.
3,
p.
73
«
c'est ne
louse
ou camisole
lanche
lus
u
moins
ongue,
ourrée,
ourvue
e manchest de
col-
let
)
;
ibid.
pp.
100,
07-108.ntrouvee vêtement
ssocié la folie ans es
omptes
du roi
Jean
Douët-d'Arcq,.
223
«
pour
a
façon
u blanchet
ouble
our
mais-
treJehan
e
Fol,
45 s.
»).
À
ne
pas
confondrevec e tissu e ce nom
cf.
nfra
note 3).
21. Brunette
Zangger,
.
27,
.v.
Brun
«
le
drap
run e valeur
taita bru-
nette
)
;
p.
29
«
En
dehorse a
signification
e
"drap
in",
énéralement
run
oncé,
le motbrunete dû
garder
on sens
primitif
'une ertaine
uance e la couleur
brune
).
22. VertPIP., p.237 « Le vert,ouleurelativementare, oit tre attaché
à ce costumee bouffonar
un
caban e même
ouleur,
ourré
'agneau
oir,
om-
plète
a robe e "diversesouleurs"
our
'hiver
).
Cette bservationst onfirmée
par
es mêmes
rchives,
propos
e la couleur
tilisée
our
es deux
Maures
AN
P133414/l,
°
33v° cf.
LM
750
«
deux annest
demye
e blanc
our
oubleres
robes ertes
our
esdits
etiz
Mores
).
Sur e
vert,
oirM.
Pastoureau,
Formes
et couleurs
u
désordre
le
jaune
t e vert
,
Médiévales
n°
4, 1983,
p.
62-73
M.
Lever,
e
sceptre
t
a marotte...
op.
cit.,
pp.
57-60.
23. Gris
Zangger,
p.
62-63 PIP. 390.
24. Le
terme
ris
aussi té
mployé
our
ualifier
esfranciscains
cf.F. Gode-
froy,
ictionnairee l'ancienne
angue
rançaise
Paris, 881-1902,X,
727b. ur
l'habit es
franciscains,
oirM. Pastoureau
«
Du bleu u noir.
thiques
t
prati-
ques
de la couleur la
fin
u
Moyen
ge
,
Médiévales
n°
14, 1988,
.
18. l
se
peut ue a bruneteoit mployéecien redoublemente la couleurrise,tqu'ellevise 'habit
ue
es franciscains
ortaient
t
portent
ncore.
25. Pour n ommentaire
écent,
ui
fait
ntervenire
façon
ovatricees
manuels
médiévauxe
conversation,
oir . Colli
ngwood,
ommercialelationsn
French
Farcethèse e
doctorat,
ondon
Canada), niversity
f
Western
ntario,
993,
12
.
26.
Cordoen
= cuir)
Gay
,
pp.
427-428.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 18/164
14
B. ROY
- Le
drapier
C'est
ung
tres
bon
drap
de
Rouen.
À
la cour
d'Anjou,
les achats de
draps
en
provenance
de Rouen
tenaient a
premièreplace,
et de loin27
le
drapier angevin
Jacquet
du
Boyle, quant
à
lui,
s'approvisionnait
urtout
Saint-Lô,
mais
en
second lieu
à Rouen28.
Imaginons que,
chez le
drapier
de
notre
farce,
'étal ait
comporté lusieurs
ièces
de
draps
de
Rouen,
du
genre
courant,
de ceux
qu'un commerçant
mettait
l'entrée
de
sa bouti-
que.
Pathelinn'en vante
pas
la
beauté mais la
solidité
«
solide
comme
du cuir
»),
et
prend
un air
avantageux
pour
formuler ne
question
d'allure technique29.
4. Le
second échantillon
'est
pas désigné
pécifiquement
on
sait
seulement
ue
Pathelin
aimerait 'en faire
deux
cottes
v. 208-212)
-
Pathelin
Quel
drap
est
cecy
?(...)/
Il
m'en
fault voir
une
cotte,
/
bref,
et a ma
femmede
mesme.
-
Le
drapier
Certes,
drap
est chier
comme
cresme.
La cotte était e
vêtement e
tous les
jours,
le
vêtement
e tra-
vail
porté par
toutes les classes de la
société30.
athelin
commence
ici à
penser
aux
vêtements
u'il
aimerait
se
procurer.
C'est
à
ce
momentque le drapierl'avertitqu'il devra débourser de l'argent.
L'expression
«
chiercomme
cresme
évoque
sans
doute,
au
sens
lit-
téral,
le
prix
de
la
crème
par
rapport
à
celui du
lait31.
Mais si le
drapier
est aussi
un
religieux,
n ne
peut
s'empêcher
de
penser que
l'expression
s'interprétera
ussi
par
rapport
au saint
chrême,
cette
matière acréeet coûteuse ntre
outes,
ui
se
composait
d'huile
d'olive
et de baume. Au
Moyen Âge,
le
baume était
si
cher
que
certains vê-
ques
imposaient
une taxe aux
curés de leur
diocèse
pour
en
défrayer
le
coût.
Du
VIe
iècle à
la fin
du
Moyen Âge,
les
concilesdurent
'éle-
ver contre cette
pratique
abusive32.
27. Cf.
PIP.,
p.
109,
t
tableau
,
p.
331.
28.
M. Le
Mene,
La
comptabilité...
,
loc.
cit.,
pp.
42-43.
29. La teintureen
aine
était
nedestrois
açons
e teindre
es
draps
on
teignait
n
aine
en
filé
ou
en
drap.
f.G.
Espinas,
p.
cit., I,
p.
271
de
Poerck,
II,
pp.
191-192.
30.
Cotte Gay
,
pp.
449-451
Lundquist,
.
15
PIP.,
p.
385.
La cotte
ar-
die
v.453)
Douët-d'Arcq,
.
365
«
sorte e
robe manches
ue
'on emble
voir
porté
e
préférenceour
ortir.
3:1.
Cf.G.
Di
Stefano,
p.
cit.,
.
217b
l'expression
e
trouventreutres
hez
E.
Deschamps).
32. Le droit
anonique
rescrivait
ue
e saint hrême
oit onfectionné
vec u
« baume e Judée, substanceare u'onne retrouveujourd'huiu'en ertaines
régions
e l'Arabieaoudite.
partir
u xvie
iècle,
a découverteu« baumees
Indes
,
ou
«
baume
u
Pérou
,
permit
e
contournerette
ifficulté.f. P. Ber-
nard,
Article Chrême
,
dansDictionnairee
théologie
atholique
Paris,
.
2/2,
1923,
p.
2395-2414P.
Bayart,
Article
Chrême
,
dansR.
Naz,
Dictionnairee
droit
anonique
Paris,
.
3,
1942,
ol.
701-2.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 19/164
QUAND
LES
PATHELIN
ACHÈTENT U DRAP
15
5. Le troisième issu
qui
va intéresser
athelin,
celui
qu'il
vou-
dra
rapporter
rauduleusement
hez
lui,
c'est
le
«
pers
cler
»
que
lui
tend le
drapier
v.
22-30)
-
Le
drapier
Voulez-vous
de ce
pers
cler
cy
?
-
Pathelin
Avant Combien me
coustera / la
premiere
aulne
?
Le
pers
étaitune variété e
drap
de couleur
bleu
foncé,
bien
attes-
tée dans les
comptes
médiévaux33.
es textes font mention de
plu-
sieursvariétés, elon la provenance persde Louvain, de Malines, de
Mintivilliers,
e
Rouen,
d'Ypres, etc.)
ou
selon les nuances de colo-
ris
pers
azuré, brun,
«
celestrin
,
couleur
de
ciel,
«
cler,
cleret
,
encre, noir,
etc.34.
L'empressement
e
Pathelin
à
accepter
e
«
pers
cler
»
suggéré
par
le
drapier
a
quelque
chose de
suspect.
Pourquoi
en effet
parmi
des centaines 'étoffes
ossibles
hoisit-il
récisément
elle-là,
t
encore
sur une
simple
uggestion
u marchand Ici encore on
subodore une
dérive
sémantique, portée par
un nouveau
jeu
de
mots. Le
«
pers
cler
»,
homophone
de
«
pere
clerc
»,
nous ramènevers e monde
reli-
gieux auquel appartenait
Josseaume.Dans
l'ordre
franciscain,
omme
dans les autres ordresmendiants, es termesd'adresse obéissaient à
des
règles
récises.
ar une modestie
oulue,
es membres e ces
ordres
ne
s'appelaient pas
autrement
ue
«
frère
,
à
l'exception
du
supé-
rieur
d'une
communauté,
ui
cumulait es titresde
«
frère et de
«
père
». Tout
se
passe
donc comme i
Josseaume,
n tendant Pathe-
lin
une
pièce
de
«
père
clerc
»,
le
forçait
accepter
un
simulacrede
son identité e
religieux.
Grâce à ce
tour
de
passe-passe,
e
comique
se hausse
d'un
degré.
L'auteur
réitérera 'ailleurs sa trouvaille omi-
que plus
loin dans la
farce,
ors de la scène du faux
délire.
En
effet,
dans
la tirade n latin
qui
clôt la
longue
série
des
jargons
d'un Pathe-
lin
prétendumentmalade,
le termede
«
père
»
revient,
ien en
évi-
dence (v. 957-9) « Et bona dies sit vobis, / magister mantissime,
/
pater
reverendissime
»
Je
rappelle ue
le franciscain
uillaume
Jos-
seaume
occupait
le
poste
de
supérieur
u couventde
La
Baumette35,
et
qu'à
ce titre
l
avait
droit
au titrede
«
père
».
6. Comme on
peut
l'entrevoir,
es
jeux
du Pathelin
sur le thème
du
drap
mériteraientn commentaire
lus
complet
arrêtons ci
nos
observations
our
revenir
u tout
début
de la
scène du
marchandage,
au
momentoù Pathelin amorce sa conversation vec
le
drapier.
33. Pers
Gay
I,
pp.
228-229
Zangger,
p.
78-80
de Poerck
I,
p.
149
PIP.,
p.
396.
34. Pers ler Zangger, p.78-80cf.de PoerckI, p. 149 « Quetous ers,
quelx
u'ils
oient,lers u
bruns,
oientous ains ewaide
=
guède)
ans utre
chose
)
;
Douët
d'Arcq,
.
8
(«
Corsett houce e
pers
ler,
ouré,
e
corsset,
e
menu air
).
35.
LA/F,
p.
31-33. ans e texte 'archives
ui
mentionnea
présence
La
Bau-
mette,
l
est ussi
ppelé
magister
.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 20/164
16 B. ROY
Dans son étude sur
Jacquet
du
Boyle,
M. Le Mené a
constaté
que,
comme la
plupart
des marchands
médiévaux36,
e
drapier
ven-
dait
généralement
crédit.Pour
l'année
1443,
sur
242
clients,
eule-
ment 63
payèrent omptant parmi
les
clients
restants,
101
achetè-
rent à crédit
et
14
donnèrent
es arrhes37. a
garantie
donnée
par
les
clients tait habituellement 'ordre
personnel
caution d'un
maî-
tre,
d'une
maîtresse,
u d'un
bourgeois
qui
avait
introduit e
client.
D'une
façon
générale,Jacquet
du
Boyle
n'exigeait
d'un
client e
paie-
ment
comptant
que lorsqu'il
ne le connaissait
pas.
Prévenus
de
ces
usages,
il
nous est
plus
facile de
comprendre
a
stratégie
tilisée
par
l'avocat pourobtenir u drapsans payer.En cherchant se fairepas-
ser
pour
un vieil ami du
père
de
Josseaume,
l
compte
s'assurer une
solide
marge
de
crédit.
Ce
calcul n'était
pas
faux,
puisque
Pathelin
rapportera
ffectivemente
drap
chez
lui,
moyennant
ne
simplepro-
messe de
paiement
n
écus d'or et une invitation
déguster
e
l'oie.
Tout en reconnaissant
a
pertinence
'une
telle
tactique
de la
part
de
Pathelin,
on
peut
s'étonnerde
l'ampleur
démesurée e cet
«
éloge
du
père
»
dans l'économie de la farce. Par
six fois l'avocat
ramène
ce
sujet
(v.
118-128,130-135,140-159,165-179,
184-5,
323-5)
le dra-
pier
a beau s'efforcer e l'en
distraire,
athelin
revient
nlassablement
à la
charge.
D'un
point
de vue
littéraire,
l
est
justifié
de
penser,
comme 'ont faitplusieurs ommentateurs,ue cinquante-sixerscon-
sacrés
à cet
unique
procédé,
dans
une
farce
qui
autrement
st d'une
sobriété
xemplaire,
'est
beaucoup
trop.
Pourtant,
'insistance
ur
ce
procédé
comique
n'est lourde
que
si on s'en tient
au sens littéral
pour peu qu'on
se
situe au
second
niveau,
on
se trouvera
u seuil
d'une nouvelle veine
comique.
En
effet,
e
«
père
»
que
vante Pathe-
lin n'est nul autre
que...
saint
François d'Assise,
«
saint Gris
»,
le
père spirituel
u franciscain
osseaume. omment elui-cine lui
aurait-
il
pas
ressemblé
mieulx
que goûte
d'eaue
»
(v.
169-170)
Il
y
avait dans les allusions
à
saint
François
une
source
intaris-
sable
d'équivoques, que
l'auteur du Pathelin
pouvait exploiter
à
volonté sans aucun risque de lourdeur. Une exégèse détaillée de
1'«
éloge
du
père
»
en ferait essortira richesse
nous nous
y
atta-
querons
dans un autre cadre.
Contentons-nous
e
signaler
n termi-
nant,
à
propos
du
«
franciscanisme
pathelinien,
un
fait
que
ni
l'auteur de
la
farce,
ni
ses
contemporains,
e
pouvaient
gnorer.
aint
François
était en son
temps
e fils du
plus
riche
marchandde
draps
d'Assise,
il
avait exercé e métierde
drapier
u début de
sa
carrière,
et
il
était considéré
au
Moyen
Âge
comme le
patron
des mar-
chands38.
L'idée
d'amalgamer
un
tel saint avec le
drapier
fourbeet
36.« Le créditeste nedesgrandesoisducommerceédiéval.e comptee
Jacquet
u
Boyle
e fait
ue
confirmernevéritéonnuetmaintesois ttestée
(M.
Le
Mené,
La
comptabilité...
,
loc.
cit.,
p. 34).
37. M.
Le
Mené, bid.,
p.
32-33.
38. Cf. A.
Vauchez,
Les
stigmates
e saint
rançois
t
eurs étracteursans
lesderniersiècles u
Moyen
ge
,
Mélanges'archéologie
t
d'histoire.cole
ran-
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 21/164
QUAND
LES
PATHELIN
ACHÈTENT U DRAP
17
naïf de
l'intrigue
vait
quelque
chose
de
génial, qui
donne une idée
des talents de l'auteur du Pathelin.
Appendice
Les vêtements t accessoires de
Triboulet39
[4.8.1447] pour
une
barrete40
oge
audit
Triboulet 10
g°
AN, P133414/l,
f° 22
v°
(LM
743
;
VALUER
31)
[30.9.47] pour
.xlix.
paulmes
de camelot41de
diverse
couleur,
pour
une robe
pour
Triboulet,
raison
de .v.
g°
le
paulme.
20
f°
5
g°
pour deux cannes de drap d'Angleterre ert42, our doubler ladite
roube
5
f°
pour
la
façon
de ladite robe 1 f°
9
g°
AN, P133414/l,
f°
69v°
(LM
747)
[28.10.47] pour .vij. paulmes
de
gris pour
une
robe
pour
Tribou-
let,
a
raison
de six
florins
a
< canne 5 f° 3
g°
pour .vj. paulmes
de
blanchet43
our
doubler ladite
robe...
12
g°
pour
faczon de ladite robe
22
g°
pour quatre
costez de martres44
our parfaire
a
fourreure e
ladite
robe de
Triboulet,
et
pour .iij.
doz
de
martres
pour
faire le collet
et les manches et parfaire e giet45 'icelle robe 3 f° 6 g°
AN, P133414/l,
f°
30v°-31r°
LM
749
;
VALLIER
31)
[8.11.47] pour ung
cent de menu ver46
our
fourrer ne robe
de
satin cramoisi
figuré
n
maniere de
drap
d'or
pour
Triboulet.
4 f°
çaise
de
Rome,
.
80, 1968,
.
613 R.C.
Trexler,
Naked
efore
he
ather.
he
Renunciation
f
Francis
f
AssisiNew
York,
989 A.
Barbero,
La
rinunciai
Francescoll'eredità
aterna
,
Studimedievali
t.
31, 1990,
p.
837-850.
39.
Sigles [AN]
aris,
rchivesationales
[BR]
Marseille,
rchivesesBouches-
du-Rhône
[LM]
A.
Lecoy e La
Marche,
xtraitses
comptes
t
mémoriauxu
roi René
pour
ervir
l'histoire
es
arts u
xv<
iècle, aris,
873
[VALLIER]
G.
Valuer,
«
Iconographie
umismatique
u roiRené t de
sa famille
,
Mémoires
de l'Académiees sciences,rts et belles-lettres'Aix t.12-13,1882-1885
[AA]
G.
Arnault
'Agnel,
es
comptes
u roiRené
Paris, 908-1910,
vol.Cette
liste metesmentionsechaussures
qui
ont rès
ombreusesans es
rchives,
omme
je
l'ai
signalé
ans
MF,
p.
14.
40. Gay
,
pp.
240-241
PIP.,
p.
377
«
coiffure
xclusivement
asculineans es
comptes'Anjou,
e a famille
u
bonnet
).
Cette arretteuscita
'admiration
es
seigneurs
ohémiens
ui
visitèrent
ngers
n 1466
cf.
A. Lecoy e La
Marche,
e
roiRené t.
2, 1875,
.
151.
41. Camelotcf.
upra
note 3.
42. Vert cf.
upra
note 2.
43. BlanchetGay
,
p.
160
Zangger,
p.
21-23 de Poerck
,
pp.
205-207,
I,
pp.
20-21
PIP.,
p.
378
M.
Le
Mené,
La
comptabilité...
,
loc.
cit.,
p.
34
«
le
blanchett e
georget
ont xclusivement
mployés
doubleres
chausses,
es
aquet-
tes t es manchesepourpoint). Cf.supran. 20.44. MartresGay
I,
p.
120
PIP.,
p.
393.
45. Giet
Godefroy,bid.,
V,
277a
«
lacet,
ilet,
ordure,
etroussis'une
obe,
d'où estrestée
surjet).
46.
Ung
ent cent
eaux.
e vair Gay
I,
pp.
437-438
R.
Delort,
op.
cit.,
p.
42
(«
L'écureuil
hangeant
u Nord
).
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 22/164
18
B. ROY
pour ung
manteau et
demy47 'aigneaux
blans
pour parfaire
a four-
reure
de ladite robe 4 f°
AN, P133414/l,
f°
32v°
(LM 750)
[12.2.48]
fourreure
'ung
caban48
d'aigneaux
noirs
pour
Tribou-
let
1 f°
AN,
P133414/l,
f°
20v°
(LM
758
;
VALUER
32)
[14.11.48]
pour
une
paire
de chausses49
noires
garnies
de blanc
et deux
paires
de
chaussons50
our
Triboulet 2 f°
AN, P133414/2,
f°
70r°
(LM
765
;
VALLIER
32)
[16.5.51] pour drapnoir et façonde deuxpairesde chaussesgar-
nies
de blanc
jucques
soubz
le
genoil pour
Antoinedu
Tillay
et
pour
Triboulet 50
s.
BR,
B2479,
f°
26r°
(VALLIER 34)
[20.7.51] pour
achat de certaines
aintures51 e
lay
ne
pour
mec-
tre a une
j
acquette
2
de frize53
our
Triboulet 15
s.
BR, B2479,
f° 40v°
(VALLIER 34)
[8.1.52]
pour quérir
chausses,
chemisez54 t
autres
choses neces-
sairez
audit Triboulet
4
£. 2
s.
6
d.
BR, B2479, f° 53r° (VALLIER 34)
[15.1.52] pour
unes
paires
de
chausses
et une
paire
d'escafi-
gnons55
pour
Triboulet 32
s. 6 d.
BR, B2479,
f° 54v°
(VALLIER
35)
[18.1.52] pour
façon
d'une chaesne
pour
Triboulet,
pesant
.iiij.
marcs
d'argent
115
s.
BR, B2479,
f° 55r°
(AA
862
;
VALLIER
35)
[18.3.52]
pour
fustaine,
stoffes
t
façon
d'un
pourpoint
our
Tri-
boulet
27
s.
6 d.
BR, B2479,
f°
85v°
(VALLIER 37)
47. Manteau
PIP.,
p.
393
«
on
appelait
ussimanteaua
quantité
e fourrure
nécessaire
our
ourrern
manteau,
t
par
xtensionne
uantité
onnéee fourrure
).
48. Caban
Gay
,
pp.
240-241
«
manteau
larges
manchest à
capuchon)
;
PIP.,
p.
380.
49,.. hausses
Gay
,
pp.
351-354
«
la
partie
u
costume asculinouvrante
corps*
e
la ceintureux
pieds
)
; PIP.,
p.
383.
50. ChaussonsGay
,
p.
355
«
ce
qui
sert
couvrire bas du
pied,
t
qu'on
met ans es souliersous
es chausses
).
51. Ceinture
Gay
,
pp.
291-294
«
une
pièce bligée
u costumeivil
)
; PIP.,
p.
382.
52.JaquetteGay I, pp.53-54« vetementescendantusqu uxgenouxumêmen
peuplus
bas
)
; PIP.,
p.
389.
53. Frise Gay
,
p.
745
«
étoffeelue t frisée 'un
côté
)
; PIP.,
p.
389.
54. Chemises
Gay
,
pp.
359-361.
55.
Escafignons
Gay
,
p.
658
«
chaussure
asse
n
drap. ...)
C'était
ne
espèce
e chausson
orté
ous esbas-de-chaussesu
dans
esbottes
)
; PIP.,
p.
381.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 23/164
QUAND
LES
PATHELIN
ACHÈTENT U
DRAP
19
[31.8.52]
tant
pour
avoir fourréde
queues
de
jannette56
ne
robe
longue
de damas57 anné58
our
Triboulet,
u
jour
de ses
nop-
ces,
que pour
les bors et
façons
7
£.
BR,
B2479,
f°
60r°
(AA
3391
;
VALLIER
35)
[2.9.52]
pour ung
pourpoint59
e fustaine60 oire
pour
Tribou-
let
27
s.
6 1.
BR,
B2479,
f°
61v°-62r°
(VALLIER 35-36)
[6.9.52] pour ung
fillet d'or
pour
les
espousailles
de Tribou-
let
27
s.
6 d.
BR, B2479, f° 62r° (AA 865 ; AA 3392 ; VALLIER 36)
[16.9.52]
Pour deux
paires
de
gans61 our
edit
Triboulet.
2
s.
6
d.
BR, B2479,
f°
63r°
(AA
3395
;
VALLIER
36)
[30.9.52] pour
une
paire
de chausses
pour
Triboulet e
jour
de
ses
nopces
30
s.
BR,
B2479,
f°
64r°
(VALLIER 36)
[20.3.53] pour
avoir
fourré
'aigneaux
noirs une robe noire
pour
Triboulet
...).
Et
est
entré en laditte
robe
deux
manteaux et
demi,
a raison de .xlv. s. le
manteau,
qui
valient en
somme
.cxij.
s.
vj.
d., et pour la façon, .vij. s. .vj. d. - Pour avoir fourréung
chapperon62 our
ledit Triboulet
celluy our,
ou
il
est entré
quatre
peaux
de
Bougie63
a raison de
.vij.
s.
.vj.
d. la
piece,
valient en
somme
.xxx. s. et
pour
façon
.ij.
s.
.vj.
d
7
£. 12
s. 6 d.
BR, B2479,
f° 85v°
(VALLIER 37-38)
[27.3.53] pour
une
paire
de chausses
pour
Triboulet,
arnies
outes
de blanc 30
s.
BR, B2479,
f° 87r°-r°
(AA
3406
;
VALLIER
38)
56. Jannettes
=
genettes)
Gay
,
p.
771
(«
la
genette
ommunest
grise
mirouettéettaveléee noir
l'autre,
ui
est 'excellentet
rare,
le
poil
noir
t ui-
sant omme n satin u panne e velours oir) ; R.Delort,op. cit.,p.24.
57.
Damas Gay
,
pp.
535-538
«
drap
e soie dessinse
ramages,igures
u
animaux
)
; PIP.,
p.
386.
58. Tanné
Zangger,
pp.
104-105
«
brun,
e la
couleur u tan
)
;
de
Poerck
I,
p.
194
PIP.,
p.
399.
59.
Pourpoint
Gay
I,
pp.
273-274
PIP.,
p.
396.
60. FustaineGay
,
pp.
750-751
«
étoffee
fil
de
coton,
'origine
rientale.
(...)
Les
plus imples
ervaientdoubleres
vêtements,t,
des
utres,
n confection-
nait es
pourpoints,
es
hasubles,
esbannièrestdes
ouvertures
e
ivres
)
Zang-
ger,
pp.
61-62
PIP.,
p.
389.
61.
Gants
Gay
,
pp.
758-760.
62.
Chaperon
Gay
,
pp.
330-334
PIP.,
p.
383 M.
Lever,
e
sceptre
t
la
marotte
op.
cit.,
pp.
47-51.
63. PeauxdeBougie R.Delort,op. cit.,pp.88-89« designe rimitivement
l'agneau
u
royaume
e
Bougie.
...)
ilen vient
désigner
ous esfins
gneaux
béri-
ques ...)
puis
ous eux u
monde
méditerranéen.a
couleure ces
peaux
st ou-
vent
récisée
ommetant oire.
...)
Le
bougie
e
caractériseutant
ar
a finesse
que
par
son éclat
noir t est
...)
l'équivalent
u
"breitschwanz"t de l'astrakan
actuels
).
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 24/164
20
B. ROY
[4.4.53] .iiij.
aulnes de noir
pour
robe et
chaperon
pour
Tribou-
net,
a
cinquante
solz l'aulne 7
£.
10
s.
BR,
B2479,
f°
91r°
(V
ALLIER
38)
[8.4.53]
.iij.
aulnes de
noir
pour
robe et
chapperon
pour
Tribou-
let,
a
cinquante
s.
l'aune
7
£. 10
s.
A
Triboulet,
pour
lui faire un
escapouchin64,
iij.
aulnes de noix a
.XXX.
.
l'aulne 4
£. 10
s.
BR, B2479,
f° 92v°-93r°
(AA
2817
;
VALLIER
38)
[3.5.53] pour
tondaige
de deux
aulnes
et demie
de
gris pour
Tri-
boulet (...), a .XV. d. l'aulne 3 s. 1 d.
pour
autre
tontured'une aulne de
violet,
et
une
aulne
de
blanchet
pour
le variet dudit Triboulet
2s. 6d.
trois aulnes et
ung
quartier
de noir
pour
une
robe
pour
Tribou-
let
4s. 2d.
RR, B2479,
f° 102v°-103r°
VALLIER
39)
[21.5.53] sept quartiers
de noir
pour
faire
une robe à
Triboulet,
a .xlv. s. l'aulne 78
s.
9
d.
.ij.
aulnes de doubleure
noire
pour
doubler a robe dudit
Triboulet,
a
.xiij.
s.
.ix.
d.
l'aulne 27
s.
6
d.
BR, B2479, f° 99v° (AA. 2825 ; VALLIER 38)
[15.10.53]
pour
l'argent
t
pour
la
façon
de
quatre
sonnettes aic-
tes
par
le commandement
udit
seigneur
pour
Triboulet.
27
s. 6 d.
BR, B2479,
f°
106r°
(AA
879
;
VALLIER
39)
[1.1.54] pour
façon
d'une robe
longue pour
Triboulet
.
10
s.
pour
façon
d'un
scapouchin pour
ledit
Triboulet
12
s.
6 d.
BR, B2479,
f° 122v°
(AA
1358 VALLIER
39)
[6.56] pour
chemises
qu'elle [JehanneBiardelle]
a
bailliees
pour
Triboulet
12
s.
6
d.
Angers,Bibl. munie.
1064
(= BN, n.a.fr. 894,
n°
61)
[1.57]
A
Triboulet,
pour
deux
chemises
que luy
avons don-
nées 15 s.
Angers,
Bibl. munie.
1064
(=
BN,
n.a.fr.
894,
n°
292)
[17.8.79] troys
cannes et
demye
de
drap que
le
roy
a fait déli-
vrer,
pour
faire une robbe
pour
lui et une
pour
Triboullet,
raison
de
.vij.
f°
.vj. g°
la canne
26 f°
3
g°
BR,
B2487,
f° 19r°
(AA
2005
;
VALLIER
40,
42)
[25.8.79]
Aux
tondeurs,
pour
avoir tondu
troys
annes et
demye
de
drap
pour
le baillif et Triboullet
6g°
BR, B2487, f° 13v° (AA 2009 ; VALLIER 39-40)
64.
Escapouchin
PIP.,
p.
381
« désigne
antôtn
vêtement,
antôtne
partie
de
celui-ci,
otre
apuchon
oderne
).
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 25/164
QUAND
LES
PATHELIN
ACHÈTENT U DRAP
21
[12.8.79] pour payer
une
paire
de chausses
qui
ont
esté
achap-
tees
pour
Triboulet audit
Martigue
2 f° 4
g°
BR, B2512,
p.
109
(AA
3497)
[23.10.79] pour
deux
chapeaulx,
l'un
pour
Triboulletet
l'autre
pour
ung
des
paiges
7g°
BR, B2488,
f° 14v°
(AA
3505
;
VALLIER
40,
43)
[6.11.79]
A
Triboullet,
edit
our,
une canne et
.vj. paulmes
dudit
gris, que
le
roy
lui a fait délivrer
our
faire une
cappe65.
13
f°
6
g°
BR,
B2488,
f° 24r°
(AA
3506
;
VALLIER
40,
43)
[25.6.80] pour une canne quatre paulmes gris blanc de Rouen
pour
faire une robbe a
Triboullet,
par
le commandement
u
roy,
a
.X.
f°
la
canne,
remis
a
.viij.
f°
12 f°
BR, B217,
f°
16v°
(VALLIER 41)
[29.10.81]
Item
pour
Triboulet,
une
paulme
.vj.
cannes
gris
de
Rouen obscur
pour
lui faire robe
gaucourte66
u
dessus
du
soullier,
a .X.
f° la canne
12 f°
6
g°
pour .vj. paulmes
t
demygris
Rouen a faire
robbe
a
chevaucher udit
Triboulet,
a .x.
f°
la
canne,
remis a
.viij.
f°
6
f°
5
g°
pour
deux cannes
rouge
viconte67
our
lui
faire manteau a
cappe,
a
.vj. f° .vj. g° la canne 11 f°
pour .vj.
paulmes
et
demy
damas noir
pour luy
faire
ung
pourpoint
a
l'italienne,
a
.xvj. g°
la
paulme
8 f°
8
g°
BR, B217,
f°
31v°
(VALLIER 42)
Département
d'études
françaises
Universitéde Montréal
C.P.
6128,
succursale
centrale
Montréal
(Québec)
H3C 3J7
CANADA
65.
Chape
Gay
,
pp.
320-322
PIP.,
p.
382
«
dans e costume
ivil,
llefai-
sait
partie
es robes e
plusieursarnements).
66. Robe
aucourte
Gay
I,
p.
304
citee
omme abit
oyal,
n
écarlatet en
velours).
67.
Rouge
icontecouleur on dentifiée.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 26/164
22
B. ROY
Bruno
Roy, Quand
les Pathelin achètentdu
drap
Cette étude
examine es
passages
concernantes
tissus
t
les vête-
mentsdans
la Farce de Maître Pathelin Basée
sur
l'hypothèse
d'une
origine
ngevine
de la
farce,
lle
analyse
es
archives
on-
cernant es vêtements
e
Triboulet,
e
fou du roi
René
d'Anjou,
présumé
auteur et acteur
de
cette farce.
Farce
-
Pathelin
-
drapiers
-
vêtements Triboulet
When
the
Pathelins
purchased
cloth
This study s a commentaryf thepassages concerning lothes
and fabrics
n
the Farce de Maître Pathelin It
assumes that the
farce has been
written
n
Angers,
at the court of
king
René,
and
accordingly
oncentrates n the clothes f
Triboulet,
René's
fool,
as
author and
player
n
the farce.
French farce
-
Pathelin
-
drapers
-
clothes
-
Triboulet
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 27/164
Médiévales9,automne995, p.23-46
Jean-PierreJOURDAN
LA LETTRE ET
L'ÉTOFFE
ÉTUDE SUR LES LETTRES DANS LE DISPOSITIF
VESTIMENTAIRE
À LA FIN
DU MOYEN
ÂGE1
La lettre
ccupe
une
place
importante
ans le
dispositif
estimen-
taire. Elle est un des motifs es
plus fréquemment
eprésentés,
vec
les
campannes,
es
larmes,
es
feuillages.
La relation
des
Entrées et
des Pas en
porte
témoignage.
Lors
de l'Entrée du roi
Charles
VII
dans
Paris,
le 31 août
1461,
le duc de Bourgogne estoithabillé d'un richepaletotde veloursnoir
ouvré
de orfaverie t au
senestre,
es avoit de brodure
fait de deux
EE
couplés
ensemble,
esquels
estoient
arnis
de
gros
bailais,
dy
mans
et
grosses
perles...
il
estoit monté sur
ung
coursierblanc
houchié de
satin
figuré
noir,
broudé de fusilz et de
EE
couplés
».
Dans la
suite
du
Prince,
plusieurs seigneurs
portaient
des
lettres en
parement.
Antoine Bâtard de
Bourgogne
tait
accompagné
de
vingt-cinq
heva-
liers et
écuyers
tous d'une
parure,
houchiés de damas
violet,
bordé
de
drap
blanc
decoppé,
sur
leurs
sallades
chacun
une
bannerole de
blanc
et
violet
a la
devise de mondit
seigneur
d'une
N
et
d'une C
d'or ». Antoine
de
Croy
comte
de
Porcien
et
Philippe
de
Hornes
sei-
gneurde Gaesbeke avaientdes houssuresde velours noir « brodés a
grosses
ectres
'or
»
chargées
de
campannes
le comte de
Boucquam
seigneur
de la Vere avait une
«
couvertede
velours
cramoisy
bordé
de lectres 'or
»,
Philippe
de
Lalaing,
une houssure de
veloursnoir
a
grosses
lectres
d'or a sa devise »2.
Comme tout motifou
figure hargeant
'étoffeou le
parement,
la lettre st éminemment
ignifiante.
on
graphisme
rnemental e
sau-
rait
ustifier
eul sa
représentation,
i
expliquer
a
fréquence
dans
le
vêtement
d'apparat (houssures, parements,
eintures...).
La valeur
1. De nombreusestudes nt té onsacréesuxvêtementsuMoyen ge,,oirbibliographiet état e la questionarO. Blanc,« Historiographieuvêtement,
dans
e vêtementHistoire
archéologie
t
ymbolique
estimentairesu
Moyen
ge),
Cahiers
u
Léopard
'or,Paris, 989,
p.
7-34.
2.
Paris, NF,
ms.fr.
739,
°
247/252v°,
f. J.du
Clercq,
MémoiresF. de
Reiffenberg
d.,
Bruxelles,
823,
.
3,
liv.
V,
chap.
XXIX,
XXXII.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 28/164
24 J.-P.JOURDAN
esthétique
de la lettrene doit
pas
occulter a totalité
de son
champ
sémantique,
ni
le réduire une fonction
urement
écorative.
La let-
tre
compose
avec la
devise
un chiffre
ecret.
Dans le vêtement
'appa-
rat où
chaque
motif est un
signe,
quel(s)
sens revêt a
lettre
Pour
répondre
cette
question,
l
nous faut
étudier a
représen-
tation
des
lettres,
es motifs
ui
lui sont
associés et
les
enchaînements
du
sens,
rechercher
armi
es valeurs de la lettre
ne
cohérencefonc-
tionnelleentre e
signifiant
t son
signifié.
La représentation es lettres
L'image
de la lettre
st
signe
en
tant
que signe
graphique,
sa
représentation
st
multiple,
aisantvarier a
configuration
es
lettres
en nombre et en forme.
La
configuration
es lettres
la lettre
unique
et
sa
duplication
Parmi es lettres
igurées
solément,
ertainese
sont
plus
fréquem-
ment,
ainsi le
A, PY,
le
M,
le
L,
le
C,
le
K,
ou encore
le
R
qui
peuvent
tre accordés
à
l'initialed'un
prénom3
d'autres,
telles e
E,
3. Lettres
niques
A
-
La lettre
figure
urde nombreux
bjets
-
Mor-
dants e demi-ceintst attaches
illustr.
ansC.
Enlart,
Manuel
'archéologieran-
çaise
Paris, 927,
.
3,
p.
291,
ig.
09)
-
agrafes
t
barbacanes
illustr.
bid.
.
242,
fig.
58)
-
bonnet
cf.
Portrait'Adolf e
Clèves,
umillies,
oll.des
Princese
Croy)...
oir
galement
'Inventaire
u
mobiliere Charles
,
J.Labarte
d.,Paris,
1879,
.
296,
n.
2795
«
un très
etitignet
'argent
endant
un
petitehayne
u
est aillé
ng
A.
»
et
Y
nventaire
es
oyaux
e la
couronne,
ansChoix e
pièces
inédites
elativesu
règne
e Charles
I,
L. Douët
d'Arcqéd., Paris,
863,
.
2,
p.
356,
n. 538...
K
-
Ce chiffre
pparaîtréquemment
urdes
objets yant
ppar-
tenu Charles
,
cf. nventaireu
mobilier
e
Charles
,
op.
cit.,
.
83,
n. 519
«
ung
alay
arré n une
verge
u
il
a
ung
K
»
;
ibid.
.
88,
n. 580
«
deux
ignets
pendans
une hesne'or...
ung
environnée fleurse
ys.
voir
ussi,
p.
61-307,
pp.69-384,p.91-603,p.300-2843... - VoirYnventairee l'orfèvrerietdes
joyaux
e Louis Duc
d'Anjou
H. Moranvillé
d.,Paris,
903-1906,
p.
582-3561
«
une einture
arnie
'or emee
u
one
e
quatre
ins
uatre
oquilles
aitese
menues
perles,
t
a boucle t e mordantont 'or t a boucle st
plate,
ur
aquelle
une
L
hachiée
utourt
y
a un one
rochetet e mordantst
emblablet e
bout st
d'une leur e is . Voir ussi nventairee 'Hôtel
aint ol dans
hoix e
pièces
inédites,
p.
cit. .
2,
p.
397
«
un
harnoise
cheval,
e
veluiau ermeiluvré
e
broderie,osses,
enestes
t es arrefours'un
groz
oullon
lat
slevé e cuivre
oré
a
une
L
d'asur
army
t un
rouleauu
il
est
script
En
amendant.
M
-
Illustr.
dans
C.
Enlart,
Manuel
'archéologie,
p.
cit.,
.
3,
p.
281,
ig.
96
4)
Boucles
e
ceintures),.
245,
fig.
63
Agrafe
'or
maillée)...
oir
Y
nventaireu mobilier
e
Charles
,
op.
cit.,
p.
233-2108
«
ung etit
outon
endantui
estd'un
aphir
t
sont es rmes e Bourbon'un osté
t
de 'autre neM.
»
;
YInventairees
biens,
meubles...ue aisse hilippee Hardi Margueritee FlandreChanoineehais-nes
d.,
dans ocumentstextraitsiversoncernant'histoiree 'art ansa Flan-
dre,
'Artois
t e
Hainautvant
e xve
iècle, ille, 886,
.
2,
p.
867
«
une
ongue
chainturee
perles petis hapiaux,
ne
M
d'orou
milieu,
es
I
bous 'or
I
neu
environnée
perles
;
YInventaire
es
bijoux
t
oyaux...
e
'Hôtel esDucs t
Duches-
ses
de
Bourgogne
t de eurs
uccesseurs,
rch.
ép.
du
Nord,
nventaire
ommaire
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 29/164
LA LETTRE
ET
L'ÉTOFFE 25
le
S,
le G
supposent
une autre utilisation
u
sens
que
confirme 'ité-
ration de
la lettre
fig.
I)4.
Celle-ci se limite e
plus
souvent à une
simple duplication.
Fig.
1
-
Ceinture
la
Salutation
ngélique arnie
e
G branlants
(Musée
de
Cluny,
Cl.
17696).
La lettre
unique
peut
être
dupliquée,
soit à
l'identique,
a lettre
étant
redoublée,
soit reflétée
n
opposition,
a
lettre
dupliquée
étant
en
quelque
manière édoublée
de son
«
contraire ou
«
complément
qui
l'adosse
ou l'affronte.La
position
adossée des lettres e recon-
naît dans le chiffre e deux EE inscritsdans une couronne christi-
que, figurant
ur
une
tapisserie
ux
armes de
Jacqueline
de Luxem-
bourg
et de
Philippe
de
Croy,
conservéeau Château
de
Langeais
;
elle se
reconnaît ncore sur
une bannière
de
Charles
le Téméraire u
chiffre
C,
conservée
u Musée de
Berne,
sur
un
manuscrit
u Livre
des
propriétés
des choses
au chiffre
e JJ à la devise d'un bourdon
et d'une
écharpe
de
pèlerin5...
La
position
affrontée es lettres st
J.
Finot
d.,
Lille, 895,
.
8,
p.
169,
hambre
es
Comptes
e LilleB. 3495
«
une
M
d'or ournée
ue
sert
troussoireemée
e
petit
. s. esmailliése noir t
garny
au milieu'un
roz
scuchón
e diamantt
dessoubzeux
moyennes
erles
ranlans
.
Y
-
Voir
V
nventaire
u mobiliere Charles
,
op.
cit.
p.
38,
n. 119
«
un
petit
fermail'or unY gregeoisumylieut utourdix erles. Nombre'objetsyant
appartenu
la
reine eannee Bourbon
ortent
ung
etit
»
au chiffree es rmes
pp.
191-1593,
p.
195-1631,
p.
196-1645,
p.
198-1661,
p.
201-1696,
p.
202-1706...
Voir
galement
.
Gay,
Glossaire
rchéologique
u
Moyen
ge
t de a Renaissance
Paris,
887-1928,
.
2,
p.
340
«
douze elles
e
haquenees
ouvertese
drap
noir
decouppees
e rondes
ecouppeures
e
drap ouge,
lanc t vert... e la faczon
e
harnoiz Escoce u
d'Engleterre
t sur
ceulx arnois
grans
icheures
n
quoy
l
y
a un
Y
gregeois
ntaillié
ibid.
.
483
«
un
Y
gregeois
'un
aphir
ssis n un
annel
'or
qui
fut onné
monseigneurar
messireehan osme .
4.
À
l'image
u
A,
du
L,
du
K
ou du
M,
e
G
peut
tre couronné
,
cf. nven-
tairest
pièces
iversesoncernant
a succession
e
Philippe
e C èv
s,
J.
Finot
d.,
Arch.
ép.
du
Nord,
nventaire
.
8,
pp.
428-429
Chambre
es
Comptes
e
Lille,
B.
3664)
illustr.ans
.
Fingerlin,
ürteleshohen
nd
päten
ittelaltersDeuts-
cher unstverlag,971, . 105, ig. 09/311t Musée eCluny,l. 14858. a lettreG est ssociée laSalutatione a
Vierge
Musée
e
Cluny,
l. 23301 fermail
jouré,
Cl. 17696 ceinture
la Salutation
ngéliquearnie
e G
branlants),
la devisemou-
reuse
Musée
e
Cluny,
l.
23302 fermail
jouré
la devise
AMOR
).
5.
Paris, NF,
ms.fr.
140,
°
120v°, 69,
galement
hantilly,
s.
645/315,
f° 1
et
647/317,
°
1.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 30/164
26
J.-P.
JOURDAN
figurée
ar
le chiffre e
Philippe
e Bon de EE «
couplés
ensemble ...
L'affrontement u l'adossement des
lettresn'est
pas
systématique
un
manuscrit
e
YInstruction 'un
jeune
Prince au
chiffre e
Char-
les
le
Téméraire
figure
es deux CC
affrontés6.
es lettres
upliquées
sont
fréquemment
eprésentées
ur l'étoffe.
Lors des
fêtes
du
Pas de
l'Arbre
d'or
tenu à
Bruges
en
juillet
1468,
Baudouin
Bâtard de Bour-
gogne portait
deux
W
couplés
ensemble enans a un
bastón
dessus
et un autre dessoubz
»,
Philippe
de
Croy,
seigneur
de
Renty,
avait
pour
parement
deux
Y Y
gregeois grans
ettres 'or
»,
Antoinede
Woodville comte de
Scales
portait
deux
«
EE
accolez
ensemble
,
Pierre de Bourbon, seigneurde Carency,« deux Os en brodure de
fin or ».
Jean Hallwin
seigneur
de
Bellenghen,
Jean
seigneur
de
Hames,
Antoine
d'Estrées
seigneur
e
Boulant et le
vicomtede Fur-
nes étaientvêtus de
jour
nades
«
a
ung
Y
devant
et derriere
e bro-
dure
d'or »7.
Le redoublement u
dédoublement e la
lettre
uggère
une dua-
lité
symbolique8, ui
se reconnaît
dans
le
couplage
des chiffres.
Les lettres
ouplées
Les lettres ont le
plus
souvent
liées
par
des
nœuds, lacs,
ou
rubans. « Accolées », « accouplées», « enlacées», elles figurent ar
leur
comportement
amoureux l'union
de deux
chiffres n
un
seul
monogramme.
ymbole
d'une
parfaite
osmose,
le
chiffre
orté
par
Jean de
Traségnies,
u
Pas
du
Perron
fée tenu à
Bruges
n
avril
1463,
était
«
d'une S et une L
»
en
«
lettres 'or l'une
dedens l'aultre
»9.
Cependant
le
couplage
de deux
lettres
par
des liens ne
signifiepas
nécessairement'union de deux
noms,
une lettre
pouvant
avoir
plu-
sieurs
valeurs
ou
fonctions
certaines nions de
lettres ont
symboli-
ques,
ainsi le
couplage
du
A
et
du
E,
ou
celui des
lettres
nitiales
de
devises10.
Un même
couple
de
lettres
eut
être
répété lusieurs
ois. L'inven-
6. Voir
aris, rsenal,
s.
5104,
°
5, 14,
51. La
position
ffrontéeu adossée
des ettres
voque
es emblèmes
double
igures
n
héraldique.
7. Olivier e La
Marche,
MémoiresH.
Beaune
t
J.
d'ARBAUMONT
d.,Paris,
1888,
.
4,
p.
122.
8. Les nventaires
obilierses
Princes entionnente
nombreuses
ettresou-
bles
-
Chiffre
K
Inventaire
u
mobiliere
Charles
,
op.
cit.,
pp.
70-395,
137-1064,
43-1092,99-1667,57-2367,
93-2747,
93-2748,
46-3367,52-3442,
353-3447,
54-3452,
69-3585...nventairees
oyaux
e a
couronnedans
Choix e
pièces
nédites,
p.
cit.,
p.
286-15,
37-389,
38-392...
Chiffre
L
: Inventaire
u
mobiliere Charles
,
op.
cit.,
p.
72-414...
ChiffreM
ibid.
p.
31-66,
11-807,
209-1801... ChiffreO :
ibid.
p.
245-2264...
ChiffreS :
ibid.
p.
224-1993...
Voir
galement
'Inventaire
u
mobilieru
Connétablee
Saint ol en 1476 J.
Gau-
thier d.,BulletinrchéologiqueuComitéesTravauxistoriquestScientifiques1885,
p.
24-57, hiffreA art.
4, 225, 90, 97,
98,
99 ChiffreE : art.
23, 26, 60, 287,
288.
9. Pas du Perron
ée
enu
Bruges
n 1463
ar
e
chevalier
hilippe
e
Lalaing,
F. Brassart
d., Douai,1874,
.
75.
10. Voir
nfra
. 51 BM
Cart.
Harl.
Antiq.
3
Hl
(1510).
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 31/164
LA LETTREET
L'ÉTOFFE
27
taire de l'orfèvrerie t des
joyaux
de Louis I
d'Anjou
mentionne n
demi ceint d'or et de
perles
ouvré de
trente-deux
M
appliqués
sur
un tissu
fait
«
d'une
bisette
d'or
bordee des
deux
costez de soie azu-
ree en
laquelle
il
a
XXXII
clous dont les uns sont fait a
elles
et
les
autres a ames
». Un autre demi ceint de
perles
fait à
«
elles
et à
ames
»
est
garni
d'une
«
demie couronne d'or
eslevee
a
quatre
fueil-
les de noux
verdes,
couchié sur ledit
champ... ouquel
demi
ceint a
en tout
XVIII
lettres t
XVIII
couronnes n.
Lettres
triples
Les lettres ont parfoisfigurées n associationtriple, es lettres
pouvant
être incluses en un
cryptogramme12
u
figurées
solément,
tel le chiffre
orté par
Jean de
Compays,
seigneur
e Thorain au
Pas
de l'Arbre
Charlemagne, qui
furent
rois ettres
ui
firent n mot
AUF
»
13
ou
«
la
divise
D K A
»
semée sur
une
houssure de velours
cramoisibordé
d'or,
portée par Jacques
de
Luxembourg eigneur
de
Richebourg
u Pas du Perron faé14.Plus
rarement,
e chiffre
riple
résulte
de
l'association
d'une lettre
unique
et de
lettres
ouplées15.
Lettres
quadruples
Les chiffres uadruples sont égalementrares16. ls résultent e
plus fréquemment
e l'association ou de la
duplication
e
lettres
ou-
plées,
tel le chiffre brodé de lettres
regeoises
manierede LL et
11.
nventaire
e
l'orfèvrerie
t des
oyaux
e Louis Duc
d'Anjou,
p.
cit.,
pp.
583-3565,
84-3656.
oir
galement
nventaireobiliere
a
Duchesse
'Orléans
(Chambre
es
Comptes
e
Blois),
.
de
Laborde
d.,
dans es Ducsde
Bourgogne,
étude
ur es
lettres,
es arts
t l'industrie
endant
e
xv
siècle,
aris, 849,
.
3,
pp.
423-7139voir
galement
.
Gay,
Glossaire
rchéologique,p.
cit.,
.
1,
p.
412
(lettres
6
W)
et t.
2,
p.
313
lettres
6
SS)
colliers la devise
A
ma vie .
12.
Cryptogramme
e
-
Marie e
Clèves
(L
M
Y)
?
Devise riens e m'est
plus
, Paris, NF,
ms.fr.
5528,
° 1
et
Ms.
fr.
0026,
°
Av°,
cf.
L.
de
Laborde,
Les DucsdeBourgognet.3,pp.378-6949« une hesne 'ortorse quatre ou-
bles,
arnie
e trois
hantepleure
t de trois
ectres
la devise
e madite ame
).
-
Ysabelle e
Lalaing
t Pierre e
Haynin(E
L
A)
?
Devise vous
eul
, Paris,
Arsenal,
s.
1185
le cryptogrammeompose
n econdhiffrecôté es ettres
Y)
-
Philippe
e
Croy
(L
Q
P)
?
Portrait,nvers,
usée
oyal
esBeaux-rts
reprod.
dansLa Toison
'or,
inq
iècles
'Art t
d'Histoire,
ruges,
uillet
962,
. Pau-
wels,
atalogue,.
129,
6)
Charles
e BourbonC
H
S,
Devise
n'espoir
e
peur
,
BNF
Ms.
Grec,
°
8,
159.
13. O.
de La
Marche,
Mémoires,
p.
cit. .
1,
p.
309.Ce Pas fut
enu
Dijon
en
uillet
443.
14. Pas du Perron
ée
éd. F.
Brassart,
p.
cit.,
p.
73.
15. Br.B.
9392,
° 71v°
Chiffre
+ AT. L'Inventaireobilieru Connetable
de Saint ol mentionnees chiffres
RI et
SSE,
op.
cit.
p.
39,
art.
153 t 159.
16. L'InventaireuDucet de aDuchesse'OrléansChambreesComptese
Blois)
mentionne«
Quatre
ettrese
dyamant
'est ssavoirLRM éd. L. de
Laborde,
es Ducsde
Bourgogne.
tude ur es
ettres,
es arts t 'industrie
en-
dant e
xve
iècle, aris, 849-1852,
.
3,
pp.
433-7175. oir
galement
Inventaire
mobilier
e Charlese
Téméraire,
bid.
. 2 /2353 chiffresC
et
AA,
/2361 CC
et
Y
Y,
/2296
PP
et
MM.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 32/164
28
J.-P.JOURDAN
YY enchainneesd'une chaîne tenant une serure slevee»
que por-
tait Frédéric de Framessan
au Pas de la Dame
Sauvaige17.
Lettres
multiples
La
répétition
u motif
de la lettremanifeste ne
charge
du sens.
Certaines ettres ont
plus fréquemment
épétées,
insi en est-il des
lettres
A
et
Y
(fig.
2)18.
Lors des fêtes
du Pas de l'Arbre
d'or,
Antoine de
Hallwin
seigneur
e la
Capelle
était monté sur
un
cheval
«
houssié
de velours noir et broudé
de
feullages
de fil
d'or umbrée
de
grans
Y
»
;
de
même,Jacques
de
Luxembourg
faisait
porter
une
houssurede « velours noir chargiéde chiffres... t de Y blancs»19.
L'itération
multiple uggère
une
abondance,
une fécondité e la
lettre. ouvent
mêlées au décor
végétal,
es lettres e
l'alphabet
sont
parfois
«
semées
»
en
nombre
sur
le
champ
d'une
étoffe,
ainsi
«
l'a.b.c.d...
en brodured'or
»
semé sur
une
houssurede veloursbleu
que Philippe
de
Croy
faisait
porter
u Pas de l'Arbre d'or20. L'ense-
mencement
ar
la lettre
orte
en
germe
a
puissance
du
mot,
du
nom,
du chiffre.
L'esthétiquedes lettres,polygraphie, alligraphie,motifs ssociés
Appliquées,
brodéesou
peintes,
es lettres
joutent,
par
leur valeur
décorative,
u chatoiement es étoffes.La recherche e
l'esthétique
approfondit
e
secret
des chiffres n
multipliant
es
signesgraphiques
et en
compliquant
'ornementation es lettres.
La
polygraphie
La
polygraphie
multiplie
es
possibilités
ombinatoires u sens21.
L'identification
e la lettre st
parfois ompliquéepar
la
diversité es
17. Le Pas de a Dame auvaigeTraictié'un ournoyenu Gand arClaude
de
Vauldray,eigneur
e
'Aigle,
'an
1469,
ansTraictée a
forme
tdevis omme
on
faict
es tournoisB.
Prost
éd., Paris, 878,
.
80.
18.
Lettres
ultiples
A
-
Voir llustr.
aris,BNF,
ms. fr.
343,
f°7
(cotte
d'armesemée
e
A
inscritsl'intérieur'une
aufrureosangée)
Paris, NF,
ms.
fr.
75,
°
92
coiffe
résille
erlée,ansée
e
A)
Paris, NF,
ms.fr.
091,
°
22
(jaque
thoussureemés e
A
couronnésur ne
gaufrurearrelée)...
-
La lettre
Y
est
fréquemmenteprésentée,
f.
Y
tatdes
oyaux
onnés
la reine
sabelleors
de son arrivéen
Angleterre
t
réclamés
ar
a France n 'année
400 dansChoix
de
pièces
nédites
op.
cit.
.
2,
p.
276
«
une ainture
e
perles
Y
gregeois
'or
et e bous
perles
t
pierres
et
Y
nventairees
biens...
ue
aisse
hilippe
e Hardi
à
Marguerite
e Flandre
éd.
Chanoine
ehaisnes,
ocumentst
extraits,
.
2,
p.
898
«
un orsetouverte
drap
'or
ouge
Y
etoiseauxenantainssiaux
.
Voir llustr.
Arsenal s. 070, °34v°robeemée'Y).Onévoqueraussi ienûr,atapisseriede
l'Apocalypse
tFY inscritans a mandorle
château
'Angers).
19. Olivier
e La
Marche,Mémoires,p.
cit. .
4, p.
126.
20. bid.
t.
4,
p.
129.
21. Voir titre
'exemple
e
cryptographe
u Livre esEchecs
moureux
Paris,
BNF,
ms. r.
197
a(r)(e)
m
fr)
côté uchiffre'Antoinetde
Marie
'Ailly
AM).
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 33/164
LA LETTREET L'ÉTOFFE
29
Fig.2 - Coiffe résilleerlée, ansée e A (Paris,BNF,ms. fr. 75,f°92).
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 34/164
30
J.-P.JOURDAN
caractèresd'écriture.Aux caractères
atins,
grecs,
gothiques,
ux let-
tres
de
«
forme ou
aux
«
cadeaux
»,
s'ajoutent
les
lettres mores-
ques
»
et
«
sarrasinoises
,
les
lettres
topiques,
fantastiques
t tout
un
alphabet
de
l'imaginaire22.
'auteur
anonyme
du
manuscrit
aris,
BNF,
fr.
5677
recense
48
sortes
d'alphabets,
et donne
parfois pour
une même lettre
lusieursgraphes23.
e
graphe
de
la lettre
'enrichit
et se
complique
de sa
calligraphie.
La
calligraphie
de la lettre
L'enchevêtrementes
lacs, rubans,branches,
volutes
ou
ramilles
envahitparfois a lettre, n devient a substance, n sorteque le con-
tour de la lettrefinit
par
se dissoudredans sa
calligraphie.
La calli-
graphie
nvite,
n
sublimant a
lettre,
la
découverte t à la
réflexion
du sens24.
Le dessin des
lettres,
eur
disposition
uggèrent
es
analogies
ou
équivoques
de formes.La forme
quivoquée peut
être une
autre et-
tre,
un
personnage,
un
animal,
un
objet...
Ainsi le
fusil
évoque
le
B25,
l'enlacementde deux S
figure
un
nœud,
le fermail
pouse
la
forme
du
O,
la boucle de ceinture u le
demi fermail
elle
du E
ou
du M26. La lettre
M
peut
être
figuréepar
l'imbrication e deux O
(ou cercles) ou par celle de deux A...
Le
signe graphique
s'enrichitencore
des motifs
qui
lui
sont
associés.
Les
motifs
ssociés
Les
motifs es
plus fréquemment
ssociés
à la
lettre
euvent
tre
répartis
n
trois
groupes principaux
22. De
nombreuseslettres
e
sarrazinset
«
lettres
oresques
figurent
ans
les nventairesobiliers
e
Charles et de Louis
d'Anjou.
es ettresont e
plus
souvent
igurées
urun décor
euillagé,
f. nventaire
u mobiliere Charles
,
op.
cit.pp.347-3369,371, 372, 374, 375, p.348-3381,382... nventaireel'orfè-
vrerietdes
oyaux
e Louis
d'Anjou
H.
Moranvillé,
ibl. e
'École esChar-
tes, 2, 1901,
.
214-215.a fonctione ces ettres
tait-elleestreinte
leur eule
calligraphie
u admettait-elle
'autres aleurs
(infra
.
61).
23.
Paris, NF,
ms.fr.
5677,
5 folios.
24. Sur a
calligraphie
e la lettreoir otammentJ.J.G.
lexander,
a let-
tre
rnée
Lausanne,
979 P.
Dumon,
'alphabet
othique
itde Marie e
Bourgo-
gne
, Bruxelles,
972 B.
Volpe,
Florilegium
lphabeticumAlphabets
n
Medieval
manuscripts
,
dans
alligraphy
nd
Paleography,
ssays
resented
o
Alfred
airbanks
O. Osley
d.,
Londres,
965
C.
Hulín e
Loo,
«
La
vignette
hez
esenlumineurs
gantois
,
Bulletin
e a classe esBeaux-Arts
21,Bruxelles,
939.
oir
aris,
rse-
nal,
ms.
659
alphabet
ort
roche
e celui e Marie e
Bourgogne),
ettresuban-
nées
Paris, NF,
ms.fr. 7001
Composition
ittérairet
historique
e Jean
Miélot).
25. Cl. PortraiteMargueriteYork,Musee uLouvre, F. 1938.17Geof-
froy
ory
Champfleuryuquel
st ontenu'art tscience e la deue t
vrayero-
portion
es ettres
ttiques,
aris, 529,
.W.
olliffe,
M.A.
Screech,
.
Litt
rééd.,
Londres,970,
iersivre
°
Oii.
26. Illustr.
ans .
Fingerlin,
ürtel
es
hohen
nd
päten
ittelalters,
p.
cit.,
p.
222,
fig.
36.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 35/164
LA LETTREET
L'ÉTOFFE
31
Le lien et son attache Les
lettres ont
le
plus
souvent
figurées
réunies
par
des liens
(lacs,
cordons,
cordelières,
gets,
nœuds,
rubans...).
Certains iens
affectent
ne
disposition
réflée
voquant
la
fleur de
lys,
d'autres se
développent
n une
circonvolution 'entre-
lacs
;
des
houppes
ou
des
glands
en
garnissent
es
extrémités,
appe-
lant
que
le lien
est
«
Amours »27.
Le lien lie la
lettre
durablement,
ou
plus justement
st
lié
à la lettre.La lettre n
effet crit e
lien,
elle a
pouvoir
de lier à
ce
titre,
lle
figure réquemment
ur
les cein-
tures,
demi
ceints, chaînes,
colliers...
qu'elle
identifie
ar
le
chiffre
et
rend de la
sorte mémorable.Le
soin
extrême
orté
à leur
décora-
tiontémoigne e leur valeur affective et symbolique. ouventremis
à titre de
présent,
ls
engagent
et relient.
Symbole
d'une
solidarité
«
réelle
»
sociale et
politique,
e
nœud fixe e
lien,
aussi est-il
parfois
porté
sur l'étoffe t son
attache. Les inventaires
mobiliersfont men-
tion de ceintures
t
de demi
ceints faits nœuds ».
L'inventairede
l'orfèvrerie t des
joyaux
de
Louis
I
d'Anjou
mentionne eux
ceintu-
res
de
soie,
de
fil
d'or
et
d'argent,
'une
«
trecié n
quarré,
semé de
nouz de
perles
»,
l'autre
«
faite
à
nous de
perles
comme de
ceinture
de cordelier... XIII
neuz de
perles
.
