L'Usine Nouvelle n° 3465 du 21 avril 2016

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enquêtes EN COUVERTURE 31 L’USINE NOUVELLE I N° 3465 I 21 AVRIL 2016 30 Grand Prix. Renault et PSA sont revenus en force dans la course. Les deux constructeurs français veillent davantage au transfert de technologies vers les véhicules de série, notamment avec la nouvelle formule électrique. Pépites. La France fait partie des pays, avec l’Allemagne et la Grande-Bretagne, qui ont façonné le sport automobile. L’Usine Nouvelle a sélectionné une quinzaine d’entreprises qui illustrent l’excellence tricolore dans ce domaine. Reportages. À Magny-Cours (Nièvre), les industriels de la course ont su se diversifier pendant la crise automobile. Au Mans (Sarthe), l’organisateur des 24 Heures cherche, lui, à multiplier les activités du circuit. DOSSIER RÉALISÉ PAR FRÉDÉRIC PARISOT ET PATRICK DÉNIEL SPORT AUTOMOBILE L’INDUSTRIE FRANÇAISE EN POLE POSITION Renault est présent dans le nouveau championnat de formule E grâce à son partenaire Dams. PASCAL GUITTET

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Grand Prix. Renault et PSA sont revenus en force dans la course. Les deux constructeurs français veillent davantage au transfert de technologies vers les véhicules de série, notamment avec la nouvelle formule électrique. Pépites. La France fait partie des pays, avec l’Allemagne et la Grande-Bretagne, qui ont façonné le sport automobile. L’Usine Nouvelle a sélectionné une quinzaine d’entreprises qui illustrent l’excellence tricolore dans ce domaine. Reportages. À Magny-Cours (Nièvre), les industriels de la course ont su se diversifier pendant la crise automobile. Au Mans (Sarthe), l’organisateur des 24 Heures cherche, lui, à multiplier les activités du circuit.Dossier réalisé par FréDéric parisot et patrick Déniel

sport automobile

L’industrie française en poLe position

renault est présent dans le nouveau championnat de formule e grâce à son partenaire Dams.

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L’ambiance sera électrique à Paris, samedi 23 avril. La capitale accueille pour la première fois une étape du championnat du monde de formule E, lancé en 2014 par la Fédération internationale de l’automobile (FiA). neuf pilotes s’affronteront sur un circuit tracé autour de l’Hôtel des invalides avec des monoplaces 100 % électriques. L’objectif est de montrer au grand public que la course automobile n’est pas incompatible avec les politiques environnementales imposées dans les centres villes. La FiA a prévu un règlement qui évoluera chaque année afin de suivre les évolutions technologiques des véhicules électriques et de faire avancer la science en ce domaine. Tout comme la F1 a permis d’améliorer le rendement des moteurs thermiques grâce à des technologies d’optimisation de la combustion. Celles-ci permettent aujourd’hui aux voitures de série de moins consommer. La FE tirera l’innovation sur les chaînes de traction électriques. Pour doper les recherches, la FiA procède par étapes. Lors de la première saison

2014-2015, tous les bolides étaient identiques. Pour cette deuxième saison, seul le châssis, fabriqué par le français Spark Racing Technology, reste figé. Les constructeurs ont le droit de développer de nouveaux moteurs, de nouvelles transmissions et de nouvelles stratégies de gestion de l’énergie. Le grand public pourra suivre ces évolutions au fil des ans, car leur impact sur la course sera visible. « Aujourd’hui, chaque écurie dispose de deux voitures, car les batteries ne peuvent tenir que la moitié du parcours, mais, lors de la saison 5, la technologie aura progressé et une seule voiture suffira », prévoit le directeur de ce championnat, Alejandro Agag. La FE de la FiA innove aussi sur le plan numérique. Les spectateurs de Grand Prix deviennent acteurs : un système de vote en ligne est ouvert jusqu’au départ et le pilote qui a reçu le plus de votes bénéficie d’un surplus de puissance utilisable quand il le souhaite. Si la FE s’apprête à révolutionner l’automobile électrique, elle révolutionne déjà la manière d’assister à un Grand Prix. ❚❚

la formule e dynamise l’innovation

Paris accueille son premier

Grand Prix de formule e

le 23 avril.

Les grands constructeurs conçoivent leur implication dans la course automobile au regard des transferts de technologie qu’ils anticipent dans le véhicule de série. La réglementation va dans leur sens.Par Patrick Déniel, FréDéric Parisot et luDovic DuPin

innovations

Quand le sport roule pour tout le monde

Psa va regrouper l’ensemble de ses moyens dédiés à la course à satory (Yvelines).

deux constructeurs ? Si le sport fait évidemment partie des moyens marketing privilégiés pour vendre des voitures, il a toujours été et reste un grand pourvoyeur d’innovations pour la production automobile de série [lire page 34].

