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Le Forum de la Mer

Livre Bleu, 5e Edition Synthèse des travaux et recommandations

de la 5e Edition du Forum de la Mer d’El Jadida

Du 3 au 7 mai 2017

Edition : Eganeo, Bureau n°314 Technopark Route de Nouaceur Casablanca [email protected] +212 (0)5 22 50 34 65

Directeur associé : Mehdi ALAOUI MDAGHRI

Rédaction : Rémy PIGAGLIO

Photos : Mehdi BOUZOUBAA

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« Homme libre, toujours tu chériras la mer ! »

Charles BAUDELAIRE

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TABLE DES MATIERES

LES DEBATS DU FORUM

- Séance plénière d’ouverture

- Atelier 1 : Pour une croissance bleue durable- Atelier 2 : Pour une croissance bleue concertée- Atelier 3 : Pour une croissance bleue responsable- Atelier 4 : Pour une croissance bleue innovante

- Conférence 1 : La Mer est sur terre- Conférence 2 : Stand Up for the Sea- Conférence 4 : La Mer, source de valeurs- Conférence 5 : La Mer, notre richesse (Gilles Boeuf)

- Séance plénière de clôture

LA VIE DU FORUM

- Interview de Nezha El Ouafi« Ma priorité est la mise en œuvre de la stratégie nationale du littoral »

- Interview de Brigitte Bornemann« Les énergies renouvelables valorisent le territoire et la population »

- Interview de Francis Vallat« Le cluster maritime permet de faire bouger les lignes »

- Interview de François Gaill« On commence à s’appuyer sur la science pour agir en politique »

- Interview de Patricia Ricard« Toutes les solutions à nos problèmes sont dans la nature »

- Interview de M’balia Sangaré« Si les Marocains ont besoin de nous pour se structurer, qu’ils n’hésitent pas »

- Interview de Philippe Vallette« Le centre de la Mer met en lumière le lien Homme-océan »

- Interview de Saad Abid« De plus en plus de gens se mobilisent pour l’environnement »

- Interview de Mouaâd Jamai« El Jadida est intimement liée à la Mer »

- Reportage : La culture, fil rouge du Forum de la Mer

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- Photos commentées des œuvres de Nordin ZnatiUne photo, une phrase de l’artiste

- Reportage : Sensibilisation et émerveillement à l’Archipel des enfants

- Encadré : Au Sea Lab, l’avenir de la recherche.

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FORUM DE LA MER

Du 3 au 7 mai 2017

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LES DEBATS DU FORUM

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SEANCE PLENIERE D’OUVERTURE

Théâtre Afifi D’El Jadida 3 Mai 2017

En plein cœur d’El Jadida, le théâtre Afifi accueille cette séance plénière d’ouverture. Cofondateur du Forum de la Mer, Mehdi Alaoui Mdaghri est le premier à prendre la parole devant les participants de cette cinquième édition :

« Je vais très souvent dire merci au cours de mes interventions ce soir. Merci à nos partenaires, aux équipes. Merci à cette assistance venue nombreuse. Merci à cette ville d’El Jadida qui nous accueille à bras ouvert. Nous nous sommes rendu compte que la communauté née du Forum de la Mer, que l’on retrouve ce soir, partage la fierté, l’amour et la passion de la Mer. Et elle tente de la transmettre. »

Ministre déléguée au développement durable, Madame Nezha El Ouafi prend le relais pour saluer la démarche du Forum de la Mer, en français et en arabe. Madame la Ministre insiste sur l’importance des initiatives prises par la société civile : « Nous avons besoin de responsabilité sociétale à côté de la responsabilité gouvernementale installée par Sa Majesté Mohammed VI. »

Mehdi Alaoui Mdaghri inscrit ensuite la Mer dans le droit à un environnement sain. Une logique qui a été reprise par le Maroc dans la Stratégie nationale de développement durable. C’est dans ce cadre qu’ont été mis en place la loi Littoral, le plan national du littoral, le programme Plages propres… Dans ce cadre, le Forum de la Mer a d’ailleurs reçu le Trophée Lalla Hasnaa pour le Littoral Durable. La volonté royale existe depuis 1992, quand Sa Majesté le Prince héritier avait assisté au Sommet de Rio. Un engagement réitéré dans son discours de 2009, quand Sa Majesté rappelait qu’il incombait à chaque citoyen de préserver et restaurer l’environnement, et celui-ci disposait du droit à un environnement sain.

Mehdi Alaoui Mdaghri lance une série de remerciements aux soutiens du Forum, notamment Madame la Ministre Nezha El Ouafi, la ville d’El Jadida, la région Casablanca-Settat, l’OCP, l’Union européenne, les agences de l’Onu. Il rappelle aussi le plaidoyer du Forum en faveur de la création d’un Centre de la Mer à El Jadida.

La directrice générale des hydrocarbures et des mines Amina Benkhadra prend la suite de cette séance plénière. Elle rappelle le potentiel de la croissance bleue, notamment le fait que 90 % des marchandises mondiales sont transportées sur l’eau, ce qui représente 10 milliards de tonnes par an. La Mer, à travers le sous-marin, est aussi le lieu central des communications, notamment d’Internet. « La terre dépend de la Mer », ajoute-t-elle.

La Mer est source de vie. La vie y est apparue il y a 4 milliards d’années. Et elle l’est toujours aujourd’hui. Elle absorbe par ailleurs 90 % de la chaleur produite sur Terre et 1/3 des émissions de carbone. Elle est un gisement inestimable de ressources. Enfin, la Mer est l’espace économique et stratégique le plus disputé, avec le cyberespace. « Ce constat, associé à la prise de conscience que la Mer est un vecteur de développement, impose d’être vigilant sur les politiques menées », juge Amina Benkhadra.

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« La mise en place d’une stratégie de croissance bleue peut permettre de poursuivre toutes les politiques que l’on connaît déjà, mais aussi d’identifier de nouvelles voies : aquaculture, biotechnologies bleues, énergie marines renouvelables, exploitation des fonds marin… Face à l’importance de l’océan et à cause de ses principales caractéristiques, nous devons être vigilants car il y a des enjeux considérables liés à la Mer. Ils sont économiques, scientifiques, et seront demain démographiques, hydriques... »

Amina Benkhadra constate que la valeur et la santé de l’océan sont en déclin. C’est une conséquence de l’activité humaine, qui engendre de la pollution, le changement climatique, l’acidification des océans. Il faut en prendre conscience et appliquer l’Objectif de développement durable 14.

Il faut notamment fixer des objectifs de préservation des zones côtières. 1,2 % sont protégés aujourd’hui, et l’objectif est 10 % en 2020. Il faut développer des politiques de reconstitution des stocks de poisson et asseoir la coopération internationale et régionale. Enfin, il faut soutenir les initiatives de croissance bleue. Il y a au moins deux initiatives récentes. Ce sont les Ceintures bleues annoncées dans le cadre de la Cop 22. Mais aussi l’Initiative pour une croissance bleue, portée par la FAO et ses partenaires, qui intervient dans une dizaine de pays en développement dont le Maroc.

Amina Benkhadra veut rappeler aussi que le Maroc a, depuis deux décennies, adopter une démarche en faveur du développement durable grâce à la détermination et la vision de Sa Majesté. Cela s’est traduit notamment par la loi Développement durable et la loi Littoral, mais aussi par des politiques sectorielles. « La dynamique est enclenchée, il faut se mobiliser pour l’accompagner. » Amina Benkhadra insiste aussi sur le fait que des axes de coopération existent avec l’Afrique, dans le sillage de la politique de Sa Majesté, qui soutient un développement inclusif, ce qui pourrait être fait aussi pour la croissance bleue.

Mehdi Alaoui Mdaghri rappelle que plus de 10 % de l’économie de la Mer n’étaient pas connus il y a dix ans. « Des centaines de milliers d’espèces sont inconnues. Cela augure de nombreux développements dans les domaines de la médecine, de la pharmacie, mais aussi de l’économie. »

Mouaâd Jamai, le gouverneur d’El Jadida et fidèle soutien, dit de son côté « un mot qui vient du cœur » et se dit heureux que le Forum ait maintenant cinq ans.

« Le Forum de la Mer, c’est le Forum de la Mer d’El Jadida. Et il est totalement justifié que cette province ait un événement de cette qualité. La province d’El Jadida occupe plus de la moitié de l’océan dans la nouvelle région Casablanca-Settat. Et que serait El Jadida sans la Mer ? L’histoire d’El Jadida est maritime. Toutes ses richesses viennent de la Mer. Elle a été une cité portugaise et elle a été bâtie à cause de la Mer. Les Portugais qui ont dû la quitter sont d’ailleurs allés créer Mazagao au Brésil car ils étaient nostalgiques. »

Mouaâd Jamai rappelle qu’Hassan II avait inauguré le port de Jorf Lasgar en 1982, tout près d’El Jadida. Selon le gouverneur, le port traite 19 millions de tonnes par an et va dépasser cette année le port de Casablanca. Dans trois ou quatre ans, il devrait atteindre 52 millions de tonnes. « Je peux vous dire qu’il y a une accélération visible à l’œil nu. Une zone industrielle de 500 hectares s’est même remplie. »

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Le gouverneur rappelle que le tourisme, qui concerne tous les niveaux sociaux, est un levier de développement. Il permet à El Jadida de tripler sa population pendant l’été, car la ville est une destination de premier choix pour le tourisme national. Il note par ailleurs que les couches déshéritées trouvent refuge dans l’économie des algues, qui fait vivre 3000 familles qui ont développé un savoir-faire unique. Mouaâd Jamai relève aussi le potentiel de la zone humide Ramsar toute proche.

« Nous souhaiterions pérenniser le Forum de la Mer », assure le gouverneur, marquant son soutien au projet de Centre de la Mer qui doit être construit à El Jadida.

Mehdi Alaoui Mdaghri lui confirme qu’il espère que le Centre verra bien le jour dans la province. Le cofondateur du Forum lance une nouvelle série de remerciements, notamment aux services de l’État, et relève que le Département de la Pêche est « enfin » partenaire du Forum.

C’est au tour de Raul de Luzenberger, chef adjoint de la délégation de l’Union européenne, d’intervenir. « Nous sommes très attachés aux partenariats sur l’économie bleue qui lient l’Union européenne au Maroc. Cela fait 40 ans que nous les développons, dans des conditions parfois difficiles, mais ils apportent une réelle richesse. »

Le diplomate rappelle que le stock de poissons en Méditerranée est dans un état critique depuis des années. Le 30 mars, à Malte, les partenaires du Nord et du Sud de la Méditerranée, sous l’impulsion de l’Union européenne et avec le Maroc, ont pris des engagements sur les dix prochaines années pour protéger sa richesse écologique et économique : c’est la Malta MedFish4Ever Declaration. Parmi les engagements, il y a celui de faire la collecte régulière de données sur les principaux stocks, de faire disparaître la pêche illégale d’ici à 2030, de soutenir durablement la pêche et l’aquaculture à petite échelle.

La quatrième conférence de haut niveau « Notre Océan » se tiendra à Malte les 5 et 6 octobre prochains. « Cette conférence sera d’autant plus importante qu’elle vise à inspirer et sensibiliser la nouvelle génération de leaders, de la société civile, d’acteurs... »

Raul de Luzenberger rappelle qu’il est originaire de Naples. Une ville méditerranéenne, sur la Mer, avec un grand port, qui a connu un développement très fort dans les années 1980 et 1990, qui a été un désastre pour la Mer et l’industrie de la Mer, mais aussi pour les touristes. « Avec beaucoup de travail, nous récupérons la Mer de mon enfance. Mais ce que je souhaite, c’est que vous ne répétiez pas notre erreur et que vous gériez de la bonne manière la richesse que vous possédez. »

C’est au tour Abdelmalek Faraj d’intervenir en ouverture du Forum. Le directeur général de l’Institut national de recherche halieutique (INRH) se félicite de la prise de conscience par les nations du monde de l’importance de préserver les océans lors de la Cop21 à Paris. L’initiative Ceinture bleue promue par le Maroc s’inscrit dans cette logique.

L’enjeu de cette initiative est d’abord qu’il faut un océan qui soit vivant, mais qui soit aussi protégé pour lutter contre le réchauffement climatique. Il y a aussi l’enjeu alimentaire : « D’ici 2005, il y aura 50 % de demande supplémentaire de protéines animales, à laquelle nous ne pourrons pas répondre en continuant de pêcher comme on

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le fait. » Abdelmalek Faraj relève que le poisson est plus facile à produire que les autres protéines animales. L’enjeu, également, pour le Maroc est d’intégrer la pêche et l’aquaculture dans la croissance bleue. Beaucoup de progrès ont été réalisés, mais ils sont encore insuffisants. L’état de l’océan continue de se dégrader pour de multiples raisons : pollution, démographie, réchauffement climatique, exploitation des océans…

« Le pire, c’est que nous connaissons les solutions, nous savons comment protéger l’océan. Il faut déterminer comment les mettre en œuvre. Notre objectif est de rendre ces stratégies faisables, applicables. Il faut déterminer comment le faire sans atteindre les utilisateurs directs, c’est-à-dire les pêcheurs, les aquaculteurs... »

L’initiative Ceinture bleue propose des solutions pour transformer la pêche et l’aquaculture en activité durable. Elle vise à montrer que les mesures de protection sont économiquement intéressantes à long terme. Elle sera une plateforme collaborative, où pêcheur, amoureux de la mer navigateur, gestionnaire, scientifique… contribueront.

L’Initiative Ceinture bleue sera déclinée en trois axes. D’abord l’observation océanographique : il faut investir dans les zones inobservées. Elle est rentable, à long terme. Il faut aussi développer le concept d’utilisateur observateur. « Imaginez le nombre de pêcheurs ou navigateurs en Mer qui peuvent observer », relève Abdelmalek Faraj.

Il y a ensuite l’axe de la pêche durable. Nous savons aujourd’hui que les ressources sont limitées. « Nous avons l’espoir que l’aquaculture puisse pallier à ces limites, mais ce ne sera pas suffisant, remarque le chercheur. L’objectif est de produire plus en pêchant moins. Comment faire ? Aujourd’hui, il y a de nombreux rejets en Mer, des débarquements sous-valorisés. L’enjeu est de développer un outil de pêche adéquat. » Il y a eu un arrêt de l’investissement et de la recherche sur les outils de production en Mer. Abdelmalek Faraj estime qu’il faut favoriser l’innovation, l’investissement dans des outils de production avec une meilleure sélectivité, une meilleure énergie, la valorisation sur place. « Il faut développer le bateau de pêche du futur. » Et développer des concepts où ce bateau est économique, qu’il valorise, soit connecté, transmette des informations, soit relié au Big Data, informé de ce qui se passe en Mer. « Enfin, bien évidemment, il faut développer la valorisation locale du poisson. C’est le produit agroalimentaire le plus échangé dans le monde : il est produit dans le Sud, valorisé dans le Nord, et réexporté dans le Sud. Ce n’est pas très écologique. »

Le dernier axe concerne l’aquaculture. Elle peut être considérée comme une opportunité et remplacer la pêche. Mais l’aquaculture telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui n’est pas très efficiente. L’objectif est aussi de développer l’algoculture. Elle peut répondre à des problématiques de changement climatique : produire un kilo d’algue peut permettre d’absorber 6kg de CO2. Elle peut servir à décontaminer le littoral et à produire des produits pharmaceutiques, de l’agar-agar, de la biomasse, du fertilisant. Il faut donc faire de l’innovation technologique. « Nous avons commencé un projet avec un partenaire européen à Bouznika », indique Abdelmalek Faraj. Les microalgues ont aussi du potentiel, elles peuvent servir d’alternative à la farine de poisson pour les aliments de poissons. Le problème de la surexploitation des ressources pélagiques pour les farines de poissons pourrait être réglé. L’INRH a un projet en ce sens dans le Sud.

« Nous espérons que le Forum de la Mer sera le catalyseur d’une communauté pour la Ceinture bleue », enchaîne Mehdi Alaoui Mdaghri. Le cofondateur du Forum laisse la

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parole enfin à Francis Vallat, président du Réseau européen des clusters maritimes et de SOS Méditerranée, qui va dire un mot sur les migrations qui passent par la Méditerranée et les drames qui les accompagnent.

« Impossible de parler d’écologie, d’environnement, de la Mer qui réunit les Hommes sans parler des migrations de la souffrance, qui sont une pollution de l’âme et des valeurs que charrie la Mer, et celles qui doivent rester celles de l’Europe. »

Francis Vallat rappelle que la Méditerranée reste une route très meurtrière. 220 à 250 000 personnes passent par cette voie chaque année et l’on atteint 48 000 morts depuis le début de la crise des migrants. « Je ne suis pas là pour donner des leçons. Ce qui compte, c’est la vie. Mais on ne peut pas ne pas parler des 48 000 morts et agir en Homme. Le sauvetage est indiscutable. »

SOS Méditerranée a affrété l’Aquarius, avec une douzaine de sauveteurs brevetés, qu’il faut souvent remplacer. Il y a aussi des médecins et des infirmières grâce à un accord avec Médecins sans frontières. « J’ai obtenu l’information cette après-midi : 16 000 personnes ont été sauvées en 95 sauvetages. 16 % de femmes, 24 % de mineurs, indique Francis Vallat. »

Ces opérations coûtent 4 millions d’euros par an. Le bateau coûte 11 000 euros par jour. Les fonds publics couvrent à peine 15 ou 20 000 euros. « Cela prouve qu’il y a de la générosité. Nous avons entre 10 et 15 000 donateurs. Je suis là aussi pour ça. Nous ne sommes pas dans les solutions, nous sommes dans le sauvetage. Pour le reste, il faut que les politiques fassent leur travail. Je suis venu pour vous dire qu’il y a nous, il y en a d’autres. Malheureusement, de faux procès sont faits à d’autres ONG en ce moment. Nous sommes transparents. Et nous avons besoin de vous. »

Après ce touchant appel à la solidarité, Mehdi Alaoui Mdaghri conclut cette séance plénière d’ouverture en ajoutant que pour les hommes de Mer, le sauvetage ne se discute pas. « C’est l’état d’esprit que nous essayons de perpétuer au Forum. »

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ATELIER 1 POUR UNE CROISSANCE BLEUE DURABLE

« Planifier pour développer durablement le littoral et l’espace maritime »

Hôtel Pullman Royal Golf & Spa 4 mai 2017

Le professeur Miloud Loukili, professeur de droit international à l’Université Mohammed V et fidèle participant du Forum de la Mer se charge d’ouvrir cette première journée de travaux du Forum. Le professeur Loukili se félicite que Mehdi Alaoui Mdaghri soit « un passeur entre les hommes. Il m’a convaincu d’être avec lui depuis le début et je le fais avec bonheur. » Le juriste se dit heureux également que le Forum de la Mer ait redonné une « âme maritime, à travers El Jadida, au Maroc. » En introduction de l’Atelier 1, Miloud Loukili estime que s’il est un atout indéniable du Maroc, c’est bien la Mer.

« Le Maroc est une puissance maritime qui s’ignore. L’objectif, ici, est de rebooster l’élan maritime du Maroc. Il n’est d’avenir que dans la Mer. Elle est un réservoir incommensurable de richesses et de ressources pour le Maroc. Le Forum de la Mer intervient à un moment crucial, au moment où il renoue avec l’Afrique. Les racines du Maroc plongent en Afrique, et son feuillage respire en Europe et dans le monde. »

Le professeur Loukili rappelle, « en spécialiste du droit de la Mer », que si le Maroc est parmi les fondateurs de l’Organisation de l’unité africaine, il est aussi membre fondateur de la doctrine africaine du droit de la Mer. L’Afrique attend beaucoup du Maroc dans ce domaine. Son expertise est sollicitée dans le continent africain.

La sensibilité africaine est d’autant plus accentuée que le Maroc abrite depuis 1989 la Conférence ministérielle des pays africains riverains de l’Atlantique, qui ont en charge les dossiers de l’halieutique. « Il faut faire de cet organisme une organisation continentale », plaide le professeur Loukili.