L'inventaire es biens
que
laisse
Philippe
le Hardi à
Marguerite
e
Flandres mentionne une
chain-
ture d'or
sur
I
noir
tissu,
faite à aneles tenant
une
perle
et de
neus,
au bout pendantune flour de geneste 28. Le nœud est aussi figuré
sur 'étoffe lors des
joutes
du Pas du Perron
faé,
Philippe
de
Lalaing
«
avoit une couvertede
velours
noir,
brodée de
satin violet
semé
de
neufx fais de
fil
d'or et de
soie blanche »29.
Le motif
végétal
le lien
peut
encore
prendre 'apparence
d'un
entrelacs
égétal.
Les
feuilles, inceaux,
amilles... enlacent
parfois
a
lettre,
rendant
manifeste
e
rapport
consubstantiel
ntre
a lettre t
le bois. La structure
igneuse
de la
lettre
permet
de la
ligaturer,
e
«
l'écoter
»
;
l'écotage
de la
lettre
uggèrepar
analogie
un renforce-
ment du sens. Ramenant e
multiple
l'un,
l'écotage
«
fortifie la
lettre30. a nature
végétalepermet
de
l'associer aux fleurs.Certaineslettres ont « fleuries , semées ou cueilliesparmi les fleurs31. ors
27. Il
arrive
arfoisu'une
es xtrémitésu ac soit
aisséeibre
cf.
Paris, NF,
ms.
fr.
27,
f°
1, 39,
128... t
Paris, NF,
ms.
fr.
1974,
°
1)
allusion
ossible
l'absence.
28. Cf.
Inventaire
e
l'orfèvrerie
t des
oyaux
e
Louis
d'Anjou, p.
cit.
pp.
583-3653,
564 t
Y
nventaire
es
biens...
ue
aisse
hilippe
e Hardiéd.
cit. .
2,
p.
867. llustr.ansC.
Enlart,
Manuel
'archéologie,p.
cit.,
.
3,
p.
285,
fig.
01
(devise
AMO
), p.
291,
ig.
09
t
.
Fingerlin,
p.
cit.,
.
137,
ig.
25,
p.
185,
fig.
11.Voir ussi
aris, NF,
ms.
r.
43,
°
4. Le
nœud st nstitué
ommemblème
de 'ordre du Saint
sprit
u
droit
ésir u du nœud créé
ar
Louis
'Anjou
n
1352
devise
Se
DieuPlaist
),
et de
l'ordre u Lac d'Amours
devise
FERT
).
29. Cf. Pas duPerronée,op. cit. d. F. Brassart, .69.30.Y a-t-il n sens
mplicitesocial, olitique
),
on sait
ue
'écotage
ubois
renforcea maîtresseranchen
élaguant
es
ets.
L'estoc,
réquemment
ssocié
la
souche
stock)
aussi
aleur e
«
ligne généalogique.
31. Cf.Heures e
Marguerite
'Orléans
Paris, NF,
ms. at.1156
,
f°
135
per-
sonnages
ans a
marge,
emant,
ueillantu liant
es ettres
armi
es
fleurs).
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 36/164
32
J.-P.JOURDAN
des
fêtesde
Châlons,
Jean de
Hangest, seigneur
e
Genlis,
avait fait
housser on
premier
heval de
parement
de
veloux bleu a
gros
char-
dons de brodeure
et
grandes
lettresd'or enlacees a sa devise
»32.
Aux fêtesdu Pas
de l'Arbre
d'or,
Louis
de
Luxembourg
faisait
por-
ter une houssure
«
de brodure
d'or hault eslevée de
grandes
feulles
entresemées e
lettres t larmes
d'argent
de
brodure,
yant
ur
a coin-
gne
une
grosse
fleurd'or faicte
l'aiguille
»
;
l'une
des houssures
de
parement
d'Antoine
de
Luxembourg,
comte
de
Roussy, figurait
«
ung grantpot
de violiers
n lectres t tout de brodure
d'or,
d'argent
et de
soye,
semé aussi
de larmes»33.
Le motif amoureux . La représentationes lettres stfréquem-
ment ssociée
à
des
motifs ont
le
symbolisme
amoureux
est
clai-
rement ttesté
certains
bjets
ont,
de
par
leur
symbolique,
ne nature
pyrique
ou
aqueuse
:
-
flamme, fusil,
-
bâton, bourdon,
réchauffoir
estoc.
-
larme,
perle,
-
pot, coquille34,
chantepleure
corbeille
panier
5
.
Certains motifs
procèdent
d'un
symbolisme plus complexe
(licorne,cerf36...)qui leur confèreune valeur christique.
La valeur des
lettres
La
multiplication
es
signes graphiques,
eur enrichissement
ar
l'ornementation,
a
calligraphie,
'association
de
motifs
urchargent
e
signifiant
e
la lettre.
Le
complexe
du
signifiant
envoie à un com-
plexe
du
signifié.
Le
signifié
es lettres
rocède
d'une
sédimentation
32. Ces fêtesurent
ieu n
uin
1445,
.
Leseur,
istoiree Gaston
V
comte
de Foix H.Courteault d., Paris, 893, .1,p. 178.
33. Olivier
e La
Marche,
Mémoires,
p.
cit.,
.
4,
p.
132.
34.
L'équivoque
rotique
e a
coquille
tdu bourdonstd'un
usage
ourantt
renvoie
l'image
u
«
pèlerin
mant
(cf.
Rondeaux
e
Charles'OrléansPoésies
P. Champion
d.,Paris,
923,
.
2, 77,
p.
333)
illustr.
aris, rsenal,
s.
108,
pî-
tres
'Ovide
(lettre
nitialee
chaque
pître
motife a
coquille
tdu bâton sso-
cié à la lettre
).
35.
Ce motifssocié u
mot
TANT
(devise
e René
'Anjou)
e
reconnaît
dans e
Livre 'Heures e Jehan
e
Belmont,aris, NF,
ms.
n.a.l.
3210,
°
34v°,
le
panier
ontient
es ettres
.F.
(initiales
e Jehant
de
Françoise)
ormante mot
IF
dont e
«
bois est
uspendu
une
branchecotée. ertains otifs
chappent
toute
lassification,
el elui 'une
barbacanelevée associé ux ettres
IE et
à
la devise nulne
s'y
frotte
adoptée
ar
Antoine âtard e
Bourgogne.
36. Les ettres etE sont réquemmentssociées la licorne,f. nventaireumobilieru Connétablee Saintol,
op.
cit., rt. 87.Voir
galement
e Livre 'Heures
d'Engelbert
e Nassau
Oxford,
odl.
ibrary,
s.Douce
19/220,
°
96v°,
28,
32,
159,
igurant
ne icorne
ousséeu chiffre
e ce
Prince,
'un
drap
leu emé e
E
d'or.
On
sait
ue
e
monogramme
E
figure
ur es
tapisseries
ites e la chasse
la licorneu Musée
es Cloîtres
e NewYork.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 37/164
LA LETTRE
ET
L'ÉTOFFE
33
d'emplois
et de
sens utilisant
eurs
propriétés
morales,
didactiques,
christiques, osmologiques
et
mantiques.
La lettre
peut
être
investie d'une
fonction morale
ou
didactique37.
elon le Rational des
offices
divins
les
lettres
ompo-
sant
le mot
Alleluja
doivent se lire
«
ai, ie,
iu,
ya
». Se
fondant
sur
l'exégèse
donnée
par
saint
Augustin
ans son
Exposicion,
'auteur
du
Rational éclaire e sens de cette
ecture
«
ai c'est
sauve,
ie
c'est
moy,
u c'est
foi,
ya
c'est sire... ce
qui signifie
t vault
autant a dire
comme,
sire sauve
moy
»38. La
lettre n effet ontient n
autre
sens
que
le sens
apparent
sa
nature
double facilite
es
jeux
d'équivoques,
utilisant a valeurphonétique,graphiqueou d'initiale. Selon Li abe-
cés
par
ekivoche la lettre
A
exprime
e
commencement,
permet
de
désigner
e
Bien,
«
li
C senefie e fust de
la
Croix,
D
«
qui
de
Dou-
cour fu
plains
»
signifie
Dieu,
le
E
figure
Eve
:
«
et
li
œllés
ki
est
amont/note
i
dolour
ki
el
mont/par
e more de
la
pume
vint... »39.
La
vérité des lettres st à
révéler,
eur
lecture
est
une
exégèse.
Certaines ettres nt une
valeur
christique
insi le
M
et l'Y.
Dou-
zième lettre
es
alphabets
atin et
grec,
a
lettre
M
marque,
à l'inter-
section
de
ces deux
alphabets,
e
centrede la
série des
lettres.Cette
position
médiane ou axiale
est
fréquemmenteprésentée40.
n
outre,
selon
Li
abecé
sa forme
trois
ambages
en une
seule
lettre)
figure
« cele personne/qui evint ne et trois nsoune/le aintEspri, e Fils,
le Pere ».
Le
M,
«
qui
des
lettres st dame et
gemme
,
signifie
ncore
«
Marie,
Mere
douce »41. Le
symbolisme
e la lettre
Y,
nourri
des
interprétationsythagoriciennes
t
néo-platoniciennes,
st des
plus
fer-
tiles. Identifiée
par
sa
forme au
Christ en
croix,
elle
est
le
chiffre
divin. Cette
ettre,
récise
i
abecé
est
«
si
parfaite/qu'en
out
'abecé
n'a
si
fait/par
esti est Jhesu
nommé/qui
tout
partout
est
renom-
més/... Et
sachiés
bien
ke
li
Jui
apeloient
Jhesu
par
Y
»42.
En
tant
37.
L'usage idactique
e la
lettrest onstantt
se retrouve
ans es
«
Croix
de
par
Dieu
(cf.
Paris, NF,
ms.
Rotschild
V, 4,
145
320)
.l. n.d.
début
vie
iè-
cle).Les ettresont galementtiliséesans es blasons, cf.A.Jubinal,ouveaurecueilecontesdits t
fabliaux
esxui, iv t ve
iècles, aris,
842,I,
p.
290n.
et P.
Meyer,
omania
1882,XI, pp.571-79, 991,XL,
d. 77.
38.
Paris, rsenal,
s.
001,
°
118,
opie
ux
hiffretdevise
'Antoineâtard
de
Bourgogne.
39. Li abeces
ar
kivoche
t
i
significations
es
ettresA. Langfors
d.,
Huon
le
roide
Cambrai,aris, 925,
p.
2-3.
Certainesettres
nt ne aleur
égative,
insi
le
Q,
le
R,
le T.
40. Cf.
M
brodé u centre'une
appe
'autel
igurant
n
lphabet
atin
isposé
enunréseau e
osanges
Église
ainte-Marie,
œst
Westphalia,
eprod.
ans heHand-
book
f
mediaeval
lphabets
ndDevices
by
H.
Shaw,Londres,
856,
l.
6).
-
M
figuré
ur a
branche édianet
maîtresse'un rbre
ortant
n
lphabet
e
23
ettres
(Johann
eilervon
Kayserbsberg,
eilsanneehre nd
Predig
Ulm,
J.
Zainer,
1490).
hiffre
My
urmonté
'une ouronneleurdelisée
la devise
ensy
st
(BNF
ms.fr.1999, ° lv°).
41. Li abeces
op.
cit.,
v.
175/180,
.
6.
42. Li
abecés,
p.
cit.,
v.
371/376,
.
13. Sur es
nterprétations
ythagoricien-
nes M.A.
Dimier,
La lettree
Pythagore
t es
Hagiographes
u
Moyen
ge
,
Le
Moyen
ge,
t.
60, 1954,
p.
403-418
H.
Silvestre,
Nouveaux
émoignages
médiévauxur a Littera
ythagorae
,
Le
Moyen
ge,
.
63, 1957,
p.
55-57.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 38/164
34
J.-P.JOURDAN
qu'il
symbolise
e « Fils
»,
PY
peut
être ssociéà la lettre
qui repré-
sente le Père et
au
A
qui signifie
e Saint
Esprit43.
Les
lettres
euvent galement ignifier
es
qualités
marialesdont
elles
portent
'initiale
Beauté, Bonté, Clarté,
Courtoisie, Douceur,
Débonnaireté44...
Certaines
lettres,
on le
voit,
rayonnent
e
sacré leur
affinité
symboliquedispose
à la réflexion u
mystère
e l'amour divin. Cette
relation au sacré se reconnaît dans la
liturgie
de la
dédicace des
églises45.
elon le Rational des
offices
divins
l'évêque
«
escript
en
cendre
ou
sablón
de la
pointe
de sa
croce,
le
signe
de la crois ou
pavementde l'eglise et puis tout l'a,b,c, en latin et en grecen poi-
gnant
de l'un
angle
de
l'eglise l'opposite
biès et a maniere
e crois
».
Ce rite de consécration
est fait en la
signifiance
u
tytre
mis
sur
le chief de Jesu
Christ n croiz et ce
signifioit
'union de
l'eglise
des
latins
et
des
greiois
en la
foy catholique... L'escripture
de
l'a,b,
c,
represente
e
sainte
Escripture
u viel et du nouvel
Testament . Elle
représente
galement
es articles
de la foi
«
car
elle est
escripte
ur
le
pavement,
'est a dire sur
le
fondement e le
foy
»46.
Cette
divi-
nisation
de la lettre 'enracine dans la divination
par
la lettre.
La lettre st investie e
propriétés
osmologiques,
magiques, po-
tropaïques.
Moyen
de la
connaissance
universelle,
a lettre
st
en
rela-
tion avec les astreset les signes qu'ils gouvernent47.
Selon
l'auteur du Livre des
9
anciens
uges
de
astrologie
la
pla-
nète
Mars
gouverne
es lettres
,
k,
r
;
Vénus
c, m,
t
;
Mercure
b, n,
o
;
le chef du
dragon
la lettre
y
;
la
queue
du
dragon
le
z
;
Saturne
g,
h,
p
;
Jupiter
f,
i,
q
;
le
Soleil :
d, i,
s
;
et la
Lune
:
a, o,
X. Cette table est
d'un
usage complexe
«
et
donques quant
le
seigneur
de orientuse de
la
seignorie,
'en doit
concueillir es lettres
de la mansion
de la lune en
laquelle
mansion est tel
planete
qui
use
de
seignourie,
t
les
adiouster aus
lettres
u
signe
ou
est
et
decourt
mars...
après
l'en doit
garder
e lieu du cercleou
est
tel
planete
igni-
43. Cf.Grammaticaldi.
Aldi
Manutiiomanintitutionum
rammaticarum
cité
par
E.S.
Sheldon,
he
Originf
the
nglish
ames
f
the
Alphabet,
tudiesnd
Notes
n
Philology
ndLiterature
pub.
Modern
anguage
epartment
fHarvard
ni-
versity,
oston,
892,
p.
79-81.
44. L'a.b.c.
Nostre ame
Paris, NF,
ms.fr.
37,
°
170
L'a.b.c.
Plantefolie
Paris, NF,
ms.fr.
837,
f°
186.
45. Les
alphabets
atin t
grec omportant
3
ettrese croisaientla lettre .
Voir llustr.racé e
'alphabet
édicatoire
Paris,
NF
ms.
at.
8886,
°
362
ponti-
fical
u
xve
iècle)
t
Paris, NF,
Rés.Vélins
25,
.
1,
f° XXX
Jean
roissart,
es
Cronicques
e France
1493).
46.
Paris, NF,
ms.fr.
176,
° 17v°-19.
47. Cettepéculationst ortncienne,oir otamment.Dornseiff,asAlpha-betn
Mystik
nd
MagieLeipzig,
975,
e d.Selona tradition
nostique,
es
voyelles
grecques
ont
ouvernées
ar
es
7
planètes
t sont n
harmonievec es
7
notes e
la
gamme eptacorde,
f.C.E.
Ruelle,
E.
Poirée,
Le chant
nostico-magique
es
7
voyelles
recques
,
dansMémoires
us au
Congrès
nternat,Hist,
omparée
8e
sect.hist,
musicale
Paris, 900,
olesmes,
901.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 39/164
LA LETTREET
L'ÉTOFFE
35
fïcateur t la
propre
maison ou il
est,
et aussi les lettres e sa
trippli-
cité adiouster
aus lettres
du
seigneur
de orient 48.
Les lettres ont
également
n affinité vec le
Zodiaque.
Selon
le
Livre de
clergie
de Gautier de Metz la
série ordonnéedes douze
pre-
mières
ettresde
l'alphabet
(A-M) correspond
ux douze
signes
du
Zodiaque49.
La lettreA
est
gouvernée par
la lune
;
ainsi se com-
prend
son
étroite
association
à
la
perle,
aux
représentations
mariales50.
Couplée
au
E,
le chiffre st
gouverné
par
le
soleil.
Le
traité
BNF
fr. 2485 donne à ce
chiffre,
remier
'une
série
de
seize
nombres,
neuf
attributs
un
mont,
trois
arbres,
deux
pierresprécieu-
ses, deux poissons, une plante aromatique)51. elon le traitéBNF
fr.
2079,
ce chiffre st
le second des
vingt-huit
nombres olaires
»
(le
premier
tant
FERT)52.
La valeur
cosmologique
des lettres
AE,
fréquemment eprésentées
ans
l'iconographie,
permet
de
désigner
e
Héros
amoureux53.
l
existe
entre e
A
et
le
E
une
affinité
ubstan-
tielle,
une
osmose
symbolique.
Ces
deux
lettres ont
parfois
figurées
adossées,
le
A
enveloppant
e E. Ce chiffre
mblématique
ut
adopté
par
certains Princes
des Maisons de
France
et de
Luxembourg
il
figure
ur un livre d'Heures
ayant appartenu
à Charles de
France,
duc
de
Berry54,
e
reconnaît ur le feuillet
'un
poème composé
à la
louange
de Charles
VIII,
associé à
l'image
du roi
triomphant
t à une
épée laurée55, insi que dans l'abécédaire de Claude de France (fille
aînée de Louis
XII et de Anne de
Bretagne)56.
Au Pas de l'Arbre
48.
Paris,
Arsenal,
s.
2872,
°
232-235v°.urieusementette able e corres-
pondances
9
planètes
t
signes/23
ettres)
xcepte
es
ettreset u
;
les ettreset o
ontunedouble
eigneurie.
49.
Paris,Arsenal,
s.
3516,
° 172.
Ce
champ
e l'ésotérismedonnéieu
de nombreuses
péculations.
utreesmanuscrits
aris, rsenal,516, 872, 129,
oir
le manuscrit
rsenal
036
t e curieux
alphabet
strologique
:
Arsenal,
s.
891,
f°
287.Les
correspondances
odiacales'étendent
ussi ux
nombres,
f.
Arsenal,
s.
1129,
°
99v°.
50.
-
Vierge
à l'arbreec
(buisson
ouronnée 15
A),
Petrus
hristus,
oll.
Thyssen
ornemisza,
ugano,
Annonciation
pavement
u chiffre
), Chicago,
ew-
berryibrary, s.39,f° lv° (reprod.ans e siècle e la miniaturelamande,e
mécénate
Philippe
e Bon
Bruxelles,959,
l.
46),
Coiffe résille
erlée,
ordée
de
A
(Paris,
NF,
ms.fr.
75,
°
92),
Lettre
et
perle
blongue
Portrait'Adolf
de
Clèves, umillies,
oll.des Princese
Croy.
51.
BNF,
ms.fr.
485,
°
18.La valeurolaire u chiffre
E
est onstante.oir
la table es
planètes
Table
f
Chymicall
nd
Philosophical
harecters,
ans
The
ast
Will nd Testament
f
BasileValentine
Londres,670, M,
C.76. .
22,
L4/B1.
52.
BNF,
ms.fr.
079,
°
20v°. xiste-t-ilne
orrespondanceymbolique
ntre
ce
nombret a devise e la Maison e Savoie
53.
-
Renaud eMontauban
Paris, rsenal,
s.
072,
°
130v°,
Jason
Paris,
Arsenal,
s.
067,
°
89v°, 05,
30
Histoire
e
Jason),
Oliviere Castille
Paris,
Arsenal,
s.fr.
2574,
°
49,
97,
100.
Ce
chiffre
iguregalement
ur
es
arretières
duGendarme
moureux,
Lesdemandes'Amours
vecques
es
responces
,
Arsenal
8° B.L. 30646, ° 1.54. New
York,
The Cloistersollection
reprod.
h.
Sterling,
a
peinture
médiévaleParis 1300-1500t.
2, Paris, 990,
.
202,
fig. 93).
55.
BNF,
ms.fr.
228,
°
1,
vers la
louange
e Charles
III,
par
Benart.
56.
Cambridge
s.
159,
°
1,
12
reprod.
.P.
Harthan,
'âge
d'ordesLivres
d'Heures
Paris-Bruxelles,
977,
p.
134-135).
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 40/164
36
J.-P.JOURDAN
d'or,
Antoine de
Luxembourg,
omtede
Roussy
et de Brienne
ntra
en la lice
paré
de ce
chiffre,
on cheval
«
houssié de
damas blanc
traillié e
fil
d'or,
semé de
AE
partout
n
brodure...
»,
son
quatrième
cheval de
parement
tait
houssé
«
de brodured'or
entièrement
oute
faicte de
gaufrure
uarelée
comme
machonnerie,
ntresemée e lar-
mes
d'argent
et de fenestre deux
testesde
dames
et
une
d'homme,
et
semée
de
AE
»57.
Les lettres
A
et
E
apparaissent
fréquemment
dans
l'inventairemobilier
de Louis de
Luxembourg père
d'Antoine,
comte de
Roussy)
toutefois
ces lettresne sont
pas
couplées
mais
dupliquées
et ne se trouvent
amais
réunies sur une
même étoffe58.
Ces deux lettres ont égalementfigurées ur les tapisseriesdites de
«
la
chasse
à la licorne
conservées u
Musée des
Cloîtres
de
New-
York. Leur
symbolisme
olaire
semble faire ci
écho au
symbolisme
lunaire de la licorne.
La valeur
péculative
es lettres 'enrichit
ncorede leur
propriété
mantique.
Les
lettres
ervaient
n
oniromancie
l'interprétation
es
songes.
Un
manuscrit
e
la
Bibliothèque
'Esté à
Modène nous a con-
servé
cet
usage
:
«
Se tu veus ton
songe esprover,pren
un
livre et
diras
In
nomine Patris
et Filii
et
Spiritus
ancti
Amen,
par
la
pre-
miere
etre
que
tu
troveras u commencement e
la
premiere
age,
si
troveras
ignifiance
e ton
songe
A
senefieboneur
et bone
joie,
B grant seignourie,C avillementde cors... »59. Les lettrespeuvent
également
tre investiesde
différentes aleurs
numériques
elon
des
tableaux
de
correspondances
rithmomantiques.
es
combinaisons
arithmomantiques
ont
multiples
les tables de
correspondances
umé-
riques
varient elon
l'objet
divinatoire,
e
même
que
la
composition
des lettres
ormant
e nom ou le mot
(nom
de
baptême,
nom mari-
tal,
nom
de
la
personne
imée,
recherchée...mot en
français,
n
latin,
décliné
elon e
cas...).
Le nombre btenu
par
additiondes
lettres om-
posant
un nom
ou un mot
forme e radical à
partir duquel
opère
l'onomantie60.
Des
«
tables
de
nativité
permettent
e
calculer a
planèteet lesignede l'ascendantpar relation ntre e nombreet la lettre ompo-
sant le
nom61.
Moyen
de
divination,
a lettre
eut
également
tre
chargée
d'une
57.
Olivier
e La
Marche,
Mémoires
op.
cit.,
.
4,
p.
132.
58. nventaire
u
mobilier
u
Connétable
e
Saint
ol,
op.
cit.,
p.
24-57,
rt.
3,
26, 34, 60, 225,287, 88, 90,
97/299.
59. Cf. ms.XII.
C7,
f°
24b,
Bibliothèque
'Esté,
Modène
cité
ar
A.
Lang-
fors,
Huon e roide Cambrai
op.
cit.,
ntro
.v.
60. Cf.
Tableaux
n nnexe. oir
galement
es ables
omantiques
t eurs
lefs,
dans a Géomancie
stronomique
e Gérarde
Crémone,
raduite
ar
e sieur e
Salerne,
Paris, 691, p.225etsq.61.
Paris,
rsenal
872,
°400v°. esmodesombinatoirese a ettretdunom-
bre
appellent
ans a traditione
'Islam,
'invocation
ou Da'wah)
ar
es ettres
e
l'alphabet.
oir
es
tables e
correspondances
ans h.P.
Hughes,
Dictionaryf
Islam
Dehli,
ééd.
988,
.
73-78
voir
galement
es raités'IbnKhaldun
Les
pro-
priétés
cculteses ettrese
'alphabet)
td'Ibn
WashiyrLa
connaissancees
lpha-
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 41/164
LA LETTREET
L'ÉTOFFE 37
valeur
apotropaïque,
elle
protège
u
permet
e
conjurer
e sort ainsi
le
T
préserve
ontre
e
«
feu de
saint Antoine
»,
la lettre
entourant
un
lys
nomme et
invoque
la
protection
e Notre Dame de Liesse62...
La
polygraphie
t la
polysémie
de la lettre
sont les
plus
sûrs
garants
de son secret.
La
multiplication
es
signifiants
t des
signi-
fiés
trame des réseaux
de
correspondances
irtuellement
nfinis. Le
chiffre e noue dans ce
maillage complexe
du
sens.
Le chiffre
u
secret, devises,
rébus et
monogrammes
La lettre t le (ou les) motif(s), ui lui sont associéspeuvent ntrer
en
composition
vec le sens
de la
devise,
ainsi
la lettre
eut
être
'ini-
tiale de la devise
-
«
A
jamais
»
(Philippe
de
Clèves)
-
«
A
mon attente
(Charles VIII)
-
«
A
mon
premier
63
-
« L
vault mieulx
(Fouquet d'Agoult)
-
«
Y me tarde
»
(Philippe
le
Hardi)...
Utilisant a valeur
homophone L
=
aile,
elle... M
=
aime,
ame...),
la lettre
eut
former n rébus. Jean Jouvenel es Ursins
rapporte ue,
durant e
siège
de
Compiègne
n
1414,
e
Dauphin
faisait
porter
ur
un
étendart toutbatu à or » un K, un cygne t un L. Selon cet auteur
«
la
cause estoit
our
ce
qu'il
y
avoitune damoisellemoultbelleen
l'hos-
tel
de la
Reyne,
fillede messireGuillaumede
Cassinel,
aquelle
vulgai-
rement n
nommoit a Cassinelle »64. Pierre de Bourbon
seigneur
de
Carencyportait
ur on
écu,
lors du Pas de l'Arbre
d'or,
«
deux
os
d'or
fin
»,
«
dont
l'un
estoit
un O d'une lettre t
l'aultre,
'os d'un cheval
qui
est sa devise
»65.
Tout aussi
énigmatique,
a
genette
ttachéeà la
lettre
figurant
ur un
manuscrit
u Cas des
nobles hommes
t
femmes
de Boccace
traduit
par
Laurent de Premierfait66.
La solution
d'un
rébus se
complique
encore
des différentes
ro-
nonciationsde la lettre
bets)
rad,
rançaise,
a
Magie
rabe raditionnelle
introd..
Matton,
aris, 977,
notamment
hap.
V
Les
alphabets
es
ept lanètes,p.
176-195,
seudo
Madjriti
Picatrix.
ur 'influencee la divination
rabe,
oir .
Fahd,
La
divinationrabe
Leiden,
966 t L.
Massignon,
Inventairee a littérature
ermétique
rabe
,
dans
J.
Festugière,
a révélation'Hermès
rismégiste
vol.
1, Paris,
944.
62. Certaineseces
nseignes
ont onservéesu Musée e
Cluny,
l.
15260,8099,
18100.
63.
Paris, NF,
ms. r.
230,
evise on dentifiée.ette evise
enforcea valeur
initialee a lettre
qu'elle
ssocieu
chiffre
nitiale
a série esnombres.e sens
enest
rapprocher
u chiffre
I. Lettre
nitialeu Dieu
d'Amours,
a lettre
figure
dansde nombreuseseviseson
évoquera
ncore
A
mon euldésir
,
des Dames
à la
licorne
Musée
e
Cluny).
64. Jean ouvenelesUrsins, istoiree Charles I éd.Michaud, oujou-
lat,Paris, 836,
oll. re
érie,
.
2,
p.
496.
65. Olivier e La
Marche,
Mémoirest.
3,
p.
18.
66.
BNF
ms.
fr.
27,
°
1, 39v°,
28... t dernierolio.Manuscrit
yant
ppar-
tenu Jeannee France.
Voir
NF
ms. r.
600,
°
1,
20,
23...rébus
icard
ncluant
les ettres et
Y).
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 42/164
38 J.-P.JOURDAN
- L'Y
(i
grec) peut
aussi se
prononcer
WI,
UI,
bien
que
selon
Fauteur de
«
1'
becés
par
ekivoche :
«
maintes
gens l'apelent
«
FIUS
»67
-
La lettre
H
peut
aussi se dire
HA
-
Le
X :
«
IEUS
»
ou
«
IUS
»
-
Le G :
«
GOIE ou
GEAI
»
-
Le
M
:
«
AME
»...
Chaque monogramme
ffirme e
mystère
e l'être
qu'il
identifie
sans
pour
autant e nommer.
Même
apparent,
e
sens
du
chiffre 'est
jamais expliqué.
Jean de
Haynin rapporte u'au
Pas de l'Arbre d'or
Jean de Luxembourg, eigneur e Sottenghien,aisait orter ne hous-
sure
noire
«
brodée d'or atout
II
grans
lettre
ung
J
et unne
L
»68.
On ne sauraitréduire ssurément
a
signification
e
ce chiffre ux
seules initiales
du nom. Cet
«
IL
»
qui
nomme
reste identifier. e
même,
si
la valeur
du
«
L
»
porté par Fouquet d'Agoult
lors
du
Pas
de la
Bergiere
L
vaut
mieux)
se donne à la
lecture,
'initialedu nom
ou
du mot est
inconnue,
tout
comme le
sens
de la
devise69.
Par
ailleurs,
un
seigneurpeut
avoir
plusieurs
chiffres
-
Jacques
de
Luxembourg
Y
Y,
DKA...
-
Antoine
Bâtard de
Bourgogne
NC,
NIE...
-
Louis
de
Bruges
LM,
LA...
- Charles de Bourbon CA, CHS...
On
sait
que
René
d'Anjou
avait
pour
chiffrees lettres
I
et
RY,
Philippe
le
Bon,
les lettres
EE
et
PY,
Charles le Téméraire
CC,
CM...
En
outre
une même
ettre
ou
couple
de
lettres) ouvait
être
por-
tée
par plusieurs eigneurs
ainsi le chiffre
e
deux
EE.
Philippe
le
Bon
portait
es lettres
couplées
»,
AntoineWoodvillecomte de Sca-
les
les
portait
«
accolez ensemble
70,
Pierre
de
Brézé
portait
ces
«
EE
brisés
»71... L'inventaire mobilier de Louis
de
Luxembourg
mentionne
plusieurs
articles semés
de
EE
et de
houppes.
Le livre
d'Heures aux armesd'Engelbert omte de Nassau, figure galementle chiffre e deux EE, l'un d'or sur
champ
d'azur, l'autre
d'argent
sur
champ
de sable.
Le chiffre
I
se
retrouve,
ssocié
à la fleurde
lys,
sur divers
objets
mobiliers
ppartenant
u roi Charles V72. Le
67.
Li
abecés
op.
cit.,
v.
378,
p.
13. Sur a
prononciation
e la lettre :
E.S.
Sheldon,
he
Origin
f
the
nglish
ames
f
the etters
f
the
Alphabet,p.
cit.,
pp.
66-87.
68. Mémoires
e
Jean
irede
Haynin
t de
Louvignies,
.D. Brouwers
d.,
Liège,
905,
.
2,
p.
45.
69.
Le
Pas de
la
Bergière,
d. Comte
e
Quatrebarbes,
uvres
omplètes
u
roi
René
'AnjouAngers,
844,
.
2,
p.
73.Ce Pas
fut
enu Tarascónn
uin
1449.
70. Olivier e La Marche,Mémoires,p. cit., .3, p. 172.
71. G.
Lesueur,
istoireeGaston
V,
op.
cit.,
.
1,
p.
148.
72. Cf.
Inventaireu mobilier
e
Charles
V
J.
Labarte
éd.,
pp.
31-68,
pp.
34-89
«
une einture'or
ssise ur
ng
issu
ermeiln
aquelle
IIIIxxVI
doux
de deux açons'est
ssavoir'un
une
R
et un et
ung
ys
u
mylieu
ten 'autre
a unefleur e
lys
t est a boucle t
e mordante celle evise
.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 43/164
LA LETTRE
ET
L'ÉTOFFE
39
Fig. 3 - Combat ntreNoiron t Maulgis,Renautde Montauban
(Paris,
Arsenal,
ms.
5072,
f°
323
v°).
chiffre
Y
figure
ur
une
«
chambrede cendal
vermeil
rodé tout
en
tour de
lis
»,
à la
devise de
Philippe
e
Hardi,
«
à une
aigle
et I
lion
qui
tient
P
et
I Y
»73...
Certainschiffres
euvent
galement
voir
été
«
empruntés
,
un
seigneur pouvant, pour marque
d'honneur
ou
pour
affirmer on
alliance,
porter
e chiffre 'un autre
eigneur.
Ainsi,
au
Pas
de
l'Arbre
Charlemagne,
Jean de
Compays
seigneur
e Thorain
et
les six
écuyers
de sa suite firent
rmes
n
semblables oussures
,
«
de cendal
blanc
semé (de) lettresqui furentd'or »74. Lors des fêtes du Pas de
73.
Chanoine
ehaisnes,
ocumentst
extraits,
p.
cit.,
.
2,
p.
907.
La
valeur
christique
e
ce chiffre
eut uggérerour
e
Princen
espérance
'Y,
'amour
nef-
fable
u
Père
pour
e Fils.
74.
Olivier
e La
Marche,
Mémoires
op.
cit.,
.
1,
p.
309.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 44/164
40 J.-P.
JOURDAN
l'Arbre
d'or,
Louis de
Luxembourg
omte de
Saint-Pol,
Jacques
de
Luxembourg eigneur
e
Richebourg,
eande
Luxembourg eigneur
e
Sottenghien,
acques
de
Luxembourg eigneur
e
Fiennes taient ves-
tus
de
palietos
de satin
bleu
»,
au chiffre u
marquis
de
Ferrare,
à
EM en brodure
d'or,
capronceaux
rebracés
de
velours
noir »75.
L'objectivité
et la relativité es
témoignages
doivent
également
inviter une
identification
rudente
u
chiffre t de son
motif,
par-
tant de
l'intentionmanifestée.
Selon Jean
de
Haynin,
le
marquis
de Ferrare
faisait
porter
en
cinquième
parement
ne
houssure
chargée
«
de un
croisant nflanbé
reversé, a VIe de veloursgris semée de rescaufoirs 'argentrever-
sés
»76. Rétablissant
e sens de ces
motifs,
es Mémoires
d'Olivier
de
La Marche
affirment
ue
cette houssure était
«
chargié
de reschauf-
foirs
d'argent
à
demie dorure
gectans
flambe en hault »77.
On
le
voit,
la lettre eule
ne
permetpas d'appréhender
e
sens
d'un
chiffre
ar
la seule
valeur initiale d'un
nom,
d'un
mot,
d'une
devise. On ne saurait
non
plus prétendre
dentifiera ou
les valeurs
déterminant
e choix
d'un
chiffre,
i
reconnaître ans la mode
des
lettres
a
part
d'imitation u d'adhésion
personnelle
u secret
d'une
lettre.Lors
des
joutes
tenues à Gand en décembre
1445,
Jacques
de
Lalaing
faisait
porter
a lettre
K
qui
est
«
une
lettrehors du nombre
des aultres sur une houssure« de drap damas gris,broudéde gros
estocz
jectans
flamme
de feu »78. Ses
pages,
vêtus de
même,
étaient
montés sur des
chevaux
«
couverts
de
velours
noir
chargé
d'orfavre-
rie dorée et
blanche,
moult richement et avoient lesditz chevaulx
champfrains
'argent
dont
yssoit
une
longue
corne tenant au front
à maniere
de
licorne,
et furent celles tortivées 'or
et
d'argent
79.
Si le textedu
chiffre ous
échappe,
on
contexte,
ar
contre,
nous
est connu.
La
répétition
e certains léments
ssociés,
le
jeu
des
rela-
tions
imaginées,
a constance
des
rapports
symboliquespermettent
d'approcher
certainsenchaînements
u sens.
Le faitque certains eigneurs uissentporter ne même ettre u
emprunter
e chiffre e leur
parement uggère ue
l'efficacedu sens
n'est
pas
dans tous
les cas celui
d'une
identité
u
nom,
mais
plutôt
d'une
appartenance
ollective.
La lettre
prend
valeur
d'emblème.
Le
port
d'une lettre
mblématique rend
un sens social
et
politique que
complètent
evises,
motifs
t couleurs. Sans
qu'il
y
ait
transmission
«
héréditaire
du
chiffre,
ertaines
Maisons
princièresmarquent
cependant
eur
préférence
our
une
lettre,
insi
la
Maison
de Bour-
bon
pour
la
lettre . Cette
ettre
igure
ur
de nombreux
bjets
ayant
appartenu
Jehannede Bourbon
elle se
reconnaît,
ouplée
à la let-
75. bid.t.4, p. 137.
76. Jean
ire
de
Haynin,
émoires
op.
cit. .
2,
p.
55.
77. Olivier
e
La
Marche,
Mémoires,
p.
cit.,
.
4,
p.
137.
78. bid. .
2,
p.
101.
Cf.
fig.
,
Combat
ntre oiront
Maulgis,
enaut
e
Montauban
Paris,Arsenal,
s.
5072,
°
323v°.
79. bid.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 45/164
LA
LETTREET
L'ÉTOFFE
41
tre
C,
surun
portrait
'Isabelle de
Bourbon80
dupliquée
et
doublée
du chiffre
A,
elle
est
représentée
ntre
es
armes
de
France et
de
Bourbon dans
l'édition
de La
nef
des
Dames
vertueuses
ouvrage
om-
posé par Symphorien
hampier
et
dédié
à
Anne de
France
duchesse
de Bourbon81.La
préférence
'une
lettre
mpliquait-elle
ne
«
pré-
séance
»? Y
avait-il,
défaut d'une
lettre
ouveraine,
un
gouverne-
ment
des lettres
t,
parmi
elles,
des lettres
nobles
»82
?
Amour des lettres t
lettresd'Amour
Noué dans le réseaumultiple e ses correspondances raphiques,
phonétiques, péculatives
u
ésotériques,
e
sens
de
la
lettre évèle
une
cohérence
fonctionnelle ondée
ur la
représentation
e
l'unique
et du
duel,
du
manifesté t du
latent.
La
lettre,
ous le
savons,
est
un
symbole
double
dans sa
représen-
tation
et son
langage.
Les
équivoques
de
formes t
de
sens
expriment
cette
dualité entre e
signifiant
t
son
signifié.
a
duplication
de la
let-
tre
est
plus qu'un simple
souci
d'ornementation. n
redoublant
ou
dédoublant a
lettre,
a
duplication
joute
une
charge
symbolique.
La
duplication
en
formes
dentiques
manifeste a
nature
gémel-
laire d'une
lettre,
'un
chiffre.
a
duplication
n
formes
nversées
ug-
gère,dans le refletnversé u double, l'ambivalencefondamentale e
l'opposition
et
de la
complémentarité,
e la
différence
t de
l'iden-
tité.
Affrontées,
dossées ou
accolées,
les
lettres ont
le
plus
souvent
couplées par
un lien.
Le
couplage
les
réunit
n un
seul
chiffre,
mani-
festant,
u-delà de
la
différence,
eur
unité
fondamentale. e
lien
par
la
lettre
joute
à la valeur
figurative
ne
valeur
politique.
La
ligature
symbolique
des lettres
appelle que
la lettre
pouvoir
de
lier
dura-
blement.
e
lien et
son attache
ont
ainsi
chargés
d'une
valeur
symbo-
lique.
Le
nœud,
parfois
ssocié
à la
lettre,
joute
au
lien,
e
renforce,
le rend
stable.
Symbole
d'une
solidarité
réelle,
il
noue
en
quelque
manière
e lien
social et
politique.
Le signifié e la lettre ébordeson signifiant. a valeurde la let-
tre
transcende
'immédiat
phonétique
évoqué par
le
graphe.
Jouant
d'équivoques,
entre
'apparent
et le
caché,
le
manifesté t
le
latent,
e
dessin
de la
lettre
issimule t
révèle. Son
graphe
est
chargé
d'imma-
nence,
a
calligraphie eut
recouvrir
ne
autre
forme,
n
personnage...
La
valeurd'une lettre
eut
s'exprimer
ar plusieurs
raphes.
La
multi-
plicité
et la
mutabilité
es
signes
sont
autant
d'approches
de
reflets)
de
l'unique
et de
l'immuable
dans la
lettre.
a lettre
ont a
forme
st
comme
habitée
xprime
n
mystère
e
la
présence.
Ce
mystère
st
aussi
celui du nom
que
la
lettre
dentifie t
qu'on
ne
peut
pourtant
ommer.
80.Gand,Musée es Beaux-Arts.81. La
nef
es ames ertueuses
Lyon,
503,
aris,
NF,
Rés.Vélins
972,
°
6v°.
82. Le choix 'une
ettre noble
ne se
limite
as
aux
familles
rincières
cf.
électione la lettre G
»
par
J.
Molinet,
allade e
l'a.
b.c.,
éd.
P.
Champion,
«
Pièces
oyeuses
u
xve
iècle
,
Revue e
Philologie
rançaise
t
de
ittérature
XXI,
1907,
p.
161-196.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 46/164
42
J.-P.JOURDAN
La lettre st une
cône médiatrice.
ondement
cripturaire,
a lettre
est
support
e
spéculation
u de
méditation,
moyen
de la
connaissance.
Par
son
pouvoir
d'évocation,
lle
manifestee
sacré,
n sorte
ue
les chif-
fres
de l'Amour
humain se
reflètent 'un
Amour
divin.
La
couronne
christique
ntoure
parfois
a lettre
u'elle
sanctifie n
l'approchant
de
la face de
Dieu83. Chacune
des
lettres
ui
compose
les
mots d'Amour
(a.m.e.,
a. m.
y.,
a.i.m.e.,
...)
est une
leçon
d'Amour.
L'Amour est u
cœurdes
ettres,
'âme
du chiffre.
et
Amournoble
que
la lettre
igure
t
dissimule e doit en
effet
'être
ecret out n
étant
public
éminemment
olitique,
l
unitet relie.
Amour
gouverne
a let-
tre, t ce gouvernement'Amourparla lettre ixedurablementes liens
qu'il
écrit t
qu'il
noue.
L'Amour
des lettres ache dans sa
calligraphie,
armi
es
fleurs,
es
larmes
et
les
feuillages,
es lettres
'Amour.
Aulteribe
F-63130
Sermentizon
Annexe
Tableaux
d'onomantie
Paris,
rsenal,
s.
872,
°
397v°
Vie u1mort u
mariage
« panre...enom umari ar oy ui ifu onneubatesme,tdevezanreoutesles ettresuiy ont t ompterhascunear ecompteui st scriptessust diuster
le
compte
e
toutesn
ung
t
puis
iviser
ar
8 ».
123456789
abcdef
ghi
10
20 2 12 22
4
14
24
6
kl
mnopqr
s
13
2
20
8
24
t
u
X
y
z
Paris, rsenal,
s.
872,
°400v°
«
Table esnativictes
our
rouvera
planete
t e
signe
e chascun.
3
3 28
24
25 3
1
6
abcdef
gh
25 26 21 23 15 9 14 21
i kl
m n
o
p q
12 9
9 16 16 3
r s t u
X z
Paris, NF,
ms.fr.
1355,
°
173
«
Quant
oldresavoira naturee a
ouvence
'aulcun
u e
samblancee
son
adventure
t e mois
uquel
l devra
morir,
rendes
e
nom e
luy
t
e nom
e sa
mere t
e nom e
l'a.b.c.
par
chel .b.c.
que
vous
vees
hi
desoubz.
abcdefghiklmnopqrs
t
1 2 20
4
5
24 3 20
10
13 2 13 22 13
2 20 21
20 4
u
X
y
z
22 17
10 7
83. Cf.Couronne
hristique
uchiffre
E,
Champfleury
ux rmeses
roy
uxem-
bourg,
apisserie
u
Châteaue
Langeais
couronne
hristique
u
chiffre
Arsenal
s.
5087,
°
144v°,
a
Fleur es
Histoires)
«
Incarnation
du
chiffre
E
dans
a fleur
e
chardon,
apis
e
rône ariai
Heures
'Étienne
hevalier,
hantilly,
usée
ondé,
s.
71). Figuration
e
'Y
dans a
mandorle,
apisserie
e
P
Apocalypse'Angers...
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 47/164
LA LETTREET L'ÉTOFFE 43
V)
&M
O
E
»
ki
<*■»
-
Ifl
0>
"O
e
#o
%-j
a
e
a>
</)
K0>
L.
a
a>
>-
a>
-O
a>
o
C
a>
Sa**a>
La
&M
-H H HNh- M (NM r-- rg -1 T-I MrHyo-Hnvi-HnhONM
,-H
^ PH
N
m
rH
O
H
m
Tt
<*>
C*
n
Tt
i-<
th
O
m m
-h
SS
on
a
.S
s
>
i-<
G
PQ
-
oo
r-^tooiNrnr-~ooON
(oo ^w^r
C
<U
00 L>
3 S3
«a
1
^
^
-H -H
pH
^
O
*"H
N
Vi
'ß
*"H
w
^t
c/i
~H
<L>
où
s
ž
<
^
^
m
S
Os
^t
G
^
O
^
Os .S
a
5
H
rn
n
^
w
^
on
G
^
-2
G
S
"3
U
^
r-
-h -h
m
m<N
S
^
^
»_
G
-g
3
H
Z £Ui
m
~
CM
O
^
O
^
G
w
O
JL>
Q'|
^
ü U
2
t;
« <U D
GpW^^G i-H^ßVHiUiU^iUfUCJajG
I
-a
?
2
U
2
2
t;
§1
«
II
<U D
.2
GpW^^G
g
B
-S
-S
-g
g^i-SSgÂîgÂÏ-sI
-H^ßVHiUiU^iUfUCJajG
s
3
s
-a
2
I
«
II
I
^
-
g
O
- '
C
g
-g
I
c
|ri"i»|SS
P3 S
'
p
^
O
-
C
,G
Tfí
>
P3 S
^
'
§
g
p
^SoS-^^ë-
O
-
C
,G
o,îf>
fí
>
P3
£
^
'
g
;
^
.1
i
s
s
-
■
g i
-i
s
^
c Ss
©
°
Ä
«5 «> Ê
s
*3
©
û Ë
Ä
M^
S
ü
*3
S "S
C/3
(« «5
(*>
/j
Ū 4> V
IS
I«
ha ta
h>
-
3
as
s
O
M
^ojD #DÇ
M
«
£ £
£
£
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 48/164
44 J.-P.
JOURDAN
<N vom »-hm řNm o ^ <Nr- m r- rn
m
(N
*-«
^
O
H
00
as
O
^
(N
^
<N
s
§
a
a.§
^
>
&
s
-
no
^ ^
r-
^hîn^h
t-h
io
*-
»o oo m
»-•
s|
no
^ ^
r-
^hîn^h
t-h
io
*-
-
o
M
o
c
<L>
bû u
3
S
J-i
J3
PQ
3
(N
^
N
O <N CT' '»
m
-
m t-H ^
n
o
Vi
■"'
<L>
bo s
CQ
__
__
c
5
o
- 1
O _% fico
a
5
H
^
Tt
- <
<N
<N
'
m
m
«2̂
o
c
«a
-q
U
^
<N
r-
-H
Tt
S3
>*
u,
c
-c
Ž puu
m
-
~
rM
~ -h
£
5
c
<_,
O
JJ
Q
*3
-
<u <u
Lļ y
fi
b
:fi
S£
î> ̂ îi
3
»Tî
d
a>
fi
fi
w
'Ö
=5 Õ
~
Lļ
Ë
y
O
S
2
S
&
£<
3
S
S?
-
3
«
c
O
O
tí
5
3 ¿ 3>
Ë
-a
£ £
&
a
g,
s
S?
-
ö
c
q
t;
w
s
|-a«
¿ 3>
-a
si
£ £
-s1
§11.
c
g,
s
8c
ö
a
q
§
Ä
t;
g
g
g
s
£
5
S>
■=
s
i
Ä
s
5>
o
^
'
S-
*<L>
fi
O
(y
-■
<U
Xi
■S
*"
o
;
a: -s
yx
«j
m *-<
•r¡
o
5
s1
S_
_0
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 49/164
LA
LETTREET
L'ÉTOFFE
45
_H^H_H^H^^HOOO -3
*-
O
s
«
3
©
S
s
¿*
«o
S
_
g
*
^
«o
S
^
Tf
a
O
^
qj
^
5
.S
II
2
c
00
«
Í
¡.a
^
*-H
rH
M|
U^3
OO
^
*-H
rH
M
(/->
(U^3
wo ^ *°- ^ s *
s
-
-
S
S
*
P
ÖD<L>
22
o
2
S
-
^
6
5
¿
"á
£
-s
ç gSj.
dk
P
G
3
«o
m
m
<n
U
ûû
íT^ r'l
^
aj
-
w
£
«^
•
tf
^
«
2
î? t
s
II
*-
=
s
00
s
Ē *-
s
>
M
§•
»
-s
s
co< ».S
2
O
c
H
»
)
*
OO
c
H
)
-
-
-
^
»
_r
9-d
£§
Son
T^-
^
dj
¿
""
§
2
T^-
^
^
g
2
-S
g;
rifǤ
^
o -& •^s .s ~ 2 ~ S s Ä
-■
it
^
y
M
Z®
„
52
^r
Qi
3
m
52
oo
i
3
<
OO
1
^
f-
-
-
«
^
2
a-
Š,
.
«ä
m
ir>
»-■
^rt-iS^t^3
^
T+
»
Ü
1>
¿f »_
«s
-=i
|s;s
.
g
c
<2g<^c|
§
'3
-•§
řáss
ö
^
lu -§12 ¿
Ii
J
^
«
a
v->
<n
m
o'
n£°.2
S2
-
|3
i-s&J
&-
<u
^.ä
ar»
O«
3
<u
.
o
«
^
O«
3
S
"H
•->
Il
"O
2
<u
^
^
fri «
u
2 £ «> - Š
ri
1««>e ^ -c Ï - «
-
S
s>
(3
C
u
-2
S|
u"*:s
w
"O
-o
5
•
~
£
O
-o
5
•
u
TD
.£,
-d
§«5^0
s
I
s?
v
s;
g
is
g
<D <D <L> L>
<D
*-. >-£
-<Ü
c/5
o
O
r-
S
-Si
¿2
ï
H
â
4
1
1
í
1
I
2
1
-
^
â
ei
s
-
ir^ni^
x>
u ̂
¡5
-
&
e
</T
<0
S
•
^
-5
S
^
S
-3
S
I 0
■Sí^žl-sll
«2 2 ;
•=
fi
S
OOÎJ^O^
5 jj
^
Oww2.www^S
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 50/164
46 J.-P.
JOURDAN
Jean-Pierre
ourdan,
La lettre t l'étoffe
La lettre st un
symbole
ouble dans sa
représentation
t son lan-
gage.
Les
équivoques
de formes t de sens
expriment
ette
dualité
entre e
signifiant
t
son
signifié.
a
duplication
e la lettre st
plus
qu'un simple
ouci
d'ornementation.
n
redoublant
u
dédoublant
la
lettre,
ette
uplication joute
une
charge ymbolique.
e
signifié
des
ettres
rocède
'une sédimentation
'emploi
utilisanteurs
ro-
priétés
morales,
didactiques, hristiques,
osmologiques
t manti-
ques.
La lettre ont a forme
st
comme
«
habitée
»
exprime
n
mystère
e la
présence.
Ce
mystère
st aussi celui
du
nom
que
la
lettredentifié t qu'on ne peut pourtantnommer.L'Amour est
au cœur des
lettres,
'âme du chiffre.
Lettre
Chiffre
Symbolique
Textile
Jean-Pierre
ourdan,
The letter
nd
the
Fabric
The letter s
a double
symbol
n
its
representation
nd
in
its an-
guage.
The
ambiguity
f forms nd
meanings xpresses
his
dua-
lity
between
he
signified
nd its
signifier.
he
duplication
f the
letter s
not
merely
rnamental.
oubling
or
redoubling
he etter
givesmore ntensityo itssymbolic mport.The significationf
the etters
erives rom he
moral,didactic,
religious,
osmologi-
cal or
mantic
roperties
hey
were ndowedwith.The letter
whose
form s as
if
«
inhabited
expresses mystery
f
presence.
The
mystery
s also
contained
n
the name whichthe etter
dentifies
but
which annotbe
designated
«
Amour
»
(love)
is at the heart
of the
letters,
he
«
âme
»
(soul)
of the
cipher.
Letter
Cipher
-
Symbol
-
Textiles
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 51/164
Médiévales9,automne995, p.47-63
Michel
PASTOUREAU
JÉSUS
TEINTURIER
HISTOIRE SYMBOLIQUE ET SOCIALE
D'UN
MÉTIER
RÉPROUVÉ
Parmi les différentesersionsdes
évangiles pocryphes ui
nous
content 'enfance de
Jésus,
plusieurs
ccordent
une
place importante
à
ses tentatives
our apprendre
n
métier. lles
nous
expliquent
om-
mentMarie et
Joseph
ouhaitent
aire ntrer hez un
maître
et
enfant
peu
ordinaire,
ui parfois
eur
donne
bien du souci. Malheureusement
les échecs succèdent ux échecs. Le jeune Jésusn'est pas faitpour
la
condition
d'élève,
ni
pour
celle
d'apprenti
et cela
ni
chez le maî-
tre
d'école,
ni
chez
le
scribe,
ni chez le
forgeron,
i
chez le
cuisinier,
ni
mêmechez son
père
e
charpentier.
uel
que
soit
e
corps
de
métier,
il
se
montre
napte
au
travail,
ommetdes
maladresses,
e livreà des
facéties
et
place
son maître
du momentdans une
position
difficile.
En
général,
outefois,
ela ne dure
guère grâce
à un ou deux mira-
cles,
Jésusrétablit
ientôt ne situation
ompromise, ccomplit
n un
instant
es tâches
qu'on
lui
demandait,
puis
se
transformen bienfai-
teur
et,
ce
faisant, étonne,
attire et convertit.
Un
épisode
de ces
«
années
d'apprentissage
semble
avoir,
plus
que les autres,marqué les hommesde la fin du Moyen Âge : l'his-
toirede
Jésus
hez le teinturier. ous
en avons conservé
lusieurs
er-
sions
latines et vernaculaires
notamment
nglo-normandes),
éritées
des
anciens
évangiles
rabes
et arméniens e l'Enfance
compilés
aux
premiers
iècles du
Christianisme1. es différentes ersions
ont en
outre
engendré,
partir
u
XIIe
iècle,
une
iconographie renant lace
sur des
supports
variés
miniatures,
ien
sûr,
mais
aussi,
carreaux
de
céramique,
vitraux,
retables2.
1. L'introduction
a
plus
ommodeux
extes
pocryphes
u Nouveau
estament,
notammentux
vangiles
e
'Enfance,
e
trouveans e
Supplément
u Dictionnaire
de a Bible e F. Vigouroux,. , Paris, 928,ol. 81-487ApocryphesuNouveauTestamentarMgrAmman).
2. L.
Réau,
conographie
e artChretient.
I/2, ans,1957,
.
288,
e
trompe
en ffirmant
ue 'épisode
e Jésushez
e teinturier'a donné aissance
u'à
un eul
témoignageconographique
un
etablee
Pedro arcia e
Benabarre,
ujourd'hui
on-
servé ans
'église aroissiale
e
Ainsa,
rès
e
Lérida,
n
Catalogne).
es
témoigna-
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 52/164
48
M. PASTOUREAU
Le teinturier e Tibériade
Malgré
quelques
différences,
es
textes,
pour
la
plupart
nédits,
articulent ette histoire
utour de la même trame. Je
la résume ci
d'après
un manuscrit atin de la Biblioteca Ambrosiana à Milan3 et
un manuscrit
anglo-normand
de la
Bibliothèque
Bodléienne à
Oxford4,
tous
deux
copiés
au début du
XIVe
iècle.
Jésus,
gé
de huit
ans,
est
placé
en
apprentissage
hez un teintu-
rier de Tibériade. Son
maître,
nommé
sraèl,
lui montre es
cuves
à
teinture t lui
enseigne
es
particularités
e
chaque
couleur.
Puis
il
lui remetplusieurs toffes omptueuses pportéespar de richespatri-
ciens et lui
explique
comment hacune doit être teinte
d'une couleur
spécifique.Après
ui avoir confiéce
travail,
sraèl
part
dans
les bour-
gades
alentourfaire
a collectede
nouveaux vêtements teindre. en-
dant
ce
temps,
Jésus,
oubliant es
consignes
de
son
maîtreet
pressé
de retrouver es
parents,plonge
toutes es étoffes ans
la
même cuve
et
rentre hez lui. C'était une cuve
d'indigo.
Quand
le
teinturierevient
le
lendemain,
outes es étoffes ont
uniformément
leues.
l
entre ans
une violente
ureur,
ronde
Jésus,
e
proclame
déshonoré
evant
oute
la ville. Jésus
ui dit alors :
«
Ne
t'inquiètepas,
Maître,
e
vais ren-
dre à
chaque
étoffe a couleur
qui
doit être a
sienne.
Il
les
replonge
alors toutes dans la cuve d'indigo puis les ressortune par une, cha-
cune dotée de
la couleur souhaitée.
Dans
quelques
versions,
Jésus
n'a même
pas
besoin de
replonger
les
étoffesdans
la cuve
pour
leur redonner
es
teintes
qu'elles
doi-
vent avoir. Dans
d'autres,
le miracle
s'opère
devant une foule de
curieux,
qui
se
mettent louer Dieu et à reconnaître n
Jésus
son
fils. Dans
d'autres
encore,
Jésus n'est
pas
entré chez le teinturier
comme
apprenti
mais en véritable
henapan.
C'est
en
cachette
u'avec
ses
camarades
de
jeu
il
a
pénétré
dans
la
boutique
et
par
une
sorte
de mauvaise
plaisanterie
u'il
a
plongé
dans une cuve les étoffes t
les vêtementsui attendaient 'êtreteints e différentesouleurs.Maisil
répare
rapidement
on méfait t donne à chaque étoffe a
plus
solide
et la
plus
belle
couleur
qui
se
puisse
voir.
En
lui-même,
et
épisode
chez le teinturier e diffère
uère
des
ges
u contrairen
ont elativementombreuxt
prennentlace
ur es
upports
ariés
(voir lus
oin
a note
).
Sur
'iconographie
énérale
es
évangiles
e l'enfanceu
Christ,
n
trouveraes nformations
écentesans . Kirschbaum
d.,
Lexikon er
christlichen
konographie
tome
II,
Fribourg
n
Brisgau,
971,
ol.39-85
Leben
esu).
3. Ms.
L. 58
sup.,
f° 12
et
12v°.
4. Ms. Seiden
upra
8,
25-27v°. e
manuscrit,
ui
semble
ouvoir
tre ate
des nnées
315-1325,
omporte
n
cycle
e soixante iniaturesonsacréesl'enfance
du Sauveur,epuis'Annonciationusqu'aux oces e Cana. VoirL.F.Sandler,Gothic
anuscripts
1285-1385
,
Londres,986,
ome
I,
pp.
2-63. 'unemanière
éné-
rale,
'iconographie
e 'enfance
u Christonnaîtne
randeogue
ans
'Angleterre
de a
première
oitié
u xive iècle. oir eux
xemples
ans e
catalogue
e
'expo-
sition
geof
Chivalry.
rt n
Plantagenetngland,
200-1400
Londres,
oyal
ca-
demy
f
Arts, 987,
°
203,
pp.
277-278
t
n°
217,
pp.
283-284.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 53/164
JÉSUS
EINTURIER
49
autres miracles
opérés par
Jésus
pendant
sa
petite
enfance,
soit lors
de la fuite n
Égypte,
oit une
fois de retour
Nazareth.
Les
évangi-
les
canoniques
n'en
soufflent
mot,
mais les
évangiles
pocryphes
ont
prolixes
leur
sujet.
Il
s'agit
pour
les seconds de
combler
es
silences
des
premiers,
de
satisfaire a
curiositédes
fidèles
et
de
frapper
es
esprits
u
moyen
de
mirabilia.Mais
souvent,
'anecdote
'emporte
ur
la
parabole,
et
il
est difficile e
tirer e
ces récits n
quelconque
ensei-
gnement astoral
ou
théologique.
D'où leur
exclusion
du
corpus
cano-
nique
et la
méfiance
extrême vec
laquelle
les
Pères de
l'Église
les
ont
toujours
regardés.
Certains
y
ont
même vu
une
littérature
e
naturehérétique.
Ces textes
pocryphes
ont
pourtant
ort
nciens. Ceux
auxquels
la tradition
fini
par
donner e nom
&
Évangiles
de
l'Enfance
Évan-
gile
du
pseudo-Thomas,
Évangile
arabe,
Évangile
arménien,
Proto-
évangile
de
Jacques)
semblent
dater,
dans
leurs
plus
anciennes
ver-
sions,
des
IIe et IIIe
siècles5.
Ils ont
laissé des
traces
profondes
et
durables dans toute la culture
chrétienne t doivent
être
considérés
comme des
documentsd'histoire
part
entière.
ls ont
en
outre
une
forte
dimension
nthropologique, ui
mériterait e
retenir
avantage
l'attention
des
chercheurs6.
L'épisode
de
Jésus chez le
teinturier e
Tibériade
est
instructif
à plusieurs gards. Il nous rappelled'abord comment, ux yeuxdu
Christianisme
médiéval,
Jésusn'a
pas
seulement
ouvoir
sur
les êtres
vivantsmais
aussi sur la
matière,
t
notamment ci
sur la
plus
rebelle
d'entre
outes
la
matière
olorante.Pour
les
hommes
du
Moyen
Âge,
changer
a nature
des couleurs est
peut-être
n
miracle
encore
plus
singulier
ue
de
guérir
un
malade ou de
ressusciter n
mort,
parce
que changer
a
couleur d'une
chose est
presque
toujours
une
opéra-
tion
qui
relève
de
la
ruse,
du
déguisement
u
de la
magie,
et
qui
donc
est le fait du
Diable ou de ses
suppôts.
