Mathématiques financières et industrie bancaire - Le point actuel ...

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MATHEMATIQUES FINANCIERES et INDUSTRIE BANCAIRE le point actuel ; quelques perspectives Mardi 1 er avril 2008 Salle Hugot, Académie des sciences de l’Institut de France 23 quai de Conti, 75006 PARIS Table ronde et débat organisés par la SMF et la SMAI sous les auspices de l’Académie des sciences avec le concours des Professeurs Peter BANK, Technische Universität, Berlin Mark DAVIS, Imperial College, Londres Paul EMBRECHTS, ETH, Zurich Nicole EL KAROUI, Ecole polytechnique, Palaiseau Damien LAMBERTON, Université de Marne-la-Vallée

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MATHEMATIQUES FINANCIERES et INDUSTRIE BANCAIRE le point actuel ; quelques perspectives

Mardi 1er avril 2008 Salle Hugot, Académie des sciences de l’Institut de France

23 quai de Conti, 75006 PARIS

Table ronde et débat organisés par la SMF et la SMAI sous les auspices de l’Académie des sciences

avec le concours des Professeurs

Peter BANK, Technische Universität, Berlin Mark DAVIS, Imperial College, Londres Paul EMBRECHTS, ETH, Zurich Nicole EL KAROUI, Ecole polytechnique, Palaiseau Damien LAMBERTON, Université de Marne-la-Vallée

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Les mathématiciens nourrissent des collaborations nombreuses, non seulement

avec l’industrie bancaire, mais avec presque toutes les composantes du monde industriel. En particulier, on sait, ou on croit savoir, le rôle des mathématiques financières dans la gestion des banques. L’actualité a fait porter aux mathématiques et aux mathématiciens une attention parfois exagérée, ayant quelquefois tendance à les rendre responsables de désordres auxquels ils n’ont pas de part directe. Toutefois, les mathématiciens dans leur ensemble, et particulièrement ceux dont l’activité de recherche et d’enseignement est en prise avec les activités financières, se doivent d’éclairer et de discuter des problèmes et des enjeux qui surgissent de leur activité. C’est pourquoi, à l’invitation de l’Académie des sciences, la SMF et de la SMAI vont animer un débat sur les sujets suivants :

1. Succès et difficultés spécifiques dans les collaborations avec l’industrie bancaire 2. Interactions entre mathématiques financières et industrie bancaire, vues sous

différents angles en Europe. Transferts et échanges de connaissances entre monde académique et monde industriel

3. Essaimage des étudiants dans tous les secteurs où leur formation est utile.

oOo

La table ronde sera introduite par les Présidents de la SMF et de la SMAI, et comportera une série d’exposés, faits par des collègues ayant une large vue des différents aspects des mathématiques financières en Europe, et en France en particulier. Le débat qui suivra est ouvert à tous les membres de l’Académie et des Sociétés savantes qui souhaitent participer à la rencontre, ainsi qu’aux professionnels intéressés.

Pour la participation à cette demi-journée, il est indispensable de s’inscrire auprès de Mme Fabienne Bonfils, Service des colloques de l’Académie des sciences (cf bulletin d’inscription).

Si, en outre, vous souhaitez intervenir dans le débat, il serait souhaitable que vous précisiez votre question.

Il est envisagé qu’à l’issue de la rencontre, des recommandations pertinentes soient dégagées de concert par l’Académie des sciences, la SMF et la SMAI.

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MATHEMATIQUES FINANCIERES et INDUSTRIE BANCAIRE le point actuel; quelques perspectives

Mardi 1er avril 2008, Académie des sciences de l’Institut de France Salle des 5 Académies, 23 quai de Conti, 75006 PARIS

Programme de la Table Ronde

16h Accueil Jean DERCOURT, Secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences

Ouverture : Présentation succincte de l’ensemble Jean-Pierre KAHANE, de l’Académie des sciences

16h10 Inventaire des formations concernées en France Damien LAMBERTON, Professeur à l’Université de Marne-la-Vallée

16h15 Présentation de la Table ronde et du Débat Denis TALAY, Président de la SMAI

Stéphane JAFFARD, Président de la SMF

16h35 Point et perspectives dans quatre pays européens

In Germany: Peter BANK, Technische Universität, Berlin

In Great Britain: Mark DAVIS, Imperial College, Londres

In Switzerland: Paul EMBRECHTS, ETH, Zurich

En France: Nicole EL KAROUI, Ecole Polytechnique, Palaiseau

17h35 Débat ouvert

Public concerné :

Académiciens, probablement concernés par les applications industrielles

responsables M2 (ex. DEA) professionnels…. étudiants

18h35 Clôture Marc Yor, de l’Académie des sciences, Professeur à l’Université P.& M. Curie

Organisation : Service des colloques de l’Académie des sciences.

Inscription auprès de Fabienne Bonfils : 01 44 41 43 82 / 87 – [email protected]

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Damien LAMBERTON

Professeur à l’Université de Marne-la-Vallée

• Professeur de mathématiques à l’Université de Marne-la-Vallée depuis 1993.

Responsable du master Mathématiques et Applications (Universités de Marne-la-Vallée,

Paris XII et Evry Val d’Essonne, Ecole Nationale des Ponts et Chaussées), anciennement

“DEA Analyse et Systèmes Aléatoires”.

• Habilité à diriger des recherches en 1992.

• Enseignant-chercheur à l’Ecole des Ponts de 1983 à 1991.

