LUCIO FONTANA 15 Octobre 1987 - 11 Janvier 1988 · LUCIO FONTANA 15 Octobre 1987 - 11 Janvier 1988...

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LUCIO FONTANA 15 Octobre 1987 - 11 Janvier 1988 Ample rétrospective de Lucia Fontana, cette exposition regroupe plus de 150 oeuvres et dessins s'échelonnant sur toute la carrière de l'artiste,depuis sa première oeuvre conservée,Nudo, de 1926 à sa mort en 1968. Né en Argentine et naturalisé italien, Fontana a vécu l'essentiel de sa carrière en Italie où il a, sa vie durant, dominé la scène artistique .Perpétuel inventeur,théoricien mais surtout rassembleur, il a partagé toutes les préoccupations artistiques de son temps, sans toutefois renoncer à ses prédilections personnelles. Ainsi il fut l'un des principaux représentants de la modernité européenne : initiateur des recherches abstraites en Italie en 1931, les sculptures de grès qu'il réalise en 1936 anticipent l'art informel ; fondateur du Mouvement Spatialiste en 1947, il prône l'emploi de matériaux technologiques nouveaux tel le néon qu'il utilise dans ses Ambiente spaziali ; précurseurs des Environnements, enfin la même année ses Concetti spaziali, tableaux perforés, l'inscrivaient au titre des Avant -Gardes, parmi les artistes les plus radicaux de notre siècle ; cependant qu'il restait le héraut d'une tradition du faire, basée sur le goût de la matière et des couleurs, principalement dans son importante production sculptée. L'ensemble des oeuvres réunies ne néglige aucun des aspects du travail de Fontana : la sculpture, la céramique, les dessins, souvent méconnus y tiennent une place considérable et les réalisations monumentales comme l'oeuvre religieuse seront évoquées ; trois des principales Ambiente spaziale, l'Ambiente nero de 1949, l'Ambiente nero de 1967, et le grand néon créé en 1951 pour la IXème Triennale de Milan seront également présentées à cette occasion . On prendra ainsi la mesure de l'importance de l'artiste comme de la diversité de son oeuvre, sensibles déjà au travers de la collection du Musée national d'art moderne constituée autour d'un don important de l'épouse de l'artiste, Madame Teresita Fontana .

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LUCIO FONTANA

15 Octobre 1987 - 11 Janvier 1988

Ample rétrospective de Lucia Fontana, cette exposition regroupeplus de 150 oeuvres et dessins s'échelonnant sur toute lacarrière de l'artiste,depuis sa première oeuvre conservée,Nudo,

de 1926 à sa mort en 1968.

Né en Argentine et naturalisé italien, Fontana a vécu l'essentielde sa carrière en Italie où il a, sa vie durant, dominé la scèneartistique .Perpétuel inventeur,théoricien mais surtout

rassembleur, il a partagé toutes les préoccupations artistiquesde son temps, sans toutefois renoncer à ses prédilectionspersonnelles.

Ainsi il fut l'un des principaux représentants de la modernitéeuropéenne : initiateur des recherches abstraites en Italie en1931, les sculptures de grès qu'il réalise en 1936 anticipent l'artinformel ; fondateur du Mouvement Spatialiste en 1947, il prônel'emploi de matériaux technologiques nouveaux tel le néon qu'ilutilise dans ses Ambiente spaziali ; précurseurs desEnvironnements, enfin la même année ses Concetti spaziali,tableaux perforés, l'inscrivaient au titre des Avant -Gardes,parmi les artistes les plus radicaux de notre siècle ; cependant

qu'il restait le héraut d'une tradition du faire, basée sur legoût de la matière et des couleurs, principalement dans sonimportante production sculptée.

L'ensemble des oeuvres réunies ne néglige aucun des aspects dutravail de Fontana : la sculpture, la céramique, lesdessins, souvent méconnus y tiennent une place considérable etles réalisations monumentales comme l'oeuvre religieuse seront

évoquées ; trois des principales Ambiente spaziale, l'Ambiente nerode 1949, l'Ambiente nero de 1967, et le grand néon créé en 1951pour la IXème Triennale de Milan seront également présentées àcette occasion . On prendra ainsi la mesure de l'importance del'artiste comme de la diversité de son oeuvre, sensibles déjà autravers de la collection du Musée national d'art moderne constituéeautour d'un don important de l'épouse de l'artiste, MadameTeresita Fontana .

Reconnu aujourd'hui comme l'une des grandes figures du XX èmesiècle, Fontana s'est trop souvent trouvé réduit par desclassements sommaires . Il était indispensable d'ouvrir de nouvellesperspectives sur une oeuvre qui, à l'instar du véritable sentimentmoderne, épuise les notions même du goût, de l'Avant-Garde ou de latradition.

L'ampleur de l'exposition ainsi que la volonté de n'en pasdissocier le contenu a nécessité que tout le 3e étage lui soitexceptionnellement dévolu . La Fondation Caixa de Pensions deBarcelone ainsi que le Stedelijk Museum d'Amsterdam s'associerontà cet hommage et présenteront ensuite cette manifestation.

Le catalogue, de 460 pages s'inscrit dans la collection des"Classiques du XX ème siècle" . Il réunit des textes inédits et unvaste corpus documentaire assorti de dossiers qui analysent lesrapports de Lucio Fontana avec la création de son temps et avec lavie artistique de l'Italie et de l'Argentine . Il constitue à luiseul une somme inédite jamais réunis.

En novembre le cinéma du Musée présentera un choix de films et deprojections sur l'oeuvre de Fontana . Plusieurs rencontres et débatscompléteront cet événement .

LUCIO FONTANA

DU 15 OCTOBRE 1987 AU 11 JANVIER 1988

o

ENTREE :3ème ETAGE

MUSEE NATIONAL D'ART MODERNE

LUCIO *FONTANA

15 Octobre 1987 - 11 Janvier 1988

Ample rétrospective de Lucio Fontana, cette exposition regroupeplus de 150 oeuvres et dessins s'échelonnant sur toute lacarrière de l'artiste,depuis sa première oeuvre conservée,Nudo,de 1926 à sa mort en 1968.

Né en Argentine et naturalisé italien, Fontana a vécu l'essentielde sa carrière en Italie où il a, sa vie durant, dominé la scèneartistique .Perpétuel inventeur,théoricien mais surtoutrassembleur, il a partagé toutes les préoccupations artistiquesde son temps, sans toutefois renoncer à ses prédilectionspersonnelles.

Ainsi il fut l'un des principaux représentants de la modernitéeuropéenne : initiateur des recherches abstraites en Italie en1931, les sculptures de grès qu'il réalise en 1936 anticipent l'artinformel ; fondateur du Mouvement Spatialiste en 1947, il prônel'emploi de matériaux technologiques nouveaux tel le néon qu'ilutilise dans ses Ambiente spaziali ; précurseurs desEnvironnements, enrin la même année ses Concetti spaziali,tableaux perforés, l'inscrivaient au titre des Avant -Gardes,parmi les artistes les plus radicaux de notre siècle ; cependantqu'il restait le héraut d'une tradition du faire, basée sur legoût de la matière et des couleurs, principalement dans sonimportante production sculptée.

L'ensemble des oeuvres réunies ne néglige aucun des aspects dutravail de Fontana : la sculpture, la céramique, lesdessins, souvent méconnus y tiennent une place considérable etles réalisations monumentales comme l'oeuvre religieuse serontévoquées ; trois des principales Ambiente spaziale, l'Ambiente nerode 1949, l'Ambiente nero de 1967, et le grand néon créé en 1951pour la IXème Triennale de Milan seront également présentées àcette occasion . On prendra ainsi la mesure de l'importance del'artiste comme de la diversité de son oeuvre, sensibles déjà autravers de la collection du Musée national d'art moderne constituéeautour d'un don important de l'épouse de l'artiste, MadameTeresita Fontana .

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Reconnu aujourd'hui comme l'une des grandes figures du XX èmesiècle, Fontana s'est trop souvent trouvé réduit par desclassements sommaires . Il .était indispensable d'ouvrir de nouvellesperspectives sur une oeuvre qui, à l'instar du véritable sentimentmoderne, épuise les notions mème du goût, de l'Avant-Garde ou de latradition.

L'ampleur de l'exposition ainsi que la volonté de n'en pas

dissocier le contenu a nécessité que tout le 3e étage lui soitexceptionnellement dévolu . La Fondation Caixa de Pensions deBarcelone ainsi que le Stedelijk Museum d'Amsterdam s'associerontà cet hommage et présenteront ensuite cette manifestation.

Le catalogue, de 460 pages s'inscrit dans la collection des"Classiques du XX ème siècle" . Il réunit des textes inédits et unvaste corpus documentaire assorti de dossiers qui analysent lesrapports de Lucio Fontana avec la création de son temps et avec la

vie artistique de l'Italie et de l'Argentine . Il constitue à luiseul une somme inédite jamais réunis .

LUCIO FONTANA

1899-1968

BIOGRAPHIE

Né à Rosario de Santa Fe (Argentine) le 19 février1899.•Son père est un sculpteur milanais et sa mèreoriginaire d'Argentine.

