Livre PDF Fr Restitution

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de la restitution en archéologie archaeological restitution idées et débats Directrice des Editions et de la diffusion : Dominique Seridji Responsable des éditions : Denis Picard Responsable adjointe des éditions : Karin Franques Coordination éditoriale : Caecilia Pieri Maquette, mise en pages et mise en ligne : Opixido, Paris

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De la restitution en archéologie

Transcript of Livre PDF Fr Restitution

de la restitution en archéologiearchaeological restitution

idées et débats

Directrice des Editions et de la diffusion : Dominique SeridjiResponsable des éditions : Denis PicardResponsable adjointe des éditions : Karin FranquesCoordination éditoriale : Caecilia PieriMaquette, mise en pages et mise en ligne : Opixido, Paris

Michel-Édouard Belletconservateur du patrimoine, ancien administrateur du site d’Ensérune

Claire-Anne de Chazelleschargée de recherche, CNRS

À partir de l’exemple du site du deuxième âge du fer d’Ensérune (Nissan-lez-Ensé-rune, Hérault, France), très largement fouillé anciennement et qui présente des

vestiges nombreux dont la compréhension peut échapper aux visiteurs et dont la connaissance scientifique n’est pas assurée, on a souhaité à l’occasion de ce col-loque réfléchir sur le sens ainsi que sur la portée scientifique et pédagogique des restitutions.

L’objectif n’était pas de réfléchir sur les méthodes d’archéologie expérimentale mises en œuvre ailleurs et dans des termes souvent très avancés, pas plus que sur les re-constitutions ni simplement sur la portée pédagogique des restitutions, mais bien, à partir d’exemples et d’expériences, de formuler diverses questions que l’on peut re-grouper autour des thèmes suivants.

L’Esprit

– Restitutions, reconstitutions, archéologie expérimentale : le sens et le cadre ?– Jusqu’où va-t-on dans la restitution ? Quelles sont les limites ?– Quels sont les emplacements utilisés ? Peut-on utiliser des vestiges pour fonder une resti-

tution ? – Comment distinguer ancien et contemporain ? – Validité et intérêt des comparaisons ethnologiques ? Qu’en faire ? Comment les utiliser ? – Les rapports entre restitution et préservation : en quoi y a-t-il préservation dans la restitution

(de mémoire, de techniques, de vestiges, etc.) ?– Et après ? Comment vieillissent les restitutions du point de vue des matériaux mais aussi

du sens ?

La présENtatioN

– Quelles propositions, adaptées à quels publics ? – Le traitement pédagogique : quels médiateurs ? Quelles formations ?– Évolution du projet : durée de vie et devenir. Entretien et maintenance.– Le traitement des intérieurs : mobilier, infrastructures ? Qui réalise, quoi et comment ? Les

options : réalisme ou suggestion ? – Le traitement des ambiances, en particulier sonores ? Utilisation des techniques audiovi su-

elles : comment ? – Existe-t-il des animations permanentes, ponctuelles ? – Utilisation des techniques numériques et infographiques : à quelles fins ?

Ce colloque a été organisé par le Centre des monuments nationaux avec le partenariat de : Région Languedoc-Roussillon, direction régionale des Affaires culturelles de Languedoc-Roussillon (ministère de la Culture et de la Communication), conseil général de l’Hérault, Ville de Béziers, communauté de communes « la Domitienne », Cnrs-Umr 5140, Lattes, parc culturel du Biterrois.

Quelles QuestiOns, Quel cOllOQue ?

Comité sCiENtiFiquE

Michel-Édouard Bellet (conservateur du patrimoine, Ville d’Aix-en-Provence)

Claire-Anne de Chazelles (chargée de recherche, CNRS)

Jean-Claude Golvin (directeur de recherche, CNRS)

Monique Levêque (professeur des universités)

Marc Lugand (musée du Biterrois, Béziers)

Chistian Olive (ingénieur, ministère de la Culture et de la Communication)

David A. Rousseau (archéologue)

Philippe Vergain (conservateur en chef, ministère de la Culture et de la Communication)

Des remerciements particuliers doivent être adressés à David A. Rousseau et à Adeline Sincholle ainsi qu’aux musées de Béziers, à la Villa de Loupian, au musée archéologique de Lattes, au site du Pont-du-Gard.

L’organisation du colloque doit beaucoup à Emmanuelle Capo et à ses collaborateurs (cabi-net consultant culturel) ainsi qu’aux étudiants en BTS tourisme du lycée de Pézenas et à leur professeur, Brigitte Bonifas.

QUELLES QUESTIONS, QUEL COLLOQUE ?Michel-Édouard Bellet

Claire-Anne de Chazelles

Michel-Edouard Bellet, conservateur du patrimoine, ancien administrateur du site d’Ensérune,

Claire-Anne de Chazelles, chargée de recherches, CNRS

using as a starting-point the instance of the second iron age site of Enserune, (Nis-san Lez Ensérune, Hérault, France) which was abundantly excavated a long time

ago and which presents many remains which are incomprehensible to the visitors and whose scientific identification is not always assured, it is our intention on the occasion of this conference to reflect on the scientific and pedagogical bearing of restitutions.

our aim is not to reflect on the experimental archaeological methods used elsewhere and sometimes with very advanced implementation, nor about the reconstructions or even about the pedagogical bearing of restitutions. our intent is rather, from examples and experiences, to formulate different questions around the following themes:

tHE spirit

- Restitutions, reconstructions, experimental archaeology: significance and context?

- Restitution, how far can one go? What are its limits?

- Which sites are used? Can remains be used to found a restitution?

- How to differentiate between the old and the new?

- Validity and interest of ethnological comparisons? How to use them?

- The relationship between restitution and preservation: to what extent is there preservation in restitution (of memory, of techniques, of remains,etc.)?

- And then what? How do restitutions age materially as much as in terms of their significance?

prEsENtatioN

- Which propositions adapted to which public?

- Pedagogical manner : which mediators? Which training?

- Project evolution: life span and future. Upkeep and maintenance.

- The approach of interiors : how to treat them: furniture, infrastructures? Who does what and how? The options: realism or suggestion?

- The approach of atmospheres, more specifically sonorous atmospheres? Using audiovisual techniques: in which manner?

- Are there permanent, or punctual animations?

- The use of digital technologies, to which end?

castell Henllys (PembrOkesHire, Wales), irOn age fOrt: learning frOm tHe Past

This conference was organised by the Centre des Monuments Nationaux in partnership with: The Languedoc-Roussillon Region, The Direction régionale des affaires culturelles de Lan-guedoc-Roussillon (Ministère de la culture et de la communication), the Conseil général de l’Hérault, the city of Béziers, the Communauté de communes «la Domitienne», the Cnrs-Umr 5140, Lattes, Parc Culturel du bitterois.

sCiENtiFiC CommittEE

Michel-Edouard Bellet (Heritage Curator, City of Aix-en-Provence)

Claire-Anne de Chazelles (Researcher, CNRS)

Jean-Claude Golvin (Research Director, CNRS)

Monique Levêque (University Professor)

Marc Lugand (Musée du Biterrois, Béziers)

Christian Olive (Engineer. Ministère de la Culture et de la Communication)

David A. Rousseau (Archaeologist)

Philippe Vergain (Head Curator, Ministère de la Culture et de la Communication)

WHICH QUESTIONS, FOR WHICH CONFERENCE?Michel-Edouard Bellet

Claire-Anne de Chazelles

Joan Santacana i MestreTaller de Projectes, universitat de Barcelona

Maria Carme Belarte Francochercheur, Institut Català d’Arqueologia Clàssica

La restitution archéologique n’est pas une nouveauté de nos jours. La pratique consistant à restituer des parties abîmées ou disparues de bâtiments historiques

a débuté au xve siècle à rome, même si le but de ces restitutions, loin de celui des restitutions actuelles, n’était pas forcément de conserver le patrimoine historique mais parfois de l’utiliser à des fins privées. Dans quelques cas, ces restaurations ont même comporté la destruction d’autres monuments anciens.

Depuis ses origines, la restitution a intégré plusieurs modalités dans sa conception ainsi que dans sa mise en place.• Nous considérons à l’heure actuelle la restitution comme une interprétation de l’architecture,

faite à partir de l’élaboration d’hypothèses. Ces interprétations peuvent être représentées de manières diverses et sur des supports différents, sans déboucher nécessairement sur une restitution matérielle. En effet, une restitution peut être également montrée sous la forme d’un dessin sur papier ou d’une restitution numérique.

• La restitution n’est pas synonyme de reconstruction ou de reconstitution. Reconstruire si-gnifie « construire à nouveau », « replacer » des éléments qui se sont déplacés, qui ne sont plus sur place. En revanche, la restitution comporte l’interprétation d’éléments disparus.

• Enfin, la réhabilitation d’un bâtiment est son adaptation à un usage différent de celui qu’il avait à l’origine.

Aux origines de la restitution archéologique se trouve un vieux débat entre deux modèles opposés de restauration qui se sont développés au xixe siècle. D’un côté, Ruskin représente un point de vue « conservationniste» et préconise la « non-intervention » sur les vestiges : « It is impossible, as impossible as to raise the dead, to restore anything that has ever been great or beautiful in architecture1. » Du côté opposé, Viollet-le-Duc préconise la reconstruction totale des ruines : « Restaurer un édifice, ce n’est pas l’entretenir, le réparer ou le refaire, c’est le rétablir dans un état complet qui peut n’avoir jamais existé à un moment donné2 .» Ces deux modèles ont évidemment eu des implications sur les ensembles patrimoniaux, mais ce débat autour de la reconstitution des ruines s’est développé en particulier dans le domaine de l’ar-chitecture. L’archéologie est restée en marge, sauf dans le cas de l’archéologie classique.

C’est en quelque sorte à partir de ces deux tendances opposées que sont apparus les dif-férents modèles de restitution archéologique encore en vigueur, dans lesquels on retrouve la confrontation entre restitution et préservation des ruines telles qu’elles existent encore. Ce débat est encore ouvert et continue à donner lieu à des discussions et même à des publica-tions d’ensemble3.

1. Ruskin, J.,The Seven Lamps of Architecture, 1849, Londres, Century, 1988, p. 194.2. Viollet-le-Duc, E., Dictionnaire raisonné de l’architecture française du xie au xvie siècle, Paris, Bance, 1858-1868.3. Makarius (2004) fait une bonne compilation des pensées autour des ruines, dans son ouvrage Ruins, Paris, Flammarion, 2004, p. 171 et suiv.

PrOblèmes généraux cOncernant la restitutiOn en arcHéOlOgie

1. LEs moDèLEs DE La rEstitutioN arCHéoLogiquE

Les deux tendances mentionnées ci-dessus ainsi que les traditions prédominantes dans la recherche dans les différents pays ont abouti à l’existence de plusieurs mo-dèles de restitution :1. Restitution du monument sur place ;2. Restitution de volumes ;3. Modèle de transfert ;4. Modèle de réplique ;5. Modèle « conservationniste » ;6. Modèle virtuel.

1.1. restitution du monument sur place

La restitution sur place consiste à reconstituer de l’architecture ou des monuments sur les vestiges, en employant les matériaux et les techniques qui ont été attestés sur le site objet de reconstitution, dans le but de donner aux bâtiments un aspect proche de celui qu’ils avaient à l’époque de vie du site.

Ce modèle a été très tôt employé dans l’archéologie classique ; les exemples les mieux connus sont probablement ceux de Pompéi et Herculanum.

La restitution sur les vestiges originaux possède une longue tradition dans le monde anglo-saxon, dans le nord de l’Europe ainsi qu’en Amérique du Nord. Dans les pays de l’Europe méridionale, ce modèle est moins accepté.

Nonobstant, les exemples de ce genre de restitutions sont assez nombreux en Europe. Nous mentionnerons à titre d’exemple le cas de Martigues (Bouches-du-Rhône, France) et celui d’Augusta Raurica (Suisse).

2.2. restitution de volumes

La restitution des volumes est également une action effectuée sur les vestiges, mais en em-ployant des matériaux nettement différents de ceux qui sont employés sur le site. Il s’agit donc d’une restitution plutôt conceptuelle, qui n’essaye pas d’imiter les matériaux ni les textures des monuments ou des bâtis de l’époque.

Parmi les meilleurs exemples de restitution de volumes, nous devons signaler le cas de Piazza Armerina, en Sicile, où, sur les vestiges de murs originaux, des superstructures faites en métal et en verre suggèrent la volumétrie des bâtiments. Les thermes de Xanten, en Allemagne, correspondraient également à ce modèle. Dans ces restitutions, les parties restituées sont nettement différenciées des originales.

1.3. modèle de transfert

Ce troisième modèle est moins répandu que les deux précédents. Il s’agit du déplacement d’un site ou, plus fréquemment, d’une partie du site (un ou plusieurs bâtiments) à un empla-cement différent de celui d’origine. Le cas le plus fréquent est celui de bâtiments déplacés du site original pour être intégrés dans un parc archéologique ou un musée en plein air ; parmi ces exemples, on doit signaler celui de Skansen, créé au xixe siècle sur l’île de Djurgården, à Stockholm, ainsi que celui du parc de Kolomenskoe à Moscou.

Dans d’autres cas plus récents, surtout dans le cadre de l’archéologie préventive, des sites ar-chéologiques ont été transférés pour en éviter la destruction. Un exemple de ce modèle serait le Laténium (Neuchâtel, Suisse), qui a fait l’objet d’une communication dans ce même colloque.

pRobLèmES géNéRAuX CONCERNANT LA RESTITUTION EN ARCHÉOLOGIE

Joan Santacana i MestreMaria Carme Belarte Franco

pRobLèmES géNéRAuX CONCERNANT LA RESTITUTION EN ARCHÉOLOGIE

Joan Santacana i MestreMaria Carme Belarte Franco

1.4. modèle de réplique

La réplique correspond à la restitution partielle ou complète d’un site sur un espace séparé – même éloigné – du site, c’est-à-dire sur un espace où il n’y a pas de vestiges archéologi-ques. La réplique est normalement faite près du site, juste à côté des vestiges originaux, mais elle peut également être faite à plusieurs kilomètres de distance. Les restitutions incluses dans ce modèle ont, dans la plupart des cas, un caractère expérimental. Il existe de nombreux exemples de ce modèle de restitution aux États-Unis, par exemple à Plymouth.

1.5. modèle « conservationniste »

Le modèle « conservationniste » représente une intervention minimale sur les vestiges, qui se limite normalement à une consolidation ou à une restauration de ceux-ci. Dans la plupart des sites archéologiques en Europe, où les parties conservées à restaurer sont des soubas-sements de murs en pierre, la consolidation consiste à protéger la partie supérieure de ces murs au moyen d’un lit de mortier de chaux et sable. La consolidation peut également inclure l’addition d’une ou de plusieurs assises de pierre pour égaliser les parties visibles des murs, voire une assise de pierre au-dessus de la partie conservée du mur, dans le but de protéger celle-ci.

1.6. modèle virtuel

Le modèle virtuel consiste à montrer la restitution du site (ou d’une partie du site) sans la ma-térialiser physiquement, en employant normalement des moyens graphiques. La restitution virtuelle peut être matérialisée sous la forme de restitution numérique en 3D, mais aussi par l’emploi de dessins ou autres.

2. LEs FoNCtioNs DE La rEstitutioN

La fonction prioritaire de toute restitution matérielle devrait être la conservation des vestiges. Une restitution qui n’est pas capable de garantir la conservation du site ou des vestiges n’a aucune justification. Une fois établi ce principe fondamental, il est vrai que la restitution archéologique peut remplir d’autres fonctions et utilités du point de vue de l’archéologie, de l’enseignement ainsi que du tourisme.

2.1. Les fonctions de la restitution dans le domaine scientifique de l’archéologie

Les restitutions réalisées suivant les critères de l’archéologie expérimentale ont des appli-cations diverses dans le domaine scientifique de l’archéologie. L’expérimentation permet la vérification des hypothèses de restitution faites autour des bâtiments anciens. Dans quelques cas, l’expérimentation peut comporter le retour sur le terrain pour des vérifications ultérieures et, si nécessaire, la reformulation des hypothèses, c’est-à-dire que les résultats de l’expéri-mentation peuvent avoir comme conséquence la modification partielle ou totale de l’hypo-thèse de départ. De cette manière, la reconstruction permet d’avancer dans la connaissance de l’architecture du passé grâce aux aspects suivants.

– Tout d’abord, la restitution fondée sur l’expérimentation permet de tester la résistance des matériaux de construction et des structures ainsi que la stabilité des bâtiments, ce qui per-met de vérifier si les hauteurs restituées sont vraisemblables. De même, la restitution permet de tester l’imperméabilité des superstructures (surtout dans le cas des toitures de terre).

– La restitution permet également de tester les conditions d’habitabilité des espaces (vérifica-

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Joan Santacana i MestreMaria Carme Belarte Franco

tion des températures et humidité à l’intérieur des bâtiments restitués, vérification du tirage des foyers et des fours, de l’élimination de la fumée...). La vérification de ces conditions est possible seulement dans un bâtiment restitué à partir des matériaux et techniques ori-ginaux. De même, la restitution permet de vérifier la durée des constructions et également les besoins d’entretien de celles-ci, en particulier dans le cas de l’architecture en terre et en bois : dégâts subis par les murs et les toitures à cause de l’érosion, surtout après les orages, périodicité nécessaire de réparation de toitures, etc.

– L’existence de bâtiments restitués permet également d’examiner et d’analyser les patho-logies qui attaquent ces bâtiments.

– La restitution permet enfin d’analyser les volumes de matériaux employés pour les bâti-ments eux-mêmes.

La restitution comporte par ailleurs plusieurs inconvénients ou limites. – Tout d’abord, le coût de ces projets est normalement élevé (matériaux, main-d’œuvre, etc.).– Deuxièmement, les expérimentations sont toujours partielles, étant donné l’impossibilité

de reproduire la totalité de ce qui entourait les bâtiments restitués : par exemple, nous ne pouvons pas restituer le climat d’une période déterminée. De même, il y a toujours le risque d’inclure des anachronismes dans la restitution.

– Une troisième limite importante est celle des difficultés pour vérifier les hypothèses. La res-titution permet de vérifier si l’hypothèse est vraisemblable, mais ne permet pas d’arriver à démontrer que les bâtiments du passé étaient tels que nous les avons restitués.

– Enfin, la limite principale de cette méthode est marquée par les limites mêmes de la connais-sance archéologique. Les connaissances obtenues par la méthode archéologique sont en effet limitées lorsqu’il s’agit d’interpréter l’architecture et restent sur un terrain très hypo-thé tique. L’utilisation de la restitution et de l’expérimentation peut nous permettre d’aller au-delà de ces limites et d’ouvrir de nouvelles expectatives. D’autre part, l’expérimentation se situe sur une zone de frontière, avec les dangers que cela comporte, notamment celui d’aller au-delà de ce qui est scientifique et de devenir ridicule.

2.2. Les fonctions de la restitution dans le domaine de l’enseignement

La restitution archéologique a évidemment des applications dans le domaine de la pédagogie du patrimoine, dans les aspects suivants.– Le public en général a des difficultés pour conceptualiser l’espace, pour interpréter un plan

à deux dimensions ; de même, il a des problèmes pour convertir les échelles. La restitution tridimensionnelle et à échelle réelle résout ces difficultés, étant donné qu’elle nous permet d’entrer et de circuler dans les espaces.

– Au-delà de la compréhension des espaces et des volumes, la restitution nous rapproche des techniques et des solutions employées dans le passé pour résoudre certains problèmes, ce qui rend possible la compréhension du fonctionnement des sociétés rurales et anciennes.

– Finalement, l’apport le plus important de la restitution fondée sur l’archéologie expérimentale est qu’elle permet d’expliquer les procédés ou, ce qui est pareil, la méthode de recherche archéologique (en employant le mot procédé comme une traduction du mot anglais skill).

La restitution a néanmoins quelques limites du point de vue de la pédagogie du patrimoine.– D’une part, même si nous venons d’affirmer que la restitution permet d’expliquer les procé-

dés, souvent les archéologues n’ont malheureusement pas cette vision pédagogique. Les résultats des restitutions ne sont en conséquence que des visions statiques qui n’expliquent pas la recherche et les données qui ont mené à l’élaboration des hypothèses de restitution matérialisées. La restitution laisse passer cette chance et choisit de montrer une vision sta-tique du site ou des bâtiments, sans expliquer les procédés.

– La restitution présente un état de la vie du site ou du bâtiment, mais peut difficilement expli-quer les axes temporaux, représenter les différentes phases de vie du site ou l’évolution de celui-ci. La difficulté pour expliquer différents moments de la vie du site comporte souvent

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Joan Santacana i MestreMaria Carme Belarte Franco

une « priorisation » temporale, le choix d’une phase – celle qui est la mieux connue ou la mieux conservée –, pour la montrer au public, au détriment du reste des phases de vie du site.

– Le risque du « présentisme », c’est-à-dire de la présence intrusive d’éléments de notre pré-sent qui contaminent l’interprétation du passé est, enfin, un des problèmes qui menacent la restitution.

2.3. Les fonctions de la restitution dans le domaine du tourisme et de la présentation du patrimoine

L’intérêt de la restitution du point de vue de la présentation du patrimoine nous paraît évident. Dans ce sens-là, la restitution aurait des applications intéressantes dans le domaine du tourisme.

– Tout d’abord, la présentation d’un site offre une vision plus « complète » et épargne au visi-teur l’effort d’imaginer les parties non conservées. La restitution permet que les sites soient compréhensibles pour un public large, sans que les visiteurs aient besoin de connaissan-ces, scientifiques quel que soit leur âge.

– La visite d’un site restitué, qui inclut des espaces où les gens peuvent entrer et circuler, et qui peut par ailleurs posséder des répliques d’objets, voire des objets pouvant être mani-pulés par le public, offre évidemment un caractère ludique largement supérieur à celui de la visite d’un site sans restitution.

– Le site restitué stimule l’imagination du visiteur, qui peut plus facilement aller au-delà des bâtiments et des objets qu’il observe. De même, la restitution permet la création d’images nouvelles, qui peuvent être employées en tant que ressource touristique dès l’origine de la visite. Avant le déplacement, le visiteur a toujours une image mentale de ce qu’il va voir mais aussi de ce qu’il peut obtenir de la visite. L’image mentale et les attentes de la visite du site seront différentes en fonction du modèle de présentation du site.

– La restitution permet au patrimoine culturel de devenir un produit touristique.

significatiOn et PrOblèmes De DéfinitiOn

résumé

Jean-Claude Golvindirecteur de recherche, CNRS ; Institut Ausonius, université Bordeaux-III

Le texte aborde le problème de la définition des termes les plus utilisés en matière de restitu-tion et évoque quelques problèmes inévitables. Il règne encore en effet une grande confusion terminologique dans ce domaine car chacun utilise, par pure habitude, plusieurs mots relatifs à la restitution sans en donner de définition précise. Un mot est employé pour un autre, sans nuances et de façon contradictoire au cours d’un même exposé. On hésite sur les termes, en employant tour à tour, au cours d’un même exposé, les mots restitution, reconstitution, reconstruction... Un travail de définition est donc indispensable si nous ne voulons pas buter sur les mêmes difficultés à chaque rencontre.

Il nous semble logique pour commencer d’établir les définitions de base dans la langue fran-çaise pour bien montrer les notions à distinguer absolument, avant d’entreprendre un travail d’harmonisation plus large au niveau international dans un second temps.

Ce travail porte sur les termes suivants

RESTITUTION

RECONSTITUTION

REMONTAGE

RECONSTRUCTION

RÉFECTION

RESTAURATION

ÉVOCATION

SIMULATION

RECHERCHE DE L’« IMAGE PERTINENTE »

IMAGE DE COMMUNICATION

AMBIGUÏTÉ DU MOT GÉNÉRIQUE IMAGE

IMAGE MENTALE (IMEN)

LES COMPOSANTES DE L’IMAGE DE RESTITUTION

LES CINQ DÉTERMINANTS D’UNE IMAGEla topographie et le paysage,le contour de la ville,le tracé de la ville,la forme des édifices publics,la position relative des éléments ;

LA RESTITUTION IMAGE-SOURCE.

abstraCt

Jean-Claude Golvinresearch director, CNRS; Ausonias Institute, University of Bordeaux III

This text is about the problems of definition of the terms most used in restitution and as such raises several unavoidable problems. Indeed there is a lot of terminological confusion in this area because, by pure habit, people use restitution-related terms without defining them precisely. One word is used for another, without the least shade of meaning and sometimes even contradictorily in the same presentation. Indeed there are hesitations and terms such as restitution, reconstitution, reconstruction are used one after another… Which means that its definition must be looked into if we want to avoid this problem at each conference.

It appears logical to begin the basic definitions in French in order to operate the essential distinctions between the different notions, before engaging on a wider harmonisation proce-dure at an international level later on.

RESTITUTION

RECONSTITUTION

REASSEMBLING

RECONSTRUCTION

REPARATION

RESTORATION

EVOCATION

SIMULATION

SEARCH FOR THE «RELEVANT IMAGE»

COMMUNICATION IMAGE

AMBIGUITy OF THE GENERIC WORD «IMAGE»

MENTAL IMAGE (IMEN)

THE COMPONENTS OF THE RESTITUTION IMAGE

THE FIVE DETERMINANTS OF AN IMAGE - topography and landscape- the city’s shape - the city’s layout- the shape of the public monuments- the elements’ relative positions

IMAGE-SOURCE RESTITUTION- scientific research- communication- physical scale models- electronic scale models- shows/events - restorations, reconstructions- professional training

meaning anD DefinitiOn PrOblems

significatiOn et PrOblèmes De DéfinitiOnJean-Claude Golvindirecteur de recherche, CNRS ; Institut Ausonius, université Bordeaux-III

Le colloque international de béziers, du 12 au 14 octobre 2005, nous a offert l’occasion de réaliser un premier échange d’idées relatif à « la restitution en

archéologie et la présentation des sites au public ». Les problèmes rencontrés ou les solutions proposées varient d’un site à l’autre, mais aucune réflexion d’ensemble n’a encore été menée pour tenter de dégager de nouvelles perspec-tives de recherche dans ce domaine sur le plan méthodologique et théorique. pourtant, le grand nombre de projets réalisés à notre époque devrait permettre d’approfondir notre réflexion sur la base d’expériences concrètes et de dégager les idées-forces qui pourraient intéresser tout le monde. telle serait, à notre sens, la bonne voie à suivre car il n’est pas de bonne théorie sans pratique, ni de bonne pratique sans théorie. toute théorie, pour avoir du sens et de l’intérêt, ne pourrait être qu’issue d’une pratique réelle et de la rectification de nos idées que cette dernière permettrait.

Notre but n’est donc pas d’imposer un cadre dogmatique dans le domaine du patrimoine où ce qu’il est heureux de faire impose une grande souplesse : les points de vue et les mentalités diffèrent, de façon légitime, d’une culture à une autre dans le monde. En tout cas, notre but ne sera jamais d’imposer un carcan théorique dans le domaine de la restitution.

Il paraît nécessaire aujourd’hui d’éclaircir les idées sur un premier point : celui de la définition des termes les plus utilisés en matière de restitution et d’évoquer quelques problèmes inévitables, éventuel objet des travaux que nous pourrions poursuivre en commun à l’avenir.

Il règne encore en effet une grande confusion terminologique dans ce domaine car chacun utilise, par pure habitude, plusieurs mots relatifs à la restitution sans en donner de définition précise. Un mot est employé pour un autre, sans nuances et de façon contradictoire au cours d’un même exposé. On hésite sur les termes, en employant tour à tour, au cours d’un même exposé, les mots restitution, reconstitution, reconstruction…

Un travail de définition est donc indispensable si nous ne voulons pas buter sur les mêmes difficultés à chaque rencontre. Il nous semble logique, pour commencer, d’établir les défini-tions de base dans la langue française pour bien montrer les notions à distinguer absolument, avant d’entreprendre un travail d’harmonisation plus large au niveau international dans un second temps.

Le titre même de notre colloque impose de définir le premier d’entre eux1.

rEstitutioN

Si l’on s’en tient au dictionnaire2, le verbe restituer exprime, avant tout, l’idée de « ren-dre ». Dans le domaine qui nous intéresse ici, un dictionnaire plus spécialisé3 préci-

1. À propos de la mise au point de cette terminologie, nous renvoyons à deux publications récentes : Jean-Claude Golvin, « Le rôle de la restitution dans l’étude des temples de Dougga », Actes du VIIIe colloque international sur l’histoire de l’Afrique du Nord, Tabarka, 8-13 mai 2000, Tunis, 2003, p. 471-489.Jean-Claude Golvin, Mustapha Khanoussi, « Dougga, études d’architecture religieuse, les sanctuaires des Victoires de Caracalla, de Pluton et de Caelestis », Mémoires de l’Institut Ausonius, 12, Bordeaux, 2005 : quelques aspects méthodologiques de la restitution, p. 25-29.2. C’est-à-dire des dictionnaires d’un usage courant : Littré, Larousse…3. Par exemple, Jean-Marie Pérouse de Montclos, Architecture. Vocabulaire, « Principes d’analyse scientifique », Paris, Imprimerie nationale, 1972, p. 18 et 21, col. 2 et 8.

SIGNIFICATION ET PROBLÈMES DE DÉFINITIONJean-Claude Golvin

sera qu’il s’agit, bien entendu, de « redonner » l’idée d’un monument (d’un site, d’un objet) ancien. Or, restituer l’idée de ce monument consiste à en redonner l’image au sens large4. Il est fondamental de comprendre que la restitution est essentiellement une image et qu’elle est donc de l’ordre des signes. Elle rend compte d’un objet, mais elle n’est pas matérielle.

La définition proposée par Jean-Marie Pérouse de Montclos est intéressante. Pour lui, la restitution est « la représentation par le dessin ou par une maquette de l’aspect présumé d’un édifice mutilé ou détruit. Elle est la construction souvent hypothétique d’un édifice ou d’une partie d’un édifice disparu, mais aussi le rétablissement d’un parti primitif pré-sumé ». Ce dernier point est important : il montre que la restitution n’est pas une simple juxtaposition d’éléments retrouvés mais qu’elle tente de redonner l’idée (même hypothé-tique) d’un parti architectural d’origine. Elle tente ainsi de redonner cohérence et sens à une image que l’on ne saurait déduire des seuls éléments retrouvés. Elle traduit une compréhension de « l’intelligence de la conception » du monument, de son programme, des intentions de ses créateurs.

On ne peut malheureusement pas donner de définition à caractère encyclopédique de la restitution, car aucune étude scientifique d’ensemble de son histoire n’a été réalisée jusqu’à ce jour.

rECoNstitutioN

La reconstitution consiste, par définition, à replacer après étude et en position pertinente les éléments épars dont un monument était fait (ou constitué).

La reconstitution impose une recherche visant à identifier les éléments et à retrouver leur position relative, ce qui la différencie du simple remontage. Elle consiste en quelque sorte à remembrer, à rassembler ce qui est épars, à réassocier les éléments dispersés après étude et si possible à les rattacher aux vestiges du monument d’origine restés en place5. En archéo-logie, on emploie volontiers le terme anastylose, qui littéralement exprime « art de redresser les colonnes » et, par extension, « art de replacer tous les éléments épars dans leur position relative exacte ».

rEmoNtagE

Cette opération consiste à réassembler et à replacer les éléments d’un édifice démonté qui ont été laissés sur le chantier6. Le remontage n’implique donc pas l’effort de recherche que la reconstitution impose ; il est simplement l’inverse du démontage.

rECoNstruCtioN

Pour Pérouse de Montclos, le terme signifie la construction d’un édifice en remplacement d’un autre pour le même usage7 – au contraire de la reconstitution qui, elle, consiste à re-monter des parties authentiques d’un monument historique. Il s’agit ici de réaliser un édifice entièrement neuf, à l’imitation de l’ancien.

Les parties que l’on peut être obligé de rebâtir à neuf dans un monument ancien doivent donc

4. L’image liée à l’idée en tant que structure ou contenant (signifiant ou representamen selon les théories). Image au sens le plus large depuis Aristote : « L’âme humaine ne conçoit rien sans image » (De l’âme, II, 7).5. D’après Jean-Marie Pérouse de Montclos (op. cit., p. 22, col. 9), reconstitution signifie : « Regroupement d’éléments authentiques qui ont été dispersés, et remontage de l’édifice ou de la partie de l’édifice correspondants ». La remise en place d’une partie peut permettre éventuellement la reconstitution de l’ensemble.6. Jean-Marie Pérouse de Montclos, op. cit., p. 21, col. 8.7. Ibid.

SIGNIFICATION ET PROBLÈMES DE DÉFINITIONJean-Claude Golvin

être qualifiées de reconstructions partielles. Le fait de rebâtir à neuf l’ensemble d’un édifice, en revanche, sera qualifié de reconstruction intégrale.

réFECtioN

Cette opération consiste à remplacer des parties dégradées d’un édifice par des parties neuves8. Toutes les parties concernées par une réfection sont connues et simplement refaites à l’identique, alors que, dans une reconstruction partielle, on peut être amené à construire à neuf des structures restituables avec certitude. La reconstruction partielle va donc au-delà de la simple réfection.

rEstauratioN

Le mot qualifie une action faite en faveur de la pérennité de l’œuvre pour améliorer son état physique9 et si possible, du même coup, sa compréhension.

éVoCatioN

L’évocation est une allusion au site menée avec une plus grande liberté d’action que dans le cas d’une restitution. Il s’agit de faire appel à la sensibilité du destinataire. Or, il faut bien le dire, toute restitution destinée à un large public a recours à l’évocation. L’auteur exprime son point de vue et cherche à atteindre la sympathie d’un public dont il connaît les réactions.

simuLatioN

Opération qui consiste à imiter un phénomène, un mouvement, un parcours, par anticipation ou après coup, et permet d’en reproduire à volonté les caractéristiques.

Par ces quelques lignes, nous pensons avoir exprimé clairement ce qui définit et donc diffé-rencie les mots courants les plus utilisés dans le domaine de la restitution10. Il convient main-tenant d’accorder à la restitution proprement dite un intérêt particulier.

La rECHErCHE DE L’« imagE pErtiNENtE »

Rappelons que le mot pertinence signifie à la fois « à-propos » et « efficacité »11. Il est évident que l’image de restitution la plus pertinente possible doit à la fois être adéquate (ressembler de près à l’édifice d’origine) et formulée de manière à être facilement comprise par le public à qui on la destine (c’est-à-dire sans ambiguïté et avec un minimum d’effort).

L’image que nous recherchons ne peut pas être tronquée, dégradée ou perturbée ; elle doit au contraire donner une idée d’ensemble parfaitement claire de ce que nous avons compris en ce qui concerne l’exemple étudié. Elle doit donc être explicite.

Cette image « pertinente » recherchée est parfois bien éloignée de celle des ruines que nous observons. En effet, l’image que nous donnent les sites antiques est celle de monuments

8. Ibid., p. 22, col. 9.9. Restauration : « Ensemble de travaux, consolidations, remontages, reconstitutions ou réfections, tendant à conserver un édi-fice. » Ibid., p. 21, col. 810. Le sujet est beaucoup trop vaste pour que nous puissions développer ici tous les problèmes en abordant les reconstructions partielles et les restaurations en général.11. Dan Sperber, Deirdre Wilson, Relevance, communication and cognition, Oxford, 1986 ; trad. fr., La Pertinence, communication et cognition, Paris, Éditions de Minuit, 1989.

SIGNIFICATION ET PROBLÈMES DE DÉFINITIONJean-Claude Golvin

mutilés, victimes de multiples causes de détérioration accidentelles. Nous avons le spectacle de cette destruction arbitraire et non plus sous les yeux la forme complète et authentique, celle qui avait été voulue à l’origine et qui était directement liée à la fonction du monument.

C’est pourtant celle-ci qu’il importe de retrouver et qu’il convient de qualifier de pertinente puisque c’est celle qui reflétait le mieux la raison d’être de l’édifice à l’origine. Elle était perti-nente parce qu’elle existait. Elle l’était aussi parce qu’elle traduisait les intentions et la façon de faire de son temps : elle seule était le reflet de la vie du site et donc elle seule avait vérita-blement du sens.

Nous devons dès lors nous efforcer d’en retrouver les caractéristiques, la cohérence, et tenter de proposer, en fin de compte, une image d’ensemble du cas étudié. Certes, une telle vérité ne pourra être qu’approchée. Si l’on ne peut jamais être certain de retrouver la vérité dans tous ses détails, au moins peut-on s’assurer, nous le verrons ci-après, que l’image de restitu-tion ressemble, le plus possible et à coup sûr, à celle du monument réel.

Cette image est aussi celle dont nous avons le plus besoin pour communiquer avec le public car il est fondamental de retracer le cadre des événements que nous voulons évoquer. Dans la plupart des cas, l’idée doit exprimer clairement un point de vue ou une proposition, sans pour autant entraîner l’observateur dans de longues considérations méthodologiques.

Certes, on peut aussi expliquer au public comment les restitutions sont faites, mais ceci n’est pas toujours faisable ni utile ; cela peut valoir comme démonstration, mais il faut bien recon-naître que cela consiste à développer un aspect assez spécialisé de la question. De même, il ne serait guère possible pour communiquer un message écrit destiné à un large public de revenir sur la définition de tous les mots employés ou d’analyser en détail la syntaxe du texte ou de se livrer à tout autre type d’analyse. De telles précisions n’intéressent que le spécialiste ; le curieux, s’il y tient vraiment, ira chercher ces réponses ailleurs que sur les panneaux d’une exposition ou de la signalétique d’un site.

L’imagE DE CommuNiCatioN

Aucun travail de restitution destiné au public n’est possible si l’on ne définit pas au préalable à qui le discours à tenir est destiné. Nous sous-entendrons ici qu’il s’agit du grand public adulte et du jeune public car nous pensons que l’image doit parler à tous et être particulièrement didactique.

Les restitutions sont destinées à redonner au public avec évidence l’aspect du cadre des événements évoqués. Leur lecture doit être facile, leur contenu cognitif riche et leur esthé-tique séduisante, car nous estimons que le public doit aimer les voir ; elles doivent l’inciter à pénétrer dans les lieux, guider un voyage imaginaire attractif, au cours duquel l’information est fournie sans rebuter.

La visite d’un musée ou d’un site doit rester un plaisir (à l’exception des sites commémoratifs d’événements dramatiques) et, dans tous les cas, le message transmis doit être clair, édifiant, éducatif.

L’image doit jouer un rôle de médiateur, de vecteur de communication entre l’émetteur (cher-cheur, auteur, conservateur) et le récepteur (le public parfaitement défini à qui l’on souhaite s’adresser).

Nous voulons affirmer avec force que l’image de communication – que l’on peut qualifier de pertinente dans le domaine du patrimoine – doit se fonder sur la recherche scientifique (elle doit bénéficier des acquis), mais qu’elle doit aussi pouvoir s’appuyer sur la compétence des professionnels de la communication, qui peuvent la rendre plus efficace.

La coopération pluridisciplinaire est indispensable au succès de la communication visuelle et audiovisuelle. De fait, trop souvent, l’une est réalisée sans l’autre et réciproquement : on

SIGNIFICATION ET PROBLÈMES DE DÉFINITIONJean-Claude Golvin

présente des images de recherches trop arides ou peu accessibles au public ; inversement, des productions voient le jour sans fondement scientifique sérieux.

Or il ne faut tromper le public ni sur un plan ni sur l’autre et il faut considérer qu’une pro-duction de qualité est plus coûteuse qu’une réalisation médiocre mais démagogique. Seule la collaboration professionnelle entre gens de métiers différents permettra de parvenir à un résultat satisfaisant, mais il faut parvenir à la construire et chacun doit avancer dans ce sens. Cette question importante méritera d’être étudiée sous tous ses aspects dans le cadre de nos futures rencontres, car il est stérile de s’ignorer ou au contraire de s’affronter.

ambiguÏté Du mot géNériquE IMAGE

L’image qui redonne l’idée d’un monument ou d’un site ne se résume pas au simple support visuel. Celle que nous découvrons sur papier (photographie, dessin) ou sur écran n’est que le déclencheur du processus sémiotique (sémiose) grâce auquel nous sommes capables de reconnaître le monument désigné. Cette image (matérielle) n’est donc qu’un ensemble matériel de signes organisés que nous remarquons et qui dé-clenche le processus complexe de reconnaissance des formes12 au-delà duquel peut s’amorcer une réflexion sur le sujet faisant appel à nos connaissances et qui suscite en nous une attitude prospective.

Il serait souhaitable de choisir un nom particulier pour ce déclencheur matériel, cette « image matérielle extérieure ». Nous proposons de la désigner, par exemple et pour simplifier, par le terme ImEX (contraction des mots image et extérieure) pour la distinguer de l’image consciente ou image mentale que l’on pourrait appeler de façon simple IMEN (contraction des mots image et mentale). Ceci n’est qu’une proposition de clarification du langage relatif à l’image.

Quelle que soit la terminologie adoptée, deux mots différents, faciles à utiliser et apparentés, pourraient servir à distinguer les deux aspects fondamentaux du mot générique image dont le caractère polysémique est équivoque. Cette distinction devra être faite d’une manière ou d’une autre si l’on veut éviter l’emploi de longues phrases pour faire comprendre à un interlo-cuteur et à chaque occurrence du mot image à quel aspect de celle-ci il est fait allusion.

imagE mENtaLE (imEN)

L’image mentale (IMEN) est une construction complexe faite de multiples connexions neuro-nales13 dont tous les aspects ne peuvent pas être visualisés en deux ou trois dimensions.

En effet, si je peux dessiner un monument sur une feuille de papier ou le représenter sous forme de maquette en le rendant ainsi perceptible visuellement, je constate qu’une grande partie des connaissances qui constituent son image mentale ne peut être donnée qu’en langage linéaire.

Je peux, par exemple, dessiner la façade du capitole de Dougga, mais je suis obligé d’écrire qu’il date de Marc Aurèle et de Lucius Verus. De même, tous les renseignements relatifs à ses dimensions, à la nature de ses matériaux, ou toute autre information précise et chiffrée, doivent être écrits. Ceci constitue un écheveau très complexe (IMEN) dont une seule partie est traduisible sous forme d’image (ImEX).

L’image mentale n’est pas une simple maquette mais un « modèle », au sens donné à ce mot en linguistique et en sémiotique14.

12. En ce qui concerne cette question nous renvoyons à l’ouvrage fondamental de Peter Lindsay et Donald Norman, Traitement de l’information et comportement humain, Laval (Québec), Éd. Vigot, coll. « Études vivantes », 1980.13. Nous ne renvoyons qu’à des ouvrages particulièrement connus, sans intention de développer ce domaine très riche en lui-même : Jean-Pierre Changeux, L’Homme neuronal, Paris, Fayard, 1983 ; Gérard Edelman, Biologie de la conscience, Paris, Éd. Odile Jacob, 1992.14. Jean Dubois, Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage, Paris, Larousse, 1994 ; Algirdas Julien Greimas, Joseph Courtés, Sémiotique : dictionnaire raisonné de la théorie du langage, Paris, Hachette, coll. « Hachette université », 1993.

SIGNIFICATION ET PROBLÈMES DE DÉFINITIONJean-Claude Golvin

Alors qu’une maquette est la simple représentation volumétrique d’un édifice, le modèle est une structure complexe qui relie, en un seul ensemble, toutes les connaissances relatives au monument. Un modèle peut contenir une maquette et non l’inverse.

Nous avons donc la chance que deux mots existent en français pour désigner deux réalités différentes (maquette d’une part et modèle d’autre part) au contraire de l’anglais où le même mot, model, désigne les deux.

L’établissement d’une terminologie internationale nécessitera, on le voit, des adaptations pour que les notions distinctes soient toujours bien nommées par des mots différents, quels qu’ils soient. Le premier travail consiste donc à montrer, dans chaque langue, où se trouvent les ambiguïtés majeures et le second à proposer une terminologie simple acceptable par tout le monde pour distinguer une fois pour toutes ce qui ne doit pas être confondu.

Le modèle que nous avons en tête n’est pas un enregistrement inerte de données et de liens. Il fonctionne continuellement, car il est engendré par un cerveau vivant et évolue sans cesse, même de manière inconsciente.

L’image mentale (IMEN), en tant que modèle vivant, diffère donc fondamentalement d’un modèle électronique (en tout cas sous ses formes actuelles) car celui-ci n’évolue que sur demande et possède un support matériel. Ici encore, il faut sans aucun doute établir une distinction entre l’image mentale (IMEN), qui, par définition, est élaborée dans un cerveau vivant, et le « modèle informatique », qui est une sorte d’image complexe de nature hybride comparable (car en partie visualisable et en partie écrite) mais dont l’évolution dépend d’une intervention extérieure. Il faudrait un mot particulier pour désigner ce dernier et créer un terme du genre MODELIC (contraction des mots modèle et informatique).

Quelles que soient les solutions qui seront adoptées au niveau international, il est certain que le langage de l’image utilisé actuellement est loin d’être satisfaisant. Il faudra donc s’atteler à la tâche en profitant éventuellement de nos prochaines rencontres internationales ou en organisant des ateliers thématiques sur ce sujet.

LEs ComposaNtEs DE L’imagE DE rEstitutioN

Dans les publications précitées15, nous avons montré qu’en archéologie il fallait considérer la réalité de trois types de données : les données connues (structures en place, blocs épars, documents divers), les données cachées (celles qui existent encore, mais restent à découvrir) et les données détruites (blocs non identifiables, éléments détruits dans des fours à chaux).

Nous avons constaté que la disparition définitive d’une partie des données archéologiques rendait illusoire tout espoir de reconstitution intégrale des édifices sur la base d’un simple raisonnement déductif.

La perte d’une partie des données oblige à raisonner aussi par induction en proposant des hypothèses de restitution des parties des édifices ou des sites qui n’ont pas laissé de traces.

Le raisonnement suivi comporte des risques car il consiste à privilégier l’hypothèse qui a le plus de chances d’être vraie, sans que l’on puisse jamais en être certain. Une restitution ne pourra donc jamais être qualifiée de vraie : elle est seulement vraisemblable et pourra être, au mieux, « admissible », jusqu’à nouvel ordre.

Une image de restitution comporte en conséquence trois composantes : la première est celle qui représente la partie connue du monument (les vestiges restés en place) ; la seconde est la partie reconstituée (intégrant les éléments épars remis à leur place) ; la troisième est la partie complétée (de façon hypothétique).

15. Cf. supra, note 1.

SIGNIFICATION ET PROBLÈMES DE DÉFINITIONJean-Claude Golvin

Cette dernière est souvent rétablie sur la base d’une étude comparative et donc sur des règles qui régissent la représentation de la partie manquante. Après avoir défini les caracté-ristiques communes d’exemples proches où les parties, manquantes dans les cas étudiés, sont conservées, on propose une solution analogue. Par exemple, on appliquera les règles de proportionnalité de l’ordre corinthien d’un exemple de référence à un édifice imparfaitement connu pour en ébaucher les hauteurs.

Du fait de l’application de règles, l’image ainsi élaborée est nécessairement de nature symbo-lique : elle reflète les caractéristiques d’un cas général ou fréquent et non celles d’un exemple particulier. L’image de restitution reste donc pour partie une construction théorique et sym-bolique fondée sur une argumentation. Elle est l’expression d’un modèle théorique et évolutif du site, dont elle vise à offrir la meilleure représentation d’ensemble du moment, cohérente et vraisemblable. Cette image traduit bien l’idée que le chercheur se fait de l’exemple étudié et celle qu’il lui est facile de communiquer. On peut, si on le souhaite, montrer ces différentes parties dans la mesure où il s’agit d’expliquer une démarche scientifique.

Prenons pour exemple la restitution de l’église de la citadelle byzantine d’Ammaedara16 (Haïdra en Tunisie) (fig. 1). Sur cette vue, il est possible d’indiquer, par des conventions de dessin diffé-rentes, quelles sont les parties connues, reconstituées ou complétées de l’image. Mais, qu’il s’agisse d’un monument particulier ou d’un site, on ne communiquera dans la plupart des cas qu’une image globale et évocatrice du monument destinée au public (fig. 2 à 6).

16. Jean-Claude Golvin, « La restitution architecturale de l’église », in François Baratte, Fathi Bejaoui, Zeïneb Ben Abdallah (dir.), Recherches archéologiques à Haïdra, Miscellanea 2, Rome-Paris, École française de Rome-De Boccard, 1999, « Collection de l’École française de Rome », 17-2, p. 179-192. Le dessin donné ici a été fait sur la base de la figure 145 dans la publication relative aux tem-ples de Dougga (Jean-Claude Golvin, Mustapha Khanoussi, op. cit. note 1) ; les différentes parties des images de restitution ont été distinguées par des couleurs différentes.

Fig. 1. Ammaedara (Haïdra, Tunisie). Coupe longitudinale sur la basilique III ou « église de la citadelle ». En hachuré, partie conservée ; en pointillé, partie reconstituée ; en blanc, restitution complétée par hypothèse.

SIGNIFICATION ET PROBLÈMES DE DÉFINITIONJean-Claude Golvin

LEs CoNDitioNs DE La rEssEmbLaNCE FormELLE : LEs CiNq DétErmiNaNts D’uNE imagE

Dans les deux premières publications précitées, nous avons évoqué les cinq aspects es-sentiels (ou déterminants) qui permettent d’affirmer que la restitution d’ensemble d’un site ressemble à coup sûr à l’image que l’on aurait de lui s’il nous était possible de le voir.

Cette image, élaborée sur la base d’informations scientifiques, est le fruit d’une enquête ; elle est en quelque sorte le meilleur portrait-robot du site. En effet, elle met en jeu des traits aussi déterminants que le contour du visage, la forme du nez et les yeux d’un individu qui ferait l’objet d’un tel portrait.

En ce qui concerne un site, les cinq déterminants sont les suivants :– la topographie et le paysage ;– le contour de la ville ;– le tracé de la ville ;– la forme des édifices publics ;– la position relative des éléments.

La topographie et le paysageL’image doit retracer ou donner une idée claire du cadre géographique antique (relief, activités agricoles, contours d’un fleuve ou d’une côte). Le Rhône à Arles est un élément déterminant du paysage et donc de l’image de cette ville (fig. 3). La représentation du paysage peut constituer une partie importante de l’image. Elle contribue aussi à faire comprendre l’histoire du site. Le lieu d’implantation d’une ville n’est jamais choisi par hasard et ses caractéristiques géographiques ont souvent conditionné ses activités. Le paysage constitue donc beaucoup plus qu’un simple décor : il a du sens par lui-même.

Fig. 2. Orange à l’époque romaine. Aquarelle de J.-Cl. Golvin

Figure 2

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Le contour de la villeLa recherche archéologique permet souvent de déterminer, au moins approximativement mais toujours de façon caractéristique, les contours d’une ville. Les vestiges d’une enceinte, la posi-tion des nécropoles sont autant d’éléments qui vont permettre d’avoir une idée de l’étendue de la ville et de la forme de son contour. Ce dernier sera donc mis en jeu dans l’image.

Le tracé de la villeLa recherche archéologique permet aussi de savoir, en particulier, si le tracé urbain est régulier – cas de Carthage, Alexandrie, Orange (fig. 2), Nîmes, (fig. 5) – et d’avoir une idée de la dimension de certains îlots. Si le tracé est irrégulier, il faudra tenter de rendre compte de son aspect, en re-flétant autant que possible sa densité, son principe général, l’aspect des différents quartiers de la ville. Ce sont des composantes de l’image d’ensemble du site. Le tracé donne une idée générale de la composition de la ville, de la trame urbaine, de la structure de la cité et même de son évo-lution.

La forme des édifices publicsLes grands édifices publics constituent les points forts et saillants de l’image (de la même manière que le feraient le nez et les yeux d’un portrait-robot). Ils sont connus ou restituables avec vraisemblance : théâtres, amphithéâtres, cirques, thermes, forums jouent un rôle majeur dans l’image (fig. 2, 3, 4, 5 et 6).

La position relative des élémentsMême si deux villes possèdent les mêmes monuments constitutifs types, ceux-ci ne sont ja-mais situés dans la même position relative. Les relations spatiales entre ces éléments, la trame urbaine, le contour, les composants du paysage sont spécifiques. Sur le plan topo logique, la formule qui définit le positionnement relatif de ces éléments est unique : aucune ville ne ressem-ble jamais totalement à une autre.Si l’on est bien informé en ce qui concerne ces cinq déterminants, il est certain que l’image de restitution d’une ville ressemblera à coup sûr et pour l’essentiel à son image ancienne.

Fig. 3. Arles au iiie siècle de notre ère. Aquarelle de J.-Cl. Golvin.

Figure 3

SIGNIFICATION ET PROBLÈMES DE DÉFINITIONJean-Claude Golvin

La rEstitutioN imagE-sourCE

Les principaux domaines d’utilisation de la restitution sont variés.

La recherche scientifiqueLa restitution est souvent liée à l’étude scientifique des monuments et des sites ; elle figure alors souvent en premier lieu dans les publications correspondantes, car c’est dans ce type de publication qu’elle doit être explicitée. Les indices exploités et les hypothèses formulées sont présentés, mais ici l’image a surtout un caractère « technique » (elle peut être traitée en noir et blanc et ne représenter que le contour des volumes) : on s’intéresse surtout à la façon dont elle est élaborée.La recherche scientifique doit être à l’origine de toute restitution, quelle que soit sa forme, car c’est elle qui confère à l’image sa crédibilité et son sens.La restitution est la première solution (iconique) capable de donner une idée d’ensemble cré-dible et évocatrice du site : c’est donc une image première ou image-source.La restitution peut prendre aussi la forme d’une maquette électronique élaborée dans le cadre de la réalisation d’un modèle théorique complexe comme celui du Circus Maximus de Rome, étudié au sein du laboratoire Institut Ausonius, université de Bordeaux-III, en collaboration avec la surintendance communale de Rome.

Fig. 4. Arles à l’époque romaine (Arelate), le cirque. Aquarelle de J.-Cl. Golvin.

Figure 4

SIGNIFICATION ET PROBLÈMES DE DÉFINITIONJean-Claude Golvin

Fig. 6. Sanxay (Vienne), un grand sanctuaire rural à l’époque romaine. Aquarelle de J.-Cl. Golvin.

Figure 6

Fig. 5. Nîmes à l’époque romaine, les remparts et l’amphithéâtre. Aquarelle de J.-Cl. Golvin.

Figure 5

SIGNIFICATION ET PROBLÈMES DE DÉFINITIONJean-Claude Golvin

La communicationEn tant que formulation synthétique de l’idée d’un site, idée qu’il serait difficile de donner autrement, la restitution joue un rôle essentiel dans la communication avec le public. Elle peut prendre les formes appropriées les plus variées, qui sont autant de façons de décliner le mes-sage iconique original et de le rendre accessible.Elle peut alors être déclinée sous la forme de publications adaptées à divers publics17, de posters, de produits dérivés de panneaux, d’expositions, de dessins destinés à la signalétique des sites, de matériel didactique. Elle figure aussi sur internet.Pour mieux jouer son rôle dans le domaine de la communication, l’image de restitution peut être, si nécessaire, dotée de volume, de couleurs et de mouvement.

Les maquettes physiquesS’il s’agit à l’origine d’un dessin, ce dernier pourra servir, de façon déterminante, à l’élabora-tion de maquettes. Un dessin en perspective peut en effet guider le travail d’un maquettiste professionnel comme ce fut le cas pour la réalisation des maquettes d’Arles antique (fig. 3) et de Périgueux destinées aux nouveaux musées de ces villes.

Les maquettes électroniquesLa modélisation des édifices et des sites en trois dimensions peut concerner plusieurs types de réalisation : maquettes virtuelles destinées à des musées, jeux électroniques, réalisations audiovisuelles variées. Elles permettent des visites simulées en temps réel des monuments anciens avec utilisation éventuelle de techniques de rendu du relief.

spectaclesL’image de restitution peut servir aussi à évoquer le cadre d’un édifice en vraie grandeur pour des spectacles de type « son et lumière ». Par exemple, pour évoquer l’histoire de l’édifice, on pourrait projeter la restitution du mur de scène du théâtre d’orange sur le mur lui-même selon les mêmes techniques que celles appliquées avec succès sur la cathédrale de Reims par le Centre national d’art et technologies.

restaurations, reconstructionsPour restaurer un édifice de façon pertinente, l’étude de sa restitution est à l’évidence fon-damentale et plus encore si l’on a pour projet de reconstruire entièrement un monument à un autre emplacement que le site original (comme nous l’avons fait pour la Maison d’Africa à El-Jem, Tunisie).

Formation professionnelleL’image de restitution est devenue un outil indispensable dans la communication et de la mise en valeur des sites. Il est utile désormais de former dans ce domaine toute une génération de jeunes réalisateurs et d’y initier les jeunes architectes du Patrimoine, et les jeunes archéolo-gues, travail que nous faisons avec le cours de Tunis (cycle de formation des architectes du Patrimoine) et sur le site de Dougga. Le projet joue un rôle moteur dans la formation, de même que tout ce qui est fait est utile au projet.

17. Nous ne citons ici que certaines de nos publications, fondées sur l’image de restitution :Jean-Claude Golvin (en collaboration avec Sydney Aufrère et Jean-Claude Goyon), L’Égypte restituée, Paris, Errance, 1991-1997 ; Id. (en collaboration avec Aude Gros de Beler), Voyage en Égypte ancienne, Paris, Errance, 1999 ; Id. (en collaboration avec André Laronde), L’Afrique antique, Paris, Taillandier, 2001 ; Id. (en collaboration avec Gérard Coulon), Voyage en Gaule romaine, Arles-Paris, Actes Sud-Errance, 2003 ; Id. (en collaboration avec Gérard Coulon, Aude Gros de Beler et Fréféric Lontcho), L’Antiquité retrouvée, Paris, Errance, 2003 ; Id. (en collaboration avec Michel Reddé), Voyages sur la Méditerranée romaine, Arles-Paris, Actes-Sud-Errance, 2005.

résumé

Joan Santacana i MestreTaller de Projectes, universitat de Barcelona

Maria Carme Belarte FrancoInstitut Català d’Arqueologia Clàssica

Voici une réflexion autour des restitutions archéologiques et de leurs fonctions du point de vue de la recherche et du point de vue pédagogique. Nous abordons quelques cas méthodo-logiques propres à l’Espagne, pays où la tendance dominante est à la simple présentation des ruines, protégées ou restaurées suivant des critères d’intervention minimale. Néanmoins, plusieurs expériences de reconstruction ou reconstitution sur place ont été mises en place dans des années 1990. Plus précisément, ces expériences correspondent à deux modèles différents : la restitution sur place et la réplique.

Quant au modèle de transfert, il n’a pas été adopté pour la restitution des sites archéo-logiques, mais il existe de nombreux exemples de monuments médiévaux et d’époque mo-derne qui ont été déplacés de leur emplacement d’origine.

la restitutiOn arcHéOlOgiQue cOmme mODèle : le cas esPagnOl

abstraCt

Joan Santacana i MestreTaller de Projectes, Universitat de Barcelona

Maria Carme Belarte FrancoInstitut Català d’Arqueologia Clàssica

This is a reflection on archaeological restitutions and their function both in terms of research and pedagogically. We will study several methodological cases which are particular to Spain, a country in which the predominant tendency is to the simple presentation of ruins, protected or restored according to criteria of minimal intervention.Nevertheless, several experiences of reconstruction or reconstitution were realised in the nineties (XXth century ). To be more pre-cise, these experiences can be divided into two categories : in-situ restitution or replicas.

As for the transfer model, it was not adopted for the restitution of archaeological sites, but there are numerous examples of mediaeval and modern monuments which have been remo-ved from their original emplacements.

arcHaeOlOgical restitutiOn as mODel: tHe sPanisH case

la restitutiOn arcHéOlOgiQue cOmme mODèle : le cas esPagnOl

Joan Santacana i MestreTaller de Projectes, Université de Barcelone

Maria Carme Belarte FrancoInstitut Català d’Arqueologia Clàssica

Les auteurs de cette contribution ont participé à deux projets de restitution ar-chéologique, menés à terme au sein de l’université de barcelone, qui ont déjà fait

l’objet de plusieurs publications. il s’agit, d’une part, de la restitution du site ibérique de Calafell (tarragone, Espagne) et, d’autre part, de la mise en place, sur trois ans, d’un laboratoire d’archéologie expérimentale à El Vendrell (tarragone, Espagne). À partir des résultats de ces deux projets, ainsi que d’autres expériences réalisées par d’autres équipes en Espagne, nous présentons une réflexion autour des resti-tutions archéologiques et des fonctions de ces restitutions du point de vue de la recherche et du point de vue pédagogique. Les axes généraux ayant été définis au préalable en introduction générale à la publication de ce colloque, nous abordons à présent quelques cas méthodologiques propres à l’Espagne.

Dans le nord de l’Europe ainsi qu’en Amérique du Nord, la restitution sur place ainsi que le transfert sont en vigueur depuis le xixe siècle. Les pays méditerranéens, eux, ont été plus réticents à la restitution et, sauf quelques exceptions, les restitutions archéologiques ont été réalisées suivant un modèle « conservationniste », se limitant normalement à la présentation des ruines après simple consolidation des vestiges.

La situation en Espagne n’est pas différente, la tendance dominante étant également à la simple présentation des ruines protégées ou restaurées selon des critères d’intervention mi-nimale. Néanmoins, plusieurs expériences de reconstruction ou reconstitution sur place ont été mises en place dans les années 1990 (fig. 1). Plus précisément, ces expériences corres-pondent à deux modèles différents : la restitution sur place et la réplique. Quant au modèle de transfert, il n’a pas été adopté pour la restitution des sites archéologiques, mais il existe de nombreux exemples de monuments médiévaux et de l’époque moderne déplacés de leurs lieux d’origine.

Fig. 1. Carte de la Catalogne avec localisation du site d’Alorda Park (Calafell, Tarragone), du Parc Arqueològic Magí Inglada (El Vendrell, Tarragone) et du site de Barranc de Gàfols (Ginestar, Tarragone).

Figure 1

1. La rEstitutioN sur pLaCE

1.1. Le site ibérique d’alorda park (Calafell, tarragone)

La première expérience de restitution sur place a été conçue en 1989 et mise en place entre 1992 et 1995 sur le site ibérique d’Alorda Park, gisement protohistorique situé sur la côte ca-talane, dans la commune de Calafell, entre les villes de Barcelone et de Tarragone (fig. 2 à 5). Le projet a été développé sous la direction des professeurs Joan Sanmartí et Joan Santacana (université de Barcelone). Les fouilles, extensives depuis 19821, ont permis de connaître le plan complet du site, les phases principales d’occupation et l’évolution de son urbanisme. Il s’agit d’un petit établissement en éperon barré situé sur une petite colline et accessible à travers un isthme protégé par un rempart, lui-même renforcé par deux tours. L’intérieur de l’espace d’habi-tat est d’environ 3 000 m2. Fondé à la fin du vie siècle av. J.-C. ou, au plus tard, dans la première moitié du ve siècle, le site entre en décadence lors de la conquête romaine et sera abandonné au iie siècle av. J.-C. ; après l’abandon des maisons ibères, à la fin du ier siècle, une maison romaine est bâtie sur la partie sud-est.

1. Sanmartí, Santacana, 1992 (voir bibliographie en fin d’article).

Fig. 2. Vue du quartier sud-ouest du site d’Alor-da Park, après la restitution d’un ensemble de maisons ; les élévations des murs sont en pisé et les toitures en terre et à double pente.

Fig. 3. Vue du quartier nord du site d’Alorda Park, après la restitution d’un ensemble de maisons ; les murs ont été rebâtis en pierre ; les toitures, en terre, sont presque plates.

Fig. 4. Vue de détail de l’intérieur d’une maison reconstruite à Alorda Park, aménagée avec des répliques d’objets récupérés sur le site.

Figure 2

Figure 3

Figure 4

LA RESTITUTION ARCHÉOLOGIQUE COMME MODÈLE : LE CAS ESPAGNOL

Joan Santacana i MestreMaria Carme Belarte Franco

Le site ne présente pas de niveaux de des-truction ayant permis de préserver le mobilier ou les matériaux de construction sur place. Néanmoins, les données obtenues de la fouille du site sont suffisantes pour propo-ser des hypothèses de restitution ainsi que sur le fonctionnement des pièces. Lorsque le site n’a pas livré assez de données, les interprétations ont été faites en fonction de la documentation livrée par d’autres sites contemporains ainsi que par des parallèles ethnographiques. Les dimensions du site, plutôt réduites, permettaient une fouille totale et la reconstitution en un temps relativement court, avec des moyens économiques rela-tivement modestes. Son emplacement sur une ville côtière, très touristique et peuplée l’été, et la volonté de la municipalité d’investir sur le site avec l’intention de le transformer en un produit de tourisme culturel de qualité ont été décisifs pour la mise en valeur du pro-jet de restitution.

La reconstitution a été faite suivant des cri-tères d’intervention élaborés en fonction des principes établis dans les « chartes de restau-ration » (Carta del Restauro de Rome 1883 ainsi que les chartes postérieures). Parmi ces critères, nous mentionnerons les suivants :– la sauvegarde des vestiges est prioritaire ;

la restitution doit être faite uniquement à partir de matériaux non agressifs ;

– la reconstruction doit se faire à base de matériaux de construction attestés durant la fouille ;– les secteurs reconstruits doivent avoir été complètement fouillés au préalable ;– la différenciation entre parties originales et parties restituées doit être évidente ;– le processus doit être réversible.

Les auteurs sont par ailleurs partis du principe que la restitution des ruines sur place est, avant tout, une méthode efficace pour garantir la protection des vestiges : en partie haute, les murs sont couverts par de nouvelles assises et les aménagements intérieurs par des toitures.

La restitution a concerné deux quartiers du site, qui ont été traités suivant les critères men-tionnés ci-dessus, mais avec des buts légèrement différents, entre 1992 et 19952. Le quartier sud-ouest a été restitué en premier, afin d’expérimenter des matériaux et des techniques de construction (l’élévation des murs a été faite en terre, ce qui a permis d’expérimenter les techniques de la brique et du pisé). Ensuite, dans la restitution du quartier nord, la priorité a été plutôt le résultat, l’obtention d’une vision tridimensionnelle du quartier, plutôt que l’expéri-mentation des matériaux ; c’est pour cette raison que l’élévation des murs a été faite en pierre. Dans les deux cas, la fouille des bâtiments était complètement achevée avant la restitution.

De même, les intérieurs des espaces restitués ont été aménagés avec des répliques d’objets de la vie quotidienne attestés sur la fouille, qui aident le visiteur à comprendre l’usage des espaces ainsi que les activités de la vie quotidienne des Ibères. L’ensemble du site est ouvert au public depuis 1995.

2. Pou et al., 1993-1994 ; Pou et al., 2001 ; Santacana, 1994.

Figure 5

Fig. 5. Vue de l’intérieur d’une maison reconstruite à Alorda Park, aménagée avec des répliques d’objets récupérés sur le site et installation d’une mezzanine.

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1.2. autres projets de restitution sur place

Le projet de Calafell est, en Espagne, le seul projet de reconstitution de quartiers complets d’habitations sur un site archéologique. D’autres initiatives de restitution existent, pour la plu-part sur des sites protohistoriques, mais ne concernent qu’un ou deux bâtiments sur place. Parmi ces sites, dont l’inventaire et la description exhaustifs seraient trop longs, nous men-tionnerons, à titre d’exemple, Santa Tegra (A Guarda, Pontevedra), Numancia (Garray, Soria) ou El Raso (Candeleda, Ávila).

Le site de Santa Tegra constitue l’un des exemples de restitution les plus anciens, antérieur à celui de Calafell. Il s’agit d’un site de 20 ha, daté entre le ier siècle av. J.-C. et le ier siècle apr. J.-C., formé par une agglomération de maisons protohistoriques de plan circulaire et toi-ture supposée en végétaux, avec quelques maisons de plan quadrangulaire et toiture en tuile d’époque romaine. En 1965 et 1972, deux maisons ont été reconstituées, afin de présenter au public une interprétation de cette architecture3.

Le site de Numancia, l’important établissement celtibère assiégé et vaincu par les Romains en 133 av. J.-C., offre aujourd’hui au visiteur deux maisons restituées (l’une d’époque celtibère, l’autre d’époque romaine) ainsi qu’une partie du rempart. Ces restitutions ont été menées à terme dans le cadre d’un projet d’archéologie expérimentale, à la fin des années 1990, à base de matériaux attestés lors de la fouille. Comme à Calafell, le visiteur peut pénétrer à l’intérieur des maisons restituées, aménagées avec des répliques d’objets de la vie quotidienne.

Ce modèle de restitution a également été choisi dans les années 2000 sur le site proto-historique d’El Raso de Candeleda (iie-ier siècle av. J.-C.), qui présente deux maisons recons-truites sur la base des données de la fouille archéologique4.

2. LEs rEstitutioNs suiVaNt LE moDèLE DE répLiquE

En Espagne, le modèle de réplique est de plus en plus choisi pour la présentation des sites au public. Les raisons de ce choix sont diverses. La législation espagnole du patrimoine est contraignante quant à la protection des vestiges originaux ; cette modalité esr souvent adop-tée parce que l’absence de vestiges originaux sous la restitution évite d’éventuels problèmes juridiques… La restitution sur les vestiges est toujours limitée du point de vue de l’archéo-logie expérimentale, ce qui rend impossibles certaines facettes de l’expérimentation, voire la destruction ou l’incendie contrôlés des bâtiments restitués qui ont pour objectif d’étudier la formation des couches de destruction. Rendre visitable le site lorsque celui-ci présente des difficultés particulières de conservation est impossible.

L’emplacement des répliques peut varier :– construction de bâtiments à l’intérieur du site, sur des espaces libres de vestiges ;– construction de bâtiments sur un espace très proche du site (par exemple, devant l’entrée) ;– construction de bâtiments sur un terrain éloigné du site.

Parmi les nombreux cas de répliques, on a choisi un exemple pour montrer chacune des variantes à l’intérieur de ce modèle.

3. Pour trouver images et informations sur le site et la restitution, se reporter à : http://www.iregua.net/cultura/imespana/stegra/tegra.htmhttp://aguarda.com/museo/4. Pour trouver images et informations, se reporter à :http://www.castrosyverracos.com/esp/avila/raso/index.htm

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2.1. répliques effectuées à l’intérieur du site : Ca n’isach (palau saverdera, gérone)

Le site néolithique de Ca n’Isach présente un ensemble de solins en pierre correspondant aux parties inférieures des murs périmétraux de cabanes, dont les élévations ont également été interprétées en pierre, avec des toitures en végétaux. À côté des solins originaux des caba-nes néolithiques, à l’intérieur du site et sur un espace libre de vestiges, une cabane bâtie en 2002 montre au visiteur l’interprétation de ces bâtiments. un ensemble de panneaux explique la recherche archéologique sur le site et apporte d’autres informations sur les sociétés néo-lithiques.

L’avantage de ce modèle est que la compréhension des vestiges est très directe puisque la restitution est intégrée aux vestiges (comme dans la restitution sur place).

2.2. répliques à proximité du site : La bastida de les alcusses (moixent, Valence)

La Bastida de les Alcusses est un important site protohistorique du pays valencien, construit à la fin du ve siècle av. J.-C. ou au début du ive, sur une colline, entouré d’un puissant rempart qui renfermait un habitat de 4,5 ha. Le site, détruit à la fin du ive siècle, a été fouillé au xxe siècle (1928-1931)5. Les recherches ont repris dans les années 19906. À la fin de la décennie, un projet de mise en valeur a vu le jour ; il consiste dans la consolidation des vestiges sur place et la construction complète d’une maison, suivant le modèle expérimental de réplique, à l’extérieur du site.

La maison est la reconstitution d’une habitation originale dont les vestiges sont visibles sur place, à l’intérieur du site ; à l’extérieur, le visiteur peut en observer l’interprétation scienti fique. Il s’agit d’une grande maison de plan complexe dont l’interprétation et la reconstruction ont été faites à partir des données livrées par la fouille et suivant les critères de l’archéologie expérimentale. Les hypothèses de reconstruction (notamment en ce qui concerne la pente des toitures) ont été légèrement modifiées au fur et à mesure que la construction avançait, en fonction des résultats obtenus.

Cette construction expérimentale est complétée par un espace destiné à des ateliers didac-tiques où des activités économiques (mouture, tissage, etc.) sont montrées au visiteur. Les auteurs de ce projet ont choisi de construire la maison expérimentale à l’extérieur du site car il n’y avait pas assez de place à l’intérieur pour aménager cette aire d’ateliers.

Le projet a permis par ailleurs d’évaluer de manière très précise les volumes de matériaux, la force de travail et le temps investis dans chaque phase de la construction.

5. Fletcher et al., 1965.6. Díes et al., 1997.

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2.3. répliques sur un terrain éloigné du site : laboratoire d’archéologie expérimentale de l’université de barcelone, parc arqueològic magí inglada7 (El Vendrell, tarragone)

Ce projet a été conçu, à la fin des années 1990, par les auteurs de la restitution du site ibé-rique de Calafell (et auteurs du présent article), et développé grâce au ministère de l’Ensei-gnement et de la Culture8.

À partir de 1995, après avoir restitué deux quartiers du site de Calafell et une fois le site ouvert au public, la poursuite du projet présentait plusieurs problèmes. Tout d’abord, la présence même des vestiges in situ, dont la protection devait être garantie avant tout, limitait la suite de l’expérimentation. Deuxièmement, certaines expérimentations ne pouvaient pas être libre-ment développées sur un site qui recevait chaque jour la visite d’un public nombreux. Cette situation incita l’équipe à concevoir la construction expérimentale de bâtiments sur un terrain où la présence de vestiges archéologiques n’imposait pas de contraintes.

Le point de départ de ce projet était donc fort différent de celui de Calafell. Il s’agissait alors de reproduire de manière expérimentale des bâtiments de la période protohistorique indépen-damment de leur chronologie ou du type de site d’origine, pour faire comprendre les tech-niques et matériaux employés dans leur construction. Dans une phase ultérieure, les condi-tions d’habitabilité des bâtis devaient être vérifiées. L’idée n’était pas alors de reconstruire des sites complets mais un certain nombre de structures ayant fourni un volume d’informations suffisamment important, grâce à leur état de conservation ou à la qualité des couches de destruction et des mobiliers.

Deux maisons ont donc été bâties selon les hypothèses de reconstruction suggérées par la fouille du site du bronze final de Barranc de Gàfols9 (Ginestar, Tarragone) qui avait livré des données abondantes concernant les techniques de construction employées durant la pro-tohistoire. L’expérimentation a été développée sur un terrain de la commune d’El Vendrell et conçue comme un laboratoire en plein air (fig. 6 à 11).

7. Belarte et al., 2000 ; Morer et al., 1999, 2000, 2001.8. Programa de investigación experimental (generación de hipótesis, valoración y diagnóstico) sobre arquitectura y técnicas de construcción en la protohistoria de Cataluña (PB96-0235).9. Le site de Barranc de Gàfols a été fouillé entre 1990 et 1998 sous la direction de J. Sanmartí, M. C. Belarte, J. Santacana et M. T. Mascort (Sanmartí et al., 2000).

Fig. 6. Construction expérimentale d’une maison, réplique des maisons du site de Barranc de Gàfols ; les solins en pierre sont rehaussés d’éléva-tions en brique crue. Parc Arqueològic Magí Inglada, El Vendrell.

Fig. 7. Construction expérimentale d’une toiture en terre. Parc Arqueolò-gic Magí Inglada, El Vendrell.Figure 6

Figure 7

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Le projet a consisté à bâtir une réplique des parties conservées des deux maisons. pour les parties non conservées, l’élaboration d’hypothèses de reconstruction (sur la hauteur des murs, l’éventuelle existence d’étages, le système de toiture, etc.) a été nécessaire. Une des hypothèses à vérifier était l’existence d’étages destinés au stockage, activité dont les couches d’effondrement avaient livré des indices abondants. Seule l’expérimentation pouvait per mettre de vérifier si les murs des bâtiments attestés sur le site de barranc de gàfols pouvaient sup-porter un étage pour y ranger les vases de stockage, ou s’il fallait plutôt envisager l’installation d’une mezzanine.

Quant à l’intérieur des maisons, des aménagements domestiques ont été reconstitués et leur fonctionnement a été testé, en particulier pour ce qui est des structures de combustion.

Ce projet mérite une valorisation positive, puisqu’il a permis de comprendre certains problèmes

Fig. 8. Construction d’un deuxième étage et réfection de la toiture des maisons expé-rimentales. Parc Arqueològic Magí Inglada, El Vendrell.

Fig. 9. Phase finale de la construction, ap-plication d’une couche d’enduit de terre sur l’ensemble bâti. parc Arqueològic magí In-glada, El Vendrell.

Fig. 10. Construction expérimentale d’un four, réplique du four attesté dans une maison du site de Barranc de Gàfols. Parc Arqueològic Magí inglada, El Vendrell.

Fig. 11. Intérieur d’une des constructions ex-périmentales, aménagé avec des répliques de pièces attestées sur le site de Barranc de Gàfols.

Figure 8

Figure 10

Figure 9

Figure 11

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concernant la construction ainsi que l’entretien des maisons en terre pendant la protohis-toire10. Nous pouvons en résumer les résultats en quelques points principaux :

– évaluation du volume de chaque matériau employé dans la construction ainsi que de la surface nécessaire pour la préparation des matériaux (élaboration et séchage des briques), du nombre de personnes nécessaire et du temps investi (temps d’élaboration des bri-ques, temps de séchage, temps de mise en œuvre...) pour chaque phase du processus de construction ; l’ensemble fournit une grande quantité d’informations sur les communautés protohistoriques et les processus de travail ;

– reformulation de quelques hypothèses sur certains éléments ou matériaux de construction : l’élaboration de sols et enduits a comporté des difficultés pour obtenir la consistance et l’adhérence souhaitées ;

– évaluation des besoins d’entretien de l’ensemble ; les problèmes liés aux pluies ont montré la nécessité de protéger les constructions de l’humidité par la construction de toitures dé-bordantes, la réfection des enduits, etc ;

– vérification de la résistance statique de l’ensemble doté d’un étage.

Même si notre appréciation du projet est globalement positive, quelques aspects négatifs doivent être également signalés, en particulier l’interruption, survenue au bout de trois ans, de subventions du ministère de l’Enseignement. Ce laps de temps a été insuffisant pour me-ner à terme d’autres phases prévues à l’origine : vérification des conditions d’habitabilité des maisons (allumage régulier des foyers et du four, variations de température et d’humidité à l’intérieur des maisons, etc.), construction d’autres bâtiments protohistoriques, etc.11.

L’expérimentation avait été faite sur un terrain privé et, une fois le financement achevé, le choix a été fait de transformer l’ensemble en parc archéologique ouvert au public (Parc Arqueològic Magí Inglada) où le projet d’expérimentation est expliqué au visiteur.

2.4. un cas particulier : La « Neocueva », altamira (santillana del mar, Cantabria)

La « Neocueva » d’Altamira est un cas particulier de réplique de site archéologique. Le site original, une grotte paléolithique qui possède l’un des plus importants ensembles de pein-tures rupestres, a été fermé au public pour éviter le risque de dégradation dû à l’affluence de visiteurs. La « Neocueva » d’Altamira, située à proximité du musée, est une réplique identique du site original, où les peintures et l’ambiance ont été fidèlement recréées. Le visiteur peut y observer les peintures sans risquer de provoquer des dégâts.

Dans le cas d’Altamira, le choix d’une nouvelle grotte identique à l’originale est justifié par les besoins de conservation du site, car la préservation des peintures ne pouvait être garantie si le site restait ouvert au public. Quant au vieux débat entre l’authenticité et la copie, nous signa-lerons tout simplement qu’en l’occurrence la réplique a été très bien accueillie par le public et que le fait de visiter une copie n’a provoqué aucune baisse de fréquentation.

3. La probLématiquE EspagNoLE DE La rEstitutioN

Concernant la restitution, la situation en Espagne présente une problématique particulière ; plusieurs contraintes sont à considérer des points de vue législatif, technique et touristique.

Tout d’abord, la législation actuelle sur le patrimoine historique espagnol interdit la restitution sur place. La loi stipule en effet que les interventions sur les monuments doivent avoir pour but

10. Sur l’ensemble, cf. la publication en détail (Belarte et al., 1999 ; Morer et al., 1999 et 2000).11. Parallèlement à la construction expérimentale des maisons protohistoriques et sur le même terrain, un dolmen de dimensions réelles a été bâti dans un but essentiellement pédagogique (Santacana, 1999, p. 71).