Un apport qui n’est pas toujours bien perçu en France où la course, à la différence de la Grande-Bretagne et de l’Alle-magne, souffre d’un réel déficit d’image. « La meilleure façon d’apprendre, c’est de pousser la technologie dans ses derniers retranchements », soutient Bernard Niclot, le directeur tech-nique de la Fédération internationale de l’automobile (FIA) qui réglemente la discipline. Les process rapides permettent d’aller vite pour voir si une idée est valable ou pas. « La compétition, c’est le labo de notre labo. C’est là que nous testons nos inno-vations, explique Pascal Couasnon, le directeur de Michelin Motorsport. À chaque fois que nos équipes veulent s’inscrire dans une nouvelle catégorie, nous leur demandons ce qu’elles vont y apprendre et ce que cela rapportera à l’entreprise. »

le « downsizing » sur piste comme sur routeLa crise de l’automobile est passée par là et a rendu tout

le monde soucieux de rentabiliser ses investissements. Les règlements de la FIA ont d’ailleurs évolué en ce sens : la per-formance n’est plus le seul objectif. Une évolution nécessaire, selon Vincent Parvaud, le responsable de Bosch Motorsport France : « Le sport auto nouvelle génération amène à répondre à des enjeux équivalents à ceux de la série : la consommation, la fiabilité, la sécurité et les économies d’énergie. On a tout à gagner à avoir des courses qui soient dans le même référentiel sociétal. Il était devenu compliqué pour les constructeurs de communiquer sur des V8 qui tournent à 20 000 tours par minute. »

Les 24 Heures du Mans ont pris ce virage avec succès. En 2012, le règlement de la course a intégré l’hybridation. « Entre 2013 et 2014, nous avons retiré 30 % de l’énergie fossile à disposition des voitures, explique Pierre Fillon, le patron de l’Automobile Club de l’Ouest (ACO), organisateur de la course. Tout en demandant aux équipes d’aller aussi vite avec de l’électrique, en fixant une quantité d’énergie maximale pour parcourir un tour et en limitant le débit d’essence. Nous avons autorisé plusieurs technologies, ce qui fait que l’hybride d’Audi n’est pas celui de Porsche, ni celui de Toyota. » À long terme, le patron d’ACO veut aller vers le zéro émission, avec des voitures 100 % électriques ou roulant à l’hydrogène, voire même au méthane. La voie est la même pour la F1 depuis 2014 avec une limitation de la consommation et l’arrivée des architectures hybrides.

« Carlos Ghosn a conditionné le retour de Renault en F1 à la mise en place d’un règlement en connexion avec le véhicule de Monsieur Tout-le-Monde », affirme Axel Plasse, chargé des ressources chez Renault Sport, pour qui les moteurs de F1 sont désormais des modèles de sobriété. « Notre obses-sion est la même que celle de nos collègues de Renault : la consommation. » Le « downsizing » est de rigueur sur piste comme sur route. Les derniers moteurs V6 turbo injecteur de Renault Sport consomment 35 % de carburant de moins à performances égales. Et l’hybridation progresse. « Les sys-tèmes de récupération d’énergie à l’échappement que nous utilisons depuis 2014 viendront en complément de l’hybri-

B ack in the Race ! PSA et Renault sont de retour dans la course automobile. Ils ne l’avaient pas totalement quittée, mais avaient sérieusement levé le pied sur

les investissements ces dernières années. Aujourd’hui, la crise est dans le rétroviseur et ils ont le pied au plancher. En février, Carlos Ghosn a officialisé le retour de Renault dans les paddocks de formule 1 avec une écurie, alors qu’il n’était plus que motoriste. Et pas question de faire de la figuration ! Renault compte grimper sur les podiums d’ici à trois ans. Parti en 2011, PSA est revenu en fanfare en remportant avec Peu-geot le nouveau championnat du monde de rallycross (WRX) en 2015, le Dakar en 2016, tandis que la C-Élysée de Citroën Racing enchaîne depuis trois ans les victoires en Championnat du monde de tourisme (WTCC).

Le 23 avril, les deux constructeurs seront au départ du Grand Prix de Paris du nouveau championnat de formule électrique (FE), autour du Dôme des Invalides. PSA avec DS, Renault via son partenariat avec l’écurie Dams. PSA a réorganisé ses activités de compétition sous la houlette de Jean-Marc Finot, le directeur du centre d’excellence sport automobile, sur le site de Citroën Racing, à Satory (Yve-lines). Renault a confié son activité sport au numéro deux du groupe, Jérôme Stoll. Qu’est-ce qui fait encore courir nos n

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dation classique sur les véhicules de série avant la fin de la décennie », promet Axel Plasse.