1905

Vient avec'son père à Milan, où il fréquentera en1914-1915 l'école des martres constructeurs del'institut technique Carlo Cattaneo.

1917-1918

Participe à la Première Guerre mondiale où il est

blessé.1922-1926 Retourne à Rosario de Santa Fe où il ouvre en 1924

son propre atelier de sculpture . Participe au salonNexus en 1926.

1928

De retour à Milan, il s'inscrit à l'Académie desbeaux-arts de Brera et suit les cours du sculpteursymboliste Adolfo Wildt.

1930

Première exposition personnelle à Milan, Galleriadel Milione . Participe à la Biennale de Venise.

1931

Réalise de nombreux reliefs en terre cuite, ainsi

que des tablettes en ciment portant des signes gravés1933

Participe à la Triennale de Milan.1935

Avec Fausto Melotti et le groupe des abstraitsitaliens, rejoint le mouvement Abstraction-Créationà Paris.

1936

Travaille comme céramiste à Albisola dans lamanufacture de Tullio Mazotti.

1937

Réalise des céramiques au grand feu à la manufacturede Sèvres . Première exposition personnelle decéramiques à la galerie Jeanne Bucher, Paris, où ilrencontre Miro, Tzara, Brancusi.

1940

Retourne en Argentine où il travaille surtout àBuenos Aires jusqu'en 1946.

1942

Premier prix de sculpture au 32éme Salon national

des beaux-arts de Buenos Aires.

1946

Organise à Buenos Aires l'académie privée d'Altamira

Publication du Manifiesto blanco élaboré par desétudiants et des Jeunes artistes . Fontana, qui ajoué un rôle important dans sa conception, ne le

signe pas.1947-1948

Revient à Milan . Co-signe en 1947 le premier

manifeste spatial (Evolutions et ambiancesspatiales) et en 1948 le second Manifeste spatial.

1949

Environnement spatial à la Galleria del Naviglio,

Milan . Commence ses expériences sur les Buchi (lestrous).

1950

Troisième manifeste spatial.

1951

Présente son Manifesto tecnico à l'occasion de la

triennale de Milan.1952 Premier prix ex aequo avec L . Minguzzi au concours

pour la cinquième porte de la cathédrale de Milan.

Publication du Manifesto del movimento spaziale perla televisione.

1954

Premiers Gessi (craies).

1956

Commence les Inchiostri (encres) en aniline,comportant quelquefois des collages et/ou des trous.

1958

Premiers Tagli (entailles) dans des peintures de la

série des Inchiostri . Exposition personnelle à la

XXIXéme Biennale de Venise.

1959

Série des Quanta . Commence à Albisola lessculptures en terre cuite du cycle Nature.

1960-1961

Série des Olii, grandes peintures à l'huileprésentées à l'exposition "Arte e contemplazione",

Palazzo Grassi, Venise . Il se rend à New-York où ilconçoit un cyclb consacré à la métropole américaine

d'abord en peinture, puis, après son retour à Milan,en Metalli, tôles de métal gravées, coupées ettrouées.

1962

Première exposition dans un musée à Leverkusen(rétrospective).

1964

Début des Teatrini (petits theàtres).

1965-1967

Environnement spatial dans le cadre de la rétro-spective au Walker Art Center de Minneapolis (1966),puis en 1967 trois environnements à Amsterdam,

Foligno et Gènes.

1968

S'installe à Comabbio où il meurt le 7 septembre.

Biographie extraite dir catalogueQu'est-ce que la sculpture moderne?

ed. Centre Georges Pompidou, 1986

BIBLIOGRAPHIE

Guido Ballo, Lucio Fontana, Idea per un ritratto , Turin . 1970

Enrico Crispolti et Jan van der Mark, Lucio Fontana, 2vol . Bruxelles,

La Connaissance, 1974Milan Palazzo Reale, Lucio Fontana, 19 avril-2ljui n 1972

Lucio Fontana, a Retrospective, The Solomon R . Guggenheim Museum,

New-York, 19/1Varese, Muser civici di Varese, Villa Mirabello, Lucio Fontana-Mostra

antologica,mai-oct, 1985

Enrico-Crispolti, Lucio Fontana, Catalogo generale, Milan, Electa,

1986

L'héliotropeBernard Blistène

Qui s'attache à considérer l'ensemble de l'exégèseconsacrée à l'oeuvre de Lucio Fontana prend acte, nonsans quelque dépit, de la difficulté d'en juger.Tantôt l'historien veut reconnaître une figure signifi-

cative de l'Italie du xx^ siècle «en mal d'un besoin d'ex-périmentation commun .à tous» . Tantôt Fontana In-

carne, faute d'autres mots, la figure contradictoiredont l'aspect essentiellement sculptural de ses

oeuvres avant les .premiers «buchi» de 1949 est pro-

prement négligé . Rares sont ceux qui, à l'instard'Edoardo PerSico qui publie une première mono-

graphie sur l'artiste en 1936, savent reconnaître

l'ambition du projet : «sa conscience critique»'.Quelques années plus tard, Duilio Morosini remarqueque Fontana éprouve «la nécessité immédiate et dif-fuse mais bel et bien continuelle de s'immerger dansles courants les plus opposés afin de donner librecours à une expérience quotidienne» 2 . Plus près de

nous encore, Nello Ponente sait ajouter : «Il a aboli les

limi-tes entre matière et matière, entre structure composi-tionnelle plastique et structure composi-

tionnelle .picturaie . »3 Et c'est sans doute le subtil AI-

berto Boatto qui, en 1960, alors que l'aspect le plusemblématique de l'ceuvre de Fontana est apparu,pressent, ce qui avait permis à l'artiste de se libérerdes contraintes de l'histoire : «C'est la liberté e tl'ironie de Fontana que de vouloir avant tout humilier lamatière, la matière et son poids, sa nécessité, sescontraintes .» 4Si tous s'accordent ainsi sur la dimension hétérodoxede l'ceuvre, s'ils reconnaissent en Fontana une figurecontraire à tout hermétisme et véritablement à la libredisposition d'elle-même, il est alors certain que celuiqui tente un classement se trouve pris au dépourvu.

Fontana a, il est vrai, élaboré une oeuvre «convenue»

qu'on aura trop vite rangée du côté de l'académismetant elle semble liée à l'étude de ses maîtres etconforme aux modèles de l'histoire . Parmi eux Wildt, le

professeur de la Brera dont le nom évoque on ne saittrop quel Flaxman fasciné par une Italie aux prises avecson passé, et Arturo Martini, bien que le projet de celui-ci soit certes, dans les années trente, plus Intrigant quecelui des épigones de De Chirico et d'une Metafisica

que son instigateur a lui-même habilement désertée.Fontana sera, d'autre part, l'une des seules figures auxprises avec les conflits du modernisme et de la moder-

nité dont l'oeuvre ne répudiera pas la commande . Toutau contraire, II s'y adaptera, y répondra sur des modesqui laissent bien entendre qu'au-delà du •goût desinfluences- 5 , il préfère très vite le goût du jeu . Qu'onregarde, à une seule année d'intervalle, le réduction-

nisme délibérément abstrait, né du débat européen surle constructivisme, du tombeau Bestetti au cimetièrede Comabbio (C. 34 Sc 28) et te Christ en bronze vertet or du tombeau Castellottl (C . 35 Sc 3) au Cimetière

monumental de Milan : d'un côté, cette -logique du mo-nument» à laquelle Rosalind Krauss, dans une lecturehistoriciste qui est celle du modernisme, assigne lafonction de la sculpture de ce siècle . De l'autre,

l'absence de toute commémoration, une érosion, ren-voyées dos à dos . «Le goût des Influences», mais

encore la volonté de ne renier aucune proposition etd'aller, jusque dans les nombreuses commandes reli-gieuses, lui délibérément laïque, du côté d'une remise

en Jeu de l'ceuvre et de sa destination.Certes, L'Aurige (C . 28 Sc 12), Sommeil (C . 29 Sc 3),la Femme blessée (C . 44 Sc 1) sont bien le gage d'unerelation toujours entretenue avec le modèle, entre réa-lisme et naturalisme, la convention de l'esthétique.Certes encore il y a ces sujets primés, ces archétypesémotifs, ces effigies glorieuses ou larmoyantes qui sontautant de permanences stables nées de la statuaireplus que de la sculpture, un attachement diffus ausymbolisme, comme au début du siècle, les futuristesaussi en entretenaient . Mals Fontana ne dit jamaiscourir deux lièvres à la fois . . . Jamais il ne distingueentre ses productions, Jamais il n'évoque les aspectsmatériels de la commande, les concours et leur officia-lisation nécessaire . L'artiste répond à tout . Au pointqu'il ne peut être question d'opérer un classement thé-matique puisque le sujet s'engouffre peu ou prou danss'on exécution . Plus qu'il n'assimile, Fontana liquide . IIliquide dans cette prolifération, dans cette capacité àtout être et à être partout ce modèle polymorphe etgénial dont la production envahissante est à elle seulele siècle et ses contradictions : Picasso.Aussi, devant pareille diversité, la critique embarrasséetente de trouver un ordre et elle échoue. Prise au dé-pourvu, elle parle alors d'expériences, tente d'ins-taurer une hiérarchie des genres là où Fontana lui-

même tente de l'abolir : la production céramique consi-dérable et déterminante qu'Il réalise sera ainsi du côtédu bibelot, quand Fontana y voit le moyen d'exorciserles contraintes de la matière . D'un côté, le matériauclassique, son savoir et sa symbolique (le bronze, lapierre), inerte, de l'autre la matière jusqu'à cette pro-

jection figurée dans l'espace au point de la disparitionenfin possible de l'oeuvre en ' tant qu'objet, puisque«l'art restera éternel en tant que geste mais mourracomme matière»6 .