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Inventaire des formations concernées en France

Damien LAMBERTON, Université Marne-la-Vallée

Le but de cette note est de présenter les principales formations dans le domaine des mathématiques financières en France. Cette présentation ne prétend pas à l’exhaustivité. Elle se concentre sur les formations principalement tournées vers les méthodes mathématiques et ne traite pas des formations centrées sur la gestion ou l’économie. 1. Masters à orientation recherche Dans les années soixante-dix, les travaux de Black, Scholes et Merton fondent la théorie des options sur un modèle où le mouvement brownien et le calcul stochastique d’Itô jouent un rôle fondamental. A la suite des travaux de Harrison, Kreps et Pliska, le cadre mathématique de la théorie des options se précise et, dans les années quatre-vingts, les mathématiciens, notamment des probabilistes, investissent ce nouveau champ d’application. Parallèlement, les marchés financiers se développent, des produits de plus en plus complexes apparaissent et la mise au point de nouveaux modèles et de méthodes numériques adaptées devient un enjeu important pour l’industrie financière. Les banques commencent alors à recruter, pour leurs activités sur les marchés financiers, des jeunes de formation scientifique, en particulier des diplômés d’écoles d’ingénieurs. Les écoles commencent à inclure dans leur cursus des cours d’introduction aux mathématiques financières. Dans le même temps, des universitaires s’attachent à présenter dans leurs cours de DEA les applications des probabilités à la finance, et, peu à peu, apparaissent des cursus complets orientés vers la finance de marché. C’est ainsi que naissent l’option Probabilités et Finance du DEA Probabilités et Applications de Paris VI, ancêtre de l’actuel “master El Karoui”, et l’option Statistique et Modèles Aléatoires en Finance du DEA Modélisation Aléatoire de Paris VII. Ces deux formations, devenues des masters, sont aujourd’hui deux références pour la profession, tant en France qu’à l’étranger, et produisent de l’ordre de cent à cent cinquante diplômés par an. D’autres universités de la région parisienne proposent des masters recherche de mathématiques appliquées à la finance, notamment les universités Paris-Dauphine et Paris I, qui ont une tradition de recherche en mathématiques appliquées à l’économie, et l’université de Marne-la-Vallée : • master MASEF (Mathématiques de l’Assurance, de l’Economie et de la Finance), à Paris- Dauphine; • master MAEF (Mathématiques Appliquées à l’Economie et à la Finance), à Paris I; • parcours finance du master Mathématiques et Applications à l’Université de Marne-la-

Vallée, en partenariat avec l’Ecole des Ponts. Ces divers masters, tout en offrant une formation de base similaire (autour de la modélisation probabiliste et du calcul stochastique) développent leurs propres spécificités : accent sur les aspects statistiques plus marqué à Paris VII, liens avec l’économie mathématique à Dauphine et Paris I, méthodes numériques à Marne-la-Vallée. En province, on peut citer le master de l’université de Besançon, adossé à une solide équipe de recherche. La plupart des masters de probabilités des grands centres de province (Rennes, Toulouse, Marseille. . .) contiennent au moins un cours présentant les applications du calcul stochastique à la finance. 2. Masters à orientation professionnelle La distinction entre masters à orientation recherche (anciens DEA) et masters à orientation professionnelle (anciens DESS) tend à s’estomper. De fait, les masters précédemment évoqués ont des traits communs avec des DESS (certains ont d’ailleurs officiellement la double orientation recherche et professionnelle), notamment par leur volonté de coller aux attentes de la profession et de faire intervenir des praticiens dans la formation. L’orientation recherche reste cependant assez marquée. Elle est liée à la sophistication des modèles et

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des techniques mathématiques utilisés. Elle se justifie par l’utilité de former des professionnels maîtrisant les fondements théoriques des outils qu’ils manipulent, de façon à pouvoir les adapter à des situations nouvelles issues du développement incessant des marchés. Par ailleurs, des formations plus tournées vers la mise en oeuvre, s’adressant à des étudiants dont les goûts ou les capacités les portent moins vers l’approfondissement théorique ou l’abstraction, se sont récemment développées. Elles combinent généralement une présentation plus opératoire des méthodes mathématiques et une formation poussée en informatique. On peut citer • le master ingénierie financière de l’Université d’Evry-Val d’Essonne; • le master ISIFAR (Ingénierie Statistique et Informatique de la Finance, de l’Assurance et

du Risque) des Universités Paris VII et Paris X; • le master IFMA (Ingénierie Financière et Modèles Aléatoires) de l’Université Paris VI. D’autres masters à orientation professionnelle, plus ou moins spécialisés en finance ou en assurance sont proposés en région parisienne et en province. Leur énumération serait fastidieuse. On peut se reporter au site http://mathfi.com pour un annuaire assez complet des formations. 3. Autres formations Comme il a été mentionné plus haut, les grandes écoles ont depuis plusieurs années introduit des cours de mathématiques financières dans leurs cursus. Plus récemment, elles ont renforcé des partenariats avec des universités, dans le cadre de masters recherche cohabilités. Ainsi, l’Ecole Polytechnique est partie prenante du master recherche de Paris VI. Le master de Paris VII est cohabilité avec Télécom Paris et a une convention avec l’ENSAE, qui est également associée au master de Dauphine. L’Ecole des Ponts a développé une filière propre de mathématiques financières, dont certains cours sont des cours du master cohabilité avec l’université de Marne-la-Vallée. Des partenariats du même type se développent ailleurs (Dauphine/ENSAE, Paris I/ENSTA, etc.). Parmi les autres écoles développant des filières en mathématiques financières, on peut citer, l’ENSIMAG, Supaéro, l’Ecole Supérieure d’Ingénieurs Léonard de Vinci, l’Ecole Internationale des Sciences du Traitement de l’Information (à Cergy), l’Ecole Centrale de Paris (récemment dotée d’une chaire financée par BNP Paribas). On peut noter, dans la période récente, que les grandes écoles tendent d’une part à renforcer les partenariats (avec les universités, avec d’autres écoles) et d’autre part à développer leurs propres filières en interne. Souhaitons qu’à l’avenir, les atouts complémentaires des universités et des grandes écoles pourront continuer à se combiner pour former les professionnels de haut niveau scientifique dont l’industrie financière a besoin.