Chez PSA comme chez Renault, le traitement DLC (Diamond like coating) qui équipe les moteurs de compétition est utilisé sur les moteurs de série. Il permet de réduire les frottements sur les axes et segments de piston. La course permet aussi d’améliorer les carburants. Total produit, dans une micro-raffinerie à Givors (Rhône), une centaine de litres d’essence avant chaque Grand Prix de F1 pour les écuries RedBull et

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le rétroviseur En 1906, lors d’une course, Alfred Fauchet évite un accident grâce à un reflet dans son pare-brise qui l’avertit qu’un concurrent s’apprête à le dépasser. Le pilote français dépose un brevet de son invention la même année. Le rétroviseur ne deviendra obligatoire sur tous les véhicules de série qu’en 1979.

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« À chaque fois que nos équipes veulent

s’inscrire dans une nouvelle catégorie, nous

leur demandons ce qu’ils vont y apprendre

et ce que cela va rapporter à l’entreprise. »

pascal couasnon, directeur de michelin motorsport

ces technologies testées sur les circuits automobiles

renault ambitionne de remonter sur les podiums de F1 dans les trois ans.

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matière de sécurité, une voiture électrique atteint 700 volts, ce qui nécessite des précautions lors de la charge pour parer d’éventuels incidents. » Et comme la FE va bientôt intégrer de la diversité dans les types de batteries ou les systèmes de charge, l’électricien compte rester sur les pistes pendant quelques années…

La FIA cherche à améliorer la transposition sur la route des dispositifs de sécurité qu’elle valide sur la piste. La course et ses exigences permettent, d’ores et déjà, à de nombreux sous-traitants de se hisser au plus haut niveau. « La F1, c’est le top de la technique ! », affirme Gilles Réguillon, le PDG de Chamatex (60 salariés, 15 millions d’euros de chiffre d’affaires), fabricant de textiles techniques à Ardoix (Ardèche). « Nous fournissons un textile avec des qualités de résistance mécanique, de résistance au feu et à l’élévation de la tempé-rature du pilote, définies par un cahier des charges de la FIA, explique le PDG. Les clients exigent, quant à eux, des produits toujours plus légers, respirants et brillants. »

« Vous n’êtes pas en F1 si vous n’êtes pas bons ! », approuve François-Xavier Marchais, chez le fabricant de connecteurs Souriau. « La gamme sport auto a été développée initialement pour l’aéronautique, car les constructeurs cherchaient des produits aux performances similaires, explique ce responsable d’une business unit comprenant quatre usines, dont deux dans la Sarthe. Nous sommes proches des exigences du spatial. Depuis, nous avons travaillé la miniaturisation et la légèreté.

Renault. Après chaque course, des échantillons sont prélevés et analysés. « Comme une prise de sang, explique-t-on en interne. On voit ce qui va et ce qui ne va pas. » La F1 sert de laboratoire dans lequel les contraintes sur les carburants et les lubrifiants sont poussées à l’extrême. La version 2015 de l’Excellium a bénéficié des retours d’expérience en matière de protection des moteurs.

Mais c’est peut-être en formule E que les similitudes avec la série sont encore plus criantes et laissent augurer nombre de transferts. Même si les composants sont différents, la concep-tion d’une chaîne de traction électrique pour un bolide de FE ressemble beaucoup à ce qui se fera à terme pour la série. Mêmes critères de densité énergétique, de gestion de l’auto-nomie, de gestion de la thermique et des cycles de la batterie, des moyens de simulation… « La batterie de la FE n’est pas très éloignée de celle de la ZOE, reconnaît Axel Plasse. Renault Sport et Renault travaillent d’ailleurs à la conception d’une batterie commune pour 2019, quand le règlement ouvrira la possibilité de se différencier sur les batteries. » La coopération n’avait jamais été aussi loin.

optimiser les pneus, les batteries, la sécuritéMichelin, lui aussi, a vu les possibilités offertes par la FE.