Que
ce
soit
Jésus
qui opère
ce miracle
nous fait
pénétrer
ans le
domaine de
l'extraordinaire.
Par là
même,cet épisode nous rapppelleaussi combien es acti-vitésde teinture nt
toujours
suscité a méfiance, a
peur,
l'inquié-
tude ou l'admiration.
Être
teinturier
'est
en
rien un
métier
omme
5. On utilisera
ncorevec
profit
a vieilledition
e C.
Tischendorf,
vange-
lia
apocrypha
2e
d.,
Leipzig,
876,
t a
traductionn
français
odernee
P.
Pee-
ters,
vangilespocryphes
Paris,
914
t.
I
:
L
évangile
e
'enfance).
ne
nouvelle
édition esdifférentes
ersionsatineserait
outefois
ienvenue.
our es
traditions
en
angues
ernaculaires,
n
aura
oujours
ecours
l'ouvragelassique,
uoique
ieilli
sur e nombreux
oints,
e R.
Reinsch,
ie
Pseudo-Evangelien
on
Jesu nd
Maria
Kindheit
n
der omanischen
nd
ermanischen
iteratur
Halle,
879. n
annexeu
premier
ome e son
Lexique
oman
Paris, 838),
.
Raynouard
publié
es
xtraits
de a versionrovençalees vangilesePenfance,otamment'épisodeeJésushezle teinturier.
6. Outre
'articlee
synthèse
entionnéla
note
1,
on
consultera
H.
Hen
necke,
eutestamentichen
pocryphen
Tübingen,
924
M.R.
James,
he
Apocry-
phal
New
Testament
Oxford,
950 F.
Amiot,
a
Bible
pocryphe.
vangiles
pocry-
phes
Paris,
952.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 54/164
50
M.
PASTOUREAU
un autre.Comme le
forgeron
t
comme
'alchimiste,
e
teinturier
rans-
forme a
matière,
a fait
passer
d'un état
dans un
autre,
hange
'ordre
des
choses
voulu
par
le
Créateur
en
captant,
per
artificium
les for-
ces de la nature. Comme
le
forgeron
t comme
l'alchimiste,
l
sem-
ble
posséder
'art
d'obtenir,
ar
des
procédés
ugés
inquiétants
t
malé-
fiques,
des résultats
ui
sont
inaccessibles u commun
des
mortels t
étrangers
l'intervention
ivine,
a
seule
légitime
t
efficace7.
De
Joseph
à Renart
Plusieurs
histoires élèbresmettent n
valeur
ce
caractère rouble
ou malfaisant e la teinture t
des
hommes
qui
la
pratiquent.
À
com-
mencer
par
un
passage
de la
Genèse,
maintes
fois
glosé par
les
Pères
et
qui
en est comme
a
métaphore
anglante.
l
s'agit,
dans l'histoire
de
Joseph
et de
ses
frères,
e
l'épisode
au
cours
duquel
ces
derniers,
voulant fairecroire leur
père
Jacob
que
son
plus eune
fils
-
qu'ils
haïssent
parce qu'il
est
le
préféré
t
parce
qu'il
a eu
deux
songes
pré-
disant
qu'il
s'élèverait
u-dessus deux
-
a
été
dévoré
par
une
bête
féroce
Gen.
XXXVIII,
12-35). Après
avoir
essayé
de
le tuer
en le
jetant
dans
une
citerne,
uis
l'avoir
vendu comme
esclave à des
mar-
chands ismaélites se rendant en Égypte, ils conservent a tunique
-
une
tunique rayée
d'un
très
grand prix
que
Jacob
avait fait
spé-
cialement aire
pour
son filsbien aimé
-
et
la
trempent
ans le
sang
d'un
bouc. Tulerunt utem
tunicam
jus
et in
sanguinem
haedi,
quem
occiderant,
inxeruntdit la
Vulgate8.
Le bain
dans
le
sang
de
l'ani-
mal
est
ici
assimilé à un
bain
de
teinture,
t
l'emploi
du
verbe tin-
gere (teindre)
à
où des verbes
comme
mergere,
mmergere
plonger)
ou
imbuere
imbiber)
uraient
uffi,
oulignepleinement
e
caractère
félon,
diabolique
et mortifère
ue peuvent
voir les
activités e
tein-
ture. De
fait,
a ruse
sinistre es frères
éussit
parfaitement
Jabob
reconnaîtdans ce vêtement ougide sang la tuniquede son filspré-féréet, le
croyant
mort,s'arrache les
cheveux,
déchireses
propres
vêtements t entame un deuil
de
longue
durée.
Pour
les Pères de
l'Église, Joseph
est la
préfigure
u
Messie
:
Joseph
n
Christum
iguratur
écrit
déjà
Tertullien u
début du
IIIe
iè-
cle. Jetédans la
citerne,
l
annonce la
mise au
tombeau
vendu
par
ses
frères,
l
prédit
a trahisonde
Judas et les
trente
eniers.Sa tuni-
que,
que
ses frères
nsanglantèrent,
st
comparée
à la
chair du
Sau-
veur,
que
ses bourreaux
flagellèrent,
ouvrirent e
sang
et mirent
mort Nudaverunt
Joseph ratres
ui
tunica
polymita,
Judaei Chris-
1. Il estdommageueM.Éliade, ans onouvrageélèbreorgeronst alchi-
mistes,
aris,
977
2e
d.
anglaise,hicago, 976),
'ait
pas
prolongé
es
enquêtes
et sesréflexionsers e monde
es einturiers.es
problèmesue
cesderniers
oulè-
vent
ar
apport
la
matièret la sociétéont
oisinse
ceux
ue
posent
es
forge-
rons t es alchimistes.
8.
Gen.
XXXVII,
1.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 55/164
JÉSUS EINTURIER
51
tum
exspoliaverunt
unica
orporali.
Les
gloses
sur ce
passage
de
l'his-
toire de
Joseph
sont nombreuses9 t
ont laissé
une
iconographie
abondante montrant
a transformation
e la
tunique rayée
ou
multi-
colore,
c'est-à-dire ici
somptueuse)
en une
tunique
sanglante
et
monochrome 0.
Une autre
histoire,
profane
celle-ci mais
presque
aussi
célèbre,
souligne
ce lien entre a
teinture t la
tromperie.
l
s'agit
d'un
épi-
sode
compilé
vers
1179-1180
t
ajouté
vers la fin
du
XIIe
iècle à
la
branche du
Roman de Renart au
cours
duquel
le
goupil,
toujours
en
quête
de
nourrituret de
mauvaises
actions,
cherche
se
déguiser
pour mieuxtromper es ennemiset échapperaux poursuitesque le
roi
Noble
a
engagées
contre
lui
après
le
siège
infructueux
de
Maupertuis11.
Renart
pénètre
insi dans l'officine
d'un
teinturier t
tombe accidentellement
ans une cuve
de teinture
aune.
Furieux,
l'artisan menace de le tuer
mais Renart ui
explique
qu'il
est
lui
aussi
teinturier t
qu'il
va
lui
enseigner
ne
technique
nouvelle
dans
l'art
de
teinturerie,
ne
technique
trèsen
vogue
à
Paris
»
et
qui
consiste
à mêler de
la cendre au colorant.
Le
vilain,
intrigué,
ide
l'animal
à
sortir,
mais sitôt
hors
de la
cuve celui-ci
se
moque
de
lui,
avoue
qu'il
n'est
pas
teinturier,
ais le félicite
our
la
qualité
de
sa
prépa-
ration
qui
de roux l'a
fait
aune
et
donc rendu
méconnaissable
«
Ta teinture
st
molt
bien
prenanz
Jaunez
en
sui,
et toz
luisanz »12.
Ainsi
déguisé,
Renart
peut
continuer a
route et
ses
méfaits
n
toute
impunité.
Rencontrant
sengrin,
l
se fait
passer
pour
un
jon-
gleur
breton.
Puis,
aidé du
loup,
il
dérobe
une vielle
et
regagne
sa
demeureoù sa femme
Hermeline,
e
croyant
mort,
'apprête
à
épou-
ser en
secondesnoces
un
neveu du
blaireau,
Poncet.
Toujours
mécon-
naissable
ous sa livrée
aune,
le
goupil
se
propose
de
jouer
de la
vielle
au cours de la cérémonie
nuptiale ce qui lui donne l'occasion detromper out e monde,de perturberes noces, de
punir
sa
prétendue
veuve et de
se
venger
de Poncet en
le faisant
mettre
mort
par
les
mâtins d'un
paysan13.
Les
critiques
modernes nt
cherché
expliquer
a
symbolique
de
la
couleur
aune
dans cet
épisode
de
Renart teinturier
uis
jongleur.
Ils
se
sont
quelque peu fourvoyés
n
y
décelant
es
traces d'une loin-
taine
origine
rientale un
conte
ndien,
e
Pantchantantra
plusieurs
9.
À commencer
ar
elles
e
Philon
'Alexandrieès e
premier
iècle
e notre
ère,
maintes
ois
eprises
t commentées
ar
es Pères e
l'Église.
10.Voir . Réau, p.cit., . I/l,pp.156-171tE. Kirschbaum,p.cit., . I,col.423-434.
11. A.
Micha,
Note ur a date
de la
brancheb du
Roman e Renart
,
Romania,.
92, 1971, .
261
propose
omme
atation
1179-1180).
12. E. Martin
d.,
Strasbourg,
882,
r.
,
vers 313-2314.
13. bid.br.
,
vers
321-3212.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 56/164
52
M. PASTOUREAU
fois
remanié
et
transmis
l'Occident
par
l'Islam14-
ou bien une
allusion
à la couleur
héraldique
du
royaume
d'Angleterre.
a
mise
en
scène
d'un
«
jongleur
breton ne
pouvait,
aux
dires de certains
érudits,
ort
peu
au courantde la
signification
es
couleurs
en
héral-
dique
médiévale,
ue
l'associer
à la couleur
aune
(qui marquerait
es
origines
nsulaires
),
ou bien
s'expliquerait ar
la
composition
e cette
sous-branche
l'une des
plus
vivantes u Roman
truculente omme
un fabliau
-
dans le
royaume
anglo-normand,
ers la fin
du
règne
d'Henri
I
Plantegenêt.
areilles
hypothèses
e
résistent
as
à
l'analyse.
Non
seulement
e
jaune
n'est
en rien a couleur
héraldique
ou
emblé-
matique du royaume d'Angleterre c'est bien évidemment e rouge),
mais
il
est
patent ue
cette ouleur st ci choisie
pour
mettre n valeur
la ruse
du
goupil.
C'est du reste
ettemême
couleur
qui
prendra lace
sur l'écu
de Renart ors de son duel
judiciaire
contre
Ysengrin,
duel
conté
par
la branche
VI
du Roman Dans la
symbolique
médiévale
des
couleurs,
e
jaune
-
comme du
reste
e
roux,
sa forme
uperla-
tive
-
est
presque
toujours
associé
au
mensonge,
la ruse et à la
félonie15. rois vices
qui
sont la nature même de Renart
et
que
sa
transformation
assagère
en faux teinturiermet
pleinement
n exer-
gue.
Tout
teinturier st un
tricheur,
mais un faux teinturier
riche
encore
plus que
les autres.
Le vice ici devient n
quelque
sorte
expo-
nentiel.
Dans
une branche
plus
tardive,
a branche
XIII,
probablement
mise
en forme
vers
1240,
le
goupil,
de
plus
en
plus
diabolique,
se
teintnon
plus
en
jaune
mais en noir. Se faisant
appeler
Chufflet,
l
trompe
out
le
monde,
vole un baiser
à la
louve
Hersent,
rahit
on
complice
Rousseau
avec
qui
il
s'était venturé ans un
poulailler,
erne
les
chiens,
puis
finit
par
se faire
prendre.
Condamné à
être enfermé
dans
un
sac
et
eté
à
l'eau,
il ne doit
son salut
qu'à
son cousin
Grim-
bert
le
blaireau16.
Ici
encore,
a couleur
apparaît
comme un
déguisement,
ne fal-
sification,une substancediabolique qui permet ux animaux
-
etdonc aux hommes- de se faire
passer pour
ce
qu'ils
ne sont
pas
et de commettre
mpunément
outes ortesde
méfaits.Vices constam-
mentdénoncés
par
les
prélats
et les
théologiens ui,
tout au
long
du
Moyen Âge (et
même
bien
au-delà),
voient
dans les couleurs
trop
richesou
trop
séduisantes
des
parurestrompeuses
t un luxe inutile.
Fraus
et vanitas colorum
Opinion que
semble
relayer
'étymologie
médiévale
u mot color
pour
la
plupart
es auteurs mais
pas pour
14. U.
Leo,
Die
erste
ranchees Roman e Renart nach
til,
ufl>au,
uel-
lenund
influss
Göttingen,
917
U.T.
Holmes,
A
Possible
ource orBranch
of theRoman e Renart, Romaniceviewt.17,1926, p.143-146R. Bossut,Le Roman e Renart
Paris, 971,
.
41.
15.
On
me
permettra
e
renvoyer
ci à deux e mes rticles
«
Formest cou-
leurs
u
désordre
le
aune
vec e
vert
,
Médiévales
4, 1983,
p.
62-73,
t
«
Tous
les
gauchers
ont oux
,
Le
Genre
umaint.
16-17, 988,
p.
343-354.
16. E.
Martin
d.,
Strasbourg,
885,
ome
I,
branche
III
(Renart
e
Noir).
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 57/164
JÉSUS EINTURIER
53
Isidore17 ce mot doit êtrerattachéà la familledu verbe celare
cacher.
La
couleur c'est
ce
qui
cache,
ce
qui
habille,
ce
qui
dissimule
pour
mieux
tromper18.
Un métier
bien documenté
La
méfiance
ongtemps
uscitée
par
les
métiers
de la
teinturerie
mériterait
lle
aussi
de retenir
avantage
'attention
des
historiens
t
des
anthropologues.
ans l'Occidentmédiéval etteméfiance
'exprime
aussi bien dans le domaine des légendeset de l'imaginaire ue dans
la société véritable.
Et
les
sources,
écritesou
figurées,
ui permet-
traientd'étudier
pourquoi
et comment es métiers
ont des métiers
plus
ou moins
réprouvés,
ne
manquent pas19.
Les teinturiers
médiévaux,
n
effet,
nt
laissé
beaucoup
de tra-
ces dans les documents.
À
cela
plusieurs
aisons,
a
principale
enant
à la
place importante
ue
leur activité
occupe
dans la vie économi-
que.
L'industrie
extile,
n le
sait,
est la
grande
ndustriemotricede
l'Occident
médiéval,
et
toutes
les villes
drapières
ont des villes où
les teinturiersont
nombreux t
puissants.
Or
les conflits
y
sont fré-
quents qui
les
opposent
à
d'autres
corps
de
métiers,
notamment ux
drapiers, ux tisserands t aux tanneurs.Partout,l'extrêmedivision
du
travail et
les
règlements rofessionnels igides
réservent
ux tein-
turiers
e
monopole
des
pratiques
de
teinture.Mais les
tisserands t
les
drapiers,qui
n'ont
pas
le
droit de
teindre,
e font
quand
même.
D'où des
litiges,
des
procès,
et donc des
archives,
souvent
riches
d'informations
our
l'historien es
couleurs. On
y
apprendpar
exem-
ple qu'au Moyen Âge
on teint
presque toujours
le
drap,
très rare-
ment
le fil.
Parfois,
comme à Paris au
XIIIe
iècle,
les tisserands
btiennent
des autorités
municipales
u
seigneuriales
e
droitde teindre
ans
une
couleur nouvellementmise à la mode ou bien à partird'une matière
17.
Plutôt
ue
de rattachere mot olor la famille
u
verbe
elareIsidore e
Séville
réfère
e relier celle u mot alor. our
ui,
a
couleurstune umière
t
une haleurvant 'être nematièreColores
icti
unt
uod
calore
gnis
el ole
perficiunturEtymologiae
livre
IX,
chap.
7,
1).
18. Sur ette
mauvaise
éputation
e a
couleur,
ui
a traversées
iècles,
e
ren-
voie mes eux tudes
«
L'Église
t a
couleures
origines
la
Réforme
,
Biblio-
thèque
e
'École
es hartest.
147, 989,
p.
203-230
et
«
La
Réforme
t
a cou-
leur
,
Bulletine la
Société 'histoire
u
Protestantisme
rançais
t.
138, 1992,
pp.
325-342.
19.
Dans
on
tude Métiersicitestmétiersllicitesans
'Occident édiéval
,
republiée
ans e
recueil
our n utre
Moyen
ge
Paris,
977,
p.
91-107,
acques
Le Goffmentionnees einturiersarmiesmétiersils,méprisést nterditsux lercs
(p.
93).
Sur ux
pèse
e tabou e a saletétde
'impureté,
omme uresteurbon
nombre'ouvriersu textile ceux
ue
dans es villes
rapièresgitées
es
xive
t
xve
iècles
n
qualifie
arfois
'«
ongles
leus .
En
revanche,
erner
anckert,
ans
sonbel
ouvrage
nehrlicheeute. ie
verfemtenerufe
Bernet
Munich,963,
'en
fait ucunemention.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 58/164
54
M.
PASTOUREAU
colorante
usque
là
peu
ou
pas
utilisée.Ce
privilège
e la
nouveauté,
qui permet
de
contourner
tatuts t
règlements,
t
qui
souvent
nous
montre e
corps
de
métierdes
tisserands omme
bien
moins
conser-
vateur
en
ce
domaine) que
celui
des
teinturiers,
rovoque
naturelle-
ment a
colère de ces
derniers.
À
Paris,
la
reine
Blanche
de
Castille
autorisa vers 1230
les tisserands
teindre n
bleu
dans deux de
leurs
officines
n
utilisant
xclusivement
a
guède.
Cette
mesure,
ui
répon-
dait à une demande
nouvelle
de la
clientèle
our
cette
couleur,
autre-
fois
délaissée
et
désormais echerchée
nous
sommes
lors
en
pleine
«
révolution
bleue
»
-
provoqua
un
conflit
venimeux
ntre
teintu-
riers, isserands, utorité oyaleet autoritésmunicipales endantplus
d'un
siècle20.
Avec les
tanneurs
autres rtisans
uspects,
arce
qu'ils
travail-
lent à
partir
de
cadavres
d'animaux
-
les
conflitsne
portent
as
sur
le
tissu mais sur l'eau de
la rivière.
Teinturiers t
tanneurs n
ont
un
besoin
vital
pour
exercer
eur
métier.
Mais
il
faut
que
ce
soit
une
eau
propre.
Or
quand
les
premiers
'ont
souillée,
es
seconds ne
peu-
vent
plus
s'en
servir
pour
laisser macérer
eurs
peaux. Inversement,
lorsque
ces
derniers
ejettent
la
rivière
es eaux
sales du
tannage,
les
teinturiers e
peuventplus passer
derrière ux.
D'où,
ici
encore,
des
discordes,
des
procès,
et
donc
des
documents
d'archives.
À propos de cette mêmeeau de la rivière, es querellessembla-
bles
-
et souvent
violentes
opposent
es
teinturiers
ntre ux.
Dans
chaque
ville
drapière,
n
effet,
es métiers e
la
teinturerie
ont
stric-
tement
ompartimentés
elon les
matières
extiles
laine,
soie)
et
selon
les
couleurs
u
groupes
de
couleurs.Les
règlements
nterdisente tein-
dre une étoffe
u
d'opérer
dans une
gamme
de
couleurs
pour
laquelle
on n'a
pas
licence. Pour la
laine,
par
exemple,
si l'on
est
teinturier
de
rouge,
on ne
peut pas
teindre n
bleu et
vice
versa. En
revanche,
les
teinturiers
e
bleu
peuvent
parfoisprendre
n
charge
es
tons verts
et les
tons
noirs,
et
les teinturiers e
rouge,
la
gamme
des
jaunes.
Si
donc,
dans une
ville donnée, les teinturiers e rouge sont passésles premiers,es eaux de la rivière erontfortement
ougies
t les tein-
turiers
e
bleu ne
pourront
plus
s'en servir
vant un
certain
temps.
D'où des conflits
erpétuels
t
des
rancunes
ui
traversent
es
siècles.
Parfois,
comme à Rouen
au début
du
xvie
siècle,
es
autoritésmuni-
cipales
tentent
'établirun horaire
d'accès à
la
rivière
ue
l'on
inverse
20. Ce
privilège
ccordé
ar
a
reine
lancheux isserands
st
notamment
epris
par
e Livre es
métiers'Étienne
oileau
1268)
«
Quiconques
st
oisserans
Paris,
il
ne
puet
aindre
sa
maison e toutes
ouleursors
ue
de
gaide
mès
de
gaide
ne
puet
l
taindreors
ue
en
I
mesons.
uar
a
roine
lanche,
ui
Diex
bsoille,
otroiaue imestierses oissaranseustvoirI hostexsquex 'enpeustvreremestierse taintureriet de toissanderie
(Le
livre esmétiers'Étienneoileau
R. de
Lespinasset F. Bonnardot
d.,Paris,
879,
p.
95-96,
rticle
IX).
-
Sur
la
mode ouvellees tons
leus ans
'étoffet e
vêtement
la
fin
u xiie
t au
début e
xme
iècle,
e
renvoie,
n
attendantne
tude
lus
pprofondie,
mon
ourt
article Et
puis
vint e bleu
,
Europe
n°
654,
ct.
1983,
p.
43-50.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 59/164
JÉSUS
EINTURIER
55
ou modifie
haque
semaine,
fin
que
tour à tourchacun
puisse
béné-
ficier
des
eaux
propres21.
Dans certaines
illes
d'Allemagne
et
d'Italie,
la
spécialisation
st
poussée
plus
loin
encore
pour
une même
couleur,
on
distingue
es
teinturiers
'après
l'unique
matière
olorante
qu'ils
ont
le droit
d'uti-
liser.
À
Nuremberg
t à
Milan,
par
exemple,
ux XIVe
t XVe
iècles,
on
sépare
parmi
es
teinturierse
rouge
ceux
qui
emploient
a
garance
(
warantia
razza,
blatta),
matière
végétaleproduite
bondamment n
Occident
t d'un
prix
raisonnable,
e
ceux
qui
utilisent
e
kermès coc-
ciuti
granum, kernesinum),
matière
animale
importée
à
prix
d'or
d'Europe orientaleou du Proche-Orient.ls ne sont pas soumis aux
mêmes taxes
ni
aux
mêmes
contrôles,
n'ont
pas
recours aux
mêmes
techniques
ni
aux
mêmes
mordants,
ne
visent
pas
la
même
clientèle22.
ans d'autres
villes
d'Allemagne
Lübeck,
Erfurt,
Colo-
gne,
Augsbourg),
on
distingue, our
les tons
rouges
et
pour
les tons
bleus,
les teinturiers
rdinaires
Färber)
des
teinturierse luxe
(Schön-
färber).
Ces
derniers
mploient
des
matières
nobles et
savent
faire
pénétrer rofondément
es couleurs
dans les
fibres e
l'étoffe.
Ce sont
des tinctores
ujus
colores
optimi
atque
durabiles sunt13.
Cette étroite
pécialisation
es
activités e
teinture
'étonne
guère
l'historien
es couleurs.Elle
doit en
effet tre
rapprochée
e
cette ver-
sion pour les mélanges,héritéede la culturebiblique, qui imprègne
toute a sensibilité
médiévale.
es
répercussions
ont
nombreuses,
ussi
bien dans les
domaines
déologique
et
symbolique
ue
dans la civili-
sation
matérielle24.
êler,
brouiller,
usionner,
malgamer,
ont
sou-
vent
considérés
omme des
opérations
nfernales
arce
qu'elles
enfrei-
gnent
'ordre et la
nature des
choses
voulus
par
le
Créateur.
Tous
ceux
qui
sont
conduitsà
les
pratiquer
de
par
leur
tâches
profession-
21.
Jeremercie.
DenisHue
qui
m'a
communiqué
ette
nformation
irée u
manuscrit16de a
Bibliothèque
unicipale
e Rouen le
11
décembre
515,
es uto-
rités
municipales
tablissentn
«
horaire
d'accès ux
aux
ropres
e
a Seine
our
les teinturierseguèdebleu) t ceux egarancerouge).
22.
Grâce
ux
ravaux,
ncienst
nombreux,
ortant
ur
'histoire
e
'industrie
et du
commercees
draps,
es
matières
inctoriales
tilisées
ans
'Occident
édiéval
sont
ujourd'hui
elativement
ien onnues.
es
teinturiers,
n
revanche,
estent
es
personnages
ous-étudiés
contrairement
ux
marchands-drapiers
u
même ux
tisse-
rands).
'espèreouvoir
eur
onsacrer
rochainement
n
ouvragepart
ntière.
utre
leur
pécialisation
ar
ouleurs
t
par
matières
olorantes,
es
einturiers
e
distinguent
par
e textile
u'ils
raitent
laine
u
soie,
arfois
in
t,
n
talie,
oton)
t
par
es
procédés
e
mordançageu'ils
tilisent
teinturiers
de bouillon
,
qui
mordancent
fortement,
tteinturiers
de
guède
ou
«
de bleu
,
qui
ne
mordancent
as
ou très
peu.
Voir
F.
Brunello,
'arte ella
intura
ella toria
ell'umanità
Vicence,
968
E.E.
Ploss,
EinBuch
on lten
arben.
echnologie
er
Textilfarben
m
Mittelalter
6e
d.,
Munich,
989
et
pour
es
teinturesG. de
Pœrck,
a
draperie
édiévalen
Flandret en Artois. echniquetterminologieBruges,951, . , pp.150-198.23. R.
Scholz,
AusderGeschichtees
Farbstoffhandels
mMittelatter
Munich,
1929,
.
2 et
passim
F.
Wielandt,
as
Konstanzer
einengewerbe.
eschichte
nd
OrganisationConstance,950, p.
122-129.
24. M.
Pastoureau,
'étoffe
u
Diable.Une
histoire
es
rayures
t
des
tissus
rayés
Paris, 991,
p.
9-15.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 60/164
56 M.
PASTOUREAU
nelies
éveillent a crainte
ou la
suspicion,
parce qu'ils
semblent ri-
cher avec
la matière.
Eux-mêmes,
du
reste,
hésitent
se livrer
cer-
taines
opérations,
omme e
mélange
de deux
couleurs
pour
en
obte-
nir
une troisième.
On
juxtapose,
on
superpose
mais
on
ne
mélange
pas.
Avant le
XVe
iècle,
par exemple,
ucun
recueilde
recettes
our
fabriquer
es
couleurs,
que
ce
soit dans le
domaine de
la teinture
u
dans
celui de la
peinture,
ne
nous
explique que pour
fabriquer
du
vert
l faille
mélanger
du bleu et du
jaune.
Les
tons verts s'obtien-
nent
autrement,
oit à
partir
de
pigments
t de
colorants
naturelle-
ment verts
terres
vertes,malachite,
vert-de-gris,erprun,
ulne,
jus
de poireau), soit en faisantsubirà des colorants bleus ou noirs un
certainnombrede
traitements
ui
ne sont
pas
de
l'ordre
du
mélange.
Au
reste,
pour
les hommesdu
Moyen
Âge,
qui
ignorent
out
du
spec-
tre et de la classification
pectrale
des
couleurs,
e
bleu et le
jaune
sont deux couleurs
qui
n'ont
pas
le
même
statut,
qui
ne se
situent
pas
sur les
mêmes
axes ni
sur les mêmes
échelles de
valeurs
elles
ne
peuvent
donc
pas
avoir
un
«
palier
»
intermédiaire
ui
serait la
couleur verte25. t chez les
teinturiers,
es cuves de
bleu et
les cuves
de
jaune
ne se trouvent
as
dans les mêmes
officines
il
est donc
difficile
e
les
mélanger
u
de
plonger
uccessivement n
même
drap
dans les deux cuves
pour
le teindreen
vert.
Une
profession uspecte
Un autre fait de
sensibilité,
ur
lequel
les
métiers
e
la
teinture-
rie attirent 'attention u
chercheur,
oncerne
a
densité
t
la satura-
tion
des couleurs.L'étude des
procédés
echniques,
u coût
des matiè-
res
colorantes t du
prestige iérarchique
es
différents
raps
montre
que
les
systèmes
e valeurs e
construisentu moins autant
ur a den-
sité et la luminosité es
couleurs
que
sur leur coloration
proprement
dite.Une bellecouleur,une couleurchèreetvalorisante 'est une cou-leurdense, vive, umineuse,
ui pénètre rofondément
ans les fibres
du tissu et
qui
résiste ux effets
décolorants
du
soleil,
de
la
lessive
et du
temps.
Ces
systèmes
e
valeurs,
qui
donnent
priorité
la den-
sité sur la nuance et la
tonalité,
se retrouvent
ans
bien
d'autres
domaines où la couleur
est concernée les faitsde
lexique,
es
préoc-
cupations
morales,
es
enjeux artistiques,
es lois contre e
luxe.
J'y
ai
plusieurs
fois fait allusion ailleurs et
n'y
reviens
pas
ici26. Mais
chez le teinturier u
Moyen Âge
et
sa
clientèle,
omme
chez le
pein-
25. R.
Scholz,
op.
cit.,
p.
2-3,
onfirme
u'il
n'a
jamais
encontré
e recueil
allemande recettesestinéesuxteinturiersui expliqueraituepour aire u vertil faille
mélanger
u
superposer
u bleu t du
aune.
ur ette
uestion,
oir ussi
M.
Pastoureau,
ouleurs,
mages,
ymboles.
tudes
'histoiret
d'anthropologie
Paris, 989, p.
16-18.
26.
bid.,
pp.
24-39
t d.
«
Du bleu u noir.
thiques
t
pratiques
e
la cou-
leur la
fin
u
Moyen ge
,
Médiévales
14, 1988,
p.
9-22.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 61/164
JÉSUS EINTURIER
57
tre et
son
public,
il
est vraiment
ermis
de se demander
si
-
con-
trairement notre
perception
moderne es
couleurs un
rouge
saturé
n'est
pas perçu
comme
plus proche
d'un bleu saturé
que
d'un
rouge
désaturé. Priorité à l'axe de saturation ur celui de
coloration.
Cette
exigence
de la
couleur
dense,
de la couleur
qui
tient
color
stabilis),
st recommandée
ar
tous les recueils
e
recettes
estinés
ux
teinturiers.
'opération
essentielle n cette
matière st le
mordançage,
c'est-à-dire e recours à une substance
intermédiaire
tartre,
alun,
chaux,
vinaigre, rine)qui
a
pour
fonction e faire ntrer ette
matière
vivante,
ebelle
t
dynamique u'est
la
couleur,
dans ce
matériau
pai-
sible et maîtrisé u'est le tissu.Chaque textile, haque colorantexige
tel ou tel mordant.
Chaque
atelier
possède
en outre
ses habitudeset
ses secrets.Le savoir faire
s'y
transmet
ar
la
bouche et
par
l'oreille
plus que par
la
plume
et le
parchemin.
u
reste,
es recueils e
recettes
écrites,
qui
nous ont été conservésen assez
grand
nombre
pour
la
fin
du
Moyen
Âge,
sont
des documents
déroutants.Les
conseils
pra-
tiques y
voisinent vec les
considérations
ymboliques,
es mentions
de
quantité
t de
proportion
ont très
mprécises
t les
temps
de
cuis-
son,
de décoctionou de
macération,
arement
ndiqués.
Comme
sou-
vent au
Moyen Âge,
le rituel emble
plus important ue
le
résultat.
D'une manière
énérale,
ous
les
réceptaires,u'ils
s'adressent ux
tein-
turiers, ux peintres, ux médecins,aux cuisiniers u aux alchimis-
tes,
se
présentent avantage
omme
des textes
llégoriques
ue
comme
des
ouvrages pratiques.
Ils
possèdent
en commun
un
lexique
récur-
rent
notamment
es
verbes)
et mériteraient 'être
étudiés ensemble
comme un
genre
littéraire
ropre.
Cela
dit,
la teinturerie
édiévale
ait être
performante,
ien
plus
que
la teinturerie
ntique (même
si elle a
perdu
le
secretde la
pour-
pre véritable).
En
outre,
elle fait des
progrès
u
fil
des
siècles,
prin-
cipalement
dans les
gammes
des
bleus,
des
jaunes
et
des noirs. Seul
le vert
continue de faire
problème27.
Mais
pour
aucune
couleur
ni
pouraucuncolorant, lle ne saitobtenir coup sûr une nuancechoisieà l'avance. Elle sait s'en
rapprocher,
parvenir arfois,
mais ne
peut
affirmer vec
certitude vant la
fin
des
opérations
qu'il y
aura
réus-
site. Pour ce
faire,
l
faudra
attendre e
xviiie
siècle et le
développe-
ment de la
chimie industrielle t
des colorants de
synthèse.
avoir
fabriquer
vec certitude ne nuance
de couleur
choisie
à
l'avance
sur
un nuancier
onsituera
un
tournant ssentiel
ui,
à
partir
des années
1760-1780,
ransformera
apidement
t
profondément
es
rapports ue
l'homme occidental
entretient vec la couleur.
Avant cette
date,
les teinturiers
estent es hommes
mystérieux
et
inquiétants,
'autant
plus
craints
u'ils
sont
turbulents,
uerelleurs,
27.
Malgré
es mmenses
rogrès
aits ans a chimie escolorants
partir
u
xvme
iècle,
e
problème
esverts
extileseste 'actualitéout u
long
e
l'époque
modernet même e
l'époque
ontemporaine.
'estdans a
gamme
es
verts,
ant
en
peintureu'en
einture,
ue
'on
a
encoret
toujours
e
plus
de difficulté
our
fabriquer,
eproduire
t surtoutixera couleur.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 62/164
58 M. PASTOUREAU
procéduriers
t
secrets.
De
plus
ils
sont
sales,
portent
des
vêtements
maculés,
ont les
ongles,
e
visage
et les
cheveux ouillés.
Jusque
dans
leur
apparence
ils
transgressent
'ordre social
;
barbouillés des
pieds
à la
tête,
ils ressemblent
arfois
à
des histrions
ortis des cuves de
l'enfer.Au
début
du
XIIIe
iècle,
Jean de
Garlande,
grammairien oly-
graphe
qui enseigna
à Toulouse
puis
à
Paris,
a
compilé
un
Dictiona-
rius dans
lequel
il
décrit vec humour
es teinturiersux
ongles
peints,
méprisés
des
jolies
femmes
à
moins de
posséder
de
lourdes
espèces
sonnantes
et
trébuchantes,
ls
ont du
mal à trouverune
épouse
:
Tinctores annorum tinguntn rubea majore, gaudone et san-
dice.
Qua
de causa
habent
unguespiet
s
;
quorum
autem sunt
quidam
rubei,
quidam negri quidam
blodii. Et ideo
contemp-
nuntur mulieribus
ormosis
nisi
gratia
numismatis
ccipian-
tur2%.
Certains
einturiers,
n
effet,
euvent
faire fortune.
Mais ils
res-
teront
toujours
des
artisans,
mépriséspar
la
classe des
marchands,
à
laquelle
ils n'auront
amais
accès. Pour
l'idéologie
médiévale,
ce
sont deux mondes
différents,
olidement
loisonnés.
Les
artisans ra-
vaillentde leurs
mains,
pas
les marchands
qui
dans toutes es villes
- et plus encoredans les villes d'industrie extile cherchentons-
tamment se
distinguer
es
«
besoigneors,
ilains
et
gens
meschani-
ques
». D'où
ce
mépris
onstantdes
marchands-drapiers
our
les tis-
serandset les teinturiers.
'où
aussi la
longue dépendance
de
ces der-
niersenvers es
épiciers
t
les
apothicaires ui
les
approvisionnent
n
drogues
et en matières olorantes.
Quand
on
est
teinturier,
l
est dif-
ficilede
s'élever
dans la hiérarchieociale. Au
reste,
usqu'au
XIIIe
iè-
cle,
dans
plusieurs
villes
d'Occident,
notamment n
Allemagne
et
en
Italie,
cette ctivité st
parfois
e fait
d'artisans
uifs, qui
à la
méfiance
ou au
mépris que
suscite leur
profession ajoutent
la
marginalité
religieuse29. ette situation e retrouve ans les pays d'Islam, où lateintureriestune
occupationpeu
valorisante,ouvent aissée aux
juifs.
Sur
ces discriminations
ocio-professionnelles
'est
peut-être
ussi
greffée
ne
idée très
ncienne
ui
veut
que
toutes
es activités
n
rela-
tion avec le
fil,
'étoffeou le vêtement
oient
par
essence des activi-
tés féminines30.
our
les hommes
du
Moyen
Âge
se
place
évidem-
ment ci le modèle d'Ève
filant,
ymbole
du travail
féminin
près
la
28. A Volume
f
vocabulariesT. Wright
d.,
Londres,857,
p.
120-138.e
texte,
robablement
ne
œuvre e
eunesse
ans 'abondante
roduction
e Jean e
Garlande,
peut-être
té
ompilé
ers 218-1220.oirA. Saiani
t G.
Vecchi,
tudi
su Giovannii Garlandia,ome, 956-1963,vol.29. A.
Schaube,
andelsgeschichte
er omanischenölkeres
Mittelmeergebiets
bis
zum
Endeder
Kreuzzüge
Municht
Berlin,906,
.
585.
30.
Voir,
armi
ne
bibliographie
bondante,
e beau ivre e
Jacques
ril,
Ori-
gines
t
ymbolismes
es
roductions
extiles.
e
la toile tdu
fil
Paris, 984,
pécia-
lement
p.
63-71.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 63/164
JÉSUS
EINTURIER
59
Chute. Il est
possible
que pour
cette société fortement
misogyne, ui
voit souvent dans la
femmeun être
nférieur,
e modèle ait contri-
bué
à
dévaloriser
es
professions
iées
au textile.Dans le domaine des
teintures,
ne
tradition ncore attestée
l'époque carolingienne
ou-
lait
que
seules
les
femmes,
arce qu'elles
étaient
mpures
t
quelque
peu
sorcières,
achent
eindre fficacementles hommes
passaientpour
malhabiles ou
pour porter
malchance dans les
procédés
mis en œu-
vre
pour
ce faire.La Vita de saint
Ciaran,
évêque
irlandais
du
VIe
iè-
cle,
nous raconte
insi comment
orsqu'il
était
enfant,
a mère
e
fai-
sait
sortirde la maison
chaque
fois
qu'elle
devait teindreune étoffe
ou un vêtement la présencedu garçon auprèsd'elle auraitpu faire
tourner a teinture31.
Mutations
exicales et dévaluations
sociales
Les faits
de
lexique
confirmentn
partie
ce
regard uspicieux
u
méprisant
ue
les sociétés
occidentales ont
longtempsporté
sur le
métier
e teinturier.
n
latin
classique,
il
existe
deux
mots
pour
dési-
gner
cette
profession
tinctor
t
infector.
ous deux surviventn latin
médiéval,
bien
que
le second soit
désormais
plus
rare
que
le
premier.
Au fil des siècles,en effet,nfector directementssu du verbe nfi-
cere
imprégner,
ecouvrir,
eindre
-
se
charge
d'une connotation
dévalorisante
t
désigne
non
plus
le maître rtisan mais ses ouvriers
les
plus
humbles,
ceux
qui
nettoient es cuves
et évacuent
les
eaux
putrides
puis,
devenu
trop péjoratif,
e mot finit
ar disparaître.
e
verbe
nficere
ui-mêmene
signifie
lus
seulement eindremais aussi
altérer,
ouiller,
corrompre
et son
participepassé passif, infectus
prend
e
sens
de
puant,
malade,
contagieux.
Quant
au substantif
nfec-
tion
ui
en latin
classique
ne
désignait
ue
la
teinture,
l
exprime
ésor-
mais l'idée de
souillure,
d'ordure,
de
puanteur,
voire de maladie
(d'abord de l'âme puis du corps). Les auteurschrétiens nt beau jeude
rapprocher
oute cettefamille exicale du mot infernuml'enfer.
L'atmosphère
sale et nauséabonde
qui règne
dans l'atelier
du
teintu-
rier
infectorium),
insi
que
la
présence
de cuves et de chaudières t
les
mystérieusespérations
ui s'y
déroulent,
out cela suffit
our
faire
de ce
lieu une antichambre e
l'enfer.
Cette évolution
émantique, ui souligne
e
rejet grandissant
es
activités
de
teinture,
aisse
des traces dans les
langues
romanes.
En
français,
e
mot
infecture
pparaît
dès
la fin du
XIIe
iècle
et
désigne
à la
fois
la teinture
t l'ordure. Son doublet
infection
st
attesté u
siècle
suivant
avec les mêmes
significations
il
ne se
spécialise
dans
le sens de maladie qu'à l'époque moderne.Quant à l'adjectif infect
dont les
plus
anciennesmentions emblent
ater du début du
XIVe
iè-
31. W.
Stokes,
ives
f
the aints
rom
heBook
of
Lismore
Oxford,890,
pp.
266-267Je emercieaurenceobis-Sahel
e
m
avoir
ommuniqué
ette éférence.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 64/164
60 M. PASTOUREAU
cle,
il
qualifie
d'abord tout ce
qui
a une
odeur ou
un
goût ignoble,
puis prend
le sens de
putride,
malade,
contagieux32.
Le
verbe
teindre ui-même
n'est
pas
épargné. Déjà
en latin
clas-
sique
était
mise
en avant la
parenté
entre
tingere
teindre), ingere
(façonner,
sculpter, réer)
et
pingere peindre)33.
Chez
les Pères de
l'Église,
l'emploi
liturgique
e
tingere
n fait un
verbe
valorisant
t
valorisé il
désigne
'action de
plonger
dans les
eaux
du
baptême
et,
par
extension,
e fait de
baptiser.
Mais
par
la suite le
couple
tin-
gere/fingere
eut
être
pris
en
mauvaise
part
fingere
e
n'est
plus
seu-
lement réerou
façonner
vec
art,
c'est aussi
farder,
nventer
ausse-
ment,mentir et tingerepeut-être ar attraction honique,se charge
parfois
de la même dée :
maquiller,
dissimuler,
richer.
ette
parenté
entre es deux verbes
se
retrouve n
français
de teindre
feindre
la
distance
st courteet se
place
sous
le
signe
de la fraude t
du men-
songe.
Les
chroniqueurs
des
XIVe
et
XVe
iècles
emploient
ainsi
l'expression
teindre
a couleur
»
à
propos
de
quelqu'un qui
ne dit
pas
ce
qu'il pense, qui
dissimule
ses intentionsou
qui
change
d'avis34.
Dans les
langues germaniques,
e
tels
eux
de mots ne
sont
guère
possibles. Cependant,
en
anglais, l'homonymie
ntreto
dye
(teindre)
et to
die
(mourir)
deux verbes
que
l'orthographe
onfond souvent
jusqu'au XVIIIe iècle- sembleouvrir u champ sémantiquedu pre-
mier des
perspectives nquiétantes.
Le
vocabulaire confirme onc ce
que
laissent ntendre es
légen-
des,
les taxinomies ociales
et
les documents
d'archives
la
teinture-
rie,
dans les
systèmes
e
valeurs
médiévaux,
st une
activité
réprou-
vée,
qui passe pour
entretenir es
rapports
troitsd'un côté avec
la
saleté et
l'ordure,
de l'autre avec la fraude
t
la
tromperie.
'où sans
doute cette méticulosité xtrême vec
laquelle
les textes
réglementai-
res
organisent
a
profession.
Partout sont
précisés,
vec
une minutie
remarquable,
non
seulement es droitset les
devoirs
de
chaque
caté-
goriede teinturiers,es jours chômés, es horairesde travail, es lieux
d'implantation
ans la
ville,
e nombredes ouvriers t des
apprentis,
la
durée
de
l'apprentissage,
a
qualité
des
jurés,
mais
aussi
et
surtout
les couleurs et les étoffes
oncernées,
es matières olorantesautori-
sées
et
celles
qui
sont
interdites,
es
mordants
qui
doivent être
employés,
es conditions
d'approvisionnement
our
chacun
des
pro-
duits utiliséset les relations vec
d'autres
corps
de
métiers
u avec
les teinturiers es villes voisines.
Certes,
outes
es
précisions, rescriptions
t
interdictionsont fré-
32. A. Ernout t A.
Meillet,
Dictionnaire
tymologique
e
la
langue
atine
4e d., Paris, 979, .212, t Dictionnaireistoriquee la languerançaise,.Rey
dir., aris,
992,
ome
,
p.
1022.
33. Voir
par exemple
es
remarques
e
Varron,
e
lingua
atina
livre
VI,
chap.
6.
34.
G.
di
Stefano,
ictionnaire
es
ocutionsn
moyen
rançais
Montréal,
991,
p.
203.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 65/164
JÉSUS
EINTURIER
61
quentes
dans ce
type
de textes.On les retrouve
our
bon nombrede
métiers
usqu'en plein
XVIIIe
iècle. Mais
pour
les
teinturiers,
lles sem-
blent
plus
nombreuses t
plus
contraignantes
ncore,
comme s'il fal-
lait
absolument
ontrôler e
tous
côtés leurs activités
nquiétantes
t
pernicieuses.
a lecturedes
interdictions,
urtout,
st instructive. lle
atteste 'extrême ivision
du
travail,
'étroitesse es
spécialisations,
n
même
temps qu'elle souligne
a fraude a
plus fréquente,
onsistant
à faire
passer pour
solide
et durable une couleur
qui
ne l'est
pas,
soit
parce que
le
mordançage
a été
insuffisant, oit,
plus fréquemment,
parce
que
l'on a triché
ur es
matières olorantes n
utilisant es
pro-
duits bon marché au lieu de produitsplus chers que l'on fait néan-
moins
payer
u
client)
orseille u lieu de
garance tons
rouges),
brésil
au
lieu de
kermès
tons rouges
pour
tissus
de
luxe),
baies
diverses
u
lieu de
guède (tons bleus), gaude
au lieu de safran
tons aunes),
noir
de chaudière au lieu de noix de
galle
(tons noirs).
Saint noir et Christ blanc
Il
seraitfaux de croire
ue
les teinturiers
'Occident,
sûrs
de
leur
rôle
indispensable
ans l'industrie t le commercedes
draps,
n'aient
pas cherché corriger ette mage négativeque donnaientd'eux les
textes
réglementaires
t
les traditions
égendaires.
Bien au
contraire,
ils
ont
multiplié
es
gestespermettant
e
valoriser eur
profession.
À
commencer
ar
le
patronage
t la commande. Souvent
riches t
puis-
samment
rganisés, egroupés
n
confréries,
ls ont
beaucoup
fait
pour
mettre n scène leur saint
patron
Maurice.
D'origine copte,
celui-ci
est selon la tradition e chef d'une
légion
romaine
recrutée n Haute-
Égypte
mais
étant
chrétien,
l
refuse
de
sacrifier ux dieux
païens
et subit e
martyre
vec
tous ses soldats dans
la
région d'Agaune
en
Valais,
vers la
fin
du
IIIe
siècle,
sous
l'empereur
Maximien.
Maurice est à la fois le patrondes chevaliers t celui des teintu-riers. Ces derniers ont fiersde le
rappeler
t de faireconnaître on
histoire
par
la
peinture,
ar
le
vitrail,
par
des
spectacles
et
des
pro-
cessions de
toutes
sortes,
et
même
par l'héraldique.
Dans de nom-
breuses
villes,
e
corps
des métiers
e la
teinturerie
pour
figure
éral-
dique
une
image
de
saint Maurice. Dans de
nombreuses illes
égale-
ment,
comme à Paris dès la
fin
du
XIVe
iècle,
statuts
t
règlements
professionnels
nterdisentux
«
maistres
aincturiers,
uivant es ancien-
nes
bonnes
et
louables
coustumes,
de teniret avoir
leurs
ouvrouers
et
boutiques
ouvertes
e
jour
et feste de sainct
Maurice »35.
C'est
évidemment
a
peau
noire du
saint,
splendide
t
indélébile,
qui les pousse, dès le XIIIe iècle, à en faire eur saintpatron. Dans
l'image
et
l'imaginaire,
Maurice devait du
reste ettecouleur de
peau
moins
à
ses
origines
fricaines
u'à
son nom :
pour
la
société
médié-
35.
Paris,
Arch. at.
Y
6
/5,
f°
98.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 66/164
62
M.
PASTOUREAU
vale,
qui
cherchedans les mots la vérité
des
êtres
et
des
choses,
le
passage
de
Mauritius maurus st un
passage
obligé.
De bonne
heure,
Maurice
l'Égyptien
est donc devenu un
maure36.
Mais les teinturiers e
se
placent pas
seulement
ous la bannière
de saint Maurice.
Celle du Christ eur
est encore
plus
chère.
Dans
l'histoiredu
Sauveur,
ls retiennent n
moment
particulièrement
lo-
rieux
celui de la
Transfiguration,orsque
e
Christ
essuscité e mon-
tre
une dernière ois à ses
disciples
Pierre,
Jacques
et
Jean,
peu
avant
son Ascension. Entouré de
Moïse et
d'Élie,
il
leur
apparaît
non
plus
dans
ses habitsterrestres ais dans toute
sa
gloire,
le
visage
devenu
brillant omme le soleil et les vêtements lancs comme la neige»37.
Les teinturiersnt voulu voir
dans ces
mutations
e
couleursune
jus-
tification e
leurs activités t se sont
fréquemment
lacés
sous
la
pro-
tection ou sous le
patronage
de ce
Christ de la
Transfiguration.
ls
n'ont
pas
attendu
que
cette fête oit
rangée,
en
1457,
au
nombre
des
fêtesuniverselles e
l'Église
romaine
pour
la
célébrer
dès
le
milieu
du
XIIIe
iècle,
ils
commandent
es retablesou
bien font
représenter
des
mystères
montrant e Christ
ransfiguré
êtu de
blanc et le
visage
peint
en
jaune38.
Toutefois,
e
mécénat des
teinturiers
e
s'est
pas
limité à cette
image glorieuse
du Christ.
Parfois,
c'est le
Jésus de la
petite
nfance
qu'ils décidentde mettre n scène en faisantconnaître,notamment
par
le
vitrail,
'épisode
de
l'apprentissage
hez le
teinturier
e Tibé-
riade. Bien
que
transmis
ar
des textes
non
canoniques,
cet
épisode
est
plus explicite ue
le thèmede la
Transfiguration
t
se
greffe lus
directement
ur
leur
profession.
Plusieurs
gloses
sont
possibles,
cer-
tes,
mais l'essentiel st de
rappelerque
dans son
enfance e
Seigneur
a été teinturier d'où
l'immensehonneur
qui rejaillit
ur ceux
qui
le sont
après
lui
-
et
que
ce métier
ien à tort
déprécié
ui a
permis
de faire
des miracles.
On
oublie alors
l'interprétation
ronique
avan-
cée
par quelques
Pères
et
théologiens
t
qui
semble comme
une con-
damnationde cetteprofession quelle vanitépour un artisanque de
prétendre
avoir
changer
a couleurdes choses ce
pouvoir
extraor-
dinaire
appartient
Dieu
seul,
qui
l'exerce comme
il
l'entend et le
délègue
à
qui
lui
plaît.
École
pratique
des
hautes
études,
IVe
section
45-47,
rue
des Écoles
F-75005
Paris
36. Sur e
personnage
t a
légende
e saint
MauriceJ.Dévissé t M.
Mollat,
L imageu noir ans 'art ccidental.espremiersiècleshrétiensuxgrandesécou-vertes
Fribourg,
979,
.
,
pp.
149-204,
tG.
Suckale-Redlefsen,
auritius.erhei-
lige
Mohr.
The
black aint
Maurice
Züricht
Houston,
987.
37. Mat.
XVII,
1-13 Marc
X,
1-12
Luc
X,
28-36.
38.
É.
Mâle,
L'art
religieux
u
xiie
iècle n France
Paris, 922,
p.
93-96
L.
Réau,
op.
cit.,
ome
I/2,
pp.
574-578.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 67/164
JÉSUS
EINTURIER
63
Michel
Pastoureau,
Jésus
teinturier.
istoire
symbolique
et
sociale
d'un
métier
réprouvé.
Une
légende
ncienne,
ransmise
ar plusieurs
vangiles pocry-
phes
de l'enfance
du
Christ,
raconte comment e
jeune
Jésus,
placé
en
apprentissage
hez un artisan
teinturier,
ème
le
trou-
ble et le désordreen désobéissant son maîtreet en
se mon-
trant
ncapable d'apprendre
une telle
profession.
Toutefois,
un
ou deux miracles
ui
suffisent
our
rétablir a
situation t susci-
ter l'admiration
de
son
entourage.
L'étude
de cette
égendepermet
'attirer
'attention ur e
métier
de teinturier,ongtempsmal considéré, inonréprouvé, ans les
sociétésoccidentales.
arce
qu'ils changent
a
couleur des
draps,
parce qu'ils
transformenta
matière,
parce qu'ils
semblent
e
livrer des
opérationsdiaboliques,
les
teinturiers comme es
forgerons
suscitentméfiance
t
peur.
En
outre,
dans
les
vil-
les
drapières,
ls sont en conflit
permanent
vec
d'autres
corps
de métier t
avec une
partie
de
la
population,
qui
leur
reproche
d'empuantir
'air
et
de salir les eaux de la
rivière.
Enfin,
on
leur
fait
grief
d'enfreindre
réquemment
es
règlements
t de
tromper
a clientèle n faisant
passer pour
denses et
solides des
couleurs
égères
t instables.Tant en latin
que
dans les
languesvernaculaires, l y a synonymie ntre teindre t feindre.
Jésus
-
Métier
-
Teinture
-
Couleur
-
Fraude
Michel
Pastoureau,
Jesus
the
Dyer
An
old
legend,
ransmitted
y
several
ApocryphalGospels
trea-
ting
of
Christ's
childhood,
ells
how the
young
Jesus,
placed
as
an
apprentice
o a
dyer, spreads
trouble and
disorder
by
diso-
beying
his master nd
proving
imself
ncapable
of
learning
uch
a
profession.
owever,
y performing
few
miracles,
esus
rings
the situationback to normal and arouses the
admiration f his
entourage.The study f this egendbrings ttention o the craft
of the
dyer,
ong
ooked
upon
with
disapproval,
f
not with on-
demnation,
n
western ocieties. Because
theychange
the color
of
fabrics,
because
they
transform
material,
nd because
they
seem to
engage
in
diabolical
operations,
the
dyers
-
like the
blacksmiths
gave
rise to distrust nd fear.
Moreover,
n
the
textile
owns,
hey
were n
constant onflictwithother
radesas
well
as
with
part
of the
population,
which ccused themof
con-
taminating
he air and
soiling
he river
waters.
Lastly,
they
were
suspected
f
frequently reaking
he
rules and
cheating
he
cus-
tomers
byworking
with nferior nd
unstable
dyes
in
place
of
fast and solid colors. In Latin as well as in thevernacular an-
guages,
here s
synonymity
etween
ingere
nd
fingere by
a
play
on words
in
English,
one could
say
that
to
dye
means
to
lie).
Jesus
-
Craft
-
Dyer
-
Color
-
Fraud
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 68/164
Médiévales9,automne995, p.65-82
Odile BLANC
HISTOIRE DU
COSTUME
:
L'OBJET INTROUVABLE
S'agissant
du
textile,
du costume ou de la
mode,
la
production
éditoriale,
outes
catégories
onfondues
t à
l'heure où la
lecture
asse
pour
une activité n voie de
disparition,
st
véritablement
mpression-
nante. Dernier en
date,
un
Livre de la soie
1
qui
se
présente
omme
un
panorama
mondial
-
une
«
tapisserie
dit
l'auteur
-
des
usa-
ges
et
manipulations
e
cette fibre
d'exception.
On
y
trouveen
effet
un
état
complet
des connaissances
ctuelles
sur le
sujet,
assorti
d'un
lexiquedes termes echniques,d'une bibliographie t de conseils aux
collectionneurs.
outefois,
et
ouvrage
est
absolument
ierge
de
toute
note,
dont
le
but,
comme 'on
sait,
est de faire
connaître t
par
con-
séquent
de rendre
ccessibles
u lecteur
es sources
utilisées,
u
moyen
d'un
complément
'information
ui
donne à la
publication
on carac-
tère
«
scientifique
.
En
l'occurrence,
et
apparat critique
eût
trans-
formé
e travail en
ouvrage
de référence.Au lieu
de
cela,
le lecteur
éprouve
une certaine assitude
relire es mêmes
récitsde
fondations,
privés qui plus
est
de
références,
t à voir
des
images
dont
il
ignore
le lieu de conservation t
parfois
la
provenance.
Voici un
«
beau
livre
»
comme
il
en
existe
déjà, qui
fait
regretter
ne fois de
plusl'absence de travauxvéritablement ovateurs et critiquesdans un
domaine finalement
eu exploité.
L'article de Lisa
Monnas,
publié
dans
le
très
technique
Bulletin
du Centre nternational 'Études des
TextilesAnciens
,
ne
bénéficie
pas
du même
habillage
éditorial.
l
s'interroge
ur la
provenance
de
l'étoffed'un vêtement
élèbre,
onservé u
Musée des Tissus de
Lyon
et attribué Charles de
Blois,
héros malheureux e la
guerre
de suc-
cession de
Bretagne
t tué à la bataille
d'Auray
en 1364. Sur
ce vête-
ment très
controversé,
evendiqué
ncore,
en
1951,
comme une reli-
que
bretonne,
n
n'apprend
rien de nouveau.
L'auteur,
limitant
on
1. P. Scott,TheBook fSilkLondres,993,raduitfortmal) nfrançaisar
Patricia uraver
our
es éditionse
l'Imprimerie
ationale.
2. L.
Monnas,
TheCloth
fGold f the
ourpoint
fthe
Blessed harlese
Blois a
pannus
artaricus
»,
Bulletinu
CIETA
n°
70,1992,
p.
116-129,
vec ne
analyse
echniquear
Gabriel ial.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 69/164
66
O. BLANC
intérêt u
seul
tissu,
rappelle implement
es
«
faitsconnus
»
tels
que
les a rassemblésLouis de
Farcy
dans une étude
publiée
au début
de
ce
siècle3 et
reproduite
ci ou
là,
sans aucun
regard critique
ni
élé-
ment nouveau4.
Ces
exemples,
malheureusement
on
exhaustifs,
émoignent
n
premier
ieu de la résistance enace
au travail
pluridisciplinaire.
tti-
tude sidérante i l'on
songe qu'un
travail sur la
soie,
par
exemple,
nécessite es
connaissances
historiques,
echniques
t
linguistiques
rès
vastes,
compte
tenu de la
multiplicité
es sources et
des
civilisations
concernées
ar
un
tel
sujet.
De
même,
l
semble ller de
soi
que
l'étude
de l'étoffed'un vêtement oit présentée ommecomplémentaire'un
travail sur le vêtement ui-même
u/et sur ce
type
de
vêtements n
général.
En
second
lieu,
ils attestent u
succès
amais
démenti
d'une
histoire u costume
u'il
faut
bien
qualifier
'archaïque,
eu
égard
aux
travaux
qui
ont tenté d'en reformuler
es
approches5.
Force nous est de
constater,
ujourd'hui,
combien
ette
discipline
identifie
onnaissance
t
perception,
u
point
de
se méfier e tout
dis-
cours sur
l'objet,
immédiatement
uspect
de
déguiser
a
«
réalité .
Françoise
Piponnier,
ors d'un
colloque
international
ur
«
la culture
matérielle
6,
définit
insi
étroitement,
ar
élimination,
e
champ
de
l'histoire
du
costume. Ce sont tout
d'abord
«
la
littérature
pique
ou
la fiction omanesque dont on craintqu'elles « ne décrivent, par-
tir
de détails
vrais,
mais hors
de
leur contexte t de
leurs
proportions
réels,
une situation
purement
maginaire
ù se donnent
ibre cours
rêveries t
phantasmes
ollectifs
...]
Tout
aussi
suspects
de
partialité
sont les textes
atiriques
u
moralisateurs
...]
On
n'utilisera
pas
non
plus
ici
systématiquement
es documents
narratifs
qui]
partagent
es
défautsdes textes ittéraires tout en demeurant
utiles
car
les des-
criptions
des
manifestations
ubliques [...] y
sont
précises
et
détail-
lées ».
Il
convient
nfin
de
se méfier
es
représentations
igurées,
ou-
jours plus
ou
moins
«
stéréotypées
.
En
définitive,
'est tout le
domaine de la représentation,ui recèle a manièredont les contem-
3. L.
de
Farcy,
e
pourpoint
e Charles e Blois
collection.
Chappée,
e
Mans, anderitter,
.d.
1907 ).
Cettetude été
nouveau
ubliée
n 1911
Angers,
chez
Grassin,
ans es llustrations.
4.
Il
y
en ura
eut-être
ans
a
monographie
ue
Karen
Watts
répare
ur
'armure
conservéeans e Trésore a cathédralee
Chartres,
rès
roche
u
vêtemente
Lyon.
Pourma
part,
e
travaillen ce momentur es
pièces
e ce
«
dossier
passionnant
et sur a
longue
radition
istoriographique.
5. Pionnieru
genre
n France t
toujours
timulant
our ui
entreprend
ne
réflexionérieuseur e
sujet,
es
travauxe Roland
arthes,
inalement
eu
ités t
encore oinsuivis
«
Histoiret
ociologie
uvêtement.
uelques
bservations
étho-
dologiques
,
Annales SC
1957,
p.
430-441.
d.,
Le
système
e
la mode
Paris,
1967.J'avais roposé,ans epremieruméroesCahiers uLéopard 'or 1989),unbilan
istoriographique
esdifférentes
pproches
u
phénomène
estimentaire,
u'il
conviendraite mettre
jour.
6. F.
Piponnier,
Le
costumeobiliaireans a
France u bas
Moyen
ge
,
dans
Adelige
achkultures
pätmittelalters
Krems,
2-25
eptembre
980,
p.
343-363
(Österreichische
kademieer
Wissenschaften,
hilosophisch-Historische
lasse).
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 70/164
HISTOIRE
DU COSTUME
67
porains
ont
objectivé
eur
rapport
u
paraître,qui
se trouve
écarté.
