Maxime NOEL Philippe RHODES - aip-marseille.org · maintien des fonctions vitales, prévention des...
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Définition
Complication rare mais redoutable de la chirurgie cardiaque par sternotomie médiane (ouverture par incision médiane du sternum)
Atteinte infectieuse du médiastin = région médiane du thorax située entre les deux sacs pleuraux (plèvres) et arbitrairement divisée en quatre parties (supérieure, postérieure, antérieure et moyenne)
Infection du site opératoire (ISO)
Distinction entre : ISO superficielles confinées à la peau et aux tissus sous-cutanés
avec des signes exclusivement locaux et une ostéosynthèse sternale préservée.
ISO profondes qui associent aux lésions précédentes une ostéomyélite sternale compliquée ou non à une désunion sternale avec une infection concomitante de l’espace rétrosternal qui constitue la médiastinite
Définition
« Toute infection de plaie médiastinale doit être considérée comme une
médiastinite jusqu’à preuve du contraire »
Centers for Disease Control (CDC)
Infection des tissus au-delà du plan sous-cutané avec au moins un des critères suivants :
une culture positive des prélèvements tissulaires ou liquidiens médiastinaux
un aspect évident de médiastinite lors de la reprise chirurgicale
une douleur thoracique, une instabilité sternale ou une fièvre > 38°C associée à une
extériorisation d’un liquide purulent du médiastin ou une hémoculture positive
Fréquence : 0.4 à 5% selon les études
Apparaît dans 96% des cas entre le 4ème jour et la 3ème semaine post-opératoire
Durée de séjour augmentée de 25 jours en moyenne
Coût représente jusqu'à 3 fois celui d'une procédure non compliquée
Physiopathologie
Contamination per ou post-opératoire
3 réservoirs de germes :
Flore endogène du patient +++ (relation forte entre portage nasal de Staphylococcus aureus et infection du site opératoire)
Flore des soignants
Environnement
Transmission au site opératoire par voie manuportée ou aéroportée
Autre voie possible : hématogène (bactériémie dont le point de départ peut être une pneumopathie ou une infection sur cathéter)
Situations favorisantes :
Défaut de drainage médiastinal
Circulation extracorporelle
Théorie de la contamination par continuité (disjonction sternale)
Microbiologie
Facteurs de risque
Liés au patient :
Âge > 60 ans
Obésité et diabète
Tabagisme, BPCO
Trachéotomie, transplantation, corticoïdes, insuffisance rénale
Malnutrition
Colonisation nasale par S. aureus
Liés à l’intervention :
Contexte d’urgence
Durée de l’intervention > 5h
Reprise chirurgicale précoce (hémostase, réfection sternale), transfusions
Liés à l’environnement :
Fautes d’asepsie
Mauvaise antibioprophylaxie
Mauvaise préparation cutanée (rasage à proscrire)
Symptômes et Diagnostic
Signes d’appel :
une fièvre élevée persistante (> à 3 jours)
un écoulement de plaie
une instabilité sternale témoin d'une désunion cutanée sternale
une collection purulente ou une cicatrice inflammatoire
Diagnostic :
Doit toujours être confronté au contexte clinique
Recherche d’une preuve bactériologique de l’infection locale +++
Aspiration percutanée de liquide médiastinal par ponction à l’aiguille fine
Hyperleucocytose inconstante
Hémocultures positives tardivement et dans 30 à 60% des cas seulement
Imagerie (radiographie, scanner thoracique)
Prise en charge
la plus précoce possible
comprend deux volets indissociables:
médical
Antibiothérapie
Réanimation symptomatique maintien des fonctions vitales, prévention des complications,
traitement des effets d’un choc septique ou d’une éventuelle défaillance multiviscérale
Nutrition (Régime hyperprotidique et hypervitaminique ) Entérale ou parentérale