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la conservation et la consolidation de ceux-ci, et que la reconstitution doit être évitée12. Dans le cas de monuments déclarés « d’intérêt culturel », les restitutions sont impossibles ; lorsque la déclaration n’a pas été faite, un certain vide juridique laisse place à la restitution.

Deuxièmement, techniciens et scientifiques sont plutôt critiques sur la restitution, surtout dans le cas des restitutions sur place. Cette attitude résulte sans doute des postulats établis par la loi, mais aussi du « conservationnisme » largement dominant en Europe méditerranéenne vis-à-vis de la restitution.

Du point de vue touristique, la restitution présente enfin le risque de l’identification avec un « parc thématique » – ce qu’on a appelé « l’effet Disneyland »13.

4. L’aLtErNatiVE VirtuELLE

Les restitutions virtuelles peuvent constituer une alternative pour résoudre ces difficultés, étant donné qu’elles ne touchent pas aux vestiges. Les avantages de ces restitutions sont les suivants. Si la resti-tution virtuelle est faite à partir de plans à échelle correcte, on obtient des élévations architec-turales exactes. Si, dans la restitution matérielle, et pour certains aspects comme la hauteur des bâtiments, la prudence conseille de s’en tenir à des interventions minimales, la restitution virtuelle permet au contraire d’aller jusqu’aux limites des possibilités volumétriques et visu-elles. Si le résultat n’est pas satisfaisant, ou si la suite de la recherche conduit à modifier les interprétations, il est toujours possible d’apporter toutes sortes de modifications. Elle permet d’avoir une vision du site en trois dimensions sans modifier la sky line (silhouette paysagère) des sites. Enfin, elle respecte la valeur des ruines.

Le choix du virtuel comporte cependant quelques inconvénients. N’intervenant pas sur les ruines, le virtuel ne contribue pas non plus à la conservation de celles-ci. De même, il ne permet pas l’expérimentation en profondeur, en particulier en ce qui concerne les techniques de construction. Il n’est efficace que lorsque le résultat peut être comparé avec la réalité. Finalement, il ne facilite ni l’explication de la méthode de recherche archéologique ni les inter-prétations.

5. quELquEs réFLExioNs FiNaLEs

Les différentes modalités abordées ici rendent les sites plus compréhensibles au public et expliquent les interprétations ; en revanche, aucune d’entre elles ne permet d’expliquer facile-ment les procédés ou les méthodes de la recherche archéologique.

Même s’ils ont à l’origine un caractère expérimental, la plupart des projets de restitution ar-chéologique finissent par devenir des présentations statiques et donnent une image figée du site tel qu’il a été interprété à un moment donné, sans laisser place à la possibilité de modifier l’interprétation qui est montrée (ou d’expliquer pourquoi ces interprétations ont changé) ni de présenter l’évolution dynamique du site. Depuis peu, plusieurs centres d’archéologie expé-rimentale connaissent donc une désaffection qui pose nettement la question de la cause de ces échecs et celle de la crédibilité de l’expérimentation.

12. Artículo 39 de la Ley 16/1985 del Patrimonio Histórico Español.13. Junyent, 1999, p. 21.

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résumé

Jean-Pierre Braun et Jean-Paul Petitconservateurs territoriaux du patrimoine, service archéologique de Moselle

Dans ce parc archéologique, ouvert au public depuis 1993, l’un des principaux aménage-ments est l’intégration cohérente d’une « zone de restitutions » conçue également dans un schéma général d’aménagement. Cette zone est implantée en continuité le long de la voie ro-maine principale, au-delà de la limite de la zone urbanisée de l’agglomération antique : il s’agit de donner au public l’image la plus concrète et la plus suggestive possible des caractères architecturaux des vestiges, en restituant le cadre de vie et de travail de ses habitants.

La réalisation de cette zone de restitutions répond aussi à des objectifs didactiques ambitieux. À l’opposé d’une consommation statique et purement spectatrice de la restitution du monde antique, elle invite le visiteur à reproduire au préalable la démarche des archéologues, à s’y investir et in fine à comprendre la notion de modèle dans toute sa relativité. Le visiteur se retrouvera donc immergé brusquement et un instant dans le passé, à l’échelle grandeur natu-re, avec un ensemble d’émotions et de sensations réelles concernant le toucher, la vue, l’ouïe, l’odorat… qui, contrairement à un monde audiovisuel ou virtuel, offrent un monde matériel dans lequel il sera à la fois acteur et spectateur. C’est cette expérience « multisensorielle » et grandeur nature qui lui permet de mesurer les conséquences, les tenants et les aboutissants des hypothèses et des choix dont il aura suivi l’élaboration.

l’aménagement D’une zOne De restitutiOns : le Parc arcHéOlOgiQue eurOPéen De bliesbruck-reinHeim (mOselle, france/sarre, allemagne)

abstraCt

Jean-Pierre Braun and Jean-Paul Petitheritage curators, Moselle archaeological service

In this archaeological park which was opened to the public in 1993, one of the main aspects of development is the consistent integration of a «restitution area» conceived as a part of the general development. This area is implanted all along the main roman road, beyond the limits of the antique urban agglomeration : the idea here is to give the public both the most tangi-ble and the most evocative image of the architectural characters of the remains, through the restitution of its inhabitants’ everyday life and work context.

The realisation of this restitution area also seeks to fulfil ambitious didactical aims. As opposed to a merely static consumption and purely passive appreciation of a restitution of the antique world, it invites the visitor first to experience the archaeologists’ approach, then to relate to it and in fine to understand the role of the model in all its relativity. Thus the visitor will all of a sudden find himself completely immerged in the past, in its real dimensions, with a series of authentic emotions and sensations such as touch, sight, hearing, and smell... which, as is not the case in an audio-visual or virtual worlds, offers the visitor a material world in which he is both actor and spectator. It is this «multi-sensorial» and life-size experience which enables him to measure the consequences, and the ins and outs of hypotheses and choices whose elaboration he will have followed.

DeVelOPment Of a restitutiOn area: tHe eurOPean arcHaeOlOgical Park Of bliesbruck-reinHeim (mOselle, france/sarre, germany)

pourquoi rEstituEr ? qu’Est-CE qu’uNE rECoNstitutioN ?

La plupart du temps, les reconstitutions sont réalisées à des fins pédagogiques et didactiques. Ces objectifs pourraient être atteints par des maquettes construites ou virtuelles qui donnent des informations, mais qui ne transmettent absolument pas l’émotion que le visiteur peut ressentir, par exemple dans une maison reconstituée dans un site de plein air ou dans une reconstitution dans laquelle des « animateurs » restituent les gestes des anciens habitants.

La charte de Venise prohibe les reconstitutions qui ne reposent pas sur une anastylose, en pri-vilégiant la conservation et la restauration du document original (cette situation ne s’applique pratiquement jamais aux sites archéologiques). La charte pour la protection et la gestion du patrimoine archéologique de 1990 envisage des reconstitutions (art. 7) qui répondent à deux fonctions importantes : recherche expérimentale et pédagogie. Les reconstitutions sont donc tout à fait admises, à condition de respecter deux critères.

Le premier critère est plutôt d’ordre technique : les reconstitutions ne doivent pas perturber les traces archéologiques subsistantes et ne doivent donc pas être réalisées sur les vestiges eux-mêmes. Pourtant, dans plusieurs pays, comme par exemple l’Allemagne, les reconstitu-tions sont parfois réalisées directement sur les vestiges, ce qui nécessite la plupart du temps que ceux-ci soient renforcés, transformés, voire détruits partiellement. Mais des vestiges for-tement arasés, souvent réduits à l’état de simples maçonneries, doivent-ils être considérés comme un document auquel il ne faut absolument pas toucher ? De tels vestiges, la plupart du temps rejointoyés ou couronnés d’un chaperon, ont-ils vraiment encore une valeur scienti-fique qui interdit de les « détruire » ou de les « falsifier » par des reconstitutions in situ ?

Le second critère est d’ordre scientifique, puisque les reconstitutions doivent approcher le plus possible d’un état proche de l’original à un moment donné. C’est dans ce domaine sans doute que les « reconstructeurs » ont la responsabilité la plus importante. Les reconstitutions sont le fruit de travaux scientifiques pour lesquels les données disponibles ne permettent en général pas d’arriver à une seule proposition. Réaliser une reconstitution consiste la plupart du temps à faire un choix entre plusieurs hypothèses plausibles. Il faut se demander dans quelle mesure une reconstitution n’est pas aussi une « création » générée par une imagination « contrôlée » et quel est le poids culturel de l’époque dans la démarche de reconstitution.

Il est donc essentiel d’une part que le public ait conscience de ce travail et qu’il puisse distinguer ce qui est sûr (et authentique) de ce qui est restitué, d’autre part que les recons-titutions constituent une image la plus authentique possible des éléments dont elles sont les modèles.

Les reconstitutions donnent des informations plus facilement accessibles pour le visiteur, mais une information qui risque d’être biaisée. Il est donc important de définir l’objectif d’une reconstitution. Veut-on simplement donner une idée de volume ou souhaite-t-on aller au-delà jusqu’à donner une idée du fonctionnement de la maison et de la vie quotidienne des habi-tants ? Il y a risque de transmettre une image erronée, idéologique, romantique… Ce risque est sans doute encore plus fort lorsque le visiteur a la possibilité, comme c’est le cas sur certains sites, de vivre dans une maison reconstituée « comme » à l’âge du fer ou du bronze, par exemple.

Les reconstitutions ne concernent en général qu’une partie, voire une faible partie, d’un en-semble archéologique et provoquent également une vision sélective de celui-ci, ce qui est fla-grant lorsque ces restitutions sont faites in situ. Elles sont beaucoup plus spectaculaires que les vestiges, même consolidés et restaurés, et donc le point de mire des visiteurs qui oublient parfois le contexte général dans lequel elles s’insèrent.

Jean-Pierre Braun et Jean-Paul Petit

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L’AMÉNAGEMENT D’UNE zONE DE RESTITUTIONS : LE PARC ARCHÉOLOGIQUE EUROPÉEN DE BLIESBRUCK-REINHEIM

(MOSELLE, FRANCE/SARRE, ALLEMAGNE)Jean-Pierre Braun et Jean-Paul Petit

l’aménagement D’une zOne De restitutiOns : le Parc arcHéOlOgiQue eurOPéen De bliesbruck-reinHeim (mOselle, france/sarre, allemagne)

Jean-Pierre Braun et Jean-Paul Petitconservateurs territoriaux du patrimoine, service archéologique de Moselle

Les fouilles archéologiques conduites dans la vallée de la blies entre blies-bruck (département de la moselle, en France) et reinheim (Land de sarre,

en allemagne) à partir des années 1970 ont démontré l’intérêt scientifique de cet espace transfrontalier (fig. 1) marqué par la présence de nombreux vestiges archéologiques particulièrement représentatifs, en particulier ceux d’un site princier celtique (fig. 2a) et d’une petite ville gallo-romaine (fig. 2b)1. L’historique de ce projet, ses objectifs et les moyens mis en œuvre ont fait l’objet d’une pré-cédente communication détaillée2. une autre3 a en outre permis, d’une part, de présenter les modalités de gestion et d’animation du parc ainsi que les résultats obtenus et, d’autre part, de donner un premier aperçu sur les projets de déve-loppement pour la période 2005-2008.

Pour l’époque celtique, le monument principal découvert à ce jour est la tombe de la prin-cesse de Reinheim4 que l’on date des environs de 370 av. J.-C., mais les données récentes indiquent l’existence dans la vallée d’une zone funéraire tumulaire occupant un espace d’envi-ron 400 × 200 m utilisée dès le Hallstatt ancien et jusqu’à La Tène moyenne. Cette nécropole s’étend au pied du « Homerich », pédoncule de méandre abandonné qui surplombe la vallée et correspond sans doute à un habitat de hauteur. L’importance de ce pôle princier est ren-forcée par la découverte, en 2005, au pied de cette hauteur, d’une seconde nécropole, dont

1. Ce site a été en partie présenté dans Brunella, Petit, 2003 ; pour un bilan synthétique de la recherche à Bliesbruck-Reinheim, se reporter aussi à Jean-Paul Petit, 2004, et à Jean-Paul Petit, Philippe Brunella, 2005.

2. Philippe Brunella, Jean-Paul Petit, 2003.3. Jean-Paul Petit, 2006, à paraître.4. Rudolf Echt, 1999.

Figure 1

Fig. 1. Vue du site de Bliesbruck-Reinheim(doc. Conservation d’archéologie de la Moselle).

les tombes n’ont pas un caractère « princier » mais sont néanmoins celles de person nages de haut statut social5.

Après la conquête romaine, la vallée est profondément transformée par l’implantation progres-sive d’une agglomération secondaire6, une petite ville organisée autour d’un axe matérialisé par l’ancienne route départementale. Dotée d’un certain équipement urbain, en particulier un complexe organisé autour de thermes publics7, elle est surtout caractérisée par la présence de vastes quartiers à vocation artisanale et commerciale qui bordent la voie principale, dont deux ont fait l’objet de fouilles de grande ampleur8. Elle partage la vallée avec une grande villa constituée d’une large résidence à laquelle est adjointe une vaste cour comprenant de nom-breux bâtiments secondaires alignés le long d’un mur d’enclos9.

Les ruines de l’agglomération romaine, abandonnée vers le milieu du ve siècle apr. J.-C., étaient encore visibles aux xve et xvie siècles. À cette époque, les restes de l’ensemble thermal ont été réa-ménagés pour en faire une petite maison forte10. Le site est ensuite définitivement abandonné, et

5. L’Archéologue, 79, 2005, p. 40-41.6. Jean-Paul Petit, 2004, p. 285-318.7. Jean-Paul Petit, 2000.8. Jean-Paul Petit, 2004 ; Jean-Paul Petit, Philippe Brunella, 2005.9. Florian Sarateanu-Müller, 2000.10. Lukas Clemens, Jean-Paul Petit, 1995.

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Figure 2b

Figure 2a

Fig. 2a. Le site de bliesbruck-Reinheim à l’âge du fer (doc. Landesdenkmalamt du Land de Sarre).

Fig. 2b. Le site de Bliesbruck-Reinheim à l’époque romaine (doc. Conservation

d’archéologie de la Moselle).

progressivement l’ensemble des pierres est récupéré. Enfin au xxe siècle, des sablières marquent la vallée par de profondes excavations et constituent ainsi le départ des recherches qui ont abouti au projet de parc archéologique européen de Bliesbruck-Reinheim.

Ce parc est ouvert au public depuis 1993. Il fait l’objet d’un développement continu conju-guant recherches archéologiques et mise en valeur des vestiges, conformément au projet Blesa adopté en 1991 à la suite d’un concours d’aménagement lancé par les maîtres d’ouvra-ge, le conseil général de la Moselle, le Kreis du Saarpfalz et leurs partenaires, l’État français, le Land de Sarre et la commune de Gersheim. Le public y découvre aujourd’hui les vestiges d’une petite ville romaine (fig. 3), à savoir des thermes publics présentés sous un pavillon

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Figure 3

Figure 4

Fig. 3. Le parc archéologique européen. Les vestiges de l’agglomération de Bliesbruck (doc. Conservation d’archéologie de la Moselle).

Fig. 4. Le parc archéologique européen. Les vestiges de la villa de Reinheim (doc. Frédéric Lontcho, Errance).

muséal et un quartier artisanal et commercial bordant la voie romaine principale, accessible grâce à un parcours muséographique, ainsi que les vestiges d’une grande villa dont le plan axial marque le paysage (fig. 4). Une nécropole celtique de trois tumulus de La Tène ancienne a été reconstituée. Dans l’un des tertres, celui de la « princesse de Reinheim », qui a livré un mobilier prestigieux, la chambre funéraire est accessible au public.

L’un des aménagements principaux prévus dans le projet Blesa est la création d’une « zone de restitutions » implantée en continuité le long de la voie romaine principale, au-delà de la limite de la zone urbanisée de l’agglomération antique. L’implantation de cette zone était prévue au-delà d’une image de « miroir » virtuel marqué par un belvédère, mettant en relation dynamique les vestiges archéologiques des maisons et leurs restitutions expérimentales. Si l’idée géné-rale a été conservée, il a été décidé de ne pas retenir l’option initiale du cadre expérimental qui entraînerait des contraintes peu compatibles avec la gestion du parc11.

LEs objECtiFs DE La zoNE DE rEstitutioNs

Les objectifs propres de cette zone particulière de restitutions sont les suivants :a) reconstituer pour le public de façon à donner l’image la plus concrète et la plus suggestive

possible des caractères architecturaux de ces unités, en restituant le cadre de vie et de travail de leurs habitants ;

b) faire comprendre au visiteur la démarche scientifique qui sous-tend les restitutions, dont les informations ne constituent pas une vérité (il faut faire comprendre que ce n’est qu’un modèle, construit à partir des données provenant des fouilles et insérées dans le contexte d’ensemble des connaissances actuelles) ;

c) présenter une zone de restitutions en relation dynamique avec les fouilles (les deux objectifs définis ci-dessus impliquent que le public puisse faire facilement le lien entre les quartiers fouillés et les restitutions) ;

d) faire en sorte que cette zone de restitutions soit intégrée de façon cohérente au parc archéologique. L’offre du parc est aujourd’hui déjà très variée : les thermes présentés sous leur pavillon muséal, le quartier artisanal et son parcours muséographique, la villa de Rein-heim et son parcours de visite, la tombe princière de Reinheim et le musée Jean-Schaub. Cette offre sera complétée par une exposition permanente dans le centre de ressources et d’expositions en cours de construction et par les restitutions d’éléments architecturaux de la villa de Reinheim.

Pour la réalisation de ces objectifs, le conseil général de la Moselle, maître d’ouvrage, a mis en place une étude de programmation qui associe, dans le cadre d’un groupe de travail, des conservateurs et des ingénieurs de la maîtrise d’ouvrage (conseil général de la Moselle) et des services de l’État à une équipe d’assistance conduite par un architecte et comprenant un muséographe et un graphiste.

objECtiFs opératioNNELs Et priNCipEs

Le groupe de travail a traduit en termes opérationnels les objectifs présentés ci-dessus :a) restituer à l’échelle 1/1 un segment de la voie principale et les unités qui occupent les par-

celles et bordent la voie, perpendiculairement à celle-ci ;b) ces restitutions incluant la présentation des aménagements extérieurs et des activités qu’elles

abritaient, elles présenteront donc des ambiances intérieures proches de celles de l’Antiquité ;

11. En effet, la reconstitution s’étirerait sur de nombreuses années car elle nécessite, outre l’élaboration d’un protocole scientifique extrêmement rigoureux, la préparation (taille de pierre) ou la fabrication, également dans un cadre expérimental, des matériaux de construction et donc la reconstitution de fours de tuiliers et de fours à chaux, la présence d’équipes comprenant des artisans hautement qualifiés pour la préparation et la fabrication de ces matériaux (forgerons, maçons, briquetiers) et pour la construction, et ce, sur de très longues durées.

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c) pour que le public puisse faire le lien avec les quartiers fouillés, la zone de restitutions sera située en continuité d’implantation le long de la voie principale, au-delà de la limite de la zone de forte densité en vestiges ;

d) les constructions restituées seront dans la même situation que les vestiges des maisons dont elles sont les modèles ;

e) quant au lien entre vestiges et restitutions, il sera matérialisé par un dispositif didactique et scénographique, qui marquera le passage entre ces deux secteurs.

L’implantation de la zone de restitutions est déterminée par les objectifs opérationnels définis ci-dessus et par les contraintes liées au potentiel archéologique des terrains. La zone d’im-plantation se situe directement au nord du quartier ouest. Elle comprend deux secteurs, de part et d’autre de la voie principale.

Secteur 1 : depuis la fin du quartier ouest sur une longueur de 70 à 80 m. Les sondages et les prospections géophysiques indiquent que ce secteur recèle des vestiges bâtis, en prolonge-ment du quartier ouest. Il ne pourra donc recevoir que des installations légères ne nécessitant ni fondations, ni percements susceptibles d’endommager les traces en sous-sol…

Secteur 2 : au-delà du secteur 1 sur une longueur de 70 à 80 m. Il s’agit d’un secteur pour lequel les prospections indiquent un potentiel archéologique faible, que ce soit sur le côté oriental de la voie, où les sondages de diagnostic de 2003 ont montré la quasi-absence de vestiges, ou sur le côté occidental, où les prospections géophysiques de 2004 indiquent une occupation faible. C’est dans ce secteur que pourront s’implanter des constructions de tous ordres, après les fouilles.

Le choix fait pour les restitutions proprement dites est de présenter une séquence (rue bordée de maisons) correspondant à la réalité archéologique du site. En l’état actuel des recherches, cette séquence n’existe pas complètement car les constructions situées en vis-à-vis des quartiers ouest et est ne sont connues que par des sondages et des prospections géo-physiques.

pour que la rue apparaisse comme un ensemble bâti de part et d’autre (espace libre bordé par des constructions), il est prévu de restituer, du côté occidental, une séquence de trois bâ-timents « extraite » du quartier ouest et, du côté oriental, uniquement la façade des construc-tions bordant la voie non encore fouillées. Ces façades, tout comme la nature des aménage-ments de rue, seront précisées par les recherches complémentaires (fouilles et prospections géophysiques) mises en place en 2005.

Sur le plan chronologique, les vestiges du quartier ouest sont conservés dans leur état du iiie siècle apr. J.-C. C’est cette période qui est la référence pour les restitutions. Elle corres-pond d’ailleurs à la période d’expansion maximale de la ville et de ses quartiers. Le choix s’est porté sur les parcelles 3, 4 et 5 du quartier ouest, pour lesquelles la qualité et l’importance des données en notre possession offrent les meilleures possibilités pour envisager une restitution architecturale et où ces données sont suffisamment explicites quant aux activités artisanales et commerciales qu’abritaient ces bâtiments (métallurgie du fer, artisanat du bronze et boulan-gerie-meunerie) pour permettre une scénographie crédible et suggestive pour le public.

La zoNE DE rEstitutioNs

intégration dans un schéma général d’aménagement

Cette zone de restitutions (fig. 5) s’inscrit dans un parcours global qui débute à l’accueil du centre de ressources et d’expositions. Depuis ce centre, le visiteur aura une distance de 300 m à parcourir pour arriver à l’entrée du pavillon muséal des thermes. Ce point constitue un premier carrefour qui permet de poursuivre le parcours vers le quartier est (le cas échéant) et vers l’entrée actuelle du quartier ouest.

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Loin d’être un simple cheminement, ce parcours entre l’accueil et ce premier point de distribu-tion doit correspondre à un espace d’information qui éveille l’attention du visiteur et lui permet d’entrevoir ce qu’il va découvrir (les restitutions comme point d’orgue) sans le lui révéler. Pour cela, il est proposé d’établir, à l’arrière du quartier ouest, une clôture (végétale ?) qui masque les restitutions et marque la limite de ce quartier. Elle reprend le bord de la voie romaine secondaire qui longeait le quartier dans l’Antiquité et dont le tracé servira de cheminement au visiteur. Cette clôture servira de support à un dispositif didactique et scénographique qui fera remonter le temps au visiteur depuis l’époque actuelle jusqu’à la période romaine, en lui présentant l’histoire de la découverte du site, des fouilles et de la création du parc, et la ville romaine dont il va découvrir les vestiges.

De même, la sortie de la zone de restitutions ne pourra se faire qu’à travers l’un des espaces ouverts (jardins et dépendances) qui prolongent les maisons restituées. À partir de là, le visi-teur retrouve un cheminement qui le ramène vers le centre de ressources et d’expositions puis vers la villa de Reinheim. Ce cheminement correspondra également à un espace d’informa-tion qui fera pendant à celui mis en place à l’aller, de l’époque romaine à l’époque actuelle. On y présentera l’histoire du site à partir de la fin de l’époque romaine, la destruction et l’abandon de la ville, l’occupation à la fin du Moyen Âge, la mise en culture du site et le processus d’en-fouissement des vestiges.

La voie est l’épine dorsale du dispositif. Elle doit être perceptible sur toute sa longueur. Cela implique l’arasement de l’ancienne route départementale qui la recouvre, jusqu’au niveau de l’époque romaine depuis le début du quartier ouest, sinon au moins à partir du milieu de ce quartier. Il convient de créer par l’intermédiaire de la voie une covisibilité entre la zone de ves-tiges du quartier ouest et les restitutions.

La démarche et le parcours proposés au visiteur correspondent à un véritable scénario qui doit le mettre dans les meilleures conditions pour avoir plaisir à comprendre. Ce parcours comprend trois parties qui débutent par les vestiges du quartier artisanal ouest, traverse une

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Figure 5

Fig. 5. Schéma général d’aménagement du parc. Bliesbruck et sa zone de restitutions (doc. Conservation d’archéologie de la Moselle et Studio zèbre).

zone qui fait le lien entre ce quartier et les restitutions proprement dites qui constitueront la dernière partie de l’aménagement. C’est l’ensemble de ces trois parties qui sera appelé pro-prement « zone de restitutions » (fig. 6).

partie 1

Cette partie correspond aux vestiges du quartier artisanal ouest, qui a déjà fait l’objet de tra-vaux de consolidation et de restauration et, pour les plus fragiles, de protection par des struc-tures de couverture qui reprennent l’écriture du pavillon muséal. Le parcours muséographique et didactique débute à l’extrémité sud du quartier. Ce point restera le départ du parcours qui mène aux restitutions.

Pour cette zone, qui sera en quelque sorte « fermée » – ne présentant que les données propres du site –, il est proposé d’utiliser les aménagements existants en les complétant, pour pré-senter au public les éléments de connaissance livrés par les fouilles du quartier. Le parcours débute par une station à l’entrée du quartier, où l’on présente au visiteur la démarche de restitution ; il se termine par une seconde station, où l’on fait le bilan des données et des lacunes, de ce qui est connu et de ce qui ne l’est pas et où l’on indique au visiteur comment se poursuit la démarche. C’est un point-bascule : on sort du quartier et on se retourne vers lui pour faire le bilan (ce que les données du site permettent de savoir), puis on pivote pour poursuivre le parcours.

La scénographie-muséographie du quartier ouest telle qu’elle existe sera modifiée en ap-portant des informations complémentaires de celles qui sont disponibles aujourd’hui, mais en conservant la même écriture scénographique (système de lutrins, plaques en aluminium anodisé…). Il conviendra aussi d’ajouter des données matérielles, c’est-à-dire des éléments archéologiques découverts lors des fouilles et relatifs aux aspects architecturaux (sous forme de copies) et de compléter la restauration partielle des bâtiments du quartier ouest en mettant en valeur certains éléments architecturaux.

Dans cette partie 1, il est aussi nécessaire de rendre perceptibles au visiteur la voie (une partie de la chaussée antique sera présentée devant les constructions 5, 4 et 3) et les construc-tions situées en vis-à-vis des maisons du quartier ouest, en particulier celles dont les façades seront restituées. La fouille de ces façades ne sera pas réalisée et il faut donc recourir à un mode de présentation qui suggère leur présence sans faire des pastiches de vestiges.

partie 2

Le passage entre le quartier ouest et les restitutions proprement dites doit faire comprendre au visiteur la démarche déjà amorcée dans la partie 1 qui sous-tend ces restitutions et lui donner toutes les clefs pour les aborder. On donne les éléments de réponse aux questions qui se posent à la fin de la zone 1 et on montre la complexité de la démarche. On présente ainsi au visiteur à la fois les hypothèses de restitution et la justification des choix de restitution qui ont été faits.

Cette partie 2 est composée de deux sous-parties. La partie 2a, en prolongement du quar-tier ouest, est un espace de plein air jalonné par une série d’éléments mobiliers muséo-graphiques, qui constituent des pôles où le visiteur trouvera les données permettant de ré-pondre aux questions qui se posent. Il s’agit de confronter les données propres au site de Bliesbruck avec celles qui sont issues d’autres sources. Ces pôles seront conçus de manière thématique : sources écrites et iconographiques, sources provenant d’autres sites de la Gaule du Nord, sources provenant des sites d’Italie et en particulier de Pompéi et d’Herculanum… Au contraire de la précédente, cette partie est donc « ouverte » vers le monde extérieur. Dans cette partie 2a, le mobilier muséographique doit correspondre à une déclinaison du système de lutrins du quartier ouest tout en répondant à des critères bien définis, en particulier le ca-ractère manipulable ou ludique.

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La partie 2b est en revanche un espace couvert qui met en œuvre une exposition-spectacle (associant divers modes de présentation : images fixes, images projetées, images sur moniteur, objets animés, éclairage) montrant au visiteur le processus de restitution de façon dynamique et scénarisée. Cet espace couvert, appelé « bâtiment-miroir », sorte de boîte sans lien visuel avec l’extérieur, et accolé aux restitutions, doit aussi les masquer de façon que le visiteur ne les découvre qu’à l’issue de ce parcours qui fait la transition.

partie 3

C’est la partie la plus nouvelle du dispositif : elle met en scène le discours scientifique dans la restitution plus ou moins complète d’un tronçon de rue bordé de constructions (fig. 7). Le visiteur pénétrera dans des maisons (fig. 8) où les aménagements intérieurs, le fonctionne-ment des ateliers et la vie quotidienne lui seront présentés de la façon la plus suggestive et la plus animée possible (fig. 9), pour susciter une perception par les sens et l’émotion. Aucun élément didactique ne sera présent dans ces restitutions qui doivent avoir un caractère vivant et animé par l’utilisation de différentes techniques : création d’ambiances sonores générales ou localisées, éclairages illustratifs, mise en place d’éléments olfactifs, tactiles, éventuellement mannequins et possibilité de présenter occasionnellement des animations vivantes. Cette partie 3 serait alors en quelque sorte une « plongée » dans le passé.

CoNtraiNtEs Et DiFFiCuLtés

Cette zone de restitutions donnera lieu à un concours de maîtrise d’œuvre qui s’adressera à des équipes pluridisciplinaires associant architectes, paysagistes, muséographes. La réussite de ce concours nécessite l’élaboration d’un programme extrêmement précis sur les plans scientifique, architectural, pédagogique et didactique.

étude scientifique

La réalisation de ce projet nécessite de fournir à l’équipe de maîtrise d’œuvre des plans archi-tecturaux et d’aménagement des bâtiments à restituer, comme si ces constructions allaient faire l’objet d’une reconstruction « à l’antique ». Mais donner un volume aux constructions dont on a retrouvé les vestiges est une tâche difficile. Les vestiges, parfois maigres, retrouvés au cours des fouilles, offrent de quoi restituer une partie des élévations. Mais il est nécessaire d’inscrire la démarche dans le contexte historique, technologique et culturel de l’époque : outre les données archéologiques qui proviennent des villes établies dans un espace his-torique et culturel à peu près homogène, à savoir la Gaule belgique et les Germanies, il est possible de recourir aux données provenant des sites urbains d’autres régions de l’Empire romain, en particulier d’Italie et des villes conservatrices de la civilisation romaine que sont Pompéi et Herculanum.

Par exemple, les sources écrites sont souvent de nature juridique ou réglementaire et traitent en particulier de la législation du bâtiment et des relations de voisinage12. Elles permettent d’interroger les données archéologiques et de mieux appréhender le contexte général dans lequel elles s’insèrent. D’autres sources, iconographiques, sont les représentations de bâ-timents sur des monnaies, des mosaïques, des enduits peints ou des reliefs ; mais aucune représentation ne nous montre une construction correspondant aux maisons que nous étu-dions. La dernière série de critères à prendre en compte dans une démarche de restitution relève de la culture liée à la pratique constructive. Elle oblige à se poser de nombreuses ques-tions d’ordre technique et pratique.

12. Voir par exemple Saliou, 1994.

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L’utilisation de l’ensemble de ces données permet d’arriver à des propositions de restitution argumentées sur le plan architectural. De plus, la restitution des aménagements intérieurs implique de comprendre la fonction des locaux qui composent les constructions fouillées, fonction que la lecture du plan, en l’absence de modèle, ne permet en rien d’identifier. Même pour la maison romaine classique, la domus, pour laquelle on dispose de modèles grâce au texte de Vitruve et aux exemplaires bien conservés à Pompéi et à Herculanum, l’interprétation est complexe. Les recherches récentes ont montré que la terminologie antique de Vitruve ne caractérise pas les locaux par les activités qu’ils abritent. Par ailleurs, l’intégration des données relatives au mobilier découvert dans les pièces corrige la vision qu’en donnent les sources écrites et les données de l’architecture et de la décoration.

De plus, alors qu’aujourd’hui, et ce depuis le xixe siècle, à une pièce correspond une fonction et qu’habiter et travailler s’inscrivent dans des lieux différents, la situation est tout autre dans l’Antiquité. Habiter et travailler ont en milieu urbain le même cadre, même pour les très grandes maisons où, en général, on perçoit essentiellement la fonction résidentielle. Certaines pièces, certains espaces peuvent abriter des activités différentes selon le moment de la journée et les personnes qui s’y trouvent. Il convient aussi de prendre en compte le contraste profond entre notre époque et l’Antiquité dans de nombreux domaines. Les notions de famille, de confort, d’hygiène, de différences et de relations entre sphères publique et privée qui sont les nôtres aujourd’hui ne peuvent servir de modèles pour cette interprétation.

Les données archéologiques fournissent néanmoins des indications sur la nature des activités (ou de certaines activités) qui se sont déroulées dans les constructions dont on a retrouvé les vestiges, et pour lesquelles nous utilisons le terme de maison. Les critères d’identification des activités sont au nombre de trois : l’analyse du plan et la localisation dans la parcelle, l’aména-gement du local et les structures qui y sont attestées, ainsi que le mobilier qui en provient. Ces données ne témoignent pas d’événements ponctuels, mais dans la plupart des cas d’une du-rée d’occupation correspondant à ce que l’archéologue appelle « une phase » ; or l’utilisation des espaces a pu évoluer au cours d’une même phase. Rappelons aussi que dans la plupart des cas, les vestiges retrouvés ne représentent que très partiellement la réalité an tique. Mal-gré ces difficultés, la conjonction des données collectées permet au moins d’élaborer des propositions argumentées pour les différents espaces et locaux identifiés : portique, bouti-ques, locaux artisanaux et commerciaux, pièces chauffées, sous-sols et espaces ouverts.

Cette démarche de restitution fait l’objet d’une collaboration entre des archéologues et un architecte, Pierre André (fig. 10). Extrêmement complexe et en aucun cas linéaire, cette étude ne peut être explicitée au visiteur ni traduite sous forme d’un synopsis qui constituera la trame pour le scénario de l’exposition-spectacle.

architecture

Pour l’architecture et l’aménagement des restitutions, les critères principaux à respecter seront les suivants.• Les matériaux de construction peuvent être modernes ou correspondre à ceux de l’Anti-

quité mais dans tous les cas le visiteur doit ressentir une impression d’authenticité, visuelle et tactile. Cette qualité est primordiale pour traduire les ambiances intérieures comme, par exemple, les parois jointoyées et tirées au fer ou revêtues de fresques murales.

• Les volumes intérieurs restitués et leur ambiance sont ceux de l’Antiquité. Il faut concilier leur réalisation avec les règles de sécurité actuelles en évitant tout anachronisme. Tous les sys-tèmes « modernes » seront si possible dissimulés (éclairage, audiovisuels, extincteurs…).

• La circulation reprendra celle de l’Antiquité ; la gestion du flux de visiteurs devra s’adapter à ce plan.

• pour susciter un intérêt constant, il est indispensable que ces restitutions aient un caractère plus dynamique et vivant que didactique ; néanmoins, il n’est pas exclu que certains effets puissent concourir à sensibiliser l’attention ou à concentrer le regard sur des détails signi-ficatifs.

L’AMÉNAGEMENT D’UNE zONE DE RESTITUTIONS : LE PARC ARCHÉOLOGIQUE EUROPÉEN DE BLIESBRUCK-REINHEIM

(MOSELLE, FRANCE/SARRE, ALLEMAGNE)Jean-Pierre Braun et Jean-Paul Petit

L’une des difficultés principales est l’intégration des « restitutions » ; il s’agit en particulier de bien traiter le côté oriental, visible depuis la nouvelle déviation de la route départementale et la route d’accès au parking. Du côté ouest, les restitutions sont masquées par le bâtiment- miroir ; du côté est, là où seules les façades sont restituées, il pourra s’agir d’un simple écran.

pédagogie et didactique

Ces restitutions ne seront pas faites dans une démarche d’archéologie expérimentale ; elles correspondront à une image matérielle des maisons où les ambiances seront scénographiées, présentées en plein air avec rue et maisons « gallo-romaines » établies comme telles dans le paysage de la vallée. Elles restitueront aussi une ambiance extérieure « proche de celle de l’Antiquité ». Sur le plan des volumes généraux, elles seront donc « fossilisées » et seuls des réaménagements intérieurs pourront être envisagés, en fonction des évolutions dues aux progrès de la recherche.

Le groupe de travail a également étudié une éventuelle alternative au concept retenu : des restitutions sous une structure de couverture contemporaine, qui pourrait aussi accueillir le dispositif muséographique. Ce choix présenterait plusieurs avantages : les restitutions appa-raîtraient sans équivoque comme des maquettes à l’échelle et le public serait sans ambiguïté dans un espace muséographique et scénographique. Ces « restitutions » sous couverture pourraient aussi être réalisées de façon beaucoup plus légère et plus souple, et donc intro-duire de façon plus importante la dimension dynamique de l’avancée des recherches. Mais l’impact dans le paysage de la couverture, sa hauteur qui devrait dépasser celle des restitu-tions, sa superficie d’au moins 3 000 m2, les structures d’ancrage colossales nécessaires et donc son coût n’ont pas permis de retenir ce concept.

CoNCLusioN

La réalisation de cette zone de restitutions répond à des objectifs didactiques ambitieux. À l’opposé d’une consommation statique et purement spectatrice de la restitution du monde antique, elle invite auparavant le visiteur à reproduire la démarche des archéologues, à s’y investir et in fine à comprendre la notion de modèle et toute sa relativité. À une certitude est ainsi substituée une logique de raisonnement et à une vérité historique un faisceau de vraisem blances… Ces vraisemblances trouvent leur transcription dans le concept de miroir, c’est-à-dire de passage « de l’autre côté ». Le visiteur se retrouvera immergé brusquement et un instant dans le passé à l’échelle grandeur nature avec un ensemble d’émotions et de sen-sations réelles concernant le toucher, la vue, l’ouïe, l’odorat… qui, contrairement à un monde audiovisuel ou virtuel, offrent une matérialité dans laquelle il sera à la fois acteur et spectateur. Cette vision grandeur nature lui permet de mesurer les conséquences, les tenants et les abou-tissants des hypothèses et des choix dont il aura suivi l’élaboration. Cette zone de restitutions se veut ainsi un lieu innovant à même d’intéresser le grand public et donc de contribuer à augmenter l’attractivité du parc et sa fréquentation.

L’AMÉNAGEMENT D’UNE zONE DE RESTITUTIONS : LE PARC ARCHÉOLOGIQUE EUROPÉEN DE BLIESBRUCK-REINHEIM

(MOSELLE, FRANCE/SARRE, ALLEMAGNE)Jean-Pierre Braun et Jean-Paul Petit

bibLiograpHiE

Brunella, Petit, 2003Brunella, Philippe, Petit, Jean-Paul, « Entre l’air et le couvert, le parc archéologique européen de Bliesbruck-Reinheim », Les Vestiges archéologiques en milieu extrême : étude et conservation, table ronde des 3-5 octobre 2000 à Clermont-Ferrand, Paris, Éditions du patrimoine, 2003.

cleMenS, Petit, 1995cleMenS, Lukas, Petit, Jean-Paul, « Des thermes gallo-romains réoccupés à la fin du Moyen Âge », Archéologie médiévale, 1995, p. 65-85.

ecHt, 1999ecHt, Rudolf R., Das Fürstinnengrab von Reinheim. Studien zur Kulturgeschichte der Früh-La Tène-Zeit, Blesa 2, Bliesbruck-Reinheim, 1999.

kaiSer, SoMMer, 1994kaiSer, Hartmut, SoMMer, C. Sebastian, Lopodunum I. Die römische Befunde der Ausgrabun-gen an der Kellerei in Ladenburg 1981-1985 und 1990, Forschungen und Berichte zur Vor und Frühgeschichte in Baden-Württemberg, 50, Stuttgart, 1994.

Petit, 2000Petit, Jean-Paul (dir.), Le Complexe des thermes de Bliesbruck, un quartier public au cœur d’une agglomération secondaire de Gaule belgique, Blesa 3, Paris, 2000.

Petit, 2004Petit, Jean-Paul, Bliesbruck (et Reinheim), no 91, dans Flotte, Pascal, Fuchs, Mathieu, La Moselle, Carte archéologique de la Gaule 57/1, Paris, 2004, p. 278-324.

Petit, 2006Petit, Jean-Paul, « Le parc archéologique européen de Bliesbruck-Reinheim (département de la Moselle, France/Land de Sarre, Allemagne) : gestion et animation et projets de développement », Actes du colloque d’Eu de 2004, La Mise en valeur du patrimoine archéologique en Normandie, à paraître.

Petit, Brunella, 2005Petit, Jean-Paul, avec la collaboration de Brunella, Philippe, et deru, Xavier, ecHt, Rudolf, rein-Hard, Walter et Sarateanu-Müller, Florian, Bliesbruck-Reinheim, Celtes et Gallo-Romains en Mo-selle et en Sarre, Paris, Errance, 2005.

Saliou, 1994Saliou, Catherine, Les Lois des bâtiments. Voisinage et habitat urbain dans l’Empire ro-main. Recherches sur les rapports entre le droit et la construction privée du siècle d’Augus-te au siècle de Justinien, Beyrouth, Institut français d’archéologie du Proche-Orient, 1994, coll. « bibliothèque archéologique et historique », CXVI.

Sarateanu-Müller, 2000Sarateanu-Müller, Florian, « Die gallo-römische Villenanlage von Reinheim, Saarpfalz », Blätter für Geschichte und Volkskunde, Sonderheft, Homburg, 2000.

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(MOSELLE, FRANCE/SARRE, ALLEMAGNE)Jean-Pierre Braun et Jean-Paul Petit

résumé

Pierre Andréarchitecte, archéologue, Lyon (France), chercheur à l’École suisse d’archéologie en Grèce (ESAG)

À Érétrie (île d’Eubée, Grèce), l’occupation humaine de la plaine se déroule vers – 800 sous la forme d’un espace ouvert innervé par des chemins dont certains empruntent les sillons d’éro-sion de la colline qui surplombe le site. Le rempart, construit plus tard, vers – 550, ne modifie pas l’existence de ce premier réseau viaire à l’aspect incohérent. Le plus grand temple de l’île, édifié à cette époque et dédié à Apollon, évolue de simple cabane en édifice canonique, vers – 650. L’intervention architecturale a permis les premières restitutions de certaines maisons (quartier de l’ouest et maisons aux mosaïques). Elle a défini une vision nouvelle de la maison savante du ive siècle avant notre ère, réservée aux réceptions de l’élite sociale et associée à une autre maison, qu’elle domine en hauteur et qui, elle, abrite la vie de la famille. Au iiie siècle, au moment où s’affirme le besoin de nouvelles salles, on retrouve ces deux maisons asso-ciées par des toitures-terrasses ; l’augmentation de l’assiette foncière permet en outre à la grande cour de devenir un véritable péristyle. Mais il faut attendre l’époque hellénistique pour que l’architecture privée, qui s’élaborait auparavant par agglutination d’espaces différents, fusionne ces deux modèles en un seul.

Enfin, la caractéristique de la construction à Érétrie est d’apparaître fondée sur une utilisation massive du bois, une preuve des très anciens échanges commerciaux entre la Grèce et les lointaines colonies du nord de la mer Égée.

la restitutiOn arcHitecturale à érétrie (eubée, grèce)

abstraCt

Pierre Andréarchitect, archeologist, Lyon (France), researcher at the Ecole Suisse d’Archéologie en Grèce (ESAG)

In Eretria (Eubea Island, Greece), the first human occupation of the plain takes place in 800 BC in the shape of a large open space which is marked by a network of pathways, some of which follow the erosion trenches of the hill overlooking the site. The rampart, which was built later, around 550 BC, doesn’t modify the existence of this seemingly chaotic original pathway network. The largest temple of the island, erected at this time and dedicated to Apollo, evol-ves from a simple hut to a religious edifice, towards 650 BC. Architectural intervention has made possible the initial restitution of several houses (western sector and mosaïc house). It has defined a new interpretation of the ‘refined’ house of the IVth century before our era, it was reserved to receptions of the social elite and associated to another house, which it dominated by its height, which was destined to family life. During the third century, when a need for new rooms arises, we find these two houses associated by their roof-terraces; the then growing funds gathered from real-estate taxes allow the courtyard to become an authentic peristyle. yet it is not until the hellenistic period that private architecture, which used to proceed by ag-glutination between different spaces, melds these two models into one.

Finally, the characteristic element of construction at Eretria seems to be that it is massively wood-based, which is proof of the very ancient commercial exchanges existing between Greece and the distant colonies situated north of the Aegean sea.

arcHitectural restitutiOn at eretria (eubea, greece)

la restitutiOn arcHitecturale à érétrie (eubée, grèce)

Pierre Andréarchitecte, archéologue, Lyon (France), chercheur à l’École suisse d’archéologie en Grèce (ESAG)

pierre Ducrey, professeur à l’université de Lausanne et direc-teur de l’école suisse d’archéologie en grèce, nous a de-

mandé à partir de 1996 d’assurer une assistance architecturale sur le site en vue de compléter des publications, la dernière étant celle du guide scientifique d’érétrie publié en 2004 dans le cadre de la mission de diffusion des connaissances qui in-combe à la discipline archéologique. Cette réflexion a porté sur l’image générale de la ville, du rempart et de la porte de l’ouest, du sanctuaire d’apollon Daphnephoros (porteur de lauriers), du gymnase, du sébastéion et des maisons du vie siècle au ive siè-cle av. j.-C. (fig.2).

La restitution architecturale prend son sens dans une vision générale qui tente de retrouver les traces matérielles d’un corps social afin de témoi-gner de la spécificité et de l’étrangeté de tout groupement humain. Cette approche doit tenir compte du mouvement général des idées politiques ou religieuses, sous-tendue, dans le cas des sociétés grecques, par la dyna-mique que constituent les rivalités intellectuelles, militaires, politiques, éco-nomiques et foncières entre les cités depuis le ixe siècle av. J.-C.

Figure 1

Fig. 1. Carte de l’île d’Eubée. En médaillon, carte d’ensemble de la Grèce. Fig. 2. Plan du site d’Érétrie à l’époque

classique-hellénistique (vers 400 av. J.-C.).Figure 1

Nous nous proposons donc, dans le cadre de ce colloque, d’exposer les éléments du débat qui a présidé à deux axes : d’une part l’élaboration d’images issues de compromis et d’autre part les avancées fulgurantes produites par une démarche spatiale qui, avec ses logiques constructives ou ses exigences d’aération, démultiplie les analyses faites au sol. Ces deux axes offrant des perspectives nouvelles susceptibles de réflexion et d’évolution, la restitution devient alors un débat ouvert qui concerne autant les aspects sociologiques et philo sophiques qu’architecturaux, dans le cadre d’une démarche nécessairement pluridisciplinaire si l’on veut pouvoir définir les étapes de formation d’une société ancienne, sa langue, ses récits, ses institutions.

proLégomèNEs(Fig. 3, 4, 5, 6).

sur le choix d’érétrie

Si le site d’Érétrie, plus que tout autre, permet l’approche globale d’une ville grecque depuis ses cabanes de l’époque géométrique jusqu’à l’époque hellénistique, en revanche il est dif-ficile de dégager une image complète de la ville à une période donnée, tant est complexe l’évolution de chaque secteur urbain. On ne peut présenter alors que des séquences partielles qui portent en elles-mêmes la puissance évocatrice d’un moment de la société et de l’image qu’elle se donne.

Nous avons sélectionné le secteur du temple d’Apollon, où s’étalent quatre phases de construction allant de 800 à 530 av. J.-C. : celle de la porte de l’ouest, de 550 à 250 ; celle du quartier de l’ouest de 720 à 550, avec sa tombe prestigieuse, qui deviendra une mnemata (lieu de mémoire) et ses maisons qui apparaissent à la fin du ve siècle après une période de cent cinquante ans d’inoccupation ; celle de la prestigieuse « maison aux mosaïques », où apparaissent les exemples les plus anciens de mosaïque vers 370 ; enfin celle du gymnase du ive siècle, un rare cas d’édifice classique ayant peu évolué par la suite, dont les performances de la charpente ont permis de se représenter des élévations entièrement en ossatures de

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Pierre André

Figure 3a

Figure 3b

Fig. 3a. Érétrie au début du xxie siècle. Vue prise de l’acropole.

Fig. 3b. Esplanade au sommet de l’acropole, vue de l’ouest. Photo ESAG.

Fig. 4. Érétrie vue du nord. Au premier plan, l’acropole. Dessin P. André.

Figure 4

bois. Ce système existe, en fait, dans l’ensemble de l’habitat ; d’une part, cela pose la ques-tion de la consommation massive de bois dans la construction grecque ; d’autre part, l’emploi de ce matériau, associé à la brique de terre, tous deux périssables, explique l’absence d’élé-vation conservée sur le site.

La porte-bastion, située en avant de la porte de l’ouest, datable désormais autour de 250 av. J.-C., au-delà des questions qu’elle pose comme projet, devait être couverte : on voit alors apparaître la charpente hellénistique avec 15 m de portée et des arcs clavés.

Nous avons écarté le secteur de l’agora, où des sondages récents remettent en cause les anciennes datations, et celui du théâtre, qui prendrait trop de place dans cette présentation.

Le cadre, entre géographie et légende

La cité grecque d’Érétrie est la capitale de l’île d’Eubée, longue de 150 km, située dans la mer Égée, au nord de l’Attique. L’île est séparée du continent par un bras de mer (le canal Euboïque) agité de courants alternés, qui ont donné naissance au nom de l’Euripe – le lieu où l’eau est en perpétuel mouvement alternatif –, où un pont couvert avait été stabilisé ; c’est de cet ouvrage qu’Aristote contemplait le phénomène en cherchant vainement à le comprendre. La cité voisine,

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Figure 5

Figure 6

Fig. 5. Maquette de l’ensemble du site à l’époque classique.

Fig. 6. Maquette du site vue de l’arrière de l’acropole.

Chalcis, est située au débouché du seul passage depuis le continent. Par ailleurs, l’Eubée fait face à la baie d’Aulis sur le continent, qui servait de port à Thèbes, capitale de la Cadmée. Par sa situation géographique, l’Eubée est donc un relais obligé entre la Cadmée et l’Est méditerra-néen, qui commerce très tôt avec la côte syro-palestinienne et Chypre.

De puissantes chaînes montagneuses dominent un vaste territoire de plaines fertiles. L’une de ces montagnes est mentionnée par Théophraste, qui parle de « l’Olympias à Chalcis en Eubée, quand son souffle glacial se fait sentir un peu avant le solstice ou après le solstice d’hiver. Il brûle les arbres et les laisse calcinés et desséchés comme ils ne pourraient l’être par le soleil, même au cours d’une longue période, ce qui justifie le terme de brûlure » (Recherches sur les plantes, t. II, iv, 14, 10).

En hiver, ces montagnes enneigées constituent une toile de fond blanche pour les villes du bord de mer. Par ailleurs, neige et vent sont des contraintes qui s’exercent sur les édifices en flexions composées ; le froid est une notion fondamentale et a des répercussions sur les modes de vie, l’habitation et le fonctionnement des remparts (fig. 7).

La légende s’inspire directement de la géographie : dans l’Iliade, qui mentionne Chalcis, Éré-trie, Istia, Cérinthe, Dion, Carystos et Styra, l’Eubée est le lieu de rassemblement des vais-seaux en partance pour la guerre de Troie (II, 537). C’est aussi le pays des « valeureux Aban-tes » qui obéissent à Éléphanor, fils de Chalcodon (rejeton d’Arès), « chef magnanime » qui participe à la guerre de Troie, où il décède.

L’île est appelée aussi Chalcoditis, Macris ou Macra, ou encore Abantias. Elle est l’Asopis des poètes. Hésiode gagne à Chalcis un concours poétique lors des funérailles du « roi de l’Eubée » Amphidamas, peut-être un ancêtre de celui qui a trouvé la mort lors de la guerre Lélantine entre Chalcis et Érétrie vers 705 av. J.-C., selon Plutarque. Enfin, d’autres récits légendaires mentionnent un Eubéen, Lycos, qui s’empare de l’autorité royale à Thèbes après la régence de Créon, oncle d’Œdipe…

repères historiques de l’Eubée sans athènes

Du fait de sa situation au cœur des échanges commerciaux, l’Eubée connaît un véritable rayonnement international qui favorise les rencontres interethniques et culturelles.

Face au territoire thébain, entre les deux cités de Chalcis et d’Érétrie, se trouve le site de Lefkandi (Xeropolis) ; celui-ci, après une occupation ayant débuté vers 1500 av. J.-C. et constituée de maisons à étages et d’un rempart, se poursuit après le xiie siècle jusqu’au viiie siècle. Une refondation, datable vers 1050, se développe pendant deux cents ans, diminue vers 825 et disparaît vers 700.

Les travaux de l’École britannique d’Athènes, en collaboration avec l’éphorie d’Eubée, ont apporté un éclairage original sur cette période intermédiaire qui marque le passage de l’âge du bronze à l’âge du fer. Ainsi, le site apparaît comme un lieu de création et d’échanges avec Athènes et le Levant, avec la ville de Tyr au Liban.

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Figure 7

Fig. 7. Reconstitution du site en hiver, vu de la mer. Dessin P. André.

Dans la nécropole se trouve un bâtiment allongé de 50 m sur 10, se terminant en abside et en-touré d’une rangée de poteaux. Datant de 1050-1000 av. J.-C., exceptionnel pour l’époque, il a un temps d’usage court et une destination funéraire. Des armes de fer sont présentes parmi les deux sépultures installées à l’intérieur ; une amphore de bronze issue d’un type chypriote, dont le modèle est vieux de plus d’un siècle, fait office de vase cinéraire. Une autre tombe contient des restes de quatre chevaux appartenant au char d’un homme prestigieux, accompagné pro-bablement de son épouse ; en effet, l’une d’elles contient des métaux précieux, de l’ivoire, de la faïence et du cristal. Si cet édifice fut démonté et recouvert volontairement de terre, sa mise en place est antérieure à l’occupation de l’agglomération de 950 et correspond à une résidence d’un grand personnage fondateur d’une lignée de chefs, qui entretient des liens privilégiés avec le Levant. À sa mort, sa résidence devient le point focal d’une nécropole.

Un nouvel alphabet, fondé sur le modèle syro-palestinien, se diffuse à partir de l’Eubée. On pense – sans preuves encore – qu’il s’est développé au xie siècle av. J.-C. Cette période intermédiaire du xie siècle (nommée souvent « les âges obscurs ») se révèle désormais plus complexe, avec de profondes mutations et de réelles continuités.

Eubée (Eu-Boia) signifie « prospère en bovidés » car ces derniers, pour les chefs de commu-nauté, constituent le patrimoine essentiel de la famille, qu’on aliène au moment des mariages, qu’on prélève pour les sacrifices ou qu’on lègue au fils aîné au moment des successions. La découverte à Thèbes, en 1982, de 55 nodules remontant à l’époque mycénienne (un nodule est une boulette d’argile marquée d’une empreinte de sceau et d’un idéogramme représen-tant l’objet) et comportant un bœuf permet de reconstituer l’itinéraire de ces bovins auxquels ils étaient attachés. Destinés au sacrifice, ils provenaient de toute la Béotie, voire de l’Eubée ; à leur arrivée, on rassemblait les nodules pour établir une comptabilité. Ainsi, les Eubéens élèvent et fournissent des bovidés pour l’administration palatiale. Par la suite, ils entretiendront des chevaux sur des pâtures et freineront ainsi le développement de l’agriculture. Chalcis est d’ailleurs réputée pour ses éleveurs d’équidés à la généalogie prestigieuse qui formeront plus tard la classe dominante.

Au viie siècle av. J.-C., les nouvelles sociétés politisées vont s’affronter pour imposer leurs inté-rêts et provoquer une série de guerres célèbres de l’époque géométrique. L’une d’elles, vers 705 (guerre Lélantine), voit s’affronter Chalcis et Érétrie au sujet d’une plaine « fertile » située à l’embouchure du fleuve Lélante. Érétrie sera vaincue au cours d’une grande guerre maritime qui dépasse le cadre local.

Cette plaine est avant tout un vaste dépôt argileux ; on y a apporté de la terre fertile à l’inté-rieur d’anciennes carrières d’extraction à ciel ouvert ; de nombreuses briqueteries l’exploitent encore aujourd’hui et c’est à cette époque que l’exportation de la céramique eubéenne est interrompue, sauf à Délos. La consommation de matériaux de construction ou de terre argi-leuse fine pour la production de céramique peut donc avoir constitué un motif de guerre. La victoire de Chalcis prive Érétrie de ressources financières importantes et la conduit à se retirer de la scène internationale.

Le vie siècle av. J.-C. est l’ère des nouvelles institutions. Solon à Athènes, en 594, rétablit la paix sociale et édicte des lois pour tous (la dikè). La mise en place du rempart d’Érétrie, vers 550, est consécutive de l’ébauche de l’isonomie (répartition égale des droits, devoirs et avantages) qui permet de faire face collectivement aux visées des puissances étrangères. Enfin, au moment où se projette le grand temple d’Apollon, une loi de 530 fait état du contrôle par la cité du canal Eubéïque dans sa totalité. À partir de cette époque, se créent dans la cité grecque de nouveaux espaces civiques avec l’acropole, l’agora, le bouleutèrion, le théâtre et le gymnase.

La métallurgie du fer comme enjeu et accélérateur de l’histoire

Il est difficile de retracer matériellement l’introduction du fer en Grèce, probablement vers le xie siècle av. J.-C. Vers 1104 (chronologie fabriquée) se situe la grande migration vers le Pélo-ponnèse, dirigée par les Héraclides, ou chefs de clans chassés autrefois par Eurysthée, roi de

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Mycènes, qui laissera son trône à son gendre Atrée. Il est possible qu’au retour des expédi-tions d’Asie Mineure certains groupes aient ramené avec eux des forgerons (légende des fils de Thèmessale jetés par la tempête sur les côtes d’Épire au retour de Troie). Ces mouvements, accompagnés d’asservissement de populations, eurent pour conséquence la colonisation éolienne et ionienne de la côte de l’Asie Mineure et des îles de la mer Égée, dont l’Eubée.

À partir du ixe siècle av. J.-C., on trouve trace des Eubéens vers les côtes d’Asie Mineure et du Levant – Chalcis avait été probablement un centre précoce de traitement des métaux avant d’ex-ploiter les filons de cuivre et de fer situés au centre de l’Eubée sur le flanc de la montagne qui limite au nord son territoire. Or les premiers émigrants de Chalcis, spécialisés dans la métallurgie et particulièrement dans l’industrie du fer, sont partis à la recherche de nouveaux marchés et de sites d’extraction. Les forgerons chalcidiens passaient pour être les meilleurs dans la fabrication des armes de fer : les auteurs vantent les « lames chalcidiennes » (Alcée) et le « glaive eubéen bien aiguisé » (Eschyle). On retrouve très tôt la trace des artisans chalcidiens à Pithécusses, première colonie grecque d’Occident à proximité des mines de fer de l’île d’Elbe et dirigée par des aristo-crates propriétaires de navires et industriels qui sont à la tête de groupes d’artisans spécialisés dans le métal et dans la céramique (céramique à décor géométrique, avec émergence de la face humaine). Mais il semble qu’Érétrie soit restée en retrait face à cette expansion.

L’usage du fer comme armement va provoquer une mutation de la société à partir du ixe siècle av. J.-C. et se trouve associé à « l’invasion dorienne », les Doriens étant les ethnies du nord et du centre de la Grèce que l’on nommera les Hellènes. Ces migrations d’hommes armés d’épées de fer semblent justifiées par l’existence du sanctuaire oraculaire de Dodone situé en Épire (Haemonie), mais, d’un point de vue archéologique, aucune trace antérieure au ixe siècle n’a été trouvée à Dodone.

LEs métamorpHosEs Du tEmpLE D’apoLLoN (Fig. 8).

Installé dans la plaine humide d’Érétrie au pied de la colline mycénienne qui deviendra l’acropole de la polis, le sanctuaire d’Apol-lon « porteur de lauriers » représente le pôle essentiel de l’agglomération proto-urbai-ne : il assure la prise de possession et la protection du territoire nouvellement défini. L’insalubrité de ce lieu, reconnue de tout temps, atteste un processus de conquête volontaire de terres dans une zone difficile mais offrant des perspectives nouvelles d’acquisition foncière.

par sa fréquentation, ce bâtiment s’af-firme comme un lieu décisionnel où se fonde la société politique qui, par den-sification, va progressivement consti-tuer un tissu urbain. La ville qui va se développer gardera l’armature viaire et foncière de ses origines vernacu- laires. Elle n’aura jamais de rues à angles droits et ne sera pas pourvue de lotis-sements. Durant la période qui s’étend de 800 à 530 av. J.-C., le temple va se métamorphoser quatre fois ; la dernière étape représente, sous une forme archaï-que, l’image archétypale du temple grec, consécutive à l’affirmation de la polis ;

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Figure 8

Fig. 8. Plan des vestiges du sanctuaire d’Apollon Daphnéphoros et de l’aire sacrificielle nord (fin ixe − fin vie siècle av. J.-C.)

cette péristase est occupée par des colonnes doriques en pierre aux proportions gra-ciles, fortement écartées et surmontées d’un lourd entablement, et va être pérennisée malgré les vicissitudes ultérieures de son histoire.

Constructions primitives

La première manifestation d’une construction civique est celle d’une chapelle en forme de ca-bane à abside prolongée par un porche soutenu par deux poteaux. Elle représente, après 800 av. J.-C., l’enracinement de la communauté émergente au sein du terroir. Des poteaux de bois sont placés de part et d’autre d’une paroi dont il reste les soubassements en pierre qui devaient supporter des briques en terre sans armature interne de bois. Ce système constructif dissocie les descentes des charges en dehors des parois. De puissants arbalétriers à forte inclinaison peu-vent prendre appui sur les poteaux de l’intérieur tandis que d’autres, faiblement inclinés et placés en « coyau », assurent le recouvrement des murs tout en stabilisant l’ensemble. (fig. 9, 10).

Un autre édifice analogue s’installe à proximité, probablement quelque temps après, car les rangées de poteaux ont disparu : cela indique la mise en place d’une armature en bois de type clayonnage noyée dans des parois de terre. Le porche d’entrée se restitue rationnellement en plaçant une toiture horizontale. On s’éloigne ainsi de l’image de la simple cahute pour rejoindre une forme puissante aux toitures à 45 degrés. Afin d’éviter un grave encombrement qui serait provoqué par la convergence des arbalétriers de l’abside, il est obligatoire de placer une rotule circulaire et conique dans le prolongement de la faîtière, dans laquelle se fichent harmonieusement les pièces de bois qui recouvrent l’espace circulaire. Ce dispositif se re-trouvera sculpté dans de nombreuses tombes étrusques qui nous restituent une vue par en dessous de la structure rayonnante. Ces représentations vont de l’imitation réaliste de bois tordus et noueux à de puissants et réguliers travaux d’ébénisterie, véritables chefs-d’œuvre artisanaux. On découvre aussi que ce système de recouvrement rayonnant peut se placer au-dessus d’espaces quadrangulaires.

L’image qui commence à se dessiner s’apparente à celle qui est donnée par les « maquettes votives » de Pérachora où l’on observe des décors sur les parois externes et sur les toitures. Pour réaliser ce type de toiture, il faudrait recouvrir le chaume d’une forte couche d’argile. Ces dernières n’ayant laissé sur le site que des traces végétales, l’équipe du guide a décidé de laisser le chaume apparent et de placer seulement de l’argile sur le faîtage et sur les rives, évoquant les fermes de Camargue.

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Pierre André

Figure 10Figure 9

Fig. 10. Restitution d’un état primitif du temple d’Apollon Daphnephoros en 750 av. J.-C.

Fig. 9. Restitution d’un état primitif du temple d’Apollon Daphnephoros en 820 av. J.-C.

édifices archaïques

L’Hékatompédon, en forme de cabane à abside, succède à l’édifice précédent après 750 av. J.-C. ; un édifice interprété comme un autel est situé sur le devant. Ce temple est des-tiné à recevoir de grandes assemblées. Long de 100 pieds ioniques de 39 cm et de 22 pieds (8,58 m) dans sa plus grande largeur au point où le corps central s’élargit en son milieu, il offre un plan en forme de carène de navire. Les plus petites largeurs à l’avant et à l’arrière sont de 20 pieds (7,80 m), restituant un rapport de 1 sur 5 pour le plan de l’édifice. Les toitures reprennent les mêmes allures que celles de l’édifice précédent et une rotule est placée du côté de l’abside. Tout en gardant la même inclinaison des pentes de toiture, l’élargissement des entraits provoque l’augmentation de la longueur des arbalétriers et le faîtage s’incline à partir du point le plus haut, situé au centre.

Les parois sont obligatoirement armées sous la forme d’un clayonnage placé entre des arma-tures de bois qui assurent le poids des charpentes et de la toiture, sans oublier les pressions dues aux vents. Si le matériau de recouvrement est le roseau, abondant dans la plaine, son débord entre en contact avec celui du premier temple-chapelle : l’exercice de la restitution a permis de dissocier les deux édifices qui appartiennent à deux phases distinctes.

Le premier édifice, de plan rectangulaire avec une colonnade externe constituée de poteaux de bois placés régulièrement, apparaît autour de 650 av. J.-C. Son plan (34 × 7 m) rappelle celui, novateur, de l’Héraion de Samos, antérieur de cent cinquante ans. On suppose qu’il avait une toiture à croupe recouverte probablement de tuiles protocorinthiennes comme aux temples de l’isthme de Corinthe (Poséidon) et de Delphes (Apollon) qui correspondent à cette période et s’inscrivent dans un vaste mouvement de rénovation des sanctuaires. Ces formes architecturales élaborées sont déjà de nature urbaine et contribuent à la formation de la polis.

Un deuxième temple, dorique archaïque à grandes colonnes ioniques internes, est construit vers 530 av. J.-C. Il présente la forme canonique du temple grec, avec 6 colonnes sur 14, un pronaos et un opisthodome en prolongement de la cella. Le fort entraxe des colonnes et leur finesse le rapprochent du temple d’Assos en Troade daté lui aussi de 530.

Le rapport entre la hauteur de colonne et l’entraxe est de 1,75, avec un rapport de 1 sur 5 entre le diamètre à la base de la colonne et sa hauteur. Le rapport entre la hauteur de colonne et l’entablement rejoint les 2,25 (fig. 11, 12).

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Figure 12Figure 11

Fig. 12. Restitution de l’intérieur de la cella, montrant l’anastylose de la colonne.

Fig. 11. Restitution du temple d’Apollon Daphnephoros (530 av. J.-C).

Le temple archaïque du cap Sounion, dont les fondations sont encore visibles autour du temple de marbre du ve siècle av. J.-C., avait un entraxe de colonne analogue. Les fûts d’Éré-trie, de 16 cannelures au lieu des 20 canoniques, sont une anomalie pour un temple classique et constituent une réminiscence de l’état archaïque. C’est à Érétrie qu’apparaissent les pre-miers fûts à 20 cannelures qui représenteront par la suite la forme canonique.

Ce temple archaïque s’est maintenu malgré vicissitudes et rénovations ; mais nous ne retrouvons pas la situation du temple du cap Sounion, où l’architecte a volontairement placé le nouvel édifice au milieu du précédent et a conservé certains traits du temple archaïque.

Le grand temple

C’est au ve siècle av. J.-C. que l’on voit se mettre en place, pour un entablement de proportion analogue, des colonnes plus épaisses et plus hautes.

Le message du fronton érétrien prolonge celui du Parthénon et de l’Héphaïstéion d’Athènes : à organisation politique nouvelle, forme nouvelle… En effet, à Érétrie, la chute de la tyrannie en 504 n’engage pas une rénovation complète mais entraîne le remplacement des sculptures d’un fronton par celles, actuellement connues, en marbre, qui représentent le héros athénien Thésée enlevant sur son char la reine des Amazones Antiope. Athéna, en position axiale, se dresse en majesté avec une effigie de Gorgone (gorgoneion) sur la poitrine. Ce thème traduit la politique inaugurée par Clisthène, celle de l’isonomie (égalité de tous devant la loi) qui précède le régime de la démocratie : Thésée apparaît comme un bon roi des « âges héroï-ques » qui a fondé son royaume par une victoire sur le clan aristocratique des Palantides. La sculpture s’apparente étroitement aux productions du sculpteur Anténor, auteur du fronton du temple d’Apollon de Delphes construit par la famille de Clisthène. Avec quelques fûts de colonne, des éléments d’architrave, de triglyphe et de corniche accompagnés de quelques hauteurs d’assise de 42 cm, on peut restituer toutes les élévations extérieures et proposer une évocation interne de la cella, dont les colonnes ioniques sont d’une forme allongée. Nous avons placé sur le dessin de l’élévation une suite de marches (krepis) sous celle du temple : elle correspond à une restitution par P. Auberson qui, sans s’appuyer sur un lapidaire, avait envisagé une colonnade (péristase) à fûts lourds, identiques à ceux du ve siècle av. J.-C.

Une étude architecturale complète montrerait la continuité des proportions d’entablement entre le vie et le ve siècle, ainsi que l’augmentation des proportions de la colonne. Dans la pers-pective archaïque, le rapport entre la hauteur de colonne et l’entablement serait de 2,5, tandis que, dans la version classique, P. Auberson a établi un rapport de 3,37. Il est vrai que les proportions lourdes et resserrées des colonnes doriques apparaissent avec celles, monolithi-ques, du temple d’Apollon de Corinthe, conçu à la même époque. Cependant, les éléments de fûts trouvés in situ ne permettent pas de suivre cette restitution ; de plus, les colonnes sont trop courtes pour être adaptées aux dimensions du pronaos.

Le saccage complet de l’édifice au moment de la prise de la ville en 490 av. J.-C. par les Perses n’est pas attesté. En effet, ces armées orientales accompagnent Hippias, qui tente avec leur appui de rétablir la tyrannie ; le temple érétrien bâti sous le régime d’une tyrannie amie n’avait aucune raison de subir leur vengeance, c’est donc plutôt au symbole du fronton qu’on s’en est pris. Mais les Perses savaient admirer les œuvres d’art : le groupe statuaire en bronze d’Anténor élevé en l’honneur des tyrannochtones sera emporté comme butin en 480, puis restitué au début du iiie siècle. La présence d’une parotide de type ive siècle, conservée à l’intérieur de la cella et servant de liaison entre la colonnade interne et la paroi, atteste une rénovation complète de la cella. Par ailleurs, on retrouve les mêmes types de moellons sur une partie des fondations de la cella qui révèlent une reprise complète de l’édifice.

Il est probable que ces désordres conséquents soient dus à un tremblement de terre. On songe alors à celui de 373 av. J.-C. qui a eu lieu sur une large aire de propagation et qui a laissé de nombreuses traces, notamment à Delphes où le temple des Alcéonides a été com-plètement détruit.

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uNE tombE FamiLiaLE ExCEptioNNELLE

L’exclusion des morts ne débute qu’à la fermeture du site urbain, au milieu du vie siècle av. J.-C.

À proximité du futur emplacement de la porte ouest, à l’intérieur de l’espace urbain, on a dé-gagé une tombe cernée d’un enclos en forme de triangle équilatéral inaugurée vers la fin du viiie siècle (vers 720), transformée en lieu de mémoire au début du viie siècle puis abandonnée après la mise en place du rempart à la fin du vie siècle.

Neuf tombes à incinération d’enfants côtoient six tombes d’adultes ; l’une d’elles, la 6, est la plus riche : deux chaudrons font office d’urne avec quatre épées, cinq pointes de lance en fer et une en bronze. Le nombre des armes est exceptionnel ; avec les cinq autres urnes d’adultes du même type, cet ensemble funéraire offre le plus grand nombre de chaudrons de bronze trouvés dans le monde grec. La mise en place du triangle intervient au début du viie siècle av. J.-C., après 680.

L’urne principale se trouve à l’extérieur de ce monument ; des bâtiments liés aux rites des banquets funéraires sont installés à proximité. C’est pourquoi le terme de mnemata semble mieux convenir que celui d’herôon : en effet, le terme mnema signifie un signe qui rappelle un souvenir – en l’occurrence, ici, le souvenir d’une famille au sein de sa propriété et non celui d’un personnage héroïsé (herôon) dans un espace public. On retrouve ce type d’aménage-ment au sud de l’agora d’Athènes et à Délos, où la délimitation se fait à l’aide d’un parapet de pierre.

Pour que l’enclos soit visible de loin, on serait tenté d’envisager l’installation d’une pyramide en bois recouverte de métal, comme le tombeau du roi Porsenna en Italie, constitué par un empilement de pyramides : quatre, à la base en pierre, supportaient un disque probablement recouvert de métal, qui à son tour portait quatre autres pyramides plus réduites, en bois, lesquelles soutenaient un dernier disque surmonté d’une ultime pyramide. Le tout s’élevait à près de 60 m de hauteur.

uN rEmpart ENtrE NéCEssité Et prEstigE

Neuf générations après les premières installations, le tracé du rempart est mis en place en 550 av. J.-C. : c’est un circuit de plus de 4 km qui court de la plaine à la colline, celle-ci devenant donc une acropole (fig.13). C’est vers la porte ouest que l’on peut percevoir la complexité des phases du rempart, avec notamment l’emplacement de l’ouvrage hydraulique qui s’était for-tement matérialisé vers 700. La porte est constituée alors de chicanes ; son rempart retiendra pendant six jours l’assaut des Perses en 490. Elle sera refaite au ve siècle et c’est vers le début du ive siècle que le rempart est reconstruit avec réutilisation des blocs polygonaux, retaillés, en assise de fondation (fig. 14a et 14b).

Les premières assises sont bordées de grands orthostates polygonaux, hauts de près de 1 m ; quelques indices attestent l’existence d’au moins un second rang. Le niveau du chemin de ronde se situe autour de 8,50 m ; on l’obtient à partir des rampes d’accès longues de 8,25 m où l’on retranche le palier supérieur qui équivaut à la largeur de la rampe de 1,30 m. On place alors 24 hauteurs de marches de 45 cm.

Ces dernières ont souvent une plate-forme longue de 10,25 m, accessible par deux marches de 45 cm de haut. À partir d’elles, le chemin de ronde se situe à 7 m environ.

Les tours, de proportion constante (6,60 × 9 m), étaient pleines jusqu’au chemin de ronde et s’élevaient sur deux niveaux, dont l’un permettait d’accéder à une terrasse ; leur hauteur gé-nérale en façade atteint 15 m. Cette conclusion est obtenue par l’étude des parties hautes de la ville : une tour d’angle ne peut se restituer autrement. Ce rempart rappelle celui d’Athènes, contemporain, et répond aux exigences de l’assaut frontal car ces hauteurs s’inscrivent dans le premier quart du ive siècle av. J.-C., avant la révolution poliorcétique macédonienne : l’action

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de puissantes tours mobiles d’assaut rendra en effet obsolète ce genre de conception. La présence de tuiles estampillées mentionnant le demos d’Érétrie au pied du rempart suppose une utilisation en tant que toiture ou recouvrement de créneaux. Cette dernière solution a retenu l’attention des chercheurs : on teste sa validité en tentant de restituer les sections de rempart sur les pentes fortes de l’acropole.

L’alternance des créneaux est conçue en fonction d’une tuile laconienne à fond plat large de 60 cm ; la porte est placée entre deux tours non parallèles espacées de 5,5 à 7 m. La porte correspondant au projet initial se trouvait en avant et a été démontée en même temps que l’on a reculé la façade des tours. Cette reprise est peut-être due à une grave dégradation occasionnée par un siège et par un assaut. Sylvain Fachard (chercheur à l’ESAG) suppose que cette porte était déjà bâtie à la fin du vie siècle av. J.-C., ce qui sous-entend que le programme de réno vation du ve siècle avait commencé plus tôt. Une nouvelle porte est placée à l’arrière des tours et occasionne un large épaissis-sement, qui implique en hauteur un chemin de ronde reliant les tours entre elles. La présence du seuil permet de restituer deux largeurs de vantaux de 1,75 m, chacun fixé à de puissants montants en bois larges de 30 cm, fichés sur le bloc de seuil à l’aide de plusieurs tenons placés dans les mortaises aménagées dans la pierre.

Un système de décharge vers les montants latéraux doit être placé au-dessus de la por-te. La solution qui s’impose est constituée de

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Figure 14bFigure 14a

Fig. 14a et 14b. Restitution du dispositif des remparts aux ve et ive siècles av. J.-C.

Figure 13

Fig. 13. Rempart longeant la cité à l’ouest, rythmé par des tours en saillie.

pièces de bois en position rectangulaire, comme on le voit encore dans les portes à linteaux de pierre de la même époque à Messène. Le chemin de ronde se trouve alors à 8 m du sol d’usage et non à 5 ou 6 m comme le mentionne le guide : en effet, ces résultats ont été obte-nus après l’édition de l’ouvrage, ce qui montre la relativité de nos points de vue…

À l’époque hellénistique, un puissant édifice long de 18,50 m masque la totalité de la porte avec ses tours ; les assises sont superposées selon un principe d’alternance carreaux-boutisses ; l’épaisseur des côtés est moindre que l’épaisseur frontale. Ces parois franchissent le fossé à l’aide de voûtes dont les claveaux dessinés attestent une stéréotomie. En effet, une couche contenant du matériel situe cet ouvrage vers 250 av. J.-C. ; il aurait été fortement dégradé, ce qui aurait entraîné une restauration vers 200. Deux entrées latérales sont perceptibles : l’une donne sur le vide du fossé et l’autre est accessible par un ouvrage d’art à linteaux droits. Ce dernier appartient à des phases plus tardives, tandis que le programme initial devait prévoir des ouvrages en bois permettant, en outre, la visibilité des claveaux – technologie nouvelle pour l’époque. Il faut également restituer de puissants arcs de décharge au-dessus des por-tes (fig. 15 et 16).

Tous ces indices amènent à envisager un édifice élevé et couvert par une charpente ; cette dernière aurait eu, dans cette perspective, une portée sous vide de 15 m, illustrant ainsi les recherches sur les charpentes hellénistiques comme on peut l’observer à Thassos sur le por-tique nord-ouest, large de 13,98 m (400 av. J.-C.). À l’intérieur, une base de colonne repose sur une fondation constituée d’un empilement de blocs qui atteste sa fonction portante. De solides poutres fichées dans les assises des parois se rejoignaient au-dessus d’une colonne surmontant cette fondation, laquelle recevait les charges d’un plancher situé sur la partie gauche en entrant tandis que l’autre partie en était dépourvue. Ce plancher pouvait accueillir deux puissants engins de tir. À l’étage, les parois devaient diminuer d’épaisseur pour laisser un chemin de ronde qui communiquait par des murs de raccord vers le mur nouvellement placé au-dessus de la porte.

La façade frontale ne pouvant rester nue comme celle d’un simple bastion militaire, on peut supposer alors l’existence d’un décor à ordres étagés comme on l’observe à la porte macé-donienne de Thasos (porte de zeus et d’Héra) ; la forte épaisseur frontale trouverait sa justifi-cation dans l’aménagement d’un espace réservé au décor.

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Figure 16Figure 15

Fig. 16. Restitution de la « porte royale » hellénistique (250 av. J.-C.).Fig. 15. Restitution de la « porte royale » hellénistique (250 av. J.-C.).

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La présence macédonienne est attestée à Érétrie par un imposant tombeau et une garnison installée au sommet de l’acropole (la ville a en effet été surveillée au iiie siècle av. J.-C. par une garnison macédonienne, comme l’attestent de nombreux décrets en l’honneur d’officiers macédoniens). Il est probable que l’immense jetée du port, longue de près de 600 m, est un ouvrage de technologie analogue à celle d’Amathonte (Chypre) de la même époque.