Ainsi
présentée,
'histoiredu costume
reste attachée
à
un
projet
de
restitution
u
passé,
à
travers a reconstitution
es
objets
d'un
ves-
tiaire dont la
matérialité,
omme
'aimerais
le
montrer ci au vu
de
quelques exemples,
est
par
nature nsaisissable.
L'illusion
descriptive
Parmi la
masse
de
documents oncernés
par
le
phénomène
vesti-
mentaire, 'inventaire ccupe une place de choix. Il permet n effet,
en un lieu et
pour
une
période
donnés,
de connaître
es
commandes
en matière e vêtements 'une maison
princière
u d'un
milieu e
plus
souvent isé. Nombre
de travaux
ont été consacrés au
dépouillement
de
comptes
et
d'inventaires,
fin de mettre n évidence
es choix
ves-
timentaires t les
goûts
d'une société7.
Le textede
l'inventaire
onsigne ar
écrit
es
caractéristiques
'un
objet
effectivementéalisé
pour
une
occasion
précise.
Ainsi,
le duc
de
Bourgogne Philippe
le
Hardi,
«
pour paroistre
vec
honneur à
l'entrée à
Paris
de la
nouvelle reine de France
Isabelle de
Bavière,
se
fit faire
«
un
pourpoint
de veluau vermeil
arni
de
plusieurs
pieces
d'or
férues
en
estampes
en
guise
de
losanges
et
quarrés.
Il
y
avoit au demi
corps
de ce
pourpoint
n haut
quarante
brebis
et
quarante cygnes
de
perles chaque
brebis avoit une sonnette
pendue
au
col,
et
chaque cygne
n
tenaitune au
bec.
Ce
pour-
point
avoit
soixante-dix-huitleurs 'or
esmaillées
e
rouge
clair.
Un autre
pourpoint
de
veluau vermeil out de
brodure e demi
corps
en haut
estoit ouvert e
perles.
l
y
avoit
quarante
soleils
d'or
à ce
pourpoint
t
quarante-six
leurs 'or
esmaillées
e
bleu,
et en chacune fleur une clochetted'or en façon de margue-rite 8.
Le
responsable
e la
garde-robe
numère ncoredeux
autres
pour-
points
de
velours,
pareillement
rnés de
perles
et de
pierresprécieu-
ses,
que
le duc se fit faire
pour
la même
occasion.
Le textede l'inventaire
rocède
à une
description
minutieuse e
l'objet
-
les motifs des
broderies,
a couleur
des
pierres
et de
l'étoffe dans le dessein voué d'identifier
récisément
es
pièces qui
relèvent 'une
responsabilité
articulière,
elle du
valet de
chambre
qui
est
aussi,
dans
ce
cas, orfèvre,
'où
sans
doute la
précision
des
7.
Dernièrement,
e ivre
'Agnès age
ntituléêtire
prince.
issustcouleurs
à la cour
e
Savoie
1427-1447),
ausanne,
993
Cahiers
ausannois
'histoireédié-
vale
8).
8. Cité ans tinérairese
Philippe
e Hardi
tde
Jean ans eur ducs e
Bour-
gogne
1363-1419
,
E.
Petit
éd.,
Paris,
888,
.
530.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 71/164
68
O. BLANC
termes
mployés.
Clairement
édigé,
omme c'est ici le
cas,
il
permet
d'évaluer a valeur
marchande,
t
peut
s'avérer
rèsutile
orsqu'il
s'agit
de
reconnaître ne
pièce
volée. Tout
entier
dévoué
à
l'extériorité
e
ce
qu'il
recense,
'inventaire ivre a
priori
une
matérialité
ue
l'his-
toire du
costume,
soucieuse de
distinguer
es
formes
t
d'en
décrire
l'évolution,
a
toujours
valorisée.
Dans bien des cas
cependant,
e
détail ne nuier it-il
pas
à la
com-
préhension
e l'ensemble
Reconnaissons n
effet,
ans cet
exemple,
que
si
les
broderies,
erles
et
pierresprécieuses
nt
aujourd'hui,
peu
ou
prou,
la même
acception qu'au
XIVe
iècle,
le
pourpoint
qui
les
supportea gagné en opacité. Or ce vêtement, videmment amilier
aux
contemporains
u
rédacteur,
st
simplement
onné
dans
son
appel-
lation
spécifique.
Seules ses
caractéristiques
echniques
t
plastiques,
qui
le
qualifient
d'une manière
plus
circonstanciée
t
l'authentifient
aux
yeux
de
son
propriétaire,
écessitent ne
description
articulière.
De sorte
que,
dans ce
cas
précis,
'ornementation
u vêtement
ous
demeure familière
lors
qu'il
nous est difficile
e
visualiser elui-ci.
Par
ailleurs,
nous
ignorons
out
de la manière
dont étaient
por-
tés ces vêtements. ous
sont associés
à
la même
cérémonie,
'entrée
de la reine à
Paris. Sont-ilsréservés des
moments
particuliers,
u
bien le
duc en use-t-il son
gré,
dans
une
démonstration
stentatoire
de sa richesse comme de son élégance? Avec quelles autrespièces
sont-ils
ortés
Quelle
place occupent-ils
ans l'échelle
de valeur
sthé-
tique
du
paraître
urial
?
L'inventairene
nous
permet
pas
de
répon-
dre à ces
questions.
C'est dire
si
la
réalité à
laquelle
nous
sommes
cependant
confrontés
nous
demeure
nconnue.
L'opacité
de la
terminologie ontemporaine ui
résultede la lec-
ture
des inventaires ous met ainsi en
garde
contre
'illusion
descrip-
tive. L'inventairene
décrit
que pour
rendre
perceptible,
t
singulier,
un
objet
connu des
contemporains.
ette
description
orte
donc
moins
sur
la nature de
l'objet que
sur ses
particularités.
ous
qui
sommes
d'un autre
temps,
comment
pourrions-nous rétendre onnaîtreunobjet au vu de quelques-unesde ses déclinaisonsornementales, ui
ne constituent n aucun
cas ses
propriétés
ntrinsèques
Les brode-
ries de
perles,
à
l'évidence,
ne sont
pas
réservées ux
pourpoints.
En
revanche,
e fait
que
ces vêtements
uissent
bénéficier es
matériaux
les
plus précieux ndique
a faveur ont
ls
ouissaient
uprès
de
l'oncle
du roi de France
Charles VI. Dans
bien
des
cas,
l'ensembledes
pra-
tiques
réglementant'usage
d'un
vêtement uvre
ainsi des
perspecti-
ves
plus
éclairantes
ue
la seule restitution
'une chose dont la
com-
préhension
st bien souvent
problématique.
L'illusion nominale
Pour
autant,
'inventaire
résente
n
intérêt
émantique
ndénia-
ble,
qu'il partage
avec bien
d'autres documents
crits.Mais
les mots
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 72/164
HISTOIREDU COSTUME
69
donnés aux choses
engendrent
ouvent ne
polysémie
éroutante. 'est
ainsi
qu'en
consultant
iversdictionnaires t
histoires u costume
qui
font
aujourd'hui
autorité,
on aura
quelque
difficulté
comprendre
quel
vêtement
l
convient
d'appeler pourpoint
compte
tenu
de la
variété des vêtementsmasculins à
une
certaine
époque.
Au cours du
XIVe
iècle en
effet,
de
nombreux
documents on-
servés ttestent 'un
engouement
ouveau,
généralisé
l'ensemblede
l'Europe,
pour
des
vêtements
e
type
militaire, ourts,
troits t rem-
bourrés
au niveau du
buste,
portés
comme
des
vêtements
e
dessus
à
part
entière
t
revendiqués
omme
tels
par
les
plus
grands
eigneurs
jusqu'au début du XVe iècle9. Ces habitscourtsreçoivent ependant
des
appellations
diversesdont
l'usage
n'est
pas
toujours
clairement
défini.
Viollet-le-Duc,
ue
l'on
peut
à bon droit
considérer omme le
père
de l'histoire du
costume10,
date le
pourpoint
de la fin
du
XIIIe
iècle,
mais considère
u'il
n'accède
à
l'existence
et
par
con-
séquent
à
l'histoire
-
que lorsqu'il
est un
vêtement
légant,
porté
par
les
jeunes gens
aisés du
XVe
iècle. De
fait,
es
quatre
représen-
tations
figurées
ui
lui servent
'exemples pour
étayer
on
point
de
vue
appartiennent
outes à la
seconde moitié du
siècle,
de
sorte
que
ce vêtement st
inévitablement
ssocié,
dans
l'esprit
du
lecteur,
à
l'habit courtmasculinde cettepériode. On remarquetoutefoisdes
différences ensibles
qui
tiennent
ompte,
de
toute
évidence,
du sta-
tut
social
du
porteur
le
pourpoint
la carrure
ccentuéeet aux lar-
ges
manches
du
jeune
gentilhomme
st bien
éloigné
de
celui,
beau-
coup plus près
du
corps
et à
manches
étroites,
des
«
gens
de
petit
état
»
11
.
Jules
Quicherat,
dont le manuel est
également
ouvent
sollicité
de
nos
jours,
définit e
pourpoint
omme
une sorte
de
«
justaucorps
rembourré
12,
ppelé parfois
gipon.
Ce
vêtement ourt et
étroit,
ue
le
rembourrage
u
buste
désigne
plutôt
comme une
pièce
militaire,
se portesous un jaque ou une aquette vêtement galement ourt etétroit. L'auteur met l'accent, à
juste
titre, ur un
changement
ro-
fond des habitudes
vestimentaires
«
une révolution
adicale
»), qui
substitue l'ancienne
superposition
e deux
vêtements
ongs,
a cotte
et le surcot la nouvelle
combinaison
ourpoint
jaque. Cependant,
l
ne
distingue as
clairement es deux
pièces, qui
paraissent
fort
em-
blables à la lecturede
son
propos.
On
peut juste
supposer,
sans
en
avoir la
confirmation,
ue
le
jaque
est
dépourvu
de
rembourrage.
9.
La meilleureise u
point
ur estransformations
st
ujourd'hui
'ouvrage,
malheureusement
eu
courant,
e Stella
Mary
Newton,
ashionn the
ge of
the
Black rince
Woodbridge,
982.
10. E. Viollet-Le-Duc,ictionnaireaisonnéumobilierrançaise l'époque
carolingienne
la Renaissancevol. et4 :
Vêtements,
ijoux
e
corps,
bjets
e
toi-
lette
Paris,
872-1873.
11. bid. vol.
4,
p.
112,
ig.
et 4.
12. J.
Quicherat,
istoire
u
costumen
France
epuis
es
emps
es
lus
eculés
jusqu'à
a
fin
du
xviii*
iècle, aris,
875.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 73/164
70
O.
BLANC
La
publication,
n
1929,
d'une étudeconsacrée ux vêtements
or-
tés
par
Jeanne d'Arc lors
de
son
arrestation
3
apporte
des
éclaircis-
sements
ttendus u
sujet
du
pourpoint.
Dans cet
ouvrage
qui
détaille
toutes
es
pièces
vestimentairest en
donne le
patron,
e
pourpoint,
du moins dans
les années
1425-1430,
st ce vêtement ourt et
étroit
porté
directementur
la chemise. C'est
donc le
premier
êtement e
dessus
à
proprement
arler,
a chemise
étant
longtemps
onsidérée
comme
un vêtement
e
dessous
faisant
partie
du
linge.
l
est caracté-
risé
par
un fort
rembourrage
u
buste
au
moyen
de
plusieurs pais-
seurs
piquées
ensemble,
uivant un
procédé identique
à
celui utilisé
pour les couvertures matelassées , qui lui donne son nom. Une
variante rès
répandue,
ue
l'on
peut
observer
ujourd'hui
sur
'exem-
plaire
conservé
Lyon,
consiste
dans la
précision
de
l'ajustement
des
manches
au
moyen
d'emmanchures rès échancrées 4.
Ce vêtement
est encore
appelé gipon,
doublet
jupe
15
.
Aujourd'hui
cette
opinion
est
largement artagée,
mais une cer-
taine
confusion
règne
encore
quant
à
l'usage
du
jaque
et/ou de la
jaquette.
FrançoisePiponnier, eprenant
ne définition
lus
ancienne,
définit
e
jaque
comme un vêtement
ourt et
ajusté,
à la fois civil
et
militaire,
n
vogue
sous
Charles
VI
et Charles
VII. La
jaquette
ne s'en
éloigne
que
par
sa
longueur16.
rançois
Boucher,
quant
à
lui, distingue ettementaque et aquette. Le premier stun vêtement
militaire
ourant aux
XIVe
et
XVe
iècles,
tel
qu'on
en voit
dans le
manuscrit es
Grandes
Chroniques
de France réalisé
pour
Charles
V
vers
1375. La seconde
est
un vêtement
ivil,
«
dérivé
du
précédent
et
porté
essentiellement
ar
les
paysans,
à
qui
il
valut le surnom de
Jacques
11
Il
est
possible
qu'au
termede
cette
enquête,
e lecteur it encore
des
doutes
quant
à la naturedu
pourpoint,
t ne soit
qu'incomplète-
ment satisfait
l'idée
qu'un
vêtement
uisse changer
de formetout
en conservant on
appellation
première,
u au
contraire
ubir des
modificationsinguistiquesans que sa configurationn soit structu-rellement ffectée18. n
peut
être
également
urprispar
l'utilisation
13.
A.
Harmand,
eanne
'Arc,
es
costumes,
on armure
Paris,
929.
14.
l
faut
ependantignaler
ue
e
pourpoint
e
Lyon
st ctuellementaté e
la
fin
u
xive
iècle,
t sansdoute
st-il
lus roche
es nnées 380
ue
de 'année
de a mort e
Charlese Blois
1364),
lors
ue
e
pourpoint
écrit
ar
A. Harmand
est itué utour
e 1430. ela
fait n
décalage,
roblématique,roche
u demi-siècle.
15. Ce dernier
erme
esigne,
ommee décrit
u
Cange,
n vetement
ong
t
ample
ans a
partie
nférieure.ommen
e
suggérera
i-après,
a
longueur
'est
eut-
être
as
a
caractéristique
ssentielleu
pourpoint,
ontrairement
l'opinionépandue
en a matière.
16. F.
Piponnier,
ostume
t vie ociale. a
cour
Anjou
iv-xve
ieclesParis-
La Haye, 970.
17. F.
Boucher,
istoireu costume
n Occident
e l
Antiquité
nos
ours
Paris,
965. ette
ssertion,
onnéeans
éférence
ontemporaine,ppartient
ani-
festement
l'auteur.
18. Constatation
aite
ar
F.
Boucherans
'introductionsonHistoire
u cos-
tumemais
rivée
e
questionnement
éthodologique.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 74/164
HISTOIREDU COSTUME 71
du modèle de l'évolution des
espèces appliqué
au
phénomène
vesti-
mentaire,
omme
si le
vêtement,
abriquépar
l'homme,
subissaitune
sorte
de loi
génétique
propre19.
l
est
enfin
curieux
que
les auteurs
se soient si
peu préoccupés
d'identifier
récisément
es
amateurs de
pourpoints,
out en
reconnaissant
'importance
du
statutdu
porteur
pour l'usage
vestimentaire
roprement
it.
Consultera-t-ones
spécialistes
e la
langue
française,
t en
pre-
mier ieu Du
Cange
? Première
urprise
il
n'y
a
pas
d'article
pour-
point
»
dans
le Glossarium d
scriptores
mediœ et
infimœ
atinitatis.
On
trouve
cependant
d'autres termes e référant u même
genre
ves-
timentaire,t les textes ités,allant du XIeau xviesiècles,soulignent
effectivement
'évolution
inguistique
e cette
pièce
principale
du
ves-
tiaire masculin
usqu'à
l'époque
moderne.
Gambison
est le terme
e
plus fréquemment
ité
depuis
e
XIIe
iè-
cle environ.
l
désigne
un vêtement ait de laine
feutrée,
ortement
rembourré
t
piqué
de
façon
à
protéger
e
corps
des blessures de
l'armure comme des
coups
extérieurs. C'est donc un
vêtement
militaire20,
orté
sous
la
cuirasse,
ui
est
donné comme
synonyme
e
pourpoint
dans des textes
bien
postérieurs.
es statuts
es
«
armoiers
coustepointiers
de
Paris,
pour
l'année
1296,
parlent
ncorede
cot-
tes
gamboisées.
Le terme
e réfère onc
à
un
rembourrage
e
l'étoffe
davantagequ'à une formevestimentairearticulière,e qui explique
sans doute sa
longévité.
Un autre terme
pparaît plus
tardivement
our
désigner
n vête-
ment
ourt t
étroit,
évèrement
ugé par
les
textes
égislatifs
ais dont
l'usage,
militaire
u
civil,
n'est
pas
clairement
éfini.
l
s'agit
du
gipo
ou
gipon
synonyme
e
porpoent qui
est
employé
couramment
ans
les
langues
françaises
t
anglaises
à la
fin du
Moyen
Age.
Au
plus
fort de
la
guerre
de Cent
ans,
l'impact
de ce terme
n'est
guère
sur-
prenant,
t c'est finalementette
ppellation ui passera
à la
postérité.
La lecture e Du
Cange
montre insi
que
l'unanimité utour
d'un
terme, ardif ui plus estet attesté ans deux langues,ne sauraitfaireoublier les
synonymes
t variantes ocales redécouvertes
ar
la fré-
quentation
des
textes
contemporains.
lle met
aussi en
évidence a
caractéristique
ssentielle e ce
genre
vestimentaire,
ui
réside
dans
une
disposition articulière
e
l'étoffe,
ouvant
concerner
es
formes
diverses,
comme en
témoignent
es termes de
cotte
gamboisée
ou
encore
houppelande
gamboisée
1
. On en
conclura
que
le
pourpoint
19.
Décrireesmodificationses
pièces
estimentairesans es
mêmes
ermes
ue
l'évolutiones
spèces'impose,
e toute
vidence,
ans es
ouvrages
e
vulgarisation.
Ainsi onstate-t-ones
hangements,lutôtue
d'en
prendre
a
mesuret d'en
om-
prendre
es conditions.
20.Auquel iollet-le-Duconsacregalementn ongrticleanse vol.5de sonDictionnaireréservéu costume ilitairet aux
armes,
p.
437
sq.
21. La
houppelande
stun
vêtement
ong
t
plutôt
mple,
rès n
vogue
hez es
hommes
mais
ussi es
femmes),
utour
e 1400.
ertaines'entre
lles
ossèdent
n
effet,
u-dessuse a
partie
nférieureu*
orps
vasée,
n
buste embourré
dentique
à celui es
pourpoints.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 75/164
72
O. BLANC
est un « vêtement
point
»
parmi
d'autres,
dont la
fortune,
amais
démentie urant
'époque
moderne,
rouve
on
origine
ans son
adop-
tion
comme vêtement
légant,
au
cours du
XIVe
iècle.
L'étude
de
la
terminologie,
e
ses
emplois
et de
ses
occurrences
dans des textes
variés,
permet
insi
d'évaluer la
richesse
émantique
d'une
chose,
souvent évélatrice e sa
place
dans le
système
e
valeurs
et
l'imaginaire
d'une
société. Ce
travail,
ong
et
parfois
fastidieux,
est essentiel
à la
pratique
de
l'histoire du
costume
qui,
au
vu de
l'exempleprécédent,
bservera e même
prudent
ecul
vis-à-vis
es ins-
truments
e travail
ue
sont dictionnairest
histoires
u
costume.
Ces
précieuxouvrages, qui restituentvant tout leurproprepratiquedes
traditions
inguistiques22,
oivent subir la même
lecture
ritique
que
les
nombreuses
ources
qu'ils
sollicitent.
Quant
aux
textes
contemporains
ités dans ces
ouvrages,
leur
diversité,
i
l'on
excepte
a
catégorie
es
inventairest
des textes
égis-
latifs,
a fait reculer
plus
d'un historien u
costume
sous le
prétexte
d'une dérivation
possible
vers
1'
idéalisation
,
le
«
rêve
»,
le
«
sté-
réotype
,
perçus
comme autant
d'obstacles
à
la
perception
u
vête-
ment
«
réel »23. Les textes
«
littéraires
,
notamment,
ntretiennent
une forme enace de
suspicion,
t l'on voit
couramment
dmise
l'opi-
nion selon
laquelle
le réel
présent
ans
ces textes
st
en
quelque
sorte
parasité,moins « objectif que celui des inventaires, ar exemple.
On
y
rencontre
ependant
e même
vocabulaire et on
voit mal
com-
ment 'intentionnaliténhérente u texte
serait une
gêne
dans le
cas
d'un auteur
«
littéraire et non dans celui d'un
notaire.
La
législation
omptuaire
suscité
t
suscite ncore de
nombreux
travaux
apportant
un
éclairage
nouveau sur
l'histoiredes
phénomè-
nes
vestimentaires24,
lors
que
les
conciles,
qui représentent
n
cor-
pus
du même ordre
concernant ette
catégorie
rès
vaste et au
fond
peu
connue
que
sont
les
clercs,
n'ont
pas
bénéficié u
même
engoue-
ment de la
part
des historiens
u
costume25.
De
même la
prédica-
tion, qui sait si bien, à la fin du Moyen Âge, user d'anecdotes
22.
Ainsi a fortuneu mot
ourpoint
établie
epuis
e xixe
iècle t familière
aux
mateursu
style
roubadour,
'est
as
dutout
ttestée
l'époque
e Du
Cange.
De mêmee mot
énininconnues
exiques
édiévaux,
st
ujourd'hui
assé
ans
l'usage
ourant
our
ésigner
es coiffuresémininese forme
onique.
23. F.
Piponnier,
Le costumeobiliaire...
,
loc. cit.
24.
Par
exemple,'ouvrage
e Liselotte
isenbart,
leiderordnungen
er
deuts-
chen tädte
wischen
350
nd
700.
in
Beitrag
ur
Kulturgeschichte
es
deutschen
BürgertumsGöttingen,
962.N.
Bulst,
Zum
roblemtädtlischernd erritorialer
Kleider-,
ufwands und
uxusgesetzgebung
n
Deutschland
13.-18.
ahrhundert)
,
dansRenaissance
u
pouvoirégislatif
t
genèse
e
l'État
moderne,
.
Gouron t
A. Rigaudière
d.,
Montpellier,
988,
p.
29-57
Publications
e a Société
'histoire
dudroit t des nstitutionses anciensays edroitcrit,II). D. OwenHughes,«
Sumptuary
aw
nd ocialRelations
n
Renaissance
taly
,
dans
isputes
nd ett-
lementsLaw
ndHuman
elationsntheWestJ.
Bossy
d.,
Cambridge,
986,
p.
3-59.
25.
L'ouvrage
e L.
Trichet,
e costumeu
clergé
Paris,
986,
st ce titre
bien écevant.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 76/164
HISTOIRE
DU COSTUME
73
connues et railler es modes
contemporaines,
agnerait
être davan-
tage
étudiée de ce
point
de
vue. Plus
ignorés
encore,
car de forme
plus
diversifiée
t
n'ayant
pas
fait
l'objet
de
véritable
orpus
édité,
les
textes
ui
relèvent e la
didactique
mondaine,
de la satiremorale
ou
politique,
des
ars amandi de la fiction u de la
poésie,
tous
ces
miroirs,
octrines t
débats
anonymes u'un
Charles-Victor
anglois
avait
pris pour
base
de
son étude sur La vie en France au
Moyen
Âge26,
auraient
beaucoup
à
apprendre
l'historiendes
phénomènes
vestimentaires
7
.
Il est en effet
ossible
de concevoir
es
genres
discursifs
ifférents
sanspourautant es rendre ermétiqueses uns aux autres, n leur ttri-
buant une note de fiabilitédéterminée
ar
l'idée
que
l'on
se fait
aujourd'hui
de la teneur n véritéd'un fait
transmis.Ces
documents,
qui
ont en communde transmettren
discours ur
les
attitudes esti-
mentaires e leurs
ontemporains,
ppellent
moins a
transposition
'un
réel
dont ils seraient e reflet
lus
ou
moins
déformé,
u'ils
n'exigent
une
pratique
mettant n évidence a manière
dont
es hommes
objecti-
vent eur
rapport
u vêtement t
à
l'apparence
en
général
une archéo-
logie,
en
somme,
plus proche
de celle
élaborée
par
Michel
Foucault.
Cette
approche
me
semble
particulièrement
ndiquée orsqu'on
aborde
le
phénomène
vestimentaire e la
fin
du
Moyen
Âge
et de la
Renais-
sance,qui envahit e champdu discours tde la représentationrécisé-
ment
parce qu'il
se
constitue,
cette
date,
comme
une
catégorie
du
savoir
ou du
moins comme un
objet
de
réflexion
part
entière.
Dès
lors,
n'est-il
as
plus urgent
e
donnerune
fois
pour
toutes
ces docu-
ments nécessairement ivers e statutde
texte et de
les lire ?
L'illusion narrative
Il
est
une
catégorie
de
textes,
ourtant
stampillés
u
qualificatif
de
«
littéraire
, qui
a
toujours
eu la faveur
des
historiens u cos-tume. Ce sont les chroniques, ui se multiplientn Europe à la fin
du
Moyen Âge
et relatent
vec
plus
ou
moins de
détails
les événe-
ments
ocaux,
la vie de
tous les
jours,
témoignant
'une
volonténou-
velle de décrire e
proche
et le
quotidien.
Le
changement
estimen-
taire
du
XIVe
iècle nous est
connu,
de
longue
date,
par
l'intermédiaire
de ces documents
qui
ont donné
lieu,
depuis
le
xvnie
siècle,
à
des
projets
éditoriaux e
grandeenvergure28.
outes les
études
consacrées
26.
2
vol., aris-Genève,
ééditionn
1981,
vec ne
réface
e
Jacques
e
Goff,
de Tédition
riginale
e 1926.
27.
Sur
e
genre
e textef. a
mise u
point
ollective
a
littérature
idactique
allégoriquet atiriqueHeidelberg,968GrundrisserRomanischeniteraturenesMittelaltersol.
6).
28. Ce
sont,
armi
es
plus
onnus,
esRerum
talicarum
criptores
ollectés
ar
Muratori,
esMonumentaermaniae
istóricales
Scriptores
erum
ohemicarum
lesFontes
erum
ustriacarum,
a Société e
l'Histoiree
France
la
Early
nglish
Texte
ociety
etc.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 77/164
74
O. BLANC
au vestiairede cette
époque
se réfèrentouventaux mêmes
extraits,
sans toutefois n
proposer
une
analyse
véritablement
ritique.
Or,
la
quinzaine
de
chroniques29
elatant
es
nouvelles
modes
masculines
t féminines e la
fin
du
Moyen
Âge
ne
constituent
as,
loin
s'en
faut,
a totalitéde la
production
historique ontemporaine.
Cela
signifie
ue
le
phénomène
vestimentaire
ue
François
Boucher
nommait,
près
d'autres,
une
«
révolution
30
n'occupe pas
tous les
esprits,
la
différence,
ar exemple,
e la Peste Noire
et de ses
récur-
rences
ndémiques.
Une
enquête
ur
es
chroniques
ationales
t
urbai-
nes
permet
insi de relativiser
'impact
du
changement
estimentaire
tous les auteurs désirantfaire œuvrehistoriquen'ont pas jugé bon,
sembk>t-il,
e transmettre
la
postérité
es variationsdes
modes,
ou
l'ont
fait de
façon
laconique,
sans
leur accorder
e moindre ommen-
taire. Souverain
mépris
l'égard
des
apparences
Il
n'est
pas
sûr
que
les auteurs
plus
diserts ans
ce domaine aient eu de
meilleures
ispo-
sitions,
t l'on serait
bien en
peine
de
trouver
ne
quelconque apolo-
gie
des nouveautés
dans
les
chroniques
relatant
es modifications
u
vêtir du
xive
siècle.
Il
n'est
pas
sans intérêt e s'arrêterun
instant
sur les
intentions es
auteurs,
t d'observer omment e
vestimentaire,
devenu
<«
vénement
,
s'intègre
u récit
historique.
Les
textes
ui
ont à
juste
titre ttiré 'attention es
historiens
u
costumene se contententas de signaler u de décrire n fait.À vrai
dire,
a teneur
proprement
escriptive
e leurs écrits 'efface
souvent
au
profit
d'une véritable
mise en scène des
comportements
estimen-
tairesde
leurs
contemporains,
nscrits ans
une
«
histoire es mœurs
avant
la lettre t sollicitant
e
jugement plutôt désapprobateur
du lecteur.
C'est
ainsi
que
les
textes
es
plus
souvent
ités,
tenus
pour
les
témoignages
es
plus
intéressants,
apportent
ystématiquement
e
changement
estimentaire
un événement
enant
bouleverser 'ordre
social
traditionnel.
À
Florence,
'adoption
de modes nouvelles coïncide
avec l'arri-
vée au pouvoir,en 1342,de Gautier de Brienne, hevalier-mercenairesoutenu
par
le
peuple
et servant lors la France- d'où
l'origine
ran-
çaise
attribuée
ux
nouveaux
habits31.
Pour le
chroniqueur appor-
tant
ces
faits,
le
changement
estimentairest
emblématique
d'une
période
politiquement
roublée,
dominée
par
la volonté
populaire
qui
s'est
donné
pour
chef
un
étranger.
Adopter
es modes
nouvelles,
'est
témoigner
a
sympathie
l'égard
de
ce
gouvernement
llégitime
t tra-
29.
Il
s'agit
es
hroniques
ationalesu
urbaines
ubliéesour
a
plupart
ans
les
grandes
ollections
i-dessus
entionnées,
ui
ont^
ervi e base ma
thèse
iné-
dite)
ur
es
usages
estimentaires
la
fin
u
Moyen ge.
Jene
prétends
videmment
pas
maîtriser
'historiographie
es
xive t
xve
iècles ans a totalité.
30.Dansunarticleui, ans uscitere nouveauxointsevue, a finalement
pas
eu
a fortune
ritique
u'il
méritait« Lesconditionse
'apparition
ucostume
court
n
France
erse milieu
u
xive
iècle
,
dansRecueilse
travaux
fferts
Cló-
vis
runei. émoires
t
Documents
ubliésar
a
Société
e
'École es
Chartes
n°
XII,
1951,
p.
183-192.
31. Giovanni
illani,
Cronica
Florence,823,
.
7,
pp.
5ss.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 78/164
HISTOIRE
DU COSTUME
75
hir
par conséquent
a
patrie.
A
contrario,
e
vêtement
raditionnel
es
Florentins,
nventé
pontanément,
elon un
procédé
démagogique
bien
connu,
devient e fer de
lance d'une
spécificité
ationale.
À
Rome,
une
chroniqueanonyme,
considérée
lle
aussi comme
une source
majeure32, apporte
es
mêmes faits aux
mêmes
causes et
au
même moment.
l
s'agit
dans ce
cas de
l'épisode
révolutionnaire
de 1347 au
cours
duquel
est
porté
au
pouvoir
Cola di
Rienzo,
fils
d'un
aubergiste
t d'une
blanchisseuse,
ui
instauraun
gouvernement
populaire
vivement
ritiqué
ar
l'auteurde ce
récit.Là
encore,
e
vête-
ment
mythique
es
ancêtres st brandi
comme
l'étendard de
la
paix
civile,alors que les modesnouvelles ont la démonstrationctualisée
de la discorde.
En
France,
es
chroniques
ssues
de
l'officine
oyale
de
Saint-Denis
rendent
responsables
des défaites
françaises
face
aux
Anglais
les
nobles,
davantage
préoccupés
d'élégance que
prompts
défendre
a
patrie.
Jean
de
Venette,
prieur
du
couvent
des
Carmes de la
place
Maubert à
Paris et
continuateur e la
chronique
atine
de
Guillaume
de
Nangis,
met
ainsi en
parallèle
es
expéditions
ouronnéesde suc-
cès du roi
d'Angleterre
ur le
continent vec
les
transformationses-
timentaires 'une
classe noble
dégénérée33.
e
passage
des
Grandes
Chroniques
e
France
relatif ux
modes
nouvelles e trouve
uste
après
le récitde la bataille de Crécy.Pour l'auteur, a déroutedes troupes
françaises
n
1346
provient
e
l'orgueil
démesuré
de
«
la
fleurde
la
chevalerie
française ,
dont
les
désordres
vestimentairesont
la
dé-
monstration4.
Ailleurs,
ette
diabolisation
u
changement
estimentaire
st
moins
le
support
d'une
idéologie politique
que
celui,
plus ancien,
d'un
dis-
cours
eschatologique.
Ainsi l'abbé du
monastère
énédictin
e
Saint-
Martinde
Tournai,
Gilles
e
Muisi,
se
souvient e
l'année
1349
comme
d'une
période
de
grands
bouleversements la
guerre
franco-anglaise
bien
sûr,
mais
aussi des
flambées
d'antisémitisme,
es
rumores
en
Orient,
en
Hongrie,en Allemagne t en Brabant,des processionsdeflagellants,des épidémies
pesteuses
et des
catastrophes
naturelles
inexpliquées35.
'est dans ce
contexte
ramatique
u'apparaissent
es
mutations
vestimentaires,
nnonciatrices e
la fin
des
temps.
En
Angleterre,
e
continuateur
es
chroniques
de
Westminster
pour
les
années
1346
à
1367,
Johnof
Reading,
décrit
es
mêmes
rans-
formations
vestimentaires
pour
l'année 1365
36.
Il
évoque
tout
d'abord une
épidémie
de
peste
qui
décima
hommeset
bêtes,
puis
un
32. Vita i
Cola di
Rienzo
L. Muratori
d.,
dans
Antiquitates
talicœt.
III,
col.307-309.n
consultera
ussi a
nouvelledition
ar
G.
Porta,
Anonimo
omano,
CronicaMilan, 981, h.9.33.
Chronique
atine eGuillaumee
Nangis,
vec escontinuations
e
1300
1368
H. Géraud
d.,
2
vol.,
Paris,
843.
34. Les
Grandes
hroniques
e
FranceJ.
Viard
d.,
10
vol.,
Paris,
920-1953.
35.
Gilles Le
Muisi,
nnales
H. Lemaitre
d.,
Paris,
906.
36. John f
Reading,
hroniconJ. Tait
éd.,
Manchester,
914,
.
167.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 79/164
76
O. BLANC
vent violent
qui
mit
en
pièces
le monastère e
Reading
et
les
villages
aux
alentours,
nfin
une
apparition
u diable en
personne.
Toutes ces
calamités rouvent eur source dans la
frivolité es
Anglais, qui adop-
tèrent
des modes
étrangères
t
des vêtements
ariés.
Pour
ces
deux derniers
uteurs,
l
est clair
que
le
désordre du
monde,
dont
le
changement
estimentairest le
point
d'orgue,
vient
sanctionner
es
péchés
des hommes. La
transformationes
apparen-
ces,
dans ces textes
édigés
par
des hommes
d'Église,
est la
sempiter-
nelle
métaphore
des
«
malheurs
du
temps
.
Ces
quelques exemples
nt
été souvent ités
pour
dater es
trans-
formations estimentairesutourde 1340. Or, la date à laquelle les
auteurs
rapportent
es événements
écrits st différente 'un
texte à
l'autre,
eux-mêmes crivant des dates
éloignées.
Giovanni
Villani
donne 'année
1342
comme
point
de
départ
des modes nouvelles
enues
de
France,
mais
le mercenaire
ugé
responsable
de cette
mportation
n'a
servi
dans les
armées
du roi de France
qu'entre
1346 et
1356,
date
à
laquelle
il
est
tué
à la
bataille de
Poitiers.L'Anonimo
Romano situe
les
faits utour de
1347,
mais Stella
Mary
Newton
pense
raisonnable-
ment
u'il
écritune dizaine d'années
après
es
événements
écrits.Gil-
les le Muisi est
octogénaire
t
aveugle orsqu'il
commence
dicter
es
Annales
peu
avant
1350,
pour
les
terminernviron
rois ns
plus
tard.
John of Reading,qui poursuit a rédactiondes Chroniquesde West-
minster
partir
de 1346 et
jusqu'en
1367,
peut
être considéré
omme
un
témoin
des faits
rapportés.
Toutefois es
transformations
estimen-
taires
qu'il
décrit,
emblables
celles
que
notent
es
historiens
nglais
ou
français
our
des
époques
antérieures,
ontramenées
l'année
1365.
Pour être
«
précises
t détaillées
,
ces
descriptions
'en ont
pas
moins
un
ancragetemporel lutôt
flou,
qui
porte
évidemmenta trace
du
projet
historique ui
les motivent. ans
parler
des
variantes
égio-
nales
qui
ne sont sans doute
pas négligeables,
a
complexité
es rela-
tions entre
e
temps
de l'événement t sa mise en
écrit,
utrement it
sa transformationn objet historique, 'a pas été suffisammentriseen
compte par
les historiens u costume. En outre les sources des
auteurs sont
loin d'être uniformes
témoignage
direct,
souvenir
-
mais la mémoire ses faiblesses
t
ses raccourcis
,
récit d'un
tiers u
poursuite
'un travail
ngagé
antérieurement
ar
d'autres
per-
sonnes,
la
chronologie
de ces textes n'est
pas
sans
intérêtdans la
mesure
où l'on
appréhende
insi
une
parole contemporaine ui
est
aussi,
à l'instar de tout
discours,
reconstructionu monde.
En
dépit
de leurs
différences,
es textes
partagent
donc la même
attitude à
l'égard
du
comportement
estimentaire,
ui apparaît toujours
de la
même
façon
comme un
symptôme,
elui
du
monde
perdu
des ancê-
tres et celui d'un monde nouveau dont il faut prendre a mesure.
L'écriture
de
l'histoire
l'œuvre dans ces
récits,
omposés
et
rédigés
après
es événements
écrits,
e
préoccupe eu
des
transformations
es-
timentaires
roprement
ites,
qui peuvent
donc intervenir
des dates
différentesans
pour
autant
perturber
e
sens
de
l'Histoire.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 80/164
HISTOIREDU COSTUME 77
Au
demeurant,
uel objet
vestimentaireous
présente
a chroni-
que
?
Remarquons
tout d'abord
que
les auteurs
évoquent
davantage
des
silhouettes,
es attitudes
t
des
ports, que
des
pièces
à
propre-
ment
parler,
dont ils
ignorentparfois l'appellation.
La
rareté des termes
pécifiquespour
désigner
es
éléments
du
vêtir
est très
nette chez
les auteurs écrivant n
latin,
qui préfèrent
employer
es termes
énériques
els
que
«
vêtement ourt
»
ou
«
robe
courte au lieu
de
«
pourpoint
,
par
exemple.
En
revanche,
a chro-
nique
écrite n
langue vulgaire
tilise
plus
volontiers es
termes
ppro-
priés employés
par
les
contemporains.
e
vocabulaire de
ces textes
est d'une granderichessepour l'historien, 'autant que les auteurs,
à la différence es rédacteurs
d'inventaires,
mploient
rarement n
terme
pécifique
ans l'assortir
de
précisions.
Ainsi,
John
of
Reading
livreune véritable
escription
u
paltok
dans
lequel
on
reconnaît n
pourpoint
7
.
Parfois,
le vêtement ui-même
n'est
pas
nommé,
car le
change-
ment affecte
davantage
es
pièces
mobiles
que
sont les
chaussures,
a
ceinture,
e
couvrechef,
es manches. L'évolution
des modes
masculi-
nes,
aux
xive
et
xve
siècles,
est ainsi
marquée par
l'endroit
du
corps
où
porter
a
ceinture,
'inclinaison donnée au
couvrechef,
a forme
et le
port
des
manches,
ieu
privilégié
e la
nouveauté,
e
degréd'ajus-
tementdu vêtement u corps ainsi que, dans une moindremesure,
sa
longueur.
C'est
ainsi
que
les éléments
d'un
vestiaire ncien
peu-
vent nous
apparaître dentiques,
alors
que
leur
appellation indique
qu'ils
étaient
perçus
comme des
pièces
différentes. utant
dire
qu'on
ne
saurait
considérer es
objets,
qui
se
dérobent
oujours
à
la mise
en
écriture,
mais
plutôt
des réseaux subtils
de
relations,
des
sympa-
thies et des
incompatibilités
e
port, qui
révèlent
coup
sûr,
chez
le
porteur
de
vêtement,
a maîtrise es
apparences
ou son
ignorance.
L'illusion
figurative
L'histoire u costume
toujours
onfronté u
«
témoignage
des
écrits onservés
es
représentationsigurées ontemporaines.
ace
à une
parole
écrite devenue
parfois opaque, l'image propose
une vue de
1'
b
et-
êtement
ui
semble immédiatement
ccessible,
non
médiati-
sée
par
le
langage
et
s'adressant
directement,
ar-delà
les
siècles,
à
l'œil
du
spectateur.
ouvent,
'image
est ainsi sollicitée
pour
illustrer
et confirmer n
propos,
lui donner
corps.
S'agissant
du
vêtement,
ifficilementsolable en effetdu
corps
et des
gestes
du
porteur,
a
représentation
igurée
st
essentielle. 'est-
il pas cependantdésolant,à une époque où l'iconographie st deve-
nue un vaste territoire
e
recherches,
e la voir
réduite ce rôle
subal-
37. Mais
l
pense
unvêtement
orté
n
1365,
t non uxvêtementsécrits
ar
les taliens
our
es années 340.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 81/164
78
O. BLANC
terne Faut-il se
réjouir
de l'accumulation
des
images,
si
l'on
cons-
tate
dans le même
temps que
la constitution e
répertoires
e
contri-
bue
que
pour
une
faible
part
au renouvellement
es
questions
historiques
Ainsi es
publications
oncernante textile
u
l'habillement,
même
quand
elles
prennent
our
objet
les
représentations
igurées,
e bor-
nent
trop
souvent
un recensement
e la
chose textile ue
dans telle
ou
telle
peinture,
ans
s'interroger
ur la manièredont
l'image capte
cette chose38.
De la même manière
que
l'inventaire,
romu
au sta-
tut de
«
super-texte
,
a
pu
devenir 'étalon de
l'objectivité
'un docu-
ment écrit, l'image n'est sollicitéeque pour sa capacité à rendre
visuelle,
mmédiate,
a forme 'un
objet
dont a
connaissance emeure
ailleurs
dans le texte.
Étrange
dichotomie
ui
conduit à
privilégier
les
images
de la
fin
du
Moyen
Âge,
où les
realia envahissent
e
champ
de la
représentation
t serventd'alibi à une
passion
antiquaire
de
l'objet.
Or,
est-il encore besoin
de le
préciser,
a
peinture
u la minia-
ture,
mais
aussi,
plus proche
de
nous,
la
photographie39,
e
sont
pas
des instantanés
e la vie
quotidienneque
nous recevrions ans une
espèce
d'innocence
a-théorique.
Ce sont des tableaux autrement
it
des
«
ensembles ornés selon
la convenance
^,
des
compositions
dont l'ordre,pour être immédiatementrésent la vue, n'en exige
pas
moins une connaissance
à
l'épreuve
du
temps. L'opacité
de la
peinture
st en
ceci
comparable
à celle d'un texte
dont
la voix
nous
est
à
jamais éloignée.
Chercher t
comprendre
e
vestimentaire l'œu-
vre dans
l'image
comme dans le texte
xige
de travailler
ur
la
repré-
sentation,
t non sur un réel
à
jamais disparu.
Cela ne va donc
pas
sans
risques.
Nombred'historiens
u
costume
nt vite
admis,
par
exemple, ue
les vêtements
résents
ans les œuvresd'art leur sont
contemporains,
en vertu
de l'assertion courante
qui
dénie à
l'image
médiévale tout
effet de distanciation.Les acteurs des scènes bibliques sont ainsi« actualisés
»,
vêtus comme les
spectateurs uxquels
ces
images
sont
destinées.
C'est
aller un
peu
vite en faisant
fi de
certainsmodèles de
repré-
sentations
ui,
à la
fin
du
Moyen
Âge,
sont suffisamment
prouvés
pour
attirer
otre ttention.
Que
les bourreauxdu Christ oient nva-
riablement
eprésentés
ans
les vêtements ourtsdes
artisansmécani-
ques,
craquants
de toutes
parts
et
généralement
ariolés,
n'est rien
moins
qu'anodin quant
à
l'image
de ce vêtement elle
qu'elle s'expose,
à une certaine
date,
dans les manuscrits nluminés xécutés
pour
les
38. Par exemple'ouvrage 'Elisabeth irbari,Dress n ItalianPainting
(1460-1500),
ondres,
975.
39. Je
pense
ci,
bien
ûr,
la
photographie
e
mode,
ui
ne auraittre onfon-
dueavec e vêtement
u'elle
précisémentcharge
e
re-présenter.
40. Selon
a definitionAlbertiitee
ar
M.
Baxandall,
œildu
Quattrocento
tr.
fr., aris,
985
éd.
or.
1972).
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 82/164
HISTOIREDU
COSTUME
79
princes.
Au XVe iècle en
effet,
e
pourpoint41
st redevenuun
vête-
ment de
dessous,
qu'on
ne saurait
arborer
que
dans des
circonstan-
ces
particulières,
ssentiellement la
guerre,
dans l'exerciced'un
ser-
vice curial ou d'un travail
physique.
Il
renvoie donc
davantage
au
monde
déprécié
du travail t de la
domesticité,
uand
bien
même elle
s'exerce
à la cour.
Pourtant,
es
grands seigneurs
u
XVe
t
du
xvie
siècles continuent e se faire faire des
pourpointspar
leur
tailleur.
Simplement
e
port
de
ce vêtement
changé,
l
n'est
plus
l'objet
d'un
engouement
xclusif dont les
chroniques
nous
ont
décrit
'impact.
L'image
est donc
précieuse our
nous faire
prendre
onscience u
port
et des attitudes estimentaires,t pas seulement 'une piècede l'habil-
lement
qui n'apparaît
amais
seule,
ni
pour
elle-même.
Les
précieux
pourpoints
es
inventaires,
utour de
1400,
ne
sont
guère
visibles
u'à
l'encolure ou aux
emmanchures,
e sorte
qu'il
est
difficile,
u
vu des
seules
images,
d'en
apprécier
a
matérialité.
L'effet
de
distanciation es
images
médiévales st
volontiers ori-
zontal
:
social avant
tout,
parfois géographique
les
deux
étant
sou-
vent
mêlés), plus
rarement
historique.
Ce
que
l'on
appellerait
aujourd'hui
«
l'effet
couleur locale
»
-
qui
ne va
pas
de
soi,
loin
s'en
faut
-
est en ce sens introuvable. our
autant,
tous les
person-
nages
ne sont
pas
uniformémentêtus.
La
Vierge,
es
prophètes,
t
tous les personnages elevant 'une surnature ontainsi vêtus de lin-
ges
aériens,
blancs ou
monochromes,
ont la
forme
peu
définie et
extrêmement
ouvante
n'appartient u'à
eux.
Et
dans
les nombreu-
ses traductions
rançaises
e Tite
Live
commandées t abondamment
illustrées
our
les
princes
du
xve
siècle,
es anciens
Romains
reçoivent
des vêtures
exotiques
qui
semblent
première
ue
étrangères
u
vestiaire
ontemporain.
n
réalité,
e
mode
d'association des
pièces
est
fort
emblable,
et
si ces dernières ncluent
un certainmerveilleux
commun
aux
récitsdes
voyageurs,
n aurait tort
de les voir
comme
des vêtements ans
lesquels
se donnent ibre
cours
«
rêveries
t
phan-
tasmes collectifs 42. L'image procède toujoursà un subtilbricolagedes
apparencesqui
n'est
pas
sans intérêt u
regard
des
pratiques
ves-
timentaires
ontemporaines.
Il
importe
nfinde
garder
présent
l'esprit
combien
ces manus-
crits
llustrés,
ivres
de
commandes t
objets
de
contrats
précis,
nous
montrent
avantage
des habitudes
picturales
n
matièrede
costume
que
des vêtements éellement
ortés.
Supposer que
le
peintre
'inspi-
rait de ce
qu'il
avait
sous
les
yeux,
y
mêlant
ci ou là un
peu
de
«
fan-
taisie
»,
c'est
prêter
ux œuvres
médiévales
un
naturalisme
arfaite-
ment
anachronique,
et
faire
peu
de cas du réel
qu'elles
donnent
à
voir non
pas
une
«
tranchede vie
»,
ni
un
«
point
de
vue
»,
mais
la représentation'un ordre social où la diversité, our êtrepensa-
41.
Qu'il
ne faut
as
confondrevec a robe ourte
lors rès n
vogue
armi
la
jeunesse.
42. F.
Piponnier,
oc. cit.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 83/164
80 O.
BLANC
ble,
est ramenée un ordre culturel amilier.Dès
lors,
la variété
des
usages
vestimentairesst
une véritable
métaphore
u
corps
social
qui
occupe
alors
la
réflexion
olitique.
l
s'agit
bien de
prendre
a mesure
des
différences,
t les
corps
vêtus
que
l'on observe dans
les manus-
critsdu
XVe
iècle sont
en
définitive
n nombre
imité,
ar
ils visua-
lisent des
ports
vestimentaires fonctionnels
(les
habits
courts du
courtisan,
a robe
longue
et
ample
du
sage, etc.).
L'occurrence
des
mêmes
vêtements,
ans ces
images,
atteste
du
succès d'une conven-
tion
picturale
omme de
l'image
du
monde
partagée
par
les comman-
ditaires
princiers
e ces livres43.
L'illusion matérielle
L'
ob
et-
êtement st ainsi
toujours pris
en
chargepar
une
parole
ou un
usage qui
lui donne son sens tout en le
privant
de
sa matéria-
lité.
À
cet
égard,
les restes
vestimentaires
ui
ont
échappé
à
la des-
truction u
temps,pièces
entières
u
plus fréquemment
ragments,
ont
la trace bien
réelle,
mais souvent
llisible,
de
son existence.De fait
ces
traces
sont
peu
sollicitées
par
l'histoiredu
costume,
alors
même
qu'elle
en
appelle
la résurrection.
l
est
vrai
que pour
la
période
ici
envisagée,peu de vêtements rofanesont été conservés, t l'éparpil-
lement
muséographique
es
fragments
extiles e facilite
pas
la
tâche
des
chercheurs. 'histoire
du costume
dispose
donc,
avec
les textes
et
les
images
contemporains,
'un matériau
plus
solidement
onsti-
tué,
et néanmoins
paradoxal puisque
sa
quête
demeure
e vêtement
et non
ses
représentations.
Plus
important
que
l'inévitable
disparité
des
sources,
il
faut
s'interroger
ur
le
fait
que
l'étude des
pièces
textiles
st l'affaire de
techniciens,
a
plupart archéologues
ou
spécialistes
textiles,
t non
d'historiens
roprement
its.
Or,
s'il
est relativement
acile d'établir
les composantestechniquesvoire les conditionsde fabrication 'unob
et-
êtement,l est plus malaisé, au vu de ces données,d'en
pro-
poser
une datation.
Quant
à
l'usage
de
cet
objet,
à
son
environne-
ment
culturel t
à
sa
portée historique,
ne relevant
pas
du
domaine
technique
à
proprement arler,
ls sont
renvoyés
ux
historiens,
u
bien à
la tradition
historique
lors en
vogue.
C'est ainsi
que
le
pourpoint
ttribué Charles de
Blois,
pièce
singulière
ont on
possède
peu d'exemplaires our
la même
période,
a fait
'objet
de travaux
techniques
écents ans susciter e
nouvelles
recherches
e
typehistorique
u
méthodologique.
n
1987,
a
restau-
ration de cette
pièce
a
donné
lieu à
l'établissement 'un dossier tech-
nique qui analyse l'étoffemais se pose peu de questionsquant à la
43. Le
portrait
st ansdoute
'image
ui
capte
e mieux es effetse
l'étoffe
et
a
composition
es
pparences,
out ommees hoix u
personnageeprésenté.
r,
ces
mages
récises
nt
eu
retenu
'attention
eshistoriens
u
costume.
erait-ce
ue
le réalismest
ci
partrop nigmatique
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 84/164
HISTOIREDU COSTUME
81
formevestimentaire
lle-même,
omaine de
l'histoiredu
costume. En
1992
4
de nouvelles
propositions
ont faites
uant
à
la
provenance
e
l'étoffe,
ans
que
celle du vêtement
ui-même oit
abordée. Elle
n'a
pourtant amais
fait
l'objet
d'une recherche
ssidue,
et l'on
admet
encore
aujourd'hui
sans
la
moindre
ritique
a
thèsede
Louis de
Farcy
selon
laquelle
ce
vêtement,
ui
a
appartenu
Charles de
Blois,
pro-
vientdu
couventdes
Carmes
d'Angers
sans
que
l'on
sache
comment
il
y
est arrivé.
En
outre,
si l'histoiredu
pourpoint
est bien
connue
depuis
la
fin
du
XVIIIe
iècle,
on en
perd
la trace
pour
l'époque
anté-
rieure.Autrement
it,
nous
connaissons
ujourd'hui
cet
objet jusqu'à
la moindrefibre, ans êtrecapables de dire dans quel milieu l a été
fabriqué
ni
comment
l
est
parvenu
usqu'à
nous. La
connaissance
technique
de ce
vêtement,
isproportionnée
ar
rapport
sa
mécon-
naissance
historique,
st
d'un
moindre
ecours
l'égard
du
projet
tra-
ditionnelde l'histoiredu costume.
Cet
exemple,
sans doute non
unique,
révèle es
disparités
rian-
tes entre es
disciplines
t
les méfaitsd'une
atomisationde la
recher-
che dans un
domaine
où,
compte
tenu
de la diversité
es
matériaux
rencontrés,
ne collaboration entre
les
chercheurs emble la
seule
garantie
d'une
approche
cohérente.
Surtout,
l
montre
quel point
'objet-
êtement,
ui
a
fondé
cette
discipline u'est l'histoiredu costume,demeureen définitiventrou-
vable même
lorsque
sa
trace matérielle st
sous nos
yeux.
C'est dire
si un
vêtement,
ès lors
qu'il
n'est
plus porté
ni
pris
en
charge par
un
discours,
utrement it
objet
d'une
représentation,
esse de
signi-
fier utre
chose
qu'une pièce
d'étoffedont
seule
l'analyse
technique,
en
effet,
eut
rendre
ompte.
Ce constatdevrait
nous amener
réflé-
chir,
d'une
part,
sur notre ctuellemanie de la
reconstitution,
u'elle
opère
dans la
muséologie
omme
dans
le
cinéma,
dont
l'efficacité st
pour
le moins
problématique.
'autre
part,
cette
fascination
onstante
voire ce fétichisme e
l'objet,
alors même
qu'il
demeure
nsaisissa-
ble, montre 'urgencequ'il y a à reformuleres enjeuxd'une histoiredu costumedont
l'appellation
vieilliene
peut
à l'évidence
témoigner.
La
méthode,
n la
matière,
ne
consisterait-elle
as,
au lieu
d'amasser
les
reliques
d'une réalité
mythique,
s'ouvrirau contraire
l'imagi-
naire
transmis
ar
les
représentations,
uitte déployer
e
que
Michel
Foucault nommait
«
l'espace
d'une
dispersion
?
Musée
des Tissus de
Lyon
34,
rue de la
Charité
F-69002
Lyon
44.
Cf.
L.
Monnas,
oc. cit.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 85/164
82
O. BLANC
Odile
Blanc,
Histoire du costume
l'objet
introuvable
Cet article
propose
un examen
critique
des
méthodes et des
objets
de
l'histoire
u
costume
fin
d'en renouveleres
perspec-
tives.
Depuis
le
manuel de
Viollet-le-Duc,
es sources
privilégiées
de cette
discipline
emeurentes inventaires e
garde-robe
t
les
œuvres
d'art
contemporaines,
ans
une
moindre
mesure
es chro-
niques,
les textes
relevantdu domaine
littéraire
tant
toujours
suspectés
de trahir
a
réalité.
Or,
les
images contemporaines
e
sont
pas
une
photographie
du réel ni
les
chroniques
un
récit
documentaire,
out comme a riche
terminologie
es inventaires
ne se présente as sous la formed'un dictionnaire.Vouée à la
reconstitution,
'histoire u costume e
prive
des
moyens
e com-
prendre 'imaginaire
l'œuvre dans ces
documents.La mise à
l'écart
des
textes ittéraires st ici
significative.
n
laissant de
côté
le mode discursif
es différents
ropos
sur e vêtement
leur
statutde
texte),
on
ignore
a
façon
dont les
contemporains
en-
daient
compte
de leur
rapport
au
paraître
et,
par
conséquent,
les
enjeux
qui s'y
investissent.
Histoire du costume
-
Phénomène
vestimentaire Historio-
graphie
-
Méthodologie
-
Fin
du
Moyen Âge
Odile
Blanc,
History
of Costume The
Undiscovered
Object
This
article
proposes
a critical xamination f the
methods
used
and the
objects
treated
by
the
history
f
costume,
with
a view
to
exploring
ew
perspectives.
ince
Viollet-le-Duc's
manual,
the
main sources
for
this
discipline
have been
inventories
f war-
drobes and
contemporary
orks
of
art,
and in
a lesser
measure
chronicles,
while
literary
exts
have
always
been
suspected
of
betraying eality.
Contemporary
mages,
however,
re not
pho-
tographsof reality,nor are chroniclesdocumentary ccounts,
and
as
for the rich
terminology
f the
nventories,
t
is not
pre-
sented
n the formof a
dictionary.
he
history
f
costume,
by
limiting
tself
o
reconstitution,
lso
deprives
tselfof a
means
of
understanding
he
imaginative pirit
t work in
these docu-
ments.
The
disregard
f
literary
exts
s, here,
significant. y
passing
over
the
discursivemode of the different
ritings
n
attire
by refusing
hem their
tatus
as
texts),
one
ignores
how
contemporary
eople perceived
nd
expressed
heir
relationto
appearance,
and
consequently,
he concerns that
were
there
involved.
History
f
costume
Phenomenon f
dress
-
Historiography
-
Methodology
Late Middle
Ages
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 86/164
Médiévales9,automne995, p.83-86
Nouvelle
de Giovanni SERCAMBI
présentéepar
Odile
REDON
SUFFILELLO DE MONTALTO, VOLEUR
OU
LE
STRIP-TEASE
CONTRAINT
DE
LA COMTESSE
D'ARTOIS*
L'an
1350,
u
temps
u
grand
ardonde
Rome,
non oin de
Romeen
un château ommé
Montalto,
n malandrinomicide e méchante
ondition,
nommé
uffilello,
ommandaitne bande de
vingt
malfaiteurs,
oleurs t
homicides
ui
contrôlait
a route.
es
personnesui passaient
ans bonne t
forte scorte taient évaliséesarSuffilellotsescompagnons,ui les con-
duisaient
n
haut
d'un
gouffre
e la
montagne
t de
là les
etaient
n bas.
Ainsi
passait
eurvie.
Le Pardon vait
déjà
commencé
epuis
un certain
emps,
eaucoup
de
pèlerins
enant e divers ieux 'étaient endus Rome et de
jour
en
jour
beaucoup
'autres
rrivaient,
uand,
u moisde
mai,
un
gentilhomme
ran-
çais
nommée comte
'Artois,
vec sa très
eune
femme
ppelée
ame
Blan-
che,
rriva vec environ ouze hommes
cheval u
château e Montalto ù
se trouvait
e malandrinuffilellovec ses
compagnons. oyant ue
le
comte
et ses
gens
étaient
rrivés un
passage
difficile,
l
pensa qu'il
était
emps
de les
prendre
t ls se mirentussitôt n embuscade.
uand
e comte rriva
au
passage ritique
vec sa femme t ses
gens,
es malandrins
urgirent,
ls
assaillirentance en main le comteet ses compagnonst en touchèrent
plusieurs.
La femme
u
comte,
oyant
e comte
ssailli t
plusieurs
e leurs
gens
désarçonnés,
e savait
ue
faire. urvint
uffilello,
e chefdes malandrins
de la
poignée
e la lance
l
frappa
ame Blanche
u
côté,
si
fort
u'il
la
fit omber e cheval.
l la
prit ar
e braset a conduisitn hautde la
mon-
tagne,
isant sa bandede tuer es hommes u de les faire
risonniers
t
de voler es chevaux t les
équipements.
Les malandrins
ombattaient
aillardement,
e
comte
t es
siens e défen-
daient
igoureusement
vec
e
peu
d'armes
u'ils
avaient. e
comte ésista
*
TexteriginalansGiovanniercambi,ovelleéd. G. Simicropi,volumes,Bari1972, ouvelle4,vol.1,pp.366-369.otonsu'une utreomtesse'Artois,
innommée,
st 'héroïne
e la nouvelle
8,
pp.
384-387,
ansune utre istoiree
banditisme.
a nouvelleci
raduite
st
ignaléear
Robert
elort,
Le
commercees
fourrures
n Occident la
fin
du
Moyen
ge
2
volumes,ome,
efar
1978,
ol.
1,
p.
373.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 87/164
84 O. REDON
au mieux
mais,
voyant
es siensmal
partis, lus
de la moitié
éjà pris,
es
autres
rès
de
l'être,
l
décidade fuir
ar
l
se sentait
ssuré ur on cheval.
Il
dit aux siens
«
Sauvez-vous
»
éperonnant
on
cheval
l
se
dirigea
ers
un
pays qui
se trouvait
un
millede distance il
chemina
our y
arriver
et
il
y
trouva ne
troupe
e cavaliers t de
gens
de
pieds,
ui
étaient
enus
pour
ssurera sécurité e ce
passage
fin
d'éviter ux
pèlerins
t
aux autres
de se faire uer u voler
par
Suffilellou
par
d'autres. l
vit a
troupe
t
raconta
e
qui
lui était rrivé
aussitôt
e
capitaine
it rmer
es
troupes.
Tandis
que
le comtemarchait t
que
les
troupes 'armaient,
uffilello
avaitconduita
comtesse lanche
u sommet u
mont,
n
hautde ce
gouf-
fred'où
il
avait
'habitude e
jeter
es
personnesu'il
avait
dévalisées,
fin
que l'on n'entendîtlus amais parler 'eux.Quand l l'eutconduiteà, il
vit
qu'elle portait
n
beau
manteau
« palandra
)
et
il
lui
dit
«
Femme,
nlèvee manteauar
e
veux
u'une
emes
ervantesn
profite
.
La
femme
ar peur
retira
e manteau t restavêtue
d'une belle
cotte
(«
gamurra
)
à
laquelle
elle
avait
suspendu
ne bourse
ui
contenait 00
francs 'or. Suffilello
mit a
main,
l
prit
es
pièces
t les mit
dans
son
escarcelle t
il dit
«
Retire ette otte
ar
e
la
veux aussi
pour
ma
servante.