Les pneus doivent avoir une forte adhérence pour maintenir la voiture dans les virages, mais présenter une faible résistance au roulement pour consommer un minimum d’énergie. Un vrai défi. Le pneumaticien a proposé aux organisateurs de la course que les pneus soient plus hauts et plus étroits que ceux de F1. « Avec des dimensions plus proches de la série, le transfert technologique sera plus rapide », promet Pascal Couasnon. La FE n’est pas dénuée d’intérêt non plus pour EDF, partenaire technique de la FIA. Le groupe homo-logue les batteries et audite les circuits, notamment la charge dans les stands : « Sur les batteries, nous réalisons des essais abusifs qui vont au-delà des conditions normales, comme des charges et décharges extrêmement rapides, des sollicitations fortes, détaille Bernard Salha, le directeur R & D d’EDF. En

Les voitures embarquent plusieurs centaines de connecteurs, et les constructeurs font la chasse au moindre gramme ! De plus, ils veulent des produits que l’on peut mettre et enlever facilement, comme sur le volant. »

Pour nombre de petits fournisseurs, l’expérience du sport auto est une carte de visite qui ouvre des portes. « Travailler en F1 ou en FE nous a permis de nous développer dans le ferroviaire, les télécoms, la défense, car les clients savent que nous pouvons répondre à des exigences élevées », affirme Pierre Robert-Patterson, responsable commercial chez Bright-loop, un fabricant de cartes d’alimentations électriques com-municantes (5 millions d’euros de chiffre d’affaires), à Lannion (Côtes-d’Armor). Afin de pouvoir réaliser deux à trois nouvelles pièces de fonderie chaque semaine pour le sport, le moto-riste Danielson Engineering (13 millions d’euros de chiffre d’affaires) a développé un procédé de fonderie par dépression. « Nous pouvons sortir une pièce bonne dès la première coulée. Cela intéresse l’aéronautique », explique Bernard Delaporte, le PDG de cette entreprise, à Magny-Cours (Nièvre).

transferts d’expérienceLes constructeurs généralistes cherchent à améliorer les

transferts d’expérience entre le sport et la série. « Nous avons des points de rendez-vous réguliers avec les ingénieurs de Renault », explique Axel Plasse de Renault Sport. Trente-cinq techniciens de la marque au losange sont détachés pour trois ans sur l’activité sport, et des salariés de Viry-Châtillon (Essonne), où sont conçus les moteurs de course, sont immer-gés dans le Technocentre de Guyancourt (Yvelines). « Ces échanges ont augmenté », reconnaît Axel Plasse. Dix ingé-nieurs Nissan sont arrivés le mois dernier à Viry-Châtillon et à Enstone (Angleterre), où Renault fabrique ses châssis. Le directeur du bureau d’études de Renault Sport, qui avait déjà fait un séjour en 2007 chez Renault pour mettre au point la dernière génération de moteurs de série, s’apprête à retourner au Technocentre pour développer un moteur de série haute performance.

Chez PSA, les interactions sont tout aussi régulières. Pour le projet FE, des maîtres-experts en chaîne de traction électrique de Citroën apportent leur soutien dans les choix techniques. Les responsables des divisions sport auto sont impliqués dans le développement de nouveaux véhicules dès le départ, « sur-tout quand ils font l’objet de déclinaisons sportives, comme les 208 et 308 GTi », détaille Jean-Marc Finot. « Tous ces échanges sont formalisés dans un comité de pilotage qui a lieu trois fois par an, indique Pascal Couasnon, chez Michelin. On y partage les tâches et les résultats. Il n’est pas rare qu’un ingénieur de série travaille à mi-temps pour la course et inversement. »

« C’est bénéfique de remettre dans la production de série des ingénieurs ou des mécaniciens passés par la course. Ils ont l’habitude d’aller vite, de se concentrer sur l’essentiel », analyse Bernard Niclot, de la FIA. La compétition, enfin, peut être un moyen de détecter les futurs cadres de l’industrie automobile parmi les jeunes passionnés. Reste à les extraire de leur passion, ce qui n’est pas gagné d’avance ! ❚❚

suite De notre enquête P. 36

la jante amovible Inventée par Michelin, elle se compose d’une jante sur laquelle est monté le pneumatique gonflé et que l’on fixe sur une fausse jante reliée à la roue. Cette innovation a permis à Renault de remporter le premier Grand Prix de l’Automobile Club de France (ACF) en 1906.

le revêtement goudronné Le premier Grand Prix de l’ACF, en 1906, a été l’occasion de tester un nouveau revêtement associant plusieurs procédés (goudronnage, vialitage, silicatage et gravillonnage). Ce revêtement a ensuite été appliqué au Mans, sur la ligne droite des Hunaudières, en 1922.

le phare antibrouillard En 1926, le constructeur français Lorraine-Dietrich aligne au départ des 24 Heures du Mans une voiture équipée d’un phare additionnel à iode. Surnommé le « cyclope », ce phare est utilisé l’année suivante par Porsche et Ford, avant d’être généralisé aux véhicules de série.