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Denis TALAY

Président de la SMAI

• Directeur de recherche à l’INRIA.

• Professeur chargé de cours à l’Ecole Polytechnique.

• Responsable scientifique des Équipes Projets OMEGA (1994-2006) et TOSCA (2006) à

l'INRIA Sophia Antipolis.

• 2006- : Président de la Société de Mathématiques Appliquées et Industrielles (SMAI).

• 2007- : Vice-président de la Fondation d'entreprise IXIS-CIB.

• 1999-sept.2002 : Président du groupe Modélisation Aléatoire et Statistiques de la SMAI.

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Présentation de la Table Ronde et du Débat

Denis TALAY, Président de la SMAI Les mathématiques ont constamment été enrichies, motivées, diversifiées, par de multiples dynamiques internes conduisant à créer de nouveaux outils et à étudier de nouveaux objets abstraits. Les mathématiques ont aussi été enrichies, motivées, diversifiées, par de multiples autres domaines scientifiques ou technologiques : la physique, bien sûr, mais aussi, plus récemment, l’informatique et la biologie, ainsi que diverses industries pour lesquelles le savoir-faire technique doit être complété par des modélisations sophistiquées ou des simulations numériques complexes. La théorie des probabilités illustre particulièrement bien la dualité de la dynamique mathématique. En effet, elle est née de phénomènes physiques particuliers (les jeux de hasard), a été fondée par les travaux axiomatiques de Kolmogorov, s’est complètement renouvelée en développant le calcul différentiel stochastique sous des impulsions diverses dont le traitement du signal et la physique théorique, s’est nourrie d’interactions naturelles et fécondes avec la théorie du potentiel, l’analyse harmonique, l’analyse des équations aux dérivées partielles, la géométrie, etc., autant que de ses succès en modélisation de phénomènes turbulents, de systèmes complexes soumis à des excitations désordonnées, d’incertitudes sur des conditions d’expériences, etc. De plus, les succès en algorithmique, traitement du signal et traitement d’images, analyse numérique, illustrent que les probabilités s’utilisent aussi pour traiter des problèmes qui s’expriment naturellement de manière déterministe et qui, néanmoins, s’attaquent efficacement grâce à des interprétations probabilistes artificielles. Parmi les applications spectaculaires des probabilités, les mathématiques financières ont un statut particulier à plusieurs égards. Tout d’abord, il est remarquable que beaucoup de notions familières aux praticiens des salles de marché aient d’abord été élaborées pour répondre à des besoins théoriques : ainsi, les processus adaptés sont parfaits pour représenter des prix en l’absence de délits d’initiés; les théorèmes de représentation de martingales fournissent des stratégies de couverture d’options; le théorème de Girsanov est un outil-clef pour définir l’absence d’opportunité d’arbitrage, etc. Par ailleurs, il est évident que les applications financières ont largement contribué : • au développement d’outils récents de l’analyse stochastique comme, par exemple, les

équations différentielles stochastiques rétrogrades; • au renouvellement d’outils plus anciens passés un peu de mode comme le contrôle

stochastique; • à l’émergence de questions originales en statistique des processus et en calibration de

modèles stochastiques, en probabilités numériques, en optimisation, en calculs explicites sur les lois de fonctionnelles de processus stochastiques;

• à l’introduction de concepts nouveaux, comme les mesures de risques, dont l’étude fait appel à l’analyse fonctionnelle;

• à l’interaction de disciplines très différentes comme la météorologie et l’économie pour traiter des risques climatiques;

• à l’essor de techniques d’analyse et de méthodes numériques qui s’appuient à la fois sur les équations aux dérivées partielles et les processus stochastiques.

Ainsi la finance quantitative est un champ transverse à des pans entiers de l’analyse. Par ailleurs, elle suscite de manière féconde des questions numériques non classiques ainsi que des questions d’ordre informatique puisque les codes de calcul doivent tantôt fournir des réponses précises en quelques secondes (cas des calculs de prix d’actifs dérivés pour les traders), tantôt traiter des problèmes en très grande dimension (cas des calculs de risques pour le back-office). Il est donc naturel que la communauté des mathématiques appliquées et l’industrie financière se soient rapprochées depuis que les praticiens se sont accordés à fonder leur travail sur les modèles stochastiques et la formalisation mathématique des notions d’arbitrage, de liquidité, de risque, etc. La création récente du Grand Prix Natixis-SMAI décerné par l’Académie des Sciences est une vitrine de ce rapprochement.