« Je voudrais faire quelques propositions. Je vous demande d’adopter l’appel d’El Jadida pour l’alliance pour une croissance bleue dans notre pays. Il faut un nouveau contrat social entre le Maroc et son environnement marin. La Mer contient la quasi-totalité des solutions pour un avenir durable, désirable, heureux. Encore faut-il prendre les moyens pour bâtir une véritable politique de la Mer dans notre pays. On ne peut pas refuser cet horizon avec 3500 kms de côte, 1 100 000 kms² de zone économique. J’en profite pour rendre hommage à la commission qui s’occupe de l’extension du plateau continental, notamment Madame Amina Benkhadra. »

Le professeur plaide aussi pour la création d’un cluster des sciences de la Mer au Maroc. Il invite ensuite à réfléchir sur la possibilité de trouver des passerelles, à avoir des synergies entre les différentes politiques du Maroc (stratégie Halieutis, Plan Azur…). Il faut une nouvelle gouvernance dans le domaine maritime.

« Je voudrais proposer de créer une Alliance pour la croissance bleue. Elle pourrait réunir les représentants des milieux économiques, scientifiques, académiques, les

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élus, les ONG. Elle serait chargée de construire avec l’État la vision, la stratégie d’une croissance bleue et d’assurer un déploiement du secteur économique maritime. »

Enfin, Miloud Loukili insiste sur la création nécessaire d’un hub de la connaissance marine, qui regrouperait toutes les filières scientifiques, à commencer par la filière juridique. « Je prêche ma chapelle, car l’avenir sera très prolifique en matière de tensions relatives à la Mer », conclut-il.

Brigitte Bornemann, directrice des publications energiedelaMer.eu et présidente de B-Bornemann Conseil, prend le relais pour modérer l’atelier. Après une rapide présentation des différents intervenants, le directeur des ports et du domaine public maritime Lahcen Aït Brahim débute sa présentation consacrée aux potentiels marins et côtiers du littoral marocain

« Le Maroc dispose de 3500 kms de côte, de long des franges méditerranéenne et atlantique. C’est un territoire qui présente des enjeux importants en termes d’agressivité, mais aussi des enjeux économiques. Ce patrimoine convoité nécessite la mise en place d’une logique intégrée et durable. C’est l’objectif de la mise en place d’un schéma directeur à horizon 2035. »

Ce schéma est destiné aux administrations, qui doivent gérer le potentiel marin et côtier, qui se déploie en 11 thématiques : le potentiel halieutique, l’hydrique, les sites portuaires, le culturel, le touristique, le nautique, l’aquacole, l’écologique, l’énergétique, le minéral, le balnéaire. Lahcen Aït Brahim présente chacun de ces potentiels à l’aide d’une présentation projetée aux participants.

Il relève notamment que le potentiel balnéaire réside dans 127 plages à exploiter dans l’avenir. Ou encore, en matière culturelle, qu’il faut valoriser le patrimoine situé en bord de Mer (phares, sites archéologiques…). En matière hydrique, l’accent sera mis sur le dessalement des eaux de Mer ou encore les stations de refroidissement pour stations électriques.

Répondant à une question de Brigitte Bornemann, Lahcen Aït Brahim rappelle qu’il a longtemps travaillé, au sein de l’administration, dans des secteurs complètement étrangers à la Mer. « Ce qui m’a attiré pourtant, c’est l’importance des réalisations à venir, explique-t-il. Il doit y avoir 60 milliards de dirhams d’investissement. L’enjeu est de déterminer comment réaliser ces grands projets dans le respect de l’environnement pour permettre de mettre notre pays sur les rails du développement. »

C’est au tour de Majida Maarouf, directrice générale de l’agence nationale pour le développement de l’aquaculture (ANDA), de présenter la démarche de planification aquacole du littoral. Elle trouve normal que l’aquaculture soit abordée dans ce forum : « Elle est considérée comme un véritable levier d’avenir à l’échelle planétaire, il est donc normal que le Maroc s’inscrive dans cette perspective. » La stratégie Halieutis a donné une vraie place à l’activité, en considérant qu’elle contribue à la préservation des ressources halieutiques et en donnant des protéines d’origine animale. « Les ressources en eaux douces risquent d’être encore plus limitées pour l’élevage terrestre, donc le futur sera dans la Mer. »

Elle estime que l’aquaculture est un vrai relais de croissance du secteur de l’halieutique. Elle assurerait la sécurité alimentaire et permettrait de développer de

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nouvelles industries (bioénergies, industrie pharmaceutique). La stratégie Halieutis vise 200 000 tonnes en 2020. Cela passe par trois grands piliers : la mise à niveau du cadre légal de l’aquaculture, un environnement favorable à l’investissement et une planification aquacole.

La directrice de l’ANDA liste cinq plans d’aménagement aquacoles qui ont été réalisés dont trois ont été achevés à Dakhla, à Agadir et en Méditerranée. « Le potentiel est là, maintenant il faut des mesures d’accompagnement pour que l’investissement soit réalisé dans les règles de l’art. »

Les plans d’aménagement ne sont que la partie visible de l’iceberg. Ils sont l’aboutissement de trois années d’études, d’efforts, de diagnostics du milieu, de construction du plan. « Travailler sur le maritime n’est pas facile. »

« Au Maroc, nous nous distinguons car nous planifions l’aquaculture, contrairement à d’autres pays où c’est fait de manière spontanée. Car nous avons comme objectif la durabilité de cette activité. Nous abordons des écosystèmes spécifiques car le développement de l’aquaculture ne peut se faire de manière hasardeuse, en laissant aux acteurs les choix des sites, avec des informations ponctuelles et insuffisantes. »

Brigitte Bornemann demande quelles sont les principales espèces exploitées. « Les deux principales sont l’huître et le loup. Nous avons amorcé aussi deux espaces de production de moules. Et nous avons un projet de culture d’algue à la Marchica », décrit la directrice.

Driss Benabad, directeur de la société d’aménagement du port de Tanger (SAPT/SGPTV), démarre ensuite sa présentation des défis sociaux et enjeux économiques de l’aménagement du port de Tanger Ville. Driss Benabad rappelle que dans le cas de Tanger, il y avait une rupture entre le port et la ville.

C’est la création du port de Tanger Med qui a permis de réfléchir au port de Tanger Ville. Le projet a une dimension portuaire et urbaine et s’étend sur 84 ha. Il s’inscrit dans l’histoire de la ville, internationale par son histoire, au bord d’une Méditerranée qui a toujours favorisé les échanges commerciaux et culturels. Aujourd’hui, plus de 100 000 navires traversent le détroit chaque année. Il existe aussi un contexte de développement du Nord du Maroc, avec le TGV, l’usine Renault, la Tanger Free Zone.

« L’objectif est de permettre à Tanger de se positionner comme destination phare en Méditerranée. Il faut introduire de nouvelles activités, favoriser l’intégration du port, garantir un développement respectueux de l’environnement. Dans l’histoire de Tanger, l’eau arrivait au pied des bâtiments et de la ville, il faut revenir à cela. Et comme les murailles de la ville sont une façade maritime, il fallait aussi les restaurer. Il y a donc une partie portuaire et une partie urbaine dans le projet. »

Driss Benabad relève aussi la croissance à deux chiffres de la croissance, sur laquelle Tanger veut se positionner. « Nous recevons 100 000 croisiéristes par an. » indique-t-il. Au niveau de la plaisance, un nouveau port de plaisance avec 800 anneaux va ouvrir cet été. Le vieux port est reconverti en marina, après le transfert des pêcheurs. Constatant la saturation du port de pêche actuel, un nouveau port est construit avec une capacité trois fois supérieure. Il est achevé et le transfert des pêcheurs est en cours.

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A propos de la dimension urbaine, l’idée est d’offrir des espaces publics pour la ville sur 30 ha. Le terrain sera développé par un promoteur international, l’émirien Eagle Hills. 1200 lits seront disponibles en hôtellerie, un palais des congrès est construit, etc. L’investissement représente 4 milliards de dirhams et les travaux ont commencé récemment.

Le projet comporte une étude d’insertion et un plan de surveillance environnementale. Un projet de téléphérique est aussi prévu, qui permettra de relier la médina et le port. Des ombrières avec des panneaux photovoltaïques permettront d’assurer l’autosuffisance du port. Il n’y aura pas d’impact économique négatif car les activités de la zone franche, qui faisait travailler 9000 personnes, ont été transférées vers Tanger Free Zone. Et les pêcheurs sont aussi transférés.

Brigitte Bornemann souhaite savoir ce qu’il en est des activités de pêche artisanale. Driss Benabad lui répond qu’ils sont pris en compte et que la direction de la pêche maritime a accompagné le projet. Le directeur détaille ensuite les travaux, achevés cette année, sur les 2,5 kms de muraille, ainsi que le projet de téléphérique qui fera 2 kms de long.

Le prochain intervenant, Jamal-Eddine Mohammed Idrissi, directeur général adjoint de l’agence Marchica, prend ensuite la parole. Il commence par décrire la Marchica, cet écosystème exceptionnel qui baigne la ville de Nador, au Nord-Est du pays. Cette lagune occupe un plan d’eau de 11000 ha. Elle est séparée de la Mer Méditerranée par un cordon dunaire naturel, comme le montrent les photos que Jamal-Eddine Mohammed Idrissi projette.

« D’un point de vue étymologique, Marchica est emprunté de l’espagnol et veut dire « petite Mer ». Les locaux, et surtout les pêcheurs, parlent d’ailleurs de petite Mer pour la lagune et de grande Mer pour la Méditerranée. »

La lagune s’étend sur une longueur de 24 kms et une largeur de 7 kms. « Elle a connue une histoire triste par le passé », relève Jamal-Eddine Mohammed Idrissi. Ce lieu qui accueille une belle faune et flore a été atrocement pollué. Il projette des photos sidérantes de la lagune en 2007. « Nous avons fait un effort titanesque pour la dépolluer. L’eau été devenue noire, il n’y avait quasiment plus de vie. Les oiseaux étaient partis, les poissons étaient morts, et l’eau était devenue une décharge pour la population de la ville », décrit-il. Sa Majesté a donné de hautes orientations pour créer Marchica Med en 2008, la première à prendre en charge la dépollution. En 2010, l’agence Marchica était créée pour développer la lagune.

« Lahcen Aït Brahim a parlé plus tôt de 3500 kms de côte. Nous en occupons 25 kms ! », relève le directeur général adjoint. Il évoque les différentes dimensions évoquées auparavant dans l’atelier. Notamment le fait qu’un projet d’algoculture en coopérative fait vivre 25 familles, et que Marchica sera au rendez-vous de l’aquaculture. Il évoque aussi le port de Beni Ensar, appelé à être converti par l’agence quand le port de Nador West Med sera en activité. L’idée est de consacrer le port de Beni Ensar à la pêche artisanale, à la plaisance et aux voyageurs.

« Ce projet se veut un modèle de développement territorial intégré, avec une dimension sociale, économique et environnementale. Nous avons commencé par dépolluer la lagune pour lui rendre sa vitalité, son éclat naturel, ce qui est en cours. Nous avons pris en compte la dimension sociale dans l’utilisation de la main d’œuvre.

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Et nous faisons travailler indirectement des milliers de personnes, résident de Nador. »

Le projet va intégrer la ville de Nador, pour ne pas créer plusieurs cités qui évoluent à des vitesses différentes. « Il consiste à aménager la ville, à lui rendre hommage », assure Jamal-Eddine Mohammed Idrissi.

L’idée est de développer à terme sept cités thématiques, toujours adossées à la dimension touristique. Jamal-Eddine Mohammed Idrissi prend l’exemple des vergers de Marchica, qui sont un projet agrotouristique dans une commune rurale. Il consiste en la création de fermes pédagogiques et de projets agricoles. Il doit faire vivre les communautés locales. Autre exemple, la cité des deux Mers sur une île. C’est un ecoresort de 230 ha, construit en pierre et en bois, en autosuffisance énergétique. Il utilisera les énergies éolienne, hydrolienne et solaire.

« Nous sommes en train de développer notre premier projet phare, la cité d’Atalayoun. Cette presqu’île faisait office de décharge. Nous avons développé un golf 9 trous. La faune et la flore sont revenues. Nous sommes passés de la nuisance à la plaisance. »

A propos de la dimension sociale, Jamal-Eddine Mohammed Idrissi relève que Nador développait dans l’anarchie totale. Un effort colossal a été fait depuis plusieurs années et des réseaux d’assainissement et d’eau ont été construits. Pour le directeur général adjoint, la réussite est là car le projet a été exporté vers deux pays amis et frères : la Côte d’Ivoire avec la baie de Cocody et le canal de Pangalan à Madagascar.

Quelques personnes du public profitent de la fin de l’intervention de Jamal-Eddine Mohammed Idrissi pour faire des remarques. Un professeur de l’université d’El Jadida remarque que les lagunes jouent un rôle sur le plan scientifique et ont une relation forte avec le changement climatique. « Les lagunes gardent les archives du climat des derniers 10 000 ans, au détail près. Nous pouvons retrouver la salinité, les températures, et regarder l’évolution de l’holocène. Les lagunes sont un atelier pour le changement climatique », relève le professeur.

C’est au tour de la dernière intervenante de l’atelier d’entrer en scène. Françoise Gaill, directrice de recherche au CNRS et coordinatrice de la plateforme Océan & Climat, vient éclairer les participants du Forum sur le coût de la dégradation de la nature. « Je vais revenir sur la notion de service écosystémique et son histoire », précise la chercheuse émérite.

Les services écosystémiques sont les bénéfices que la nature rend à l’espèce humaine. La chercheuse appuie son explication d’une projection. Elle explique la notion de service écosystémique a émergé dans les années 1990, quand l’ancien secrétaire général de l’Onu Kofi Annan a demandé de faire un point sur ce que nous savions de l’état de la nature et notamment de la biodiversité.

« Les services écosystémiques peuvent être vus comme un type de fonction », explique Françoise Gaill. Elle prend l’exemple des abeilles qui rendent service en effectuant un travail fantastique en butinant. Et les scientifiques ont commencé à catégoriser ces services. Elle décrit ceux-ci comme les services de support que la Terre elle-même réalise en assurant le cycle de la matière.

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Françoise Gaill appuie sa démonstration en prenant un exemple aquatique. « Vous avez un herbier près de votre plage. C’est une formidable source de nourriture pour les poissons, qui sont eux-mêmes de la matière organique pour d’autres poissons, et ces herbiers vont par ailleurs solidifier votre port. Ce sera aussi un puits de carbone, qui sert donc à la dépollution », décrit-elle.

La nature, l’océan en particulier apporte ces services. 90 % de l’eau sur Terre vient par exemple des océans. Le problème, c’est que l’Homme introduit de nouvelles choses dans la nature et l’océan, comme le plastique. Et ces choses de synthèse vont avoir une durée de vie longue. Une bouteille d’Evian va mettre 450 ans à disparaître. Cela provoque une modification de l’équilibre naturel.

Comprendre cette logique et ces services écosystémiques est important pour la régulation climatique, la gestion des ressources halieutiques, la pharmaceutique…

Dans les années 2005-2010, un grand débat est apparu sur l’opportunité d’évaluer le coût de ces services. Un premier rapport a parlé de 19 000 milliards de dollars. Le WWF a réévalué ce coût à 24 000 milliards de dollars. « Ce type de données financières a entraîné une vive controverse dans les milieux scientifiques », rappelle Françoise Gaill, qui explique que le débat existe toujours.

En 2012, une petite évolution a eu lieu quand des scientifiques à Santa Barbara ont élaboré un index de la santé de l’océan dans chaque pays. « Cet index montre qu’il n’y a pas une seule manière de gérer l’océan », relève Françoise Gaill.

La question à laquelle nous ne savons pas du tout répondre, ce sont les stress cumulés, les tipping points. Le climat est un stress cumulé pour l’écosystème, il déclenche l’augmentation de la température, l’augmentation du niveau de la Mer, etc.

« Si l’on regarde les pressions qu’on a sur les écosystèmes, se pose la question de la résilience de l’écosystème. Comment éviter les points de catastrophe, ces tipping points ? Pour la morue de Terre Neuve, il y avait un écosystème sain, puis des prélèvements de poissons. Et malgré tout ce que l’on a fait l’écosystème a été dégradé. »

La chercheuse remarque enfin que les travaux de l’atelier d’aujourd’hui montrent que l’on s’empare du concept de service écosystémique sans le nommer, qu’il a une application.

Une nouvelle session de questions du public permet à un journaliste d’Aujourd’hui le Maroc de demander la réponse de Françoise Gaill aux climatosceptiques. Sans ambiguïté, la chercheuse indique que la présence de gaz carbonique dans l’atmosphère est corrélée à la production humaine et que les données sont absolument fiables.

Jamal-Eddine Mohammed Idrissi conclut cet atelier en donnant quelques précisions sur la collaboration de l’agence Marchica au réaménagement de la baie de Cocody en Côte d’Ivoire. L’intervention se fait sous forme d’assistance à maîtrise d’ouvrage. « Nous assistons nos amis ivoiriens dans la dépollution de la lagune car elle était dans un état lamentable », relève le directeur général adjoint.

La superficie de la baie de Cocody est 4,5 fois supérieure à la lagune de Marchica. L’assistance se fait sur l’aménagement, la construction d’un pont, et le modèle de

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développement. « Le budget de la première phase est de 450 millions de dollars, avec des bailleurs de fonds internationaux. Elle doit être terminée en 2020. Puis la partie développement sera engagée », indique Jamal-Eddine El Idrissi.

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GRAND TEMOIN M’BALIA SANGARE

« Pour un développement respectueux de l’Homme et des ressources de la nature »

Hôtel Pullman Royal Golf & Spa 4 mai 2017

Brigitte Bornemann, toujours modératrice, accueille le premier grand témoin de ce Forum : M’balia Sangaré. La présidente de l’ONG guinéenne Adepeg (Appui au développement de la pêche et de l’élevage en Guinée Conakry) présente sa vision d’un développement respectueux de l’Homme et des ressources de la nature.

« L’Adepeg est une ONG qui participe au développement socio-communautaire. En Guinée, la pêche artisanale est pratiquée par des acteurs qui ne sont pas allés à l’école. Donc elle continue à exister comme dans le temps passé, alors que le monde évolue. Notre travail est donc de constater ce qui se passe sur le terrain et essayer ensuite de se réunir pour apporter des solutions aux problèmes. »

L’ONG a commencé par créer quatre coopératives. Elle a soutenu les groupements qui souhaitent se constituer en associations, qui sont devenues des unions, et la plupart sont aujourd’hui membres de la fédération des artisans pêcheurs de Guinée, membre de la confédération des pêcheurs de Guinée.

Les pêcheurs, grâce à leur travail, savent très bien pêcher et s’orienter en Mer. Mais il faut leur apprendre beaucoup d’autres paramètres qui concernent la préservation de l’écosystème. Ils doivent aussi se former aux pratiques d’hygiène pour tirer le meilleur profit de leur activité. « Il faut leur apprendre notamment les techniques de conservation grâce au glaçage du poisson, car le transport se fait dans des conditions pénibles, en zone rurale. Le poisson est souvent altéré quand il arrive en zone urbaine », explique M’balia Sangaré. Elle assure que ces efforts ont porté leurs fruits et ont été sanctionnés par l’Union européenne, qui a autorisé l’importation du poisson guinéen. L’ONG a aussi soutenu la création de mutuelles, à la place du système de tontines. « Nous avons ouvert des caisses dans tous les débarcadères », assure M’balia Sangaré.