les freins à disques Ils ont été lancés par Jaguar en 1953, sur sa barquette Type C. Ainsi équipée, la voiture truste cette année-là les deux premières places du podium des 24 Heures du Mans.

l’abs La Jensen FF est la première voiture à avoir été équipée, en 1966, lors d’une course, du système anti-blocage des roues, issu de l’aviation. Il faudra attendre 1978, et la mise au point par Bosch d’un ABS électronique, pour voir la technologie utilisée sur un véhicule de série, la Classe S de Mercedes.

la boîte de vitesses séquentielle C’est l’une des options les plus prisées par les conducteurs qui veulent retrouver les sensations de la course sur une voiture de série. Conçu pour la compétition, le système est devenu un standard en course. Sa première apparition eut lieu en 1989, à bord d’une Ferrari 640.

l’ers Utilisé en F1 depuis 2014, le système de récupération d’énergie récupère la chaleur dégagée par les pots d’échappement et la transforme en électricité, alimentant la batterie. Faurecia a annoncé préparer son équivalent pour la série, le Thermo-electric generator, prévu pour 2020.

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Bernard Niclot, le directeur technique de la Fédération internationale de l’automobile, explique comment certaines technologies développées pour les circuits, à l’instar des moteurs de Formule E, feront partie du véhicule de demain.ProPos recueillis Par Patrick Déniel et FréDéric Parisot

entretien

« servir l’automobile Du xxie siècle »

Formule 1. Il ne pensait pas qu’on puisse avoir un moteur aussi puissant et aussi énergétique dans un volume aussi petit. Voilà typiquement ce que peut apporter la Formule E : c’est en poussant la technologie dans ses derniers retran-chements que l’on apprend. Travailler en course permet de se décaler par rapport à la vision du véhicule classique. Cela permet aussi de travailler vite et de voir rapidement si une idée est valable ou pas.

Quelle est votre stratégie pour développer la Formule e ?Nous voulons que les voitures aillent un peu plus vite,

qu’elles soient plus puissantes, que la course soit plus spec-taculaire, et nous voulons augmenter fortement l’autonomie des batteries. L’un des intérêts de la Formule E sera de montrer les progrès qui ont été réalisés en quelques années. Aujourd’hui, on utilise deux voitures pour faire une course. Bientôt, nous n’en utiliserons plus qu’une : cela veut dire qu’on aura doublé l’autonomie. Nous avons voulu attirer les équipes avec une voiture unique pour que toutes les écuries soient au même niveau. Durant la première saison, c’est le pilotage et la capacité des équipes à exploiter et gérer une énergie limitée qui a fait la différence. Cette saison, nous avons introduit des possibilités de différenciation, qui vont aller croissantes, notamment sur le moteur et la boîte de vitesse. L’innovation est permise dans le cadre du règlement. Certains constructeurs s’impliquent déjà davantage : Jaguar, DS, Renault, Audi et Volkswagen, et d’autres s’intéressent… Concernant les batteries, pour des questions de coûts, nous avons choisi, en accord avec le promoteur et les équipes, de rester sur une batterie unique. Mais dans cinq ou six ans, nous ouvrirons le règlement et chacun pourra venir avec sa chimie, ses astuces pour mieux la piloter. ❚❚

les règlements que vous édictez laissent-ils une place à l’innovation ?

Cela dépend des championnats. Certains sont orientés pour laisser une part à la technologie, comme la Formule 1 avec les moteurs hybrides, aujourd’hui les plus efficaces en termes énergétiques. C’est aussi le cas du championnat du monde d’endurance du type 24 Heures du Mans et des catégories de voitures qui y courent, comme les LMP2 [Le Mans Prototype 2, ndlr], où différents types de motorisations sont possibles : essence, diesel, batteries… Cela permet aux constructeurs de montrer qu’ils sont les meilleurs. Ce n’est pas inutile pour la production en grande série. C’est le cas de la Formule élec-trique, conçue pour promouvoir ce type de motorisation qui fera partie du futur de l’automobile. Il est donc naturel d’avoir un championnat qui pousse au maximum cette technologie. Notre idée, c’est que le sport automobile doit servir ce que sera l’automobile au xxIe siècle. À la fin du xIxe siècle, tous les grands créateurs d’automobiles étaient impliqués dans le sport. Les frères Renault couraient, les frères Michelin ont fait le Paris-Bordeaux en 1895 avec la première voiture au monde équipée de pneus… Les innovations ont fleuri dans le sport et se sont diffusées à la voiture de route : le rétroviseur, les phares antibrouillard, le pneu démontable, les freins à disque…

le sport a-t-il toujours cette vertu ?J’ai cette conviction. On le voit moins car, quand on regarde

une voiture de course, ça ne ressemble pas du tout à ce que l’on conduit. Comment est-il possible que ce soit utile ? L’ingénieur se rend, lui, rapidement compte de la capacité de certaines technologies. J’ai travaillé à l’innovation chez PSA, il y a quelques années. J’avais un collègue qui s’occupait des voitures hybrides. Il avait été bluffé de voir les Kers [kinetic energy recovery systems, ou systèmes de récupération de l’énergie cinétique] que Magneti Marelli développait pour la pa

