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Livre bleu Stratégie nationale pour la mer et les océans Décembre 2009

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Livre bleu

Stratégie nationale pour la mer et les océans

Décembre 2009

SOMMAIRE

I. - UNE POLITIQUE MARITIME POUR LA FRANCE.......................................................................................1 A. LES ENJEUX D'UNE POLITIQUE MARITIME .........................................................................................................1 B. POUR UNE POLITIQUE MARITIME INTEGREE ......................................................................................................5

II. LES QUATRE PRIORITES DE LA POLITIQUE MARITIME..................................................................7 C. INVESTIR DANS L'AVENIR .................................................................................................................................7

C.1 - Mieux connaître pour mieux gérer................................................................................................................7 C.2 - Protéger résolument l’environnement marin ................................................................................................8 C.3 - Eduquer et former aux métiers de la mer ...................................................................................................11 C.4 - Susciter chez les Français la passion de la mer .........................................................................................12

D. DEVELOPPER UNE ECONOMIE DURABLE DE LA MER........................................................................................12 D.1 - Un enjeu géopolitique: la valorisation durable des ressources naturelles.................................................12 D.2 - Une pêche et une aquaculture durables .....................................................................................................15 D.3 - Une construction navale innovante et compétitive .....................................................................................17 D.4 - Assurer la mutation du transport maritime ................................................................................................18 D.5 - Disposer de ports de dimension internationale ..........................................................................................20 D.6 - Une stratégie pour la plaisance et les loisirs nautiques .............................................................................21

E. PROMOUVOIR LA DIMENSION MARITIME DES OUTRE-MERS.............................................................................22 E.1 - Les collectivités territoriales ultramarines, acteurs de la politique maritime nationale ............................23 E.2 - Environnement marin et outre-mer : des atouts importants, mais une responsabilité considérable ..........23 E.3 - Les ressources marines, fondement de l’économie de demain ?.................................................................24

F. AFFIRMER LA PLACE DE LA FRANCE DANS LE CONTEXTE INTERNATIONAL.....................................................25 F.1 - En étant acteur au sein de la gouvernance internationale..........................................................................25 F.2 - En étant moteur de la construction de la politique maritime intégrée de l’Union européenne ..................26 F.3 - En exerçant pleinement nos responsabilités ..............................................................................................27 F.4 - En confortant notre capacité d'action en terme de défense et sécurité .......................................................28

III. UNE GOUVERNANCE RENOUVELEE......................................................................................................30 G. ELARGIR LA GOUVERNANCE POUR UNE VERITABLE PLANIFICATION...............................................................30

G.1 - Des instruments communs pour une politique efficace...............................................................................32 H. L’ÉTAT RESPONSABLE : RENFORCER LES MOYENS OPERATIONNELS...............................................................34 I. UNE ACTION INTERNATIONALE AFFIRMEE ......................................................................................................36

I.1 - Par notre implication dans les instances internationales ............................................................................36 I.2 - Par des coopérations bilatérales et multilatérales.......................................................................................37 I.3 - Pour préserver l’Arctique ............................................................................................................................37 I.4 - Pour faire de la Méditerranée une mer plus propre et plus sûre ...............................................................38

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Une politique maritime pour la France Grande nation maritime, la France est aujourd’hui détentrice d’une richesse exceptionnelle

qu’elle n’exploite que très partiellement. A l’aube du XXIème siècle, confrontée à des défis majeurs, elle ne peut plus négliger cette opportunité ni ignorer les responsabilités immenses que sa situation lui confère.

Il lui faut une politique maritime claire, lucide et volontariste. Avant d’aborder ce que doit comporter une telle politique, il est bon de rappeler l’importance de

la mer et de son usage dans la vie des terriens, de souligner les enjeux qu’elle porte, les défis qu’elle représente et les atouts qui justifient que la France s’affirme de nouveau comme une nation maritime.

A. Les enjeux d'une politique maritime Pendant près de trois mille ans, la mer a façonné le développement de l’Humanité.

Dès que les premiers balbutiements de la navigation maritime ont permis à des hommes de s’éloigner significativement de leur point de départ avec de bonnes chances, ou au moins l’espoir, d’y revenir sains et saufs, la mer a cessé d’être un fossé humide séparant des peuples pour, au contraire, devenir le trait d’union qui relie les riverains d’un même espace maritime.

L’Histoire retient l’épopée des Grandes Découvertes. En moins de trois siècles, les navigateurs européens ont reconnu la quasi-totalité de la planète et jeté les bases d’un commerce mondial qui assurera la prospérité des nations occidentales.

La mer devient alors un enjeu et il faut s’assurer de sa maîtrise, pour en exploiter les ressources, principalement halieutiques, pour garantir la liberté de mouvement de ses vecteurs économiques, et pour, en cas de conflit, appliquer toute sa puissance sur son adversaire.

Il faut attendre la deuxième partie du XXème siècle pour que l’avion vienne arracher le transport des passagers au monopole maritime. Parallèlement, des progrès technologiques décisifs dans le domaine de l’exploration sous-marine entrouvrent l’accès à la troisième dimension de la mer : ses profondeurs et surtout ses fonds, en commençant par ceux qui sont les plus accessibles, les plateaux continentaux.

Après avoir aménagé le littoral pour s’y créer les conditions les plus adaptées à ses activités maritimes, après avoir gagné quelques arpents sur la mer pour agrandir des pays trop exigus, l’Homme a maintenant la technologie pour s’installer durablement en mer, et demain peut être sous la mer.

L’essor fulgurant du tourisme a modifié en profondeur la géographie et l’économie littorales, l’activité touristique étant à présent la plus importante en termes de chiffre d’affaire et d’emploi. Cet essor ainsi que celui de la plaisance ont apporté une nouvelle dimension à la mer en la faisant sortir de la confidentialité d’un univers réservé aux « gens de mer». Cette relation physique va faciliter la prise de conscience du rôle central des mers et des océans dans le bon fonctionnement de l’écosystème mondial.

Enfin, la vision humaine de la mer change. De la juxtaposition de prolongements maritimes des États, séparés par le vide1 de la Haute Mer, elle devient un bien commun2, immense mais fragile et limité dont la bonne gestion ne peut être que partagée et mondiale.

80% des États du Monde « voisins par la mer »

La continuité physique des mers et océans, les progrès technologiques en matière de navigation et la liberté de circulation sur les mers, font de tout État disposant d’une façade maritime le « voisin par la mer » de près de 80% des États du monde. Ce « voisinage » autorise directement les échanges licites mais aussi illicites. Heureusement, il signifie aussi que 80% des États du monde peuvent, en cas de grande détresse, recevoir par la mer une assistance « lourde » de la communauté internationale.

1 « res nullius », qui n’appartient à personne 2 « res communis », bien de tous et sous la responsabilité de tous

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70% de la richesse du Monde transite sur les mers

Si la planète mondialisée respire par le commerce international, le commerce international, lui, repose sur le transport maritime pour les trois quarts3 de son volume. Cette forte dépendance ne fera que se renforcer demain grâce à la liberté de navigation sur les mers et à un coût de la tonne transportée extrêmement avantageux quelles que soient les évolutions futures.

Sans l’utilisation intensive des espaces maritimes, il n’y aurait pas de mondialisation. En effet, au-delà de l’échange des marchandises, la mer véhicule la plus grande partie du flot des échanges intercontinentaux d’informations par la voie des câbles sous-marins. La révolution de la fibre optique a permis « l’échange en temps réel » scellant définitivement l’interdépendance des systèmes financiers.

La mer, source de richesse

Les ressources halieutiques sont, historiquement, la première des richesses tirées de la mer. Chaque année, avec 100 à 120 millions de tonnes pêchées, elles servent essentiellement à l’alimentation humaine4 et ce secteur d’activité fait vivre plus de 200 millions de personnes dans le Monde.

Pour autant, la pêche n’est qu’une partie de ce que la biodiversité marine peut apporter à l’Homme.

Les ressources minérales offshore représentent une part importante des réserves connues5 et le gros des espérances de demain avec le développement de « l’offshore profond ».

L’exploitation des mers comme source d’énergies nouvelles entièrement renouvelables n’en est qu’à ses balbutiements mais les connaissances actuelles font déjà entrevoir un potentiel immense.

La mer, plus que jamais enjeu et espace géopolitiques

Qu’il s’agisse de les occuper et de se les approprier ou, au contraire, d’en garantir l’accès libre à tous, la question de la maîtrise des espaces maritimes, source de tant d’affrontements passés, reste d’actualité. Les grandes lignes du « droit de la mer », fixées à Montego Bay6, sont garanties de fait par la puissance militaire des démocraties, dont la France.

Or, pour celles-ci, la mer constitue un espace de manœuvre qui apporte la mobilité et une

profondeur stratégiques qui n’existent pas sur les terres dont chaque centimètre carré relève d’une souveraineté nationale établie. Souvent, par la possibilité qu’elle procure d’influencer un État en évitant ou en limitant une action terrestre, elle contribue au règlement des crises avec le niveau de violence minimal.

Lorsque l’intervention à terre, militaire ou humanitaire, est devenue inévitable, seule l’utilisation de la voie maritime permet son soutien par une logistique puissante.

De surcroît, comme pour les quatre autres membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations Unies, les océans, du fait de leurs caractéristiques physiques, sont pour la France le sanctuaire de sa capacité de dissuasion dont le Livre Blanc sur la défense et la sécurité nationale (juin 2008) a rappelé qu’elle constitue le fondement de notre stratégie nationale de défense.

Les aspects politiques et économiques sont débattus dans le cadre d’instances internationales, parfois mondiales mais de plus en plus souvent régionales, où il faut être légitimement présent et influent.

La liberté des mers, un dogme à double tranchant et de plus en plus encadré

La « haute mer ouverte à tous » a permis l’extraordinaire richesse des échanges humains qui la parcourent. Ses deux piliers sont le droit et la possibilité d’emprunter en sécurité les voies maritimes.

Un des fondements du droit est la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer. Cette

convention internationale, fruit d’un équilibre entre les intérêts des États du pavillon et des États côtiers a cherché à préserver le principe fondamental de la liberté de circulation sur les mers tout en

3 2/3 des échanges mesurés en valeur ou 80% mesurés en tonnage 4 Alimentation directe des humains pour les ¾, le solde via la nourriture pour animaux et l’aquaculture 5 22% du pétrole et 37% du gaz (source IFREMER) 6 par la convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM), signée en 1982 et entrée en vigueur en 1994

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reconnaissant les droits souverains des États à l’exploitation des ressources océaniques au large de leurs côtes7. Pour autant, le principe de liberté des mers n’est pas absolu et de nombreuses conventions et résolutions internationales l’ont aménagé, au nom notamment de la protection de l’environnement marin et de la sécurité maritime8.

Cette évolution du droit répond à un besoin croissant d’encadrement ; il faut néanmoins veiller à ce que des décisions inappropriées ne remettent pas en cause ce fondement de la prospérité mondiale et de la capacité d’action des démocraties.

La sûreté9 de la circulation sur les mers qui, depuis plus d’un siècle, paraissait un fait acquis hors périodes de conflits, est à nouveau menacée. La recrudescence des actes de piraterie, au large de la Somalie, dans le golfe de Guinée ou les détroits asiatiques, l’a rappelé récemment. Cette menace pourrait prendre une ampleur inquiétante si elle était soutenue par des États disposant de moyens significatifs. La sûreté de la circulation en haute mer ne se décrète pas, elle se gagne.

Revers de la médaille, cet espace ouvert facilite certaines activités illicites et autorise d’autres qui, pourtant, nuisent au bien commun.

Des organisations criminelles ou des États non coopératifs utilisent l’immensité des espaces maritimes pour y mener leurs activités, jouant sur l’extrême difficulté d’une surveillance permanente et profitant de statuts juridiques protecteurs10. Il s’agit des trafics, de drogue, d’armes, d’équipements proliférants, d’êtres humains, de migrants, de marchandises de contrebande mais aussi de la pêche illégale, et des rejets de déchets interdits.

D’autres organisations ou individus, agissant dans les zones hors de toute juridiction nationale, commettent en toute légalité des atteintes graves à l’écosystème et à la biodiversité.

Conscients de l’impuissance de démarches nationales isolées face à la mondialisation du problème, les États recherchent les solutions dans l’action concertée.

L’heure des prises de conscience et des choix : protéger résolument l’environnement marin.

« L’interaction entre l’Europe et la mer est plus intense, plus variée et plus enrichissante que jamais. Mais la pression commence à se faire sentir. Notre relation avec les océans est arrivée à la croisée des chemins…L’Europe doit réagir. Dans un contexte de mondialisation et de changement climatique rapide, il y a urgence» (Livre bleu de l’Union Européenne octobre 2007).

Alors que les limites de la capacité des mers et océans à absorber et recycler les conséquences des activités humaines commencent à être atteintes, l’écosystème maritime apparaît aux yeux de tous vital pour l’Humanité.

Changement climatique, risque de modification des courants généraux comme le Gulf Stream, fluctuations d’El Niño, montée du niveau des mers, fonte et disparition de la calotte glaciaire, acidification des océans, tous ces phénomènes dont l’Homme est pour partie à l’origine illustrent la fragilité d’un monde qui paraissait invulnérable. Ses conséquences, difficiles encore à apprécier, seront obligatoirement de taille. Il suffit pour s’en convaincre de rappeler que le climat tempéré de la France est le fruit direct du fonctionnement océanique.

Immense11 ne signifie pas illimité. L’épuisement, pour cause de surexploitation, de certaines ressources halieutiques le prouve. Les océans ne peuvent absorber indéfiniment sans dommage les rejets et pollutions d’origine humaine12. Les impacts sur les habitats et leurs écosystèmes associés atteignent un niveau préoccupant, particulièrement en zone littorale mais aussi désormais au large. La biodiversité marine est par ailleurs menacée par la multiplication des espèces invasives souvent du fait d’activités humaines.

Le développement d’aires marines protégées et d’une gestion écosystémique des espaces et

ressources marines : une réponse française.

7 Ressources de la zone économique et du plateau continental 8 Lutte contre les pollutions (possibilité pour un État d’intervenir à son initiative en haute mer sur un navire en difficulté menaçant ses côtes) ; sécurité de la navigation (dispositifs de séparation de trafic dans les passages resserrés), protection des approches maritimes contre la menace terroriste… 9 Terme utilisé par les experts pour faire la différence entre la lutte contre les menaces dues à des agressions humaines (sûreté) et celle contre les risques relevant des accidents en mer (sécurité). 10 En particulier la « loi du pavillon » qui est détournée par la multiplication des pavillons de complaisance 11 Plus de 70% de la surface de la planète 12 80% dues aux activités terrestres (rejets dans les cours d’eau et l’atmosphère) et 20% d’origine maritime (accidentelle ou chronique)

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Notre pays met en oeuvre des instruments très divers, parcs, réserves, classement de sites, espaces remarquables, classement au titre de NATURA 2000... D’abord limités à des aires de faible superficie, simples prolongements des protections terrestres, les espaces marins protégés s’étendent désormais vers le large (sanctuaire Pélagos par exemple).

Le plan de mise en œuvre du sommet Mondial du Développement Durable de Rio prévoyait l’éradication de la pêche illégale pour 2004, le contrôle de la capacité de pêche pour 2005, la mise en œuvre de l’approche éco-systémique pour 2010, le développement d’un réseau d’aires marines protégées pour 2012, et la reconstruction générale des stocks pour 2015.

Si certains de ces objectifs ambitieux paraissent loin d’être atteints, des progrès sont à porter au crédit des stratégies nationales et européennes pour la biodiversité et les aires marines protégées : mise en place de la réserve des Terres Australes et Antarctiques Françaises qui comprend une partie marine très importante, création de nouveaux outils de protection comme les parcs naturels marins, ou délimitation de zones Natura 2000 en mer.

L’adoption en juin 2008 de la directive cadre communautaire « stratégie pour le milieu marin » permettra grâce au renforcement de la surveillance des activités et des milieux de prendre des mesures visant à un bon état écologique des eaux de métropole en 2020 c'est-à-dire garantissant leur diversité écologique, leur dynamisme et leur propreté, ainsi qu’un bon état sanitaire et productif.

Une obligation de réussir pour les générations actuelles et à venir !

Une chance inespérée pour relever les défis du futur.

« C’est la mer qui sauvera la terre. La mer constitue en effet le premier potentiel de vie de l’humanité : potentiel alimentaire grâce au plancton, aux algues et aux protéines animales ; potentiel médical grâce aux enzymes et aux molécules des espèces marines ; potentiel énergétique grâce aux « énergies bleues »…; potentiel scientifique avec seulement quelques dizaines de milliers d’espèces connues sur un total estimé à plusieurs millions ; potentiel économique avec ses nombreux métiers, ses filières d’excellence et ses millions de travailleurs… ».

L’obligation d’agir, vite mais ensemble

« …Là comme sur le climat ou sur la préservation de la biodiversité, nous sommes la dernière génération qui ait la capacité pleine et entière d’agir. Agir, avant qu’il ne soit trop tard… » (Nicolas Sarkozy).

Le temps des constats et des hésitations est révolu. Mais le problème est mondial et sa solution sera mondiale. C’est une occasion pour la France de « renouer les fils d’une histoire riche, tumultueuse et millénaire » ; la France, par la place dans le monde maritime que lui confèrent son histoire, sa géographie et sa culture, a une responsabilité particulière à assumer et un devoir d’exemplarité.

Les atouts maritimes de la France. Le deuxième espace maritime mondial - « l’Archipel France »

La France, notamment par les départements et collectivités d’outre-mer, a accès à tous les océans ; elle a ainsi naturellement sa place dans la plupart des instances internationales et régionales en tant qu’État riverain.

La création d’une zone économique lui a attribué la juridiction sur près de 11 millions de kilomètres carrés d’espaces maritimes (plus de 96% sont outre-mer) et donc le deuxième espace maritime après les États-Unis.

