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L’oreille numérique Roland Carrat Vues nouvelles sur la perception des sons Extrait de la publication

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L’oreille numérique Roland Carrat

Vues nouvelles surla perception des sons

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L’OREILLENUMÉRIQUE

Vues nouvelles sur la perception des sons

Roland CarratLauréat de l’Académie Nationale de Médecine

Médecin Directeur Hon. Centre Régional d’Audiophonologie Infantile, Tours.

17, avenue du HoggarParc d’activité de Courtaboeuf, BP 112

91944 Les Ulis Cedex A, France

Mise en page : Exegraph

Imprimé en France

ISBN : 978-2-7598-0098-8

Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal.

© EDP Sciences 2009

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Table des matières

Préface ........................................................................................ 13

Revisiter le concept ...................................................................... 14Expérimenter. Modéliser ................................................................ 15La pesanteur des dogmes .............................................................. 16

Chapitre 1

Un organe mystérieux pendant de nombreux siècles ........ 19

L’Antiquité ................................................................................... 19La Renaissance ............................................................................ 22La période contemporaine et l’apport des mathématicienset des physiciens .......................................................................... 25

Chapitre 2

L’oreille : une énigmatique machine ..................................... 29

Un condensé sur la constitution de l’organe auditif .......................... 30Les voies auditives ........................................................................ 37Sur la mécanique du système de transmission ................................. 37Sur la physiologie de l’oreille interne .............................................. 39Un modèle schématique du système auditif .................................... 42

Chapitre 3

Du signal acoustique au signal nerveux :les théories de l’audition ......................................................... 45

Les théories dites modernes de l’audition : où en sommes-nous ? ...... 45Conception actuelle de la physiologie de l’audition .......................... 48Les incohérences et les paradoxes de la tonotopie. Du mythe au dogme ...................................................................... 49Une argumentation surannée. L’observance du dogme. Un poncif académique ................................................................................. 53

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Chapitre 4

De la nécessité d’un nouveau modèle auditif ..................... 55

À la recherche d’un modèle évolué de la fonction auditive ................ 56Qu’est-ce que modéliser ? Principe, justifi cation .............................. 57Pourquoi modéliser la fonction auditive ? ........................................ 58Les particularités d’un modèle auditif ............................................. 59

Chapitre 5

Les singularités de la fonction auditive................................ 63

L’oreille est un système physique résonant ...................................... 67La réponse de l’oreille en fonction du temps. La forme du signal acoustique ....................................................... 67Quelles conséquences ? Le temps et la forme du signal acoustique ... 69

Chapitre 6

Les bases de la modélisation cochléaire .............................. 73

1. LES DONNÉES ANATOMIQUES (STRUCTURELLES) ............................... 74Anatomie fonctionnelle auditive : le point de départ de l’information . 74Le réseau neurosensoriel de la cochlée : le cheminement de l’information ............................................................................ 772. NOUVELLES DONNÉES DE MÉCANIQUE COCHLÉAIRE EXPÉRIMENTALE ..... 82Les résultats ................................................................................ 83Commentaires .............................................................................. 893. AUDITION ET THÉORIE DE LA COMMUNICATION ................................. 91Les données du problème .............................................................. 92De la théorie mathématique de la communication : qu’en est-il ? ...... 93Comment se transmet l’information ? Signal analogique et signal numérique ...................................................................... 93La conversion analogique-numérique du signal. Théorème de Shannon ................................................................... 94Échantillonnage d’un signal continu et numérisation (tableau 6.3.I) .. 94Échantillonnage spatial. Onde sinusoïdale spatiale ........................... 96Multiplexage ................................................................................ 100Le système auditif : chaîne de communication et convertisseur analogique-numérique ........................................... 100

Chapitre 7

De l’oreille analogique à l’oreille numérique ....................... 103

Les anciens modèles ne rendent pas compte des faits expérimentaux 103La fonction auditive : un maillon de la chaîne de communication ...... 105

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Table des matières

Chapitre 8

Un nouveau concept : l’oreille numérique ou la théorie de l’échantillonnage cochléaire ........................... 107

Principes fondamentaux du modèle auditif numérique ..................... 108

L’échantillonnage du système cilié externe ...................................... 113