Tout cela réfute donc la chronologie . L'organisationd'une exposition ou la conception d'un catalogue rai-

sonné exhaustif (au demeurant infaisable) se trouve

bien* en* peine d'inscrire l'ceuvre dans une projectioncalquée sur le modèle moderniste allant de la figuration

à l'abstraction ou, comme c'est la mode aujourd'hui,de l'abstraction à la figuration qui, selon le mot de

Persico, était devenue «arbitraire» pour Fontana dès1935 .

Avec lui, c'est ainsi l'édifice qui vacille . Faut-il alors

parler de retour au métier devant le Harponneur ou bienencore de réalisme, que sais-je? de tous les classe-ments que les meilleures oeuvres rendant à la fois ca-duques et dérisoires? 'Si certaines datations restentaujourd'hui encore Improbables - telles celles du mêmeHarponneur ou de la Femme assise ou encore de telsdessins parodiant au même moment le suprématismede Malevitcki, et l'historicisme de De Chirico - c'est queFontana, délibérément, se prête au caprice et qu'Il enfait un genre à même de ruiner les chemins obligés . Auplus, se risquerait-on à dire avec Giullo Carlo Arganqu'il s'agit là d' .élégance futile'.' et qu'alors «les scul-ptures abstraites ne sont certainement pas des scul-ptures- . Ici encore, Il convient de relire le texte de Per-sico•qui à bien des égards fait figure de prophète ; ci-tant Gioll en 1936, Il affirme que «ceux qui s'entêtent àconsidérer cette forme de sculpture comme Insolite - lecritique faisait allusion au dilemme du public : est-ce dela sculpture ou bien de la peinture? - pensent que leurInquiétude est Justement la même que celle qui envahitl'artiste« s .Ainsi, l'éclectisme dénoncé n'est pas tant une incer-titude qu'une méthode pour liquider ce qui n'existequ'au regard du modèle de l'histoire . L'espace danslequel Fontana agit et qu'Il agite, à l'instar de celui desfuturistes qui bien après les années trente le fascinentencore, est polymorphe . Et ce ne sont pas tant lesformes diverses de son oeuvre que la nécessité quenous pouvons avoir de faire perdurer un quelconqueclassement que nous devons interroger.II nous faut donc admettre que Fontana ne se trouvepas là où on le cherche . II y a là de la «terra Incognita«.Cependant, il est clair que l'ceuvre n'aurait pas l'impor-tance qu'elle occupe sans le geste Inaugural des pre-miers «buchi• de 1949 et bien sûr des premiers «tagli•

de 1958 qui, à bien des égards, deviendront l'emblèmede toute l'ceuvre au même titre que le dripping,contemporain, le sera de Pollock, qu'au demeurantFontana contredit . Où chercher Fontana? Et n'a-t-1ipas pàti du fait que son oeuvre entière a été longtemps

réduite à la radicalité de son geste, à l'absolu de cette' entaille, tant de fois répétée qu'elle a lassé certains etque d'autres l'ont affublée de toutes les critiques pourdénoncer ce qu'Ils n'ont pas su voir comme une répéti-tion consciente?Ce geste qui n'est plus sur la peinture mals dans lapeinture a ceci d'incoercible qu'il n'est plus addition ousoustraction, et qu'à lui seul il Invalide les analyses dela déconstruction . Ce geste, à proprement parler, neconnaît pas de mot qui le désigne dans la grammairedes styles existante. C'est à ce double titre qu'il estd'abord une fin et un commencement . Et l'assimilation

de l'ceuvre entière de Fontana à cette coupure estd'autant plus facile (ou séduisante pour qui veut s'endébarrasser) que la construction même de la modernité

repose sur l'Idée de coupure.Voilà, Fontana aurait donné une figure épistémologiqueà l'Idée même de coupure . Cela serait trop beau . Pourqu'il y ait rupture, Il suffisait de prendre le mot à la lettreet d'achever dans la béance de la toile le discours sanscesse différé sur la déconstruction . En violant le sup-port dans son intégrité bien que, obstinément, «plus leslacérations sont nombreuses et plus la surface revientet la superficie reste- 9, Fontana objectivait le projet fu-

turiste qui avait fait écrire à Marinetti (avant qu'il nes'égare à Berlin dans les années trente) «A vous les

pioches., sans que pour autant jamais il ne les prenne.

Pourtant, dans cette histoire des ruptures qui senuance tant bien que mal au fil du temps, dans cette

tradition de la rupture qui devient l 'apanage des mo-dernes, on invoque aisément Les Demoisellesd'Avignon, Formes uniques de la continuité dansl'espace,le Carré blanc, le ready-made, le dripping, lemonochrome, autant de sauts dans l'inconnu . Maispersonne n'évoque la première entaille . Pourquoi cettehistoire-là s'en passe-t-elle?

L'artiste certes nous a mis en garde contre les dénomi-nations . Tout au plus s'est-il laissé séduire par la ren-contre de deux mots contradictoires qui allaient de-venir la marque quasi systématique de chacune de sesoeuvres : Concetto spazlale . Et nous avons discuté destraductionstpossibles sans savoir s'II fallait distingueravec soin (s'agit-il de soin?), comme tente de le faire le

catalogue raisonné, les coupures des entailles, lestrous des fentes qui sont, comme le remarque FanetteRoche-Pézard, revenant Inlassablement au Manifiestoblanco, d'abord «une conscience matérielle« 10 . Pour-quoi vouloir donner forme et sens à ce que l'artistelui-même veut Informe et Insensé? Pourquoi nommerce qui, somme toute, n'est qu'un moyen d'entrouvrir?Fontana redit que la toile est d'abord là, non pas pource qu'elle figure, mais pour désigner ce par où l'onpeut voir. II se veut le voyant . La toile lacérée désignel'infini . Elle le rend manifeste.

Cette coupure - appelons-la ainsi - cette «fissurecentrale et archéologique• qu'évoque ailleurs Foucaultface à l'aporie de notre savoir, dans laquelle Fontana

s'enfonce, invite non seulement à repenser la fracturede l'espace pictural mals est encore -la première visite(qui) sera la plus profonde, la plus ténébreuse, la plusdéfinitive qu'il accomplira jamais ." . Aussi minimise-t-on le reste.Que sont alors ces sédiments, ces résidus que l'histo-rien classe comme l'archéologue classe les tessonsd'un champ de fouilles? Que sont, au regard de cettehistoire dans laquelle Fontana navigue, ses structuresqui se modifient au gré du spectateur et qu'il appelle,toujours fasciné par une science qui le séduit par sa

dimension énigmatique et Irréversible, les Quanta?Que sont encore ses céramiques dont on conviendraque, loin d'être prises pour un exercice décoratif, elles

constituent pour l'artiste une introspection tactile de lamatière? Que sont ses Nature de terre culte impru-demment fondues en bronze? Que sont bien sûr .sesAmbienti, dont Fontana lui-même reconnaît l'impor-tance lorsqûe dans la célèbre lettre publiée par Guldo

Ballo, il affirme : «Ce milieu spatial me donne la sensa-tion exacte d'une découverte, aujourd'hui Il me reste'un doute terrible . .,« 12

Fontana lui-même assume l'apparence du disparate.Plus, il le revendique et le prouve en se faisant volon-tiers photographier entouré des aspects les plus diffé-rents de son oeuvre, pour que celui qui doute qu'il s'agitdu même homme comprenne qu'il s'agit là d'une mobi-

lité requise et Impénitente . II y a là cette esthétique dudivers dont parle Segalen devant l'exotisme . Mieux,Fontana est cet «exote- et sa vie est le point où levoyage tient !leu d'origine, à la recherche de ce que lesgrands navigateurs appelaient le «cinquième monde».