Assurer et à valoriser l’excellence maritime française

État côtier parmi les plus importants, la France est aussi une puissance maritime qui s’ignore. Même si plusieurs secteurs rencontrent des difficultés importantes13, elle peut s’appuyer sur une recherche océanographique mondialement reconnue; un tourisme littoral florissant (40% du tourisme); des sociétés de service très présentes sur les marchés internationaux des banques et assurances, et elle conserve toute la panoplie des capacités maritimes et des savoir-faire associés : dans le transport

13 identiques à celles rencontrées par les autres nations développées s’agissant de la flotte de commerce sous pavillon national, des chantiers navals de construction de navires (porte-conteneurs, vraquiers, pétroliers et méthaniers) et de la concurrence des équipages de nationalités étrangères

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maritime avec des armements français très performants ; dans la construction navale civile et militaire ; dans la surveillance maritime ; dans la pêche hauturière avec des flottes de haute technologie ; dans le secteur des hydrocarbures offshore avec des leaders mondiaux; dans l’industrie touristique (construction nautique de plaisance, thalassothérapie, etc.).

Des capacités d’action en mer reconnues, respectées, à renforcer

La France est un acteur majeur des coalitions internationales destinées à préserver la sécurité des espaces maritimes. La Marine Nationale, grâce à son large spectre de capacités14, lui permet d’y tenir son rang et d’être présente sur toutes les mers.

Les opérations de lutte contre la piraterie menées lors de ces dernières années ont mis en évidence notre aptitude à réaliser des actions militaires complexes, nécessitant une forte coordination interministérielle, l’unicité de commandement, l’emploi de moyens des trois armées, de la Gendarmerie et certains relevant d’autres administrations, et qui sont poursuivies par des actions en justice. Cette capacité au service d’une détermination politique ferme a été unanimement saluée.

Dès les années 1970, la France, pour administrer les vastes espaces maritimes sous sa

juridiction, s’est dotée d’une organisation spécifique : l’Action de l’État en Mer afin d’assurer notamment les fonctions de police et de contrôle. Cette organisation, coordonnée au niveau interministériel, repose sur la fonction-clé de délégué du gouvernement pour l’action de l’État en mer : préfet maritime en métropole, préfet de région ou haut-commissaire outre-mer. Depuis 2004, le préfet maritime est doté de compétences administratives qui lui permettent aujourd’hui de mettre en œuvre les politiques publiques en mer, le plus souvent en lien étroit avec les préfets terrestres.

Dans le domaine de la conduite des interventions régaliennes en mer, l’organisation française, bien adaptée au contexte des trente dernières années, doit évoluer pour relever les défis de demain, comme l’accroissement des engagements et obligations de la France, la limitation des moyens et la nécessaire inscription dans une politique maritime européenne.

B. Pour une politique maritime intégrée L’Océan n’a pas de frontières : la circulation globale associée au rayonnement transporte

partout la chaleur et l’énergie, mais aussi tous les organismes et les substances. Tous les océans, mers et bassins, les écosystèmes marins sont ainsi interdépendants.

S’ils se manifestent parfois par des catastrophes brèves et intenses (tempêtes, cyclones, séismes et tsunamis), les processus naturels sont généralement lents par rapport au temps des actions humaines ; en témoigne le changement climatique, visible à l’échelle de la décennie, mais dont une partie des causes peut être associée à des décisions ou des choix de court terme.

Cette forte interdépendance nous impose de dépasser les démarches strictement sectorielles ou géographiques dans l’élaboration des politiques maritimes. Elle implique que les politiques territoriales prennent en compte la proximité de la mer et les activités maritimes, et à l’inverse les impacts de la mer et des activités sur le littoral.

Ainsi chaque politique sectorielle ou territoriale ne doit plus constituer qu’une des composantes

d’un ensemble plus unifié et ne peut plus être définie de manière isolée. Tout processus de décision devra ainsi considérer toutes les échelles (géographiques ou

temporelles) et envisager l’ensemble des conséquences à long terme des choix qu’ils soient environnementaux, économiques ou sociaux.

Le développement croissant de l’activité humaine, tant littorale que maritime, impose d’en

maîtriser désormais les effets sur l’environnement et sur les ressources. L’Etat doit répondre à cette exigence qui concerne des espaces et des ressources publics. Il ne peut l’envisager qu’en associant tous les acteurs aux décisions qui les concernent, décisions fondées sur une vision partagée des enjeux et des objectifs recherchés.

14 Outil cohérent, du patrouilleur côtier au porte-avions.

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Préparée par le ministre d’Etat, chargé de la mer, la politique maritime de la France doit être une

politique intégrée inscrite dans le développement durable. Elle doit nécessairement traiter de manière cohérente de la mer et du littoral. Elle doit également être ancrée dans l’action internationale et européenne de la France.

Afin de concilier les ambitions légitimes mais parfois antagonistes, voire contradictoires des

diverses politiques qui y contribuent, la responsabilité de la politique maritime intégrée pour la mer et le littoral impose de dicter à toutes les politiques sectorielles et territoriales une méthode de travail qui repose sur la cohérence entre les différents objectifs assurée par un arbitrage vigilant des autorités publiques à tous les niveaux de l’élaboration, de la mise en œuvre et de l’évaluation.

Des objectifs lisibles pour tous les acteurs et pour tous les citoyens doivent permettre d’anticiper

les enjeux, les impacts, les conflits et les développements potentiels. Chaque politique contributrice se construira selon une démarche de gestion intégrée, à partir d’une prospective maritime et avec une gouvernance adaptée.

Elle sera déclinée, lorsque nécessaire15 dans une planification stratégique de tous les usages

de l’espace et des ressources ; elle sera appuyée sur une évaluation et des dispositifs de suivi transparents, au travers desquels, la responsabilité sociale et environnementale des acteurs économiques devra s’affirmer.

15 Activités exclusives, ressources localisées ou non renouvelables, engagements internationaux ou européens…

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II. Les quatre priorités de la politique maritime Volontariste et ambitieuse, la politique maritime de la France est construite autour de quatre

grands axes : - être tournée vers l’avenir et respectueuse de l’environnement ; - viser à développer une économie durable de la mer, source de valeur ajoutée et d’emplois

notamment pour les populations littorales; - promouvoir la dimension maritime des outre-mers français ; - permettre à la France d’affirmer sa place en Europe et, à travers l’Europe, au niveau

mondial.

C. Investir dans l'avenir

C.1 - Mieux connaître pour mieux gérer Les priorités nationales pour la connaissance sont associées à l’exercice par la France de sa

souveraineté sur les zones maritimes relevant de sa juridiction, et à la gestion et l’exploitation durable des ressources marines :

- couverture progressive des zones maritimes sous juridiction nationale par des cartographies et des inventaires des ressources marines, en commençant outre-mer comme en métropole par les zones sensibles (dont le littoral) et les zones de ressources potentielles ;

- connaissance des zones et des processus associés à des enjeux environnementaux importants par une approche écosystémique (biodiversité, processus physiques ou biologiques…) ;

- connaissance des impacts et des incidences associés aux activités humaines. Les priorités concernent par ailleurs la constitution de capacités d’expertise collective et de

bases de données communes, ainsi que la diffusion de la connaissance vers les décideurs, les usagers et le public par un portail de la mer et du littoral accessible par internet.

Ces actions devront être conduites en s’appuyant sur les instances de gouvernance existantes,

qu’elles soient sectorielles (inventaires, incidences…) ou transversales (recherche…). Elles reposeront sur l’implication coordonnée des opérateurs de premier rang 16 dont dispose notre pays, notamment avec l’alliance des sciences de la mer. Il s’agira de :

- définir en association avec les instances nationales de gouvernance maritime et littorale des programmes nationaux de connaissance bénéficiant de financements communs, en liaison avec les programmes internationaux et communautaires17 correspondants ;

- améliorer les actions des établissements publics et leur mise en réseau au niveau national, communautaire et international ;

- constituer parmi les agences et établissements publics un réseau de référents nationaux, en charge de la coordination du recueil des connaissances par les organismes publics et de leur mise à disposition ;

- développer des portails nationaux unifiés pour la mise à disposition des connaissances. Ces actions associent les acteurs socio-économiques qui recueillent des connaissances précieuses dans le cadre de leurs activités et de leurs études d’impact.

Grâce à ses chercheurs, ses instituts, ses laboratoires et ses navires scientifiques, la recherche marine est déjà un domaine d’excellence de la recherche française. Elle devra constituer le cœur d’une véritable politique océanographique.

16 De très nombreux établissements publics ou organismes assimilés relevant de tutelles diverses concourent de fait aujourd’hui à la connaissance et à la gestion de la mer et du littoral : IFREMER, SHOM, agence des aires marines protégées, IRD, CNRS, universités, BRGM, ONEMA, agences de l’eau, METEO-FRANCE, IGN, CNES, MNHN, IFP, CEA, Conservatoire du littoral, CEMAGREF, IPEV, CEDRE 17 notamment EMODNET ; Réseau européen d’observation et de données marines ; voir SEC(2009) 499

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Dans le domaine maritime, la recherche a une dimension à la fois scientifique, sociale, environnementale, économique, technologique et industrielle. Les besoins dépassent largement le champ de l’environnement et des sciences du vivant. Ils s’étendent désormais vers les sciences humaines et sociales, et le soutien à l’innovation dans les domaines des ressources naturelles marines, de la gestion intégrée et des activités maritimes. Par leur rôle intersectoriel et par leur mission de développement économique durable, les pôles de compétitivité constituent le cadre privilégié pour la valorisation de la recherche maritime et marine.

L’approche intégrée implique de poursuivre simultanément tous ces objectifs et de réaliser la

coordination des acteurs et des moyens (notamment des moyens lourds comme les flottes océanographiques) afin de développer l’interdisciplinarité des programmes.

La stratégie nationale de recherche et d’innovation prendra en compte l’engagement de la

France pour développer la recherche marine et maritime aux niveaux national et communautaire ; elle s’appuiera chaque fois que possible sur des actions internationales et européennes (notamment à travers le Programme Cadre de Recherche et de Développement Technologique et conformément aux orientations de la politique maritime intégrée européenne18). Elle sera déclinée pour l’outre-mer, notamment en ce qui concerne l’espace marin.

Une importance particulière sera portée à la compréhension et la modélisation de l’évolution du climat et de la biodiversité, à la compréhension des interactions entre le vivant et les activités humaines (notamment dans les domaines de la toxicologie et de l’écotoxicologie), à la maîtrise des risques, à l’observation de l’Océan et des zones côtières, et enfin à la poursuite de l’exploration des océans et de l’inventaire des ressources marines.

C.2 - Protéger résolument l’environnement marin La protection de l’environnement marin est un objectif fondamental de la politique maritime

nationale et communautaire ; elle repose sur les principes de précaution et d'action préventive, sur le principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement et sur le principe du pollueur-payeur. Elle doit intégrer les services rendus par les écosystèmes.

Cette protection ne peut être assurée qu’en prenant en compte systématiquement l’environnement marin dans toute décision ou tout projet terrestre ou maritime susceptible d’entraîner des incidences sur cet environnement. L’évaluation environnementale est un instrument fondamental pour atteindre cet objectif ; la faisabilité de sa mise en oeuvre pour tous les plans, programmes et projets et toutes les activités, sera étudiée.

Le développement d’une approche stratégique et intégrée des activités humaines et de leurs

impacts sur l’environnement marin est une priorité. L’évaluation environnementale devra notamment prendre en compte les services rendus par

les écosystèmes. Essentielle pour le long terme, trop souvent oubliée dans les choix à court terme de développement ou d’aménagement, la valorisation économique des services écologiques sera développée, et son intégration à terme aux études préalables exigées pour toute autorisation administrative sera examinée.

Le principe de la responsabilité environnementale et ses conséquences en termes de

réparation des dommages graves à l’environnement seront pris en compte pour les activités maritimes.

Le recours à la fiscalité environnementale devra permettre de favoriser les pratiques

respectueuses de l’environnement et de réduire les impacts négatifs sur l’environnement marin. La fiscalité environnementale est déjà appliquée aux activités terrestres, notamment à travers

les instruments de la gestion de l’eau ; l’adaptation de cette fiscalité sera étudiée pour mieux prendre en compte les impacts sur le milieu marin des activités terrestres et maritimes.

18 «Une stratégie européenne pour la recherche marine et maritime: un espace européen de la recherche cohérent à l’appui d’une utilisation durable des mers et des océans» COM(2008) 534.

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Protection des écosystèmes et de la biodiversité : une priorité de la politique nationale

La France assume dans ce domaine une responsabilité particulière puisqu’elle abrite notamment dans les zones maritimes d’outre-mer une part notable de la biodiversité mondiale (récifs coralliens, mangroves..). La stratégie nationale pour la biodiversité comprend un plan d’action « mer », piloté par le ministère en charge de l’écologie et de la mer ; tous les plans et programmes sectoriels et locaux devront être compatibles avec ce plan.

La France soutient par ailleurs l’intégration des questions marines dans le cadre du mandat de

l’Intergovernmental science-policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services (IPBES), plate-forme internationale d’experts sur la biodiversité en cours de constitution qui sera en charge de conseiller les décideurs publics. Comme le GIEC, l’IPBES produira des rapports globaux et régionaux sur l’état de la biodiversité et des écosystèmes terrestres et marins, ses évolutions et les conséquences économiques et sociales de son érosion ; il établira des scénarios à court et moyen termes permettant aux politiques d’évaluer l’impact de leurs décisions sur l’environnement, notamment en termes économiques.

La France continuera à participer activement aux actions menées au niveau international en matière de biodiversité, particulièrement à celles relatives aux coraux et mangroves conduites à travers l’Initiative internationale pour les récifs coralliens (ICRI) dont la France assure la co-présidence (2009-2011).

La France renforcera les mesures de protection/restauration pour les espèces marines menacées ou à protéger au niveau national et international notamment en promouvant et soutenant leur éventuelle inscription sur les listes de la CITES. Elle initiera une initiative particulière en faveur de la biodiversité ultramarine (IFREBIOM), visant à enrayer la disparition d’espèces emblématiques menacées d’extinction (notamment selon les critères de la Liste rouge mondiale de l’UICN) ou d’écosystèmes en danger.

La lutte contre les espèces invasives sera intensifiée, notamment pour le transport maritime (mise en œuvre de la convention de l’Organisation Maritime Internationale sur la gestion des eaux de ballast) mais aussi pour toutes les activités susceptibles de favoriser de telles espèces (pisciculture et conchyliculture, aquariophilie…).

La France œuvre à l’établissement dans les zones maritimes sous sa juridiction et en Haute Mer d’un réseau cohérent et représentatif d’aires marines protégées (AMP), instrument privilégié pour la protection des espèces, habitats ou écosystèmes, pour le développement durable des activités et pour l’expérimentation et la mise en œuvre des bonnes pratiques de la gestion intégrée. La France met en œuvre ses engagements dans ce domaine à travers sa stratégie nationale pour les aires marines protégées, en s’appuyant notamment sur l’Agence des aires marines protégées créée en 2006. L’objectif de la stratégie nationale est de parvenir à couvrir par des AMP 10 % des zones sous juridiction française d'ici 2012 (objectifs internationaux de la CBD) et 20 % d'ici 2020, dont la moitié en moyenne globale en réserves ou cantonnements de pêche.

Pour la création d’AMP, une attention particulière sera portée aux zones de transition, particulièrement riches et menacées (notamment les estuaires, les estrans, les zones humides, les récifs, et les mangroves), en assurant à travers cette « trame bleu marine » l’intégration avec la « trame bleue » continentale.

Au-delà des zones sous juridiction nationale, cette stratégie devra promouvoir les actions menées au niveau communautaire ou international ou dans le cadre de conventions de mers régionales (notamment en Atlantique et en Méditerranée) pour développer en haute mer le réseau des aires marines protégées.

La surveillance et les contrôles dans les AMP feront l’objet d’une attention particulière dans tous les projets ; les moyens correspondants seront pris en compte dans le cadre de la fonction garde-côtes.

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Réduction des impacts des activités

Réduire en outre-mer comme en métropole les flux de pollutions liées aux activités terrestres (industrie, agriculture, transport, urbanisation…), est un objectif prioritaire de la politique nationale, notamment à travers la directive cadre sur l’eau. Les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux et les plans d’action associés devront intégrer les objectifs en matière de qualité de l’eau et des milieux aquatiques définis par des engagements internationaux, notamment ceux fixés par le programme d’action mondial (Global Program of Action) sur la lutte contre la pollution marine d’origine terrestre du Programmes des Nations unies pour l’environnement et par les conventions de mers régionales, ainsi que par les objectifs associés aux éventuelles aires marines protégées en zones côtières. Pour garantir l’intégration terre-mer dans ce domaine, les comités de bassin et instances de gouvernance de l’eau seront associés à la gouvernance de la mer, tandis que les acteurs de la mer et du littoral participeront à la gouvernance de l’eau.

En outre, l’effort de réduction des flux de nutriments - nitrates, phosphates - provenant de toutes les sources (agriculture, industries, stations d’épuration, …) - dans tous les bassins situés en zone vulnérable et possédant une façade soumise à eutrophisation (algues vertes, phytoplancton toxique ou non) sera accru avec un objectif de réduction de 40% à échéance 2014. Les mesures relatives aux macro-déchets seront renforcées.

La récente directive cadre « stratégie pour le milieu marin » du 17 juin 2008 définit pour les eaux européennes une approche stratégique pour atteindre « le bon état écologique » par la maîtrise globale des impacts des activités sur le milieu marin, y compris au-delà des zones côtières. Sa mise en œuvre constituera une priorité pour la politique maritime nationale ; l’approche de gestion intégrée à l’échelle des écosystèmes portée par cette directive devra être progressivement généralisée à tous les bassins maritimes sous juridiction française. Les estuaires et les estrans sont des espaces sensibles où les actions doivent être renforcées.