Échantillonnage du système cilié interne ........................................ 114

Avantages et limites de l’analyse cochléaire par échantillonnage ....... 120

Chapitre 9

Numérisation du signal acoustique et transmission de l’information ......................................................................... 123

Analyse et reconnaissance des formes acoustiques et traitement de l’information ............................................................................ 123

L’importance de la détection et de la reconnaissance des formes acoustiques.................................................................................. 125

Des formes acoustiques et membranaires remarquables : les transitoires .............................................................................. 128

L’importance des transitoires dans la transmission de l’information auditive ................................................................ 130

Chapitre 10

Échantillonnage cochléaire et psycho-physiologie auditive ............................................... 133

Mécanique cochléaire et conduction osseuse. Aspects expérimentaux et implications physiologiques ....................................................... 133

La troisième fenêtre cochléaire ...................................................... 136

L’unité fonctionnelle cochléaire ...................................................... 137

L’oreille interne est un lecteur code-barres des formes acoustiques membranaires .............................................................................. 140

Chapitre 11

Échantillonnage cochléaire et psychoacoustique ............... 143

Échantillonnage cochléaire et champ auditif fréquentiel. Généralités 143

La limite fréquentielle inférieure du champ auditif ........................... 147

Commentaires .............................................................................. 149

La fréquence limite supérieure d’audibilité ...................................... 149

Commentaires .............................................................................. 152

Le seuil auditif au bruit blanc : nouvelle approche ........................... 153

1 000 Hz : la fréquence charnière .................................................. 157

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La phase et le timbre d’un son complexe ........................................ 159

L’énigme du fondamental absent .................................................... 162

La couleur tonale des transitoires ................................................... 162

La sensation tonale de clics répétés................................................ 165

Battements et échantillonnage cochléaire ....................................... 169

Commentaires .............................................................................. 170

Chapitre 12

Échantillonnage cochléaire et psychopathologie auditive 175

Théorie de l’échantillonnage cochléaire et perte auditive .................. 175

Surdités de perception et échantillonnage cochléaire ....................... 180

Classifi cation des surdités neurosensorielles : du type 1 au type 6 ..... 185

Les surdités de perception avec courbe audiométrique tonale en cuvette (type 2) ........................................................................ 187

Traumatisme acoustique et scotome auditif ..................................... 191

Seuil auditif au bruit blanc et acuité auditive .................................. 195

Les diffi cultés de perception de la parole avec audiogramme tonal normal ................................................................................. 198

Repliement cochléaire (aliasing)..................................................... 199

Échantillonnage et presbyacousie ................................................... 203

Théorie de l’échantillonnage cochléaire et prothèse auditive ............. 207

Commentaires .............................................................................. 210

Surdités, formes cochléaires pathologiques, numérisation ................. 213

Codage de la parole. Implants cochléaires et échantillonnage cochléaire .................................................................................... 215

Acouphènes, bruit de fond cochléaire et échantillonnage cochléaire : un modèle de chaos neuronal auditif stochastique et déterministe ..... 220

Chapitre 13

Le numérique et les organes des sens. La place de l’oreille .................................................................. 223

L’ère du numérique : une évolution fulgurante ................................. 223

L’universalité du numérique ........................................................... 224

Que sous-entendent ces termes si communs de numérique et de numérisation ? ..................................................................... 224

Le codage et la transmission de l’information .................................. 226

Le numérique et la technologie ...................................................... 227

Le numérique dans les sciences de la vie et les organes des sens ...... 229

Le codage de l’information sensorielle ............................................ 231

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Table des matières

L’information auditive. Numérique, combinatoire et codage sensoriel 232Le transport et le traitement de l’information sensorielle ................... 234L’information n’est pas spécifi que à l’organe sensoriel périphérique ... 235Bionique et audition ..................................................................... 236

Conclusion

Pour une nouvelle approche de la fonction auditive.......... 239

La démarche de la connaissance .................................................... 239L’oreille et la complexité ................................................................ 240L’otologie doit muter : le fonctionnement de l’oreille est indissociable du numérique ............................................................................... 241

Notes et bibliographie .............................................................. 245Nota : par convention, les nombres indiqués en exposant correspondent à une référence bibliographique et lorsqu’ils sont en gras à une note complémentaire.