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5. Chez Danielson, opérations de finition sur les culasses qui sortent de l’atelier de fonderie. 6. sodemo est le fournisseur unique des volants de Formule 4.

1. Mygale enchaîne les victoires et les contrats avec sa Formule 4. 2. Chez oAK Racing, ce moteur v8 va être installé sur la voiture d’endurance lMP3. 3. oreca prépare les moteurs en partant des blocs de série. 4. Derniers réglages avant la course de Formula student pour les étudiants de l’isat de nevers.

Le circuit de Nevers Magny-Cours abrite une grappe de PME du sport auto qui ont su se diversifier après la crise. Les projets se multiplient au sein du pôle, qui attire des industriels d’autres secteurs.à neveRs, FRéDéRiC PARisot

RePoRtAge

viRAge gAgnAnt PouR les PMe De MAgny-CouRs

fait craindre le pire pour Magny-Cours. Mais aujourd’hui, le circuit nivernais affiche un taux d’utilisation record : entre les essais des constructeurs, les sessions organisées par les écoles de pilotage, les événements gérés par des clubs d’amateurs et bien sûr les championnats officiels (auto et moto), la piste est occupée près de 300 jours par an. Le bâti-ment principal a gagné un étage, l’an dernier, pour accueillir toujours plus de visiteurs.

Diversification réussieLes 32 PME du Pôle Performance Nevers Magny-Cours

(PPNMC) se portent bien. La plupart, toutefois, ont frôlé la catastrophe après la crise qui a touché le secteur automo-bile fin 2008. De gros contrats avaient été annulés du jour au lendemain. Depuis, la diversification tient lieu de mot d’ordre. Mygale a fait le choix, en 2010, de se lancer dans la sous-traitance. Le constructeur réalise tous les arceaux de sécurité des Clio Cup de Renault. Diversification encore chez Oreca, qui organise des événements sportifs et a mis en place une école de pilotage. Diversification toujours chez les motoristes, qui n’ont pas hésité à voir au-delà du sport auto. Sodemo (30 salariés pour 2,3 millions d’euros de chiffre d’affaires) s’est ouvert au monde aéronautique. Ce spécialiste de la préparation moteur propose désormais un kit pour avions légers qui améliore les performances et réduit les consommations. Danielson Engineering adresse, lui aussi, l’aéronautique avec son moteur diesel Trident spé-cialement conçu pour les drones. Même la soufflerie d’ACE (Aero concept engineering), qui avait été créée par Alain Prost pour les besoins de son écurie, travaille aujourd’hui pour de nombreux secteurs comme le ferroviaire, l’aéronautique, les machines militaires et agricole ou encore le bâtiment.

En parallèle, le regroupement de toutes ces entreprises au sein de l’association du Pôle Performance a donné naissance à des projets communs. Dans le sport auto avec la Noao, une sportive électrique avec moteur d’appoint pour prolonger l’autonomie. Dans l’aéronautique également, avec un projet de drone qui associe le motoriste Danielson, le constructeur Onroak Automotive et la soufflerie d’ACE. Grâce à ces nom-breux projets lancés tous azimuts, les PME se sont redressées et peuvent désormais penser à l’avenir. Un projet d’extension est en cours chez Danielson Engineering, qui construit un atelier de fonderie. Onroak Automotive s’apprête à accueillir l’un de ses fournisseurs, l’Italien HP Composites (repris par Jacques Nicolet, le fondateur d’Onroak), qui réalise les coques en carbone de ses voitures. « Nous avons créé une organisation cohérente qui porte ses fruits et le Pôle s’apprête à franchir un nouveau cap », confirme Guillaume Maillard, le président de Sodemo et du Pôle Performance.