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Pour mémoire, ce prix est destiné à récompenser des travaux en finance qualitative, et son premier lauréat, Huyêm Pham, est mathématicien. Cela étant, la finance moderne n’est pas tout-à-fait un domaine comme les autres : • les modèles mathématiques servent habituellement à tenter d’expliquer, ou tout au moins

de décrire, le monde réel; en finance, ils contribuent largement à la création de valeurs virtuelles : en quelque sorte, les mathématiques en salle de marché contribuent à élaborer le monde qu’il s’agit d’étudier;

• depuis près de vingt ans l’industrie financière est un extraordinaire vivier d’emplois de

niveau mastère ou doctorat en mathématiques appliquées et à fortes rémunérations; ce succès est d’autant plus grand pour les filières françaises que les étudiants diplômés sont très recherchés à l’étranger; le revers de la médaille est la fuite d’étudiants brillants vers ces carrières attractives plutôt que vers des carrières de chercheur ou d’enseignant-chercheur à faible rémunération, à contraintes croissantes au moment du recrutement (post-docs souhaitables) et dans l’exercice des fonctions (effets du pilotage de la recherche par d’innombrables guichets); en devenant quants, bien des étudiants ont le sentiment de réussir à faire de la recherche, sans doute plus appliquée que dans un laboratoire, mais mieux considérée et bien mieux rémunérée; dans une certaine mesure, l’industrie financière contribue ainsi à remplir les mastères et à vider les doctorats;

• les relations entre les institutions financières et le monde académique ont longtemps été

mal équilibrées puisque, entre autres pour des raisons de confidentialité, les collaborations étaient largement fondées sur des contrats individuels de consultance voire pas de contrats du tout !; ce mode de fonctionnement a tendance à évoluer grâce à la création de chaires et à l’augmentation des contrats de recherche passés avec des laboratoires, ce qui permet à ces derniers de bénéficier d’un sorte de retour sur investissement pour avoir si bien formé les ingénieurs financiers dont les salles de marché ont besoin, et pour savoir organiser tant de séminaires, colloques, cours, auxquels ces ingénieurs ont accès gratuitement;

• enfin, les enjeux de la finance et les sommes astronomiques échangées en salle de

marché rendent les médias et l’opinion publique friands de tout événement sortant de l’ordinaire; à certaines occasions, dont la récente affaire Société Générale est un exemple prototypique, les rumeurs les plus absurdes circulent sur le rôle catastrophique des modèles mathématiques même quand, à l’évidence, les faits relèvent de falsifications informatiques, de délits d’initiés, ou d’erreurs plus ou moins involontaires de gestion; néanmoins, on ne peut nier que les mathématiques financières ont servi de caution, auprès des autorités politiques et bancaires, au développement des crédits à risques et des produits financiers correspondants – mais les mathématiques ne sont tout de même pas la cause de la crise des subprimes : il faudrait surtout parler des politiques commerciales agressives et dangereuses pour développer, au-delà de toute mesure, d’une part les endettements des consommateurs et des entreprises, d’autre part le marché des produits financiers adossés au risque de crédit; il faudrait aussi parler des raisons pour lesquelles le risque de crédit a été autant sous-évalué par les institutions financières et les pouvoirs politiques.

Faut-il s’inquiéter de la fuite de cerveaux et des divagations de certains journalistes ? Les débats de ce soir nous apporteront quelques éclaircissements. Mon avis (momentanément ce n’est plus le président de la SMAI qui s’exprime) est que la fuite des cerveaux vers les banques relève de la politique générale de la recherche française et de l’image de marque que nous, scientifiques, donnons de notre métier et de la science; quant aux media, il nous faut tenter de faire passer le message que la finance moderne, loin de comporter trop de mathématiques, n’en utilise pas assez à bon escient, c’est-à-dire pour rationaliser les marchés, contrôler les risques, détecter les délits, et éviter que la Bourse ne dénature ses fonctions d’assurance et de levier économique en se transformant épisodiquement en casino.

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Stéphane JAFFARD

Président de la Société Mathématique de France

• Fonction depuis le 1er Septembre 1995 : Professeur à l’Université Paris XII.

• 2000-2005 : Membre de l’Institut Universitaire de France.

• 1er Trimestre 1999 : Invité par le Newton Institute de Cambridge pour le trimestre

“Applications des Fractals”.

• 1992 : Habilitation à diriger des Recherches en Mathématiques (Soutenue à l’Université

Paris Dauphine).

• 1990-1994 : Chercheur à l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées (Ingénieur du Corps

des Ponts et Chaussées).

• 1989-1990 : Membre de l’Institute for Advanced Study (Princeton).

• 1986-1989 : Thèse de l’Ecole Polytechnique; sujet : Construction et propriétés des bases

d’ondelettes; remarques sur la contrôlabilité exacte (sous la direction d’Yves Meyer).

• 1981-1984 : Elève de l’Ecole Polytechnique.

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Présentation de la Table Ronde et du Débat