Références bibliographiques générales ................................ 297

Index............................................................................................ 303

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Remerciements

Aller à l’encontre des idées reçues aurait été une aventure périlleuse si je n’avais pris soin de m’appuyer sur des faits expérimentaux et sur la collaboration d’esprits éclairés et libres. C’est pourquoi j’exprime ma très sincère reconnaissance à tous ceux qui m’ont aidé matériellement, conseillé, entouré d’une critique constructive, enfi n encouragé à persévérer dans la recherche d’une nouvelle approche de l’audition. Mes remercie-ments vont évidemment au groupe de travail de l’Institut d’Audiopho-nologie : Lionel Joncheray, dont j’admire au fi l des ans la rigueur dans l’expérimentation et l’esprit créateur, à Max Plessis, éminent spécialiste du traitement du signal, Jean-Louis Thillier, électrophysiologiste, mon regretté ami Jack Durivault, audiométriste et audioprothésiste reconnu de ses pairs, enfi n tous les membres du Centre Régional d’Audiophono-logie Infantile qui m’ont entouré et apporté leur précieux concours. Je ne saurais oublier la collaboration effi cace et discrète de Alain Enard et de tous ceux qui m’ont aidé au sein de l’établissement d’Éducation et de rééducation d’enfants sourds de Beau-Site à Tours. Enfi n, il va sans dire que je garde en mémoire, non sans émotion, les encouragements répétés que m’a apporté au début de ma recherche mon éminent et regretté Maître le Professeur Paul Pialoux.

Je remercie enfi n, les éditions EDP Sciences d’avoir bien voulu, d’une part accepter la publication de cet ouvrage, bien qu’il s’écarte franche-ment des idées en vogue et qu’il apparaîtra quelque peu iconoclaste aux yeux de certains, et d’autre part d’avoir apporté par leurs soins et leur savoir-faire, une présentation de première qualité.

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« Le raisonnement […] ne pourra conduire qu’à l’erreur toutes les fois que les notions ou les faits sur lesquels il s’appuie seront primitivement entachés d’erreur ou d’inexactitude. C’est pour-quoi l’expérimentation […] est la base pratique […] de la méthode expérimentale appliquée à la médecine ».« [Les] théories et [les] idées n’étant point la vérité immuable, il faut être toujours prêt à les abandonner, à les modifi er ou à les changer dès qu’elles ne représentent plus la réalité. »

Claude Bernard. Introduction à l’étude de la médecine expérimentale, 1865.

« On constate aujourd’hui une sorte de totalitarisme dogmatique et intolérable des tenants des théories dominantes… Si erronées qu’elles puissent être, elles fi nissent par acquérir par leur simple et incessante répétition le caractère de “vérités établies” qu’on ne saurait mettre en doute sans s’opposer à l’ostracisme actif des “establishments”.Le consentement universel, ou même celui de la majorité, ne peuvent être considérés comme des critères de la vérité… Le seul critère valable de la vérité est l’accord avec les données de l’expérience ».

Maurice Allais (Prix Nobel d’économie), 1991, 1999.

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Préface

Un concept bien établi

L’audiologie est dans une impasse. Tout se passe comme si, à la suite de Helmholtz, on avait tenu absolument à identifi er le fonctionne-ment de l’oreille à celui d’un système physique capable d’effectuer une décomposition des sons complexes en une série de sons purs, une sorte de spectromètre. Il a suffi t pour cela d’assimiler l’oreille à une batterie de résonateurs. En d’autres termes, à calquer une fonction physiologique sur celle d’un phénomène physique.

C’est ainsi que perdure le concept de la tonotopie cochléaire initia-lisée par von Békésy en 1928 et qui fait encore référence. Depuis des décennies, on admet, à la façon d’un dogme irréfutable, que l’oreille effectue une analyse fréquentielle des signaux acoustiques complexes, que chacun des composants possède sa propre localisation sur la membrane basilaire de la cochlée (à l’image du clavier d’un piano), et enfi n que chaque fi bre nerveuse auditive est le vecteur d’une fréquence donnée (FC, ou Fréquence Caractéristique). Depuis lors, du fait de la notoriété de son auteur et de ses adeptes, aucune recherche n’a pu être entreprise sans se référer à ce modèle. Sa simplicité a sans nul doute fait son succès. Elle a même engendré quantité d’élucubrations mathématiques qui ne manquent pas de rendre perplexe.