Une phase de commercialisation vient tout juste de s’ache-ver et le pôle doublera sa superficie. Des terrains ont déjà été viabilisés pour accueillir de nouvelles entreprises de l’automobile… et de l’aéronautique. Magny-Cours ne per-dra pas sa spécialisation dans la compétition automobile, car les compétences des PME du sport auto intéressent les industriels d’autres filières. ❚❚

L a saison 2016 commence… Aux abords du circuit de Nevers Magny-Cours (Nièvre), dans cette zone industrielle qui offre la plus grande concentration de

PME du sport automobile en France, c’est l’effervescence. Chez les fournisseurs de pièces détachées, comme Danielson Engi-neering (120 salariés, 13 millions d’euros de chiffre d’affaires), les soudeurs enchaînent les châssis, tandis que vilebrequins, arbres à cames et culasses sortent sans interruption des centres d’usinage. Chez le motoriste Oreca (200 salariés, 60 millions d’euros de chiffre d’affaires), les techniciens s’affairent à ins-taller les kits de modification qui transformeront des moteurs de série en bêtes de course. Dans l’un des boxes de cet atelier aux murs et au carrelage blancs, comme on n’en trouve que chez les orfèvres de la mécanique, des blocs diesel 2 litres deviennent des moteurs à essence de 600 chevaux qui seront utilisés dans des championnats de rallycross.

Les fabricants de voitures de course ont, eux aussi, des carnets de commande bien remplis. Onroak Automotive (25 personnes, 5,7 millions d’euros de chiffre d’affaires), spécialiste des modèles d’endurance, doit composer avec le

succès de sa Ligier JS P3 présentée l’an passé aux 24 Heures du Mans. « Nous avions prévu cinq commandes en 2015, nous en avons reçu 35 », se félicite Benoît Bagur, le direc-teur du site de Magny-Cours. L’industriel a réorganisé son atelier pour accélérer la cadence, il monte désormais ces voitures d’endurance par série de quatre. Même sentiment d’urgence chez Mygale (42 salariés, 7,1 millions d’euros de chiffre d’affaires). Le constructeur de monoplaces est l’un des trois industriels homologués pour la fabrication des Formule 4. Il a gagné des contrats d’exclusivité avec de grands pays comme la Chine, l’Australie, le Canada et même le Royaume-Uni, terre de sport auto s’il en est. « Nous allons livrer la 140e Formule 4. Nous en avons encore 47 en com-mande, cela nous promet quelques nuits blanches », souligne Estelle Decoster, la directrice des ressources humaines, de la communication et des affaires juridiques.

Où que l’on se trouve dans la zone, les rugissements des voitures parviennent du circuit situé en surplomb. Un bruit de fond qui confère au lieu une ambiance particulière. L’arrêt du Grand Prix de France de Formule 1, en 2008, a FR

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« nous voulons porter les retombées

économiques locales des activités

du circuit de 115 à 140 millions d’euros. »

Pierre Fillon, président de l’Automobile Club de l’Ouest (ACO)

l’écurie Dams, retirée de l’endurance, est située à quelques kilomètres du circuit, à Ruaudin.

sur le Technoparc,

onroak assemble des

prototypes pour

l’endurance.

L’Automobile Club du Mans, gestionnaire du circuit des 24 Heures, veut s’ouvrir à l’industrie et au grand public, avec les projets d’une troisième piste et d’un parc à thème autour de l’automobile du futur.Au MAns, PATRick Déniel

RePoRTAge

le MAns viT Au RyThMe De son ciRcuiT

Aco cherche à maximiser

le taux d’utilisation

des deux pistes du circuit.

camions, Le Mans Classic, Grand Prix de France de motos…), afin de maximiser le taux d’utilisation de ses deux circuits : Bugatti (4,2 km) et Maison Blanche (2,8 km). Aujourd’hui, les deux pistes sont réservées un an à l’avance.

Un indéniable succès, mais un obstacle pour le tissu indus-triel qui a du mal à se développer. Adossé au circuit Bugatti, le Technoparc, créé par François Fillon – le frère aîné de Pierre, lui aussi amateur de course – lorsqu’il était le président du conseil départemental, a pour vocation d’accueillir sur 30 hectares des entreprises à la pointe dans le sport auto. Fer de lance, l’écurie OakRacing, qui a développé Onroak Automotive, spécialiste de la fabrication de prototypes. Retenu par ACO et la FIA pour fabriquer les prototypes d’endurance LMP2 et LMP3, qu’il commercialise sous les marques Ligier et Morgan, le groupe emploie près de 60 personnes sur place.

public, organisé autour des thématiques du patrimoine, de la sécurité et de l’innovation technologique, avec en ligne de mire une automobile zéro émission en 2030. « On se déplacera sur le circuit en véhicule autonome », imagine déjà le patron d’ACO, qui veut associer les grands constructeurs à ce projet prévu en trois tranches, dont la première (un investissement de 15 à 20 millions d’euros) ouvrirait en 2019. L’objectif est d’accueillir 1 million de visiteurs sur le circuit en 2020 autour de la thématique auto au sens large.