Cet édifice, dont on ne trouve pour le moment aucun équivalent, semble combiner les fonc-tions de bastion de tir et de porte monumentale. Une base attique de pilier trouvé in situ pourrait appartenir à la façade. L’ensemble s’impose comme une porte royale avec des meur-trières de tir entre les ordres et le long des parois latérales.

L’initiateur d’un tel programme pourrait avoir été Alexandre, fils de Cratéros, neveu du roi de Macédoine Antigone Gonatas et petit-fils du roi Démétrios Poliorcète. Cet Alexandre hérite en effet de la charge de son père (gouverneur de Corinthe et quasi corégent) puis usurpe le titre de basileus en 253 ou 252 av. J.-C. pour se faire reconnaître par les villes eubéennes. Il suit la politique de son grand-père en reconstituant la confédération eubéenne, délivre les cités de leur garnison et se trouve reconnu comme libérateur. Antigone ne parviendra pas à le déloger et il mourra empoisonné, en 245, après sept années de règne.

Un trésor trouvé à Érétrie, dont la date d’enfouissement est de 245 av. J.-C., laisse supposer une prise brutale de la ville par le vieux roi Antigone au moment de sa reprise de l’Eubée. Des traces de destruction perceptibles dans la ville peuvent elles aussi se rattacher à cet épisode.

LE gymNasE NorD

L’ensemble du complexe a été dégagé partiellement par l’école américaine entre 1891 et 1895 ; on ne peut en restituer la totalité mais les lignes générales se devinent.

La palestre et ses annexes sont perpendiculaires à une piste de course (paradromis) longue de 190 m, bordée par un portique couvert. De part et d’autre se situent des jardins non encore explorés ; l’un d’eux, aménagé en cour d’honneur avec portique ionique servant à la distribution des prix, offre un parallèle étroit avec celui du gymnase de Milet. C’est dans l’une des pièces attenantes à ce portique qu’a été trouvé un décret en l’honneur d’un gymnasiarque.

Conçu au ive siècle av. J.-C., le gymnase sera rapidement modifié : la grande salle de 32 m qui borde la palestre au nord (exedrion, salle de réunion) est cloisonnée et l’une de ses parois per-cée. Une salle de bains (loutron) est aménagée avec des baignoires en pierre après rehausse-ment du sol. À l’arrière, une salle ovoïde de 10 × 9,50 m, recouverte d’une coupole à claveaux, faisait office de bain de vapeur pour les athlètes. Le sol, constitué de plaques d’argile, comporte en son centre un foyer, dont l’évacuation devait s’effectuer par le sommet de la coupole. Cette dernière est mal située dans le temps mais pourrait être précoce. En effet, un balnéaire grec a été trouvé à Marseille ; or, construit dans son intégralité au ive siècle, il comporte une vaste salle circulaire interne analogue, de 11 m de diamètre, recouverte elle aussi d’une coupole. Pour stabiliser la poussée latérale des claveaux, les reins de la coupole ont été noyés dans de la maçonnerie faisant blocage et stabilisée par des murs verticaux (fig.17).

La répartition de la colonnade de la palestre est conçue selon un principe d’arythmie : aux angles, l’entraxe des colonnes est le plus étroit avec 1,60 m ; les plus larges, de 3 m sont au droit de la porte de 6 m d’ouverture les autres sont fixés en fonction des entraxes des colon-nes doriques à fût lisse de 2,40 m qui assurent le passage vers la nef centrale. Ces colonnes doriques larges, d’une base de 60 cm que l’on restitue sur 7 (4,20 m), portent des linteaux de bois (épistyles) d’où les chevrons débordent de près de 1 m, comme l’attestent des cu-vettes d’eau de pluie situées aux angles. (Ce mode de recouvrement perdurera en Occident dans les réalisations mettant en scène le toscan ou l’italo-corinthien, et le toscan apparaît en fait comme un ancien dorique maintenu par les Étrusques, qui se fige en Italie dès l’époque républicaine en un art identitaire et culturel.)

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Quatre colonnes au fût lisse assurent le passage du portique de la palestre à la nef centrale en portant, outre le poids de la paroi, la descente des charges du toit ; le chapiteau conservé, lui, restitue sur son lit d’attente un bourrelet de pose large de 32 cm. Une marche de 15 cm sépare les sols du portique et de la nef. Les colonnes à fût lisse font 45 cm à la base ; et quand on place l’abaque de leurs chapiteaux au même niveau que ceux du portique de la palestre, on obtient une proportion de 1 sur 9 et une hauteur de 4,05 m ; or cette norme annonce celle que Vitruve préconisera en puisant ses références dans les manuels d’architecture grecs. À cette épaisseur, il faut retrancher au moins 4 cm de part et d’autre, ce qui restitue ainsi un linteau de 25 cm. Or seul un système d’ossature en bois peut assurer la stabilité de l’ensem-ble et compenser la portée sous vide de 7,20 m des entraits qui aggravent les questions de stabilité et d’écrasement des parois ; en effet, le poids général de la toiture de la nef avec ses tuiles, augmenté de la pression due au vent, dépasse la centaine de tonnes : sans armature, il ferait éclater les parois ou écarter les angles (fig. 18).

L’utilisation de l’ossature en bois se confirme sur l’ensemble de l’édifice. Quant à la terre crue, elle est peu parasismique : dotée d’une faible résistance à la flexion ou au cisaillement, elle ne peut supporter seule la compression considérable issue de la toiture. Par ailleurs, les

Figure 17

Figure 18

Fig. 17. Coupe élévatoire du gymnase nord, fin du ive siècle av. J.-C.

Fig. 18. Restitution de l’ossature en bois du gymnase.

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constructions en ossature en bois sont peu dangereuses en cas de tremblement de terre, et le bois résiste en outre aux ambiances corrosives d’un bord de mer. La stabilité se joue sur des assemblages qui doivent renforcer la logique constructive.

Le passage entre la palestre et l’extérieur s’effectue par une porte dont le seuil a été dessiné par l’équipe américaine ; il ne comporte aucun montant de soutien. Seul un linteau d’une seule portée peut assurer un tel franchissement. Des blocs quadrangulaires de 70 cm sont placés de part et d’autre du seuil et laissent entrevoir des montants en bois de section analogue constitués probablement de deux pièces de bois reliées entre elles. Ainsi, on peut supposer que le linteau porteur était lui aussi double avec une longueur de 7,50 m et 70 × 35 cm de section. On ne peut extraire un tel calibre que du bois de chêne. C’est pourquoi une puissante armature en bois s’impose, fichée sur des sablières basses reposant elles-mêmes sur des murs bahuts avec de la brique de terre comme hourdis.

Le corps principal régnait au-dessus des autres toitures ; des ouvertures rectangulaires très allongées naissaient de l’écartement des poteaux verticaux qui assuraient la descente des charges du toit par l’intermédiaire des entraits de charpente.

On pourrait retrouver ici une lointaine ressemblance avec certaines salles de la villa d’Oplon-tis près de Pompéi, où l’on observe, au-dessus des portiques doriques, des fenêtres anor-malement allongées qui éclairaient de hautes salles. Cette surprenante conception pourrait s’inspirer des gymnases grecs classiques antérieurs aux conceptions hellénistiques qui, elles, utilisent la fenêtre à meneaux.

La composition générale a probablement été disciplinée par le jeu de carrés, dans lequel la largeur de la tuile (60 cm) donne la mesure des entraxes de colonnes et des ossatures verti-cales en bois longues de 7,20 m environ. En revanche, cette unité de 60 cm ne se retrouve pas dans la largeur interne du portique qui est de 5 ou 5,30 m à l’entraxe de la colonne (5 m : 0,60 = 8,33). Ce constat met en évidence l’absence d’un module unificateur à partir des lar-geurs de tuile qui n’interviendra qu’à partir de l’époque hellénistique.

Ces mêmes constats architectoniques se poseront pour les élévations des maisons et sou-lèvent la question de la consommation du bois dans la construction, qui semble énorme pour une seule ville, à plus forte raison si l’on envisage l’ensemble des villes grecques.

Il est probable que les matériaux bruts provenaient des trois colonies d’Érétrie, situées au nord de la mer Égée, qui devaient importer le bois de Macédoine et même celui de la mer Noire. Ce mode de construction implique l’existence d’infrastructures en conséquence, puisque de gigantesques quantités de bois devaient être débarquées dans le port et entreposées à quai (fig. 19).

Figure 19

Fig. 19. Vue générale du gymnase (restitution).

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rECoNstitutioN DEs maisoNs DE L’éLitE (Fig. 20 Et 21)

Les premières maisons de plan rectangulaire à largeur étroite et à toiture-terrasse du vie siècle av. J.-C. avaient fait place, au ve, à des maisons un peu plus larges ; au ive siècle, on passe de 3 à 5,40 m pour les portées sous vide des charpentes. On les classe comme maisons à pastas (porche ou vestibule) en raison d’une grande pièce faisant office de salle commune,

comportant un foyer pour la cuisine et un escalier en bois accédant à des pièces hautes situées au-dessus de salles adjacentes. Cette grande salle est la pièce où toute la famille se regroupe et où certains dorment à même le sol. Les charpentes sont recouvertes de lourdes tuiles laconiennes, larges de 83 cm sur 1,26 m de longueur et épaisses de 7 cm, reposant sur une couche de terre. Une cour simple prolonge cet habitat ; par la suite, l’aménagement de cette sorte de cour comporte un petit péristyle à trois colonnes doriques supportant un épistyle en bois pourvu de chevrons qui débordent (fig. 22 et 23).

Figure 21

Figure 23

Figure 20

Figure 22

Fig. 21. Maison du ve siècle av. J.-C. (esquisse).

Fig. 22. Exemple de maison à couverture en tuiles laconiennes. Bas-relief conservé à Alexandrie (Égypte, fin du ive siècle av. J.-C.).

Fig. 23. Schéma d’assemblage de tuiles corinthiennes à pans coupés.

Fig. 20. Restitution d’une maison à pastas type.

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Au ive siècle av. J.-C., ce type de maison se trouve associé à une maison savante recouverte de tuiles corinthiennes, dotée d’un petit péristyle sur lequel donnent des salles annexes. Un modèle de ces maisons doubles est illustré par la « maison aux mosaïques », composée du modèle à tuiles laconiennes et d’une maison savante (fig. 24, 25 et 26).

Cette dernière abrite deux salles de banquet (andrones) : l’une, composée de sept ban quettes simples, est précédée d’un sas ; l’autre est constituée de 15 banquettes doubles placées tê-te-bêche. Pour cette dernière, on a envisagé l’association de sièges et de banquettes, car la position assise était réservée aux femmes et les banquettes doubles aux couples d’hommes, bien que des céramiques montrent des scènes d’accouplement entre homme et femme. L’iconographie ou les tombes macédoniennes attestent que des femmes se trouvent assises au pied des lits ou sur des sièges.

Figure 26

Figure 25

Figure 24

Fig. 24. « Maison aux mosaïques », vue du sud-ouest (vers 370 av. J.-C.).

Fig. 25. Panneau de mosaïque situé au centre de l’androne 9, dont les bandeaux décorés illustrent le combat légendaire des Arimaspes et des Griffons (Hérodote, III, 116 ; IV, 13, 27). Ces mosaïques sont

les plus anciennes connues dans le monde grec.

Fig. 26. « Maison aux mosaïques » : élévation de la cour intérieure.

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Les klinai (lits) de banquet constituent, avec les coffres, les principaux meubles de luxe. La position couchée, d’origine assyrienne, avait été introduite en Grèce à la fin du viie siècle, marquant une rupture dans les modes de vie d’Érétrie (fig. 27 et 28). Les portes ne sont pas placées dans l’axe de la salle, pour permettre l’installation d’un plus grand nombre de lits. Les salles sont de plan carré et leur largeur correspond à un certain nombre de lits, augmenté d’une demi-longueur. L’ordonnancement le long des murs se décline précisément en fonction des dimensions de ces klinai : 2,5 lits donnent 5 m et 7 lits, 3,5 lits donnent 7 m et 11 lits, 4,5 lits donnent 9 m et 15 lits, etc. On peut imaginer qu’ici la grande salle s’organisait en une alternance de 9 lits et de 9 sièges.

La maison comporte une cour carrée avec petit péristyle à trois colonnes doriques, bordée de deux corps de logis recouverts de terrasses, dans lesquels on a reconnu une petite salle de banquet (andrones) et une salle d’eau. Le petit andrones, large de 5,50 m, est précédé d’un sas de transition et se trouve inclus à l’intérieur de l’espace. Deux types de colonnes doriques (1,50 et 1,20 m de haut) ont été trouvés in situ ; elles se placent dans une restitution au-dessus d’une paroi architectonique de stuc imitant un appareil isodome. Surmontées d’un entablement, ces colonnes sont reliées entre elles par des balustrades en pierre portant un décor en treillis de jardin. Cet étagement se projette sur les trois parois murales sous forme de décor stuqué.

Cette composition anticipe de quelques décennies les salles des palais macédoniens, les maisons de Délos ainsi que certaines salles de maisons à péristyle de Pompéi (maison du Bateau Europa) ; mais le double étagement constitue un trait original.

Les éléments d’une fenêtre à meneaux ionique permettent une restitution. La fenêtre est surmontée d’un entablement sans frise, annonçant celui qui doit régner sous le toit. Ce couronnement devait être visible tout autour du corps de la maison savante et par conséquent la fenêtre domine la maison à tuiles laconiennes. Ces baies participent à la ventilation des salles de banquet. En effet, un adulte consomme 1 m3 d’air par heure ; en présence de trente convives, l’air de la grande salle de quinze banquettes est donc saturé en six heures à 2 m de hauteur, et celui de la salle comportant sept banquettes individuelles se sature à la même hauteur et dans le même laps de temps. Pour assurer le renouvellement de l’air, il faut ouvrir les portes afin de créer un courant d’air provoqué par les fenêtres situées en partie haute.

Figure 27 Figure 28

Fig. 27 : « Maison aux mosaïques » : coupe transversale dans les salles de banquet (andrones).

Fig. 28 : « Maison aux mosaïques » : coupe longitudinale dans les salles de banquet (andrones).

LA RESTITUTION ARCHITECTURALE À ÉRÉTRIE (EUBÉE, GRÈCE)

Pierre André

Au iiie siècle av. J.-C., on retrouve le modèle de la maison double associée à un large péristyle entouré d’un grand nombre de salles et accessible par un porche d’entrée doté d’un auvent couvrant un portail double (fig. 29 et 30).

Figure 29

Figure 30

Fig. 29. Restitution d’ensemble de maison double à péristyle, typique du iiie siècle av. J.-C.

Fig. 30. Maquette du quartier ouest sur une période allant du vie au iiie siècle av. J.-C.

Figure 31 Figure 32

Fig. 31. Maquette restituant le schéma viaire non orthogonale du site d’Érétrie.

Fig. 32. Le quartier ouest, vu de l’arrière du théâtre.

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Pierre André

CoNCLusioN

La notion de cité grecque a longtemps suggéré celle d’un espace urbain bien aménagé et entretenu. C’est en réalité une image fausse. À cet égard, le cas d’Érétrie est exemplaire : absence de plan directeur, continuité entre l’époque archaïque et l’époque classique… On peut lire une lente évolution à partir des contraintes topographiques : c’est le réseau hydro-graphique venant de la montagne qui s’impose aux premières installations.

Vers 600 av. J.-C., l’ensemble de la Grèce se caractérise par une arriération économique, et Athènes offre l’exemple d’une cité peu organisée, dont la grande agora n’est pas encore constituée de monuments publics. Il faut attendre Solon pour que l’espace soit nettoyé des dépôts domestiques accumulés et qu’apparaissent les premiers bâtiments publics. or, à éré-trie, les nouvelles investigations ont mis en évidence l’existence d’une aire vide dans le quartier de la porte de l’Ouest de la fin du viiie siècle jusqu’au ive siècle, et une absence de lotissement sur trames orthogonales malgré la conquête d’une partie de la ville sur des marais.

Certains phénomènes sont surprenants, comme l’abandon de la « maison aux mosaïques » détruite entre 270 et 260 ; des traces d’incendie laissent supposer un sinistre qui a entraîné sa démolition jusqu’aux fondations ainsi que l’évacuation des matériaux (un monument funéraire est installé bien plus tard, vers 100). Les causes peuvent être naturelles (la foudre), liées à l’histoire (la prise d’assaut de la ville en 271), ou encore l’ostracisme d’un personnage.

Le rempart est difficile à fixer dans son ensemble tant il a été refait périodiquement par sec-tions. Aussi l’image de la ville est-elle impossible à saisir dans son mouvement ; seules des vues d’ensemble permettent de dégager son impact vu de loin, mais les images partielles ne révèlent l’évolution que de quelques espaces (fig. 30, 31 et 32).

Depuis quelques années, la dynamique urbaine impulsée par l’entrée de la Grèce dans la Communauté européenne a permis de procéder à des interventions en milieu urbain effectuées par l’éphorie d’Eubée. Des panneaux métalliques présentent diverses restitutions architecturales le long du parcours du visiteur. un ensemble bâti construit sur les fondations de la « maison aux mosaïques » assure la conservation des pavages dans le cadre d’un projet architectural modeste mais qui s’avère en fin de compte acceptable. Les sections de rempart montant vers l’acropole et ses espaces sont en accès libre ; un musée présente les collections et protège les réserves.

Actuellement, le principal souci pour l’Administration et les chercheurs réside dans le dévelop-pement rapide de la ville moderne. Ce processus, un plan orthogonal lancé en 1834 sous le roi de Grèce Othon Ier, posait déjà le principe d’une définition de l’aire archéologique à préser-ver avec ses abords. or la campagne environnante se bâtit rapidement et les constructions récentes constituent dorénavant la nouvelle toile de fond des vestiges…

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Pierre André

bibLiograpHiE

Blandin, 2005Blandin, Béatrice, Pratiques funéraires d’Érétrie à l’époque géométrique, thèse de doctorat de lettres, université de Lausanne.

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ducrey, 2000ducrey, Pierre, Brelaz, Claude, Y a-t-il une Grèce sans Athènes ? Chalcis et Érétrie à la conquête du monde, université de Lausanne, séminaire d’histoire ancienne.

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HuGuenot, 2005HuGuenot, Caroline, La tombe aux Érotes et la tombe d’Amarynthos (Érétrie, Eubée), thèse de doctorat de lettres, université de Lausanne.

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reBer, 1997reBer, Karl, « Die klassichen uns hellenistischen Wohnhaüser im West quartier », Eretria, X, Ausgrabungen und Forschungen, Lausanne, Payot.

résumé

Maud Le Claincheresponsable d’exploitation

Melrand est un site archéologique très bien conservé, mais pauvre en matériel, connu depuis 200 ans. La recherche et les approches qui s’y sont développées ont permis de mieux cerner son identité médiévale rurale tout en laissant encore dans l’incertitude certaines modalités de son occupation et de sa désertion. Le choix de l’ouverture au public en 1985 a poussé les équipes à mettre en place un parcours de découverte qui vise à respecter les lieux, à conti-nuer à les étudier et à les mettre en valeur. L’archéologie expérimentale a été une des voies les plus abouties qui se sont pour l’instant développées en son sein, à travers des reconstitutions évolutives (bâtiments, matériel, gestes).

Les incertitudes économiques, autant que les attentes – parfois paradoxales – des partenaires en jeu, obligent les intervenants de terrain à respecter un cahier des charges précis ne négli-geant ni la rigueur scientifique ni le visiteur en attente d’émotions et de réponses. La qualité de la transmission d’éléments de connaissance ne peut être validée que sur le long terme, respectant ainsi l’observation de structures reconstituées n’ayant de sens que sur la durée. C’est la démarche en elle-même qu’on tient à transmettre, tout comme la méthode et ses enjeux. Le message ainsi restitué aux publics en acquiert une légitimité accrue, comparative-ment à un discours qui laisserait place aux affirmations non fondées.

Les équipes, diverses, apportent enfin un regard qui alimente les contenus des moyens de médiatisation mis en place, tant sur le fond que sur la forme. Elles sont à l’écoute des attentes, actrices de la mise en place d’expérimentations nouvelles, toujours soucieuses d’une traduc-tion lisible de résultats scientifiques parfois complexes.

une recOnstitutiOn :la ferme arcHéOlOgiQue méDiéVale De melranD(mOrbiHan, france)

abstraCt

Maud Le Clainchegeneral manager

Melrand is a very well-preserved archaeological site, it has been known since two hundred years, yet it is poor in material. The research and the various investigations developed ena-bled a better knowledge concerning its rural medieval identity yet still left many questions unanswered as to the modalities of its occupation and its desertion. The choice of opening it to the public in 1985 incited the teams on the site to prepare a visitor’s circuit in order to preserve the emplacement, allowing it to continue to be studied and enhanced. Experimental archaeology was to prove one of the most successful means developed, through the form of evolutive reconstitutions (buildings, materials, gestures).

Economical uncertainties, as well as the acting partner’s sometimes- paradoxical – expecta-tions, meant that the site animators were held to a precise agenda aimed at satisfying both scientific rigor and the visitor’s thirst for knowledge and feeling –. The quality of the knowledge transmitted can only be verified in the long term, thus respecting the observation of reconsti-tuted structures whose significance lies in their durability. It is the approach itself that is to be transmitted, just as much as the method and what is at stake. The message that is passed on to the public thus takes on more legitimacy as compared to a series of ungrounded sta-tements.

By their diversity, the teams contribute a reflection on how and what is mediatised. They are attentive to the needs expressed, always ready to try out new experimental methods, always seeking the best legibility for often complex scientific results.

a recOnstitutiOn:tHe arcHaeOlOgical meDieVal farm Of melranD (mOrbiHan, france)

une recOnstitutiOn :la ferme arcHéOlOgiQue méDiéVale De melranD(mOrbiHan, france)

Maud Le Claincheresponsable d’exploitation

Le « village de l’an mille » propose, depuis vingt ans, une expérience de res-titution au public des acquis de la recherche menée en son sein. À travers

l’archéologie expérimentale qui se décline, sur le terrain, sous forme de recons-titutions évocatrices des structures comme des gestes, le public est en perma-nence mis au cœur du dispositif. Le visiteur, en quête d’émotions et de répon-ses, doit toujours être à l’origine, non de la recherche, mais des modalités de sa transmission : c’est pour lui que les outils de médiatisation sont conçus.

uNE approCHE Du moyEN ÂgE ruraL

Fouillé dès 1902, mal daté et décrit d’une façon assez représentative de l’époque, ce site fait depuis plus d’un siècle l’objet de multiples regards… à la croisée des interrogations qu’il suscite. Il fut successivement décrit comme oppidum protohistorique puis, après de nouvelles fouilles dans les années 1970, qualifié et daté de façon plus sûre grâce à des analyses phy-siques (fig. 1). Le Moyen Âge rural… enfin ! Tout concorde pour montrer que l’on a affaire à un village occupé entre le viiie et le xive siècle, puis abandonné, exceptionnellement bien conservé : plus de 1 ha de murs, sols et foyers, près de 1 m de hauteur de maçonnerie de granite et de terre argileuse. Cependant, tel quel, le site de Melrand n’est ni emblématique ni spectaculaire. Il faut, si l’on veut le montrer et en révéler l’intérêt au plus grand nombre, trouver des moyens de médiatisation efficaces.

La protection est sans doute la ligne directrice à garder lorsqu’on envisage une intervention sur ce type de patrimoine. Quel que soit le choix de mise en valeur (ou d’abandon), ces sites doivent être protégés. Différents types de valorisation étaient envisageables en 1985, allant de la simple présentation avec panneaux et semis de gazon, à la rénovation de ruines encore

Figure 1 Fig. 1. Deux des bâtiments fouillés dans les années 1970.

très lisibles (fig. 2), la publication ou la réalisation d’un film, ou encore l’interdiction totale de pénétrer sauf en présence d’un guide. Fouillé uniquement sur une faible surface, le site est loin d’être totalement cerné et fait toujours l’objet de nouvelles questions ; un programme de recherche de fond et d’études s’avère nécessaire sur le long terme. Tout ceci dans le cadre d’un site archéologique connu, et reconnu, pour son fort potentiel mais qui, malgré tout, n’est ni immédiat ni emblématique : le Moyen Âge rural est une période ingrate qui ne comporte rien de spectaculaire ni événement frappant.

partagEr LE saVoir

Dès l’origine du projet, le sens de la mission des équipes ayant dirigé les travaux et le mes-sage qu’elles ont dû faire passer avaient pour objectif de partager avec le public l’évolution des connaissances sur un site bien défini, mettant en place les moyens adaptés à la média-tisation et la restitution au plus grand nombre. Par définition, rien ne peut être figé puisque la recherche y continue. Nous devons imaginer des outils permettant de valider les hypothèses formulées en fouille, l’étude documentaire, les autres expérimentations. Ce travail n’a de sens que dans ce contexte, même si cela engendre ensuite d’autres interrogations, que l’on ne peut étayer que par ce biais. Les choix étaient osés, dans un contexte où ni l’expérimentation ni la reconstitution n’étaient évidentes ; ce fut un pari courageux et novateur ! Les propositions peuvent se défendre ou être rejetées.

C’est par l’intermédiaire de la reconstitution, plus que par n’importe quelle autre méthode, que l’archéologue, un généraliste, va tôt ou tard être confronté au spécialiste d’une technique particulière, à l’historien, au public…, qui vont parfois l’obliger à remettre en cause son point de vue. La reconstitution fige de façon concrète et souvent pour longtemps une proposition ; or, aussi sérieuse et objective soit-elle, une fois construite, la maison est livrée à la critique de tous. C’est un moyen efficace de montrer au public ce qu’il n’a pas les moyens de voir par le biais d’autres sources plus classiques et de le confronter à nos recherches.

Les étapes de la mise en valeur et les interrogations au sujet du site se sont traduites, par exemple, par les différents noms sous lesquels nous avons communiqué depuis vingt ans ; ils sont représentatifs des hésitations concernant la voie sur laquelle s’engager : « ferme archéo-

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Figure 2 Fig. 2. un des bâtiments mis en valeur. Pour souligner l’intérieur, plantation de bruyère.

logique de Melrand », « centre archéologique de Melrand », « Melrand, village de l’an mil », puis « village de l’an mille »…, autant de marqueurs d’une idée qui fait son chemin, cherche son public et peut-être sa légitimité ! On sent assez bien quelles sont les limites de ces restitutions, et il est essentiel de le reconnaître et le dire.

Comment mesurer par exemple, par rapport à aujourd’hui, le temps qu’on mettait au Moyen Âge pour accomplir une tâche définie, le choix du rythme de travail, l’énergie dépensée compte tenu du régime alimentaire, la part de l’esthétique ? Nous ne sollicitons peut-être pas autant les structures qu’elles l’étaient à l’époque, ou différemment (nous ne dormons pas tous les soirs dans le lit, nous ne battons pas au fléau autant qu’ils le faisaient, le four ne chauffe pas tous les jours…)1. D’autre part nos sites sont ouverts au public, il y a donc des ruptures dans les chaînes opératoires proposées, du fait des multiples questions auxquelles il faut répondre. Enfin – et c’est normal –, les visiteurs touchent, cassent, abîment…

soLLiCitEr LEs VEstigEs

Le respect du site

Les emplacements utilisés pour les reconstitutions sont bien distincts de ceux qui ont le potentiel archéologique. Une parcelle attenante à celle qui contient les vestiges a été utilisée pour les reconstitutions. Elle était, a priori, vierge de toute utilisation anthropique décelable. Peut-on s’appuyer sur des vestiges pour fonder une reconstitution ? Ce n’est pas le choix qui a été fait à Melrand et nous y sommes, depuis l’origine, tout à fait opposés car une construction comporte toujours une part d’hypothétique. La restitution d’une charpente peut, par exemple, proposer d’appuyer les fermes avec un impact différent de celui de l’époque mais cette différence est impossible à démontrer. Un mauvais choix peut irrémé-diablement endommager les vestiges alors que sur un mur reconstitué, on peut toujours changer l’appui, quitte à refaire la maçonnerie. L’ancien et le contemporain sont donc géo-graphiquement séparés, mais il faut l’indiquer au public car les reconstitutions peuvent avoir l’air très réalistes ! Même au stade de la maquette, il est impératif de préciser ce qu’elle est et ce qu’elle n’est pas.

Les sources

Les comparaisons ethnologiques sont, entre autres sources, essentielles, mais doivent tou-jours être replacées dans un contexte chronotypologique. Elles ont l’intérêt de montrer qu’il existe des alternatives aux sources qui paraissent évidentes a priori. Il est difficile de se dépar-tir des certitudes de notre époque, bien que nous soyons de bonne foi et critiques à l’égard de nos choix. Par le biais de l’ethnographie, nous préservons également des éléments qui peuvent nous rattacher au passé, et remonter, peut-être, au Moyen Âge ou à l’idée que l’on s’en fait à un moment donné. Par exemple, certaines techniques, dont on sent ou peut dé-montrer qu’elles sont similaires à celles du passé, sont en train de disparaître ; la restitution permet de les utiliser à titre conservatoire mais aussi dans le souci de partager un savoir-faire et de créer un lien, un échange entre générations, celles d’aujourd’hui devenant dépositaires de techniques en sursis.

prendre le temps

Sur le long terme, il est essentiel que la reconstitution vieillisse, s’use, se casse, et qu’il faille intervenir, réparer, recommencer : nos bâtiments doivent subir le même sort que les

1. Il y a aussi le problème des assurances qui acceptent ou non de nous couvrir puisque nous recevons du public et puisque les garanties décennales ne s’appliquent pas à tout : nous avons eu le cas pour une couverture réalisée en février 2005 pour laquelle nous n’avons pu utiliser de liens végétaux. C’est là une contrainte administrative difficile à contourner.

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constructions de l’époque. C’est un message à faire passer : le site vit, donc il évolue et vieillit. La présentation, les moyens, le discours changent au fur et à mesure de l’avan-cée des travaux, des certitudes acquises, des nouvelles questions que suscitent les ex-périences. Cela permet de comprendre l’aspect, l’entretien, les moyens de limiter les in-terventions… Cela permet aussi de critiquer les partis adoptés à une époque donnée et de comprendre le travail réel induit par les choix des techniques ou des matériaux. Même dans la réflexion, l’observation, la critique, le long terme s’impose. Si le bâtiment est figé, la démarche qu’il engendre s’inscrit en revanche dans la durée. Recommencer, en modifiant certaines présen tations et en faisant d’autres propositions, permet aussi de réadapter en fonction de l’évolution de la recherche. La présentation y gagne en réalisme, part incon-tournable de notre travail et gage d’un respect des sources ; c’est pourtant ce que les gens voient le moins car l’évidence s’impose et ne pose plus de question une fois la réalisation terminée. Enfin les sens – odeurs, bruits, sensations… – sont le plus possible suggérés, c’est la part de liberté que nous laissons au visiteur, libre de se projeter dans un monde dont on ne propose pas toutes les clefs.

LEs iNtErVENaNts

Au cours de la phase de réalisation, nous faisons appel à des spécialistes pour les construc-tions de grande ampleur qui, accessibles au public, doivent être conformes aux normes de sécurité. Mais il est extrêmement difficile, par exemple, de trouver en Bretagne un couvreur qui accepte encore de réaliser une couverture en paille de seigle ; la phase de réfection ac-tuelle a été ouverte depuis plusieurs années.

Pour les petites réalisations, l’équipe d’entretien s’est formée aux techniques médiévales qui demandent surtout du bon sens pour retrouver les gestes similaires à ceux des habitants du Moyen Âge. Nous leur transmettons l’objectif à atteindre, les éléments connus pour l’époque (iconographie, texte, archéologie) ; leurs connaissances de terrain permettent ensuite la réali-sation. Cette équipe, composée de personnes en phase de réinsertion, change souvent, ce qui implique une formation constante et surtout une sensibilisation au monde sur lequel nous travaillons. Du fait de leur situation, la motivation et l’enthousiasme ne sont pas toujours réels mais le compromis financier a ses avantages. En revanche, le poste d’encadrement est stable depuis douze ans. Dans l’ensemble, les membres du personnel sont volontairement choisis pour la diversité de leurs formations et horizons afin de multiplier les approches.

C’est donc l’équipe en place qui réalise l’essentiel, peu à peu, avec parfois des remises en cause et des reculs mais, au vu du résultat, certains visiteurs s’exclament : « On dirait que les habitants sont partis hier ! » Au final, réalisme et suggestivité se mêlent sur ce site, tant pour le traitement des intérieurs (mobilier, infrastructures) que celui des extérieurs. Nous visons le maximum de réalisme, mais il manquera toujours la vie qui imprègne un lieu par l’odeur, le bruit, le mouvement… Nous n’utilisons actuellement aucun moyen pour le traitement des ambiances, notamment sonores – ni audiovisuel, ni techniques de simulation numérique ou infographique –, par choix mais aussi pour des questions de moyens et de configuration du site. L’expérience serait sans doute intéressante, mais il nous faudrait l’électricité ! Personnellement, je trouve que ces techniques attirent en-core trop le public, qui préfère passer plus de temps à manipuler des ordinateurs qu’à regarder, sentir, toucher… Nous avons la chance d’avoir pu réaliser ici une reconstitution grandeur nature, ce n’est pas possible partout, et préférons donc pour l’instant en faire profiter en tant que telle.

Pour certaines techniques pointues (la poterie par exemple), des professionnels, munis au préalable d’un cahier des charges précis pour la réalisation de certaines pièces interviennent ; leur prestation, soumise ensuite à la critique, est donc susceptible d’évolution.

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LEs rECoNstitutioNs

À l’heure actuelle, trois maisons mixtes ont été réalisées (fig. 3). Elles laissent peu de place à l’imagination ; pourtant, quel chemin parcouru entre les vestiges et la bâtisse telle qu’on la voit terminée ! Et quelle émotion suscitée par la première fournée de pain ! Le bas fourneau est sans doute le résultat d’une aventure encore plus grande et pleine d’incertitudes : nous ne disposions que de peu de sources au départ, d’une ethnographie d’un piètre secours… mais nous avions la volonté commune de comprendre et de voir.

D’autre part, trois bergeries ont pris peu à peu place dans le village. Par souci de réalisme in-contournable, l’entretien de ces petits bâtiments annexes constitue un sujet permanent d’ob-servation et une restitution de la vie quotidienne. Le poulailler – construit en plusieurs années pour parvenir à un stade réaliste – a été le plus difficile à finaliser. Le grenier sur pilotis permet des expérimentations de fond concernant la conservation des céréales sous forme de gerbes : les quantités et les modalités de stockage, le rôle des prédateurs, etc., sont autant de facteurs à observer. Au-delà de l’expérimentation, ce qui compte est d’ouvrir un champ de questionne-ments, pour nous comme pour le public. L’aire à battre a déjà été utilisée plusieurs fois, ce qui a permis des échanges intéressants avec des anciens de la commune, face au public. C’est l’un des rares gestes dont sont encore conservés de nombreux souvenirs, même si les outils eux-mêmes commencent à manquer (fig. 4).

Globalement, l’aménagement des espaces a aussi fait l’objet d’une réflexion. Dans l’espace des reconstitutions, la nécessité de nombreuses petites adaptations se fait jour peu à peu, au fur et à mesure que nous utilisons l’ensemble d’une façon cohérente et rationnelle. Le jardin suscite des réactions toujours intéressantes (fig. 5). « Rural » est souvent assimilé à « bricola-ge » ou « approximation » alors que, lorsqu’on montre un jardin organisé, les visiteurs pensent « monastère ». Les adultes y passent un temps considérable.

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Figure 3

Figure 4 Figure 5

Fig. 3. Des bâtiments qui subissent le temps qui passe…

Fig. 4. Une joie évidente à retrouver certains gestes devant les visiteurs.

Fig. 5. Entre information et plaisir des yeux, un jardin évocateur.

Les instruments font eux aussi l’objet d’une recherche expérimentale menant à la reconsti-tution. Ce sont les détails qui font la différence : une fourche dans un tas de foin, un métier à tisser dans un bâtiment, un pot à cuire à proximité du foyer… et l’on a le sentiment que le travail est en cours. Des animaux ont été introduits. Leur gestion est très difficile, mais ils sont pourtant indispensables à la présentation d’un village car ils permettent de mieux appréhen-der la réalité vécue.

En revanche, il est impossible de reconstituer tous les gestes, car, justement, ce sont eux qui ont disparu. Nous faisons donc des propositions, tentons, testons et souvent plusieurs démarches mènent au même résultat : on voit là quelles peuvent être les limites de la resti-tution dans le domaine de la vie quotidienne. En effet, actuellement, l’occupation des lieux est temporaire et s’effectue en fonction de problèmes bien spécifiques : cela donne du passé une image tronquée par définition, dont la réalité ne peut être qu’envisagée au terme d’une pratique à longue échéance.

LE pubLiC : uNE DiVErsité À rEspECtEr

La grande majorité de nos visiteurs est constituée par des familles, mais nous avons beau-coup réfléchi à l’accueil des scolaires, qui représentent 25 % de notre public (fig. 6). Nous recevons donc des sessions de « classe patrimoine » pour une sensibilisation au Moyen Âge rural en Centre-Bretagne et aux moyens de sa découverte : en l’occurrence, par l’archéologie. Même si le projet pédagogique est fort, il débouche rarement sur une démarche de recherche. En revanche, l’expérience vécue par les élèves est formatrice car nous leur transmettons tout ce qu’il nous est possible de partager, tant sur la méthodologie que sur l’avancée de nos travaux, sur nos doutes et certitudes du moment. Ce sont toujours des moments d’échange, d’émotion, de rencontre. Les stagiaires peuvent s’inscrire dans une démarche en cours, en participant partiellement à sa réalisation, mais en règle générale ils restent trop peu de temps pour suivre à la fois la conception et la concrétisation d’une expérimentation, c’est pourquoi ils n’en ont pas la responsabilité.

Enfin, la discussion fortuite ou provoquée avec des visiteurs, quels qu’ils soient, permet sou-vent des échanges fructueux sur les techniques employées.

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Figure 6 Fig. 6. Adultes et enfants se retrouvent pour une expérience forte.

uN équiLibrE DiFFiCiLE

L’apport financier des entrées est loin d’être suffisant, mais nous obtenons chaque année des subventions de la (petite) commune de Melrand, du conseil général, de la Région et de la DRAC, pour les gros investissements et le programme d’archéologie expérimentale. Le budget fonctionnement est le plus lourd et nous avons des difficultés à régler à long terme. De plus, l’aspect financier n’est pas le plus crucial ; les moyens humains ont une place de choix, tant dans la réflexion que dans la mise en place des projets : souvent une rencontre ou un échange aboutit à faire intervenir une personne dont les compétences sont intéressantes pour nous.

Les enjeux sont donc tout autant scientifiques qu’économiques : les interrogations de nos col-lègues archéologues ou historiens comptent dans le projet, et les collectivités locales voient en l’opération un moyen de rentabiliser un investissement.

CommuNiquEr

La visite comme vecteur essentiel

Un spécialiste de l’histoire médiévale n’est pas forcément le meilleur médiateur. La com-munication se fait à l’heure actuelle à l’aide de la maquette, du dépliant, de panneaux et d’un livret de visite. Notre site internet est régulièrement mis à jour et nous publions le plus possible car il ne faut négliger aucun support, en étant à la fois réaliste et modeste. Les panneaux sur le site posent un problème : d’une part, leur contenu devrait pouvoir évoluer, or ils sont en place pour plusieurs années, coûtent cher et sont rarement esthé-tiques ; d’autre part, certains ne résistent pas très longtemps car la qualité du support n’est pas excellente.

Le meilleur moyen de communication réside dans la visite guidée par un animateur motivé et compétent, un vrai luxe. Le site attire une certaine catégorie de visiteurs qui consent à faire des efforts d’abstraction et accepte l’absence d’aspect spectaculaire ou d’effets spéciaux. Les prestations, quelles qu’elles soient, naissent toujours de la demande for-mulée. L’essentiel, dans cette aventure, est d’oser dire le projet, les objectifs, les limites de ce qui est entrepris… à tous les partenaires. L’objectivité et la remise en cause sont autorisées. Si un public observateur y trouve son compte, il peut être en revanche néces-saire d’insister sur des détails qui comptent beaucoup pour nous mais échappent sou-vent à celui qui passe trop vite. Il est important de faire diverses propositions s’adaptant à divers publics, en fonction du temps passé sur le site, des demandes, de la composition du groupe (familles, scolaires, personnes âgées…).

La réaction à la visite est loin d’être unanime. Il y a souvent un décalage entre les atten-tes du public et ce qu’il trouve : quand l’un s’enthousiasme, l’autre déplore le manque d’animation… Une expérience novatrice est néanmoins généralement bien accueillie par le public, qui n’est pourtant pas convaincu d’avance. Il est délicat de dire à un public que la visite est un test qui cherche à confirmer des hypothèses, car on peut être taxé d’in-compétence ; mais lorsque le message est clair, il donne au visiteur le sentiment d’assister réellement à l’expérimentation.

Aucun vecteur de communication n’est écarté, chacun s’adressant à un type de public par-ticulier. La publication reste indispensable même si elle est toujours difficile à mener à bien ; elle permet de communiquer résultats et interrogations en cours. Dans ce type d’aventure, les interactions sont nombreuses entre instances de tutelle, public, équipe en place…, c’est aussi une façon d’évoluer et de faire avancer les présentations. Pour la médiatisation orale, il faut choisir entre un archéologue féru de pédagogie (j’en rencontre assez peu !) et des animateurs professionnels qui s’initient au sujet : c’est la seconde solution qui est retenue ici. Il est vrai que

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l’on doit faire preuve de beaucoup d’abnégation pour faire fonctionner un site comme celui-ci, accepter la polyvalence poussée à ses extrêmes, une situation géographique induite par la localisation du site même, des conditions financières difficiles…

Défendre une idée

Le site a été ouvert au public en 1986, globalement sous la forme qu’il a aujourd’hui, et il a connu des hauts et des bas. Géré au départ par une association, il a été confié à une société d’économie mixte en 1991. Les contrats sont nettement trop courts (trois ans) ; les collec-tivités en sont conscientes et vont réfléchir à une amélioration de cet aspect. Il y a eu des phases difficiles et il y en aura encore sans doute. La grande difficulté est de défendre un site qui ne veut pas tomber dans le folklore : nous défendons le droit du public à avoir accès à la recherche en cours, même si ce n’est pas toujours rentable ! Nous parions sur la qualité dans tous les domaines. Pour la partie recherche, si les choses évoluent lentement, il y a cependant des avancées intéressantes.

Les collectivités continuent à soutenir le projet bien qu’il ne soit pas, loin s’en faut, rentable, dans la mesure où tout le monde a reconnu son intérêt pédagogique et scientifique. Il n’est pas toujours facile de maintenir le cap et de résister aux actions « rentables » mais contraires à la déontologie que nous nous sommes fixée. L’espace utilisé grandit, le nombre de réali-sations aussi ; certains petits bâtiments ont été démontés car ils étaient très abîmés et ne correspondaient plus aux besoins du moment.

J’estime que tout ce que l’on fait doit aussi, à terme, servir de référentiel pour d’éventuelles fouilles. Pour cela, on essaie de garder le plus grand nombre de traces afin de comprendre la relation entre fouilles passées et à venir. Ainsi, la fouille de la « fouée », qui a fonctionné il y a deux ans, a permis de mesurer l’impact de la chauffe sur le sous-sol. Une forge fixe au sol très rudimentaire a également été étudiée pour mesurer le même type de paramètre. plusieurs bâ-timents sur poteaux porteurs ont déjà été démontés, mais n’ont jamais été fouillés ; on peut laisser évoluer les trous de po-teaux quelques années avant d’intervenir.

Les animations actuelles sont très ponctuelles et plutôt du domaine du geste que de la vie quotidienne. Nous organisons donc des après-midi théma-tiques en essayant de faire participer le public : « Jouer au Moyen Âge », « L’ali-mentation », « La réduction du minerai de fer »… Mais ces actions demandent idéalement de gros moyens en person-nel que nous n’avons pas (fig. 7). Ce-pendant, si elles rendent plus accessible un site qui ne l’est pas a priori, elles ne doivent jamais tomber dans la facilité : par exemple, nous n’avons jamais sou-haité nous engager dans la voie du jeu en costumes, qui n’apporte pas grand-chose sur un plan scientifique. Nous parions plus volontiers sur l’apport réel des restitutions qui permettent une ap-préhension des volumes, des odeurs, de l’ambiance ; la mise en place d’expé-rimentations in situ facilite une compré-hension de la vie quotidienne qui serait impossible autrement.

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Figure 7

Fig. 7. Bas fourneaux archéologiques, reconstitués et pédagogiques.

La gEstioN : soupLEssE Et attENtEs muLtipLEs

Le propriétaire des lieux a délégué la gestion à une société d’économie mixte car les enjeux dépassent largement le niveau local et notre démarche n’est pas forcément très facile à com-prendre, puisque nous sommes à la fois dans le loisir et la recherche… Depuis 1991, cette gestion offre l’avantage de la souplesse et de la transparence, même si elle présente des inconvénients. Notre meilleur argument consiste à parier sur la qualité qui donne une assise solide à notre légitimité. La fréquentation et l’appréciation du public constituent d’autres ar-guments probants (fig. 8).

Les partenaires viennent d’horizons multiples car notre site le demande. Les institutions, les associations locales, les centres de recherche interviennent suivant les besoins, chacun ayant ses propres attentes. Au départ, l’espoir était de développer un secteur lucratif ; à l’arrivée, il est difficile d’évaluer les retombées économiques au niveau local.

Scientifiquement, la nécessité de continuer au sein d’un projet actif en permanence semble évidente. grâce aux questions du public qui révèlent des manques, celles que nous nous posons – induites par le terrain – ou celles des collègues, une expérience en appelle toujours une autre. On pourra toujours considérer que, du fait de leur nature même, l’entretien des bâtiments est toujours en cours. Comme l’expérience provoque sans cesse de nouvelles questions, il est très tentant de vouloir répondre, éventuellement par les reconstitutions.

par exemple, ces bâtiments sont-ils gourmands en bois au point d’avoir entraîné une raré-faction du matériau et l’obligation de déménager ? Nous sommes toujours entre le désir de répondre aux questions du public et à celles des scientifiques, aucune d’entre elles n’étant plus légitime que l’autre. Les projets actuels envisagent d’adapter en permanence l’offre à la demande, sans déraper vers une version édulcorée ou décalée : par exemple, beaucoup de « petits » bâtiments qui devaient meubler l’espace de vie à l’époque médiévale sont à l’étude. Ils contribuent à l’enrichissement du projet global et permettront de répondre à certaines questions non résolues à ce jour.

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Figure 8 Fig. 8. Une expérience, une ambiance, une réalité retrouvées.

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résumé

John H. Jameson, Jr.chef de programme (USA), Archeology Education and Interpretation ;vice-président, General interpretation Methods and Policy, comité scientifique international d’interprétation et de présentation (ICIP), ICOMOS

La reconstruction des sites et éléments historiques et archéologiques a toujours été un élé-ment de controverse parmi les archéologues et historiens professionnels aux États-Unis. D’un côté les « puristes de la conservation », souvent des historiens de l’architecture et des empi ristes, ont prêché pour une approche strictement conservatoire, mettant l’accent sur l’authenticité des données et des éléments matériels. Selon eux, le public est inutilement induit en erreur par de nombreuses reconstitutions qui n’ont absolument pas fait l’objet de vérifications archéologiques ou historiques. Ils sont souvent en conflit avec une approche plus tolérante par rapport à la vérification, une approche qui met en avant les valeurs éducatives et interprétatives, telle que la prise de conscience concernant l’environnement durable.

En ce qui concerne les services des parcs nationaux des États-Unis (National Park Service), les « reconstructions » comprennent des mesures de conservation de tout vestige, de tout élé-ment matériel ou spatial, qu’il soit préhistorique ou historique, et elles se distinguent de la res-tauration en ce qu’elles impliquent la construction de nouveaux éléments du paysage culturel. En dépit des politiques menées actuellement, les services des parcs nationaux ont parfois eu une attitude ambivalente quant à l’utilisation des reconstructions comme outil d’éducation et de conservation.

Étant donné la controverse historique autour des notions de reconstruction, les acteurs réa-lisent qu’ils doivent accepter les limites des connaissances ou de ce qui est connaissable à travers les techniques analytiques modernes et reconnaître que l’on ne saura peut-être jamais l’« entière » vérité à propos d’un site. Si l’on désire des interprétations plus efficaces, il nous faut nous tourner vers nos partenaires de communication – les responsables de site, les interprètes de ce site et les services éducatifs – il faut leur transmettre ce savoir et leur faire comprendre comment l’archéologie peut contribuer au sens de l’identité des gens et même comment elle peut améliorer leur vie. Vu la vogue actuelle que connaît le tourisme patrimonial, on peut espérer qu’à l’avenir seules des reconstructions fondées sur de réelles recherches et impliquant une intervention minimale protégeant au mieux les ressources archéologiques elles-mêmes seront considérées comme d’authentiques alternatives en termes de gestion de site et d’éducation du public.

le Passé recOnstruit : succès, Périls et Dilemmes (états-unis)

abstraCt

John H. Jameson, Jr.program manager (USA), Archeology Education and Interpretation; Vice President, General Interpretation Methods and Policy, International Scientific Committee on Interpretation and Presentation (ICIP), ICOMOS

The reconstruction of historic and archaeological sites and features has long been a contro-versial subject among professional archaeologists and historians in the United States. On one side, the “preservation purists,” commonly architectural historians and empiricists, have advo-cated a strict, conservative approach, emphasizing data and material authenticity. They claim that the public is unnecessarily misled by many reconstructions that have not been absolutely verified by archaeology and documentary records. They often find themselves in conflict with a more liberal approach to verification that emphasizes educational and interpretive values such as consciousness of sustainable environment.

In the United States National Park Service (NPS), “reconstructions” include measures to preserve any remaining prehistoric or historic materials, features, and spatial relationships; they differ from restorations in that they involve new construction of various components of the cultural landscape. Despite current policies, the National Park Service has some-times taken an ambivalent stand on the notion of using reconstructions as preservation and educational tools.

Given the historical controversy surrounding the concepts of reconstruction, proponents rea-lize that they must come to terms with the limitations of our knowledge or what is knowa-ble through modern analytical techniques and that they can never really know the complete «truth» about a site. If we want more effective interpretations, we need to reach out to our communication partners-site managers, interpreters, and educators--and arm them with the knowledge and understanding of how archaeology can contribute to people’s sense of identity and ultimately improve their lives. In the present-day current of heritage tourism, we can hope that, in the future, only reconstructions that are well researched and do minimal damage to the archaeological resource will be considered as management and education alternatives.

tHe recOnstructeD Past: glOries, Perils anD Dilemmas

tHe recOnstructeD Past: glOries, Perils anD Dilemmas

John H. Jameson, Jr.program manager (USA), Archeology Education and Interpretation ; Vice President, General Interpretation Methods and Policy, International Scientific Committee on Interpretation and Presentation (ICIP), ICOMOS

a rECoNstruCtioN is Not a rEstoratioN

A continuing dilemma faced by many agencies and site managers in the USA and inter-nationally is: Should we reconstruct or should we preserve and interpret in place? The reconstruction of historic and archaeological sites and features has long been a contro-versial subject among professional archaeologists and historians in the United States. On one side, the “preservation purists”, commonly architectural historians and empiricists, have advocated a strict, conservative approach, emphasizing data and material authen-ticity. They claim that the public is unnecessarily misled by many reconstructions that have not been absolutely verified by archaeology and documentary records. They often find themselves in conflict with a more liberal approach to verification that emphasizes educational and interpretive values (Jameson, 2004a).

In the United States National Park Service (NPS), “reconstructions” include measures to pre-serve any remaining prehistoric or historic materials, features, and spatial relationships; they are based on the accurate duplication of features documented through archaeology and ar-chival research rather than on conjecture. Reconstructions differ from restorations in that they involve new construction of various components of the cultural landscape. Despite current policies, the National Park Service has sometimes taken an ambivalent stand on the notion of using reconstructions as preservation and educational tools. Despite the historical contro-versy surrounding the concept of reconstruction, reconstructions that are well thought out and do minimal damage to the archaeological resource should be considered as interpretive and educational tools (Jameson, 2004a).

We strive in these endeavors to develop more holistic interpretations in which the values of sustainable environment and heritage are inextricably linked. We have recognized that multi-disciplinary and inclusive approaches are the most effective. The sites we deal with are no longer limited to great iconic monuments and places, but can include millions of places of importance to sectors of society that were once invisible or intentionally ignored. These sites can play an important role in fostering peaceful multicultural societies, maintaining communal or ethnic identities, and serving as the indispensable theater in which the ancient traditions that make each culture a unique treasure are performed periodically, even daily. The values of these sites and features are often not readily obvious in the material fabric or surrounding geography, but they must be identified and require a narrative for the fullness of their meaning to be properly conveyed to locals, site visitors, and the public at large. This is accomplished through processes of public interpretation and education.

Modern public interpretation programs seek to present a variety of perspectives to multi-cultural audiences that result in a greater understanding and appreciation of past human behavior and activities. In these settings, archaeologists and interpreters collaborate and use their knowledge and skills to create opportunities for the audience to form intellectual and emotional connections to the meanings and significance of archaeological records and the peoples who created them. As a backdrop to programs and exhibits, reconstruc-tions can facilitate interpretive efforts that seek to form these emotional and intellectual connections. For better or worse, both the popularity and the controversy of reconstruc-tions will always be with us.

tHE rECoNstruCtioNs DiLEmma aND pErENNiaL CoNtroVErsy

In contemplating a particular reconstruction project, one must ask if the project meets toler-able standards of authenticity, economy, and pragmatism. Where and how the line is crossed that takes us to unacceptable limits of conjecture and supposition, to that “slippery path of speculation toward the netherworld of fantasy”? Are we professionally irresponsible and in-tellectually arrogant in even contemplating such efforts? It is in more recent debates about authenticity that archaeology’s role has come to be considered indispensable.

To a modern archaeologist or architectural historian connected to these projects, a potential ethical conflict emerges when on-site reconstructions and restorations contribute to the dam-age or destruction of the original archaeological fabric. For agencies and site managers, the overriding issues are whether the reconstruction effort is justified in the first place, i.e., are we being too speculative and misleading, and, has the agency properly evaluated and planned for long-term maintenance costs.

Despite policies that demand authenticity and thorough documentation, the National Park Service, a traditional leader in the USA on historic preservation, has sometimes taken an am-bivalent stand on the notion of using reconstructions as preservation and educational tools (Jameson, Hunt, 1999, p. 35-62). Despite the historical controversy surrounding the concept of reconstruction, many educational archaeologists, historians, and park interpreters believe that reconstructions that are well thought out and do minimal damage to the archaeological resource are useful and justified as public interpretation tools. Reconstructions are important, they say, because they provide a three dimensional encounter with history to which people can relate and comprehend within their own experience. Reconstructions provide spatial and dimensional reality and intimacy to material culture, a sense of space for the visitor that cannot be accomplished by storytelling or two-dimensional and even 3-dimensional scale models. The popularity of reconstructions in providing three-dimensional “reality” and scale of physical fabric of historical settings has resulted in a great variety of reconstructions that have simulta-neously created interpretive and budgetary challenges to their builders and keepers.

rECoNstruCtioNs iN tHE uNitED statEs

The philosophical arguments for and against the practice of reconstructing historical and archaeological sites in the United States are rooted in the early developments of the historic preservation movement. The first wave of preservation sentiment was associated with the rise of public concern in the early and mid-1800s for the preservation of places and sites associ-ated with the American Revolution of 1775-1783. Interest in archaeological conservation per se did not gain impetus until the late 1870s and early 1880s, when reports by the Smithsonian Institution and others raised public awareness of the prehistoric pueblos in the North Ameri-can southwest. The public became increasingly alarmed over the widespread looting that was damaging and destroying these magnificent ruins. An increased conservation sentiment at the national level was reflected in the creation, in 1905 and 1916, respectively, of the U.S. Forest Service and the National Park Service (NPS). In many instances, these agencies have served as role models for counterpart agencies at the state level. Established within the U.S. Department of the Interior, NPS was given the mission of preserving “in such manner and by such means as will leave them unimpaired for the enjoyment of future generations” the van-ishing natural and historical heritage sites deemed of national significance. Over the years, as the scope of responsibility of the NPS for preserving and managing cultural sites has evolved and expanded, the role and value of reconstructions as public interpretation tools has been continually debated (Jameson, 2004a).

The opening of Colonial Williamsburg by the Rockefeller Foundation in 1933, and passage by the U.S. Congress of the Historic Sites Act of 1935, furthered the cause of historic preserva-tion and enhanced both public and private interest in preserving archaeological sites. At Co-

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lonial Williamsburg, a reconstructed historic community of mid 1770s was based on detailed historical and limited archaeological research (Fig. 1, 3, 4). These reconstructions proved to be immensely popular with the public. They included removing approximately 700 buildings, restoring and renovating about 83 buildings, and reconstructing over 450 structures on their original sites. The reconstruction technique at Colonial Williamsburg involved “recreating” the buildings in an effort to completely restore the town. This popular, yet conjectural, technique became the standard applied to hundreds of reconstructions in the United States for decades

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Figure 1

Fig. 1. The Reconstructed Governor’s Palace at Colonial Williamsburg (Brown and Chappell, 2004).

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Fig. 2. George Washington’s Birthplace National Historic Site, Virginia. Generic architectural approaches to recons-truction taken at this site in the 1930s followed the Colonial Williamsburg example without the benefit of comprehen-sive archaeological research and were inaccurate (Courtesy, National Park Service).

to come. It pervaded and guided the work of the National Park Service and other federal agencies in scores of “New Deal” public works projects carried out in the years preceding World War II (Brown and Chappell, 2004).

In the National Park Service, policy statements have historically steered away from reconstruction as a means of interpreting historic sites. However, the actual treatment of historic sites has tended more towards interpretation vis-à-vis reconstruction rather than preservation-in-place. Recon-structions as interpretive devices were used very early in NPS history (Fig. 2, 6-12).

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Fig. 4. The reconstructed wooden ghost structure “ruins” of Wostenholme Towne (Brown and Chappell, 2004).

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Fig. 3. Reconstruction from archaeological evidence at the Slave Quarter at Carter’s Grove, Colonial Williamsburg, Virginia (Brown and Chappell, 2004).

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Fig. 5. The reconstructed cabin of American author, poet and philosopher Henry David Thoreau at Walden’s Pond, Middlesex County, Massachusetts (Linebaugh, 2004).

Figure 6

Fig. 6. Work at the reconstructed prehistoric earth lodge at Ocmulgee National Monument, Georgia, was carried out in the 1930s under the Works Progress Administration (WPA) economic relief program (Courtesy, National Park Service).

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Fig. 7. During earth lodge reconstruction, Ocmulgee National Monument, Georgia (Courtesy, National Park Service).

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Fig. 8. Interior in situ features were incorporated into the reconstruction at Ocmulgee National Monument, Georgia (Courtesy, National Park Service).

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Fig. 9. 1937 photograph of reconstructed prehistoric earth lodge at Ocmulgee National Monument, Georgia (Courtesy, National Park Service).

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Fig. 10. Modern photo of earth lodge entrance, Ocmulgee National Monument, Georgia (Courtesy, National Park Service).

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Fig. 11. 1950s reconstruction of prehistoric Balcony House cliff dwelling, Mesa Verde National Park, Colorado (Courtesy, National Park Service).

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Fig. 12. Workers perform repair work on reconstructed pithouse at Step House, Mesa Verde National Park, Colorado (Courtesy, National Park Service).

Jamestown, Virginia, site of the first permanent English settlement in North America, is an interesting case in that the overall public presentation covers all aspects of the historical di-lemma of whether reconstructions are justified versus preservation-in-place. It is also one of the best examples of public and private interests vying for “a piece of the rock” vis-à-vis one

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Fig. 13. Aerial view of outlined archaeologically revealed features outlined with white tape at the military stockade of the American Revolutionary War site of Ninety Six National Historic Site, South Carolina (Courtesy, National Park Service).

Fig. 14. The reconstructed stockade at Ninety Six National Historic Site, South Carolina. The reconstruction follows the archaeologically recorded 1781 component that was superimposed on an archaeo-logically recorded 1775 fortification component (Courtesy, National Park Service ; Jameson, Hunt, 1999, p. 35-62).

Fig. 15. Photo in 2004 of the reconstructed stockade at Ninety Six National Historic Site, South Carolina (Photo by John H. Jameson, Jr.).

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of America’s most renowned historic sites. All but 22 ½ acres of Jamestown Island, containing the 17th century Jamestown settlement, is managed by the National Park Service as part of Colonial National Park.

As a traditional conservation “sacred cow” among politicians and the general public and also within the agency, replete with its Victorian era monuments, reconstructions at Jamestown have been off limits, with the “preservation purists” winning the day. However, the Common-wealth of Virginia, recognizing educational as well as economic opportunities, established the off-site Jamestown Settlement, which is composed of a recreated “James Fort”, a recreated Indian village, full-sized replicas of the original ships, and living history programs. Not to be outdone, the Association for the Preservation of Virginia Antiquities (APVA), a private organiza-tion, having received a donation of 22 ½ acres at the site of “Old Towne” in 1893, worked to control the erosional forces of the James River in addition to preserving the sites of an early church and the third and fourth statehouses. APVA’s status at Jamestown was enhanced by revelations in the 1990s that the property also contains the archaeological remains of the

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Fig. 16. Detail of reconstructed stockade at Ninety Six. In situ reconstruction follows the archaeologically recorded 1781 stockade fort component (Photo by John H. Jameson, Jr.).

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Fig. 17. Artist’s rendition of 1840s Fort Vancouver, Washington. The National Historic Site is a notable example of a presentation strategy of complete reconstruction of the archaeologically recorded structures (Courtesy, National Park Service).

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Fig. 18. Archaeological test units record the location of a fur store where furs were cleaned and baled for shipment to England, Fort Vancouver National Historic Site, Washington (Courtesy, National Park Service).

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Fig. 19. Reconstructed trading post at Fort Vancouver National Historic Site, Washington (Courtesy, National Park Service).

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Fig. 20. View of the reconstructed section of the town and fortifications at Fortress Louisbourg, Nova Scotia (Fry, 2004).

“first fort” with its ongoing Jamestown Rediscovery project. For the most part, this triad of management and presentation has remarkably coexisted in relative harmony in a spirit of co-operation and non-competitiveness. Thus, through cooperative efforts at federal, state, and private levels, the Jamestown public presentation, when viewed as a package, satisfies the educational/interpretive goals of the pro-reconstrutionists while maintaining strict conserva-tion of the original historic fabric (Jameson, 2004a).

In contrast to Jamestown and many other national park areas with limited or no reconstruc-tions, Fort Vancouver National Historic Site, Washington is a striking example of reconstrution-ist forces winning the day (Fig. 17-19). Fort Vancouver was the administrative headquarters and main supply depot for the Hudson’s Bay Company’s fur trading operations and the center of political, cultural, and commercial activities in the Pacific Northwest during the first half of the 19th century. Armed with thorough documentation of the architectural and archaeological details of the fort, the NPS has undertaken a program of total reconstruction. In response to local economic and political pressures to promote heritage tourism, the NPS has recon-structed the entire stockade, plus many interior buildings such as the bakehouse, blacksmith shop, an Indian trade site. Also planned for the future is the reconstruction and restoration of a portion of the Kanaka Village, west of the stockade, where the workers of the Hudson’s Bay Company lived (Jameson, 2004a).

Other notable, sometimes monumental, examples of cultural site reconstructions using well documented archaeological evidence range from the 1930s work at Ocmulgee National Monument prehistoric earth lodge to historic period sites in the U.S. and Canada (Fig. 13-16, 20, 21-25).

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Fig. 24. Archaeologists were able to distinguish between sections of the stockade built by slave labor versus prison labor by variations in position and color of construction fill, Andersonville Prison National Historic Site, Georgia (Courtesy National Park Service ; Prentice, 1989).

Fig. 23. Archaeologically revealed stockade posts at American Civil War (1864-1865) prison site, Andersonville Prison National Historic Site, Georgia

(Courtesy National Park Service ; Prentice, 1989).

Fig. 21. Aerial view of archaeological excavations that preceded the reconstruction of Bent’s Old Fort, Colorado (Photo courtesy National Park Service).

Fig. 22. Interior plaza of reconstructed Old bent’s Fort, Colorado (Photo courtesy National Park Service, Rodd L. Wheaton; Wheaton, 2004).

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Fig. 25. Reconstructing the prison stockade walls at Andersonville National Historic Site, Georgia (Courtesy National Park Service).

rECoNstruCtioNs aND iNtErprEtiVE art

Public archaeologists in the U.S. National Park Service and elsewhere hare not content to rely solely on traditional methodologies and analytical techniques in their attempts to reconstruct human history and bring it to life for the public. We want to venture beyond utilitarian explanations and explore the interpretive potential of cognitive imagery that ar-cheological information and objects can inspire. In partnership with professional interpret-ers and educators, we use the power of artistic expression to convey archeological infor-mation and insights to the public. At our parks and historic sites, we use the archeological record to enhance the visitors’ experience, and, working with our public interpretation colleagues, help to create opportunities for visitors to form intellectual and emotional con-nections to the meanings and significance of archeological information and the people and events that created them. Since 1991, the Southeast Archeological Center, through its public archaeology interpretive art program, has supported national parks and other public agencies in producing art works that help tell the fascinating stories of America’s cultural heritage.

An important focus of the Center’s interpretive art program has been the creation of 80+ original oil paintings, drawings, and sketches by artist Martin Pate. In produc-ing these works, the artist works closely with archaeologists and interpretive special-ists. The goal is to inform and inspire the public, through conjectural interpretive art, about archeologically documented cultures, sites, and events. The images are used in a variety of formats, including posters, book covers, and wayside exhibits. Many are discussed and illustrated in the 2003 Ancient Muses: Archaeology and the Arts book (Fig. 26-35; Jameson et al., 2003).

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Fig. 26. Interpretive oil painting derived partially from archaeologi-cal evidence of battle scene, Little Bighorn National Battlefield Park, Montana (Courtesy, National Park Service; painting by Martin Pate).

Fig. 27. Interpretive wayside panel using interpretive oil painting (Fig. 26), Little Bighorn National Battlefield Park, Montana (Courtesy, National Park Service; painting by Martin Pate).

Fig. 28. Schematic illustration of location of archaeologically revealed Confederate grave sites, Fort Pulaski National Monument, Georgia (Cour-tesy Southeast Archeological Center, National Park Service ; Groh, 1999).

Fig. 29. Interpretive oil painting of Confederate prisoners burying their dead, Fort Pulaski National Monument, Georgia (Courtesy National Park Service ; painting by Martin Pate).

Fig. 30. Juxtaposed interpretive oil painting (top) and archaeological base map, Rucker’s Bottom Prehistoric Site, Georgia (Courtesy, U.S. Army Corps of Engineers, Savannah District and Southeast Archeological Center, National Park Service ; painting by Martin Pate).

Fig. 31. Interpretive oil painting for cover of Ancient Muses : Archaeology and the Arts (Courtesy, Southeast Archeological Center, National Park Service ; Jameson et al., 2003 ; painting by Martin Pate).

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John H. Jameson, Jr.

Fig. 32 . Interpretive oil painting for cover of Unlocking the Past: Celebrating Historical Archaeology in North America (Courtesy, Southeast Archeological Center, National Park Service; De Cunzo and Jameson, 2005; painting by Martin Pate).

Fig. 33 . Interpretive oil painting of Paleo-Indian scene, Fort Bragg, North Carolina (Courtesy, U.S. Army, Fort Bragg and Southeast Archeological Center, National Park Service; painting by Martin Pate).

Fig. 34 . Interpretive oil painting based on Archeological evidence, Sara’s Ridge Archaic Site, South Carolina (Courtesy, U.S. Army Corps of Engineers, Savannah District, and Southeast Archeological Center, National Park Service; painting by Martin Pate).

Fig. 35 . Public awareness poster using image derived from an interpretive oil painting of a prehistoric Missis-sippian mounds site in Louisiana (Courtesy Louisiana State Archeologist’s Office and Southeast Archeological Center, National Park Service; painting by Martin Pate).

Figure 32

Figure 35

Figure 34

Figure 33

THE RECONSTRUCTED PAST: GLORIES, PERILS AND DILEMMAS

John H. Jameson, Jr.

Figure 36

Fig. 36. Generic architectural approach taken at George Washington’s Birthplace National Historic Site (pictured here) and Colonial Williamsburg during the 1930s, without the benefit of comprehensive archaeological research, created an unfortunate precedent that led to inaccuracies in interpretation.

CoNCLusioNs

In the era of the New Deal of the 1930s, the initial ripples of in-house opposition to recon-structions were more than countered by the current of popular and political sentiment that resulted from the tremendously popular Colonial Williamsburg. Throughout the history of the NPS, many opposed to reconstructions in general have nevertheless given some allowances for coping with the reality of reconstructions at historic sites and parks. They contend that reconstructed structures need not skew our sense of the past as long as they are presented and understood as one generation’s attempt to memorialize the other. Given the historical controversy surrounding the concepts of reconstruction, proponents realize that they must come to terms with the limitations of our knowledge or what is knowable through modern analytical techniques and that they can never really know the complete “truth” about a site. Nevertheless, site managers, when deciding to use reconstructions in telling the interpretive story, know they must deliver images and “props” that are both educational and engaging in their effect. In partnership with professional interpreters and educators, through its Interpretive Arts Program, the Southeast Archeological Center of NPS uses devices that exploit the power of artistic expression to convey archeological information and insights to the public. These effects strive to create impressions that enable visitors to make emotional connections to archaeological and historical records that help them to understand and relate to the context, meaning, and significance of the resource (Jameson, 2004a).

If we want more effective interpretations, we need to reach out to our communication part-ners – site managers, interpreters, and educators – and arm them with the knowledge and understanding of how archaeology can contribute to people’s sense of identity and ultimately improve their lives. In the present-day current of heritage tourism, we can hope that, in the future, only reconstructions that are well researched and do minimal damage to the archaeo-logical resource will be considered as management and education alternatives (Jameson, 2004a; Fig. 36).

THE RECONSTRUCTED PAST: GLORIES, PERILS AND DILEMMAS

John H. Jameson, Jr.

rEFErENCEs

Brown and cHaPPell, 2004Brown, Marley R. III and cHaPPell, Edward A., “Colonial Williamsburg: Archaeological Authen-ticity and Changing Philosophies”. In The Reconstructed Past: Reconstructions in the Public Interpretation of Archaeology and History, edited by John H. Jameson, Jr., Walnut Creek, AltaMira Press, p. 47-63.

de cunzo and JaMeSon, 2005de cunzo, Lu Ann and JaMeSon, Jr., John H., Unlocking the Past: Celebrating Historical Ar-chaeology in North America, Gainesville, University Press of Florida.

Fry, 2004Fry, Bruce W., “Designing the Past at Fortress Louisbourg”. In The Reconstructed Past: Reconstructions in the Public Interpretation of Archaeology and History, edited by John H. Jameson, Jr., Walnut Creek, AltaMira Press, p. 199-214.

GroH, 1999GroH, Lou, Archeological Investigations at Fort Pulaski National Monument, Chatham County, Georgia. National Park Service, Southeast Archeological Center, Florida, Tallahassee.

JaMeSon, 2004aJaMeSon, John H., Jr., Introduction: “Archaeology and Reconstrctions”. In The Reconstructed Past: Reconstructions in the Public Interpretation of Archaeology and History, edited by John H. Jameson, Jr., Walnut Creek, AltaMira Press, p. 1-18.

JaMeSon, 2004bJaMeSon, John H., Jr. (editor), The Reconstructed Past: Reconstructions in the Public Interpre-tation of Archaeology and History, Walnut Creek, AltaMira Press.

JaMeSon, eHrenHard, Finn, 2003JaMeSon, John H., Jr., eHrenHard, John E., Finn, Christine A. (editors), Ancient Muses: Archae-ology and the Art, Tuscaloosas, University of Alabama Press.

JaMeSon, Hunt, 1999JaMeSon, John H., Jr., Hunt, William J., “Reconstruction vs. Preservation-in-place in the National Park Service”. In The Constructed Past: Experimental Archaeology, Education and the Public, One World Archaeology 36, Peter G. Stone (editor), London and New york, Routledge.

lineBauGH, 2004lineBauGH, Donald W., “Walden Pond and Beyond: The Restoration Archaeology of Roland Wells Robbins”. In The Reconstructed Past: Reconstructions in the Public Interpretation of Archaeol-ogy and History, edited by John H. Jameson, Jr., Walnut Creek, AltaMira Press, p. 21-46.

wHeaton, 2004wHeaton, Rodd L., “Lessons Learned at Bent’s Old Fort and Fort Union Trading Post”. In The Reconstructed Past: Reconstructions in the Public Interpretation of Archaeology and History, edited by John H. Jameson, Jr., Walnut Creek, AltaMira Press, p. 215-232.

résumé

Florian Renuccimaître d’œuvre du chantier

C’est michel guyot, propriétaire du château de Saint-Fargeau (Yonne), qui le premier a eu l’idée de construire ex nihilo un château fort selon les modes de construction du xiiie siècle. La première pierre a été posée le 20 juin 1997, avec des aides de l’État (en matière d’emploi) et de mécénat privé. Fondé sur l’accès du public le plus large à l’ensemble des processus de construction, ce château de pierre n’est donc pas la reconstruction de ruines, personne n’a jamais imaginé ou projeté sa construction avant 1997, son nom même n’est qu’un emprunt au site.

Cette expérience est originale parce qu’un modèle d’architecture a pu être défini au préa-lable par des universitaires, des archéologues et des architectes. De plus, la pédagogie étant axée sur la communication des données de l’expérience et non sur l’animation, les artisans travaillent sur place devant le public et expliquent leurs gestes et projets. Ce sont eux qui assurent l’accueil sur le site.

Guédelon est devenu le deuxième site touristique payant de la Bourgogne après les hospices de Beaune. L’équipe est composée de plus de cinquante salariés, et la formation profession-nelle est assurée pour une bonne part par les ouvriers eux-mêmes.

Il convient cependant de s’interroger sur la finalité d’une éventuelle multiplication de construc-tions de « monuments historiques modernes ». En effet, autant une grande et unique aventure comme celle de Guédelon peut avoir fonction d’exemplarité, autant la répétition de ce genre d’expérience pourrait servir un certain conservatisme architectural au détriment de créations véritablement contemporaines.

la recOnstructiOn cOntemPOraine « à l’iDentiQue » D’un cHâteau méDiéVal : guéDelOn (yOnne, france)

abstraCt

Florian Renucciprogram and works manager

It is Michel Guyot, the owner of the Chateau de Saint-Fargeau (yonne), who was the first to have the idea of building an ex-nihilo fortified castle according to the modes of construction of the XIIIth century. The first stone was set on June 20th 1997, with governmental subsidies (work force) and private patronage. Based on the access of all publics to all the stages of re-construction, this stone castle is not the reconstitution of ruins, and no-one ever imagined or contributed to its construction before 1997, even its name has been taken from the site.

This is an original experience in that the architectural model was pre-defined by University professors, archaeologists and architects. Moreover, its pedagogical aim is based on the communication and not on animation but on the communication of the work-in-progress data, by the craftsmen who explain their gestures and intent to the public as they work on the site. They are responsible for greeting the visitors on the site.

Guédelon has become the second paying touristic site of the Region of Burgundy after the Hospices de Beaunes. The team is composed of more than fifty salaried workers and profes-sional training is effected almost entirely by the workers themselves.

yet one must question the finality of an eventual multiplication of constructions of «modern historical monuments». For indeed, however exemplary a unique and great adventure such as that of Guédelon may prove to be, to the same extent the repetition of this type of ex-perience could prove detrimental to authentic contemporary creations by serving a certain architectural conservatism.

guéDelOn (yOnne, france) : builDing a tHirteentH century castle, tODay

la recOnstructiOn cOntemPOraine « à l’iDentiQue » D’un cHâteau méDiéVal : guéDelOn (yOnne, france)

Florian Renuccimaître d’œuvre du chantier

après la réussite de la restauration et de l’animation du château de saint- Fargeau (yonne), l’idée de construire un château fort selon les modes de construction

du xiiie siècle est venue à michel guyot, propriétaire de saint-Fargeau.une étude archéologique a d’abord été conduite sur le château médiéval primitif de saint-Fargeau, enseveli sous des parements de brique du xve siècle. Elle a conduit à la naissance d’un projet chargé d’avoir valeur d’expérience pédagogique, assortie d’une validité économique et sociale : construire un château fort du xiiie siècle. un comité scientifique composé du propriétaire et de mm. moulin, architecte en chef des monuments historiques, et Christian Corvisier, historien de l’architecture, s’est fixé pour objectif de restituer le château primitif de saint-Fargeau.

Toutefois, le site de Saint-Fargeau étant classé, le projet initial ne peut aboutir ; les protago-nistes s’orientent alors vers une construction originale dans une carrière de grès ferrugineux située au fond des bois de la Puisaye et portant le nom du toponyme de l’étang situé en contrebas : Guédelon. Cette idée un peu folle commence par se heurter à de fortes résis-tances et critiques, en particulier dans les milieux des monuments historiques. Qu’est-ce donc que cette invention de construire, selon les moyens et les méthodes du Moyen Âge, un château qui n’a jamais existé ni même été projeté, selon des plans types du château du premier tiers du xiiie siècle, à savoir un château fortifié de murailles épaisses avec fossés et châtelet, un plan géométrique flanqué de tours et une « grosse tour » dans un angle… ?

Le cadre opérationnel est déterminé, puis, en 1997, Maryline Martin, fondatrice de l’association d’insertion Émeraude, lance le projet. La carrière est achetée ainsi que 15 ha de bois de chênes, et la première pierre est posée le 20 juin 1997. En s’appuyant sur du mécénat et des aides de l’État en matière d’emplois, 4 millions de francs sont obtenus en quelques mois et, moins d’un an plus tard, le 1er mai 1998, le chantier ouvre ses portes au public : la détermination et la volonté sont telles que les autorisations administratives ont pu être obtenues en un temps record…

Fondé sur l’accès du public le plus large à l’ensemble des processus de construction de ce château de pierre, le succès est vite au rendez-vous. Les liens maintenus avec le monde universitaire permettent de conserver une crédibilité suffisante à une réalisation bien réelle et pourtant toute virtuelle historiquement : ce château n’est pas la reconstruction de ruines, personne n’a jamais imaginé ou projeté sa construction avant 1997. Le public n’en est pas perturbé et se montre fidèle – on peut en effet revenir chaque année mesurer l’avancement des travaux : il dépasse vite les 200 000 visiteurs payants, soit plus de 2 millions d’euros de chiffre d’affaires en fonds propres annuels.

CoNstruirE pour ComprENDrE

L’expérience est originale d’une part parce qu’elle se déroule au sein d’un cadre scientifique et d’autre part parce qu’un modèle d’architecture a pu être défini par des universitaires, des archéologues et des architectes. Il s’agit de construire un modèle vraisemblable de château situé aux confins de l’Auxerrois et du Nivernais en 1229, dans la mouvance des fiefs apparte-nant à la famille de Courtenay, dont le programme est celui d’une seigneurie privée ayant des droits de justice limités. C’est la construction ex nihilo d’un ensemble architectural en pierre et bois d’un volume total de 11 000 m3.

une méthodologie s’appuyant sur l’analyse comparée de châteaux capétiens du premier tiers du xiiie siècle définit les standards d’ouvrages auxquels Guédelon doit se conformer : épais-seurs de murs, forme des voûtes, appareillage des pierres.

Toute la difficulté et l’intérêt du projet sont de proposer un processus de mise en œuvre du bâti qui recrée une économie de chantier à partir des chênes des bois de guédelon et de la pierre extraite sur le site même. La chaux aérienne en pâte, seul matériau fabriqué en dehors du site pour des raisons de sécurité, obéit à un cahier des charges qui la rend conforme aux chaux grasses relevées dans les mortiers anciens : basse cuisson (900 °C), pureté du calcaire, extinction traditionnelle à l’eau non vaporisée.