La conscience du tropisme.II sait que le moderne ne saurait encore exister quedans l'hétérodoxie plus que dans la poursuite d'unmodèle unique, mais il distingue poursuite et recher-che . La diversité des modes et des genres, des sujets

et des styles, est en fait pour lui la seule possibilité derompre avec le passé . Ce passé qu'il sollicite, il ne lequête pas comme Ernesto De Flori ou Arturo Martini, àla recherche d'une doxa perdue, attachés à ce que seperpétue un modèle unique dont ils se veulent, eux,les détenteurs et les garants

Quoi de plus clair alors qu'il incarne, en ces années deretour que sont pour la plupart celles de l'entre-deux-guerres, l'utopie - utopela t3 , l'autre lieu - des années àvenir, et que le modèle ne se trouve plus dès lors donsle passé mals rejeté dans le futur? N'est-ce pas parceque l'ceuvre elle-même est constitution d'un langagequ'elle réfute ainsi les mots de la langue?L'art de Fontana est un lexique ouvert où toute mise enordre se heurte à autant de «naissances latentes» . Lestextes de l'artiste, ses lettres, ses assertions n'éludentpas grand-chose. Fontana parfois ne les a pas écrits,ne les a que signés . Il, se tient à distance des groupes,ne saurait s'y corifôndre . Chaque phrase, chaqueconférence est pourtant une prophétie dont l'originemessianique et déclamatoire rappelle le modèle futu-riste ou toute autre déclaration d'intention que l'on écritpour mreux la réfuter . La critique a souvent analysé lesrelations qui s'établissent inéluctablement entre le futu-risme, le spatialisme et Fontana . Boccioni l'a certescaptivé, Comme lui, Il s'est évadé du symbolisme.Comme lui, il a toujours été fasciné par les étoiles deDante'" . La structure même des manifestes et desécrits fontanlens semble souvent l'écho des écrits futu-ristes . Bien sûr, il est facile de reprendre bon nombredes assertions de Boccioni ou de Marinetti, «l'espacen'existe plus», «le dynamisme universel détruit la maté-rialité des corps», que sais-Je encore? Le «doublerayonnement de l'infini intérieur et de l'infini extérieur» t5opère toujours . Que dire aussi du «noyau central» dontparle le Manifeste technique de la sculpture futuriste?Que dire de certains titres de la peinture de Boccionicomme Materia?Et, comme le suggère Fanette Roche-Pézard à proposdu futurisme, ne peut-on pas tenter d'examiner la tech-nique fontanienne «sous l'angle non plus du choix de lacouleur mals de son maniement»? 1eL'abîme des entailles, « tagli» et autres «buchi», outre laviolence contenue du geste, n'est-il pas aussi compa-rable au Manifeste technique de la sculpture futuristeselon lequel l'antagonisme des forces préconise qu'on«ouvre la figure comme une fenêtre et qu'on enfermeen elle le milieu où elle vit»? Fontana, sans nul doute,se préoccupe de «ce qui s'agite au-delà desépaisseurs»".De fait, voilà bien une pratique empirique et «aléatoire».Voilà bien une oeuvre qui, malgré les apparences, n'apas de programme écrit . On discute encore aujourd'huide la paternité des concepts : pourquoi le premier ma-nifeste Cerait-il blanco? Pourquoi le spatialisme?Quelles distinctions opérer réellement entre les motsde «concept» et de «milieu»? N'y a-t-il pas là la volontéd'une après-guerre de se situer au-delà des attitudesphilosophiques et esthétiques dominantes, surréalismeou' existentialisme? N'y a-t-il pas la fascination pourquelques écrits violents comme le Manifeste dufuturisme sur lequel reposent l'idéologie et les contra-dictions du modernisme en Italie comme reposent surles Valori Plastici les contradictions de l'académisme?Aussi nous faut-il bien convenir avec Fanette Roche-Pézard de l'écart existant entre «le programme officielde Fontana et les oeuvres qu'Il produit, entre le nomina-lisme pseudo-rationnel qui préside au choix même dumot "spatialisme- et l'élaboration de faits plastiques Ir-réductibles à une simple formule» . Si l'énoncé resteflou, sl Fontana hésite et semble parfois contradictoire,c'est qu'aussi, il agit en poète à même de s'en aller«trafiquer dans l'inconnu».Ici encore, la pratique de l'art serait, en un moment oùles concepts de révolution, nouveau, avant-garde ontun sens qu'Ils semblent aujourd'hui avoir perdu, ce queThierry De Duve désigne comme l'«hypostase symbo-

lique des droits de l'homme»' s . Fontana et les spatia-listes sont fidèles à l'exigence de progrès, conscientscomme le dit ailleurs Jean-François Lyotard, dans cetemps irréversible, «qu'Il faut bien enchaîner».'Et il est sûr qu'Archipenko, Maillol, Zadkine, Brancusi,Despiau, Laurens, l'art abstrait de l'Italie des annéestrente sont autant de modèles auxquels il faut seconfronter pour mieux les maîtriser, autant de travaux,d'essais, de brassages techniques et pratiques qu'Ilfaut posséder. pour s'en défaire . Aussi, si Fontana faitpartie des avant-gardes, nous faut-il regarder la pre-mière partie de son oeuvre comme liée à une séried'abandons . Cela était sa tâche. Avec eux et par eux,Fontana se défait des cloisonnements de la figurationet de l'abstraction, dé la peinture et de la sculpture, du«dessin et de l'antidessln» pour cerner les rapportsentre matière, espace et temps, selon le voeu qu'expri-mait déjà le Manifiesto blanco : «La matière se mani-feste de.manière totale et éternelle en se développantdans le temps et l'espace.» 19 Le spatialisme est ainsi Iciet maintenant, non pas un rêve, le vécu . . . Et c'estparce qu'il est le vécu, ce que Fontana appelle «la valo-risation du transitoire, du dynamique» qu'il est encore«évolutif» . Il n'est pas d'états stables et certaines desoeuvres de la période 1947-1949 qu'a analysées Fa-nette Roche-Pézard traduisent bien cet état chan-geant, celte reconnaissance Indéfectible et inimitablede l' « impensé».II ne suffit plus dès lors de savoir faire un buste, de faireun inventaire quasi systématique du modernisme,d'être en fin de compte plus virtuose que n'importequel autre, d'aller du labeur à l'indifférence, du métierau dédain, de l'achevé au bâclé . L'exigence de l'ceuvrene passe pas tant par la possession de ce savoir quepar la possibilité de s'en débarrasser . L'ceuvre de Fon-tana trouve sa vérité dans les renoncements successifsqui lut font rejoindre l'«espace du dedans» . Est-ce pourcela que le geste se fait toujours plus libre et pluspressé? Est-ce pour cela que Fontana traduit avec tou-jours plus d :insistance ce projet «où la vitesse cède laplace à l'accélération» et renvoie finalement l'entreprisefuturiste à l'échec pour n'avoir su qu'agir sur l'espacesans pour autant le traverser?

De l'écho des premières oeuvres des années 1926 quinous sont parvenues aux sculptures de fer arach-néennes, de l'écriture cursive des tablettes gravées augeste dans la matière en lisière des oeuvres des annéessoixante où la signature devient graphisme, la main deFontana se relâche, s'abandonne . Elle se fait«volante» 20 . L'écriture même de l'artiste et sa signaturedeviennent difficilement lisible, se confondent auxsignes et Idéogrammes que le poinçon trace dané lamatière . Antidessln mals antl-écriture . 21 Comme si letemps pressait, comme s'il fallait à la fois dire quel'écriture telle qu'elle existe ne suffit plus et que l'inter-stice entre ce que l'on a à dire et ce que l'on écrit secreuse toujours davantage . Fontana manque detemps mais ne veut pas manquer l'espace.Dans cet «écart entre le recul dans le passé et le loin-tain dans l'espace' ',qu e' désigne Segalen pour distin-guer historicisme et exotisme, il se peut _que l'expres-sion la plus simple dont la presse fait le titre d'un articlelors de la réalisation dé l'Amblente spazlale de la Gal-Ioda del Navigllo en 1948 soit moins dérisoire qu'Il n ' yparaît et que Fontana, héliotrope, ait, au propre commeau figuré, «toccato la lune» 22 .

NOTES1Edoardo Persico, Lucia Fontana,Milan, Campo gralico,1936.2Duilio Morosini, Lucia Fonlana,Milan, ed . di Correnle, 1940.-Nella necessilà lmmediata orillessa, ma conlinuamenle alliva,dell'immerslone nelle più opposlecorrenti corne nel gioco dellaquolidiana esperlenza-.3Nello Ponente, -Lucia Fontana-,L'esperienza modern, n' 5, Rome,mars 1959 . -Ha abofito I Iimili Iramaterlaa e materia, ha.slrutluracomposiliva plaslica e strulturacomposiliva piitorica-.4Alberta Boatlo, -Libertà diFontana-, Tacculno delle arll,rr» 55, Rome, juin 1960 . -E lalibera et l'ironla di Fontana corneprima costante condizioneumlliano la materia, la materia quia peso, necessilà, coslrizione-.5Edoardo Persico, Tulle le opere,édition réalisée par A. Veronesi,Milan, ed. di Comonilà,1964,p. 190, cité par Joie de Sanna,dans -Espace-ligure et espace-concepl, les années trente», Infra.N'est-ce pas ainsi qu'il nous lautaujourd'hui considérer la plupartdes écrits autour du spatialisme etde Fontana? Fanelle Roche-Pézarda noté habilemenl que, lors de apublication du manifeste de 1909,Marinetti avait opté pour la formedu manllesle : -Le climat ainsi crééne saurait être celui de la clartéInlellecluelle, un discours