Plus encore que sur le reste du territoire, une attention particulière doit être portée à l’aménagement et aux activités sur le littoral. Une bonne part de ces mesures relève directement de la législation d’urbanisme : au-delà des questions d’intégration paysagère et urbanistique, les aménagements littoraux peuvent être à l’origine de la destruction progressive de zones de faible profondeur très riches ou essentielles pour les écosystèmes marins (poldérisation, comblement, creusement, artificialisation…). Ces aménagements devront être réduits, les tolérances pour les réseaux d’assainissement doivent y être encore plus faibles et toute destruction d’habitats côtiers lors d’aménagements littoraux devra être compensée quantitativement et qualitativement ; cette condition devra être introduite dans tous les documents d’urbanisme et de planification sur le littoral, et rigoureusement appliquée lors de l’instruction des autorisations administratives.

Prévention des risques

Les zones côtières concentrent une part importante des risques liés à la mer, qu’il s’agisse de risques naturels ou de risques d’origine anthropiques. Ces risques sont aggravés par le changement climatique, et surtout par l’augmentation croissante de la densité de population et d’activité sur le littoral.

Les effets du changement climatique notamment sur le niveau moyen des mers feront l’objet

d’une étude couvrant toutes les zones côtières nationales (en métropole et outre-mer), et une stratégie nationale spécifique sera développée pour le littoral.

En métropole comme outre-mer, l’érosion menace certaines zones littorales urbanisées ou abritant un patrimoine naturel de valeur.

Une véritable stratégie nationale pour l’érosion côtière sera développée, associant actions

de protection des zones vulnérables lorsque les enjeux le nécessitent, et recul stratégique ; développée en concertation avec les collectivités concernées, elle prendra en compte les risques particuliers associés au changement climatique. Par ailleurs, les submersions marines menacent des zones urbanisées, où des événements météorologiques exceptionnels peuvent amener la combinaison de précipitations importantes et de surcotes. Certaines zones littorales, en particulier outre-mer sont sous la menace de tsunamis ; le déploiement de systèmes de surveillance et

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d’alerte sera poursuivi progressivement dans toutes les zones concernées dans le cadre de coopérations internationales à l’échelle des bassins concernés.

Toutes ces zones vulnérables seront identifiées et prises en compte dans les plans de

prévention des risques et les schémas d’aménagement et les documents d’urbanisme. Ce travail s'appuiera notamment sur le protocole sur la gestion intégrée des zones côtières (GIZC) de la convention de Barcelone que la France a ratifié.

C.3 - Eduquer et former aux métiers de la mer Aujourd’hui, la formation initiale et continue aux différents métiers de la mer se caractérise par la

multiplicité des organismes, des filières, des centres pédagogiques et le cloisonnement existant souvent entre disciplines et entre établissements.

Au cœur même de l’enseignement maritime, les acteurs sont nombreux : Ecole navale, Ecole nationale supérieure maritime (composée notamment des ex-écoles nationales de la Marine Marchande), lycées professionnels maritimes, écoles d'apprentissage maritime et établissements agréés …

Cette dispersion nuit à une bonne lisibilité du système éducatif français aux métiers de la mer,

même dans certains secteurs d’excellence, que ce soit au plan national, avec un impact négatif sur son attractivité, ou aux plans européen et international. Cette dispersion ne favorise pas le développement des synergies, en interne et avec les autres enseignements. Dans ce contexte, Il convient d’adopter une stratégie globale de formation aux métiers actuels et futurs de la mer. Elle sera élaborée conjointement par les ministères en charge de fonctions de formation19.

Elle devra notamment :

- recenser toutes les formations, les besoins actuels et futurs qui touchent de près ou de loin la mer et le littoral ;

- mettre en place un dispositif permettant d’améliorer l’orientation et la lisibilité de la

formation aux métiers de la mer y compris en matière de validation des acquis de l’expérience (VAE) ;

- s’assurer des complémentarités entre réseaux publics et privés d’enseignement et

mettre en œuvre un plan d’actions pour améliorer les performances d’un enseignement de qualité qui prépare à l’ensemble des métiers de la mer ;

- et mieux valoriser au plan national et international les brevets et les qualifications des

personnels de la mer notamment pour le personnel embarqué. A la différence de certaines nations, la France ne confiera pas l’éducation et la formation de ses

acteurs maritimes exclusivement à l’enseignement généraliste mais elle continuera, tout en favorisant les articulations avec celui-ci, d’améliorer les performances d’un enseignement maritime de qualité qui prépare à l’ensemble des métiers de la mer.

Les évolutions de l’enseignement maritime permettront de : • développer l’attrait des professions liées à la mer ; • former en nombre suffisant le personnel qualifié parfaitement adapté aux besoins

d’emploi ; • introduire dans les référentiels la notion de développement durable adapté au secteur

d’activité considéré. Pour cela, l’Ecole nationale supérieure maritime donnera accès aux diplômes d’ingénieur de

la mer ; elle se substitue aux quatre écoles de la Marine Marchande. Les établissements d’enseignement supérieur seront regroupés en un réseau structuré et visible, entretenant des liaisons

19 Education Nationale, Enseignement supérieur, Défense, Industrie, Mer, Ecologie, Jeunesse et Sports, …

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directes avec le monde universitaire et de la recherche, et tout particulièrement avec les universités des régions maritimes. La création de ce réseau doit permettre la réalisation de synergies opérationnelles qui sont indispensables à la viabilité du système. En outre, le contenu des formations dispensées dans toutes les filières et à tous les niveaux (dont ceux du CAP et post BAC), doit évoluer pour inclure ou approfondir la prise en compte du développement durable et de la protection de l’environnement marin et littoral. Leur champ sera étendu aux métiers nouveaux qui apparaissent notamment dans les transports maritimes, la pêche, le tourisme ou le nautisme et de plus en plus ceux qui sont liés à la protection de l’environnement et à l’aménagement durable du littoral.

Ces actions seront renforcées par le développement de partenariats avec le monde de l'entreprise et de la recherche. Les pôles de compétitivité en lien avec la mer seront mis à profit pour garantir la cohérence entre la formation dispensée et les besoins nés de nouveaux métiers et de jeunes entreprises innovantes.

C.4 - Susciter chez les Français la passion de la mer Les Français ont largement participé à la consultation publique à l’occasion du Grenelle de la

mer : cet intérêt doit être maintenu et encouragé. Il faut donner aux Français une culture maritime qui leur permette de comprendre les enjeux de la mer et les efforts qu’elle mérite de leur part. Il s’agit de faire connaître et aimer la mer. L’initiation et la sensibilisation à la mer doivent prendre plusieurs formes avec l’action conjointe de l’État, des collectivités, des associations et des grands acteurs du monde maritime. La découverte de la mer et de l’Outre-mer doit être encouragée dès le plus jeune âge. L’État favorisera les actions dans ce sens entre autres en milieu scolaire, telles que : classes de mer ; concours et appels à projets en direction des écoles et des établissements scolaires; découverte des métiers en partenariat entre les grands employeurs maritimes, dont ceux du transport maritime, de la pêche, de la recherche, de la construction navale, de la plaisance, des énergies marines, etc. et les collèges et les lycées. En outre, des jumelages de classes sont à explorer entre villes maritimes et villes de l’intérieur, entre villes métropolitaines et villes ultramarines.

Le patrimoine maritime français (ports, navires, phares, collections, etc.), par sa richesse et son attractivité doit contribuer à cette démarche. Son inventaire, qui relève largement de la responsabilité des collectivités territoriales, est une condition première de sa valorisation. L’État y apportera son concours. Cet effort inclura l’identification des sites justifiant d’une protection spécifique. Un grand plan de préservation et de valorisation des phares sera élaboré Les régions volontaires seront amenées à y participer.

L’État contribuera à conforter et élargir le réseau français des musées, aquariums, centres patrimoniaux, centres culturels, médiathèques, ouverts à la valorisation de la culture maritime, dans toutes ses composantes (mers et océans, littoral, outre-mer, îles, ports). La culture maritime deviendra un élément important de la culture scientifique et technique, à partir des enjeux de protection des océans et des côtes, en s'appuyant sur les centres de culture scientifique (cité des sciences, muséum, centres régionaux), et en développant des actions éducatives et pédagogiques en direction du jeune public, dans et hors milieu scolaire, en liaison avec les medias publics et privés.

Les occasions de contacts directs du public avec la mer doivent être utilisés notamment

s’agissant du tourisme et des activités de loisir ; cette sensibilisation du grand public fera l’objet d’une stratégie de communication portée par le Ministre chargé de la mer : mobilisation des moyens publics déjà existants, valorisation des métiers et des techniques, partenariats entre les différents acteurs. Les « Journées de la mer » constitueront un rendez vous annuel majeur de découverte et de mise en valeur du fait maritime en métropole et dans les collectivités d’Outre-mer

D. Développer une économie durable de la mer D.1 - Un enjeu géopolitique: la valorisation durable des ressources naturelles

Les ressources marines sont : - biologiques : ressources halieutiques, mais aussi biomasse issue des cultures marines,

végétales ou animales, et désormais ressources génétiques et bioressources ;

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- minérales, comme les hydrocarbures dont 30% sont aujourd’hui extraits du sous-sol de la mer, mais aussi les gisements miniers sous-marins, les granulats, le sable et les graviers ;

- énergétiques, exploitées en captant l’énergie cinétique et potentielle des marées et des courants, l’énergie thermique, l’énergie chimique liée au mélange eau douce- eau salée, l’énergie du vent en mer, ou l’énergie des vagues et de la houle...),

Elles comprennent aussi l’eau elle-même, produit du dessalement, et les substances en solution ou les composants de l’eau de mer (hydrogène, deutérium,…). Ces ressources marines doivent être exploitées de manière raisonnée et écologiquement responsable dans le cadre de la politique nationale et communautaire des ressources naturelles.

Des principes pour une gestion durable des ressources publiques

Les ressources de la mer sont publiques, et leur gestion relève de l’État et des collectivités compétentes.

Les incidences de leur exploitation sur l’environnement, les ressources alternatives (notamment terrestres) et les besoins futurs seront pris en compte avec l’objectif de favoriser le développement de l’économie des régions littorales concernées. Le recyclage et la réutilisation des matériaux seront encouragés. L’exploitation de certaines ressources minérales non renouvelables à caractère stratégique (hydrocarbures, métaux...) devra être envisagée dans une vision mondiale, partagée et à long terme pour la satisfaction des besoins nationaux et communautaires. L’accès aux ressources marines épuisables et limitées ne peut être totalement gratuit ni incontrôlé.

Ressources biologiques (hors ressources halieutiques)

La très grande diversité des formes marines et de leurs fonctions, leurs adaptations à un environnement marin difficile (sources profondes hydrothermales, etc.) ouvrent des perspectives nouvelles pour le développement de molécules bio-actives, d’enzymes, de polymères, de bioproduits et de nouveaux procédés industriels. Elles posent aussi des questions de propriété intellectuelle qui doivent être traitées au niveau international.

Au-delà du gisement de molécules naturelles innovantes, ces ressources pourraient contribuer au développement des « biotechnologies bleues» à l’horizon 2020-2030 dans cinq secteurs clés : la santé (nouveaux médicaments et nouvelles thérapies, biomédecine (biopuces), médecine régénérative..), l’agro-alimentaire (dont l’aquaculture et la nutraceutique), l’environnement (préservation de l’environnement et bioremédiation…), l’industrie (bioproduits et bioprocédés), bioénergies en particulier biocarburants ; à ces cinq secteurs, on peut ajouter celui de la cosmétique en quête continuelle de nouvelles molécules naturelles. L’exploitation des algues 20 est un des domaines les plus prometteurs, qu’il s’agisse des macro-algues ou des micro-algues ; la biomasse marine pourra contribuer à l’alimentation ou à la production d’énergie (biocarburants).

L’exploitation future des bio-ressources marines impliquera des programmes de recherche amont sur les six secteurs précités. Les pôles de compétitivité sont le cadre naturel pour la mise en place des partenariats entre la recherche académique et l’industrie indispensables à ces développements. Enfin, compte tenu des contraintes fortes associées notamment à la croissance par photosynthèse (immersions, gradient …), le développement de ce secteur ne peut être assuré que s’il est pris en compte dans le cadre de la planification stratégique des activités en mer.

Ressources énergétiques

L’océan reçoit et stocke de grandes quantités d’énergie (solaire et gravitationnelle) qui peuvent être captées sous plusieurs formes : énergie thermique, cinétique (courants, vent), potentielle (barrages ou lagons), chimique (énergie osmotique), biologique (biomasse) ; le potentiel prodigieux associé à ces « énergies marines renouvelables » (EMR) sont susceptibles à moyen ou long terme de satisfaire une part notable des besoins énergétiques de la France, et même de l’Europe.

Les zones propices au développement de l’éolien en mer (fixe et flottant) seront définies à court

terme. S’agissant des autres procédés non encore matures, la France établira une stratégie de

20 Actuellement exploitées principalement pour un usage chimique (engrais) et pharmaceutique, les macroalgues pourraient à l’avenir contribuer de manière significative à notre alimentation. Le potentiel des microalgues semble très important : vingt fois plus abondantes que les plantes terrestres, elles ont un rendement à l’hectare 10 fois supérieur à celui des oléagineux terrestres et une croissance beaucoup plus rapide. Leurs utilisations potentielles couvrent les six secteurs visés, en plus du secteur énergétique.

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recherche et de développement grâce à la mise en place d’une plateforme technologique et au financement de démonstrateurs en particulier outre-mer. Les priorités de la recherche seront définies au regard des différents potentiels existant. Les énergies marines devront contribuer à atteindre l’autonomie énergétique des Territoires d’outre-mer.

Le développement des énergies marines, axe prioritaire de la politique maritime française, offre des perspectives importantes de création ou de mutations d’emploi, notamment dans les régions littorales ; la nécessité de protéger l’environnement marin, celle de partager équitablement l’espace avec les autres usagers de la mer, et enfin la nécessité de cohérence avec le développement des moyens et infrastructures terrestres de production et de transport de l’énergie accompagnera et soutiendra une politique énergétique et industrielle volontariste et incitative, négociée collectivement. Un « Plan Energies Bleues » pourrait notamment comprendre les actions suivantes :

- Développer des démonstrateurs et des structures logistiques associées (centres d’essai en mer raccordés au réseau) pourraient être développés partout pour toutes les filières suivantes : hydrolien, houlomotricité, énergie thermique des mers, éolien flottant, dans le cadre du programme de recherche prioritaire déjà défini avec la communauté scientifique afin d’en accélérer la maturation ;

- Créer une plate forme technologique à partir de l’initiative « IPANEMA » dédiée aux énergies marines renouvelables (EMR) visant à mettre en réseau et mutualiser les compétences de recherche, de certification, d’expertise et les centres d’essais et adosser ce réseau à un centre de ressources.

Outre-mer, le déploiement des énergies marines sera favorisé avec l’objectif général d’assurer

au plus tôt l’autonomie énergétique des collectivités insulaires, conformément aux objectifs du Grenelle de l’environnement confortés par les Etats Généraux de l’Outre-Mer. Les outre-mers constitueront des zones d’action prioritaire et de déploiement précoce pour les énergies renouvelables marines, et des zones d’expérimentation privilégiées pour certaines techniques comme celles liées à l’énergie thermique des mers.

Les parcs de production d’EMR feront l’objet d’une planification stratégique développée en

concertation pour déterminer les sites propices prenant en compte les objectifs nationaux de production et leurs éventuelles déclinaisons régionales, les autres usages (conflits potentiels, incompatibilités et synergies éventuelles, notamment avec les activités aquacoles), ainsi que les incidences potentielles sur l’environnement. Cette planification devra intégrer les questions relatives au réseau de transport (extension en mer des réseaux de transport d’électricité, interconnexion des parcs de production), dans un objectif de mutualisation des investissements. Les aspects d’évaluation des impacts et d’acceptabilité doivent être spécifiés. Les énergies marines renouvelables posent des questions nouvelles, notamment en terme d’impacts sur l’environnement, de droits d’usage et d’acceptabilité sociale.

Il conviendra de prévoir l’intégration future des énergies marines dans les schémas de déploiement des énergies renouvelables, ainsi qu’une réglementation adaptée, en particulier pour les études d’impact.

Ressources minérales

Le fond et le sous-sol de la mer renferment des ressources minérales importantes, situées soit sur le plateau continental, formées in situ ou à partir de matériaux venus du continent (hydrocarbures, sables, graviers…), soit dans les grands fonds (plaine abyssale ou structures d’origine océanique : dorsales médio-océaniques, monts sous-marins…) et associées à des processus spécifiquement marins.

Ces substances minérales peuvent se trouver dans les eaux sous juridiction nationale, mais aussi hors de cette juridiction, où elles sont administrées sous contrôle international par l’Autorité internationale des fonds marins. Ces ressources naguère inexploitables sont désormais ou seront bientôt accessibles aux technologies modernes ; généralement non renouvelables, elles pourront à l’avenir contribuer en complément des ressources terrestres à satisfaire les besoins de l’Humanité.

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Des réserves de métaux existent en mer, notamment dans la plaine abyssale (nodules polymétalliques), sur les monts sous-marins (« encroûtements » métallifères) ou sur les dorsales océaniques. Outre les métaux « base », ces dépôts contiennent des métaux rares ou stratégiques indispensables pour certaines applications ou certains procédés.

La France dispose dans ce domaine d’un potentiel de recherche et d’un savoir-faire technologique de niveau mondial (opérations offshore), et une partie de ces réserves se trouve par ailleurs dans les zones économiques sous sa juridiction : elle déploiera dans le domaine des ressources minérales profondes une stratégie ambitieuse, qui devra s’appuyer sur une démarche prospective et couvrir notamment :

- la recherche et l’exploration scientifiques (processus de formation, etc.) et l’inventaire des ressources existantes ;

- l’étude des impacts environnementaux potentiels de leur exploitation - le développement et la validation industrielle des techniques d’exploitation des ressources

profondes. Pour garantir la protection des zones de grande richesse de biodiversité (dites « hot spots »), les

éventuelles stratégies d’exploitation devront être compatibles avec les stratégies de protection. La possibilité de lancer une exploitation expérimentale dans une zone maritime d’outre-mer sera

étudiée par exemple en associant des industriels et des établissements publics français. Les zones maritimes sous juridiction française pourraient renfermer des hydrocarbures,

particulièrement en outre-mer ; peu compétitives ou inexploitables actuellement, ces ressources (gaz, pétrole, hydrates de gaz, etc.) pourraient devenir stratégiques dans quelques décennies. La priorité est donc de faire l’inventaire de ces réserves et de gérer de manière efficace leur exploitation éventuelle.