Une documentation inédite, composée à ce jour de 18 000 images numériques, illustre chaque étape du processus de fabrication. une fois fini, guédelon sera le seul château en pierre entière-ment « redémontable » par l’image. Cette base documentaire utilisée sur le site pour faire com-prendre le patrimoine monumental est l’un des axes pédagogiques qu’un tel projet permet.

uNE ExpériENCE péDagogiquE

La pédagogie étant axée sur la communication des données de l’expérience et non sur l’ani-mation, les artisans travaillent sur place devant le public et expliquent leurs gestes et projets. Les ouvriers constituent la seule animation du chantier et l’accueil sur le site est assuré par les équipes du chantier. Le concept invite le public à revisiter régulièrement le chantier, qui évolue en permanence. Par le biais de ce chantier, des clefs sont élaborées pour une lecture du patrimoine architectural, avec le vocabulaire correspondant. Cette pédagogie répond en-fin au besoin d’informer un public jeune : sur 220 000 entrées annu elles, on dénombre 49 % d’entrées adultes, 15 % d’entrées enfants, 11 % d’entrées groupes adultes, 25 % d’entrées groupes enfants ; les enfants représentent donc 40 % des visiteurs.

uN projEt éCoNomiquE Et soCiaL

Le site est devenu le deuxième site touristique payant de la Région Bourgogne après les hos-pices de Beaune. Il est animé par une équipe composée de plus de 50 salariés dont 33 CDI qui travaillent selon un mode original de flexibilité des horaires, les ouvriers étant en RTT tous les mois d’hiver. Une politique spécifique des salaires et des primes cherche à fidéliser un noyau salarial pour toute la durée de la construction – au total prévue sur vingt-cinq ans – afin d’éviter le travail précaire comme c’est fréquemment le cas sur les sites touristiques. La for-mation professionnelle est assurée pour une bonne part par les ouvriers eux-mêmes.

uNE DémarCHE origiNaLE

Du fait de l’évolution du chantier, le renouvellement de l’offre de base provoque une fidélisation immédiate des visiteurs. Plus le public fréquente le chantier, plus l’attrait de ce dernier croît. Ainsi, un tiers des adultes reviennent tous les trois ans, et deux tiers des scolaires tous les deux ans. Il s’agit là d’une fréquentation sans commune mesure avec les chiffres du tourisme régional et national qui, eux, subissent des aléas. Ici, au bout de sept années de fonctionne-ment, le chantier est en augmentation constante de visiteurs ! Les retombées de ce succès pour la région proche sont évidentes : elles ont pesé dans la reconversion partielle de l’écono-mie locale en direction d’une économie du tourisme, de l’accueil, des services.

LEs DiFFiCuLtés

Le lancement d’un tel chantier n’a pourtant pas été chose aisée, car les difficultés administra-tives n’ont pas manqué : problèmes de convention collective, de contrats, de sécurité, d’orga-nisation du temps de travail, des limites inhérentes à la structure associative… Par exemple, le dialogue entre les ouvriers et le public ralentit nécessairement la cadence du travail et peut poser des problèmes de sécurité.

LA RECONSTRUCTION CONTEMPORAINE « À L’IDENTIQUE » D’UN CHÂTEAU MÉDIÉVAL :

GUÉDELON (yONNE, FRANCE)Florian Renucci

Parmi les questions soulevées, se posent par exemple les suivantes. L’expérience archéolo-gique a-t-elle un sens si l’organisation du temps de travail est totalement différente de celle du Moyen Âge ? Le postulat de passer par les mêmes contraintes matérielles engendre-t-il avec certitude les mêmes choix ? Est-il possible, même avec le maximum de sources docu-mentaires, de recréer le cadre ethnologique, la culture constructive d’une période révolue ? Comment analyser la productivité de Guédelon et s’en servir pour déterminer les effectifs probables d’ouvriers sur de sites dont il ne reste que la pierre ? Quels outils scientifiques per-mettraient d’approfondir les données de ce type d’archéologie expérimentale ?

Toutes ces interrogations sont à prendre en considération au même titre que d’autres : diffi-culté d’exploitation de la carrière, ou difficulté d’organisation du travail lorsqu’on conduit une équipe par définition hétérogène, composée de salariés mais aussi de bénévoles ou de sta-giaires. Comment prendre en considération l’évolution de la qualification des ouvriers, qui se répercute obligatoirement sur la production et l’organisation ?

VErs uNE rEproDuCtioN Du CoNCEpt ?

La direction de Guédelon est régulièrement sollicitée par des projets nationaux et internatio-naux visant à reproduire le concept sur d’autres sujets d’architecture et d’autres périodes historiques. Un travail d’identification des valeurs, des moyens mis en œuvre et de l’esprit du projet pourrait certes être rédigé sous forme de charte. Mais il convient de s’interroger sur la finalité d’une éventuelle multiplication de constructions de « monuments historiques mo-dernes ». En effet, autant une grande et unique aventure comme celle de Guédelon peut avoir fonction d’exemplarité, autant la répétition de ce genre d’expérience risquerait de tomber sous le coup d’un conservatisme architectural et de son intégration dans la société d’aujourd’hui, alors que l’époque contemporaine foisonne de créateurs d’œuvres originales…

Fig. 1. Tour maîtresse, état récent.

LA RECONSTRUCTION CONTEMPORAINE « À L’IDENTIQUE » D’UN CHÂTEAU MÉDIÉVAL :

GUÉDELON (yONNE, FRANCE)Florian Renucci

Figure 1

LA RECONSTRUCTION CONTEMPORAINE « À L’IDENTIQUE » D’UN CHÂTEAU MÉDIÉVAL :

GUÉDELON (yONNE, FRANCE)Florian Renucci

Fig. 3. Vue d’ensemble du chantier avec les machines de levage. Mai 1999.

Fig. 2. Ouvrage d’entrée entre les deux tours. Mai 1999.

Figure 2

Figure 3

LA RECONSTRUCTION CONTEMPORAINE « À L’IDENTIQUE » D’UN CHÂTEAU MÉDIÉVAL :

GUÉDELON (yONNE, FRANCE)Florian Renucci

Fig. 5. Vue d’ensemble du chantier.

Fig. 4. Tour dite de la chapelle. Mai 1999.Figure 4

Figure 5

LA RECONSTRUCTION CONTEMPORAINE « À L’IDENTIQUE » D’UN CHÂTEAU MÉDIÉVAL :

GUÉDELON (yONNE, FRANCE)Florian Renucci

Fig. 6. Vue d’ensemble du chantier. © Condor Vision.

Fig. 7. Vue d’ensemble du chantier.

Figure 6

Figure 7

LA RECONSTRUCTION CONTEMPORAINE « À L’IDENTIQUE » D’UN CHÂTEAU MÉDIÉVAL :

GUÉDELON (yONNE, FRANCE)Florian Renucci

Fig. 8. Tour dite de la chapelle

avec la poterne, hors œuvre.

Fig. 9. Courtine gauche près

du front d’entrée. Figure 8

Figure 9

LA RECONSTRUCTION CONTEMPORAINE « À L’IDENTIQUE » D’UN CHÂTEAU MÉDIÉVAL :

GUÉDELON (yONNE, FRANCE)Florian Renucci

Fig. 11. Différents angles de l’ensemble du chantier. © François Folcher.

Fig. 10. Le chantier vu du côté de l’entrée. © Condor Vision

Figure 10

Figure 11

LA RECONSTRUCTION CONTEMPORAINE « À L’IDENTIQUE » D’UN CHÂTEAU MÉDIÉVAL :

GUÉDELON (yONNE, FRANCE)Florian Renucci

Fig. 12. Ensemble du chantier. © François Folcher.

Figure 12

LA RECONSTRUCTION CONTEMPORAINE « À L’IDENTIQUE » D’UN CHÂTEAU MÉDIÉVAL :

GUÉDELON (yONNE, FRANCE)Florian Renucci

Fig. 13 et 14. Différents états de l’ensemble du chantier.

Figure 13

Figure 14

LA RECONSTRUCTION CONTEMPORAINE « À L’IDENTIQUE » D’UN CHÂTEAU MÉDIÉVAL :

GUÉDELON (yONNE, FRANCE)Florian Renucci

Fig. 15. Cintre en charpente destiné à porter la voûte du niveau 2 de la tour maîtresse. Août 2006.

Fig. 16. Première étape du montage de la voûte sur le cintre.

Fig. 17. Étape finale après pose de la clé de voûte.Figure 15

Figure 16

Figure 17

LA RECONSTRUCTION CONTEMPORAINE « À L’IDENTIQUE » D’UN CHÂTEAU MÉDIÉVAL :

GUÉDELON (yONNE, FRANCE)Florian Renucci

Fig. 18. préfiguration en 3D du futur château, par Nicolas Gasseau.

Figure 18

résumé

Christian Olive,ingénieur de recherche, service régional de l’Archéologie (SRA), Languedoc-Roussillon

Le quartier Saint-Jacques, à Béziers, a une longue histoire qui a été mise en évidence ré-cemment par des fouilles archéologiques : il recèle notamment les seuls vestiges d’époque romaine encore visibles à béziers, ceux de l’amphithéâtre. Ainsi, il est vite apparu que la restructuration urbaine de ce quartier, situé dans le périmètre du secteur sauvegardé, présentait un intérêt particulier et que les projets immobiliers devaient s’inscrire dans le cadre de l’archéologie préventive.

Des investigations quasi systématiques ont permis d’approcher l’histoire générale du quartier, dans son évolution et sa continuité : des études de bâti ont été prescrites par le service régional de l’Archéologie sur toutes les restructurations d’immeubles, analyse puis intégration des résultats de ces études dans les projets immobiliers – une démarche complète et originale, menée en parfaite collaboration entre de multiples acteurs adminis-tratifs et professionnels.

En outre, ce quartier en ruines formait en centre-ville un cadre romantique enveloppé de mystère auquel les Biterrois étaient très attachés. Il méritait donc une attention parti-culière afin de préserver son originalité. Les premiers résultats sont positifs et encoura-gent à poursuivre cette démarche dans l’ensemble du secteur sauvegardé.

Présenter 2 600 ans D’éVOlutiOn urbaine : le Quartier saint-JacQues à béziers(Hérault, france)

abstraCt

Christian Olive,Regional Direction of Cultural Affairs- Regional Service of Archaeology, Languedoc-Roussillon

The Saint-Jacques sector, in Béziers, has an ancient history as recent archaeological excava-tions have revealed: amongst which, the only remaining roman vestiges still visible in Béziers, those of the amphitheatre. It soon became apparent that the urban restructuration of this nei-ghbourhood, as situated in the immediate perimeter of the protected area, was of particular interest, and that any real-estate projects had to involve preventive archaeology.

Quasi systematic investigations have given scope to its general history, its evolution and its continuity: studies of the built work were commissionned by the Regional Service of Archaeo-logy on all the building restructurations, with analysis and integration of results in the real- estate projects – an original and consistent approach, as well as an instance of perfect collaboration between the numerous bodies of administration and professionals –.

Last but not least, this neighbourhood with its ruins right at the heart of the city, gave the city a mysterious and romantic connotation that the Biterrois (inhabitants of Béziers) were very attached to. It deserved special attention so as to preserve its originality. The initial results prove encouraging and support the extension of this approach to the whole of the protected sector.

Presenting a neigHbOurHOOD’s eVOlutiOn OVer 2600 years: tHe saint-JacQues sectOr, béziers(Hérault, france)

Présenter 2 600 ans D’éVOlutiOn urbaine : le Quartier saint-JacQues à béziers(Hérault, france)

Christian Oliveingénieur de recherche, service régional de l’Archéologie (SRA)1, Languedoc-Roussillon

Le quartier saint-jacques, à béziers, a une longue histoire, mise en évidence ré-cemment par les fouilles archéologiques qui y ont été développées ; il recèle les

seuls vestiges d’époque romaine encore visibles à béziers, ceux de l’amphithéâtre. ainsi est-il vite apparu que la restructuration urbaine de ce quartier, situé dans le périmètre du secteur sauvegardé, présentait un intérêt tout particulier, et que les projets immobiliers méritaient d’être pris en compte dans le cadre de l’archéo-logie préventive. Les nombreuses découvertes réalisées dans ce cadre ont conduit l’ensemble des intervenants à s’intéresser non seulement aux imposants vestiges romains, mais aussi aux données concernant toute l’histoire de ce secteur, de la protohistoire au bas moyen Âge, soit sur 2 600 ans.

L’HistoirE Du quartiEr

Trois principales phases sont représentées ici. Les premières traces d’occupation remon-tent au vie siècle av. J.-C., mais c’est au ve siècle qu’un important fossé d’au moins 3 m de profondeur et de plus de 10 m de large enserre un espace au sommet de la colline (fig. 1). Ce « bastion » domine le fleuve et la plaine de l’Orb vers l’ouest, et fait partie de la très importante occupation de la ville dont le développement principal s’étend sur la colline Saint-Nazaire. Le fossé est comblé à la fin du ve siècle et l’habitat déborde de cette limite.

L’urbanisation de la ville, qui avait commencé dès le début du vie siècle av. J.-C., se poursuit au ve jusqu’à couvrir une quarantaine d’hectares. Béziers est alors l’une des trois plus grandes agglomérations du midi de la France, avec Marseille et Arles ; elle a un impact primordial sur la dynamique commerciale du Languedoc. Les caractéristiques originales de cette occupa-tion (dont on trouvera le détail dans la bibliographie récente ci-dessous) font envisager une présence grecque déterminante. La ville est abandonnée autour de 300 et est réoccupée par une population celtique seulement vers 200. Peu de vestiges de cette époque ont été mis en évidence sur la colline Saint-Jacques (céramiques découvertes lors de la construction de l’école Gaveau).

La colonie de droit romain Colonia Urbs Julia Septimanorum Baeterra est ensuite fondée dans la continuité de la ville gauloise, vers 36 av. J.-C., et s’équipe alors de monuments publics et religieux – forum, arc, temples, amphithéâtre (fig. 2). La ville évoluera au même emplacement jusqu’à la période médiévale.

iNtErVENtioNs arCHéoLogiquE Et gEstioN DEs rEstruCturatioNs

En 1991, la ville de Béziers, qui avait patiemment constitué une importante réserve foncière dans le quartier Saint-Jacques, souhaitait connaître l’état des vestiges antiques pour les mettre éventuel-lement en valeur. Dans ce but, une collaboration avec la DRAC-service régional de l’Archéologie a été mise en place afin d’évaluer conjointement le potentiel de l’amphithéâtre (fig. 3).

1. Je tiens à remercier pour leur collaboration Sophie Loubens (service départemental d’Archéologie préventive, SDAP), Jean-Paul Wiegant (service archéologique municipal), Jean Vernette (Sebli, Société d’équipement du Biterrois et de son littoral) et Jean- Charles Euzet (architecte).

PRÉSENTER 2 600 ANS D’ÉVOLUTION URBAINE : LE QUARTIER SAINT-JACQUES À BÉzIERS

(HÉRAULT, FRANCE)Christian Olive

Fig. 1. Plan de la ville

protohistorique. Deux pôles sont couverts

par l’urbanisation : la colline Saint-Nazaire

et la colline Saint- Jacques, séparées

par le thalweg emprunté actuellement par la rue Canterelles.

L’assiette de l’agglomération

couvre au ve siècle av. J.-C. une

quarantaine d’hectares.

Fig. 2. Plan de la colonie

romaine qui se superpose

globalement à l’agglomération

antérieure. En gras, sont représentées la voie Domitienne et les rues datées du Haut-Empire.

Figure 1

Figure 2

Des investigations sur ce monument de spectacle du Haut-Empire ont été mises en place sur le long terme, afin de rechercher les vestiges encore préservés dans les immeubles et les caves, de les décrire et de les relever, avec complément de sondages, fouilles archéologiques et suivi de travaux lorsque cela s’avérait nécessaire. Ces travaux se sont poursuivis pendant plusieurs années et ont permis de retrouver l’assiette, le plan global, la chronologie et l’histoire de l’amphithéâtre romain. Ils ont aussi montré la présence d’autres vestiges, moins spectacu-laires, mais qui appartiennent à l’histoire du quartier, dont l’amphithéâtre ne constitue qu’une étape : il s’agit des fragiles vestiges de l’âge du fer (du vie au ive siècle av. J.-C.) conservés dans le sous-sol (fig. 4) et du bâti médiéval (xiie, xive et xviie siècles), souvent encore en élévation et relativement bien conservé derrière les enduits récents (fig. 5 et 6).

Ce constat a entraîné une prise en compte quasi systématique de tous ces éléments afin de les étudier et de pouvoir approcher ainsi l’histoire générale du quartier, dans son évolution et sa continuité. Des études de bâti ont donc été régulièrement prescrites par le SRA sur tous les projets concernant la restructuration d’immeubles dans le quartier Saint-Jacques, qui avait été rendue possible par le zonage de la ville, après un décret datant de 1986, puis par la nou-velle législation sur l’archéologie préventive de 2001 et 2004. Les résultats de ces études ont été analysés et intégrés dans les projets immobiliers.

La proCéDurE aDmiNistratiVE

La gestion de ce secteur du centre-ville exigeait une mobilisation radicale. Sous l’égide de la Sebli, les projets immobiliers, formalisés par des architectes privés, étaient jusqu’à présent réalisés de façon à s’inscrire dans des procédures de défiscalisation dites « loi Malraux ».

PRÉSENTER 2 600 ANS D’ÉVOLUTION URBAINE : LE QUARTIER SAINT-JACQUES À BÉzIERS

(HÉRAULT, FRANCE)Christian Olive

Figure 3

Fig. 3. Dessin de l’amphithéâtre romain établi en 1627-1628 pour l’illustration du « manuscrit de Rulman ». Il repré-sente la galerie conservée, les gradins et, au premier plan, un pan du mur de façade qui est très probablement une vue d’artiste.

PRÉSENTER 2 600 ANS D’ÉVOLUTION URBAINE : LE QUARTIER SAINT-JACQUES À BÉzIERS

(HÉRAULT, FRANCE)Christian Olive

Fig. 5. Mur porteur en terre mis en œuvre au Moyen Âge dans l’immeuble situé au no 2 de la rue Gaveau.

Fig. 4. Fouilles archéologiques dans la cour intérieure de l’immeuble situé à l’angle des rues Saint-Jacques et des Arènes. Une couche d’occupation du ve siècle av. J.-C. délimitée par le fossé observé dans les sondages profonds est recoupée par des silos médiévaux des xiiie-xive siècles.

Figure 4

Figure 5

Les demandes de permis de construire (ou d’AST) étaient transmises au service instructeur (auparavant la Direction départementale de l’équipement (DDE), puis désormais directement la Ville), qui consultait la DRAC pour avis – permis préalablement instruits par l’architecte des bâtiments de France (AbF) pour le suivi du secteur sauvegardé. C’est à ce stade que les pres-criptions archéologiques étaient appliquées par le service régional de l’Archéologie, en accord avec le service départemental de l’Architecture et du Patrimoine (SDAP), les archéologues devant intervenir en concertation avec les pétitionnaires (Sebli et architectes).

Les opérations d’études étaient jusqu’à présent confiées à l’opérateur qui détenait le mo-nopole de ce type d’intervention : l’Association pour les fouilles archéologiques nationales (AFAN). Actuellement, elles sont partagées entre le service archéologique municipal, agréé, et l’Institut national de recherches d’archéologie préventive (INRAP). Le résultat des recherches était enfin discuté entre les intervenants, afin de trouver une solution consensuelle sur les vestiges à conserver, les choix à réaliser, etc. Il est certain que la dimension patrimoniale des projets était mise en relief dans la mesure où ces opérations regroupaient des investisseurs recherchant un « plus » qualitatif dans la présence de vestiges anciens.

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(HÉRAULT, FRANCE)Christian Olive

Fig. 6. Fenêtre renaissance ISMH, placée dans un mur en terre, ouvrant sur la cour intérieure de l’immeuble situé au no 2 de la rue Gaveau.

Figure 6

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(HÉRAULT, FRANCE)Christian Olive

La prise en compte, par les architectes chargés des différents programmes, des nombreuses données archéologiques recueillies lors de ces opérations préventives, afin de les intégrer au mieux dans leurs projets immobiliers, sous le contrôle de l’architecte des bâtiments de France, constitue l’un des principaux buts d’une approche tout à fait originale.

Cette démarche a été menée en parfaite collaboration entre de multiples acteurs administratifs et professionnels2. Lancée en 1991, elle est toujours d’actualité pour le quartier Saint-Jacques comme pour le reste du secteur sauvegardé de Béziers, et a permis de prendre les dossiers de restructuration très en amont. De cette manière, pour chacun des immeubles réhabilités qui le méritait, on a réalisé un état des lieux et une étude sur la structure du bâti (plan, chrono-logie, recherche des unités d’habitation de départ), en préalable aux travaux d’aménagement. Chaque fois, les éléments patrimoniaux les plus marquants ont été pris autant que possible en compte dans les projets de réhabilitation, par souci de vérité historique, de qualité archi-tecturale et d’harmonie dans la perception visuelle : les unités cohérentes ont été conservées, les éléments architecturaux préservés et restitués, la chronologie respectée…

Cette approche a donné des résultats particulièrement intéressants aussi bien pour la restauration et la présentation des vestiges de l’amphithéâtre romain que pour la restruc-turation de deux maisons médiévales : l’immeuble situé à l’angle des rues Saint-Jacques et des Anciennes-Arènes, une maison du xiiie siècle modifiée au xive et ultérieurement, mais dont l’état au xive siècle est préservé dans son aspect global, sans oublier l’hôtel de la Mercy, rue Gaveau, qui a été fortement remanié au cours du temps mais dont l’aspect ouvert sur la cour intérieure a été conservé (fig. 7, 8, 9 et 10).

2. La DRAC, l’ABF, la Ville (maire et élus chargés du centre-ville), les services techniques municipaux, le service municipal d’archéo-logie, l’AFAN, l’architecte chargé du secteur sauvegardé, les architectes chargés des projets de restructuration et de présentation des vestiges et la Sebli, maître d’ouvrage de la majorité des travaux, et, à travers eux, les associations d’investisseurs concernées (AFUL) intervenant dans le cadre de la « loi Malraux ».

Figure 7

Fig. 7. Maison médiévale restaurée dans son état du xive siècle à l’angle des rues Saint-Jacques et des Arènes.

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Fig. 8. Cour intérieure de la maison médiévale.

Fig. 9. Hôtel de la Mercy (2, rue Gaveau) avant restauration.

Fig. 10. Hôtel de la Mercy (2, rue Gaveau) : restructuration en cours d’achèvement ;

cour réaménagée, arches restituées et rouvertes, galerie d’étage restituée,

étage créé.

Figure 8 Figure 10

Figure 9

DEs DéCouVErtEs sCiENtiFiquEs DétErmiNaNtEs

Ces interventions ont permis de recueillir de nombreuses données nouvelles sur l’évolution du quartier, mais ce sont surtout celles concernant l’amphithéâtre qui émergent :

– celui-ci date du troisième quart du ier siècle sur la pente de la colline et son édification a nécessité des travaux imposants, qui ont profondément modifié l’aspect et la topo-graphie de ce secteur. La construction, imposante dans son ampleur et caracté-ristique dans sa forme elliptique, a, depuis cette époque, marqué le paysage d’une empreinte impérissable ;

– son plan et les principaux éléments consti-tutifs de sa structure ont été mis en évi-dence par les recherches archéologiques engagées en 1991 ; son grand axe me-sure hors-tout 108,3 m et le petit 88,6 m. L’arène, longue de 61,9 m et large de 42,2 m, était séparée de la partie infé-rieure de la cavea par un mur de podium. Par ces dimensions, l’arène se situe dans la moyenne générale des amphithéâtres à structures creuses ou à remblais compar-timentés ; elle pouvait accueillir quelque 13 000 spectateurs (fig. 11).

La longue portion de galerie annulaire, visible depuis toujours dans les cours intérieures et dans les sous-sols du quartier, représentait, avant les interventions archéologiques, la seule architecture antique du site, conservée partiellement en élévation. Elle était de plain-

pied avec les vomitoires rayonnants et, par conséquent, en communication avec la cavea ; il s’agissait donc d’un véritable couloir public distribuant l’accès aux parties basses de la cavea. Ce couloir elliptique est aujourd’hui visible sur 165 m (sur les 309 m estimés de périmètre), c’est-à-dire essentiellement là où il s’appuie contre la paroi géologique (fig. 12). Cette galerie, dont seuls demeurent actuellement debout le parement externe et une moitié de voussure, mesurait dans son état initial 3,78 m de large pour une hauteur de 5,60 m. Les deux murs parementés en petit appareil régulier (opus vittatum) étaient couronnés d’une corniche mou-lurée, elle-même surmontée de deux rangs de petits moellons. Le corps de moulure de la corniche portait, à une hauteur de 3,75 m par rapport au sol, la naissance d’une voûte en plein cintre.

Deux vomitoires, desservant la cavea à partir de la galerie annulaire, ont été localisés. Les deux extrémités du grand axe étaient quant à elles probablement réservées aux couloirs donnant directement sur l’arène. En revanche, aucun accès à l’amphithéâtre n’a été retrouvé : seules les places du Cirque et Saint-Cyr, situées aux extrémités du grand axe du monument, suggèrent la pérennité de points de convergence de rues médiévales, sans doute orientées à l’origine vers les principales portes d’entrée de l’édifice antique. La découverte de bases de colonne sous la place du Cirque laisse supposer l’existence, ici, d’un accès monumental. Sur le tronçon de la cavea adossée à la colline, la façade s’élevait à quelques mètres, alors qu’elle approchait les 17 m de hauteur dans la partie plane, au nord et à l’est. Apparemment, les arcades qui rythmaient le mur de façade, encadrées par des pilastres engagés, constituant le mur extérieur sur deux étages, n’étaient pas systématiquement ouvertes.

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Fig. 11. plan de l’amphithéâtre romain. En noir gras, les structures antiques visibles ou retrouvées en fouille. En trait léger, restitution du plan.

Figure 11

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Fig. 12. Vue du couloir elliptique conservé, qui desservait la cavea, le balteus et l’arène. Quelques gradins sont conservés sur la partie haute et des murs rayonnants (support de la partie basse de la structure de la cavea) ont été retrouvés en fouille. À droite, le niveau de l’arène est celui de l’Antiquité.Figure 12

Ce monument a finalement été peu utilisé. Il a présenté, au cours de son utilisation, de graves problèmes d’étanchéité et de drainage. Dans le courant du iiie siècle apr. J.-C., il a été dé-mantelé et partiellement démoli, et ses pierres ont été récupérées. Il a visiblement servi de carrière jusqu’au Moyen Âge, durant lequel la colline a été investie par l’urbanisation de la ville. L’arène, qui devait alors être un véritable cloaque, a été remblayée de plusieurs mètres vers le xiiie siècle et des activités artisanales y ont été installées (atelier de potier, métallurgie…). Le reste des ruines a été recouvert par l’urbanisation, qui a conservé les principales directions rayonnantes de la structure préexistante dans les découpages cadastraux (fig. 13).

CoNCLusioN

Les Biterrois s’étaient approprié il y a déjà longtemps, ce lieu si particulier, formant en centre-ville un cadre romantique enveloppé de mystère. Le souvenir de l’amphithéâtre romain a toujours persisté dans les noms évocateurs des places et des rues (place du Cirque, rue des Anciennes-Arènes, impasse des Arènes, etc.) et c’est aussi ici que la tradition populaire situe l’épisode du martyre de saint Aphrodise, premier évêque de Béziers.

Ce quartier, qui devait faire l’objet d’une restructuration urbaine menée avec d’importants moyens, méritait en conséquence une attention particulière de la part de tous les inter venants afin de préserver son originalité. Les résultats positifs encouragent à persévérer dans ce sens non seulement à cet endroit mais aussi dans l’ensemble du secteur sauvegardé.

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Figure 13

Fig. 13. Vue aérienne de la présentation des vestiges de l’amphithéâtre romain et de la restructuration des immeubles médiévaux du quartier Saint-Jacques. Concernant le monument romain, l’arène est aménagée en espace public (jardin) donnant accès aux principaux vestiges (murs rayonnants, galerie périphérique, vomitoires). Les découpages cadastraux rayonnants ont été conservés, notamment la ligne des façades reprenant l’ellipse de la galerie. Au sol, le plan du monument a été suggéré par une différence dans le pavement des rues.

bibLiograpHiE

Ginouvez, MaSSy, Olive, 1993Ginouvez O., MaSSy, J.-L., Olive, C., « béziers, l’amphithéâtre et le quartier Saint-Jacques », Revue des Monuments historiques, no 187, 1993 mai-juin, p. 8-12.

Ginouvez, MaSSy, Olive, et Al., 1995Ginouvez, O., MaSSy, J.-L., Olive, C., et Al., Les arènes romaines de Béziers redécouvertes, 1995 Saint-Georges-d’Orques, Éditions DRAC Languedoc-Roussillon, 42 p.

Mazière, UGolini, Olive, 2001Mazière, F., UGolini, D., Olive, C., « Esquisse du territoire de Béziers (vie-ive siècle av. J.-C.) », in Martin orteGa, M., Plana Mallart, R. (dir.), Territori politic i territori rural durant l’edat del Ferro a la Mediterrania Occidental, Actes de la Taula Rodona celebrada a Ullastret, 2001 Gérone, « Monografies d’Ullastret », 2, p. 87-114.

Olive, 19961

Olive, C. (en coll. avec Ginouvez, O. et MaSSy, J.-L.), « L’amphithéâtre de béziers », Guide du Patrimoine Languedoc-Roussillon, Paris, 1996 Hachette-Éditions du patrimoine.

Olive, 19962

Olive, C. (en coll. avec UGolini, D., et LocHard, T.), « Béziers », Guide du Patrimoine Langue-doc-Roussillon, Paris, 1996 Hachette-Éditions du patrimoine.

Olive, 2003Olive, C., uGolini D., « Béziers : site majeur du midi de la Gaule (vie-ive siècle av. J.-C.) », in cat. exp. Les Étrusques en France, Archéologie et collections, 2003 Imago-Lattes, p. 147-155.

uGolini, olive, MarcHand, coluMeau, 1991uGolini, d., olive, c., MarcHand, G., coluMeau, P., « Béziers au ve siècle av. J.-C. », Étude d’un ensemble de mobilier représentatif, et essai de caractérisation du site, DAM, 14, 1991 p. 141-203.

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(HÉRAULT, FRANCE)Christian Olive

résumé

Michel-Édouard Belletconservateur du patrimoine, ancien administrateur du site d’Ensérune

Redécouvert à la fin du xixe siècle, le site de l’oppidum d’Ensérune a été fouillé à partir du début du xxe siècle. Sa chronologie est incertaine (depuis les premières traces de présence humaine, vers 575-550 av. J.-C., jusqu’à son abandon progressif dans la deuxième moitié du ier siècle ap. J.-C) : les difficultés présentées par de larges fouilles anciennes, l’absence de continuité entre zones d’habitats, le poids d’une riche nécropole, les lectures chronologiques trop rapides, ainsi qu’un certain nombre d’« évidences » erronées, ont pu fausser la lecture de l’occupation du site.

La mise en valeur a commencé très tôt et en 1935-1936, l’architecte Jules Formigé construit le musée de site, probablement le premier du genre construit en France. Mais, hormis les campagnes sporadiques de sondages et quelques restaurations ponctuelles, le site n’a pas connu de modifications notables, et se trouve donc entièrement préservé.

La question est donc la suivante : étant donné la demande d’un public toujours plus exigeant dans l’approche et la lisibilité des informations, selon quels axes et quels choix concilier un programme scientifique et la fiabilité de la recherche – alors que la tendance est au « gel » de ce type de site protégé des agressions de l’époque moderne ?

Quel aVenir POur le musée De site ?l’OPPiDum gaulOis D’ensérune (Hérault, france)

abstraCt

Michel-Édouard Bellet,heritage curator, former manager of the Ensérune site

Rediscovered at the end of the nineteenth century, the site of the oppidum of Enserune was excavated in the beginning of the twentieth century. Its chronology remains uncertain (from the initial traces of a human presence, around 575- /550 BC, till its progressive abandonment during the second half of the first century AD): the difficulties presented by extensive ancient excavations, by the absence of continuity between habitat areas, the importance of a rich necropolis, the rather hasty chronological readings, as well as a certain number of erroneous «evidences», have all contributed to some misconceptions of the site’s occupation.

The site enhancement began very early on and in 1935-36, the architect Jules Formigé built the museum of the site, probably the first of its kind to be built in France. yet, except for spo-radic soundings and a few punctual restorations, the site has not been modified, and is thus well-preserved.

The question is then the following: given the growing demands of the public in terms of ap-proach and legibility of the data, according to which axis and which options can one conciliate a scientific research project and the reliability of this research – when the current tendency is to «freeze» this type of site which is protected from the agressions of modern times?–

tHe gallic OPPiDum Of ensérune: WHat future?

Quel aVenir POur le musée De site ?l’OPPiDum gaulOis D’ensérune (Hérault, france)

Michel-Édouard Belletconservateur du patrimoine, ex-administrateur du site d’Ensérune

redécouvert à la fin du xixe siècle, le site de l’oppidum d’Ensérune a été fouillé à partir du début du xxe siècle.

C’est d’abord la découverte d’une importante nécropole du deuxième âge du fer qui a attiré l’attention. au total plus de 500 sépultures à incinérations ont été fouillées, parfois dans des conditions difficiles et sans grande rigueur scientifique.L’habitat a surtout été étudié à partir de 1929 par l’abbé Louis sigal. Celui-ci était un bon observateur et nous a laissé nombre de notes et de relevés toujours précieux, mais il n’a pas su publier les vestiges découverts à l’époque essentiel-lement sur la butte sommitale.Dix ans après la mort de ce dernier, jean jannoray publia (en 1955) un travail de synthèse très important en s’appuyant beaucoup sur les explorations de sigal.

Fig. 1. Le flanc nord du site

de l’oppidum, vue d’ensemble.

Figure 1

QUEL AVENIR POUR LE MUSÉE DE SITE ? L’OPPIDUM GAULOIS D’ENSÉRUNE

(HÉRAULT, FRANCE)Michel-Edouard Bellet

Fig. 2. Unités d’habitations restaurées, sur le flanc sud.

Figure 2

On distingue traditionnellement trois périodes d’occupation de ce site. Mais on hésite aujourd’hui devant une chronologie incertaine. Les premières traces de présence humaine remontent au deuxième quart du vie siècle av. J.-C. (vers 575-550). Cependant, un habitat un tant soit peu structuré existe-t-il avant la fin du vie siècle (vers 525-500), époque où appa-raissent les premières sépultures ? Cette dernière occupation aurait été légère, constituée de cabanes dispersées de façon aléatoire, sans parti d’urbanisme à proprement parler. Est-ce bien vers la fin du ve siècle que les vrais changements s’opèrent, vraisemblablement sur la butte principale, car c’est là qu’apparaissent des constructions de pierres mêlées de terre ? La datation de cette deuxième occupation est en revanche plus floue pour ce qui est du reste de la colline.

La nécropole est abandonnée fin iiie-début iie siècle av. J.-C. C’est aussi sensiblement l’époque de bouleversements importants qui conduisent à la transformation de la plate-forme princi pale que l’on agrandit par des murs de soutènement longtemps pris, à tort, pour des éléments de rempart. En réalité, le site n’a jamais été fortifié.

Mais que dire aujourd’hui, faute de fouilles sérieuses, de l’extension de l’habitat vers l’ouest et de sa chronologie ? Une opération de lotissement datant de plus tard, vers 40-30 av. J.-C., est aussi reconnaissable à l’extrémité ouest, à l’emplacement de la nécropole. Puis on as-siste à des regroupements de maisons à pièces uniques au profit d’ensembles plus grands : influence probable du monde italique. On sait que la colline est abandonnée progressivement dans la deuxième moitié du ier siècle apr. J.-C.

Les difficultés présentées par de larges fouilles anciennes, l’absence de continuité entre zones d’habitats, le poids d’une riche nécropole, les lectures chronologiques trop rapides, ainsi qu’un certain nombre d’idées « évidentes », ont pu fausser la lecture de l’occupation d’un site qui reste original et dynamique jusqu’à une période tardive entre les colonies de Béziers et de Narbonne et malgré leur existence.

Très tôt, le lieu a été mis en valeur ; très vite, on a procédé à des consolidations de murs. En 1935-1936, l’architecte Jules Formigé a construit le musée sur les bases d’une maison exis-tante. Il s’agit probablement du premier musée de site construit en France.

Avec Hubert Gallet de Santerre, les fouilles ont porté sur les silos de la terrasse est, les mai-sons à l’extrémité ouest jusque dans les années 1970. Le site n’a alors plus guère connu que des campagnes sporadiques de sondages alors que l’étude du mobilier était entreprise.

En 1988, la Conservation régionale des monuments historiques et D. Larpin, architecte en chef, relèvent le mur de soutènement au sud de la butte principale. À partir de 2000, les restaurations reprennent : consolidation des maisons à l’extrémité ouest (zone X), du quartier artisanal près de la butte principale (zone IX), le parti pris affiché étant de présenter la dernière grande période du site.

Le musée n’a pas connu de modifications notables de sa muséographie depuis les années 1960.

Nous sommes aujourd’hui confrontés à l’existence d’un site préservé (propriété de l’État), ouvert au public (37 000 visiteurs par an), à son devenir scientifique et à sa mise en valeur. La question est de savoir comment concilier un programme scientifique et la fiabilité de la recherche – alors que la tendance est au « gel » de ce type de site protégé des agressions de l’époque moderne – avec la demande d’un public toujours plus exigeant dans l’approche et la lisibilité des informations. Dans quelles directions, et selon quels choix assurés, aujourd’hui et maintenant, développer la présentation d’un site fouillé anciennement, avec la crédibilité et l’attractivité nécessaires ?

bibLiograpHiE

Bellet, 2003Bellet, Michel-Édouard, Le Village gaulois d’Ensérune, Paris, Éditions du patrimoine, coll. « Itinéraires du patrimoine », 56 p.

Gallet de Santerre, 1980Gallet de Santerre, Hubert, Ensérune. Les silos de la terrasse est, Paris, CNRS, supplément à Gallia, XXXIX, 164 p., ill.

Jannoray, 1955Jannoray, Jean, Ensérune, contribution à l’étude des civilisations préromaines de la Gaule méridionale, Paris, De Boccard, 1955, 2 vol., 490 p., 71 pl.

QUEL AVENIR POUR LE MUSÉE DE SITE ? L’OPPIDUM GAULOIS D’ENSÉRUNE

(HÉRAULT, FRANCE)Michel-Edouard Bellet

la PréHistOire au bOrD D’un lac : Quinze millénaires De Paysages et De Présence Humaine au laténium (neucHâtel, suisse)

résumé

Michel Egloffprofesseur, université de Neuchâtel

Laténium ? Néologisme archaïsant, le nom du nouveau parc et musée d’archéologie de Neu-châtel, à Hauterive (Suisse occidentale), évoque le site de La Tène et la civilisation celtique du second âge du fer. La Tène, en effet, se trouve à 2 km du rivage où s’élève, depuis le 7 sep-tembre 2001, un musée consacré au passé du canton de Neuchâtel, du moustérien à nos jours, mais aussi aux méthodes de l’archéologie. Toutes les fonctions concernant les fouilles terrestres et subaquatiques, les études post-fouilles, la publication (éditions « Archéologie neuchâteloise »), l’exposition, l’enseignement universitaire et populaire de l’archéologie sont désormais réunies sous un seul et même toit. Les laboratoires de conservation-restauration et de dendrochronologie font aussi partie de cet ensemble. Le parc prolonge et approfondit le message du musée : face aux Alpes s’y trouvent restitués ou reconstitués des monuments pré- et protohistoriques, mais aussi une barque gallo-romaine, avoisinant des zones de végé-tation conformes aux étapes de l’évolution climatique du pied sud du Jura. Quelques points forts : un campement magdalénien, qui fut déplacé sur une distance de 1km ; les pieux d’un « village lacustre » néolithique ; une maison du bronze final ; un tumulus ; une forge, un puits et un pont celtiques. Les témoins d’époques successives se trouvent juxtaposés en un en-semble harmonieux alliant le savoir et le rêve. Jean-Jacques Rousseau vécut dans cette région, où le premier congrès international de préhistoire eut lieu en 1866.

abstraCt

Michel Egloffprofessor at the University of Neuchâtel

Latenium? A pseudo-archaistic neologism, indeed it is the name of the new archaeological parc and museum of Neuchâtel, at Hauterive (occidental Switzerland), evoking the celtic La Tene site and civilisation of the Second Iron Age. La Tene is situated two kilometers from the banks of the lake of Neuchâtel, where since 2001 a museum has been built which is conse-crated to the history of the canton of Neuchâtel, from the mousterian period to nowadays, as well as to the methods of archaeology. Now all that concerns the excavations whether they’re submarine, or on land, or the post-excavatory studies, research publications.

(«Archéologie neuchâteloise»), exhibitions, university courses and popular training courses about archaeology are all under the same roof. Preservation-restoration and dendrochro-nology laboratories are also part of this complex. The parc acts as a prolongation of the museum and furthers its message: facing the Alps one comes across proto or pre-historic monuments which are restituted or reconstituted, as well as a gallo-roman embarcation, in a vegetal context which is consistent with the climatic evolution of this southern tip of the Jura.

There are several highlights: a magdelanian encampment, which was displaced by one kilo-meter; the stakes of a neolithic «lacustrine village»; a Final Bronze Period habitat; a tumulus; a celtic forge, well and bridge. These testimonies of successive eras are juxtaposed in a harmo-nious ensemble which combines knowledge and imagination. Jean-Jacques Rousseau lived in this region, which, in 1866, hosted the first international Prehistorical Congress.

lakesiDe PreHistOry: fifteen millenaries Of Human Presence at tHe laténium (neucHâtel, sWitzerlanD)

la PréHistOire au bOrD D’un lac :Quinze millénaires De Paysages et De Présence Humaine au laténium (neucHâtel, suisse)

Michel Egloffprofesseur, université de Neuchâtel

La création d’un nouveau musée d’archéologie, accompagné d’un parc de 3 ha, est une chance qui fut offerte en 2001 au pays de Neuchâtel, en suisse occi-

dentale. À proximité immédiate du site celtique de La tène existe désormais un ensemble appelé « Laténium », sur la rive nord du lac, au pied du jura et face aux alpes. Des monuments et des zones végétales restitués ou reconstitués, en plein air ou sous abri, s’ajoutent à la visite des espaces d’exposition intérieurs. L’insti-tut de préhistoire de l’université de Neuchâtel, des laboratoires de conservation-restauration et de dendrochronologie, un dépôt visitable, la direction des fouilles archéologiques cantonales, des ateliers consacrés aux techniques de l’archéo-logie, des visites guidées complètent et agrémentent le musée et son parc. une seule et même direction garantit la synergie de l’ensemble.

quEL patrimoiNE ?

La mise en valeur d’un site ou d’un terroir archéologique relève d’une démarche complexe. À l’aménagement des lieux, à la création d’une structure d’accueil, au balisage des accès et des points focaux complétés par des panneaux explicatifs – sans que soit rompu, si possible, le charme de l’interface nature-culture – s’ajoute la rédaction d’un guide du visiteur, aboutis-sement d’études préliminaires parfois fort savantes.

L’impératif prioritaire consiste à conserver le patrimoine tout en le faisant connaître. Si un tel principe relève du truisme, son application suscite des interrogations : quelles seront la durée de vie des matériaux utilisés et leur altération sous l’effet des intempéries et du vieillissement ? « Jusqu’où ose-t-on aller trop loin ? » résumait, en une phrase concise et quelque peu provo-cante, un architecte confronté à ce problème.

Souvent, l’indigence budgétaire favorise le temps de la réflexion. Quant à l’inattendu des so-lutions, il ressort du concours d’idées, procédure recommandée en de telles circons tances. Entre le cahier des charges et son interprétation par des professionnels, la beauté devra (devrait ?) jaillir, résultat des vœux pris en compte. La multiplicité des contraintes surmontées rendra l’ouvrage plus cohérent, le critère de la réussite se résumant en une seule formule : « ça va de soi ! »

L’ExpériENCE Du LatéNium

Relatons ici l’expérience vécue lors de la création, en pays de Neuchâtel – un canton suisse de 800 km2 entre lac et Jura –, d’un « ensemble site et musée » consacré à l’archéologie. Les gisements d’Auvernier, de Cortaillod, et de La Tène sont suffisamment connus internationa-lement pour que leur évocation détaillée soit épargnée au lecteur. À partir de 1854, date de la découverte des villages préhistoriques sur les rives du lac de Neuchâtel, des recherches de plus en plus exigeantes se sont déroulées en ces lieux. Le premier congrès international de préhistoire eut lieu à Neuchâtel, en 1866. Dès 1964, des fouilles préventives débutèrent en batardeau ou en plongée, mais aussi à l’air libre en zone riveraine et sur le plateau qui la prolonge vers le nord, en fonction de la programmation des chantiers de l’autoroute A5 (yverdon -Soleure). Les résultats furent à la hauteur des crédits, alloués en vertu d’un article de loi stipulant que les fouilles réalisées dans le cadre de la construction autoroutière sont prises en charge par le budget des maîtres de l’ouvrage – en l’occurrence, la Confédération helvétique et la République et Canton de Neuchâtel. Le volume des collections régionales d’archéologie a décuplé à la faveur de la coopération, quatre décennies durant, du génie

civil et de la fouille. Du Magdalénien au Moyen Âge, l’histoire du territoire peut être réécrite et complétée au fur et à mesure de la parution des monographies de la collection « Archéologie neuchâteloise » que publient, conjointement, le service cantonal d’archéologie et l’institut de préhistoire de l’université.

À ces « musées portatifs » s’est ajouté le Laténium d’Hauterive, à 3 km au nord-est de Neu-châtel. Achevé en 2001, le projet consistait à offrir aux découvertes anciennes ou récentes un cadre susceptible d’évoquer la vie et l’environnement changeants de la région située au pied du Jura, sur l’axe Rhin-Rhône, entre mer du Nord et Méditerranée. L’aménagement de 3 ha gagnés sur la rive du lac fit l’objet d’un concours auquel participèrent 47 bureaux d’archi tectes, parmi lesquels de grands noms comme Mario Botta, Vittorio Gregotti, Herzog et de Meuron, Hans Hollein, James Sterling... En 1996, par un vote populaire, deux tiers des citoyens neuchâtelois donnèrent leur assentiment et permirent le déblocage des fonds néces-saires pour ce magnifique projet culturel, véritable acte de foi en pleine crise économique.

Le nom du site ? « Laténium. parc et musée d’archéologie de Neuchâtel ». D’heureuse manière, Neuchâtel est à la fois le nom d’un canton et celui de son chef-lieu, qui jouxte la commune d’Hauterive. Le territoire occupé par le Laténium est compris entre l’autoroute en tranchée, au nord, et le lac, au sud ; mais à l’ouest et à l’est, il se prolonge par un sentier, sans limites apparentes. L’archéologie s’y trouve comprise dans une zone de loisirs aux atouts d’autant plus attrayants qu’ils s’intègrent aux agréments de la promenade, des jeux d’enfants, de la baignade, de la petite batellerie. L’accès est garanti par la conjonction des transports publics et privés, d’une piste de VTT, d’un débarcadère où accostent en été les bateaux de la Com-pagnie de navigation des lacs de Neuchâtel, bienne et morat.

quELquEs soLutioNs

Avec finesse, les architectes lauréats1 ont veillé à l’interpénétration entre le musée proprement dit et le parc, où s’élèvent monuments restitués ou reconstitués, à côté d’espaces végétalisés et d’un étang piscicole dont la réverbération illumine le plafond noir de la salle de la navigation. Un réseau orthogonal de murs, sentiers, limites de parcelles évoque la ville toute proche et encadre les moments de la visite en plein air, tout en les mettant en scène.

Plusieurs résonances fortes ont été imaginées :- par la baie de la salle consacrée aux Celtes, on peut voir le site éponyme de La Tène et

l’oppidum du mont Vully ;- les villages édifiés par « les lacustres » du Néolithique et de l’âge du bronze sont évoqués en

maquette dans la salle qui leur est consacrée, avec des centaines d’objets se référant à l’ar-tisanat et aux modes de vie (chasse, pêche, pierre, vannerie, bois, céramique, métallurgie…), mais aussi sous la forme d’un champ de pieux alternativement exondés et inondés comme le furent, trois millénaires durant, les premières agglomérations de la région des Trois-Lacs ; la re-constitution en grandeur naturelle d’une maison de l’âge du bronze final complète l’approche de cette période, animée par le creusage d’une pirogue à la hache de pierre.

Au Laténium, le jeu des complémentarités est perceptible à plusieurs niveaux : terre, eau, ciel en larges bandes contrastées, au gré des moments du jour et du passage des nuages ; écou-lement du temps, grâce aux variations saisonnières de la forêt sauvage qui borde la piste nord de l’autoroute ; Jura, plateau Suisse, Préalpes, Alpes, éléments constitutifs fondamentaux de la géographie helvétique ; constructions, mais aussi environnement paysager (toundra, forêt de pins de l’Allerød, chênaie mixte du boréal et de l’Atlantique, champ cultivé à la mode pré-historique).

un compromis a été voulu entre « rivage originel » et juxtaposition d’objets naturels ou bâtis transférés de leurs emplacements premiers en un seul et même site. Le problème était le

1. Laurent Chenu, Bruce Dunning, Pierre Jéquier, Philippe Vasserot et Pieter Versteegh. Muséographie : Museum Development (Vevey).

LA PRÉHISTOIRE AU BORD D’UN LAC : QUINzE MILLÉNAIRES DE PAySAGES ET DE PRÉSENCE HUMAINE AU LATÉNIUM

(NEUCHÂTEL, SUISSE)Michel Egloff

LA PRÉHISTOIRE AU BORD D’UN LAC : QUINzE MILLÉNAIRES DE PAySAGES ET DE PRÉSENCE HUMAINE AU LATÉNIUM

(NEUCHÂTEL, SUISSE)Michel Egloff

suivant : comment accéder en un temps raisonnablement court à un ensemble de docu-ments normalement répartis sur plusieurs kilomètres, dont certains ont été supprimés par la « construction destructrice » du modernisme, dont d’autres ont dû être réenfouis in situ pour li-bérer de coûteux emplacements au prétexte qu’ils « empêchaient le progrès » et dont d’autres encore, enfin, demeurent cachés parmi des broussailles peu accessibles ?

Face à ces exigences multiples, le Laténium offre une solution. Dans un environnement ma-jestueux, le déroulement des millénaires y est rendu sensible sous la forme de micropaysages suffisamment cloisonnés pour qu’ils ne se confondent pas les uns avec les autres. Vent dans les roseaux, mugissement des vagues, changements constants de luminosité, cri des goé-lands, coassement des grenouilles, passage des barques contribuent à recréer l’ambiance apaisante qu’appréciait l’auteur des Rêveries du promeneur solitaire ; l’île Saint-Pierre, rési-dence temporaire de Jean-Jacques Rousseau, se trouve en effet à quelques kilomètres au nord-est, sur la voie d’eau menant du lac de Neuchâtel à l’Aar et au Rhin, par la Thielle et le lac de Bienne.

DE L’ÂgE Du rENNE aux tEmps moDErNEs

Les phases chronologiques inscrites au programme du parc sont comprises entre le Paléo-lithique supérieur et les Temps modernes. À l’intérieur d’une vitrine que protège un abri ouvert du côté du lac, on peut lire un sol magdalénien de 66 m2 d’un seul tenant, comportant foyers, vidanges de foyers, amas d’ossements de cheval et de renne, blocs-sièges, ateliers de taille du silex, zones ocrées ; un pupitre de commande permet d’éclairer tour à tour les témoins des diverses activités identifiables. Le déplacement de ces vestiges jusqu’au Laté-nium résulte d’une prouesse technique peu commune : un bloc quadrangulaire a été délimité sur le gisement de Neuchâtel-monruz, à 1 km de là ; ceinturé de palplanches – lesquelles passent aussi sous le volume à prélever –, soulevé par des vérins hydrauliques, le colis de 450 t a été déplacé par la route, puis fouillé durant deux ans. Rapidement enfouies sous les limons du Dryas, les structures de l’âge du renne avaient bénéficié d’une conservation mira-culeuse. Le sol a été moulé, les objets authentiques remis partiellement en place ; trois petites pendeloques anthropomorphes en jais – les « vénus de Monruz » – complètent l’ensemble qui présente traces de feu, de boucherie, de travail de la pierre, de fabrication d’aiguilles en os. Dryades octopétales et fleurs de la steppe, saules et bouleaux nains offrent un cadre botani-que à la vitrine, qui se maintient fort bien en plein air.

Dans le parc, l’Épipaléolithique n’apparaît que sous la forme d’une forêt de pins. Au musée, en revanche, on a exposé le squelette d’un homme de Cro-Magnon remontant à l’Azilien, découvert à La Chaux-de-Fonds, dans la grotte du Bichon, victime d’une chasse à l’ours – un accident providentiel pour les préhistoriens…

Au village néolithique installé dès 3810 av. J.-C., déjà évoqué, s’ajoute le dolmen d’Auvernier. Il s’agit d’une reconstitution partielle à l’emplacement même de la découverte, dans le premier cas, mais les bois présentés aujourd’hui ne sont évidemment pas ceux que le sol gorgé d’eau avait conservés intacts durant cinquante-neuf siècles ; dans le second cas, le public se trouve face à un monument mégalithique déplacé.

On constate donc la complémentarité, mais aussi l’ambiguïté possible des notions de resti-tution et reconstitution, l’essentiel pour tout visiteur consistant à savoir s’il a affaire à du « faux vrai », du « vrai faux », du « vraisemblable contrôlé », du « mi-faux, mi-vrai », du « fantaisiste lu-dique »… Or ces frontières, qu’un souci de vérité devrait systématiquement clarifier, sont loin d’être indiquées dans tous les sites archéologiques offerts à la curiosité touristique ; qu’il suffise d’évoquer, à ce propos, les pyramides de Teotihuacán…

pour évoquer la présence de la mort sur le rivage, un tumulus de l’âge du bronze moyen, réutilisé à l’époque de Hallstatt, est intégralement reconstitué fort loin de la forêt jurassienne où il a été découvert. Nulle tromperie, toutefois, dans la mesure où un texte explicatif est là pour guider l’imaginaire.

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L’âge du fer se prolonge avec une forge celtique, fonctionnant épisodiquement ; avec le pont laténien de Cornaux-Les Sauges reliant parc et débarcadère, cela lui confère une fonction nouvelle. Dans un chantier naval gallo-romain crédible, on a reconstruit en chêne, de la ma-nière la plus rigoureuse possible, le chaland de 19,60 m à fond plat qui, au iie siècle apr. J.-C., servait à transporter vers Avenches (Aventicum, colonie créée par Vespasien) le calcaire jaune hauterivien… d’Hauterive, précisément, matériau de construction hautement prisé.

Enfin, signalons deux clins d’œil à l’histoire récente :- sur une étendue de 6 600 m2, le niveau de l’étang piscicole visible de la salle de la navigation

est supérieur de 3 m à celui des lacs actuels ; il rappelle de la sorte les travaux de régula-risation des eaux du Jura (1869-1891), un événement écologique majeur pour la Suisse occidentale, qui provoqua l’assèchement d’immenses zones marécageuses livrées par la suite à l’agriculture et à la construction ;

- la zone plantée de pilotis néolithiques (ou, plutôt, leurs fac-similés fidèles en bois moderne) se trouve comprise dans un caisson de palplanches suggérant l’une des techniques utili-sées sur les chantiers archéologiques de l’autoroute A5, autre étape de la transformation paysagère régionale.

L’ensemble de ces témoins consiste en rappels suggérés, non contraignants, qui incitent à prolonger la quête d’information au musée, où le savoir est le rêve sont liés de manière indis-soluble.

En 2003, le prix du Musée du Conseil de l’Europe a été attribué au Laténium.

CompLémENts D’iNFormatioN

Histoire du pays de Neuchâtel (t. I : Des premiers chasseurs au début du christianisme, Édi-tions gilles Attinger, Neuchâtel, 1989) et les monographies de la série « Archéologie neuchâte-loise » (34 volumes parus dès 1986, édités au Laténium) constituent les bases documentaires du parc et musée.

guides

Laténium pour l’archéologie. Le nouveau parc et musée d’Archéologie de Neuchâtel, 2001.

Parc et musée d’Archéologie de Neuchâtel : guide de visite, 2005.

La reconstitution du chaland gallo-romain est narrée par Béat Arnold dans « Altaripa : ar-chéologie expérimentale et architecture navale gallo-romaine » (Archéologie neuchâteloise, 25, 1999) ainsi que dans le film Altaripa : aux sources de l’architecture navale celtique (2003), de Stéphane Brasey et Laurent Huguenin-Élie, sous la direction scientifique du même auteur (2003 ; CD disponible au Laténium).

Le transport du gisement archéologique de Neuchâtel-monruz et la technique de moulage du paléosol magdalénien sont relatés dans « Le site magdalénien de Monruz. Premiers éléments pour l’analyse d’un habitat de plein air », de J. Bullinger, D. Leesch et N. Plumettaz (Archéolo-gie neuchâteloise, 33, 2006).

Le musée réunit sous un même toit : l’exposition permanente Hier, entre mer du Nord et Méditerranée ; les expositions temporaires annuelles ; le dépôt, visitable sur demande ; le ser-vice des fouilles cantonales (terrestres et subaquatiques) ; les laboratoires de conservation- restauration et de dendrochronologie ; l’institut universitaire de préhistoire.

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Figure 1

Fig. 1. plan d’ensemble du site du Laténium, commune d’Hauterive, canton de Neuchâtel, Suisse.Photo : Laurent Chenu.

Fig. 2. Le site en direction du nord-est, entre lac et Jura. Au premier plan, l’étang piscicole (restituant l’ancien niveau du lac de Neuchâtel) et le port abritant la reconstitution du chaland gallo-romain, avec son chantier de construction à droite, en bas. Photo : yves André.Figure 2

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Figure 3

Figure 4

Figure 5

Figure 6

Fig. 3. Le Laténium vu du Jura ; au fond, les Alpes. Photo : yves André.

Fig. 4. L’étang piscicole ; au fond à gauche, la façade ouest du musée. Photo : Jacques Roethlisberger.

Fig. 5. Le chaland gallo-romain (reconstitution) : essai de navigation. Photo : Marc Juillard.

Fig. 6. Reconstitution d’une maison de l’âge du bronze final dans le parc du Laténium. Photo : yves André.

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Fig. 7. Au musée, le menhir de Bevaix (IVe millénaire av. J.-C.) Photo : Marc Juillard.

Fig. 8. Au musée : maquette du village de Cortaillod (bronze final) Photo : yves André.

Fig. 9a-c. Étapes de la fabrication (reconstitution) d’une pirogue néolithique creusée à la hache de pierre et au feu (parc du Laténium, 2003).

Photos : yves André, Béat Arnold et Marc Juillard.

Figure 7

Figure 9a Figure 9b Figure 9c

Figure 8

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Figure 12

Figure 10 Figure 11

Fig. 10. L’un des foyers magdaléniens de Neuchâtel–monruz. photo : Yves André.

Fig. 11. Transport d’un « bloc archéologique » de Neuchâtel–monruz (magdalénien ; 11 m / 6 m) photo : Yves André.

Fig. 12. parc du Laténium : vitrine présentant le sol magdalénien de Neuchâtel-monruz photo : marc Juillard.

résumé

Philip E. Bennett BA (Hons) MIFA,conservateur du patrimoine archéologique du Pembrokeshire Coast National Park Authority

Le Castell Henllys est un promontoire rocheux situé à l’intérieur des terres, qui date de l’âge du fer ; il a été occupé dès 500 av. J.-C. Le site appartient à l’organisme qui le gère, le pembroke shire Coast national park Authority. Il est remarquable pour ses maisons de l’âge du fer reconstruites sur leurs emplacements originaux, ainsi que d’autres reconstructions. Les fouilles de ce site remontent à 1981, date à laquelle la première maison a été reconstruite – c’est à ce jour la plus ancienne des maisons expérimentales en Grande-Bretagne.

Castell Henllys a été acquis dans le but de la conservation et de la mise en valeur de la beauté naturelle, du patrimoine naturel et culturel du parc national, de manière à optimiser l’accès du public le plus large aux richesses naturelles et culturelles exceptionnelles du parc. Le National Park Authority doit également veiller au bien-être socio-économique des communautés du parc.

Castell Henllys exploite toute une palette d’outils d’interprétation : des répliques d’objets pour donner une impression du lieu et un sentiment de découverte aux visiteurs, des panneaux interprétatifs situés à différents endroits du site qui donnent un aperçu de l’histoire naturelle et de l’archéologie, une série de sculptures « parlantes », spécialement conçues pour les per-sonnes malvoyantes, fournissent aux visiteurs des données sur les problèmes liés au déve-loppement durable. En 1993, un centre d’éducation innovant a été construit pour répondre à la demande du nombre croissant d’écoles venant visiter Castell Henllys, et un programme éducatif a été élaboré.

Cette contribution a pour but de souligner le rôle que jouent des sites reconstruits tels que celui de Castell Henllys dans l’accès au passé qu’ils permettent à des gens de tous âges, et à quel point ce passé a d’importantes leçons à leur transmettre. On y met aussi l’accent sur la facilité avec laquelle on peut induire les gens en erreur à travers les animations et les reconstructions, et donc à quel point il est important de vérifier l’état des connaissances transmises.

aPPrenDre grâce au Passé ; un fOrt De l’âge Du fer : castell Henllys (PembrOkesHire, Pays De galles)

abstraCt

Philip E. Bennett BA (Hons) MIFAArchaeological Heritage Manager Pembrokeshire Coast National Park Authority

Castell Henllys is an Iron Age inland promontory fort occupied from around 500 BC, owned and managed by Pembrokeshire Coast National Park Authority. It is remarkable for its recons-tructed Iron Age roundhouses and other structures sited on their original foundations. The excavation of the site dates back to 1981 when the first roundhouse was reconstructed (now the longest standing experimental roundhouse in Britain)

Castell Henllys was purchased directly in support of these purposes: to conserve and enhance the natural beauty, wildlife and cultural heritage of the National Park; to promote opportunities for the understanding and enjoyment of the special qualities of the National Park by the public. The National Park Authority also has a duty to seek to foster the socio-economic well-being of National Park communities.

A range of interpretive tools is used to inform visitors to Castell Henllys: replica artefacts to provide a sense of place and discovery for visitors, interpretive panels located around the site to give visitors a flavour of the natural history and archaeology, a series of ‘talking’ sculptures, particularly designed for people with impaired vision inform visitors about issues regarding sustainability. In 1993 an innovative Education Centre was built to facilitate the rapidly growing number of schools visiting Castell Henllys, and a Schools’ Programme has been designed.

This paper aims to demonstrate how important reconstructed sites like Castell Henllys are in helping visitors of all ages to engage with the past and understand how important lessons can be learned from it. The paper will highlight how easy it can be to misinform visitors through re-construction and events programmes and how important it is to keep information up to date.

learning frOm tHe Past; irOn age fOrt: castell Henllys (PembrOkesHire, Wales)

Philip E. Bennett BA (Hons) MIFAArchaeological Heritage Manager Pembrokeshire Coast National Park Authority

Castell Henllys is an iron age inland promontory fort occupied from around 500bC. it is located in the north of the pembrokeshire Coast National park

(Wales) on a spur of land overlooking the Nant Duad, a tributary of the river Nevern near Newport in west Wales. Castell Henllys sits in 9.5 hectares of semi-natural ancient woodland, riverside meadows and grassland. one of many iron age forts in the National park, Castell Henllys is remarkable for its reconstructed iron age roundhouses and other structures sited on their original foundations. these have been excavated as part of a long-term research and training exca-vation led by the university of york. Castell Henllys is owned and managed by pembrokeshire Coast National park authority.

the excavation of the site dates back to 1981 when the first roundhouse was reconstructed (now the longest standing experimental roundhouse in britain) and the site was in private ownership, Castell Henllys was set up at this time as a visitor attraction. ten years later the owner died leaving the site needing to be sold on the open market. the National park authority considered the site to be an exceptional potential resource as a visitor destination for interpreting the past landscape and life long learning and also vulnerable to inappropriate de-velopment. With the encouragement of the late owner’s widow and the financial support of the Countryside Council for Wales, Dyfed County Council and Cadw: Welsh Historic monuments, the National park authority purchased the site in autumn 1991.

gENEraL purposEs

The National Park Authority has general purposes set by legislation on the formation of the park in 1952 and subsequently after the Edwards report (1996) that also contributed towards them. Castell Henllys was purchased directly in support of these purposes:

• To conserve and enhance the natural beauty, wildlife and cultural heritage of the National Park.

• To promote opportunities for the understanding and enjoyment of the special qualities of the National Park by the public.

The National Park Authority also has a duty to seek to foster the socio-economic well-being of National Park communities. In short, an opportunity was seen in Castell Henllys to promote understanding through interpretation and education of issues important to the National Park.

With a Site Manager and team in place by the start of the 1992 holiday season, the National Park Authority set about investing in the infrastructure of the site. Access to the fort was improved as were car parking facilities and a Visitor Centre was constructed by renovating a house in the valley below the fort. A great deal of work has also taken place to provide access for people with disability.

tooLs For iNtErprEtatioN aND pubLiC uNDErstaNDiNg

A range of interpretive tools is used to inform visitors to Castell Henllys. Visitors purchase their tickets and a self-guided trail leaflet from the Visitor Centre and follow a number of trails that lead up through woodland to the fort. The roundhouses and four-post granary are arranged with replica artefacts to provide a sense of place and discovery for visitors. “Stepping over

castell Henllys (PembrOkesHire, Wales), irOn age fOrt: learning frOm tHe Past

the threshold of the roundhouse ones eyes gradually become accustomed to the low level of light. Wisps of smoke rise to the thatched roof high above. Within the roundhouse can be seen bright woollen garments, cloth being woven on an upright warp weighted loom, a shield and spear can be seen at the back and the walls are painted brightly with curvilinear patterns. A cauldron steams over the central hearth and there are herbs on a wooden platter nearby a rotary quern, its base covered in flour dust is on a leather mat with a wooden bowl full of flour, it looks as if the occupants of the roundhouse have paused in the preparation of food and have just left the roundhouse for a moment.”

The scene is presented to visitors allowing them to pick up the artefacts and handle them or even have a go on the quern. The smell of charcoal and wood smoke accompanies visitors for the rest of the day. A Site Guide is on hand to answer queries and provide guided tours twice a day. A number of interpretive panels are located around the site to give visitors a flavour of the natural history and archaeology. An activities and events programme including dramatic re-enactment, craft demonstrations, childrens’ activities and ecology tours is designed to enhance the visitor experience through enjoyment while promoting the understanding of the site and the wider landscape. A series of “talking” sculptures, particularly designed for people with impaired vision inform visitors about issues regarding sustainability.

In 1993 an innovative Education Centre was built to facilitate the rapidly growing number of schools visiting Castell Henllys. A Schools’ Programme has been designed to link to the National Curriculum of Wales at Key Stage II (7-11 year olds) where the History document requires that children learn about early peoples in either the Roman Period or the Iron Age. The schools programme accounts for nearly a quarter of the visitor throughput. The children wear a replica Iron Age cloak and are met by costumed characters from the past. Through craft activities, story telling and dramatic reconstruction the children, and their teachers, are given an illuminating and enjoyable introduction to the Iron Age. An award winning CD Rom is shortly to be available as a resource for teachers enabling them to use archaeology as a cross-curricular tool for education at primary level.

From a throughput of visitors of about eight thousand in 1991, Castell Henllys now attracts over thirty thousand visitors per year. The National Park Authority has won many awards for the presentation of Castell Henllys to the public including three British Archaeological Awards.

CoNCLusioN

To what extent though should we trust our sources? Should we encourage our visitors to challenge our interpretation of the information we retrieve from the Castell Henllys and other Iron Age excavations? How much of the methodology we and others in Britain have used in reconstructing Iron Age buildings has been influenced by one man, the late Dr Peter Reynolds of the Butser Ancient Farm experiment in Hampshire? This paper aims to demonstrate how important reconstructed sites like Castell Henllys are in helping visitors of all ages to engage with the past and understand how important lessons can be learned from it. The paper will highlight how easy it can be to misinform visitors through reconstruction and events program-mes and how important it is to keep information up to date. Finally this paper aims to demons-trate how a prehistoric fortress can be used to help deliver key elements of the National Park Authority’s general purposes in the twenty first century.

LEARNING FROM THE PAST; IRON AGE FORT:CASTELL HENLLyS (PEMBROKESHIRE, WALES),

Philip E. Bennett

LEARNING FROM THE PAST; IRON AGE FORT:CASTELL HENLLyS (PEMBROKESHIRE, WALES),

Philip E. Bennett

bibLiograpHy

Bennett, 2001Bennett, P., “Approaching the Past”, The Archaeologist. Institute of Field Archaeologists Jour-nal, n° 42.

Bennett, 2002Bennett, P., “Castell Henllys. The Schools Experience”, The Archaeologist. Institute of Field Archaeologists Journal, n° 43.

Bennett, 2004Bennett, P., Roundhouses in the Landscape. Interpreting the Ambiguous, ed. P. Frodsham, BAR British Series, n° 36.

MytuM, 1990MytuM, H., «Castell Henllys Iron Age Fort», Archaeology in Wales.

MytuM, 1999MytuM, H., “Castell Henllys”, Current Archaeology, n° 161.

MytuM, 2000MytuM, H., “Archaeology and Welsh Primary Classes”, Antiquity.

reynoldS, 1993reynoldS, P. Experimental Reconstruction. An Iron Age Settlement in Dorset.

résumé

Giovanna Grecoprofesseur, université de Naples

L’habitat de Serra di Vaglio, à 1095 m au-dessus du niveau de la mer, est l’établissement le plus important et le plus étendu d’une série d’habitats autochtones, dont les premières traces d’une présence humaine, sur les versants sud et ouest, remontent au Néolithique ancien (5500-5000 av. J.-C.) ; cet habitat complexe s’est ensuite poursuivi à travers moult tribulations jusqu’au iiie siècle av. J.-C. pour cesser d’exister au début du iie siècle av. J.-C., avec la naissance de la colonie romaine voisine de Potentia.

Il comporte notamment une habitation particulièrement complexe et d’un intérêt exceptionnel, mise au jour en 1986. Cette structure, dite « maison des pithoi », présente une stratigraphie très claire qui offre une synthèse emblématique de toute la vie de l’établissement autochtone de l’utilisation continue du site depuis le viiie siècle jusqu’au milieu du iiie siècle av. J.-C. environ.

Le projet de restauration et mise en valeur a choisi de présenter au public, en une solution uni-taire et directe, la maison et le complexe de structures mis au jour, en reconstruisant au moins une unité d’habitation dans son volume et ses éléments structurels : il a donc fallu enregistrer scrupuleusement toutes les unités stratigraphiques.

La restitution en trois dimensions offre au visiteur plusieurs possibilités : pénétrer une réalité assez fidèle au passé ; visualiser la chronologie et la superposition des formes d’habitat de façon immédiate, suggestive et aisément compréhensible ; comprendre l’antique autrement qu’à travers illustrations et graphiques. C’est donc un excellent outil pédagogique, qui, au niveau local et national, a éveillé l’intérêt des responsables des écoles, des opérateurs tou-ristiques, des acteurs culturels (un événement théâtral y a été organisé par la municipalité de Vaglio)… Bref, il a créé l’attraction qui était nécessaire pour sortir le site archéologique du cercle étroit des spécialistes.

Unique en Italie à son achèvement en 1990, le site fait figure d’exemple dans les nouvelles méthodologies de restauration de l’antique et se révèle toujours performant quinze ans après sa création.

une exPérience D’arcHéOlOgie exPérimentale à serra Di VagliO (POtenza, basilicate, italie)

abstraCt

Giovanni GrecoProfessor, University of Naples

The habitat of Serra di Vaglio, situated at 1095 meters above the sea, is one of the largest and most important series of indigenous habitats, the most ancient traces of human occupation going as far back as the Ancient Neolithic (5500-5000 BC); this complex habitat then conti-nuing with many tumultuous episodes until the third century BC, and finally coming to an end at the beginning of the second century BC, with the birth of the neighbouring roman colony of Potentia.

Its most noteworthy element is a particularly complex and extremely interesting form of habitat which was brought to light in 1986. This structure, which is called the «House of the pithoi», presents a very clear stratigraphy offering an emblematic synthesis of the entire life of the in-digenous formation and of the continuous use of this site from the 7th to the 3rd century BC or thereabout.

The restoration and enhancement scheme has chosen to show the public, in an inclusive and direct solution, the house and the complex of structures brought to light, by reconstructing one unit of habitat in its structural elements and volume: which meant that all the stratigraphic units had to be conserved.

This 3D restitution offers the visitor several possibilities: to penetrate a reality which is faithful to the past; to visualise a chronology and the superposition of habitat forms in a manner which is immediate, evocative and easily understandable; understanding antiquity otherwise than through illustrations and graphics. Thus proving an excellent pedagogical tool, which both at a local and national level, has met with a keen interest in the educational communities, school administrations, tour operators, or cultural events animators (a theatrical event was organised there by the Vaglio municipality)... In a word it created the necessary attraction to enable the archaeological site to exist beyond the narrow circle of specialists.

Unique of its kind in Italy when it was completed in 1990, the site has become a reference as concerns the new methods of restoration of the antique, and continues to thrive fifteen years after its creation.

exPerimental arcHaeOlOgy in serra Di VagliO (POtenza, basilicate, italy)

une exPérience D’arcHéOlOgie exPérimentale à serra Di VagliO (POtenza, basilicate, italie)

Giovanna Grecoprofesseur, université de Naples

LE CoNtExtE

L’habitat situé sur la colline de Serra San Bernard dans le territoire de Vaglio, à 1095 m au-dessus du niveau de la mer, est l’établissement le plus important et le plus étendu d’une série d’habitats autochtones qui occupent les hauteurs dominant la rive gauche du fleuve Basento (fig. 1). La position stratégique de contrôle des voies antiques qui, parcourant les vallées du Bradano et du Basento, assuraient les liaisons entre la côte ionienne et la côte tyrrhénienne fait de la colline de Serra di Vaglio un carrefour naturel et un nœud de communications et de rencontres entre Grecs et autochtones. Le site doit sa prospérité à ses rapports privilégiés avec les Grecs de la côte ionienne comme de la côte tyrrhénienne.

Les premières traces d’une présence humaine, sur les pentes sud-ouest, apparaissent au Néolithique ancien (5500-5000 av. J.-C.) avec des fragments de céramique à décor imprimé ; l’établissement préhistorique de la Ciscarella prend ensuite de l’importance et livre un mobilier plus abondant au bronze moyen et au bronze final (xve-xe s. av. J.-C.). Sur le sommet de la colline, les premières attestations d’une fréquentation stable apparaissent seulement à la fin du bronze final, et elles deviennent plus consistantes au 2e âge du fer (viiie s. av. J.-C.), quand s’organise et se structure un habitat complexe, constitué de noyaux d’habitations accompa-gnés de leur groupe de tombes ; ces unités séparées occupent pratiquement toute la surface de la partie supérieure et des pentes de la colline.

Figure 1

Fig. 1. Serra di Vaglio, photo aérienne.

Les cabanes présentent un plan circulaire qui, dans un des cas, est précédé d’un portique ; un soubassement en pierre portait une élévation en terre recouverte d’un enduit blanchâtre dont quelques éléments sont conservés. La chronologie de ce premier établissement est donnée surtout par la céramique non tournée comme la céramique a tenda, fossile directeur pour le niveau du viiie siècle en milieu autochtone.

C’est au cours du viie siècle av. J.-C. qu’apparaissent à Vaglio les premiers objets importés de la côte ionienne, signe tangible des contacts avec les cités grecques de Siris et Métaponte ; un très bel objet d’ivoire, élément terminal d’un somptueux fuseau, constitue en particulier un des documents rares de la phase orientalisante attestés dans l’arrière-pays de la Lucanie antique (fig. 2). Les sépultures, en fosse, avec le cadavre en position contractée, présentent des mobiliers qui reflètent clairement l’existence d’une société hiérarchisée et organisée en classes.

Dans les premières décennies du vie siècle av. J.-C., d’importantes transformations inter-viennent dans l’habitat, déterminées sans doute par l’influence majeure des Grecs de la côte. On leur doit la construction d’un édifice complexe sur les pentes orientales de la colline, près d’une source et à la croisée de plusieurs sentiers qui convergent vers celle-ci. Cet édifice de Braida est caractérisé par sa riche décoration architecturale faite de dalles en terre cuite qui présentent une scène figurative répétée en couples et imprimée au moyen d’une matrice. On y voit deux hoplites prêts à combattre et, derrière chacun d’eux, un cavalier non armé conduisant les chevaux, une scène de duel dans la tradition homérique – les combattants sont à pied et l’écuyer tient le cheval (fig. 3 à 5). L’édifice tout comme

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Fig. 2. Objet en ivoire orientalis. Fig. 3. Plaque décorative en terre cuite.

Fig. 4. Restitution graphique. Fig. 5 : Restitution graphique.

Figure 2 Figure 3

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la riche décoration de terre cuite du toit sont à l’évidence helléniques ; les échos les plus directs et les plus évidents en sont un groupe cohérent de frises de terre cuite figuratives de Métaponte, Siris, Sybaris, Paestum – frises qui elles-mêmes trouveront en milieu étrusque leurs meilleures réalisations.

L’édifice de Braida a eu certainement des fonctions multiples ; si les Grecs venant de la côte y ont joué un rôle significatif, il est clair, comme l’illustre le mobilier restitué par la fouille, que la fréquentation en était purement locale.

Sur les hauteurs de Vaglio, les changements se manifestent surtout dans l’organisation diffé-rente de l’habitat. Celui-ci présente désormais de vastes édifices à plan rectangulaire allongé, alignés sur un axe de rue primitif et caractérisés par l’usage généralisé et constant des toits décorés de terres cuites polychromes, de style hellénistique.

Entre le vie et le ve siècle l’habitat autochtone de Serra vit un moment d’épanouissement économique – à preuve, les riches mobiliers funéraires livrés par un groupe de tombes qui occupaient les pentes douces du vallon de Braida. Du fait de la richesse et de la complexité de ces mobiliers, et du faste des bijoux, l’hypothèse est celle d’une nécropole privée, de type monumental, destinée à des personnages de l’aristocratie locale, et plus particulièrement au groupe dominant des basileis.

Les sépultures masculines, en fosse avec le cadavre dans une caisse de bois, se caracté-risent par un riche répertoire de vases métalliques et une panoplie complète d’armes offen-sives et défensives ; une tombe particulièrement riche contenait un harnachement complet pour une paire de chevaux. Parmi les tombes féminines, on remarque celle d’une petite fille qui contenait un diadème à la feuille d’or repoussée, tandis que les autres contenaient de l’ambre en abondance.

Une dynamique interne de développement et de transformation aboutit, entre la fin du ve et le cours du ive siècle, à une organisation de l’habitat plus dense, avec des maisons groupées le long de l’axe central ; une puissante enceinte fortifiée entoure la colline sur trois côtés, conservant au moins deux portes monumentales, la porte orientale et la porte nord. La technique de construction est isodome, avec des blocs présentant des signes de carrière en alphabet grec.

Près des murs, on a trouvé un bloc marqué d’une inscription en grec, qui évoque l’archontat de Nummelos, c’est-à-dire la magistrature suprême dominant divers groupes peuplant le territoire et dotée d’une fonction de coordination en temps de guerre ; en effet, l’organisation politique fondée sur l’autonomie de chaque communauté était abandonnée en cas de grave danger, et l’on élisait alors un commandant unique – Strabon (VI, 1, 3) désigne ce magistrat fédéral du nom grec de basileus. Ces transformations importantes, tant politiques que terri-toriales, coïncident avec l’affirmation de l’ethnos lucanien dans le territoire.

La guerre d’Hannibal et le choc contre Rome ont eu un effet dévastateur sur l’habitat, consti-tuant politique d’une réalité cantonale plus étendue ; les signes d’une destruction violente, très nombreux sur les fortifications comme sur les maisons, témoignent à l’évidence de plusieurs catastrophes guerrières.

Les documents archéologiques disparaissent brusquement dans les dernières décennies du iiie siècle av. J.-C. et l’habitat de Serra di Vaglio cesse d’exister tandis qu’au début du iie siècle av. J.-C. naît la colonie latine voisine de Potentia.