L’ONG est aujourd’hui reconnue par le ministère de la pêche. « Aujourd’hui, les acteurs du secteur sont écoutés », explique M’balia Sangaré. La pêche artisanale représente 90 % du marché, selon elle, donc l’État est obligé de les prendre en compte. « Je dis aux pêcheurs : essayez d’arrêter la pêche un seul jour, et vous verrez que c’est l’État qui viendra à vous ! »

L’ONG a mis en place des comités de gestion qui réunissent tous les acteurs du secteur. Outre les pêcheurs, il y a les vendeurs de matériel de pêche, les notables… Et ce afin que les problèmes posés puissent être résolus par toutes les parties prenantes. A une question de Brigitte Bornemann, M’balia Sangaré assure qu’une « journée sans poissons » n’a pas encore été tentée… Mais que les pêcheurs ont bien compris leur pouvoir.

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M’Balia Sangaré assure que les pêcheurs ont tout intérêt à préserver la façade maritime. Ils font le constat qu’ils ramènent de moins en moins de leurs sorties en Mer, année après année. « Les gens pensaient que le poisson était inépuisable, mais ils voient bien que ce n’est pas le cas. »

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DERNIÈRE LIGNE DROITE POUR

TANJA �ARINA BAY ET LE PORT DE TANGER VILLE

Le nouveau port de Tanger Ville ouvrira ses

portes dans les prochains jours. Un projet

résolument stratégique initié par Sa Majesté Le

Roi Mohammed VI, que Dieu l'assiste, qui incarne

dynamisme et renouveau et qui permettra de

renforcer ultérieurement le positionnement de la

ville et du Maroc au niveau international.

Le projet de reconversion de la zone portuaire de

la ville de Tanger a été piloté par la SAPT, Société

d'Aménagement du Port de Tanger. Il repose sur

deux principes fondateurs : Rendre l'eau à la cité

et unir le port à la ville par une reconversion

optimale et respectueuse de l'environnement.

Un port tourné vers la ville et créateur de

richesse:

L'initiative a débuté en 2010 et s'est poursuivie

pour garantir un développement harmonieux,

durable et performant des activités portuaires,

urbaines, culturelles et touristiques. Un projet qui

rapproche la mer de la médina et du centre-ville

qui a pris en compte le développement de

plusieurs secteurs stratégiques plaisance,

croisière, fast-ferry, pêche, hôtellerie,

évènementiel, culture, commerce, animation,

résidentiel et bureaux.

Un véritable coup de "lifting" qui symbolise la

transformation, le dynamisme et l'ambition d'une

ville tournée vers le futur mais qui, au même

moment garde et respecte son histoire, ses

traditions et sa culture.

Investissements, composantes et état

d'avancement du projet :

Un investissement de plus de 6 Milliard de

Dirhams digne de la Capitale du Détroit qui

s'étend sur une surface globale de 84 hectares

de terre-pleins et s'articule à la fois sur la

dimension portuaire et urbaine.

Parmi les composantes du projet, une nouvelle

Mosquée mettant en exergue la richesse de

notre patrimoine culturel, la Médina (grâce à la

restauration des bordjs et de la muraille), un

nouveau port de pêche, la première marina

urbaine du Maroc d'une capacité de 1400

anneaux et prête à accueillir ses premiers

bateaux, une zone dédiée à l'accueil des plus

grands paquebots de croisières (l'objectif à

moyen terme étant d'accueillir environ 200.000

croisiéristes), un quartier administratif, une offre

immobilière résidentielle et hôtelière de haut

niveau en cours de réalisation, des espaces

publiques, gastronomiques, commerciaux et

culturels ainsi qu'un téléphérique de 2 km qui

reliera la zone du port au centre-ville.

Bonne partie des travaux sont aujourd'hui

achevés et plusieurs sont opérationnels : le

résultat est visible avec une zone portuaire plus

performante et plus accueillante, respectueuse

de l'environnement et reconvertie pour

satisfaire toutes les parties prenantes ce qui va

permettre à Tanger de se repositionner comme

destination phare du tourisme en méditerranée.

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ATELIER 2 POUR UNE CROISSANCE BLEUE CONCERTEE

« Instances et mécanismes de coopération »

Hôtel Pullman Royal Golf & Spa 4 mai 2017

Francis Vallat prend le relais de ce riche témoignage pour débuter l’Atelier 2. Il était intervenu en séance plénière d’ouverture pour parler de SOS Méditerranée et de la nécessaire solidarité avec les naufragés. Le président du réseau des clusters maritimes européens et ancien président du cluster maritime français va évoquer aujourd’hui le cluster maritime national, outil nécessaire au dynamisme des transversalités de l’économie maritime.

Francis Vallat rappelle qu’il a été armateur pendant près de 30 ans, puis président de l’Institut français de la Mer, avant de se consacrer aux clusters maritimes. Le réseau des clusters maritimes européens regroupe 18 clusters.

« Je ne suis pas venu donner des leçons, mais je viens témoigner de mon expérience. Je connais bien le Maroc, je suis venu 17 fois mettre en place des contrats avec des Marocains. Parmi les 18 clusters maritimes du réseau européen, chacun a une histoire différente, certains sont privés, d’autres sont semi-publics, certains sont très évolués, d’autres non, etc. Cela m’a permis de tirer des leçons. Ce que j’ai entendu jusque là au Forum, et de ce que je connais du Maroc, l’économie maritime marocaine est très diversifiée. Il sera sûrement plus efficace en parlant d’une seule voix. En acceptant de travailler les transversalités, on est plus forts. »

Francis Vallat estime que le modèle français peut être utile aux Marocains. « Non pas à cause de notre histoire commune, mais parce que le Maroc possède une économie maritime où le secteur privé est très dynamique et très diversifié », estime-t-il.

Il y a un certain nombre de conditions et préalables. « D’abord il faut y croire. A la création de cet ovni en France, il y avait beaucoup de scepticisme », précise Francis Vallat. Aujourd’hui, 400 entreprises y participent. « Ça a pris au-delà des espoirs des fondateurs. »

Il faut avoir conscience des forces du secteur. « Nous avons découvert que le chiffre d’affaires du secteur était de 52 milliards d’euros. Il est aujourd’hui de 70 milliards », indique Francis Vallat. Il faut convaincre les fédérations professionnelles pour qu’elles jouent le jeu du cluster. « La méthode est simple : que le cluster ne s’occupe pas des projets limités à un secteur professionnel, mais uniquement des projets transversaux. Les fédérations se méfiaient au départ, mais maintenant elles viennent souvent nous voir. »

Le troisième préalable, selon Francis Vallat, c’est d’avoir des acteurs économiques, y compris ceux liés à l’État. « Mais il ne faut pas des membres qui soient des autorités de l’État. Cela n’empêche pas d’inviter des membres des cabinets ministériels, des directions générales, etc. »

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Pour Francis Vallat, il faut que les membres cotisent, qu’ils soient réellement engagés. « Il ne faut pas qu’il y ait d’autres recettes, car ça permet de rendre le cluster crédible auprès de ses membres et de l’État. Nous sommes d’autant plus crédibles que nous refusons d’être payés. Nous faisons du lobbying, mais nous ne sommes pas des lobbyistes professionnels. » Il insiste aussi sur la nécessaire communication : « Le cluster fait des films à l’attention des jeunes, et toutes sortes d’opérations de communication. »

Le cluster organise chaque année les assises de l’économie maritime, son événement phare. « Nous étions, l’an dernier, 1500 et nous n’avions pas assez de place. Alors qu’au départ, les ministres, directions générales nous snobaient. Plusieurs fois, le premier ministre est venu. Le président de la République nous a rendu visite l’an dernier », précise Francis Vallat.

Francis Vallat explique que des buffets avec les membres du cluster sont organisés toutes les six semaines. Cela permet des rencontres. Mais surtout, des synergies sont créées au travers des groupes de travail, qui s’attellent à tous les sujets d’intérêt commun. « Près de 7000 cadres ont participé aux groupes de travail en une dizaine d’années », précise-t-il. Ils abordent les questions réglementaires, sociales, la cyberdéfense… « Un groupe de travail a même créé un fonds d’investissement doté de plusieurs millions d’euros. »

Francis Vallat lance à l’assistance qu’il peut faire part aux Marocains de ce qui a marché ou non. « Le développement du cluster a changé les choses sur un grand nombre de sujets. » Brigitte Bornemann donne ensuite la parole à Serge Ségura, ambassadeur de France chargé des océans, pour parler d’une coopération internationale fondée sur des organisations internationales : les exemples de la pêche et des ressources minérales.

Après avoir salué une entrée en matière du Forum impressionnante, il assure que la diplomatie française a pris conscience que les océans sont devenus un enjeu, « et pas seulement un lieu que l’on traverse. » C’est un enjeu de puissance, de coopération, et « il est nécessaire que la diplomatie française mette le nez plus profondément dans les affaires maritimes, qui étaient la compétence de plusieurs ministères.

La France possède aujourd’hui le deuxième domaine maritime du monde et 97 % de ces zones viennent des ZEE des outre-Mers. La Marine nationale est une des quatre marines du monde capables d’agir partout. En ajoutant les entreprises françaises qui interviennent dans le secteur maritime, la France peut se dire puissance maritime, « même si elle n’en a pas conscience. » « Je vais parler de l’échelon international, qui est moins intéressant car il est moins concret. La société internationale est une société de paperasserie, mais il en sort parfois quelque chose de concret », assure Serge Ségura.

Il relève qu’il y a un problème de définition de l’économie bleue. Pour certains, l’économie bleue est moderne, au contraire de l’économie maritime. Ils y mettent les biotechnologies, les ressources énergétiques marines, etc. Pour d’autres, l’économie bleue est l’économie maritime avec un plus joli nom. « Pour nous Français, et les gens de l’UE, et j’espère bientôt plus de gens, l’économie bleue est l’économie maritime réalisée avec une philosophie différente. C’est d’abord l’économie maritime, car tous ses secteurs sont susceptibles d’être intégrés, comme la plaisance, la construction navale, la pêche Et ce sont de nouvelles activités économiques, et une façon de faire qui fait appel à la notion de développement durable. »

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Faire de l’économie bleue aujourd’hui, c’est concevoir les activités maritimes dans un esprit qui amène à protéger l’environnement. « Nous sommes obligés de toucher à l’environnement. Quand on ira exploiter le plateau continental et les grands fonds marins, il sera difficile de laisser l’endroit comme on l’a trouvé, puisqu’on a pris quelque chose. Mais l’objectif est que ce soit le moins nuisible à l’environnement », décrit Serge Ségura.

« Le développement durable inclut aussi un aspect social. Quand l’on voit les activités maritimes, beaucoup d’entre elles sont l’occasion d’une exploitation sociale. Il y a quelques mois, on a retrouvé des marins sur un navire qui étaient réduits à l’état d’esclaves. La Mer et les activités de pêche ne doivent pas le permettre. L’économie bleue doit veiller à permettre de sortir de la pauvreté. Si elle est conçue pour que quelques uns seulement s’enrichissent, ça n’a pas grand sens. Elle doit aussi permettre de mettre en avant l’égalité hommes-femmes et en finir avec des exploitations sociales comme le travail des enfants. »

L’ambassadeur évoque la réflexion de l’UE par bassins maritimes, « qui est une main tendue à la coopération. On ne veut pas être recroquevillés. Les bassins maritimes ont un sens, en particulier en Méditerranée où la moindre pollution a des conséquences sur les autres pays. » La convention de Barcelone est une convention de Mer régionale, « et c’est celle qui marche le mieux. »

« Je donne un avis personnel : je suis un peu déçu de la définition de l’économie bleue par l’Union africaine. Je n’y ai pas retrouvé de notions de social. Elle est concentrée sur le développement économique traditionnel. Il faut du temps pour arriver à une protection du social et de l’environnement. »

Serge Ségura conclut en disant que la communauté internationale s’est occupée d’économie bleue depuis longtemps, même si on ne l’appelait pas encore comme ça. Donc il est possible d’en faire quand les États en ont la volonté.

Brigitte Bornemann donne alors la parole à Yuvan Beejadhur, spécialiste de l’économie de l’océan à Beejadhur Ocean Solutions, basé à Genève, pour parler de l’Afrique et sa nouvelle frontière bleue, enjeux et dynamiques.

Yuvan Beejadhur était encore récemment chargé d’équipe économie bleue à la Banque mondiale. Mauricien, il commence par se dire très heureux d’accueillir le Maroc dans l’Union africaine. Il relève qu’il est rare de trouver autant d’acteurs de la Mer réunis, comme ici au Forum. « L’économie de la Mer, c’est everybody’s business, pas juste celui de ceux qui protègent l’environnement, » assure-t-il.

« Je travaille maintenant à Beejadhur Ocean Solutions, et on voit comment bâtir l’économie bleue, créer plus d’emplois, et s’assurer que les bénéfices de l’économie de la Mer continuent dans le futur », décrit Yuvan Beejadhur. Il se dit fasciné par ce qui se passe au Maroc, après avoir entendu les interventions de ce matin.

En neuf ans à la Banque mondiale, il assure que le développement économique de la Mer est complexe, multisectoriel, et inclut beaucoup de coûts auxquels les pays ne pensent pas forcément car ils ont une approche à court terme. L’Afrique a souvent été dans une approche post-coloniale du développement. « Mais cela change », assure-t-il.

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Trop souvent, les États africains ou les parties prenantes ne prennent pas en considération le contexte social. Pour construire une vraie économie bleue, il faut changer cette approche et intégrer les vrais acteurs. «Il faut prendre en considération les gens qui comprennent la Mer, proches des littoraux, les gardiens de la Mer », plaide Yuvan Beejadhur.

À Maurice, 90 % de l’économie de la Mer est le tourisme. « Mais quand on passe dans les villages, les rues, on ne voit pas l’économie de la Mer. On voit des gens qui font 5 francs suisses par jour, alors que les riches deviennent plus riches. On doit pouvoir réduire ces inégalités ensemble », espère Yuvan Beejadhur.

La pauvreté a réduit mondialement, selon les statistiques de la Banque mondiale et de l’Onu. Pourtant, l’inégalité s’agrandit. « Le visage de la pauvreté est une femme, un pêcheur, ceux qui ont plus d’enfants », décrit Yuvan Beejadhur.

Pour lui, l’économie bleue n’est pas un secteur nouveau. Il faut se rappeler de la route des épices, de la piraterie… Ils ont contribué à l’économie et à quelques uns. « Francis Vallat est trop humble pour le dire mais c’est lui a donné la définition : le futur de la Terre, c’est la Mer. C’est une définition magique. D’ailleurs, 60 % des activités économiques sont aujourd’hui sur le littoral.

Yuvan Beejadhur estime que, trop souvent, l’Afrique a fait des erreurs. Les Africains ont pris l’exemple des pays développés. Les organisations internationales, aussi, appliquent quelque chose qui n’est pas adapté. « J’espère que l’Afrique va mieux se développer. »

« Ce que j’essaie de dire, c’est que l’Afrique grandit très vite », poursuit Yuvan Beejadhur. D’abord, il y a tout un contexte à gagner en Afrique, au niveau des infrastructures, de la finance. « Mais il faut le faire bien. A la Banque mondiale, on a travaillé sur un modèle économique pour faire des projections pour le futur. Nous ne considérons plus que le shipping fasse partie de l’économie bleue, car il détruit la valeur naturelle, le capital naturel. Pour le moment, en tout cas. »

Il insiste sur le fait qu’il doit y avoir plus de recherche et développement. Qu’il faut aller de l’industrialisation à l’innovation. Et que le secteur privé en Afrique est souvent encore trop petit, qu’il est compliqué d’ouvrir une entreprise, que l’économie doit se diversifier.

En conclusion, Yuvan Beejadhur rappelle que, l’an dernier, Maurice a organisé avec le soutien de la France une conférence ministérielle de la Cop22. Il y avait les ministres des finances, de l’énergie, de la pêche. « Le changement climatique affectera l’Afrique bien plus qu’ailleurs », rappelle-t-il.

Francis Vallat tient à reprendre la parole, suite à l’intervention de M. Serge Ségura, « pour préciser deux ou trois choses. » « La religion du cluster est bien le développement durable. Cela suppose de vérifier que chaque entité qui veut adhérer est propre », indique-t-il.

« Et je tiens à vous dire une bonne nouvelle. Nous avons un groupe de travail sur le deep sea mining. Le groupe a décidé que les industriels n’investiraient pas s’il n’y a pas de preuve du non impact de leurs activités. C’est leur intérêt car ils investissent des millions. Mais il y a aussi de l’éthique, car la conversion des jeunes générations au développement durable est réelle. »

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Francis Vallat réagit aussi à l’intervention de Yuvan Beejadhur. « La décision de la Banque mondiale de sortir le shipping de l’économie bleue est aberrante. Tout le monde sait ici que 90 % du transport se fait par voie maritime. Et heureusement, car c’est de très loin le transport le moins polluant. Même s’il faut changer les moyens de propulsion », assure Francis Vallat.

C’est au tour de Mohamed Benyahia, directeur de la communication, du partenariat et de la coopération au secrétariat d’État au développement durable, d’intervenir. Il va faire un éclairage sur les cadres de coopération régionaux et sous-régionaux pour l’environnement marin.

Mohamed Benyahia rappelle que la communauté internationale a pris conscience de l’importance des océans. « J’en veux pour preuve le document « L’avenir que nous voulons », à Rio en 2012. Il fait 21 paragraphes, dont 4 ou 5 pour le climat. Il y a également l’Agenda du développement durable, avec les ODD, dont le numéro 14 évoque l’océan », liste-t-il.

Cela encadre, à tous points de vue, l’économie bleue ou l’économie tout court, mais également par rapport à la biodiversité ou la contribution au climat. « Presque tout le monde a oublié que l’océan est régulateur du climat, rappelle Mohamed Benyahia. L’océan est à la fois une pompe à chaleur et une pompe à CO2. » La convention cadre du changement climatique a d’ailleurs demandé au Giec de produire un rapport spécifique sur les océans en 2019, que tout le monde attend avec grand intérêt.

« Il y aura bientôt une grande conférence à New York, le 5 juin, pour la mise en œuvre de l’ODD 14 », indique Mohamed Benyahia. Elle est soutenue par la prochaine présidence de la Cop, Fidji. « Fidji a classé les Mers et océans comme une priorité, car ils sont très vulnérables à la montée des eaux. »

Mohamed Benyahia va se concentrer sur le cadre de coopération régionale. « Pour la Méditerranée et la coopération entre États riverains, nous avons le plus important », explique Mohamed Benyahia. Il s’appelait au départ plan d’action de la Méditerranée et se concentrait sur la dépollution, puis il a intégré le littoral. Tout de suite après, la convention de Barcelone a été signée. Elle a sept protocoles. Les États riverains de la Méditerranée se sont mis d’accord pour travailler ensemble et promouvoir le développement durable. « 30 ans après, il y a eu des évolutions, mais pas assez pour rendre la Méditerranée plus propre », juge Mohamed Benyahia.

L’Union pour la Méditerranée (UPM) est un cadre important, aussi, pour résoudre les problèmes. « C’est un laboratoire, et les pays riverains de la Méditerranée disent toujours que si nous réussissons la coopération en Méditerranée, cela servira au reste du monde », rapporte Mohamed Benyahia.

Le cadre pour l’Atlantique n’est pas aussi riche et développé que pour la Méditerranée. Il existe la convention d’Abidjan qui regroupe l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale, qui est opérationnelle. L’objectif réside dans l’économie maritime et la coordination entre États riverains. Il y a aussi la conférence, lancée à l’initiative du Maroc en 2009, des États africains de l’Atlantique. Elle est beaucoup plus globale, pas seulement économique, notamment avec un dialogue sur la sécurité.

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« Il y a énormément d’efforts à faire. La Cop 22 a tenté de contribuer à faire ce travail d’intégration, comme avec l’initiative Ceinture bleue présentée par Mme Benkhadra et M. Faraj. Elle est portée par le Maroc, avec plusieurs pays africains. La Commission européenne a apporté son soutien, la Banque africaine de développement aussi. Elle peut générer plus tard un véritable cadre de coopération pour l’économie bleue des pays africains. Elle vise à permettre que les océans soient un véritable moteur de développement pour l’Afrique, avec un souci d’équité sociale et de préservation de l’environnement. »

Brigitte Bornemann donne alors la parole au public de la salle. Régis Toussaint, un membre du cluster maritime français, intervient pour dire que Francis Vallat a « oublié » quelque chose : « Il faut un homme, une femme qui ait le charisme nécessaire pour porter le projet de cluster maritime. En France, nous en avons trouvé un », faisant référence à Francis Vallat.