Une stratégie nationale sera développée pour définir les modalités de gestion et d’exploitation des ressources sous-marines en hydrocarbures, et adapter la réglementation correspondante.

Le plateau continental renferme de grandes quantités de matériaux d’origine sédimentaire ou

organique (sables siliceux ou calcaires, graviers..) susceptibles d’être utilisés pour l’industrie ou le bâtiment et les travaux publics, en complément ou en remplacement de ressources terrestres. En effet, celles-ci se renchérissent, se raréfient ou l’impact de l’extraction ou du transport n’est plus accepté au regard des enjeux environnementaux ou sociétaux ou du fait de compétition d’usaqes.

Le recours aux granulats marins constitue une partie de la solution à ce problème ; il ne doit pas conduire à déplacer en mer les problèmes environnementaux rencontrés à terre, ni remplacer le recyclage et la réutilisation (notamment celle des produits de dragage) qui doivent être privilégiés. L’exploitation actuelle des matériaux à proximité du littoral constitue la solution la plus économique, mais elle conduit à la multiplication des exploitations et des conflits, et devrait être conditionnée par la maîtrise des impacts qu’elle entraîne sur les habitats et les espèces dans les zones côtières ou estuariennes les plus riches et les plus productives. Les extractions devront se reporter progressivement vers les gisements importants plus profonds.

Une stratégie sera établie dès 2010 pour définir à l’échelle nationale les objectifs et les modalités d’exploitation et de gestion des ressources en granulats marins ; elle s’appuiera sur une démarche prospective et sur un inventaire complet des ressources existantes accessibles à l’horizon 2030, et proposera des améliorations des modalités d’encadrement de cette exploitation, en améliorant notamment l’association à la planification et aux décisions des acteurs de la gouvernance de la mer et du littoral. Établie en liaison avec la stratégie pour les matériaux terrestres, cette stratégie prendra en compte les capacités portuaires et la chaîne de transport jusqu’aux lieux de consommation, et les besoins prioritaires liés à la gestion du trait de côte.

D.2 - Une pêche et une aquaculture durables Source importante de protéines animales de haute qualité pour l'homme, le poisson figure au

menu de plus d'un demi milliard de consommateurs en Europe. Nous devons conserver cette ressource pour les générations de demain.

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La politique européenne commune doit permettre de conserver ce patrimoine commun. Les stocks halieutiques dont un nombre important sont surexploités doivent être reconstitués ou

maintenus au niveau de leur rendement maximum durable. Des pêcheries durables feront l’objet de la mise en place d’écolabels.

Les pêcheurs pourront alors tirer un revenu convenable de l'exploitation de la ressource ce qui permettra de maintenir des communautés de pêcheurs sur tout le littoral français.

La pêche fait en effet étroitement partie de l'identité culturelle des régions côtières françaises et ne le restera que si des conditions du travail dignes subsistent à bord des navires.

Les stocks équilibrés seront exploités par des pêcheurs responsables conscients de la nécessaire durabilité de l'exploitation des ressources notamment fondée sur une approche écosystémique. L’association entre scientifiques et professionnels doit constituer le pilier de cette gestion durable. Elle permettra notamment de préciser l'empreinte écologique de la pêche et de l'aquaculture, de développer et de valoriser les recherches sur des technologies de pêche innovantes, sélectives, respectueuses de l'environnement et économes en énergie, associant à la fois des critères de quantité, de qualité des productions et de sécurité des marins, de préciser le rôle des régimes de régulation de l'accès aux pêcheries et l'analyse du contexte économique dans lequel opèrent les entreprises de pêche et d'aquaculture.

Ainsi que l’indiquait le Président de la République au Havre le 16 juillet 2009 : " Le temps est venu, je crois, de fonder la totalité de nos décisions publiques de gestion des ressources marines sur la base d’avis scientifiques fiables, indépendants et partagés." Ces avis devront être solides, expliqués et partagés par des professionnels. Un comité de liaison scientifique et technique des pêches maritimes sera créé pour favoriser un esprit de partage dans une maison commune entre scientifiques, pêcheurs et société civile.

La France défendra une réforme ambitieuse de la Politique Commune des Pêches qui devra

permettre d'atteindre les objectifs de durabilité sur les plans écologique, économique et social, et promouvoir une pêche responsable et de haute qualité.

La destruction des ressources et la pêche illégale doivent être combattues par des contrôles

renforcés. La France soutiendra, notamment par la coopération régionale, la lutte internationale contre la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN). Elle engagera par ailleurs tous ses efforts au niveau international et communautaire pour que des normes sociales minimales soient établies et contrôlera leur mise en œuvre effective sur les navires de pêche.

Dans les négociations internationales la France prendra position pour que la pêche pour la consommation humaine soit privilégiée par rapport à la pêche minotière. Dans le cadre de la PCP, elle demandera que la réduction des totaux admissibles de captures porte en priorité sur la pêche minotière avant de s'appliquer aux captures destinées à l'alimentation humaine.

La France visera également à mettre en œuvre, en lien avec les Collectivités d’Outre-Mer, les

principes de cette politique de pêche durable dans celles de ses eaux ne relevant pas de la Politique Commune des Pêches.

Face à la raréfaction de certaines ressources halieutiques, la nécessité d’une pêche durable et

responsable apparaît chaque jour plus évidente. La consommation mondiale de poisson pour l’alimentation humaine et animale augmente régulièrement et pourrait s’établir, au plan mondial, à 179 millions de tonnes en 2015 selon l’agence alimentaire de l’Organisation des Nations Unies (FAO), soit 36 % de plus qu’en 2002. La pêche ne pourra pas, à elle seule, satisfaire les besoins des populations en produits de la mer. Dans ce contexte, l’aquaculture jouera un rôle de plus en plus important.

Si la production aquacole augmente régulièrement dans le monde (en particulier en Asie du Sud-est et dans quelques pays européens), elle stagne en France. L’aquaculture française, constituée de la conchyliculture, de la pisciculture marine et de la pisciculture continentale, dispose d’un savoir-faire reconnu, mais est confrontée à de nombreuses contraintes : conflits d’usage et d’occupation de l’espace notamment sur la frange littorale, qualité des eaux, diversification de l’alimentation et maladies des espèces élevées. Son développement devra être pris en compte dans la planification

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stratégique en mer et sur le littoral, dans les actions d’amélioration de la qualité des eaux littorales, et dans les programmes de recherche-développement en lien avec les pôles de compétitivité.

Le développement de ce secteur économique offre, notamment outre-mer, des opportunités

réelles pour la France, qui peut se positionner, en particulier, sur le marché de la haute valeur ajoutée et de la haute qualité environnementale.

D.3 - Une construction navale innovante et compétitive La France dispose d’une tradition de construction navale qui couvre pratiquement tout le

spectre, du navire de plaisance au navire de guerre, en passant par les navires de pêche ou de croisière et par les navires très spécialisés (transport de gaz naturel liquéfié, navires de servitude offshore, etc.). Le risque existe, si les difficultés actuelles perdurent, d’une perte irrémédiable de ce patrimoine de compétences considérable, des structures, des équipes, des hommes et du savoir-faire. Le maintien d’une industrie de construction navale nationale de navires civils et militaires passe par une spécialisation dans la construction de navires nécessitant une haute technologie. C’est déjà le cas aujourd’hui de certaines catégories de navires sophistiqués du fait de leur mission, ce sera le cas de tous les navires de demain pour répondre aux impératifs énergétiques et environnementaux. L’obligation de réaliser de tels « navires du futur » est une opportunité majeure qui reposera sur un programme industriel ambitieux de conception et de construction, et ouvrira des gisements d’emplois. Quelle que soit sa vocation (transport de marchandises ou de passagers, civil ou militaire, navire de pêche ou de plaisance…), le navire du futur devra impérativement être économe en énergie, propre, sûr et souvent plus silencieux21. Ainsi, réduire de 25 % les émissions de gaz à effet de serre par tonne débarquée à horizon 2015 est un objectif de ce programme de recherche pour les bateaux de pêche. Ceci supposera des évolutions majeures (hydrodynamique et aérodynamique, architecture des systèmes de propulsion, production et consommation d’énergie à bord, réduction de l’impact environnemental et des rejets atmosphériques, sécurité et fiabilité, matériaux innovants, navires communicants, …) impliquant des investissements en recherche et développement de la part des acteurs industriels. La maîtrise de ces domaines ouvrira des marchés à l’échelle mondiale, et permettra aux industriels français de conquérir une position concurrentielle stratégique. Le renforcement des exigences en matière de sécurité maritime et de respect de l’environnement au niveau mondial est un levier pour développer des navires éco conçus.

Démantèlement des navires

Le 15 mai 2009, les États parties à l’Organisation maritime internationale (OMI) ont adopté la convention pour le recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires, dite convention de Hong-Kong, qui instaure un cadre juridique spécifique destiné à réglementer la construction, l’exploitation et le recyclage des navires.

La France veillera à ratifier la convention de Hong-Kong au plus tôt (objectif 2010) et agira activement au niveau international pour en accélérer l’entrée en vigueur. Parallèlement, elle appuiera une démarche communautaire pour en appliquer par anticipation les dispositions dans le cadre d’accords avec des États tiers, concrétisant ainsi le rôle important que doit jouer l’UE pour accompagner la mise à niveau des chantiers de ces pays.

Les études seront par ailleurs poursuivies pour développer des solutions nationales ou en partenariat européen de déconstruction de certaines catégories de navires en prenant en compte la viabilité économique et le tissu industriel existant, dans une logique de développement durable. C’est le cas des navires de faible tonnage (et en particulier des navires de pêche et de plaisance) pour lesquels certains industriels se sont déjà positionnés. Il ne s'agira donc pas de subventionner une filière mais de faire en sorte que les initiatives (PME ou grand groupe industriel) soient soutenues et encouragées.

21 objectifs de gains de 50% de la consommation d’énergie et de réduction des émissions de gaz à effet de serre, développement des énergies renouvelables et réduction de 50 % de l’impact environnemental

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D.4 - Assurer la mutation du transport maritime Le XXI° siècle sera celui de l'irréversible « maritimisation » du monde. Cette évolution s’inscrit

dans le contexte d’une économie mondialisée, où le transport maritime est la base des échanges internationaux, et où les normes se définissent et s’appliquent à l’échelle mondiale.

Mais elle doit aussi prendre en compte une insécurité et des menaces croissantes. Le transport s’effectue ainsi dans un environnement de moins en moins stable, soumis à des menaces de toute nature (terrorisme, pirates mais aussi, demain peut-être, conflits relatifs aux routes commerciales devenues les artères irriguant la vie même des pays ouverts sur le monde).

Le transport maritime de demain devra par ailleurs intégrer la nécessité d’une mutation environnementale, qui concernera aussi bien ses impacts environnementaux du transport que les risques pour l’environnement liés au transport.

Enfin, la compétition liée à la mondialisation est associée à un « dumping social » qui menace particulièrement les métiers du transport maritime.

A l’aube du XXIème siècle, le transport maritime devra relever ces défis. Dans ce domaine, les idées "modernes" de la fin du siècle dernier22 doivent à l'évidence évoluer car elles sous-tendent un modèle désormais dépassé. La France dispose en fait de véritables atouts trop souvent "ignorés" (savoir-faire, qualité des opérateurs, prise en compte maintenant "ancienne" par beaucoup d’opérateurs de la notion de développement durable, formations et personnels qualifiés et pouvant encore progresser ....) qu’elle doit valoriser pleinement afin de mieux asseoir son autonomie.

Les priorités pour cette mutation sont la sécurisation des approvisionnements de la France et

de l’Europe, la création d’emplois perennes et la responsabilisation des acteurs du transport maritime. La politique maritime nationale en matière de transport maritime se déploiera ainsi suivant quatre axes stratégiques :

- Renforcer le pavillon national, - Accélérer la mutation environnementale du transport, - Développer des emplois durables avec notamment un haut standard de qualification, - Faire évoluer les normes internationales vers des standards plus élevés.

Renforcer le pavillon national

L'existence d'une flotte nationale significative, "contrôlée" par des ressortissants nationaux mais aussi sous pavillon français pour une part importante sera pour l’avenir un atout majeur pour la France et ses opérateurs. Une telle flotte contribue, en effet, à la sûreté des approvisionnements maritimes de la France et de l’Europe, à l’augmentation des standards en matière de sécurité et des normes sociales et environnementales, et devrait attirer les armateurs rassurés dans un monde incertain par le fait d'arborer le pavillon d'un État qui assume ses responsabilités.

Par ailleurs, une flotte sous pavillon national et de qualité reconnue garantit que la voix de la France sera entendue dans les instances internationales qui construisent et font évoluer le droit et les pratiques maritimes.

La création du Registre International Français (RIF) qui est entré en vigueur le 1er janvier 2006,

s'inscrit dans une logique de durabilité visant de multiples enjeux de la gestion de l'offre maritime : économiques, sociaux et environnementaux. Avec le RIF, le Gouvernement a exprimé sa volonté de promouvoir la flotte de commerce et de grande croisière en améliorant la compétitivité de l'offre maritime sous pavillon français, tout en affirmant l’importance du contrôle de l'État du pavillon pour le respect des règles de sûreté, de sécurité, des conditions d'emploi et de protection de l'environnement. Après quelques années de mise en œuvre, il faut tirer le bilan de ce dispositif, qui semble pouvoir

22 " il y aura toujours des navires, fussent ils étrangers, sur le marché pour assurer la logistique de nos exportations et importations"; " la notion de pavillon devient donc secondaire"; "la liberté des mers est un atout garanti"; "les situations de crise menacent moins l'exercice des activités maritimes que celui des activités terrestres"; "libérer le dynamisme des bons entrepreneurs est suffisant pour assurer l'adéquation de l'offre et de la demande et à long terme "l'égalisation sociale" par le haut ..."; "l'indubitable marche vers la qualité et la sécurité maritimes sont un outil assez puissant pour accélérer ce mouvement"

19

atteindre ses objectifs malgré des obstacles structurels. La France considère que le classement en complaisance du RIF par une fédération syndicale internationale (ITF) est difficilement explicable au regard de la qualité des standards français de sécurité et de protection sociale, reconnue universellement et officiellement par toutes les instances publiques de contrôle. L’Etat favorisera toute initiative permettant de lever ce classement.

Le renforcement de la flotte française permis par ce registre d'immatriculation, plus attractif pour

les armateurs, et la mise en place de mesures adaptées comme le développement d'un réseau inter-îles, doivent jouer en faveur de la desserte maritime des outre-mers.

Produisant peu de gaz à effet de serre à la tonne transportée, le transport maritime offre des alternatives aux transports routier ou aérien, qu’il s’agisse de transport de courte ou de longue distance, massifié ou de desserte locale. Ce report modal vers le transport maritime est une priorité ; il sera recherché à travers :

• la fidélisation du fret maritime : développement des autoroutes de la mer et du cabotage maritime à courte et moyenne distance, mise en réseaux des ports y compris secondaires, en lien avec la régulation des réseaux de logistique et le développement de pré et post acheminements plus courts pour les conteneurs ;

• le développement des autoroutes de la mer • le développement du transport maritime interurbain (tramways côtiers écologiques), • la simplification du droit commercial maritime.

Le secteur maritime devra par ailleurs réduire encore son empreinte environnementale,

notamment en termes de rejets atmosphériques et de bruit. Pour s’inscrire dans une dimension sociale du développement durable du secteur maritime, la

politique nationale de la mer et du littoral promouvra une approche exigeante de l’emploi des gens de mer.

Malgré d’indéniables progrès, la mondialisation du transport maritime favorise encore trop les armements les « moins disant socialement », créant des situations humaines et professionnelles inacceptables qui découragent les vocations maritimes. Les secteurs de la pêche et des cultures marines connaissent des situations tendues. Ces métiers, exercés dans des conditions difficiles, voire dangereuses, sont insuffisamment valorisés. Industrie mondialisée, le transport maritime ne peut évoluer vers une meilleure prise en compte des enjeux sociaux qu’à travers des normes négociées au niveau international. Dans une démarche d'exemplarité, la France ratifiera et contribuera à rendre effective l’application des conventions de l’Organisation Internationale du Travail relatives aux gens de mer, et encouragera les initiatives communautaires en la matière. La situation des équipages des navires abandonnés dans les ports français fera l’objet d’une attention particulière.

L’objectif de la France est d’attirer les Français vers les professions de marin et les métiers

liés à la mer. Cet objectif sera poursuivi à travers un ensemble d’actions menées de manière cohérente : renforcer l’attractivité, le prestige et la diversité des formations maritimes tout au long de la carrière grâce à un enseignement maritime rénové conforme aux normes internationales les plus exigeantes, poursuivre la modernisation des relations sociales, promouvoir une politique de prévention des risques, des accidents du travail et des accidents maritimes (notamment sur la fatigue des équipages à bord des caboteurs) soutenir l'emploi maritime en favorisant notamment l'émergence de nouveaux métiers, favoriser la mobilité et la sécurisation des parcours professionnels, développer la promotion sociale et la validation des acquis de l'expérience (particulièrement pertinente dans les métiers maritimes), faciliter les passerelles entre métiers embarqués .

Dans un environnement international où la liberté d'immatriculation est la règle (et où cette liberté ne peut ou doit être bridée que lorsque les standards propres à respecter l'environnement, les normes sociales, la sécurité, sont bafoués), la France devra travailler au sein de l’Union européenne à faire évoluer les normes internationales, qu’elles concernent la sécurité, la dimension environnementale ou la dimension sociale. Elle visera à développer la responsabilité environnementale des acteurs du transport maritime.