La « maisoN DEs pIThoI »

En deux campagnes de fouilles successives, en 1986 et 1987, une habitation particulière-ment complexe et d’un intérêt exceptionnel a été mise au jour. Cette structure présente une succession stratigraphique très claire, qui offre une synthèse emblématique de toute la vie de l’établissement autochtone et réunit en un espace limité la documentation archéologique

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prouvant une utilisation continue depuis le viiie siècle jusqu’au milieu du iiie siècle av. J.-C. en-viron (fig. 6).

L’habitation présente en effet une phase attribuable au ive siècle av. J.-C., et elle est demeurée ha-bitée jusqu’à l’abandon et la destruction de l’établissement ; elle a utilisé les murs extérieurs d’une habitation datant de la phase précédente et remontant au ve siècle av. J.-C., laquelle avait recou-vert et oblitéré une cabane du viiie siècle et un noyau de sépultures du viie siècle av. J.-C. (fig. 7).

La maison du ive siècle présente tous les élé-ments propres à une économie de réutilisation : les murs extérieurs appartiennent à la phase de l’archaïsme récent ; l’espace intérieur a été suré-levé et l’on a couvert une aire pavée de pierres qui était auparavant découverte ; au mur extérieur ouest on a adossé deux salles secondaires et un escalier pour accéder à un étage supérieur.

Le nom « maison des pithoi » s’explique par la présence de quatre gros pithoi (jarres) adossés à la paroi dans une salle qui était évidemment un dépôt ; ils étaient disposés en file et calés avec des pierres ; dans la même salle il y avait aussi des amphores, dont l’une est punique, un pithos plus petit, des instruments de fer, des ustensiles de cuisine, de la vaisselle de table et, très pro-bablement, une vasque en terre cuite pour les ablutions.

Fig. 6. Plan de la « maison des pithoi ».

Fig. 7. Cabane du viiie s. av. J.-C. sous la « maison des pithoi ».

Figure 6

Figure 7

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L’accès à la deuxième salle est marqué par un seuil de larges pierres blanches : il était fermé par une porte de bois, aux montants carbonisés clairement identifiables, de même que les agrafes, les clous de fer et la clef, elle aussi en fer. Cette seconde salle est bien définie par la présence d’un foyer, délimité par un cercle de pierres disposées de chant sur le sol de terre battue ; un métier à tisser vertical était adossé à la paroi sud-ouest et l’on a recueilli 108 pesons trapézoïdaux en terre cuite ; un petit socle de pierre contre la paroi sud-est devait être la base d’une petite armoire en bois dont on a récupéré des éléments carbonisés ; les fragments d’un louterion en terre cuite supporté par une colonnette cannelée et une abondante vaisselle de cuisine documentent les di-verses fonctions de cette pièce. Enfin, la salle avec foyer et métier à tisser est reliée à un vestibule étroit qui communique avec l’extérieur par une ouverture étroite sur le côté sud-est.

Orientée nord-ouest/sud-est sur une emprise de 65 m2, la maison était abritée par un lourd toit de tuiles et couvre-joints avec une file de kalypteres heghemones sur le faîte ; la présence de deux ouvertures, l’une sur une paroi, et l’autre sur un plafond, est attestée par la trouvaille de deux opaia.

L’habitation antérieure, dont les quatre murs extérieurs sont conservés, avait un plan en lon-gueur (15,30 × 8,20 m) mais nous ne connaissons pas la répartition interne de ces 125 m2 ; on a reconnu un sol battu d’argile crue et de nombreux éléments appartenant à la décoration du toit, avec les tuiles d’égout peintes et des antéfixes en gorgoneion. Les céramiques recueillies permettent de dater cette phase de l’habitation vers le milieu du ve siècle ; elle fut réduite et restructurée seulement dans la première moitié du ive siècle.

Les fondations de la maison du ve siècle recouvrent une structure préexistante détruite par un violent incendie (fig. 7). Cette structure se présente comme un vaste espace circulaire délimité par un soubassement élevé, grande cabane qui se prolonge à l’extérieur du cercle sur les côtés nord et sud ; le sol est fait de petites pierres serrées disposées de chant ; des cavités pour planter des pieux sont disposées en groupes de trois ; on y a trouvé un four et une vais-selle quotidienne non tournée ; la céramique fine décorée a tenda et les vases non tournés, noirs et brillants, trouvés en nombre à même le sol, datent la période d’utilisation de la cabane du milieu du viiie siècle jusqu’au milieu du viie siècle ; l’espace est alors occupé par une série de sépultures déposées aussi bien à l’intérieur sur le sol qu’à l’extérieur de la structure. Ces tombes sont clairement en rapport les unes avec les autres et représentent un groupement de type familial (deux sépultures de guerriers, une tombe de femme et deux enfants) ; les sépul-tures sont à fosse recouverte d’un tumulus, le cadavre est en position contractée, le mobilier déposé aux pieds et sur les côtés ; les tombes d’enfants sont des enchytrismoi.

L’exploration, malgré les difficultés propres à cette étroite superposition de structures, a per-mis de mettre en évidence les phases de vie successives, d’en conserver des témoins et d’en préciser les niveaux relatifs.

CoNsErVatioN

La nécessité de conserver, de protéger et de présenter au public, en une solution unitaire et directe, la maison et le complexe de structures mis au jour, s’était déjà imposée lors des fouilles menées dans les années 1970. Mais, devant l’impossibilité de réaliser les travaux nécessaires, l’ensemble avait été recouvert de sable et de pierrailles, ne laissant visible que le plan de la phase plus récente, c’est-à-dire celle du ive siècle av. J.-C.

Soulignons que le site archéologique de Serra di Vaglio n’a jamais été intégré dans les circuits touristiques grand public, qui se dirigent habituellement vers les parcs archéologiques de Métaponte et Policoro ; il est donc resté et demeure encore plutôt marginal. En outre, seule la fortification, avec ses murs puissants qui conservent en certains secteurs plusieurs assises de blocs, présente une réalité monumentale imposante, tandis que l’habitat n’offre aucune lecture d’ensemble, les restes des maisons ne dépassant pas l’assise des fondations. L’illus-tration de l’histoire du site et de ses monuments reposait donc exclusivement sur la présence de quelques panneaux et dépliants.

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L’éventualité de reconstruire au moins une unité d’habitation dans son volume et avec ses élé-ments structurels semblait donc souhaitable, d’autant plus que les informations disponibles sur le « modèle » d’habitat autochtone étaient plutôt maigres. L’effort essentiel a porté sur la conservation sur place et sur la lisibilité des successions stratigraphiques des structures, de manière à rendre évidente la séquence des formes d’occupation sur les hauteurs de Serra durant environ cinq siècles de vie. Cet objectif ne pouvait être atteint qu’en restituant le vo-lume de la maison du ive siècle, qui devenait ainsi un contenant et un protecteur des structures qu’elle recouvrait ; le projet, complexe, permettrait de voir, de comprendre et de protéger une succession de structures en continu du viiie au iiie siècle av. J.-C., tout en restituant une maison lucanienne du ive siècle.

Le projet s’est caractérisé par un enregistrement précis de toutes les unités stratigraphiques, la notation minutieuse de chaque anomalie, chaque document, et la récolte complète du matériel : une méthodologie scientifique rigoureuse qui ne laissait aucune place à des recons-tructions hypothétiques et fantaisistes (fig. 8).

rEstauratioN

Le premier problème à résoudre concernait le périmètre des murs, dont le soubassement de pierres partiellement conservé devait être renforcé d’un côté et laissé tel quel de l’autre. On a adopté une technique innovante, avec des micro-pieux en acier inoxydable, enfoncés dans le terrain jusqu’au niveau actuel du sol le long du côté externe du périmètre ; cette série de pieux, pratiquement invisibles, soutient et renforce le soubassement de pierres ; les pieux peuvent être multipliés en fonction de la nécessité (fig. 9 à 23). La hauteur conservée du sou-bassement de pierres a toujours été respectée et la superposition de pisé a permis de laisser le socle de pierres dans l’état exact où il a été trouvé.

Pour l’élévation, on a adopté un type de mur en argile du fleuve Basento, préalablement dé-cantée dans des bassins larges et peu profonds puis dégraissée avec de la paille provenant du village de Vaglio, et enfin coulée en plusieurs assises en utilisant des moules en bois (fig. 9 et 10). Dans ces murs reconstruits, on a ensuite installé un appareil à cadres et remplissage en bois pour consolider les parois et soutenir la structure du toit, comme c’était le cas dans

Fig. 8. Hypothèse de reconstruction des salles 1 et 2.

Fig. 9. Aire de préparation du pisé.

Fig. 10. Pisé déposé dans le coffrage.

Figure 10

Figure 8

Figure 9

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l’Antiquité (fig. 13 à 15) ; seuls agrafes et clous sont en acier moderne et non en fer.

Quant à la hauteur des murs, pour laquelle la fouille n’a fourni aucune donnée, on a effectué un calcul proportionnel entre l’épaisseur du socle de pierres et le poids qu’il pouvait suppor-ter, à hauteur de taille humaine moyenne pour faciliter l’accès et la visite à l’intérieur, et l’on a réservé ainsi un espace de 2,02 m sous le linteau de la porte d’entrée.

Les murs ont été couverts d’un enduit léger obtenu, lui aussi, au moyen d’argile, plus fortement dégraissée et travaillée plus finement avec la paille. Bien que la fouille ait livré des fragments d’opaia, elle n’a donné toutefois aucune indication qui permette de localiser exactement les ouvertures arbitrairement localisées surtout par l’exposition aux vents ; quant à l’ouverture dans le toit, qui servait dans l’Antiquité à évacuer la fumée, on y a renoncé volontai rement pour ne pas fragiliser la couverture et son imperméabilisation. Le toit était certai nement à double pente, couvert de tuiles et couvre-joints, mais nous ne pouvons pas préciser quelle était son inclinaison ; la récupération d’un nombre considérable de tuiles a permis de restituer tout un pan de la couverture (fig. 18 à 20). Pour l’évacuation des eaux, on a placé une gout-tière couverte par un bandeau de bois qui reprend le modèle antique.

À l’intérieur, on a assuré la conservation des sols de terre battue, celui du ive siècle et, à travers des ouvertures, celui de la maison du ve siècle av. J.-C. Les pithoi ont été replacés dans la salle-dépôt tandis que, dans la salle au foyer, on a reconstruit le métier à tisser avec ses poids et l’armoire.

Fig. 11. Renfort du soubassement à l’aide de micro-pieux.

Fig. 12. Élévation d’un mur après décoffrage.

Fig. 13. Mise en place de l’ossature de bois.

Fig. 14. Ossature de bois en place.

Fig. 15. Ossature de bois du mur de refend.

Figure 11 Figure 12

Figure 15

Figure 14Figure 13

Pour que la cabane du viiie siècle et les tombes du viie siècle soient bien visibles, on a créé une infrastructure étroite en ciment qui permet de passer, le long de la paroi ouest de la maison, soit dans la pièce au métier, soit dans la pièce-dépôt. La cabane a été consolidée et son sol de terre battue a été traité avec un liant incolore. Les tombes sont restées en place et les squelettes ont été consolidés ; pour les objets du mobilier funéraire, des copies ont été réalisées par des artisans spécialisés ; l’éclairage provient de micro-spots suspendus ; dans la salle-vestibule on a accroché aux parois des panneaux éclairés sur les diverses phases de la fouille et du projet.

Afin d’éviter tout dommage, la réalisation est parfaitement réversible et autoportante, car elle n’a en rien touché la structure antique.

La pHasE DE réaLisatioN

Le projet a été réalisé en quatre mois en 1989 (coût : 516 euros au mètre carré). Il a été mené par une main-d’œuvre spécialisée et sous la direction d’un maître charpentier, suivi de bout en bout par une archéologue (Giovanna Greco) et un architecte (Jacques Rougetet), le tout sous la tutelle de la surintendance archéologique de la Basilicate (correspondant : Elvira Picca).

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Fig. 16. Murs de pisé après décoffrage.

Fig. 17. Détail de l’ossature de bois.

Fig. 18. Mise en place de la charpente.

Fig. 19. La charpente du toit en place.

Figure 18

Figure 19Figure 17Figure 16

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objectifs, exploitation

La restitution en trois dimensions d’une habitation du ive siècle av. J.-C. a permis d’illustrer et de présenter un modèle de maison adopté par les Lucaniens à Serra di Vaglio. Elle offre au visiteur plusieurs possibilités :– pénétrer une réalité assez fidèle au passé ; – visualiser de façon immédiate, suggestive et aisément compréhensible, des formes d’habi-

tat du ive siècle et de la superposition des structures à Vaglio ; – comprendre l’antique autrement, non plus à travers illustrations et graphiques, mais par la

réalisation concrète et complète d’une structure (fig. 21 à 23).

Ce projet de reconstruction a en outre permis de travailler à un excellent niveau de conser-vation sur les diverses réalités archéologiques mises au jour : laissées découvertes, celles-ci sont donc visibles tout en étant protégées par le toit. L’emploi de techniques et de matériaux utilisés dans l’Antiquité – bois, paille et argile – en a prouvé la validité et la solidité. En effet, plus de 15 ans après la réalisation, la « maison des pithoi » nécessite très peu d’entretien, y compris l’enduit extérieur, pourtant le plus sujet à l’usure : le projet a donc pleinement atteint ses principaux objectifs.

Fig. 20. Pose des tuiles de courant.

Fig. 21. La « maison des pithoi » sur le site.

Fig. 22. Le projet de reconstruction achevé.

Fig. 23. Le projet achevé.

Figure 20 Figure 22 Figure 23

Figure 21

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Au plan pédagogique, il permet de communiquer une réalité antique incompréhensible lorsqu’on ne voit que les soubassements de l’habitat, peu évocateurs de la complexité de l’établissement. La restitution en trois dimensions d’une habitation offre au visiteur toute une synthèse de la vie antique : il y trouve six siècles d’habitation et peut pénétrer dans une maison très proche, par la technique et par les matériaux, de celles des Lucaniens au ive siècle.

Cette réalisation a réussi à éveiller une curiosité au niveau local et national, et ses visiteurs ne sont pas seulement saisonniers : elle suscite l’intérêt des responsables d’écoles, des opéra-teurs touristiques, des acteurs culturels (un événement théâtral y a été organisé par la com-mune de Vaglio)… Bref, elle a créé l’attraction qui était nécessaire pour sortir le site archéo-logique de Serra di Vaglio du cercle étroit des spécialistes.

présentation

Présentée à plusieurs reprises par Jacques Rougetet et moi-même à l’occasion de congrès scientifiques réservés à des archéologues et à des architectes, la réalisation n’a pourtant ja-mais été assumée ni inaugurée officiellement par la surintendance archéologiques. Les auto-rités locales ne s’y sont jamais intéressées et elle demeure, encore aujourd’hui, isolée dans le territoire de la région lucanienne comme au plan national1.

Le projet, unique en Italie à son achèvement en 1990, s’insère désormais dans le courant ac-tuel des nouvelles méthodologies de restauration de l’antique2. A plus de 15 ans de distance, sa validité est illustrée par la parfaite conservation des structures antiques et la qualité de la communication qu’il offre au public.

bibLiograpHiE

G. Greco, Serra di Vaglio. La casa dei pithoi, Modena, 1991.

A. Bottini, E. Serati, “Vaglio (Potenza). Località Serra di Vaglio. Contrada Braida. Basileis? I più recenti rinvenimenti a Braida di Serra di Vaglio: risultati, prospettive e problemi”, BdArch, 16-18, 1992, p. 207-236.

G. Greco, “Per una definizione dell’architettura domestica a Serra di Vaglio” in F. d’andria, K. Mannino, Ricerche sulla casa in Magna Grecia e in Sicilia, Atti del Colloquio, Lecce, 23-24 Giugno 1992, Galatina 1996, p. 255-299.

A. Bottini, E. Serati, “Una metropoli della Lucania arcaica”, Ostraka V, 2, 1996, p. 205-214.

G. Greco, Serra di Vaglio (s.v.), EAA, II Suppl., Roma, 1997, p. 221- 225.

A. Bottini, “Gli Italici della mesogaia lucana ed il loro sistema insediativo”, Il mondo Enotrio tra VI e V sec. A.C., Quaderni di Ostraka 1,1, p. 109-116.

A. Bottini, E. Serati, “La necropoli italica di Braida di Vaglio in Basilicata. Materiali dallo scavo del 1994”, Monumenti antichi dei Lincei, Serie Miscellanea, vol. VII, Roma, 2003.

1. Il rencontre néanmoins l’intérêt du grand public puisque la publication en 1991 de G. Greco, Serra di Vaglio. La Casa dei Pithoi, a été très vite épuisée. Mais le public spécialisé, architectes et ingénieurs intéressés par la méthodologie innovante de la restauration archéologique, en a fait un usage plus approfondi : en 1994-1995 un cours annuel de restauration archéologique, à la faculté d’ar-chitecture de l’université de Florence, était centré sur la problématique proposée par le projet de la « maison des pithoi » ; un cours analogue a eu lieu à la faculté d’ingénieurs de l’université Frédéric-II de Naples.2. Après 1990, on a reconstruit une cabane de la période villanovienne dans un parc public à Bologne ; en Sardaigne, un projet audacieux de restitution expérimentale a été tenté au sanctuaire préhistorique de Monte d’Accadi (Sassari).

résumé

Jean Chausserie-Lapréeconservateur du patrimoine

Située à l’ouest et au sud de l’étang de Berre, non loin de Marseille, la commune de Martigues est le siège de plusieurs habitats protohistoriques et gallo-romains (occupés du vie siècle av. J.-C. au début de notre ère) fouillés dès le début des années 1980 : le village côtier de Tamaris, le site naturel et archéologique de Tholon, et le village de Saint-Pierre-lès-Martigues. Sous l’égide du service d’archéologie de la commune, des expériences et des travaux y ont été menés ou sont en cours, cherchant à restituer in situ au public les vestiges architecturaux et urbains. Pour chacun d’eux, nous présentons les moyens matériels et humains mis en œuvre, différents sur chaque site. Partout néanmoins, on retrouve un objectif double visant, d’une part, à rendre une architecture modeste et peu spectaculaire accessible et évocatrice pour un public profane et, d’autre part, à préserver le mieux possible l’intégrité de vestiges fragiles, mais généralement bien conservés.

Le programme d’action a également pour objectif, parallèlement au développement des fouilles, la conservation et la mise en valeur du site, selon trois grands axes prioritaires : 1. Les travaux d’aménagement des divers accès et réseaux contemporains aboutissant au

site de Tholon, enclavé entre la ville actuelle et l’étang de Berre ; 2. Les travaux de consolidation et de restauration des maçonneries, édifices et structures

mis au jour ;3. L’aménagement paysager du site, les travaux associés de signalétique.

Cette mise en valeur du site emploie différents outils et notamment : moulage grandeur na-ture de divers éléments, à vocation conservatoire et pédagogique, transfert d’espaces de recherches ou de fragments de fouilles vers des lieux d’exposition temporaire, ou encore reconstitution grandeur nature d’habitats. « Produits » en extérieur, les fac-similés sont soumis à des conditions atmosphériques et climatiques naturelles, et de ce fait se prêtent à un suivi sur la durée ; cela permet d’évaluer réellement l’impact de l’usure du temps et des éléments naturels sur les constructions, et donc d’envisager des solutions architecturales et techniques alternatives pour les rendre durables.

restitutiOns et mise en Valeur D’Habitats : l’exemPle De martigues (bOucHes-Du-rHône, france)

abstraCt

Jean Chausserie-Lapréeheritage curator

Situated to the southwest of the pond of Berre, not far from Marseilles, the commune of Mar-tigues hosts several protohistoric and gallo-roman habitats (occupied from the 4th century BC to the beginning of our era), it was excavated in the early eighties: the coastal village of Tamaris, the natural and archaeological site of Tholon, as well as the village of Saint-Pierre-lès-Martigues. Under the aegis of the commune’s archaeological service, experiments and restoration works were and continue to be undertaken, with the aim of an in situ restitution of the architectural and urban remains. For each of these we present the material and human resources used, different according to each site. yet throughout one finds a double objective, on the one hand, to render a modest and not very spectacular architecture accessible and evocative to a non-specialist public, on the other to protect as well as possible the integrity of the vulnerable yet on the whole well-preserved remains.

The scheme of implementation, in parallel with the excavations, aims to protect and enhance the site, according to three main priorities:

1. organising access and contemporary networks leading to Tholon, which for the moment is wedged between the contemporary city and the pond of Berre.

2. Consolidation works and restoration of the masonries, structures and buildings brought to light.

3. Landscaping of site, and associated work of signposting

4. This site enhancement resorts to an array of tools amongst which : real-size mouldings of different elements, with a preservation and pedagogical intent, the transfer of research locations and excavation fragments towards temporary exhibit places or yet again real-size reconstruction of habitat. « Fabricated » outside, these facsimile are subject to natural atmospheric and climatic conditions, which allows for a follow-up in real time ; this in turn allows for the evaluation of the real impact time and natural elements have on the construc-tions making it possible to conceive alternative architectural and technical solutions so as to make them more durable.

restitutiOn anD Habitat enHancement: tHe examPle Of martigues (bOucHes-Du-rHône, france)

restitutiOns et mise en Valeur D’Habitats : l’exemPle De martigues (bOucHes-Du-rHône, france)

Jean Chausserie-Lapréeconservateur du patrimoine

situé à l’ouest et au sud de l’étang de berre, non loin de marseille, le territoire de martigues est le siège de nombreux habitats protohistoriques et gallo-romains oc-

cupés entre le début du vie siècle av. j.-C. et les premiers siècles de notre ère. Depuis le début des années 1980, quatre d’entre eux ont fait l’objet de fouilles de grande ampleur qui ont mis au jour, dans des conditions d’exploration variées, des portions importantes de leurs structures d’habitat.

Sous l’égide du service d’archéologie de la ville de Martigues, des expériences et des travaux y ont été menés ou sont en cours, cherchant à restituer in situ au public les vestiges architec-turaux et urbains. Pour chacun d’eux, nous présentons les moyens matériels et humains mis en œuvre, différents sur chaque site. Partout, néanmoins, on retrouve un objectif ouble visant, d’une part, à rendre une architecture modeste et peu spectaculaire accessible et évocatrice pour un public profane et, d’autre part, à préserver le mieux possible l’intégrité de vestiges fragiles, mais généralement bien conservés (fig.1).

Selon la nature des mises en valeur réalisées – opérations de consolidation-restauration pour les deux premiers, restitutions grandeur nature pour les deux suivants –, on abordera successivement :– l’habitat côtier de Tamaris, occupé durant la première moitié du vie siècle av. J.-C. ;– le site gallo-romain de Tholon, sur les rives de l’étang de Berre, identifié comme le siège de l’agglo-

mération de Maritima Avaticorum, occupée entre le ier siècle av. J.-C. et le ve siècle apr. J.-C. ;– le village gaulois de l’Île, au cœur de Martigues, occupé entre la deuxième moitié du ve siècle

et la fin du iie siècle av. J.-C. ;– Saint-Pierre-lès-Martigues, siège d’un habitat protohistorique et gallo-romain (du vie siècle

av. J.-C. au ier siècle apr. J.-C.).

Fig. 1. Carte de la région de Martigues et localisation des sites concernés par des travaux de mise en valeur.Figure 1

LE ViLLagE CôtiEr DE tamaris

Le site de Tamaris est implanté sur un promontoire rocheux à 30 km de Marseille, près du cap Cou-ronne sur la Côte bleue, qui constitue à l’est le seul horizon de terre ferme (fig. 2 et 3). Ce gisement de la première moitié du vie siècle av. J.-C., découvert et exploré par Charles Lagrand en 1960 et 1961, a fait récemment l’objet d’un réexamen complet sous la conduite de Sandrine Duval, archéologue de la ville de Martigues. De 1998 à 2004, les fouilles ont ainsi permis de reconsi-dérer la nature de l’occupation d’un habitat protohistorique dont on n’avait perçu ni l’ampleur ni l’originalité de l’organisation. Alors qu’on n’y supposait la présence que de quelques petites maisons isolées les unes des autres et implantées sans ordre préétabli à l’abri d’une muraille barrant un éperon d’à peine 6 000 m2, les dernières recherches ont mis en évidence, sur l’en-semble du cap, une agglomération beaucoup plus vaste de plusieurs dizaines d’habitations, couvrant environ 1,5 ha, et pourvue de deux lignes de fortifications, qui scindent le village en deux parties.

La chronologie d’occupation principale du site est courte : à peine un demi-siècle, entre le début et le milieu du vie siècle av. J.-C., période où toutes les habitations paraissent avoir été désertées brutalement. Cependant, dans le secteur sud, une fréquentation modeste du pro-montoire paraît se poursuivre jusque vers 525-475.

organisation et architecture de l’habitat

Pour la première fois dans le midi de la Gaule, un habitat protohistorique montre un agence-ment méthodique de maisons, qui s’organisent selon des schémas de type proto-urbain à la fois complexes et inédits. Les constructions sont agencées le long d’axes principaux de circulation qui, sans établir une répartition parfaitement géométrique et régulière des îlots, répondent tout de même à une évidente logique communautaire. On note en particulier le respect de l’alignement des maisons sur des axes de façade, alors qu’à l’arrière l’agencement des pièces, très différent d’une zone à l’autre, paraît parfois plus spontané.

Ce qui frappe surtout à Tamaris, c’est la diversité de conception des unités domestiques, qui touche aussi bien sa morphologie que la composition de la maison. La forme des pièces est le plus souvent carrée ou rectangulaire, plus rarement en trapèze, mais plusieurs exemples de pièces à abside sont également attestés. Quant à la constitution des habitations, pas moins de quatre variantes ont pu être distinguées au sein de la partie nord du site, où les recherches se sont tout spécialement concentrées :– les unités domestiques à pièce unique inscrite dans un même îlot, mais non mitoyennes ;– les maisons à pièce unique, mitoyennes au sein d’îlots d’habitations simples ;– les bâtiments faits de deux pièces en enfilade ;– enfin, les habitations à trois pièces communicantes de forme compacte.

Pour ce qui est des modes de construction domestique, Tamaris constitue, pour la première moitié du vie siècle av. J.-C., la base documentaire la plus importante et la plus exploitable du midi de la Gaule. On y décèle deux grands principes architecturaux successifs :– des constructions en matériaux périssables, que l’on pourrait qualifier de précaires, et qui se rap-

portent apparemment à la toute première phase d’occupation du site. Elles sont représentées par des habitations de forme subovalaire ou rectangulaire, parfois en position légèrement enter-rée, dont la structure porteuse s’appuie en partie sur de puissants poteaux de bois ancrés dans le rocher. D’autres maisons bâties selon la même technique sont attestées par des alignements de trous de poteaux, voire par de minces tranchées creusées dans le rocher ;

– des constructions en dur dans une seconde phase ; ce sont les premières à être bâties sans fondations sur le rocher et à comporter élévations de terre crue et soubassements, les seuls à être conservés en place.

RESTITUTIONS ET MISE EN VALEUR D’HABITATS : L’EXEmpLE DE mARTIguES

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Fig. 2. Vue aérienne du cap Tamaris. Photo F. Déléna, ville de Martigues.

Fig. 3. Plan des vestiges de l’habitat gaulois mis au jour sur le site de Tamaris (état en 2005). Fouilles et relevé S. Duval.

Figure 3 Figure 2

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(BOUCHES-DU-RHôNE, FRANCE)Jean Chausserie-Laprée

D’une habitation à l’autre, y compris pour celles qui sont incluses dans un même ensemble bâti, les modes constructifs de ces soubassements de pierre sont variés :– murs de pierres liées à la terre à double parement et remplissage interne, larges de 0,40 à

0,60 m. Ils constituent la grande majorité des soubassements mis au jour sur le site ;– murs de gros blocs posés de chant ou à plat, qui forment toute l’épaisseur de la paroi, cer-

tains portant des traces de taille ;– maçonneries minces faites d’une seule rangée de pierres confortées par des poteaux latéraux.

Les conditions de la restitution au public

Au terme de cette première tranche de recherches, qui a consisté principalement, d’une part, dans la reconnaissance extensive du plan de l’habitat et des deux fortifications, d’autre part, dans la fouille exhaustive de trois maisons de la partie nord du site, il est apparu nécessaire de mener sur le terrain une action visant à la fois à préserver l’intégrité des vestiges archéolo giques mis au jour et à en restituer le sens au public. Tamaris s’est révélé sur ce plan un cas de figure particulier, en tout cas à l’échelle des sites martégaux abordés dans cette présentation. En effet, si elles ont montré l’importance et le caractère novateur de ce site protohistorique aussi bien dans la fortification et l’organisation de l’habitat que pour l’architecture des maisons et l’utilisation des espaces domestiques, les recherches ont aussi mis en évidence la dégradation des vestiges bâtis encore visibles sur le site, due à la conjonction de plusieurs facteurs : la faible durée d’occupation de cet habitat, installé à même une table rocheuse en pente vers la mer ; sa très forte exposition à l’érosion naturelle ; enfin l’utilisation du plateau durant la Seconde Guerre mondiale pour l’installation de blockhaus et le creusement de tranchées. À ces éléments défavorables s’ajoutait encore l’enclavement parcellaire du site se traduisant par son inaccessibilité complète à tous les types de véhicules automobiles, limitant de fait les moyens de son aménagement.

Pourtant, sa position littorale sur un promontoire offrant une vue splendide, en particulier sur la baie de Marseille, en fait un site extrêmement fréquenté par les marcheurs qui, en toute saison, empruntent ici l’ancien chemin de douanier, devenu sentier de grande randonnée le long de la côte du cap Couronne à la ville phocéenne. Cette fréquentation augmente durant l’été, le site de Tamaris étant alors touché par les effets (et les méfaits) du tourisme de masse qui envahit la Côte bleue.

Aussi, par son intégration au sein de la collectivité territoriale de Martigues, le service ar-chéologique municipal a-t-il d’abord pu répondre facilement en 2003 au projet, lancé par le service du tourisme, d’aménager « un sentier du littoral » entre le port des Laurons et la limite communale avec Sausset-les-Pins. Avec l’érection d’une vingtaine de panneaux pé-dagogiques permanents en pierre de lave, disposés tout au long d’un parcours pédestre de plus de 8 km de long, il s’est agi de mettre en valeur à destination des promeneurs et vacanciers les aspects les plus notables de cette partie du littoral. Ils faisaient appel à des disciplines très variées : environnement, géologie, histoire, archéologie, patrimoine. Pour ce qui concerne l’archéologie, les quatre panneaux mis en place ont surtout permis de signaler l’importance de l’occupation et de la fréquentation de la côte durant l’Antiquité, sous trois aspects plus spécialement développés : la circulation de navires de toutes sortes, dont les épaves jalonnent les nombreuses plages, criques et écueils du rivage martégal ; l’intense exploitation par des carrières de pierres de la partie rocheuse du littoral, dont les blocs extraits ont alimenté principalement les programmes édilitaires de Marseille, au moins depuis le iiie siècle av. J.-C. ; la présence, directement sur le rivage, de deux habitats gaulois en relation avec Marseille grecque, L’Arquet et Tamaris, tous deux occupés dès le début du vie siècle. Pour chacun d’eux, un panneau, placé sur le site même, évoque en quelques mots, plans et images la nature et la chronologie de l’occupation de petites agglomérations protohistoriques, dont les vestiges apparents sont soit très dégradés, soit illisibles par le public profane.

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À Tamaris, au terme de la première tranche de recherches archéologiques, il est apparu né-cessaire d’accompagner cette information somme toute traditionnelle par des travaux de consolidation et de restitution des constructions gauloises mises au jour sur le plateau. À travers un exemple limité, il s’agissait dans un premier temps de rendre visibles et compré-hensibles pour le public l’architecture et l’organisation de cet habitat gaulois de la période archaïque. Notre choix s’est porté sur deux des trois habitations fouillées. Appartenant au même ensemble bâti du quartier nord, ces maisons juxtaposées, mais non mitoyennes, se sont révélées représentatives des deux types d’unités domestiques principaux du site : la maison à pièce unique d’une part, l’habitation à plusieurs pièces communicantes d’autre part. Se trouvant par ailleurs sur le trajet le plus fréquenté par les promeneurs, elles étaient, après la fouille, les plus menacées, mais aussi les mieux placées pour faire l’objet d’une mise en valeur immédiatement identifiable (fig. 4 et 5).

Aucune mesure de « protection » officielle du gisement ne limitant notre initiative, le programme mis en œuvre a été conduit par le seul service archéologique municipal dans le cadre d’un chan-tier de jeunes, en l’occurrence les scouts de France. Il s’agissait principalement de rendre visi-bles sur le terrain le tracé et l’architecture des murs formant les soubassements des construc-tions protohistoriques des deux habitations. Quand elles n’avaient pas disparu sous l’effet de l’érosion ou du creusement des tranchées de la dernière guerre, les maçonneries d’origine en pierre n’étaient plus conservées que sur 0,10 à 0,20 m au-dessus du rocher. Sans pour autant correspondre à la hauteur d’origine du soubassement, certainement plus grande, cette « élé-vation » très restreinte des ruines ne permettait pas, sauf pour des yeux avertis, de différencier, dans le paysage très ras du plateau, les quelques zones explorées par les archéologues des secteurs encore vierges de toute fouille. C’est pourquoi il a été décidé de remonter d’une ou deux assises, soit 20 à 30 cm, l’arase des murs de pierre au moyen des moellons récupérés

zone 4

zone 3

zone 2

Zone 10 50 m

N

202201

Fig. 4. Plan de détail des vestiges mis au jour dans la partie nord de l’habitat gaulois de Tamaris. Localisation tramée des espaces domestiques (201 et 202) concernés par le projet de mise en valeur.

Fig. 5. Vue générale vers le nord de la maison à pièce unique (202) à l’issue de sa fouille en 1999. Photo S. Duval.

Figure 4 Figure 5

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dans l’exploration même de ces habitations. Cette opération a naturellement été précédée de la consolidation des maçonneries originelles qui, selon les secteurs et en fonction de leur état de conservation, ont dû faire l’objet d’un démontage plus ou moins important. Afin d’assurer une pérennité minimale à cette consolidation-reconstruction des vestiges, et malgré la difficulté d’acheminer à dos d’homme des matériaux sur le plateau, les murs n’ont pas été rebâtis avec les seuls éléments disponibles sur place, à savoir les pierres et la terre. C’est en effet un mélange de chaux, de sable et de terre qui a été mis en œuvre pour la maçonnerie des murs des habita-tions restituées, alors que les sols intérieurs n’ont fait l’objet que d’un aménagement sommaire de terre battue, dans l’attente d’une restitution complémentaire des quelques aménagements domestiques attestés (banquettes et foyers).

Un an plus tard, malgré un entretien limité au seul désherbage, cette restitution, bien que très modeste, paraît remplir les deux objectifs principaux que nous nous étions assignés : stopper la dégradation des vestiges mis au jour sans les dénaturer ; en rendre la lecture plus facile au public (fig. 6 et 7).

tHoLoN, sitE DE maritima aVatiCorum

Le site de Tholon se situe en pleine ville de Martigues, sur la rive oc-cidentale de l’étang de Berre, à environ 1 500 m au nord du chenal de Caronte et du quartier de l’Île, centre historique de la ville (fig. 8). Connue depuis la première moitié du xxe siècle, l’occupation antique du site n’avait suscité jusqu’à récemment qu’un intérêt très modeste de la part des archéologues. Siège d’une église, Sancta Trinitatis de

Fig. 6. Restauration et remontage au mortier de terre et de chaux colorée des murs de la même habitation en 2005. Photo J. Chausserie-Laprée.

Fig. 7. Juxtaposition des maçonneries de deux murs de l’habitat gaulois de Tamaris, l’un restauré et remonté (à droite), l’autre encore dans l’état de sa dé-

couverte après le premier décapage du site. Photo J. Chausserie-Laprée.

Figure 6

Figure 7

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Tullone, mentionnée en 1213 et encore signalée par le cadastre dit « napoléonien » de 1817, Tholon était surtout connu pour son potentiel hydraulique, avec la présence de deux sour-ces pérennes, dont les captages et aménagements (citernes, lavoirs) d’époque moderne remontent au moins au xve siècle. Pendant longtemps, seules des équipes d’amateurs locaux ont procédé à des sondages et à des dégagements désordonnés de vestiges antiques de belle facture (maçonneries recouvertes de peintures murales en particulier), signalant une longue période d’occupation du site (du Haut-Empire à l’Antiquité tardive).

Au cours des années 1960-1970, des travaux de construction d’immeubles d’appartements et d’équipements publics (lycée Paul-Langevin, centre des impôts) n’avaient pas permis de préciser davantage la nature de l’établissement antique de Tholon, habituellement pré-senté comme le lieu d’implantation d’une villa. Ce n’est que depuis peu, en 1998, que les recherches du service archéologique de la ville de Martigues ont transformé l’interprétation du site de Tholon, pour lequel on propose désormais une identification à l’agglomération antique, connue par les textes, de Maritima Avaticorum.

La zone où se déroule l’investigation archéologique occupe plus de 2 ha et comprend deux secteurs de superficie à peu près comparable :– un espace terrestre, à l’ouest et au nord, qui surplombe l’étang et recouvre de nombreuses

maçonneries antiques, médiévales et modernes. Il adopte un pendage sud-ouest – nord-est vers le rivage, et se voit limité à l’est par une plage progressive qui vient attaquer ce plateau et découvrir en coupe les niveaux et structures de l’agglomération gallo-romaine ;

Centre des Impôts

Cimetière

Lycée P. Langevin

N

0 40m

fontaine de l'Arc

lavoir de Tholon

Fig. 8. Plan général des vestiges gallo-romains, médiévaux et modernes mis au jour sur le site de Tholon (état en 2005) dans le quartier de Ferrières. Plan M. Rétif.

Figure 8

– une surface de près de 1 ha aujourd’hui recouverte par l’étang, qui correspond à une zone jadis émergée et où des recherches subaquatiques ont repéré, jusqu’à 2 m sous le niveau actuel de l’eau, des vestiges de maçonneries de pierre et de bois relatifs à des aménage-ments portuaires du site antique.

Les limites de l’habitat antique demeurent encore incomplètement définies. À l’est, la pré-sence de l’étang restreint les possibilités d’interprétation, même si une ligne d’enrochement artificiel correspond sans doute aux vestiges supposés d’une digue qui fermerait le site. À l’ouest, les sondages exécutés sur le parking du lycée Paul-Langevin ont permis d’appré-hender précisément l’extension du site antique, bordé par une large route périurbaine. Elle correspond à un axe majeur de communication nord-sud de la basse Provence occidentale, qui mettait en relation Arles et Marseille par la voie côtière.

Pour ce qui est des limites sud et nord, en revanche, les terrains sont encore inaccessibles à la recherche et ne fournissent pas d’indications précises, ni sur l’ampleur de l’agglomération antique, ni sur d’éventuels structures et équipements publics associés.

uNE aggLomératioN gaLLo-romaiNE au pLaN réguLiEr

Dans les limites définies plus haut, décapages extensifs et sondages stratigraphiques per-mettent cependant de brosser un tableau général de la nature et de la chronologie de l’occu-pation antique de cette agglomération secondaire gallo-romaine. Nous sommes en présence d’une structure assez vaste dont l’organisation de type urbain est régie par un quadrillage de voies se recoupant à angle droit, définissant un urbanisme relativement régulier.

Voies de circulation et îlots d’habitations

À ce jour, nous avons pu déterminer de manière plus ou moins complète le tracé et l’orienta-tion de onze axes de communication intra-muros.

• Deux voies d’axe nord-sud présentant des traces de circulation charretière, et identifiées comme cardo, encore assez mal repérés, délimitent en quelque sorte notre zone d’investi-gation aux extrémités est et ouest du chantier terrestre. À l’est, une première voie surplombe une haute terrasse artificielle qui recouvre, sur la bordure actuelle de l’étang, les struc-tures urbaines (îlots d’habitations) et collectives (citernes) les mieux conservées du site. À l’extrême ouest, c’est probablement le tracé du cardo maximus beaucoup plus large que toutes les autres voies et bordé sur son côté oriental par un portique à colonnade, qui a été partiellement mis au jour.

• Neuf voies d’orientation est-ouest ou decumanus, qui sont dans l’ensemble bien mieux connues, de 2,50 à 3 m de large, adoptent un tracé à peu près rectiligne, qui n’est pas interrompu par le cardo oriental, telle la rue 2 que l’on peut suivre sur près de 80 m de long. Présentant un pendage marqué vers l’ouest, c’est-à-dire vers l’étang de Berre, elles mon-trent des aménagements propres à la voirie gallo-romaine de ce type d’habitat : revêtement de galets présentant des recharges de matériaux divers (tessons de céramique, coquillages et déchets alimentaires) ; présence de structures de drainage des eaux pluviales et usées (caniveau central couvert en pierre et parfois alimenté par des canalisations secondaires transversales) ; bordures et trottoirs de pierre le long des façades.

Le tracé de ces voies définit l’implantation d’îlots d’habitations pour lesquels une première approche montre une grande homogénéité dans les dimensions et une organisation interne initiale assez simple.

Cinq de ces îlots (îlots B, C, D, E et I), de direction dominante nord-sud, ont été explorés de ma-nière plus ou moins complète. Sur une emprise au sol réduite, variant de 8 à 10 m de large, ces îlots semblent reproduire le schéma d’organisation qui prévalait dans l’organisation du second village gaulois de l’Île de Martigues déserté brutalement à la fin du iie siècle av. J.-C.

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Des bâtiments à caractère public

Pour être prédominante, la fonction domestique et résidentielle des structures mises au jour sur le site de Tholon n’est pas exclusive d’autres activités ou domaines dont témoignent quelques autres vestiges importants. Les plus remarquables ont trait à la fonction collective, et peut-être non domestique, que paraît remplir une vaste zone dans la partie nord-est du site.

Pas moins de cinq bassins contigus de dimensions différentes et plus ou moins bien conser-vés ont été mis au jour au nord-est et en contrebas de la partie aujourd’hui visible du cardo oriental. Couvrant une superficie estimée à plus de 100 m2 et bâtis sur une aire aménagée à même le terrain naturel de marne, qu’elle entaille profondément, ces édifices montrent une grande homogénéité constructive qui renforce l’hypothèse d’un fonctionnement commun au sein d’une vaste structure probablement publique. Ils sont en effet tous construits au moyen de pierres brutes de taille, liées à la terre et recouvertes d’un premier enduit de chaux plus ou moins bien conservé. À l’origine, un béton de tuileau hydraulique particulièrement soigné enduisait la totalité des parois intérieures de ces bassins ; au raccord sols/murs, il forme sys-tématiquement un boudin à pan coupé, caractéristique des structures antiques destinées à accueillir des liquides. Le mode d’utilisation de ces bassins nous échappe encore largement, mais implique en tout cas une communication entre eux par le biais de conduites en tuiles ou grâce à de larges ouvertures, en forme de porte, pratiquées dans les parois. Le grand bassin central, dont le sol de béton nettement plus bas que les autres se trouve au niveau actuel de l’étang, apparaît dans une phase initiale comme le réceptacle de tous les autres.

L’environnement, la taille exceptionnelle et l’agencement particulier de ces bassins, qui ne sont pas disposés en batterie et ne paraissent pas associés à d’autres structures à vocation artisanale clairement identifiée, ne laissent pas de nous interroger sur leur fonction. Si, naturel-lement, la proximité de l’étang nous a d’abord conduits à privilégier l’hypothèse de bâtiments liés à l’exploitation des richesses halieutiques du plan d’eau – viviers à poissons ou bassins de salaison –, la non-conformité de ces bassins avec les modèles connus en Méditerranée nous a orientés vers une fonction plus banale, celle de citernes d’eau douce.

Outre les structures immergées dans l’étang (puissantes et larges maçonneries de pierre, alignements de pieux), qui, à 35-40 m au large de la rive actuelle, ont pu appartenir à des structures de type public visant à l’aménagement et à la protection de la zone littorale et portuaire de l’agglomération antique, l’existence d’un vaste bâtiment public est avérée dans la partie sud-ouest du site. Il s’agit d’une construction massive, liée à la chaux, pourvue d’au moins trois puissants dés en pierre de taille, qui non seulement tranche sur le plan formel avec les autres constructions de l’agglomération, mais vient en outre recouper le tracé d’une de ses voies secondaires (la rue 4), pour occuper, selon toute vraisemblance, l’emprise initiale de deux îlots, soit une superficie de plusieurs centaines de mètres carrés. En l’absence de fouilles complémentaires qui nous auraient permis de préciser la nature et la chronologie d’un édifice d’une telle ampleur, on doit surtout relever sa position, en bordure orientale de l’axe central de circulation qui traverse l’agglomération selon un axe nord-sud.

évolution chronologique du site

Cet exemple de transformation architecturale et urbaine nous renvoie à la chronologie du site antique de Tholon, qui couvre près de cinq siècles entre sa fondation, vers le milieu du ier siècle av. J.-C., et son abandon dans le courant du ive siècle apr. J.-C. L’exploration de l’agglomération est encore trop peu avancée pour que l’on puisse déterminer pour l’ensemble du site, même à grands traits, ses principales phases d’occupation. Selon les secteurs, on peut quand même si-gnaler des modifications dans l’agencement interne de l’habitat, qui pourrait avoir évolué d’une organisation primitive en îlots faits de petites maisons à pièce unique, appuyées dos à dos de part et d’autre d’un mur médian, à un découpage plus complexe, qui montre de grandes habi-tations à plusieurs pièces de formes, dimensions et fonctions très différentes. Comme la partie résidentielle de l’agglomération, la zone des bassins connaît une importante évolution du bâti,

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sans doute dès le Haut-Empire. Elle se traduit finalement par la transformation des bassins en structures d’habitat domestique, dont l’abandon, postérieur à la seconde moitié du ive siècle, aboutit lui-même à leur nivellement et à leur comblement définitif. Ici, comme en divers autres points du site, cet abandon de l’habitat s’accompagne sur le terrain d’importants épandages de coquilles d’huîtres et de pétoncles, qui témoignent pour l’Antiquité tardive d’activités de trans-formation ou de consommation des coquillages de l’étang de Berre.

patente du point de vue de l’agencement du bâti, cette évolution est également visible dans l’architecture des murs eux-mêmes, qui ont souvent fait l’objet de reprises, réfections ou ré-cupérations. Leur mode de construction témoigne également d’une évolution importante des techniques architecturales. Aux constructions, faites de moellons bruts ou à peine équarris montés exclusivement à la terre, qui caractérisent surtout les structures d’habitat les plus an-ciennes (ier siècle av. J.-C.), succèdent des murs de pierre maçonnés au moyen d’un mortier de chaux de fabrication locale, notamment composé de coquillages broyés. Ces derniers sont souvent recouverts d’un enduit peint, parfois polychrome et décoré, qui, avec l’adoption de nouveaux matériaux (briques et tuiles de terre cuite, plaques de marbre), témoignent de l’influence de l’architecture romaine sur ce site.

Les différentes zones explorées de la ville gallo-romaine

Outre les opérations de décapage superficiel, dont rend compte le relevé planimétrique général de l’agglomération, deux secteurs ont été plus spécialement explorés dans des campagnes successives de fouilles programmées (1998-2005) sur la frange littorale ac-tuelle du site :– à l’extrémité nord-est de l’aire de fouille, le vaste complexe hydraulique fait de cinq ou six

citernes adossées et qui forme un ensemble architectural remarquable en partie entamé par les assauts de l’eau ;

– depuis 2003, l’exploration archéologique s’est concentrée sur le dégagement d’un îlot d’ha-bitation (îlot I) et de deux portions de rues adjacentes (les rues 2 et 3), en bordure de l’étang de Berre. Conservées sur une grande hauteur, les constructions abritaient en particulier de remarquables éléments des parois murales peintes et décorées à la fresque qui ornaient plusieurs des pièces mises au jour (fig. 9).

Fig. 9. Vue cavalière vers le sud-est des vestiges de l’agglomération gallo-romaine de Tholon en bordure du littoral de l’étang de Berre. Photo J. Chausserie-Laprée.Figure 9

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LEs éDiFiCEs Et VEstigEs D’époquEs méDiéVaLE Et moDErNE

Simultanément aux travaux de fouilles et de dégagement des vestiges de l’agglomération antique, nous avons entrepris la redécouverte des différents ensembles architecturaux qui ont investi le site de Tholon au Moyen Âge et durant les périodes moderne et contemporaine. On doit d’abord citer les restes très arasés de l’église signalée plus haut, qui occupent une terrasse de la partie sud du site, mais dont l’emplacement et la très forte dégradation ne per-mettent plus leur réhabilitation. Bien plus significatives et mieux conservées sont les structures liées à l’utilisation et à la maîtrise de l’eau douce présente en abondance sur le site. Elles ont pour leur part fait l’objet d’importants travaux de dégagement et de relevés. Sur le terrain comme dans les textes et documents d’archives, on différencie deux ensembles, placés à deux extrémités du site, mais reliés entre eux par un aqueduc enterré qui traverse en biais la parcelle fouillée :– au nord, la fontaine et la source de l’Arc, dont les ruines, disparues sous les ronces et en

partie entamées par la progression de la plage, ont été retrouvées en bordure de l’étang, non loin de l’ensemble des citernes antiques mentionnées plus haut ;

– le lavoir et la source de Tholon, à l’entrée sud du site, dont les structures étaient recou-vertes, coupées et dégradées par des canalisations et constructions contemporaines (fig. 10 et 11).

Fig. 10. Structures en élévation des citernes du lavoir de Tholon, avant le détournement du réseau pluvial mis en place dans les années 1960. Photos J. Chausserie-Laprée.

Figure 10

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LE programmE DE misE EN VaLEur Du sitE

Le service d’archéologie de la ville de Martigues a engagé un programme ayant pour objectif, parallèlement au développement des fouilles, la conservation et la mise en valeur du site. Il a vu le jour après des travaux préparatoires, exécutés au fur et à mesure de l’avancement des recherches archéologiques avec des moyens restreints, propres au service archéologique municipal, qui ont suscité l’intérêt des autorités municipales et permis l’élaboration du projet global. Établi en partenariat avec les services techniques de la ville de Martigues et bénéficiant du concours de la Fondation du patrimoine qui servira de relais au mécénat d’une grande entreprise industrielle implantée sur les rives de l’étang de Berre, la société Total, ce projet est programmé sur trois années (2007-2009). Nous en présentons rapidement ici les principaux objectifs, dont certains ont connu un début de concrétisation sur le terrain lors de la phase préliminaire. Ce projet s’articule autour de trois grands axes prioritaires :1. Les travaux d’aménagement des divers accès et réseaux contemporains aboutissant au

site de Tholon, enclavé entre la ville actuelle et l’étang de Berre ;2. Les travaux de consolidation et de restauration des maçonneries, édifices et structures mis

au jour ;3. L’aménagement paysager du site, les travaux associés de signalétique.

Fig. 11. Structures en élévation des citernes du lavoir de Tholon, après le détournement du réseau pluvial mis en place dans les années 1960. Photos J. Chausserie-Laprée.Figure 11

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1. L’aménagement des accès, réseaux et exutoires

Implanté sur un point bas, le site de Tholon recueille naturellement les eaux de ruissellement d’un vaste bassin versant compris entre les hauteurs de la colline de Notre-Dame-des-Marins, qui culmine à plus de 100 m, et les rives de l’étang. En outre, depuis les années 1970, le déve-loppement de l’urbanisation, en dehors du centre ancien de Ferrières, a fait du site de Tholon l’un des principaux exutoires des eaux pluviales et usées de cette partie nord de Martigues. La topographie et l’hydrologie particulières du site ont fait que les dispositifs contemporains nécessaires au recueil et au traitement de ces eaux se sont concentrés sur des lieux mêmes qui accueillaient depuis des siècles un très bel ensemble architectural en grande partie mas-qué, qui réunissait, au moins depuis la fin du Moyen Âge, un lavoir et les aménagements de captage (citernes, aqueduc) destinés à l’alimentation en eau de Martigues.

Véritables verrues dans le paysage, ces conduites en ciment, fonte ou plastique et leurs équipe-ments associés (poste de relevage, tableaux et équipements électriques) ont fait l’objet depuis 2003 d’un premier programme de détournement et d’enfouissement visant à rendre à cette partie du site l’aspect qu’il devait avoir au milieu du xxe siècle, quand il était encore quotidiennement investi par les lavandières. Ce faisant, il a fallu entièrement réaménager l’entrée sud du site, désormais inaccessible aux voitures, et envisager un nouvel accès automobile, sur le côté ouest du terrain.

Quoique préalables à toute mise en valeur des vestiges, ces travaux d’infrastructure menés sous la direction de la régie des eaux et de l’assainissement de Martigues ont révélé la fragilité de la zone et des constructions, désormais mises à nu et soumises aux dégâts de l’érosion. Lors des pluies torrentielles, celle-ci s’est révélée nettement accentuée par le bétonnage et l’imperméabi-lisation généralisée des espaces (aires de parking, voirie) environnant le site, au point de mettre en péril non seulement la conservation et l’intégrité des structures archéologiques, mais aussi la sécurité des personnes. On est ici en effet dans le secteur le plus proche du centre-ville, par lequel la majorité des visiteurs découvre traditionnellement le site de Tholon.

Aussi, avant toute restauration des vestiges du lavoir et des citernes, et face à l’impossibilité technique de recueillir toutes les eaux de ruissellement dans les conduites enterrées, la mise en valeur des accès sud et ouest du site a-t-elle nécessité des aménagements maçonnés d’une autre nature. De part et d’autre de ces constructions, qui occupent le point le plus bas du site, nous avons ainsi prévu la restauration ou la construction nouvelle de puissants murs de soutènement en pierre liée à la chaux, faisant barrage aux eaux pluviales (fig.12). Ces murs leur permettront de s’écouler en surface jusqu’à l’étang, en suivant un cheminement presque naturel donné par la topographie des lieux. Débutés en 2005, ces travaux de maçonnerie conduits par le service d’archéologie, avec le concours de personnels en insertion, doivent se poursuivre durant l’année 2006.

Ces aménagements seront complétés par des travaux visant soit au bon fonctionnement, soit à une meilleure intégration dans l’environnement des exutoires qui assurent l’évacuation des eaux pluviales et de source. Il s’agit d’abord de procéder à l’habillage et au masquage des sorties particulièrement inesthétiques des deux conduites du réseau pluvial qui, au nord et au sud, encadrent désormais le site archéologique de Tholon. Nous procéderons dans le même esprit et avec les mêmes moyens humains et techniques que précédemment, à savoir par la réalisation ou la réfection de murs de pierre liée à la chaux, qui reprennent l’alignement et la facture des murs de terrasse d’époque moderne bordant l’étang.

Plus complexe et technique, mais tout autant nécessaire à l’esthétique et au bon fonctionne-ment du lieu, sera l’aménagement de l’exutoire du lavoir vers l’étang. Ici, le problème majeur est la conséquence de la relation directe entre le lavoir et l’étang, qui provoque l’envasement du bassin de lavage. Il est indispensable de concevoir un équipement, facile d’entretien, qui permette de réguler les remontées d’eau de l’étang et d’empêcher l’ensablement de ce canal. Une étude technique d’hydrologie devra être menée pour régler cette question. L’aménage-ment de ce secteur du site est d’autant plus nécessaire qu’il devrait accueillir, en bordure du rivage, un petit pont paysager enjambant l’exutoire du canal, permettant d’accéder aux vestiges bâtis les plus spectaculaires de l’agglomération gallo-romaine de Tholon.

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Fig. 12. Sur la droite, mur en pierre liée à la chaux bâti pour servir de barrage des eaux pluviales et de terrasse de protection du lavoir de Tholon. Photo J. Chausserie-Laprée.

Figure 12

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2. La restauration et la consolidation des structures antiques, médié-vales et modernes

L’ouverture au public du site de Tholon exige d’importants travaux de consolidation et de restauration des vestiges archéologiques et bâtiments découverts. Deux types de vestiges se trouvent réunis sur ce terrain d’à peine 0,5 ha en bordure de l’étang.

Les vestiges gallo-romainsLes structures dégagées et visibles sur le terrain de l’agglomération gallo-romaine consistent pour l’essentiel dans des maçonneries de pierre liée à la terre ou à la chaux, qui demandent se-lon les cas à être consolidées superficiellement ou remontées. Elles permettent de lire sur place la trame de l’organisation quadrillée de l’agglomération de Maritima. Les travaux sont conduits par le service d’archéologie lui-même qui, pour cette action particulière, a conclu un partenariat avec les chantiers d’insertion pour adultes supervisés par la maison de la formation.

Ces travaux relativement élémentaires consistent le plus souvent dans la consolidation de l’arase supérieure des murs antiques, dont la dernière assise, après démontage, est remise en place au moyen d’un mortier de chaux coloré dans la masse par des pigments naturels. Ponctuellement, les lacunes ou arrachements des maçonneries sont restitués par des moel-lons récupérés dans les couches d’effondrement des zones explorées, la différence entre mur antique et mur reconstruit étant volontairement soulignée, soit au moyen d’un treillis de plastique séparant les deux maçonneries, soit par la mise en évidence d’un « joint » de mortier de couleur différente. Cette option a été particulièrement retenue sur la frange littorale du site, la plus menacée par l’érosion, mais où les constructions antiques présentaient les élévations les plus importantes et les plus spectaculaires. C’est en particulier le cas dans le secteur du complexe des citernes, où, après la fouille, la hauteur des maçonneries surplombant les sols de béton hydraulique s’est avérée supérieure à 2 m (fig. 13).

Fig. 13. Travaux de restauration des maçonneries de l’agglomération gallo-romaine de Tholon. Réalisation d’un joint de séparation entre partie antique et partie restituée du mur. Photo J. Chausserie-Laprée.Figure 13

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Les structures et constructions moderneson a signalé précédemment la présence sur le site de plusieurs bâtiments d’époques moder-ne et contemporaine (xvie-xixe siècle) appartenant à un complexe de captage et d’utilisation de l’eau douce qui a donné une grande importance au site de Tholon dans le développement et la vie économique et sociale de Martigues. Pour chacun d’eux, nous présentons ci-dessous les travaux déjà effectués et les objectifs de réhabilitation que nous envisageons dans le cadre du projet de mise en valeur.

La source de tholonCette appellation générique regroupe en réalité deux entités distinctes, composées d’une part de deux grandes citernes voûtées en pierre de taille servant au captage et au stockage de l’eau douce, et d’autre part d’un lavoir comprenant lui-même un bassin de lavage alimenté par la source et son canal exutoire vers l’étang.

Les citernes du lavoirRécemment mises au jour sous les remblais de l’ancienne voie carrossable d’accès au site et masquées depuis plus de cinquante ans, les deux citernes en pierre de taille forment les premiers bâtiments que l’on rencontre quand on arrive du sud, à savoir du centre-ville de Martigues. Ouvertes au sud par des fenêtres servant au puisage de l’eau et à l’inspection des maçonneries et des conduites, elles sont bâties directement en appui contre le terrain naturel de poudingue au nord. Les citernes ont été construites en pierre de taille de manière indépendante et successive comme l’indique d’une part la différence d’appareil et d’origine géologique des maçonneries, d’autre part la légère cassure dans l’orientation des deux ré-servoirs. Les toitures, au pendage prononcé vers le sud, sont constituées de dalles de pierre calcaire recouvrant deux voûtes maçonnées et coffrées en plein cintre. Elles sont en grande partie conservées, mais présentent quelques lacunes et de nombreux désordres, parfois dus aux travaux les plus contemporains conduits dans le secteur. Ainsi, la limite occidentale de la citerne ouest est-elle percée d’une importante brèche que nous avons sommairement et provisoirement occultée.

L’exploration préliminaire et la désobstruction de l’intérieur de ces citernes ont permis de faire de nombreuses observations concernant d’une part le captage de l’eau qui sourd du rocher dans l’une des deux salles voûtées, d’autre part l’architecture et les aménagements de cet ensemble de grande qualité. On relève en particulier les traces archéologiques et épi-graphiques de nombreuses interventions de maçons, fontainiers et techniciens de l’eau au cours des siècles passés. À l’ouest, le prolongement des citernes dans une galerie voûtée parfaitement appareillée et dallée n’a pu être complètement dégagé du fait de l’effondrement d’une partie de la voûte.

Par conséquent, la compréhension de cet ensemble n’est pas complète ; manque en parti-culier son rattachement probable à un aqueduc maçonné, connu par les textes, acheminant l’eau potable jusqu’au centre-ville, et que l’on a par ailleurs repéré en plusieurs points de son parcours entre la source et le quartier de Ferrières (fig. 14 a, b, c).

Le bassin du lavoirLe second élément remarquable de cette source est le bassin du lavoir aménagé à l’est des citernes, sous les frondaisons de trois magnifiques platanes. Comme les réservoirs, il nécessite également une importante restauration en raison des dégradations subies dans les années 1970 par l’installation du réseau pluvial (aujourd’hui détourné) qui a en particulier arraché toute la bordure sud de l’aire de lavage. Un premier nettoyage a permis de mettre en évidence, sur la plus grande partie du bassin, une très belle maçonnerie en pierre de taille sur le dallage de fond et les bordures. Outre l’exploration archéologique des secteurs les plus dégradés, les documents d’archives (plans et photos anciennes) permettront de combler les lacunes et de restituer cet ensemble dans son état d’origine. On s’attachera en particulier à

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rebâtir ou consolider tous les éléments de conduites, les murs de soutènement et les aména-gements de sol propres à ce lavoir, qui étaient en fonction jusque dans les années 1950. Cet ensemble pourra ainsi retrouver une apparence que de nombreux Martégaux gardent encore en mémoire (fig.15).

Fig. 14. Les citernes alimentant le lavoir de Tholon. a. Découverte du captage de la source dans la citerne

orientale, au pied d’une barre rocheuse de marne. b. Mise au jour de divers aménagements (conduites,

banquette, ouvertures au sein de la citerne ouest.c. Galerie prolongeant les citernes vers l’ouest.

Photos J. Chausserie-Laprée.

Fig. 15. Bassin de lavage et d’évacuation de l’eau du lavoir de Tholon. Photo J. Chausserie-Laprée.

Figure 14a Figure 14c

Figure 15

Figure 14b

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La source de l’arcDans la partie nord-est du site, en bordure de l’étang de Berre, la source dite de l’Arc consti-tue un autre élément majeur des installations hydrauliques de Tholon. Ce bâtiment aujourd’hui ruiné et en partie rongé par l’étang (avant les récents travaux d’endiguement) comprend à la base deux réservoirs voûtés en plein cintre, maçonnés en pierre de taille, dont les façades sud et nord apparaissent percées de plusieurs ouvertures, destinées au puisage de l’eau. Des photos et documents d’archives très précis (plans et coupes pour un projet d’installation d’une éolienne élévatrice daté de 1869) nous montrent que les citernes, en fonction au moins dès le xviiie siècle, étaient surmontées d’un étage en maçonnerie de pierre, lui-même couvert d’une toiture de tuile (fig. 16). On y accédait par un escalier extérieur construit contre le mur nord, dont subsistent encore plusieurs marches. Selon toute vraisemblance, l’étage servait alors de salle de pompage de l’eau stockée dans les citernes, qui était élevée jusqu’à un aqueduc fait d’une conduite en céramique alimentant les citernes du lavoir mentionné plus haut. Les recherches ont d’ailleurs permis de repérer, à travers le champ de fouilles, le tracé de cette conduite à peine enterrée qui s’appuie sur une solide maçonnerie de pierre (fig. 17).

Pour les deux ensembles, le programme de mise en valeur que nous avons proposé passe par le relevé, le calepinage, la dépose et la restauration à l’identique des toitures et maçonneries extérieures endommagées ou disparues. Il utilisera en priorité les données qu’ont apportées l’étude architecturale et l’exploration archéologique proprement dite, mais aussi les informa-tions issues des quelques documents graphiques et photographiques des xixe et xxe siècles conservés dans les archives communales. Ces travaux relèvent d’une restauration de type « monuments historiques » effectuée par une entreprise spécialisée, dotée d’une solide expé-rience dans la pierre de taille et ne peuvent être conduits ni par le service d’archéologie lui-même, ni avec la seule aide des chantiers d’insertion. Il conviendra à cet effet de commander une mission d’étude architecturale et environnementale qui puisse établir avec notre concours un cahier des charges pour la réhabilitation des édifices.

Fig. 16a. La source de l’Arc photographiée au début du xxe siècle.

Fig. 16b. plans et profils des bâtiments de la source de l’Arc, dessinés pour un

projet de pompe élévatrice à vent en 1869. Archives communales de Martigues.

Figure 16a Figure 16b

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Fig. 17a et 17b. État actuel des citernes ruinées de la source de l’Arc en bordure de l’étang de Berre. Photos J. Chausserie-Laprée.

Figure 17a

Figure 17b

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3. un site ouvert au public

Avant d’être un site archéologique, Tholon est un site naturel magnifique qui offre une vue extraordinairement large et dégagée au-delà de l’étang de Berre, des collines de Châteauneuf-les-martigues jusqu’à la Sainte-Victoire et la chaîne de La Fare. C’est aussi un bien patrimonial public, que la commune de Martigues se doit de conserver en libre accès, non seulement pour les Martégaux, utilisateurs privilégiés du site (en particulier les riverains et les lycéens), mais aussi pour les touristes et amateurs de patrimoine.

C’est donc un lieu de culture et de promenade, mais aussi un lieu de travail, en tout cas tant que les archéologues seront à l’œuvre pour découvrir et mettre en valeur ses différents ves-tiges. Le programme de mise en valeur se propose de sécuriser et d’embellir ses différents accès en en respectant la topographie et en utilisant dans la mesure du possible les chemi-nements naturels ou construits existants. Il s’agit de permettre la découverte et la visite libre du site non seulement pour les personnes valides mais aussi pour les handicapés, au moins depuis les accès sud et ouest du site.

L’objectif principal est d’intégrer le site de Tholon au parcours du sentier littoral (reprenant celui du chemin de grande randonnée) dont il est actuellement séparé, que la ville de Marti-gues projette de réaliser entre le centre-ville et le site de Figuerolles, en limite nord de la com-mune. Les aménagements prévus, réduits au minimum, prendront en considération l’aspect esthé tique du site, avec l’emploi de matériaux appropriés déjà attestés sur place, par exemple dans la restauration d’une calade existante au moyen de galets. Les constructions contempo-raines présentes ou à construire devront recevoir un habillage soigné (en pierres apparentes) ou être accompagnées d’une végétalisation appropriée des lieux, maintenant dans la mesure du possible l’existant (pinède, oliveraie).

Dans la perspective de l’ouverture au public, le programme de mise en valeur implique la communication des informations scientifiques et patrimoniales recueillies sur les fonctions du site aux différentes périodes de son occupation. Cette diffusion s’opère déjà au fur et à mesure des travaux par le biais d’animations scolaires et de visites guidées, par exemple à l’occasion des Journées du patrimoine. En fin de projet, elle se concrétisera par une signa-létique appropriée, informant sur le site lui-même, mais aussi sur les autres lieux ou supports permettant de compléter la connaissance de ce patrimoine.

L’Habitat gauLois DE L’ÎLE DE martiguEs

Carrefour de voies terrestres et maritimes à l’entrée de la passe de Caronte qui relie l’étang de Berre à la Méditerranée, l’Île de Martigues occupe aujourd’hui, au centre du chenal de Caronte, un triangle rectangle de 4 ha de superficie (fig. 18). De 1977 à 1989, le quartier de l’Île de Martigues a été le théâtre d’un important programme de fouilles archéologiques de sauvetage, qui a eu pour

Fig. 18. L’Île de Martigues au débouché du chenal de Caronte sur l’étang de Berre. Photo Ville de Martigues.Figure 18

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origine une opération de réhabilitation urbaine, à la fois longue et complexe, qui a porté sur plus de 1,5 ha bâti. outre son fort impact architectural et urbain sur la ville contemporaine, cette rénovation a surtout révélé les vestiges d’un habitat gaulois, jusque-là insoupçonné et inédit (Chausserie- Laprée, Nin, 1988). Plus récemment, en 2001, les fouilles d’urgence entreprises pour la réfection de l’axe central du quartier actuel, la rue de la République, ont permis de mieux comprendre les origines et l’évolution protohistoriques de cette île. Les recherches ont révélé les ruines superpo-sées de deux villages gaulois occupés entre le milieu du ve et la fin du iie siècle av. J.-C.

Le premier village gaulois : une création ex nihilo

Le premier village offre des caractéristiques topographiques originales pour un habitat méridional de l’âge du fer : il s’installe en plaine, sur un site insulaire et vierge de toute occupation antérieure, dans un environne-ment lagunaire et inhospitalier. Il présente des dimensions très réduites (moins de 4 000 m2) et adopte une configuration générale triangu-laire dont l’orientation nord-sud vient partiel-lement barrer la circulation des eaux.

Pendant près de deux siècles et demi, le vil-lage garde un plan d’ensemble inchangé dont le schéma presque orthogonal est d’abord conditionné par l’implantation et la pérennité d’une puissante fortification qui ceinture toute l’agglomération, au moins jusqu’au milieu du ive siècle av. J.-C. (fig.19).

À l’intérieur de cette enceinte, exiguïté et planéité du terrain aboutissent à la mise en place d’un système d’organisation urbaine très resserrée où tout l’espace disponible est consacré à un habitat standardisé juxtapo-sant de petites maisons à pièce unique de plan quadrangulaire et ne comportant, sur la surface explorée, ni espace public ni bâti-ment collectif. Il se caractérise par l’alternan-ce régulière d’îlots d’habitations simples ou doubles et de voies de communication étroi-tes, dont l’orientation est donnée par le tracé du rempart (Chausserie-Laprée, Nin 1987).

Bien que continue, l’occupation de cet ha-bitat gaulois est rythmée par des événe-ments militaires qui ont entraîné par trois fois l’incendie et la destruction de tous les bâtiments du village, emprisonnant à cha-que fois des vestiges architecturaux et do-mestiques abondants et bien conservés. On les situe successivement vers 440-430, vers 375-360, enfin, en 200-190 av. J.-C. Ce der-nier épisode marque l’abandon définitif de l’agglomération primitive (fig. 20a et 20b.).

Fig. 19 : Plan général du premier village gaulois de l’Île de Martigues

et localisation de la vitrine archéologique.

Plan J.-C. Bardzakian.

Figure 19

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Le second village gaulois, une seule agglomération pour deux habitats distincts

Si une même conception régit encore la nouvelle entité urbaine qui voit le jour au début du iie siècle av. J.-C., celle-ci ne reprend cependant pas le bâti antérieur, mais adopte un nouveau plan. De moins de 4 000 m2, l’agglomération passe à plus de 1 ha de superficie.

La topographie héritée de l’occupation antérieure impose la division de l’habitat en deux secteurs très distincts : un village haut, à l’ouest, établi sur les vestiges de la bourgade primitive et protégé par un nouveau mur d’enceinte, où la reprise de certains murs du village primitif vient interférer avec le nouveau schéma d’organisation ; et un village bas, à l’est, bâti à fleur d’eau sur un terrain naguère occupé par les bordures marécageuses de l’étang de Berre, où l’urbanisme se développe selon un plan qui ne subit pas la contrainte du relief, ni celle d’édifices préexistants. Dans la zone explorée se développent exclusivement habitations et voies piétonnes pour lesquelles on ne connaît aucune limite. À l’est, l’interruption brutale des vestiges résulte d’un phénomène de submersion par suite d’une régression de la terre ferme à la période romaine.

Cette nouvelle agglomération est marquée encore par l’alternance régulière d’îlots doubles d’habitation et de longues voies de circulation de direction est-ouest. L’agencement général des constructions tout comme le découpage intérieur des habitations ne subissent aucune modification durant toute l’occupation du village, qui n’excède pas un siècle puisque, comme beaucoup d’autres sites de basse Provence occidentale, il est abandonné définitivement dès la fin du iie siècle av. J.-C.

Fig. 20a. Vue sommitale de la placette d’angle du premier village gaulois recouverte par la couche de destruction et d’incendie (première moitié du ive s. av. J.-C.) des maisons en terre crue qui la bordent. Photo J. Chausserie-Laprée.

Fig. 20b. Restitution du quartier nord-ouest du premier village gaulois de l’Île. Au centre la place d’angle. Dessin Denis Delpalillo.

Figure 20a

Figure 20b

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Malgré leurs différences, ces deux villages relèvent d’un même principe minimaliste, en vertu duquel l’habitat est d’abord organisé pour répondre au regroupement et à la protection de petits groupes humains et de l’essentiel de leurs biens. Tout au long de leurs occupations respectives, cette fonction demeure primordiale ainsi que l’atteste le figement des structures urbaines et domestiques dans leur organisation d’origine : durant plus de deux siècles pour le premier village, pendant près d’un siècle pour le second.

grâce à des conditions de sédimentation particulières – exhaussement du sol, submersion partielle, destructions et incendies répétés –, les structures bâties de ces deux villages ont été remarquablement conservées. Elles offrent un large panorama des techniques architecturales et des pratiques domestiques en vigueur durant l’âge du fer méridional et soulignent en par-ticulier l’importance de la terre crue dans la construction, l’aménagement intérieur, l’entretien et la décoration des maisons.

La « VitriNE arCHéoLogiquE »

Au fur et à mesure que les recherches faisaient apparaître des traces de cet habitat gaulois au cœur de la ville, archéologues, responsables et élus de la ville de Martigues ont voulu gar-der la trace de ces vestiges inattendus, sur le site même de leur découverte. C’est pourquoi, dès 1982, quand les fouilles ont pu réellement s’imposer sur la longue durée dans la partie nord de l’Île, divers projets de mise en valeur et de conservation ont été successivement envisagés. Comme pour le site de la Bourse à Marseille, on a d’abord pensé à un jardin des vestiges à ciel ouvert qui restituerait l’ensemble d’un quartier du premier village gaulois autour de la placette d’angle nord-ouest, avec ses fortifications, ses îlots d’habitations et ses ruelles piétonnes. Mais, outre le bouleversement complet du programme immobilier et urbain qu’un tel projet aurait engendré, les conditions mêmes de sa réalisation et surtout de sa pérennité n’ont pas pu être réunies, pour des raisons de budget ou de choix politique, mais surtout du fait des contraintes pratiques : on ne pouvait en effet garantir sur la durée le maintien en l’état de structures d’habitat aussi fragiles, exposées aux intempéries, dans un milieu humide soumis aux variations de la nappe phréatique. Le moulage, envisagé, de ce même ensemble bâti de près de 500 m2, n’a pas non plus été mené à terme, pour des motifs techniques et muséographiques : que faire, en effet, d’un moulage d’habitat aussi grand, que l’on ne pouvait présenter ni dans l’Île elle-même ni dans aucun bâtiment existant ? Face à cette incertitude, on s’est orienté vers un projet de présentation certes plus modeste, mais qui offrait l’avantage d’être à la fois plus réaliste et plus pédagogique.

Fig. 21. Vue extérieure de la vitrine archéologique, ouverte sur la place Maritima, au cœur du quartier actuel. Photo J. Chausserie-Laprée.

Figure 21

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C’est ainsi que s’est concrétisé, en 1988, le projet de présentation des modes d’habitat et des conditions de la vie quotidienne dans une partie de ce quartier du premier village gaulois de l’Île ; le tout a été installé au rez-de-chaussée de l’un des immeubles dont la construction avait été à l’origine des fouilles. Parmi les diverses options architecturales possibles, on a retenu celle d’une vitrine largement ouverte sur la nouvelle place du quartier, symboliquement dénommée « place Maritima » (fig. 21). Par ce choix de la « Vitrine archéologique », les vestiges gaulois, visibles par tous les riverains et passants, se trouvaient non seulement parfaitement intégrés dans le bâti actuel, mais aussi protégés des dégradations et intempéries. par ailleurs, deux aspects trop souvent négligés dans les opérations de mise en valeur du patrimoine se trouvaient ainsi réglés en grande partie : entretien et fonctionnement.

Ce projet a permis de réaliser une expérience, encore unique à ce jour dans le sud de la France : la restitution in situ et grandeur nature d’un espace villageois de la période gauloise. Dans les limites très réduites de la vitrine (80 m2), c’est un condensé de l’architecture domestique et de l’organisation d’un village gaulois du ive siècle av. J.-C. qui est donné à voir. Par sa localisation, ce projet offre en effet la possibilité d’exposer et de valoriser aussi bien les espaces extérieurs de circulation que les volumes intérieurs, visibles en coupe sur plusieurs côtés : les éléments de huit maisons différentes, ainsi que les portions de deux rues et la placette qui les desservaient.

La présentation répond à deux principes distincts de restitution : la restauration des vestiges, qui a surtout permis d’illustrer le phénomène de superposition des maçonneries au fil de l’oc-cupation du site ; la reconstitution à l’échelle 1 d’un fragment de cet habitat indigène, dans l’état où l’avait laissé sa destruction militaire par les Grecs vers 360 av. J.-C. Sur la base des trouvailles architecturales et mobilières, nous avons recomposé, dans la plus grande partie de la Vitrine, le cadre de cet habitat protohistorique en reconstruisant les sols, les murs, les aménagements et la multitude des objets de céramique et de terre crue, qui occupaient l’es-pace. Les structures et mobiliers archéologiques n’y sont pas présentés pour eux-mêmes, mais replacés dans leur contexte.

objectifs et conditions de réalisation de la vitrine

La reconstitution de l’espace villageois a d’abord un objectif pédagogique. En produisant ce fac-similé, on tentait en effet de fixer une image encore inhabituelle de l’habitat gaulois du Midi, tantôt perçu sous forme de « champs de ruines » très semblables à ceux des sites gallo-romains ou médiévaux, tantôt imaginé à l’aune des représentations plus ou moins sérieuses, mais très fortes, de la case ou de la hutte celtiques. Se trouvent ici privilégiées d’une part une perception en vo-

Fig. 22. Vue générale de la restitution architecturale de l’habitat gaulois de l’Île de Martigues au sein de la vitrine archéologique. Photo J. Chausserie-Laprée.Figure 22

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lume des espaces publics très restreints de cet habitat, à travers la vue sur la placette d’angle et la perspective d’une ruelle, d’autre part la vision en coupe de deux habitations mitoyennes, qui permettent de restituer la simplicité et l’intimité du cadre architectural et domestique (fig. 22).

Elle a aussi une valeur scientifique et expérimentale puisqu’elle est fondée autant que possible sur des faits archéologiques propres à ce gisement gaulois, voire à d’autres habitats méridio-naux de la même période. De ce point de vue, la publication grandeur nature a fourni l’occa-sion de vérifier sur bien des points la validité de nos observations de terrain et de nos hypo-thèses de restitution architecturale. Elle s’inscrivait aussi dans une démarche d’authenticité caractérisée d’abord par le respect des matériaux originaux mis en œuvre dans l’architecture protohistorique. Qu’il s’agisse des travaux de restauration-reconstruction des murs ou de la reconstitution des maisons, l’approvisionnement en matériaux de construction s’est fait, soit directement à partir du site archéologique lui-même, alors toujours en cours de fouille (pour les pierres, la terre crue et l’argile), soit à partir des environs proches de Martigues (pour le bois et les roseaux de la toiture). De même, pour coïncider avec l’image d’un habitat gaulois où l’on ne relève nulle part de spécialisation dans la pratique architecturale et urbaine, nous avons opté pour un principe d’autoconstruction. Aujourd’hui, la disparition complète de tout savoir-faire local et l’absence de professionnels dans le domaine de la construction en terre traditionnelle nous a conduits à assurer nous-mêmes, archéologues et techniciens de fouille,

l’ensemble des travaux de maçon-nerie de gros œuvre (sols, murs et toits). Les travaux de finition et sur-tout la réalisation de l’équipement fixe et mobile (céramiques, objets et vases en terre crue, étagères et portes) des maisons restituées ont été supervisés par Denis Delpalillo, maquettiste et restaurateur, qui a participé à la conception de l’en-semble du projet.

Enfin, cette tentative relève aussi d’une démarche que l’on pourrait qualifier d’« ethno-archéologique » : quand les données du site s’avé-raient insuffisantes ou manquan-tes, le recours à la documentation ethno graphique du monde méditer-ranéen ancien, subactuel ou actuel, a permis de proposer des solutions architecturales à la fois simples et crédibles. C’est en particulier le cas pour nombre d’éléments néces-saires à la finition de cette reconsti-tution, mais dont les traces archéo-logiques avaient disparu : serrures, portes, étagères et niches murales, certains détails de la toiture (fig. 23).