Optimiser le pouvoir de défense et de cicatrisation du patient
Chirurgical
Les essais de traitements ne comprenant qu'un volet de cette
prise en charge se sont soldés par des taux de mortalité élevés
Traitement médical: antibiothérapie curative
A débuter le plus précocément possible
D’abord probabiliste puis guidé par les résultats des
cultures et de l’antibiogramme
Critère de choix:
Bonne pénétration tissulaire (diffusion osseuse+++)
Molécules actives sur les Staphylocoques (y compris les SAMR)
et les BGN
Association d’ATB synergique (IV)
Triple association d’emblée:
Vancomycine+gentamicine+rifampicine
Vancomycine+cefamandole+amikacine
Traitement médical: antibiothérapie curative
Adaptation secondaire (au retour des cultures et antibiogrammes):
Aminosides toujours prescrits sur une courte période
Durée traitement:
6 semaines :
3 semaines IV puis relais per os de 3 semaines
Staph. Aureus
Méticillino-Sensible (MS) Céfamandole+gentamicine (<5j)
puis relais par céfamandole, rifampicine et quinolones
Meticillino-Résistant (MR) Vancomycine (associée ou non) avec maintien d'un taux résiduel
>20ug/ml
BGN Carbapenem+Amikacine puis
relais par rifampicine+quinolone
Traitement chirurgical
Reprise chirurgicale systématique de la cicatrice de sternotomie :
mise à plat du médiastin
Détersion complète de la cavité du médiastin
Résection des berges sternales
Tout tissu nécrosé, suspect ou infecté doit être excisé
Doit être prudente car doit laisser la possibilité d’une reconstruction simple
Retrait des corps étrangers extirpables (fils d’acier, fils résorbables ou non, drains,…
Évacuation du pus
Exploration de la viabilité et de la stabilité de l’os sternal
Resection partielle ou totale du sternum rare
Confirmation du diagnostique (prélèvements bactériologiques, mise en culture des fils d’acier, de moelle sternale)
Lavages peropératoires abondants
Povidone iodée, serum physiologique, voire vancomycine
Traitement chirurgical: suites
Deux Stratégies:
Technique de fermeture en un temps dite « Thorax fermé »
Thorax refermé d’emblée
Indiqué devant l’absence de liquide purulent abondant ou de nécrose tissulaire extensive
Contexte de syndrome septique absent ou modéré
Technique de fermeture en deux temps dite « Thorax ouvert »
Fermeture sternale ultérieure
Indiqué
lorsque le sternum n’est plus viable, détruit par l’infection, ou résection sternale étendue (fermeture cutanée simple impossible)
Abondance de tissus nécrotiques, de liquide purulent, abcès avéré ou syndrome septique sévère
Suite à « Thorax fermé »: aspiration-drainage
Fermeture sternale
Sternum solidement stabilisé par de nouveaux fils d’acier : « rewiring »
Eventuellement plastie musculaire:
utilisation de lambeaux musculaires
permet le comblement de la perte de substance par du tissu vascularisé,
permet une bonne protection locale contre l’infection
Deux possibilités:
Mise en place d’un système d’irrigation lavage continu
Taux d’échecs importants
Mise en place de 6 à 8 drains de Redon aspiratifs (technique d’aspiration-drainage +++)
consiste à fermer le thorax du patient en disposant dans la cavité rétrosternale de multiples drains
de Redon reliés à des flacons où règne une forte dépression (-700 mmHg).
Intérêt
Facilité l’accolement des tissus
Favoriser la cicatrisation
Prévenir les hématomes et les suppurations
Suite à « Thorax fermé »: aspiration-drainage
Drainage par le vide: mise en place de drains de redon
Tuyau souple dont une extrémité, percée de petits trous, est placée dans la zone à drainer. L'autre extrémité est reliée à un flacon de verre ou de plastique dans lequel le vide a été fait.