. ,organisé, mais celui de l'animationphysique, de la compétition et dujeu» (Fanetle Roche-Pézard,L'Aventure futuriste, 1909-1916,Rome, Ecole Irançaise de Rome,1983, pp. 62-63).6Spallalisles I, reproduit dans leprésent catalogue avec les autresmanilesles et écrits théoriques.7Giulio Caria Argan, Le anal, lévrier1939. L'assertion de G.C . Argan seretrouve en quelque sone,dansl'intéressante préface quetavirenceAlloway écrivit pour le catalogue del'exposition new-yorkaise deFontana à ta Martha JacksonGallery, en 1961 . On y lit entreautres ççes lignes : -Un aspect deson acf vité limite est que sesoeuvres von! souvent du côté del'élégance. C'est un prolongementde la liberté de l'artiste dans undomaine inattendu, et en mêmetemps, un pari dangereux, unrisque qui minimise l'emphase, demême que sa technique minimise

• la pureté du moyen d'expression.Ce qui se passe, c'est quel'élégance même devient lyrique etambiguë ; dans le même ordred'Idées, Mallarmé Iul rédacteurd'une revue de mode .» Ce lexie,outre les problèmes de l'accueil del'oeuvre de Fontana aux Elals-Unis,pose la question de ce qui, dansbien des cas, peut nous apparaître-limite- . Fontana a, il est vrai,manipulé consciemment, plus quebeaucoup d'autres, le kitsch et seseffets parasites dans denombreuses oeuvres . Cet aspect del'oeuvre que le -bon goût- évite estaujourd'hui l'un des plusnécessaires pour comprendre sadimension moderne .

8Edoardo Persico, Lucio Fontana,Milan, Campo grafico, 1936. -Legalle che s'Imbarazza del giudiziodi queste forme di scullurainconsuea - II crilico alludeva aldilemna del publico : è scullura opillura7- pensl chez la suainquietudine è proprio la stessache invade l'anisa.-9Guida Ballo, Luclo Fontana, Ideaper un ritraitq, Turin, Ille, 1970 . Leparallèle, de fait, s'impose avec lafonction même du monochrometelle qu'Yves Klein la définit lui-même à la lin des annéescinquante : «Je peignais dessurfaces monochromes pour voir,de mes yeux voir, ce que l'absoluavait de visible [. ..) J@,me suissenll, m'imprégnantvolumélriquemenl, hors de Joulesproporllons et dimensions dans letout [ .. .) L'authentique qualité du

'tableau, son -être- même, une loiscréé, se trouve au-delà du visibledans la sensibilité picturale àl'état de matière première» (LeDépassement de la problématiquede l'art, Mons, 1959) . Il s'imposeaussi avec les membres du groupeallemand Zero, parmi lesquelsGanter Uecker. Faut-ii rappeler queFontana est l'un des très raresartistes de sa génération à avoirentretenu un lien constant avec lajeune génération de l'après-guerre? L'Intéressante expositiondu Stedelijk Museum d'Amsterdam •intitulée «Nul Negenlienhon derdVijf en Zeslig- (15 avril-8 juin1965) met ainsi en parallèlel'activité de ligures Indépendantes,parmi lesquelles Arman, Fontana,Haacke, Klein, Manzoni ou Solo, etcelle des groupes Zero, Nul, T ouGulai . Dans le catalogue, Fontanacol çonsidéré comme l'un des-pionniers» et le'-mentor- de lanouvelle génération . La consciencepolitique et Idéologique duManilieslo blanco est en quelquesorte comparable aux Idéauxsociaux panesthéliques du groupeZero.10Fanetle Roche-Pézard; -Matière,espace, temps : Fontana de 1947à 1949, Arl et Idéologies,III' Colloque dhiiioué de l'anconlemporaln, Sainl,dienne,C.I.E.R.E .C .,1978, p.217: '11Ibid ., p. 215.12Guldo Balla, ap. cil, p . 248.13

4.

Alain Bor, UnsieurRimbaud sedisant négociant, -La ferre et lespierres-, Paris, Lachenal et Ailler,1983-1984.14Fanelle Roche-Pézard, L'AventureIulurisle, op. cil Il est cependantnécessaire de remarquer iciqu'outre la distinction qui, de fait,srimpose entre deux contextesdifférents, l'oeuvre de Fontana etcelle de certains futuristes dontBoccioni et Marinetti présententdes divergences évidentes. Tant surle fond que sur la forme, lesfuturistes, les avenlristes russes,mais encore bon nombred'iconoclastes réclament autournant du siècle que l'on-prenne le sabre-, Léon Werlh àpropos de Barrès (cllé par FanelleRoche-Pézard : «Les littérateurs

veulent un sabre»). Fontana, quantà lui, prélère distinguer entreviolence et force . La dimensionchthonienne son oeuvre ne doitpas faire oublier qu'elle prend toutesa lorce dans le passage à l'actequ'elle ose opérer.15Panetle Roche-Pézard, L'AventureIulurisle, op . cil.16Ibid.17Ibid.18Thierry de Duve a récemmentdéveloppé ces thèmes tors d'uneconférence prononcée au CollègeInternational de philosophie . Outrela question de la raison et del'empirique, il y évoquel'-Improbable- du -règne destins- cher à Kant, l'»exigence duprogrès- et l'impérieuse nécessitéde «juger sans tin de la fin» . Entrela conscience du -tempsirréversible» que Jean-FrançoisLyoard souligne dans son ouvragesur La Condition post-moderne(Paris, Minuit), et le -Tu doischoisir» qui préside à l'analyse dece qu'il désigne chez Duchampcomme un -nominalismepictural-, Thierry de Duve élaboreune critique de la modernité et deses concepts régulateurs . CI.également Thierry de Duve,Nominalisme pictural, MarcelDuchamp, la peinture et lamodernité, Paris, Minuit, 1984.19Maniliesto blanco, 1946. Publié enArgentine, ce manifeste rappelle lavitalité des avant-gardes latino-américaines d'alors . Notre époquequi parle quotidiennement de-centre- et de -périphérie- tendtrop souvent à l'oublier.20Fanelle Roche-Pézard, «Fontanaou la main volante, essai surl'oeuvre graphique», infra.21Francesca De Barlolomeis, Segnoantidisegno di Luclo Fontana Turin,ed. d'arle Fralellf Pozzo, 1967.22On peul noter par ailleurs que lemanileste futuriste publié enIrançais par Marinetti en 1909 setermine ainsi : -Debout sur la cimedu monde, nous lançons encoreune lois un défi Insolent auxétoiles.» Le thème de la conquêtedes étoiles n'est certes paspasséiste, mals, comme le souligneencore Fanelle Roche-Pézard, c'estl'idée d'une -expansionuniverselle».

Texte publié dans le catalogue

Concept spatial

Toute l ' oeuvre de Fontana tourne autour

du concept d'espace . Dès 1951, il se fait

connaître par la publication d 'une série

de manifestes (Manifesti del spazialismo)qui reprennent dans une forme lyrique lesthèmes de la science et du progrès, déjàdéveloppés par les futuristes en 1909.Ce «spatialisme», dont le concept lui four-nira la plupart de ses titres, doit être entendulittéralement comme une célébration de

la conquête de l'espace et de la découvertede l'atome, comme un appel à une oeuvre

contemporaine et cosmique . A cette

composante «scientiste», il faut ajouterune autre dimension, héritée elle dusurréalisme, liée à la participation du corpset de l'inconscient . Fontana participe eneffet aux dernières expositions surréalistesà Paris . II y expose notamment unenvironnement à la lumière, noire, où levisiteur est invité à entrer dans une formeovoïde pour un voyage enveloppant

et cosmique .

Illusion / Incision

Les premiers «Concetti spaziali» (Concettospaziale 1952 et 1956) sont exactement,si on les regarde de loin, des représenta-tions illusionnistes de l'espace : on y voitun astronef rouge et bleu, flottant dansdes constellations d'étoiles . De près la vision

est tout autre, on repère à la surfacedu tableau des incrustations de verre jaune

et, à l'endroit des constellations, des trousde différentes grosseurs qui perforent lasurface de la toile . Les trous, les incisions

détournent le projet illusionniste du tableauet cela précisément à travers les signes(les étoiles, les comètes) qui ont pour but

de l'exalter . Fontana radicalise certaines

données de l'art «informel» . Chez lui la

gestualité - et la violence physique qu'elle

suppose - est poussée à son extrêmeconséquence puisqu'elle débouche surl'incision pure et simple de la toile . Cetteagression de la toile, qui se fend comme unepeau et suggère un simulacre sexuel, a étéinterprétée comme une attitude négative,inaugurant la «fin» du tableau . Ses dernières

oeuvres, qu'il appelle «Teatrini» (petits

théâtres) reprennent les données de sonparcours antérieur (les trous, la lumière etl'espace) et débouchent sur une esthétisation

extrême (Concetto spaziale 1965) .