Un participant demande à Francis Vallat pourquoi le cluster créé au Maroc n’a jamais fonctionné. « C’est une question piège », sourit Francis Vallat, qui explique qu’il avait été consulté pour cette création. « Il n’était pas forcément conforme aux recommandations et n’a pas vraiment décollé. Je vois les choses de loin, et avec les précautions d’usage, je pense que l’ambition était peut-être trop limitée. Le cluster doit être transversal, il faut que tout le monde travaille ensemble. Je n’ai pas l’impression que c’est cette démarche qui a été adoptée. Il y avait une bonne intention, c’étaient des professionnels honorables, reconnus, mais cela n’a pas fonctionné par défaut de transversalité », décrit Francis Vallat.

Un autre participant regrette l’état dans lequel se trouve le Maroc maritime, malgré l’adoption de très bonnes lois. Le professeur Loukili répond « en homme libre, en enseignant ». Il reconnaît que l’environnement marin du Maroc connaît de nombreuses agressions, comme évoqué par les intervenants. « Un de mes étudiants brillants, aujourd’hui enseignant à l’ISAM, parle de pollution tellurique. La pollution des navires est, elle, largement inférieure », décrit Miloud Loukili.

La loi est importante, mais elle ne suffit pas. Il faut la faire suivre de mesures concrètes. « C’est pourquoi nous avons proposé l’idée d’une alliance pour l’économie bleue. Celle-ci doit être durable, innovante, concertée, responsable », décrit le professeur. Il parle aussi de l’état de la marine marchande marocaine, évoqué par un étudiant plus tôt. « Elle est indigente. Il faudrait songer à un véritable ministère de la Mer. Je le dis en tant que professeur, ça n’engage que moi », plaide Miloud Loukili, qui conclut en lisant un poème d’Ahmed Chawki.

Brigitte Bornemann redonne la parole à chacun des intervenants pour terminer cet atelier. Elle commence par Mohamed Benyahia. Il assure que, vu de l’intérieur de l’administration, le Maroc a intégré les questions de développement durable sérieusement. Il plaide surtout pour une meilleure coordination entre les différents outils mis en place. Brigitte Bornemann lui demande son souhait pour la Cop 23. « La question du financement sera une priorité », répond-il. Il évoque aussi la maîtrise technologique pour que les pays s’adaptent et maîtrisent leurs émissions.

Yuvan Beejadhur estime lui que, vu de l’extérieur, le Maroc a tout ce qu’il faut pour développer une économie riche de la Mer. « Vous êtes un exemple sur l’économie verte, et il n’y a pas d’économie bleue sans économie verte. » Il estime que Mehdi Alaoui Mdaghri et le Forum de la Mer peuvent jouer le rôle d’intégrateur.

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Mehdi Alaoui Mdaghri lui répond que c’est toute l’équipe du Forum qui joue ce rôle. « Nous allons mettre en place le commando pour créer le cluster maritime marocain, car tous les acteurs sont présents ici. Le cluster déjà créé est en train d’être redynamisé. »

Serge Ségura plaide, de son côté, pour que les textes internationaux soient appliquées. « Il y a pas mal de poésie dans ces textes, et ils sont plein d’enthousiasme », assure-t-il. Francis Vallat, lui, espère voir la création de ce cluster maritime marocain. Il constate aussi que « le terrorisme intellectuel a changé de camp, et les acteurs de la Mer qui prennent la parole parlent de développement durable. Même s’il y a de l’hypocrisie, ce n’est pas grave. » M’balia Sangaré voudrait voir les engagements internationaux appliqués en droit interne.

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ÉRAli IONS ENTRE LES

S D'UN EXPERT

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ATELIER 3 POUR UNE CROISSANCE BLEUE RESPONSABLE

« La responsabilité Sociétale et Environnementale des entreprises bleues »

Hôtel Pullman Royal Golf & Spa 5 mai 2017

Brigitte Bornemann, la présidente de B-Bornemann Conseil, est la première à intervenir pour cette deuxième journée de débats. Elle va faire un éclairage sur les coûts et bénéfices d’une démarche RSE pour les entreprises bleues. « Les bonnes pratiques passent par la réalisation des 17 objectifs de développement durable (ODD) adoptés en 2015 juste avant la Cop 21 », décrit Brigitte Bornemann.

Elle poursuit en mettant en avant l’approche de l’économie circulaire. « La gestion de la ressource est fondamentale. Notamment, comment exploiter les ressources, les matières premières, et avec qui ? », se demande Brigitte Bornemann.

Elle évoque ensuite l’approche écosystémique de l’énergie. « Dans le domaine de l’économie des énergies renouvelables, c’est très bien maîtrisé », explique Brigitte Bornemann. C’est un secteur en plein développement au Maroc.

Elle aborde ensuite le cœur de son intervention, le rôle de l’entreprise bleue. « Il doit être envisagé au sein de l’économie mondiale. La valeur d’une entreprise est lorsqu’elle donne du travail à l’Homme, car sans homme il n’y a pas d’entreprise », juge-t-elle. La RSE passe aussi par la responsabilisation des fournisseurs.

Il existe toute une chaîne de valeurs éthique à mettre en place dans l’exploitation des ressources. L’entreprise doit gagner de l’argent, mais les salariés doivent être intégrés dans ce système économique. Brigitte Bornemann évoque aussi la nécessaire protection des populations et l’exploitation durable des ressources.

Brigitte Bornemann invite Serge Ségura, ambassadeur de France chargé des océans, pour raconter un cas intéressant de RSE. « J’en ai parlé à Brigitte hier et elle a voulu que j’en parle, explique Serge Ségura. C’est un bon exemple de ce qu’on peut faire avec de l’imagination et un peu de cœur. »

Le diplomate rappelle avant que la RSE est inscrite dans la loi française. « Il existe deux grands systèmes : le système latin, dont la France, où l’on intervient par la loi et le système anglo-saxon où l’on fait confiance aux entreprises, comme au Canada où ils sont en avance », décrit-il.

« J’étais récemment ambassadeur dans un pays africain avec un grand littoral. Une PME qui venait de l’île de la Réunion s’est installée dans le pays. Elle travaillait dans l’aquaculture de crevettes de qualité. Sans trop le savoir, les dirigeants de l’entreprise faisaient de la RSE. Ils ont eu l’idée de passer une sorte de contrat avec l’université de ce pays, qui avait un laboratoire de biologie marine, pour faire de la recherche. Cela demande de la formation, un sacrifice financier, et ils auraient pu

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faire venir un biologiste français, mais ils ont préféré cette autre solution. Et, dans la région, c’est vu comme un apport. »

Ceux qui ont quitté l’entreprise avaient du mal à trouver un emploi alors l’entreprise a cédé l’usage d’une partie de ses bassins sur un terrain qu’elle n’utilisait pas. La municipalité a dit qu’elle était d’accord. « Une quinzaine d’ex-employés élèvent des crevettes à leur propre compte et l’entreprise se charge du suivi qualité pour pouvoir exporter les produits vers l’UE, décrit Serge Ségura. Il fallait avoir des idées, un peu de cœur, et s’ouvrir sur la région dans laquelle on travaille. »

L’ambassadeur déplore aussi que des entreprises plus grandes disent faire de la RSE alors que ce n’est pas le cas. « Une société minière, de charbon, qui n’est pas française, avait fait visiter une soi-disant école et un hôpital. Lorsque nous avons demandé où étaient les médecins, les enseignants, etc. ils nous ont rétorqué que c’était au gouvernement local des les fournir… C’est de la fausse RSE », se souvient Serge Ségura.

Brigitte Bornemann reprend la parole pour parler de l’engagement de son entreprise. « On ne peut pas parler RSE sans s’engager soi-même », juge-t-elle. Sa société a accompagné des jeunes en lycée professionnel, les a formés, et ils ont réalisé une simulation d’hydrolienne en 3D. « Nous avons présenté ce document en vidéo et le ministre Michel Sapin les a rencontrés et félicités », raconte Brigitte Bornemann.

L’entreprise a aussi créé, en partenariat avec le Forum de la Mer, le site « Le climat change, et nous ». Il met en valeur des exemples, malheureusement insuffisants, sur ce qu’est la RSE dans l’économie bleue.

La modératrice Radia Cheikh Lahlou, directrice générale de Déclic, précise que la responsabilité économique doit s’équilibrer avec la RSE. Elle donne la parole à Mounir El Farissi, directeur en charge du développement durable de la société de développement de Saïdia. Il va présenter les défis environnementaux de l’aménagement de la station de Saïdia.

La société de développement de Saïdia est une filiale du groupe CDG. « Elle a toujours placé la préoccupation environnementale au centre de ses préoccupations », assure Mounir El Farissi. Il commence par présenter la station de Saïdia, qui se trouve au Nord-Est du pays à la frontière avec l’Algérie. La station fait 700 ha, « elle fait partie des plus grandes stations du plan Azur, possède un sable fin et doré, et une des plus grandes marinas de la Méditerranée, décrit Mounir El Farissi. Elle possède un Aquapark, un golf de 18 trous, un autre en cours de réalisation. Il y a 1500 chambres d’hôtel en exploitation, avec trois nouvelles unités touristiques. »

Près de l’embouchure de la Moulouya, il existe un site Ramsar, avec 3000 ha de faune et de flore. Il y a des échanges avec la station puisqu’on a remarqué des flamants roses qui se baladaient à l’intérieur de celle-ci. « Il fallait mettre un terme à la conception de départ, qui était une logique bétonnée », rappelle Mounir El Farissi, qui en profite pour projeter quelques images.

La marina fait 26 ha, c’est le troisième port de plaisance de la Méditerranée. « Il y a des ateliers techniques de 4000 m², et 850 anneaux équipés, explique Mounir El Farissi. L’offre tend de plus en plus vers un positionnement sportif. Nous déployons des efforts de mise à niveau des infrastructures pour qu’il y ait une meilleure qualité de service. » Mounir El Farissi explique que la station se dirige vers plus de mobilité douce

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Il présente les défis que va rencontrer la station. Il faut préserver son littoral. Il existe une zone forestière mitoyenne de la corniche, qui donne directement sur la Mer. « Nous y accordons une attention particulière car beaucoup de déchets sont issus de la station et nous essayons de trouver des solutions. Nous tentons d’aménager ces zones », indique Mounir El Farissi. Ils tentent de ne pas apporter d’espèces étrangères au site et de conserver la flore endémique.

La société réalise un deuxième golf, « très sauvage », où des canards ont été aperçus. Elle organise la sensibilisation auprès des pratiquants du nautisme. Dans le cadre du label Pavillon bleu, obtenu en 2013 pour une partie des plages, la station mobilise les associations écologiques locales. « Nous voulons faire adhérer tous les acteurs à notre démarque HQE », explique Mounir El Farissi.

Il relève que la station a reçu le trophée littoral durable Lalla Hasnaa pour son opération consistant à fixer les dunes pour empêcher le sable d’aller vers le bassin 3 et éviter les dragages supplémentaires dans la marina. « Depuis 2012, nous avons mené des actions assez lourdes, par exemple le changement du réseau des eaux usées, le traitement paysager, le dragage des marinas qui avaient été retrouvées dans un état critique », décrit Mounir El Farissi. La société organise des actions de sensibilisation pour les enfants. Grâce à un diaporama, Mounir El Farissi présente toutes les actions en cours et à venir sur la station : aménagement, construction, labels Pavillon bleu pour le reste des plages, etc.

L’intervenant suivant est Hassan Taleb, responsable du programme plages propres de la Fondation Mohammed VI, qui vient présenter les actions de la Fondation. Celle-ci a été créée en 2001 par Sa Majesté, qui en a donné la présidence à Lalla Hasnaa. Elle a pour objectif de sensibiliser d’éduquer à l’environnement.

Lalla Hasnaa avait d’abord été chargée par Hassan II de lancer des opérations de nettoyage des plages. Alors que les problématiques d’environnement ont évolué depuis, Lalla Hasnaa a élargi sa mission à la promotion du développement durable, au travers de la fondation.

« Nous avons six principes d’action : coconstruction, valeur ajoutée, efficacité, proactivité, engagement, indépendance », liste Hassan Taleb. Il estime que la fondation a toujours joué le rôle d’éclaireur. « Nous avons notamment été les premiers à nous intéresser à la problématique de la propreté des plages. »

La fondation a 130 partenaires nationaux et 27 partenaires internationaux. Hassan Taleb projette une présentation montrant les différents programmes de la fondation. Il décrit les engagements de Lalla Hasnaa aux niveaux national et international, notamment dans la Cop.

« Nous faisons un travail de longue haleine, qui fédère les différents acteurs », décrit Hassan Taleb. A propos du programme de sauvegarde du littoral, la fondation est présente sur 99 plages sur 150 plages surveillées au Maroc. « Nous avons labellisé 22 plages Pavillon Bleu en 2016 », relève Hassan Taleb.

Cette dernière intervention permet à Radia Cheikh Lahlou de donner la parole au public. Un homme se lève dans l’assistance. Il se présente comme un natif d’El Jadida.

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« Les habitants de cette ville, nous avons une relation très forte avec la Mer. Nous constatons une dégradation du littoral. Je fais de la plongée et, auparavant, nous voyions la verdure, les algues. Maintenant, quand on plonge, on ne voit que du sable. Pourquoi ? Car le littoral est menacé. Dans les années 1970, nous avions les ormeaux, un coquillage. Il a totalement disparu à cause de la surexploitation. Ces dernières années, nous avons vu aussi les oursins disparaître. Quand nous étions petits, nous jouions avec les concombres de Mer comme avec des pistolets à eau. Aujourd’hui, nous n’en trouvons plus. Est-ce qu’on ne peut pas, au Forum de la Mer, faire des propositions à notre gouvernement ? »

Après ce témoignage émouvant, Mehdi Alaoui Mdaghri remercie cet habitant d’être intervenu. « Je suis heureux que des gens d’El Jadida participent, viennent au Forum. Moi aussi je jouais avec le concombre quand j’étais petit. El Jadida a cette histoire maritime, et les Jdidis sont des marins dans l’âme. Ils doivent redécouvrir leur littoral, comme tous les Marocains », plaide le cofondateur du Forum.

Mounir El Farissi souhaite ajouter quelques éléments à son intervention. Il estime qu’il est important d’impliquer les associations écologiques dans les opérations, dès le départ. « A Saïdia, nous avons des associations passionnées, composées de vrais chercheurs, qui connaissent très bien la faune et la flore. Ils apportent des idées nouvelles à chaque fois. », assure Mounir El Farissi. Il explique qu’ils sont souvent les seuls à pouvoir raconter comment était le lieu auparavant, que c’était bétonné.

A une question de Patricia Ricard sur l’eau nécessaire pour arroser le golf, Mounir El Farissi répond que des projets existent pour ne pas utiliser l’eau potable, comme aujourd’hui. À terme, le golf devrait utiliser les eaux usées de la station d’épuration.

Mounir El Farissi assure que l’objectif de la société est de réconcilier le site avec sa nature originelle, avec son histoire. Aussi, il fait en sorte d’impliquer les artisans locaux pour qu’ils se sentent proches de ce projet.

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yµ e:JL.dl �U\ J �½fl ? _,JI �\ Office National de !'Electricité et de l'Eau Potable

Station de Traitement des Eaux de Bouregreg - Rabat Parc Eolien de Tanger

Acteur de référence pour le développement durable au Maroc

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GRAND TEMOIN KITÍN MUÑOZ

Hôtel Pullman Royal Golf & Spa 5 mai 2017

Le second grand témoin de ce Forum de la Mer est un invité prestigieux. Le navigateur, explorateur, scientifique espagnol Kitín Muñoz vient délivrer aux participants son expérience exceptionnelle, en partie ancrée au Maroc.

Kitín Muñoz se qualifie d’explorateur maritime de l’histoire de la navigation, notamment préhistorique. Il débute par une annonce exceptionnelle : l’un de ses contacts vient de lui annoncer qu’on aurait retrouvé l’ancre du bateau de Christophe Colomb. « Je voulais commencer en partageant cette nouvelle avec vous », se réjouit-il.

« Ma découverte de la Mer s’est faite ici, au Maroc, car j’ai eu la chance de naître à Sidi Ifni. Tout petit, j’ai découvert l’océan. Le grand océan : l’Atlantique », se souvient l’explorateur. Depuis, il a exploré tous les océans de la planète mais s’est spécialisé sur l’océan Pacifique.

Kitín Muñoz pratique l’archéologie expérimentale maritime. « On construit un bateau avec le même système qu’à l’époque, sans outils modernes », décrit-il. La navigation telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui a débuté il y a presque 5000 ans, en Égypte, avec une voile. « Donc la première navigation, c’est le bateau en roseaux. C’était facile : il suffisait de prendre quelque chose qui flotte et l’utiliser », explique Kitín Muñoz.

L’explorateur a construit un bateau en roseaux pour traverser le Pacifique. « Je voulais notamment prouver qu’avant Christophe Colomb, des navigateurs avaient découvert l’Amérique. Je veux défendre les peuples autochtones et prouver qu’ils ont été à l’origine de la navigation », précise-t-il. Kitín Muñoz diffuse un film montrant la navigation avec son bateau.

« J’ai souvent entendu dire que le Maroc avait tourné le dos à la Mer. C’est faux, ce pays a apporté beaucoup à la navigation. Quand Thor Heyerdahl a fait le bateau de Râ au Maroc, il n’a pas fait un bateau égyptien au Maroc, il a profité de ce qui existait déjà ici. »

Kitín Muñoz décrit sa navigation dans le Pacifique, le temps que lui ont pris chacune des étapes. Il a notamment fait une longue escale sur l’île de Pâques. « Le bateau en roseaux est l’exemple le plus important d’un bateau écologique. Je l’appelle une île flottante qui navigue. Il est fait de roseaux, de cordes qui sont des fibres naturelles, de bambous. Les voiles sont du tissu de coton. Il n’y a pas un élément qui ne puisse se mêler plus à notre nature que le bateau en roseaux. Avec ça, j’essaie de montrer que les populations autochtones ont beaucoup à nous apprendre », explique-t-il. L’explorateur considère qu’il est un « indigène espagnol ».

Pour lui, l’île de Pâques est un exemple d’environnement durable : elle fait seulement 26 kms sur 7 kms. Il projette une vidéo montrant les bateaux en roseaux sur l’île. Il raconte avoir vu, une nuit, une femme se diriger vers la Mer. « J’ai demandé aux gens de mon bivouac ce qu’elle faisait. Cette femme est venue pour accoucher son enfant

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dans l’océan. Elle est entrée dans la Mer, elle a dit une chose en polynésien, et son enfant est né dans l’océan. C’est un enfant de la Mer », se souvient-il.

Il faut toujours écouter le peuple qui habite. « Pour connaître la nature du Maroc, il faut écouter les gens qui habitent au Maroc », explique-t-il.

« Quand je suis arrivé au Pérou en 1987, je suis allé sur la Mer intérieure la plus haute de notre planète : Titicaca. Sur une île, j’ai trouvé les indigènes Aimara. Ils sont des marins de Mer intérieure. J’y ai trouvé un désastre. Ils me disaient : « Notre parent, notre grand-parent nous parle de bateaux en roseaux. Nous, nous sommes modernes, nous voulons un bateau en plastique ». Quand je leur ai dit que j’avais un bateaux en roseaux, ils étaient étonnés. Je leur ai dit : votre culture, c’est le bateau en roseaux, regardez votre lac. »

Son équipe a conquis le cœur de la jeunesse du lac Titicaca. « Nous faisions la une des journaux », se rappelle-t-il.