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Disposer d’une flotte sous pavillon national est une nécessité pour que la voix de la France et la voix de l’Europe soient entendues dans les instances où s’élaborent ces normes, et notamment à l’Organisation Maritime Internationale (OMI). Cette nécessaire évolution vers plus de sécurité et plus de responsabilité ne devra pas se faire au détriment de la compétitivité des armements nationaux.

La France s’est hissée à la tête du combat pour la sécurité maritime et la lutte contre les pollutions, comme l’illustre la récente adoption sous présidence française du paquet Erika 3 renforçant la sécurité maritime ou la toute première place qu’occupe régulièrement la flotte française dans le Memorandum Of Understanding de Paris sur la sécurité maritime. La lutte contre les pollutions maritimes doit faire l’objet d’une attention de chaque instant.

A cet effet, elle sera renforcée par :

• la promotion avec l’UE de normes universelles en matière de prévention des risques et pollution engageant les États pavillon et le développement d’actions en matière de sécurité de navigation, notamment dans les détroits internationaux ;

• la mise en place de moyens d’intervention adaptés et le développement de technologies pour la lutte antipollution ;

• le repérage amélioré des pollutions et la traçabilité des cargaisons (conteneurs, dégazages…) ;

La France étudiera et soutiendra de nouvelles règles pour le FIPOL afin que soit assurée une meilleure réparation des préjudices subis.

D.5 - Disposer de ports de dimension internationale L’importance des ports pour l’économie nationale avait été bien appréhendée dans la France

planificatrice de l’après-guerre. L’aménagement des grandes plates-formes portuaires pour l’implantation les « pieds dans l’eau » d’une industrie lourde devenue dépendante des importations de matières premières a consolidé notre tissu industriel même si les chocs pétroliers des années 70 ont empêché de tirer pleinement parti de ces infrastructures exceptionnelles.

A contrario, l’importance stratégique des ports dans une économie mondialisée a été trop longtemps sous-estimée, ce qui explique la faiblesse relative des ports français pour les trafics de conteneurs devenus les vecteurs de cette mondialisation. Les conséquences en sont lourdes pour l’économie nationale, les grandes plates-formes logistiques, qui génèrent une forte valeur ajoutée, s’implantant à proximité des ports européens les plus performants.

Le Gouvernement a engagé une politique portuaire ambitieuse reposant sur des services portuaires de qualité et sur un renforcement des transports massifiés par fer, voie fluviale et cabotage maritime. Elle constitue un facteur de compétitivité essentiel pour notre économie et une condition du succès d’une politique de report modal préservant notre environnement.

Le port est essentiel au développement économique non seulement de la zone où il est implanté

mais comme nœud de service entre la mer et la terre, outil majeur au service du commerce extérieur et de l’industrie. C’est dans ce cadre qu’a été engagée par le Gouvernement une importante réforme portuaire destinée à restaurer la compétitivité des ports français. Cette réforme, qui porte notamment sur l’organisation de la manutention, doit porter ses premiers fruits à l’horizon des projets stratégiques établis par les grands ports maritimes (2013).

L’objectif à terme est de doubler la part de marché des ports français pour les conteneurs pour la porter à 12% du marché européen. L’amélioration de la compétitivité des ports et le gain de parts de marché subséquent doivent permettre de favoriser le commerce extérieur français tout en diminuant les acheminements terrestres et donc les émissions de gaz à effet de serre. Ils sont par ailleurs créateurs de croissance et d’emplois pour les territoires concernés.

Le développement de la vocation maritime du Grand Paris sera dans ce cadre exemplaire. De François 1er à Napoléon, tous les pouvoirs ont cherché à donner à Paris une façade atlantique : "Paris, Rouen, Le Havre, une seule et même ville dont la Seine est la grande rue". Dans le cadre du projet du Grand Paris, la France doit renouer avec la mer en organisant la logistique d’approvisionnement de l’Ile de France par la coordination de l’action des ports du Havre, de Rouen et

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de Paris, le long de l’axe séquanien. Le conseil de coordination interportuaire de la Seine doit permettre d’associer les ports des collectivités territoriales situés dans la zone géographique concernée et donner à Paris, à l’instar des grandes métropoles mondiales, un accès à la mer.

Au-delà de cet accès, il conviendra d’ores et déjà de réfléchir au continuum avec la façade méditerranéenne et le port de Fos-Marseille en en faisant l'interface stratégique qu’appelle l’Union pour la Méditerranée.

Un conseil de coordination est également créé sur la façade Atlantique (ports de Nantes – Saint-Nazaire, La Rochelle et Bordeaux) pour améliorer les synergies entre les ports (politique de promotion, coordination des grands investissements, dessertes).

La stratégie de développement portuaire doit être à l’intersection de la politique de

l’aménagement du territoire et de la politique maritime pour irriguer les flux vers la terre et la mer. Le développement des modes massifiés (ferroviaire et fluvial) dans les pré et post acheminements portuaires est un objectif essentiel. Il s’agit là d’un enjeu environnemental puisque ce développement doit contribuer à diminuer les émissions de gaz à effet de serre et économique car le développement de l’hinterland des ports français passe par une meilleure capacité d’évacuation des marchandises, notamment conteneurisées. L’accroissement combiné des dessertes par les modes ferré et fluvial est également un enjeu essentiel pour le développement de ces deux modes puisqu’une part très significative des trafics de ces deux modes se fait vers ou depuis les ports français qui constituent des centres privilégiés de massification des marchandises. L’engagement national pour le fret ferroviaire lancé en septembre 2009 et son plan d’actions marque la volonté du Gouvernement dans ce domaine.

Par le développement de ses ports, de ses réseaux de transport ferrés et fluviaux, la France doit

devenir l’interface atlantique de l’Europe. La politique portuaire devra également intégrer le développement des escales, des « têtes » et

des « fins » de ligne pour les croisières maritimes, en particulier dans les grands bassins de croisière que sont la Méditerranée et les Caraïbes.

Les ports doivent également développer de nouvelles stratégies en matière d’aménagement. Le développement des ports passe par une utilisation la plus rationnelle et la plus productive possible des espaces déjà aménagés. Lorsque de nouveaux projets doivent s’étendre sur des espaces naturels, il convient de prendre en compte les problématiques environnementales le plus en amont possible et, lorsque les impacts ne peuvent être évités, de les compenser strictement. Le développement d’une vision globale des ports sur les espaces qu’ils gèrent, que ceux-ci soient naturels ou artificiels, est un enjeu essentiel de la loi portant réforme portuaire votée en 2008.

La mise en œuvre de nouvelles politiques d’aménagement passe également par une meilleure prise en compte des interfaces avec la ville. La reconversion des espaces délaissés par les activités militaires, de commerce ou de pêche est à cet égard un enjeu important.

Les aménagements mis en place par les ports doivent également permettre de diminuer l’ensemble des pollutions émises dans le cadre des activités portuaires (branchement électriques des navires à quai pour certains types de trafics, maîtrise des eaux de ruissellement, pour les aires de carénages …).

S’agissant des boues de dragage, il s’agit tout à la fois d’interdire le rejet en mer des boues de

dragage polluées et de favoriser la mise en œuvre des meilleures pratiques d’entretien des espaces portuaires et chenaux d’accès (dragage, rejet des déblais), de développer les approches innovantes dans la valorisation des sédiments de dragage (réutilisation), d’améliorer les techniques de tri, et de favoriser le développement de filières économiques de traitement, y compris le traitement à terre des rejets les plus pollués. Les travaux du groupe pluridisciplinaire GEODE seront poursuivis dans ce cadre.

D.6 - Une stratégie pour la plaisance et les loisirs nautiques La plaisance et les loisirs nautiques constituent une part importante de l’activité économique et

touristique directement liée à la mer, qu’il s’agisse de construction de navires et d’équipements, de création ou de gestion de ports, de services ou de location.

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Naguère centrées essentiellement sur la plaisance, ces activités se multiplient (plongée, kayak, glisse, VNM...) et les pratiques se diversifient en métropole comme outre-mer. Elles concernent aujourd’hui près d’un Français sur trois. La France doit rester positionnée parmi les leaders mondiaux pour la construction de navires de plaisance. Elle doit également demeurer une destination nautique de premier plan.

L’empreinte de ces activités peut être forte sur le littoral : - compétition directe ou indirecte sur l’espace proche du littoral : ports et mouillages

installations portuaires, services associés, activités commerciales induites nautiques ou non - impacts sur la qualité de l’eau par les rejets, en particulier dasn les zones à forte pratique

ou à faible marnage. - risques d’impact sur le patrimoine naturel et culturel : destruction d’habitats marins ou

côtiers, prélèvements (pêche sportive ou de loisir…), dérangement d’animaux, dégradation d’épaves historiques, ...

Les activités liées à la plaisance participent activement à l’économie des régions littorales bien

au-delà des ports et du milieu nautique. Toutefois, leur développement ne peut être conduit sans un strict respect de l’environnement, notamment en ce qui concerne la création de capacités d’accueil dans les ports. Des solutions innovantes et conformes aux principes du développement durable existent. Elles devront être privilégiées.

A cette fin, une stratégie nationale pour la plaisance et les activités nautiques sera définie par l’Etat et les collectivités territoriales. Elle prescrira une vision à l’échelle des bassins de navigation associés aux ports ou à des pratiques communes permettant de concilier les activités et la préservation du milieu ; elle devra intégrer les principes communs de la politique nationale tels que la gestion économe de l’espace ; en matière de gouvernance notamment pour sa définition et son évaluation. Cette stratégie prévoira ainsi l’association de tous les acteurs concernés à tous les stades de l’élaboration et de la mise en œuvre des projets, la prise en compte de toute participation financière des usagers à la gestion de la mer et du littoral, ou de suivi. Elle mettra l’accent sur les priorités suivantes :

- meilleure intégration dans les projets territoriaux et urbanistiques, notamment dans la planification territoriale ;

- évaluation environnementale complète des projets; - gestion dynamique des espaces publics affectés et de leur usage en privilégiant

polyvalence, partage et réversibilité (cales, mouillages collectifs, ports à flot ou ports à sec) ; - développement des usages partagés ou collectifs (location, propriété partagée); - renforcement des structures de formation des pratiquants prenant en compte les aspects

sécurité et respect de l’environnement. - promotion de la France en tant que destination nautique d’excellence, notamment en

matière de qualité environnementale des sites et des services.

E. Promouvoir la dimension maritime des outre-mers La présence de la France dépasse très largement l’Europe. Ses immenses zones maritimes

dans les quatre océans lui permettent d’agir dans de nombreuses instances internationales où se traitent des questions maritimes : l’essentiel de ces zones maritimes se situe dans le Pacifique (autour de la Polynésie Française et de la Nouvelle-Calédonie) et dans l’océan Indien (aux alentours des îles Kerguelen). Une grande partie des atouts maritimes de la France sont donc liés à ses importantes zones économiques outre-mer où elle a l’exclusivité de l’exploitation des ressources mais aussi l’obligation de protéger un environnement souvent exceptionnel. Les espaces maritimes français d’outre-mer constituent autant d’accès vers la Haute Mer et la valorisation future de ses ressources vivantes, énergétiques et minérales. Ils constituent un ensemble de lieux d'observations exceptionnel pour la recherche dans quatre océans, en particulier sur le climat, la terre, les milieux, les ressources et la biodiversité et en zones tropicales. Ils constituent également des lieux pour l'expérimentation et

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de développement de technologies nouvelles en particulier pour la gestion et l'exploitation durable des ressources et l'énergie renouvelable.

La stratégie nationale de recherche innovation sera déclinée spécifiquement pour l'outre mer et

en particulier de façon transversale pour l'espace marin. Ces atouts de la France le sont d’abord pour les ultramarins eux-mêmes : les ressources

biologiques, minérales et énergétiques dans ces zones doivent en premier lieu bénéficier aux populations des collectivités territoriales d’outre-mer et contribuer à leur développement économique et social. Elles doivent aussi leur permettre de rayonner et de faire rayonner la France dans les bassins maritimes et les mers régionales auxquels ils se rattachent.

Mais ces atouts sont aussi des atouts pour l’Europe : grâce aux territoires ultramarins des États

membres et en grande partie grâce à ceux de la France, l’Union Européenne est représentée sur l’ensemble du globe et dans la plupart des instances régionales.. Les outre-mers français doivent être complètement associés au projet européen, dans le respect de la diversité des cultures et des coutumes et des compétences de leurs collectivités territoriales, mais sur la base de valeurs et d’une ambition partagées.

E.1 - Les collectivités territoriales ultramarines, acteurs de la politique maritime nationale

Les objectifs de la politique maritime nationale doivent intégrer pleinement les objectifs pour l’outre-mer ; ils doivent être élaborés en liaison étroite avec les collectivités territoriales ultramarines et arrêtés après consultation de ces collectivités.

Conformément aux principes généraux de la gouvernance de la mer et du littoral, la politique nationale sera déclinée à l’échelle de chaque bassin maritime ultramarin, sous le pilotage conjoint de l’État et des collectivités compétentes. La définition des bassins maritimes prendra en compte les enjeux spécifiques à chacun des outre-mers, et notamment le contexte régional et les coopérations avec les États et régions riverains. Leur gouvernance s’appuiera sur des instances de concertation constituées à l’échelle de ces bassins maritimes et associant tous les acteurs.

La représentation de la France dans les instances régionales traitant de questions maritimes (conventions de mers régionales, etc.) sera assurée conjointement par l’État et les collectivités territoriales concernées, ou assurée par subsidiarité par les collectivités territoriales dans le respect des objectifs et des principes de la politique maritime nationale et après concertation avec l’État. Sous l’animation des collectivités territoriales, les outre-mers français contribueront dans le domaine maritime au rayonnement de la France et au développement d’actions de coopération internationale à l’échelle des bassins régionaux (mers régionales par exemple).

Les outre-mers concentrent une grande partie des enjeux maritimes français, et notamment ceux liés à l’environnement marin et à la gestion intégrée de la mer et du littoral : quelle que soit la répartition des compétences, ils ne peuvent porter seuls une charge qui relève de la communauté nationale tout entière, et devront pouvoir bénéficier du soutien technique de l’Etat (notamment agences et établissements publics de l’État).

E.2 - Environnement marin et outre-mer : des atouts importants, mais une responsabilité considérable

Réparties dans tous les océans et sous toutes les latitudes, les zones maritimes françaises d’outre-mer abritent une biodiversité exceptionnelle qui constitue un atout considérable23, mais donnent à la France une responsabilité particulière qu’elle entend assumer ; la biodiversité marine outre-mer constitue un enjeu majeur pour la stratégie nationale pour la biodiversité et les plans d’action correspondants (mer et outre-mer).

Cette responsabilité relève des compétences de l’État et des collectivités territoriales qui doivent agir conjointement et mettre en commun leurs moyens pour préserver et protéger l’environnement marin et littoral. A cet effet, il importe de renforcer la gouvernance partenariale des plans d’action

23 Et dont les retombées économiques les plus visibles sont associées au tourisme

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locaux de la Stratégie Nationale de la Biodiversité, de l’Initiative Française pour les Récifs Coralliens, pour en améliorer les réalisations.

Un accent particulier sera rapidement porté sur la mise en place de plans de protection ou de restauration d’espèces et habitats emblématiques de chacun des territoires pour développer et renforcer, là où cela serait nécessaire, les partenariats entre les différentes parties prenantes. Ces plans associeront ainsi étroitement tous les acteurs locaux, développeront des actions de sensibilisation du grand public à la gestion durable de la biodiversité, envisageront les valorisations économiques possibles, et auront, dans la mesure du possible, une dimension de coopération internationale.

Les aires marines protégées peuvent contribuer de manière importante à cette protection, et le

réseau des AMP outre-mer fera l’objet d’une attention particulière ; le savoir-faire dans ce domaine et plus généralement dans le domaine de la préservation de la biodiversité devra être développé, par exemple à travers des pôles de compétences organisés en réseau avec ceux de métropole ; ces domaines devront être valorisées dans les coopérations à l’échelle régionale.

La protection de l’environnement marin outre-mer passe également par la lutte contre les

pollutions d’origine tellurique. Les outre-mer sont encore insuffisamment équipés pour traiter les eaux usées ; cela va d’une absence complète de traitement à des stations d’épuration dont les normes sont insuffisantes. La situation peut également être peu satisfaisante dans certains territoires en matière de gestion des déchets. L’amélioration du traitement des eaux usées et des déchets, est une priorité pour ces territoires, passant notamment par le renforcement des capacités de maîtrise d’ouvrage et de pilotage des projets.

E.3 - Les ressources marines, fondement de l’économie de demain ? Les zones maritimes sous juridiction française renferment des ressources importantes, qu’il

convient de valoriser dans le respect de l’environnement en particulier au bénéfice des populations locales. Cette valorisation devra constituer un axe stratégique majeur dans les déclinaisons de la politique maritime nationale à l’échelle de chaque bassin maritime ultramarin.

Les ressources biologiques potentielles dans ces zones sont nombreuses. Au-delà des

ressources halieutiques classiques, on peut ainsi citer les algues ou les bio-ressources et les bio-technologies associées. Ce patrimoine naturel doit être préservé et protégé, mais il peut être exploité de manière durable, dans le cadre d’une gestion intégrée. Des instruments juridiques et des moyens de contrôle sont nécessaires pour éviter le pillage de ces ressources : malgré la difficulté de l’exercice (zones immenses, éloignement des continents), une surveillance et un contrôle effectifs conditionnent la crédibilité de la gestion : l’État et les collectivités devront conduire de manière coordonnée et dans le cadre de coopérations régionales avec les autres États riverains une politique volontariste dans ce domaine.