Stéphane JAFFARD, Président de la Société Mathématique de France

Les mathématiques financières sont aujourd’hui au cœur d’un paradoxe : d’un côté elles sont reconnues comme l’un des fleurons actuels de la science en France, et le développement rapide et remarquable de cette discipline est cité couramment en exemple par les instances scientifiques. Cependant, la crainte est apparue que ce succès ne soit générateur de déséquilibres, voire de dysfonctionnements au sein de notre discipline. Ceci ne peut être seulement attribuée à la jalousie de scientifiques extérieurs au domaine puisque, au sein même de la discipline, des interrogations et des doutes apparaissent. Ainsi, Marc Yor a suggéré d’organiser, avec la SMF et la SMAI cette table ronde, afin que nous examinions ensemble ces questions. Puisque j’interviens en ouverture, je vais présenter ma courte intervention sous forme d’une série de questions, volontairement provocatrices, afin de lancer le débat. En ce qui concerne l’enseignement, le succès des mathématiques financières est-il, un atout (en attirant des étudiants vers les mathématiques, et aussi en permettant de faire vivre des M2 de mathématiques plus généralistes grâce à la présence d’une filière finance) ? Sont-elles au contraire une menace, en tarissant à leur seul profit les autres filières ? Les M2 de mathématiques financières dénaturent-ils la vocation des M2 recherche, au sens où la motivation des étudiants n’est en général pas de poursuivre par un doctorat, mais d’être recrutés par une banque ? Cette question se pose d’ailleurs dans le cadre plus général de la dévalorisation des doctorats de sciences fondamentales en France, par comparaison avec nos voisins (Allemagne et Royaume-Uni par exemple). Pourquoi le titulaire d’un doctorat en mathématiques financières essaierait-il d’obtenir un poste de Maître de conférence ou de chargé de recherche, souvent obtenu seulement après plusieurs années d’ATER et de post-doc, alors que des banques lui offre aussitôt un salaire sans commune mesure ? Au sein de la communauté des chercheurs et enseignants chercheurs, il existe un attrait puissant à travailler en mathématiques financières, attrait largement dû aux capacités des banques à rémunérer les recherches dans ce domaine de façon bien supérieure à la plupart des industriels « classiques ». Ce phénomène risque-t-il de créer un déséquilibre parmi les thématiques traitées au sein de notre communauté ? Courons-nous le risque d’un appauvrissement de certains domaines des mathématiques, notamment les plus proches thématiquement, comme les probabilités appliquées ? Ce phénomène ne risque-t-il pas d’être accru du fait de l’autonomie des universités, celles-ci étant tentées de flécher les postes de mathématiques en priorité vers un domaine si médiatique, et le Ministère ne jouant plus son rôle de régulateur national ? Risque-t-on de voir apparaître une nouvelle catégorie de « financiers mathématiciens », qui se déconnecte de la communauté mathématique, et dont le type de travail et le mode de fonctionnement s’éloignent des standards de notre communauté ? Enfin, nous devons peut-être aussi réfléchir sur l’actualité immédiate : la grande médiatisation des mathématiques financières, avec les raccourcis et les à-peu-près qui l’accompagnent inévitablement, risque-t-elle d’être nuisible à l’image de marque des mathématiques ? Les conséquences d’une crise financière toujours possible risquerait-elle d’être imputée aux spécialistes de mathématiques financières ? Les outils qu’ils développent influeraient-ils sur la formation d’une telle crise ? Si oui, comprend-on aujourd’hui selon quels mécanismes, et avec quels effets probables ?

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Peter BANK Technische Universität, Berlin

• Peter Bank holds a Diploma in Mathematics from Universität Bonn.

• He graduated as a Ph.D. from Humboldt-Universität with a dissertation in Mathematical

Finance and Economics in 2001.

• From 2002 through 2004 he served as one of the first Junior Professors at Humboldt-

Universität before joining the Department of Mathematics of Columbia University in the

City of New York.

• Having worked there as an Assistant Professor and Associate Professor for three years,

he returned to Berlin in 2007 to join the Department of Mathematics of Technische

Universität and to work as a scientific director of the Quantitative Products Laboratory, a

joint venture of Deutsche Bank AG, Humboldt-Universität and Technische Universität

Berlin.

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Point et perspectives : in Germany…

Peter BANK, Technische Universität, Berlin

Historical Survey • Long standing tradition in Insurance Mathematics (Deutsche Aktuarvereinigung 1903) • Since end of 1970s programs in business mathematics • Lectures in Mathematical Finance since early 1990s (earlier only as part of lectures on

Probability Theory and its applications) • First public funding for research projects devoted to Mathematical Finance since early

1990s • First chairs in Mathematical Finance: early 1990s • Internships in quantitative research groups at German banks since mid 1990s • First degree programs (Diploma) in Financial Mathematics end of 1990s • Since 2001: Fraunhofer research group in Mathematical Finance • Several more research labs founded since then: RiskLab (Munich), HVBInsitut (Munich),

Quantitative Products Laboratory (Berlin)

Students, Jobs, Employers • Insurance industry well established (Munich Re, Allianz, ...) and adding financial products

requiring quantitative skills • German banks late to move into investment banking (e.g. Deutsche Bank early 1990s) • German Landesbanken even later... • No large hedge funds in Germany • About 50% of students in Mathematics end up working in financial industry, mostly as

actuaries and quants (other employers: IT, consulting) • Fraction of students interested in Mathematical Finance keeps rising

Quantitative Products Laboratory • Joint venture of Deutsche Bank AG as sponsor, Humboldt-Universität and Technische

Universität Berlin • Research in Quantitative Finance: Mathematics, Economics, Statistics • Practical applications: direct access to and close collaboration with practitioners at

Deutsche Bank (mostly quants, traders) • Training of young researchers: > 20 doctoral and postdoctoral positions • Data and IT infrastructure provided by Deutsche Bank

Conclusions • Comparably little high-level investment banking in Germany (Deutsche Bank only truly

global player), longer tradition in insurance • Virtually no German hedge funds • Strong interest in Mathematical Finance (or comparable analytic skills) both from students

and from industry • New research challenges arising at the interface of Mathematics, Finance, and Insurance • New funding opportunities for mathematical teaching and research: joint ventures, master

programs, consulting

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Mark DAVIS Department of Mathematics, Imperial College London

• Mark Davis is Professor of Mathematics at Imperial College London, specializing in

stochastic analysis and mathematical finance, in particular in credit risk models, pricing in

incomplete markets and stochastic volatility.

• From 1995-1999 he was Head of Research and Product Development at Tokyo-Mitsubishi

International, leading a front-office group providing pricing models and risk analysis.

• Dr Davis holds a PhD in Electrical Engineering and Computer Science from the University

of California Berkeley.

• He is the author of three books on stochastic modelling and optimisation, and has recently

published, with Alison Etheridge, an annotated translation of Bachelier’s Théorie de la

Spéculation.

• He was a founding co-editor of the journal Mathematical Finance (1990-93).