JacquinN
Reproduction mauvaise qualité

FONTANA DANS LES COLLECTIONS

LISTE DES OEUVRES :

Concetto Spaziale,1974 (Scultura nera)Bronze - H .0,505 ;L.0,505 ;P .0,245Don Teresita Fontana au Musée national d'art moderne

Concetto Spaziale,1950Huile sur toile -H .0,81 ;L .1,00Au dos vers le centre signé et daté :L. Fontana Concetto Spaziale 1950Don Teresita Fontana

Concetto Spaziale,1951Huile et matériaux divers sur toile -H .0,60 ;L .0,70Signé et daté en bas à droite :L. Fontnana (19)51Don Teresita Fontana

Concetto Spaziale,1952Huile sur papier marouflé sur toile - H .0,80 ;L.O,80Au dos en bas à droite,intitulé signé et daté :Concetto Spaziale L . Fontana52Don TEresita Fontana

Concetto Spaziale 1956Huile et matériaux divers sur toile H .1,00 ;L.0,81Signé et daté en bas à droite :L .Fontana (19)56Don Teresita Fontana

Concetto Spaziale 1957Craies superposées et fixées sur toile -H .0,65 ;L.0,54Au dos signé ,daté et intitulé : L .Fontana/Concetto Spaziale 1957Don Teresita Fontana

Concetto Spaziale 1958Peinture vinyle sur toile -H .1,25 ;L .1,005Au dos signé et daté au centre :L. Fontana/Attese/anno 1958Don Teresita Fontana

Natura,1959-60terre cuite - Diam.68Achat du Centre Georges Pompidou

Concetto Spaziale 1960Huile sur toile,1960Huile sur toile -H.1,50 ;L.1,50Non signé, non datéAchat du Cnac GP

Concetto Spaziale 1965Peinture vinylique sur toile et bois laqué -H .2,00 ;L.2,00Non signé, non datéDon Alexandre Iolas au Musée national d'art moderne(Centre Georges Pompidou)

Concetto Spaziale,v .1965/66Huile sur toile et bois peint -H .1,07 ;L .1,07Non signé, non datéAchat de l'Eta

Un ensemble d'une quarantaine de dessinsDon Teresita Fontana

Six lacérations à même la couleurSevero SarduySilence

1 La tentation, quand on parle de Fontana, est de penser

déchirure, trous, lame, armes, violence . Tentation,parce qu'il s'agit *d'un contresens . La toile n'est trans-percée que pour dire l'être tendu de la toile ; le pan toutuni de couleur n'est fendu que pour exposer décidé-ment le rouge, le vert dont s'est vêtu l ' espace ; l'espacelui-même du tableau est mis en évidence par ce qui'Interrompt. La «signature- du peintre n'a d'autre objetque de souligner dans le visible la présence qui était làavant qu'il ne s'en mêle et qui sera encore là - encoreplus clairement là - après son passage.

C'est pourquoi aussi la peinture de Fontana est trèssilencieuse. Elle n'ajoute presque rien, son geste, lequalifierait-on de brutal, n'est qu'un faire-valoir . Etparce que sa pratique est surtout soustractive (ni re-présentation, ni nuances, ni effets de lumière. . .), ellen'appelle pas non plus beaucoup de discours.La question que l'on peut poser, c'est, une fois le gestecompris . la fente, le trou, était-ce la meilleure dé-marche pour exposer le pan de couleur muet étalé?Etait-ce la remontée la plus pure vers le silence dessources? La réponse tient sans doute dans les dates etl'histoire . Fontana, contemporain des gestes violentsdes trente premières années du siècle, lié aussi à lavéhémence de l'Amérique du Sud, leur a emprunté safaçon de s'effacer ; et n'a pas su se renouveler. Trenteans plus tard, Rothko dira à peu près là même chose,l'étendue, la couleur, le silence (avec la lumière en plus)dans un vocabulaire autremeit cohérent, dans un dis-cours qui ne laissera en aucun de ses points surgir,sous la tension, la brutalité ni la rumeur. Alors, Fontanan'apparaîtra plus que comme un passage. Car c'estRothko qui a su se vêtir d'espace et s'éclipser derrièrela couleur.

Le paradoxe étant que si le geste humain envahissaitI avec une insistance trop bruyante la toile de Fontana,!Rothko n'a pu s'effacer sans laisser ; lui, la place à Dieu.

Extrait du texte publié dans le catalogue

matériaux nouveaux et s'en tient cependant à unegamme des plus traditionnelles ; céramique, marbrebronze ou mosaïque . Alors que le métal, comme cetautre matériau moderne qu'est le néon, lui permet lesformes les plus libres, les plus graphiques . Ce rubandéroulé, tel un contre-relief devient tableau . La fente «acontrario», qu'il combine à une autre composition derubans métalliques dans le projet de tribune présiden-tielle pour la Foire de Milan de 1960 (non réalisé), té-moigne d'un nouveau rapport au mur et par suite àl'architecture, que Fontana entretient depuis les pre-mières expériences sur les «fentes» et les «milieux spa-tiaux» .F ,

t •JL'un des décors réalisés pour une commande privéediffère sensiblement de ceux déjà décrits et proposeune solution inédite, tant dans l'ceuvre décorative deFontana que dans sa production plastique, qui se situepourtant au plus près de ses expérimentations graphi-ques . Sur un plafond , réalisé en 1956 pour le restaurantde l'hôtel Del Golfo, dans l'île d'Elbe, Fontana trace undécor . Comme dans les dessins où la fente est la dé-chirure qui naît du graffiti, au stade ultime où le gestesec perfore le papier, cette trace restitue l'instantanéitédu geste{ .cursif, non plus transposé mais réel . Au plusprès des recherches informelles les plus radicalement«pauvres», ce décor s'apparente (sans analogie for-melle) aux «milieux spatiaux» où la relation à l'archi-tecture n'est pas l'apport d'une réponse de type déco-ratif à la sollicitation d'un architecte, mais une proposi-tion de l'artiste, qui introduit une recherche plastiquepersonnelle dans un contexte architectural .•[, .3

E • iLa démarche de Fontana n'est jamais aussi pragma-tique, ni aussi conceptuelle ou radicale qu'il y paraît . Aumoment et dans le lieu même où il réalise le «grandnéon», il aménage un plafond à lumière indirecte' oùson intervention se situe à mi-chemin entre le décord'intérieur et le «milieu spatial» . Le rapport s'établit làtrès clairement, dans ce plafond surbaissé, qui tient àla fois de la sculpture et de la gigantesque structured'éclairage, et dans ces formes amiboïdes, avecl'esthétique des créateurs de meubles des années cin-quante . Fontana réalise plusieurs plafonds qui ressor-tissent aussi directement au style et,aux recherchesdécoratives de l'époque, .

La quatrième dimension idéale de l'architectureCatherine Grenier

Polymorphe'et paradoxale, l'oeuvre de Fontana quioppose à une démarche rationnelle la figure incoerciblede son ambivalence, prévient toute tentative de déter-mination, sur quelque face et à quelque moment qu'onl'envisage . Cependant, sans qu'on puisse évoquer unvéritable caractère commun, toutes ses oeuvres, dufront le plus traditionnel au plus novateur et dans toutesles disciplines, révèlent un intérêt constant, impercep-tible au premier abord, pour l'architecture, avec la-quelle s'instaure un rapport privilégié • •].

. .] II noue des rela-tions d'amitié avec de nombreux architectes, qui don-neront lieu à de multiples échanges, et engage, au planmême de sa création, une réflexion sur la qualité archi-tecturale de l'art.Le rappôtt premier de Fontana avec l'architectures'inscrit dans le cadre conventionnel d'une collabora-tion entre architecte et sculpteur . Son oeuvre est liée.pour une part importante à la commande, qui l'oblige àcette coopération et lui suggère le décor de monu-ments commémoratifs, d'édifices civils et publics ou depavillons d ' exposition . ,

Cependant, dans une deuxième phase, la commandedevient le prétexte et l'instrument d'une transgressiondes limites de la sculpture et du tableau . Ainsi, dix ansplus tard, Fontana réalise des reliefs d'un ordre etd'Une esthétique tout différents . Inscrits véritablementdans le courant de ses recherches, ils témoignent d'undéveloppement singulier de ses réflexions surl'espace ; et leurs dimensions, inhabituelles dans uneoeuvre dont la facture est directement liée à l'échellephysique de la main du sculpteur, montrent l'applica-tion des théories spatialistes à un espace public.Contrairement aux premiers projets où Fontana répètele geste que son père, puis Wildt lui ont enseigné, lescommandes architecturales offrent pendant la périodespatialiste un terrain d ' expérimentation à ses concepts,avec le passage à une échelle où il imagine de les pro-jeter t' • •J