L’outre-mer est particulièrement favorable au développement des activités aquacoles (conchyliculture, pisciculture, crevetticulture, algoculture..) ; généralement éloignés des centres de consommation, les outres-mers ne peuvent être concurrents des productions de masse et de faible qualité de pays où les normes sociales et environnementales sont peu élevées, ils devront jouer la carte de la qualité et adopter de hauts standards environnementaux : le développement de techniques de productions respectueuses de l’environnement est un domaine potentiel d’excellence et de coopération régionale pour les outre-mers français, qui pourra s’appuyer sur un réseau de pôles ultramarins de compétence.

Des synergies devront être recherchées entre secteurs d’activités maritimes (utilisation des eaux froides chargées de nutriments pompées pour la production d’énergie marine ou la climatisation, etc.)

Les outre-mers français sont particulièrement bien placés pour valoriser les énormes

ressources énergétiques marines et développer des compétences dans ce domaine. L’indépendance énergétique est un enjeu important pour ces territoires essentiellement

insulaires. Les énergies marines renouvelables sont susceptibles de satisfaire à terme la plus grande partie de leurs besoins en énergie électrique, notamment avec l’énergie de la houle ou des vagues,

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l’énergie cinétique des courants (notamment dans les passes des lagons), à la géothermie ou à plus long terme avec l’énergie thermique des mers.

Le développement des énergies marines renouvelables est une occasion unique de faire des collectivités ultramarines des pôles d’excellence régionaux en matière d’énergie renouvelable marine, et de lancer des coopérations à l’échelle régionale sur ces thèmes avec les États riverains.

Les ressources minérales sous-marines, enfin, offrent des perspectives réelles de développement économique.

L’outre-mer français pourrait renfermer des ressources notables en pétrole et gaz, notamment au large de la Guyane, de la Nouvelle-Calédonie, de Saint-Pierre et Miquelon ainsi que dans le Canal du Mozambique (Juan de Nova) et à Mayotte, et dans une moindre mesure aux Antilles.

Des inventaires devront être lancés pour ces ressources conventionnelles ou non (hydrates de méthane). Ces hydrocarbures seront certainement coûteux à produire, mais ils deviendront sans doute compétitifs avec la raréfaction progressive des ressources facilement accessibles exploitées aujourd’hui ; leur prospection et leur exploitation éventuelles devraient être gérées de manière stratégique.

Par ailleurs, les ressources en métaux des océans (nodules, encroûtements métallifères sur les monts sous-marins…) constituent des ressources stratégiques présentes dans de nombreuses zones maritimes ultramarines, et qui pourraient prendre le relais de ressources terrestres épuisées ou inaccessibles.

La technologie et le savoir-faire dans ces domaines sont un axe de développement futur possible pour les outre-mers, notamment dans le Pacifique. Ce développement passe par des actions d’inventaire, de recherche, des développements technologiques et des expérimentations en vraie grandeur menés dans un cadre précis d’évaluation des impacts et des conditions de responsabilité sociale et écologique.

F. Affirmer la place de la France dans le contexte international

F.1 - En étant acteur au sein de la gouvernance internationale L’histoire et la géographie ont doté la France d’un potentiel immense et de responsabilités

toutes aussi importantes qui se traduisent par des droits et des obligations qu’elle entend assumer pleinement dans le contexte international.

Pour cela, la France entend accentuer sa contribution à l’efficacité des instances internationales chargées d’organiser et réguler les activités humaines liées de près ou de loin à la mer. Deux objectifs majeurs doivent orienter son action : la protection globale des océans et de leurs ressources, bien commun de l’Humanité, et la préservation des intérêts nationaux et européens. Cet engagement sera concrétisé, dans les actes, par l’exercice exemplaire de ses droits et responsabilités dans les zones placées sous sa juridiction et par son implication, hors de ces zones, pour y faire respecter les traités, conventions et décisions internationaux.

La France compte utiliser la synergie et la complémentarité que lui confèrent sa présence Outre-mer et son appartenance à l’Union Européenne et à l'Union pour la Méditerranée (UpM).

La France concourt à la réalisation d’une politique européenne maritime intégrée en étant force de proposition. Elle œuvre, dans les instances internationales pertinentes, au développement de la place de l’Union Européenne et à l’extension de son influence, elle porte les idées de l’Union Européenne dans les instances où cette dernière n’est pas présente.

Dans le cadre de l'Union pour la Méditerranée, la France encourage les membres de l'Union ainsi que les institutions multilatérales concernés, à développer une stratégie marine intégrée méditerranéenne, partagée entre tous, afin de faire de la Méditerranée la mer la plus propre et la plus sûre de la planète.

En complément de son engagement européen et euroméditerranéen, la France

entend accentuer son action dans les travaux des instances internationales ou régionales dont elle est membre au titre d’état riverain ou associée en tant qu’observateur et entretenir sa présence navale sur tous les océans, en appui direct de sa diplomatie.

26

Dans cette perspective, la présente définition de notre politique maritime nationale doit nous permettre de faire partager notre vision au sein de l’UE, auprès des pays riverains des espaces maritimes où nous sommes présents, et auprès des principales nations maritimes, qui pour la plupart révisent leurs politiques maritimes actuellement.

L’action de la diplomatie française s’attachera à promouvoir la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM) auprès des États qui ne sont pas encore signataires tout en la complétant de dispositions juridiques qui permettent de prendre en compte les enjeux, menaces et risques24. Il faut éviter que la Haute Mer, espace de liberté, ne se transforme progressivement en un espace de « non droit » ; le cadre juridique doit être complété en conséquence pour permettre d’y interdire les activités délictueuses ou préjudiciables à l’environnement tout en préservant la liberté fondamentale de circulation sur les océans. Les États qui en ont les capacités maritimes doivent pouvoir intervenir en Haute Mer au nom de la Communauté Internationale.

La question de la biodiversité en haute mer fait l'objet d'une attention particulière de la part de

la France qui participe activement au groupe de travail ad hoc sur la biodiversité dans les zones au-delà des juridictions nationales, convoqué par l'Assemblée Générale des Nations Unies (2006, 2008, 2010). Dans l’attente d’un accord international juridiquement contraignant, proposition européenne qui est très loin d’être acceptée de tous, la France souhaite encourager le développement d’aires marines protégées en haute mer, outil juridique de régulation des espèces et activités de la haute mer : première étape vers une gouvernance plus affirmée de la haute mer.

S’agissant des enjeux environnementaux non couverts par la CNUDM, la France privilégiera les

accords régionaux en particulier les conventions de mers régionales auxquelles la France est partie et consacrées à la protection de l’environnement mais dont le champ s’étend peu à peu à la gestion intégrée de la mer : convention OSPAR pour l'Atlantique du Nord-Est (dans le cadre de laquelle la France soutient le projet pilote d’aire marine protégée en haute mer dite « Charlie Gibbs »), convention de Barcelone pour la Méditerranée, conventions de Carthagène pour les Caraïbes, de Nairobi pour l’océan Indien, de Nouméa pour le Pacifique sud, et dans une certaine mesure la CCAMLR (convention sur la conservation de la faune et de la flore marines de l'Antarctique) pour l’océan Austral. La France portera également ces enjeux au sein des organisations régionales de gestion de la pêche.

Enfin, la France est favorable au renforcement de l’efficacité de l’arsenal juridique international

par l’établissement de réseaux de procureurs et d’enquêteurs de la mer, sur le modèle de celui érigé pour lutter contre les pollutions maritimes en mer du Nord auquel elle contribue activement. Elle est d’ailleurs à l’origine d’un réseau similaire en Méditerranée.

F.2 - En étant moteur de la construction de la politique maritime intégrée de l’Union européenne

A travers les compétences transférées et les compétences partagées, l’Union européenne constitue déjà le cadre de nombreuses politiques concernant la mer ; un nombre croissant de questions juridiques sont désormais traitées au niveau communautaire. Par ailleurs, l’Union européenne (UE) élabore depuis quelques années une politique maritime intégrée à travers un « livre vert »25 puis un « livre bleu » 26, dont la politique maritime française ne doit pas être une simple déclinaison, mais un véritable moteur.

Ainsi, la France qui apporte à l’UE le savoir-faire d’une grande nation maritime et l’accès à tous

les océans doit : • susciter des initiatives de la Commission européenne ou de la présidence de l’Union

européenne ;

24 en particulier les risques qui n’avaient pas lors de sa négociation été appréciés avec la même acuité qu’aujourd’hui, comme le réchauffement climatique et ses conséquences, l’impact des activités humaines sur la biodiversité… 25 « Vers une politique maritime de l’Union: une vision européenne des océans et des mers », COM(2006) 275 26 Une politique maritime intégrée pour l'Union européenne COM (2007) 575

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• travailler étroitement avec la Commission et les autres États membres à la définition de l’architecture de la politique européenne intégrée, de stratégies sectorielles cohérentes, d’instances de pilotage et de concertation à l’échelle européenne, d’instruments de financement spécifiques, et de programmes à mener à l’échelle européenne ;

• participer à l’information des parlementaires européens sur la politique maritime et ses enjeux ; • répondre aux appels d’offres et propositions conduites au niveau européen pour la mise en

œuvre de la politique maritime intégrée de l’UE27, ou dans des domaines qui y concourent28 ; • proposer des projets innovants à l’échelle de l’Union; • favoriser la coordination des moyens consacrés par l’UE à la mer (agences opérationnelles…).

La France œuvrera également activement à la construction d'une politique maritime intégrée

pour la Méditerranée au sein de l’Union pour la Méditerranée et aux côtés de l’Union Européenne29.

Le continuum sécurité – défense souligné par le livre blanc sur la défense et la sécurité nationale est particulièrement marqué dans le domaine maritime. L’Union Européenne constitue le cadre naturel de développement d’une politique de sécurité maritime intégrée. L’entrée en vigueur du traité de Lisbonne pourra permettre un usage élargi 30de moyens militaires par l’UE sur son territoire ou au large de celui-ci. L’UE dispose d’un socle de compétences normatives dans de nombreux domaines civils et de capacités de coordination en matière judiciaire qui lui permettent de renforcer son implication directe dans la sécurité des approches maritimes de ses côtes.

F.3 - En exerçant pleinement nos responsabilités Dans les zones maritimes sous sa responsabilité, la France est soumise à des obligations,

notamment en matière de préservation de l’environnement marin, et bénéficie de droits souverains définis par le droit international de la mer.

La France a ainsi créé autour de son territoire des zones où sa juridiction s’applique ; toutefois, leur délimitation n’est pas complète. Par ailleurs, la souveraineté et la juridiction de la France sur ses zones maritimes n’est pas toujours assurée : elle est même contestée pour certaines zones par des États tiers. Cette situation limite les possibilités de protéger efficacement ces espaces mais aussi d’en valoriser les ressources. Elle n’est pas satisfaisante d’autant que l’État responsable n’y étant pas clairement identifié, les espaces non délimités constituent des zones de « non droit » potentielles.

La délimitation des zones sous juridiction nationale sera poursuivie, y compris dans les régions où la souveraineté française est contestée, si nécessaire dans le cadre de partenariats privilégiés avec les autres États concernés.

La France poursuivra son effort en matière de ratification et veillera à la transposition dans sa législation interne des nouvelles obligations internationales s'imposant désormais.

Il faut continuer de renforcer l’arsenal juridique national en poursuivant le chemin accompli

par exemple dans la lutte contre le narcotrafic par la transposition dans le droit français des possibilités offertes par la convention de Vienne31(détermination de délégués du Gouvernement pour l’AEM compétents sur toutes les mers et océans, identification de juridictions interrégionales spécialisées32, …). Ainsi, les solutions adaptées aux problèmes juridiques posés par la lutte contre la piraterie ou la rétention en mer de contrevenants seront mises en œuvre33. L’efficacité de l’action répressive contre les manquements en matière de pêche maritime et la pêche illicite sera renforcée par une systématisation, une simplification et une accélération des procédures.

Enfin, il s’agit de faire appliquer par l’ensemble des usagers de la mer les règlements

internationaux, européens et nationaux dans les espaces maritimes sous juridiction française. La

27 ainsi qu’elle l’a fait par exemple en 2009, en réponse à l’appel d’offres relatif à la surveillance maritime lancé dans le cadre du livre bleu 28 programmes-cadres pour la recherche et le développement, etc. 29 « Pour une meilleure gouvernance dans la Méditerranée grâce à une politique maritime intégrée » COM (2009) 466) 30 qui a déjà évolué avec la mise en place de l’agence FRONTEX 31 Article 17 de la convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et substances psychotropes du 20 décembre 1988 32 JIRS de Marseille pour la Méditerranée 33 Projet de loi relatif à la lutte contre la piraterie et à l'exercice des pouvoirs de police de l'État en mer en cours d’examen par le Parlement

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création d’aires marines protégées ou l’interdiction d’activités nuisibles, n’ont de sens que dans la mesure où une surveillance suffisante permet de détecter une part significative des infractions, qu’un dispositif de protection et d’intervention (ou de constatation) peut les faire cesser, que des poursuites judiciaires suivies de sanctions apportent une dimension dissuasive et que, le cas échéant, des actions réparatrices du préjudice subi sont réalisées.

C’est avant tout une responsabilité nationale, même s’il faut le plus souvent agir en étroite coopération avec d’autres pays. L’État a le devoir d’assurer la supervision des actions nécessaires et d’y apporter les réponses. Il doit s’organiser le plus efficacement possible pour y parvenir.

F.4 - En confortant notre capacité d'action en terme de défense et sécurité Contribuer à la sécurité globale des océans, hors des zones sous juridiction nationale

La présence forte des États en mer est aujourd’hui plus nécessaire que jamais. La France contribuera, au sein des coalitions les plus appropriées, à la protection des voies d’approvisionnement maritime de l’Europe et de ses territoires ultramarins contre toutes les menaces qui se dévoileront, comme elle le fait aujourd’hui face à la piraterie dans le Golfe d’Aden. L’opération Atalante de lutte contre la piraterie au large de la Somalie a permis à l’UE de développer un volet naval de la Politique Européenne de Sécurité et de Défense. Elle s’inscrit dans une approche globale par l’UE des enjeux de sécurité des espaces maritimes. En effet, l’opération Atalante sort du cadre étroit de la gestion de crise, et touche aux enjeux de protection des intérêts économiques et des ressortissants des États membres.

Lorsqu’il s’agira de préserver la vie de ses ressortissants et de défendre des intérêts majeurs, la France doit avoir les moyens de le faire seule si l’urgence et la nécessité l’y conduisent.

La France participera autant que nécessaire aux actions de coercition en mer destinées à faire appliquer par un État une décision de la communauté internationale34 ou dans l’application de ses accords de défense.

Ces engagements relèvent avant tout de la défense de la Nation et de ses intérêts vitaux. Les

moyens militaires nécessaires, qui constituent la majeure partie du dispositif, sont définis dans le cadre des lois de programmation militaires en application de la stratégie développée par le livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

La France participera activement, seule ou au sein d’organisations internationales, à la lutte contre les trafics illicites et les activités de nature à porter préjudice au bien commun que représentent les océans.

L’efficacité de l’action de la France dans ces domaines repose sur l’effort conjoint et

parfaitement coordonné de plusieurs dispositifs notamment diplomatique, juridique et militaire. L’action diplomatique est évidemment primordiale dans la gestion des crises maritimes mais

aussi, en permanence, dans leur prévention. Lorsque la France est confrontée à une crise, la diplomatie permet de préparer une intervention en alertant la communauté internationale afin de susciter ses réactions, en élaborant un cadre juridique qui permette d’agir efficacement35, en contribuant à la constitution d’une coalition, en obtenant le soutien des pays riverains de la zone concernée. Tout au long du déroulement de la crise, elle participe à sa gestion quotidienne, par exemple lorsqu’il faut obtenir de l’État du pavillon d’un navire suspect les accords nécessaires à une intervention, ou encore dans le traitement de personnes appréhendées ; mais aussi, et cela est trop souvent méconnu, l’action diplomatique française s’active au niveau des pays concernés pour réduire les causes terrestres des troubles occasionnés à la sécurité maritime36. Il s’agit là d’une action dans le

34 exemple d’ un embargo maritime dans la lutte contre la prolifération d’armes de destructions massive 35 le plus souvent par l’adoption d’une résolution de l’ONU qui constitue le « mandat » 36 comme elle le fait aujourd’hui en assistant la Somalie, la république de Djibouti et le Yémen (coopération et formation de garde-côtes) pour lutter contre la piraterie en océan Indien

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long terme qui doit durer bien au delà de la cessation des troubles pour en éviter la réapparition dès que la présence militaire s’est éloignée.

De façon plus générale, la France s’efforce d’agir de façon préventive en proposant, dans les régions les plus propices aux menaces contre la sécurité des espaces maritimes, son appui aux États particulièrement vulnérables, afin de lutter contre les causes premières et améliorer leurs capacités de sécurisation des espaces sous leur juridiction.

Elle recherchera aussi l’ouverture d’un véritable dialogue stratégique maritime entre les puissances maritimes, traditionnelles et émergentes, afin de prévenir les tensions qui pourraient naître d’évolutions en cours ou prévisibles du contexte mondial.

Enfin, la France continuera d'assumer pleinement ses obligations internationales au regard de la

sauvegarde de la vie des personnes en mer et des opérations de sauvetage en mer.

30

III. Une gouvernance renouvelée

G. Elargir la gouvernance pour une véritable planification Qu’elles soient de nature stratégique (définition d’objectifs ou d’orientations) ou opérationnelle

(modalités de mise en œuvre, plans d’action...), les décisions relatives à la définition et à la mise en œuvre de politiques pour la mer et le littoral relèvent des autorités publiques : Parlement, État et collectivités territoriales.

S’agissant de politique intégrée, ces décisions engagent nécessairement de nombreux acteurs : État, collectivités, acteurs socio-économiques, représentants de la société civile, associations citoyennes et experts … Il importe que tous soient associés à son élaboration et à sa mise en œuvre et qu’ils participent à son évaluation.

Seule cette association garantira la prise en compte de tous les enjeux. Elle rendra chacun conscient de l’étendue des enjeux. Elle mettra en évidence ceux qui, portés par les autorités publiques, constituent l’intérêt général : gestion de l’espace et des ressources marines, équité, protection de l’environnement ...