La comtesse it
«
Par Dieu
et
par
saint
Pierre,
ous ne voudrez
as
que j'aille
nue et
sans cotte
.
Le malandrinvait
trop
enviede l'avoir
il
dit
« Si tu ne l'enlèves as, je te tue»
La comtesse
n
pleurant
nleva a cotte t elle resta
êtue 'un très
eau
pelisson
e dos de
vair.
À
sa
vue,
e malandrin it
«
Ceci me
sera fort
tile
pour
me couvrira
nuitdans les bois
».
Et
il dit
«
Enlève out de suite e
pelisson
ar
e
le veux
pour
moi ».
La
comtesse,
ui
ne
peut
faire
utrement,
it
«
Jete
priepar
Dieu et
par
saint ierre e me
aisser u
moins
a
puis-
que
tu
as
eu tout
e
reste,
our
que e
n'aille
pas
en
chemise,
e
qui
ne con-
vient
as
à une
femme.
L'orgueilleux
alandrine
lui
fitretirerous la
menace.
La comtesseremblante
esta
êtue 'unechemise
rès ine
sous
aquelle
on devinait es chairs ant a chemise taitfine tblanche) et lui,ne vou-
lant
pas
la
perdre,
it
«
Retire ette hemise ar
e
la veux
pour
moi».
La comtesseui
dit n
pleurant
mèrement,
genoux
t
es bras n croix
«
Je te
prie
de ne
pas
contraindrea comtesse 'Artois
allernue en
paysétranger
t
par
notre ieu et
par
saint
Pierre,
e
te
promets
e te
par-
donner outce
que
tu m'as fait .
Sans
pitié
e malandrinui dit
«
As-tu
ompris
e
que e
te dis ? Retire ussitôt ette
hemise t réflé-
chis
quand
tu l'auras
enlevée,
e
te
etterai
ussitôt n bas de
ce
gouffre
et
jamais
plus
tu n'auras besoinde chemise
i
de
vêtements.
La comtessevaitbien ntendut se
rappela
a
parole
de Dieu
«
Aide-
toi, le ciel t'aidera . Ayant epris ourage, lle dit
«
Puisque
u as décidéde me
eter
insi,
e
vois
que
e
n'ai
plus
besoin
de la chemise
i
d'un autrevêtement
je
vais donc
'enlever ans
attendre,
mais
e
te
prie
u moins e ne
pas
chercher
contempler
a
honte ant
ue
je
ne serai
pas
dévêtue .
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 88/164
LE STRIP-TEASE
E LA
COMTESSE
85
Le malandrin it
«
Cela
je
veux
bien,
ar
e
ne cherche
as
à voir a honte
mais
e
veux
faire
mes affaires.
Il
se tourna
ers e
gouffre
t la
comtesse,
uand
elle e vit
tourné,
e
frappa
ans es reins vec
ses mains t le fit
omber u bas du
gouffre.
e
gouffre
vait
près
de
500
bras de
profondeurenv.
285
m),
sans
rien
pour
arrêter
a chute le
malandrin
uffilello
'y
fracassa.
a
femme
oue Dieu
et
e
prie
de lui faire etrouverivant on mari e comte
'Artois,
uisqu'elle
a
tué
le traître.
Tandis
que
la comtesse
gissait
insi vec e
malandrin,
e
capitaine
e
la
troupe
t le comte inrent l'endroit ù l'escorte u comte vait
un bon
momentésisté. eu avant e retour ucomte,es siens vaient tépris,maisles
brigands
'avaient
as
encore
uitté
es lieux aux
gens
du comte ls
avaient
ié les mains t ils
commençaient
montera côte.
Quand
e
capi-
taine t e
comte
rrivèrent,
es malandrins
urentous
pris
t ceux
ui
étaient
enchaînésurent
éliés.Ne
voyant
as
eur
hef,
'est-à-dire
uffilello,
e
capi-
taine
eur demanda e
qu'il
en étaitde lui. Ils dirent
«
Nous ne savons
pas,
maisnous 'avonsvu
qui
montait ur
a monta-
gne
avec une dame
.
Le
capitaine
t le comte ussitôtmontèrentur a
montagne our
trou-
ver e chef
es malandrinsle comte
riait
ieu de
réussir
prendre
e chef
aussi bien
qu'il
avait
pris
es autres t de retrouvera
comtesse.
Chevauchant
u
trot,
ls arrivèrentu bord du
gouffre,
ù ils trouvè-
rent a comtesseui était n chemise t cherchait se vêtir. uandelle eut
conté a
nouvelle,
e
capitaine
it
endre
es maladrinsn
présence
u
comte.
Le comte
ui
se
voit
vengé
it
au
capitaine ue
le chefdes malandrins
avait
pris
sa femme 00 francs 'or et
qu'il
les avaitmis
dans son escar-
celle
il
le
priait,
n remerciementu service
endu,
e les
prendre
t de les
garder our
ui,
et
il
ajoutait
ue,
s'il
passait
ans son
pays,
l
lui ferait
e
beauxcadeaux.
Le
capitaine, ui gardait
e désir e
pendre
e chefde
ceux
qu'il
avait
pendus,
nvoya
es
gens
u fond
u
gouffre.
ls
trouvèrentuffi-
lello vec
plus
de
cinquante
ersonnesu'il
avait
uées.
l
fut onduit
u
gibet
et à
pendu
u milieu es autres. e
capitaine
rouva es
300
francs,
lla
près
du
comte,
'accompagna
ur ces terres t le recommanda Dieu.
Le comte t la
comtesse
rrivèrent
Rome,
a comtesse e confessa
u
meurtreu malandrint futpleinementbsoute. ls retournèrentans eur
pays
et là ils
prirent
u bon
temps.
Traduit e l'italien
ar
Odile
REDON
L'épisode
se
passe
sur une route de Maremme entre
Toscane et
Latium,
une aire connue au
Moyen
Âge pour
les
difficultés
e com-
munication
enant u
relief
t
au climat
et
pour
l'insécurité
es vas-
tes
espaces
vides d'hommes.
Les
voyageurs,
n
particulier
es
pèlerins
qui approchaientde Rome, connaissaient e danger. Inutilede cher-
cher e
«
fait divers
qui
pourrait
tre à
l'origine
de la
nouvelle
que
vous venez de lire
l'agression
de
voyageurs
fortunés
la
traversée
d'un bois était un
risque
normalement ncouru et
affronté.
Mais
le
ton du
récit
frappe.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 89/164
86 O. REDON
Le
Lucquois
Giovanni Sercambi a
conçu
son recueil de
nouvel-
les dans
la dernière nnée du
XIVe
siècle,
quand
il
a
déjà passé
la
cinquantaine.
Sa
position politique
est
assurée
à
Lucques,
où
il
sou-
tient,
dans l'exercicedes institutionst
par
la
plume,
a
seigneurie
es
Guinigi
il
a
déjà
écrit a
première
artie
de
sa
Chronique
de Luc-
ques
commencée
en
1368.
Le cadre
qu'il
donne à
ses
nouvelles,
ur
le modèle du
Decame-
ron de
Boccace,
les
place
sous
le
signe
du
voyage, puisque
la
compa-
gnie
qui
écoute
quotidiennement
e
narrateur e
déplace
en
Italie,
de
ville en
ville,
pour
fuir
a
peste
de 1374.
L'aventuredu comteet de la comtesse 'Artoispourrait trevraie
et le ton du récit ientréellement u
fait
divers,
otalement énué de
dramatisation
t d'affects le comte
cherche
'efficacité ans la fuite
sans
chercher
'exploit chevaleresque
ui
le
sacrifierait
our
sauver a
vie et l'honneurde sa femme la
comtesseBlanche tente
de défendre
sa vêture ans
effarouchement
xcessif,
n
invoquant
a convenance
plus que
la vertu le bandit vole avant de tuer car il
ne
veut rien
gaspiller,
l
ne montre ucun
signe
d'émoi devant e
jeune corps
fémi-
nin
que par dépouillement
uccessif
l
approche.
Au
terme,
a
femme
a
gardé
l'ultime vêtement
t
la vie
;
l'or
volé est
récupéré
et force
reste
à la loi.
La courbenarrative tteint on sommetdans l'affrontementuel
entre e bandit et la
femme,
ù
la violence éclate
dans les mots
qui
menacent t déclassent.La
dénudation
n
forme
d'inventaire,
onne
sens à
chaque pièce
du
vêtement,
restige
t
richesse
du
manteau et
de la
cotte,
confort ntimedu
pelisson
de
«
gris
»].
Avant
l'explo-
sion
de la
nudité
a force
'inverse,
essaisie
ar
la
noblesse t le
droit,
envoyant
la mort
qui
menaçait
de mort. La
comtesse en
chemise
a
défendu
son
corps,
sa
vie,
sa
caste.
Département
d'histoire
Université e Paris VIII2, rue de la Liberté
F-93526
Saint-Denis Cedex 02
1. Le nom e
«
gris
estdonné u dos de vair
ui
est
gris
leuté,
la diffé-
rence u
ventre
ui
est blanc t dit
«
menu air
,
voirR.
Delort,
op.
cit.ad
indicem.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 90/164
Médiévales9,automne995, p.87-104
Laurence GÉRARD-MARCHANT
COMPTER
ET NOMMER L'ÉTOFFE
À FLORENCE AU TRECENTO (1343)
La Prammatica
del vestire st un manuscrit
lorentin out à la
fois fameux t
ignoré.
Ce
titre,
ésormais
raditionnel,
ésigne
n enre-
gistrement
otarial
décrivant e trousseau soumis
à une taxe
spéciale
à l'automne
1345,
description ui occupe
les trois
quarts
d'un
volume
actuellement
onservé à
l'Archivio di Stato de Florence1. Le terme
de Prammaticaest d'ailleursune généralisation uelque peu abusive.Nous avons choisi de le
conserver,
malgré
on inexactitude
uridique
ce n'est
pas
la loi à
laquelle
on
pourrait
'attendre
ui
se
trouve en
effet ci
consignée,
ien
que
les notaires
y
fassent
éférence,
mais son
application
sur
plus
de 300 feuillets e
succèdent,
raison de
2
à
15
par page,
des listes
de
garde-robes
vec mention
pour
chacune
d'elles de
l'identitédu détenteur
presque
toujours
une
femme),
de
son lien
familial,
de son
quartier
u
plutôt
de sa
paroisse,
puis
quel-
ques
enregistrements
e
guirlandes
t
garnitures
e
coiffures,
lles aussi
estimées
de luxe
»,
enregistrées
t
marquées
du sceau de Florence
de la même
façon
que
les
vêtements.Ces feuillets onstituent
9
cahiers,à l'origine ndépendants, hacun de 12 à 24 pages ; ils sont
reliés à deux
autres cahiers
plus épais,
où sont
enregistrés
es
procès
concernant
a
parure,
et
d'autres
dispositions ui
relèvent ette fois
de
la
législation
omptuaire
oncernant es
banquets
et
les
pompes
funèbres.
'est à une
première
tude du début du manuscrit
ue
nous
nous bornerons
ci,
autour du thèmedu costume soit les
cinq pre-
miers
cahiers dans
l'ordre où ils se
présentent
ctuellement
folio
1
à
89) rédigéspar
le notaireBartolo fils
de Ser Bene di
Bruno
di
Ves-
pignano
folio
1
à
86
v°).
Cette
première
ecture evrait
réparer,
ous
l'espérons,
a
publication
de l'ensemble du volume
-
ou au moins
1. Désormaisbrégé SF.Lemanuscritst ctuellementlassé ous a cote Giu-dicedegtippeltii nullità17. on atin,rès nfluencéar a langue ernacuîaire,
nous conduite
citer ne
artie
es ermeson
as
u nominatifomme
l
est
'usage,
mais
ux as où e mot
pparaît
nous e savons
as
encore,
ar xempleour
ru-
chisi
'il
s'agit
'unfémininu d'un
masculin,
i
comment
éclinerne
formeussi
peurégulière
u'
rsi
us,
u encore
ompassi
us,
tc.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 91/164
88 L.
GÉRARD-MARCHANT
de la
plus grosse partie,
concernant e vêtement et la
réalisation
d'autres
études en
coopération
vec les
historiens 'histoire
ociale2.
Tous
les résultats
résentés
ci
sont
partiels,
l
s'agit pour
nous à cette
étape
d'achever de saisir e manuscrit t de mettre
u
point
des
gril-
les de lectures fficaces
t
cohérentes
our
traiter
'information on-
cernant 'étoffe.
Le
courageux
E. Rodocanachi fit un travail de
pionnier,
puis-
que,
dans
l'appendice
de La
femme
italienne
publié
en
1907,
il
reproduisit
uelques
extraits e la Prammatica le
préambule
du
pre-
mier
notaireBartolo
qui explique
a
procédure
u
plombage
des vête-
ments permettante reconnaître ltérieurementes fraudeuses ui se
sont
soustraites
la
taxe)
au tout début du
manuscrit ensuite un
peu plus
d'une trentaine
'enregistrements,
e
présentant
omme
un
texte
ontinu,
puis
ailleurs
quelques
autres
fragments.
n
fait
l
s'agit
d'une suite de
sondages ponctuels quelquefois
eux-mêmes
ncomplets
et avec
quelques interpolations)
ffectués ans les
40
premiers
euil-
lets condensés
en 2
pages.
Le lecteur
pouvait
se faireune
bonne idée
du
type
de document
concerné,
mais à cause de cette
sélection na-
vouée,
la
garde-robe
de chacune
des femmes itées semblait e limi-
ter à deux ou trois tems
u maximum t un certain
nombrede
motifs
textiles e trouvait
également implifié.
Paolo d'Ancona4 en 1906 publiait de son côté - cettefois à
l'identique
-
les
7
premiers
euillets soit
quelque
2 %
du
manus-
crit
il
en
faisait
une
présentation
uccincte,
nthousiaste t intelli-
gente,
nvitant
es lecteurs
poursuivre
'étude en insistant ur e
fais-
ceau d'intérêts
mpliqués
histoire
du
tissu,
des
familles,
des
quar-
tiers,
des
revenus, bref,
une mine.
Il
semble
qu'il
n'ait
pas
été
entendu,
mais c'est à
son édition
qu'ont
pu
se référer d'excellents auteurs comme Rosita Levi-
Pisetzky5
dans le
champ
de
l'histoiredu
costume,
elle-même
estant
à
juste
titre a
référence
magistrale our
les historiens 'art. Le
carac-
tère
répétitif
u
document,
'écriture
uelquefois
bâclée des
notaires,leurs abréviations t, depuis l'inondation de l'Arno en 1966, l'état
assez
pitoyable
du volume
remisé
un
long
moment vec
les
irrécupé-
rables,
ses nombreuses
pages
délavées
ont dû
découragerplus
d'une
curiosité.Mais
de nouvelles
techniques
ont
apparues
la
lampe
de
Wood
permet
de
lire
aux
ultra-violets es traces d'écriture
décolorée
et laisse
espérer
insi la
récupération
e
plus
de 95 % du
texte. Sa
saisie
en cours sur ordinateur
ermettra
e
multiplier
es
analyses
et
2.
Cette echercheoit
tre
ffectuéeu cours
e
l'année
995-1996,
la Villa
I
Tatti,
ue e
tiensci à remercier.
3. E.
Rodocanachi,
a
femme
talienne
l'époque
e a Renaissance
sa
vie
ri-
véeet mondaineson influenceocialeParis, 907, p. 127-129,t Appendice,
pp.
345-349.
4.
r
D'Ancona,
e vestieiie onne
iorentine
el ecoloXI
v, rerouse,yuô,
(Estratto
allaMiscellaneauziale
errari-Tonioli).
5. R.
Levi-Pisetzky,
toria
el
Costume
n
talia
Milan,
966,
t.,
t.
I.,
pp.
94,
95, 105, 09,
113.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 92/164
COMPTER
T
NOMMER 'ÉTOFFE
89
de rendre
plus
facile,
plus rapide6,
un travail
qui paraissait
à l'ori-
gine
trop
long
et
désespérant.
Pour
l'historien 'art ou celui des
textiles,
'une des
richesses
u
texte onsiste outre a
longueur emarquable
de cette
iste
-
dans
le fait
que plusieurs
notaires
ont
été
employés7,
tilisant
des
expres-
sions différentes
our renvoyer
raisemblablement la même
étoffe,
que
l'on
espère toujours pouvoir
dentifier.
es
notaires vaient cer-
tainement
ussi
le
souci d'éliminer oute contestation
ltérieure. 'où
leur très
remarquableprécision,
bien
plus
prolixe
que
les
inventaires
de
l'Europe septentrionale
e référant
rièvement u
«
Drap
de
Dap-
mas de Lucque »8.
La
garde-robe,
premièreshypothèses
t
premiers
ésultats
Les
femmes
et les
notaires
Une
première
tude des
1034
enregistrements
u notaire Bartolo
permet
déjà
d'observer deux
phénomènes
usqu'ici
non
repérés
l'ampleur
de certaines
arde-robes
t la récurrence e
nombreuses
den-
tités.
Enregistrée
u
cours
d'une même
séance,
la
garde-robe
de
Domina Taddea, épouse de Vita Marchi, comprend13 items.Cinq
autres femmes eulement nt fait
plomber
12
vêtements 'un
coup.
Mais le record
d'items semble détenu
par
Domina
Ghessa,
épouse
de
Pinuccio di Giannotto
Guidalotti,
itée
à
cinq reprises:
vec
déjà
six
items
a
première
ois, soit,
addition
faite,
quatorze
pièces
dont six
guarnachie surcottes ui
s'avèrent
orrespondre
des
tuniques)
t
une
cotte avec
en
outre deux
manteaux,
e second
étant de samit ver-
millon,
assorti à sa
guarnache.
La
garde-robe
axable connaît
cependant
des
variations onsidé-
6. Jevoudraisemercierci 'ensembleu
personnel
e
'ASF
pour
a
gentillesse
et adiligence.evoudraisgalementemerciera fondation.-P.Gettyonta bourse
de recherche
ost-doctorale
'a
permis
e commencer
'étudeu
manuscrit,
. M. Pas-
toureau
our
es
ncouragements
éitéréshaleureusementans es
irconstancesif-
ficiles,
meC.
Klapisch-Zuberour
es conseils ombreux
oncernante déchiffre-
ment e
'onomastique,
insi
ue
esformulesraditionnelles
Florence
ndiquant
e
statut
ocial,
.-Cl.
Maire-Vigueurour
e
qui
relèvee a
terminologieuridique,
nfin
l'ensembleu
personnel
e a
bibliothèque
e 'École
rançaise
e Rome t celle u
Kunsthistorischesnstitut
Florence,
nne-Marieurcan-Verkerkt MmeO.
Redon,
pour
es
suggestions
oncernanta mise n formee cet rticle.
7. Ceux-cie mettentu travailimultanémentt a
présence
e
quatre
otaires
pour
es istese vêtementsemble
ndiqueru'ils
oivent
'occuper
hacun'un
uartier
conformémentu
retour
la
quadripartition
e la cité écidé n août1343.
8. Ci. M.
Braun-Ronsdorf,
Seidendamaste
,
Ciba-Rundschau
120,
955 sur
« la terminologieienmpréciseesdraps enAnjou, rovencetBourgogneprès
1350,
f.F.
Piponnier,
La consommationes
draps
e aine ans
uelques
ilieux
français
la
fin
u
Moyen ge
,
Produzione
consumo
ei
panni
i
ananei ecoli
XI1-XV11Ia cura i
Marco
pallanzani,
stitutonternazionalei Storia conomica
Francesco
atini, lorence,976,
p.
423-434,
ui
comporte
ussi es
ndicationsur
les soieries.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 93/164
90 L. GÉRARD-MARCHANT
rabies
quant
au nombre de
pièces,
suggérant
es
différences
e for-
tune,
mais aussi des
types
de
choix
bien distincts
our
certaines em-
mes des
goûts
et des couleurson ne
discute
pas.
Ainsi,
Domina Lisa
épouse
de
Lando
di
Segna aubergiste
e semble
posséder
u'une guar-
nache taxable
(et mi-partie)
mais
trois
capuchons
qui
le
sont
égale-
ment t
même,
une
fois,
une
femme st
nommée
pour
la
simple
pos-
session d'une
guirlande9.
En
revanche Domina
Tona,
épouse
de
Francesco di Giovenco
de'
Medici,
apparaît
une
première
ois
pour
trois
articles e 31 octobre
1343,
puis
le
3
novembre,
pour
un com-
plément
de deux
pièces
suggérant
ette
fois
le
rested'une
garde-robe
d'apparencemoinsexcentrique,mais sans doute toutaussi luxueuse
pour
une
guar
ache et une
tunique
de samit
vermillon,
oit la tenue
d'apparat
convenue de la
patricienne,
êtement
ui réapparaît
très
régulièrement.
En
ce
qui
concerne
'estimation conduire
des
investissements
familiaux oncernant a
parure,
ndiquons déjà par
exemple
e cas de
la fille
Niccholosa
de la
dame
Ghessa Guidalotti
précitée,
dont le
trousseau est
décompté
à
part
comme
l
est
d'usage
tout au
long
du
manuscrit
accompagnant
ou non
sa
mère,
elle
apparaît
trois
fois.
La famille
Guidalottirevient rès ouvent
dans le
manuscrit c'est un
trio dont
l
s'agit
le
3
novembre
immédiatement
près
Domina
Tessa
et sa filleNiccholosa, vient une cousineNella, pour une seule tuni-
que mi-partie,
ux décor et
couleurs
ependant
ien
individualisésmais
sans
rapportchromatique
vec la vêture
des deux
autres
femmes
u
avec le reste de la famille.
En
revanche,
partir
des
sept premières
pages publiées
par
P.
d'Ancona,
Diane Owen
Hugues10
avait
pu
remarquer éjà
des
répétitions eut-être
ignificatives
our
des dames
et
demoiselles
Albizi.
C'est exactement e
type
de
recherches
ue
la
saisie du manuscrit a
permettre
'entreprendre
ystématiquement.
Des matières t des
tissages
«
traquer
le
luxe ou ses
signes
En ce qui concerne es étoffes, e notairesemble se reporter
deux
grandes
catégories
ssez
hiérarchisées
les
panni
et les
drappi
Les
drappi
sont
apparemment
eaucoup plus
luxueux,
présentant
éné-
ralement
es décors
uxuriants,
ouvent
ntroduits
ar
la
formule ile-
vati
(rehaussés,
ornés,
damassés11)
n
campo
(sur
fond de
telle cou-
9.
(f°
84r°
,
997)
soit e numérou
feuilletecto u
verso,
le
manuscrit'a
étéfolioté
ue
tout écemmenturnotre
emande
ar 'Archivio),
e numéro
'appa-
rition ans a
page
de
chaque
nregistrementde
1
usqu'à
ventuellement
5),
puis
le numéro
'apparition
ans a liste
rise
ans on
nsemble.lusieursndex
nomas-
tiques
n
préparation
ermettront
e
retrouveracilementes
femmesitéesci omme
exemple.10. Cf.D. Owen
Hughes,
Sumptuary
aw nd ocialRelationsnRenaissance
Italy
,
dans
Disputes
nd
Settlements,
aw andHuman
elations
n
theWest
éd.
J.
Bossy,
ambridge,
986,
p.
69-87.
11.
Cf.
François
'Albertie
Villeneuve,
e
Grand ictionnaire
rançais-Italien
composé
ur esdictionnairese
'Académie
rançaise,
tde
'Académiee
a Crusca
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 94/164
COMPTER
T NOMMER 'ÉTOFFE
91
leur).
Les
panni
peuvent
tre de
soie,
de soie dite
sergée,
ou encore
de laine. Ils sont
unis,
ou avec des décors
modestes,
ouvent
géomé-
triques.
Sans
spécification
e matière
particulière,
ls
s'accompagnent
d'une doublure de
soie,
d'un ruban
précieux,
ou sont
juxtaposés
à
un tissu
plus précieuxpour
former n
mi-parti,
omme
nous allons
le
voir
plus
loin. Aux
drappi
manque systématiquement
a
précision
de la
matière,
sans
doute
parce qu'elle
aurait
paru
redondanteau
notaire. Leur décor enlève
tout
doute,
et
nous avons traduit
drappi
par
le termede
damas,
pour
bien les
distinguer
es
panni pour
les-
quels
nous avons
gardé
e terme raditionnel e
draps.
Le terme
ech-
nique et modernede lampas12est toutefois e qui conviendrait eut-
être le mieux
à
ces
drappi plutôt
que
l'habituel
damas
bien connu
du
grand
public.
Pour les
drappi
utilisés
n
doublures,
uand
ils sont
unis ou
simplement ergetés,
nous avons
préféré
onserver
pour
le
moment
e terme
générique
de
soieries,
ainsi
qu'exceptionnellement
lorsqu'ils
sont utilisés
our
des
cottes,
out en étant
ussi
simples
dans
leur décor à
ceux, nombreux,
ui portent
des motifs on sur
ton,
l'appellation
ancienne de
diaprés
conviendrait ans doute très bien.
Les samits catasciamiti
t
sciamiti)
e trouvent
ncriminés
onfor-
mément de nombreusesois
somptuaires,
t eur
imple ossession
uffit
pour
que
le notaire es fiche.Le termemêmede samit
déjà
fait ouler
beaucoup d'encre dans le passé13, t ces tissusd'habitudeépais, à tis-
sages qui multiplient
es
trames,
prennent
ci
quelques caractéristiques
assez déconcertantes
la
plupart
es samits écrits
ar
e
premier
otaire
sont
d'une
seule
couleur,
ans
indication e
décor
ni
de matière.
l
faut
donc
en conclure
u'il
va de soi
qu'ils
sont en
soie,
selon une
propor-
tion dont
e
notaire
ne tient
as
compte
4,
t
que
l'effet e texture
ar-
Naples,
835,
vol.
abrégé
ci
GDFI)
à rilevato
donne,
armi
es sens
ossibles,
«
relevé,rné, rodé,
nrichi/....
damassé/.../,
istingué,
emarquable
. S.
Battaglia
cite
ans atti i Cesare
fin
u
xiiie
iècle),
39
«
Vestita
ra
d'un
drappo
'oro
a rilevate
igure,
eravigliose
vedere.
{Fatti
i
Cesare
a
cura
i
L.
Banchi,
olo-
gne1863.)
f. S.
Battaglia,
Grande
izionario
ella
ingua
taliana
Turin,
961.
12.Telle uepar x. 'utilisentrigitteietzel,talienischeeidengewebees13.,
14.
und 5. Jahrhunderts
Kataloge
esDeutschenextilmuseums
refeld,
and
1),
Cologne,
984 Barbara
arkowsky,
unstgewerbe
useumer tadt öln Euro-
paische eidengewebe
es
13.-18.
ahrunderts
Cologne,
976.
13. Cf.
Francisque-Michel,
echerches
ur es
étoffes
e
soie,
d'or
t
d'argent
pendant
e
Moyen ge,
vol.,
Paris,
852
t
1854 E.
Parisēt,
Histoire
e
a soie
Paris, 865,
euxième
artie,p.
383-384.
our
ne
nalyseechnologique
t
histori-
que
récentee leur
volution,
f.
B.
Tietzel,
p.
cit.,
e
chapitre
ber ie technis-
chen
Voraussetzungen
er talienischeneidenweberei
es
13.
und
14. Jahrhunderts
pp.
54-75. our
a définitionctuellee ces issus
médiévaux,
ondée
ur
eur
exture
à base e
«
flottés
e trameiés n
ergés
,
cf.CentrenternationaluTextile
ncien
(CIETA),
Vokabular
er extilen
echniken,
eutsch,
nglisch,
ranzösisch,talienisch,
Spanisch,
chwedisch
Lyon,
971,
ocabulaire
rançais,
yon,
.d.
14.Principalemente oie,es amitsnt ouventes exturesêlées.f. es chan-tillonsubsistantsfils e rame'or tde
oie,
onta chaînest
ependant
n
in,
ar
exemple
ans
.
Tietzel,
p.
cit. ur es toffes
étérogènes,
aureenennell
azzaoui
indique
es
mélanges
oie
tcoton
our
es
amits,
ais
l
s'agit
e couverturesu de
dais.
f.M.
Fennell
Mazzaoui,
he talian otton
ndustry
n
he atter
iddle
ges,
1100-1600
Cambridge,
ondres,
ew
York,
tc., 981,
ppendice
I,
p.
166.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 95/164
92
L.
GÉRARD-MARCHANT
ticulier ce
type
de
tissage
ainsi
que
leur
belle couleur
les rendent
attrayants.
ien
que précieux,
Pun
d'eux
est
pourtant
ppelé
pannus
sciamitus.
Les
guarnaches
vec
leurs
tuniques
ssorties e
couleur
ver-
meil
(vermilii)
araissent
onstituer ne
sorte de
garde-robe
e
base.
Leur
rouge
est
quelquefois
dit
sanguini
Beaucoup plus
rares,
certains
samits sont de
couleur
pourpre,
un
autre est
jaune,
un
autre
bleu
velouté
employé pour
des
rubans ou un
mi-parti,
uelques
autres
veloutés.
Utilisésdans
des
combinaisons
mi-parties
u
écartelées
igu-
rent
des samits
verts.
Quelques
samits sont
rayés.
Au
contraire
es catasciamiti
qui
sont
parfois
d'ailleurs
complé-
tés par le termede drappi désignent resquetoujoursune étoffe
décor
géométrique.
On
sait
qu'il
est
impossible
dans ce
type
de
tis-
sage
d'obtenir un
tracé net
pour
un
détail.
Voilà
peut-être
ne
des
explications
oncrètes e leur
désaffection
rogressive.
a
terminolo-
gie,
bien
claire
en
ce
qui
concerne a
célèbre
division
des
veloutiers
et des
tisserands e samit à
Venise en
1347,
est ici
encore
très fluc-
tuante,
et
l'expression
de sciamiti
illosi pelucheux,
revient
lusieurs
fois chez le
deuxième
notaire. Velluti
emble
toujours
associé
à scia-
miti à une
exceptionprès
chez le
notaire
Bartolo,
bien
que
l'expres-
sion sciamitivelluti
esterare.
L'un de
ces
samits
«
veloutés
15
sem-
ble
confirmer
'existencede
velours
rayés
avant
1350,
conformément
à la démonstration écentede Lisa Monnas portant ur la première
moitié
du Trecento 6.
ci le
manuscrit
ndique
sans doute
que
ces
velours
rayés
devaient tre
Florence
'un
des
comblesdu
luxe.
Quel-
ques enregistrements,
rès
rares,
ont
parfaitement
ibyllins
t
on
peut
se
demander ce
que
la
dame ou
la
demoiselle
était
contrainte
déclarer17,
mais
sans doute est-il
ous-entendu
ue
le
vêtement
st de
soie.
D'autres soieries ont
désignées
rès
probablement
ar
les
termes
de
sorianus tar eres
us,
saracinatus
bruca
us,
tissu
broché
de
soie18.
Les
comptages récis
de
l'emploi
de
ces
termes ans le
manuscrit,
vec
leur ocalisation doublure, tc.), leurtypede décor,permettrontansdoute ici de
dissiper
l'ambiguïté.
Les « tartaires des inventaires
papaux
des
années 1343 à 1361
sont de
soie.
Dans la
première
artie
de la
Prammaticade
1343,
au
premier
xamen,
es
«
tartaires sem-
blent
corrélés des
effets
de
rayure
quasi
systématiquement.
arte-
rescus
et saracinatus
ndiquent
ci
probablement
lus
un
type
de
décor
qu'une
origine
il
faut
probablement
ntendre
à la
tartare,
la
sarrasine
,
de
même
pour
sorianus
«
à la
syrienne
.
Le
terme
de
15.
Pour
ous es
xemples,
f.
64v° 0, 22), 72r° , 918), 4v°6,
5r°
1, 29).
16. Cf. L.
Monnas,
Developments
n
Figured
elvet
Weaving
n
taly
uring
theXlVth
entury,
ulletinu
CIETA n.
63-64, 986,
et II.
17.Niccholosa,ilia apidePratopopuli. Lorenzo,abetnamunichamanni
acçurini
15r°
,
126).
18.
Cf. P.
Sella,
Glossario
atino
taliano,
tato
ella
Chiesa,
eneto,
bruzzi
(abrégé
ci
conventionnellement
LI),
et
Glossarioatino
miliano
GLE),
Città el
Vaticano,
944
t
1937,
pannus,
uria
etc.,
insi
u'à
bombexoù
Suria st
utilisé
pour
u coton.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 96/164
COMPTER
T
NOMMER
'ÉTOFFE
93
sergé sargiatus)
concernant a soie est une des
surprises
u manus-
crit.
La
laine
est
peu
citée en tant
que
telle,
mais
elle
est
certaine-
ment
présente
derrière es
mischii t mescholati.Ce sont des étoffes
appréciées
pour
leur chromatisme
mêlé,
marbré19.
Quelquefois
le
nom de
la couleur dominanten'est
même
pas indiqué.
Ces
lainages
entrent ans
la
composition
de nombreuxvêtements
mi-partis
our
un des deux côtés.
Uagnellinus
est
également
résent
ne
fois20
our
un
montage
vec
du
romagnolus.
Mais d'autres
tissus emblentmélan-
gés
dans
leur matière t reviennent e
temps
en
temps.
Ce
sont des
étoffes a plupartdu tempsrayéesou à carreaux,avec par exemple
soie
dans un
sens
et laine dans
l'autre21,
ndiquées
souvent
par
le
termede
trafilatus.
a
vigilance
u notaire les
noter
paraît
extrême.
Enfin la laine est
indiquée pour
les rubans
et les
applications22.
l
n'est
pas impensable
ue
le notaire
oupçonne
des
remplacements
e
ce
type
d'ornementation ur
une robe ou un manteau et
prenne
ses
précautions.
La suite
dira
s'il
est au contraire out
simplement
atil-
lon,
aubaine
pour
le lecteurmoderne.
Nous n'avons rencontré
u'une
fois e terme e
cotognino coton),
qui plus
est
pour
un
drappus
nattendu,
hangeant,
utilisé
pour
dou-
bler un manteau23
bambaggio
coton) pour
un
pannus
rilevatus
4
.
Le sindone toile légère25, st rare et sa matière n'est jamais indi-
19. Sur es
prix
FlorencetenToscane
esmesclitdesmescolatif.H. Hos-
HiNO,
'arte ella ana
n
Firenze
elBassoMedioevo.
l
commercioella ana il
mercatoei
panni iorentini
ei ecoli
1II-XV
Florence,
980
sur
a
définitione
ces issusf.
p.
128 le mescolatoétait onstituée fils e aine eintse différen-
tes
ouleurs,
ue
Ton
mêlait
(après
a
filature).
ur esmescolati
draps
e aine u
Nord e
qualitéupérieure,
d.,
«
TheRise fthe lorentineoollen
ndustry
n
the
Fourteenth
entury,
ansCloth nd
Clothing
nMedieval
urope, ssays
n
memory
ofProfessor
. M. Carus-WilsonN. B.
Harte
t K. B.
Ponting,
ondres-Melbourne
1983,
p.
184-204,
p.
185,
97.
20.
42r
,
417).
ur a
qualité
moyenne
u modestee
Vagnolino
cf. H. Hos-
HiNO,oc.cit., p.192, 93, t ur on mploi our es toffeségèresommea saia
ou le stametto
p.
199.
ur e caractère
ncore
lus
vulgaire
u
romagnuolo
cf. C.
Battisti,
.
Alessio,
izionario
timologico
taliano
Florence,
957,
vol.
abrégé
conventionnellement
ci
Battisti)
romagnuolo
«
XIII-XIV
ec.,
.../
anno rosso
da contadini
atto
ll'uso ella
Romagna
.
Clément
s'en sert
our
mballeres
manuscrits,
f.
GLI
à
malecta.
e
qui
estdonc ncriminé
ci,
'est ien e
cousu,
e
montage
'étoffes
étérogènes.
21. Par
exemple70v°
,
811).
Le
prix
modesteu
trafilatolainage)
ue
men-
tionne .
Hoshino,
oc. cit.
p.
200
tableau 1.6)
emblerait
lutôtndiqueru'il
s'agit
'une utre
atégorie
'étoffe.
22.
N°
843,
parexemple.
23.
N°
26.
A
moins
u'il
ne
s'agisse
on
pas
d'une
matière,
ais 'une ouleur
au sens ù
semble
'employer'entreprise
e Francescoatini Prato la
fin
u Tre-
cento. f.F. Melis,Aspettiella ita conomica edievaleStudi ell'archivioatinidi
Prato),
ienne t
Florence,962,
.
569 «
cotogninofigurearmi
es coloris
comme verde
runo,
elo
i
eone,lazzato,
upo,
biedato,
oré,
monachino,
erde
sambucato
,
etc.
pour
es
draps
e laine
« panni
i
lana
).
24. Cf.
n° 455.
25. Cf. P.
Sella, GLI,
sub voce.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 97/164
94
L.
GÉRARD-MARCHANT
quée
;
il sertde doublure à deux manteaux t d'étoffe ravaillée
our
des robes
qualifiées
de
giubbe
6
. Le taccolino
tissu
grossier
de
lin
ou
de
chanvre27,
même
pu
entrer
ans la
composition
d'une
guar-
nache
mi-partie.
Ces
derniers
xemples
montrent
u'à partir
d'une
matière
première
nitialement
modeste,
e travail du
tailleur,
ou
plu-
tôt son
résultat,
ntre
n
ligne
de
compte.
Des calculs seraient con-
duire sur
le
coût d'une
tunique
ou d'un surcot
mi-parti
il
est sûr
que
ce
principe
ermet
ux femmes
'arborerdes vêtements
récieux,
à
la
mode
et au
moindre
prix.
La
bigarrure ermet
'accroître e luxe
au moindre oût.
Reste
à
estimer
'il
s'agit
d'une
pratique
très
mino-
ritaireou répandue.Cette bigarrure 'opère pas forcément partir
des tons saturés
i aimés
au
Moyen Âge
;
son
but
n'est
pas
nécessai-
rement
e
bariolage
le
plus
cru
comme e laissentensuite
rop
facile-
ment
entendre es
critiques
méprisantes
e
l'âge classique.
Esthétique-
ment,
e
goût
pour
le
géométrique
avec
ses
emprunts
ertains u des-
sin
héraldique), 'opposition
de
textures,
'harmonie des
couleurs,
a
recherche
'un
ton
délicat
paraissent
rès
mportants.
ci
se
pose
donc
tout le
problème
des
incrustations.
Du
cousu et du tissé
Le
mi-parti
Il
associe
souvent
eux étoffes
e
qualité
complètement
ifférente.
Il
est si
présent
t sous
toutes formesd'accords
grammaticaux
ue
le
décompte
n'a
pu
encore
être
entrepris ar
items,
mais un
premier
calcul
grossier
ar
enregistrement
emble
donnerune
proportion lus
proche
de la moitié
que
du
tiers.
Si l'on
garde
à
l'esprit ue plusieurs
enregistrements
nt
été nécessaires
our épuiser
a
garde-robe
e
cer-
taines dames
ou
de leurs
filles,
a
proportion
e femmes
portant
du
mi-parti our
au
moins un
de
leurs
vêtements st
certainement rès
élevée. Les sept premières ages publiées par P. d'Ancona le mon-
traient
d'ailleurs
déjà
nettement.
Accholle
Deux
armoiries
ontiguës
ont
dites accolées en
français,
et on
retrouve e
même terme
dans l'italien accholle
il
s'agit peut-être
d'orientation
du
tissu,
plutôt que
d'un sens
possible
concernant e
décolleté.
Accholle
n'a certainement
ien à voir ici avec
l'idée d'une
encolure
montante
cf.
«
accolato
»
en italien
moderne)
le
premier
notaire
'emploie généralement
vec
la notion de
mi-parti,
omme s'il
s'agissaitde précisera qualitéde ce dernier,t l'hypothèse 'un décol-
leté
asymétrique
erait bsurde
pour l'époque.
Une confirmation ous
26. Cf.
n° 787.
27. Cf.
P.
Sella,
GLI
à tacculinus.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 98/164
COMPTER
T
NOMMER 'ÉTOFFE 95
en est donnée
par
le fait
que pour
le notaire es
capuches
elles-mêmes
peuvent
trefaitesd'étoffes ccholle.
Le mot
apparaît
omme
adverbe,
jamais
comme un
adjectif
ccordable,
de la même
façon
que l'expres-
sion
alla
schisa ou
allaschisa.
Nous
ne
savons
pas
encore s'il
s'agit
d'étoffescousues
par
une
couture
complexe
avec
son
impact
décoratif
propre,
ou
s'il
s'agit
de
disposer
les
pièces
de tissu
en
formant
n
losange,
ou une
portion
de
losange,
avec les
types
d'effet
qui
en
héraldique s'appellent
vêtu,
emmanché,
chausses.
Les quarts
Nous aurions bien souhaité
voir
dans
l'expression
n
quarterio
e
quartier
héraldique,
mais
il
s'agit
plutôt d'échiqueté
de
vastes
pro-
portions,
écoratif
u
avantageux,
u les deux. Deux
étoffes,
t même
quelquefois
trois
ont donc été
cousues
pour
former n
écartelé,
qui
peut
êtreextrêmementontrasté
rouge/
ert,
uni/polychrome)
u tout
en nuances
(écru
et
brun)
ces étoffes
peuvent
être
arborées
par
la
même
femme.
Quelquefois
n'est mentionnée
u'une
seule incrustation
d'un
quart,
ou un effet
qui
se
rapproche
de celui d'un écartelé28.
Autres incrustations
Ont
pu
être cousus des
rubans,
des
étoiles,
des
lettres,
es
feuil-
les,
et même
des
bandes,
sous le terme de
virgis.
Le
vergato
non de siricho
Trois
catégories
echniques
'effets
e
rayures
emblent
uggérées
la
première
elèverait u vero
vergato
omme on
dit
à
Lucques
;
ce
sont tous les
types
de
rayés,
mais dont la
matière
extile
st
homo-
gène.
Puis,
comme nous venons de le
voir,
les
«
rayures
ousues
»
(vergae sutae),
ou encore
posées
(suprapositae)
que
le notaire
distin-
gue des rubans nastri).Enfin es tissus mixtes ù ont pu êtrepassés
des
fils d'une autre matière29.
Les rubans
Bien
souvent,
vec son
système
'abréviations,
e notairene fait
pas
la différence
ntre
'étoffe
et le
vêtement,
t
l'on ne sait
pas
si
un
adjectif
courtédoit se lire au masculinou au féminin.Mais cette
question
n'est sans doute
pas importante our
un
grand
nombre de
cas
;
ainsi la
guarnacchia
est souvent
dite
dimezzata
ou
dimecçata
au
féminin,
a tunica
qui
lui
est assortie
qualifiée
de
panni
dimezzati
28.
N°
59
pour
e
rouge/vert,
run/écru
pour
n
quart
°
101, 10,
tc.,
es
effets'écartelés
°
197,
tc.
29. Pour ous es
exemples,
f.,
ntre
utres,
°
295,333, 18,
713,
26,787,
827, 43,
38,
70.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 99/164
96 L. GÉRARD-MARCHANT
ut
supra
au masculin. D'où
parfois
certaines
difficultés
our
savoir
si
la couleur
ndiquée
se
rapporte
u
drap
ou au
vêtement,
t le
pro-
blème se
pose
surtout
pour
les rubans
s'agit-il
d'un
décor
partiel
ou non30 Une
solution
cependant laquelle
nous
pensons
de
plus
en
plus
est de voir dans un
grand
nombre d'entre eux
-
quand
ne
sont
mentionnés
i
une
qualité
d'étoffe,
ni
une couleur
spéciale,
ni
les termesde
sutus,
suprapositus
mais
qu'au
contraire
'expression
nastrat(-a, us) s'accompagne
de
virgis
ont la couleur
est bien
préci-
sée
-
une variation
du
vergatus.
R.
Levi-Pisetzky emarquait
'insistance
de
la loi
somptuaire
de
1355 contre es rubans d'or et d'argent31 t ajoutait qu'à l'époque
ils
étaient
plutôt
rares. La Prammaticade 1343 en
décrit
déjà
un cer-
tain nombre32.Ce sont donc des
pièces rapportées qui
vont être
explicitement
nterdites
uinze
ans
plus
tard33.
Ornements ousus ou ornements issés?
Breloque
et mercerie
En
dehors
du terme de
brucato
qui
renvoie certainement
un
type
de
tissage précis
-
le
brochage
de
soie,
comme
nous l'avons
vu
plus
haut
-
reviennent
ssez
fréquemment
es
bruchis
et
broc-
chis
qui
nous ont laissée
un
long
moment
perplexe.
Un
des sens de
brocco au XIVe iècle est celui d'un germe,ou encore du bouton de
la fleur d'olivier.
Après
l'évocation des
calderuge
4
champêtres,
e
premier
notaire
pouvait
fortbien ici
aussi
introduire n
termebota-
nique pour désigner
n autre
élément
loral
dans
un
décor textile om-
plexe.
«
Bruco
»
peut
s'écrire aussi
«
broco
»
en italien à
l'époque.
«
Bruco
»
pour criquet
ou chenille
paraît
ci
peu
probable,
«
broco
»
pour pichet
également.
Mais
puisque
ces brocchis
pparaissent
ussi
associés
avec sive faut-il ntendre n ou énumératif
u
explicatif
{brocchis
sive
mandorlis
[n. 594],
brocchis
sive
schacchis
[n. 601],
punctis
sive
brocchis
n. 887]).
Dans le
second
cas,
très
possible,
il
s'agirait
lors de
préciser
non
pas
une
technique
de
tissage,
mais bien
un élémentde décor, dont la formeest suffisammentndécisepour
faire
penser
une
fois
à une
amande,
une autre
fois à une sorte de
carreaux.
Dans
le
premier
as au
contraire,
l
pourrait
avoir
un décor
cousu
après
le
tissage,
comme
pour
les
sonaglis
et
troctolis
5,
ou
30.
N°
51,
101, 60,383, 38, 61,
775
parmi
es
exemples
es
plus
lairs.
31. Cf.R.
Levi-Pisetzky,
p.
cit.,
.
83
tnote 01. e textee a
Legge
untuaria
fatta
al
comune
i
Firenze
'anno 355
volgarizzata
el 356 a SerAndrea ancia
a
cura i P.
Fanfani, lorence,851,
aru
ans 'Etruriaest
malheureusementma
connaissancectuellement
ntrouvableous ette orme.n
peut
e
reporter
E. Rodo-
canachi,
ui
'a
reproduit
ans
'Appendice
e La
femme
talienne
op.
cit.
32. N° 898et
918,
parexemple.
33. R.Levi-Pisetzki,p.cit, p. 83, joute « Leshommesntéressésar e tis-
sage
pouvaient
voir
uelquendulgence
our
esmotifs
issés,
as
pour
e
qui
était
brodé
qui
eur
araissait
n
jout
nutile,
tune
erte
e
tempsour
esfemmes.
34. Voir
lus oin,
e
paragraphe
ur a flore.
35. Domina
rancescha,
xor orsi omini
merici,
°
741,
embleinsimêler
pour
nede
ses
guarnaches
lochettes,
etitesoupies,etits relots?)
en
formee
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 100/164
COMPTER
T
NOMMER 'ÉTOFFE 97
même au besoinnoué au tissu
pendant
a
confection,
i l'on se réfère
à
la notionde boucle
que peut mpliquer
e terme
et qui
donne ensuite
l'idée
de
brocher
t de
brocart).
Une fois est mentionné n tissu
bru-
cato
pourvu
de
brocchis.
P. Sella lui-même st
assez
ambigu
sur
ce
point
et renvoie
pour
une soierie brochée
de
1401,
comportant
des
brochis
magnis
à
un
décor à
petits
clous,
donc un
travail
plutôt
de
ferronnerieu de menuiserie. n
textedu
début
du
Quattrocento
ug-
gère
des
petits
nneaux de fils cousus36.L'idée de
quelque
chose
qui
dépasse,
en
relief,
e
retrouve
ans toutes es
acceptions
de
ces broc-
chi. Même s'il ne
s'agit que
de
passementerie
t
«
du
besoin d'arrê-
ter les filsà la findu tissagepar un nœud qui devientornemental
depuis
la
plus
haute
antiquité
,
l'italien du Trecento
devait facile-
ment
ssocier
es connotations e
germination,
e
denticules,
e relief.
On
peut comparer
vec notre erme
français
de
paillette, ui
au
con-
traire
dérive de la balle de
blé,
de la
tige
sèche37.
Le décor textile
Des couleurs
En attendant 'aborder ultérieurementa questionde leur appa-
riement t de
leur
fréquencepar
l'étude
quantitative,
numérons-les
brièvement
le
rouge
est
présent
ous
les
termesde
rubeus, ruber,
scarlattus,
carlattinus
dont
l'association
avec
des motifs u avec le
terme
ampo indique qu'il s'agit
bien
ici
de la couleur et non d'une
désignation énérique
de
drap),
scarlattinus
minutus,
vermilius ainsi
qu
afiamatus
flamboyant
u
enflammé,
rdent),
anguinus,
cardina-
lescus,
porporus
et
porporinus,
violatus,
pagonazus (violet foncé),
colore
r
ssido
y ncarnatus,
ili
leonis
poil
de
lion,
roussâtre et
pro-
che donc de
rubeus
,
rossellinus
id.),
rancius
orange).
Du côté
des
« soufflets. Le fait ue e vêtementoit it ivisaîusonduiraitpenseru'il 'agit
d'une
épartition
égulière,
ormant
pattern
. Vu a formees
objets ndiqués,
l
s'agit
ien 'undécor
ostiche
notre
vis,
t
pas
d'unmotifissé.
36. Cf. G. da
Uzzano,
a
pratica
ellamercaturadans elladecima di altre
gravezze
mposte
l Comune
i
Firenze,
dellamonetamercatura
ei
iorentiniino
al secolo
XVI
éd.
G.
F.
Pagnini,
isbonne-Lucques,
766,
-125
«
Teli
uattro
i
domaschino,
roccati
'arientoa
piccolo
rocco,
ire ette
n
nove
,
cité
ar
.
Bat-
taglia
au
mot
brocco
3,
avec ette
xplication:
Piccolo odo
o anello)
i
filo
per
ui
a
superficie
i alcuni essuti
a
es.
l
broccato)
resenta
anti
iccoli
ilievi.
Le
veloursriséinalementst
roche
e ce
type
'effet,
ais ette ois vec ne
rame
régulière.
f.
GDFI,
«
broccutodonne
«
pien
i
brocchi,
lein
e nœuds
,
et
à
«
broccato :
«
pieno
i
brocchi,..../,
nel
drappo
i chiamanoicci
boucles
.
37.
Sur e mot
rançais
e
paillette
tilisén
passementerie1398)
f.
Diction-
naire istoriquee la Langue rançaiseous a direction'Alain ey, aris, 992,2
vol.,
u mot
passer
: « du atin
ardif,
traverser
,
qui
nous envoie
roba-
blement
trafillati,erfilad
etc.,
ansnotre anuscrit.'autre
art,
evi-Pisetzki,
op.
cit.
.
84,
note
02,
ndiqueue
es
coppelle
,
petits
rnements
ostiches,
euvent
être
ustement
aits e
fil,
t
ndique
n
corps
e métier
pécialisé
Venise,
ais
unedate
plus
ardive
1377).
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 101/164
98
L. GÉRARD-MARCHANT
jaunes
et des
beiges
giallus, gialletus
petit aune)38,
giallus
rancius
(jaune-orangé),
garofanatus,
bere i
us,
bigius,
ceneregnuolus,
enna-
matus
chammellinus,
hamellinus ealisou
regalis,
igius
brunus,
bru-
nus. Pour
les bleus :
azzuro
sous
toutes es
graphies
possibles,
ciles-
trinus, ilestrus,
ambucatus
9,
biadatus,
turchinus.
our
les verts
viridis viridis
hiarus
vert lair),
viridis
runus,
viridis
oveltus.
nfin
des nuances d'une
délicatesse
xtrême
nous
avons
déjà
cité
incarna-
tus
(incarnat),
et
cennamatus
(cannelle),
garofanatus
(girofle40)
ajoutons floris peschi (fleur
de
pêcher),
usignuolus
rossignol) pour
les roses
pâles
et
foncés et nous
pouvons
dès
maintenant oter
des
associations tout en finesse,fréquentes ainsi ce mi-parti de drap
écarlate
et
de
soie couleur de
girofle
u
décor de
compas
blancs
et
jaunes
et
vermillon,
vergeté
de soie
jaune
et
blanche
horizontale-
ment
.
Ou encore e
«
drap
rehaussé,
ur
champ
rouge
sang,
de
petits
oiseaux
et
compas
jaunes
nombreux,
oublé de
drap
à
carreaux
aux
couleurs
bleuâtre,vermillon,
annelleet
blanche 41.
Les blancs
ajou-
tent
certainement cette subtilité
nous
trouvons ainsi des
étoffes
blanches
qualifiées
implement
e
drappi vergati
lbi
qui
servent ré-
quemment our
les
doublures
surtout
our
la soierie
ppelée
soriano
,
en
parallèle
avec
des tissus
vergéspolychromes
ont
chaque
compo-
sante est strictement
ecensée.
l
faut très
certainement
maginer
es
premières vec un effetde rayure btenusimplement ar la texture,
le
damassage.
Le blanc
est aussi un fond
qui
sert assez
souvent
pour
les étoffes décor
très
précieux,
omme
par
exemple
ce
drap
à
fond
blanc rehausséde rinceaux t de
raisins
rouges
qui
semble à
première
vue
assez
répandu.
Enfin,
il
est
question
d'écru avec
Yalbetto.
Deux
fils semblent
voir
été
utilisés ans
que
la soierie
soit dite
changeante par exemple pour
une
guarnache
de soie
sergée
de ver-
millon et de canelle42.
Les
cangianti
ont
fréquents
ans les doublu-
res. Sans
rentrer
ci dans les
détails,
outre
nigris
et
brunis
qui
est
sans
doute
plutôt rare),
revient rès
souvent a
catégorie
du
cup
s
43
,
du sombre, ndéterminéen face de toutes es couleurs t nuancesquisont, elles, nombreuses.
38.
Cf.
GDFI,
à
gialletto
:
«
/.../
ui
tire ur e
aune,
n
peu
aune,
irant
sur e roux .
39. La teinture
leu-grisâtre
btenue
partir
es
baies u ureau
sambucus)epuis
la
préhistoire,
f.F.
Brunello,
'Arte ellaTintura
ella toria
ell'umanità
Vicence,
1968,
.
158.
40.
Garofanatusourrait
ventuellement
envoyer
l'œillet,
arofanata
n
talien
au
xiv%
f.
Battisti,
p.
cit.,
ubvoce mais e ne erait
atisfaisanti
pour
a
cou-
leurlesœilletseuventtre ussi ien lancsuerougestroses u encoreour-
pres),
i
pour
a formatione
'adjectif
ui
visiblemente construitommeambuca-
tus
et
sambucaton
talien),
ur ambucus.
41.
N°
766et 64.
42. Entre
utres,
°
64, 759,
66.
43. On retrouveussi e terme
énérique
hez
Datini,
f.
Melis,
op.
cit.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 102/164
COMPTER
T
NOMMER 'ÉTOFFE
99
Des ors et
argents
Ils
avaient
jusqu'ici complètement chappé
et
posent plusieurs
types
de
problème.
Les ors
apparaissent
ssez
subitement,
our
un
nombre restreint
'élégantes
et
pour
des
«
rubans
»,
dans le dernier
quart
du texte du
premier
notaire
il
y
a donc
là
une
question
de
ressources,
e
fortune,
e choix
également
e la
part
de
ces femmes
le resserrement
e
leurs
apparitions
dans le manuscrit es constitue
en un
groupe
un
peu
à
part,
dont
les modalités
d'apparition
et donc
de
procédure
dans le
manuscrit eraient
étudier.
Les
argents,
une
fois décomptés,serontpeut-être n peu plus diffus.
Un autre
problème
st constitué
ar
la
question
du
brochage,
si
l'on
entend
cette
fois
par
ce terme
e fait
d'adjoindre
à
l'étoffe
des
fils
présentant
e
l'or
ou de
l'argent
selon
l'acception
modernecou-
rante.
Rares sont les
lampas
non brochés ctuellement
onservés
ans
les trésorsdes
églises
et les musées.
Ce
sont
pourtant
ci
majoritaire-
mentdes étoffes motifs
dentiques
u
comparables
ux
échantillons
brochés
subsistants
ue
le
notairenous fait
entrevoir,
mais
pour
les-
quels
semblentn'avoir
été
utilisés
ni or ni
argent,
comme ce
fut le
cas au contraire
vec
les brocatellesdeux
siècles
plus
tard.
Or
il
est
fort
peu probable
que
le notaire
i
soigneux
it omis
par
endroitsde
détailler'or ou l'argent. l nous sembledonc qu'il fautproposerdeux
types
de
production partir
e motifs emblables une
très
uxueuse,
et
que
l'on
retrouve ans les inventaires
apaux
ou dans ceux
des
égli-
ses,
une autre un
peu plus
modeste dont
se contentent es
femmes.
Si
quelques
échantillons extiles ubsistant
ctuellement,
rochésmais
où une couleur a été
remplacéepar
une
autre,
attestent ne
certaine
liberté
'emploi
de la
couleur,
e
double traitement 'un même
motif,
avec
brochage
t
sans
brochage,
era
peut-être
ifficile,
oire malheu-
reusement
mpossible
à retrouver ans les
collections.
Des motifs
La
flore
Sa nomenclaturest étonnante t reflète ien
les
temps
nouveaux.
C'est
un
mélange
de
motifs raditionnels i ce n'est
dans
le
tissu,
du
moins dans l'histoirede l'ornementation
pampres,
rinceaux,
raisins,
lys), auxquels s'ajoutent
des motifsfamiliers. e notairetentede les
appliquer
à
des textiles
dont le
décor s'oriente vers un
naturalisme
qui
ne se dérobe
pas
moins à une identification
récise
et
codifiée
ainsi ces calderugedont il nous a fallu un certaintemps pour com-
prendrequ'il s'agit
de la fleur de
séneçon,
mauvaise
herbe
de nos
campagnes
aussi bien
en
France
qu'en
Italie. Son
capitule
forméde
fleurons t entouré de
bractées
a une
silhouette
ui
ressemble out
à fait à celle
des autres
composées,
comme
la fleurde chardon
par
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 103/164
100
L.
GÉRARD-MARCHANT
exemple,
bien
que
la fleurde
séneçon
soit de dimension ien modeste
par
rapport
celles
-
majestueuses
t
monumentales
du chardon
ou de
l'artichaut,
qui
vont orner si souvent es tissus du
XVe
iècle
en
agrandissant
ncore leurs modèles réels. Sont
présentes
bien
sûr
les roses
et les
rosettes,
es
pommes
de
pin
(bien
que rares),
es feuil-
les très
nombreuses,
insi
que
les
trèfles,
es
arbres,
es
rosiers,
es
chênes,
es
glands,
les
aulx,
des
palmes,
enfin,
ous
le nom
de
caf-
f
oris,
peut-être
es tissus à fleurettes44.
Le
bestiaire
On retrouve acilement a fantaisie t la richessedu détail
pro-
pres
aux étoffes
de cette
époque
dans
la
façon
dont le notaire en
parle
:
des oiseaux
(avec
la couleur éventuellement
ehaussée
du
bec,
des
ailes,
ou des
pattes),
des
coquilles,
des
oies,
des
chiens,
des
renards,
des
lions,
des faces et des têtesde
lion,
des
paons,
des cerfs
(qui désignent
ans doute les
gazelles),
des
sirènes,
es
dragons,
ven-
tuellement
nchaînés,
es
papillons,
des
griffonsqui
renvoient u
bes-
tiaire
fantastique
'Extrême-Orient,
u
issu
de
Byzance),
des
licornes,
des
léopards
et des têtes de
léopard,
des
lièvres,
de
petits
sangliers,
des
ours,
des
hirondelles,
es
rossignols
insi
que
de
petits
pages,
des
homoncules 5.
Les êtres
inanimés et les
motifsgéométriques
On trouve46 es étoiles
très fréquentes),
es
bâtonnets,
es chaî-
nes,
des
couronnes,
des
lettres,
es
écus,
des
cordelettes,
es
cimiers,
des
«
crocettes
,
des motifs en
petits
sous47,
ronds
(besants),
des
points très
fréquents),
es
dés,
des
soleils,
des
lunes,
des
mandorles,
des
perles,
des
mouchetages,
des
rubans,
des
nœuds,
des
entrelacs,
des
petits
pavillons,
des
tentes,
es
châtelets,
es
nuages,
des
rochers,
44.Généralementl'ablatiflurieloit pampanis,vis, vellinis,itibus,ilis
giglettis,
osis, osettis,
inisfoliis,oglis,rafoglis
sic),
rbori
us,
uercubus,
hian-
dibus, osais,
glis
à quoi
l
faut
eut-êtrejouter
es
brocchis),
affloris,afloris,
florellinis,
lorettis,loribus.
45.
Ucellis,
cellinis
avi
us hez e deuxième
otaire),
icchiis,
onchigliis,
nse-
ribus, anibus,
ulpibus,
eonibus,
apitibus,
isibus,
estibus
sic)
eonis
t
eonum,
cerviorum,
erviarum,ervis,erenis,raconibus,
raconibus
ncatenatis,
arfallis,ri-
fonibus,
eocornibus
t
eoncornibus,
eopardis,
estibus
eopardis,agonibus,
epibus
(sic),
orcellininis,
ondinibus,
signuolis,
rsibus,
choiattolist
coaitolis,
agiuolis,
viriolis.
46.
Stellis,tilis, atenis,
oronis,
oronibus
sic),
icteris,
itteris,cudis,
ordi-
glis,
imieris,rucibus,enariis,
enaiati
addanaiato,
allis,
allotolis,unctis,
adis,
lunis, andorlis,
argheritis,
oschettis,astris,odis, odellis,
odis
alomonis,
adi-
glionibus,rabacchis,astelluccys,uvolisrocchis, ontibus,onticellis,agettis,er-
latis,merlis,cudis,
entibus,
entellis.
47.
«
Danaio
,
cf.
Battisti
«
formeoscane e danario. Cf. aussi adde-
naiato
(besanté).parso
i
bisonti
,
dansVocabolarioraldico
fficialeeguito
al
Dizionarietto
i
voci
Araldicherancesiradotten taliano
er
cura i A.