Pourtant de nombreuses discordances entre la théorie et l’observa-tion ont été relevées dans des disciplines aussi diverses que l’histologie, l’histopathologie, la psychoacoustique, l’électrophysiologie, la physiopa-thologie auditive, etc. À l’évidence, le dogme inébranlable de la décom-position des sons par l’oreille ne résiste pas aux théories modernes de

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l’information et de la communication, entre autres à la numérisation du signal et à l’universalité du codage de l’information par les organes des sens. Ces derniers sont tous, sans exception, des adaptateurs de signaux physiques continus, issus de l’environnement, en des signaux discontinus, les spikes des fi bres nerveuses. En langage actuel, on peut dire qu’un organe sensoriel est un convertisseur analogique-digital et on ne voit pas pourquoi la décomposition d’un son complexe par l’oreille serait un préa-lable nécessaire à la transmission de l’information aux centres nerveux supérieurs. Comment peut-on prétendre que des fi bres nerveuses peuvent transmettre des fréquences sonores élevées quand on sait que chaque fi bre ne peut répondre au-dessus de 1 000 Hz du fait de sa période de repos (dite réfractaire) ? Les spécialistes du traitement du signal auraient bien aimé concevoir et disposer d’un analyseur de fréquence aussi simple et aussi performant que celui imaginé pour l’oreille.

Revisiter le concept

Tant d’observations contradictoires forcent à reconsidérer ce qui paraissait si bien établi jusqu’alors par les audiologistes, et à reprendre avec les moyens d’investigation actuels des expérimentations tenues comme princeps. On peut par exemple constater que le signal délivré par un diapason, entretenu électriquement et que l’on croyait capable de délivrer un son pur, possède en fait un spectre de bruit, ce qui modifi e profondément l’interprétation des réponses obtenues avec les premiers modèles mécaniques cochléaires. On ne peut pas parler d’erreur expéri-mentale dans ces protocoles anciens, mais il convient évidemment d’en interpréter différemment les résultats.

La révision des concepts n’est pas pour autant chose aisée. On assiste de nos jours à un confi nement de la pensée lié à la balkanisa-tion du savoir. C’est un reproche majeur que l’on peut opposer aux spécialistes de l’audition, les uns et les autres enfermés dans leur hyper-spécialisation, et tous adeptes du discours dominant selon lequel elle est la garantie même du progrès scientifi que. Ce choix de comportement ne permet évidemment pas de se départir des vérités établies. Pourtant il ne peut émerger de nouveaux paradigmes1 sans une convergence entre divers domaines de la pensée. Chacun sait que l’articulation de différents domaines du savoir est en effet extrêmement féconde : ainsi par exemple, l’avènement de l’informatique procède de la logique, de la théorie de l’information, de la cybernétique, de la linguistique, sans parler de la philosophie structuraliste et de la psychologie lacanienne. Il n’est pas

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Préface

concevable que le domaine de l’audition ne puisse bénéfi cier lui aussi de la conjonction de la physique, de l’informatique, de la cybernétique, de l’information et de la communication, de la linguistique, des avancées dans d’autres domaines de la physiologie sensorielle, comme la vision, l’olfaction, etc.

C’est ainsi, par exemple que la mise en parallèle des domaines de l’audition et de la vision révèle une étroite parenté. La mécanique de l’oreille moyenne est superposable à celle de l’accommodation, une surdité de transmission est le pendant d’une amétropie, une surdité de perception d’une atteinte rétinienne, etc. Lorsqu’on veut évaluer la perte auditive d’un sujet malentendant, pourquoi recourir à de contestables et sophistiqués calculs à partir des seuils de perception pour différentes fréquences, alors qu’en une seule mesure le seuil auditif au bruit blanc peut donner un résultat global : les oculistes ne mesurent-ils pas l’acuité visuelle par la lecture d’optotypes en lumière blanche, sans recourir à de multiples évaluations dans les différentes couleurs du spectre ?