Ces principes sont conformes aux orientations discutées au niveau européen37. La coopération des acteurs relève de la gouvernance maritime et littorale, qui doit être

organisée à tous les niveaux stratégiques et décisionnels, internationaux et nationaux. Assurer une action efficace de la France dans les instances de concertation et de décision est

l’enjeu principal à l’international et au niveau de l’Union européenne38. Gouvernance au niveau national

La France organisera sa propre gouvernance suivant les axes sectoriels, transversaux et géographiques à tous les niveaux de décision et d’exécution du national au local.

C’est aux autorités publiques, qu’il revient : - d’organiser la concertation, occasion pour les parties prenantes de faire valoir et de

confronter leurs enjeux, - de procéder à la consultation pour que les acteurs institutionnels expriment formellement

leur avis sur les projets de décision, - d’arrêter les décisions, - enfin, de piloter l’évaluation. La politique maritime intégrée doit se décliner dans les politiques sectorielles, transversales et

territoriales. Elle implique donc la coopération entre l’État et les collectivités territoriales, ainsi qu’entre les collectivités elles-mêmes.

Enfin, il appartient à l’État, dans sa gouvernance interne, d’assurer la cohérence des actions de toutes les autorités qui le représentent et de tous les services et établissements publics.

L’instance nationale de concertation est un conseil national de la mer et du littoral39 qui

prendra le nom de « Conseil National de l’Archipel France » et servira de modèle pour la gouvernance maritime et littorale jusqu’au niveau local.

Constitué à partir du Conseil National du littoral, il sera associé à l’élaboration et à l’évaluation de la politique maritime dans toutes ses composantes (sectorielles, territoriales et transversales).

Il comprendra une représentation de tous les acteurs de la gouvernance maritime et littorale40. Ses travaux seront articulés avec ceux des autres instances nationales41 ou communautaires.

37 Lignes directrices pour une approche intégrée de la politique maritime COM (2008) 395 38 Cf. chapitre « action internationale » 39 Cf. projet de loi portant engagement national pour l'environnement voté par le Sénat le 08/10/2009 40 Parlement, administration de l’État, collectivités territoriales, acteurs socio-économiques, représentants de la société civile, experts et personnes qualifiées 41 notamment le Conseil économique, social et environnemental

31

La coopération entre État et collectivités territoriales est indispensable puisque les compétences en matière de politiques maritimes et terrestres sont réparties entre eux. L’organisation conjointe de la concertation sur les questions maritimes et littorales doit conduire à des positions communes et des engagements partagés, concrétisés par des documents communs (stratégies, plans d’action, etc.), appuyés sur des évaluations pilotées en commun.

L’exercice par l’État et les collectivités de responsabilités relevant de l’action européenne ou internationale de la France, par exemple à l’échelle des bassins maritimes, sera coordonné et des représentations conjointes de la France par l’État et la ou les collectivités concernées pourront être envisagées.

Par subsidiarité, le pilotage des coopérations régionales en particulier outre-mer pourra être assuré le cas échéant par la collectivité correspondante conformément aux orientations définies au niveau national.

Les collectivités territoriales riveraines d’un même bassin maritime (par exemple Caraïbes) ou

d’une même façade (par exemple Manche - mer du Nord) partagent aussi des enjeux maritimes et littoraux : leur coopération devra être développée aux échelles pertinentes, qu’il s’agisse de politiques sectorielles, de stratégies territoriales, ou d’actions exigeant la mise en commun de moyens.

Le ministre chargé de la mer prépare et met en œuvre la politique maritime du

Gouvernement, en veillant notamment à la protection de la biodiversité marine et des équilibres écologiques.

Sujet interministériel par nature, la mer nécessite une forte gouvernance interne de l’État. La

coordination au niveau central de l’action du Gouvernement relève du Premier ministre. Elle est assurée par le Secrétariat général de la mer qui lui est directement rattaché. Incarnée au niveau déconcentré pour les usagers de la mer par le préfet maritime ou par le préfet, délégué du Gouvernement outre-mer, l’action du Gouvernement doit prendre en compte toutes les dimensions des politiques, tant stratégiques que réglementaires ou opérationnelles, et tout le champ des questions maritimes.

A travers le littoral, les activités maritimes influent sur la partie terrestre et les activités terrestres sur le milieu marin. La cohérence des actions de l’État implique que ces actions soient systématiquement conduites sous le pilotage conjoint des autorités déconcentrées en charge des questions terrestres et maritimes (préfets et préfets maritimes). Enfin, le dialogue avec les collectivités territoriales, indispensable à la cohérence de l’action publique, devra être mené conjointement par ces mêmes autorités de l’État.

Gouvernance au niveau infranational

Pour assurer la concertation infranationale, des Conseils maritimes concrétiseront la gouvernance sur les périmètres pertinents pour la gestion écosystémique (façade ou bassin maritime, île, archipel…).

Chaque projet local maritime ou littoral, qu’il soit de nature territoriale ou sectorielle (schéma de cohérence territoriale, schéma de mise en valeur de la mer, projet d’aménagement, etc.) sera doté d’une structure de gouvernance constituée sur le modèle du Conseil National de l’Archipel France.

Planification stratégique

En matière de politiques publiques maritimes et littorales, la gouvernance contribue à l’élaboration de stratégies intégrées et de stratégies sectorielles. Arrêtée par les autorités publiques à l’issue de la concertation avec tous les partenaires, la planification stratégique intégrée constitue le « contrat » entre les acteurs associés à la politique intégrée. La planification stratégique intégrée, est prévue à l’article 35 du projet de loi de programmation du Grenelle de l’environnement. Elle fixe conformément aux orientations proposées à l’échelle de l’Union européenne42:

42 Feuille de route pour la planification de l'espace maritime: élaboration de principes communs pour l'Union européenne COM(2008) 791

32

- les objectifs économiques, sociaux et environnementaux, ainsi que les indicateurs et le calendrier associés ;

- les orientations et les lignes directrices arrêtées en commun pour les atteindre ; - le ou les acteurs responsables de chaque objectif ; - l’articulation des stratégies sectorielles, transversales ou territoriales ; - les modalités de coordination avec les autres stratégies de niveau équivalent (bassins

maritimes adjacents…) ; - les moyens juridiques, financiers, opérationnels : agences, structures, programmes,

observatoires, réseaux, etc. - la régulation (partage des ressources, de l’espace, du temps, arbitrage en cas de conflits) ; - l’évaluation et la révision concertées entre les acteurs. A chacun des niveaux de la gouvernance maritime et littorale la planification stratégique sera

arrêtée par des documents stratégiques compatibles entre eux : au niveau national : une stratégie nationale pour la mer et le littoral cadre de référence pour la protection du milieu, la valorisation des ressources marines et la gestion intégrée et concertée des activités liées à la mer et au littoral ; aux niveaux infranationaux : des documents stratégiques à l’échelle des bassins maritimes, façades, archipels ou régions insulaires ; au niveau local : les stratégies relatives à la mer et au littoral seront précisées dans les documents associés aux divers instruments juridiques de planification et de gestion43. Appuyés sur une évaluation environnementale, économique et sociale et signés conjointement par les autorités publiques concernées (État et collectivités compétentes), les documents stratégiques font l’objet d’une évaluation régulière et de révisions périodiques.

G.1 - Des instruments communs pour une politique efficace Le pilotage de la politique nationale impose des instruments communs de financement,

d’évaluation et de surveillance. Ces instruments doivent être accessibles à tous les acteurs. Compte tenu de l’étendue des zones maritimes sous la juridiction nationale, de l’importance des

enjeux qui s’y attachent et de la complexité du domaine, la mise en œuvre de la politique maritime nationale impliquera de développer des programmes importants, qui devront être menés avec des moyens comptés.

L’exploitation des ressources marines et l’utilisation exclusive de l’espace marin pourront

bénéficier en premier lieu à la gestion de la mer et du littoral et à la protection du milieu marin. Les redevances dues au titre de l’exploitation de ces ressources ou de l’utilisation permanente de l’espace public en mer et sur le littoral devront si nécessaire être réévaluées pour prendre en compte la valeur réelle de ces ressources et des bénéfices associés à l’usage de la mer.

Les activités terrestres et maritimes ont nécessairement des impacts sur le milieu marin : La fiscalité environnementale est un instrument efficace pour promouvoir les bonnes pratiques et faire supporter à chaque activité ses externalités environnementales. La possibilité d’affecter son produit en priorité à la gestion de la mer et du littoral et à la compensation des impacts, sera étudiée, qu’il s’agisse des taxes liées aux activités terrestres ou des taxes et redevances liées aux pollutions du milieu marin par des activités terrestres collectées par les agences de bassin.

Enfin, afin de concentrer les moyens publics sur les tâches relevant de l’intérêt général, la

possibilité sera étudiée de transférer aux usagers qui en bénéficient tout ou partie des charges financières de la régulation spécifique à leur activité (instruction des dossiers, suivi, contrôle).

Les besoins de gestion et les ressources marines sont inégalement répartis, et il est nécessaire

de mettre en œuvre des instruments de redistribution et de solidarité entre acteurs et communautés, et entre la métropole et l’outre-mer.

43 notamment les schémas de mise en valeur de la mer et les volets maritimes des schémas de cohérence territoriale, ou les parcs naturels marins, et plus généralement tous les instruments susceptibles de servir de support à une gestion intégrée de la zone côtière, quelle que soit la législation (eau, urbanisme, etc.) ou l’autorité publique dont ils relèvent (État ou collectivité territoriale)

33

Le pilotage du financement de la politique maritime et littorale devra permettre le suivi des moyens financiers affectés à cette politique quelle que soit leur origine (État, collectivités, Union européenne, taxes et redevances, compensations, contributions d’organismes publics ou privés ou de fondations, etc.), et notamment des moyens consacrés aux actions de gestion intégrée de la mer et du littoral conduites au niveau national, niveaux infranational et local. Il pourrait le cas échéant regrouper leur gestion44.

Evaluation

L’évaluation doit garantir un suivi permanent de la politique maritime, et permettre à chaque acteur et à chaque citoyen de s’informer sur la progression vers les objectifs assignés à cette politique: objectifs sectoriels, objectifs transversaux, et objectifs territoriaux. Elle doit aussi permettre de suivre les engagements juridiques pris par la France aux niveaux communautaire et international. Enfin, elle doit permettre d’apprécier l’efficacité et l’efficience des moyens humains et financiers mis en œuvre.

L’évaluation implique la définition d’objectifs précis (valeurs à atteindre, seuils à ne pas dépasser, tendance, etc.), qui sont de nature politique et concrétisent l’engagement des différents acteurs de la politique maritime et littoral ; ces objectifs devront couvrir toutes les dimensions du développement durable, et être associés à des indicateurs et à un calendrier (jalons). Des objectifs clairs devraient être définis pour chacune des politiques sectorielles ou transversales, jusqu’au niveau territorial si nécessaire (ex : objectifs de production d’énergie marine par façade ou par région…).

L’élaboration des indicateurs sera confiée à un réseau cohérent d’observatoires de la mer et

du littoral animé par un Observatoire national de la mer et du littoral constitué à partir de l’Observatoire du littoral. Il assurera la maîtrise d’œuvre à l’échelle nationale de l’évaluation de la politique maritime et littorale, contribuera à la fourniture par la France des indicateurs relevant d’engagements pris au niveau communautaire ou international. Le Conseil National de l’Archipel France sera consulté sur leur définition et évolution. L’observatoire national de la mer et du littoral proposera les indicateurs de la politique maritime nationale, en lien avec les instances communautaires ou internationales concernées. Il mettra les résultats de l’évaluation à la disposition de tous les acteurs de la politique maritime et du public, en particulier avec le tableau de bord des mers françaises qui réunira les indicateurs essentiels pour les décideurs.

Les résultats de l’évaluation seront synthétisés tous les trois ans dans un rapport national réalisé en concertation avec le Conseil National de l’Archipel France.

Surveillance maritime

Indispensable à la décision, qu’il s’agisse de décision stratégique ou de décisions de gestion, la surveillance de la mer et du littoral contribue à l’évaluation, et c’est une obligation imposée par des textes communautaires45 et internationaux.

La surveillance du milieu permet le suivi à long terme des paramètres environnementaux et de détection de leurs évolutions, et elle contribue aux systèmes d’alerte (surcotes, tsunamis, alerte sanitaire, etc.) elle concerne notamment la biodiversité, les paramètres physiques, chimiques et biologiques de l’Océan, et plus généralement tous les paramètres relatifs à l’état écologique de l’Océan et tous les paramètres nécessaires à la gestion intégrée de la mer et du littoral.

La surveillance des activités concourt à l’application de la réglementation et au contrôle, à la régulation, au recueil des informations nécessaires à la sauvegarde des personnes et des biens et à la lutte contre les activités illicites.

Qu’elle concerne le milieu ou les activités, la surveillance est coûteuse et complexe ; ceci doit

conduire à une mutualisation renforcée des moyens (observation, réseaux et systèmes opérationnels, traitement, bancarisation, diffusion) entre les nombreux acteurs nationaux et

44 par exemple sur le modèle du Fonds d’Intervention pour l’Aménagement du Territoire (FIAT) 45 voir en particulier « Vers l’intégration de la surveillance maritime » COM(2009) 538, Conventions et accords internationaux, directives européennes (directive cadre sur l’eau 2000/60/CE, Directive cadre « stratégie pour le milieu marin » 2008/56/CE, directives NATURA 2000...), conventions de mers régionales, etc.

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internationaux (services de l’État, établissements publics, collectivités, organismes professionnels, etc.), au-delà des cadres sectoriels. Cette mutualisation sera recherchée en particulier à travers des programmes pilotés et financés en commun pour produire les informations souhaitées, valoriser au maximum les moyens lourds mis en œuvre (satellites, avions, navires, stations terrestres…) et les informations collectées, partager les coûts des services opérationnels et garantir l’interopérabilité des systèmes et des réseaux. Ces programmes supporteront la participation nationale aux actions de surveillance qui relèvent nécessairement pour une grande part d’une coordination aux niveaux communautaire ou international. Ils devront assurer la pérennité et la coordination sur le long terme des systèmes et réseaux d’observation des océans, et notamment des systèmes d’observation spatiale et des systèmes d’observation in situ (réseaux de flotteurs ou de stations fixes, etc.). Les moyens de surveillance de l’Océan doivent être interfacés avec les réseaux de surveillance existants, notamment ceux liés à la qualité des eaux continentales et côtières.

La France dispose d’un savoir-faire de niveau mondial en matière d’océanographie opérationnelle, qui constitue un instrument de surveillance global indispensable à l’action publique. Ces capacités acquises à l’échelle de l’océan global46 seront consolidées et étendues à la surveillance des zones côtières : un système d’océanographie côtière opérationnelle sera développé dans le cadre du programme européen GMES47 et constituera le socle d’un service public de surveillance opérationnelle de la mer et du littoral au service des usagers et des décideurs. Les moyens et les connaissances des usagers de la mer et du littoral devront être mis à contribution, et leur participation à la surveillance (notamment à la surveillance de l’environnement) devra être encouragée (pêche, transport maritime, production d’énergie, etc.) à travers des mesures volontaires ou réglementaires et des incitations financières. L’accès aux informations issues de la surveillance sera favorisé, notamment pour satisfaire les engagements liés aux conventions et directives relatives à l’accès à l’information environnementale.

Un programme national de surveillance de la mer et du littoral sera établi par l’État en concertation avec le Conseil National de l’Archipel France. Piloté par une maîtrise d’ouvrage interministérielle, il sera développé sous la maîtrise d’oeuvre d’un consortium d’organismes publics.

H. L’État responsable : renforcer les moyens opérationnels La crédibilité de la politique maritime de la France repose avant tout sur la capacité de l’État

français à exercer ses responsabilités en mer48. L’action des moyens de l’État en mer contribue à l’action de l’Union européenne pour faire face

aux risques et menaces maritimes. A ce stade de la construction européenne, la France n’envisage pas d’attribuer des moyens

d’action en mer de façon permanente à un organisme ou une agence de l’Union. La France continuera d’apporter son concours à des actions coordonnées par l’Union ou une de ses agences, en y affectant pour des durées déterminées et pour des tâches précises des moyens qu’elle aura désignés. Elle œuvrera pour l’harmonisation des procédures de contrôle entre les Etats membres.

Depuis 1978, la France a élaboré une organisation de l’action de l’État en mer qui a montré sa pertinence lors de nombreux évènements maritimes. Ce schéma, fruit d’une démarche nationale repose sur une coordination déconcentrée inter administrations. Cette organisation doit désormais évoluer pour s’inscrire résolument dans les évolutions internationales et européennes qui sont apparues ces dernières années.

Enfin, elle doit répondre à des exigences nouvelles liées notamment à des menaces nouvelles et des risques émergents qui s’ajoutent aux besoins actuels. L’accroissement significatif des activités humaines en mer et la volonté nationale de mieux s’en préoccuper qualitativement et quantitativement, se traduisent par une augmentation des obligations incombant à l’État (une multiplication des réglementations , la création de zones qui vont nécessiter une surveillance spécifique, les limites des moyens, matériels et humains).

Pour faire face à cette évolution, le Gouvernement fixera et révisera régulièrement, en fonction du contexte, les priorités qu’il souhaite accorder aux différentes missions de son action en mer.

46 MERCATOR Océan : www.mercator-ocean.org 47 Golbal Monitoring for Environment and Security 48 Ce chapitre ne traite pas des opérations purement militaires exécutées sous la direction politique du Président de la République, chef des armées

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…en s’appuyant sur ses points forts… Seule la coopération totale et immédiate de plusieurs ministères peut permettre d’espérer le

succès dans la conduite et la gestion des suites d’affaires49 toujours délicates. Entre le premier ministre, responsable politique et décideur ultime, et le responsable

opérationnel sur zone, il n’y a qu’un seul niveau de direction : celui du représentant de l’État en mer50. Cette autorité est chargée de l’animation et de la coordination, au niveau régional, de l’emploi de l’ensemble des moyens intervenant en mer. Elle dispose de la double compétence civile et militaire, incarnée par la même personne dans le cas du préfet maritime en métropole. Outre-mer, cette dualité est réalisée par le binôme délégué du gouvernement/commandant de zone maritime51.