Kitín Muñoz est retourné aux sources de la navigation : en Sardaigne, en Sicile, à Chypre, en Corse, en Égypte, en Mésopotamie, eu Maroc. « Je crois en l’école diffusionniste. Ce n’est pas Christophe Colomb qui a donné les clefs des océans, c’était bien avant. L’Homme a toujours été avide de découverte. Ce ne sont pas seulement les Européens, les Espagnols, et pourtant je suis fier de l’exploration espagnole », précise-t-il.

Il raconte que la première rencontre des Espagnols avec les Incas, c’était en Mer. « Les Espagnols étaient surpris de la rencontre. Le bateau de Pizarro naviguait vers le Sud. Ils ont trouvé un radeau qui était en Mer depuis trois mois pour pêcher, longer la côte. Ils n’y croyaient pas, les Incas avaient une capacité de navigation extraordinaire », décrit-il.

« Vous savez tous que le voyage d’un Européen dans l’océan Atlantique ou l’océan Pacifique est appelé « la Mer ténébreuse ». Au contraire, pour le peuple autochtone, l’océan est le jardin de son île. Ils partagent la Mer. Le bateau en roseaux commence par ramener des algues. Puis des poissons viennent manger les algues, puis les petits poissons amènent les gros. J’avais un supermarché sous mon bateau ! »

Kitín Muñoz raconte qu’en naviguant à trois nœuds, il voit la Mer de manière différente. « On peut tomber dans l’eau, remonter, regarder... », raconte-t-il. Il a découvert, de cette manière, toute la côte marocaine à partir de Tanger. « Je remercie l’honneur que m’a fait Sa Majesté Mohammed VI pour l’honneur qu’il m’a fait. Quand il a connu mon expédition, il a voulu que je vienne. Il a dit qu’il voulait que le détroit de Gibraltar devait unir les cultures et non les séparer », conclut l’explorateur.

Mehdi Alaoui Mdaghri prend le micro pour remercier Kitín Muñoz, « un très bel ambassadeur de la Mer ». Kitín Muñoz lui lance que « le Maroc n’est pas un pays qui tourne le dos à la Mer, il lui fait face ».

Le professeur Miloud Loukili veut saluer « l’amiral » Kitín Muñoz. « Nous assistons à un événement historique, commente-t-il. Nous venons de renouer avec l’idée que le Maroc n’a jamais tourné le dos à la Mer. » Le juriste poursuit en évoquant les explorations de Thor Heyerdahl et El Haff El Madani, qui ont montré que le voyage vers l’Amérique était

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possible. Répondant à une proposition de Miloud Loukili, Mehdi Alaoui Mdaghri confirme qu’il y aura un hommage à Thor Heyerdahl lors de la prochaine édition du Forum.

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ATELIER 4 POUR UNE CROISSANCE BLEUE INNOVANTE

« La Mer, source d’innovation »

Hôtel Pullman Royal Golf & Spa 5 mai 2017

Patricia Ricard, présidente de l’institut océanographique Paul Ricard, est chargée de modérer l’atelier qui va débuter. « L’innovation est dans le cœur des hommes, elle est guidée par nos rêves, nos volontés, nos désirs. Il faut mettre les défis d’aujourd’hui, l’explosion démographique, le changement climatique, la dégradation de l’environnement, au cœur de l’exploration », commence-t-elle.

Elle insiste sur la nécessité de préparer un monde meilleur grâce à la connaissance. « Nous vivons tous entourés de grands champions de l’environnement, ce sont les organismes vivants. La vie est la championne absolue de la durabilité. Elle fabrique à température ambiante, à pression constante, elle utilise les matériaux qu’elle trouve pour fabriquer ce dont elle a besoin. Elle crée sans détruire », relève-t-elle.

Elle donne la parole à Samira Ettahiri, directrice du laboratoire Biomar de l’université Chouaïb Doukkali, qui va présenter les algues marines au Maroc et la recherche de nouvelles voies de valorisation pour une meilleure exploitation.

La chercheuse rappelle que le Maroc possède 3500 kms de côte, « avec des conditions favorables aux algues marines », précise-t-elle. 489 espèces sont répertoriées, ce qui représente 1/3 du nombre total dans le monde. « Je suis native de Fès, mais j’ai la chance d’avoir été adoptée par El Jadida, avec ses 40 kms de façade maritime, ses conditions géographiques favorables, qui est un des sites les plus riches du littoral marocain », raconte-t-elle.

Le Maroc produit 14000 tonnes d’algues rouges, dont 40 % sont exportées. « L’espèce Gelidium sesquipedale représente à elle seule 90 % de la récolte. Elle est connue car elle permet l’extraction de l’agar-agar. Le Maroc est au troisième rang des producteurs », indique Samira Ettahiri.

La chercheuse remarque que le secteur est menacé par la surexploitation et la collecte irrationnelle de certaines espèces. C’est pour cela qu’il faut amplifier la recherche pour assurer sa durabilité. « De nouvelles filières doivent permettre de prendre en considération la dimension environnementale, la dimension sociale et bien sûr la dimension économique pour que le secteur se développe », argumente-t-elle.

Dans cette optique, trois voies de valorisation sont envisagées : la pharmacologie, la cosmétique et l’agriculture. L’étude des algues pour la pharmacologie est assez récente puisqu’elle date de la deuxième partie du XXe siècle. « Au contraire des plantes terrestres, aucune tradition orale , aucune pharmacopée traditionnelle n’existait. Il y a une extraordinaire diversité pourtant », explique-t-elle. Samira Ettahiri raconte le travail de recherche qui a permis de trouver plusieurs nouvelles molécules et la fabrication de nouveaux produits pharmaceutiques. Le laboratoire s’attelle désormais aussi à trouver des applications dans le domaine agricole.

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L’intervenant suivant est Frank Zal, cofondateur et directeur général de Hemarina, qui a identifié une hémoglobine universelle grâce à un ver marin. « J’ai toujours été intéressé par la biologie marine, se souvient-il. Après avoir obtenu un diplôme de l’université Paris 6 et travaillé à la station maritime de Roscoff, j’ai essayé de m’intéresser à l’adaptation des organismes à leur environnement. L’environnement qui a attiré mon attention, c’est la plage. C’est extrême car les organismes sont soumis au rythme de la marée, aux changements de température, à l’eau douce et à l’eau salée. Et je me suis concentré sur la physiologie d’un ver marin », décrit-il.

Le chercheur explique à la salle qu’il faut 100 millions de litres de sang chaque année pour répondre aux besoins mondiaux. « 95 % des Français savent que donner du sang sauve des vies, mais seulement 5 % le font, explique-t-il. Nous avons donc besoin de plus de sang, notamment parce que la population vieillit. Et j’ai trouvé une partie de la solution en me baladant sur les plages de Bretagne. » Frank Zal montre des photos des traces que laissent les vers auxquels ils s’intéressent : des sortes de tortillons sur le sable. Dessous, il y a ce ver, l’arénicole.

« Ces arénicoles sont intéressants car ils sont là depuis 450 millions d’années et ils vivent au rythme des marées. Pour un biologiste, il est important de comprendre comment cet organisme peut être encore là. J’ai essayé de comprendre comment il respire entre la marée haute et la marée basse. Ce travail a pris une vingtaine d’années et je me suis concentré sur leur hémoglobine. »

Frank Zal explique qu’il a trouvé, dans ce ver, l’ancêtre des globules rouges. « Les médecins nous ont dit qu’ils cherchaient ce substitut depuis plus de 40 ans », raconte-t-il. Il a quitté le CNRS en 2007 et créé Hemarina, qui emploie aujourd’hui 40 personnes à Boston, Paris et Noirmoutier. L’entreprise élève maintenant les vers en aquaculture.

« Nous avons fait plusieurs produits, notamment des pansements pour plaies difficilement cicatrisables. Cela peut servir aux diabétiques, qui ont souvent des plaies aux pieds. Il y a une amputation toutes les 30 secondes dans la monde à cause de cette pathologie », décrit Frank Zal. L’entreprise a aussi développé une solution pour donner de l’oxygène aux organes en attente d’être greffés, qui sera disponible en clinique en 2018.

Enfin, les équipes du chercheur travaillent sur une solution pour les transfusions sanguines qui permet d’avoir du sang en poudre. « Avec la molécule de l’arénicole, on est capables d’amener du sang en poudre sur des accidents. Nous travaillons avec l’armée américaine, qui souhaite pouvoir amener ce produit sur les champs de bataille », explique Frank Zal.

Patricia Ricard qualifie ces avancées de « grands pas en avant pour la santé ». Cela lui permet d’évoquer un thème qui lui est cher : le biomimétisme. « Cela consiste à s’inspirer de la nature pour innover durablement. La règle est, lorsqu’on a un problème, de trouver le même dans la nature et de s’inspirer de la solution », décrit-elle.

Le prochaine intervenant est Hicham El Arroussi, manager du projet recherche et développement de Mascir, qui va évoquer le développement de biocarburants à partir de microalgues marines avec le cas du Maroc.

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« Le phytoplancton est à l’origine de 50 % de l’oxygène que nous respirons et permet de retenir le CO2. Il faut remercier ces micro-organismes », commence Hicham El Arroussi. Ce dernier présente Mascir, qui est une institution à but non lucratif créée sur fonds publics en 2007, avec un objectif de recherche scientifique et technologique.

Le travail sur les microalgues a débuté en 2010. « L’objectif est la création d’une première collection marocaine de microalgues marocaines. Nous avons mis en place plusieurs axes de recherche, dont les biocarburants », décrit Hicham El Arroussi. Le projet a attiré l’attention de scientifiques et industriels ces dernières années.

Avec l’augmentation de la population mondiale, la demande d’énergie augmente alors que les ressources fossiles diminuent et que les gaz à effet de serre provoquent des dégâts environnementaux. « L’histoire des biocarburants a commencé en 1906 quand Henry Ford a dit qu’il y avait de l’essence dans toute matière végétale fermentée. La recherche des carburants alternatifs a débuté à ce moment-là », raconte Hicham El Arroussi. Rudolf Diesel a réussi à faire tourner des machines avec de l’huile d’arachides et en a conclu qu’il était possible d’utiliser les huiles végétales.

Le biocarburant de première génération est l’agrocarburant lié aux plantes alimentaires, qui ont besoin de beaucoup d’espace, de beaucoup d’eau. La deuxième génération est basée sur des plantes non alimentaires, mais a les mêmes limites. La troisième génération est surtout basée sur les microalgues, elle n’entre donc pas en compétition avec l’alimentaire. Les microalgues n’ont pas besoin de beaucoup de choses et leur productivité est énorme.

« Pourquoi le faire au Maroc ? », demande Hicham El Arroussi. Le chercheur liste les conditions qui, au Maroc, rendent la culture de microalgues aisée, notamment le climat idéal.

Patricia Ricard pose une série de questions au chercheur sur la faisabilité de cette culture au Maroc. Hicham El Arroussi précise qu’elle ne coûte pas cher, que la récolte se fait en continu. Aussi, il évoque la bioséquestration du CO2 que Mascir a lancée.

La dernière intervenante de l’atelier est Hakima Bendriouich, chef du service normalisation et méthodes de l’ONEE, qui va évoquer la production de biogaz à partir des stations d’épuration. Elle commence par évoquer le plan national d’assainissement adopté en 2005, qui a permis à l’ONEE d’investir 43 milliards de dirhams à l’horizon 2020.

Il y a désormais 93 stations d’épuration au Maroc. Hakima Bendriouich décrit les différents procédés mis en place dans les stations, améliorés au fil des ans pour réduire la quantité de boues obtenues. L’ONEE a notamment mis en place la digestion anaérobie, qui a permis de réduire de 40 % la quantité des boues à traiter et élimine les nuisances olfactives.

Hakima Bendriouich évoque aussi le potentiel de production de biogaz dans les stations. L’ONEE a d’ailleurs un projet dans le sud du Maroc de cogénération de biogaz dans une station d’épuration. 3 millions de kw/h pourraient être générés chaque année.

Patricia Ricard constate que c’est une énergie renouvelable intéressante, car elle provient de nos déchets. « Dans la nature, un déchet qui ne sert à rien n’existe pas.

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C’est une invention humaine. Le déchet dans la nature rentre toujours dans un cycle », explique-t-elle.

Pour elle, « la nature nous apprend notre plus grand défi : apprendre à vivre sans déchet, sans pollution. A être dans un écosystème, qui pourrait être la ville par exemple. »

Elle insiste sur la nécessité de protéger le littoral. « C’est la nursery des poissons. Elle est très fragile, et pourtant nous y mettons nos déchets, nous y jetons nos ancres. Comme poubelle, nous avons choisi la nursery de la vie. Il faut en être conscient », insiste Patricia Ricard. Il faut se souvenir que toutes les activités humaines ont un impact sur l’océan. « L’océan est notre mémoire. Il est aussi notre futur, et notre miroir », juge-t-elle.

Patricia Ricard décrit les actions de l’institut océanographique Paul Ricard, et projette un film de présentation.

A une question du public, Frank Zal précise que l’arénicole vit entre la Mer du Nord et Biarritz. « Au Maroc, je pense que les côtes sont trop chaudes pour avoir cette espèce. Mais rien n’empêche de faire de la culture en intérieur », indique-t-il.

Patricia Ricard lui demande si d’autres espèces marines ont donné des grandes découvertes. « Les espèces marines sont un réservoir d’innovation. Ce sont des bibliothèques. Par exemple, les sélaciens ne développent pas de cancers. Ou encore, on utilise les vers marins pour faire de la glue chirurgicale », explique Frank Zal.

Mehdi Alaoui Mdaghri conclut cet atelier en remerciant les participants de leurs interventions et emprunte un mot d’Idriss Aberkane qui l’a lui-même emprunté à Schopenauer : quand une grande idée apparaît, les gens disent qu’elle est ridicule. Puis, lorsque les intérêts se constituent, ils disent qu’elle est dangereuse. Et enfin, ils disent qu’elle est évidente ! « C’est ce qui s’est passé pour les algues, pour le biomimétisme, pour le biogaz », lance-t-il.

Le cofondateur du Forum évoque le travail de Janine Benyus, l’une des fondatrices du biomimétisme. « C’est un mouvement de fonds, assure-t-il. On s’intéresse à ce qui se passe dans la nature, et on donne des moyens à la recherche et développement. » Il estime que l’Homme doit retrouver sa place dans l’écosystème général « de cette planète mal nommée qui devrait s’appeler la Mer. »

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CONFERENCE 1 LA MER EST SUR TERRE

Hôtel Pullman Mazagan 4 mai 2017

Philippe Vallette, le directeur du centre Nausicaa se charge des présentations pour cette première conférence grand public du Forum de la Mer, qui va faire voyager nos sens au plus profond des océans. A ses côtés se tiennent Michel Redolfi, compositeur, designer sonore, qui explorer les sons notamment aquatique, et Mathieu Pradinaud, producteur et réalisateur.

Nausicaa est le centre national de la Mer, en France, situé à Boulogne-sur-Mer, dans le Nord de la France. « Le métier de Nausicaa, c’est sensibiliser le public à une meilleure gestion des océans », décrit Philippe Vallette. 60 000 personnes visitent le centre chaque année. « Nous tentons d’expliquer au public que les océans sont importants et que pour en tirer le meilleur bénéfice, il faut les préserver », explique Philippe Vallette.

Un film de la Sea for Society doit être diffusé, réalisé avec 28 partenaires européens. « Il présente la blue society, décrit Philippe Vallette. Il s’agit de l’économie bleue, mais appropriée par les citoyens. Il est en effet absolument nécessaire que les gens s’approprient l’économie bleue, qu’ils consomment. » Un problème de son empêche la diffusion, reportée à plus tard !

Nadia Lamarkbi, qui modère la conférence, donne la parole à Mathieu Pradinaud, qui va donner quelques chiffres parlants sur l’océan. « Ils permettent de garder en tête que la Terre dépend de la Mer, décrit Mathieu Pradinaud. J’ai choisi ceux qui me semblent les plus percutants. Je commencerais par vous dire que 90 millions de tonnes de poissons et crustacés sortent chaque année des océans. » Un chiffre vertigineux, qui fait réagir Philippe Vallette : « Et encore, c’est le chiffre déclaré !, relève Philippe Vallette. On estime qu’il y a 30 % de pêche illégale, non comptée. Ce qui représente donc environ 30 millions de tonnes en plus... »

Cette pêche permet de nourrir un nombre incommensurable d’humains, relève Mathieu Pradinaud. Ces dernières années, l’évolution de l’aquaculture a permis d’atteindre 66 millions de tonnes de poissons élevés. Alors que plusieurs kilogrammes de poissons étaient nécessaires il y a quelques années pour nourrir ces poissons élevés, « on en est à 0,8 kilo par kilo de poisson élevé aujourd’hui sur les élevages de saumon », précise Philippe Vallette.

Mathieu Pradinaud poursuit en rappelant qu’on ne connaît que 10 % de la biodiversité marine aujourd’hui. « C’est rien ! Quand l’on sait que 70 % de la planète est composée d’eau autour de nos continents. Nous découvrons chaque jour de nouvelles espèces ». Cela veut dire qu’il y a un potentiel d’avancées technologiques, médicales formidables.

La découverte du plastique il y a 70 ans a changé le monde. « Mais il l’a aussi détruit, relève Mathieu Pradinaud. Sur toutes les plages où je vais dans le monde grâce à mon métier de réalisateur, je trouve du plastique. Même lorsqu’on plonge ! » Le cinéaste estime que l’aventure du siècle réside dans une approche différente en matière d’énergie. Énergies éolienne, hydrolienne, mais aussi énergie thermique des Mers.

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« Moi j’ai une idée fixe : il me semble qu’avec le phytoplancton élevé en milieu clos, nous pourrions régler le problème du changement climatique. Car le CO2 dans l’atmosphère pourrait être absorbé », ajoute Philippe Vallette. Mathieu Pradinaud précise que 50 % du CO2 est absorbé par le phytoplancton des océans.

Le film de la Sea for Society sur la blue society est diffusé. « Nous sommes encore dans la société de la révolution industrielle. Il faut réussir à réinventer notre monde et l’océan peut nous y aider », commente Philippe Vallette.

Mathieu Pradinaud a encore quelques chiffres surprenants. Comme le fait que 99 % des télécommunications passent par des câbles sous-marins. Le premier câble, qui traversait la Manche, a été installé en 1841. « Certains pays sont connectés par une cinquantaine de câbles, qui sont jumeaux où cas où il y aurait un dysfonctionnement », raconte Mathieu Pradinaud.

« La Terre est dépendante de la Mer en permanence. On se rend compte que cette immensité est très fragile. On peut se dire que tout peut être balancé dans l’océan et ce sera digéré, mais c’est faux. Tous nos océans représentent comme une feuille d’aluminium qui entourerait une orange. C’est peu d’eau, en fait. »

Philippe Vallette ajoute que l’on pourrait faire tenir toute l’eau des océans dans un cube de 1100 kms de côté. Les océans recouvrent les 3/4 de la planète, mais ils ont un volume très faible.

Nadia Lamarkbi assure la transition vers une présentation du centre Nausicaa par Philippe Vallette. « J’ai entendu dire qu’il y a un projet de Centre de la Mer à El Jadida, enchaîne-t-il. Et pour tenter de vous convaincre, je suis venu vous raconter l’histoire de notre centre. » Il est actuellement en travaux, à l’issue desquels le volume d’eau du centre sera multiplié par 4. Il deviendra le plus grand aquarium d’Europe. Et il aura aussi le plus grand bassin d’Europe, avec 10 000 m³. Les travaux devraient se terminer fin juin 2018.

Philippe Vallette lance un film présentant l’extension. « Il y aura deux thèmes. Le premier sur les hautes Mers, car c’est un des grands enjeux du XXIe siècle, avec notamment les discussions qui commencent sur leur gouvernance à l’Onu. Le deuxième thème sera le changement climatique, et l’on prendra les pôles comme témoins de ce changement. Il y aura toute une mise en scène, avec des morses. Nous travaillons par ailleurs avec les populations inuits, qui sont aux premières loges du changement climatique, pour voir comment ils s’adaptent », commente-t-il.