Expérimenter. Modéliser

Se poser la question implique dès lors d’en rechercher les mécanismes physiologiques sous-jacents : quelle peut bien être la forme de la réponse au seuil d’audibilité de la membrane basilaire de la cochlée lorsqu’elle est sollicitée par la multitude des fréquences sonores composantes d’un bruit blanc et sachant que l’oreille n’a pas pour toutes la même sensibilité ? Ce sont ces réfl exions qui m’ont conduit à reprendre une expérimentation sur des modèles mécaniques cochléaires et à observer quelle pouvait être la réponse d’une membrane « basilaire » à un bruit aléatoire : le constat était pour le moins surprenant puisque, même pour des niveaux extrê-mement faibles, la forme de la réponse restait exactement identique à elle-même, et que, plus précisément, elle intéressait la totalité de cette membrane. Ce qui remettait d’emblée expérimentalement en cause le concept de tonotopie : la sensibilité de l’oreille étant maximale aux alen-tours de 1-2 kHz, l’abaissement du niveau d’un bruit blanc aurait dû se traduire au voisinage du seuil par un renforcement des vibrations en une zone relativement précise de la membrane du modèle.

Qu’en était-il dès lors de la réponse de mes modèles mécaniques cochléaires à des signaux de type sinusoïdal et à des transitoires ? Je devais me rendre à l’évidence : elle aussi divergeait encore du concept de la tonotopie. Il a fallu, pour retrouver les données classiques antérieures, modifi er considérablement les paramètres expérimentaux (viscosité des

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liquides remplissant les modèles, forme du signal, confi guration de la membrane élastique, etc.).

Au risque accepté de m’exposer à l’anathème des tenants des idées reçues, ces résultats expérimentaux m’ont conduit à formuler un concept innovant de l’audition, la Théorie dite de l’Échantillonnage Cochléaire, dont l’essentiel a été publié dans diverses revues spécialisées depuis 1973 et dans un ouvrage paru en 19862, 7.

Certes, cette théorie est déstabilisante puisqu’elle oblige à changer de cadre conceptuel. Mais elle trouve sa justifi cation dans des faits expé-rimentaux accessibles à tous, dans sa cohérence, et enfi n dans l’élimina-tion de multiples résultats aberrants antérieurs.

L’occultation quasi systématique de la forme du signal acoustique dans nombre de recherches (simplifi cation à l’extrême avec des sons purs entretenus, méconnaissance des transitoires introduits par des sons discontinus), l’omission de la notion de constante de temps, le rejet des théories modernes de la communication et de l’information constituent autant d’aberrations que l’on peine à comprendre. Elles ont conduit et conduisent encore à la théorisation de multiples modèles mécaniques, électriques, électroniques, mathématiques, aussi éphémères les uns que les autres.

La pesanteur des dogmes

Rien d’étonnant à ce que l’audiologie paraisse autant bloquée. Le comportement des spécialistes de l’audition est particulièrement édifi ant, comme en témoigne leur attachement à la scolastique békésienne, à son formalisme, à son traditionalisme. S’attaquer au dogme relève quelque peu du sacrilège. La scolastique n’accepte pas la contradiction3, 8.

Il est possible, voire probable, que le contenu de cet ouvrage consacré à la psychophysiologie de l’audition, et à une vision moderniste du fonctionnement de l’oreille, puisse choquer certains esprits animés par la passion. Mais je persiste à dire que, si certaines idées ou prises de position peuvent leur sembler utopiques tant elles paraissent éloignées des « vérités établies », un minimum d’éthique personnelle impose que l’on dénonce ce qui paraît aberrant à la lumière des connaissances du moment. Ces vérités établies ne tirent en réalité leur force que de leur incessante répétition, imprégnant sournoisement les esprits comme le font les images subliminales et conduisent à une désinformation, incons-ciente ou délibérée. C’est tout le problème que pose, par son colportage incessant et irréfl échi, le paradigme de la tonotopie cochléaire.