L’oppiDum DE saiNt-piErrE-Lès-martiguEs

Le site de Saint-Pierre forme une petite butte calcaire plantée dans la partie ouest de la plaine de Saint-Julien-Les Laurons, vaste dépression fertile qui occupe l’extrémité occidentale de la chaîne de la Nerthe, à mi-distance entre le cap Couronne et le chenal de Caronte. Sur cette avancée entre l’étang de Berre au nord et la Côte bleue au sud, Saint-Pierre se trouve à un

Fig. 23. Restitution d’une partie du mobilier en terre crue et en céramique d’une habitation gauloise de l’Île de Martigues, au sein de la Vitrine archéologique. Photo J. Chausserie-Laprée.

Figure 23

RESTITUTIONS ET MISE EN VALEUR D’HABITATS : L’EXEmpLE DE mARTIguES

(BOUCHES-DU-RHôNE, FRANCE)Jean Chausserie-Laprée

carrefour de voies antiques, modernes et actuelles. Au pied même de la colline, s’y croisent d’abord les voies qui relient Martigues d’une part à Marseille, d’autre part aux carrières et sites du littoral. Dans la plaine de Saint-Julien, l’une des plus vastes et favorables à l’agriculture de ce secteur de Provence occidentale, c’est surtout un point de passage obligé pour accéder directement à la mer et au port naturel de Sènèmes-Les Laurons, distant d’à peine 1,5 km à l’ouest (fig. 24).

Sur ce site à l’antiquité signalée depuis le début du xixe siècle, et où des fouilles avaient révélé, dans les années 1920, plusieurs édifices et vestiges à vocation votive et funéraire du Haut-Empire, l’existence d’un habitat protohistorique important n’a été reconnue que tardivement, grâce aux recherches entreprises de 1972 à 1987 par Charles Lagrand sur le sommet de la butte. De 1989 à 1993, l’exécution de fouilles préventives sur la pente nord de la colline pour des travaux dans le cimetière actuel, puis les recherches extensives menées depuis 1998 sur les parties sommitale et sud du site ont montré que Saint-Pierre était l’un des villages gaulois les plus importants de Provence.

Parmi les points les plus remarquables, on doit d’abord citer la continuité et la durée de son occupation : celle-ci couvre plus de vingt-cinq générations entre le milieu du vie siècle av. J.-C. et le début de l’époque romaine. Surtout, dès le début du ve siècle, l’établissement d’un village en dur de type urbain, qui exigeait le réaménagement complet de la topographie accidentée de la butte, constitue l’une des manifestations la plus éloquente de la révolution structurelle qui marque alors l’habitat groupé dans le Midi. Nulle part ailleurs, en effet, on ne connaît dans la région de plan d’urbanisme préconçu aussi ancien, aussi vaste et aussi bien conservé, couvrant toute la colline d’une agglomération structurée et offrant, dans son organisation, la même régularité que les habitats de plaine ou de plateau, plus faciles à aménager.

Fig. 24. Vue aérienne sommitale de l’oppidum de Saint-Pierre-lès-Martigues. Photo Ville de Martigues.Figure 24

RESTITUTIONS ET MISE EN VALEUR D’HABITATS : L’EXEmpLE DE mARTIguES

(BOUCHES-DU-RHôNE, FRANCE)Jean Chausserie-Laprée

D’une manière quasi géométrique on a, sur 1,5 ha de superficie, un découpage métho-dique de tout l’espace. Sur une bande de plus de 200 m de long et 70 m de large, une même orientation générale prévaut pour toutes les constructions mises au jour, qu’elles se situent à l’intérieur ou à l’extérieur des murs d’enceinte successifs, principalement mis au jour sur les pentes sud de la butte. La régularité et la permanence du plan d’ensem-ble sont d’autant plus significatives qu’elles surmontent d’importantes contraintes physi-ques. En effet, hors de la plate-forme sommi-tale, sorte de petite acropole où bat le cœur du village, partout le terrain montre une forte pente qui dépasse parfois 10 % de dénivelé. Elle oblige à une répartition des habitations du village en terrasses, toutes orientées selon un axe est-ouest, parallèles aux courbes de niveau (fig. 25 et 26).

À l’intérieur des remparts, au moins quatre quartiers cohérents s’organisent de ma-nière linéaire, rythmés par des rues d’axe est-ouest, répartis de part et d’autre d’une voie axiale et charretière qui traverse le site selon une orientation nord-sud, d’une porte à l’autre du village. Les 19 îlots simples ou doubles, dont le tracé a été reconnu et qui

Fig. 25. Plan général des vestiges de l’oppidum de Saint-Pierre-lès-Martigues. L’étoile localise l’espace dévolu aux travaux de restitution, à l’extérieur de la fortification est. Plan J.-C. Bardzakian.

Fig. 26. Restitution graphique de la partie nord de l’habitat gaulois de Saint-Pierre-lès-Martigues. Dessin D. Delpalillo.

Figure 25

Figure 26

RESTITUTIONS ET MISE EN VALEUR D’HABITATS : L’EXEmpLE DE mARTIguES

(BOUCHES-DU-RHôNE, FRANCE)Jean Chausserie-Laprée

composent ces quartiers, sont formés de maisons à pièce unique de formats et dimensions très variés. La découverte principale des fouilles récentes concerne la partie méridionale de l’oppidum ; notre intervention y a montré que l’habitat antique se poursuivait hors les murs à travers un mode d’organisation original. Selon une même direction principale est-ouest, des voies de circulation charretières et piétonnes y alternent avec des îlots d’habitations qui s’agencent en masses architecturales plus compactes qu’au sommet du site, et ne pa raissent pas répondre au même principe urbain. On devine que ce vaste espace méridional a connu d’importantes et nombreuses modifications durant son occupation qui s’échelonne au moins du ive siècle av. J.-C au milieu du ier siècle apr. J.-C.

La mise en valeur du site : du moulage à la reconstitution grandeur nature

Pendant la longue période (1970-1987) consacrée aux premières fouilles programmées sur le sommet de la butte, le souci de mise en valeur et de sauvegarde des vestiges n’était pas allé au-delà d’opérations ponctuelles de remblaiement conservatoire, par exemple pour préserver une paroi de briques crues conservée en élévation sur plus de douze assises. De même, des fouilles préventives dans le cimetière (1989-1993) n’avaient pas permis de maintenir ou de sauvegarder in situ une quelconque portion de l’habitat gaulois mis au jour. C’est pourtant à cette occasion, et dans ces circonstances défavorables, que nous avons lancé la première démarche de mise en valeur et de restitution des vestiges de l’oppidum de Saint-Pierre, en ayant recours au moulage. Nous avons ainsi pris l’empreinte de plusieurs structures architec-turales, certaines de grande ampleur (élévation d’un mur en pierre, coupe stratigraphique) ou domestiques (inhumation d’une chèvre, foyer et four culinaires) afin de marquer notre volonté d’aller au-delà du simple acte de fouille et de recherche scientifique.

En effet, la notion de patrimoine n’étant plus limitée aux seuls objets d’art, le moulage à vocation conservatoire et muséographique est de plus en plus adopté par les archéologues et conservateurs de musée, pour des raisons diverses mais complémentaires. La première relève à la fois du souci d’information scientifique et de l’approche pédagogique : pour Saint-pierre, le choix de mouler des structures bâties, des témoins de la vie quotidienne ou de l’évolution du site a d’abord été motivé par la disparition inéluctable des vestiges mis au jour, et ce malgré leur caractère spectaculaire et leur excellente conservation.

Nous avons également tenu à transférer l’espace de la recherche vers des lieux d’exposition temporaire. Le chantier de fouille, notamment dans le domaine de l’archéologie préventive, reste en effet par nécessité (délais, sécurité) un espace relativement clos et inaccessible au public. Avant tout, ce transfert de « fragments de fouille » a ici eu pour but de communiquer les données de terrain sous la forme la plus proche possible du document réel, le moulage permettant de sélectionner dans un format adapté les pièces ou éléments les plus spectacu-laires et instructifs d’un site et de les présenter directement sans la médiation, toujours plus difficile, des commentaires, plans et photographies. De ce point de vue, le moulage participe de la même démarche démonstrative que les reconstitutions. Parfois associées, ces deux méthodes ont l’avantage de maintenir l’échelle grandeur nature et d’offrir, sans risques pour l’original – quand il subsiste –, l’image presque palpable d’une matérialité ancienne. Le mou-lage peut aussi servir lui-même de support à un travail de reconstitution muséographique, en l’absence ou en complément d’autres documents graphiques ou photographiques illustrant l’original.

Après la destruction des éléments originaux, rendue obligatoire par les contraintes du chantier, le moulage a pu se substituer à la ruine dans le cadre d’opérations temporaires de mise en valeur des vestiges antiques. Par sa qualité de reproduction, le moulage a surtout l’avantage de comporter un fort pouvoir d’évocation et parfois même d’émotion – une émotion liée à la perception directe d’éléments très anciens, de témoins de la vie quotidienne ou d’activités de sociétés disparues. À cet égard, notre technique du moulage au latex, utilisée pour les parois et les strates de l’oppidum de Saint-Pierre, est encore plus évocatrice : le transfert des sédiments de l’original au moulage fait de ce dernier plus qu’une simple reproduction. Dans ce cas particulier, le moulage contient

RESTITUTIONS ET MISE EN VALEUR D’HABITATS : L’EXEmpLE DE mARTIguES

(BOUCHES-DU-RHôNE, FRANCE)Jean Chausserie-Laprée

en lui-même les composantes les plus repré-sentatives de l’original (sédiments, charbons, fragments d’objets) et transfère la réalité sur un autre support, relativement léger et transpor-table sur le lieu d’exposition (fig. 27).

La troisième étape dans la restitution au public est plus commune. Comme pour les expé-riences déjà évoquées, à Tamaris et à Tholon, elle a eu pour objectif d’accompagner la cam-pagne d’exploration extensive des zones som-mitales et sud du site, menée de 1998 à 2001, par une action de consolidation et d’exposition des premières constructions mises au jour par Charles Lagrand au même endroit. Dans ce secteur le plus anciennement exploré, mais

aussi le plus immédiatement accessible, puisque situé au contact même du parvis de la chapelle actuelle, il s’agissait simplement de sécuriser le site en remblayant les anciennes excavations et de restaurer l’arase supérieure des murs conservés de l’habitat gaulois, qui dessinaient le tracé de deux îlots d’habitations de part et d’autre d’une ruelle. Ce programme a été conduit sur deux années par l’équipe archéologique elle-même, encadrant un chan-tier de jeunes des quartiers de Martigues et de Port-de-Bouc, dans un projet financé par le ministère de la Jeunesse et des Sports, portant le label « Ville Vie Vacances » (VVV), et mené en partenariat avec la maison de la forma-tion de Martigues. D’un point de vue technique, on a mis en œuvre pour ce chantier les mêmes principes élémentaires de restitution que ceux qui étaient appliqués à Tholon, à savoir le remontage sur une ou deux assises (10 à 20 cm de haut) de moellons liés à la chaux au-dessus des murs an-tiques. Ce faisant, l’objectif était double : assurer la protection pérenne des vestiges originaux ; rendre plus lisibles le découpage domestique et l’orga-nisation de cette partie de l’habitat, mise en contact direct avec l’esplanade sommitale qui, au carrefour de cinq voies de communication, forme dans la partie ouest du tertre le cœur urbain de cette agglomération (fig. 28).

Fig. 27. Enlèvement du moulage au latex d’une des coupes de terrain limitant l’aire

des fouilles préventives menées dans la partie nord-est de l’habitat gaulois

de Saint-Pierre-lès-Martigues. Photo J. Chausserie-Laprée.

Fig. 28. Maçonneries restaurées de l’habitat gaulois de

Saint-Pierre-lès-Martigues sur la partie sommitale du site.

Photo J. Chausserie-Laprée.

Figure 27

Figure 28

RESTITUTIONS ET MISE EN VALEUR D’HABITATS : L’EXEmpLE DE mARTIguES

(BOUCHES-DU-RHôNE, FRANCE)Jean Chausserie-Laprée

Dernière opération : une reconstitution grandeur nature

C’est en quelque sorte un retour à la première opération de restitution archéologique martégale, celle conduite dans le quartier de l’Île, que constitue notre dernière action pour la mise en valeur et la médiatisation de l’oppidum de Saint-Pierre. Sur ce site, qui ne bénéficie encore d’aucun des avantages de la protection officielle des Monuments historiques, mais qui (il faut s’en réjouir) n’en supporte pas non plus toutes les contraintes, l’équipe archéologique municipale de Martigues mène actuellement une opération de reconstitution grandeur nature de l’habitat gaulois, à savoir l’architecture et les aménagements intérieurs d’une maison que l’on pourrait qualifier d’habitation type d’un village gaulois méridional. Couvrant environ 12 m2 au sol, elle constitue la première étape d’un projet plus important qui vise la construction d’un quartier d’habitat, incluant au moins trois habitations accolées au sein d’un îlot et son espace de circulation (fig. 29a, 29b et 29c).

Fig. 29a, 29b et 29c. Évolution du chantier de restitution d’un habitat protohistorique en terre crue dans une aire exté-rieure, sur le site gaulois de Saint-Pierre-lès-Martigues. Photos J. Chausserie-Laprée.

Figure 29a Figure 29c

Figure 29b

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(BOUCHES-DU-RHôNE, FRANCE)Jean Chausserie-Laprée

Si elle poursuit des objectifs généraux proches de ceux qui ont permis de garder une trace matérielle et spectaculaire du village gaulois de l’Île, à l’abri de sa « vitrine archéologique », cette restitution en diffère cependant par plusieurs aspects importants.

Au rang des buts communs, il y a l’objectif pédagogique et militant d’affirmer de manière très visuelle les principales caractéristiques architecturales de l’habitat gaulois du Midi, qui, malgré des données scientifiques à la fois nombreuses et concordantes, restent trop souvent igno-rées, voire contestées : par exemple, l’existence de toits-terrasses. Sur ce plan, la primauté de la terre crue, massivement présente aussi bien dans la construction des murs et de la toiture que dans la finition, les aménagements intérieurs ou le mobilier, se révèle ici déter-minante pour ancrer dans l’esprit des visiteurs des modèles architecturaux et domestiques encore trop peu diffusés. Autre caractéristique commune, le souci de mettre en œuvre des matériaux et des techniques architecturaux que l’on pourrait qualifier d’authentiques et qui, en tout cas, se voulaient les plus proches possible de ceux utilisés à l’âge du fer. par exemple, on n’a employé ni élément métallique dans la charpente, ni matériaux contemporains des-tinés à renforcer artificiellement la solidité ou l’étanchéité des édifices, tels que le ciment, le plâtre ou le polyane, fût-ce en petite quantité ou en position masquée. Fondamentalement, on retrouve à Saint-Pierre la même démarche expérimentale et ethno-archéologique qu’à l’Île de Martigues.

Ici cependant, la démarche est nettement plus affirmée : « produit » en extérieur, le fac-similé est donc soumis à des conditions atmosphériques et climatiques naturelles, non contrôlables. Il pourra de ce fait se prêter à un suivi sur la durée, permettant d’évaluer réellement l’impact de l’usure du temps et des éléments naturels sur les constructions, et, nous l’espérons aussi, d’envisager des solutions architecturales et techniques alternatives pour le rendre durable. Autre différence avec l’Île, la localisation de cette reconstitution : pour être sur l’oppidum de Saint-Pierre, elle ne reprend pas pour autant le tracé d’habitations protohistoriques réelles. Le projet a été mené dans un secteur encaissé, apparemment dépourvu de vestiges conser-vés, et ne s’impose pas de manière forte dans le paysage actuel de la colline. En outre, cet emplacement est proche des bâtiments et lieux voués à l’animation du site archéologique mais aussi du parcours habituellement suivi lors des visites du village gaulois ; cela a favorisé une mise en œuvre étalée dans le temps et pleinement intégrée aux actions pédagogiques. Des « ateliers patrimoine » conduits avec le public scolaire et des chantiers d’insertion profes-sionnelle pour adultes ont donc été tout spécialement sollicités pour la réalisation de cette restitution à l’échelle 1.

résumé

Donald F. Offersrestaurateur en chef

En accord avec les trois axes principaux de notre stratégie de base, la conservation des ves-tiges et des fouilles sont en parallèle avec la recherche et l’interprétation, le but essentiel de la ville romaine d’Augusta Raurica. Augusta Raurica, avec sa tradition ancienne de conservation, met tout en œuvre pour la sauvegarde d’un riche patrimoine culturel pour les générations futures et pour rendre vivante l’histoire en l’interprétant, à travers des animations et des évé-nements, ou des publications à destination du public.

À Augusta Raurica les méthodes de restauration et de conservation sont préférées aux recons-tructions complètes. Plusieurs exemples de projets récents de conservation, de reconstruc-tion partielle et de présentation, d’après des critères internationaux, notre plan général ainsi que notre identité en tant que société, en tant que guide, ont été discutés dans cet article.

La gestion de site est un processus extrêmement important et constant qui exige un per-sonnel qualifié pour la maintenance du site, tant pour les vestiges que pour l’infrastructure d’accueil des visiteurs, telle que le parc de stationnement, les restaurants, les équipements et ainsi de suite. Les ressources pour cela devraient toujours être incluses dans le budget de maintenance à long terme.

Aujourd’hui Augusta Raurica est devenue une importante attraction touristique pour la région. Si l’une de nos tâches principales est de fournir au visiteur les informations les plus pertinentes au sujet du passé en ayant recours à toutes les méthodes à notre disposition, nous devons néanmoins garder à l’esprit que notre devoir principal est d’être les gardiens attentionnés des rares témoignages archéologiques qui ont survécu aux ravages du temps.

la Ville rOmaine D’augusta raurica, à augst (cantOn De bâle, suisse)

abstraCt

Donald F. Offerschief restorator

In accordance with the three main principles of our basic strategy the preservation of the ruins and the finds is, are together with research and interpretation, the major goal of the Roman town of Augusta Raurica. With its long tradition of conservation Augusta Raurica strives to protect the rich cultural heritage for future generations and to bring history alive in interpreting this in the form of educational presentations and publications for the public.

In Augusta Raurica conservation and restoration methods are preferred above complete re-constructions. While most reconstructions are made with the intention of protecting the ob-ject, they are often irreversible, do not always enhance the understanding and may be histo-rically and archaeologically incorrect.

Several examples of recent projects of conservation, partial reconstruction and presentation, using international standards, our general plan and our corporate identity as a guide, have been discussed in this article.

Site management is an extremely important and constant process which requires appropriate staffing for the maintenance of the ruins as well as the infrastructure for the visitors such as parking facilities, amenities, restaurants and so forth. The resources for this should always be included in long term maintenance and budget plans.

Today Augusta Raurica has become an important tourist attraction in the region.

It is one of our major tasks to successfully inform the visitors about the past using all methods available, but at the same time we should bear in mind that it is our main obligation to be the sen-sitive caretakers of the sparse archaeological evidence that has survived the decay of time.

tHe rOman city Of augusta raurica(cantOn Of basel-lanDscHaft, sWitzerlanD)

tHe rOman city Of augusta raurica(cantOn Of basel-lanDscHaft, sWitzerlanD)

Donald F. Offerschief restorator

augusta raurica, in switzerland, is a unique archaeological site in central Europe: no other roman city is so extensively conserved in the protective ground as here

in augusta raurica. today a part lies in augst in the Canton of basel-Landschaft, another in Kaiseraugst in the Canton of aargau. an agreement between the three cantons basel-Landschaft, aargau and basel-stadt secures the care of the site, ena-bling the necessary excavations and the conservation of the finds and the ancient monuments. to this day only one fifth of the city has been excavated and eighty percent of the ruins, covering an area of 106 hectares, still lies intact barely half a metre under ground level. it is the obligation as one of the Head Departments of the ministry of Education, Culture and sport1 (bKsD) in basel-Landschaft to conserve and preserve, to protect, research and interpret all of this to the public. the methods applied in augusta raurica may be an interesting contribution in the discussion for this Colloquium in bèziers.

HistoriCaL baCKgrouND

An inscription on the funerary monument in Gaete in Italy of Lucius Munatius Plancus, gover-nor of Gaul and friend of Julius Caesar, witnesses the foundation of the colonies of Lugudu-num (Lyon) and Raurica. The date of the foundation is thought to be the year 44 BC. The first buildings were erected around 15 to 10 BC under the emperor Augustus, the first name of the new colony was probably Colonia Munatia Felix Appolinaris Augusta Emerita Raurica.

In antiquity, Augusta Raurica with its bridges over the Rhine was the meeting point of two important traffic routes and became an important centre of trade and industry. The routes went from south to north connecting Italy and the Rhineland via the Great St. Bernard Pass, and from west to east between Gaul and the upper Danube and Raetia. In its heyday, around 150-200 AD, the upper and lower parts of the town covered approximately 106 hectares and numbered around 20 000 inhabitants. The majority of traffic of both goods and people between the south and the fortified northern frontier of the empire (limes) crossed the Rhine here. Nowadays, the area of the Roman town is again touched by one of the main motorway axes through Europe which crosses the Rhine 10 kilometres downstream at Basel.

In the middle of the third century AD earth tremors may have destroyed large parts of the flou-rishing town and around 275 AD Germanic invasions or internal civil wars again caused consi-derable damage to the town. Following the destruction of the upper town many inhabitants moved to the lower town by the Rhine. After Roman troops built the fortress in Kaiseraugst (Castrum Rauracense) in around 300 AD, the townspeople shared the benefit of protective fortifications and for several years the Castrum Rauracense was the main base for the Legio Prima Martia which guarded a large section of the imperial frontier.

briEF storyboarD oF tHE CoNsErVatioN

After the collapse of the Roman Empire no large settlement continued here, the capital of the area developed in Basel and the ruins were left to decay over the following centuries. The first and oldest excavations and scientific investigations north of the Alps were begun in the ruins of the theatre by Andreas Ryff and Basilius Amerbach2 as early as 1582. Since 1878 the Histo-

1. Bildungs,- Kultur- und Sportdirektion des Kantons Basel-Landschaft (BKSD).2. Documents of these excavations are kept in the library of the University of Basel.

rical and Antiquarian Society of Basel3 (HAGB) has regularly excavated the site and since 1957 a permanent excavation team has been at work all year round. The HAGB bought the theatre and Schönbühl temple site (Fig. 1) in 1884 with the aim of protecting it from further ruination and use as a stone quarry. In 1935 the Pro Augusta Foundation4 (PAR) was established and together with the HAGB and the Canton of Basel-Landschaft large sections of the Roman city have been bought and placed under protection.

After more than a decade of groundwork, a law5 was at long last passed on the 11th of De-cember 2002 by the Parliament of the Canton of Basel-Landschaft enabling the protection of

3. Historische und Antiquarische Gesellschaft zu Basel (HAGB).4. Stiftung Pro Augusta Raurica (PAR).5. „Gesetz über den Schutz und die Erforschung von archäologischen Stätten und Objekten“, in Archäologiegesetz / ArchG, http://www.bl.ch/docs/recht/sgs_7/793.0.htm

THE ROMAN CITy OF AUGUSTA RAURICA (CANTON OF BASEL-LANDSCHAFT, SWITzERLAND)

David Offers

Fig. 1. The Schönbühl temple complex as it looks today with a view towards Basel. (Photo: Römerstadt Augusta Raurica).

Figure 1

THE ROMAN CITy OF AUGUSTA RAURICA (CANTON OF BASEL-LANDSCHAFT, SWITzERLAND)

David Offers

the complete site including all ruins above and below the ground. With the acceptance of the law, in operation since March 1st 2003, the canton is the first in German-speaking Switzerland which has, by effectively using the law, such an important means of protecting its past.

tHE CoNsErVatioN aND rEstoratioN CoNCEpt

In accordance with the three main principles of our basic strategy, the preservation of the ruins and the finds is, together with research and interpretation, a major goal of the Roman town of Augusta Raurica. The Roman town is well known on a national and on an international level and forms a very important reference for general Roman research. Both the ruins as well as the finds are best conserved by leaving them in the ground, since by excavation they become exposed to weathering, to vegetation growth and pollution and without taking preservation measures would slowly and surely decay. It is our duty to protect the evidence of the past with the best possible methods so that its authenticity and the connection with the historical environment can also be ensured in the future.

In the past decades many excavations have taken place and many monumental ruins have been documented but unfor-tunately destroyed and lost to the public (Fig. 2). From the 1950’s several other ruins such as the Grienmatt temple, the amphi-theatre and the theatre have been restored, but due to outdated restoration methods, these ruins need extra maintenance and have to be repeatedly restored using mod-ern methods available today.

These Roman ruins here are conserved, restored and maintained according to academic principles and standards6 and before each new restoration project ar-chaeological research, damage analysis and documentation needs to take place. In this process it can be specified whether the ruin or monument must be conserved, restored or partially reconstructed. In each

case the main issues to be kept in mind are the respect for the original material substance and long-term preservation of the monument. A restoration plan is drawn up in co-ope-ration with archaeologists, monument conservators, restorers, architects, stone-cutters and craftsmen in which all steps of the process conform to methods and rules laid down in international and national guidelines.

After conservation projects, site management is an extremely important and constant process. This requires appropriate staffing for maintenance of the ruins as well as the infrastructure for the visitors such as parking facilities, amenities, restaurants and so forth. The resources for this are included in long term maintenance and budget plans.

Preventive maintenance and continuous care of monuments guarantees long term conserva-tion. Every three years the condition of all ruins in Augusta Raurica is carefully checked and documented in a damage report. The report is an instrument to determine the restoration priorities. In enables damage to be recognized and treated promptly to prevent the result of extensive damage and in doing so, most importantly, to ensure the safety of visitors.

6. ICOMOS (International Council of Monuments and Sites) the international charters for the conservation and restoration of monu-ments, http://www.international.icomos.org/charters.htm

Fig. 2. The destruction of the Roman retaining walls discovered during the exca-vation “Kastelen” in Augst in 1995 to make place for a new conference building.

(Photo: Römerstadt Augusta Raurica).

Figure 2

THE ROMAN CITy OF AUGUSTA RAURICA (CANTON OF BASEL-LANDSCHAFT, SWITzERLAND)

David Offers

The first large restoration project started in the theatre in 1934 where an attempt was made to conserve the ruin by injecting cement (Fig. 3). Nine years ago the parliament of the Canton of Basel-Landschaft passed a motion to invest in a total conservation and reconstruction pro-ject that will be completed in 2007. The earlier restoration work and the original structure has been severely damaged over the years by weathering from rain, frost, salts, vegetation and incorrect restoration methods like those mentioned above to such an extent that the theatre had become very dangerous to the public. In the past the top of the theatre was even covered by many large trees which caused extensive damage to the original substance. During this restoration project, not every tree has been removed due to evidence that the roots of these specific trees left standing hold the wall core together. In the restoration project a protective layer, so called wall-capping (Fig. 4), of similar limestone has been built over the original ruin. The original Roman wall core has been separated from the wall-capping by a coating of a mixture of lime and sand7 and layers of waterproof Sika MonoTop 107 seal8. The wall-capping, clearly marked with small ceramic tiles in the joints as a separation between the old and new masonry, is constructed using a mortar9 with a hydraulic lime and trasscement base. In 2004 changes of products in the cement industry have caused us to review10 the quality of the former trasscement used and due to problems with salts it became necessary to renew the recipe of the mortar with low alkaline cement from the HeidelbergCement AG in Germany11. Delivery problems of the hydraulic lime in Switzerland has been solved by purchasing a natural lime from the zement- und Kalkwerke Otterbein GmbH & Co, also in Germany. The wall-cap-ping, varying from thirty to sixty centimetres, thus permits moisture to seep through the crown

7. Lime mixture : 1 part hydraulic lime to three parts sand 0/4 mm.8. Sika MonoTop 107 Seal from the Company Sika AG in Switzerland ; (www.sika.ch)9. Recipe old mortar : 30 parts sand 0/4 mm, 18 parts sand 0/8 mm, 9 _ parts hydraulic lime and 7 _ parts trasscement10. Year book of Augusta Raurica, Jahresbericht n° 26, 2004 . Thomas Hufschmid and Ines Horisberge, Matter ; Das römische Thea-ter von Augst : Sanierungs- und Forscungsarbeiten, 2004, p. 136-139.11. Recipe new mortar : 45 parts of sand 0/4 mm, 15 parts of sand 0/8 mm, 14 _ parts of hydraulic lime (natural high hydraulic lime, NHL 5 “hydradur” from the company Zement- und Kalkwerke Otterbein GmbH & Co (http://www.zkw-otterbein.de) in Grossenlüder-Müs in Germany and 7 _ parts of low alkaline cement (CEM II/A-LL 32.5 R-C) from the company HeidelbergCement AG, (http://www.heidelbergcement.com) in Germany.

Fig. 3. Injecting cement in the theatre walls during restoration work in 1934.

(Karl Stehlin Photo: Römerstadt Augusta Raurica).

Fig. 4. Recapping the original walls of the theatre with similar limestone.

(Photo: Römerstadt Augusta Raurica).

Figure 3

Figure 4

THE ROMAN CITy OF AUGUSTA RAURICA (CANTON OF BASEL-LANDSCHAFT, SWITzERLAND)

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and exit through the sides in doing so, it slows down and stops the seepage of moisture into the original sensitive core of the structure.

Unfortunately almost all of the huge seating blocks in the theatre have been removed and reused over the past centuries as building material in the area. The Swiss federal commission for the care of monuments12 together with the Canton therefore decided to partially recons-truct the ancient audience seating as part of the project. It is very important to create a very clear distinction between old and new so in this case no new massive sandstone blocks whe-re used as the difference between old and new sandstone blocks would, after several years of weathering, be undetectable to the public. Therefore in place of massive blocks, stainless steel cages (Fig. 5) filled with fragments of red sandstone with a sandstone slab on top were installed. Even from a short distance the optical result is successful (Fig. 6) and presents a very clear message to the public that this part of the theatre has been reconstructed.

In Augusta Raurica conservation and restoration methods are preferred above reconstruc-tions like those in the neighbouring countries13 of Switzerland. e choose to conserve the ruins by following a sensitive approach which changes as little as possible of the original substance, and by only partially reconstructing in order to make the historical information understandable to the public. The decision whether to use wall-capping or to provide a shelter for exposed archaeological ruins is dependent on the criteria of the protective, aesthetic and interpretive functions. In the case of shelters great care needs to be taken not to do more harm than good; the shelter must protect against further decay and at the same time not dominate over the ruin or monument14, it should fit in the landscape and, if possible, make an educational statement to the public. In his article15 in The Conservation of Archaeological Sites in the Mediterranean

12. Eidgenössischen Kommission für Denkmalpflege (EKD).13. For example, In Germany many roman sites have been reconstructed, see : Hartwig Schmidt, Archäologische Denkmäler in Deutschland, rekonstruiert und wieder aufgebaut, Theiss, 2000.14. More about this theme in the article by Neville Agnew : “Methodology, conservation criteria and performance evaluation for archaeological site shelters”, in Conservation and management of archaeological sites (special issue on protective shelters), vol. 5, n° 1 & 2, James & James, 2001.15. Hartwig Schmidt, “Reconstructions of Ancient Buildings”, in The conservation of archaeological sites in the Mediterranean region : an international conference organised by the Getty Conservation Institute and the J. Paul Getty Museum, 1995.

Fig. 5. Reconstruction of the audience seating in the theatre using stainless steel cages filled

with fragments of red sandstone with a sandstone slab on top.

(Photo: Römerstadt Augusta Raurica).

Fig. 6. The theatre as seen from the Schönbühl temple complex. The overall optical effect

of the new audience seating, even from a short distance, is very successful.

(Photo: Römerstadt Augusta Raurica).

Figure 5

Figure 6

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Region Hartwig Schmidt concludes: “Reconstruction falls in the realm of tourist attractions, and as such should not be part of archaeological sites. Activities on authentic sites should be restricted to measures that preserve historic buildings and monuments : conservation, restoration and anastylosis16. Only these practices can ensure the unaltered preservation of the historical remains, thereby safeguarding their integrity as authentic records of history. In addition to yielding important scientific data, archaeological sites bear witness to the transitory nature of all human creations. The handling of ruins, therefore, should respect their nature. The presentation should be responsible and modest and incorporate signs of aging. Archaeo-logical practices should try to achieve a long-lasting conservation. They should not aim for sensational presentations as a means to attracting visitors.

In 1955 Dr. René Clavel, the founder of the chemical industrial company Ciba Geigy, collected and donated funds to build the authentic reconstruction of a Roman house and business pre-mises (Fig. 7). This full-scale reconstruction remains an exception in Augusta Raurica. While it does not reconstruct a specific Roman building, it is based on archaeological excavations in Augst and has a huge educational value for its many visitors to this day. Where a costly renovation is not justifiable the option of reburial as a conservation method should be consi-dered. The three pottery kilns constructed in the 2nd and 3rd century AD at the south end of the city and excavated in 1968/69 were protected by an entirely enclosed shelter, accessible to the public. Unfortunately extreme moisture seepage coming from under the kilns could not be controlled and over the years the kilns were threatened by total collapse. Total excavation and destruction of all three kilns with the possibility of reconstructing them, or the reburial of the kilns in their present state were the only feasible options left. We opted for reburial which keeps the possibility of later restoration open and which ultimately cost a fraction of the other option of excavation and reconstruction. The kilns were first covered by a synthetic fleece and filled in with 40 m3 of fine gravel. A concrete floor was constructed over this one- to three- metre layer of gravel and the shelter is used today as a storage room.

Another example, in this case a temporary conservation method, took place in the month of August 2005 at a rescue excavation caused by a private building project near the Forum. Unexpectedly the ruins of a Roman town villa were uncovered and as the scientific value of this site is considerable the Canton of Basel-Landschaft voted to withdraw the building permit and to conserve instead of to destroy the site. As it will take several years to obtain govern-mental funding and develop a restoration and presentation concept, it is absolutely necessary to protect the ruins from the elements by temporary reburial. The ruins of the villa were cove-red with 900 m3 of fine clean sand (Fig. 8), in this case without using a separating layer, as negative experiences with the forming of fungus and algae have occurred in past reburials. To complete the short- to long- term protection a 40 cm layer of earth was applied above the sand in which grass has been planted to form a moisture and frost buffer until re-excavation can take place.

tHE protECtioN

Several spectacular ruins were preserved in the 1980’s using enclosed protective shelters, such as the brick & tile works and the trading house (Fig. 9), both in Kaiseraugst. These very different shelters were not built according to a general concept, they dominate over the ruins and present many maintenance problems today. In 1995 a concept was born which has been further developed as the standard corporate identity of Augusta Raurica for protective shel-ters. A decision concerning open shelters over several ruins was reached and this opportunity was taken to define a general concept which could be used for the coming decades.

The first shelter was built over the remains of a room with hypocaust belonging to a luxurious residence found in Violenried near the Curia (Fig. 10). The remains of the walls were excava-ted during military fortification works in 1940 and were restored and partially reconstructed

16. Explained by Hartwig Schmidt, ibid., as the working method of Nicolaos Balanos at the re-erection of the Acropolis in Athens.

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Fig. 7. The full-scale reconstruction of the Roman house and business premises next to the museum of Augusta Raurica. (Photo: Römerstadt Augusta Raurica).

Fig. 8. Reburial of the ruins of the Roman villa, discovered in 2004 in Augst, as a temporary conservation method until re-excavation is necessary. (Photo: Römerstadt Augusta Raurica).

Fig. 9. The shelter over the Roman trading house built in 1985 in Schmidmatt in Kaiseraugst. (Photo: Römerstadt Augusta Raurica).

Fig. 10. The shelter built in 1995 over the remains of a room with hypocaust belonging to a luxurious residence. (Photo: Römerstadt Augusta Raurica).

Figure 10

Figure 9

Figure 8

Figure 7

in 1945. The walls, surviving in parts to a considerable height, were probably part of a dining room with a hypocaust heating system. In 1995 the ruins were in a very bad state due to in-tensive weathering damage. The only way to protect and conserve the ruin was to recap the walls and to build an open shelter generously covering the area above the room.

Out of this first attempt to protect against the elements in 1995, a choice of colours and mate-rials were developed and again used in 1998 in a second open shelter over the reconstructed stone seating of the council meeting room of the Curia or town hall on the Forum (Fig. 11). The large roof shelter was not built to protect the reconstructed stone seating but to solve the pro-blem of massive rain leakage through the concrete roof into the basement which is a original Roman structure and which is used to display several large mosaics excavated in the 1970’s.

gENEraL pLaN For tHE prEsENtatioN

In 2002 a general plan17 was created as an instrument to handle all aspects of our obligations and responsibilities to protect and preserve, research and interpret the Roman town, as well as our future plans and vision for Augusta Raurica and a new museum. The general plan also functions as a tool box for our corporate identity defining the corporate design for the shelters mentioned above, our own letter type, the Augusta Raurica logo, a standard for the signposting at all the ruins, information panels and a guiding system around the open air park. In the general plan a standard has been set for the natural building materials to be used for monument restorations such as limestone masonry, sandstone and tuff.

17. Alex R. Furger, Gesamtplanung für die Römerstadt Augusta Raurica, 2002.

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Fig. 11. The shelter built in 1998 over the reconstructed stone seating of the council meeting room of the Curia or town hall on the Forum. (Photo: Römerstadt Augusta Raurica).

Figure 11

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To create a better understanding of the monuments for our visitors we make a strict distinc-tion between original substance, restorations and partial reconstructions on the one hand, where natural materials are used, and modern infrastructure on the other hand, whereby steel, concrete and wood are used for example for shelters, walkways, retaining walls and, for example, the buildings for stables at the animal farm.

To protect the visitors the ruins must be secured by railings. A Roman-style railing should only be used when incorporated in the Roman ruins and in all other cases a modern railing is the only standard option to be used as a safety measure.

A guideline for the use of lawns, small trees, bushes and hedges together with all types of ma-terials like gravel, marl, etc to mark the underground Roman structures has also been defined in the general plan.

In his article18 in The Conservation of Archaeological Sites in the Mediterranean Region Renée Sivan sums up very well what should be understood under the term presentation.

The presentation of a site should aim to bring history to life by use of the remaining archaeo-logical evidence. And, at the same time that it portrays the reality of the past, the presenta-tion should allow visitors to grasp the effect of time by creating direct visual contact with the site. In other words, the presentation should enable visitors to become evolved with, and to communicate with, the ruins and to gain a sense of their meaning. Every site is unique, both in its present and past realities The appropriate interpretation depends on the physical evi-dence that has survived. A successful presentation that is accurate, sensitive and attractive takes into consideration the size of the site, its physical importance, and its aesthetic value. A professional, after evaluating these elements, must make decisions about the message that should be conveyed, the story that should be told and the methods that will best allow this to be achieved.

Augusta Raurica, due to its size and nature, presents a wide range of information and many educational opportunities to the visitors, mainly families and school children, who number approximately 150’000 every year.

Several ruins like the bakery and sentry post and their presentation have already been dis-cussed in this article.

Furthermore with the help of well-edited pamphlets, efficient signposting and interpretive pa-nels, discovering the extensive site is made easy for all ages.

Many other forms of presentation are made available to all segments of the public ; here are just a few examples ;

- The silver treasure, an important and interesting find, can be “seen” underground at the spot where it was been found using a “periscope” and 3-dimensional photograph (Fig. 12).

-Teachers, using the educational rucksack (Fig. 13), have the opportunity to handle replicas of important finds with their pupils at their exact find spots or at related monuments in the archaeological park.

- There are many workshops available for groups, including the ceramic, silver treasure or bread baking workshops...

- Schools can apply for one of the four loan boxes to be sent by mail to the school, where pupils can handle and learn about original or replica Roman objects with the aid of educational materials.

- In the “Roman” farm animal park you will find a two-storey pavilion with a small exhibition on trade, transport and Roman agriculture. Upstairs on the first floor the pavilion has two large windows : one looks out on to the restored east gate and the other on to the funeral

18. Renée Sivan, “The presentation of Archaeological Sites”, in The conservation of archaeological sites in the Mediterranean region: an international conference organised by the Getty Conservation Institute and the J. Paul Getty Museum, 1995.

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monument. From a marked point you will see, at the intersection of the window and the wall, a seamless transition from the excavated and restored east gate or funeral monument into the artist’s reconstruction painted on the inside walls of the pavilion.

- In cooperation with the tourist office in Basel19 it is possible to book tours for groups and individuals in the museum or around the Roman city. It is also possible to book costumed “interpreters” (Fig. 14) for a historical tour around Augusta Raurica.

- Our homepage20 on the Internet is an important source of information and is partly translated into English and French. All 420 interpretive panels21 from around the site translated in two or three languages have also recently been made available on the homepage.

- The Roman festival which takes place every year on the last weekend in August is a huge success (Fig. 15) and a PR-event which ensures that Augusta Raurica is well known far over the borders into France and Germany. In 2005 we reached our highest record with 27’500 visitors.

CasE stuDy (1) : tHE oNE-to-oNE rECoNstruCtioN

A first case study has become educational highlights in our museum park : the Bath-house with underground well-house.

During a rescue excavation in the north-east othe town centre a private bath (balnea) was disco-vered. The bath was built towards the end of the 2nd century and like most baths had three rooms which were heated by the warm air heating system (hypocaust). In 1998 the excavation brought a strange object to light, covered with yellow clay, with three openings. Visual inspection with

19. http://www.basel.ch/de/tourismus_freizeit/fuehrungen.html20. www.augusta-raurica.ch21. http://www.bl.ch/docs/kultur/augustaraurica/reise/plan_infotafeln.htm

Fig. 12. The silver treasure, an important and interesting find, can be “seen” underground at the spot where it was found using a “periscope” and 3-dimensional photo. (Photo: Römerstadt Augusta Raurica).

Fig. 13. Teachers, using the educational rucksack, have the opportunity to handle replicas of important finds with their pupils at the exact find spots throughout the whole archaeological park. (Photo: Römerstadt Augusta Raurica).

Figure 12 Figure 13

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a camera probe revealed a domed room, a well-house which had not been entered for over 1700 years. As the debris was cleared from the vault, evidence came to light of what may have been a historical murder story or execution for crimes rendered, as no fewer than five human skeletons were found. Also, scattered amongst the skeletons in the well and the vault, 6000 small clay moulds were found which were used in the first half of the 3rd century AD to cast large quantities of counterfeit coins. The structure was built around the 1st century AD and consisted in the first phase of a tunnel at least 11 metres long (Fig. 16) ending in a roughly egg-shaped ground plan with a diameter of about 3.5 metres seven metres under ground level. This was built like a Roman cellar, with large wall niches and shafts from ground level for light and air.

A few generations later, the structure was considerably altered in connec-tion with the construction of the large privately-owned bath-house im-mediately adjacent to it by replacing the roof with a tuff vault. The well shaft we see today is around 12 metres deep and reaches ground-wa-ter, which chemical analysis has shown even today has a high sulphur content but a fairly low level of calcium carbonate which is especially rare for this region. Water containing sulphur has been attributed with healing properties since antiquity and this may have been the reason for building such an expensive construction to contain the spring.

Excavating from 1997 until 1999, the Roman bath-house with the underground well-house was restored and opened to the public in August of the year 2000. Instead of building a protective shelter the decision was made to cover the original foundations, like the thea-tre, with a protective layer of limestone. The original Roman walls of the bath-house have been separated from the approximately 1metre high wall-capping by a coating of a mixture of lime and sand and the waterproof layer. The wall-capping uses the mortar mentioned above in the theatre restoration project and is clearly marked with

Fig. 14. It is possible to book, in cooperation with the tourist office in Basel, “interpreters” to make

a historic tour on location in Augusta Raurica. (Photo: Römerstadt Augusta Raurica).

Fig. 15. Dancers performing for the visitors during the Roman Festival, an event that takes

place on the last weekend of august every year. (Photo: Römerstadt Augusta Raurica).

Fig. 16. The entrance to the eleven metre long tunnel leading to the underground well-house.

(Photo: Römerstadt Augusta Raurica).

Figure 16

Figure 14 Figure 15

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small ceramic tiles in the joints between the old and new masonry. The well-house and well-shaft have been amazingly preserved and only small repairs of the masonry were necessary above the niches where the planks had rotted away.

Furthermore, to make the well-house understandable und presen-table (Fig. 17) to the visitor the wooden planks have been res-tored in the three niches with oak and pine in accordance with research done on the original, partially intact planks, which were found during the excavation. A fibreglass lighting system has been integrated in the thirty centimetre raised floor in which, to ensure moisture transportation, the same mortar was used as for the ma-sonry restorations. For the safety of the visitor the slanting floor in the tunnel and vault has been cast with course gravel to remove the danger of slipping and the well shaft has been fenced off with a railing and a grid has been placed over the well-shaft itself. Un-fortunately experience has taught us that the entrance to the well-house must be locked every evening. Because we do not want the public to access the well-house through the ruins of the bath-house a walkway was constructed leading to a concrete stairway down to the well-house. To make the functions of the bath-house more understandable to our visitors the rooms that were heated in Roman times are marked by orange crushed tiles and according to the guidelines of the general plan all other rooms are marked with dark grey crushed stone. Because the view from the walkway beyond the bath-house into the storage yard of the neighbouring construction company is very distractive, a decision was made to place a 36 x 7 metre screen showing the buildings adjoining or attached to the bath-house in Roman times (Fig.18) that were destroyed after the excavation.

Fig. 17. The well-house and well-shaft has been ama-zingly preserved. (Photo” Römerstadt Augusta Raurica).

Fig. 18. The large screen showing the destroyed Roman buildings adjoining the bath-house with the

conserved walls of the bath-house in the foreground. (Photo: Römerstadt Augusta Raurica).

Figure 18

Figure 17

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The one-to-one reconstruction in this case took place in the computer where pictures of ani-mals from our Roman animal park and colleagues in Augusta Raurica and their family have been integrated in this everyday scene. Information panels are kept as simple as possible as three languages are used and the explanations must be as short as possible.

CasE stuDy (2) : tHE baKEry aND tHE sENtry post, a NEW buiLDiNg

In 1965 there were plans to build a house on this site beside the theatre. The rescue excava-tion, however, brought to light unexpectedly rich finds and the ruins of what was thought to be a tavern with the best preserved oven north of the Alps. Thanks to the cooperation of the de-velopers, this building plot could be exchanged for another and the archaeological site saved for preservation. In Roman times, a massive retaining wall had to brace against the thrust of the street (Heidenlochstrasse) leading up the slope to Kastelen Hill and at the foot of this wall a row of small houses were built using limestone masonry on the ground floor and wattle and daub walls on the upper floor. Over the years the buildings were used in different ways and from about 250-270 AD several had ovens for bakeries. One of these is the oven discovered during the excavations of 1966-1967. The bread from these ovens was possibly destined for the military stationed in Augusta Raurica during times of trouble in the late third century AD.

Around 275 AD the building was destroyed by a large fire. During the excavation among the many objects found in the ashes were four little bronze statues belonging to a house altar, a so-called Lararium : a Minerva, two of Mercury and a dwarf. Furthermore many parts of weapons, not complete sets of equipment but collected parts of three swords, sheaths and spear points, were discovered in the ashes. It is therefore assumed that the floor above the bakery served as a sentry post and a storage for weapon parts for a small detachment of military troops.

More than 35 years after the discovery, the oven and hearth next to it were in an alarming state and needed desperately to be newly restored. The oven had been badly damaged over a long period by wasps that had built their nests in the clay wall of the oven and the total complex was badly affected by moisture seepage. In 2001 the area around the oven and hearth was removed and replaced by a waterproof concrete layer, the hearth was re-pointed with a lime-based mortar and the whole oven covered with a new 10 cm layer of exactly the same clay used to build the original oven, found not more than 20 metres away during an excavation in the Giebenacherstrasse.

The enclosed protective shelter (Fig. 19) built over the complex in 1967 was very outdated and of course did not fit in our new concept anymore. In particular it did not make it easy to see nor to understand what historical information was being interpreted. In 2002 we took the opportunity to make a clearer presentation of this particular ruin to our visitors while preserving as far as possible the authenticity of the structure. A team in Augusta Raurica consisting of archaeologists, a monument conservator, the museum conservator, a museum specialist and an architect worked together to ensure that a maximal interpretation of the bakery and sentry post could be reached, a interpretation which, of course, also fits into our general concept.

The old roof of the shelter and the iron gate were removed and a waterproof foil was placed underground along the whole west wall (“the weather side”) where most of the moisture had entered the structure in the past. The walls were raised with limestone an additional 2.1 me-tres and a new flat roof was covered with grey crushed stone and two “sentries” were placed as silhouettes representing the fact that this actually was a second floor (Fig. 20) rather than a roof in Roman times.

In order not to confuse the visitor by the presentation of different periods a hypocaust in the back of the shelter belonging to an earlier period than the oven was filled with gravel and sea-led off with a layer of mortar.

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Fig. 20. The new presentation of the ruins built in 2002 with the two “sentries” placed as silhouettes interpreting the fact that this actually was a second floor rather than a roof in Roman times. (Photo: Römerstadt Augusta Raurica).

Fig. 19. The outdated shelter built over the Roman bakery in 1967. (Photo: Römerstadt Augusta Raurica).

Figure 20

Figure 19

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During the excavation in 1967 the remains of a wall were found directly behind the oven and a part of this wall has been reconstructed to show how such wattle and daub walls were built in Roman times.

We can only guess what the Lararium looked like, so the house altar has been reconstructed using modern materials to display replicas of the four statues (Fig. 21) found approximately at this spot.

Before the renovation of the shelter hardly any visitors took the effort to climb down the stairs to the iron gate to look at the oven. To awaken the interest and curiosity of the visitor in the new presentation a walkway leading from the street downwards and a platform above for disabled visitors, including those in wheelchairs, has been placed so that the visitor can get closer to the oven and displays.

A new lighting system highlights the objects of interest and is used to point out an original Roman light shaft built into the back wall. During the excavation necessary for the renovation of the shelter in 2002 it was discovered that the Roman wall facing the street was built of wattle and daub on a foundation of limestone and not, as assumed, the front of a tavern with sliding wood panel doors. This is the reason why the name of the ruin has been changed from “Tavern” to “Bakery and Sentry Post”.

Fig. 21. The remains of a wattle and daub wall were found directly behind the oven and have been partly recons-tructed. Behind the walkway, on the right the house altar also has been reconstructed using modern materials displaying replicas of the four statues found approximately at this spot. (Photo: Römerstadt Augusta Raurica).Figure 21

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A modern retaining wall was built backing onto the street and on this a painting presents the original wattle and daub wall with a doorway and window through which the theatre in Roman times can be seen in the background.

Nearby a reconstruction of the bakery oven has been built for educational purposes under the ancient retaining walls of the Schönbühl Temple where it is possible as a group to grind your own flour and bake your own Roman bread. This is very popular with school classes and is mostly fully booked for the whole season.

CoNCLusioN

The methods discussed above are just a few examples of the possibilities for presenting and interpreting an archaeological site. And as Renée Sivan puts it in conclusion of his article : “the available solutions are as wide-ranging as human imagination and creativity, and new tech-nologies are continually increasing the choices. Even so, regardless of technology, creativity, and innovation, a presentation should not impinge upon the integrity of a site. It is important not only to interpret the past but also to protect the archaeological heritage, leaving it intact for the benefit of future generations.”

All the text used in the article and for the photos belongs to the corporate identity of the Römerstadt Augusta.

résumé

David A. Rousseauprofesseur honoraire, doctorant en archéologie, UMR 7041 Nanterre, Paris-I-Panthéon-Sorbonne

Depuis le xviiie siècle en Europe, des centaines de villae romaines ont été fouillées mais seules quelques-unes sont ouvertes au public. Or si en Italie, au début du xixe siècle, certaines des plus luxueuses villae étaient déjà connues depuis la Renaissance, aucune n’était dans un état de présentation acceptable pour accueillir des visiteurs. Cependant, en Grande-Bre tagne, une villa située à Bignor dans le Sussex, fut ouverte aux « touristes » dès 1814, avec un tour guidé comprenant quatre mosaïques figuratives logées dans des bâtiments de protection, ainsi que des murs extérieurs. On pouvait également faire l’acquisition d’un guide (papier) et de gravures représentant le site. Quatre autres villae restaurées avec des sols pavés furent ouvertes au public, un peu plus tard, au xixe siècle. À Chedworth, dans le Gloucestershire, le premier musée de site fut ouvert en 1864. Quatre autres villae furent ouvertes en Suisse et en Allemagne au cours des années 1830 et 1840. Vers la fin du xixe siècle, toute une gamme de présentations de site avait été expérimentée, sauf une : la reconstruction des villae sur leurs fondations romaines. Bien que les reconstructions graphiques et les modèles fussent chose commune avant le xxe siècle, ce ne fut que dans les années 1980, dans la région allemande de Trier (Trèves) que l’on vit les deux premières villae partiellement reconstruites à l’échelle 1/1. Deux autres furent construites de la même manière au début des années 1990 dans le Bade-Wurtemberg ainsi qu’en Bavière. L’exploit ultime, la reconstruction d’une villa entière sur ses fondations originales, est décidé par les concepteurs de la villa Borg dans la Sarre. Cela comprend non seulement la reconstruction des murs et des toits mais aussi toute la décoration intérieure, dont les peintures murales de style romain, les sols pavés de marbre sans oublier de grands jardins. Cette option est très hypothétique ; elle est critiquée par de nombreux archéologues. Cependant, pour répondre à la demande d’un public habitué aux reconstructions numériques, certains compromis sont envisagés.

la PrésentatiOn au Public Des VILLAE rOmaines : Des ruines aux recOnstitutiOns IN SITU

abstraCt

David A. Rousseauformer professor, researcher in archaeology, UMR 7041 Nanterre, Paris-I-Panthéon-Sorbonne.

Since the 18th century, hundreds of Roman villae have been excavated in western Europe but only a few are open to the public. Whereas in Italy at the beginning of the 19th century some of the most luxurious villas had been known since the Renaissance, none were in a satisfactory state of presentation to welcome visitors. However, in England, a villa at Bignor in Sussex opened to “tourists” in 1814, offering them guided tours which included viewing four figurative mosaics under protective buildings and some external walls. They could also buy a guide book and engravings of the site. Four other restored villae with pavements were open to the public, at a later date, in 19th century England. In Chedworth, Gloucestershire, the first site museum was opened in 1864. Four other villas opened in Switzerland and Germany during the 1830s and 40s. By the end of the 19th century, a whole range of site presentations had been tried.

All of them but one: the reconstruction of villas on their Roman foundations. Although graphic reconstructions and models were common before the 20th century, it was only in the 1980s, in the Trier region of Germany that the first two villae were partly reconstructed on a 1/1 scale. Two others were built in the same way at the beginning of the 1990s in Baden-Würtemberg and in Bayern. The ultimate achievement, the reconstruction of an entire villa on its original foundations, was taken by the planners of the Borg villa in Sarrland, Germany. This involved not only the rebuiding of walls and roofs but also of the entire interior decoration including wall paintings in the Roman style, marble pavements and extensive gardens. This option, consi-dered as very hypothetical, is frowned upon by many archaeologists. However, to answer the demand of a public accustomed to computor-generated reconstructions, new compromises are being made.

tHe rOman VILLAE: a PresentatiOn tO tHe Public

la PrésentatiOn au Public Des Villae rOmaines :Des ruines aux recOnstitutiOns IN SITU

David A. Rousseauprofesseur honoraire, doctorant en archéologie, UMR 7041 Nanterre, Paris-I-Panthéon-Sorbonne

Cette communication présente deux moments de l’histoire de la mise en valeur des villae romaines d’Europe : le xixe siècle, au cours duquel en angleterre, en suisse

et en allemagne la plupart des modes de présentation des vestiges ont été utilisés sinon inventés ; la période de 1950 à nos jours, où, dans les pays germaniques prin-cipalement, certains tabous concernant les reconstitutions en grandeur réelle ont été progressivement brisés. Ce concept n’emporte pas l’approbation de tous, mais, sous la pression d’un public habitué aux restitutions informatiques, des réalisations se pour-suivent tout comme la recherche de solutions moins destructrices.

si certaines villae de Campanie, des environs de rome et de la région des lacs étaient reconnues et visitées depuis la renaissance, ce n’est qu’à partir de la fin du xviiie siècle ou du début du xixe siècle que des villae romaines ont été aménagées en vue d’une ouverture au public. je vais d’abord m’efforcer de montrer ce que les premiers « anti-quaires » et parfois de simples amateurs ont accompli pour inciter le public à venir vi-siter des ruines arasées, discrètes et marginales, pour l’aider à les comprendre et à les visualiser. Ensuite, je détaillerai ce qui se fait actuellement en matière de présentation au public, plus particulièrement les « restitutions en grandeur réelle », ce que, dans ce contexte, j’appelle généralement « reconstitutions1 ».

LE xixe sièCLE Et « L’iNVENtioN DE La vIllA romaiNE2 »

Les grandes villae romaines d’Italie présentaient jusqu’au xviiie siècle des ruines impression-nantes par l’élévation des murs et par la qualité des éléments décoratifs. Un public choisi s’y promenait, parfois accompagné d’un « cicerone », méditant sur la fragilité des civilisations. On les visitait certes, mais elles n’étaient pas vraiment mises en valeur. Les choses changent au début du xixe siècle. Chateaubriand, en 1803, parle de la villa Adriana comme d’un « dédale de ruines entrecoupées de jeunes taillis3 ». Vingt-cinq ans plus tard, à Rome, il note : « On s’occupe beaucoup des monuments croulants ; on les appuie ; on les dégage de leurs plantes et de leurs fleurs ; les femmes que j’avais laissées jeunes sont devenues vieilles, les ruines se sont rajeunies4. » Ce rajeunissement se faisait au prix de consolidations, de restaurations aujourd’hui peu lisibles – tout comme risquent de le devenir certaines restaurations récentes –, au point de tromper le touriste peu attentif. Cependant, l’Italie reste un cas particulier auquel je ferai peu référence. À quelques exceptions près (São Cucufate au Portugal par exemple), les villae romaines fouillées dans le reste de l’Europe occidentale présentent des murs très ara-sés ; paradoxalement, ce sont ces dernières qui ont été aménagées pour le public en premier et cela aux confins de l’Empire.

1. Gardant le mot restitution pour les réalisations non construites, dessins, maquettes et images numériques. Voir Le Trésor de la langue française informatisé, Atilf-CRNS-université de Nancy, dictionnaire en ligne, rubrique « Archéologie » qui propose : pour le mot restituer « en partic. représenter à l’aide d’un plan ou d’une maquette l’état présumé d’une construction actuellement en ruines ou disparue » ; pour le mot reconstituer, « reproduire quelque chose appartenant au passé, le rétablir dans sa forme originale, à l’aide d’éléments nouveaux, de recherches diverses. Reconstituer un monument ».Voir aussi, Jean de Vigan, Dicobat, Paris, 1996.2. Titre emprunté à Pinon, 1982.3. Hersant, 2003, p. 92.4. Hersant, 2003, p. 960.

Les villae anglaises

C’est en effet en Angleterre que les premières villae fouillées ont été, à proprement parler, mises en valeur5, la plus ancienne étant celle de Bignor, dans le West Sussex, à 16 km au nord-est de Chichester, où une première mosaïque a été dégagée en 1811. C’est pour la protéger des pilleurs et des vers de terre accusés de « désolidariser les tesselles » que la décision a été prise d’édifier une construction en pierre recouverte d’un toit de chaume6 (fig. 1). Cinq « pavillons » ont été ainsi construits au fur et à mesure de la mise au jour de nou-velles mosaïques. Les premiers visiteurs ont été accueillis dès 1812 et encore plus officielle-ment à partir de 1814 avec la tenue d’un visitors’ book puis, l’année suivante, la vente d’un guide rédigé par Samuel Lysons et des gravures du site. Ces premiers touristes faisaient par-tie de l’intelligentsia locale mais aussi londonienne ; leur nombre a été tout de suite important : il y eut près de mille « entrées » dans le livre en 1814 ; or chaque entrée représentait un groupe ou une famille ; on peut donc estimer ce nombre à environ 2 000 à 3 000 visiteurs.

5. Pour les villae anglaises, voir : Mac Key, 1975-1998 ; Todd, 1978 ; La Bédoyère, 1993. Pour les mosaïques Witts, 2005.6. Steer, 1966.

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Fig. 1. Bignor. Gravure du xixe siècle, sans date ni signature, représentant les quatre premiers pavillons du site (photo D. A. Rousseau, gravure Bignor Villa).

Figure 1

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Dans ce premier exemple, le choix de la conservation et de la mise en valeur, bien que pris dans l’urgence, est encore à ce jour l’un des modèles les plus suivis dans l’Europe entière : présentation in situ des mosaïques ; respect des murs antiques à l’intérieur du bâtiment ; ac-cueil de visiteurs payants, comptés, pour une visite guidée et enfin vente de produits dérivés. Propriété d’une même famille de petits fermiers locaux, la villa est toujours en grande partie présentée de la même manière (fig. 2). Une charpente a été remplacée, les artefacts éparpillés dans les diverses pièces ont été réunis dans un musée de site en 1960 et la longue mosaïque géométrique de la véranda a été dégagée à nouveau et couverte en 1974. Ce site ancien est maintenant quasi intouchable ; les cinq pavillons et leur charpente, deux fois centenaires, sont devenus un patrimoine aussi important que les vestiges romains.

En Angleterre, plusieurs autres villae ont été mises au jour à l’instigation du même Samuel Lysons, un des grands antiquaires de son temps qui joua, jusqu’à sa mort en 1819, le rôle de conseiller auprès du fouilleur local. Deux de ces villae ont été ouvertes au public en 1817-1818 : celles de Great Witcombe (Gloucestershire) et de North Leigh (Oxfordshire). Contrairement à ce qui s’était fait à Bignor, les mosaïques ont été réenfouies ou déposées ; en revanche, la mise en valeur s’est étendue à l’ensemble des vestiges immobiliers de la villa. Sites mineurs pour l’English Heritage qui en a maintenant la gestion, ces villae sont toujours présentées de

Fig. 2. Bignor. Vue arrière du pavillon de la mosaïque « Vénus et les gladiateurs ». État d’origine ; le chaume est remplacé tous les cinquante ans environ (photo D. A. Rousseau).

Figure 2

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la même manière : en accès libre et en plein air. On fait assez peu d’effort pour les promouvoir, mais elles bénéficient surtout de la proximité de sentiers de randonnée. Depuis les années 1970, quelques mosaïques ont été replacées sous des pavillons.

Une autre villa, celle de Chedworth (Gloucestershire), a été fouillée dans les années 1860. Gé-rée depuis 1923 par le National Trust, cette grande villa en U est intéressante à plus d’un titre. D’abord, elle réunit les deux types de mise en valeur décrits précédemment : mosaïques des pièces à vivre et des bains abritées dès le début sous quatre pavillons, ensemble des murs pré-senté en plein air. Avec 60 000 visiteurs, c’est l’un des sites les plus actifs et les plus visités en Angleterre. Cependant, sa grande originalité est la création en 1865 d’un musée, toujours en place et très peu modifié, à l’intérieur comme à l’extérieur (fig. 3). Il présente, sous des vitrines en pupitre, divers objets, dont des éléments architecturaux et de nombreux outils artisanaux ou agricoles. Avec celui de la villa Adriana, à Tivoli (aménagé à la fin du xviiie siècle), ce musée est, pour les villae du moins, le plus ancien musée de site existant en Europe.

La dernière villa anglaise mise au jour au xixe siècle a été celle de Brading, sur l’île de Wight, en 1880. La présentation sous un bâtiment unique est due à la répartition des divers édifices sur trois côtés d’une cour centrale et au plan compact de la partie résidentielle, composée de sept pièces. Certains vestiges ont été réenfouis, d’autres sont présentés en plein air ; mais sous ce vaste hangar métallique on pouvait voir toutes les pièces de la pars urbana, mosaï-quées ou non, et les objets mis au jour lors des fouilles, exposés dans des vitrines ou accro-

Fig. 3. Chedworth. Les constructions victoriennes : de petits toits sur les murs antiques – une solution originale pour les protéger. À l’arrière-plan, à gauche de la maison à colombages, le musée de site ouvert en 1864 (photo D. A. Rousseau).

Figure 3

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chés aux murs, principalement dans les pièces sans pavement. De larges passerelles en bois permettaient la circulation du public. Ce type de présentation connaît un regain de faveur de nos jours. Du reste, en 2004, après des dommages causés par des inondations, le « hangar » de brading a été détruit et remplacé, grâce à un financement de la loterie nationale, par une nouvelle structure. Les vestiges ont été présentés dans une muséographie nouvelle, mais le concept du « tout-en-un », amplement complété, a été conservé.

Les villae en suisse et en allemagne

Quatre autres villae ont été aménagées, en Suisse et en Allemagne, entre 1830 et 18747. Dans celles d’Orbe (canton de Vaud) et d’Otrang (au nord de Trèves, en Rhénanie-Palatinat), toutes les deux fouillées dans les années 1840, les mosaïques ont été protégées sous des pavillons de style local, comme en Angleterre. Dans les deux autres cas, les mosaïques se voient sous des bâtiments de protection à l’antique construits en 1830 : à Zofingen en Suisse alémanique, les mosaïques géométriques, dont les archéologues savaient qu’elles apparte-naient à une villa, ont même été présentées sous des temples antiques qualifiés de « grecs » dans les dépliants touristiques car ils n’ont pas de podium (fig. 4). Ce style unique est dû à la méconnaissance des données historiques qui caractérise cette époque de reconstruction, et à la vogue du néoclassique européen censé donner de la solennité à cette découverte. À Nennig (Sarre), la grande et très célèbre mosaïque des Jeux du cirque a été restaurée et pré-

7. Peut-être cinq : à Avenches (canton de Vaud), une mosaïque d’une villa suburbaine était visible à la fin du xviiie siècle dans une construction appelée « le palais de derrière la tour » que Goethe a visitée en 1779. Elle fut détruite par la suite – information donnée lors du colloque par Pierre André, pour laquelle j’attends des détails sur le degré de mise en valeur.

Fig. 4. zofingen. Les deux « temples grecs » (photo D. A. Rousseau).Figure 4

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sentée en 1874 sous un vaste bâtiment dont le style rappelle celui de la basilique de Trèves, restaurée à la même époque, et dont l’architecte s’est très probablement inspiré. On est loin, certes, des reconstitutions actuelles, mais ne s’agit-il pas de premières tentatives ?

Il est intéressant de remarquer qu’à l’exception de Brading la présentation de ces villae n’a, pour ainsi dire, pas été modifiée. Cela entraîne pour les conservateurs actuels quelques états d’âme et cependant la plupart de ces sites, à part great Witcombe, North Leigh et orbe pour diverses raisons, sont encore très visités. On voit bien aussi que c’est au cours du xixe siècle, et dans ces trois pays, que la plupart des types d’aménagement ont été utilisés sinon inven-tés : la présentation des mosaïques in situ sous des bâtiments de protection, celle des vesti-ges immobiliers en plein air et celle des artefacts dans des musées de site. On y voit aussi, en germe, des aménagements qui se développeront beaucoup plus tard, à la fin du siècle suivant, à savoir la présentation d’artefacts parmi les vestiges, sous le bâtiment de protection qui couvre la pars urbana, et enfin l’aspiration à reconstruire des monuments antiques, préfi-guration timide des reconstitutions modernes.

L’émErgENCE DEs rECoNstitutioNs

Le désir de retrouver, ne serait-ce que mentalement, l’aspect d’un monument disparu ou am-puté, n’est pas nouveau et a été institutionnalisé très tôt. Par exemple, la restitution de la villa des Laurentes, connue par la description de Pline le Jeune (livre II, lettre 17), a souvent inspiré architectes et artistes ; c’est elle, selon Pierre Pinon, qui est à l’origine de « l’invention de la villa romaine8 ». On en conserve de nombreux dessins, dont le premier date de 1615, ainsi que des maquettes. Il faut surtout citer les travaux des pensionnaires de l’Académie de France à Rome (la future villa Médicis) fondée par Colbert en 1666 ; pour le grand prix, ceux-ci envoyaient au jury parisien des « relevés » et des « restaurations », c’est-à-dire des dessins du monument en l’état et des restitutions graphiques. Ces envois furent obligatoires de 1778 à 19689.

La longue marche vers les reconstitutions

En France, en Angleterre et en Italie, le débat avait fait rage, au xixe et au début du xxe siècle, sur le degré de restauration des monuments anciens (entre Viollet-le-Duc et Ruskin ; entre les low et les high restorationists en Angleterre ; critique des restaurations d’Evans en Crète, etc.) ; mais depuis les années 1930, un consensus s’était fait pour limiter les interventions sur les vestiges. En revanche, en Allemagne, les reconstitutions ont toujours été nombreuses, à toutes les époques10. Cela n’a été le cas ni en France ni en Angleterre et pourtant les raisons invoquées généralement (l’ignorance du modèle, la perte d’informations et de savoir-faire) ne sont pas en cause ici : il s’agit plutôt d’une question de mentalités et de cultures nationales. L’exemple le plus intéressant de reconstitutions en Allemagne concerne le limes du Rhin au Danube qui se hérisse, dès la fin du xixe siècle et jusqu’à l’époque actuelle, de camps romains, de forts, de tours de garde d’une grande diversité en fonction de modes archéologiques ou d’évolutions de la recherche.

Après la Seconde Guerre mondiale, des signes avant-coureurs marquent une certaine remise en cause des principes des chartes internationales (Athènes, 1931 ; Venise, 1964) avec la multiplication des restitutions graphiques, des maquettes, plus récemment les images infor-matiques et l’introduction de dioramas de plus en plus réalistes dans de nombreux musées (celui de la villa d’Echternach au Luxembourg). On doit aussi signaler l’élévation, parfois très importante, de murs initialement arasés, même si quelques précautions sont prises pour matérialiser la limite entre murs antiques et restaurations, indication souvent peu lisible et peu

8. Voir note 2.9. Pinon, Amprimoz, 1988.10. Dans un domaine non strictement archéologique, après la Seconde Guerre mondiale, de très nombreux villages allemands sinistrés ont été reconstruits à l’identique.

pérenne ; cette pratique est quasi universelle et le public en est rarement averti. En 1970, une nouvelle étape est franchie avec la présentation des mosaïques de Piazza Armerina (Sicile) sous des toits en plexiglas qui reproduisent la silhouette de la villa. C’est aussi au début des années 1950 que l’on commence à construire des villae hors site, en 1954 la villa Getty à Malibu (Californie) ou de maisons comme la domus d’Augst (Allemagne) en 1955.

Les villae construites sur les fondations antiques

Mais à ce jour, c’est en Allemagne – et en Allemagne seulement – que la pars urbana de villae a été reconstituée in situ sur les fondations antiques11. J’en connais cinq exemples et pense la liste à peu près exhaustive : les deux premières villae, distantes de quelques kilomètres sur la rive gauche de la Moselle, au nord-est de Trèves, ont été édifiées simultanément en 1983-1984 sous la direction du musée archéologique municipal, le Rheinisches Landes-museum. À Mehring, la façade d’une petite villa quadrangulaire (portique et tours d’angle) a été reconstituée alors que l’arrière était présenté de manière traditionnelle (fig. 5). Le site peut se visiter en accès libre et l’une des tours abrite un petit musée de site ouvert sur demande. À Longuich, c’est l’ensemble de l’aile sud, le balnéaire de cette grande villa linéaire, qui a été rebâti, tandis que le reste était réenfoui. Les conditions de visite sont identiques pour le site comme pour le musée. Ces deux villae sont faites de schiste local, en pierre apparente, d’em-ploi attesté à l’époque romaine par les fouilles. Dix ans plus tard, à Möckenlohe (Bavière), une autre villa a été reconstruite dans la plaine entre le Danube et le limes, au nord de Neuburg ; là aussi, la pierre calcaire est apparente.

En effet, depuis la fin des années 1980, on commence à prendre en compte le fait que les murs romains étaient toujours recouverts d’un enduit sauf pour le grand appareil. Ce que ces reconstitutions perdent de charme et d’aspect rustique sous un mortier de chaux, elles le

11. Voir Schmidt, 2000.

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Fig. 5. Mehring. Façade (portique et tours d’angle) de la première villa reconstituée en 1984 (photo D. A. Rousseau).

Figure 5

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gagnent, semble-t-il, en authenticité. Cependant, cela permet l’utilisation de briques creuses modernes, solution plus rapide et moins onéreuse qui entraîne aussi une uniformité peut-être éloignée des pratiques romaines.

C’est ainsi que les autres villae ont été reconstituées. À Hechingen-Stein (Bade-Wurtemberg), en 1991 (fig. 6), la reconstitution est partielle, mais elle s’élargit à des éléments de la pars rus-tica : une tour d’angle et deux portiques pour la villa, mais aussi une partie du mur d’enceinte, une porte et un petit temple. Le reste des vestiges immobiliers, à l’arrière, est présenté de manière traditionnelle. Deux faits frappants : le caractère monumental de la reconstruction et, pour la première fois, l’emploi d’un matériau non visible pour le mur. Les murs blancs sont encadrés par une ligne rouge foncé, une couleur reprise pour le soubassement et les volets, visant à rompre la monotonie des façades.

La deuxième villa, la plus importante à ce jour, est celle de Borg12, dans la Sarre, intégralement reconstruite sur les fondations romaines entre 1997 à 2000, puis en 2003-2004 pour la porte d’entrée monumentale. Il s’agit d’une grande villa en U dont on a reconstitué entièrement le balnéaire et des salles du bâtiment central à l’aide d’une riche décoration, ainsi que les abords par la présence d’un long bassin, de statues et de divers jardins (fig. 7). L’aile gauche a été détournée de son usage initial pour permettre l’installation de deux grandes salles, l’une pour des conférences et l’autre pour la projection d’un audiovisuel. Pour ces deux villae, les aménageurs n’ont pas limité les reconstitutions aux seuls murs. Si à Hechingen-Stein elles ne concernent que quelques pièces meublées et des mannequins en situation, à Borg on trouve un travail beaucoup plus important et fini. Les pièces présentent des marbres de couleurs variées, des plafonds décorés, des peintures aux contours précis, aux couleurs contrastées (fig. 8), du mobilier poncé, verni, brillant, des habillages de tissu propres et bien pliés… Ces réalisations ne sont pas exemptes de critiques : on peut les juger mièvres, excessives, tape-à-l’œil, etc. Sans aucune prétention à une archéologie expérimentale, les concepteurs jouent franc-jeu : les techniques ne sont pas anciennes, on utilise des briques industrielles, des tuiles, des enduits, des peintures modernes. Tout y est neuf et en trompe l’œil, mais les détails vi-sibles et l’aspect général font assez authentique.

12. Voir la communication de Bettina Birkenhagen à ce colloque.

Fig. 6. Hechingen-Stein. Tour d’angle et portiques reconstitués. Première utilisation, en 1992, d’enduit et de peinture pour les murs d’une villa (photo D. A. Rousseau).

Fig. 7. Borg. Photo prise du premier étage du bâtiment central. Vue sur le jardin, le bassin et la porte monumentale reconstituée en 2004 (photo D. A. Rousseau).

Figure 6

Figure 7

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Désaccords et compromis

Bien sûr, l’ensemble de la communauté archéologique germanique n’est pas toujours d’ac-cord avec ce choix de mise en valeur. De grandes villae, par exemple celle d’Arhweiler au sud de Bonn, ouverte elle aussi dans les années 1990, montrent des vestiges à l’état presque brut ; la seule reconstitution est la voûte d’une petite pièce pour y placer une peinture retrou-vée presque intacte. Pour d’autres sites en Allemagne, on semble également revenir à plus de prudence. Ainsi, à Xanten, ville romaine où il a été fait un usage abondant des reconstitutions, les thermes, plus récemment fouillés, n’ont pas été reconstruits ; la forme extérieure en est suggérée par une construction sobre en matériau moderne ; l’architecture intérieure – entre autres les arêtes des voûtes – est matérialisée par des superstructures métalliques (fig. 9). Même en Allemagne, le débat reste donc ouvert.

Nous avons déjà mentionné certaines reconstitutions hors site, entre autres celle d’Augst, qui a eu une influence non négligeable sur les choix faits pour des reconstitutions plus récentes, principalement en ce qui concerne le décor intérieur et le mobilier. Certaines villae13 sont construites hors site de façon « valable », en respectant la plupart des critères archéologiques. À El Jem (Tunisie), par exemple, la « villa Africa » a été reconstituée hors site en 2004 pour des raisons de sécurité et d’entretien, mais avec son plan initial et ses mosaïques restaurées. En Angleterre, dans le Hampshire, sur le terrain de la Butser Ancient Farm qui se présente comme un « laboratoire d’archéologie expérimentale », une villa a été construite pour permettre l’étude critique de la faisabilité de certaines hypothèses, comme le fonctionnement de l’hypocauste et l’analyse des techniques de construction. Ce projet, lancé par Peter Reynolds et réalisé par son équipe après son décès en 2003, a utilisé les données archéologiques d’une villa proche, celle de Sparsholt, fouillée de 1965 à 1971 et réenfouie.

On peut aussi citer les reconstitutions partielles, qui consistent à « muséaliser » des éléments choi-sis d’une villa mis en valeur sous un même bâtiment. une grande partie des murs est cachée sous un plancher ou un carrelage sur lequel le public se déplace et où sont disposées les vitrines du musée. À Brading, la pars urbana était déjà présentée sous un même bâtiment. Ce concept a été

13. Nous ne parlerons pas ici des « archéoparcs », constructions loin de tout vestige archéologique, sans modèle précis, et peu compatibles avec un travail scientifique.

Fig. 8. Borg. Les marbres et les peintures murales du caldarium (photo D. A. Rousseau).

Fig. 9. Xanten. Les grands thermes. Sous le bâtiment de protection, l’évocation des voûtes romaines (photo D. A. Rousseau).

Figure 8 Figure 9

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repris – sans réelles reconstitutions si ce n’est plusieurs dioramas en situation – pour la réhabilita-tion du site en 2004 (voir supra). C’est aussi ce qu’a fait Jean Nouvel pour la domus de Périgueux (Dordogne). L’exemple le plus accompli concerne la villa de Heistersheim-Stein, ouverte en 2003, située au sud de Fribourg (Bade-Wurtemberg). On peut y voir un long bassin, partiellement refait en marbre, alimenté par une vasque surmontée d’un dauphin (fig. 10). Cet élément de décor est tout à fait hypothétique : le dauphin est en fait inspiré d’une broche longue de 8 cm trouvée sur le site et maintenant au musée de Fribourg. L’autre partie de la villa présentée est une cave et son escalier, plutôt bien conservés, mais dont les murs et les soupiraux ont été remontés sur plus de 1 m dans une pierre différente ; les autres murs sont sous le carrelage où circule le public. On réduit donc ce qui est visible, mais on présente dans une véritable mise en scène les parties les plus dignes d’intérêt.

Pour d’autres périodes archéologiques, généralement moins bien connues que les périodes classiques, une réplique est parfois proposée à côté de l’original. Ces reconstitutions en gran-deur réelle sont édifiées sur une zone proche des vestiges, mais sur terrain « vierge ». Pour la période romaine, ce type de présentation n’est encore qu’à l’état de projet, par exemple pour une rue du vicus à Bliesbruck-Reinheim14 – il n’y a rien encore concernant les villae. Outre la difficulté de trouver des financements vu l’importance et la complexité de ces constructions, il y a bien d’autres obstacles : la résistance des autorités de tutelle15 ; la réticence des archéo-logues à transgresser le tabou de la copie ; l’inquiétude de voir le public délaisser l’original au profit de la copie ; la crainte que le modèle, une fois « gravé dans la pierre », n’empêche les successeurs d’exercer librement leur réflexion sur le même sujet, alors qu’une restitution sur papier, informatique, une maquette ou même une reconstitution limitée ne restent toujours qu’un exercice d’école.

14. Voir la communication de Jean-Pierre Petit à ce colloque.15. Par exemple, pour la villa de Loupian (Hérault), le projet d’un bâtiment de protection suggérant la forme et l’élévation générales de la villa avait été envisagé en 1988. Il a été refusé par la Commission supérieure des monuments historiques au profit d’un bâti-ment plus neutre.