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Point et perspectives : in Great Britain…

Mark DAVIS, Department of Mathematics, Imperial College London

Q1: Involvement of mathematics in the UK with Mathematical Finance and the Banking Industry

* Centuries-long tradition in insurance and actuarial mathematics. * Key dates 1979 – - Incoming Thatcher government removes exchange controls. - Bichteler-Dellacherie Theorem - First IBM PC 1986 “Big Bang” – wholesale change in regulatory regime in the City of London. After 20 years, 26% of UK corporate tax receipts are from financial services industry. * After 1990 Increasing employment of PhDs (physics, mathematics, engineering...). Completely international market. Masters degrees post-2000.

Q2: How are UK mathematicians involved along the ‘chain’ of specific topics related to banking?

Mathematical theories: Pioneer in UK was Lucien Foldes (LSE) – general semimartingale models in papers from 1970s. Later: mainly PDE approach and physics-based analytic techniques. Later than that: stochastic analysis. No formal educational programmes until mid-1990s. FORC (Financial Options Research Centre, Stewart Hodges) at Warwick University. Statistics and Engineering (signal processing): Traditionally (and continuing) econometrics and time series analysis for macroeconomic data. More recently * Volatility modelling. * Large-scale data analysis for retail banking (fraud detection ..) * Algorithms for automated trading (investment banks and hedge funds). Computing and Information Technology: Huge expenditure! (2nd biggest cost, after salaries) * Provision of trading systems, data services, settlement systems etc. * Efficient processes for risk management – hardware/software interface in algorithm implementation. Constant need for - and shortage of - qualified people in these areas.

Q3: How do links with the banking industry mainly occur? At Imperial College, most collaborations are between individual academics and individuals in the industry, or between small groups (e.g. the Math Finance group at Imperial and some trading desk at Merrill Lynch.) Very little institutional collaboration (except possibly at the Tanaka Business School). Occasional endowed Chairs/research facilities, such as the MANOxford Research Institute. Collaboration generally takes the form of * Consultancy arrangements (possibly including PhD students). * PhD sponsorship * Masters degree projects

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Q4: Proportion of students directing themselves towards the financial services industry?

A substantial proportion of mathematics first-degree graduates are heading for the financial services industry in some form, such as * Specialized higher degree (Masters or PhD - the latter not necessarily in finance) * Investment banks * Insurance/actuarial science * Accountancy * “Professional services” companies (KPMG etc.) * Asset management or hedge funds Students from engineering courses are also going for these jobs.

Q5: Comparison to other industries? Other major employment is in * Life sciences/health care (pharmaceutical companies…) * Energy (major oil companies...) * Government service (statistics, economic modelling,...) * ... Is the balance right? In UK, a job at Goldman Sachs would be regarded as ‘top of the tree’. In Japan, maybe a job at Hitachi Research Labs is ‘top of the tree’. Who is right? A new Society: the SPPNWF.

Q6: Lessons from personal involvement? (a) I certainly found working as a quant challenging and rewarding (both senses). It requires many skills beyond straightforward technical competence.

- Communication skills, in particular the ability to listen. - The ability to size up a problem: how much can you say given what you know

now? Which factors matter and which can be ignored? Can you get a zero’th order approximation in 15 minutes? [Mathematicians often have little training in this sort of skill, in contrast to engineers and physicists.]

- However hard you try, you can never get away from information technology! (b) In my view the UK is clearly over-dependent on the financial services industry. However, this does not mean we should walk away from it, and the industry (worldwide) is clearly in a critical phase: an opportunity for the talented and ambitious.

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Paul EMBRECHTS Department of Mathematics, ETH Zurich

• Paul Embrechts is since 1989 Professor of Mathematics at the ETH Zurich.

• He has written over 130 scientific publications, including successful textbooks like

“Modelling Extremal Events for Insurance and Finance” (Springer, 1997) and

“Quantitative Risk Management: Concepts, Techniques, Tools” ( Princeton UP, 2005).

• He has been a keynote speaker at numerous international conferences and is a non-

executive board member of companies in the financial industry.

• He holds an honorary degree from the University of Waterloo (Canada). International

teaching positions held include “Centennial Professor of Finance, LSE” and the

“Cattedra Galileiana, Scuola Normale in Pisa”.

• For further details, see: www.math.ethz.ch/~embrechts

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Point et perspectives : in Switzerland…

Paul EMBRECHTS, Department of Mathematics, ETH Zurich

Question 1: Can you give a brief summary about the involvement of mathematicians in Switzerland with Mathematical Finance and the Banking Industry?

• The wider context 1) For over a hundred years mathematicians have been employed by the Insurance Industry, especially the Life Insurance Industry, and more recently the Non-Life and Reinsurance Industry. 2) Also more recently, Regulators (national as well as international), Consulting Companies, specialised Software Companies, Government Services have taken an increasing interest in mathematicians. 3) Other branches using financial mathematics skills: Energy Sector, Transport Services (Railways, Road Systems, Air Traffic, …). • The Banking Industry Though mathematicians have sporadically been employed by the banking sector pre-1980, and this mainly in IT Departments and also in Portfolio Management, the main revolution came in the early nineties. due to the explosive growth of regulatory guidelines for capital adequacy, i.e. the Basel Accords. In the USA and the UK, the involvement of mathematicians started earlier because of the birth of derivatives (options, futures, …) markets (1973+, say). As a consequence, mathematicians went either as quants within the trading departments of larger international banks (UBS, Credit Suisse, …) in London or New York, or entered (and this more recently) Quantitative Risk Management (QRM) groups. The latter is mainly due to the fact that the head offices of these banks are in Switzerland. • The Evolution of Quantitative Risk Management Tools 1952 Markowitz mean-variance framework 1963 Sharpe's single-factor beta model 1966 Multiple-factor models 1973 Black-Scholes option-pricing model, "Greeks" 1983 RAROC, risk-adjusted return 1986 Limits on exposure by duration bucket 1988 Limits on "Greeks", Basel I 1992 Stress testing 1993 Value-at-Risk (VAR) 1994 RiskMetrics 1996 Basel I ½ (Ammendment to Basel I) 1997 CreditMetrics 1998- Integration of credit and market risk 2000- Enterprisewide risk management 2006- Basel II (Jorion (200)7 – PE (2008)

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Question 2: Can you describe how mathematicians in Switzerland are involved along the long “chain” of specific knowledge?