Manno,
Rome, 907,
.
73.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 104/164
COMPTER
T
NOMMER
'ÉTOFFE
101
des
monts,
des
flèches,
nfindes créneaux.
Les dés
nous conduisent
en
fait aux carreaux.
La
présence
nsistante
e
«
compas
»48
nous
a
conduite
progres-
sivement abandonner 'idée
qu'il puisse s'agir
d'une
figure
u
type
de celle
que
l'on rencontre n
héraldique,
et
qui
alternerait
vec
des
fleurettes
u tout autre
motif omme on le
pensait
usqu'à présent49.
L'hypothèsequ'il
s'agisse
d'un
décor structurant
demi-mailles
gi-
vales est
bien
plus
satisfaisante c'est
dans,
ou autour
de
celles-ci,
que
viennent ouvent
e
disposer
dès cette
époque
des
décors adven-
tices,
pour remplacer
es anciens
compartimentages
n
cercles. Les
comparaisons,compassibus ive crocettis n. 795], compassibusdicti
coloris
sive
floribus n. 392]
trafoglis
ive
compassibus
n. 945],
com-
passibus
sive
portis
[n.
839]
nous semblent
pporter
a
preuve que
le
notaire tâtonne
pour
nommer
des éléments
qui
servent
d'armature
linéaire
au
décor50,
rmature
elle-même
plus
ou
moins nourrie
de
raffinementsnnexes
qui
prolongent
e
foisonnement
'éléments de
toutes sortes.
L'existence
d'incrustations
n
forme de
compas
men-
tionnées
galement ar
le notaire
nous
paraît
pouvoir
confirmer
u'il
s'agit
bien
d'une
forme
générique
de
demi-mandorle51.
Enfin,
si les deux
termes
divisatus
et
dimezzatus
désignent
n
héraldique
le
mi-parti
t
se retrouvent
ous cette
acception
dans la
plupartdes textes taliens52,l semble nécessaire ci de bien les dis-
tinguer.
imezzatus
est bien conforme
cette dée d'un
vêtement
ont
les deux
parties
cousues sont
décrites uccessivement.
Mais
divisatus
ici renvoie
ystématiquement après
les
premières
ages plus
floues
où le notaire
se contentede
parler
de
panni
simplement
ivisati
-
à la
description
'un
décor,
très
vraisemblablement
registres
ori-
zontaux
superposés.
Nous
avons laissé de côté
pour
cet
article
es
recoupements
co-
48.
Compassibus
hez e
premier
otaire,
t
compassis
hez e
second. e barba-
risme u
premier
e
retrouveans es
nventaires
apaux.49. E. Rodocanachi,p.cit., .348, our es compas pensaitdes orne-
mentsn forme e
triangles
. R.
Levi-Pisetzky,
p.
cit.,
p.
95,
cite es
compas
comme esmotifsu
même
egistre
ue
es
oiseaux u les
rosettes
«
né
meno
aia
è
quella cotta]
i
Domina uerrieraon
uccellini,
ose,
ompassi
altre
igure.
50.
GDFI
donne
a traduction
ossible
e
compartiment
our
compasso
. Du
Cange, ui
renvoie
galement
u
dictionnaireella
Crusca,
ndique
ussi
e sens n
italiencf.
Du
Cange,
Glossariumediaet
nfimae
atinitatis
Paris, 842,
com-
passus.
f. ussiV.
Gay,
Glossaire
rchéologique
u
Moyen
ge
tde
a
Renaissance
Paris, 887, vol.,
u mot
compas
:
«
courbe
racéeu
compas,
obe,
ercle u
segment
e cercle
écrivantout u
partie
u
contour'un
objet urviligne
.
51.
Par
exemple,
°
685.
52. Cf.
P.
Sella,
GLI et
GLE,
ubvocibus.
our
divisato
,
Giuseppe
orta
donnennote
«
variegato
soit n
françaisbariolé,
igarré,
f.G.
Villani,
Nuova
Cronicad.,G. Porta,Parme, 991,ol. II (libri II-XIII), .531, ote 0 ils'agitde
l'année
347
t de
'ambassadee Florence
nvoyée
u
roide
Hongrie)
«
Cias-
cuno i
dettimbasciadori
er
rdine el
omunei vestiròi
roba
i
scarlattotre
guernimenti
ederate
i
vaio.
E
ciascunoondueo
tre
ompagni
estitiutti
nsieme
d'un
panno
ivisato olto
pparente
. P.
Sella, GLI,
ne
mentionne
ue
'accep-
tion érivéee
l'héraldique
«
partito
i
diversi
olori .
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 105/164
102
L. GÉRARD-MRCH
NT
nographiques
t les
possibilités
e mises en
rapport
des
«
patterns
décrits ans
le manuscrit vec les
fragments
extiles ubsistants les-
quels pourront rendre
lace
dans des
publications
ltérieures,
omme
nous
l'espérons.
Nous avons
essayé
de
présenter uelques types
de
difficultés,
ais surtout 'intérêt u manuscrit. es
suggestions
eront
les bienvenues.
Appendice
Garde-robede Domina Taddea Marchi f° 8r° 4, 8v° 1, n° 61) :
Domina
Taddea uxor
ViteMarchi
populi
S
Laur(entii),
h(abe)t [1]
una(m)
guarnacchia(m)
imezzata(m)
x una
p(ar)te pan(n)i
scharlatti
et ex
al(ia) p(ar)te panni
scharlattini
spinapescie cu(m)
stellis
albis
et
cu(m) co(m)passibus
albis
et
cu(m) pu(n)ctis
violatis
in
ip(s)is
co(m)pas(si)b(us)
de siricho
[2]
Item
una(m) tunicha(m)e(i)u(s)dem
pan(n)i
et
dimezzati
ut
s(upra) [3]
Item
una(m) guarnacchia(m)
imez-
zata(m)
ex
una
p(ar)te
pan(n)i
scharlattini t ex
al(ia) p(ar)te
pan(n)i
schaccat(i)
in
ca(m)po
colo(r)is
sanguigni
cum
virgis
de siricho
albis
giallis
vermiliis
(er) longu(m)
t
p(er) tra(n)sv(er)s(um)f°8v°) [4]
Item
unam
tunicha(m) (i)u(s)dem
dimezzati
et
panni
ut
s(upra)
[5]
Item
h(abe)tunamguarnacchiam imecçata(m) x unap(ar)te pan(n)i schar-
lattini,
et ex
al(ia)
p(ar)te pan(n)i
scharlattini
nugolati nigrifode-
rat(am)
de
drappo
albo
vergat(o)
(er) tra(n)sv(er)s(um)
6]
Item
unam
tunicham
(i)u(s)dem
dimezzati
t
pan(n)i
ut
s(upra)
[7]
Item
una(m)
guarnacchiam anni
cen(n)amati
cum
virgis
de
siricho albis vermiliis
et
giallisp(er)
long(um)
et
p(er) tra(n)sversumoderat(am)
de
drappo
schacchato
cum schacchis albis et
sanguinis
8]
Item
una(m)
guarna-
chiam
pan(n)i
scacchatini
u(m)
virgis
lbis
sanguinis
t
viridibus
(er)
longu(m)
et
p(er)
tra(n)sv(er)s(um)
9]
Item
una(m)
chotta(m)
drappi
rilevati n
ca(m)po
cholo(r)is anguigni u(m)
uccellinis
lbis
vermiliis
et viridib(us) u(m) stellisvermiliis t cu(m) multisdiv(er)sis ompas-
sib(us)
de
div(er)sis
olorib(us) 10]
Item
una(m)
chottam
rappi
chac-
chati cum
virgisgiallis
p(er) tra(n)svers(u)m
t cum schacchis vermi-
liis
garofanatis
t
giallis
et albis
[11]
Item unam chottam
[do]gata(m)
drappi
vermil(ii)
t
virid(is)
[12]
Item
unu(m) capputeu(m)
dimez-
zatu(m)
ex una
p(ar)te pan(n)i
scharlattini
t ex
al(ia)
p(ar)te pan(n)i
acçurrini u(m)
stellis
iallis
et
cu(m) pu(n)ctis
vermil(iis)
n
ip(s)is
stel-
lis et
compassib(us)
giallis
et
albis
in
siricho
13]
Item
unu(m)
cappu-
teu(m)pan(n)i
acçurinicu(m)
stellis
giallis
cu(m) pu(n)ctis vermil(iis)
in
ip(s)is
stellis
et
compassib(us) giallis
et albis
in
siricho.
Dame Taddea, épousede VitaMarchi,paroissede Saint-Laurent,
possède
:
[1]
Une
guarnache
mi-partie,
e
drap
écarlate
[uni]
d'un
côté,
et de l'autre
à chevrons vec des
étoilesblanches t des
compas
blancs
et
des
points
violets
dans ces
compas,
en
soie
[2]
Item une
tunique
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 106/164
COMPTER
T
NOMMER 'ÉTOFFE
103
du même
drap,
et
mi-partie
e la même
façon
[3]
Itemune
guarna-
che
mi-partie
'un côté de
drap
écarlate,
de l'autre de
drap
à car-
reaux au
champ rouge sang,
avec des
rayures
e
soie blanches
aunes
et
rouge
vermillon n
long
et en
large [f°
8v°]
[4]
Item
une
tunique
du même
mi-parti
t
du même
drap [5]
Item une
guarnachemi-partie,
de
drap
écarlate
d'un
côté,
de l'autre
côté
de
drap
écarlate
ennuagé
de
noir,
doublée de
soierie
blanche
rayée
transversalement
6]
Item
une
tunique
du même
mi-parti
t du
même
drap [7]
Item
une
guar-
nache de
drap
canelle avec des
rayures
de
soie
blanches,
rouge
ver-
millon et
jaunes,
en
long
et en
large,
doublée de soierie
à
carreaux
blancs et rouge sang [8] Item une guarnachede drap à menus car-
reaux avec des
rayures
lanches,
rouge sang,
et
vertes,
n
long
et en
large
9]
Item une cottede
damas
rehaussé,
u
champ
couleur
de
sang,
avec des
petits
iseaux
blancs,
vermillon t
verts,
vec
des
étoilesver-
millon et
de nombreux
ompas
de taille et de
couleurs
diverses
10]
Item une cotte de
drap échiqueté rayures
aunes
transversales
t
à
carreaux
vermillon,
irofle, aunes
et
blancs.
[11]
Item
une cotte
à
bandes
larges
de soierie vermillon t verte
12]
Item un
chaperon
mi-
parti
de
drap
d'écarlate menu d'un
côté,
et de l'autre
de
drap
azur
menu avec
des étoiles
aunes
à
points
vermillon,
t
des
compas
jau-
nes
et
blancs,
en
soie
[13]
Item un
chaperon
de
drap
d'azur
menu
avec des étoiles aunes, à pointsvermillon t des compas jaunes et
blancs en soie.
Villa
I
Tatti
Via
di
Vincigliata
26
1-50135
Firenze
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 107/164
104
L.
GÉRARD-MARCHANT
Laurence
Gérard-Marchant,
Compter
et nommer 'étoffe à
Florence au
Trecento
1343)
Un
enregistrement
otarial
e
1343,
connu
sous
le nom de Pram-
matica del Vestire
et dont la saisie informatisée st en
cours,
fournit
déjà,
au terme
de
l'étude
de son
premierquart,
des
informations
ur les
garde-robes
ndividuelles
axées
comme
luxueuses,
mais
aussi sur les tissus
et
les matières
utilisées,
a
composition
des
tuniques
et des
guarnaches
en
mi-parti,
es
applications
e rubansvariés
ou
précieux or, argent),
es motifs
textiles t
leurs chromatismes. es tissus
qui prédominent
ont
les soieries,mais les lainages ontégalement étaillés, ans doute
parce
qu'ils
comportent
es filsde soie
passés,
des
incrustations,
ou bien
qu'ils
se
trouvent
uxtaposés
à des tissus
de
soie.
A
côté
des
samits
sont aussi
mentionnés es velours.
Textile
Costume
Trecento Florence Lois
somptuaires
Laurence
Gérard-Marchant,
Counting
nd
Namingh
Fabrics
in Florence
in the Trecento
1343)
A
notarial
record
of
1343
known as
the Prammatica del Ves-
tire whose computerized ranscriptions now in process,has
already
yielded
nformation
ot
only
on the bulk of individual
wardrobes
udged
as luxurious
nd
taxed,
but also on the fabrics
and
materials
used,
the
prevailing
extures
f tunics and
parti-
colored
surcoats,
the
possible applications
of
different ibbons
(including
recious
ones
of
gold
and
silver),
nd textile
atterns
and
hues.
The fabrics
isted are
predominantly
ilks,
but wool-
lens
are also
detailed,
probably
because
they
were stitchedwith
silk
threads,
dorned
with
ncrustations,
r combined
with
ilk.
Next to
the
samites,
velvets
are also mentioned.
Textiles Costume- Trecento Florence Sumptuaryaws
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 108/164
Médiévales9,automne995, p.105-129
Pierre
BUREAU
LA
« DISPUTE POUR
LA
CULOTTE
» :
VARIATIONS LITTÉRAIRES ET ICONOGRAPHIQUES
D'UN
THÈME
PROFANE
(XIIP-XVI* SIÈCLE)
«
Où la femme
gouverne portant
a bannière
et les
brayes
avec,
le tout
y
va derrière
(proverbeflamand).
Retracer 'histoire
d'une
expression magée
et
cocasse à
partir
de
documents
critsou
figurés
nécessite
uelques
remarquespréliminai-
res
d'ordre
méthodologique.
Le
premier
cueil
à éviter
st la tenta-
tion,
trop
souvent
répandue,
d'isoler
un
thème
profane
sans
prendre
en
compte
le contextedans
lequel
il
s'exprime.
Le second
est de
se
cantonner
voir dans les miséricordes e
stalles
et
les
marges
des
manuscrits
es
figures
purement urlesques.
Il
convientde
dépasser
ce
type d'approche
afin de
mesurer
a
dimension nthropologique ue soulève une simpleexpressionpopu-
laire. Pour ce
faire,
sans
tomber
dans
le
piège
de
l'analyse
analogi-
que
et
cumulative,
l
est
plus
approprié
de
dresser,
n
premier
ieu,
un
corpus
ouvert des
différentes
ccurrences 'une
locution
prover-
biale
que
chacun connaît
et
utilise ncore
aujourd'hui,
en
s'attachant
à faireremonter
la
surface
e
que
les textes
nous ont
laissé comme
témoignages
crits
d'une culture
qui
était
avant tout
orale.
C'est à
la
croisée
du texte
et de
l'image que
le
clivage
entre a
culture
léri-
cale et
laïque prend
oute sa
signification.
nalyser
'irruption
u
pro-
fane
au cœur du sacré est
une nouvelle
façon
d'appréhender
e
con-
cept
de
marginalité.Ainsi, e thèmede la « disputepour la culotte permet e poser
de
façon
transdocumentaire
es
questions
qui
touchent
es
sphères
domestiques,
ulturelles
t
sociales.
Se
quereller
our
savoir
qui
«
por-
tera
a culotte dans
le
ménage
est l'une
des formesde
la lutte
pour
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 109/164
106
P.
BUREAU
le
pouvoir
dans la sociétédu XVe iècle. Les
rapports
d'autorité
qui
se manifestent
travers
a lutte
pour
un vêtement
ymbolique
ôtoient
dès
le
XIIIe
siècle
d'autres
rapports
de force
à
caractère
udique pre-
nant
place
dans
un contexte acré.
Ceci soulève
le
prodigieuxpara-
doxe de
la
présence
de ces scènes
profanes,
étrangères
la
religion
-
au sens
étymologique
u
terme,
rofanus
«
hors du
temple
-
,
qui
s'expriment
marginalement
n
plein
cœur
de
l'église
ou
dans les
marginalia
d'un
psautier.
Sources
littéraires
'une
expression
familière
Dès les
premières
tudes
du siècle
passé
sur les thèmes
profanes
dans les
miséricordes
e
stalles,
n
fabliau
était
ystématiquementlacé
en
regard
de la scène
de
la
«
dispute
pour
la
culotte .
Il
est vrai
que
le fabliau
intitulé
ire
Hain et
Dame
Anieuse
se
prêtait
mer-
veille
à
«
l'illustration
du vieil
adage
tenant
ieu de
proverbe
«
Dis-
moi
qui
tient a
maison
homme
ou femme.
Je te dirai
qui porte
la
culotte
. Au-delà
de cette
simple uxtaposition,
l
est désormais
nécessaire
e faire
e
point
ur ce
fabliau
picard
d'Hues
Piaucele,
com-
posé
au.
XIIIe
iècle,
en le
replaçant,
'une
part,
dans le contexte
éné-
ral
des fabliaux
et,
d'autre
part,
en
l'analysant
de
façon
détaillée.
Entièrementonsacré à un duel facétieux ntre mari et femme
pour
la
possession
des braies
symboliques
permettant
e déterminer
qui
sera
le
maître
dans
le
ménage,
ce
fabliau
pose
de
façon
emblé-
matique
a
question
de
la
signification
u
vêtement u sein
de ce
genre
littéraire,
mprégné
d'éléments
folkloriques.
Pour
qui
s'intéresse
u
symbolisme
estimentaire,
es
fabliaux
ont
un réservoir
et un
riche témoin
d'histoire
anthropologique.
Les
fabliaux
regorgent
'histoires
de
vêtement
olés,
mis
en
gage
ou
per-
dus
aux
jeux
de dés.
Il
en
est
même où
le vêtement
pparaît
comme
une
véritable
métaphore
péculaire
du
texte,
'indice d'une réflexion
sur le texte ui-même1. lus rares sontceux dans lesquels e vêtement
est
une source
de
conflit
dont ils
constituent
'intrigue part
entière.
Sire
Hain
et
Dame
Anieuse
appartient
ce
dernier
groupe.
Ce
récit
st conservé
dans
deux
manuscrits2,
'un
portant
e titre
1. Cf.
H.
Bloch,
Le mantel
autaillié
esfabliaux
,
Poétiques
t.
14, 983,
p.
181-198,
epris
ans
d.,
The
candal
f
the
abliaux
Chicago,
986,
p.
22-58.
ur
la
peau
t
e vêtement
omme
étaphore
péculaire
u
exte,
e
me
ermets
e
renvoyer
à
P.
Bureau,
Les
valeurs
étaphoriques
e
a
peau
ans e Roman u Renart.ens
et
fonction
,
Médiévales
n°
22-23,
992,
p.
143-148.'est
ans e cadre 'une
hèse
préparée
l'EHESS ous
a direction
eJean-Claude
chmittonsacrée
une éflexion
plus
arge
ur
e
symbolisme
estimentaire
travers
'image
t
'imaginaire
u
Moyen
Âge
entral
xiie-xme
iècle)
ue
s'inscrivent
et rticle
t a
présente
ontribution.
2. Le manuscrittiliséci st elui eParisBNF,ms.fr. 37, °49b-51b)'autre
étant
onservé
Berlin.
e texte
ritiquepartir
uquel
ous vons ravaillést elui
établi
ar
W.
Noomen
t
N.
Van
Den
Boogard,
Nouveau
ecueil
omplet
es
fabliaux
désormais
brégé
n
NRCF],
ssen, 984,
.
I,
pp.
3-26. a
bibliographie
la
plus
écente
ur e
fabliau
st elle
mise
jour
ans e Dictionnaire
es ettres
ran-
çaises,
e
Moyen ge,
Paris,
992,
.
688
notice
elative
Hue
Piaucele).
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 110/164
LA
DISPUTEPOUR
LA
CULOTTE
107
De Sire Hain et de Dame Anieuse l'autre celui de La Batalle d'un
Prodome et
de sa Fame. L'auteur
est mentionné ans les deux
cas
soit sous
la forme Hues Piaucele
»
soit sous celle de
«
Peaucele ».
Les auteursdes fabliaux ont souventfriands e
jeux
de
mots
et l'on
peut
à cet
égard
avancer
'hypothèse ue
le nom même du
composi-
teur de ce fabliau n'est
pas
sans lien avec le
sujet
abordé dans celui-
ci.
A
priori
quel rapportpeut-ily
avoir entre e nom d'un
auteur
et le contenu d'un
fabliau consacré entièrement
u
vêtement Une
courte
parenthèse
sur une
pratique ayant
cours
au
XIIIe
iècle en
matière
conographique
éclairera
notre
propos.
On rencontre ans le domaine de la sigillographie e que l'on
appelle
un
«
sceau
parlant
,
c'est-à-dire
n
sceau
qui
évoque par
le
dessin
d'une
figure
e nom ou
les activités u
sigillant.
Ainsi,
un
laïc
s'appelant
GuillaumeHarenc ou
un
clerc,
Nicolas
Gorpil,
cellent 'un
hareng
ou d'un renarden
plein
champ
le
sceau
qu'ils
utilisent
our
valider un acte.
À
la
lumièredes sceaux normands de
paysans
qui
avaient
souventrecours ce
principe,
l
est
possible
de subodorer
ue
nous sommes en
présence
d'un
véritable fabliau
parlant
». Le
nom
de l'auteur Piaucele ou Peaucele
s'apparente
en ancien
français
ux
substantifs
peaucel
»
ou
«
peaucele
»
qui signifiaient
petite
peau
»
au
XIIIe
iècle. Dès
la fin
du
XIIe
iècle,
l'adjectif
«
peaucelu
»
dési-
gnaitcelui« qui n'a que la peau sur es os ». Ce rapprochementppa-
raît fondé à la
lecture u fabliau ui-même t
d'autres récits
ue
nous
rencontreronsltérieurementans
lesquels
a
peau
et le
vêtement ont
inextricablementiés.
Au
plus
fortde la
dispute,
e narrateur
voque
le
corps
et le vête-
ment des deux
lutteurs ouvertsde
sang
et
ne
manque pas
dans son
épilogue
de
conclure
que
«
si votre femme
l'insolence de
vouloir
porter
a
culotte
...), agissez
comme
Sire Hain en
usa avec
Anieuse,
qui
le
méprisait
e
son
mieux
usqu'au
jour
où
il
réussit lui
frotter
os et
échine
». Sauver son
vêtement,
'est d'une
certaine
façon
sau-
versa peau. Sauver ses braies revient sauverson individualitémas-culine au
prix
d'une lutte féroce avec une femme
qui
chercheà
s'approprier
e vêtementmasculin.
Avant d'en venir au texte
ui-même,
n
bref
résumé
permettra
de
présenter
e contenu de ce
fabliau Sire Hain
et Dame
Anieuse
forment n
couple qui
se
querelle
ontinuellement.fin
de
savoir
une
fois
pour
toutes
qui
est le maître
dans la
maison,
Sire
Hain
propose
à sa femme
d'engager
une
lutteen
déposant
au milieu
de la cour
ses
propres
braies.
À
l'issue du
combat,
celui
qui
s'en
emparera
pourra
être considéré omme celui
qui
«
porte
a
culotte
et la
question
du
gouvernement
u
ménage
sera
définitivementésolue.
Deux
voisins,
Simon et sa femmeAupáis, jouent le rôle de témoins au fil de ce
véritable uel.
Après
une bataille
rudement
menée,
Sire
Hain
parvient
à se saisirdes braies
symboliques,
t
Anieuse se déclarant
aincue
pro-
met à
son
époux qu'elle
lui
sera
désormais
soumise.
Ce n'est
pas
un hasard
si
le
narrateur
ouligne,
dès les
premiers
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 111/164
108 P.
BUREAU
vers,
l'activité
professionnelle
e son
héros.
Sire Hain
sait de
quoi
il
parle
en matièrevestimentaire
ar il exerce
e métierde tailleur t
sait
parfaitement
accommoder es cottelleset les
manteaux
«
Sire Hains savoit bon
mestier,
Quar
il
savoit bien rafetier
les coteles et les mantiaus
(v.
7-9).
Sa
femme vait la
particularité
e ne
jamais
satisfaire es désirs
et se
plaisait
à le
contrarier e tout
son
pouvoir
en lui
préparant
es
mets dont elle savait par avance qu'ils lui déplairaient.C'est ainsi
qu'après
s'être
querellé
à
propos
d'un achat de
poissons,
Sire Hain
décide
d'engager
un
combat
dont
l'enjeu
sera ses
propres
braies
«
Le
matin,
sanz
contredire,
Voudrai mes braies
deschaucier
Et en
mi
nostre
cort couchier
Et
qui conquerre
es
porra
Par bone reson mousterra
Qu'il
ert sire et dame du nostre
(v. 102-107).
La bataille est engagéeet se décomposeen troisphases principa-
les. Dans un
premier
emps,
Dame
Anieuse
frappe
son
époux
avant
même
que
le
signal
n'ait été
donné
par
l'arbitre Simon. Sire
Hain
riposte
t un
échange
de
coups
de
plus
en
plus
violents 'ensuit.
Puis,
la
femme
parvient
se saisir des braies
par
la
ceinture
mais
le
vête-
ment est
rapidement
mis
en lambeaux car
Sire
Hain,
de
son
côté,
le
lui arrache
en tirant ur les
jambes
:
«
Hastivement
es
cort sesir
Si les
lieve
par
le
braioel,
Et
li vilains
par
le
tijuel
Les empoignepar mout grant re.
Li
uns
sache,
li
autres
tire,
La toile desront
et
despiece,
Par la cort
en
gist
mainte
piece.
Par vive
force
us
les
metent,
A la meslee se
remetent
(v.
210-218).
Des
invectives
ccompagnent
es
coups.
Dame
Anieuse
redouble
d'ardeur,
t c'est
au moment
ù le combat emble ourner n sa faveur
que
celui-ci
prend
une tournure écisive.
En
dernier
ieu,
Sire Hain
donne
l'estocade
à son adversaire
ui,
forcée de
reculer,
rébuche t
tombe à la renverse ans une corbeilledont il lui est impossiblede
sortir.
Sire Hain saute
alors sur
les
braies,
il
les saisit et les enfile
«
A
tant vers les
braies
s'en
cort,
Si les
prist
et si les
chauça
»
(v.
326-327).
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 112/164
LA
DISPUTEPOUR
LA
CULOTTE
109
Ce n'est
pas
sans
maugréer
ue
Dame Anieuse
consent devant
ses voisins
à
être aux ordresde son baron et
se conduirecomme une
honnête femme.Sire
Hain,
Simon et
Aupáis,
en
riant,
concluent a
paix
et tirent e
son
panier
Dame
Anieuse bien mal en
point
et fati-
guée.
Le narrateur
chève son fabliau en attirant
'attention e la
par-
tie
masculine
e l'auditoire
our laquelle
celui-cidoit
servir
'exemple.
L'originalité
de ce
fabliau
provient
du
fait
qu'il
développe
de
façon
exhaustive ne
expression
ue
nous
n'avons rencontrée
ous une
forme llusive
que
dans
un
autre fabliau et un
dit.
Il
aura fallu
pas
moins
de
414
vers
pour que
le narrateur
rode une histoire
partir
de l'expression magée« portera culotte . Par ailleurs, 'importance
accordée au
dialogue
et aux
répliques
véhémentes ntre a
femme t
son mari donnent à ce fabliau une
tonalité
oviale qui
ne
doit
pas
pour
autant nous faire
oublier,
sous
couvert
de
parodie,
l'existence
réelle
de
combats
udiciaires
entre
époux
dont
on retrouve a
trace
dans des textes
plus
tardifs.On
sait notamment
u'en
Allemagne,
u
xve
siècle,
«
le duel
judiciaire
était
admis
par
les
autorités
égales
comme un
moyen
de
régler
es différends
ntre
mari
et femme 3.
L'image
du
mari
nigaud,
dominé
par
son
épouse
est,
contraire-
ment au fabliau
précédent,
elle
que
l'on
rencontre e
plus fréquem-
ment dans ce
genre
ittéraire.
l
en va
ainsi des
Qatre
Sohais saint
Martin . L'auteur anonymede ce fabliau relate 'histoired'un vilain
normand
qui
vouait une dévotion
particulière
saint Martin. Afin
de le
récompenser
e
sa
fidélité,
e saint ui
demandede formuler
ua-
tre
souhaits.
Le vilain
abandonne sa herse t se
précipite
hez lui
pour
annoncer a
bonne nouvelle à sa femme.
Mais celle-ci ui
reproche,
dès son
arrivée,
d'avoir laissé son travail
sous
prétexte
ue
le
temps
s'est un
peu
assombri t
le
couvre
d'invectives vant même
qu'il
n'ait
ouvert a bouche
:
«
Sa
fame,
qui
chauçoit
les braies
Li a dit
4
'Vilains, mal jor aiesAs tu
ja
si tost laisié ovre
por
lo tans
qui
un
po
se
covre ?
Il
n'ert
disners
usqu'à
cinc
lives
Est ce
por engraissier
es
gifes"
?
»
(v.
35-40).
Un
cas semblable se retrouvedans le dit
de
dame Jouenne5.
C'est à
partir
d'une
remarque
nnocentedu
mari
qu'est
déclenchée
une avalanche
d'injures.
Comme
dans Sire Hain le
conflit éclate
autour d'une
question
alimentaire.
Quand
le mari
demande à son
3. Cf.à ce sujet . Wright, istoiree la caricaturet dugrotesqueans alittératuret dans 'art
Paris, 866,
p.
117-119.
4.
NRCF, p. cit.,1988,
.
IV, pp.
191-216.
5.
BNF,
ms.fr.
4432,
°
412-414°
(lre
moitié u xive
iècle).
f. A. Lang-
fors,
le ditde dame
ouenne
,
versionnéditeu fabliau u
Prétondu
,
Roma-
nia t.
45, 1918-19,
p.
99-107.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 113/164
110 P. BUREAU
épouse
des
pois,
son
plat
favori,
lle lui donne de la
purée
de la
veille
allongée
avec de l'eau. Le ton monte et la femme
dessert e
couvert
si
rapidement ue
le
repas
est
répandu
à
terre.Le mari
pense
alors
qu'il
faut être fou
pour
la laisser
prendre
'habitude
de le maltraiter
de la sorte
«
Fol sui
quant
l'ai laissie amordre
Au
premier
moi mestrier
(v. 158-159).
Puis,
il
estime
que pour
l'avoir
ainsi
trompé
elle devrait
être
pendue
«
A
male hart soit el
pendue
Et
li
et toute
sa
baniere6.
Elle
portera
la baniere.
Je
cuit
qu'el
portera
les
braies
»
(v. 162-165).
Ce à
quoi
la femme
répond que
bien
que
ce
soit lui
qui
porte
les
braies,
au sens
littéral,
'est elle
qui
les
portera,
au sens
figuré,
ainsi
que
la ceinture
ui
les
accompagne
« - Voire, mau gre que tu en aies
Et
les braies
et le braiel
»
(v.
166-167).
Le
parallèle que
l'homme établit ntre e fait de
«
porter
a ban-
nière
»
et de
«
porter
a culotte fera au
xviie
siècle
l'objet
d'une
gravure
ur
cuivre,
anonyme,
dans
laquelle
figure
une
femmebran-
dissant
«
l'étendard
de la
révolte,
orné d'une
main,
tandis
qu'à
ses
côtés
un homme réduit à l'obéissance est
en
train de filer
7. La
seconde
occurrence u terme baniere dans le dit
de dame
Jouenne
a le
sens
d'un véritable
tendard,
d'un
drapeau symbolisant
e
sei-
gneurà la guerrequi conduit sa troupe.Le motiffolklorique es braiesdisputées irculait ans toutes es
couches de la société. Les
ecclésiastiques
vont
réemployer
'idée de
la femme
dominatrice n
réinjectant
ans
leurs sermons des récits
exemplaires
estinés
«
réveiller et à toucher n
plein
cœur
es laïcs
peu
enclins
à
écouter
de
longs
discours
théologiques.
6. Le sens ourantst elui e« corps e métier, « confrériemais oit tre
compris
pécifiquement
u vers 63 u sens e «
parenté
.
7. Cf. L.
Beaumont-Maillet,
a
guerre
es
exes
xve-xix<iècles),
es
albums
du
Cabinet
es
Estampes
e la
Bibliothèque
ationale
Paris,
984,
.
15
gravure
éditéehezJoos e
Bosschert
accompagnée
u
proverbe
lamand
is n
exergue
u
présentrticle).
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 114/164
LA
DISPUTEPOUR
LA
CULOTTE
111
Un sermon
prêché
à Paris en
1272
La littérature
xemplaire
des
prédicateurs
u
xnie
siècle
fournit
des informations
récieuses
elatives la
culture
des laïcs.
«
Le
pré-
dicateur,
en
effet,
e trouve contraint
ar
les nécessitésde sa
péda-
gogie
"exemplaire"
à s'immiscer
ans les réseaux
multiples
e la nar-
rativité rale
-
notamment
olklorique pour y puiser
des récits
et les réintroduire
ous
forme ď
exempla
»8
dans ses sermons.
Le
tour de force des
prédicateurs
ui
s'adressaient
u
«
peuple
»,
dans
l'enceinte^ u sacré, est d'avoir trouvé un moyensubtilpour attirerl'attentiondes fidèlesen émaillant eur sermons« d'anecdotes
plai-
santes,
puisées
de
préférence
ans leur
expérience uotidienne,pour
stimuler
es auditoires
portés
à la morosité u à la somnolence
près
une
journée
de rude
travail
9.
JeannineHorowitz
et
Sophia
Menache
démontent ous
les
méca-
nismes
du rire
provoqué par
les
exempla
des
prédicateurs.
Le
soin
apporté
dans cette
démonstration e
révèle
particulièrement
onvain-
cant
pour comprendre
es
usages
de
l'humour et du rire dans la
pré-
dication médiévale.
Le rire st
avant toute chose
«
un
appareil
rhéto-
rique performant
...)
destiné
créerun
esprit
de
complicité
ntre es
récepteurs t les émetteurs u rire 10.Le prédicateur n se mettant
au même niveau
que
son
auditoire
parvenait
jouer
sur les
cordes
sensibles
de celui-ci
par
un exercice
e
manipulation
ont
l'instrument
était e
rire.Ce
«
stimulus
umoristique
,
affermi
ar
l'antiféminisme
clérical
et
la
misogynie
mbiante des
laïcs,
facilitait
a tâche
du
pré-
dicateur
qui
ridiculisait
abilement es vices
féminins
n
réveillant es
instincts
régaires
de la
partie
masculine des fidèles.
Que
la femme
ait été
la cible des
prédicateurs our
dénoncer
à la
fois
sa
ruse,
sa
vanité
n matière
e
coquetterie
estimentaire,
a
désobéissance,
t
pire
encore son
infidélité11,
tteste
une
profonde
méfiance
l'égard
de la
gent
féminine,
ant
du côté des clercs
que
du côté des laïcs.
C'est dans ce contextequ'il faut imaginer e maître Guillaume
de
Montreuil
rêchant
Paris
en
1272,
e
jour
de la
Toussaint,
devant
une assembléede
fidèles
eu disciplinés.
our
stigmatiser
ur un mode
humoristique
'esprit
de contradiction
t de
querelle
des
femmes,
Guil-
laume de
Montreuil
ntroduit ans son sermon
Vexemplum
uivant
«
Le
monde,
s'écrie
l'orateur,
n'est
plus
ce
qu'il
était.
Jadis,
'épouse
était fidèle son
époux
et
paisible
auprès
de
lui
8. Dictionnairees ettresrançaises,p.cit., oticee J.Berlioz ur es xem-
pla p.
438.
9. J. Horowitz t
S.
Menache,
L'humour
n chaire. e rire ans
'Église
médiévale
,
Histoire
t
société
n°
28, Genève, 994,
.
67.
10.
bid.,
p.
68.
11.
bid.,
pp.
216-226.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 115/164
112 P.
BUREAU
comme
une brebis
aujourd'hui
ce sont des lionnes. Bien
plus,
elles veulent
porter
a culotte
volunt
portare brachas)
»12.
En
vantant es mœurs
du
tempspassé pour
mieuxcondamner
el-
les du
temps présent,
Guillaume
de Montreuil
'en
prend
à l'infidé-
lité
des
épouses.
On
voit d'ici
les
réactions uscitées
ans
l'église uprès
de la
partie
masculine
de l'auditoire
qui
devait
bruyamment
pprou-
ver les
propos
du maître
La
complicité ui
s'instaure
ntreGuillaume de Montreuil t
les
fidèles
montre
quel point
les
contacts
entre a
«
culture
cclésiasti-
que » (plutôtque savante) et la « culturefolklorique (plutôtque
populaire)13
ouvaient
s'établir sous
la forme
d'échanges
entredeux
pôles
culturels
ui
ne
correspondaient
as,
comme on a
trop
tendance
à
le
dire,
à des univers
clos. Les éléments
onsignéspar
écrit dans
les
exempla
sont les témoins
de
«
surfaces
de recouvrement
entre
culture crite
t culture
rale :
«
l'Église
accueille t
consigne
par
écrit
des éléments
folkloriques,
a
plupart
du
temps
soit
pour
les dénon-
cer,
soit
pour
les normaliser
les
"christianiser"). orsque
nous
voyons
les
clercs utiliserdes
traditions t des thèmes narratifs
olkloriques
pour
les transformer
n
exempla porteurs
'un discours moral ecclé-
siastique,
il
s'agit
bien d'une "christianisation"d'élémentsfolklori-
ques »14.
L'infidélité es
épouses
dénoncée
par
Guillaumede Montreuil
st
une
façon
d'attirer 'attentiondes laïcs sur
l'un
des
péchés
féminins
en le canalisant
par
le rire.
Ainsi,
l'intégration
'éléments folklori-
ques
dans le sermon
du
prédicateur
endaità celui-ci a tâche
plus
aisée
pour
faire
passer
un
enseignement
alutaire et moralisateur.
L'interpénétration
ntre es deux cultures st
manifeste
ar,
de
même
que
les
marginalia
des manuscrits taient
placées
à la
périphé-
rie du
texte,
es
exempla
étaient
appendus
au sermon et
pouvaient
avoir comme
fonction ssentielle
de
diriger
'attentiondu
récepteur
sur le contenudu discoursprincipal15.Toutefois, si la connexion
12.
BNF,
ms. at.
16481,
°
109.Cet
exemplum
été
publié our
a
première
fois ans
'Histoireittéraire
e a France
t.
XXVI, aris, 873,
.
406,
puis ar
A.
Lecoy e a
Marche,
a
chaire
rançaise
u
Moyen
ge,
Paris,
886,
.
435
t,
n
dernier
ieu,
ansJ.
Horowitz t S.
Menache,
L'humourn chaire
,
loc.
cit.,
p.
228.
13. D'un
point
e vue
erminologique,
es deux
oncepts
ontmieux
daptés
la réalité
istorique.
ur e
clivage
ntreesdeux ulturesf. 'articleovateure M.
Lauwers,
"Religion
opulaire",
ulture
olklorique,
entalités.otes
our
une
anthropologie
ulturelle
u
Moyen
ge
,
Revue 'histoire
cclésiastique
82, 1987,
pp.
221-258.our
a
bibliographie
elative
la
«
religion
opulaire
cf.
p.
231
t
P.
Dinzelbacher,
Zur
Erforschung
erGeschichte
er
Volksreligion
dansVolksreli-
gionmhohennd päten ittelalteréd. P. Dinzelbachert R.Bauer, aderborn,
Munich, ienne,
ürich, 990,
.
15-19.
14. M.
Lauwers,
oc.
cit.,
p.
247.
15. Cf. L.
M. C.
Randall,
«
Exempla
s
a Source
f Gothic
arginal
llumi-
nation
,
The
Art
Bulletin,9, 1957,
p.
97-107.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 116/164
LA
DISPUTE
POUR LA
CULOTTE 113
entre
Yexemplum
t le sermon est en
général
clairement
pparente,
la relationdes
figuresmarginales
vec le texte n'est
pas
aussi
systé-
matique,
mais
peut
être,
à certaines
ccasions,
l'indice d'un
rapport
réciproque.
Avant d'en venir au vêtement
isputé
dans les
miséricordes e
stalles,
un
détour
ar
un
répertoire
e
croyances opulaires
du
XVe
iè-
cle
intituléLes
Evangiles
des
Quenouilles
permettra
e
guider
pro-
gressivement
os
pas
vers l'enceinte du sacré.
Les pouvoirs symboliquesdu vêtement ans l'imaginairepopulaire
C'est
au cours
de
six veillées successives
qu'un
homme aurait
retranscrit
crupuleusement
es
propos
tenus
par
un
groupe
de
fileuses 6.
Composé
en
Picardie,
dans la seconde moitié du
XVe
iè-
cle,
ce
recueil,
dont
il
existe
deux
versions,
'une
exécutéevers
1470,
l'autre
postérieurement,
ontient out
un
réservoir e savoirs
féminins
qui
se
présentent
ous
la forme de
simples aphorismes
ou
de
pres-
criptions
suivre17.
es
«
recettes féminines estinées
garantir
a
prospérité
e la ferme
ôtoient
es
pratiques
de dévotions
populaires
liées
à la vie
quotidienne
de
la
famille,
ux
relations
ntre
'épouse
et son mari.
Parmi es
croyances
mentionnées ans les
Évangiles
des
Quenouil-
les
nombreuses ont celles où sont
invoqués
la
peau
et le
vêtement
comme fonction
protectrice.
Ainsi,
on trouve
pêle-mêle
es conseils
suivants
en donnant un homme
partant
n
guerre
une
«
coiffede
naissance
»
(«
la
petite peau
du ventrede sa mère
»)
on le rendra
invulnérable
en
«
traînant a ceinture
u
son
tablier
derrière oi
»,
il
sera
possible
de
se
garantir
du
loup-garou
9
;
et enfin
«
pour
se
protéger
du
lutin,
vêtir sa chemise au devant derrière 20.
Cette
puissance symbolique
dévolue au vêtement etiendra out
particulièrement
otre ttention ans un cas
qui
concerne es
problè-mes susceptiblesde survenir u sein du couple :
«
Se une
femme eult
estre
u dessus
que
son mari ne la
batte,
il
fault
prendre
outes ses
chemises,
t
quant
le curé list a
pas-
sion
le
vendredi,
es
mettre essoubz
l'autel,
et lui faire vestir
le dimence ensuivant sachiez
que
tant
qu'il
aura vestue
ceste
chemise,
l
sera
a
sa
femmedoulz et
courtois
21.
16. Cf.
M.
Jeay,
es
Évangiles
es
Quenouilles,
aris,
985 et
plus
écemment
A.
Paupert,
es
fileuses
t e
clerc. ne tude
es
Évangiles
es
Quenouilles
Paris-
Genève,
990.
17. Le manuscrittiliséci est a premièreersionms.C., Chantilly,usée
Condé,
54.
18.
F° 56
v°.
19.
F°
16 v°.
20. F° 16.
21.
F° 47
v°.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 117/164
114
P. BUREAU
Dans la version
remaniée,
l est même
précisé
que
les
chemises
doivent être
placées
«
sur
la
pierre
de l'autel
desoubz
les
nappes
».
Nous sommes
ici en
présence
d'une
croyance qui
nous
fournitun
exemple
aractéristique
e
détournement
e
la
«
puissance
magique
»
attachée
à un rite chrétien22. nne
Paupert
a
particulièrement
ien
analysé
a
pratique ymbolique
es
objets
cachés
sous
l'autel
qui
con-
férait
ceux-ci
«
des
vertus
merveilleuses
ar
le
contact
avec
l'autel
d'abord,
consacré
et
contenant
e
précieuses
eliques
et
surtout
par
la vertu encore
plus
sacrée
de la
messe
dite
sur ces
objets,
à
l'insu
du
prêtre»23.
Ainsi,
par
un
glissement
métonymique,
es
oraisons
solennelles élébrées sur l'autel ce jour-là imprègnenta chemise du
mari et transmettentubtilement celle-ciun
pouvoir qui
déteint it-
téralement ur sa
peau.
Bien
qu'il
ne
s'agisse pas
de
braies à
propre-
ment
parler,
a femme
arvient ar
cette
pratique
magico-religieuse
à remédier ux
querelles
du
ménage
en s
immisçant
ubrepticement
au cœur même de
l'église.
Si les
prédicateurs
vaient des
«
ficelles
,
comme
nous l'avons
vu,
pour
s'introduire ans
la vie
quotidienne
des
laïcs,
ces
derniers
disposaient
ussi d'astuces
pour prélever
la
religion
une
petite
part
de sacré.
L'irruption
du
profane
u cœur du
sacré miséricordes t
marginalia
Il
est
révélateur e constater
ue
l'aire
géographique
ouverte
ar
l'ensemble
de ces récits
orrespond,
ssentiellement,
celle
des édifi-
ces célèbres
pour
leurs
miséricordes
e
stalles,
particulièrement
ré-
sentes
en
Picardie, Normandie,
Flandre
et
Belgique.
Petite
console,
sculptée
e
plus
fréquemment
e scènes
profanes
et
placée
en
saillie
sous
le
siège
abattant d'une stalle
d'église,
la
miséricorde vait
pour
fonction e
soulager
a
position
debout des
clercs durant
es
intermi-
nables officesdivinsen leur permettant e prendre ppui sur cettepièce de bois, tout en ayant l'air d'être debout. Les huchiers
qui
étaient es auteurs
de
ces
sculptures
nous ont
transmis n ensemble
considérable
de
thèmes
propres
la vie
quotidienne
des
laïcs,
à leurs
croyances,
leurs savoirs
et à leurs
manières,
parfois,
de
tourner
n
dérision
a
religion
n se
plaçant
volontairement,
ais
paradoxalement,
dans
le chœur même de
l'église.
Là
«
disputepour
la
culotte est l'un des
thèmesfavorisretenu
par
les huchiers. L'une des
plus
célèbres
de ces
représentations
st
celle
qui prend
place
dans l'ensemble des
miséricordes e
la
cathé-
drale
de Rouen
(fig. 1).
L'exécution
des stalles
fut
confiée
en 1457
à PhilippotViart,maîtrehuchier ouennais, uprès duquel travaillaient
22. A.
Paupert,
p.
cit.,
p.
192.
23.
Pour
a
bibliographie
ce
sujet,
f.M.
Jeay,
p.
cit.,
.
173,
t sur a com-
paraison
vec
'autres
royances,
elle
ue
celle
ui
consistait
tremper
ans nbéni-
tier
a
chemise
'unmari
aloux,
f.
A.
Paupert,
p.
cit.,
p.
193.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 118/164
LA
DISPUTEPOUR
LA
CULOTTE 115
Fig.
1
-
Rouen,
cathédrale
otre-Dame,
457-1469.
16
compagnons
huchiers,
ont
plusieurs
Flamands. Le travaildébuta
le
30
septembre
457
et
fut achevé en
1469. Le commanditaire
rin-
cipal
des stalles
était e
cardinal-évêque
Guillaume d'Estoute ille. Les
miséricordes,
u nombre
de
86,
occupent
ur deux
rangs
a
partie
nfé-
rieure du
chœur.
Si
celle
qui
nous intéresse a souvent été
reproduite24,
lle a
systématiquement
té
coupée
de son contexte.Ce
que
nous souhaiterions
evaloriser
ci c'est
précisément
'idée selon
laquelle
la
miséricorde
e la
«
dispute
pour
la
culotte
s'inscrit ans
un véritableprogrammeconographique.Grâce aux relevéseffectués
au
XIXe
iècle
par
Hyacinthe
anglois,
l
nous est
possible
d'avoir une
vision
fidèle de la
répartition
des
miséricordes
de
stalles
de
la
cathédrale25
ui
ont
été
remontées
près
les bombardements
e la
Seconde Guerre
mondiale. La
«
dispute
pour
la
culotte
représente
un homme
et une
femme,
diamétralement
pposés,
en train de tirer
vivement,
hacun de
leur
côté,
sur
un vêtement. e dessin
qu'en
avait
effectué
Hyacinthe
anglois
fait ressortir n
détail
qui
apparaît
diffi-
cilement ur la miséricorde
ujourd'hui
: l'homme tient
dans sa
main
droiteun couteau. Est-ce
à un
moyen
de
signifierue
l'hommeaurait
24. Cf. Cl.
Gaignebett J.-D.
Lajoux,
Art
rofane
t
religionopulaire
u
Moyen ge
Paris, 985,
.
48 D. et
H.
Kraus,
e mondeaché esmiséricordes
Paris, 986,
.
65.
25. E. H.
Langlois,
es stalles
e
la cathédrale
e Rouen
Rouen,
838.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 119/164
116 P. BUREAU
été
prêt
à mettre n lambeaux
l'objet
du
litige,plutôt que
de
céder
et de
s'en dessaisir
u
profit
e la femme
ui
s'en
emparerait
Tou-
jours
est-il
que
le sens
général
de la
scène est celui d'une
sévèreriva-
lité entre
es
deux
époux pour
savoir
qui
«
portera
a
culotte .
Ce
qui
est
significatif,
'est
la
place
de cette
miséricorde
ar
rap-
port
à celles
qui
l'encadrent.
En
effet,
a
«
dispute pour
la
culotte
se
situe
précisément
la charnière e deux
groupes
de
miséricordes
d'une
part,
dans
la
partie
nférieure u
schéma
qui
suit,
une
série de
miséricordes elatives
u travail
du
drap,
au
vêtement,
u
costume,
et d'autre
part,
dans
la
partie supérieure,
n
ensemble
plus spécifi-
quement ié au thème de la lutte26.
À
droitede la
«
disputepour
la
culotte
(n°
11),
un
homme est
présenté
quatre pattes
en trainde se faire
écraser es mains
par
une
femme
n° 10).
La miséricorde uivante
n° 9) reprend
'histoire
du
philosophe
Aristote
qui reprochait
u roi
Alexandre de
laisser les
devoirsde son gouvernementours'abandonner ux joies de l'amour.
Mais Aristote uccombe
ui-même la beauté d'une belle
dame et en
26. La numérotationenvoie celle
doptée
ar
Hyacinthe
anglois.
SANCTUAIRE
*
I*
lutte
+-
N°83
oueurs
e
pannoy»
A chaussures A
lutte
=
N°81cordonnier
essayage)
*-
-
N°80
cordonnier
~~
lutte
"
*
-
N°9ai 'Aristote
"""
*■
N°10:ommeominé
ar
ne
emme
-
^
- -
«-
N°ll
Dispute
raies
-
lutte
/F
vêt.
-
N°33
*
4
>
*■
N°12
fabricantse
atins
marchand
e
atins
Ä
(essayage)
chaussures
chaussures
_
•
Ä
♦
-
N°132 abricantse
atins
Ä
-
N°142
anneurs
e
raps
vetement
-
*■
N°15
2
pinceurs
e
raps
drapiers -« N°71tondeurse raps
(homme
t
emme)
"■"^pîac^^^riiséricorde
ea
disputeour
a ulõtte^ãnT^^^I
le
rogramme
conographique
estallese
ouen)
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 120/164
LA
DISPUTEPOUR
LA
CULOTTE 117
oublie sa
sagesse
au
point
de se fairechevaucher
ar
la
femme,
ellé
comme
un
palefroi.
L'homme
dominé
par
la
dame n'est même
plus
en mesure
de lutter.Un
peu plus
haut,
dans la
rangée
nférieureette
fois,
on
retrouveune
scène
de lutte à caractère
udique
: la
«
pan-
noy
»
(n° 83), jeu
qui
consistait
déséquilibrer
on
adversaire,
ha-
cun tirantde son côté sur une barre.
La
«
dispute pour
la culotte
se
situe,
par
conséquent,
la
jonction
des
figurations
iées
au textile
et de
celles
relatives la lutte.
En
un
mot,
elle est la cheville
qui
donne tout son sens
à cette
répartitionméthodiquement
tablie.
Parmi
les
86 miséricordes e
Rouen,
nombreuses
ont
celles
qui
reprennent des scènes grotesques situées à l'extérieur de la
cathédrale27.
À
côté
des êtres
hybrides,
nous
avons trouvé dans un
bas-relief u Portail de
la
Calende,
exécuté
à la fin
du
xine
siècle,
une scène
de
luttetoute
particulière
alors
que
deux
hommes se dis-
putent
un
vêtement,
n troisième
'empare
d'une
longue
étoffe
us-
pendue
à une barre
horizontale28. e
genre
de
querellepour
des dra-
peries
n'aura
sans
doute
pas échappé
aux
regards
des
huchiers
du
XVe
iècle
qui
connaissaient
parfaitement
a
haute
réputation
dont
jouissait
la
corporation
des
drapiers
de Rouen à cette
époque.
Dès le
XIIIe
siècle,
la
corporation
des tondeursde
draps
offrit
la cathédrale es deux verrières onsacrées au
cycle
de
l'histoire de
Joseph. Ces vitraux sont précisément eux qui comportent e plus
d'épisodes
relatifs
u vêtement ont
Joseph
est
dépouillé par
ses frè-
res,
et
qui, présenté nsanglanté
Jacob,
est rendu
célèbre
également
par l'épisode
au
cours
duquel
le fils de ce dernier
parvient
échap-
per
-
au sens
étymologique
u terme
-
à la
femmede
Putiphar,
en
ne
lui laissant
entre
es mains
que
sa
propre tunique.
À
travers
six
médaillons,
e vêtement
éapparaît
et
constitue
e fil
conducteur
d'une narration
mprégnée
'un fort
symbolisme.
C'est
d'ailleurs le
seul vitrail de
la
cathédrale
qui
attache une telle
importance
aux
aspects
symboliques
du vêtement.
n
marge
de la
verrière,
ans le
registrenférieur,
a
corporation
donatrice est
représentée
n
pleineactivité, ondant es draps à l'aide de forces.
Les huchiers nt
repris,
eux siècles
plus
tard,
es
métiers
u
tex-
tile et ont
figuré
notamment ans une miséricorde n homme
et une
femme
ui
se
partagent
e travail de
la
tonte des
draps (n° 71).
Ici,
le calme
règne
entre
es
deux
sexes
et,
par
un habile
jeu
de
miroirs,
se tissentdes
rapports,
à
la
fois
avec le vitrail
de
Joseph
et avec
l'image
inversée
du
couple qui
se chamaille
pour
un vêtement.
Bien
plus
au sud de la
France,
n
Aveyron,
'est d'une
toute utre
manière
que
la
question
des braies
disputées
été abordée. La
collé-
giale
Notre-Dame de
Villefranche-de-Rouergue
brite en son
chœur
27. Cf. M.
Camille,
mage
nthe
dge.
The
Marginsf
Medieval rtLon-
dres, 992,
p.
85-94
l'auteur
ouligne
e
parallèle
ntrees
grotesques
u Portail
es
Librairest es miséricordese la même
athédrale).
28. Scène
eproduite
ansJ.
Adeline,
culptures
rotesques
t
symboliques
Rouen, 879,
ig.
3.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 121/164
118 P. BUREAU
Fig.
2
-
Villefranche-de-Rouergue,ollégiale
Notre-Dame,
473-1487.
un
groupe
de
stalles
réalisées n
1473
sous
la
direction u maître
'oeu-
vre
André
Sulpice29.
Quand
on
découvre
pour
la
première
fois
la
miséricorde e
la
«
disputepour
la culotte ce
qui
frappe,
d'emblée,
c'est la
position
des
corps
l'homme et la femme ont
assis face
à
face,
et non
pas
debout comme dans les autres cas. La
plante
des
pieds
de
l'épouse
est calée
contrecelle de
son
mari,
chacun
s'effor-
çant
de
tirer soi des braies
percées
de
deux trous
fig.
2).
Cette
repré-
sentation
typique
a
pour
modèle le
jeu
de la
«
pannoy
»,
déjà pré-
sent
à Rouen et dans
bien
d'autres
groupes
de
miséricordes
de
stalles30. es adversaires ssis se faisaientface, tenanttous les deux
une
barre,
un
bâton,
et c'est celui
qui parvenait
déstabiliser 'autre
qui l'emportait.
Un tel
rapport
de
force
est
équivalent
ce
que
l'on
appelle aujourd'hui
«
le bras-de-fer
31.
En
flamand,
ce
jeu
est évo-
qué par
le
terme de
«
stygerspel
32,
en
langue
d'oc,
il
est
appelé
«
lou tiro-carré
,
c'est-à-dire
«
le tire-char
,
rappelant
ainsi
que
29.
La
publication
a
plus
écente
ur et nsemble
e
stallesst
elle e G.
Ber-
nard,
Le carnavalesmiséricordese
à
collégiale
e
Villefranche-de-Rouergue
,
dans
Mélanges istoriques
idi-Pyrénéensfferts
P. Gérard
Toulouse, 992,
pp.45-57,
5
fie.
30. Cf.E. C. Block, ThePastimesfMedievalhildrenndtheir lders,Romance
anguages
nnual
1991,
ol.
I, pp.
30-44.
31. Cf. D. et
H.
Kraus, p. cit.,p.
85.
32. Cf.
L.
Maeterlinck,
e
genreatiriquefantastique
t licencieuxans a
sculpture
lamande
t
wallonne.
esmiséricordes
e
stallesart
t
olklorey
aris,
910,
p.
197.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 122/164
LA
DISPUTEPOUR
LA
CULOTTE
119
«
chacun des adversaires
tait
pour
l'autre comme un
char
qu'il
lui
fallait tirer 33.
Fig.
3
-
Abbaye
e
Saint-Lucien
e
Beauvais,
492-1500
conservée
u musée
national u
MoyenÂge
-
Thermes e
Cluny).
Bien
que
le termede
«
pannoy
»
ne
soit
pas
attesté en ancien
français
comme
substantif,
l
provient
rès
probablement
du
verbe
«
pannoyer
ou
«
panoier
»
qui
désigne
'action
consistant bran-
dir,
à
manier
ou à
agiter
un bâton34. Le sens
général
de
ce
jeu
est
celui d'un rapportde force.En comparant a miséricorde e l'abbayede Saint-Lucien de Beauvais
(fig.
3)
à celle de Villefranche-de-
Rouergue,
on constate
ue
la
position
imilaire es
corps symétrique-
ment
représentés
st accentuée
par
la forme en
équerre
»
des deux
lutteurs
ui
se fontface. À la
lumière
de cette
comparaison,
la
dis-
pute pour
la culotte de la
collégiale
Notre-Damerevêt e
sens d'une
lutte
pour
le
pouvoir
à caractère
udique.
Le but de ce
type
de
con-
frontation
st d'éclairer 'un
jour
nouveau,
à la fois es
relations ntre-
tenues
par
les miséricordes ntre elles
dans
le
contextedu
sacré,
et
celles
des
marginalia
avec
les
sculpturesprofanes.
Un
siècle
plus
tôt,
le
jeu
de
la
«
pannoy
»
fait
irruption
ans
33.
L.
Pressouyre,
À
propos
une stalle e
Saint-Bertrand-de-Comminges.
Notrencienrt
eligieux
ut-ilnticlérial
»,
Revue e
Comminges,
.
83,1970,
.
151.
34. F.
Godefroy,
ictionnaire
e 'ancienne
anguerançaise
Paris, 888,
.
V,
p.
723.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 123/164
120
P. BUREAU
les
marges
du
Roman d'Alexandre1*5Enluminé
par
Jean de
Grise,
ce manuscrit
flamand
permet
de reconsidérer a
question
du
rôle
symbolique
des
images marginales
ur
laquelle
nous
reviendrons n
abordant d'autres scènes
de luttesdans les
miséricordes t
les
margi-
nalia. La miséricorde st
une
véritable
marge
dans
l'église
au
même
titre
que
les
marginalia
des manuscrits e sont en
regard
du texte
qu'elles
accompagnent
t
c'est
par
la
confrontatione
ces
deux
modes
d'expressionmarginaux ue peut
naîtreune
meilleure
onnaissancede
l'imaginaire
des huchiers.
Le
jeu
de la
«
pannoy
»
et
«
la
disputepour
la culotte
se com-
binent, au xviesiècle, dans les stalles du chœur de la collégiale
d'Hoogstraeten
en
Campine.
Ce
groupe
de
miséricordes
ut
exécuté
entre
1531
et
1548
par
Albrecht
Gelmers,
un
imagier
de la
localité,
sur
a commandedu
comtede
Lalaing, seigneur 'Hoogstraeten.
'ori-
ginalité
de cet ensembleest
due à la
présence,
comme à
Rouen,
de
tondeursde laine et d'une
variante
néditede la culotte
disputée.
À
côté de la scène désormais
lassique
de la lutteentre es
époux appa-
raissent
eux femmes chevelées
ui
se
querellent
our
savoir
aquelle
des
deux
remportera
e
pantalon qu'un
homme
brandit,
au
second
plan,
par
une
fenêtre.
lors
que
l'une des
femmes st
terrassée,
'autre
la maintient
par
les
cheveux et la
frappe
vigoureusement
vec un
battoir36.C'est à partirdu xvie siècle que les représentations e
combats
de femmes
pour
la culotteconnurent n
vif
succès
grâce
à
la diffusion
des
gravures
sur bois et des
estampes37.
Mais,
dès
la
seconde
moitié
du
XVe
iècle,
un nouveau thème
conographique
fait
son
apparition.
C'est
en
quelque
sorte une
réponse
donnée à la
ques-
tion
que pose
«
la
disputepour
la culotte : une femme
victorieuse,
enfilant
'une main la culottedont elle vientd'entrer n
possession,
force de l'autre son mari à filer
n
lui administrant e
grands coups
de
quenouille.
Condamné aux travaux
féminins,
'homme tient
ntre
ses mains
un dévidoir. Le monde ainsi renversé st
représenté
ans
deuxmiséricordesspagnoles38insi que dans une gravurede l'artisteflamand Israhel van Meckenemen 148039.
35. Roman 'Alexandreenluminé
ar
Jean e
Grise, landre,338-1344,xford,
Bodleian
ibrary,
s.
Bodley
64,
°
100. f.
reproduction
ans e fac-similé
e
M.
R.
James,
heRomance
f
Alexander
Oxford,
933.
36. Cf.
reproductions
ans
Art
rofane
t
religion
opulaire
u
Moyen
ge op.
cit.,
p.
49.
37. Cf. L.
Beaumont-Mallet,
a
guerre
es
exes,
p.
cit.,
ig.
3 et
55,
ainsi
que
'auteuruivant
ui
a consacré
out
n rticle
la
question
S.
Metken,
Wei-
berstreitm ineMännerhosedans atai.
xpo.
unte ildermBienenhausale-
rein us Slowenien
Munich,991,
.
67-77.
