#Mediamensonge for life... #Lybia

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INTERNATIONAL 25 L’histoire des conflits armés impliquant les États-Unis nous enseigne que, lorsque la mobilisation vers la guerre devient difficile, des campagnes de re- lations publiques sont initiées, souvent basées sur des histoires entièrement in- ventées. C’ est une mauvaise période pour la campagne de l’OTAN contre la Libye. Le président Obama doit faire face à une quasi-révolte du Congrès contre cette guerre coûteuse, alors que le secrétaire à la Défense, Robert Gates, a mis en garde ses alliés européens à Bruxelles sur le fait que leur engagement timoré était « en train de mettre en péril la mission en Libye et l’avenir de l’Al- liance. » [1] Une fois revenu aux États- Unis, selon le Daily Mail de Londres, « M. Gates a demandé des fonds supplémentaires pour les opérations en Libye, mais il s’est heurté au refus de la Maison- Blanche. » L’histoire des conflits armés impliquant les États-Unis nous en- seigne que, lorsque la mobilisation vers la guerre devient diffi- cile, des campagnes de relations publiques sont initiées, souvent basées sur des histoires en- tièrement inventées. Par exemple, lorsqu’en 1990 [le chef d’état-major des armées] Colin Powell exprima ses doutes sur la pertinence d’une intervention des États-Unis au Koweït, des récits basés sur des photos satellite classifiées émergèrent – récits selon lesquels Saddam avait amassé 265 000 soldats et 1 500 chars au bord de la frontière avec l’Arabie saoudite. Powell changea alors d’avis, et l’attaque eut finalement lieu. Mais après l’invasion, une journaliste du St. Peters- burg Times consulta des photos prises par un satellite commercial, et « elle ne vit aucun signe d’un quart de million de sol- dats ou de leurs chars. » Des faucons du Congrès, notamment Tom Lantos et Stephen Solarz, ont assuré le soutien de l’attaque contre l’Irak [en 1991] avec le récit d’une fille âgée de 15 ans qui aurait vu des nourrissons kowei- tiens enlevés de leurs couveuses par des soldats irakiens. Cette histoire fut dis- créditée lorsqu’il apparut que celle-ci, fille de l’ambassadeur saoudien à Wash- ington, pourrait ne jamais avoir visité l’hôpital en question. Elle avait en fait été préparée à relayer cette histoire par le cabinet de relations publiques Hill & Knowlton, qui travaillait pour le compte du gouvernement koweitien avec lequel il avait signé un contrat de 11,5 millions de dollars. L’histoire des interventions extérieures des États-Unis est jonchée de ce genre de faux récits, depuis la campagne « Sou- venez-vous du Maine ! » menée en 1898 par l’agence de presse Hearst jusqu’aux récits fallacieux d’une attaque nord-viet- namienne contre des destroyers US au cours du soi-disant « Deuxième incident du Golfe du Tonkin » du 4 août 1964. De plus, nous savons qu’en 1962 l’état-major interarmées des États-Unis (JCS) planifia l’Opération Northwoods une série de mises en scène – parfois meurtrières – pour tromper le peuple états-unien dans le but de déclencher une guerre contre Cuba. Depuis le fiasco des faux récits sur l’Irak en 1990-91, ces histoires ont eu tendance à émaner de sources étrangères, généralement européennes. Ce fut osten- siblement le cas avec les documents fal- sifiés venant d’Italie relatifs au yellowcake, des documents qui servirent de base à George W. Bush pour accuser mensongérement l’Irak dans son Discours sur l’état de l’Union de 2003. [6] Ce fut également le cas concernant les fausses histoires liant Saddam Hussein aux fameuses lettres piégées à l’anthrax de 2001. (Il fut plus tard démontré que cet anthrax provenait en réalité d’un labora- toire US de guerre bactériologique). Nous devrions garder à l’esprit cette récurrence historique de récits falsifiés pour justifier des interventions alors que nous sommes face à des allégations — pas encore prouvées, ni discréditées — selon lesquelles Kadhafi a utilisé le viol comme méthode pour combattre l’insurrection, et pourrait lui-même en être coupable. Ces accusations ont été proférées le 8 juin 2011 par Luis Moreno-Ocampo, pro- cureur général de la Cour Pénale Interna- tionale (CPI), qui a prétendu, selon le Time Magazine, qu’il existait des indica- tions démontrant que le dictateur libyen Mouammar Kadhafi avait ordonné le viol de centaines de femmes durant sa vi- olente répression contre les rebelles. De plus, il aurait lui- même fourni à ses soldats du Viagra afin de stimuler leur po- tentiel de commettre des agressions. Selon le Time, les récits de viols sont en train d’être véhiculés par des médecins qui avan- cent avoir rencontré et soigné des pa- tientes mais qui n’ont pas leur permission pour révéler leurs identités. Auparavant, selon un médecin libyen interviewé dans une vidéo d’Al Jazeera, « de nombreux médecins ont trouvé du Viagra et des préservatifs dans les poches des combattants pro-Kad- hafi décédés, et ils ont aussi soigné des femmes victimes de viol. Le docteur in- siste sur le fait que cela indique claire- ment l’usage par le régime de Kadhafi du viol comme arme de guerre. » Mais que penser de l’accusation de Moreno selon laquelle « [à] présent nous recevons des informations indiquant que Kadhafi lui-même a décidé de violer, et c’est une nouveauté. » C’est une accusa- tion sensationnelle : jusqu’à ce que nous apprenions qu’il existe une source sure pour la corroborer, on peut suspecter qu’elle fut proférée dans le but de faire les gros titres. LES RECENTES GUERRES DES ETATS-UNIS ONT TOUTES ÉTÉ ACCOMPAGNÉES PAR DES MENSONGES MEMORABLES