Cette chaîne de direction simple et courte permet l’indispensable réactivité, l’unicité de commandement sur le lieu de l’action et évite la dilution des responsabilités.

Les préfets maritimes et les délégués du Gouvernement Outre-mer recevront une lettre de mission du Premier ministre leur fixant les priorités et les objectifs leur permettant de planifier l’activité des différents moyens des services de l’Etat.

La diversité et la complémentarité des acteurs Plusieurs administrations interviennent en mer au titre de leurs missions spécifiques: marine

nationale, affaires maritimes, douanes, gendarmerie, police et sécurité civile, pour ne citer que les plus importantes. Il s’agit là d’un atout, du fait de l’expertise remarquable qu’elles ont acquise chacune dans leur domaine et de la gamme étendue des missions qu’elles réalisent. Leur appartenance à des réseaux reliant les administrations équivalentes des autres États et la toile des liens établis, issus d’une communauté d’intérêt et d’une connaissance réciproque, sont une source précieuse d’efficacité.

En outre, la Société Nationale de Secours en Mer, plusieurs établissements publics, le SHOM, IFREMER, l’agence des Aires Marines Protégées, les pilotes maritimes,… exercent des missions de service public en mer et peuvent, de fait, contribuer à des tâches d’intérêt commun, en sus de leur finalité fonctionnelle.

Enfin, la sécurité du littoral fait intervenir les services publics nationaux et locaux pour la protection des populations et le secours

Et en progressant dans l’intégration des moyens. Par la simplification et la rationalisation de l'architecture institutionnelle en matière de

contentieux maritime. Les juridictions spécialisées du littoral (JULIS) métropolitaines situées au Havre, à Brest et à

Marseille compétentes en matière de pollutions maritimes volontaires commises dans les eaux territoriales française, en zone économique exclusive (ZEE) et en zone de protection écologique (ZPE), seront également compétentes pour traiter les infractions de droit maritime prévues au code disciplinaire et pénal de la marine marchande (CDPMM). Par souci de proximité pour le justiciable, les tribunaux de Bordeaux et d'Ajaccio (qui ne sont pas des JULIS) auront également cette compétence de tribunal maritime. Au final, la création de ces 5 pôles "droit de la mer" permettra de regrouper le traitement de toutes les infractions maritimes, des évènements de mer pouvant être qualifiés de la sorte, ainsi que, pour trois de ces pôles, les actes de pollution maritime volontaire.

En créant la fonction garde-côtes, la France répond d’abord au souci de l’Europe de mettre en

place une politique maritime intégrée La fonction garde-côtes matérialise les moyens dont l’Etat dispose pour assurer l’ensemble des missions de son action en mer. Un comité directeur de la fonction, constitué des responsables des services agissant en mer, sera créé sous la responsabilité du Secrétaire général de la mer. La création de la fonction garde-côtes optimise l’ensemble du dispositif d’action de l’État en mer, tout en préservant les avantages de l’organisation actuelle. Elle devra être en mesure d’élaborer, pour les autorités de l’État, une vision globale et consolidée de la

49 Comme l’implication du ministère des affaires étrangères (problèmes de pavillon) ou du ministère de la justice 50 Préfet maritime en métropole. Outre-mer, le délégué du gouvernement est le préfet de région désigné ou le Haut commissaire, assisté dans cette fonction du commandant de la zone maritime concernée. 51 Cette association étroite des mondes civil et militaire s’inscrit parfaitement dans la logique du continuum sécurité-défense prôné par le Livre Blanc de la Défense et de Sécurité

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situation maritime, référence accessible à l’ensemble des acteurs sans réduire leur perception locale. En cas de crise, elle constitue la composante destinée à gérer les approches et les voies de communication maritimes. Elle s’adosse pour cela au réseau national des centres opérationnels et de gestion de crise.

En fonction de priorités définies par le gouvernement après consultation du ministre chargé de la

mer, le format souhaitable des moyens destinés à intervenir en mer sera traduit dans un schéma directeur52. Ce schéma directeur élaboré et entretenu par le Secrétariat général de la mer devra reposer sur une appréciation réaliste des besoins, et tout particulièrement des besoins nouveaux nés de la prise en compte de réglementations nouvelles, notamment les directives européennes destinées à mieux protéger le milieu marin. Il se traduira par l’établissement d’un « format cible » défini en moyens génériques53, assortis d’une disponibilité opérationnelle54 allouée pour les tâches communes ne relevant pas de la mission de l’administration d’appartenance, et d’une répartition géographique idéale. Ce schéma, après avis du comité directeur, sera présenté au ministre chargé de la mer et validé par le Gouvernement.

Le comité directeur de la fonction garde-côtes s’attachera à faire progresser la capacité des

administrations à travailler ensemble, en améliorant les procédures communes et les réseaux d’information et de communication. Il recherchera et favorisera toutes les mutualisations pertinentes susceptibles d’améliorer le maintien en condition des moyens navals et aériens relevant de ministères différents. En particulier, l’acquisition de vecteurs nouveaux55 qui serait envisagée pour répondre à une fonction nouvelle ne doit pas entraîner la création d’une flotte supplémentaire. A terme, ces mutualisations devront aller jusqu’à la mise en oeuvre et le soutien en service communs. Toutes les synergies possibles seront recherchées au sein du réseau des centres opérationnels dans le respect des prérogatives et des exigences de conduite de l’action de chacun.

La fonction garde-côtes permettra à l’incitation du comité directeur, en s’appuyant sur le réseau

existant des écoles et centres de formation des différentes administrations, d’accroître la capacité du personnel à opérer dans des cadres communs, de façon coordonnée ou intégrée. Elle favorisera la possibilité de constituer des équipes d'agents spécialisés de différentes administrations, chaque fois qu'une plus value résultant de cette mixité aura été identifiée au regard de la nature de la mission considérée.

I. Une action internationale affirmée I.1 - Par notre implication dans les instances internationales

Au niveau international, un grand nombre d’instances traitent des questions maritimes ; système des Nations Unies (FAO, OMI, ...), Alliance Atlantique, conventions thématiques (biodiversité, climat…) ou géographiques (conventions de mers régionales, organisations régionales de pêche…), autres forums internationaux. L’efficacité de l’action de la France, seule ou dans le cadre communautaire, à travers ces instances repose notamment sur sa capacité à y coordonner ses positions dans la durée.

La France est généralement représentée dans les instances internationales par l’État, mais les collectivités territoriales compétentes peuvent être associées à cette représentation et à l’élaboration des positions nationales, ou disposer d’un mandat pour y représenter la France par subsidiarité ; les opérateurs nationaux compétents (établissements publics, etc.) participent aussi à cette gouvernance, notamment au sein des groupes d’experts où se préparent les décisions ou recommandations. Cette représentation dans les différentes instances doit être active, coordonnée et impliquer les acteurs socio-économiques afin que la France y parle d’une seule voix.

52 Centres de coordination ou opérationnels, réseaux de surveillance, moyens aériens et navals, personnel, localisation et limites de responsabilité… 53 Par exemple : patrouilleur de haute mer, aéronef de surveillance à moyen rayon d’action ou sémaphore, …. 54 En potentiel (heures ou jours de mer) 55 Aéronefs et navires de plus de 15 mètres

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Du fait de la complexité des enjeux maritimes et géopolitiques, les dossiers correspondants doivent être traités de manière cohérente à toutes les échelles, à la fois à travers l’action internationale et à travers le volet « international » de chacune des politiques nationales. [

I.2 - Par des coopérations bilatérales et multilatérales Grâce à l’outre-mer, la France est présente sur la plupart des océans et peut participer

activement à bon nombre de coopérations interétatiques régionales ou thématiques. Certaines zones maritimes d’outre-mer commandent des espaces stratégiques (Canal du Mozambique, par exemple).

Les espaces maritimes communs sont a priori des espaces favorables aux coopérations régionales décentralisées ou au niveau des Etats, qui peuvent être conduites à travers :

- les conventions de mers régionales consacrées à la protection de l’environnement mais dont le champ s’étend peu à peu à la gestion intégrée de la mer;

- les organisations régionales de pêche, dont le champ est géographique ou spécifique à une espèce ;

- les partenariats bilatéraux ou multilatéraux (surveillance en commun de zones de pêche, gestion, sanctuaires et autres aires marines protégées, accords de nature judiciaire et pénale, etc.).

A l’intérieur de ces espaces de coopération, les régions insulaires et les archipels français

notamment peuvent constituer des modèles de développement maritime moderne pour les petits États insulaires par exemple en matière d’autosuffisance énergétique (énergies renouvelables marines : cf. La Réunion), de valorisation des ressources marines autres qu’halieutiques (aquaculture éco-responsable, bio-ressources…) ou de gestion intégrée (zones côtières, aires marines protégées). A une autre échelle, on peut citer le rôle de la France dans l’océan indien identifié par le Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité nationale : l'Océan indien fait partie intégrante d'un arc de crise qui court de l'Atlantique au Moyen-Orient. Mais au-delà des enjeux de défense, l'Océan indien est aussi une route commerciale majeure, notamment pour nos approvisionnements pétroliers, et également un lieu de pêche important pour nos armements. La très vaste ZEE dont elle est responsable, plus de 2 600 000 km2, fait de la France un acteur régional important. L'Océan indien est donc aujourd'hui un lieu privilégié d'expression de la politique maritime française, que ce soit au travers de sa politique régionale que des actions qu'elle promeut avec l'Europe, par exemple, dans le cadre de la lutte contre la piraterie.

D’une manière générale, la France devra développer sa représentation dans les conventions et

organisations régionales, en s’appuyant particulièrement sur les collectivités d’outre-mer concernées. Les actions de coopération internationale menées dans le domaine maritime ou littoral entre la

France et d’autres Etats pourront, si possible, associer les acteurs publics décentralisés.

I.3 - Pour préserver l’Arctique Les effets du changement climatique aux pôles avec la fonte des glaces induisent des

perspectives de développement notamment en matière de pêche du fait des déplacements des espèces, d’ouverture de routes maritimes permanentes ou quasi-permanentes sur l’année ainsi que d’accès à des ressources minérales et pétrolières. Ces potentiels de développement aiguisent des appétits. La fragilité des écosystèmes, l’absence d’appréciation des impacts environnementaux et sociétaux doivent être pleinement mis en balance avec les potentiels économiques et industriels qui se dessinent. Ces conséquences planétaires font du statut de l’Arctique une préoccupation de caractère mondial.

Consciente de la situation et des enjeux, la France doit mettre à profit son statut d’observateur au sein du Conseil de l’Arctique pour exprimer en liaison avec ses partenaires européens56 ses positions notamment en matière environnementale et relever les défis culturels. La nomination d’un ambassadeur pour les pôles permet d’affirmer la volonté de la France de contribuer à élaborer un schéma intégré de développement durable pour cette région à l’écosystème particulièrement fragile.

56 Voir notamment « L’union européenne et la région Arctique » COM(2008) 763

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La France continuera d'appeler les Etats à s'imposer un moratoire sur les nouvelles pêches en

haute mer dans l'océan Arctique, en attendant la mise en place de nouvelles réglementations. L’Arctique et l’Antarctique ne peuvent sans doute pas se voir appliquer les mêmes règles. Il

n’empêche que quelques leçons et principes peuvent être tirés de l’expérience du traité de Washington sur l’Antarctique de 1959.

I.4 - Pour faire de la Méditerranée une mer plus propre et plus sûre Mer quasi-fermée et écorégion, la Méditerranée constitue un environnement parmi les plus

vulnérables au monde. Elle correspond à une zone climatique spécifique, qui confère une part de leur unité aux pays méditerranéens. Alors qu'elle ne représente que 1 % de la surface des mers et océans, la Méditerranée est un haut lieu de la biodiversité mondiale. La région concentre en effet 10% des espèces connues de végétaux supérieurs et 18 % des espèces animales macroscopiques.

La Méditerranée, se caractérise par une forte dépendance écologique réciproque entre les pays riverains. Cette dépendance écologique devient un élément majeur de l'avenir des coopérations du bassin, tant elle pourrait affecter la paix et la prospérité de cette région qui connaît par ailleurs une croissance démographique majeure. Le tiers de la population méditerranéenne est concentré dans les régions côtières. Particulièrement attractive, la région concentre plus de 30 % du tourisme international.

La Méditerranée est l'une des principales zones de fractures Nord/Sud de la planète. La Méditerranée est soumise à une pression multiple : une croissance économique instable, contexte énergétique de plus en plus difficile, diminution des ressources halieutiques, une population croissante dans la partie sud de la Méditerranée. Les États riverains sont unis physiquement autour de la Méditerranée. Ils doivent donc se fédérer pour développer à terme une politique maritime intégrée pour la Méditerranée en vue d’en faire une mer plus propre et plus sûre dans le respect du droit international et notamment de la convention de Barcelone.

La France oeuvrera activement à la construction de cette politique pour la Méditerranée au sein

de l’Union pour la Méditerranée (UpM) et au côté de l’Union Européenne57 ; l'objectif de l'UpM est en effet d'augmenter la qualité de vie, de créer des emplois et de stimuler la nouvelle croissance régionale durable, inscrite dans l'économie globalisée.

La construction de cette politique intégrée sera poursuivie à travers des coopérations multilatérales et des projets fédérateurs concrets, visibles et cohérents (surveillance, connaissance, autoroutes maritimes,…) auxquels la France contribuera activement à travers les différentes instances internationales existantes sur le bassin méditerranéen (Plan d’action pour la Méditerranée de la convention de Barcelone, Commission générale des pêches en Méditerranée, …) et les instances de gouvernance de l’UpM (Secrétariat de Barcelone). La France oeuvrera à la mise en place d'un dialogue régional transversal sur la thématique mer. Cette dynamique pourra se traduire par une ministérielle dédiée.

Ainsi que l'indiquait le Président de la République "L'Union pour la Méditerranée, lancée il y a un peu plus d'un an, est l’enceinte régionale pertinente pour traiter de l’un des sujets les plus forts en matière de biodiversité marine : la Méditerranée. Nous voulons en faire la Mer la plus propre de la planète, nous voulons protéger ses fonds marins, nous voulons y développer les autoroutes de la mer et nous voulons renforcer la sécurité maritime. Le 25 juin dernier, la réunion ministérielle de l’UpM a permis d’identifier plus de 100 projets permettant de réduire la pollution en Méditerranée. A l’instar de ce que nous ferons avec le « Livre bleu » de la stratégie maritime française, c’est une stratégie maritime méditerranéenne intégrée qu’il faut à présent définir. Pour avancer sur cette voie, la France appellera à la réunion des ministres en charges des affaires maritimes de l'UpM dès 2010."

La France créera en Méditerranée une zone économique exclusive lui permettant d’assumer, au

titre de la CNUDM, ses devoirs en termes de surveillance et protection du milieu et elle incitera les États riverains à se doter eux-mêmes de zones sous juridiction nationale (Zone Economique Exclusive ou Zone de Protection Ecologique).

57 « Pour une meilleure gouvernance dans la Méditerranée grâce à une politique maritime intégrée » COM (2009) 466)

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Elle prônera le développement d’aires marines protégées, notamment dans le cadre de la convention de Barcelone et de son protocole relatif aux aires spécialement protégées et à la diversité biologique notamment pour la haute mer et les écosystèmes marins profonds.

Elle encouragera la ratification de protocoles de la convention de Barcelone par les États parties. Elle veillera à renforcer les objectifs de protection de la Méditerranée en déposant avec les États parties auprès de l’Organisation Maritime Internationale (OMI) une demande de classement de tout ou partie de cette mer en tant que Zone Maritime Particulièrement Vulnérable.

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Postface

Conformément à la volonté exprimée le 16 juillet 2009 au Havre par le Président de la

République, ce livre bleu présente la vision stratégique de la politique maritime que la France entend mettre en œuvre et en définit les grandes lignes. Il servira à définir les actions relatives au monde maritime, qu’elles soient conduites au niveau international, au sein de l’Union européenne ou aux échelles nationale ou locale.

Conduits sous l’impulsion du ministre d’Etat chargé de la mer, les engagements du Grenelle de

la mer offrent une précieuse boîte à outils, qui a servi de fondement pour l’élaboration d’une large partie de ce Livre Bleu. La démarche de suivi du Grenelle de la mer doit se poursuivre en parallèle.

A partir des lignes directrices que le Livre Bleu et les conclusions du Grenelle de la mer

esquissent pour les actions futures, il reste désormais à définir dans les très nombreux domaines concernés des objectifs précis et le calendrier associé, mais aussi à préciser les responsabilités et les moyens à mettre en œuvre : ce travail mobilisera le Gouvernement, en liaison avec les collectivités territoriales, le monde maritime et la société civile.

Les instruments juridiques nécessaires existent ou sont en cours de création : le Livre Bleu

servira de référence à l’élaboration des documents prévus pour la mer et le littoral par le projet de loi d’engagement national pour l’environnement et pour la définition des futures instances de gouvernance associées.

L’étape suivante sera constituée par la déclinaison de la stratégie nationale à l’échelle de

chaque bassin et chaque façade maritime, en métropole comme outre-mer ; réalisée en liaison avec les collectivités territoriales, elle permettra le développement de politiques intégrées à l’échelle infra-nationale.

Enfin, ce livre bleu sera la base pour l’adaptation des réglementations sectorielles, ou des

instruments actuels de gestion de la mer et du littoral ; ses orientations devront être intégrées dans les politiques existantes, qu’elles concernent l’environnement ou les activités économiques.

La mise en œuvre de la politique maritime sera effectuée par le ministre d’Etat chargé de la mer.

Le suivi et l’évaluation de ce livre bleu seront assurés par le Gouvernement en liaison avec les acteurs du Grenelle de la mer ; il fera l’objet de révisions périodiques.

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