Fig. 10. Heistersheim-Stein. Reconstitution du bassin ornemental du jardin à portique (photo D.-A. Rousseau).Figure 10

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CoNCLusioN

J’ai insisté sur l’importance du xixe siècle dans la présentation de la villa romaine car son ap-port est souvent mal connu, et privilégié les reconstitutions, sujet de notre colloque, parce que c’est la seule véritable innovation du xxe siècle. Je suis à la fois admiratif et dubitatif devant ces développements et je m’abrite donc derrière un autre grand voyageur du xixe siècle pour poser une question. Dans Promenades dans Rome (1838), Stendhal évoque sa rencontre avec un pensionnaire de l’École de Rome : « M. N. peut donner la restauration de la basilique de Trajan, c’est-à-dire deviner la forme de l’ancien bâtiment et nous présenter les plans, coupes et élévations. » Et d’ajouter : « Mais qui jugera de la ressemblance ? » Nous dirions plutôt de nos jours : « Comment jugerons-nous de la ressemblance ? » D’autres questions, tout aussi importantes, se posent certes aux archéologues en matière de reconstitution ; la ressemblance demeure cependant une question centrale qu’il ne faudra jamais perdre de vue au cours de ce colloque.

bibLiograpHiE

SiteS internet :Le Trésor de la langue française informatisé : http://atilf.atilf.fr/tlf.htmLes Villas romaines ouvertes au public : http://villasromaines.free.fr

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WittS, 2005WittS, Patricia, Mosaics in Roman Britain, Stroud.

résumé

Bettina Birkenhagenconservateur, Perl, Borg

La villa romaine de Borg est de type villa rustica, un ensemble agricole, comprenant un secteur palatial (pars urbana) avec un manoir et un grand secteur économique (pars rus-tica). Depuis l’époque romaine, il y a eu très peu d’activités agricoles ou architecturales, ce qui fait que les vestiges sont en très bon état de conservation.

La villa romaine de Borg comprend l’ensemble des fouilles de l’une des villae les plus grandes de la région Saar Mosel ainsi que la reconstruction complète de la partie palatiale de cette installation (pars urbana). Dans la mesure du possible, cette reconstitution se fonde sur des découvertes locales ou sur des résultats de fouilles d’installations similaires de la région (Echternach au Luxembourg, par exemple). Lorsque cela s’avère nécessaire, la littérature antique (Vitruve, par exemple) ou contemporaine est consultée (pour la re-constitution des peintures murales, par exemple).

Aujourd’hui, les édifices reconstruits se dressent sur les fondations des murs romains (autant que possible) et restituent l’apparence que les édifices étaient censés avoir à l’époque, c’est à dire entre le iie et iiie siècle après J.-C.

Les objectifs de la reconstruction de la villa romaine de Borg sont essentiellement les sui-vants : une place primordiale accordée à l’authenticité aussi bien qu’à la fonctionnalité de l’aménagement ; de manière tout aussi importante, la volonté de rendre accessible l’ap-proche de l’archéologie, du monde de l’Antiquité et de ses fouilles de manière descriptive pour le plus grand nombre de visiteurs, de jeunes et d’enfants. Avec les fouilles en cours, nous espérons trouver de nouveaux résultats intéressants qui viendront s’ajouter à nos connaissances sur les colonies romaines.

L’accès au patrimoine gallo-romain est rendu possible par l’aménagement qui est propice aux visites familiales, ainsi qu’à tout autre public, spécifique ou non. Le nombre important de visiteurs par an (50 000 env.), en provenance non seulement des pays voisins, mais du monde entier, prouve que ce type de conservation du patrimoine culturel est bien accepté et rencontre un intérêt très large.

les exPériences allemanDes et la Villa rOmaine De bOrg (sarre, allemagne)

abstraCt

Bettina BirkenhagenHeritage Curator, Perl, Borg

The Roman Villa Borg is a so-called Villa Rustica, an agricultural facility, with a palatial manorial area (Pars Urbana) and a great economical area (Pars Rustica). Since Roman times there was very few agricultural and architectural activity, so that the Roman remains and foundations are still in very good condition.

The Roman Villa Borg unites both the excavation of one of the largest villa rustica in the Saar Mosel area and the complete reconstruction of the manorial area (Pars Urbana) of such a faci-lity. As far as possible, this reconstruction is based on local findings or on excavation findings of similar facilities of the region (e.g. Echternach in Luxemburg). If necessary, either antique literature (eg. Vitruve) or modern literature (eg. for the reconstruction of the wall paintings) was consulted. Today, the reconstructed buildings stand on the antique Roman foundation walls again (as far as possible) and show the assumed appearance of the facility in the 2nd to 3rd century AD.

The objectives of the reconstruction of the Roman Villa Borg are mainly the following: excep-tional importance is attached to the authenticity as well as to the operability of the facility. There is also the will of making the archaeology and antiquity accessible in a descriptive way for the visitors and to facilitate for children and young people the approach to antique history, finds and features. With the further excavations we expect new and interesting research re-sults, which extend the knowledge over Roman settlement history.

Target-group-specific the entrance to the Gallo-Roman inheritance is made possible by the family-friendly adjustment of the Villa for all subpopulations. The numerous visitors (annually approx. 50,000) - meanwhile not only from the neighbouring countries, but from the whole world - prove that this kind of preserving the cultural inheritance is accepted and encounters a broad interest.

tHe german exPeriences anD tHe rOman Villa Of bOrg (saar, germany)

tHe german exPeriences anD tHe rOman Villa Of bOrg (saar, germany)

Bettina BirkenhagenHeritage Curator, Perl, Borg

the roman Villa borg is a so-called Villa rustica, an agricultural facility, with a pa-latial manorial area (pars urbana) and a great economical area (pars rustica). the

facility is situated next to the border to Luxemburg and France in the saar mosel area in a wooded range between the villages borg and oberleuken, com. perl, district merzig-Wadern. since roman times there was very few agricultural and architectural activity, so that the roman remains and foundations are still in very good condition.

the roman Villa borg unites both the excavation of one of the largest villa rustica in the saar mosel area and the complete reconstruction of the manorial area (pars urbana) of such a facility. as far as possible, this reconstruction is based on local findings or on excavation findings of similar facilities of the region (e.g. Echternach in Luxemburg). if necessary, either antique literature (e.g. Vitruv) or modern literature (e.g. for the recons-truction of the wall paintings) was consulted. today, the reconstructed buildings stand on the antique roman foundation walls again (as far as possible) and show the assu-med appearance of the facility in the 2nd to 3rd century aD. Exceptional importance is attached to the authenticity as well as to the operability of the facility.

History oF rEsEarCH aND ExCaVatioN

The history of the excavation already began about 1900, when the teacher Johann Schneider observed unnatural elevations in the terrain. He found bricks and wall remainders besides Roman ceramics. Because of the two World Wars the research of Schneider unfortunately fell into oblivion, and more than half a century passed until this spot again drew the attention of science. Expanded illicit excavations threatened to destroy the ground-monument to such an extent, that the State Conservation Department of the Saarland in 1986 felt bound to establish a systematic excavation.

As a body responsible for this project, the district Merzig-Wadern respectively the Cultural Foundation of the district of Merzig-Wadern was found. Since August 1986, an area of about 2 hectares was released on the spot, fenced in and prepared for excavation. In cooperation with the community Perl as property owner and the employment office of Saarlouis and Me-rzig the archaeological investigations began on April the 1st 1987. By establishing an infras-tructure like an excavation house with office-rooms, lounges and storerooms, ideal working conditions were created. Because of the large find accumulation, first of all ceramics and wall paintings, an additional building was established in winter 1987/88, which is used as maga-zine and workshop. In summer 1989 a third house was built, which served the visitor support and also cultural meetings. Interested groups, particularly grades, have been informed about the excavation with modern media (slide show and video). These tasks have been taken over by the new media house as well as by the large hall and the seminar room after the completion of the living and working quarters.

In 1994 the resolution was passed to reconstruct the facility, respectively the manorial area. In 1997, the first complex of buildings (bath with Tavern) was finished, 2004 the last building so far, the gatehouse, was handed over to its regulation. Further excavations and reconstructions are in planning.

During the excavations of the Pars Urbana, pre-Roman findings could be proven as well. Apart from Iron-Age settlement structures (postholes, pits etc.), which appeared directly under the Roman stone foundations, also graves from the Urn field culture as well as a funeral from the Bell beaker culture were proven. In addition, isolated finds of flint tools and -fragments were made, which already point to settlement activity in the Neolithic period. The level of

knowledge so far points to a sporadic use of the residential area around the Villa Borg from the Neolithic period over the Bronze Age up to the early Iron Age. From the late Iron Age into the late Roman period, a continuous settlement of the place is clearly proven (from the 1st century BC up to the end of the 4th century AD).

The excavation was highly revaluated in 1994 by its admission into the key program «Kelten, Germanen, Rˆmer im Mittelgebirgsraum zwischen Luxemburg und Th¸ringen» of the German research association (DFG), which contains the study of «Romanisation». Parts of the re-sults are issued in the publication of Dr. Martin Frey «Die Terra Sigillata der galloroemischen Villa Borg, Kreis Merzig-Wadern» as well as in A. Haffner/S. von Schnurbein (Hrsg.), «Kelten, Germanen, Rˆmer im Mittelgebirgsraum zwischen Luxemburg und Th¸ringen. Kolloquien zur Vor- und Fr¸hgeschichte 5. Akten des Internationalen Kolloquiums zum DFG-Schwerpunkt-programm «Romanisierung» in Trier vom 28. bis 30. September 1998 (Bonn 2000)».

The objective of all these efforts is to give visitors the possibility to experience antiquity in an interesting way. Three-dimensionality obtain the space feeling; wall paintings, furniture as well as the representation of functional details illustrate the housing comfort and the technical achievements of that time.

HoW to CrEatE aCCEssibiLity For a pubLiC

From the outset it was a request of the Cultural Foundation to make the results of the scientific investigations accessible for a broad public. Already soon after opening the first sketches, the question about the securing of the archaeological findings arose. For all involved partners it was clear that, even with the most expensive preservation methods, the architectural findings in the area could only be kept up medium-term. In order to secure the antique substance at longer term, the partners in the decision-making bodies considered establishing a protective building.

The spatial effect of the no longer existing original is taken up by the appearance of the protec-tive building, which - even with the biggest restraint - goes beyond its actual function. In order to counteract that, a timber construction was planned, which should allusively be an approach of the original structure. Different criteria (purely functional, modern arrangement, following the appearance of the buildings etc.) were discussed and calculated. Finally, the model of a protective building turned out to be unsatisfactory, since the substance, which was to be pro-tected, would essentially have consisted of foundations. Therefore another solution was sear-ched for. After numerous discussions and several colloquia with specialists from home and abroad, the Culture Foundation of the district Merzig-Wadern (as the body responsible of the facility) in agreement with the National Office for Conservation came 1994 to the decision not only to excavate the entire facility, but also to reconstruct it scientifically. All involved partners were conscious that this project was not an original and detailed reproduction, but a model conception, in which also hypotheses and possibilities are to be pointed out and converted.

The modern buildings are established on the antique foundations, which has the consequence that the manor house is not right-angled. This circumstance however is noticeable rather with the view of the sketch plan than on the premises themselves. The building phase, in which the mansion had its largest expansion (from 2. to the 3. century AD) is reconstructed.

Nevertheless every information and finding won by the excavation was to be integrated into the reconstruction on the antique foundations. Also different sources (historical literary sour-ces, research results of other excavations etc.) were consulted. For these reasons, Borg is rather a model on a scale 1:1 than a reconstruction. Still there are voices, which express themselves against such a reconstruction. Conserving the existing findings would surely have been the archaeologically correct method. However, do not the constantly high numbers of visitors in Borg and other facilities e.g. in Pompeii show that the visitors not only want to see foundation walls? That e.g. children and young persons do not at all know what to do with such «ruin fields»? It does surely not make sense to reconstruct each excavated facility again.

THE gERmAN EXpERIENCES AND THE ROMAN VILLA OF BORG

(SAAR, GERMANy)Bettina Birkenhagen

THE gERmAN EXpERIENCES AND THE ROMAN VILLA OF BORG

(SAAR, GERMANy)Bettina Birkenhagen

But archaeologists as well can get important insights during the reconstruction of buildings, which would not have been illustrated by simply evaluating the results of the excavation. The Roman bath with Tavern - the first section - was finished 1997. The director of the archaeo-logical park in Xanten, Dr. gundolf precht, was very helpful with the implementation of this building as well as with the following building projects.

tHE rECoNstruCtioN oF tHE buiLDiNgs

From the first cut of the spade to the opening of the first reconstructed building, 10 years passed by. In this time there was much discussed, planned, rejected, and planned again. The scientific realizations and requirements faced the different desires of the owners, which had to withdraw again behind certain construction specifications. Altogether, after fighting over a decision for a long time, one agreed on a concept, which is continued until today.

Why did one decide for an in-situ-reconstruction? This had surely several reasons. First there was a need to protect the walls against further destruction by weather and environmental conditions. Secondly, at the beginning of the excavations it had been already decided that also the Pre-Roman findings should be examined. As the excavation plans clearly indicate, an Iron Age settlement with at least three buildings beneath the Roman stone foundations could be proven. To accomplish an exact investigation here, the Roman foundations had to be cleared away to be able to examine the wooden building preceding the manor house. A majority of the walls were not as well or only partially preserved before the reconstruction. Also the different Roman building phases made a partial dismantling of the brickwork around the one of earlier building periods necessary to be able to document these early phases. Also considerations were made to establish the reconstruction in direct proximity of the excavation. This thought was however rejected again.

To let the plant rise at its original place also belonged to the concept of reconstructing the villa as authentically as possible and also as a scientifically founded reconstruction of the buildings. Since 1997 four sections were finished, as follows:

the roman bath with tavern.

From the beginning, it was planned to reconstruct that bath fully functional. By the reconstruc-tion of the Roman bath the visitor has the possibility to experience «Roman live» first-hand. While public hot springs and soldier baths followed only a few sketches and operation dia-grammes and therefore were very well to arrange and to classify. Private mansion baths are characterised by an indeterminable number of variants. Here the taste of the client and not least the size of his purse are reflected. The bath did not only serve for hygiene in the antiquity. It was firmly merged into the daily routine (preferred bathing time: afternoon) and an informal event. One bathed with friends, acquaintance, business partners and the family. Private and business agreements were made or the current daily politics discussed. Since the daily bath had such a high value, the actual bath areas are often attached with a dwelling character, which served the recovery, relaxation, communication in the broadest sense and were fur-nished accordingly.

the small input area fulfils the function of a wind shield.

The dressing room (apodyterium) follows this concept. The shelves served for the file of the dresses and bath implements. Wood-sandals were necessary, because the floors within the warm bath range became very hot by the under-floor heating. From the entrance area of the bath also the latrine is accessible. The water flushing took place via a channel, which ran un-der the floor of the building. The water from the roof was collected in eaves (Rigolen) along the inner court and then passed through a pipe to the latrine.

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the cold bath or frigidarium in such a way specified follows the entrance area and the dressing room.

The unusually large water basin with the narrow and uncomfortable steps follows the ar-chaeological findings. For the ceiling painting in the tunnel vault there are references in the find material: In the debris were found curved finery remainders (reference to tunnel vault) with blue basic painting and the fragmentary representation of fish and sea animals. The soil consists of «Roman screed», in the antiquity opus signinum mentioned. From here the bath user gets to the hot bath or caldarium. The floor mat consists of marble. During the excavation so many marble fragments were found that the plentiful use of marble is secured. Where the marble for the equipment of the Roman Villa Borg was exploited is unfortunately not well known. Investigations, which were accomplished at the marble of the Roman mansion in Echternach (Luxembourg) have however shown that this originated from Carrara (Italy). The warm water for the hot bath flows from the muzzle of the lion head into the basin. The water is heated in a boiler, which is beyond the wall in the heating room. The well (labrum) delivered cool water for refreshmentt into the stuffy atmosphere. The following area is equipped as quiescent area. Also for the painting in this area could be fallen back to the find material, since large connec-ted surfaces of painted finery remainders from a find layer under the screed of handling were saved.

the last area is the tempered bath or tepidarium.

The groined vault could be proven over the projections in the corners of the room. The sta-tue represents Clio, the muse of history. She was not found here, but fits however very well, particularly since there are several Roman mosaic floors in the region, on which this muse is represented. In this area still few connected parts of a mosaic floor in fall situation could be proven. In the adjacent external area and under the screed of pre-aged handling different mo-saic stones were also found in addition with wall paintings in the partially pompeian style.

The Roman bath is the most interesting part of the villa. In the beginnings conceived as a small separate bathhouse, it developed itself into an important solidium in the course of the time by extension and structural alteration measures. This active change could be seen best by the example of the hot bath, where in the course of renovations the basins were renewed several times and three basin soils lay directly one above the other. In the cold bath, with certainty af-ter the upgrading of the bath, a limekiln was built. The place was selected with consideration, because straight in this building part very much material e.g.

marble and stucco had been blocked, which was suitable for the lime burning excellently. During a building phase of the bath the possibility exists to enter the tempered bath from the today’s Tavern trough a door. Of course there never was a Tavern situated in a villa. Here one took the needs of the visitors into consideration. Today the bath can be used again as in the antiquity. Groups can rent it and experience the Roman bath pleasure first hand. In addition, the interior organization of the bath and the Tavern affected partly after collected remains from pieces of finds in the Villa Borg, partly from comparisons with other villas of the environment.

Further additions, facilities and various operations

Already at the beginning of the excavations beverages and snacks were sold to the visitors on the facility. The experience showed that most visitors expect snacks, even when little, and stay longer on the site when provided with these. Besides a normal menu, «Roman» dishes (according to Apicius) are also offered in the Tavern, again in the context of the «history ex-perience» concept. The heating plant room is directly attached at the bath. From here both the under-floor heating was fired, and the hot water for caldarium prepared. The heart of this

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plant is a large boiler, in which the bath water was heated by an under-grate firing. The boiler consists of riveted copper sheet and is encased to the lagging with stones (model: Findings from Boscoreale, Italy). From other discovery sites is also well known that there were a line system and «mixing taps», with which the temperature of the bath water could be adjusted.

Into the next section, the manor house was reconstructed. The main building or manor house surely accommodated the dwellings of the family in Roman time. Beside the large entrance hall, which served representative purposes, the sleep and dwellings of the family were pro-bably accommodated in the adjacent areas above it. The receipt hall of the villa was again established like the remaining building accurately on the antique foundation walls.

The plan design of the main wing leads to the assumption that the building was two-storey. For the development of the upper floors over the smaller secondary rooms therefore two stairs were necessary, which were accommodated in the narrow passages to both sides of the hall. From the equipment of the hall only small remainders were kept due to the misuse and destruction in Roman time. The floor was decorated with a mosaic, which according to the mode of the buildings time of origin was black and white. Unfortunately only little is received connected. In addition, a large number of individual bricks were found in the debris and layers and in the mortar of later building phases. In the centre, a part of the mosaic is reconstructed as verge of the water basin. Also the water basin is proven in the excavation findings clearly by its foundation and is attached to water tubes and channels. A small remainder of a pilaster (half column) from limestone is also proven and therefore one can expect an architectural arrangement of the walls, like it is admit by other Roman luxury villas of the Trier surrounding countryside. They served as model for the reconstruction of the hall walls in Borg, however with the modification that the architecture of the arrangement is limited to the upper wall zone. The lower zone was arranged, following Italian models and the find material, only pictorial.

Today a museum is established in these rooms to be able to present the finds from the ex-cavation in Borg and from the district Merzig-Wadern to the visitors. The living and working quarters with meeting hall and media house are the third section. Here again the needs of the visitors were taken into consideration. The excavation finds brought many small areas, which probably were used as living and working quarters for the slaves. Since such a room layout would have been only insufficiently usable into today’s time, one decided to design a large hall in which different meetings can take place. On the upper floor is an additional small seminar room for meetings with a small number of participants. In the Media house, which is attached directly to the living and working quarters, a slide show in different languages (German/En-glish/French) about the villa and the surroundings is shown.

The gatehouse is the so far last section and handed over to the public in 2004. As it was already in Roman time, here is the central entrance to the manorial area with the admission counter and the museum shop. The upper areas are used as administrative offices, without which a facility like the Villa Borg cannot be led. This building and the following wall separate the Pars Rustica from the Pars Urbana. It stands on the determined original foundation walls. Like the manor house it is a model on a scale 1:1, which shows only one of the possible buil-ding phases. The excavation showed clearly a passage as well as two large areas, to which in each case two further, substantially diminished areas are attached. It was stated by detailed investigations of the brick-work and the teeth of the individual brick-work sections that the building was not established all at once.

To a building of cores at first developed, gradually further building parts were cultivated and so the plant was brought to the now existing size. This process took at least four phases, during which the building developed to a gate house, which in its size is to be regarded as rather unusual for a villa. Towards the end of the villa the gatehouses use changed. Indications for that process are the stove places and furnaces inserted later, which were discovered likewise during the excavation. Findings of cinder prove that metalworking took place here and of semi finished bone articles refer to a bone carver.

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The planned kitchen is to be reconstructed fully functionally just like the bath, so that the visi-tors again have the possibility to experience «Roman life». The excavations also furnished the fragments of water pipelines (impact rings of wood water tubes) beside furnace remainders. Besides, there was also find material referring clearly to the use of this area as a kitchen (boiler pendant, store vessels, knives etc.). Apart from cooking demonstrations, workshops for chil-dren and adults are to take place here about Roman kitchen and cooking as well.

The entire ensemble is completed by the gardens. These were put on and cared for in co-operation with the EU-project «Gardens without Limits». Also within this field, one tried to include available research results of the excavations. To arrange the gardens as authentically as possible, partly in Borg accomplished pollen analyses, partly literature was used again.

An herb garden belonged probably to each mansion and therefore beside the mansion bath such a garden was put on. Here grow spices and remedial plants, which were often used in Roman times. In the kitchen garden fruit and vegetables can be found that already in Roman times belonged to the menu. Many of the plants disappeared from today’s gardens and their appearance is unknown to many visitors. These plants were explained by a signpost and particularly offered garden guidance to the visitors. All sorts of fruit, vegetable and herbs are used for the preparation of the Roman and regional dishes in the Tavern. Rose garden and inner court garden are likewise conceived after Roman model and are to give an idea of the Roman garden architecture. Beside the plant of ways and patches, typical for Roman gar-dens, importance was also attached to fountains, which were an important element of garden architecture in Roman times.

tHE FiNaNCiNg sCHEmE

70 % of the costs of the building reconstructions were taken over by subsidies of the Saarland federal state government. The remaining 30 % were gained by own contribution of the workers in Borg. The Roman Villa Borg is part of the Cultural Foundation of the district Merzig-Wadern. This is carried partly by the district Merzig-Wadern, partly by the Sparkasse Merzig-Wadern. Nine of the workers employed at the Villa Borg are employees of the Cultural Foundation and paid by the district Merzig-Wadern. Further personnel, especially guides (5 persons) are paid on commission from the fees. The resulting rationing costs of the plant (repairs, river, water, heating etc.) must be gained over the incomes (admission fees, guidance-repay, lettings etc.). Additional workers (cur-rently 10) are made available by the employment office in the framework of so-called 1- Euro-jobs. They are, just like the ABM (job-creating measures) forces employed in the past, mainly active in the excavation area. Without these co-workers further excavations are not possible.

Altogether the project has a total volume of approx. 10 Mill. Euro. Besides the Federal state government also the employment office supported the project in the past by the provision of job-creation scheme workers.

tECHNiCaL probLEms oF tHE rECoNstruCtioN

Whenever modern construction specifications, experimental archaeology and historic archi-tectural core are to be interconnected, the limits of such a project were reached. An impor-tant point here is the observance of construction specifications and defaults of the building authorities. Already during the planning phase different hurdles had to be taken. Frequently it was very difficult to explain the responsible persons that Roman windows are not subject to a German DIN regulation, or that the measures of doors in Roman time were not all the same. Something similar applies to stairs. A further problem developed with the heaters. The question about an under-floor heating was unproblematic; the problem became more difficult for exhaust derivative. Naturally no chimneys can be attached on a Roman roof, as they are perfectly normal on today’s roofs. Thus a solution had to be found here in tough negotiations, which placed all parties contently.

Also the question of the materials to be used is a frequent point at issue, mostly in financial regard. The archaeologically correct method would have been the use of antique building materials such as wood and loam. But completely apart from the financial aspect it would be surely difficult to find someone who can work with this material and provide large buildings. Furthermore, larger problems with construction specifications and editions had also to be sol-ved again. In Borg one decided therefore for a compromise. Within those ranges the visitors cannot recognize the material, modern building materials were used, e.g. the walls were made of hollow bricks, cleaned and then painted. The roof however was covered with bricks, which correspond to Roman models.

Further problems arising with reconstructions are the question about the validity of the find material respectively its interpretation. Thus in Borg only relatively few architecturally usable pieces were found. The few parts were strongly fragmented, so that only a limited interpre-tation was possible. In such cases one fell back on results of other excavations (e.g. cover organization in the hall of the manor-house after research results of the Villa Echternach/Luxembourg). On the other hand we found a lot of fragments from the wall paintings as well as parts from the floors (marble, fragments from tesselated pavement, Terrazzo). So we were able to reconstruct these parts as authentically as possible.

Naturally, for certain problems still no satisfying solution was found. It also was clear that areas have do be lit up. Electrical light is unavoidable. One however endeavoured to keep the lighting as discretely and inconspicuously as possible. In most areas an indirect lighting is used, which probably comes next to lighting with oil lamps or torches/flares. In the areas of the museum emitters had to be attached, so that the exhibits for the visitor are also well visible. It is similar with certain safety defaults of fire brigade and guard. So it is naturally problematic to attach rescue ladders on the second floor of a Roman building in order to provide a fire escape in case of a fire. Also setting up fire extinguishers visible for everyone in a Roman bath represents a problem, just as the different floor mats and stairway step heights. The rules for the prevention of accidents here also mean that these things are to be marked to the visitor by clear warning references and sign-posts on the spot. In Borg one tries to inform the visitor before entering the plant about these problems by boards, so that the plant can actually re-main free of this information.

Likewise from the beginning of the reconstruction, the question of the further use of the facility respectively individual rooms came up. Here also a temporary solution was found in Borg that pleased all parties. Apart from the reconstructions on the basis of the find material respecti-vely the archaeological building findings and the historical sources (bath, manor house), other areas followed the antique outer appearance. the interior fittings however were implemented according to modern conditions and requirements (living and working quarters, gate house). Thereby a multiple use of the premises (conference and meeting area, entertaining groups of visitors etc.) should get easier.

The reconstruction can always just be a snapshot of the so far existing research results. By further investigations and excavations, it is quite possible that the research comes to comple-tely different results after 10 or 20 years than processed in the reconstruction.

HoW to usE tHE rECoNstruCtioN

How can a reconstruction like the Villa Borg be used? However, by the conveyance of histo-rical facts a facility like the Villa Borg can not work. Surely the museum character constitutes a large part of the facility, but the visitors would not only like to be didactically entertained but also to try out things themselves. Thus the «archaeology or history hands-on» takes a large range in the total concept of the Villa Borg. According to this concept the bath building was re-constructed fully functional and can be used again. In the manor house a museum is accom-modated and in some of the rooms furniture like stools, tables, cupboards etc. following the Roman model were set up. In the living and working quarters frequently exhibitions or lectures

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(SAAR, GERMANy)Bettina Birkenhagen

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to archaeological topics take place. In addition the exhibition of a private collector is resident, which opens to the visitor the possibility to take the originals into the hand and to literally grasp history at fixed dates. It is also possible to participate in the archaeological excavations. Spe-cial programs for children and young people are offered or in preparation. Since a very mixed crowd visits the facility, also the range of meetings and offers (e.g. concerts, fairs, conferen-ces, lectures etc.) has to vary. Naturally also special meetings about archaeology (including the experimental archaeology) as well as the topic of Romans (e.g. Roman days) are offered. In July an «archaeological weekend» takes place and informs the visitor about all ranges of the archaeology - from the excavation to the museum. Different organizations and institutes e.g. the National Office for Conservation of the Saarland or the archaeological institutes of the University of Saarbruecken participate in it. Apart from the possibility to take part at the excavation, the visitors are informed about find restoration, replica production and research projects. At the Roman days the visitors have the possibility to observe legions during military exercises and camp life. In addition, craftsmen offer views of their art. Gladiators complete the image with fights. Of course one can also enjoy Roman meals and beverages.

Most projects are designed both for adults and for children or young people. In addition lots of inquiries from companies and private people come to the premises for conferences or ce-lebrations as well as reservations over Event agencies, which need a special surrounding for their meetings.

outLooK

As already mentioned at the beginning, the Villa Borg ranks among the largest properties in the Saar Mosel area, with a total volume of approx. 7.5 hectares. It is divided into a manorial area - Pars Domestica or Pars Urbana - and an economical area - Pars Rustica. The auxiliary buildings of the Pars Rustica, which are not excavated appear clearly as over a dozen debris hills in the forest area following northwest. About the function of the auxiliary buildings of such large facilities relatively few is known. Starting from the next year the excavations within this range of the facility shall start. It is not impossible that also within this range one or two buil-dings are reconstructed completely.

It is also a request to bring the topic of archaeology with all its facets nearer to the visitors. An «archaeological didactic exhibition» is planned in this range of the facility, where the visitor can see different areas and stages of an excavation and in addition receives explanations to different topics concerning archaeology. 2006 the reconstruction of the Roman kitchen is to begin. Apart from the possibility to inform the visitor about cooking and food in Roman time also a small showroom with finds from this range is planned.

In addition in the year 2002 nearby the facility a new parking lot was laid out. Already before commencement of construction, magnetometric investigations were accomplished, which showed a multiplicity of buildings. Only parts of this settlement were excavated and exami-ned. Besides some smaller building remainders (building 2 to 4) were also wall courses of a larger plant (building 1). Also the remainders of two wells (one directly behind building 1, one within the range of building 3) were found here. In order to arrange a small impression from the buildings and the dimension for the visitors, the foundation walls of building 1 were partly reestablished. Further wall courses, which point to further building remainders outside of the excavation area, could not be examined yet. The so far only skeleton of the facility is worth mentioning in connection with building 3. However it does not concern here a regular funeral, but the, as meanwhile is known, male person probably was victim of a crime.

It is planned on a long-term basis to use the parking lot as starting point for a footpath by the economic sector over the former artery to the villa.

Further investigations concern the burial grounds, of which the approximate position is known. Interesting findings are also expected here e.g. about the owner of the facility or the number of inhabitants.

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Unfortunately it is not possible for the moment to show the findings from the Villa Borg in an own museum. For this reason the manor-house serves as place of issue. Many visitors already expressed the desire that these areas are furnished again as dwellings and the showcases are removed from this range. For the future there is planning that possibly one of the auxiliary buildings not excavated yet could serve as museum and the manor house can be used again in accordance to its original use.

The objective of the reconstruction of the Roman Villa Borg is to make the archaeology and antiquity accessible in a descriptive way for the visitors and to facilitate for children and young people the approach to antique history, finds and features. With the further excavations we expect new and interesting research results, which extend the knowledge over Roman sett-lement history. Target-group-specific the entrance to the Gallo-Roman inheritance is made possible by the family-friendly adjustment of the Villa for all subpopulations. The numerous visitors (annually approx. 50,000) - meanwhile not only from the neighbouring countries, but from the whole world - prove that this kind of preserving the cultural inheritance is accepted and encounters a broad interest.

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(SAAR, GERMANy)Bettina Birkenhagen

bibLiograpHy

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Wustrow, Ch., « Die Tierreste der römischen Villa Borg, Kr. Merzig-Wadern », in: Haffner, A./von Schnurbein, S. (Hrsg.), Kelten, Germanen, Römer im Mittelgebirgsraum zwischen Luxemburg und Thüringen: Akten des Internationalen Kolloquiums zum DFG- Schwerpunktprogramm «Romanisierung» vom 28. bis 30. September 1998 in Trier (Bonn 2000) 160- 173.

Wustrow, Ch., Die Tierreste aus der römischen Villa von Borg, Kr. Merzig-Wadern (Bonn 2004).

All pictures are from the photo-archives of the Roman Villa Borg.

THE gERmAN EXpERIENCES AND THE ROMAN VILLA OF BORG

(SAAR, GERMANy)Bettina Birkenhagen

Fig. 1. Roman Villa Borg: Manor house, bath and Taverne (right); living andworking quarters (left).

Fig. 2. Excavation of the Manor house (view from east).

Fig. 3. Site plan Villa Borg - Pars Urbana.

Figure 1

Figure 3

Figure 2

THE gERmAN EXpERIENCES AND THE ROMAN VILLA OF BORG

(SAAR, GERMANy)Bettina Birkenhagen

Fig. 4. Cold bath (frigidarium) at Roman bath Villa Borg.

Fig. 5. Hot bath (caldarium) at the Roman bath Villa Borg.

Fig. 6. Resting room at the Roman bath Villa Borg.

Figure 4 Figure 5

Figure 6

THE gERmAN EXpERIENCES AND THE ROMAN VILLA OF BORG

(SAAR, GERMANy)Bettina Birkenhagen

Fig. 7. Tavern Villa Borg.

Fig. 8. Receipt hall in the Manor house Villa Borg.

Figure 7

Figure 8

THE gERmAN EXpERIENCES AND THE ROMAN VILLA OF BORG

(SAAR, GERMANy)Bettina Birkenhagen

Fig. 9. Finds (erotic scene – bronze; jewelery – gold; plaque with rider – bronze) at the museum Villa Borg.

Fig. 10. Gardens (rose garden, herb garden, kitchen garden, inner court yard garden)Villa Borg.

Figure 9

Figure 10

résumé

Giovanna Battagliniprofesseur, université de Pérouse

Située à 80 km au sud de Rome, le long de la via Latina, la colonie romaine de Fregellae, fondée en 328 av. J.-C., a été détruite en 125 av. J.-C., et plus rien n’a été rebâti à cet endroit en dehors de quelques habitations modernes. Le site romain n’a pas été « contaminé » par des occupations successives, constituant ainsi un « gisement clos » où toutes les découvertes sont parfaitement datables dans un laps de temps de deux siècles ; signalons en outre que l’apogée de la République est une époque généralement peu explorée par l’archéologie, d’où l’intérêt particulier du site. Enfin, les thermes à hypocauste de Fregellae sont parmi les plus anciens du monde romain.

Le programme de mise en valeur a été conçu comme un ensemble, dont la première étape a été l’introduction d’une servitude archéologique dans un périmètre sauvegardé. Dès le départ, la recherche a misé sur l’accessibilité du site au plus grand nombre, entérinée par un plan de programmation impliquant les collectivités locales ou régionales et aboutissant, dès 1991, à la création du musée archéologique dans la commune d’Arce.

Le parc archéologique, de 3 ha environ, comporte notamment quatre pavillons aux dimen-sions correspondant sensiblement à celles des édifices qu’ils protègent. Parmi les principaux critères de valorisation, citons : l’intégration d’une partie – réduite mais significative – de la structure et du tissu urbains complétés au moyen d’un jardin à l’italienne, qui dessine les bâtiments aujourd’hui recouverts ; la recréation des domus en volumes, afin de donner au pu-blic une idée réelle de leur encombrement ; la mise en valeur des techniques de construction anciennes, spécifiques et peu documentées dans le monde romain.

L’intervention de restauration répond enfin aux critères suivants : distinction (ce qui n’existe plus doit être perçu clairement afin de se distinguer tout aussi clairement de ce qui est conser-vé) ; réversibilité (les choix initiaux peuvent changer, donc le type de restitution peut changer lui aussi) ; compatibilité avec l’original et cohérence par rapport au contexte archéologique (respect de la rigueur scientifique).

De la recHercHe à la mise en Valeur :le Parc arcHéOlOgiQue De fregellae (latium, italie)

abstraCt

Giovanna Battagliniprofessor, University of Perugia

Situated at 80kms to the south of Rome, along the Via Latina, the Roman colony of Fregellae, which was founded in 328 BC, was destroyed in 125 BC, and nothing was ever built on the site except for a few modern houses. The Roman site was not «contaminated» by successive implantations, thus constituting a «closed stratum» in which all discoveries are perfectly data-ble in a period of time spanning two centuries; moreover it is noteworthy to highlight the fact that this period, the Republic’s triumph, is not often studied in archaeology, thus the particular interest of this site. And finally the hypocaustal Thermae of Fregellae are amongst the most ancient of the Roman world.

The enhancement scheme was conceived as a whole, whose first step was the introduction of an archaeological servitude in a protected perimeter. From the start, research was based on the site’s wide accessibility to the public, as was implemented by a program implying the local and regional administrations, which when it came to completion, would entail the birth in 1991 of the Archaeological Museum of the commune of Arce.

The vast archaeological parc (3 hectares), includes four pavillions whose dimensions cor-respond roughly to the buildings they protect. Among the main criteria of enhancement one may single out, the integration of a part -significative if small- of the urban structure and fabric completed by means of an italian-style garden, tracing the outlines of the buildings lying un-derneath; the recreation of the volume of the domus, in order to give the public an idea of their size: the enhancement of specific and sparsely-documented roman building techniques.

The restoration is led according to the following criteria: to be distinguishable (what exists no longer must be clearly perceived so that what has been preserved is as well); to be reversible (initial options might change, and the type of restitution must follow); to be compatible with the original and consistent with the archaeological context (respecting scientific rigor).

tHe arcHaeOlOgical Parc Of fregellae (latium, italy): frOm researcH tO enHancement

De la recHercHe à la mise en Valeur :le Parc arcHéOlOgiQue De fregellae (latium, italie)

Giovanna Battagliniprofesseur, université de Pérouse

Les idées ne sont rien d’autre que les choses matérielles transposées et traduites dans la tête des hommes.

karl Marx.

L’histoire du parc archéologique de Fregellae – colonie fondée par rome (328-125 av. j.-C.) – a été contemporaine des débuts de la recherche scientifique sur cette

ville, et la création du parc a été suscitée par l’importance de cette colonie dans le monde romain. Les critères de mise en valeur adoptés ont été définis en fonction de son intérêt historique, de ses caractéristiques archéologiques et du résultat des recherches sur le site même. pour en comprendre l’élaboration, il est donc nécessaire de retracer la situation de la ville et la genèse de la démarche qui a ensuite conduit à la création du parc.

Fig. 1. Latium méridional : position géographique de Fregellae (élaboration de C.I.L. VI).Figure 1

LE CoNtExtE Et LEs rECHErCHEs

Les fouilles sur le site ont commencé en 1978 sous la conduite de Filippo Coarelli1 (université de Pérouse). Située le long de l’antique via Latina, la ville de Fregellae se trouve au sud du Latium, à environ 80 km au sud de Rome, dans la moyenne vallée de la rivière Liri (fig. 1). Il s’agit de l’une des colonies latines les plus représentatives de l’apogée de la République2, la deuxième fondée par Rome en tant que colonie de droit latin, en pleine période d’expansion3, et après Cales4. Fregellae joua un rôle important pour la défense des droits des colonies latines5 durant les fameux conflits sociaux du iie siècle av. J.-C. qui aboutirent à la guerre so-ciale au début du ier siècle av. J.-C.

Fregellae a été détruite en 125 av. J.-C. plus rien n’a été rebâti à cet endroit, sauf quelques habitations modernes. Une datation aussi précise, transmise par les sources littéraires6, constitue donc une information fondamentale pour la recherche scientifique ; en outre, le site

1. Coarelli, Monti (dir.), 1998.2. Tite-Live : XXVIII, 9, 7-8 ; 10, 1-5 ; id., XXVII, 26, 11-12 ; XXVII, 27, 6-11 ; id. XXXII, 34, 5-6.3. Coarelli, 1979, p. 197-204.4. Parmi les colonies de cette période, on mentionne d’habitude : Cales, la plus ancienne, fondée en 334 immédiatement avant Fregellae ; Suessa Aurunca (313) ; Interamna Lirenas (312) et Sora (303) ; Alba Fucens (303) et Carseoli (298) ; Minturnae et Sinuessa (296).5. Tite-Live, XLI, 8, 6-8 Cicéron, Brutus, 10, 1-4.6. Tite-Live VIII 22-23, 7 ; Tite-Live, Periochae, 60 Ammien Marcellin, XXV, 9, 10.

DE LA RECHERCHE À LA MISE EN VALEUR :LE PARC ARCHÉOLOGIQUE DE FREGELLAE (LATIUM, ITALIE)

Giovanna Battaglini

Fig. 2. Plan général de Fregellae indiquant les zones fouillées (d’après Coarelli, 1998).Figure 2

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Giovanna Battaglini

romain n’a pas été « contaminé » par des occupations successives, c’est pourquoi il constitue un « gisement clos » où toutes les découvertes sont parfaitement datables dans un laps de temps de deux siècles ; signalons en outre que l’apogée de la République est une période en général peu explorée par l’archéologie, d’où l’intérêt particulier du site. Enfin, les thermes à hypocauste de Fregellae sont parmi les plus anciens du monde romain7.

Les fouilles

La ville s’étend sur environ 80 ha, sur un haut plateau bordé de plusieurs cours d’eau : le Liri, qui se jette dans la rivière Sacco à travers les versants sud et ouest de la colline, et un petit affluent, le Rio dei Frassi, qui creuse le versant est (fig. 2). Les fouilles ont atteint, depuis 1978, une extension de 7 à 8 ha, mais les prospections géomagnétiques effec-tuées en complément de l’enquête archéologique ont révélé une plus grande superficie de la topo graphie urbaine. Les diverses méthodologies d’investigation, jointes à des obser-vations d’ordre historique et topographique, ont permis de reconstituer avec une relative certitude le tracé des remparts, d’une longueur approximative de 4 km pour une extension urbaine d’environ 80 ha. Juste en dehors des remparts, deux importantes zones de culte ont été mises au jour : au nord, le long de la via Latina, un temple petit mais remarquable (de Vénus ?), ainsi que le complexe du sanctuaire d’Esculape8, qui domine le versant est de la colline. À l’intérieur de l’aire urbaine, on a pu localiser les principaux noyaux de la colonie : dans le secteur central, la zone du forum avec l’ensemble comices/curie au nord, et le cardo formé par la via Latina ; à proximité du forum, le long du decumanus, se trouve un quartier d’habitations particulières qui comprend également un grand édifice thermal public (c’est ce quartier-ci qui est exposé dans le parc).

La misE EN VaLEur DE FrEgELLaE

Le programme de mise en valeur de la cité représente tout un ensemble. La première étape en a été l’introduction d’une servitude archéologique sous la tutelle de la surintendance aux biens archéologiques du Latium (ministère de la Culture) ; ce contrôle a pour mission essen-tielle la sauvegarde de ces biens ; il a, entre autres, imposé l’interdiction de construire dans un périmètre protégé : la « recherche » pure et simple a été menée en effet dès l’origine dans l’idée de rendre accessible à tous ce bien culturel.

Après les premières années de fouilles, lorsque les structures ont été recouvertes pour d’évi-dents motifs de conservation, le désir d’exposer ce qui avait été mis au jour est devenu une exigence bien précise : renforcer la mise en valeur par la construction d’une vision « active » du site, vouée à l’usage de la collectivité. C’est ainsi qu’a pris forme un plan de program-mation impliquant la Région Latium et de nombreuses autres entités locales et aboutissant, dès 1991, dans un premier temps, à la création du musée archéologique dans la commune d’Arce. Ainsi l’exposition des pièces archéologiques au musée et la mise en valeur sur place, dans le parc, sont-elles complémentaires ; de plus, en tant que témoignages directs, elles assurent une « restitution » claire de l’habitat9.

7. Filippo Coarelli, « Le terme di Fregellae », Lazio e Sabina 2, Atti del convegno Secondo incontro di studi sul Lazio e la Sabina (Roma 7-8 maggio 2003), Rome, 2004, p. 73-76 ; V. Tsiolis, « Las termas de Fregellae. Arquitectura, technología y cultura balnear en el Lacio durante los siglos III y II a. C. », CuPAUAM (Cuadernos de Prehistoria y Arqueología de la Universidad Autónoma de Madrid) 27, 2001, 85-114 ; V. Tsiolis, « Fregellae : il complesso termale e le origini degli edifici balneari urbani nel mondo romano », Sicilia Antiqua, 2006.8. Filippo Coarelli (dir.), Fregellae. Il santuario di Esculapio (Fregellae II), Roma, 1986.9. E. De Albentiis, M. Furiani, « L’antica Fregellae e il museo di Ceprano. Archeologia e tradizioni », I musei del Lazio e il loro ter-ritorio 2, Roma, 1997 ; Filippo Coarelli, G. Batocchioni, L. Romagnoli, « Il Parco archeologico di Fregellae », I siti archeologici. Un problema di musealizzazione all’aperto, Atti del Secondo Seminario di studi della provincia di Roma (1994), Rome, 1995, p. 133-144 ; G. Battaglini, L. Romagnoli, « La colonia latina di Fregellae. Lo scavo e il Parco Archeologico », Domus romane : dallo scavo alla valorizzazione, Atti del Convegno Internazionale di Studi “Scavo, conservazione e musealizzazione di una Domus di età imperiale” (Brescia 2003), Milan, 2005, p. 275-284.

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Giovanna Battaglini

Le parc archéologique

Le parc, inauguré en 1995 grâce aux fonds de la Communauté européenne, couvre une surface d’environ 2,85 ha, dont 0,3 ha couvert par quatre pavillons aux dimensions corres-pondant sensiblement à celles des édifices qu’ils protègent (fig. 3). Il s’agit donc d’une partie réduite, mais significative, de ce qui a été mis au jour au cours des fouilles : quatre grandes habitations patriciennes (domus) et les thermes publics de la colonie, actuelle-ment en cours d’aménagement.

Le parc s’organise selon un développement progressif des thèmes qui, à partir d’une première introduction générale au moyen de panneaux didactiques, permet d’approfondir les différents aspects significatifs de la colonie de Fregellae, selon un principe de séquence thématique ; les structures archéologiques restaurées, elles, sont présentées dans leur contexte : vrais musées « en plein air », installa-tions et reconstructions suggèrent l’antique.

itinéraire de visite

L’itinéraire de visite coïncide avec l’axe principal est-ouest de la ville (decumanus), le long duquel se dressent les édifices déjà nommés et décrits ci-après en suivant la séquence du parcours prévu (fig. 4).

pavillon 1 : domus 17/19 (fig. 5)

Ce pavillon (20 × 30 m) est situé à l’entrée du parc et permet la visite de deux domus. Première étape du parcours, il a été choisi pour présenter l’approche des thématiques des fouilles, en introduction au cadre général. Des panneaux explicatifs y retracent l’histoire de la colonie, le contexte du territoire et la topographie urbaine. Au fond du pavillon, un espace est spécialement réservé à l’aspect didactique pour informer au-delà des fouilles stricto sensu. Juste à côté, on a reconstitué la coupe d’un angle d’une pièce, afin d’illustrer quelques-unes des techniques de construction antiques parmi celles qui sont effectivement présentes à Fregellae.

pavillon 2 : domus 11

La domus 11 (11 × 28 m), deuxième étape, illustre les caractéristiques stylistiques et la déco-ration architecturale des maisons. On approfondit ici en particulier la connaissance de l’atrium avec son compluvium, reconstruit selon son tracé original.

pavillon 3 : domus 7

Le troisième pavillon (18 × 40 m) est voué aux différentes phases de la construction : cette domus est en effet la plus grande et la plus complexe connue à Fregellae. Elle présente deux installations principales, correspondant à deux habitations superposées. Les panneaux et l’aménagement du site mettent donc l’accent sur le déroulé chronologique et sur les princi-pales phases mises au jour par les fouilles.

Fig. 3. Plan du parc archéologique de Fregellae.

Figure 3

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pavillon 4 : thermes

La quatrième et dernière étape coïncide avec le pavillon le plus récent (25 × 50 m), qui inclut le complexe thermal, seul édifice public du parc (les thermes présentent eux aussi deux grandes phases de construction, mais ils ne sont pas encore visibles, à l’exception d’une petite partie). Les travaux en cours prévoient l’exposition au public de tout ce qui a déjà été fouillé et momentanément recouvert.

Critères de mise en valeurLe projet du parc archéologique comporte plusieurs objectifs.

1. Le premier objectif consiste dans l’évocation de l’essentiel de la physionomie de la ville antique, à travers la présentation d’une partie – petite mais représentative – de la structure ur-baine : le réseau routier, rendu partiellement praticable le long du decumanus, qui forme l’axe principal du parcours de la visite ; les dimensions des édifices, proposées avec les volumes des couvertures ; le tissu urbain du quartier tout entier, complété au moyen d’un jardin « à l’italienne », qui dessine les bâtiments à présent recouverts.

Fig. 4. Les pavillons des domus le long du decumanus.Figure 4

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Les structures sont couvertes de pavillons aux toits en bois, à panneaux isolants et piliers mé-talliques. Au centre du toit, des plaques transparentes permettent d’éclairer l’intérieur tout en rappelant le compluvium. Les parois sont fermées uniquement sur les longs côtés au moyen d’une persienne de bois qui suggère leur aspect originellement aveugle : en effet, les maisons fouillées étaient mitoyennes, en bande. En de nombreux endroits, le visiteur a la possibilité de se promener au niveau du sol antique, tandis que les passerelles permettent d’observer les fouilles d’en haut.

2. Deuxième objectif. Au-delà des motifs de protection, le choix des pavillons a été dicté par des raisons scientifiques. En effet, des édifices antiques ne subsiste pratiquement que le niveau des fondations, et presque rien de leur élévation, d’où les difficultés d’une lecture du volume original. On a donc recréé la volumétrie des domus, afin de donner au public une idée réelle de leur encombrement : les habitations mesurent de 12 à 16 m de largeur pour environ 30 m de longueur, et chaque pavillon reflète dans son ensemble les dimensions de l’édifice original qu’il couvre. On a cependant laissé ouverts le fond et la façade de chaque pavillon, de manière à souligner qu’il n’était pas possible d’en rétablir entièrement la structure originale. Ces ouvertures permettent en outre d’embrasser le paysage environnant, en un stimulant va-et-vient visuel.

Fig. 5. Domus 17/19.Figure 5

On a également choisi une couverture à travée unique, pour ne pas troubler le regard et pour éviter tout type d’interférence avec les structures archéologiques exposées, en réduisant au minimum les piliers des pavillons, non conformes à la réalité antique. Le problème de l’élévation était encore plus aigu pour les thermes (fig. 6). On a donc opté pour une couverture à profil courbe, à dessein éloignée de toute hypothèse typologique quant au toit, puisque les thermes sont impossibles à reconstruire dans l’état actuel de nos connaissances.

Les maisons de Fregellae ont un plan « à atrium », avec bassin d’impluvium au centre, même si elles n’en respectent pas toujours le schéma type (fig. 7). Le public est aidé par des panneaux qui, pour mieux faire comprendre le plan des habitations, présentent d’abord des plans et des élévations types, puis ceux qui sont propres aux domus de Fregellae. Toutefois, l’absence d’élévation rend fort compliquée une lecture en 3D correcte. Pour pallier cet inconvénient, on a choisi, dans la domus 11, de reconstruire le modèle du compluvium dans le but de restituer au moins une partie de l’élévation perdue, et d’offrir ainsi au visiteur un instrument immédiat de compréhension. La reconstruction se fonde sur les informations livrées par les fouilles, et l’on a reproduit ici des copies fidèles des terres cuites d’origine qui décoraient le bord du compluvium. La structure ainsi obtenue est située à hauteur d’homme et suspendue au moyen de crochets fixés aux poutres du toit recouvrant les fouilles.

La présentation au public de la domus 7, la plus grande et la plus complexe, s’est révélée la plus difficile, parce qu’elle comprenait deux maisons superposées. Tant au stade de la strati-graphie qu’à celui de la mise en valeur, on a choisi d’exposer au moins quelques pièces de la plus ancienne domus, ce qui impliquait de « sacrifier » l’habitation la plus récente, bâtie à envi-ron 1,30 m au-dessus. On a donc supprimé l’atrium de la maison du dessus, dont le sol a été remplacé par les passerelles du parc archéologique qui rappellent donc le niveau d’origine, aujourd’hui disparu (fig. 8 et 9).

3. Un troisième aspect souligné dans la mise en valeur est celui des techniques de construction attestées à Fregellae, particulières et peu documentées dans le monde romain. Les murs des plus anciennes domus (phase I), en brique crue, reposent sur des fondations faites de fragments de tuiles en terre cuite, le tout revêtu d’un enduit du premier style pompéien. Cet exemple, rarissime, a été placé en évidence non seulement dans la visite in situ, mais aussi à travers une reconstitution didactique dans le premier pavillon : les différentes phases constructives du mur en brique crue ont été représentées grandeur nature, tout comme les phases de la mise en place du revêtement des parois et des sols en opus signinum, récurrents à Fregellae. Le public peut ainsi non seulement observer de tout près et « toucher du doigt », mais aussi examiner la disposition complète des constructions, en suivant l’ordre chronologique des différentes étapes : la fondation, la réalisation du mur et la finition des murs et du sol.

Une opération semblable sera effectuée pour l’édifice thermal. Le projet de mise en valeur comprend d’ailleurs la reproduction du système des voûtes qui couvraient certaines salles des bains publics. Le visiteur aura de nouveau la possibilité de percevoir au moins une partie de l’élévation disparue : les fouilles ont en effet restitué une grande quantité d’éléments curvi-lignes en terre cuite provenant de voûtes nervurées en berceau ; certains des thermes étaient en outre décorés d’éléments figuratifs en terre cuite (télamons), insérés dans les murs comme pour soutenir symboliquement la voûte.

La nouvelle installation aura justement pour objectif d’évoquer cette typologie particulière. On se propose ainsi de réaliser une séquence minimale de nervures en lamellé-collé à taille réelle, qui rappelle le système de couverture originel, et de montrer un exemple significatif de décor grâce aux copies en terre cuite d’éléments figuratifs. Ce système sera suspendu au toit du pavillon pour éviter d’interférer avec le niveau archéologique sous-jacent.

4. Le principe général qui a guidé les choix de mise en valeur est donc celui de la maîtrise de l’intervention, avec recherche permanente de « légèreté » à tous les stades, depuis la

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Giovanna Battaglini

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relation entre volumes modernes et traces des constructions antiques jusqu’à l’insertion de l’œuvre dans le paysage. Si le premier aspect met l’accent sur l’identification immé-diate des parties neuves tout en exaltant l’antique, le deuxième aspect cherche à atténuer l’impact de l’intervention moderne par le choix attentif des matériaux (bois et métal pour les couvertures, matériaux « neutres » pour la restitution archéologique), du traitement chromatique et de la forme ouverte des pavillons. Parallèlement, on a privilégié l’évocation et la suggestion plutôt que la reconstruction du réel : cela suppose un fort impact visuel ainsi qu’un ensemble structurel et signalétique assez efficace pour faire assimiler le vécu

Fig. 6. Couverture des thermes. Projet de G. Batocchioni et L. Romagnoli.

Fig. 7. Domus 11. Reconstruction du compluvium.

Fig. 8. La domus 7 (phase II) avant la mise en valeur. La maison la plus récente, avant la fouille, avec les traces de la maison sous-jacente.

Fig. 9. La domus 7 (phases I et II) après la mise en valeur.On distingue les deux niveaux correspondant aux deux habitations superposées et la passerelle au niveau de la plus récente.

Figure 6

Figure 7

Figure 9

Figure 8

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de ce qu’on ne peut pas montrer concrètement ; on a en outre cherché à stimuler chez le visiteur une « sensibilité archéologique » en le mettant en situation de toucher du doigt les traces matérielles des événements ainsi que les signes de continuité ou de transforma-tion, encore lisibles dans les témoignages antiques.

La restauration

L’intervention de restauration répond aux critères suivants : distinction (ce qui n’existe plus doit être perçu clairement afin de se distinguer tout aussi clairement de ce qui est conservé) ; réversibilité (les choix initiaux peuvent changer, donc le type de restitution peut changer lui aussi) ; troisième critère de base, compatibilité avec l’original et cohérence par rapport à la situation archéologique de base (respect de la rigueur scientifique).

La restauration s’est étendue à la présentation de structures exposées, avec intégration et/ou reconstruction, de manière à rendre lisibles les installations. En ce qui concerne la restitution du tracé des murs, là où ces derniers ne sont pas conservés, on a choisi de les rendre avec des matériaux « à sec », qui rappellent la réalité archéologique, tout en pouvant facilement les distinguer des murs conservés. Le choix pour les sols a presque

Fig. 10. Le parc en construction.On distingue les pavillons et la disposition du jardin, qui reproduit le plan des maisons recouvertes.

Figure 10

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toujours été de ne pas intégrer les parties des surfaces perdues, mais bien d’en suggérer l’extension en utilisant de la terre cuite pulvérisée, qui rappelle matériaux et couleurs des originaux, de toute manière bien distincte de ceux-ci. Dans les cas de bonne conserva-tion, on s’est limité à la consolidation et à la mise en évidence de l’effet chromatique. En général et conformément aux critères du projet du parc, les interventions de restauration et de restitution ont pour axe de permettre la lecture des structures archéologiques, en en hiérarchisant la perception : en partant de la compréhension du site dans son ensemble, celle-ci passe à travers la distinction des éléments de construction, pour en arriver au point de pouvoir saisir les différences entre la composition des matériaux originaux et celle de ceux qui pourvoient aux lacunes.

Les orientations brièvement abordées dans ce travail ont été adoptées dans un autre secteur du parc, que l’on considère significatif pour la compréhension des fouilles archéologiques : il s’agit du jardin qui entoure les pavillons des édifices visitables. Ce jardin a en effet été utilisé pour permettre la bonne compréhension de l’ensemble du quartier : il n’a pas été possible de valoriser toutes les domus mises au jour durant les fouilles, et certaines ont été recouvertes pour des raisons évidentes de conservation ; on a donc choisi de les rendre « perceptibles » au moyen de haies qui reproduisent les plans des habitations explorées qui, sans cela, ne seraient plus identifiables (fig. 10).

Fig. 11. Thermes. Reconstitution en 3D d’une pièce (caldarium/apodyterium).Figure 11

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Didactique et structures annexes

Toujours pour stimuler la compréhension du public, on a élaboré tout un matériel didactique fournissant les outils adaptés à l’accompagnement du visiteur10. On a également travaillé à l’accueil avec divers services, malgré les contraintes de la servitude archéologique, qui em-pêche la construction d’édifices de grandes dimensions : un petit bâtiment pour le guichet et l’accueil des visiteurs, des sanitaires et un espace didactique. Les deux premiers se situent dans des édifices séparés à l’entrée du parc, tandis que l’espace didactique se trouve au fond du premier pavillon, où l’on a aménagé une salle en gradins essentiellement pour les écoles et conçue pour d’éventuelles projections. Cette dernière, bien qu’utile, ne suffit pourtant pas aux besoins visés : une autre salle didactique est en cours de construction, financée dans le cadre du projet de mise en valeur des thermes, qui complétera le parc archéologique.

Le but de cet appareil didactique est de montrer à un public, le plus varié possible, la synthèse des découvertes, en suivant des critères rigoureusement scientifiques mais de lecture facile et agré able : on a par exemple présenté en même temps le plan des fouilles des domus et leur reconstitution en 3D, fondée sur des données scientifiques. Le multimédia parvient à étendre le champ d’exposition grâce à des courts métrages, des images et des reconstructions en 3D ; de plus, il ne se limite pas à la colonie de Fregellae mais il introduit aux aspects plus généraux du monde romain. Tout ceci dans le but pédagogique d’accompagner le visiteur à travers dif-férents niveaux de lecture possibles, à la découverte de Fregellae et de son contexte (fig. 11).

CoNCLusioNs

Le parc archéologique de Fregellae représente, comme on a pu le voir, une petite portion d’une ville romaine ; s’il ne possède certes pas la monumentalité des centres voisins, comme Rome ou Pompéi, il constitue néanmoins un exemple remarquable du point de vue historique et archéologique, voire unique sous certains aspects : une colonie latine du ive siècle av. J.-C., période peu exploitée dans le domaine archéologique. C’est cet aspect remarquable qui a justifié la création d’un parc archéologique élaboré selon des critères de mise en valeur rigou-reusement fondés sur la recherche scientifique.

Après le premier stade – recherche scientifique et fouille archéologique –, un deuxième stade a consisté en la divulgation des résultats scientifiques, avec publication des investigations (destinées en un premier temps aux experts) ; l’intérêt archéologique des découvertes a incité à une diffusion plus large des résultats ; c’est alors qu’intervient le programme de valorisation (à partir de 1988), dont procèdent le musée archéologique et le parc, inaugurés respective-ment en 1989 et en 1995. Une étroite concertation interdisciplinaire s’est ensuite mise en place (entre architectes, archéologues, restaurateurs… et administrateurs) afin de diffuser les résultats de la recherche auprès du grand public, qui doit pouvoir apprécier les biens culturels tout en les inscrivant dans l’histoire collective.

Le parc archéologique de Fregellae donne ainsi à tous la possibilité de visiter un site unique qui, bien que dépourvu de monuments, est le témoin d’une période méconnue de l’histoire romaine. À ce titre, sa visite mérite particulièrement d’être encouragée.

Traduction Antonin Castel. Révision Caecilia Pieri.

10. Visites guidées gratuites.Dépliant illustré du parc en deux langues (italien et anglais).Brochure avec fiches monographiques, qui illustrent divers thèmes du monde romain : 1. Les fouilles archéologiques ; 2. Les colo-nies ; 3. Les arpenteurs ; 4. La colonie de Fabrateria Nova ; 5. L’alimentation antique ; 6. Pourquoi lire les auteurs classiques.Panneaux.Guides audio interactifs en quatre langues (italien, anglais, français, espagnol).1 CD-ROM multimédia sur Fregellae et le monde romain.4 CD-vidéo monothématiques : 1. Présentation des techniques de construction ; 2. Les maisons de Fregellae : la domus 7 ; 3. Les maisons de Fregellae : la domus 11 ; 4. Les thermes.4 écrans TOTEM pour la consultation des 4 CD-vidéo (à l’intérieur de chaque pavillon).1 PC pour la consultation du CD-ROM.

DE LA RECHERCHE À LA MISE EN VALEUR :LE PARC ARCHÉOLOGIQUE DE FREGELLAE (LATIUM, ITALIE)

Giovanna Battaglini

bibLiograpHiE

BatoccHioni, roMaGnoli, 1998BatoccHioni, G., roMaGnoli, L., « Il Parco archeologico di Fregellae », AR 20, Roma, p. 55-58.

BatoccHioni, roMaGnoli, 2001BatoccHioni, G., roMaGnoli, L., « Sistemazioni e coperture degli scavi nel parco archeologico di Fregellae », Almanacco di Casabella (2000-2001), Milano, p. 124-129.

BattaGlini, 2002BattaGlini G., « La colonia latina de Fregellae. La ciudad y su historia », Valencia y las primeras ciudades romanas de Hispania. Grandes Temas Arqueológicos 3, Valencia, p. 37-48.

BattaGlini, clavel-lÉvêque, oreJaS, 2002BattaGlini, G., clavel-lÉvêque, M., oreJaS, a., « La valorisation des paysages culturels antiques. Les parcs culturels », Atlas historique des cadastres d’Europe II, Luxembourg, p. 75-93.

BattaGlini, roMaGnoli, 2005BattaGlini, G., roMaGnoli, l., « La colonia latina di Fregellae. Lo scavo e il Parco Archeo-logico », Domus romane : dallo scavo alla valorizzazione, Atti del Convegno Internazionale di Studi “Scavo, conservazione e musealizzazione di una Domus di età imperiale” (Brescia 2003), Milano, p. 275-284.

coarelli, 1979coarelli, Filippo, « Fregellae e la colonizzazione latina nella Valle del Liri », Archeologia laziale, 2, p. 197-204.

coarelli, 1986coarelli, Filippo (dir.), « Fregellae. Il santuario di Esculapio » (Fregellae II), Roma.

coarelli, 1995coarelli, Filippo, « Gli scavi di Fregellae e la cronologia dei pavimenti repubblicani », Atti del II Colloquio AISCOM (Roma, 1994), Bordighera, p. 17-30.

coarelli, 2004coarelli, Filippo, « Le terme di Fregellae », Lazio e Sabina 2. Atti del convegno Secondo incontro di studi sul Lazio e la Sabina (Roma 7-8 maggio 2003), Roma, p. 73-76.

coarelli, BatoccHioni, roMaGnoli, 1995coarelli, Filippo, BatoccHioni, G., roMaGnoli, l., « Il Parco archeologico di Fregellae », I siti archeologici. Un problema di musealizzazione all’aperto, Atti del Secondo Seminario di studi della provincia di Roma (1994), Roma, p. 133-144.

coarelli, Monti, 1998coarelli, Filippo, Monti, P. G. (dir.), « Fregellae. Le fonti, la storia, il territorio » (Fregellae I), Roma.

colaSanti, 1997/2001colaSanti, G., « Fregellae. Storia e topografia », Roma, 1906. Réimpression anastatique : Qua-derni Fregellani, Frosinone, 2001.

DE LA RECHERCHE À LA MISE EN VALEUR :LE PARC ARCHÉOLOGIQUE DE FREGELLAE (LATIUM, ITALIE)

Giovanna Battaglini

de alBentiiS, Furiani, 1997de alBentiiS, e., Furiani, M., « L’antica Fregellae e il museo di Ceprano. Archeologia e tradi-zioni », I musei del Lazio e il loro territorio 2, Roma.

tSioliS, 2001tSioliS, V., « Las termas de Fregellae. Arquitectura, technología y cultura balnear en el Lacio durante los siglos III y II a. C. », CuPAUAM (Cuadernos de Prehistoria y Arqueología de la Uni-versidad Autónoma de Madrid), 27, p. 85-114.

tSioliS, 2006tSioliS, V., « Fregellae : il complesso termale e le origini degli edifici balneari urbani nel mondo romano », Sicilia Antiqua, 2006.

résumé

Vincent Guicharddirecteur général du Centre archéologique européen

Claude Chazellearchitecte paysagiste, paysagiste-conseil de l’État

Bibracte est une agglomération fortifiée protohistorique (12 km de remparts, 200 ha de su-perficie) située au sommet du mont Beuvray (Saône-et-Loire). En 1989, le site rejoint la liste des Grands Travaux de l’État, devenant une entreprise de statut privé, appelée Bibracte, qui assure à la fois l’encadrement des recherches, la gestion du site et l’accueil du public, avec pour priorité de programmer des interventions paysagères afin de rendre plus lisible et attrac-tif le site de la ville gauloise. De fait, la modestie des vestiges visibles d’architecture antique, dispersés sur une grande étendue, incite à consacrer à l’« environnement naturel » au moins autant d’attention qu’aux vestiges – la forêt, composante majeure de l’identité du site, étant responsable de la « magie des lieux ».

On distingue le motif (la « figure »), qui est le détail significatif à montrer, de son cadre (le « tem-plum »), l’ensemble constituant un « lieu ». On insiste donc sur les axes suivants : la lisibilité des logiques de relief (assise géographique) ; l’intelligibilité des espaces signifiants du point de vue archéologique (chaque ensemble de vestiges [ motif ] devant être compréhensible sans l’aide d’accessoires, il faut impérativement mettre en scène l’antériorité des vestiges par rapport aux éléments constitutifs du paysage moderne et aux interventions destinées à la « mise en valeur ») ; le pouvoir de séduction des espaces, chaque ensemble de vestiges devant s’ins-crire dans un cadre séduisant au regard.

À Bibracte, on accueille chaque année une demi-douzaine de chantiers de fouille animés par des chercheurs européens ; c’est un des très rares lieux où le visiteur a la possibilité d’obser-ver le travail des archéologues en temps réel et sa progression d’une année sur l’autre. Dans cette offre patrimoniale propre au site, le concept de l’abri de chantier est totalement réver-sible, modulable et installé sans recours à un engin de levage lourd.

En conclusion, le visiteur du site doit pouvoir contempler celui-ci comme un paysage et, comme l’archéologue, faire preuve d’invention pour repérer les vestiges signifiants et leur donner du sens en les interprétant. Ce principe est valable pour d’autres sites : la prise en compte du cadre paysager autant que du motif archéologique et donc la prise en compte de la totalité d’un site archéologique, plutôt que de ses seules parties fouillées, sont désormais des évidences, voire des nécessités.

mettre en Valeur l’inVisible : réflexiOns sur le site arcHéOlOgiQue De bibracte (nièVre, france)

abstraCt

Vincent Guichardhead of the European Archaeological Center

Claude Chazellearchitect and landscape-designer, state advisor for landscaping

Bibracte is a fortified protohistoric agglomeration (12kms of ramparts, surface of 200 hectares) which is situated at the top of the Mont Beuvray (Saône et Loire). In 1989, the site becomes part of the list of Great PublicWorks, as well as a private enterprise, called Bibracte, which en-sures research, site maintenance and reception of the public, with as a priority a landscaping scheme aimed at making the gallic city’s site more readable and more attractive. Indeed, the modest nature of the visible antique architectural remains, which are scattered across a vast landscape, make it all the more motivating to give the «natural environment» as much atten-tion as that given to the remains – the forest, a major component of the site’s identity, being responsible for the «magic of the place».

One distinguishes the motif (the «figure»), which is the significant detail that must be shown, from the context, («the templum»), the whole constituting a «place». The following axis are our main guiding principles: the legibility of the relief logic(geographical seating); the intelligibility of the archaeologically significant spaces: each set of remains (motif) must be understandable without the help of accessories, the anteriority of the remains must be staged (as contrasted with the modern elements of the site and those linked to the enhancement); the power of seduction of the spaces, of each set of remains must be presented in a setting that is pleasing to the eye.

Bibracte is one of the very rare places in which the visitor is allowed to watch archaeologists at work in real time and to follow their progression year after year. The concept of the working site shed is totally reversible, versatile and its installation does not require special heavy duty lifting equipment.

As a conclusion, the visitor of the site must be able to see the site as a landscape and like the archaeologist, he must be capable of invention in order to single out the significant remains and to give them meaning by interpreting them. This principle works for other sites: to take into account the landscape setting as much as the archaeological motif, thus the archaeolo-gical site as a whole rather than only the excavated parts, has now become an evidence, if not a necessity.

making Visible tHe inVisible:reflexiOns On tHe arcHaeOlOgical site Of bibracte (nièVre, france)

mettre en Valeur l’inVisible :

réflexiOns sur le site arcHéOlOgiQue

De bibracte (nièVre, france)Vincent Guicharddirecteur général du Centre archéologique européen

Claude Chazellearchitecte paysagiste, paysagiste-conseil de l’État

La probLématiquE Du sitE DE bibraCtE : « réVéLEr L’iNVisibLE1 »Bibracte est une grande agglomération fortifiée protohistorique (12 km de remparts, 200 ha de superficie) située sur l’un des sommets du Morvan, le mont Beuvray, en Bourgogne ( Saône-et-Loire). C’est un site archéologique majeur : à plusieurs reprises mentionné par Cé-sar, il fut la capitale de l’un des principaux peuples gaulois protagonistes de la Guerre des Gaules. Les fouilles menées sur le site au xixe siècle ont servi à caractériser la « civilisation des oppida » de la fin de l’âge du fer. un programme international de recherches y a été lancé en 1984 par le ministère de la Culture. En 1989, le site a rejoint la liste des Grands Travaux de l’État, ce qui a conduit à la mise en place d’une entreprise de statut privé, appelée Bibracte, qui assure à la fois l’encadrement du programme de recherche, la gestion du site archéologi-que et l’accueil du public (45 000 visiteurs par an pour le musée, un peu moins du double pour le site archéologique, en accès libre). Un bilan des actions menées pour améliorer la lisibilité du site a été tiré récemment (Barnoud et al., 2003). On n’y reviendra donc pas ici.

Dans le cadre de l’élaboration d’un nouveau plan de développement culturel et touristique, la direction de Bibracte considérait comme une priorité de programmer des interventions paysa-gères afin de rendre plus lisible et attractif le site de la ville gauloise. De fait, la prégnance de la forêt sur ce site (fig. 1) et la modestie des vestiges visibles d’architecture antique, dispersés sur une grande étendue, incitent à consacrer à l’« environnement naturel » au moins autant d’attention qu’aux vestiges archéologiques eux-mêmes, d’autant que cet environnement fo-restier est considéré par les visiteurs comme une composante majeure de l’identité du site, responsable de la « magie des lieux ».

L’étude paysagère a également été menée dans la perspective d’une labellisation prochaine du mont Beuvray comme « Grand Site » par le ministère de l’Écologie.

LEs moDaLités DE La réFLExioN

Compte tenu du caractère novateur de la démarche, la direction de l’Architecture et du Patrimoine du ministère de la Culture l’a reprise à son compte en confiant à l’un d’entre nous une étude plus ambitieuse et plus généraliste, sous l’intitulé : « La mise en valeur des sites archéologiques invisibles ».

Le cahier des charges de cette étude, conduite en 2004, formalise un besoin habituellement mal identifié par les gestionnaires de sites archéologiques ou les professionnels chargés de leur mise en valeur (cf. par exemple Morisot, 2003). Ici, ce besoin s’est fait jour à la faveur d’une réflexion conjointe avec l’architecte des monuments historiques du site. Les conclu-sions de l’étude résultent de l’examen croisé de réalisations récentes sur plusieurs sites ; elles permettent de proposer, à titre expérimental, des préconisations pour l’aménagement de Bibracte.

Les autres sites sélectionnés sont très divers, tant par leur nature que par les modalités de leur mise en valeur/en scène pour l’accueil du public.

1. Les auteurs tiennent à remercier les personnes suivantes qui ont facilité la visite et l’expertise des sites de référence : Marc Cas-teignau (écomusée de l’Airial de Marquèze), Xavier Delestre (Glanum), Laurent Guyard (Le Vieil-Évreux), Véronique Mure (Pont du Gard / Mémoires de Garrigue), Jean-Simon Pagès (réserve géologique de Digne).Cette communication a fait l’objet d’une première présentation au forum Unesco-Université 2005, Newcastle, 11-14 avril 2005, consacré aux paysages culturels du xxie siècle.

– Glanum est l’exemple type d’un parc archéologique méditerranéen « traditionnel » qui n’a pas fait l’objet d’opération de mise en valeur globale et où les ruines d’édifices antiques, laissées à l’air libre, sont fortement enchevêtrées et peu compréhensibles.

– Jublains et Le Vieil-Évreux sont de vastes complexes gallo-romains actuellement situés en milieu rural ou périurbain, dont une partie très faible a été révélée par des fouilles. Dans les deux cas, le souci de révéler la trame urbaine des sites s’appuie sur un traitement spatial extensif, sinon global, qui relève d’une approche paysagère.

– Le site du Pont du Gard a surtout été considéré du point de vue de son aménagement paysager global, primordial, et qui s’applique non seulement aux abords du monument lui-même, mais aussi à un site de carrières antiques et à son paysage rural traditionnel des garrigues languedociennes.

– L’écomusée des Landes et le musée-promenade de Digne fournissent un contrepoint utile en tant que « musée de société » en milieu rural dans le premier cas, d’une série de par-cours de découverte géologique dans le second. L’un et l’autre offrent (au même titre que « Mémoires de Garrigue » aux abords du Pont du Gard) des pistes de réflexion intéressantes sur l’organisation du cheminement des visiteurs, la signalétique, la révélation d’un lieu digne d’intérêt par un aménagement particulier (plate-forme d’observation, intervention artistique de type land art…).

LEs priNCipEs Dégagés : iNtErVENir sur LE CaDrE autaNt quE sur LE motiF

La visite et l’analyse de ces sites conduisent à distinguer le motif (la « figure »), qui est le détail significatif à montrer, de son cadre (le templum), l’ensemble constituant un « lieu ». On insiste sur la nécessité de prendre en compte le cadre autant que le motif dans les projets d’amé-nagement, car la qualité du cadre est une condition indispensable à la bonne perception du motif qu’il enchâsse. Les études de cas montrent que, lorsque la mise en valeur néglige le cadre, l’impact est fortement atténué, quelle qu’en soit la qualité architecturale (fig. 2). De façon plus générale, on peut considérer que ce problème est très fréquent : il résulte du peu d’importance accordée à une réflexion globale selon les critères du paysagiste, sur la lisibilité du site et la qualité de l’environnement des vestiges.

Des études de cas, il ressort trois principes indispensables pour réussir un aménagement de site :– la lisibilité des logiques de relief (assise géographique) ; le « sens » d’un lieu commence avec

le sens géographique, en termes de composition, de signification ou de sensibilité ;– l’intelligibilité des espaces signifiants du point de vue archéologique ; chaque ensemble de

vestiges (motif) doit être compréhensible, sans l’aide d’accessoires – comme des panneaux signalétiques, parfois plus visibles que l’objet à contempler ; il faut impérativement mettre en scène l’antériorité des vestiges (par rapport aux éléments constitutifs du paysage moderne et aux interventions destinées à la « mise en valeur ») ;

– le pouvoir de séduction des espaces signifiants du point de vue archéologique ; chaque ensemble de vestiges doit s’inscrire dans un cadre séduisant au regard. Le lieu doit donc exister en tant que tel, à charge éventuellement, pour le paysagiste (voire l’artiste), de mieux le révéler.

L’appLiCatioN au Cas DE bibraCtE

Le site de Bibracte a fait l’objet d’une analyse plus approfondie, mais analogue à celle des sites de comparaison. L’application des trois principes dégagés montre la nécessité de :– rendre perceptible la géographie de l’espace qui sert de réceptacle à la ville (relief : points

hauts, ensellements, vallons ; rapports avec les collines et vallées alentour) ;

METTRE EN VALEUR L’INVISIBLE : RéFLEXIoNS SuR LE SITE ARCHéoLogIquE

DE BIBRACTE (NIÈVRE, FRANCE)Vincent GuichardClaude Chazelle

METTRE EN VALEUR L’INVISIBLE : RéFLEXIoNS SuR LE SITE ARCHéoLogIquE

DE BIBRACTE (NIÈVRE, FRANCE)Vincent GuichardClaude Chazelle

– différencier l’emprise de la ville gauloise de Bibracte de son support géographique (le massif boisé du mont Beuvray) ;

– mieux affirmer les lieux du site, dont ceux où s’inscrivent des vestiges montrables au public.

Le principal mode opératoire proposé pour cela est une intervention importante, mais pro-gressive (programmation à un siècle), sur le couvert forestier (fig. 3), destinée à :– passer d’une logique de boisement de production à une logique de bosquets de significa-

tion dans l’emprise des remparts de la ville antique ;– révéler la charpente paysagère du site (morphologie et lieux majeurs) ;– instaurer des continuités visuelles à l’échelle de la ville, permettant sa compréhension spa-

tiale ;– mettre en scène des espaces particuliers, notamment les portes percées dans l’enceinte,

les rochers emblématiques ou les lieux belvédères.

iNtErVENtioNs graDuéEs mais VoCabuLairE CommuN

Dans un deuxième temps, il s’agit de définir différentes possibilités de mise en scène des ves-tiges archéologiques disséminés sur le site. On s’appuie pour cela sur les exemples révélés par les études de cas et sur les travaux déjà effectués sur le mont Beuvray depuis une dizaine d’années. Il en résulte la proposition d’une palette d’interventions graduées (fig. 4).

La cohérence de ces interventions est obtenue par la référence au sens profond du lieu et par l’utilisation d’un vocabulaire commun, destiné à signifier l’antériorité des vestiges par rapport à la forêt et aux interventions contemporaines. Dans le cas de Bibracte, il s’agit de recourir encore une fois au végétal, sauvage ou domestiqué, qui doit systématiquement habiller et « rendre lisibles », à l’aide de leur propre sens, les vestiges et les aménagements. Les surfa-ces de circulation antiques, notamment, seront traitées sous forme de tapis d’herbe, avec différents modes d’entretien pour signifier des différences d’usage (espaces couverts, cours et jardins, rues).

En outre, le site pose un délicat problème de circulation ; comme pour la mise en valeur des vestiges, un vocabulaire d’intervention est proposé pour les cheminements piétons, qui re-prend le principe d’aménagements agraires modernes, à savoir les haies plessées bordant traditionnellement les chemins du Morvan.

miEux mEttrE EN VaLEur « L’arCHéoLogiE EN mouVEmENt »

Bibracte accueille chaque année une demi-douzaine de chantiers de fouille animés par des chercheurs européens ; c’est donc un des très rares lieux où le visiteur a la possibilité d’observer le travail des archéologues en temps réel et sa progression d’une année sur l’autre. Cette offre patrimoniale propre au site est l’un des volets du plan de gestion pay-sagère en cours ; il a en effet été convenu que les installations et aménagements liés au travail des archéologues ne devaient laisser aucune trace durable. On développe ainsi le concept d’un abri de chantier totalement réversible, modulable et installé sans recours à un engin de levage lourd2.