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Deboutciv n°7

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INTERNATIONAL 25

L’histoire des conflits armés impliquantles États-Unis nous enseigne que,lorsque la mobilisation vers la guerredevient difficile, des campagnes de re-lations publiques sont initiées, souventbasées sur des histoires entièrement in-ventées.

C’est une mauvaise période pourla campagne de l’OTAN contre laLibye. Le président Obama doit

faire face à une quasi-révolte du Congrèscontre cette guerre coûteuse, alors quele secrétaire à la Défense, Robert Gates,a mis en garde ses alliés européens àBruxelles sur le fait que leur engagementtimoré était « en train de mettre en périlla mission en Libye et l’avenir de l’Al-liance. » [1] Une fois revenu aux États-Unis, selon le Daily Mailde Londres, « M. Gatesa demandé des fondssupplémentaires pourles opérations en Libye,mais il s’est heurté aurefus de la Maison-Blanche. »

L’histoire des conflitsarmés impliquant lesÉtats-Unis nous en-seigne que, lorsque lamobilisation vers laguerre devient diffi-cile, des campagnes derelations publiques sontinitiées, souvent baséessur des histoires en-tièrement inventées. Par exemple,lorsqu’en 1990 [le chef d’état-major desarmées] Colin Powell exprima ses doutessur la pertinence d’une intervention desÉtats-Unis au Koweït, des récits basés surdes photos satellite classifiéesémergèrent – récits selon lesquels Saddamavait amassé 265 000 soldats et 1 500chars au bord de la frontière avec l’Arabiesaoudite. Powell changea alors d’avis, etl’attaque eut finalement lieu. Mais aprèsl’invasion, une journaliste du St. Peters-burg Times consulta des photos prises parun satellite commercial, et « elle ne vitaucun signe d’un quart de million de sol-dats ou de leurs chars. »

Des faucons du Congrès, notamment TomLantos et Stephen Solarz, ont assuré lesoutien de l’attaque contre l’Irak [en1991] avec le récit d’une fille âgée de 15ans qui aurait vu des nourrissons kowei-tiens enlevés de leurs couveuses par des

soldats irakiens. Cette histoire fut dis-créditée lorsqu’il apparut que celle-ci,fille de l’ambassadeur saoudien à Wash-ington, pourrait ne jamais avoir visitél’hôpital en question. Elle avait en faitété préparée à relayer cette histoire parle cabinet de relations publiques Hill &Knowlton, qui travaillait pour le comptedu gouvernement koweitien avec lequel ilavait signé un contrat de 11,5 millions dedollars.