Il y aura un endroit où les visiteurs seront dans une projection à 360°, comme s’ils étaient au milieu de cachalots, pour les voir socialiser, etc. Michel Redolfi a fait le design sonore, qui est allé enregistrer les cachalots à Maurice.

« Nous nous sommes demandés comment faire habiter l’espace, car le son porte aussi l’émotion », lui répond Michel Redolfi. L’île Maurice a été choisie car elle abrite un des rares sanctuaires de cachalots. « Pourquoi eux ? Car ils ont été chassés, ils avaient une mauvaise légende. Voir Moby Dick… Pourtant, ils n’ont jamais attaqué un matelot, même tombé à la Mer », raconte le compositeur.

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Ce mammifère marin est connu pour avoir un son très discret. Michel Redolfi et l’équipe voulaient comprendre pourquoi et comment il fonctionnait. « Je me suis faite construite un micro que je peux porter sur moi pour plonger avec les cachalots, pour ne pas avoir ce micro qu’on a longtemps fait pendre d’un bateau et qui ne donne pas beaucoup d’informations », décrit Michel Redolfi.

Il s’est rendu compte que le son était constitué de petits clics. Il plonge avec le réalisateur René Heuzey, qui a notamment fait les images pour le film Planète Océan. « Il retourne chaque année voir les cachalots et il les reconnaît, il leur a donné des noms. Il y en a une soixantaine », raconte Miche Redolfi, qui tient à féliciter l’administration des pêches de Maurice pour la régulation de l’arrivée des cachalots. Ils n’acceptent par de whale watching. Et il est interdit d’observer les cachalots après 13h. Il est interdit d’avoir des bouteilles lors des plongées, car elles peuvent effrayer les baleines. « Nous devions plonger en apnée, sauf le cinéaste qui avait droit à ses bouteilles. »

« Ce que l’on pensait être des clics était en fait des salves de sons compressées en un temps très bref. Philippe a une métaphore, il dit que dans un clic de cachalot, il y a 200 pages condensées. A notre grande surprise et bonheur, ces clics sont une compression d’une centaine d’autres clics et informations condensées. Ces codas, comme les ont appelés les Américains, sont un message si bref qu’on pensait que c’était seulement un clic ! »

Une version courte du film qui sera diffusée au centre, et dont le son a été capté par Michel Redolfi, est diffusée, créant une atmosphère un peu surréaliste dans la salle. « Nous pensons vraiment qu’il y a un langage commun des cachalots », commente Michel Redolfi.

Le cachalot plonge à 3 kms de profondeur pendant 50 minutes. « Le temps, pour lui, a une autre dimension, une dimension spatiale, il ne s’écoule par comme nous, analyse Michel Redolfi. Nous avons peut-être découvert que les animaux ont développé, bien avant nous, des langages numériques. Au lieu d’avoir des 0 et des 1, ils ont des clics et des silences, lancés comme des paquets, des salves, à une vitesse phénoménale ».

Les cachalots sont les seuls d’ailleurs à pouvoir émettre à 220 décibels sous l’eau. « Pas quand j’y étais, car ce sont des animaux extrêmement sociaux qui sont conscients de leur force. Ça rend triste quand l’on pense qu’ils se sont frottés à nous, humains, et nous les avons chassés », déplore le compositeur. Lorsque les cachalots chassent, ils s’envoient donc certainement des informations, notamment de localisation.

« Il n’y aurait pas le temps de développer les informations, pendant la chasse, sans perte. Donc ils envoient des salves qui sont décodées avec un cerveau cinq fois plus lourd, et plus complexe, que le nôtre. Je ne fais pas de comparaison de taille, mais ils se sont développés sur des millions d’années. Leur cerveau a évolué d’une manière qui n’est peut-être pas la nôtre. »

Les cachalots sont des extraterrestres, « car ils sont dans l’eau, c’est leur espace. » « En termes d’humanité, d’innovation de langage, ils nous donnent des approches formidables », conclut Michel Redolfi.

Nadia Lamarkbi demande si le rôle de Nausicaa est donc de transmettre tout ce travail scientifique, de le vulgariser. « Nous faisons des programmes de vulgarisation, en effet,

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répond Philippe Vallette. Mais il y a d’autres méthodes. Notre père à tous, c’est le commandant Cousteau. Je ne serais pas océanographe si je n’avais pas vu ses films tous les dimanches. » Philippe Vallette rappelle que Mathieu Pradinaud a travaillé sur le film L’Odyssée, qui raconte la vie de Cousteau, et qu’il a été en charge d’en faire le making of, dont un extrait est projeté.

« Cet après-midi, nous avons fait une petite mosaïque, sans trop développer, mais je voulais vous donner des impressions du métier que l’on fait », conclut Philippe Vallette, avant de passer aux interventions du public.

Régis Toussaint demande s’il existe une corrélation entre les différents sons des cachalots et des dauphins. Michel Redolfi explique que les dauphins ont une conversation articulée, linéaire. Donc les deux langages ne se ressemblent pas. Philippe Vallette en profite pour souligner la découverte de Michel Redolfi : « C’est époustouflant, Michel a mis évidence que les cachalots s’envoyaient des zips [fichiers informatiques compressés], si l’on compare aux ordinateurs ! »

Nadia Lamarkbi demande si Nausicaa a conclu des partenariats de recherche. « Nous avons une capacité d’élevage exceptionnelle, que bien souvent les laboratoires n’ont pas », décrit Philippe Vallette. Il décrit l’élevage des copépodes, qui représentent 70 % de la biomasse animale des océans et sont essentiels pour nourrir les espèces plus grosses. « Avec l’université de Lille et celle de Taiwan, nous avons mis à disposition nos espaces et le savoir-faire de nos soigneurs pour les élever », explique Philippe Vallette.

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CONFERENCE 2 STAND UP FOR THE SEA

Hôtel Pullman Mazagan 4 mai 2017

Simon Bernard, cofondateur de Plastic Odyssey, est le premier à prendre la parole.

« Si je vous dis 18 tonnes, à quoi pensez-vous ? Ce n’est pas le poids d’un éléphant, qui fait six tonnes. 18 tonnes, c’est la quantité de plastique déversée dans l’océan chaque minute. L’équivalent de trois éléphants. Et une grande partie de ces déchets se désintègrent en micro et nanoparticules, puis finissent dans nos assiettes. »

Simon Bernard s’est demandé, avec un ami, comment faire pour lutter contre cette pollution. « Au début, nous étions fascinés par les solutions pour ramasser le plastique à la surface de l’eau. Puis en continuant nos recherches, nous avons vu que seulement 1 % des déchets restaient à la surface, et le reste coulait ou se transformait en micro particules. Le fameux septième continent n’est que la partie visible de l’iceberg », raconte-t-il.

Les deux amis ont voulu traiter le problème à la source. « Il faut des alternatives aux emballages, etc. Mais ça prendra des décennies. En attendant, il faut trouver des solutions. Nous nous sommes dits qu’on pourrait montrer que les déchets ont de la valeur, qu’ils sont une ressource. Alors on arrêterait de les jeter, et on ferait vivre des centaines de milliers de personnes », argumente Simon Bernard.

Ils ont alors pris la décision de construire un bateau, le Plastic Odyssey. Il serait un catamaran de 25 mètres qui va parcourir le monde et relier les continents les plus touchés. Il embarquera un atelier de recyclage, dans lequel il y aura des machines pour fondre et presser le plastique. Et l’équipage montrerait les différentes initiatives de recyclage qui existent de par le monde. « Notre bateau va être un ambassadeur du recyclage plastique, pour montrer qu’on ne veut plus jeter les déchets, et nous allons initier des usines de recyclage un peu partout », anticipe Simon Bernard.

Mais les deux navigateurs veulent aller plus loin. « Qui ne connaît pas Solar Impulse ? Cet avion a prouvé qu’il était possible d’utiliser l’énergie solaire pour se propulser. Nous voulons faire le Solar Impulse du recyclage, et montrer qu’on est capables d’utiliser les déchets trouvés par terre pour faire avancer le navire », décrit Simon Bernard.

Le jeune ingénieur de 26 ans a rencontré des scientifiques et découvert qu’une machine permet de transformer 1 kilogramme de déchet plastique en 1 litre de carburant. « Imaginez si, demain, tout le monde réalise que les déchets peuvent faire avancer un bateau ! » A chaque escale, l’équipage va récupérer du plastique pour avancer jusqu’à l’escale suivante.

Cette machine ne produit aucun résidu, aucun gaz. « Elle permet d’obtenir du carburant recyclé, qui ressemble exactement à celui qu’on met dans les voitures, décrit Simon

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Bernard. Pour minimiser encore l’impact environnemental, nous allons ajouter quelques détails. Nous aurons un filtre à particules, pour purifier le gaz d’échappement. Nous aurons de la culture de microalgues pour capter une petite partie du CO2, en utilisant les eaux usées comme nutriment. »

Ils comptent aussi développer des solutions pour minimiser la consommation de carburant, notamment par le routage météo. « Sur les bateaux de commerce, il n’existe pas de solution précise pour calculer la route la plus favorable selon les courants, etc. Pourtant, par satellite, on peut calculer la force des vents et des courants. Nous, avec un nouveau logiciel, nous prendrons cela en compte », explique Simon Bernard.

« Nous allons donc proposer une solution de recyclage de plastique et devenir un exemple pour les navires de commerce. Plastic Odyssey, c’est 40 000 milles parcourus en trois ans, 32 escales, et surtout des centaines d’initiatives de recyclage partout. Pour que dans 20 ans, il n’y ait pas plus de plastique que de poisson dans l’océan. »

Nadia Lamarkbi, qui modère cette conférence, donne la parole à Saad Abid, fondateur de l’association Bahri. « J’ai envie de partager avec vous ces sept dernières années d’implication associative, qui a permis de créer un cercle vertueux d’âmes sincères, altruistes », commence Saad Abid.

Ce passionné de sports extrêmes, de surf en particulier, a créé l’association Bahri en octobre 2010 avec un ami. L’objectif : la protection du littoral et la sensibilisation à la protection de l’environnement. L’association a lancé son action la plus célèbre, Bahri Dima Clean, une opération de nettoyage des plages de grande envergure, à laquelle s’ajoutent des concerts, des ateliers, des activités sportives. « Rapidement, nous avons vu les résultats, et nous avons récolté 75 000 kgs de déchets jusqu’à aujourd’hui, se réjouit Saad Abid. Même si ce n’est qu’une petite goutte, après avoir entendu Simon Bernard. » Plusieurs antennes ont été créées dans plusieurs villes.

La première opération, à Aïn Diab, avait réuni 100 personnes. « Les gens se moquaient de nous : pourquoi ramasser alors qu’il y a des gens payés par la ville pour faire ça ? », se remémore Saad Abid. Au fur et à mesure, les enfants ramenaient d’autres enfants. « L’engouement nous a poussés à continuer. »

La mort par le tétanos d’un jeune d’un douar, très pauvre, qui avait marché sur une cannette rouillée a touché tous les acteurs de la plage : usagers, surfeurs, loueurs de parasols… « Nous avons mis la pression sur le gouvernement car il était impensable qu’un enfant puisse mourir aussi bêtement », raconte Saad Abid. Peu après, une opération de nettoyage a réuni 5490 personnes, plus grande action de ce type au Maroc, soutenue par des artistes marocains.

« Nettoyer la plage, c’est bien, mais vous allez me demander où jeter les déchets », poursuit Saad Abid. L’association n’a jamais reçu d’argent public mais elle a pu installer 125 poubelles à Aïn Diab. En parallèle, des personnes issues des douars seraient chargées de nettoyer. C’est d’autant plus utile que personne ne nettoie la plage en dehors de la saison estivale.

« Les personnes engagées faisaient partie du douar d’où la plupart des voleurs de la zone viennent. Nous leur avons dit que les poubelles installées étaient de leur responsabilité. Ils ont dit à leurs potes du douar que c’était leur zone de

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responsabilité. Dès qu’on n’a plus pu les faire travailler, les poubelles ont disparu en deux semaines… Nous avons le projet de faire de nouvelles poubelles en pneus recyclés, qui ne coûtent rien du tout. »

L’association a aussi été la première à installer des toilettes sèches, inaugurées par la ministre Hakima El Haité.

Il y a quelques mois, Saad Abid a été sélectionné pour aller aux États-Unis et s’entretenir notamment avec le service environnement et numérique de Barack Obama. Il a aussi été choisi par John Kerry pour participer à un forum de l’université de Georgetown en marge de la conférence des océans. Une expérience qui lui a permis de mieux définir le rôle des ONG. « On nous a expliqué qu’une ONG doit faire des études scientifiques, communiquer au grand public et faire pression sur le gouvernement », explique Saad Abid.

C’est au tour de Rkia Driouche, responsable de la communication à la Surfrider Foundation Maroc, de présenter le travail de sa fondation. C’est une association marocaine basée à Agadir depuis 2010 qui a pour objectif la protection et la mise en valeur du littoral marocain.

« La Mer est une richesse, mais l’Homme ignore cette réalité. Il y a deux ans, avant de rejoindre la fondation, je ne connaissais pas cette richesse. Depuis j’ai appris que l’océan était notre vie. »

Rkia Driouche présente l’Initiative océan qui vise à organise des grands nettoyages de plage, pour sensibiliser les Marocains à la protection de l’environnement et notamment la problématique de la pollution aquatique. « Nous avons réalisé que ce n’était pas suffisant et nous avons décidé de nous concentrer sur la sensibilisation à l’école », raconte Rkia Driouche. L’association intervient ainsi dans les établissements scolaires.

La fondation intervient aussi dans les entreprises. « Si la société civile, l’école, la famille collaborent, nous aurons une génération future consciente de l’environnement et du littoral », plaide Rkia Driouche. 3000 à 4000 salariés ont été sensibilisés en une année.

Rkia Driouche encourage tout le monde à s’engager, dans une association, à des initiatives pour l’environnement, en partageant ses gestes écologiques sur les réseaux sociaux, en changeant son comportement quotidien.

Dernier intervenant de cette conférence, Badr Idrissi est le cofondateur de Smarter Life Innovations. L’objectif de son entreprise : « casser les limites des drones grâce à l’intelligence artificielle ». Son projet a été labellisé Cop 22.

Badr Idrissi relève que la pêche illégale coûte 1,3 milliard de dollars par an, 300 000 emplois détruits et 5,2 millions de tonnes de poissons spoliés chaque année. Le Maroc a 1 million de km² de zone économique exclusive, et 3,5 millions de km² en Afrique de l’Ouest. « Comment les dirigeants des pays en développement peuvent-ils protéger leurs richesses ? » s’est demandé Badr Idrissi.

Les pays développés le font avec des bateaux, des satellites, etc. Des moyens énormes que ne peuvent s’offrir les pays en développement. Avec Younes Moumen, Badri Idrissi,

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un ancien de Microssoft, a cherché une solution : « Il en existe trois : les satellites, les bateaux, qui sont trop chers, et les drones, qui sont abordables. »

Le problème des drones réside dans la limite de la transmission, qui est plus ou moins de 70 à 90 kms. Aussi, il faudrait de nombreux pilotes. « Nous avons remplacé tout cela par l’intelligence artificielle installée sur des drones. Avec cette IA, on est capables de gérer la totalité de la ZEE à partir de la côte. Chaque drone peut couvrir 630 km² par jour », décrit Badr Idrissi.

Quand le drone passe près d’un bateau, il est capable de détecter automatiquement quel est son type (commercial, pêche, pétrolier…), ce qu’il est en train de faire, s’il a le droit le faire selon la saison. « Quand le drone repère un bateau de pêche qui ne devrait pas être là, il peut prévenir les autorités. Il peut aussi détecter la piraterie, les dégazages, etc. », indique Badr Idrissi

L’équipe est constituée de Badr Idrissi, de Younes Moumen et de trois ingénieurs. « Notre technologie, notre équipe sont africaines », insiste Badr Idrissi. L’entreprise est accompagnée par l’université Mohammed Ier d’Oujda. Elle a remporté le prix Global Cleantech Innovation Program. Et elle est subventionnée par Microsoft à hauteur de 240 000 dollars.

La solution est brevetée et totalement marocaine. « Elle peut être utilisée non seulement pour la protection des océans, mais aussi contre la déforestation, pour combattre le braconnage, pour l’agriculture de précision... », conclut Badri Idrissi.

Nadia Lamarkbi voudrait connaître quelques détails du projet de Simon Bernard : la date de lancement, le financement… « Nous en sommes encore au stade du projet, mais nous espérons que d’ici deux ans, le bateau sera construit et pourra partir. Le budget est de 500 000 à 1 millions d’euros, car c’est un gros bateau. Une association porte le projet, qui sera financé entièrement par le mécénat et le sponsoring. Nous cherchons nos premiers partenaires, s’il y en a parmi vous qui sont intéressés ! », lance Simon Bernard.

A la question de Nadia Lamarkbi sur les projets de Bahri, Saad Abid décrit le projet de Hamri le chiffonnier, qui doit valoriser cette profession. Il rappelle aussi que l’association cherche des financements. Pour compenser, elle offre des infrastructures de sport aux Casaouis, qui peuvent payer leurs cours en faisant du bénévolat.

Rkia Driouche précise, de son côté, que les Agadiris participent peu aux opérations de nettoyage, et que ce sont surtout des touristes, des étrangers. « Pour eux, la collecte de déchets est dévalorisée », déplore-t-elle.

Nadia Lamarkbi pose une question sur les capacités des drones. « Nous avons été contactés, dernièrement, par un pays d’Afrique de l’Ouest qui a un gros problème de piraterie, répond Badr Idrissi. Nous proposons une solution autonome, qui n’a pas besoin de ressources humaines expérimentées et peut repérer un bâtiment pirate. Il peut déterminer s’il y a des armes ou non, s’ils sont nombreux, s’ils cherchent quelque chose ou naviguent simplement. Il peut même déterminer le point d’abordage du bateau. Et ensuite informer les autorités locales. » Pour la pêche illégale, le drone peut déterminer le type de filet utilisé, ou si le bateau est homologué pour cette pêche. La seule limite du drone est quand il y a du brouillard. Lors d’intempéries, il peut fonctionner si les vents sont inférieurs à 45 km/h.

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CONFÉRENCE 4 LA MER, SOURCE DE VALEURS

Hôtel Pullman Mazagan 5 mai 2017

Pour Vincent Perrault, le modérateur de cet après-midi, cette conférence est « très spectaculaire ». Chaque intervenant va raconter son histoire et les valeurs qu’il porte.

Sylvestre Louis est le premier à intervenir. Il est le président de l’association les Glénans. « C’est un archipel d’îles au sud de la Bretagne, en France, décrit-il. Un lagon merveilleux, un endroit magnifique, qu’on a juste envie de partager. Et mon association a pris son nom à sa création il y a 70 ans. »

Les fondateurs de l’association estimaient qu’il fallait partager cet endroit avec le plus grand nombre. Après la Seconde guerre mondiale, ils ont eu le projet de réapprendre aux gens à vivre ensemble.

Sylvestre Louis relève qu’en allant sur les rivages marocains, « on a l’impression de retrouver ces espaces vierges. Et on se demande comment les utiliser demain de manière durable et responsable. » Les Glénans sont des espaces naturels protégés, surveillés en permanence. « Notre projet n’est pas d’en faire un musée, mais d’y vivre des expériences inoubliables », précise Sylvestre Louis. Depuis sa création, l’association accueille un public qui veut se redécouvrir, et découvrir la nature et l’environnement marin. Vincent Perrault lui demande quelles valeurs véhicule l’association. « Responsabilité et solidarité », lui répond Sylvestre Louis.