• In Switzerland, most mathematicians in the banking industry work on QRM related issues,

hence less on pricing and hedging but more on risk measurement and management. Hence key mathematical skills used are statistical data analysis, portfolio analysis/optimisation (OR techniques), IT expertise (simulation methodology, scenario testing), numerical analysis, advanced reporting for management and regulators.

• Given an excellent mathematical background, great emphasis is put on communication

skills.

• Within the insurance industry, specific actuarial techniques like (stochastic) reserving, Solvency II methodology, rate making, credibility, valuation and hedging of embedded options, asset-liability modelling, market consistent valuation of insurance liabilities, biometric estimation are called for. We also witness an increasing interest in actuarial (insurance mathematics) skills from the banking and financial consulting industry.

Question 3: About links with the banking industry, how do mainly they occur?

• Several possible collaborations exist: - individual bank-to-individual academic: example “Delbaen-Credit Suisse” - banks–to-academia: Swiss Finance Institute (SFI, global support of finance to several

Swiss Universities, 40 Mio CHF) leading to new Chairs in Finance, research grants, … aiming at a Swiss wide collaboration on education and (PhD)-research

- banks-to-students: scholarships, conferences, - banks–to-universities: endowed chairs, contributions to Foundations (mostly between one

industry partner and one university; this kind of support is on the increase) - specific support: RiskLab, Zurich Information Security Centre (both at ETH), …

Question 4: Proportions of young mathematicians working in the financial industry (broad estimates/personal experience).

• Of the total number of mathematics students, about a third till half will end up working in

the broader financial (including insurance) industry: these can be described as Quants. The percentage has been steadily rising over the last ten years.

• In Switzerland, fewer are ending up in trading, mainly due to the market competition from

New York, London, places where several of our students end up (less than 5%). • In view of the importance of the financial industry for Switzerland, these numbers are

indeed important and sustainable (so far!).

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Question 5: Comparison to other industries.

• The broader financial industries (as discussed above, by far top the ranking for employing

mathematicians). It is also important to point out that there is a strong competition from students from quantitative economics, physics and (financial) engineering (increasing!).

• Several Swiss Universities start (or have started) educational programmes in Financial

Engineering either fully away from mathematics or in collaboration with mathematics.

Question 6: Conclusion for Switzerland • Increasing interest in more holistic skills as needed in Quantitative Risk Management. • Also increasing need for basic, additional skills in economics, law, accounting, or at least

a willingness to get more involved with those aspects of banking and finance. For Swiss industry in general, and the financial and insurance industry more in particular, I expect a continuing strong demand for mathematically trained students.

• Question/discussion: possible consequences of the subprime crisis?

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Nicole EL KAROUI Professeur des Universités à l’Université de Paris VI détachée à l’Ecole Polytechnique. • Nicole El Karoui (ENSJF 64) est depuis 1997, Professeur de Mathématiques Appliquées

à l’Ecole Polytechnique, après avoir été Professeur au Mans, à l’Ecole Normale Supérieure de Fontenay aux Roses, puis à l’Université de Paris VI.

• Ses recherches portent d’abord sur les processus stochastiques (thèse d’Etat 1971) puis

sur le contrôle stochastique. En 1989, à la suite d’un semestre sabbatique dans la banque, elle s’intéresse aux mathématiques financières, tant du point de vue pratique que théorique, ce qui est maintenant son domaine de recherche principal. Nombreux sont ses travaux théoriques qui ont trouvé leur motivation dans la pratique financière. Inversement, certains de ses travaux théoriques ont eu de nombreuses retombées pratiques.

• En 1990 avec H.Geman, elle crée à Paris VI l’option finance du DEA de Probabilités qui

rencontre très rapidement un grand succès. Cohabilité avec l’Ecole Polytechnique, il accueille maintenant près d’une centaine d’étudiants.

• Depuis deux ans, elle est membre du Comité du Pôle d’Innovation financière, et membre

du directoire de la Fondation du Risque qu’elle a contribuée à créer. • Elle est membre du Conseil de l’AERES.

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Point et perspectives : En France… Gestion dynamique des risques financiers : quelques récentes évolutions