C. • Rares sont les projets oùFontana fait intervenir le métal, et c'est d'ailleurs unphénomène curieux pour un artiste qui débute dans lesannées vingt, comme pour un sculpteur des annéescinquante, spatialiste de surcroît, qui prône l'emploi de

i

Dans ses dernières années, l'artiste désormais mon-dialement reconnu réalise de nombreux «milieux spa-tiaux», parmi lesquels deux milieux dits ambientibianchi de nature particulière . Pour la première fois, ilintègre des oeuvres achevées, sur toile, dans unestructure architecturale, celle-ci servant de cadre pourles oeuvres en même temps qu'elle définit un parcourspour le visiteur . Ainsi, en .1966, il déploie en collabora-tion avec Carlo Scorpa, pour la Biennale de Venise, unesérie de «fentes» blanches, traduisant l'idée de rigueuret de pureté qu'il exprime'à maintes reprises durantcette période . Le mur porteur est ici réduit à unestructure «isoloir» portée et apportée par l'oeuvre . L'ar-chitecture ne bâtit pas mais ponctue, particularisel'oeuvre qui s'offre au regard dans un parcours pluridi-rectionnel . Cette mise en scène de l'oeuvre d'art parl'architecte amorce toutes les recherches qui aboutis-sent. dans les .années soixante-dix à spécifier l'espaced'exposition et à repenser dans ce cadre l'architectureen tant que lieu de représentation autant que de pré-sentation . Cette collaboration avec Scarpa prouveencore l'importance des avant-gardes architecturalespour Fontana, qui a toujours travaillé avec les archi-tectes porteurs des propositions les plus audacieuses.En 1936, Fontana réalise avec l'architecte Palanti ungroupe sculpté monumental pour la «salle de la Vic-toire» de la Vl e Triennale de Milan . L'on a souvent envi-sagé le rapport de l'artiste à l'architecture sous l'anglede ces collaborations des années trente, où nous levoyons installer une sculpture dans une architectureexpérimentale éphémère (ainsi la «casa del sabato pergli sposi» ou ta «villa-studio per un artlsta») . Cette fré-quentation de l'architecture, fruit d'une relation intimeavec les architectes italiens rationalistes (Pollini, Figini,Terragni et surtout Baldessari, avec lesquels il col-labore) et avec Edoardo Persico qui anime la revue Ca-sabella, organe de l'architecture rationaliste, est impor-tante pour Fontana mais ne l'amène pas,_ comme il lefera par la suite, à définir des formes spécifiquesd'intervention . Cependant la «salle de la Victoire», dontla fonction de 'célébration transforme l'implantationcomme l'importance relative de la sculpture dans l'ar-chitecture, suscite une collaboration plus étroite et uneforme singulière . Cet ensemble exemplaire de l'art fas -ciste inscrit une sculpture monumentale dans une salleà portiques, de structure orthogonale . Réutilisant uneoeuvre de terre cuite modelée quelques années aupara-vant, la Victoire prend pour assise un socle parallépi-pédique monumental, qui désigne l'architecturecomme bloc, socle et cadre où s'installe la sculpture.Cette notion d'installation et la surdimension du socle,qui tirent parti de la mise en scène et de la grandilo-quence de l'esthétique fasciste, recèle les germesd'une réflexion, moderne qui anticipe de nombreusespropositions .» • 1

Dans les manifestes, Fontana en réfère au baroquequand il retrace l'histoire de l'espace dans l'art.S'appuyant sur ces propos et sur l'aspect de certainesde ses oeuvres, de nombreux auteurs ont disserté sur lecaractère «baroque» de son travail et Enrico Crispolti,

dans le catalogue raisonné de l'oeuvre, va jusqu'à dé-finir un cycle de «barocchi» . Mais alors même que l'artbaroque est intimement lié à l'espace de l'architecture,Fontana n'exprime aucune vertu baroque là où le lienentre son oeuvre et l'architecture se fait le plus étroit.En fait, le rapprochement tient au mouvement et' au«désordre» imprimé à certaines compositions, et restepurement formel . II s'avère plutôt que le travail de Fon-tana (en particulier les «fentes») se prête beaucoup plusfructueusement à une étude référentielle sous l'éclai-rage du maniérisme. Après la guerre, on_reconsidèreles artistes maniéristes et un débat s'engage, notam-ment en Italie où une nouvelle édition des Vite de Vasariest publiée à Milan. ét où' les travaux d'Argan sur lesujet raniment le débat . Fontana n'a pu ignorer cetteréflexion si active au moment de son retourd'Argentine, c'est-à-dire pendant la phase d'élabora-tion duepatialisme . D'ailleurs, à partir de 1949, il in-titule Concetto spaziale toutes ses oeuvres, à l'excep-tion des «milieux spatiaux» . Or, -concerto» est unterme que Vasari applique à l'art de ses contempo-rains . Philippe Mauriès analyse ainsi l'esthétique ma-niériste : «Exacerbation de la forme, excès de style, so-phistication des couleurs, érotisme des images» . Et ilécrit que «toute la stylistique de ta manière se placesous un signe : celui de la contrainte opposée à lasurface des choses ; d'une nouvelle dramatisation dudehors et du dedans . Le maniérisme révèle en effet,par la négative en la contredisant, l'existence d'uneintériorité, d'un sens propre de la forme» 13 . L'oeuvre deFontana semble en résonance avec ces propos et sarelation à l'architecture, son rapport même au plafondqui est pourtant l'un des arguments majeurs de l'artbaroque, s'inscrivent à l'évidence dans la confrontationavec la surface décrite plus haut plutôt qu'ils n'évo-quent le «trompe-l'oeil » des décors plafonnants, toutentier conçu pour escamoter le plan . Le maniérisme,dit encore Mauriès, joue de la reprise d'une figure en un« jeu de même» : expression que chaque «taglio » , cha-que «buco» confirme, et qui incite à repenser l'a sérialitéde l'oeuvre de Fontana comme la transcription dethèmes choisis dans la peinture, le dessin, la sculpturecomme l'architecture&• 3Dans cette recherche, son rapport intime avec l'archi-tecture est à considérer comme un ferment . Au tour-nant des années quarante et cinquante, l'architectureest un art porteur d'innovation, qui élabore un vocabu-laire formel nouveau et donnera son style à la décennie.L'ordre rationaliste et fonctionnaliste s'infléchit, et le

. tracé sinueux, l'architecture «inspirée» s'imposent . En '1947, au Congrès international d'architecture moderne(CIAM), on met à l'ordre du jour la collaboration entrel'architecte, le peintre et le sculpteur, entamant unediscussion qui aboutira quelques années après, dansles milieux architecturaux, à considérer la «synthèsedes arts majeurs» comme l'instrument du renouveau.La théorie du spatialisme est animée du même souffle,et certains thèmes comme son caractère lyrique etspéculatif autorisent un rapprochement avec les pro-grammes idéalistes que Le Corbusier élabore au mêmemoment .[' ] Extraits du texte publié dans le catalogue

ontana où la main volanteessai sur l'oeuvre graphique)

Fanette RocheAllons-nous en conséquence donner au dessin de Fon-tana un statut esthétique égal à celui de sa peinture etde sa sculpture? Sans sous-estimer l'hypothèse, ilconvient pourtant de la réduire à de justes proportions.Sinon, comment rendre compte de tout le reste, quedire de cette énorme production sur papier (n'importequel papier, du papier Canson au papier à lettres, enpassant par le papier pelure) utilisant tous les moyens,crayon, plume, pinceau, stylo-bille, pastel, craie, encrede Chine, encres de couleur, aquarelle, gouache, et quireste dessin au sens traditionnel du terme? Il faut serendre à l'évidence : le genre, pour Fontana, n'est nicaduc, ni accessoire, encore que le rôle qu'il lui attribuedans l'ordre de son travail soit rien moins qu'évident.Ainsi, il a thésaurisé de façon surprenante, conservantcertains croquis dont on pourrait penser à première vuequ'ils sont de purs gribouillages, titrant, datant et si-gnant de sa main des dessins dont l'importance nouséchappe, laissant en suspens, sans la moindre docu-mentation, de petites merveilles qui accrochent magi-quemert le regard . Enfin, ce plasticien épris de théories'est bien gardé de faire une théorie du dessin (sinonpeut-être à bâtons rompus, au cours de conversationsavec des amis6), mais il a pris soin de nous aviser, parl'abondance de cette production, qu'elle est pour lui àla fois tout à fait vitale et sans aucune prétention . Fon-tana dessine comme il respire et ne s'interroge pas surcette nécessité ., l~. . 1 Fon-tana dessinateur possède à sa manière (qui ne visepas, nous le verrons, à fa perfection esthétique mais àl'efficacité) cette disponibilité envers l'impulsion créa-trice, cette sûreté du geste que recherchent pourd'autres fins les peintres d'encre ou les calligraphesd'Extrême-Orient, et que Johannes Itten voulait déve-lopper chez ses élèves du Bauhaus par l'exercice phy-sique et la concentration mentale 15 . D'où une série dedispositifs concrets, que Fontana adopte sans doutemoins par esprit de système que par intuition et . parplaisir, mais qui n'en ont pas moins pour effet de pré-server l'authenticité et la facilité de transmission entreson «subconscient» et la formation même de l'image.

Cela n'implique pas obligatoirement la vitesse dugeste, mais dans tous les cas son aisance et son na-turel . Il va sans dire que Fontana n'est pas le seul des-sinateur à utiliser ces procédés, mais il est sans doutele seul à les pousser, tous ensemble, aussi loin et avecautant de désinvolture, et ce pendant toute sa carrière .