Les Glénans veulent démocratiser la plaisance, la pratique de la voile. « Dans l’archipel, les gens ne savaient pas naviguer, ils utilisaient les bateaux pour pêcher. Il a fallu apprendre, construire et imaginer des bateaux », raconte Sylvestre Louis. La plupart des moniteurs de l’association sont bénévoles.

« On travaille sur la dimension de solidarité car on ne peut compter que sur nous-mêmes en Mer, lorsqu’on a un accident. Et dans notre société actuelle, on nous demande de faire cinq ans d’études après le bac pour avoir des responsabilités. Aux Glénans, vous êtes passionné, vous pouvez avoir 18 ans, être formé et vous retrouver à la barre d’un bateau. »

Il existe cinq bases des Glénans et les membres naviguent un peu partout dans le monde. « C’est un projet avec des valeurs d’humanité, mais qui est aussi économiquement valorisé, précise Sylvestre Louis. Nous n’avons même pas 1 % de subventions, notre structure génère elle-même sa richesse. Cela permet d’acheter les bateaux, de rémunérer un certain nombre de personnes. »

Sylvestre Louis estime qu’il y a un vrai équilibre à trouver entre ce qui crée de la valeur, sans perdre les valeurs. « Aujourd’hui, on peut développer des projets de tourisme, de loisir sur le littoral, la Mer. Il faut se demander comment, derrière, on peut éduquer les

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gens. Aux Glénans, chaque personne qui vient doit se demander où mouiller, comment mouiller pour préserver l’environnement. »

Quand quelqu’un a découvert l’environnement marin, il veut le protéger. Donc il faut faire connaître, « et cela passe par l’expérience », estime Sylvestre Louis. « La voile, pour nous, est devenue un prétexte, poursuit-il. Et si quelqu’un au Maroc veut créer cette aventure avec, à la base, un rêve un peu fou, qu’il n’hésite pas. »

C’est au tour d’Édith Molina, organisatrice du Morocco Swim Trek, de prendre la parole. Comme Sylvestre Louis pour les Glénans, elle estime que sa course est « d’abord un rêve ». Cette Française native du Maroc a passé toute son enfance au bord de la mer. « J’ai pu apprécier la richesse du littoral marocain. J’ai toujours voulu y organiser un événement sportif. L’idée du Morocco Swim Trek m’est venue en 2015 », raconte-t-elle.

C’est une course de natation libre en milieu naturel, en quatre étapes, d’un total de 30 kms. Le vainqueur est celui qui a obtenu le meilleur cumul de temps. « Ça n’existait pas au Maroc », précise-t-elle.

« La difficulté se trouve dans l’accumulation d’étape en étape », décrit-elle. Les conditions de nage diffèrent chaque jour. La course se déroule dans la lagune de Dakhla. « Un endroit exceptionnel, précise Édith Molina. Où les nageurs ont pu rencontrer des dauphins. C’est assez paradoxal de nager dans le Sahara marocain. » La première édition a réuni 60 nageurs de 15 nationalités différentes. L’an dernier, ils étaient 100.

« Toujours dans l’esprit de la natation en eau libre, nous avons décidé d’organiser un événement d’une journée à Essaouira, le Swim Mogador Island. Notre objectif est toujours de promouvoir la natation en eau libre au Maroc. Au Maroc, la Mer n’est pas assimilée à un terrain de jeu ou de sport, les gens ont des a priori. Il y a plus de clubs de kite surf, de surf, etc. Mais la Mer est encore assimilée à l’inconnu. Il est important de se familiariser avec l’océan, de trouver une passion pour devenir défenseur de la Mer. »

Mehdi Rouizem, un soutien historique du Forum et organisateur de l’Archipel des enfants, est le prochain à raconter son engagement pour la Mer. « Je me sens un peu chez moi, je fais partie de la famille ! », s’exclame-t-il. Il raconte qu'il et né à quelques centaines de mètres de la plage de Tanger. Parti aux Émirats arabes unis pendant 15 ans, la mer a continué de faire partie de son quotidien.

Il a commencé la voile à Abu Dhabi puis a continué en France dans un club, où il a fait de la compétition, tout en obtenant un diplôme de commerce. « J’étais plus orienté fête que compétition, se souvient-il … Alors je me suis dit qu’il fallait que je trouve un moyen de gagner de l’argent en m’amusant. » En rentrant au Maroc, il est allé voir les différents clubs. Il n’a cessé de taper à la porte du club de la Marine Royale, mais il fallait être fils de militaire. A force d’insister, ils ont fini par l’accepter.

« Une base nautique existait à Mohammedia mais n’était pas exploitée. Avec des copains, nous avons créé une association et commencé à réparer les bateaux là-bas. J’y travaillais tout en étant employé dans un cabinet de conseil, en costard cravate. Petit à petit, j’ai migré vers ma passion. Au bout d’un moment, avec ma chère et tendre épouse, nous avons fait un tour du monde en bateau stop pendant un an et demi. C’était une formidable expérience, dans l’Atlantique, dans le Pacifique, dans

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une partie de l’océan Indien. Je me suis dit que je devais la partager, alors j’ai créé mon école de voile, Bautilus. »

Pour Mehdi Rouizem, la Mer charrie des valeurs de partage et de solidarité. Il projette une vidéo de présentation de son projet de tour du Maroc en catamaran.

Vincent Perrault se tourne vers Said Benammar, le premier Marocain à avoir traversé l’Atlantique à la rame. Said Benammar a grandi à Nador, a obtenu son bac au Maroc puis est parti faire ses études supérieures en France. « C’est là qu’est né mon rêve, en écoutant les exploits des sportifs à la radio, notamment Maud Fontenoy, explique-t-il. En 2005, il a traversé le Pacifique à la voile. Je me suis dit que je le ferai aussi un jour. »

En 2009, il a commencé à préparer la traversée et fait des sorties en Mer. « Alors que je n’y connaissais rien en navigation », précise-t-il. Said Benammar rappelle que 70 % de la population marocaine vit près du littoral. « Comment ne pas aimer la Mer, en tant que Marocain ? Mais elle est synonyme de danger, d’insécurité, constate-t-il. Moi, quand j’étais petit, je demandais à mon père ce qu’il y avait derrière l’horizon. Il me répondait : « Ben, la Mer... » Mais finalement, j’ai découvert ce qu’il y avait derrière ! »

« Là-bas, on se retrouve très seuls. Il faut la force des bras, mais surtout la force mentale. Tout le monde peut traverser l’Atlantique à la rame, mais il faut un mental d’acier pour arriver au bout. On connaît les blessures, la solitude. Et les dangers de la Mer, qui sont souvent humains : les cargos, ces masses d’acier qui ne nous voient pas. J’ai failli me faire écraser trois fois. »

Said Benammar raconte qu’il a remonté le temps, en naviguant comme cela. « J’ai découvert que nous vivons dans un confort total, nous sommes assistés », assure-t-il. Il raconte qu’au sixième jour de sa traversée, il a reçu une vague de 8 mètres qui l’a renversé et tous les instruments de confort sont tombés en panne.

Said Benammar est marié et a décidé de ne plus partir à l’aventure. Il est chargé de développement des sports sur le projet de Marchica à Nador.

« Il faut du courage pour mener à bien l’aventure de cette traversée de 5000 kms qui a pris 51 jours, du dépassement de soi, de la persévérance. À un moment, j’ai perdu toute ma nourriture. Comme je dépensais 7500 calories par jour, je n’avais plus que 40 % de ce dont j’avais besoin. La nourriture était moisie. Au milieu de l’Atlantique… J’ai essayé de pêcher mais je ne suis pas très bon… Par contre, des poissons volants arrivaient dans mon cockpit, je les séchais et je mangeais comme ça. »

Said Benammar ramait pendant deux heures, puis se reposait une demie-heure pour manger, faire des étirements et dormir 10 minutes. Il a rencontré des cargos, des dauphins, des baleines, des oiseaux.

« Un oiseau qui s’est posé sur ma console est resté une semaine avec moi. C’était au moment où j’ai découvert que ma nourriture était moisie. J’ai fait un tri dans ce qu’il me restait pour constater que je ne mangerai pas à ma faim. Il m’a donc fallu beaucoup de force mentale pour me dépasser et sortir du désespoir. Cette rencontre avec cet oiseau m’y a aidé. Je l’avais nommé Cayenne, du nom de ma destination.

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Je partageais mes poissons avec lui. Puis il est reparti, est revenu quelques secondes se poser, et il est parti définitivement. Je ne l’ai plus jamais revu. »

L’aventurier prenait des douches tous les jours avec de l’eau de Mer. Cela lui permettait de soulager ses muscles et ses articulations. Il décrit son bateau, en bois, de 8 m de long sur 1,6 m de large. « J’ai cru que, vers la fin, je serais porté par les courants et que l’arrivée à Cayenne serait tranquille. Finalement, les courants étaient plutôt vers le Nord que vers le Nord-Ouest, donc j’ai encore dû trouver de la force mentale pour continuer », raconte-t-il. Comme les autres intervenants, il parle d’un rêve, « qu’il faut vivre jusqu’au bout ». Pour le moment, il veut s’occuper de ses enfants et verra plus tard s’il se lance dans une nouvelle aventure.

Une question du public lui permet de préciser que sa traversée avait lieu dans le cadre d’une course de Dakar à Cayenne. « Le trajet est favorable car il pousse les bateaux vers le large », précise-t-il. Il raconte qu’il a toujours été sportif et voulait parvenir à réaliser des exploits. Il a fait de la montagne notamment.

Un Breton installé à Dakhla intervient pour raconter son « ahurissement » devant les aventures des intervenants. Il évoque son espoir que les gens « habitent » la baie de Dakhla et participe à la construction du port Dakhla Atlantique.

Le professeur Miloud Loukili intervient pour remercier les participants d’avoir donné « la possibilité de rêver ». Il espère que chacun d’entre eux publiera le récit de ses aventures pour porter à la connaissance des jeunes ces exploits. « Il faut maritimiser les jeunes Marocains », plaide-t-il.

M’balia Sangaré prend la parole pour émettre le souhait que « chaque jeune profite des valeurs évoquées dans ce forum. Les intervenants ont eu le courage de réaliser leur expérience et ils ont réussi. Trop souvent, les jeunes sont frappés par le découragement. Je demande à ceux qui sont dans la salle de s’inspirer de ces gens. Ils ont cru, ils ont voulu et ils ont pu le faire. » Sylvestre Louis confirme qu’il essaie de montrer aux jeunes ce qu’il est possible de faire, pour qu’ils y prennent goût et se confrontent à l’adversité.

Yuvan Beejadhur remercie les intervenants pour la qualité des interventions et remarque que l’accès à la Mer reste très cher, « à part le simple faire de se baigner, d’aller à la plage. » Il se demande comment faire pour donner accès à la Mer au plus grand nombre.

« Je ne suis pas d’accord, ce n’est pas si cher au Maroc », lui répond Mehdi Rouizem. Il espère d’abord que, au Maroc, on apprenne aux enfants à nager, comme préalable. « Mais l’inscription à la base nautique de Mohammedia coûte 1000 dhs par an. Tout le monde ne peut pas payer, mais une grande partie des Marocains le peut, ou peut se le faire financer », estime-t-il.

Édith Molina estime aussi que ce n’est pas un problème d’argent, mais une question de volonté et de mental. « Même si, bien sûr, la natation, c’est la base, et on ne peut se sentir à l’aise si on ne sait pas nager », relève-t-elle. Elle précise que le Morocco Swim Trek sponsorise dix nageurs, dont certains ont gagné face à des professionnels avec de gros moyens.

« En 2016, un jour avant l’événement, nous avons vu arriver un jeune avec un sac à dos qui arrivait de Laayoune à pied. Il avait entendu parler de la course et voulait

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absolument la faire. Il avait le niveau car il était maître-nageur. Des camarades à lui pensaient ne pas être acceptés donc il n’ont pas fait le déplacement, mais lui a tenu à venir. Nous l’avons inscrit et nous avons tout de suite trouvé des personnes prêtes à le sponsoriser. Il s’est arrêté au bout de deux jours néanmoins, par manque de préparation. »

Asmae Kasmi, de l’office national de l’eau potable, confie avoir la chair de poule en entendant les interventions. « Nous devons faire en sorte que les Marocains sachent nager et nous devons les sensibiliser à l’importance de l’eau, cette ressource rare. Nous sommes dans un pays où il n’y a plus d’eau à bas coût. La Mer est une source de survie pour notre futur. Et nous avons besoin de plus en plus de porteurs de ce message. Nous avons besoin de vous et ne soyez pas timides », plaide-t-elle.

Saïd Benammar confirme que l’eau est une denrée précieuse. Il raconte que son désalinisateur est tombé en panne au milieu de la traversée.

En conclusion, Mehdi Alaoui Mdaghri raconte que Mehdi Rouizem a une place particulière puisqu’il s’occupe des activités nautiques de l’Archipel des enfants. Et il en profite pour dire aux participants que, pendant cet atelier, 60 étudiants étaient installés sur la terrasse du Pullman pour écouter Gilles Boeuf, Patricia Ricard et Françoise Gaill. « C’est un Forum de la Mer parallèle qui se déroule dehors », se réjouit-il.

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CONFERENCE 5 GILLES BOEUF : LA MER, NOTRE RICHESSE

Hôtel Pullman Royal Golf & Spa 5 mai 2017

L’éminent biologiste Gilles Boeuf est chargé de conclure les conférences et ateliers de ce cinquième Forum de la Mer. Il rappelle que c’est la quatrième fois qu’il participe un Forum alors qu’il possède un agenda très chargé avec sa fonction au sein du cabinet ministériel de Ségolène Royal. « Arrêtez de parler des océans, commence-t-il par lancer. Il n’y a qu’un seul océan sur la planète, qui possède la même salinité, la même pression. »

Gilles Boeuf rappelle les multiples richesses que l’océan apporte, en termes de pêche, d’aquaculture, d’avancées médicales. Il rappelle que l’océan représente 99 % du volume offert à la vie, qui y est née. Sur les 31 groupes d’animaux définis par l’Homme, 12 n’ont jamais quitté l’océan. Il regroupe 13 % des espèces connues. « Le phytoplancton produit la moitié de l’oxygène, c’est extraordinaire », rappelle-t-il. Il donne les chiffres impressionnants, déjà évoqués, de la pêche et de l’aquaculture.

« Si la température augmente de 2°C, nous perdrons le corail, qui représente 1/3 des espèces connues dans l’océan », alerte-t-il. Le corail est la charnière entre la terre et la Mer.

Gilles Boeuf compare la composition du sang et de l’océan, qui possèdent de nombreuses similarités. « Cela nous rappelle que la vie est sortie de l’océan il y a 450 millions d’années. Nous avons un petit océan en chacun de nous, cela devrait changer nos relations avec lui », explique-t-il.

Le biologiste explique que l’océan stocke la chaleur et l’humidité. Il est un puits de carbone, et le phytoplancton joue un rôle fondamental en fixant le carbone.

« Aujourd’hui, le niveau de la Mer remonte et l’océan s’acidifie. Une partie du CO2 que nous émettons va dans l’océan, ce qui est intéressant mais acidifie l’océan. Il est plus acide d’1/3 qu’il y a 50 ans, ça ne s’est jamais produit à cette vitesse-là. Il se réchauffe également. »

Gilles Boeuf accompagne son intervention d’une série de données projetées sur un écran. « 1/3 de nos gênes sont communs avec le plancton de l’océan. Cela devrait nous pousser à plus de respect et nous amener vers l’harmonie », estime-t-il.

Le scientifique montre une série de groupes d’animaux qui ne se trouvent que dans les océans, qui montrent l’ancienneté de la vie océanique. « La vie a démarré il y 3,8 milliards d’années. Au début, ce sont des cellules qui se clonent. Quand le sexe apparaît vers il y a 1,5 milliard d’années, cela permet de mieux s’adapter aux conditions changeantes. Mais l’humain modifie ces conditions, et il empêche l’adaptation en détruisant l’écosystème », décrit-il.

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Gilles Boeuf déplore qu’il y ait de véritables continents de microplastiques qui s’accumulent entre 0 et 30 m dans l’océan. Ils peuvent être aperçus par les satellites et détériorent les planctons. Il se réjouit de l’interdiction des sacs plastiques en France. « Ces sacs nous servent 20 minutes et suffisent à tuer une baleine », déplore-t-il.

Il montre, graphiques et photos à l’appui, que l’impact de l’être humain est mondial. Des pesticides utilisés il y a des décennies étaient piégés dans les sols, mais ils partent en aérosol avec le réchauffement des sols et atteignent l’Arctique et l’Antarctique. « L’humain pollue des endroits où il ne va pas », décrit-il.

Il décrit comment l’humain élimine « tous les grands animaux, intéressants à manger, ou qui sont un danger », avec l’exemple des humains qui ont passé le détroit de Béring pour aller en Amérique pendant la période glaciaire.

« L’invention la plus puissante qui a séparé l’humain de l’animal est l’arme de jet. Allez tuer un sanglier avec un biface… Le sanglier a ses chances. Alors qu’avec un propulseur, c’est différent », estime-t-il. Il déplore l’impression de domination que l’être humain obtient en tuant les grands animaux, comme c’est le cas aujourd’hui surtout en Afrique.

Avec le réchauffement climatique et la montée des eaux, il assure qu’il va y avoir de plus en plus d’événements extrêmes comme les tempêtes.

Il relève que l’Homme surpêche depuis des décennies. « Pêcher, c’est très intéressant, mais en surpêchant, on tue la poule aux œufs d’or », estime-t-il. Mais il se réjouit que l’aquaculture ait dépassé la pêche.

« Le problème de la pêche, c’est qu’on cible des espèces mais on fait des captures accessoires en prenant des espèces qu’on ne visait pas. Ou alors on pêche la bonne espèce, mais elle ne fait pas la taille de commercialisation. Cela alimente le marché noir ou est rejeté en Mer, mort. »

Le biologiste assure pourtant qu’il est sûr que l’on peut arriver à une pêche durable. « Nous nous sommes battus pour le thon rouge. Les pêcheurs disent aujourd’hui qu’heureusement que ça a été le cas car les thons rouges réapparaissent alors qu’on ne les voyait plus en 2007-2008 », argumente-t-il.

Il rappelle que a pêche est assimilée à une activité virile, il est valorisé de pêcher le plus gros poisson. À l’aide de photos, il montre l’énorme différence de tailles de poissons entre le début du XXe siècle et aujourd’hui. « La virilité en prend un coup ! », lance-t-il, en précisant que chaque individu pêché n’est même pas encore adulte aujourd’hui. Ça a un impact direct sur la chaîne alimentaire.

Gilles Boeuf liste les défis écologiques des prochaines années. La crise du productivisme agricole, la pénurie d’eau potable, l’épuisement des ressources halieutiques, la déforestation, l’effondrement de la biodiversité, la dissémination des produits toxiques, le climat qu’il considère comme le principal défi. Et il précise qu’on connaît les solutions pour tous ces défis. « Si l’humain utilise ses neurones de manière correcte, on peut régler tous ces problèmes ! », estime-t-il.

Il plaide notamment pour le développement de l’aquaculture, chiffres à l’appui. « Mais quelle aquaculture ? Elle ne doit pas détruire les littoraux. Elle ne doit pas détruire les milieux. Elle ne doit pas transporter tout partout », décrit-il.

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Il évoque aussi les projets d’exploitation minérale profonde. « Il faut faire un fonds de 100 milliards de dollars pour que, quand on aura un problème, on puisse intervenir. Imaginez les dégâts d’un puits pétrolier qui pète à 4000 m sous l’eau... », alerte-t-il.