Mode opératoire
Aspiration continue dans la cavité rétrosternale et dans les tissus sous-cutanés
Recueil des suintements lymphatiques et/ou hémorragiques des plaies
Drains laissés en place 10 jours
Redons changés tous les jours
Liquide de redons envoyé en bactériologie tous les 2 jours jusqu’à négativation de 2 prélèvements consécutifs
Quand effluent < 20 ml, retrait progressif des drains
Suite à « Thorax ouvert »
Indications limitées le plus possible
Impossibilité de fermer le thorax
en cas de dégâts tissulaires majeurs et/ou de syndrome septique sévère
Récidive, échec des techniques au thorax fermé
Mise en place de pansements « à ciel ouvert »
Cavité comblée
Compresses bétadinées
Sucre en poudre (agit localement en favorisant la détersion tissulaire puis le bourgeonnement, propriétés antibactériennes)
Utilisation du système VAC +++
Inconvénients
Long (semaines, voire mois)
Fastidieux (pansements complexes)
Traumatisant (patient, équipe)
Dangereux (rupture vaisseaux, coeur)
Non esthétique
Nouveauté: utilisation du système VAC +++ dans cette application
Système VAC (Vacuum Assisted Closure):
Traitements des plaies par pression négative
Appliquer au moyen d’une éponge microporeuse en
polyuréthane une pression négative contrôlée dans une plaie
infectée
Intérêts:
Accélérer la détersion
Stimuler la granulation des tissus
Stimuler les fibroblastes
Favoriser l’angiogénèse et l’apport sanguin
Aspirer les sérosités et exsudats
Système VAC (Vacuum Assisted Closure):
Peropératoire Résultat: 7 jours avec
VAC thérapie Résultat: 15 jours
avec VAC thérapie
Niveau de preuve faible, mais des résultats qui semblent intéressants, surtout en cas d’impossibilité de fermeture en un temps
Suite à « Thorax ouvert »: fermeture sternale
secondaire
Une intervention de fermeture (2° temps opératoire) est habituellement proposée après quelques jours (3 à 7 jours) de détersion locale (quand la plaie est jugée convenable) et après stabilisation du malade
Fermeture:
fermeture directe sous drainage en aspiration continue
Plastie réparatrice lorsque le sternum est trop endommagé
Plastie musculaire: lambeaux musculaires (pectoral, grand droit, dorsal)
Assurent un plan de recouvrement sternal par un tissu hypervascularisé favorisant les mécanismes de défenses
Comblement des espaces vides
Reprise plus rapide de l’autonomie respiratoire
L'omentoplastie (épiplooplastie) : utilisation du grand épiploon (repli du péritoine qui relie l'estomac au côlon transverse
Prévention Indispensable
Contrôle de l’environnement
Hygiène des mains et vestimentaire
Tests, cultures de l’air et prélèvements systématique et périodique
Veiller à une aseptie totale entourant le pré-, le per- et le post-opératoire
Identifier les sujets à risque en pré-opératoire
Insuffisants respiratoires chroniques, diabétiques, obèses, immunodéprimés
Dépistage nasal de SAMR en pré-opératoire
Si positif:
Application nasale de mupirocine pendant 48h (éradication du portage de Staph aureus
Isolement des patients porteurs/infectés
Antibioprophylaxie par Vancomycine IV
Préparations des patients
Arrêt des corticoïdes sur les 6 semaines pré-opératoires
Préparation cutanée (douche à la bétadine) la veille de l’intervention
Patient tondu électriquement (rasage manuel à proscrire)
Lavage et désinfection cutanée au bloc qq min avant l’incision
Antibioprophylaxie systématique avant l’incision et pendant 24-48h
Céphalosporines, vancomycine, cloxacilline
Conclusion
Médiastinite post-opératoire : complication rare mais gravissime
Nécessité de prévention
Collaboration multidisciplinaire entre les différents service :
Chirurgiens, réanimateurs, anesthésistes, infectiologues
Le pronostic, en l’absence de défaillance viscérale prolongée
(notamment respiratoire) ou d’endocardite associée s’est
notablement améliorée
La technique de fermeture sur VAC constitue un récent progrès
laissant espérer d’excellents résultats au long terme
Références
« Médiastinites après chirurgie cardiaque » - J.B. Lecharny, M. Tapia , J. Baudot, I. Philip - Hôpital
Bichat Claude-Bernard, Paris – Conférences d'actualisation 2001, p. 677-692
« Médiastinites » - O. Leroy - CH de Tourcoing, 2013
« Prise en charge des médiastinites post-chirurgicales » - N. Van Grunderbeeck - CH Lens, juin 2013
« Médiastinites post Chirurgie Cardiaque » - S.Karaca – HUG, juin 2011
« Modalités thérapeutiques des médiastinites en chirurgie cardiaque » - N. Durrleman et coll -
Chirurgie Thoracique Cardio-Vasculaire - 2006 ; 10 : 4-17
« Prise en charge des médiastinites après chirurgie cardiaque » - Z. Vichova
« Traitement des médiastinites post-sternotomie » - J.L. Trouillet - Réanimation 2002 ; 11 : 231-7
« Vacuum assisted closure : recommandations d’utilisation » - World Union of Wound Healing
Societies
« Le V.A.C. (Vacuum Assisted Closure) » - E. Fischer, L. Bernard - CHU Raymond Poincaré, APHP
« Médiastinites postopératoires » - A. Ouattara, O. Pouquet – 52e congrès national d’anesthésie
Médecins. Conférences d’Essentiel, 2010 Sfar
« Traitement des plaies par pression négative (TPN) : des utilisations spécifiques et limitées » - HAS,
2011
HAS - MIDISS