38. Cf. .
Mateo
Gomez,
emas
rofanos
n a escultura
spañola.
as sillerías
decoroMadrid, 979, ig. 77-278tp. 293 miséricordeseLeón,1467-1488).39.
Reproduit
ansTheulustratedartsch.ermanndNetherlandishasters
of
the
ifteenth
nd
ixteenth
enturieséd. M.
Wolff,
ew
York, 985,
ol.
23,
p.
98. Je
emercie,
ar
illeurs,
. Alexandre-Bidon
e m'avoir
ignalé
'existence'une
scène emblableans a
marge
u Missel e
Juraj
e
Topusko,
onservé
ans e tré-
sorde la cathédralee
Zagreb,
t datéde la toute in u xve
iècle.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 124/164
LA DISPUTEPOUR
LA
CULOTTE 121
Fig.4 - Les Vœux u Paon Jacques e Longuyon,ranco-flamand,a 1350
(The
PierpontMorgan
Library,
ms. Glazier
4,
f° 6
v°)
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 125/164
122
P. BUREAU
Le
mari dominé
par
son
épouse
est
un
thème
qui
a
prévalu
dans
les
marges
des manuscrits nluminés. e manuscrit
ranco-flamand
es
Vœux
du
Paon40,
réalisé vers
1350,
comporte
de
nombreusesmar-
ginalia
parmi esquellesfigure
n hommefaible
qui
cherche
repren-
dre
possession
des braies
dont la
femme 'est
emparée
fig. 4).
En
s'attachant
u
textede ce
folio,
on
s'aperçoit que
la
figure
marginale
est une
image
inversée
de l'amour
courtois. L'idée
développée
dans
le texte
est
celle bien connue
de
la
fin'amor
la
femmeest
l'objet
d'un
désir
perpétuellement
nassouvi. L'homme tente
par
tous les
moyens
e
conquérir
a dame
toujours
naccessible. a
raisonest domi-
née par le charme de la belle dont il fait 'éloge, tout en reconnais-
sant
qu'elle
le
gouverne
et le fait souffrir
«
Quant
je
voi a
loisir
la
gorge qui
blanchoie
Le
vis et
le
menton des cheveaus
crespe
et bloie
De la belle
par
cui
fine
amours
mi
maistroie
Je sui si tres mues ke
n'est
rien ke
je
voie
Rien ne voi rien ne
sene ne
riens
ne
sentiroie
S'en tel
point
devant
i
tot mon
vivantestoie
»
(fol. 6v°).
Dans le même
contexte,
u folio
78,
c'est un
singe qui
honore
avec révérence es braies suspendues u-dessus de lui41.D'une façon
générale,
es
marges
de ce manuscrit ont cart
par rapport
u
poème
courtois
qui
est son
sujet principal.
Qui
plus
est,
elles
établissent
n
rapport omplexe
entre e texte t
les miniatures e
batailles chevale-
resques qui jalonnent
le
manuscrit.
La
lutte est au cœur
des Vœux
du Paon
,
tant sur le
plan
de l'amour
que
sur celui
des
joutes
intesti-
nes du Roman d'Alexandre.
Le
«
monde à
l'envers est aussi
évoqué par
la
petite
igure
'une
femme
ui jaillit
hors du textedes
Heures de Jeanne
d'Évreux
fig.
5).
Jean
Pucelle,
l'auteur des miniatures t
des
marges
de ces
Heures réa-
lisées vers 1325-1328,a mêlé aux images de la Passion des scènes
empruntées
la vie
quotidienne
et aux
jeux42.
Il est
frappant
de
constater
ue,
dans
un recueil
de dévotion renfermant
es
prières
de
l'office
divin,
'enlumineur it
pris
soin de
piquer
a
curiosité u
des-
tinataire n insérant
ans les
marges
des éléments
uisés
dans la cul-
ture des laïcs.
Ainsi,
la femme
yant
conquis
les braies
symboliques
côtoie des scènes de
jeux
tel
que
celui de
«
la main
chaude
»43. Les
marges
n'ont
pas pour
fonctionde divertir
'attentiondu
récepteur
40. Sur e
manuscrit,
f.J.
Plummer,
anuscriptsrom
he
William.
Glazier
collectionNew
York, 959,
.
21
le
manuscrites
Vœux u Paon stune
nterpola-
tion e la troisièmerancheu Roman 'Alexandre).41. Cf. L. M. C.
Randall,
mages
n the
Marginsf
Gothic
anuscripts
Ber-
keley
Los
Angeles,966,
ie.537.
42.
Cf.
K.
Morand,
ean ucelle
Oxford,962,
p.
13-16 t 41-42.
43. Cf. L.
M. C.
Randall,
«
Games nd thePassion n
Pucelle's
ours f
Jeanne'Evreux
,
Speculum
47, 1972,
p.
246-257.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 126/164
LA
DISPUTEPOUR
LA
CULOTTE
123
Fig.
5
-
Heuresde Jeanne 'Évreux enluminé
ar
Jean
Pucelle,
(Paris,ca 1325-1328, ewYork,The Cloisters,ms. 54.1. 2, f° 202)
mais,
bien au
contraire,
e
partir
u vécu des
laïcs
pour
mieuxremon-
ter vers es miniatures e la Passion. Par un effet
'analogie,
les mar-
ges
ont une fonction
atalytique
elles
déclenchent hez
le lecteur ne
réaction
par
le sourire
qui
permet
d'ouvrir les
yeux
de
celui-ci
sur
la Vie du
Seigneur
en la
comparant
à son
propre
vécu.
Or,
ce
qui
ne doit
pas
nous
échapper
en
comparant
es textes
et les documents
igurés
elatifs u thème
profane
de
«
la
disputepour
la culotte
,
c'est
l'idée
capitale
selon
laquelle
les
auteurs
de
ces
œu-
vres sont avant
tout des
hommes
Ce
sont
eux
qui
nous font
parta-
ger leur vision du monde et ce sont les mêmesqui nous parlentdes
femmes n termesde rivalité.
Ne
serait-ce
as parce que
la lutte est
d'abord
«
une histoired'hommes
»
?
C'est de
ce
côté
qu'il
convient e se tourner finde mieux
ompren-
dre es modèles
qui
ont
pu
êtreutilisés
our exprimer
a valeur
ymboli-
que
de la lutte
mpliquée ar
d'autresformes e rivalités
estimentaires.
Le
vêtement,
nstrument e la rivalité ntre deux lutteurs
Pour
pénétrer lus
avant dans
l'imaginaire
des
huchiers,
l
est
nécessairede confronteres miséricordes e stalles et les margesdes
manuscrits44.
e
danger
serait de vouloir
systématiser
ne démarche
44. Cf.
Ch.
Grössinger,
English
isericordsf the hirteenthnd
Fourteenth
Centuriesndtheir
elationship
o
Manuscript
lluminationsJournal
f
the
War-
burg
ndCourtauld
nstitutes
désormaisbrégé
n
JWCI],
ol.
38, 1975,
p.
97-108.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 127/164
124 P.
BUREAU
de la sorte. Mais
lorsque l'opportunité
e
présente,
l faut
la
saisir
car c'est
par
ce
type
de confrontation
u'il
est
possible
de mieux
per-
cevoir es
enjeux
symboliques
du vêtement n
revenant
l'archétype
de la lutte
dans
l'iconographie
médiévale.
'étude
pionnière
e
Michael
Camille est à cet
égard
riche
d'enseignements.
lle ouvre a
porte
d'une
nouvelle
approche
des
genres marginaux.
C'est
en
décloisonnant
es
études consacrées
aux
marginalia
t
aux
miséricordes
ue
la
recher-
che
de la
signification
e chacune
peut
s'avérer fructueuse45.
Dans cette
optique,
l'examen d'un
cas concretde lutte
masculine
permet
e montrer
ue
la
«
disputepour
la culotte a
pu
être nfluen-
cée par un modèleprimitif. u XIIIe iècle, a figurationa plus clas-
sique
et la
plus répandue
de la lutte entredeux
hommes se
caracté-
rise
par
la
position symétrique
u
corps
des lutteurs torses
nus,
les
braies
relevées,
ls
s'empoignent
mutuellement
ar
la taille
et se livrent
à un
corps
à
corps
sans
merci46.
Fig.
6
-
Gloucester
Angleterre),
athédrale,
340-1360.
Outre-Manche,
n
élémentnouveau s'introduit
ans la lutte. Il
s'agit
d'une
écharpe
entortillée utour
du
cou
des
lutteurs.
Par
cet
ajout,
cette
véritable
greffe
n
regard
des scènes de lutte
classique,
la
signification
e celle-ci e voit
modifiée.
Ainsi,
dans la
cathédrale
de Gloucester47, u xive siècle, une miséricorde résente e cas de
45. Cf. M.
Camille, p.
cit.
pp.
93-97.
46. Nous
ensons
otammentu dessinu
carnete Villarde
Honnecourt
BNF,
ms.fr.
19093,
° 14
v°),
datéde la
première
oitié
u
xme
iècle.
47. J.
Farley,
heMisericords
f
Gloucester
athedral
Gloucester,981,
ig.
7.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 128/164
LA
DISPUTE
POUR
LA
CULOTTE
125
deux hommes
qui
luttent n tirantvivement ur une sorte de
linge
enlaçant
a
partie supérieure
e
leurs
corps (fig. 6).
La
pièce
de vête-
ment est-elle l'instrument u
l'objet
de la lutte Les
hommes
cherchent-ils
s'emparer
de l'étoffede leur adversaire
u,
plus
sim-
plement, déséquilibrer
elui-ci omme
dans
le
cas de la
«
pannoy
»
où le
bâton n'est
qu'un
instrumentntre es deux
oueurs
?
C'est
plu-
tôt
pour
cette
econde
nterprétationue
nous
opterions
ar une
misé-
ricorde
de
Barcelone,
datée de
1380,
figure
a même
scène avec
des
lutteurs
ssis,
les
pieds
accolés,
mesurant eur force au
moyen
d'une
longue écharpe48.
Quelques
années
plus
tôt,
on rencontre
dans
la
marged'un psautierdu diocèse de Norwich fig. 7)49une scène de
lutte
parfaitement
imilaire celle de la
cathédralede
Gloucester.Le
haut des braies est
enroulé autour du
bassin,
le bas
étant relevé et
maintenu
par
de fins
cordons
pour
le lutteur e
droite.
L'originalité
de cette
représentation
st due à la
présence
d'une
rivalité
vestimen-
taire
s'exprimant
ans un contexte
différent.
e
Psautier
ďOrmesby
présente
u folio
109
une
reprise
du
Psaume 80. Le texte
st
encadré
Fig.
7
-
Psautier
'Ormesby
diocèse
de
Norwich,
fin
xme-début
ive
iècle
Oxford,
odleian
Library,
ms.
Douce
366,
Psaume
80,
f°
109)
48. Cf. . Mateo
Gomez,
p.
cit.,
.
319.Jeremercielaine lock e m' voir
signalé
a
présence
e utteurs
eboutsvec ne toffeutoure
eurs
ous,
n
Grande-
Bretagne,
ansunemiséricordee
la cathédrale
'Ely,
atée e 1339-1341.
49. Cf. L. F.
Sandler,
Gothic
anuscripts,
285-1385,
ew
York,
ol.
5, 1986,
pp.
49-51,
otice
°
43.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 129/164
126 P. BUREAU
par
une
guirlande
rborescente ur
laquelle
ont été
placés
divers
per-
sonnage
hybrides.
ans la
partie upérieure
u folio
figure
ne
scène
de combat
entredeux
hybrides,
'un est
armé
d'une
épée
et d'un
bou-
clier orné d'un
masque.
Dans une totale
symétrie,
a
scène inférieure
reprend
e thèmedu combat.
Les étoffes
nlaçant
e cou des
lutteurs
sont de
la même couleur
que
celle des
braies.
Au
milieu du
folio,
le début du Psaume
80
fait
'objet
d'une miniature
ui transpose
co-
nographiquement
es
premiers
ersets
de
celui-ci
«
Criez de
joie
pour
Dieu notre
force,
acclamez le Dieu de Jacob.
Ouvrez le
concert,
frappez
e
tambourin,
la douce
harpe
ainsi
que
la
lyre
sonnez du cor au mois
nouveau,
à la
pleine
lune,
au
jour
de notre fête
(versets
2-4).
Ainsi
célébrée,
a fêtedes Tentes commémore e
séjour
au désert
et
la
Loi
reçue
au Sinai Elle
rappelle
au
peuple
de Yahvé
que
c'est
grâce
à Lui
que
celui-ci est
parvenu
à sortirdu
pays
d'Égypte
et à
ne
pas
devenir
es serviteurs
e
ses adversaires.Dans le folio
suivant,
Yahvé
fait
précisément
mentionde ses
propres
ennemis
«
Ah Si mon
peuple
m'écoutait,
si dans mes voies
marchait
sraël,
en
un
instant 'abatierais ses adversaires
et contre ses
oppresseurs
ourneraisma
main.
Les ennemis de Yahvé
l'aduleraient,
et leur
temps
serait
à
jamais
révolu
»
(versets 14-16).
Or,
à la
gauche
des
lutteurs,
'enlumineur e la
marge pris
soin
de
représenter
n
petit
être
hybride
ui
tend
sa
main,
l'index
levé,
vers e
texte,
omme
pour diriger
os
yeux
sur
le
contenudu
Psaume80. Si, fréquemment,e rapport ntre a margeet le textedu manus-
crit
peut
s'avérer
arbitraire,
ci,
il
est bien au contraire
'indice d'une
volontédéterminée
e mettre n relationun thème
profane,
mprunté
au
quotidien
des
laïcs,
et
un
texte acré
comportant
es
éléments iés
au
combat,
à la lutte de Yahvé contre ses
oppresseurs50.
Dans
le
Psautier de
la reine
Mary5' composé
en
Angleterre
dans
les années
1310-1320,
e contexte
conographique
ournit e
pré-
cieuses informations.
es lutteurs
ui s'étreignent
mutuellement
ar
une
écharpe
sont
encadrés,
de
chaque
côté,
par
des
spectateurs.
La
50.Sur 'interprétationymboliquees mages arginales,f.S.K.Davenport,« Illustrationsirectnd
blique
nthe
margins
f n Alexanderomancet Oxford
,
JWCI
vol.
34,
1971,
p.
83-95
l'auteur
émontre'existence'une
orrespondance
très ortentrea dérisiones ombats
arginaux
t es cènesetournoistde
batailles
du Roman
'Alexandre).
51. Cf.
L. F.
Sandler,
p.
cit.,
pp.
64-66,
otice
°
56.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 130/164
LA
DISPUTEPOUR
LA
CULOTTE 127
particularité
e ce combat réside dans le fait
que
l'un
des
hommes
assistant
la
lutte
tient
dans sa
main une
longue perche
au
sommet
de
laquelle
trône un
coq.
Le
volatile
est
l'enjeu
du
combat,
le
prix
à
remporterfig.
8).
Celui
qui
l'obtiendra era nommé
«
Roi des
pou-
les
»
alors
que
le
perdant
sera
le
«
Roi
dépouillé
»,
celui
qui
aura
perdu
sa
«
pole
»,
sa
«
poille
»,
c'est-à-dire a
poule,
son
coq.
Fig.
8
-
Psautier e la reine
Mary Angleterre,
a 1310-1320
Londres,
British
ibrary,
ms.
Royal
2. B.
VII,
f°
160
v°)
Claude
Gaignebet
a
déjà
analysé
de
façon
détaillée a coutume
des combats rituelsde
coqs
en
période
de
Carnaval. Les
jeunes gens
se réunissaienthaque année le jour du JeudiGras et apportaient ha-
cun leur
coq.
À
l'issue du combat des
coqs,
le
propriétaire
e l'ani-
mal
vainqueur
était nommé
«
Roi
des
Écoles
»,
«
Roi des
enfants
,
et défilait
triomphalement
ur
une
perche, portant
une
couronne,
revêtu d'une
chape
et
accompagné
par
ses
condisciples qui
l'accla-
maient.
En
revanche e Roi de l'année
précédente
uit
piteusement
e
cortège, dépouillé
de
ses
vêtements,
t
il
porte
le
titre de
«
Roi
dépouillé
avec
calembour ur
«
Roi
des-pouilles
,
«
des
poules
»52.
Ce rituel fait
'objet
de tout un
développementconographique
ans
les
marges
du Roman d'Alexandre
3.
Toutefois,
le Psautier de la
reine
Mary
ne met
pas
en
scène ce
type
de
combat de
coqs.
L'animal
est simplement résenté omme ce que l'on peut gagnerou perdre
52.
Cl.
Gaignebet,
p.
cit.,
p.
170.
53. Cf.
Cl.
Gaignebet,
Sur
e Jeudi-eudiot
,
Bulletin
olklorique
'Ile-de-
France
n°
2-3,1968,
p.
35-44
t
n°
5, 1969,
p.
105-108.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 131/164
128
P. BUREAU
dans une telle
compétition.
'est
peut-être
à
l'origine
de
l'expression
argotique
utilisée
par
les
joueurs
de cartes
qui,
à
partir
du
XVIIe
iè-
cle,
désignaientpar
le terme
«
poule
»
(de l'anglais pool) l'enjeu
déposé
au début de la
partie,
c'est-à-dire a somme constituée
ar
le
total des mises
qui
revient u
gagnant.
Si la mise à mort d'un
coq
donnait au nouvel
élu
un
privilège
royal,
l
en allait
de mêmeen
1496
pour
un rituel
olklorique
méconnu
que
l'on retrouve ans
les
registres
e
comptes
de la ville de Laon.
De véritables euveries
taient
rganisées
haque
année
pour
désigner
un
nouveau roi :
«
Les habitantsde la ville de Laon se réunissaient
quelques ours aprèsNoël et nommaient n chef,un "Roi des braies"
pour présider
eur fête célébrée e
13
janvier.
Ce
monarque
avait un
connétable
et une cour de circonstance.
Pour
illustrer on
règne
de
trois
ours
et en
rappeler
'égayant
ouvenir,
e
"Roi des Braies" fai-
sait
frapper
ne monnaie en
plomb, portant
d'un côté des
braies,
de
l'autre une croix
chargée
d'une
fleur
de lis
en
abîme. Autour de
ces
braies et de cette croix on
lit "Roi
des braies"
»54.
À
l'issue de
cette
partie
de
plaisir,
e roi de l'année
précédente
tait nommé
«
Roi
des mauvaises braies
»,
«
Roi
dé-brayé
,
c'est-à-direRoi
dépouillé
de
ses
anciennesbraies. Le
terme débraillé ne fait
son
apparition
qu'au
XVIe
iècle. Son utilisationdans le cas
présent
st à nouveau
forgée partird'un jeu de mots. C'est encore une foispar le calem-
bour
que
le
vêtement
rend
toute sa dimension
ymbolique.
Une histoire es mentalités t des sensibilités es hommes et
des
femmes
de l'Occident médiéval
au
XVe
iècle
ne
peut
s'écrire
qu'en
croisant
toutes les données
que
nous avons rencontrées.
abliaux,
exempla
miséricordes,
marginalia
t
pratiques folkloriques
e recou-
pent
et donnent ux historiens
'aujourd'hui
une meilleure
ision
de
l'imaginaire
des
huchiers.C'est en se
plongeant
de la
sorte dans
la
culturedes
laïcs
que
les
sculptures rofanes
de
«
la
dispute pour
la
culotte prennent oute leur valeur symbolique.Notrebut a été
d'appréhender
d'une façon nouvelle es miséri-
cordes
de
stalles
en
montrant
ue
le
développement
'images margi-
nales se déroule à l'intérieur
'un
genremarginal
ui-même.
La misé-
ricorde est une
«
image
au carré ». C'est la raison
pour laquelle
il
est désormais
nécessaire
d'analyser
ces
images
de
façon
anthropolo-
gique
et
sociale,
et non
plus
comme un
simple système tylistique.
e
burlesque
n'est
pas
gratuit,
l
engendrepar
le rire
et le sourire une
meilleure onnaissancedes
rapports
ocio-culturels
ntre a culture
es
laïcs
et la culture des
clercs au
Moyen Âge.
Le mot de la
fin
sera destiné
ux
femmes
e
notre
proprequoti-
dien.Aujourd'hui, i l'expression portera culotte est un peu vieil-
lie,
il
suffit
ue
nous levions les
yeux
en
déambulant dans la ville
54. M.
Matton,
La
royauté
esbraies
,
Bulletine a Société
cadémique
e
Laon vol.
X, 1859,
p.
247-251.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 132/164
LA
DISPUTEPOUR
LA
CULOTTE
129
pour
nous
apercevoir u'elle
est d'actualité. Par le
port
du
vêtement
emblématique
de
notre société
-
le
jean
-
la femmea
reconquis
une
liberté
ymbolique ui
lui
était
auparavant
niée,
en
érotisant on
corps.
Désormais,
en
revêtant ette seconde
peau,
nous serionstenté
de dire
que
le sexe féminin
st
de
nos
jours
bien
«
culotté
...
Archives Nationales Caran
60,
rue
des
Francs-Bourgeois
F-75003
Paris
Pierre
Bureau,
La
«
dispute pour
la culotte .
Variations it-
téraires t
iconographiques
'un thème
profane
xiiie-xvie
iècle)
L'analyse
du thème
profane
de
la
«
dispute
pour
la
culotte
nécessitede croiser es
documents crits
t
les
documents
figu-
rés. Toute
la
portée
symbolique
du vêtement
isputé
entre
es
époux prend pleinement
a
signification
n
confrontant
es
fabliaux,
es
croyancespopulaires
et
les
miséricordes,
es mar-
ginalia
des
manuscrits.
A
la
croisée du texte et de
l'image,
il
est possible d'appréhenderd'une façon nouvelle les rapports
socio-culturels es laïcs et des
clercs.
Le
vêtement st
l'instru-
mentd'un
rapport
de force
entre
poux,
qui
s'inscrit ui-même
dans
un
contexte acré où les fidèles ont leur
mot à dire
sur
la
question épineuse
de la lutte
pour
le
pouvoir.
Profane
-
Symbolique
-
Text
-
Image
-
Culotte
Pierre
Bureau,
The
«
dispute
for
the breeches .
Literary
nd
Iconographie Variations on a Profane Theme (13th-16thcenturies)
For an
analysis
of the
profane
theme of
the
«
dispute
for
the
breeches
,
a
study
of
both
written
nd
figurative
ocuments
is
necessary. nly
when
fabliaux,
opular
beliefs,
xempla
mise-
ricord
carvings,
nd the
marginalia
of
manuscripts
ave
been
brought
nto
comparison
does
the
symbolic
mport
of
the
gar-
mentfor which
husband and wifecontend ake on
its full
signi-
ficance. As
text
and
image
cross,
new
light
s thrownon the
sociocultural elations etween
aymen
nd
clerics.The
garment
is seen as an
instrument
n
the
power
struggle
etween
he hus-
band and wife, strugglewhich s itself laced in a sacred con-
text where
the faithful lso have the
possibility
f
expressing
their
opinion
on the
thorny uestion
of
prerogatives.
Profane
-
Symbol
-
Text
-
Image
-
Breeches
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 133/164
Médiévales9,automne995, p.131-140
Peter VON MOOS
OCCULTA
CORDIS.
CONTRÔLE DE SOI ET CONFESSION AU MOYEN ÂGE
I. FORMES
DU
SILENCE
Au
cours
de recherches ur le
dialogue
et la
conversation u
Moyen Âge1
dont
les
sources ont été surtout es
traités
de
théologie
morale et les livresde bonnesmanières,une constatation aradoxale
s'est
imposée.
D'une
part,
les
règles
de
comportement pparaissent
comme éminemment
ntidiscursives,
résupposent
a
supériorité
bso-
lue du silence sur
le verbe et ne
visent
qu'à discipliner
e
langage,
conçu
moins comme instrument e communication
ue
comme ris-
que
de trahison et de
perte
de soi. D'autre
part,
l'ouverture
vers
l'autre,
la
sincérité,
'expressivité
u Moi sont
des valeurs
ncontesta-
bles et tout aussi recommandées. 'étude
qui
suit s'essaie à trouver
la
logique
intérieure
ui pourrait
faire e
pont
entre
ces
deux
pôles,
entre e contrôle de soi et la confession.
Depuis
le début du
Moyen Âge,
nous
pouvons
distinguer
eux
modèles de silence normatif celui de l'ascèse monastiqueet celui de
la
prudence tratégique risée
dans l'aristocratie
aïque
et cléricale.Ces
deux modèles de
comportement'opposent
diamétralement l'idéal
antique
de
«
l'humanité et de
son
synonyme
l'urbanité
,
à cette
culturede convivialité
pontanée,
gratuite
t
désintéressée,
ui régnait
par exemple
dans les entretiens icéroniens
e
Tusculum,
et
qui
n'est
pas
encoreéteinte ans
ceux
du
jeune Augustin
t de ses amis de
Cas-
siciacum. Elle
réapparaîtra près
une
longue
éclipse
chez
Pétrarque.
1.
Il
s'agit
u
projet
Dialogische
nteraktion
m
Mittelalter
,
dirigé
ans e cadre
du
Sonderforschungsbereich
31 Münstercf.P. von
Moos,
Le
dialogue
atin u
Moyen ge , AnnalesSC 44, 1989, p.993-1028Id.,« ZwischenchriftlichkeitundMündlichkeitDialogischenteraktionm ateinischenochmittelalter,Frühmit-
telalterlichetudien
25, 1991,
p.
300-314
Id.,
«
Aspekte
er
Dialogforschung.
ie
italienische
rs
rengandi
es 13. Jahrhudertsls Schule er
Kommunikation
,
dans
Wissensliteratur
mMittelalter
nd
nder
rühen
euzeit
H.
Brunner
t N. R.
Wolf
éd.,
Schriftenes SFB
226,
vol.
13,Wiesbaden,993,
p.
67-90.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 134/164
132 P. VON MOOS
Il
est d'ailleurs
curieux de noter
que
le
premier
héoricien e cette
culture raffinée e
la
causerie
à
bâtons
rompus
en
a été en même
temps
e dernier au
IVe
iècle,
e rhétoricien ules
Victor,
'inspirant
de
Cicéron,
écrivit
es
chapitres
ur
la
conversation
t
la lettre
rivée
en
prenant
oin de
distinguer
es formesdu discours
associatif,
donc
essentiellement
a-rhétorique,
de
toute
composition
oratoire
préméditée2.
l
était
e
seul
à aborder cette formede
discours avant
les
Castiglione,
Sigonius
ou
Guazzo
aux
XVe
et
XVIe
iècles.
La
chouette e Minerve e lève tard la théorie e ce
qui
va de
soi
s'épa-
nouit
quand
la
pratique
ne va
plus
de
soi.
Peu après JulesVictor,dans cettepériodede transition u'Éric
Dodds
a
appelée
«
l'âge
de l'anxiété
»3,
on voit
s'établir des cou-
vents
de
plus
en
plus
semblables des abris ou à des
refuges
ontre
la
crise ambiante
de
l'Empire
romain,
qui
ont
pour longtemps mpré-
gné
le monachisme
t la
religionpar
leur
programme
ssentiellement
ascétique.
Le commandement u silence
y
fait
partie
d'une
méthode
de mortification
lobale,
visant surtout déshabituer
es moines de
leurs
styles
de vie
antérieurs,
les
dégoûter
du luxe
d'une civilisation
conviviale
qui
soignait
même
des
«
futilités comme
l'élégance
et
l'humour
de la
conversation.
'application
de cette
nouvelle
discipline
se
substituait u but
premier
d'éducation
religieuse
ou
mystique4.
Dès le débutcependant, on radicalisme été l'objet de critiques, ant
païennes ue
chrétiennes,
eprochant
ux
moines
eur
solement inhu-
main
»
ou
sauvage,
leur
égoïsme
nsolent t leur
pure
virtuosité scé-
tique.
Dans ces exercices
d'endurcissement,
e silence
peut
en effet
devenirun but en soi.
L'ascèse,
ayant pris
la
relève du
martyre
es
premiers
iècles,
portait
e nom
métaphorique
de
«
martyre uoti-
dien
»
;
elle manifestait une volonté
analogue d'accomplir
des
«
records
d'abnégationhéroïque5.
Le silence
n'y
a donc
pas
néces-
sairement e caractère
nitiatique u'il
a dans d'autres
religions, ui
exigent
e
sacrifice
de la
langue
en
présence
de
l'arcane.
Dépourvu
de contenu et de mystère,
l
peut se suffire lui-même n tantquepreuved'une brillante echniquede mortification,'un accomplisse-
ment
quasi sportif.
Un deuxième
type
de
silence,
qu'il
vaut
mieux
appeler
stratégi-
que
que profane,
,
malgré
on
origine
ristocratique, énétré
'éthi-
que
de toutes es couches sociales cultivées
u
Moyen
Âge.
Il
est
déjà
l'objet
du manuel scolairedes Disticha Catonis
qui, depuis
'Antiquité
tardive,
été
la
base
de toute éducation
élémentaire,
e livre e
plus
répandu
du
Moyen
Âge
après
la
Bible,
bien
que
curieusement
ebelle
2. RhetoresatiniminoresC. Halméd.,Leipzig,868, p.446-447.3. E. R.
Dodds,
agan
ndChristiansn an
Ageof
Anxiety
Cambridge,
965.
4. Cf.Mönchtumnd
Gesellschaft
m
FrühmittelalterF.
Prinz
d.,
Wege
er
Forschung12),
Darmstadt,976,
p.
151-160,
50-460.
5. Cf. G.
Bauer,
Claustrum
nimae,
ntersuchungen
ur
Geschichte
er
Meta-
pher
om
Herzen
ls Kloster
Munich,
ink
973,
p.
70-83.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 135/164
OCCUL
A
CORDIS 1
3
à tout effort e révision u de
réinterprétation
hrétiennes6. es Dis-
ticha
comme tant
d'autres textes
didactiques qui
en
dépendent
-
livresde
proverbes,
nstitutions
our
novices,
disciplines
pour
étu-
diants,
miroirsde
prince
et introductions la vie de
cour,
etc.
-
ne font
que
décliner
une
seule
règle
l'homme
doit se tenir
sur
ses
gardes
devant
utrui,
urtout
uand
il
ouvre a
bouche. Car
il
est dan-
gereux
de laisser es mots
s'échapper
de leur
forteresse.
n
parlant,
l'on
risque
de donner
prise
à
l'adversaireet de subir
des retoursde
«
boomerang
. Le silence
aussi
est donc
d'une
importance
entrale
dans cette
tradition.
Mais ce n'est
pas
un silence
vide,
pratiqué
pour
l'accomplissemente soi ou la « virtuositéeligieuse, c'est un silence
dissimulant n contenu. Ce
qu'il
fallait
cacher,
dans
l'optique
de ces
manuels
de
conduite
sociale,
c'était
le
Moi
intime,
et
être vulnéra-
ble, désarmé,
nu et
perdu,
exposé
aux
intempéries
e
la
jungle
humaine. Sa
défense,
sa
cape qui
le rend
invisible,
'appelle
l'hon-
neur,
la
dignité
ou la bonne
renommée honestas
honor,
dignitas,
fama).
Dès la
prime
nfance 'homme doit
apprendre
'art de
se faire
valoir,
en
se
moulant
dans
un
rôle,
dans une
persona respectable.
l
ne
peut
commettre e
pire
faute
que
de
se
confier
rop
vite à
autrui.
La méfianceest surtout
recommandée
l'égard
des femmes t
des
faux
amis,
qui,
une
fois
franchi e
seuil de la
forteresse
ntérieure,
y font fonctionde cheval de Troie. Rester sur ses gardes, regarder
à deux fois avant
d'approcher
'autre,
savoir
dissimuler t simuler
n
connaissance de
ses
propres
faiblesses,
e
sont les maximes
es
plus
souvent
répétées
dans
cette
ittérature
édagogique, qui
ne se
tarira
pas,
comme on
sait,
au
seuil des
temps
modernes,
mais connaîtra
une
belle
postérité
ans les innombrables
raités
de
«
l'homme
de cour
»
écrits urtout
par
des
Jésuites.C'est
en
effetun
phénomène
de
«
la
très
ongue
durée ». Par
leurs accents
paranoïaques,
ces
manuels se
rattachent cette
angoisse
de
l'Antiquité
tardive
qui
est
également
à la base du modèle
ascétique
de
la fuitedu
monde.
Dans ces docu-
mentsd'éducation élémentaire u MoyenÂge, il n'y a pas trace decette
conception
moderne u
post-rousseauiste
ui passe pour
simple-
ment
chrétienne,
t
qui
est l'amour du
prochain conçu
comme
con-
fiance en
autrui. La
guerrey
reste a
mère de toute
chose,
comme
la
ruse est
la mère
de toute
sagesse.
Les deux
enseignements,
elui
de
l'ascèse
monastique
et
celui de
la
prudence
mondaine,
tout
différents
u'ils
sont,
ont en
commun
l'idéal de
l'homme entièrement
ontrôlé,
qui
bride
sa
langue
et
qui,
selon un
stéréotype
épandu,
se
distingue
ssentiellement e
l'enfant
et
de la
femme,
de
ces êtres
spontanés,
babillards et
incapables
de
retenue.
Toute
la
pédagogie
médiévale,
tant
religieuse ue
profane,
exalte e silence comme tel ou commearrière-fond 'une parole pru-
dente. Ce
n'est
pas par
hasard
si une abondante
ittérature
st vouée
6. Cf. R.
Hazelton,
The
Christianizationf Cato
,
Medieval tudies
19,
1957,
p.
157-173.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 136/164
134 P. VON MOOS
spécialement
ux «
péchés
de la
langue
»,
dontCaria
Casagrande
et
Silvana Vecchio ont fait la
synthèse7.
e silence
est devenu le fon-
dement
de toute vertu
ociale,
comme
e
dit
un des
premiers
ers
I,
v.
3),
l'un
des
plus
souvent
ités,
des
Disticha Catonis Virtutem
ri-
mam esse
puta
compescere
inguam
«
Pense
que
la
première
ertu
consiste
à maîtriser
a
langue
»
Or
du
poids
normatif u
silence
dépendent
nos
questions
sur le
secret
on
peut
en
déduire
u'au Moyen Âge
le
seuil de la honte
épa-
rant a
sphère
du
privé
et du
public
a dû se situer un
niveau bien
plus
élevé
qu'aujourd'hui,
où chacun
peut
mettre es
expériences
nti-
mes à la disposition u voyeurisme énéral.Du moins à cetégard, a
thèse
de Norbert lias sur e
«
processus
e la civilisation
-
se
déve-
loppant
de la
libertémédiévale
la
pudibonderie
t au
«
self-control
moderne
devrait tre érieusement
econsidérée,
arce qu'Elias
com-
mence son
étude au
XIVe
iècle,
époque déjà prémoderne
beaucoup
d'égards,
et
néglige quasi
totalement e millénaire
précédent8.
On
pourrait
u
contraire
isquer 'hypothèse ue
le
Moyen
Âge
a
connu
une forme oute
particulière
e contraintet
même
de
violence,
ui
con-
sistait
manipuler
e secretde l'homme
singulier,
a
propre
dentité,
son talon
d'Achille.
Les
stratégies
e
précaution
t
d'autodéfense
ue
recommandent
os manuels
de
bienséance
ont
toutes
pour
objectif
de
protégere Moi contre e dangerd'êtredémasquéetridiculisé. e célè-
bre
exemple
de PierreAbélard montre ien à
quel point
un
simple
cte
de
vengeanceprivée
pouvait
anéantir a
persona
confondre a
respec-
tabilitéd'un
homme
public.
Sa castration dû vivement t
longtemps
impressionner'opinion
du
Moyen
Âge,
d'une
façon
qui dépasse
de loin
le faitdivers
ui-même,
omme e
symbole
e la chuted'un
héros dans
l'ignominie.
Aussi,
dans
Y
Historia calamitatum
qu'elle
soit authenti-
que
ou
non),
cette histoire
prend-elle
es couleurs
d'un
traumatisme
insupportable
ausé
par
la honte
de la
mise
à nu du Moi
intime.Ce
dommage
moral est
expressément
essenti omme
incomparablement
plus
douloureux
ue
le
dommagephysique.L'épisode permet
'ailleurs
un curieux approchementntre es deux formes e protection u Moi,
l'une
monastique,
'autre
sociale,
puisque,
selon cette
histoire,
bélard
est
par
la suiteentré
ans le couventde
Saint-Denis,
non
pour
des rai-
sons
religieuses,
mais
pour y
cacher
sa
honte9.
7. C.
Casagrande t S.
Vecchio,
peccati
ella
ingua,
isciplina
d
etica ella
parola
nella ultura
edioevale
Rome,
987.
8. Cf. N.
Elias,
Der
Prozess
er ivilisation
2
vol., rancfort,
tw
58-9,
977
H. P.
Duerr,
er
Mythos
om
ivilisationsprozess
Francfort,
988
P. Gleichmann
éd.,
Materialien
u
Norbertlias'
Prozess
ivilisation
Francfort,
977 R.
Brandt,
Enklaven-Exklaven
Zur literarischen
arstellung
on
Oeffentlichkeit
nd Nicht-
Oeffentlichkeit
mMittelalter
Munich,993,
p.
117-126.e
problème
étébeau-
coup
iscutéors
'un
olloque
ur La vie
publique
t a vie
privée
u
Moyen
ge
et udébutesTemps odernesOeffentlichkeitndNicht-OeffentlichkeitnMitte-
lalter ndfrüher
euzeit
,
que 'ai
organisé
vecGertMelvillen novembre994
à
Bad-Homburg
t
dont es actes ranco-allemands
araîtront
n 1996.
9. Cf.
M.
McLaughlin,
Abelard
s
Autobiographer
,
Speculum
42, 1967,
pp.
463-488,
urtout
p.
474
q.
A. J.
Gurjewitsch,
as Individuum
m
europäis-
chenMittelalter
Munich,994,
p.
171-183.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 137/164
OCCULTA
ORDIS
135
Il
y
a
plusieurs
hemins onduisant la
compréhension
istori-
que
du
secret
de l'identitédu
Moi,
si
précieux
et menacé.
Je n'en
choisis
qu'un,
celui
indiqué par
le titre
de cet article.
Occulta
cordis,
arcana
cordis,
secreta cordis sont des termes
tablis
de
la
littérature
patristique
t
médiévale
pour désigner
a
non-transparence
e
l'âme
pour
autrui.
Ils
se réfèrent ous à l'idée
biblique que
Dieu
seul
peut
voir 'intérieur e
l'homme,
elon le mot du Livre de
la
Sagesse
1.6 :
«
Dieu
est
le
sondeur
des coeurset
le scrutateur es
reins 10.
Abé-
lard résume uccinctemente
principe
n
disant11
«
Pour
Dieu seul
les cœurs
et
les
pensées
sont manifestes
,
principe
première
vue
anti-psychologique.l met 'accent soit surun secretque personnene
doit
connaître,
parce qu'il
ne
regardeque
Dieu,
soit sur un
mystère
que personne
ne
peut
connaître,
uisque
Dieu seul en
a la
clé. D'un
côté
l'exégèse porte
sur
le
péché
de
curiosité
t
interdit 'ouvrir
émé-
rairemente
que
Dieu a
caché
aux
yeux
des hommes.L'âme
de
l'autre
fait
partie
de
ces
régions
défendues
l'exploration,
omme la
magie
ou
l'astrologie,
où l'on n'entre
que
par transgression.
lle
est
donc
tabou. De
l'autre
côté,
si l'âme n'est
visible
que
pour
Dieu,
les
anges
et les
saints,
ertains
ignes
néanmoins a rendent
artiellement
échif-
frable u lisible ux
hommes.Tous les
esprits,
elon eur
degré
d'intel-
ligence, euvent 'interpréter,
a
reconstruire,
onc lui
rendre
ne
trans-
parencerelative n bien ou en mal. Le maître e plus astucieux, e
plus prompt
t zélé
dans cet
art
de
l'interprétation
u
de la
conjec-
ture
psychologique,
'est
l'ange
déchu,
Satan,
bien
que
lui non
plus
n'ait
pas
un
accès
direct
la vision du
cœur et
reste donc
confiné
à
des
moyens
de
duperie
herméneutique.
Or,
le cœur
est
également
a
scène et
l'acteur
principal
d'une
«
psychomachie
de
puissances
il
peut
devenir
e
«
temple
du
Saint-
Esprit
»
ou le
bouge
des
démons,
sans être
pour
autant un
simple
récipient, ouet passif
de
forces
étrangères12.
on
secret,
ou
plutôt
son
mystère
e
plus profond,
e trouve
dans la
destination
ternelle
de l'âme que, Dieu excepté,personnene peut prévoir, t dont cha-cun est néanmoins
personnellement
esponsable.
Aaron Gourevitch
s'est servi de la formulede
«
l'individu
neffable
pour
démontrer
que
le
Moyen
Âge
ne
disposait
pas
encore
d'un
concept
pour
dési-
gner
l'entité
personnelle13.
'est
l'exagération
d'une
idée
juste
:
le
centre e l'unicité
ndividuelle
asse
pour
caché,
mais non
pour
inexis-
tant.
Il
dépasse
l'entendement umain il
est
indicible,
t
ceci
préci-
sément à
cause de
son caractère
eschatologiquement
ramatique.
Formulons-le ans
les termesde la
doctrine
ugustinienne
e la
pré-
10.
Deus]
examinator
ordium,
crutator
enum.
Cf. L. J.
Friedman,
« Occulta ordis, Romancehilology11,1957, p.103-119.11. Sic et
non,
B. B.
Boyer,
R. McKeon
d.,
Chicago/Londres,
976,
.
91,
1.45 soli
Deo corda t
cogitationes
ate(a)nt.
12.
Cf. G.
Bauer,
p.
cit.,
pp.
70-83.
13. A. J.
Gurjewitsch,
as
Weltbildes
mittelalterlichen
enschen
Munich,
1982,
p.
327-330
cf. aussi
d.,
Das
Individuum...,
p.
cit.,
h.
II.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 138/164
136
P.
VON MOOS
destination,
ont KurtFlasch vient de faire une
pénétrante
nalyse
dans son
livre
La
logique
de la terreur
4
:
l'âme
singulière
de
l'homme se débat
et
s'angoisse
sa
vie durantdans ce
«
for
ntérieur
,
désireux
sans
certitude ucune
d'appartenir
à la
«
Cité de
Dieu
»
qu'habitent
es très rares
élus,
sachant
que
la
«
masse damnée
»
du
commun des
mortels
fait
partie
de la
«
cité du
diable
»
et ira
avec
lui
peupler
'Enfer.
Mais l'hommene sait
pas
et n'a
pas
même e droit
de savoir
qui,
concrètement,
ans
cette
«
cité
mixte de la vie
sur
terre,
ppartient
l'un ou à l'autre
camp.
Dans
cette
doctrine
igou-
reuse,
qui
a
été
plusieurs
fois
allégée
au cours de sa
survie
médié-
vale, on trouvepeut-êtree pivot de la théorie des « obscuritésdu
cœur
»,
qui
est
avant tout
une
psychologie
u salut. Elle ne se borne
cependant
pas
à la
seule
problématique
e la
prédestination,
mais
la
dépasse
dans
plusieurs
directions
pratiques,
même en
dehors du
domaine
religieux.
Le secret
du cœur est
inconnaissable,
mais
partiellement
isible.
La doctrine
des
occulta
cordis fait
donc
partie
du modèle
général
de
l'explication
ymbolique
du
monde,
qui
fait
correspondre
es choses
intérieures
t inabordables
et les
signes
extérieurs
t
manifestes.
«
L'homme
extérieur n'est
pas
seulement
e
corps,
mais
tout ce
qui
apparaît
aux
autres
il
donne
à
interpréter
es
indices,
des
ombres,
des voiles,des miroirs, es fragments,ar lesquelson accède indirec-
tement
et
partiellement
«
l'homme
intérieur
,
qui
en
serait
la
lumière,
a
nudité,
e
noyau,
le Tout
d'une
réalité naccessible
n tant
que
telle.
L
exterior
homo est
le
signifiant
e Yinterior omo dont
la
psyché
nvisible
orme e
signifié.
i la relation
ntre
es
deux
entités
ne
manque
pas
d'une certaine
ransparence erméneutique,
e
degré
de cette
ransparence
st resté
une
question onguement
ébattuedans
la littérature
héologique
t
philosophique
il
y
avait
des
réponses pti-
mistes
mettant
'accent
sur
l'unité et
la
simultanéité
es mouvements
psychiques
t des
réactions
xtérieures,
t des
réponses essimistes
on-
cevant e corps avanttoutcomme 'obscuritéde l'âme, obscurité ui
peut
être si
totale,
commedit Vincentde Beauvais15,
ue
l'âme ne
s'y
reconnaît
même
plus
elle-même.
Mais
je
passe
sur
cette
question,
qui
touche à
l'immense
discussion
du
Moyen Âge
néoplatonicien
ur
les
relations
de
l'âme et du
corps,
pour
soulever
uelques conséquen-
ces
pratiques
de
la théorie
des occulta
cordis
dont
e
viens
d'esquis-
ser le
fond commun.
Une
conclusion
ittéraire
déjà
été tiréede
cettevalorisationdu
secret
personnel.
Par une sorte
de
respect
ntipsychologique,
ar
une
sainte
horreur
e la
transgression
ui
consisterait
s'arroger
e
privi-
lège
divin
de
la connaissance
de
l'âme,
les écrivains
médiévaux,
ur-
tout les conteurs t les historiens, e montrenta plupartdu temps
14.
Logik
des
Schreckens
Augustinus
on
Hippo,
Die Gnadenlehre
on
97,
May
nee,
990.
15.
Speculum
aturale,ouai,1624,
6. 70.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 139/164
OCCULTA ORDIS
137
réticents
décrire es
phénomènes
sychiques
ils les donnent enten-
dre de
façon stéréotypée, imple
et
rudimentaire,
our
ne
pas
dire
primitive,
n
représentant
leur
place
des manifestations
xtérieures,
des
comportements,
es
gestes,
bref,
des actes
symboliques16.
ans
notre
contexte,
une
autre observation me semble
plus pertinente
encore
la
distance
intersubjective,
a méfiance envers le
dialogue
spontané,
dont nous avons
parlé, s'explique par
la crainte
que
susci-
tait le
langage
du
corps
comme
expression
nvolontaire
t
comme
indice
plus
ou moins
déchiffrable e l'âme. Richard de Saint-Victor
le dit clairement17
«
Le
mouvement u cœur
sort mmédiatementt
sans contradiction ar le mouvement u corps. » De même,dans les
manuels
enseignant
a
prudence,
it-on
très
souvent,
particulièrement
dans
l'introduction,
u'il
n'est
pas
donné à l'homme de cacher
tou-
tes ses
pensées,
parce que, par
le
corps
ety
ar
son
organe
e
plus
subtil,
la
langue,
l
en
émet névitablementes
signescompromettants
c'est
pourquoi
les
préceptes
éunis
dans ces livres sont surtout
destinés
à
aguerrir
e
corps
et
la
langue
dans l'exercice de la
contenance.
On
pourrait
'étonnerd'un
aspect paradoxal
de
cette ittérature
la
grande popularité
dont
ouissent
es maximes
toïciennes ur
l'apa-
thie
s'oppose
à autant
de sentences ntistoïciennes
nonçant
a
puis-
sance
invincible e
la
passion.
Mais les
unes
et
les autres servent e
mêmeobjectifd'autoprotectionn inculquant 'impassibilitéxtérieure
et en avertissant
es
dangers
ntérieurst de
la
perméabilité
u
corps.
Cette
autoprotection
eut
même
prendre
un
caractère
potropéique,
puisque
c'est
par
les
signes
du
corps que,
mieux
qu'aucun
ennemi
humain,
e diable sait
pénétrer
ans le château fortdu
Moi,
couram-
ment
appelé
Varx
mentis.
C'est
la morale
qui
détermine
es
règles
du
maintien.
Comme le
corps
est
autant une voie
de sortie
qu'une
voie
d'entrée,
l
doit être
gardé
dans les deux
sens
:
il
doit éviter
d'expo-
ser
le
cœur,
mais aussi
de l'influencer
ar
ses
gestes, qui,
tout
inno-
cents
qu'ils
paraissent, euvent réparer
e
péché.
Le
moine,
par
exem-
ple, qui jette
des
regards
vides sur une
femme,
u
celui
qui, affamé,lève les yeux u cielpoursavoir 'heure olaire, nvitente mal à entrer
sous
formede luxure
ou de
gloutonnerie.
e
même,
un
visage pâlis-
sant
ou
rougissant
peut
devenir
un
aveu
involontaire,
t
amener a
condamnation
par
le tribunal selon
le droit
romain et
la
rhétorique
médiévale
ce
«
signe
»
passait
d'ailleurs
pour
une
véritable
preuve
c'était
une des
preuves
ites inartificielles
,
efficaces
ar
elles-mêmes
sans
le recours
de l'art de l'orateur18. es
paroles peuvent
romper
le
corps
ne ment
amais.
L'interdépendance sychosomatique
adicaledu
corps
et
de
l'âme,
dont se
chargeait
a médecine
t la
philosophie
morale,
était
donc une
16. Cf. L. J.
Friedman,
oc.
cit.,
pp.
113-115.
17.
Benjamin
aior
PL
196,
ol.97.
18.
Cf. H.
Lausberg,
andbuch
er iterarischen
hetorikvol.
,
Munich,
960,
§§
358
qq.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 140/164
138
P. VON MOOS
source de
risques
ncalculables. elon la doctrine
es
passions,
'amour
et la
colère,
pour
des raisons
physiologiques,
e
peuvent
tre
cachés
à
moins
de
posséder
des forces
héroïques
et
surhumaines
doctrine
particulièrementnquiétante our
une mentalité
oncièrement
oucieuse
de fortifier
utoprotection.
e toute
façon,
es manuelsde
bienséance
tâchaientde
remédier
cette tare de la
nature humaine
par
l'ensei-
gnement
de diverses
techniques
de
dissimulation t de
camouflage.
Cette ittérature
e
cesse
de
répéter u'il
est
plus
difficile
e dominer
l'âme
que
la
parole.
La maxime
n'est d'ailleurs
qu'une
varianteun
peu
trivialede la théorie
scolastique
des
primi
motus
des
premiers
mouvements rrésistibles es affects, elon laquelle les « suggestions
du diable
»
ne
peuvent
tre
repoussées
l'homme n'en
est donc
pas
responsable, ourvu qu'il
refuse
d'y
consentir
ar
la
suite19. e
prin-
cipe, qui jouait
un
peu,
au
Moyen
Âge,
le
rôle
de notre
«
incons-
cient
»
actuel,
suscitait
de
longs
débats sur la nature de
ces
sugges-
tions diaboli
sur
la délimitation es
différentstats affectifs
rimai-
res,
comme
es
«
fantaisies t
pollutions
nocturnes des
moines20,
a
sexualité
uvénile
considérée
rrépressible
t donc sans
péché,
l'apport
inévitable
du
plaisir
dans
le coït matrimonial
malgré
a
seule inten-
tion
de
procréer21
t
-
A. Boureau vient de l'étudier
-
les
méfaits
des
somnambules
durant leurs
promenades
en
dehors de
l'unité
psychosomatiquenormale22. La formule uridique necessitas non
habet
egem
«
pour
ce
qui
est nécessaire
l
n'y
a
pas
de loi
»,
s'appli-
quait
à la morale
et devenaitainsi
l'objet
de
débats fort
ubtils sur
les
limites
e la
responsabilité.
ar s'il était
évident,
malgré
'opinion
stoïcienne,
ue
l'homme ne résiste
pas
au
premier
ssaut de la
pas-
sion,
personne
de
l'autre côté
ne doutait de la force de
Vintellectus
ou
de la volonté
d'en
pouvoir
rationnellement
epousser
t
dominer
les
mouvements
ltérieurs.
Michel
Foucault,
en
parlant
de
l'ascèse
monastique,
bien décrit
e volontarisme
n
disant23
«
Tout le tra-
vail du
moine sur
lui-même onsiste
à ne
jamais
laisser
engager
sa
volontédans ce mouvement ui va du corps à l'âme et de l'âme au
corps
et sur
lequel
la volonté
peut
avoir
prise, pour
le favoriser u
19. Cf.
R.
Schnell,
ausa
moris,
iebeskonzeption
nd
iebesdarstellung
n
der
mittelalterlichen
iteratur
Berne/Munich,
978,
p.
413-430.
20. Cf.
P.
Browe,
Beiträge
ur
Sexualethik
es Mittelalters
Breslau, 932,
pp.
80-90.
21. Cf.
D.
Jacquart
t
C.
Thomasset,
exualité
t
savoirmédicalu
Moyen
Âge,
Paris,
985,
p.
208-220
J.-L.
landrin,
e
sexe
t
'Occident
Paris, 981,
pp.
279-282
P.
Legendre,
'amour
u
censeur,
ssai ur
'ordre
ogmatique
Paris,
1978,
p.
157-163.
22.
«
La redécouverte
e l'autonomie
u
corps l'émergence
u
somnambule
(xiie-xive
iècle)
,
Micrologus
:
I
discorsiei
corpi
Discourses
f
the
Body
Turn-
hout, 993, p.27-42 « Pierree Jean livi t e semi-dormeur.neélaborationmédiévalee l'activiténconsciente
,
Nouvelle evue e
Psychanalyse
48,
1993,
pp.
231-238
«
Satan
t e dormeur.
ne onstruction
e
'inconscientu
Moyen
ge
,
Terrains
14,
1991-1993,
p.
41-61.
23.
«
Le combat
e la chasteté
,
dansSexualitésccidentalesPh.Arièset
A.
Béjin
d.,
Communications
35,
1982,
.
35.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 141/164
OCCUL
A
CORDIS
1
39
pour
l'arrêter,
travers e mouvement e la
pensée.
» Il ne fautdonc
pas
s'étonner i certains
maîtres
lus
rigoristes
e la
discipline
e l'âme
et du
corps
sont allés
jusqu'à
recommander
es
recettes ontre
des
réactions
physiologiques ue
nous
trouverions
nvolontaires,
omme
certains ics
-
le froncement es
sourcils,
e
tremblement
es
lèvres,
le
croisement es
jambes,
le
balancement
es
pieds,
etc.
-
,
et
même
contre es
gestes
ccompagnant
e rêve du
dormeur.
Du beau
livrede
J.-Cl. Schmitt
sur la raison des
gestes24
n
pourrait,
dans
notre
cadre,
tirer
a
conclusion
ue
rien n'a été
plus
suspectpour
le
Moyen
Âge
que
la
spontanéité, ui
est
devenue,
bien
plus
tard,
une
valeur
éminente t un signede santépsychique.Le modèlestoïciende l'ata-
raxie,
l
est
vrai,
a bien été
rejeté
comme
phénomène
sychique,
mais
semble avoir
été
insensiblement
ransposé
de
l'homme
intérieur
l'homme
extérieur.
Des vues
synthétiques
tirées d'un
champ
de
recherche
spécifique25,
elles
que
celles
que je
viens de
proposer,
risquent
ou-
jours
de réduire
a
complexité
'une
époque
aussi
contradictoire
ue
le
Moyen
Âge
;
pour
atténuer e
risque,
e
vais les
négliger
rovisoi-
rement,
u
plutôt
es mettre n
symétrie
vec
d'autres
vues
synthéti-
ques qui
leur
semblent
pposées.
J'éviterai
insi le
reproche
aità
une
certaine
histoire
es mentalités
accusée de
préférer
'unité mono-
lithiquede penséeet de sentiment 'une époque à la pluralitéde ses
systèmes
e
croyance26.
l
est vrai
que
le
concept
des occulta
cordis
constituait n
modèle
de
comportement
ominé
par
le
contrôle e
soi,
qu'il justifiait
e
paraître
ocial,
le
mimétisme
écent,
t
même un
cer-
tain
manque
de
sincérité.Mais le
reversde la
médaille est
tout
aussi
significatif
comme on
sait,
aucune
civilisation
'a,
autant
que
la
civi-
lisation
chrétienne,
ontribué
développer
e
sens de
l'introspection
et de
l'auto-analyse.
Saint
Augustinpasse
à
juste
titre
our
le
fonda-
teur
du
genre
autobiographique,
t
l'ouvrage
monumental
e
Georg
Misch27 ur
l'autobiographie
rouve
suffisamment
ue
le
Moyen
Âge
n'a
jamais cessé,
même
dans ses
premiers
iècles
plus silencieux cetégard, de produiredes témoignagesndividuels ouvent
dramatiques
de ce
qui
s'appelait
alors
la
confessio
dans un
sens
très
arge.
À
par-
tir du XIIe
iècle,
selon
l'heureuse
expression
du
Père
Chenu28,
24.
Paris,
990.
25.
Les résultatsn
seront
rochainement
ubliés
ansun
ivre ur
es
formes
d'interactionelon a
littérature
idactique
u
Moyen
ge.
26. Cf.G.
Lloyd,
our n
inir
vec es
mentalités
Paris, 993,
ui
exagère
llè-
grement
ette endance
our
mieux
ouvoir
nsuitea
critiquer.
e
genre
e
polémi-
que
embletre la
mode urtoutn
dehorse a
Francecf.
ussi
.
Raphaël,
ie
Erben on loch nd
ebvre.
Annales
-
Geschichtsschreibung
nd
nouvelleis-
toire in Frankreich945-1980Stuttgart,994.27. G.Misch,Geschichteer
Autobiographie
8
vol.,
Francfort
1907)
1949-1969cf.Die
Autobiographie
G.
Niggl
d.
Wege
er
orschung65),
Darms-
tadt,
989.
28.
M.-D.
Chenu,
'éveil
e
la conscience
ans
a
civilisation
édiévale
Mon-
tréal/Paris,
969.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 142/164
140
P.
VON MOOS
« l'éveil de la conscience
prit
on essoret les formes t
genres
itté-
raires
es
plus
divers
vinrent onfirmer
ue l'expression
des
propres
expériences
ubjectives
e chacun était
devenueun véritable déal cul-
turel.
l n'est
pas
besoin
de l'illustrer ne fois de
plus.
Ce
développe-
ment
peut
être considéré
comme la
préhistoire
du sub
ecti
isme
moderne,
t
l'on
peut
se demander
i la littératurentimiste omanti-
que
ou la
psychanalyse
uraient
amais
vu le
jour
sans une tradition
auto-analytique
i enracinée
dans
notre
passé
culturel.
l
faut donc
également
nvisager
e secret
de l'identité
ndividuelle
ous
l'angle
de
ce
modèle
apparemment
ontraire,
t
peser
a relation
articulièreu'il
y avait entre a volontéde manifestert celle d'occulter e Moi ; il
faut
voir les deux
faces de la
médaille.
(À suivre)
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 143/164
Médiévales9,automne995, p.141-155
NOTES
DE LECTURE
Commynes,
émoires
Présentatione
Philippe
ontamine,Paris,
mpri-
merieNationalecollection cteurs e l Histoire), 994,490p.
Voici
quelque
emps ue
les rééditionsu les
reprints
œuvres
e l his-
toriographie
édiévalee
multiplient,
ettant la
disposition
e toutes es
bourses es textes
ui
n étaient
lusdisponibles
n
librairie
t,
pour
ertains,
difficilementccessibles
n
bibliothèque.
a
fin
du
xive
et le début du
XVe
iècleont
été bien
servis,
vec,
pour
ne donner
ue
deux
exemples
e
Journal
un
bourgeois
e
Paris
par
Colette eaune t a
Chronique
u Reli-
gieux
de Saint-Denis
par
Bernard
uenée,
uxquels
l
faut
jouter
entre-
prise
des
éditions
aradigme.
Dans ce
contexte
ditorial,
hilippe
ontamine
résente
es Mémoires e
Philippe
e
Commynes.
côté
de la Viede Louis
VI
de
Suger,
e texte
rend
pleinementa placedans a collection Acteurs e l Histoire, qui rassem-
ble
les
grandes
œuvres
istoriquesomposées ar
des hommes
ui
furent,
non
eulementémoins
e leur
emps,
mais cteurs e la vie
politique. ommy-
nes,
dont es
temps
orts
e la vie sont
voqués
ans a
présentation
e cette
édition,
utbien la
fois
politique
t historien. onseillert chambellan e
Louis
XI,
il
est
ignalé ar
des sources
ontemporaines
omme n de ses nti-
mes
et,
même i
les
chroniques
e
l évoquent as,
c est
bien insi
que
Fran-
çois
de Petrasancta
e
présente
son
maître,
e duc de Milan. Les vicissitu-
des du
patrimoine
u
seigneur Argenton,
hilippe
ontamine ous
e
rap-
pelle,
ont es témoins
e cette ie
politique.
erdant out
près
on
rallie-
ment Louix
XI,
alors
qu il
était
vassal et officier u duc de
Bourgogne,
Commyneseconstituet amplifieonsidérablementonpatrimoinedons,
terres, ffices,
adeaux,
ensions
accumulent.
près
a mort e Louis
XI,
choisissant
e
parti
u duc
d Orléans,
opposant
Anne t Pierre e Beau-
jeu, Commynes
erd
on
crédit,
a liberté
ourvingt
mois
t enfin ne
par-
tie de
ses biens.
Commynes
e se faithistorien
u après
a
disgrâce,
mais es restes e
sa
bibliothèque
Jean
Mansel, roissart,
ais ussi ValéreMaxime n fran-
çais,témoignent
e son
ntérêt
our
es œuvres
istoriques.
istorient
poli-
tique,
l
inaugura
n nouveau
enre
istoriqueromis
un riche venir hez
ces
acteurs-auteurs
e l Histoire les Mémoires.
ommynes
n détermina
es
grandes
ignes
en
prenant arti,
n s
exprimant
utant
ar
ses silences
ue
par
ce
qu il
écrit,
n
ustifiant
es actions.Mais
plusqu au genre,
a
présen-
tation e Phillippe ontamine attache ux lieuxcommuns e Commynes
dont
l
est
rappelé ue,
pour
certains,
ls
constituent
e fonds
ommun
e
la littérature
olitique
u
MoyenÂge.
Le manuscrit
auteur,
il
a
jamais
existé,
st
perdu,
t le texte
ré-
senté ci
reproduit
édition
e Bernard e Mandrot e
1901,
une des
meil-
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 144/164
142 NOTES
DE
LECTURE
leures,
asée sur e bon manuscrit
ui appartint
la niècede
Commynes,
Annede
Polygnac.
l
comprend
es six
premiers
ivres es
Mémoires
com-
posés
la demande e
l archevêque
e
Vienne,
ngelo
ato,
médecint
astro-
logue
de Louix
XI,
qui
souhaitaitcrire n atin ne
histoireu roi.