Nicole EL KAROUI, Professeur à l’Ecole Polytechnique, Palaiseau

La gestion des risques financiers a beaucoup évolué dans les trente dernières années, afin de permettre aux différents agents économiques de limiter l’impact des fluctuations des paramètres fondamentaux de l’économie sur leur activité fondamentale. Cette évolution est évidemment indissociable de la libéralisation de l’économie et de sa mondialisation amorcée dans les années 1970 aux Etats-Unis. La création du CBOT à Chicago en 1973 est la première étape du développement de l’industrie du risque financier qui n’a cessé de croître et de se diversifier depuis cette période. Aux produits de base comme les options d’achat et de vente sont venus s’ajouter des produits dits exotiques permettant de gérer de manière plus fine, ou moins coûteuse un certain nombre de risques. Cette évolution n’aurait pas été possible, sans l’apport des mathématiciens et économistes Black, Scholes et Merton (Prix Nobel en 1997). En 1973, ils proposent une méthodologie radicalement nouvelle pour réduire les risques que prennent les « vendeurs d’options », c'est-à-dire essentiellement les établissements financiers, basée sur la notion de portefeuille de couverture dynamique. Ce nouveau point de vue, simple à mettre en œuvre est immédiatement adopté par les marchés. Si la mise en œuvre est aisée, les outils mathématiques sur lesquels s’appuie cette méthodologie sont en fait très complexes. Ils s’appellent mouvement brownien, intégration stochastique, formule d’Itô et ont été développés essentiellement à partir des années 30 par des probabilistes (Kolmogoroff, Lévy, Itô, Doob), trouvant leur motivation en physique (Einstein, Langevin, Wiener). En fait, L.Bachelier dans sa thèse « Théorie de la Spéculation » soutenue en 1900, motivée par la finance, avait déjà jeté les prémisses de beaucoup de ces théories. La technique de la couverture dynamique est largement développée dans la finance des produits dérivés, mais les principes qui consistent à découper les risques, via un modèle, en une succession de petits risques que l’on sait mieux gérer, tout en utilisant les informations supplémentaires que l’on peut obtenir pour corriger le modèle sont utilisés dans un périmètre beaucoup plus large. Une composante essentielle de la mise en œuvre de ces stratégies est l’informatique, qui permet de gérer l’ensemble des transactions associées à cette activité. Mais l’impact de la révolution informatique se fait sentir bien au delà. C’est un outil essentiel de la simulation des positions dans le futur, permettant à la fois d’ « expérimenter » numériquement les évolutions de marché, et de quantifier les risques associés. Générer un calcul numérique efficace, robuste et rapide ne va pas de soi et repose sur des outils théoriques et techniques sophistiqués. Cela concerne en particulier les méthodes probabilistes de type Monte Carlo, qui ont beaucoup évolué. C’est un challenge pour les années futures, dont les retombées concernent beaucoup d’autres domaines de la finance. La compréhension et la gestion des risques de marché ont beaucoup progressé ces dernières années, mais comme dans beaucoup de domaines, le fait de mieux maîtriser ces risques pousse certains à prendre plus de risques. La finance n’échappe pas à ce type de contradiction. La crise actuelle en est un exemple typique. C’est pourquoi le régulateur joue un rôle fondamental dans cette activité, en imposant notamment des réserves conséquentes pour faire face à l’imprévu. Face à cette activité de grande ampleur, qui génère aussi ses propres risques, le régulateur a imposé la mise en place d’indicateurs de risques, comme la Value at Risk, calculée quotidiennement sur le portefeuille de marché des banques. Des fonds propres provisionnent les risques non couverts.

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Périodiquement, de nouveaux sous-jacents apparaissent, comme les dérivés de crédit depuis les années 2001. Issus de la titrisation des prêts bancaires, dont les tristement célèbres sub-primes, des produits dérivés sont proposés pour réduire le risque de pertes de ces nouveaux produits. Ce sont les fameux CDO’s .On a donc pu voir comment se constitue un nouveau marché, et l’utilisation des modèles dans ce marché. Pour pouvoir commencer à traiter, un modèle très simple est utilisé de manière assez consensuelle par toutes les salles de marché (l’info n’est pas publique, mais diffuse assez rapidement). Dans le même temps des indices synthétiques sont négociés sur le marché, participant largement de la création d’information accessible au plus grand nombre. Il devient possible d’utiliser les indices pour couvrir des produits moins standards. Les « quants » continuent à travailler sur la modélisation, mais la demande des traders n’est pas très forte ; adapter le modèle simple leur suffit. Les techniques de calibration des modèles aux prix de marché contribuent à faire oublier la réalité du sous-jacent sur lesquels les produits dérivés sont écrits. Il faut dire que modéliser le comportement de 150 émetteurs en même temps n’est pas une mince affaire….La surveillance des risques agrégés non plus, car les événements contre lesquels protègent ces produits sont rares, et l’historique ne donne pas une information vraiment utilisable. Petit à petit le marché se développe. Les investisseurs sont séduits par ces produits dont la rentabilité est plus attractive que celles des produits peu risqués aux taux particulièrement bas dans la période. Les modèles n’évoluent pas à la même vitesse que l’activité. Leur complexité potentielle paraît comme un frein, plutôt qu’un élément de mesure des risques réels. Après une première alerte en 2005 avec les problèmes de GM, l’intérêt pour le développement de modèles dynamiques s’affirme dans les marchés, et l’activité de recherche reste importante dans cette direction. Mais très vite une bulle spéculative accompagne ce marché. Difficile à arrêter…. La crise remet-elle en cause le rôle des mathématiques ? Clairement non ! Tout d’abord parce que c’est essentiellement une bulle financière, dans laquelle les mathématiques n’ont pas grand-chose à voir. Au contraire, il y a clairement une demande plus importante pour la réflexion sur les risques nouveaux qui sont apparus avec une grande ampleur, risque de liquidité notamment, et leur modélisation. En même temps, la capacité de mieux gérer les risques conduit souvent à l’augmentation de la prise de risques. Les observateurs extérieurs, comme les régulateurs ont un rôle à jouer dans la surveillance de ces comportements… L’attrait de la finance et de ses rémunérations pour nos jeunes étudiants ou ingénieurs finit par poser un problème semblable à celui que l’informatique avait posé dans son temps. Doit-on limiter les formations dans ce domaine où la France a acquis une image de marque internationale ? Comment garder quelques chercheurs dans le monde académique ?.... Cette réflexion doit-elle être menée au sein de la communauté mathématique, ou plus généralement en liaison avec le monde professionnel avec qui les rapports sont plus faciles depuis la création des fondations de recherche Institut Europlace de Finance et Fondation du Risque et du Pôle d’innovation financière?