Le projet permettrait peut-être d’impliquer davantage les industriels locaux. La Sarthe est une terre d’automobile, deuxième industrie du département derrière l’agroalimen-taire : Gruau est originaire du Mans, Renault y possède une usine de châssis, GKN fabrique des transmissions à Arnage, de même que NTN à Allones, Valeo est implanté à Sablé… Au total, un tissu de près de 700 acteurs et 40 000 emplois. Mais peu associés à la marche du circuit. Une troisième piste, actuellement à l’étude, pourrait contribuer à resser-rer les liens avec l’industrie automobile en lui offrant une possibilité de tester des innovations pour les véhicules de route. Et cela dégagerait davantage de disponibilités de roulage pour le pôle industriel sportif. Pierre Fillon voudrait accueillir sur le Technoparc des start-up du numérique « et pourquoi pas un fabricant de voitures autonomes pour Le Mans Resort »… ❚❚

L es motos filent dans la ligne droite face aux pad-docks où l’effervescence règne. Une journée d’essais se termine sur le circuit du Mans. En bord de piste,

le siège de l’Automobile Club de l’Ouest (ACO), l’association qui gère le circuit et les 24 Heures du Mans, se vide douce-ment de ses 160 employés. L’agglomération et ses environs vivent au rythme du circuit et notamment des mythiques 24 Heures auto. Avec ses époques fastes et ses coups durs, au gré de l’engagement ou du retrait des constructeurs de la compétition. La crise du secteur automobile ces dernières années a pesé lourd. « La course auto marche par cycles, explique Pierre Fillon, le président d’ACO depuis 2012. Quand les 24 Heures allaient mal, ACO allait mal. Une seule course dans l’année, cela ne suffit plus. » L’activité de l’association ne peut plus dépendre à 80 % de cette course, comme c’était le cas il y a quelques années. « Nous voulons descendre en dessous des 50 % », affirme Pierre Fillon.

Des pistes réservées un an à l’avancePour assurer sa pérennité, ACO a entrepris une diversi-

fication tous azimuts. L’association organise trois séries de courses d’endurance sur trois continents (États-Unis, Europe, Asie) et depuis 2012 le Championnat du monde d’endurance (WEC), avec la Fédération internationale de l’automobile (FIA). Cela permet aux constructeurs présents dans l’endurance (Porsche, Toyota, Audi, Ferrari…) de mieux amortir leur investissement et de promouvoir leurs marques sur de nouveaux territoires. ACO fait figure de grosse PME, avec 50 millions d’euros de chiffre d’affaires, plus 30 mil-lions d’euros pour la filiale de 25 personnes qui gère les championnats du monde. Les retombées économiques locales de ses activités sont estimées à 115 millions d’euros et 2 500 équivalents temps plein. « Nous voulons les porter à 140 millions d’euros », annonce Pierre Fillon. L’association a multiplié les épreuves (24 Heures pour les motos, les karts, les

« Nous avons au total une soixantaine de véhicules qui roulent dans le monde, se félicite Jacques Nicolet, le patron du groupe, qui regrette le difficile accès à la piste man-celle. Nous produisons nos voitures ici, mais réalisons le déverminage à Magny-Cours, où le circuit est plus facile d’accès. Et il y a là-bas un pôle technologique qui n’existe pas vraiment ici. » Le Technoparc du Mans abritait plusieurs écuries de course qui ont mis la clé sous la porte, notamment celle de Luc Alphand et celle d’Henri Pescarolo. Il accueille aujourd’hui l’Auto Sport Academy, une école de formation de pilotes et de mécaniciens ; l’atelier Courage Classic, qui entretient d’anciens véhicules de course pour les refaire courir ; des sociétés d’ingénierie ; mais aussi l’Institut de l’automobile du Mans (IAM), un cluster auto qui compte 136 adhérents et qui offre des moyens de calcul intensif et de simulation.

Attirer un million de visiteurs en 2020On y trouve également Mondial Assistance et la SNCF qui a

installé un centre de formation des mécaniciens… Pas vraiment le but initial. « Le projet ambitieux était de faire du Techno-parc un centre de recherche pour attirer les ingénieurs et les constructeurs, mais il n’est pas allé à son terme », regrette Pierre Fillon, qui veut redynamiser le site avec un projet dont le nom de code est Le Mans Resort. Un parcours pour le grand PA

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