Ne s nté-
grant
as
au
projet
nitial,
mais
omposés
ans es
années
495-1498,
es ivres
VII
et
VIII,
relatant
expédition
e Charles III
en
Italie,
ont
pas
été
jou-
tés au texte tabli
par
l éditeur.
Les notes
qui accompagnent
e texte es
Mémoires
dégagées
e toute
érudition
ormelle,
ontde véritablesides la
lecture e l œuvre.
lleséclai-
rent,
propos
un
point récis
u d un
mot,
e nombreux
spects
e
l œuvre
de
Commynes
les relations
maîtres-serviteurs,
es
questions
militaires
ui,
ici comme hezde nombreuxistorienstchroniqueursuMoyenÂge,occu-
pent
ne
place
essentielle.
hevalier,
ais
n assumant
as
de
grand
omman-
dement,
ommynes
e montre n bon
observateures
développements
u
génie
t de l artillerie.
L argent
ient
galement
ne
place
non
négligeable
ans
l œuvrede
Commynes
ui comprend
d intéressantes otations ur la
vie
socio-
économique l argent
ue
le roi
peut
verser ous forme e
pensions,
elui
que
les marchands
euvent
ui
prêter,
es
sujets
ui
fournir,
es
princes
mobi-
liser.L évocation es
moyens
e
gouvernement
st
d autant
lus précieuse
qu elle s accompagne
un
souci d exactitude ourri
e chiffres
récis, ui-
sés dans une excellente émoiret dans des
papiers ersonnels.
a
prise
n
compte
e certains e ces
moyens mariages, éritages,
aisons,
iens
per-
sonnels, approche ommynese sesprédécesseurs.n relevantanalyse t
l exposé
oncret
autres essortse la vie
politiqueamour,
aine,
engeance,
ruse,malice,
ubtilité...)
t constatant
ue, pour
Commynes,
a fin
ustifie
les
moyens,
es lecteurs u
seigneur Argenton
n on
fait,
u moins
epuis
Sainte-Beuve,
n
Machiavel
rançais.
Ces
moyens
ont ux mains
u
prince,
ont e
dégage
n véritable
or-
trait
sage, gouvernant
ar
conseil,
vec
modérationt sans
cruauté,
l
a
recours des
spécialistes,
n
particulier
ux
ambassadeurs,
référables
ux
rencontresirectes
ntre
ouvernants,
t
l
sait
éduire es
peuples.
ans faire
de Louis
XI
un
portrait
déalisé t
affadi,
ommynes
e
présente
omme a
face
positive
e
ce
portrait
ont e duc de
Bourgogne,
harles e
Téméraire
est e
pôle négatif.
Mais
qu ils
soient
rands
u
humbles,
est finalement
Dieu,premier ersonnage,eut-être,esMémoiresqui décide u destin es
hommes.
La
présentation
t es notes ont
omplétéesar
un
glossaire ui
reprend
plus
de 300 mots nusités
e nos
ours
ou dont
e
sens été
par trop
modifié
depuis
a
fin
du
XVe
iècle.Une
listede
quelque
360
personnages,
ention-
nés
par
Commynes,
attache
urtout
signaler
es relations
aîtres-serviteurs
et
les
morts
iolentes,
i
fréquentes
ans a vie
politique
u
XVe
iècle.Elle
mentionne
galement
es datesdes
règnes
t es
principaux
ffices t
charges
occupés.
L inventairees lieuxmontre étendue
éopolitique
e l intérêt
u
seigneur
Argenton
out en rétablissant
orthographe
ontemporaine
es
noms.
La
reprise
es titres es
chapitres
ntroduits
ar
l éditeur u milieu
du
XVIe
iècle,
Denis
Sauvage,
inscrit ans e
même
sprit
aide
à la lec-
ture.
Mais à la
situation
qui
n est
pas systématique
t
pas
toujours
tile
des
lieuxdans es
grands
nsembles
éographiquesontemporains,
n
aurait
préféré
ne ocalisation
ondée ur es différentes
éographies,
éodale,
eli-
gieuse,
dministrative,
u
XVe
iècle.Et on
peut regretter
ue
ces
annexes,
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 145/164
NOTES
DE
LECTURE
143
plus
utiles l honnête omme
u au
chercheur,
aient
pas
été
complétées
par
des index.
Le
succèsdes Mémoires e
s est
pas
démenti
epuis
1524,
date de
la
première
dition.Réédité de
nombreuses
eprises,
raduit t
étudié
une
bibliographie
ommaire onne
es
principales
t les
plus
récentes
éférences),
le texte
e
Philippe
e
Commynes
stbien
gréable
relire ans a belle
fac-
ture
de
l Imprimerie
ationale.
Valérie
Jouët
Robert
Jacob,
mages
de la Justice. ssai sur
l iconographie
udiciaire
u
MoyenÂge
à
l âge
classique
Paris,
Le
Léopard
d Or, 1994,
56
p.,
129
ll.
et
XXXII
pl.
Le divorce
ui
existe
ujourd hui
ntre e
droit,
cience es
textes
ar
excellence,
t
l image
st
peut-être
l origine
u
manque
d intérêt
ue
les
historiensu
droit t
les historiense l art ont
porté
ux
images
du droit
et
de
la
justice.
Hormis
es études
llemandes
nspirées
ar
a
Rechtsarchäo-
logie
t
portant
ur es
ntrigants
anuscrits
nluminésu Miroir es
Saxons
(
Sachsenspiegel
,
la
bibliographie
es
études
istoriques
ur
iconographieuri-
dique
est
extrêmement
estreinte.
Avec e livre, obert acobnousoffre nessaihistoriqueui ouvre ne
problématique
rès
iche ur es
images
e la
justice
n
France,
n
Allema-
gne
t aux
Pays-Bas.
rivilégiant
a
période
médiévale,
ais
prolongeant
on
étude
usqu à l âge classique,
auteur
etrace
évolution u
rapport
ntre a
Justice t
les
images ue
celle-ci
roduit
t
projette
elle-même.l
montre
commente
«
paraître
,
manifesteu
caché,
onstituene
des
composantes
essentiellese son
fonctionnement.
Au
xne
iècle,
e
processus
e
rationalisationu droit
mpose
ux
systè-
mes
uridiques
uropéens
ne
nécessité
ressante
e
légitimation
ontre ou-
tes
es résistances
ue
celui-ci
rovoque.
e droit st
donc llé
à la
rencontre
de
l image u il
a
utilisée n la
multipliant
t en la
chargeant
e
sens
pro-
prement
uridiques.
Il ne s agit pas seulementourR. Jacobd interrogervecminutiees
documents
roduits ar
cette
encontre,
ans eurs
ivers
upports
mmédiats.
Mais,
à
partir
e cette
nalyse,
l
cherche
ussi à
tisser es liens
ntre ux
afinde
mieux
omprendre
eurs onctions
t es
rapports
u ils
entretiennent
avec la
Justice. lus
encore,
l
fait
pparaître
ommente
contenu e sens
et de forme e ces
images
e constituen
héritageui
se
reproduit
travers
l histoire.
n
somme,
auteur
évoile a
façon
dont es
images
e
la Justice
«
font
ystème
,
tout n
nous
pportant
es
nformations
récieuses
ur
es
ordres
uridiques u elles
font
pparaître.
L analyse
ient
ompte
e très
ombreux
ocuments
conographiques.
lle
porte
ur
des enluminures
u des
gravures
ouvrages
uridiques
omme,
ar
exemple,
es
quatre
manuscrits
onservésu
Sachsenspiegel
ont auteur
ro-
poseune ecture ovatricemais ussi urd autresoutumiersnluminésori-
gine françaiseCoutumier
Artois u
Coutumes u
Beauvaisis),
ur
des
manuels e
procédure
t des
exemplaires
e droit
omain t
de
droit anon
(surtout
u
Décretde Gratien
;
ainsi
que
surcertaines
iniatures
llustrant
des textesittéraires
comme
e Roman
de
Renart)
de
même,
e
corpus
nté-
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 146/164
144
NOTES
DE
LECTURE
gral
des
peintures
t des
sculptures
éalisées
our
décoreres ieux ù s exerce
la Justice
t, enfin,
uelques
ceauxde
juridiction.
R. Jacob nclut ans son
analyse
a
conception
ême
es Palais
de Jus-
tice
en
tant
ue
lieux
privilégiés
ù
celle-ci
instituet se
donne voir
ux
justiciablesil
avait
d ailleurs
éjà publié
ne étude
pionnière
n
France ur
l évolution e
l architecture
udiciaire
R. Jacob
et
N.
M
rch
al,
«
Jalons
pour
une histoire e
l architecture
udiciaire
,
dansLa
Justice
n ses
Tem-
ples.
Regards
urV
rchitecture
udiciaire
n
France
Association
rançaise
our
l histoire e la
justice,Paris-Poitiers,
rissaud,
992,
pp.
23-68).
L auteur ous
fait onc
découvrir
omment,
partir
es XIIe
t xme
iè-
cles,
e met n
place
de
façon
matérielle
t
symbolique,
e
qu il
appelle
une
sorted archétypedes images e la Justice l échelle uropéennep. 18).Plus
que
d archétype,
ous
préférerions
arler
e
réseaude
représentations,
ce
qui permet
otammente
rendre
ompte
e la
multiplicité
es
sources t
des
variantes
ue
celles-ci
euvent résenter.
Ce
système
epose,
elon
auteur,
ur
a
fixation
un
double
xe
qui
organise
a
scène
uridique
t
permet
e
dévoilere
statut
e la
Justice ans
l ordre
ocial.
Verticalementet
axis
mundi
elie a
justice
errestre
la
jus-
tice
divine
d où
les
peintures
e
crucifixions,
n
France,
t de
ugements
er-
niers,
n
Allemagne,
ui
étaient
lacées
sur
le
mur
principal
es
salles
d audience).Horizontalement,
exercice e
la
justice
e
concentre
ur
a
per-
sonne
u
uge.
La
place
de
celui-ci,
l intersection
e
l horizontal
t
du ver-
tical,
donne
l actionde
juger
oute a
légitimité.
e
qui
d ailleurs
ui
per-
metde passerdu simple rbitrage unenégociationntre euxopposants
à
l exercice
une action
dont
e
principe
elève
u
divin.
Parallèlement,
.
Jacob
nsisteur
e
caractère
héâtral
e
l ensemble
ue
constituent
mages
t
ieux
de
ustice
à
l époque
médiévalee
Palais
de
Jus-
tice
représente
ien
une
sorte e
microcosme
deux
tages.
étage nférieur,
infernalt
terrestre,
êle
geôles
t
diverses
ctivités
ommerciales,
andis
ue
l étage
upérieur,
lus proche
u
ciel
mais
néanmoins
ncore
errestre,
st
occupépar
la salle
d audience.
est là
qu est
disposée
a
scène
udiciaire,
organisée
utour u
juge.
La
mise
n
scènede
la
Justice
errestre
e
fonde
ainsi
à
l intersectiones
deux
perspectives
orizontale
t
verticale e
l axe,
dessinées
ar
les
regards
roisés es
plaideurs,
u
juge
et
de
Dieu.
La
référenceu
juge
comme
oint
onvergent
ans
a
disposition
u
rituel
judiciairestconstanteendanta périodemédiévale. partir e luis orga-
nise tout
procès.
Dans
le
chapitre Procréer,
ébattre,
uger
,
l historien
du
droit
t
juriste
évoile vec
la
plus
grande
récision
e
système
ont
l
nous
parle.
En
parcourant
es
phases
u
procès
travers
a
miniature,
l
suit
aussi
es
étapes
hronologiques
u
développement
e
l iconographie
t
du
droit.
Il
élabore ne
véritable
ypologie
e
l image
uridique
elle
u on
la
retrouve
dans
es
manuscrits
nluminés
citation,
onsultation,
arche
u
procès,
on-
frontation,
eprésentations
e la
preuve
ans
ses
différents
ypes,
ugement,
exécution).
À
la
place
qui
est a
sienne,
e
juge
s expose
doublementu
regard
es
hommes
t à celui
de Dieu.
Aussi,
n
cas de
faux u
de
mauvais
ugement,
la
culpabilité
u
uge
est
d autant
lus
grave.
e
là,
le
foisonnementes
repré-
sentationse ugescondamnésuxpires eines, ui ontétécommandéesar
les
uridictions
unicipales
lles-mêmes
la
fin
du
Moyen
Âge.
Et
l auteur
de
montrer
omment
a
Justice
habitue
insi
à
s emparer
es
images
ui
la
condamnent,
ustement
arce
u en
se
soumettantson
propre rocès
lle
nourrit
a vitalité
t trouve
a
justification
ltime.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 147/164
NOTES
DE
LECTURE
145
AinsiR. Jacob
démasque
n certain
éphasage
ntre a
logique
nterne
de
l image
t cellede la
procédureui
devient e
plus
en
plus
abstraite,
ur-
tout en France où la
réception
u droit
romano-canonique
st
précoce.
L image
répond
l abstractionn
constituantes formes
ymboliquesour
représenter
e
procès
d où
par
exemple
es nombreuses
igurations
orda-
lies la
fin
du
Moyen
Âge,
alors
que
ces
formes e
preuve
irrationnelle
,
condamnées
ar
Eglise
u concile e Latran V en
1215,
ne sont
plusprati-
quées depuis ongtemps.
Finalement,
yant osé
sa
propre
xistence
bstraiteomme ase
solide
de sa
justification
ociale,
a Justicee voile ux
regards
u
usticiable.
vec
le début e
l âge classique,
lle e débarrassee son
apparat isuel,
ivorçant
ainside l imagemédiévaleu elleremplace arsa représentationllégorique.La déesse
Justice,
onvertien reine esautres ertus
médiévales,
nva-
hit es
villes e
l Europe
uthérienne.
allégorie
investit
attributs
ymbo-
liquesqui
ne font
ue renvoyer
l abstrait t
soulignent
on
inaccessibilité.
Ainsi e
bandeau
ui
lui cache es
yeux, pparu
ers a fin
du
XVe
iècle,
ont
l auteur
emarque ertinemment
a
filiationvec es
représentations
édiéva-
les de la
Synagogue,
nstitutionlle aussi
conophobe.
omme i le
bandeau
apparaissait our
faire
cran ur a
Justice,
risant insi
e
jeu
de
regards
du rituel
uridique
ntérieur. ans le même
mouvement,
e
palais
médiéval
se transformeui aussi en
Temple ymétrique
e
la Justice.
n
adoptant
es
traits
e
l architecture
ntique
e
palais
devientmonument.
ifficile
accès
pour
les
justiciables,mposant,
e
temple
e
sépare
consciemmente la
viequotidiennee la ville n délimitantnespacepropre ans a structure
urbaine.
De cette
façon,
a Justice e
l âge
classique
ne se
donne
plus
à voir.
Elle se cachederrière
allégorie
t e
monument
ui, dépourvus
e
sens
pré-
cis,
renvoient
lutôt
l abstrait,
l impénétrable,
u vide
acralisé
La
multiplicité
e sources t de
sujets
bordés ans
ce livre e
justifient
amplement
ans un
champ
études ussi
peu
balisé
que
l iconographieuri-
dique.
Dans ce
qu il présente
omme n
premier
ssai,
R.
Jacobfait emar-
quablement
ructifiera richesset abondance e ces
documents
istoriques.
Ses
problématiquesuggestives
uvrent utant e
nouvelles
istes our
des
recherches
utures.
Gwendollynout Grautoff
Jean-Marie
artin,
taliesNormandes
xe-xiie
iècles),
aris,Hachette,
ol-
lection a Vie
Quotidienne,
ivilisationst
sociétés, 994,
07
p.,
16
pl.
h. .
L historiographie
oncernantItalie
normande
,
depuis
une
vingtaine
d années,
ait es
progrès
onsidérables
uxquels
.-M.Martin est
pas
étran-
ger.
l
propose,
vec taliesNormandesune
synthèse
laire t
vigoureuse
es
principauxcquis.
L Italie méridionale
st,
au
Xe
iècle,
n
pays
compliqué, olitiquement
morcelé,
ù
plusieurs euples
t trois ivilisationsoisinent
Lombards e
Capoue t deBénévent,recs esPouilles t deCalabre,Musulmanse Sicile.
Les
guerriersui
arrivente tout
ouest
de la
France u débutdu
XIe
iè-
cle,
et
que
l on
appelle
Normands
arceque
leurs
principaux
hefs
e
sont,
viennentci
«
faire hevalerie
,
c est-à-dire
ccomplir
es
prouesses,
ais
ussi
s enrichir. a
conquête
accomplit
ans
une
atmosphère
e
confusion,
n
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 148/164
146 NOTESDE LECTURE
ordre
dispersé,
u hasardd occasions ffertes
ue
les chefsde ces bandes
de
guerriersingulièrement
fficacesnt
oujours
u saisir.
est,
u sens
pro-
pre,
une aventure.
Les bandes
ui y prennentart
forment
es ensemblesssez
peu
struc-
turés,
ue
consolident
peine
des iens
vassaliques.
l
faut
ttendre,
n
fait,
l unificationes
années
1130
pour que Roger
I
impose
un
système
éodal
qui
structureéritablement
ensemble
e la
sociétéméridionale.
usque-là,
les
régions
ancienne
omination
yzantineItalie
péninsulaire)
t
la Sicile
musulmane,
ont rès
peu réceptives
ces
institutions,
arfaitement
ontra-
dictoires
vec
habitude
u elles
ont de l État. En
ce
sens,
l
n y
a
pas,
ici,
de féodalité
importation.
ans la secondemoitié u
XIIe
iècle,
es struc-
tures éodales e sont mployéesue dans a mesure ù ellespeuventonso-
lider État de
Roger
I,
fondé
pourtant
ur des
contradictions
nsurmonta-
bles.
La volonté
ogérienne intégrer
ne féodalité
trictementiérarchisée
et des nstitutions
ubliques
ussi rticulées
t savantes
ue
celleshéritéeses
Musulmans t des
Byzantins
ébouche ur
un échec
politique
t social
que
souligne
a
conquête ermanique
e
la fin
du
XIIe
iècle.
La
conquête
militaire entraînéa
généralisation
e la
seigneurie,
ou-
leversante la sorte ous es cadres e l Italie
méridionale.ans les
régions
les
plus
tôt
conquises,
a mise n valeur es terres ontinue
ependant
être
fondée ur e contrat
graire,
t
ce,
à l intérieur ême
es
seigneuries,
ont
le
caractère
rbitraire
st,
de ce
fait,
imité. ans
les zones
maîtriséeseule-
ment u
xne
iècle,
omme a
Capitanate
u les
Abruzzes,
n
régime
eau-
coup plus oppressift strict stmis en place.
Le nouveau
ouvoir eigneurial
st
ymbolisé
ar
a
constructione
châ-
teaux,
qui marquent hysiquement
a
prise
de
possession
u
territoire,
t
entraînentn bouleversement
u
paysage
rbain
t rural
il
y
a
des mottes
féodales
n
Pouille
t en Calabredès le XIe
iècle,
t le
pouvoir
ormandst
matérialisé,
n
ville,
par
l érection une
forteresse,
ailleurs
rèsmal
sup-
portée ar
la
population.
Les Normands onstituentne société
militaire. a
guerre
éodale
st,
avec
eux,
endémique
t normale. lle entretientt
accroît a
confusion
oli-
tique.
Des années
080
usque
vers
1130,
Italiedu
Sud estune zone de
tur-
bulences
ermanentes,
ù les instances e
régulation
es conflits
ont
parti-
culièrement
nefficaces.a
guerre
rivée
e
prend
in
u à partir
es années
1130, orsque es Hautevilleontmilitairementapablesd imposer es solu-
tionsde
pacification.
ls
disposent
lors
également
une armature
ntellec-
tuelle
ui,
avec une théorie e
l État,
eurfournites
moyens
une défini-
tionde la
violence
llégitime
la notion e
lèse-majesté
t
quelques
léments
de droit
omain ntroduitsès
1140
dans a
législation
ormande
ouent
ci
un
rôle
mportant.
L encadrement
eligieux
onnaît ne
véritable
enaissance,
ue
la
recons-
titution
u réseau es
diocèses,
mis
mal
par
a
guerre othique,
invasion
lombarde,
t a
peste ustinienne,ouligne.
lors
ue
l évêque
st une
figure
absente e l Italieméridionale
urant
out
e
haut
Moyen
Âge,
on
compte
150
ièges piscopaux
u
xne
iècle.
L évêque*
ependant,
est
pas
un
per-
sonnage
minent
e la vie sociale
u
économique
u
royaume.
la tête
run
diocèse rop etit,l est ouventesogneuxt sonprestigest imité. e recru-
tement u
groupe
st socialement
t
intellectuellementerne.
encadrement
pastoral
st
omplexe
t
repose
ur
es
églises eigneuriales,près
voir
épendu
du réseaudes
églises rivées.
es
moines, nfin,
rès
présents
ans a cura
animarumne
ouentpourtant as
un rôle
mportant
ans a
formationes
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 149/164
NOTESDE
LECTURE
147
élites
ntellectuelles,
ontrairementce
qui
se
passe
dans le Latium. l est
ainsi
nécessaire e recruteres
évêques
l extérieur
e la
région,
t
usqu en
France.
La vie de
cour est
marquée ar
une
singularité
ascinante les
souve-
rains
normands
opèrent as
de
synthèse,
ais
uxtaposent
es
éléments
es
plusdisparates
n un
systèmeui
ne
trouve
as
sa
cohérence.ls
multiplient
les
signes
e
prestige
n
empruntant
ux diverses
raditions
isponibles
t
pré-
sentes. e
palais,
avec son décor
omptueux,
a
complexe
ctivité
olitique
et
culturelle,
es
partis
t ses
ntrigues,
on
harem t son
tiraz,
assembleoutes
les
influences
uxquelles
st
soumis e
pouvoir,
t
toutes es
contradictions.
Elles
ntraînent,
omme n
1161,
es
conjurations,
oublées e
violentes
évol-
tes brutalementéprimées.
Malgré
e
contexte
roublé,
essor
conomique
e
l Italie
méridionalest
impressionnant
la
chronologie
st
classique
t
identique
celle
du reste
e
l Occident. lle est celle
des
grands
éfrichements,
ue
l Italie
méridionale
a,
elle
aussi,
onnus
il
n y
a
pas
de
sous-développement
éridional
l épo-
que
normande.
Les
structurese
l habitat,
out
d abord,
ne
sont
pas
encore
ixées. a
phase
de
regroupement
t de
concentrationes
hommes e
poursuit
u
Xe
au
XIIe
iècle,
t entraîne es
reclassementst des
ajustements
ermanents,
c est-à-direes
désertionse
villages,
t des
restructurationse
finages.
u
réseau es castra
clos,
s ajoute
celuides
casalia habitats
uverts,
lacés
n
situation
épendante
l égard
d un
village-maître.
l intérieure
ces éta-
blissements,a condition aysanne endà se dégraderu XIIe iècle, t la
liberté
ndividuelle,
elon a
définition édiévale
droit
e
quitter
e
village,
droit u
mariage,
roit
es
substitutions)
oit
on
champ
e
restreindre.e
travail orcé
éapparaît
u
xne
iècle,
urtout ans le
Nord de la
région.
L agriculture
éridionalest
riche,
t les
productions
ont
xtrêmement
variées.
es
techniquesependant
estent,
usqu au
xnie
iècle,
rès radition-
nelles
rotation
iennale,
bsence
ogique
e
céréales e
printemps,
areté e
la coltura
romiscua
.
Le
secteur e
pointe
st constitué
ar
arboriculture.
Le
châtaignier
st
fréquemment
ultivé.
olivier,
eu
abondant n
Campa-
nie,
est à l aise en
Pouille.Le mûriermême
pparaît
u
XIe
iècle.Et
com-
ment e
pas évoquer
a
palmeraie
e
Palerme,
ui prospère
usqu aux
guer-
res
sarrasines e Frédéric
I
?
L un des problèmes ajeurs e cetespace agraire st celui de la maî-
trisede
l eau,
auquel
aucune olution
ouvelle u
satisfaisante est
alors
apportée.
es
conséquences
égatives
es
drainages,
argement
mprévisibles,
sont réelles
prolifération
es
criquets).
es
déboisements
rop mportants
entraînentne accélération
e
l alluvionnementt la
modificationu
cours
de certains leuves.
irrigation
xistemais
elle est
peu
développée.
L artisanat
st
unedes faiblesses
e cette conomie.
ertes,
Italie
méri-
dionale st
capable
de
répondre
ses besoins
ourants,
mais
es
capitaux,
au
XIIe
iècle,
ne se
dirigent as
vers
es activités e
transformation.
es
détenteurs
e
ressourcesinancières
oriententers
a ferme
es revenus
e
l État,
trouvant
à
une source e
profit
lus
sûre.
Ce
faible
développement
est à
rapprocher
u
caractère
triqué
e la
plupart
es villes
méridionales.
À l exceptione Naples t de Palerme, eu d agglomérationséritent,ar
la nature e
leurs
ctivitést eur
apacité
les
diversifier,
être
onsidérées
comme e véritables
ités,
même i
beaucoup
n
détiennentes
attributsor-
mels
marché,nceinte,
iège piscopal.
es
villes,
réquemment,
e sont
ue
des
agrovilles,
romises
une
stagnationui
ne
devient
ourtant
ne évi-
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 150/164
148
NOTES
DE
LECTURE
dence
u à
l époque ngevine,
orsque
emettentn
place
d autres tructures
économiques, eposant
ur e
«
latifondo
et
l élevage
ranshumant.
L ouvrage
e J.-M.Martin
st une réussite. ous les
grands roblèmes
posés
par
aventureormande
ont our tour bordés t
traités,
la lumière
des études
es
plus
récentest d une
connaissance
rofonde
es
sources. e
livre ainsi e
mérite,
ui
n est
pas
mince,
e rendre isément
ccessibles
des
faits
t
des
problèmes
oséspar
des sources t une
bibliographie
eu
fré-
quentées ar
es historiens
rançais.
voir éalisé urce
problème
ne étude
aussi
riche t bien
nformée,
ccessible
t,
de
surcroît,
une
ecture
gréa-
ble,
est un service
ont tous reconnaîtront
utilité.
Laurent eller
Xudeus conversos
a Historia.
Actesdu
congrès
nternationale Ribada-
via
14-17
ctobre
1991,
2
volumes,
Mentalidades t Culture
381
pages,
II
Sociedade
inquisición
436
pages. Deputacion
urense,
a
editorial e
la Historia
antiago
e
Compostella,
994.Les articlesont
édigés
n
anglais,
castillan,
rançais
t
portugais.
Les
actesde ce
congrès
onttrès
iches ant
par
la
variété es
partici-
pants
enus
Espagne,
e Francemais ussi
d Israël u des
États-Unis,
ue
par
le nombre es communications
37).
Leur nature été
orientée
ar
les
thèmesue lesorganisateursvaient ssignésu congrès l analyse es ima-
ges
et des mentalités
ollectivesttachées
la
questionuive,
a visionnon
seulement
u
point
e vue
chrétien ais
galement
u
point
e vue des
uifs
ou des convertis
ux-mêmes
t enfin
analyse
des
mentalités
ntisémites,
qu elles poussent
la discriminationu
qu elles acceptent
a coexistence.
Le
premier
ome
st
plus précisément
onsacré
ux
représentations.
es
représentations
es chrétiens
iennentes
premières.
ose Maria Monsalvo
Anton tudie
imaginaire
e
la mentalité
ntijuiveui
estun
stéréotype
ura-
ble mais avec des
modalités ifférentesuivant
es
groupes
ociaux.Carlos
Barros
rête
on attentionux
relations altériténtre
uifs
t chrétiensn
Galiceet montre
ue
le conflit ntre
ntijudaïsme
t
tolérance
e
résout u
profit
e cette ernière
ansune
plusgrande
mesure
u il
n est
ccepté
abi-
tuellement.iennentnsuiteesproblèmesesconvertis.es communicants
israéliens
xplorent
a mentalitées conversos
nstallés
n
Italie,
onsidérés
comme
uifs
en
Espagne
t comme
spagnols
n Italie. Moises
Orfali vo-
que
les
véritables
onvertis,
eux
qui
sont onsidérés
ar
a littératureabbi-
nique
omme
postats
u
renégats,
n étudiantes œuvres e
littérature
olé-
mique u ils
ont
produites
t es excès e leurs ctivités.imon
chwarzfuchs,
quant
lui,
étudie
partir
es sentenceses rabbinse retour es convertis
au
judaïsme
orsqu ils
e retrouvent
près expulsion
ansde véritablesom-
munautés
uives.
Charles
Amiel intéresseux rites
udaïques
n
Espagne
t
au
Portugal
travers
es édits e foi
qui
visent
encourager
a
dénonciation
des
pratiques
érétiques
hez es convertis.
uant
ux
représentations
cono-
graphiques,
l
n y
a de
représentation
i réaliste
i
stéréotypée
es
uifs
dans
les différentesconographies édiévales.
D autres rticles
nsistentur
des
pratiques
ulturelles
articulières.
st
ainsi
analysée
a vision
du
juif
que possèdent
es intellectuels
uifs
formés
dans es
universitése
la Castille
médiévale,
ision
ui
n a rien voir vec
la
réalité,
a transmission
e l hébreu travers
es
prières
ans
es familles
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 151/164
NOTES
DE
LECTURE
149
conversest
d autres
spects
e
la cultureonverse
u
xvie
iècle.
CarlosCar-
rete tudie nfin ne forme
artielle
e
messianisme
pparue
hez es
juifs
cordouans.
Maurice
Kriegel
evientur
expulsion
t
montrees
limites e l inter-
prétationui
voitune
cohérencentre es conversions
orcées t
l expulsion
finale
uis compare
e nouvel
ntisémitisme
spagnol
irigé
ontre es
Espa-
gnols
t l antisémitismeédiéval n
général.
Un article
ermet
e
mesurer
le rôle
politique
es
communautés
la
communautée
Molina de
Aragon
pèse
de tout on
poidspour
faire
asser
a
villede la
domination
rastamare,
dont lle craintes
représailles,
ans e
royaume
Aragonugé plus
tolérant.
Le deuxième ome est
davantage
ournévers les
questions
ocio-
économiquest se trouve rganiséuivant ne ogiquegéographique.avid
Romano
présente
ne
synthèse
e la situation
es
communautéses
pays
de
la couronne
Aragon ui
ont onservéa
documentationa
plus
fournie.
ulio
Valdeon
Baruque
e
consacre des recherches
ur
antisémitisme
astillan,
sa
naissance n tant
ue
mouvementocial et
ses relations
vec le
pouvoir
trastamare.
autres ommunications
roposent
es
synthèses
our
toute a
péninsule
u
s attachent
une
périodisation
ntre
poque
forale
xi-xiie
iè-
cles), époque
dorée
xme-milieu
ive
iècles) poque
de crise
milieu
ive
et
xve
iècles).
erran arcia
crit ur es
uifs
dans
es
pays
atalans
t
analyse
leur rôle
dans
le
repeuplement
t dans
l animation
conomique.
Certainestudes ntun caractère
lus
monographique.
elle ur
es con-
vertis évillansrois ns
après expulsion
une
comparaison
es
uifs
d Avila
et deBurgos n insistantur a perte rogressiveupouvoir conomiquear
les
uifs
et les motivations
conomiques
es violences
rbaines nvers
ux
la
présentation
étaillée e diverses
ommunautésn
Aragon
Epila),
au Por-
tugal Porto,
Braga,Guimarães)
u en Galice.La
participation
es
uifs
ux
administrations
eigneuriales
ait
objet
d une
nalyse
riginale,
lors
ue
leur
participation
ux
diversesdministrations
oyales
stbien
onnue t a
jusque-là
retenu attentiones
historiens. ne étude st
menée ur es
dénonciateurs
et les dénoncés u
xvie
iècle Porto.
Une série articlesstcentrée
ur es
convertis,
ont ont
présentées
es
pratiquesryptojudaïques
u
Portugal
t
qui développent
ne
double
person-
nalité asée sur a double dentité
hrétiennet
uive.
Les
critères
e
pureté
de sangontretenu attention,vec tous es détournementsue les preuves
supposent.
étuded un
banquier l époque
de
Philippe
V
permet
analy-
ser es
relations
onarchie-inquisition-puissants.
ne
étude
récise
e rôlede
deuxconvertisans a
conquête
es
Canaries ù ils se
sentent
lus
en
sécu-
rité
ue
dans la
péninsule.
Le
lecteur rouvera nfin
uelques
biographies
Alonso de
Cartagena,
ancien
oyen
e
la
cathédralee
Santiago,
ils
e rabbin
Antonio
nriquez
Gomez,
iolent
ritique
e
l inquisitionui appartient
ui-même
une famille
pourchassée endant uatre
générations
Josef
Orabuena,
abbin
rincipal
des
uifs
e
Navarre,
onseilleru
roi,
médecin Jacob
Roti,
riginaire
Afri-
que
du Nord
qui
aide es convertislors
qu il
représente
e
royaume
e
Fez.
Ces
deux
volumes ormentn
ensemblerèsdense
ui
ne
peut
qu inté-
ressermédiévistestmodernistes.l mêledesétudes e synthèsedesmono-
graphies récises
t aborde
a
plus
grande
artie
es thèmes e
l historiogra-
phie spécialisée
ans cette
uestion.
Jean-Pierre
arraqué
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 152/164
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 153/164
NOTES
DE
LECTURE
151
perplexe
n lisant a sentenceuivante
propos
es
mystiques
« Dès
qu'on
les
appelle mystiques"
lles
disparaissent
ans e brouillard
e la
prétendue
surnatureu dans les méandres
bscurs 'un
naturalismetroit
(p. 87)
?
Tout se
passe
de fait omme
i,
pour
tenter e rendre
ompte
e
la com-
plexité
'une
pensée
i riche t si
audacieuse
our
son
époque,
e
présent
ouvrage
e savait
uel
ton
ni
quel registre
dopter ce qui
est très
netdans
le contrastentre a modestie e
l'avertissement
iminairet
l'assurance
e
la
page
96,
où les idéesd'autres
pécialistes
e
Hadewijch
els
Dom
Porion
sont outbonnementaxées '«
élucubrations
) pour
a
plus
grande
onfu-
sion
du lecteur.
r,
si
toute
ntreprise
e
vulgarisation
st
indéniablement
un
travail ort
élicat,
st-il
our
utant
égitime
'asséner u
public
ontre-
véritésu généralisationséductricesur eshommes uMoyenAgesanspren-
dre a
peine
de les citer e
première
ain,
e
qui
conduit des
assertions
pour
e
moins iscutableselles
ue
«
les
penseurs
édiévaux e
se
souciaient
pas
encore e
délimitere
qui
relève u naturel
t du
surnaturel
(p. 73),
«
les
gens
du
Moyen
Âge
se fondaientur
a
physique
ellénistique
ntique
(p. 74),
ou encore l'œuvre
e
saint
Bernard
est]dépourvue
e
solidefon-
dement
ntellectuel
(p. 84)
? On tombe insi
d'approximations
t
d'affir-
mations
urprenantes
e naïveté Robert
e
Sorbon,
né
en
1201
et mort
en
1274,
erait insi
un
«
théologien
e la
fin
du
xne
iècle
(p.
38),
et
Pla-
ton
et Plotin eraient
pparemment
e la même
poque d'après
a note 3
de la
p.
73
;
en outre les moinesne sont
pas
des
troubadours
(p.
28),
«
même a
problématique
héologique
st
onnue es
béguines (p.
37),
«
dans
la réalité et jusquedans la littérature desmariages 'amour taient
fréquents (n.
39
p. 46),
«
les textes ontun
véhicule
erbal
ui
n'est
pas
immédiat
(p. 65),
etc.
-
en
ellipses
t formules
lambiquées
loisir on
serait insi heureux
'apprendre
n
quoi
consiste e
«
rapport
istorique
que
«
nous relevons
p.
76 il
faudrait
voir
déjà
lu la
page
30
pour
aisir
l'affirmatione la
p.
21
(« béguine
n'est
ni
un
sobriquet
i
un
surnom e
tendresse
)
;
on se
réjouit
e lire
ue
Hadewijch
connaissaita
pensée
'écri-
vains
par rapport uxquels
lle
prend
es distances
ou
que
«
deux
passages
de ses Lettres
bauchent n débat
(p.
79)
maison
attend n
vaindes
noms
précis,
tc.
Là
encore,
a traductionst
certainementn
faute,
t
'on ne com-
prend as par exemple
n
quoi
la traductiona
plus
courante,
ar
«
jouir
»,
du terme
hebruken
récurrenthez
Hadewijch
our
désigner
e
désir,
ne
rend as ustice la connotationexuelle u terme (p. 10) demême,om-
ment econnaîtretrente
ages
de
distance ne citation
mise
mal ors
de
sa
première
ccurrenceu
risque
e
dénaturer
ravement
e sensdu
texte
Un des rares
epères
onton
dispose our
ituer
adewijch
hronologique-
ment st en effet ne
«
Listede Parfaits
qui
suit
a XIVe
vision,
t
parmi
lesquels
st mentionnéene
béguinesans
doute
Aleydis) ui
aurait
té con-
damnée mort cause de son
uste
amour
par
un certain
meester ob-
baert
; or,
si ce Robbaert st
correctement
dentifié,
.
44,
comme
Robert
le
Bougre,nquisiteuryant
évi n
Flandre ntre 235 t
1238,
ommentia-
ble a-t-on
u
laisser
igurer.
17
'énormitéuivante
«
"Maître
Robbaert",
"une
béguine
massacrée
our
a ferveur
ystique",
ccupe
a
vingt-neuvième
place
dans la liste.
Cette Robbaert 'avère être... le
fameux
Robert e
Bougre ?
Il est
temps
e clôre
notre
ropre
iste t de conclure.
n
l'aura com-
pris,
i cet
ouvrage
le mérite
'être e
premier présenter
n
détail ux
lecteurs
rançais
es œuvres e
Hadewijch
ans toute
eur
complexité,
t
si
l'auteur
ouit
ncontestablement'une
familiarité
nviable vec a
pensée
e
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 154/164
152
NOTES
DE
LECTURE
la
béguine,
a transmissione ses connaissancese se fait
pas
sansmal
pour
le lecteur
bien
que première
u
genre
ans
'Hexagone,
ette
monographie
ne
dispense
onc
pas pour
utant e continuere recourir des
études
lus
ponctuelles.
LaurenceMoulinier
Modelli
i
santità
modelli
i
comportamento
Giulia
Barone,
MarinaCaf-
fiero,
Francesco
corza
Barcellona
éd., Turin,Rosenberg
Sellier
col-lection acro/santo, 1994,434p.
PeterBrown crivait
ans on
ouvrage
a Société t
e sacrédans 'Anti-
quité
ardive
trad.
r.Des
travaux/Seuil,
985) ue
si
l'image
u saint
omme
estun
produit
e
la société
ui
l'entoure,
on
mage
oit tre tudiée omme
un
miroir,
estiné
nousfaire oir e
qu'est
cethomme
moyen, our
equel
elle est élaborée
t tendue omme n
modèle e
séduction
t
d'idéal de vie.
C'est dans
ce va-et-vient
omplexe
ue
se
situent
es
auteurs e cet
ouvrage
collectif
onsacré
ux modèles e saintetét aux
comportementsu'ils
susci-
tentdans e tissu ocial.
La réflexion
ue proposent
es auteurs e souffre
pas
de l'éclatement
ue produit rop
ouventa collection 'articles.
l
s'agit
au contrairee repérer chaquefoiset, on le verra, ur des échantillonspourtantivers,e problème osépar a notion e modèle e saintetétpar
les
déphasages
ue
sa
réception
ui fait ubir. e volume
pris
e
risque
e
réunir
es études
ui
couvrent n arc
temporel
rès
vaste,
puisque
elles-ci
se divisentn
trois
poques, chaque
fois
marquées ar
une fractureisto-
rique
en s ouvrant
ur
'Antiquité
ardive t le
MoyenÂge, l'ouvrage
e
poursuit
n
évoquant
a
question
epuis
'établissemente la
«
monarchie
on-
tificale à
l'éclatemente la
Chrétienté,
t se referme
ur
'âge
de la
Réforme
jusqu'à
la Restauration
ui
suit
a
Révolution
rançaise
t ses
Martyrs
e
la
Liberté.
ur
une
quinzaine
e siècles
t sur
des
aires
géographiques
t cultu-
relles
iverses,
'ouvrage
oursuit,
ans ses
objets
et ses
questions,
'ambi-
tion de la collection
acro santo
irigée ar
Sofia Boesch
Gajano
d'ouvrir
un espaceà une réflexionui appliqueraites outilsde l'histoire ocialeetculturelleux formeses plusdiverses e la vie religieuse1.onscients e
revenirur
un
terrain
éjà
arpenté ar
d'autres
istoriens
l'occasion e tra-
vaux
célèbres
P.
Brown,
.
Vauchez,
tc.),
es
auteurs
ntchoisi e
repren-
drede
manière
blique
ertaines
es
questions
es
plus
onnues
our
eurdon-
nerun nouvel
clairage
t
revoir,
éviser es conclusionsu des
hypothèses
déjà
formulées.
'est e
cas,
par exemple,
e
la
sainteté émininet
particu-
lièrement
e
l'image
e la veuve
t de la
vierge ue plusieurs
rticlesnt
hoisi
de traiter
F.E. Concolino
'attaque
insi la
question
e la chastetéomme
modèle
d'exception
estiné
ux femmesntre
e
IVe
t le
Ve
iècle
par
Jean
Chrysostome
t
Jérôme
t au rôle
qu'il
oue
dans un
processus
'homologa-
tion
de
l'exception
es vertus
l'exceptionnelle
ristocratieociale.La
veuve
et la vierge eviennentien sûr souvent ans ce livre t attestente la per-manence e ces
figures
e femmesont a vie
pieuse,
ainte,
evra
rouver,
1. Voir
uoghi
acri
spazi
ella antità
éd. S. Boesch t L.
Sacraffia,
osen-
berg
Sellier,
990.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 155/164
NOTES
DE
LECTURE
153
à la différencees
hommes,
n chemin
lus complexe
ans es
espaces ue
la vie
sociale eur aisse n
renonçant
réalablement
celle-ci
ar
a
virginité
consacrée u
par
le
choixultérieuru
veuvage
éfinitif.
.
Cooper
s'inter-
roge
insi
sur
a
capacité
exemplaritas
u
modèlede la
virginitérésenté
dans a Passio
anctae nastasiae
ux mulierculaet
aux
matronaee la
Rome
du
Ve
iècle.Car
le modèle
oue toujours
lusieurs
ôles,
l
est à
la fois
nté-
gré
dans un
discours
érénétique
t
pose
alors a
question
e
son
efficacité,
mais
aussi
opérateur
e modélisationes
traits
marqués
'une
culture ons-
truite omme n
espace
émiotique,
t c'est
son rôle
déologique,
oire
poli-
tique
u'il s'agit
ussi
d'éclairer
C.
Frova,
M.
Vincent-Cassy
M.
Caffiero).
L'articlede S.
Cabibbo consacré
ux veuvesdans
l'Église
de
la Contre-
Réforme stde ce pointde vue très uggestif,uisqu'ilmontre omment
s'opère
a relectureu
topospatristique
our
définir
ne norme
uridique
t
institutionnelle
ui
se donne e soucide
différencieres
comportements
ociaux
et des
règles
e vie
modélisateurs
u code de civilité
e la
culture
ridentine.
Si le modèlede
la mulier irilis
ui
a su vaincre
es faiblesses
ues
à
son
sexe
ccupe
ne
arge
lace
dansce
recueil,
arie-Madeleine,
a
repentie,
ais
aussi a
pécheresse,
st étudiée
ar
C.
Velay-Vallantin
ui
éclaire es avatars
de
cette
rande
igure
e la
sainteté éminine
epuis
on
invention
Mar-
seille u
xme
iècle
usqu'aux dispositifs
isciplinaires
u
Refuge
marseillais
à la
fin
du
xviie
iècle,
t la
transformatione son
rôle
apostolique
t
pas-
cal dans
celuide la
«
putain
epentie
t bonne
mère du
xixe
iècle.
Citons
encore ne Thérèse
nhabituelle,
oins
mystiqueue
missionnaire
J.
Bilin-
koff),a relecturee la Griselda e Boccace R. Morabito),e rôle de Zita,
servantedéalede l'univers
amilial
ost-tridentin
R.
Sarti).
Les
hommes e
sont
pas
oubliésdans cet
ouvrage ui problématise
l'aide de deux
exem-
ples
e
rôledu saintmilitaireans
a
représentation
es
rapports
e
l'Église
et du
pouvoir
olitique l'époque
mérovingienne
t
carolingienneA.
Bar-
bero),
et
qui
distingue
es fonctions
e Yotium
R.
Lizzi)
et de
Yascesis
(C.
Leyser)
vec deux rticles
mettantn évidence
e travail
hétorique
'éla-
boration e
modèles
partir
e matrices
hétoriquesréalables.
ar
la sain-
teté st affaire
e
récits,
e
lettres,
e
sermons
d'autres
ontributionsbor-
dentde fronta
fabrique
es
modèles,
e
pouvoir
e ces
fables ur
es exis-
tences ommunes. es
vies de saints
crivent es rôles
dont es
individus
s'emparent our
es détourner
arfois,
bligeant
es mêmes
modèles,
ans
un renversementertigineux,se transformerleurtour.Mais les viesde
saints
ont êver ussi.
Peut-être 'est-il
amais
question,
omme e
suggère
J.
Dalarun,
ue
d'«
imitation
llégorique
dans ce
jeu
alterné e
miroirs,
parce
que
sans
rêver,
n
meurt
ussi,
même
dans un
monastère...
Sophie
Houdard
G.
Démians
d'Archimbaud
dir.)
L'oppidum
de
Saint-Biaise u
Ve
au
VIIe
iècle,
Documents
'Archéologie rançaise,
°
45,
1994,
264
p.
ill.
Site
emblématique
u
patrimoine
rovençal,'oppidum
e
Saint-Biaise
a étéexploréurantrès e 30 ansparH. Rolland. e plateau alcaire omi-
nant es
étangs
n retrait u Golfede
Fos,
à mi-chemin
ntreArles t
Mar-
seille,
onstitua
ongtemps
n
site lé
pour
a
maîtrise
olitique
t
économi-
que
de la basse
Provence,
insi
u'en
témoignent
'ampleur
e l'enceinte
el-
lénistique
t
la densité e son
occupation.
Abandonné
près
a
conquête
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 156/164
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 157/164
NOTES
DE
LECTURE
155
traverses vicissitudese l'habitat,n croit ussi
pressentir
eseffets e l'arri-
vée des Francs t de leurs
uttesnternes
our
e
contrôle e la
région,
ans
les années 70. C'est
ensuitee
déclin,
ent
mais
rréversible,
usqu'à
la déser-
tion
du site dans les
premières
écennies u
VIIe
iècle. Dans ses
origines
comme ans sa
brièveté,
a
réoccupation
e
Saint-Biaise
ose
une
nouvelle
fois a
question
u
perchement
e
l'habitat,
hème écurrent
e l'histoire
urale
méditerranéenne.
l'évidence,
l
faut
dissociere
perchement
ardoantique
du
phénomène
'incastellamento
édiéval,
eux
phénomènes
éparés ar
un
hiatusde
plusieurs
iècles t de nature
rofondément
istincte.
e
perche-
ment
pparaît
ésormais
lus
restreint
u'on
ne l'a
longtempsensé,
es
pros-
pections
ystématiques
éalisées
ar
F. Trément
utour e
Y
ppidum
mettant
l'accent ur a densité e l'habitat ispersé, ermes, ameaux u modestes
agglomérations
e
plaine, u'il
reste fouiller
ourcomprendre
e
fonction-
nement
e l'économie urale n ces
temps
e mutation.
Après
ne
ongue
acance,
es textes
mentionnentu
Xe
iècle
une
église
Saint-Pierre,
ais elle-cist
mal dentifiéet 'on
ignore
i elle
demeuresolée
ou au
contraire 'insèredans
une nouvelle
?) bourgade.
Puis c'est au
xme
iècle a création u
Castrum êtus
village
astrai
phémèreui
dispa-
raît vant a
fin
du
xive
iècle.Sur ces derniers
vatars,
a
fouille 'a livré
aucune
nformation,
ar
suite
du remaniementes
niveaux
uperficiels,
u
peut-être
cause de la
localisation es
sondages.
n
se
prend
insi
regret-
ter,
n
regard
es
questions
emeuréesn
suspens,
ue l'entreprise
n soit
restée une ébauche ussi
prometteuse.
Claude Raynaud
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 158/164
Médiévales9,automne995, p.156-157
LIVRES
REÇUS
George
Beech,
Yves
Chauvin,
Georges
Pon,
Le conventum
vers
1030). Un précurseur quitain des premières popées : Genève,
Droz,
1995.
Maria Assunta Ceppari
Ridolfi,
Emilio
Jacona,
Patrizia
Turrini,
Schiave,
ribaldi
signori
Siena nel Rinascimento
preface
ranco
Cardini,
articledi Mario
Ascheri
Sienne,
l
Leccio
(Sena
vetus,
argomenti
enesi
3),
1994.
Le
culte
des saints aux ixe-xiiie
iècles,
Actes du
colloque
tenu à
Poi-
tiers les
15-16-17
septembre
1993
dir. R. Favreau :
Poitiers,
CESCM,
1995.
Alessandro
Dani,
Lo Statuto di
Abbadia
a
Isola del
1502.
Un
comune rurale e le sue
istituzioni
ra
medioevo
ed
età moderna
Comune di Monteriggioni, 994.
Agnès
Fine,
Parrains,
marraines,
a
parenté spirituelle
n
Europe
:
Paris,
Fayard,
1994.
Robert
Fossier,
L Occident
médiéval,
ve-xme
iècles
Paris,
Hachette,
1995
(Hachette Supérieur,
Les
Fondamentaux).
Lucia Gatti
éd.,
Statuto di Montisi del 1494 introduzione i
Dona-
tella
Ciampoli
Sienne,
Amministrazione
rovinciale
i
Siena,
1994.
AntonellaGhignoli
éd.,
Carte dell Archivio
i
Stato di Siena.
Abba-
zia
di Montecelso
1071-1255), présentation
ilio P. P.
Scalfati
Sienne,
Accademia senese
degli
ntronati
Fonti
di storia
senese),
1992.
AntonellaGhignoli éd., Carte dell Archivio i Stato di Siena. Opera
metropolitana (
1000-1200
,
présentation
Silio P. P. Scalfati
Sienne,
Accademia senese
degli
ntronati
Fonti
di
storia
senese),
1994.
Monique
Goullet,
Michel
Parisse,
Apprendre
e
latin médiéval.
Méthode
pour
grands
ommerçants
deuxième dition evue
t cor-
rigée,
Nancy,
1995.
La
grande stagione
degli
smalti.
L oreficeria
senese dal
Duecento al
Quattrocento
Catalogue
de
l exposition,
Sienne,
Palais
public
1995
Sienne,
Protagon
editori
toscani,
1994.
Jean-ClaudeHocquet, La métrologie istorique Paris, PUF, 1995
(Que sais-je
?).
Le
Mesnagier
de Paris
éd.
Georgina
E.
Brereton et JanetM. Fer-
RIER,
trad, et
notes
Karin Ueltschi :
Paris,
Livre de
Poche,
1994
(Lettres Gothiques).
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 159/164
LIVRES
REÇUS
157
Massimo
Montanari,
La
faim
et l abondance Histoire de l alimen-
tation
en
Europe
:
Paris, Seuil,
1995
(Faire
l Europe).
Stefano
Moscadelli,
L archivio
dell Opera
della
Metropolitana
di
Siena. Inventario
Munich,
Bruckmann
Italienische orschungen,
Die Kirchen von
Siena,
Beiheft
1),
1995.
Laurence
Moulinier,
Le manuscrit
erdu
à
Strasbourg.
nquête
sur
l œuvre
cientifique
e
Hildegarde
Paris-Saint-Denis
Publications
de la
Sorbonne-Presses
niversitaires
e
Vincennes
Série
Histoire
Ancienne et
Médiévale,
35),
1995.
Odile
Redon,
L espace
d une cité Sienne et le
pays
siennois
(xnie-xiveiècles) Rome, École Française de Rome (Collection
de l École
Française
de
Rome,
200),
1994.
Luigi
Sada et Vincenzo
Vagente,
Liber de
coquina.
Libro della
cucina del
XIII
secolo.
Il
capostipite
meridionale ella
cucina ita-
liana :
Bari,
Puglia
Grafica
Sud,
1995.
Société des Historiensmédiévistes e
l Enseignement upérieur
ublic,
Miracles
prodiges
et merveilles
au
Moyen
Âge
Actes
du
25e
Congrès
de
la
SHMES
(Orléans,
uin 1994)
:
Paris,
Publica-
tions de la Sorbonne
Série
HistoireAncienneet
Médiévale,
34),
1995.
Splendeurs
e la cour de
Bourgogne.
Récits et
chroniques
édition
ta-
blie sous la directionde Danielle Régnier-Bohler : Paris,
Robert Laffont
Bouquins),
1995.
Éliane
Thibault-Comelade,
La table médiévale des
Catalans
:
Montpellier,
Presses du
Languedoc,
1995.
Catherine
Vincent,
Introduction l histoire e l Occident
médiéval
Paris,
Livre de
poche
(Références),
1995.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 160/164
a MSĒĒĒ^ĒSSĒSĒĒKĒĒĒSH^ĒĒĒļļļ^Ēļm
Publications de la Sorbonne
éÇ&
MSĒĒĒ^ĒSSĒSĒĒKĒĒĒSH^ĒĒĒļļļ^Ēļm
Laurence MOULINIER
LE
MANUSCRIT
PERD U A STRASBO URG
Enquête
sur l'œuvre
scientifique
de
Hildegarde
Connue de
longue
date
pour
ses
visions,
l'abbesse
allemande
Hildegarde
de
Bingen s'essaya
avec autant de
succès à la
musique
et à la médecine.
Les écrits
scientifiquesqu'elle
conçut
et
rédigea
se
confondent-ils
réellement avec ceux
qui
nous sont
parvenus
288 pages 140 F
Distribution CID
-
131,
bd Saint-Michel
-
75005 Paris
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 161/164
~Ur'
GUILLAUME PELHISSON
CHRONIQUE
¿h 1229- 1244
O
M
Texte
édité,
traduit et annoté
par
Jean
DUVERNOY
Guillaume
elhisson,
n ominicain
e
Toulouse,
voque,
ers
260,
es ouvenirses
nnées
ui
nt
P
suivi
plusieurs
le
raité
compagnons
de
paix
e
de
1229
saint
entre
Dominique
le
omte
;
l'évêque
deToulouse
deToulouse
et eroi
est
de
un
France.
des
eurs
Les rères
;
leur
comptent
confrère
oland
encore
plusieurs
ompagnons
e aint
ominique
l'évêque
eToulouse
st
n es
eursleuronfrère
oland
H deCrémonenseignehéologiela nouvelleniversité,t 'estussi n ominicainueeLégat
chargé
'enquêter
ures
oupables
'hérésie.e
rieur
t
es
rèresnciens
participent
ctivement.
a
rr'
Ville
t es
onsuls
oudraient
ue
a
page
e
'hérésieoit nfin
ournée,
uisque
es
hérétiques ,
c'est-à-dire
es
arfaits
atharest
es
audoise
profession,
ntté
annis,
e
ui
atisfaitux
lauses
du
raité.e
onflite
déroule
ar
tapes
rogressives.
u ôté
ominicain,
e sont es
prêches
S*
agressifs,
es
xécutions
ommaires,
es
itations
e
personnalités
onsulaires.u ôté
oulousain,
es
démarches,
es
rocès
n
iffamation,
es nterdits
t
pour
inir,
'expulsion
es
ominicains.e
outst
f
J
narréur
n on
xagérémentramatique,
aises
étails
oncretst a
rapidité
u écit
outiennent
l'intérêt,a
chronique
e
ermine
ar
a
victoire
e
'Inquisition
t a
iste
es
ersonnagesmportants
e
^la
d'un
Ce
ville
sont
bref
et
les
récit,
de
déboires
la
dû
région
à
de
un
qu'elle
l'inquisiteur
témoin
a
oculaire,
condamnés
Arnaud
que
jusqu'au
Cathala,
l'on
rouve
lendemain
malmené
à la suite
par
de
la
la
de
prise
foule
Pelhisson
de
à
Albi,
Montségur.
dans
en
divers
1234,
Elle
manuscrits.
alors
estuivie
qu'il
d'un ref
écit,
û
un émoin
culaire,
ue
'on
rouvela suitee
Pelhissonans ivers
anuscrits.
Ce ont
es
éboires
e
'inquisiteur
rnaud
athala,
almené
ar
a foule
Albi,
n
1234,
lors
u'il
voulait
rocéder
une
xhumation.
1
X24
-
1
6
pages
ôremettreCNRSDITIONS0-22ue aißt-Amaiid501 Paris
NOM
PRENOM
ADRESSE
CODEOSTAL
VILLE
PAYS
ISBN
I
TITRE
I
Qté
|| P.U.~||
Total
05130-4
Guillaumeelhisson
hroniques
1229-1244)
230
FF
PortaruvrageFrance7 FEtranger2 F ^ra's
^or*
Ci-joint
on
èglement
e
FF □
Chèque
ancaire
□
C.C.P.
à 'ordre
e NRSDITIONS
Date
SIGNATURE
TOTAL.............................
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 162/164
À
NOS LECTEURS
Si la revue Médiévales vous
paraît
digne
d'intérêt,
outenez-la en
vous
abonnant
ou
en
renouvelant
otre
abonnement.
Bulletin
d'abonnement retourner
:
Université aris VIII
PUV. Publication Médiévales
2,
rue de
la
Liberté
93526 Saint-Denis Cedex 02
□
Je
souscris
un abonnement deux numéros de Médiévales
n°
30,
n°
31
-
1996
France : 135
F
+
port
30 F
165 F
Étranger
: 135
F
+
port
36
F
171 F
□
Je souscris un abonnement
quatre
numéros
de
Médiévales
n°
30,
n° 31
-
1996
n° 32, n° 33 - 1997
France : 250
F
+
port
60
F
310
F
Étranger
: 250
F
+
port
72 F
322
F
□
Je souhaite recevoir es numéros suivants
Prix
au numéro
-
jusqu'au
n° 21 : 60 F
(-h
port
15
F)
;
n°
16-17 110
F
(
+
port
18
F)
;
n°
22-23
130 F
(+ port
18
F)
-
à
partir
du n° 24 : 80
F
(
+
port
15
F)
- à partirdu n° 27 : 85 F ( + port 15F)
Règlementpar chèque uniquement
l'ordre
Régisseur
es Recettes
UV
Paris
8/MED
(CCP
Paris
9
150 59
K)
Nom
Prénom
Adresse
Code postal Ville
Date
:
Signature
Achevé
'imprimer
ar
orlet,
mprimeur,
.A.
14110 ondé-sur-Noireau
France)
N°
d'Imprimeur
12568
Dépôt
égal
février996
Imprimé
n C.E.E.
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 163/164
MÉDIÉVALES
Langue
Textes Histoire
Abonnements
Université
aris
VIII
-
PUV
Médiévales
2,
ruede la Liberté
93526
Saint-Denis edex
02
Tél.
33-1-49
0 67 88
-
Fax
33-1-49
0 67 53
Distribution
CID
-
131,
boulevard
aint-Michel
75005 Paris
Tél.
33-1-43 4
47 15
-
Fax
33-1-43 4 80 73
Diffusion
AFPU-Diffusion
PUL
-
BP
199
-
59654
Villeneuve-d'Ascq
edex
-
Tél. et
Fax
33-20 91
03
95
Numéros
parus
1
Mass-media t
MoyenAge.
1982).
Épuisé
2
Gautier
de Coinci le texte
du Miracle.
1982).
Épuisé
3
Trajectoires
u sens.
1983)
4
Ordres
t désordres. tudes
édiées
Jacques
e
Goff.
1983).
Épuisé
5 Nourritures.1983). Épuisé
6 Au
pays
d'Arthur.
1984).
Épuisé
^
7
MoyenAge,
mode
d'emploi.
1984).
Épuisé
8 Le souci du
corps.
1985).
Épuisé
9
Langues.
1985).
Épuisé
10
Moyen Age
et histoire
politique.
Mots, modes,
ymboles,
truc-
tures.
Avant-propos
e
GeorgesDuby.
1986).
Épuisé
11
A
l'école de la lettre.
1986)
12
Tous les chemins
mènent
Byzance.
Études dédiées
à Michel
Mollat.
1987)
13
Apprendre
e
Moyen
Age
aujourd'hui.
Épuisé
14
La
culture
ur
le marché.
1988)15 Le premierMoyenAge. 1988)
16/17
Plantes,
mets
et mots :
dialogues
avec A. -G. Haudricourt.
(1989)
18
Espaces
du
MoyenAge.
1990)
19
Liens de
famille.Vivreet choisir a
parenté.
1990)
20
Sagas
et
chroniques
u Nord.
1991)
21 L'an
mil
rythmes
t acteursd'une croissance.
1991)
22/23
Pour
l'image.
1992)
24 La
renommée.
1993)
25 La voix et 'écriture.
1993)
26
Savoirs
d'anciens.
1994)
27 Du bonusagede la souffrance.1994)
28 Le choixde la solitude.
1995)
8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 164/164
SOMMAIRE
N°
29
AUTOMNE
1995
L'ÉTOFFE
ET LE
VÊTEMENT
Pratiques
t
symboliques
estimentaires
Michel
PASTOUREAU
5
Quand
es
Pathelin chètent u
drap
BrunoROY
9
La
lettre
t
l'étoffe. tude
sur
es
lettres
ans e
dispositif
estimen-
taire
la findu
Moyen
Âge
Jean-Pierre
OURDAN
23
Jésus einturier.istoire
ymbolique
tsocialed'un métier
éprouvé
Michel
PASTOUREAU
47
Histoire u
costume
l'objet
ntrouvable
Odile BLANC ..
65
Suffilello
e
Montalto,
oleur,
u le
strip-tease
ontrainte
la
com-
tessed'Artois
Nouvelle e Giovanni
ERCAMBI
présentée
ar
Odile
REDON
...
83
Compter
t nommer
'étoffe
Florence u Trecento
1343)