CoNCLusioN

Notre réflexion nous a convaincus que le site archéologique pouvait lui-même être consi-déré comme un paysage, c’est-à-dire comme le résultat de nos projections mentales sur un

2. À l’issue d’une étude de définition menée en 2004, la maîtrise d’œuvre de cet abri a été confiée au bureau d’ingéniérie RFR et au cabinet d’architecture Paul Andreu. Il est prévu d’installer à titre expérimental 2 000 m2 de couverture sur le chantier de la Pâture du couvent, où l’on dégage depuis quelques années les restes d’un ensemble monumental romain du milieu du ier siècle av. J.-C

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DE BIBRACTE (NIÈVRE, FRANCE)Vincent GuichardClaude Chazelle

substrat mêlant composantes naturelles et vestiges d’activités humaines passées. Le visiteur d’un site, qui contemple celui-ci comme un paysage, est comme l’archéologue, qui doit faire preuve d’« invention » pour repérer les vestiges signifiants et leur donner du sens en les inter-prétant. Dès lors, il est facilement compréhensible que l’approche paysagère soit particulière-ment opérante pour « mettre en valeur » des vestiges archéologiques.

À Bibracte, cette approche dégage clairement, et sur le long terme (un siècle), de nouvelles lignes directrices pour la gestion et la mise en valeur du site. Certaines peuvent être prises en compte immédiatement (pour l’exploitation forestière et la conduite des chantiers de restaura-tion), sans nécessité d’investissement spécifique. D’autres serviront de base pour des études opérationnelles à venir.

Le constat effectué par le croisement des analyses de plusieurs sites et les préconisations proposées pour Bibracte nous semblent enfin avoir une portée réellement générale. Quels que soient leur nature précise (ville romaine ou oppidum gaulois) et leur environnement géo-graphique (un vallon des Alpilles, un sommet boisé du Morvan ou encore une plaine intensé-ment cultivée du Bassin parisien), les principes d’intervention préconisés demeurent parfaite-ment valables : l’attention à la charpente paysagère d’un site, la prise en compte du « cadre » paysager autant que du « motif » archéologique, et donc la prise en compte de la totalité d’un site archéologique plutôt que de ses seules parties fouillées, sont désormais des évidences, voire des nécessités. Pourtant, il existe plusieurs autres gros chantiers ou projets récents de mise en valeur de sites archéologiques – certains même prestigieux – où cette préoccupation ne se traduit pas dans les marchés de maîtrise d’œuvre, pour lesquels le paysagiste devrait être impliqué à un niveau au moins égal à l’architecte. De ce point de vue, nous souhaitons souligner les enjeux des approches paysagères et rappeler que, dans bien des cas, elles sont prioritaires par rapport aux approches purement architecturales.

bibLiograpHiE

BalSaMo, 2003BalSaMo, I. (coord.), Vestiges archéologiques en milieu extrême, Actes de la table ronde de Clermont-Ferrand (2000), Paris, Centre des monuments nationaux, 2003.

Barnoud et Al., 2003Barnoud, P., Boura, F., Gorlier, J., GuicHard, V., « L’aménagement de l’oppidum gaulois de Bi-bracte : chronique de quinze années de tâtonnements », in I. BalSaMo, Vestiges archéo logiques en milieu extrême, Paris, Centre des monuments nationaux, 2003, p. 150-163.

MoriSot, 2003MoriSot, F., « Paysage et site archéologique », in I. BalSaMo, Vestiges archéologiques en milieu extrême, Paris, Centre des monuments nationaux, 2003, p. 64-67.

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DE BIBRACTE (NIÈVRE, FRANCE)Vincent GuichardClaude Chazelle

Figure 1a

Figure 1b

Figure 1c

Fig. 1. Bibracte sur le mont Beuvray. Une ville enfouie sous la forêt

(cl. Maillier, Bibracte, et Goguey, Recherches d’archéologie aérienne).

Vues aérienne (cl. Goguey), cavalière, montgolfière (cl. pâture).

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DE BIBRACTE (NIÈVRE, FRANCE)Vincent GuichardClaude Chazelle

Figure 3a

Figure 2b

Figure 2a

Fig. 2. Le rapport du motif à son cadre (exemples pris à Bibracte ; cl. Chazelle).a. La Fontaine Saint-Pierre (remodelée en 2000). La magie opère là où la notion et l’esprit de lieu sont les plus sensibles…b. La Porte du Rebout (restituée en 2000). Un motif déconnecté de son environnement, un lieu sans âme, une découverte sans émotion.

Fig. 3. Le plan de gestion paysagère de Bibractea. État actuel du couvert forestier (vue zénithale © IGN, 2000).

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DE BIBRACTE (NIÈVRE, FRANCE)Vincent GuichardClaude Chazelle

Figure 3c

Figure 3b

Fig. 3. Le plan de gestion paysagère de Bibracteb. Analyse paysagère (doc. Chazelle).c. Schéma des boisements projetés à 90 ans (doc. Chazelle).

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DE BIBRACTE (NIÈVRE, FRANCE)Vincent GuichardClaude Chazelle

Fig. 4. Schéma de principe des scénarios envisageables pour la mise en valeur de vestiges archéologiques immo-biliers (doc. Chazelle).a. Vestiges indiqués par un accident topographique mais masqués par l’environnement (ici forestier).b. Dégagement du mouvement de terrain.c. Soulignement de ce mouvement de terrain par une intervention artistique de type land art.d. Accentuation du mouvement de terrain par un léger terrassement.e. Suggestion de la structure architecturale par l’affleurement de certaines parties maçonnées.f. Révélation plus complète de la structure par une restitution ou une recréation architecturales.

Figure 4a

Figure 4c

Figure 4e

Figure 4b

Figure 4d

Figure 4f

résumé

Marie-Christine Bailly-Maîtredirecteur de recherche, CNRS

Alain Tillierarchitecte en chef des monuments historiques

Brandes se trouve sur le territoire de la commune d’Huez-Alpe d’Huez (Isère). Un village s’est implanté, du milieu du xiie au milieu du xive siècle, sur un haut plateau, à 1800 m d’altitude, pour exploiter un gisement de plomb argentifère. Sa valorisation pose des problèmes qui font de cette entreprise un cas d’école.

Le village comprend une fortification de type shell-keep, une église paroissiale dédiée à saint Nicolas entourée d’une nécropole, un habitat permanent construit sur le carreau de la mine et dont l’architecture s’est adaptée au contexte environnemental, une bergerie et des jardins, des mines à ciel ouvert et souterraines, des ateliers de minéralurgie (concassage, broyage et lavage du minerai), des aménagements hydrauliques considérables liés au trai-tement du minerai. Le village et les installations industrielles n’ont pas été réoccupés après l’abandon du site dans les années 1330.

Le site de Brandes est un site exceptionnel par l’ampleur et la nature des vestiges, mais très menacé ; il présente un certain nombre de spécificités qui ont une incidence directe sur le projet de valorisation : les contraintes naturelles, les difficultés liées à la nature des vestiges, le mode de construction (maisons semi-enterrées dans la pente naturelle du terrain nord-sud), le manque d’accessibilité des vestiges, la proximité de la station de L’Alpe d’Huez et à la sur-fréquentation.

la ValOrisatiOn D’un Village méDiéVal D’altituDe, cOntraintes et cHOix : branDes-en-Oisans (isère, france)

abstraCt

Marie-Christine Bailly-Maîtreresearch director, CNRS

Alain Tillierhead architect of Historical Monuments

Brandes is situated on the territory of the commune of Huez-Alpe d’Huez (38). A village deve-lopped there on a high plateau, at 1800 m. of altitude, from the middle of the 12th century to the middle of the 14th century, to mine a vein of silver-bearing lead. Its enhancement poses a series of problems which make it a good case-study.

The village posssesses a shell-keep type of fortification, a parochial church dedicated to Saint Nicholas surrounded by a necropolis, a permanent habitat which is built on the pit-head, the architecture of which has adapted to the environmental context, a sheep-fold and gardens, open-sky and underground pits, mineralurgic workshops (crushing, grinding and washing of ore), considerable hydraulic fittings linked to the treatment of the ore. The village and the in-dustrial facilities were never used again since the village was deserted in 1330.

The site of Brandes is exceptional both in terms of its size and of the nature of its remains, but it is threatened; it presents a certain number of specificities which have a direct bearing on its enhancement scheme: the natural constraints, the difficulties linked to the nature of its re-mains, to the type of constructions (houses half-buried in the natural slope of the north/south territory), to the difficult access to the remains, the proximity of the Alpe d’Huez ski resort and to the over-abundance of visitors.

enHancement Of a meDieVal Village in altituDe, cOnstraints anD cHOices: branDes-en-Oisans (isère, france)

la ValOrisatiOn D’un Village méDiéVal D’altituDe, cOntraintes et cHOix : branDes-en-Oisans (isère, france)

Marie-Christine Bailly-Maîtredirecteur de recherche, CNRS

Alain Tillierarchitecte en chef des monuments historiques

brandes se trouve sur le territoire de la commune d’Huez-alpe d’Huez (isère). un village s’est implanté, du milieu du xiie au milieu du xive siècle, sur un haut

plateau, à 1800 m d’altitude, pour exploiter un gisement de plomb argentifère. sa valorisation pose des problèmes qui font de cette entreprise un cas d’école.

i – présENtatioN Du sitE DE braNDEs

Le village comprend une fortification de type shell-keep, une église paroissiale dédiée à saint Nicolas entourée d’une nécropole, un habitat permanent construit sur le carreau de la mine et dont l’architecture s’est adaptée au contexte environnemental, une bergerie et des jardins, des mines à ciel ouvert et souterraines, des ateliers de minéralurgie (concassage, broyage et lavage du minerai), des aménagements hydrauliques considérables liés au traitement du minerai (fig. 1). Le village et les installations industrielles n’ont pas été réoccupés après l’aban-don du site dans les années 1330.

Figure 1

Fig. 1. Plan général du site (mise au net Marion Baudrand).

Le site de Brandes est étudié depuis 1977, sous la responsabilité de Marie-Christine Bailly-Maître (UMR 6572 du CNRS-LAMM), avec les membres et le soutien du GEMA (Groupe d’étude des mines anciennes). Il est classé au titre des monuments historiques depuis 1993 et l’ensemble des parcelles constitue une « réserve archéologique ».

La commune d’Huez-Alpe d’Huez a créé, en 1982, le musée d’Huez et de l’Oisans (musée de France) qui conserve et expose les collections archéologiques. Depuis 2001, une réflexion s’est menée entre la DRAC (conservation régionale des monuments historiques, service ré-gional de l’archéologie), l’architecte en chef des monuments historiques, les archéologues et la commune afin d’engager une valorisation du site. Cette valorisation a une double mission : rendre compte au public des travaux et des recherches conduits depuis plus de vingt-cinq années d’une part, assurer la protection du site sur le long terme d’autre part car un certain nombre de spécificités le rendent très fragile.

ii - LEs spéCiFiCités Du sitE DE braNDEs

Le site de Brandes présente un certain nombre de spécificités qui ont une incidence directe sur le projet de valorisation.

ii.1 - Les difficultés liées aux contraintes naturelles

Le village est situé à 1 830 m d’altitude et l’enneigement recouvre le site environ six mois par an. À la fonte des neiges, le ruissellement est important et les sols argileux gorgés d’eau. Le reste de l’année, l’ensoleillement est fort et les UV sont moins filtrées qu’en plaine.

ii.2 - Les difficultés liées à la nature des vestiges

II.2.1 - Le mode de construction

Les maisons sont sem-enterrées dans la pente naturelle du terrain nord-sud (fig. 2). Les habi-tants du village ont mis en œuvre ce type de construction afin de se protéger des vents du nord et du froid. En conséquence, les murs et les sols d’occupation sont fortement soumis à l’humidité (substrat argileux). Les pierres des murs sont simplement liées à la terre. Si l’épais-seur de neige empêche le gel, la fonte est ca-tastrophique car elle entraîne la destruction ra-pide des bâtiments dégagés par la fouille.

Les vestiges industriels, quant à eux, sont très difficiles à conserver, en raison de leur nature : ateliers de concassage manuel du minerai, de bassins de lavage du minerai remplis de sable, etc.

II.2.2 - L’accessibilité des vestiges

Le site est étendu (900 m de longueur pour 300 m de largeur), totalement ouvert (fig. 3). À aucun moment, le promeneur n’a l’impression de pénétrer dans un village car les vestiges sont très arasés et se matérialisent principalement par des reliefs en creux. Les dénivelés im-portants d’un bout à l’autre du plateau ne permettent pas de voir l’intégralité du site d’un seul coup d’œil, non lisible pour le visiteur seul. C’est un des handicaps majeurs pour le travail de valorisation. La réponse apportée sera de restituer les cheminements internes et externes et de mettre en place une signalétique adaptée.

LA VALORISATION D’UN VILLAGE MÉDIÉVAL D’ALTITuDE, CoNTRAINTES ET CHoIX :

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Alain Tillier

Figure 2

Fig. 2. Mode de construction des maisons (M.-Ch. Bailly-Maître).

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Par ailleurs, les vestiges miniers sont actuellement inaccessibles au public sans aménagements spécifiques pour des raisons de sécu-rité des per sonnes, mais plus encore pour la préservation des sites eux-mêmes car la mine est un milieu fragile (fig. 4). Les chantiers d’extraction à ciel ouvert s’ouvrent dans une pente abrupte, sous le rocher Saint-Nicolas et les chantiers souterrains sont exigus, en permanence envahis par l’eau, et des stériles encombrent les gale-ries. Toutes ces contraintes empêchent d’imaginer une valorisation comme cela se fait ailleurs. Les pays de la « Grande Province minière germanique » (Allemagne, Autriche, République tchèque, Slovaquie, etc.) pratiquent un tourisme minier intense et de nombreux sites sont aménagés pour le grand public (Wild, 1998)... En Italie, le site minier médiéval de San Silvestro (Toscane) a fait l’objet d’une valo-risation mais, comme pour Brandes, c’est le village qui a été traité, les mines restant inaccessibles et présentées au public sous forme d’exposition. En France, plusieurs projets sont à l’étude, comme le projet « Tellure » à Sainte-Marie-aux-Mines (Alsace) ; d’autres sont déjà concrétisés, comme les « Hautes Mynes du Thillot » (Vosges) ou les mines carolingiennes de Melle (Poitou). À Brandes, le visiteur ne pourra pas pénétrer dans les mines.

Figure 4

Figure 3

Fig. 3. Vue aérienne du site de Brandes (cliché M.-Ch. Bailly-Maître).

Fig. 4. Exploitation minière à ciel ouvert sous le rocher Saint-Nicolas (cliché M.-Ch. Bailly-Maître).

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II.2.3 - Les difficultés liées à la proximité de la station de l’Alpe d’Huez et à la surfréquentation

Depuis une vingtaine d’années, la station de l’Alpe-d’Huez s’est développée en direction du site archéologique. Les conséquences sont :– une « urbanisation » des abords immédiats des vestiges médiévaux. Le site est entouré de

résidences hôtelières ; un ball-trap est implanté en limite des parcelles classées et pollue le site avec des palets et du plomb ; un projet d’extension de l’altiport va mettre des hangars au contact du site ;

– une surfréquentation du site. En hiver, les pistes de ski de fond passent au-dessus des ves-tiges (damage) ; l’été, Brandes est un lieu de promenade très fréquenté (plusieurs centaines de promeneurs par jour). Malgré des arrêtés municipaux, le plateau voit passer des VTT, des quad, des 4×4. C’est un lieu de pique-nique, de camping sauvage, etc.

En résumé, Brandes est un site exceptionnel par l’ampleur et la nature des vestiges, mais très menacé par une surfréquentation d’un public non averti ; enfin, c’est un site difficile à valoriser car très râpé.

iii – LEs prEmièrEs réaLisatioNs

Afin de matérialiser l’existence du site archéologique et de le rendre plus compréhensible avant toute opération de valorisation, la conservation du patrimoine de l’Isère et le conseil général de l’Isère ont pris en charge la fabrication de plusieurs « totems » explicatifs : site religieux, fortifica-tion, aménagements hydrauliques, atelier de lavage du minerai, vie quotidienne, habitat, forge. La réflexion qui a présidé à la conception de ces panneaux a intégré les spécificités du site. Leur forme leur permet d’être vus de loin en loin par les promeneurs, leur couleur (alu brossé) évoque l’argent, minerai à l’origine de l’implantation du village. Ces totems ont du succès auprès du public qui prend le temps de lire le court texte sérigraphié sur une des faces.

La première opération de restauration a concerné le site religieux. L’église occupe un éperon rocheux accidenté qui avait la faveur des amateurs de vélo extrême. Afin de redonner aux vestiges leur caractère religieux et ainsi éviter les dégradations occasionnées par les cyclistes, les passages sur les murs, etc., il a été décidé de restaurer en priorité ce bâtiment. En 2002, la commune a obtenu, pour ce projet, le label Montagne 2002. L’opération, réalisée en 2003 et 2004, a été faite hors programmation MH, mais sous la direction de l’ACMH. Les trois états de construction de l’église (deux phases médiévales et une chapelle du xviie s.) ont été souli-gnés de façon à rendre la chronologie lisible et un petit oratoire du xixe s. qui abritait la statue de saint Nicolas en bois polychrome, encore en élévation en 19011, a été reconstruit, rendant à l’église sa signification spirituelle (fig. 5). Le résultat auprès du public est très positif.

iV – uN projEt arCHitECturaL Et tECHNiquE EN Cours D’éLaboratioN

iV.1 – une opération en avant-première : la restauration de la fortification

La réflexion engagée par l’architecte en chef des monuments historiques, les archéologues et les services de la DRAC a abouti à un projet dont la finalisation est en cours, sous forme d’un projet architectural et technique (PAT) élaboré par l’ACMH avec l’assistance de P. Bienvenu, paysagiste. Ce PAT engagera la collectivité dans des restaurations qui s’échelonneront sur plusieurs années 2.

1. Hyppolite Muller, grand archéologue, fondateur du Musée dauphinois (Grenoble), a fouillé à Brandes en 1899 et 1901. Il a laissé deux importants articles ainsi que des photos sur plaques de verre qui témoignent de l’état du site au début du xxe siècle. Ces docu-ments sont précieux car le site a davantage souffert au xxe siècle que pendant les 700 ans qui ont précédé.2. Avec l’aide financière des services du ministère de la Culture et de la Communication et du conseil général de l’Isère.

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Cependant, la commune, désireuse d’accélérer le processus de valorisation, engage, dès 2006, hors programmation MH mais sous la direction de l’ACMH, la restauration de la fortifi-cation. Cette dernière, implantée au sommet du rocher Saint-Nicolas, domine le site de plus de 40 m. Elle est visible de loin en arrivant de la vallée. Il s’agit d’un signal très fort.

La plate-forme sommitale mesure 21 m de diamètre (fig. 6). Elle est formée pour partie d’un banc de roche arasé et pour partie de remblais. Un mur de chemisage assure la cohérence de l’ensemble, doublé par un mur d’enceinte. Un fossé annulaire de 6 m de profondeur pour 6 à 8 m de largeur cerne l’ensemble. Deux pièces de plan trapézoïdal sont fondées sur la roche, le reste de la plate-forme est en aire ouverte.

Le projet 2006 consiste à restaurer le mur d’enceinte du shell-keep, à aménager l’accès à la plate-forme, à vider le fossé des remblais qui l’encombrent et à consolider les murs des deux pièces (fig. 7). Une table d’orientation sera installée par la suite au sommet de la fortification.

Figure 5

Fig. 5. Église Saint-Nicolas restaurée avec son oratoire (cliché M.-Ch. Bailly-Maître).

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Figure 6

Figure 7

Fig. 6. Photo aérienne du shell-keep (cliché M.-Ch. Bailly-Maître).

Fig. 7. Restauration de la fortification (photomontage A Tillier et P. Bienvenu).

iV.2 – un avant-projet réalisés par alain tillier (aCmH) et patrick bienvenu (paysagiste)

Rappelons que le site de Brandes est très arasé et que les vestiges ont des élévations peu marquées, voire invisibles avant la fouille. Par ailleurs, tout en étant mitoyen des constructions récentes de la station touristique, il garde un caractère « sauvage » qu’il fallait absolument préserver. C’est la raison pour laquelle l’ACMH a souhaité travailler en collaboration avec un paysagiste. Cette approche paysagère est tout à fait adaptée et pourra seule rendre une cohérence et un esprit à ce site qui a beaucoup souffert. Les actions porteront sur plusieurs axes (fig. 8).

IV.2.1 - Aménagement des abords et des cheminements

Le village étant totalement ouvert sur le plateau, il est nécessaire de guider le visiteur en resti-tuant les cheminements. Pour cela, les cheminements internes seront restitués et la piste mo-derne qui coupe le site en deux (et qui est particulièrement fréquentée par des engins à moteur) sera déplacée au nord du village et réduite à un simple chemin piétonnier (fig. 9, 10).

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Figure 8

Fig. 8. Répartition des actions sur le site (A. Tillier et P. Bienvenu).

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Fig. 9. Translation de la piste au nord du village, route panoramique

(photomontage A. Tillier et P. Bienvenu).

Fig. 10. Restitution des cheminements internes (A. Tillier et P. Bienvenu).

Figure 9

Figure 10

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Fig. 11. Réactivation de la tourbière au pied du rocher Saint-Nicolas (photomontage A. Tillier et P. Bienvenu).Figure 11

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IV.2.2 - Remontage du mur d’enceinte sur quelques dizaines de mètres au nord du village avec espace d’interprétation et point de vue

IV.2.3 - Remise en lecture des canaux avec remise en eau d’une canalisation (C5)

Le plateau de Brandes est sillonné par un réseau d’aménagements hydrauliques important. Le projet est de rendre lisibles ces aménagements avec, dans la mesure du possible, une remise en eau de l’une des canalisations.

IV.2.4 - Réactivation de la tourbière qui s’étend au pied du rocher Saint-Nicolas

Cette tourbière existait au moment de l’occupation médiévale du site. Les études palyno-logiques et les datations qui ont été faites à partir de carottages réalisés sur cette tourbière permettent de dire qu’elle s’est formée au ier siècle ap. J.-C. Elle fait donc partie du paysage (fig. 1). En outre, elle est intrinsèquement intéressante puisqu’elle est toujours active, que l’on y trouve des salamandres et des tritons et qu’elle enregistre depuis un millénaire l’histoire climatique et végétale du plateau. La remise en eau de la canalisation C5 permettra de ré-alimenter la tourbière.

IV.2.5 - Remise en lecture des constructions

Le projet prévoit le remontage des murs périphériques (sur quelques dizaines de centimètres), le nivelage et le traitement sablé à l’intérieur de plusieurs bâtiments dans la partie occidentale du village : habitat, atelier de concassage, etc.

Un secteur d’interprétation au nord du village pourrait prendre la forme d’une reconstruction complète d’un bâtiment en lien avec le travail sur le mur d’enceinte du village (voir fig. 8).

CoNCLusioN

Ce programme de restauration-valorisation est ambitieux, mais sa dimension paysagère est originale et semble seule pouvoir répondre au défi de rendre une lisibilité à cet ensemble de vestiges. Malgré les dégradations subies par ce site et les difficultés à restituer sa réalité an-cienne, Brandes mérite un tel projet car, scientifiquement, il est unique, il se trouve au cœur d’une station touristique et il est impossible de le laisser dans l’état actuel sous peine de le condamner à disparaître rapidement.

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bibLiograpHiE

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TereyGeol (F.), « Les mines d’argent carolingiennes de Melle », thèse de doctorat d’État, université Paris-I, 2001, 3 vol.

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POur une étHiQue De la restitutiOn sur les sites arcHéOlOgiQues : QuelQues éléments POur une cOnclusiOn

Michel Colardelleconservateur général, directeur du musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée

jean-Claude golvin, lors de son introduction, est parti des définitions du mot restitution, s’interrogeant en expert sur les différentes acceptions du terme

puisque, de son crayon habile, il s’est fait une spécialité de proposer au grand public comme aux savants des dessins qui reconstituent, sur la base des don-nées archéologiques, l’allure des bâtiments, monuments et ensembles archi-tecturaux et paysagers disparus, dont l’élévation ne peut autrement qu’être imaginée : c’est effectivement une forme, et combien intéressante, de la resti-tution. mais restitution à qui ? pour ma part, je tâcherai de conclure ce colloque passionnant en partant du public, de la médiation qu’il attend, c’est-à-dire de ses motivations, comme de celles des promoteurs d’aménagements de sites archéologiques.

Comme l’a montré la communication de David Rousseau à propos des villae romaines, parmi les premières à connaître une mise en valeur, c’est au xixe siècle que l’on commence à réaliser des aménagements, et dès ce moment se pose la question de la reconstitution, pour des raisons pédagogiques mais aussi avec des objectifs de conservation, les resti-tutions d’élévations constituant une protection contre les intempéries. À cette époque, la déontologie de la conservation n’est pas aussi élaborée qu’aujourd’hui, ni d’ailleurs celle de la recherche, et on hésite moins à reconstruire des éléments disparus, selon une phi-losophie du « vraisemblable » que nous n’accepterions plus aujourd’hui. Le grand moment de développement des présentations de sites archéologiques est néanmoins le xxe siècle et plus particulièrement sa seconde moitié, en France comme ailleurs en Occident et dans les pays du pourtour méditerranéen. Les raisons en sont évidentes. Les fouilles « de sau-vetage », puis « préventives », prennent appui sur les opinions publiques, qu’elles mobilisent avec succès, entraînant ensuite des obligations de restitution qui s’imposent aux politiques, aux aménageurs comme aux archéologues. L’élargissement des disciplines archéologi-ques, de plus en plus sensibles aux questions fondamentales de la relation entre sociétés et milieux naturels, dans la perspective très politique mais souvent informulée d’une réflexion sur l’avenir de l’humanité dans une planète finie, compte également dans la mesure où les sites archéologiques exigent désormais l’ajout d’une dimension contextuelle plus complexe et plus subtile, qu’une simple présentation de ruines ne permet pas. L’affinement des tech-niques de recherche donne accès à une diachronie également difficile à faire percevoir sans un appareil pédagogique sophistiqué. Enfin, la pluridisciplinarité, en confrontant des savoirs plus divers, démontre que les reconstitutions techniques sont rarement satisfaisantes si elles demeurent à l’état littéraire, et que des expérimentations concrètes s’imposent, qui revêtent rapidement un caractère patrimonial et pédagogique par elles-mêmes.

Ce n’est pourtant pas dans la science que l’on peut trouver les raisons majeures de l’engoue-ment pour l’archéologie, et donc de la multiplication des restitutions qui finissent toujours par être créées sur les sites archéologiques visitables, mais dans les évolutions de la société. La pédagogie, à la suite de Freinet, s’est appliquée à utiliser le terrain local, dans lequel se trouvaient bien souvent des sites archéologiques, même modestes, pour faire naître le goût de l’histoire dans une perspective d’acquisition de connaissances certes, mais surtout d’ap-titude à l’analyse sociale et au sens critique. La recherche préhistorique et historique a cessé d’être réservée à une catégorie étroite de spécialistes. Le développement du temps libre et des loisirs, l’allongement de la durée de la retraite et les nouvelles possibilités financières des retraités, la plus grande facilité des voyages et la multiplication des vacances organisées pour lesquelles les voyagistes recherchent des activités culturelles faciles ont aussi été des facteurs de développement. L’opinion, dans le grand tourbillon de la modernité et des déraci-

nements, s’est enfin mise en quête d’identités apaisantes, d’appartenances originelles, dont les croyances religieuses et les mythes traditionnels ne suffisaient plus à assurer la certitude. La difficulté, pour diverses raisons économiques et démographiques mais surtout culturel-les, à admettre une éthique collective, qui désorganise nos sociétés, démaille les solidarités d’échelle nationale, provoque des replis et renforce les exclusions, engage une vaste et dif-fuse interrogation sur le passé, à laquelle l’archéologie, par son caractère matériel, concret, apporte des réponses sinon plus pertinentes, du moins plus accessibles à une majorité de citoyens.

Face à ces tendances, les décideurs ont dû eux-mêmes évoluer. Les politiques, que l’ar-chéologie, source de retards dans leurs projets d’aménagement, agaçait, ont utilisé les moyens nouveaux que leur conférait la décentralisation, en arguant des nécessités du déve-loppement local et en s’appuyant sur les bons chiffres du tourisme culturel (« on n’a pas de pétrole, pas d’activités industrielles, mais on a un patrimoine »…), pour décider la protection, la mise en valeur et l’aménagement des sites. Les archéologues s’y sont mis aussi, après quelques hésitations, par désir de partage de la connaissance et de la passion de la dé-couverte. Cependant, sans sous-estimer la franchise des convictions citoyennes des uns et des autres, combien, parmi les nombreux sites archéologiques ou parcs de reconstitutions apparus depuis trente ans, résultent de la seule volonté culturelle et pédagogique ? Une très faible minorité : c’est la motivation économique qui prime. Il peut sembler incongru d’aborder cette question dans un colloque comme le nôtre, mais dans les faits elle est essentielle pour notre sujet, dans la mesure où les acteurs de l’économie, quels qu’ils soient, recherchent avant tout, dans un équipement culturel, une attraction populaire, susceptible de conquérir les suffrages du plus grand nombre, et que la facilité de l’approche, comme la ressemblance avec ce qui leur est le mieux connu, les parcs à thème, conduit presque automatiquement à privilégier un mode de restitution imagé, concret, en un mot la reconstitution. Il me semble donc utile de discuter la réalité de l’aspect économique du site archéologique conservé et ouvert au public.

Cette réalité, en effet, est discutable. Nombreuses sont les ambiguïtés qui obscurcissent les raisonnements, dans ce domaine comme dans d’autres touchant à la culture en géné-ral, et au patrimoine plus particulièrement. La première est celle du mode de rentabilité des équipements, qui concerne davantage les effets induits que les effets directs, ce qui a pour conséquence d’obliger en général les investisseurs à ne pas trouver l’amortissement espéré de leur dépense. L’effet économique de tels investissements est indéniable, mais il concerne par exemple l’étalement de la fréquentation de la région concernée, l’augmentation de la du-rée des séjours avec des conséquences sur l’activité hôtelière, etc. Plus encore, le patrimoine archéologique est plus intéressant en termes de ressource pédagogique locale susceptible de contribuer à la formation des jeunes, en termes de concours à la cohésion sociale par une meilleure appréciation de l’histoire, en termes de notoriété susceptible d’attirer l’attention d’investisseurs qu’en termes financiers. La seconde ambiguïté est celle de l’assiette du calcul de la rentabilité : les coûts réels, incluant la recherche, la conservation, la restauration, sont insupportables à tout autre acteur que l’État ou, à la rigueur, d’importantes collectivités terri-toriales. Médiation, exploitation, production événementielle ne constituent qu’une part minime de ce coût réel, et presque toujours le bilan envisagé est celui du « petit équilibre ». Troisième ambiguïté, celle du mécénat, dont la possibilité est toujours avancée comme complément de l’argent public. Mythe, à la limite de la malhonnêteté : en dehors du fait que le mécénat, en matière culturelle, enrichit presque toujours les riches, et donc appauvrit (relativement) les pauvres, l’archéologie, dont l’image est associée au passé, et qui semble élitaire, n’intéresse pas les sponsors qui recherchent dans leur mise de fonds un effet d’image positif à retour rapide. De ce rapide inventaire ressort le point de vue qu’un aménagement de site archéo-logique est effectivement un investissement économique, à condition de le considérer comme une infrastructure, un élément de l’aménagement du territoire, à effets indirects sur le long terme, et non comme un outil financier. Après avoir admis ces quelques constats simples, il sera plus facile de rechercher une efficacité culturelle plus fondamentale, plus conforme à des objectifs « citoyens ».

POUR UNE ÉTHIQUE DE LA RESTITUTION SUR LES SITES ARCHÉOLOGIQUES :

QUELQUES ÉLÉMENTS POUR UNE CONCLUSION Michel Colardelle

POUR UNE ÉTHIQUE DE LA RESTITUTION SUR LES SITES ARCHÉOLOGIQUES :

QUELQUES ÉLÉMENTS POUR UNE CONCLUSION Michel Colardelle

Je reviens à présent aux publics. Michel-Édouard Bellet a fait remarquer que les archéolo-gues n’étaient pas en avance, dans leur connaissance, par rapport aux professionnels des musées. Ce n’est qu’en partie vrai, les conservateurs de musées ne s’étant intéressés que depuis une vingtaine d’années, sous l’influence de la « nouvelle muséologie1 » d’origine ca-nadienne d’un côté, française et centre-européenne de l’autre, aux publics et à la sociologie de la réception. En fait, la question est plus importante qu’il n’y paraît : les musées béné-ficient de professionnels de la conservation, interfaces entre le scientifique, le culturel et le gestionnaire, depuis les années 1950, alors que la plupart des sites archéologiques, sauf lorsqu’ils sont associés dans la gestion avec un musée de site (et encore, comme le montre l’exemple aberrant de Bibracte2), n’en disposent en général pas, même lorsqu’il s’agit de sites de gestion nationale3.

On doit effectivement travailler davantage à la question des publics sur les sites archéo-logiques. Travail empirique, tirant les enseignements des expériences faites ailleurs, comme de celles qui sont conduites sur chaque site pour mieux connaître les spécificités de leurs publics potentiels. L’objectif n’est pas que tout le monde devienne spécialiste de La Tène ou du bronze final IIIb, mais que les visiteurs trouvent des clés de lecture d’un passé durant lequel les sociétés se sont organisées, ont agi dans les contextes qui étaient les leurs, environne-ment, niveau technologique, concurrence avec d’autres communautés et d’autres cultures, pour les aider à « se comprendre eux-mêmes ». Le public désire prendre du plaisir, celui de la connaissance, mais aussi celui du dépaysement, de la réflexion sur le sens de la vie. Le visi-teur a une appréhension globale, intuitive ; la visite est pour lui une expérience sensible. Il n’est pas dans l’ordre de l’intellect, mais dans celui de la vie. Il parcourt le site avec ses jambes, il en respire les odeurs, il se mouille sous la pluie, il a chaud sous le soleil, il éprouve des senti-ments, il n’est pas seulement un regard et une intelligence. C’est à partir de cette expérience totale, physique et mentale, qu’il construit quelque chose qui n’est pas du seul ordre de la connaissance, mais de celui de l’éveil des questionnements. Ce qu’il ressent indistinctement réveille des souvenirs enfouis dans son inconscient : souvenirs d’autres visites ailleurs, de lectures, de films ou de bandes dessinées. Souvenirs cohérents, allant dans le même sens, ou contradictoires, surprenants voire dérangeants… Comment, à partir de telles expériences, guider les questionnements en respectant l’autonomie du visiteur ? Dans la réponse à cette question réside le métier de la restitution, qui est bien davantage que la présentation des vestiges. Seules des questions formulées peuvent recevoir des réponses ; or celles-là sont informulées : chaque visiteur, armé de sa propre sensibilité, disposant de son propre bagage de connaissances et d’expériences, vivra sa visite de manière particulière, éprouvera des émotions originales – ce qu’a souligné Maud Le Clainche à propos de Melrand – et se posera des questions différentes. Le travail des équipes pluridisciplinaires que Michel-Édouard Bellet appelle de ses vœux à juste titre est de susciter le choc entre expérience acquise et expé-rience vécue sur le site, pour faire surgir une empathie qui devienne interrogation. C’est là que l’outillage fourni – musée de site, centre d’interprétation, simple signalétique ou spectaculaire reconstitution expérimentale – intervient, pour le meilleur et parfois pour le pire. La question fondamentale est donc celle de la manière dont le public assimile ou plus exactement vit le site qu’il visite.

Je n’ai pas la réponse, et probablement n’y a-t-il pas de réponse unique. Il n’y a pas de doctrine, de théorie absolument indiscutable sur ce qu’il faut faire et ne pas faire, s’il y a une éthique : en Espagne, comme l’ont indiqué Maria Carme Belarte et Joan Santacana, une législation interdit que l’on reconstruise sur des ruines. Il serait intéressant de savoir si l’interdiction s’applique à l’emprise du mur, du site ou plus largement, c’est en tout cas un exemple à discuter ; mais en dehors de prescriptions conservatoires, la souplesse me semble préférable à une trop grande rigidité, qui ne permet pas d’expérimentation ni d’adaptation à

1. André Desvallées (dir.), Vagues. Une anthologie de la nouvelle muséologie, Mâcon, Éditions W. et MNES, 1992-1994, 2 vol.2. Qui, n’étant pas « musée de France » pour des raisons conjoncturelles de gestion administrative, ne bénéficie pas de la présence d’un conservateur…3. Les gestionnaires de sites et monuments du Centre des monuments nationaux sont des « administrateurs de monuments », parfois conservateurs, le plus souvent non.

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des situations par essence éminemment variables. De même que je plaide pour qu’on travaille sur les publics, je plaiderais pour que l’on multiplie les expérimentations. Je sais que la prise de risque que représente l’expérimentation ne plaît pas beaucoup aux financiers, mais c’est peut-être l’une des conditions du succès pour demain : il faut savoir parfois investir dans l’ex-périmentation et en évaluer scientifiquement les résultats dans le domaine de la médiation. Enquêtes de satisfaction bien sûr, mais aussi, en appliquant les acquis de la sociologie de la réception, enquêtes plus fines, type de public par type de public, en faisant varier les critères d’appréciation positive et négative, en utilisant des focus groups par exemple.

La question de la relation entre le site et la restitution ou les appareils informatifs est essen-tielle. Lorsque Maud Le Clainche parlait de Melrand, je pensais aux microreliefs qui, dans certains sites, forment la partie visible mais pas forcément facile à interpréter d’un site enfoui. De tels éléments sont à mettre en exergue par des dispositifs qui ne sont pour l’instant pas assez imaginatifs. Ils sont particulièrement intéressants car leur lecture, avec en contrepoint la vision des éléments restitués d’une manière ou d’une autre, peut constituer une sorte de jeu d’interprétation, mobilisateur d’attention et de réflexion. Le parcours devient ainsi un jeu de piste : pourquoi ne pas imaginer que l’on gagne des lots lorsqu’on donne la bonne réponse, qu’il soit possible effectivement de jouer ? Le miroir qui nous était proposé pour Bliesbruck par Jean-Paul Petit va dans ce sens : on pourrait imaginer qu’il fournit une clé de lecture et qu’en-suite, en visitant d’autres parties du site, on se livre à l’exercice de l’interprétation, devenant soi-même l’archéologue, le prospecteur. Il ne s’agit pas seulement de fournir des documents, d’installer des cartels informatifs, une signalétique même élaborée, mais de susciter une at-tention aux nuances, en respectant l’harmonie du site et en quelque sorte son mystère.

Du point de vue des publics, puisque j’ai parlé d’expérience sensible, le site archéologique est un paysage. Il est heureux que notre réflexion sur la mise en valeur des sites archéo logiques ait abouti, avec Vincent Guichard et Bibracte, à celle des paysages et du recours aux paysa-gistes, aux botanistes, non pour simplement embellir les sites, mais pour contribuer à leur compréhension voire à leur conservation4. Le travail des paysagistes est essentiel dans un projet de mise en valeur, pour le public qui appréhende le site comme un paysage, mais aussi pour le sens même de l’archéologie, de plus en plus contextuelle et prenant en compte la question du rapport de l’homme et de son milieu.

Revenons rapidement sur la médiation, après avoir parlé des publics. Dans ce qui a été évo-qué tout au long du colloque, beaucoup a été dit sur cette question, qui ne constituait pas le sujet essentiel de ces journées mais qui, par la force des choses, apparaissait en filigrane. Je suis absolument persuadé, comme beaucoup ici, que la médiation humaine est essentielle, parce qu’elle seule permet d’adapter l’interprétation, informative autant qu’interrogative, à la réalité de chaque visiteur ou groupe de visiteurs, du moins si l’on abandonne cette notion de « visite guidée » qui a tellement fait de mal jusqu’ici, mais qui continue de prévaloir par-tout, à commencer sur les sites gérés par l’État ou ses établissements publics. On constate, concrètement, que lorsque l’archéologue responsable commente son chantier, les visiteurs sont très souvent passionnés alors que seuls, avec des systèmes d’aide à la visite préparés par les mêmes archéologues, donc de qualité scientifique identique, même très élaborés, ils n’éprouvent pas le même intérêt. Pourquoi ? Simplement parce que lorsqu’on parle, on s’adresse à quelqu’un, on le regarde, il s’établit un contact réciproque, même lorsque le visiteur ne parle pas – ce qui n’est d’ailleurs pas la meilleure manière de présenter un site, l’in-teractivité avec le public caractérisant justement la médiation par rapport à la « visite guidée » évoquée précédemment – ce qui guide le propos du commentateur. On dit souvent, à propos d’un patrimoine, qu’il est parlant. À qui s’adresse ce patrimoine, qui regarde-t-il, comment s’adapte-t-il à son auditeur, quel est son talent de narrateur, celui de saisir l’intérêt du public et d’en partir pour articuler un discours tenant en haleine, soutenant l’attention, alternant des informations et des questions ? Non, aucun patrimoine ne parle, au mieux réveille-t-il des

4. Voir par exemple, à propos du temple de Mercure au puy de Dôme, collectif, Vestiges archéologiques en milieux extrêmes…, Actes du colloque de Clermont-Ferrand, 3-5 octobre 2000, Paris, Institut national du Patrimoine-Monum, Éd. du patrimoine, 2003, p. 218-223.

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souvenirs et évoque-t-il des discours écoutés ou lus ailleurs ; et ce n’est pas la personne qui le regarde qui va le faire parler, elle n’en a pas les moyens, sauf évidemment s’il s’agit d’un spécialiste, mais par définition ce n’est pas le public auquel s’adresse la restitution... La seule solution est effectivement de recourir à un médiateur qui va saisir le regard de la personne et utiliser la capacité de réponse de l’objet archéologique mobilier ou immobilier. Devant Jean-Paul Ciret qui représente ici le Centre des monuments nationaux, en charge de plusieurs sites archéologiques français parmi les plus insignes, et dont l’attitude peut avoir un effet d’entraî-nement par rapport aux autres propriétaires et gestionnaires publics, je tiens à dire que nos sites, comme nos musées, ont absolument besoin de médiation humaine, afin de susciter une véritable maïeutique patrimoniale. Admettre ce principe a une conséquence, celle de devoir procéder au recrutement de médiateurs correctement formés, et évidemment un coût ; mais ne faut-il pas le payer pour « rentabiliser » les investissements lourds que représentent la fouille et les études qui la suivent, les immobilisations foncières, la restauration des vestiges et leur présentation ?

Ce propos n’implique pas l’abandon des systèmes statiques d’aide à la visite, qui demeurent évidemment indispensables. J’ai bien aimé, à leur sujet, l’idée d’outils. John H. Jameson a parlé d’outils pédagogiques : ces outils peuvent évidemment être très variés. Parmi ceux-ci, et je ne dis pas cela parce que je suis conservateur de musée, on n’a pas assez étudié ici les centres d’interprétation ou les musées de site (je parle indifféremment de centre d’interpré-tation – c’est le visitor center évoqué par Philip E. Bennett à Castell Henllys – ou de musée car la différence est minime, elle tient à la présence ou non d’objets authentiques dans le bâtiment qui accompagne le site et permet d’en restituer divers aspects difficiles à faire saisir sur le site lui-même pour des raisons pratiques de conservation). Le centre d’interprétation est presque toujours utile, souvent indispensable, pour des raisons très simples qui ont été évoquées : la complémentarité entre les sites et les objets qui y ont été découverts, la com-plexité des vestiges, le caractère stéréotypé des choix que l’on est obligé de faire lorsque, ne pouvant tout montrer sur un site obligatoirement diachronique, on choisit des éléments syn-chrones ou au contraire successifs. Pour Melrand par exemple, on parle de l’an 1000, pro-bablement parce que le mot frappe, mais on explique que le village commence au viiie siècle pour être abandonné au xive. Comment en rendre compte clairement sur le site, alors que les visiteurs percevront optiquement comme synchrones les reconstitutions architecturales qui leur sont proposées ?

Je sais qu’une fois de plus ce que je vais affirmer ne plaira pas aux décideurs qui pensent en général que le grand public aime la simplicité, et que les investissements doivent, quitte à être onéreux, régler une fois pour toutes la question de la « mise à la portée » du public : le patrimoine archéologique – et c’est son grand intérêt – ouvre à la complexité des sociétés, de leurs évolutions et du regard que l’on porte sur elles. Le public lui-même est complexe, et donc comprend que les sociétés du passé comme les témoins qui en subsistent sont complexes : encore faut-il effectivement lui proposer un outil qui ne l’écrase pas en le mettant en face de ses lacunes culturelles, ce qui serait ressenti comme agressif voire méprisant. Le centre d’interprétation est la seule structure adaptée à ces objectifs. Je prendrai un exemple qui a été évoqué ici, celui du temple de Mercure au sommet du puy de Dôme, à propos de la restauration et de la présentation duquel un colloque a été organisé récemment. Le site, pour des raisons de monumentalité, de disposition dans le relief, de proximité avec les bâtiments contemporains de l’observatoire et de la station météorologique, est difficile à comprendre pour le public qui vient là nombreux durant la belle saison. Seul un fragment d’inscription gallo- romaine atteste le culte à Mercure, mais il est présenté dans les salles romaines du mu-sée Bargoin de Clermont-Ferrand, perdu au milieu d’un grand nombre d’inscriptions lapidai-res, donc totalement inaperçu. Dans le temple en revanche, qui est l’un des plus vastes du monde romain et le plus grand de Gaule, rien n’atteste son identité, et davantage encore les raisons du choix de cette divinité, parmi toutes celles du panthéon gallo-romain, en ce lieu. Personne, hormis le spécialiste, ne peut faire le rapport avec la petite inscription du musée Bargoin, qui n’a qu’un intérêt limité à Clermont-Ferrand, mais qui en revanche deviendrait extrêmement parlante, probante, dès lors qu’elle serait rapprochée du monument qu’elle

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signe, qu’elle désigne. On pourrait prendre comme contre-exemples les ennuyeuses accu-mulations de poteries du musée d’Ensérune qui finissent par banaliser, avec des collections archéologiques pourtant particulièrement caractéristiques et abondantes, le propos dans un site majeur à plusieurs titres, et lui faire perdre d’une certaine manière son identité.

Dernier point, la question de l’événementiel : le conservateur et les restaurateurs d’un site archéologique sont normalement satisfaits lorsqu’il ne s’y passe rien, c’est-à-dire lorsque les vestiges ne se dégradent pas et, s’il doit y avoir restauration, quand cette dernière ne se voit pas. Rien n’est plus immuable qu’un site archéologique. Or, plusieurs intervenants l’ont remarqué, les visiteurs reviennent, intéressés par la recherche et la restauration, forcément progressives, a fortiori lorsqu’on installe une restitution architecturale. Mais qu’en sera-t-il lorsque l’essentiel des travaux de restauration et de présentation sera achevé ? J’observe par exemple qu’à Bibracte ou à Charavines (Isère) les visiteurs reviennent pour connaître les nouveaux résultats des fouilles. Il en va de même à Rochefort (Charente-Maritime) dans un domaine patrimonial assez différent formellement, mais comparable dans l’esprit : la recons-truction de l’Hermione, qui passionne le public et motive sa venue sur un site, celui de la Corderie, qui ne suffirait pas seul, quel que soit son intérêt, à attirer, du moins à ce niveau, le public. Même réflexion au sujet de la passionnante entreprise de la construction expérimen-tale d’un château médiéval à guédelon, relatée ici par Florian Renucci. Il serait fructueux de réfléchir à cette double dimension du temps et de l’événementiel : au lieu de dépenser des millions d’euros dans de courtes tranches de travaux, ne serait-il pas préférable de procé-der par petites interventions régulières et planifiées, elles-mêmes conçues à la fois dans un objectif technique et dans la perspective d’une médiation ? Cette conception présenterait l’avantage de laisser le temps à la réflexion en termes de restauration et même de présen-tation, par exemple par l’expérimentation des restitutions, des appareils documentaires, etc. L’exemple d’Augst décrit par Donald F. Offers montre l’évolutivité de nos concepts de conservation et de présentation, pour lesquels le temps de la réflexion est indispensable. En dehors de l’avantage financier qu’il y aurait à étaler des dépenses souvent lourdes, le site pourrait ainsi vivre. La même réflexion devrait, à mon avis, guider la programmation de la recherche, qui ne donne pas une place suffisante aux chantiers de longue durée. Dans la perspective du partage du savoir qui est un devoir dans les sociétés démocratiques, surtout s’agissant de domaines qui ouvrent à la réflexion sociale et « citoyenne », la prise en compte de la dimension sociale de la recherche passe aussi par celle de ce critère dans les procédures de décision. Enfin – et c’est un autre avantage du musée de site lorsqu’il existe et que l’on a prévu les espaces et les moyens nécessaires ; là encore, l’expérience de Bibracte montre qu’il n’est guère aisé de faire comprendre à des aménageurs, et même aux scientifiques, qu’un tel investissement est utile – des expositions temporaires peuvent être présentées pour renouveler, par exemple selon un rythme annuel, l’intérêt du public, en facilitant par ailleurs l’élargissement des perspectives que la présentation d’un site a toujours, au contraire, tendance à réduire. Bien entendu, comme certains intervenants en ont relaté l’expérience, la préoccupation événementielle peut aussi s’exprimer par le moyen du spectacle vivant, d’installations d’art contemporain ; mais il faut dans ce cas veiller à ce que ce ne soit pas un simple placage, sans rapport thématique.

Dans sa réflexion terminologique, Jean-Claude Golvin a beaucoup insisté sur les différentes acceptions des termes qui nous étaient offerts, reconstruction, reconstitution, etc., mon-trant une certaine gradation dans le sens des mots. Vous l’avez remarqué, j’ai omis de rap-peler, au début de la communication de John J. Jameson, que le terme reconstruction en anglais n’a pas le même sens qu’en français. Conservation, conservation visible, conserva-tion invisible (les vestiges restant enfouis), restauration, cette dernière posant évidemment des problèmes de justesse, justesse de lisibilité et de réversibilité. Certes, ces notions sont classiques, mais j’aimerais que Jean Chausserie-Laprée, pour l’habitat des Tamaris près de Martigues en bord de mer, très érodé, précise justement si l’intervention de reconstitution était toujours lisible. Une autre question fondamentale se pose lorsqu’on restaure et a for-tiori lorsqu’on restitue ou reconstruit : on fait référence à des hypothèses. Ces hypothèses découlent d’une méthode qu’on qualifie de scientifique, ce qui ne signifie pas qu’elle ex-

prime la réalité, la vérité, mais qu’elle indique avec franchise les conditions de l’expérience, de l’interprétation, les paradigmes sur lesquels on est parti, et que, considérant l’hypothèse retenue comme la plus vraisemblable, elle autorise néanmoins le débat. Je rappelle les paroles de sagesse de Pierre-Gilles de Gennes à propos de l’honneur du scientifique, qu’il définissait comme le devoir d’effectuer une description du réel la plus exacte et la plus complète possible en un instant donné de la recherche. Nos sites archéologiques ont du sens, bien au-delà de ce qu’imaginent souvent les chercheurs qui y travaillent, et la resti-tution est toujours un peu dangereuse, dans la mesure où elle est, nolens volens, tributaire de conditions de recherche qui ne sont pas elles-mêmes indemnes de tout contexte idéo-logique. Lieux d’éducation davantage encore que lieux d’enseignement, les sites, dont la présentation et même l’existence découlent de la recherche, doivent accoutumer le public aux notions de relativité du savoir, de nécessité d’une quête permanente de connaissances, de pluralité des prémisses conceptuelles et des valeurs morales de référence.

Le savoir se construit en strates, comme les couches archéologiques se superposent les unes aux autres et les civilisations se fondent les unes sur les autres, par différenciations, distinctions successives. Il faut absolument faire en sorte que l’impressionnante matérialité des sites, et davantage encore des restitutions, ne fige pas, comme c’était le cas dans les reconstitutions, sur des hypothèses qui ont vieilli et que les scientifiques n’acceptent plus aujourd’hui, des palafittes du lac de Constance (Unteruhldingen) avant la création du musée de site, ni qu’elle amène à créer des stéréotypes, appauvrir les hypothèses, figer. La manière de traiter la question des palafittes au Laténium de Neuchâtel, exposée par Michel Egloff, donne un intéressant contrepoint, à trois quarts de siècle d’écart, avec Un-teruhldingen. Mettre en débat doit être, de mon point de vue, le maître mot d’une éthique de la présentation des sites archéologiques. La reconstitution n’est pas plus hypothétique ou subjective que la recherche, qui est tributaire d’un état général de la connaissance, momentané, et du talent des chercheurs, forcément irrégulier. La préoccupation éthique ne doit pas empêcher la restitution, en allant jusqu’au bout des hypothèses livrables honnête-ment pas les chercheurs. À Bibracte, un débat a opposé les chercheurs et les « médiateurs » (conservateurs) au sujet de la forme de la maquette de l’oppidum à présenter au public. On disposait de connaissances essentielles sur la localisation des portes et des quartiers, les fonctions de ceux-ci et leur chronologie, mais évidemment pas sur les détails des éléva-tions, la morphologie des parties disparues, etc. Fallait-il, pour ces raisons, borner la resti-tution à une évocation des reliefs sur lesquels des structures seraient apparues en pointillé, peu compréhensibles pour des non-spécialistes, alors que la notion essentielle à faire pas-ser, découlant des travaux de bibracte mais aussi d’autres sites européens du second âge du fer, était celle d’une première urbanisation en rapport avec l’émergence de structures politiques assez élaborées dans un contexte économique nouveau, tout cela se traduisant par une symbolique monumentale peu connue, voire contradictoire avec les idées acquises des publics ? Pierre André, à Érétrie, va plus loin : dans le cas des temples-cabanes, c’est l’hypothèse la plus prudente, la plus minimaliste, qui a induit le plus d’erreurs, et il apparaît bien que l’important n’était pas la disposition exacte de tel ou tel dispositif architectural secondaire, toujours révisable, mais la monumentalité de ces édifices cultuels, témoignant de la nature de la structure mentale de la société qui les avait construits et utilisés. Donc il ne faut pas hésiter : c’est notre honneur que d’aller jusqu’au bout de nos idées et de les présenter au public.

La conciliation extrême de l’hypothèse archéologique et de la présentation des hypothèses au public est celle du substitut. Je laisse de côté Lascaux car le substitut qui en est présenté répond à une nécessité impérative, semble-t-il, de conservation, comme ce sera le cas de la grotte Chauvet. Pour ce qui est des reconstitutions hors site, qui se multiplient actuellement, la première a été celle de Lejre, à l’initiative des responsables scientifiques du Musée national danois de Copenhague. Ce n’est pas un hasard : la réflexion historique en Scandinavie asso-cie bien plus que dans l’Europe méridionale l’ethnologie et l’archéologie, et c’est le Nordiska Museet d’Oslo qui a innové en termes de présentation de la vie quotidienne « traditionnelle » comme dans la création d’un « musée de plein air » sur l’île de Skansen, qui a d’ailleurs donné

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leur nom aux « musées de maisons » (les skansen). La dimension expérimentale est essentielle à Lejre (labours à l’aide d’outils protohistoriques reconstitués, etc.), comme à Serra di Vaglio (Potenza) dont a parlé Giovanna Greco.

La communication de Bettina Birkenhagen, en tout cas, donne envie de se rendre à Borg en Allemagne, où un principe très radical de reconstruction in situ a été adopté, ce qui peut faire débat dans la mesure où, même si une période d’apogée a été reconnue et que l’on peut donc mettre en évidence une cohérence synchrone, il est probable que, dans la réalité, des phases existent dont la reconstitution masque l’existence.

Les substituts virtuels sont moins problématiques, mais évidemment moins spectaculaires et donc séduisants pour le grand public : maquettes, de plus en plus parfaites, mais qu’il fau-drait rendre plus évolutives, technologies numériques, dont l’étendue des possibilités est en constant et rapide perfectionnement, mais dont l’obsolescence est rapide et le coût élevé. Ce ne sont toutefois que des accessoires, bien moins importants que la médiation personnalisée. Dans un monde de plus en plus virtuel, le rapport au réel sera sans nul doute un problème pour les générations montantes. La muséologie, je le rappelle, est l’étude du rapport spéci-fique de l’homme au réel, le musée se constituant comme un espace de la représentation du monde par des fragments significatifs de ce monde ; les sites donnés à voir au public, avec ou sans musée, obéissent aussi à cette définition. L’expérience sensible offerte au public dans la visite doit lui permettre de s’approprier, sans perte du sens critique, ce monde dont le fragment mis en scène témoigne.

Alors que conclure ? D’abord qu’il n’existe évidemment pas de solution unique. Il faut privilé-gier, comme l’ont fait les contributeurs à ce colloque, la variété, l’inventivité, l’adaptation aux caractéristiques propres des publics et des sites. Les restitutions et présentations doivent être conçues de manière plus dynamique, plus expérimentale. Ce colloque aura eu, entre autres mérites, celui de faire apparaître le besoin d’une meilleure connaissance réciproque des expé-riences, toutes marquées, on l’a bien vu, du sceau d’une tradition, d’une culture particulière qui instruit indirectement sur la variété des publics et de leurs attentes. Il aura également fait apparaître le besoin d’une conceptualisation plus élaborée, d’une plus large interdisciplinarité. Des bibliographies sont accessibles en matière de conservation et de restauration des sites archéologiques ; il serait utile d’en établir pour la restitution, la présentation et la médiation.

Plusieurs idées se dégagent. C’est d’abord le souhait, comme cela a été le cas avec l’ex-périence de la voie domitienne, d’une insertion des projets dans la réalité d’une population locale. Partir du public et ensuite seulement prendre en compte les initiateurs scientifiques, comme fournisseurs de données et de savoirs. Des partenariats sont souhaitables, et les nouvelles dispositions législatives et réglementaires les rendent possibles en France (inter-communalité, EPCC…) sous des formes différentes à penser en fonction de la définition d’intérêts communs, sans tromperie sur les objectifs possibles, avec des engagements pluri-annuels fiables.

Deuxième idée, la nécessité des études de public, fondées sur un travail scientifique d’obser-vation, et non en extrapolant de manière hasardeuse, comme le font trop souvent les cabinets d’ingénierie culturelle, les chiffres globaux du tourisme ou en prenant sans analyse qualitative la comptabilité statistique des entrées avec, au mieux, une simple classification par âges et par sexes. Il faut travailler sur les motivations, s’intéresser aux « non-publics » qui échappent, vérifier si les visiteurs sont déjà des habitués des institutions culturelles, s’ils sont des primo-visiteurs… Si nous voulons que nos outils culturels soient utiles, qu’ils jouent un rôle social en contribuant à réduire les inégalités accrues de la société contemporaine, leur maniement doit être affiné, ce qui ne peut se faire qu’avec un travail accru sur les publics, pour l’instant encore insuffisant.

Troisième idée, trouver les moyens d’une continuité dans la qualité scientifique. Le jour où l’archéologue disparaît, où le conservateur change, on peut passer d’un désir d’excellence culturelle à une simple préoccupation gestionnaire, c’est-à-dire au désintérêt. L’innovation qu’a été, dans les années 1990, la création de quelques postes de conservateurs de sites

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et de monuments, postes jusque-là réservés aux musées, doit absolument être dévelop-pée, non seulement dans l’ordre de l’administratif et du culturel (« administrateurs de monu-ments » du Centre des monuments nationaux), mais dans celui du scientifique, sur la base de compétences archéologiques et historiques comme de médiation, avec, bien entendu, une capacité administrative et d’animation, mais au second rang. Il faudrait aussi que cha-que site bénéficie du conseil d’un comité consultatif de référence, composé de quelques experts des disciplines concernées et de la médiation, force de réflexion et de proposition, voire de critique.

Un document figurant dans le dossier du colloque demandait si les participants souhaitaient participer à une nouvelle association, à créer, dédiée à l’interprétation des sites archéo-logiques. Il en existe déjà, par exemple, sur le plan international, l’ICMAH (International Commitee for Museums of Archaeology and History) de l’ICOM, qui, comme son nom ne l’indique qu’incomplètement, comprend les musées de site archéologique, voire les sites simplement dotés de centres d’interprétation. Il faudra certainement contacter cette struc-ture, qui est affiliée à l’Unesco ; mais en tout cas, si l’on constitue une nouvelle association, je forme le vœu qu’elle inscrive à son programme la tenue rapide d’un autre colloque consa-cré à la question des publics dans les sites archéologiques, en essayant d’échanger des expériences internationales. Il serait intéressant à ce stade d’élaborer non pas un document normatif à la française, mais une charte éthique de la restitution, qui contiendrait ce que les professionnels pensent collectivement, document non pas destiné à être imposé aux autres, mais à indiquer une intention, une morale face aux décisionnaires. Quel pourrait être le contenu de cette charte ? Il découle largement de tout ce qui a été dit au cours de ce col-loque ; je n’en dresserai qu’une liste incomplète et non hiérarchisée, telle que les réflexions des uns et des autres me la suggèrent. Par exemple : que la base de toute restitution de-vrait être une recherche de qualité validée par une instance scientifique incontestable, donc faisant appel à des experts extérieurs ; que soit visée, au maximum possible, l’expression de la complexité écologique, environnementale, culturelle, chronologique ; que des contrats d’objectifs soient définis en termes sociaux, pédagogiques, économiques, etc., précisant en contrepartie les moyens en investissement et en fonctionnement ; que l’on suscite le maintien d’une recherche vivante, pas obligatoirement sous forme de fouilles, mais d’autres manières qui ont trait au mobilier archéologique, à l’environnement naturel et humain, en favorisant les travaux universitaires et en recourant aux conseils scientifiques que j’ai évo-qués précédemment ; qu’on ne superpose pas les restitutions aux vestiges eux-mêmes ; qu’il y ait coordination entre les partenaires institutionnels et professionnels à divers niveaux géographiques (la question d’une répartition des priorités au sein d’un territoire, discutée à partir de l’expérience de Fregellae par Giovanna Battiglini, était à ce propos particulièrement instructive) afin d’éviter la reproduction de stéréotypes.

En achevant ce propos, je forme deux vœux : que ce passionnant colloque – magnifiquement organisé par Michel-Édouard Bellet, Claire-Anne de Chazelles et leurs collaborateurs – ne fasse qu’inaugurer une série de rencontres plus ciblées, après cette réunion brassant lar-gement l’ensemble du sujet, et que l’on essaie, grâce à elles, de parvenir à une charte qui contribuerait à éviter les dérives « touristiques » que l’on sent bien arriver et qui risquent de dé-crédibiliser les efforts méritoires faits par la plupart des sites vis-à-vis de leurs publics, privant ces derniers, à terme, d’un formidable outil de développement culturel.

et le centre Des mOnuments natiOnaux ?Jean-Paul Ciretdirecteur du développement culturel au Centre des monuments nationaux

je voudrais vous dire, pour clore ce colloque, quelques mots qui sont en fait des mots d’ouverture. Car, michel Colardelle a raison, ce colloque n’est pas une fin ; ce ne peut

être qu’un début, notamment pour nous, au Centre des monuments nationaux. Nous avons pris l’initiative de cette rencontre car nous sommes l’un des acteurs importants de la présentation au public des sites archéologiques. michel souhaitait que les acteurs se présentent, disent qui ils sont, quel jeu ils jouent. Nous sommes une entreprise à voca-tion culturelle mais qui ne peut ignorer pour autant les réalités économiques. L’état nous a confié la gestion et la valorisation d’une centaine de monuments historiques, dont le mont-saint-michel, l’arc de triomphe, la sainte-Chapelle. il y en a de toutes les époques, le plus récent étant la villa savoye. Nous avons la mission de les faire connaître, de les faire aimer, de les faire fréquenter et de les faire comprendre. Notre vocation est donc profondément culturelle mais nous ne pouvons pas ignorer les réalités économiques parce que la culture a un coût, et que l’essentiel des financements dont nous pouvons disposer provient du prix d’entrée que payent nos visiteurs. quand nous nous lançons dans un projet, c’est bien sûr avec l’envie de faire progresser la connaissance mais c’est aussi avec l’idée de développer le public. De toute façon, nous sommes convaincus que nous ne pouvons pas faire l’un sans l’autre. on ne peut pas aujourd’hui attirer un public de plus en plus nombreux sur les sites patrimoniaux si l’on n’a pas une exigence scienti-fique de plus en plus grande. plusieurs d’entre vous ont souligné que le contact avec le public est l’un des moteurs de la progression de la connaissance et de la recherche.

Tous les cas traités au cours de ce colloque montrent qu’il ne peut y avoir de présentation d’un site au public sans restitution, que cette restitution permet d’intéresser un public plus large tout en étant un des moteurs importants de la recherche et des progrès de la connaissance. Mais quel genre de restitution faut-il faire ? J’avoue qu’après ces deux jours il y a encore place pour beaucoup d’interrogations et beaucoup de débats. Nous sommes responsables de sites assez différents – Ensérune, Glanum pour parler des grands sites archéologiques –, mais aussi de beaucoup de sites médiévaux qui sont des ruines et se rapprochent profondément des sites archéologiques – Coucy, La Sauve-Majeure, Jumièges. Comme vous avez pu le voir à Ensérune, pour améliorer la présentation de ces monuments, nous n’avons pas fait grand-chose depuis longtemps. Les muséographies sont très présentes mais aussi très datées. Nous avons ainsi décidé qu’il était temps de repenser tout cela. C’est un grand chantier qui s’ouvre devant nous. Je voudrais maintenant vous dire dans quel état d’esprit nous abordons ce chantier conforté par les débats qui ont eu lieu pendant ces deux jours.

Tout d’abord, nous devons tenir compte des caractéristiques physiques des sites. Je suis très frappé de voir qu’un certain nombre d’exemples, qui ont été montrés, sont tout à fait accep-tables, dans le cadre d’un site donné mais seraient absolument atroces dans un autre site. Par exemple, si l’on couvrait les thermes à Glanum pour les protéger, on tuerait complètement le site, on l’asphyxierait. Il perdrait tout son charme et tout son sens. Il faut donc partir d’abord de l’originalité des sites dont nous avons la charge, les étudier, les apprécier, les respirer. Ce que nous faisons doit laisser intacte la magie des lieux que l’histoire nous a légués.

En second lieu, nous ne pouvons travailler sur ces nouvelles présentations des monuments que si nous créons une bonne relation entre les réseaux scientifiques et les généralistes que nous sommes. Nous le faisons assez bien sur les monuments des xviie, xviiie et xixe siècles. Pour l’archéologie, nous avons un peu plus de difficulté. Je lance donc un appel à tous les archéologues, pour dire qu’il ne faut pas avoir peur de travailler ensemble. C’est notre intérêt commun. À vous archéologues, parce que cela donne des débouchés à vos travaux, à vos recherches. À nous, parce que si nous ne travaillons pas avec vous, nous risquons de faire des erreurs et d’être tout à fait à côté des missions qui nous sont confiées.

À cet égard, il faut souligner que nous sommes comptables de la bonne conservation des sites. Ces sites ont été modifiés par les fouilles : on a creusé, on a mis au jour des choses qui étaient enfouies. Croyez-moi, notre grand souci est de faire que les vestiges ne fondent pas sous la pluie et le soleil. Cela pose des problèmes différents de ceux qu’on a abordés aujourd’hui mais sur lesquels il faudra également revenir.

En troisième lieu, il faut être capable aujourd’hui de multiplier les approches. On ne peut pas avoir un seul point de vue quand il s’agit de présenter des sites archéologiques, non seulement à cause de la diversité des sites mêmes, non seulement à cause de la complexité des publics, des individus qui vont les visiter, mais aussi parce que nous avons aujourd’hui la chance de disposer de palettes d’outils que nos prédécesseurs n’avaient pas. Jusqu’ici, pour restituer un site, nous pouvions le faire en dessin, en maquette ou en reconstruction. Aujourd’hui, nous disposons de toutes ces techniques auxquelles nous ajoutons les nouvelles possibilités de l’imagerie numérique. Si nous ne savons pas jouer de cela, comme un orchestre pour com-poser une partition, et créer une offre, nous passerons à côté de notre vocation.

Nous ferons de la restitution, mais vraisemblablement peu de restitution physique parce que justement les sites que nous avons en charge s’y prêtent relativement mal. Nous ferons de la restitution virtuelle, mais nous la ferons de façon spectaculaire. Le temps des bornes, des écrans de télévision ou d’ordinateurs montrant des maquettes en fil de fer est terminé. Il faut que ces restitutions donnent aux gens l’impression d’entrer dans le monument tel qu’il était. J’invite vivement ceux qui ne l’ont pas encore vu à aller à Cluny voir ce que nous avons fait avec l’École supérieure des arts et métiers sur la restitution de l’église de Cluny III. Il s’agit d’une projection en relief sur grand écran donnant le sentiment d’entrer dans le monument. Le virtuel, oui, mais le virtuel spectaculaire.

L’image numérique ne peut cependant faire oublier la découverte physique du site. Cela nous oblige à une mise en scène de ce site tel qu’il existe aujourd’hui. Il faut que nous le rendions plus lisible, plus compréhensible. Cela oblige sans doute à quelques simplifications dans les strates archéologiques et dans les niveaux des fouilles qui ont été faites. Débat récurrent ! À Glanum, par exemple, doit-on, pour restituer le niveau du forum romain, enterrer les fouilles de l’époque grecque ? Il y a des choix, des partis pris qu’il faut mettre en œuvre en s’appuyant sur une utilisation moderne d’outils classiques : audioguidage, panneaux, table d’orientation et tout qu’on peut concevoir aujourd’hui de façon plus lisible, plus simple, plus complexe que ce qui existait jusqu’à présent.

Ce travail doit porter également sur la mise en valeur des collections. Le magnifique travail réalisé il y a une cinquantaine d’années ne correspond plus à rien aujourd’hui. Il nous faut reprendre les présentations des collections notamment de certains sites, en se demandant où les présenter. À Glanum, les collections, du site sont à l’hôtel de Sade à Saint-Rémy-de- Provence, à 1,5 km, mais dans un hôtel des xve-xvie siècles. Les gens ne font absolument pas le rapport et ne comprennent rien du tout. Comment présenter des collections archéologi-ques in situ ? C’est la question que nous allons nous poser à Glanum et ailleurs.

Voilà donc les grandes lignes de notre programme pour les prochaines années. Nous aurons d’autant plus de chances de le mener à bien que nous progresserons dans notre connais-sance des attentes des publics.

Pourquoi ne pas consacrer notre prochain colloque à ce sujet si important ? Nous allons y réfléchir.

En attendant, laissez-moi une dernière fois vous remercier d’être venus si nombreux, d’avoir suivi ces débats en atmosphère humide, sèche-humide, mouillée-chaude, un peu plus froide, enfin très, très variable. Vous n’avez pas pour autant fondu comme certains vestiges peuvent le faire dans de telles conditions.

Je souhaite à tous ceux qui suivent les visites demain bonne continuation et à tous les autres de nous revoir très bientôt. Merci.

ET LE CENTRE DES moNumENTS NATIoNAuX ?Jean-Paul Ciret

sommaire

Michel-Édouard Bellet, conservateur du patrimoine,

ancien administrateur du site d’Ensérune,

et Claire-Anne de Chazelles,

chargée de recherche, CNRS

Joan Santacana i Mestre,

Taller de Projectes, université de Barcelone

et Maria Carme Belarte Franco,

chercheur, Institut Català d’Arqueologia Clàssica

Jean-Claude Golvin,

directeur de recherche, CNRS / Institut Ausonius,

université Bordeaux-III

Joan Santacana i Mestre,

Taller de Projectes, université de Barcelone,

et Maria Carme Belarte Franco,

chercheur, Institut Català d’Arqueologia Classica

Jean-Pierre Braun et Jean-Paul Petit,

conservateurs territoriaux du patrimoine,

service archéologique de Moselle

Pierre André, architecte, archéologue, Lyon (France),

chercheur à l’École suisse

d’archéologie en Grèce (ESAG)

Maud Le Clainche,

responsable d’exploitation

John H. Jameson Jr,

chef de programme, ICOMOS

Florian Renucci,

maître d’œuvre

Christian Olive, ingénieur de recherche,

service régional de l’archéologie,

Languedoc-Roussillon

Michel-Édouard Bellet

Sous la direction de Christophe Vallet, président du Centre des monuments nationaux

quelles questions, quel colloque ?

problèmes généraux concernant la restitution en archéologie

prEmièrE partiE / quEstioNs DE métHoDE

i 1. signification et problèmes de définition Résumé Abstract

i 2. La restitution archéologique comme modèle : le cas espagnolRésumé Abstract

i 3. L’aménagement d’une zone de restitutions : le parc archéologique européen de bliesbruck-reinheim (moselle, France / Land sarre, allemagne) Résumé Abstract

i 4. La restitution architecturale à érétrie (Eubée, grèce) Résumé Abstract

i 5. une reconstitution : la ferme archéologique médiévale de melrand, (morbihan, France) Résumé Abstract

i 6. Le passé reconstruit : succès, périls, et dilemmes (états-unis) Résumé Abstract

i 7. La reconstruction contemporaine « à l’identique » d’un château médiéval : guédélon (yonne, France)Résumé Abstract

i 8. présenter 2600 ans d’évolution urbaine : le quartier saint-jacques à béziers (Hérault, France) Résumé Abstract

i 9. quel avenir pour le musée de site ? L’oppidumgaulois d’Ensérune (Hérault, France) Résumé Abstract

sommaireMichel Egloff, professeur,

université de Neuchâtel

Philip E. Bennett,

directeur du Pembrokeshire Coast National Park

Giovanna Greco, professeur,

Université de Naples

Jean Chausserie-Laprée,

conservateur du patrimoine

Donald F. Offers,

restaurateur en chef

David Rousseau, professeur honoraire,

doctorant en archéologie, UMR 7041,

Paris 1- Sorbonne – Nanterre

Bettina Birkenhagen,

conservateur – Perl- Borg

Giovanna Battaglini,

professeur, Université de Pérouse

Vincent Guichard, directeur général

du Centre archéologique de Bibracte,

et Claude Chazelle, architecte-paysagiste

Marie-Christine Bailly-Maître, directeur de recherche,

CNRS, UMR 6572 LAMM, Université de Provence,

et Alain Tillier, architecte en chef

des Monuments historiques

Michel Colardelle

Jean-Paul Ciret

DEuxiEmE partiE / ExEmpLEs DE rEaLisatioNs iN situ

ii 1. La préhistoire au bord d’un lac, quinze millénaires de paysages et de présence humaine au Laténium (Neuchâtel, suisse)Résumé Abstract

ii 2. apprendre grâce au passé ; un fort de l’âge du fer : Castell Henllys (pembrokeshire, pays de galles)Résumé Abstract Whole English text

ii 3. une expérience d’ archéologie expérimentale à serra di Vaglio, potenza (basilicate, italie) Résumé Abstract Testo italiano completo

ii 4. restitutions et mise en valeur d’habitats : l’exemple de martigues (bouches-du-rhône, France)Résumé Abstract

ii 5. La ville romaine augusta raurica, à augst (Canton de bâle, suisse)Résumé Abstract Whole English text

ii 6 La présentation au public des villas romaines : des ruines aux reconstitutions in situRésumé Abstract Whole English text

ii 7. L’expérience allemande à la villa romaine de borg (sarre, allemagne)Résumé Abstract Whole English text

ii 8. De la recherche à la mise en valeur : le parc archéologique de Fregellae (Latium, italie)Résumé Abstract Testo italiano completo

ii 9. mettre en valeur l’invisible : réflexions sur le site archéologique de bibracte (Nièvre, France) Résumé Abstract

ii 10. La valorisation d’un village médiéval d’altitude, contraintes et choix : brandes-en-oisan (isère, France)Résumé Abstract

CoNCLusioNs. pour une éthique de la restitution sur les sites archéologiques ?

Et le Centre des monuments nationaux ?

contentsChristophe Vallet, President,

Centre des Monuments Nationaux

Michel-Edouard Bellet, Heritage Curator,

former Manager of the Ensérune site,

and Claire-Anne de Chazelles,

Researcher, CNRS

Joan Santacana i Mestre,

Taller de Projectes - Universitat de Barcelona

and Maria Carme Belarte Franco,

Institut Català d’Arqueologia Clàssica

Jean-Claude Golvin,

Senior Scholar, CNRS / Institut Ausonius,

University of Bordeaux III

Joan Santacana i Mestre,

Taller de Projectes, University of Barcelona,

and Maria Carme Belarte Franco,

Researcher, Institut Català d’Arqueologia Classica

Jean-Paul Petit and Jean-Pierre Braun,

Heritage Curators,

Service archéologique de Moselle

Pierre André, Architect,

Archeologist, ESAG, Lyon (France)

Maud Le Clainche,

General Manager

John H. Jameson jr,

Program Manager, ICOMOS

Florian Renucci,

Program Manager

Christian Olive, Researcher,

Service régional de l’Archéologie,

Languedoc-Roussillon

Michel-Edouard Bellet

Heritage Curator

introduction

Which questions, for which conference? the spirit. presentation.

general problems about the restitution

1 quEstioNs oF mEtHoDoLogy

i 1. meaning and definition problems Résumé Abstract

i 2. archaeological restitution as model: the spanish caseRésumé Abstract Texte en catalan

i 3. Development of a restitution area: the European archaeological park of bliesbruck-reinheim (moselle, France/sarre, germany) Résumé Abstract

i 4. architectural restitution at Eretria (Eubea, greece) Résumé Abstract

i 5. a reconstitution: the archaeological medieval farm of melrand (morbihan, France) Résumé Abstract

i 6. the reconstructed past: glories, perils and Dilemmas Résumé Abstract

i 7. guédelon (yonne, France): building a thirteenth century castle, todayRésumé Abstract

i 8. presenting a neighbourhood’s evolution over 2600 years: the saint-jacques sector, béziers (hérault, france) Résumé Abstract

i 9. the gallic oppidum of Ensérune: what future?Résumé Abstract

Michel Egloff, professor,

university of Neuchâtel

Philip E. Bennett, manager of Pembrokeshire

Coast National Park Authority

Giovanna Greco, professor,

University of Naples

Jean Chausserie-Laprée,

Heritage Curator

Donald F. Offers,

Chief Restorator

David Rousseau, former Professor,

Researcher in Archaeology, UMR 7041,

Paris 1- Sorbonne – Nanterre

Bettina Birkenhagen,

Heritage Curator – Perl- Borg

Giovanna Battaglini, Professor,

University of Perugia

Vincent Guichard, General Manager,

and Claude Chazelle,

Architect, Landscape-Designer

Marie-Marie-Christine Bailly-Maître, Research

Directoer, CNRS, UMR 6572 LAMM, University

of Provence, and Alain Tillier, Head Architect,

Monuments historiques

Michel Colardelle

Jean-Paul Ciret

contents2 FaCiNg probLEms iN situ: somE ExampLEs

ii 1. Lakeside prehistory: Fifteen millenaries of human presence at the Laténium (Neuchâtel, switzerland)Résumé Abstract

ii 2. Learning from the past: iron age fort, Castell Henllys (pembrokeshire, Wales)Résumé Abstract Whole English text

ii 3. Experimental archaeology in serra Di Vaglio (potenza, basilicate, italy) Résumé Abstract Testo italiano completo

ii 4. restitution and habitat enhancement: the example of martigues (bouches-du-rhône, France)Résumé Abstract

ii 5. the roman City of augusta raurica (canton of basel-Landschaft, switzerland) Résumé Abstract Whole English text

ii 6. the roman villae: a presentation to the publicRésumé Abstract Whole English text

ii 7. the german experiences and the roman villa of borg (saar, germany)Résumé Abstract Whole English text

ii 8. From research to enhancement: the archaeological parc of Fregellae (Latium, italy)Résumé Abstract Testo italiano completo

ii 9. making visible the invisible: reflexions on the archaeological site of bibracte (Nièvre, France) Résumé Abstract

ii 10. Enhancement of a medieval village in altitude, constraints and choices: brandes-en-oisans (isère, France)Résumé Abstract

CoNCLusioNspour une éthique de la restitution sur les sites archéologiques ?

Et le Centre des monuments nationaux