L’histoire des interventions extérieuresdes États-Unis est jonchée de ce genre defaux récits, depuis la campagne « Sou-venez-vous du Maine ! » menée en 1898par l’agence de presse Hearst jusqu’auxrécits fallacieux d’une attaque nord-viet-namienne contre des destroyers US au

cours du soi-disant « Deuxième incidentdu Golfe du Tonkin » du 4 août 1964. Deplus, nous savons qu’en 1962 l’état-majorinterarmées des États-Unis (JCS) planifial’Opération Northwoods une série demises en scène – parfois meurtrières –pour tromper le peuple états-unien dansle but de déclencher une guerre contreCuba.

Depuis le fiasco des faux récits sur l’Iraken 1990-91, ces histoires ont eu tendanceà émaner de sources étrangères,généralement européennes. Ce fut osten-siblement le cas avec les documents fal-sifiés venant d’Italie relatifs auyellowcake, des documents qui servirentde base à George W. Bush pour accusermensongérement l’Irak dans son Discourssur l’état de l’Union de 2003. [6] Ce futégalement le cas concernant les fausseshistoires liant Saddam Hussein auxfameuses lettres piégées à l’anthrax de

2001. (Il fut plus tard démontré que cetanthrax provenait en réalité d’un labora-toire US de guerre bactériologique).

Nous devrions garder à l’esprit cetterécurrence historique de récits falsifiéspour justifier des interventions alors quenous sommes face à des allégations — pasencore prouvées, ni discréditées — selonlesquelles Kadhafi a utilisé le viol commeméthode pour combattre l’insurrection,et pourrait lui-même en être coupable.Ces accusations ont été proférées le 8juin 2011 par Luis Moreno-Ocampo, pro-cureur général de la Cour Pénale Interna-tionale (CPI), qui a prétendu, selon leTime Magazine, qu’il existait des indica-tions démontrant que le dictateur libyenMouammar Kadhafi avait ordonné le viol

de centaines defemmes durant sa vi-olente répressioncontre les rebelles.De plus, il aurait lui-même fourni à sessoldats du Viagra afinde stimuler leur po-tentiel de commettredes agressions.

Selon le Time, lesrécits de viols sonten train d’êtrevéhiculés par desmédecins qui avan-cent avoir rencontréet soigné des pa-tientes mais qui

n’ont pas leur permission pour révélerleurs identités. Auparavant, selon unmédecin libyen interviewé dans une vidéod’Al Jazeera, « de nombreux médecinsont trouvé du Viagra et des préservatifsdans les poches des combattants pro-Kad-hafi décédés, et ils ont aussi soigné desfemmes victimes de viol. Le docteur in-siste sur le fait que cela indique claire-ment l’usage par le régime de Kadhafi duviol comme arme de guerre. »

Mais que penser de l’accusation deMoreno selon laquelle « [à] présent nousrecevons des informations indiquant queKadhafi lui-même a décidé de violer, etc’est une nouveauté. » C’est une accusa-tion sensationnelle : jusqu’à ce que nousapprenions qu’il existe une source surepour la corroborer, on peut suspecterqu’elle fut proférée dans le but de faireles gros titres.

LES RECENTES GUERRES DES ETATS-UNIS

ONT TOUTES ÉTÉ ACCOMPAGNÉES PAR

DES MENSONGES MEMORABLES