La première de ces mesures, et la plus simple, estl'adoption quasi exclusive du dessin au trait . Cette pré-férence est peut-être favorisée par l'insouciance del'artiste vis-à-vis des distinctions traditionnelles entrefiguration et non-figuration 1B . Le dessin n'ayant paspour but à ses yeux de fixer les éléments du réel, ni decréer, parallèlement au réel, un monde abstrait deformes équilibrées et géométriques, il renonce volon-tiers aux procédés illusionnistes destinés à traduire lesvolumes ou la distinction des plans . Fontana n'ombrepas, ne noircit pas, n'estompe pas, hachure très peu,ne perd pas de temps, même dans ses croquis les plusconstruits, à tracer un trait rectiligne, à délimiter rigou-reusement une formel: •

•J Mais partout ailleurs, la fonction du trait estde glisser sans accroc, sans arrêt, épousant la moindre

inflexion d'une main infatigable . Ainsi, dès 1946, Fon-

tana s'empare d'un instrument fort modeste, qui com-mence une longue carrière internationale, et qui répond

à ses besoins : la pointe Bic, noire, rouge ou bleue ' 8 . Il

y a là un véritable engouement, qui pourrait passerpour une manie déplorable aux yeux des dessinateursclassiques ou des amateurs de calligraphie si Fontanane leur opposait, jusqu'aux dernières années de sa vie,des retours fréquents à la plume et au pinceau . Mais

plume et pinceau exigent un certain cérémonial, un en-crier ou un godet, une bonne installatibn, le 'calme de

l'atelier . En revanche, que d'avantages dans le stylo-bille! On peut l'emporter partout, il est autonome, il ne

tache pas, c'est à peine s'il dépose, ici ou là, le long dutrait, quelques menus empâtements, dont l'aspectfeutré s'accentue avec le mouvement lent, disparaît

avec le mouvement, rapide . Le stylo-bille file son traitsans rechigner jusqu'à l'épuisement complet ; on ne lui

demande pas d'être beau mais d'être pratique, alorsque la plume et l'encre peuvent se réserver des tracés

plus accidentés et plus passionnels . Enfin, la minceuren peu sèche du trait à la pointe Bic reste propor-tionnée au format généralement restreint du papier uti-

lisé par Fontana, ce qui préserve ces plages blanchesqui sont pour lui comme un substitut expérimental de

l'espace réel 19 .1 .

La main de Fontana est aé-rienne. C'est la relation dé l'oiseau au sol : même quandil se pose, il reste engagé dans l'espace qu'il va bientôtrejoindre . Ainsi, le geste de l'artiste plane au-dessus deson papier, qu'il utilise le plan horizontal de sa table ouun plan incliné . Bras allongé, coude et poignet souples,doigts dépliés et tenant l'instrument vers son milieu, ilparcourt la feuille d'un seul geste, sans autre point decontact avec elle que la pointe de la plume ou du stylo-bille et, parfois, pause impalpable dans ce survol, l'ex-trémité ou la tranche extérieure de.l'auriculaire 21 . Cetteattitude, familière sans doute à bien des dessinateursencore qu'on n'en parle jamais, lui permet toute sa vieune pratique spécifique du tracé linéaire, dont on com-prend, vu sa totale liberté, qu'elle ait pu être confondueavec certains aspects du dessin automatique. Une desconséquences du dessin à main levée est en effet lapossibilité, dont Fontana use plus que quiconque, dutrait ininterrompu . D'un trait qui se recoupe et se croiselui-même, sans aucun souci de vraisemblance des-criptive . Ainsi se forme une image dont il est impossiblede dire - dont il est sans intérêt de dire - qu'elle estfigurative ou abstraite : le trait ne s'arrête pas pourpasser d'un motif à un autre, d'une forme à une autre,ce qui accentue l'irréalité de l'ensemble en créant desliaisons graphiques là où, peut-être, on attendrait unvide, en reliant les surfaces par des parcours aventu-reux qui brouillent la structure.

L'irruption de l'écriture dans le dessin est le dernier desprocédés par lesquels Fontana maîtrise la relation entrele surgissement de l'idée et le geste qui la traduit . Letravail de l'écrit renforce, accompagne et parfois rem-place le travail graphique, et l'un comme l'autre, égale-ment efficaces, répondent au même rythme naturel.Rien n'empêche de croire d'ailleurs, bien que les té-moignages nous manquent (on ne voit ces particula-rités que si on les cherche), que la main de l'artiste estégalement capable de «décoller» lorsqu'il écrit de façonrapide et pour son propre usage .' '

Extraits du texte publié dans le catalogue

SOMMAIRE

1. TEXTES CRITIQUES INEDITS :

Bernard Ceysson - IntroductionBernard Blistène - Lucio Fontana et les avatars du modernismeSevero Sarduy - Six lacérations à même la couleurFanette Roche-Pezard - Fontana ou la main volante (essai sur l ' oeuvre graphique)Catherine Grenier - La quatrième dimension idéale de l'architecture

Remo Guideri - Europa OrizzontaleDenys Zacharopoulos ( . . .)Guido Ballo - Fontana 1987

2. DOSSIER DES OEUVRES :

Reproduction en couleur et en pleine page des 100 oeuvres exposées

3. LE SPATIALISME :

Giovanni Joppolo - Pour une lecture critique des manifestes et écrits théoriquesdu spatialisme

Manifestes et écrits théoriques : . Manifesto blanco. Spatialistes 1. Spatialistes 2. Note à Giampero Giani (Lucio Fontana). Proposition d'un règlement du mouvement spatial. Manifeste de l'art spatial. Nous continuons l'évolution des moyens dans l'art

(Lucio Fontana). Art spatial (Benjamino Joppolo). Manifeste du mouvement spatial pour la télévision

Annette Samec-Luciani - Le mouvement spatial (1946-1952)Giovanni Joppolo - Le spatialisme dans la mouvance des néo avant-gardes italienne

de l'après guerreMilena Milani - Carlo Cardazzo, Fontana et le spatialisme

12.FONTANA ET L'ART RELIGIEUX :

Giorgio Manganelli - L'ironia teologico di FontanaGiorgio Verzotti - Fontana et le sacréJoie de Sanna - Fontana et l'art italienDominique Liquois - Fontana, l ' Argentine et la modernité

13.APPAREIL CRITIQUE :

Biographie commentée et illustréeBibliographie commentée et illustrée

14.POST-FACE :

Lettre de Richard Tuttle sur FontanaLettre de Carlo Battaglia sur Fontana

PARUTION 13 OCTOBRE 87

LUCIO FONTANA

CLASSIQUES DU XXE SIECLE

Fondateur du Spatialisme, Lucio Fontana est encore inconnu du grand public.

Les Editions du Centre Pompidou entendent lui donner la place qu ' il mérite

en lui consacrant une monographie dans la collection "Classiques du XXe

siècle", à la suite de Pollock, Klein, de Kooning, Matta.

Né en Argentine en 1899, il s ' installe définitivement en Italie en 1947.

Après avoir subi les influences du Symbolisme, de l'Abstraction (déjà Marinetti,

en 1938, parle de ses "abstractions cosmiques"), il rédige le Manifiesto

Blanco en 1946 en Argentine, puis de nombreux manifestes et textes dans

lesquels il exprime sa volonté de développer son oeuvre en relation avec

l'environnement et le lieu.

On retrouvera tous les manifestes de Fontana et des textes critiques inédits

dans ce catalogue illustré de l'exposition du Musée national d'art méderne.

Information presse

Un volume de 420 pages

42 77 12 33

Format 28x28 cm

Marie-Christine Lemarchand

450 illustrations couleur450 ill . noir et blanc

poste 60 37

380 F

Florence Godfroidposte 48 33

LUCIO FONTANA

CLASSIQUES DU XXE SIECLE

Fondateur du Spatialisme, Lucio Fontana est encore inconnu du grand public.Les Editions du Centre Pompidou entendent lui donner la place qu'il mériteen lui consacrant une monographie dans la collection "Classiques du XXe siècle",à la suite de Pollock, Klein, de Kooning, Matta.On retrouvera tous les manifestes de Fontana et des textes critiques inéditsdans ce catalogue illustré de l'exposition du Musée National d'Art Moderne.

Un volume de 420 pages, format 28 x 28 cm,100 illustrations couleur, 450 illustrations noir et blanc, 380 F

Cet ouvrage sera vendu à la presse aux tarfis suivants :

- prix presse, sur place 228 F

- prix presse, par correspondance en France 250 F

- prix presse, par correspondance à l'étranger 226 F

Ce bon est à remettre à la Librairie du Centre Pompidou, au moment de l'achat.

Pour l'achat par correspondance, adresser ce bon aux Editions du Centre Pompidou,

service commercial, 75191 PARIS cedex 04, accompagné du règlement libellé à l'ordre

de l'Agent comptable du Centre Georges Pompidou.

NOM :

JOURNAL, RADIO, TV :

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PAYS :

Pour 1 exemplaire de "LUCIO FONTANA"

Pour obtenir le catalogue complet 87 et pour les commandes des collectivités,

écrire aux Editions du Centre Pompidou - Service commercial - 75191 PARIS cedex 04.

Information presse : Florence Godfroid42 77 12 33 poste 48 33