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Préface

Chacun sait que ceux qui apportent la contradiction sont le plus souvent marginalisés. Le poids du conformisme est sans limite. Si l’esta-blishment ne peut s’opposer ouvertement, il s’ingénie habituellement à occulter ce qui dérange l’ordre établi. Ou encore, en panne d’objections fondées, il n’hésite pas à proférer des récusations sans preuves (du genre : « la tonotopie a été mille fois démontrée »), quand ce n’est pas affi cher une considération polie teintée de condescendance, de supériorité bien-veillante, reléguant sans preuve des résultats expérimentaux aisément reproductibles au rang de fragiles élucubrations. Un scientifi que n’a pas le droit de rejeter d’emblée et en bloc des données et observations sans les avoir lui-même reproduites au préalable, ni le droit à l’excuse s’il récuse l’évidence pour ne retenir que des données incertaines ou des assertions non fondées. Le comportement humain est à la fois universel et éternel.

Il faut beaucoup de ténacité, de foi en ses idées, peut-être d’incons-cience, pour aller à l’encontre des idées reçues. La résistance au change-ment est dans la nature des choses. Cela demande aussi une bonne dose d’abnégation4. Les vérités établies, les dogmes, la pensée unique (même en sciences) ont la vie dure, car « des gens énergiques peuvent fabriquer de la « vérité » en faisant persécuter des opinions autres que les leurs »5, 8.

Fort heureusement, les idées sont soumises à l’épreuve du temps. L’avenir dira ce qu’il doit en subsister de « l’oreille numérique ». Il est possible que la vision moderniste et novatrice développée dans cet ouvrage se révèle incomplète, mais dans l’immédiat, elle me paraît cohé-rente, rapprochant par ses implications le fonctionnement de l’oreille des phénomènes physiques, psychoacoustiques et cliniques et son intégra-tion dans le monde du numérique. Si comme toutes les théories scien-tifi ques, elle doit se heurter quelque jour à une barrière infranchissable, il lui faudrait alors pour sortir de cette impasse « revenir plus ou moins en arrière et reprendre sa marche dans une direction plus ou moins différente »6. Ce n’est pas encore le cas et j’en revendique néanmoins la paternité.

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Chapitre 1

Un organe mystérieux pendant de nombreux

siècles

On ne sait pas très bien à quelle période de son évolution l’homme s’est aperçu que la perception des sons de son environnement était liée à la présence d’un organe spécifi que, l’oreille. Il est d’ailleurs probable que, pour assurer sa survie, il s’est d’abord préoccupé du bon état de sa vision plutôt que de son audition. On ne le saura probablement jamais.

Rien ne permet de dire, au travers des représentations rupestres des animaux auxquels il était confronté (antilopes, chevaux sauvages, bisons, aurochs, lions des cavernes, etc.) qu’il ait effectué il y a quelque 40 000 ans un semblant de rapprochement entre l’oreille et la fonction auditive. Par déduction, l’hypothèse est cependant vraisemblable car on est certain de l’existence d’une médecine au paléolithique : n’a-t-on pas relevé sur des crânes datant de 12 000 ans avant J.-C. des traces de trépanation1 ? Si on examine dans le détail la représentation des fi gures humaines de l’époque, on n’est guère mieux renseigné : les visages sont stylisés et dessinés sommairement. Plus tard, au néolithique, les cérami-ques sont aussi muettes, il ne semble pas y avoir de motifs humains.

L’Antiquité

C’est dans les civilisations indo-orientale, mésopotamienne et égyp-tienne que l’on trouve les premières données historiques d’un savoir

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310

tuyau sonore ouvert 146tympan 30

UUbersfeld, A. 276ultrasons 64unité fonctionnelle cochléaire

137, 149

VValsalva, A. 23Veit, P. 276vérités établies 16Vernier, Ph. 257Vésale 22vitesse de l’onde de pression 152Vocoder à canaux 219voies auditives 37Voltoni 24

WWar, W.B. 265Weaver, W. 269, 288Wepper 24Werner, Cl. 248Wever, E.G. 25, 26, 249Wheatstone, C. 26white noise 153Whitfi eld, I.D. 265Winckel 69Wollaston 24Woodworth, R. 278Wrightson, Th. 45, 249

YYoshie 27

ZZwirn, H. 293

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