Il salue les actions décidées à la Cop et les liste. « Edgar Morin qualifie la Terre de vaisseau spatial avec quatre moteurs : la science, la technique, l’économie, le profit. Nous allons vers une probable catastrophe, mais rien n’est jamais joué, et il faut développer une conscience d’humanité planétaire. »

Il projette une dernière image : « C’est la Cop à Paris en 2015. C’est une belle réussite diplomatique, que nos amis marocains ont prolongée. »

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SEANCE PLENIERE DE CLOTURE

Hôtel Pullman Royal Golf & Spa 5 mai 2017

Le cofondateur du Forum Mehdi Alaoui Mdaghri ouvre cette séance plénière de clôture, qui termine les conférences et ateliers. Mais l’Archipel des enfants d’El Jadida se poursuit pour encore deux jours. « Le Forum de la Mer s’inscrit dans la pérennité », se réjouit Mehdi Alaoui Mdaghri en faisant référence à cette cinquième édition.

Après une salve de remerciements aux équipes du Forum et aux participants, Mehdi Alaoui Mdaghri se dit ravi d’organiser l’événement à El Jadida. « Les 235 kms de côte de la région sont une opportunité. Le Forum s’inscrit dans ce territoire, et nous avons eu la chance d’avoir des étudiants de la région au Sea Lab, des associations locales. Un citoyen nous a aussi raconté son enfance, quand il jouait avec les concombres de Mer, et l’évolution du rivage », énonce Mehdi Alaoui Mdaghri.

Il rappelle que le Forum plaide pour la création d’un centre de la Mer d’El Jadida, qui accueillera un centre de conférences, une médiathèque, un musée de la Mer, « et pourquoi pas un espace d’aquaculture ». « Nous développerons ce centre permanent tous ensemble. Il y aura des activités de sensibilisation, des formations aux métiers de la Mer… Pour que les compétences soient mises au service de la gestion durable de la Mer et du littoral marocain », décrit Mehdi Alaoui Mdaghri.

Il remercie l’un des principaux partenaires du Forum, l’OCP, dont les enfants participent à l’Archipel des enfants et qui apporte son expertise.

Les participants de la séance de clôture ont l’honneur et le plaisir de recevoir Monsieur Driss Dahak, ancien secrétaire général du gouvernement. « On hume toujours l’odeur de Monsieur Dahak dans la convention de Montego Bay, signée en 1982 », plaisante Mehdi Alaoui Mdaghri en référence au travail de Driss Dahak. La convention a été ratifiée par le Maroc en 2007.

« Nous avions dix ans pour déposer notre demande pour une extension de la ZEE au plateau continental. C’est un enjeu important car nous pourrions disposer de 350 milles marins. Cela étendrait le territoire du Maroc. Les Marocains sont des propriétaires merriens qui s’ignorent, le Maroc est une puissance maritime qui s’ignore. Si l’on divise la ZEE par le nombre de Marocains, chaque citoyen possède trois hectares de Mer. »

Pour Mehdi Alaoui Mdaghri, « cet espace est le nôtre, c’est un bien commun. La Mer est notre richesse, et nous devons devenir une vraie puissance maritime qui investit dans la recherche et développement, qui innove, qui a une croissance bleue, durable, responsable. »

Driss Dahak prend le relais et rappelle que ça faisait cinq ans qu’il était invité à participer au Forum. « Je ne pouvais venir par manque de temps, je vous présente mes excuses, commence-t-il. Maintenant que je ne suis plus au gouvernement, je dispose de mon temps et je suis très heureux d’être parmi vous. »

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L’éminent juriste veut évoquer la recherche sur la Mer. Il rappelle que des zones au fond de la Mer, à plus de 3000 m de profondeur, possèdent des richesses minérales importantes. Mais aussi que l’on découvre constamment de nouvelles espèces de poissons qui n’étaient pas connues dans le monde.

« Ces richesses minérales couvrent 15 % de la superficie des Mers. Tout près de Hawaii, il y a 12 millions de kilomètres carrés couverts de nodules polymétalliques », donne-t-il comme exemple. Les océans et les Mers donnent une sécurité minérale, qui permet la sécurité économique et sociale.

Les grandes compagnies ont commencé, il y a une cinquantaine d’années, à présenter des demandes d’autorisation à l’Onu d’exploitation dans les zones internationales. « Les Nations unies ont refusé car ça n’entrait pas dans leurs compétences », rappelle-t-il. Ça ne les a pas empêchées de continuer la recherche, et désormais elles se mettent au travail. Driss Dahak évoque aussi les richesses en termes de ressources halieutiques.

« La Mer est l’avenir de l’humanité, insiste-t-il. La terre est surexploitée, il faudra donc faire appel à la Mer. On peut même imaginer, un jour des cités au-dessus de la Mer. » Il remarque que, quand l’on parle de la Mer et des océans, « il ne faut pas oublier que notre corps est fait à 70 % d’eau. »

Mais cette Mer est menacée, surtout par l’exploitation et la contamination. « Il suffit de regarder les statistiques », note-t-il. Driss Dahak évoque les déchets laissés par les navires, ce que rejettent les industries dans la Mer, des déchets des industries.

Il rappelle que 30 % de la production pétrolière est offshore et qu’il y a 5504 plateformes pétrolières. « 85000 pétroliers sont aujourd’hui dans la Mer. On a vu ce qui s’est passé dans le Golfe du Mexique, c’est une source de contamination terrible », rappelle-t-il.

« L’humanité, l’Onu, les organisations internationales le savent. Il y a donc un arsenal très important de conventions internationales et de textes nationaux. Cet arsenal n’est pas complet, il n’est parfois pas efficace », relève Driss Dahak. C’est pour cela que le Canada a adopté une législation plus avancée que les textes internationaux en 1975.

Il rappelle que les armateurs responsables de pollution voient leur responsabilité limitée par les conventions de Bruxelles à 77 millions de dollars. Il est possible de contourner cette limite en prouvant la faute du capitaine. Il existe des mécanismes, notamment le fonds d’indemnisation de 1971, au cas où l’armateur ne peut pas payer.

« Le Maroc est une île avec une frontière sur la Méditerranée et le détroit de Gibraltar d’une part, l’océan Atlantique d’autre part, et une Mer de sable qu’est le Sahara », décrit Driss Dahak.

Le juriste décrit l’arsenal juridique important que possède le royaume : un code maritime très développé, l’adhésion à toutes les conventions de l’organisation maritime internationale, la législation sur la protection de l’environnement, la convention de 1982.

« Les menaces sont là. 30 % du commerce international passe par le détroit de Gibraltar. Des navires à propulsion nucléaire, des navires transportant des matières

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nocives, sans parler des navires de guerre », alerte-t-il. Driss Dahak rappelle que le nom de Gibraltar a été utilisé pour la première fois en 1310 par les Espagnols. « Il porte le nom de Tarek, grand leader marocain, qui a ouvert l’Andalousie aux Arabes et aux Marocains en particulier. »

100 000 navires par an transitent par le détroit. « Il y a peu d’accidents car l’organisation maritime internationale a partagé le détroit entre l’Espagne et le Maroc : les navires venant des Amériques passent par le Sud, ceux quittant la Méditerranée passent par le Nord. », précise Driss Dahak.

Il évoque le projet de liaison fixe entre l’Afrique et l’Europe qui doit se faire par un tunnel et lancé par le Maroc dans les années 1980. « Les études ont été achevées, j’ai eu l’honneur de présider le comité juridique mixte hispano-marocain. Le projet attend le financement. On pourra alors passer en 30 minutes », décrit-il.

Driss Dahak décrit les discussions qui ont mené à la création des différentes zones qui régissent la Mer. La zone économique exclusive débute à 12 milles marins. « L’État côtier y a un droit souverain, mais pas sur les espaces. Il peut exploiter les ressources vivantes et non vivantes. Pour le reste, c’est le régime de la liberté », explique-t-il.

La haute Mer s’étend au-delà des 200 milles marins, elle concerne la colonne d’eau. « Les fonds marin sont le patrimoine commun de l’humanité, précise Driss Dahak. Toute sorte de richesse qui se trouve au fond est propriété de n’importe quel habitant de la Terre. »

« Des États ont un plateau continental qui s’étend au-delà de la ZEE. En 1945, les États-Unis ont trouvé des signes de pétrole au-delà des 12 milles marins. Ils n’avaient pas le droit de l’exploiter. Truman a eu l’idée de dire que si la terre descend petit à petit dans la Mer jusqu’à l’abyssal, on appellerait ça le plateau continental et ce serait le prolongement de son État, autorisant l’exploitation. L’idée a été acceptée, à part en Amérique latine car les fonds marins plongent immédiatement. »

Certains pays ont donc eu intérêt à dire que le plateau continental dépasse les 200 milles marins, « et c’est le cas du Maroc, explique Driss Dahak. Des études récentes l’ont prouvé. Un rapport bien ficelé va bientôt être déposé pour montrer que le plateau continental s’étend bien au-delà des 350 milles marins acceptés par la convention de 1982. » Cela permettra au Maroc d’exploiter les richesses du plateau.

En référence à la haute Mer, Mehdi Alaoui Mdaghri évoque « la tragédie des communs ». « L’espace qui n’appartient à personne, qui est commun, est surexploité car les différents acteurs se dépêchent d’en utiliser les ressources », déplore le cofondateur du Forum. Il plaide pour le principe des aires marines protégées, qui se déploient petit à petit, et prend l’exemple du sanctuaire Pelagos à cheval sur la France, Monaco et l’Italie.

Driss Dahak déplore la difficulté d’appliquer la loi en Mer et de trouver une gouvernance, surtout avec 7 milliards d’êtres humains.

Il juge que « la Mer et les océans sont les sauveurs de la terre ». « En 1960, le Marocain avait 2650 litres d’eau douce par tête et par an. Actuellement, il n’en a que 620 litres. Ce seront 500 litres en 2030 C’est la Mer qui nous sauvera car il y a énormément d’eau douce au fond des océans. Cette eau est d’ailleurs protégée depuis des textes publiés en

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2016, elles sont un bien public, personne ne peut les utiliser sans l’autorisation de l’État », explique Driss Dahak.

« Celui qui détient la Mer détient l’avenir », juge-t-il, évoquant les problèmes politiques, économiques, sociaux, d’alimentation, de minerai que la Mer pourrait résoudre.

Mehdi Alaoui Mdaghri remercie Driss Dahak pour son intervention : « Cela faisait cinq ans que l’on invitait Si Dahak, nous voulions l’entendre, il est une véritable bibliothèque de connaissances sur la Mer » , se réjouit Mehdi Alaoui Mdaghri. Driss Dahak lui répond que le Forum, son équipe et ses participants « vont dans le bon sens pour développer ce royaume. Vous développez la société de l’avenir. »

Mehdi Alaoui Mdaghri donne la parole au gouverneur d’El Jadida Mouaâd Jamai, qui commence par féliciter le Forum d’être là après cinq éditions. Mouaâd Jamai commence par révéler aux participants les références à la Mer au sein de l’islam. « Notre religion, c’est la tolérance, l’amour, le partage. C’est exactement comme la Mer », relève-t-il. Il plaide pour que la Mer soit assimilée à la mère. Le gouverneur se félicite que de nombreux participants reviennent chaque année, qu’il y ait une communauté fidèle autour du Forum.

Originaire de Fès, il insiste sur le fait que la richesse d’El Jadida est la Mer. Une richesse que la province doit partager avec les autres.

Mehdi Alaoui Mdaghri remercie Mouaâd Jamai pour son soutien continu avant d’appeler les jeunes vainqueurs du Sea Lab, Imane Lamine et Fatim-Ezzahra Zarqane, à refaire leur présentation devant cette séance plénière de clôture. Le prix du Sea Lab leur est remis dans la foulée.

Le cofondateur du Forum invite Sylvestre Louis, le président des Glénans, à parler du partenariat entre les deux institutions. « Tu fêtes tes cinq ans, nous fêtons nos 70 ans. Je te souhaite d’avoir la même longévité », lance Sylvestre Louis à Mehdi Alaoui Mdaghri. Deux stages de voile aux Glénans seront offerts à des jeunes Marocains. « J’espère qu’ils attraperont ce beau virus de la navigation en Mer », ajoute Sylvestre Louis.

En conclusion, Mehdi Alaoui Mdaghri évoque le Livre bleu, qui réunit les recommandations qui émergent du Forum, comme le centre de la Mer, un cluster maritime… Pour Mehdi Alaoui Mdaghri, « le travail qui est fait contribue à la mise en place de solutions concrètes. »

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LA VIE DU FORUM

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Se promener sur les étendues de sable blanc, le regard posé sur l'horizon infini, les sens

mis en éveil face à ce paysage époustouflant ... Bienvenue à la surprenante Saïdia. Ici,

la nature est ce que nous avons de plus précieux et nous en prenons grand soin pour faire

de notre cité balnéaire une destination incontournable de la Méditerranée. www.vlsltersaldla.com

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« Ma priorité est la mise en œuvre de la stratégie nationale du littoral »

INTERVIEW DE NEZHA EL OUAFI Secrétaire d’État chargée du développement durable

Quelles sont les priorités pour protéger et mettre en valeur la Mer ?

Ma priorité est la mise en œuvre de la stratégie nationale du littoral. Elle s’articule en trois axes. D’abord, une politique de protection du littoral intégrée, avec les régions. Ensuite, la possibilité de voir le littoral comme une source d’emplois bleus. Enfin, travailler sur la transition bleue pour l’attractivité.

J’ai donné mes instructions pour élaborer des outils concrets de coordination entre les intervenants. Nous avons assez de plans, la question primordiale aujourd’hui est leur mise en œuvre. Soit au niveau des collectivités territoriales, soit au niveau des ministères, soit au niveau des citoyens. Il faut une accélération de l’application de la stratégie nationale, qui intègre tous les acteurs et permettre la convergence de leurs actions.

Soutenez-vous la création d’un conseil national de la Mer?

De manière générale, nous avons un conseil de l’environnement, qui porte la réflexion sur les réformes en matière d’environnement. Il faut faire en sorte que l’action du conseil et les mesures prises dans le cadre du plan national du littoral soient coordonnées. Tous les acteurs doivent engager un travail commun, que ce soient les directions locales, les collectivités territoriales, les acteurs privés...

Quand verra-t-on l’application de la loi littoral ?

Le plan d’application de la loi sera prêt en 2018. C’est le délai fixé par la loi, et il sera respecté. L’étude pour son application vient de débuter. Cela doit se faire dans une logique de décentralisation et de coordination.

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« Les énergies renouvelables valorisent le territoire et la population »

INTERVIEW DE BRIGITTE BORNEMANN Directrice des publications energiedelamer.eu , Présidente de B.Bornemann Conseil

Les entreprises comprennent-elles les enjeux liés à la Mer ?

Je me concentre sur le monde de l’énergie de la Mer, et c’est un secteur très nouveau. Ce sont des industries, de startups qui ont moins de dix ans. Engie, EDF, Suez, les pétroliers comprennent qu’ils y trouvent un intérêt.

C’est dû à trois raisons. D’abord, au niveau mondial, les acteurs financiers refusent désormais souvent d’investir dans des entreprises qui travaillent dans les énergies fossiles à cause de la responsabilité sociétale. En effet, s’il y a une catastrophe, ils peuvent être accusés et les dommages peuvent être si importants que l’entreprise peut être mise en péril.

Ensuite, la population accepte de moins en moins le risque. Les industries de l’énergie sont à risque ! Et malgré toutes les sécurités mises en place, malgré les contrôles des autorités indépendantes, les gens ne veulent pas de ce risque. Cela nécessite une autre approche et cela passe par les énergies renouvelables de la mer.

Enfin, les énergies renouvelables sont associées à un territoire, une population. Elles les valorisent. Ce ne sont pas des énergies délocalisables. Les entreprises et les gouvernements prennent en compte cet aspect pour favoriser la transition écologique.

La pression de l’opinion publique est donc primordiale ?

Oui, les consommateurs sont aussi des acteurs. On ne peut pas exclure les énergies traditionnelles, y compris le nucléaire, mais les énergies renouvelables créent de la valeur, remettent l’Homme au cœur d’un savoir, et deviennent rentables.

La construction d’une filière prend du temps, c’est cher, bien sûr. Il faut dix ou quinze ans pour la faire. Et alors ? La découverte de la radioactivité a eu lieu à la fin du XIXe siècle et il a fallu plusieurs décennies pour l’utiliser. En quelques années seulement, le prix de l’énergie éolienne a chuté en quelques années.

Est-ce une chance ou un handicap d’être un pays du Sud, comme le Maroc ?

Je constate qu’une réflexion importante a lieu. La construction de la centrale d’Ouarzazate est quelque chose de fantastique, c’est une vraie leçon.

Pour les pays côtiers, l’éolien flottant peut être une chance. Ils pourront aussi construire des ports au large. Ils permettraient d’avoir des bateaux containers énormes, et de retrouver une vocation plus sereine pour le littoral avec la pêche, le cabotage.

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« Le cluster maritime permet de faire bouger les lignes. »

INTERVIEW DE FRANCIS VALLAT Fondateur du cluster maritime français, président du réseau européen des clusters maritimes, président de SOS Méditerranée

Qu’apporte un cluster maritime ?

L’union fait la force. Il permet d’être écouté. Et il y a une véritable euphorie, pour les acteurs de se découvrir. Le cluster permet de faire bouger les lignes en interne et en externe. En somme, nous existons et le milieu réalise qu’il a la capacité d’être puissant.

Il porte la notion de place maritime. Il faut arriver à faire de la France une place maritime française, mais aussi européenne. Tous les membres du cluster partagent l’intérêt commun de promouvoir, de faire avancer la France maritime, dans le cadre du développement durable.

Quel rôle joue le cluster dans la prise en compte du développement durable par le secteur maritime ?

Ce secteur est un milieu économique, donc il saisit les opportunités qu’offrent les nouveaux défis du développement durable. En en respectant les contraintes, il faut en faire une force. Je constate que c’est ce qui se passe, le secteur accompagne ce mouvement pour en profiter, au sens noble du terme.

Le cluster permet de faire aussi avancer tout un tas de pratiques. Chez les responsables, il y a une conscience partagée de ces nouveaux enjeux. Et ce n’est plus du baratin, c’est une vraie prise de conscience que nous avons des responsabilités sur la planète pour les générations futures.

A quel stade se trouve le Maroc ?

C’est une impression, mais je crois que les Marocains en sont au stade où nous étions quand l’on a créé le cluster en France. C’est intéressant car le pays ignore les capacités que peut donner la Mer. Il existe déjà une vraie économie maritime, mais elle n’est pas organisée de manière transversale.

Je constate que le secteur n’est pas coordonné, que c’est un monde trop dispersé, qui ne s’est pas identifié lui-même. L’aspect encourageant, c’est que la marge de progression est énorme.

Quel est l’intérêt du réseau des clusters européens ?

Avant qu’il y ait un vrai cluster européen, il faudra plusieurs années. Les clusters nationaux ont des stades de développement différents, des cultures différentes… Mais pour se faire entendre, il faut faire avancer le maritime à l’échelon européen. Donc nous identifions des combats prioritaires communs et l’on nous confie une sorte de délégation pour les mener à Bruxelles.

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« On commence à s’appuyer sur la science pour agir en politique »

INTERVIEW DE FRANÇOISE GAILL Biologiste, directrice de recherche au CNRS, coordinatrice scientifique de la plateforme océan & climat

Quel rôle joue la recherche pour la croissance bleue ?

Le mot croissance, pour moi, est connoté par rapport à un mode de développement. Il est vrai que, si l’Europe a connu les Trente Glorieuses où la croissance après guerre avait un vrai sens économique, ce n’est plus le cas depuis plusieurs années.

Le terme croissance est un mirage de ce qui a été formidable et ne l’est plus, que l’on veut réintroduire à tout prix. Ce mot est lié à quelque chose de linéaire, quelque chose qui va toujours dans le même sens. Je ne pense pas que le développement des sociétés soit linéaire, il se fait par plateaux.

Je n’ai pas encore trouvé de terme adéquat, à part évolution ou développement. Dans le domaine scientifique, nous adoptons un regard critique. Et la réalité montre bien que la croissance est en panne. Ce n’est pas catastrophique, c’est une réorganisation de la société, de l’économie.

Au départ, l’économie s’imposait. Puis on a parlé de social. Enfin, on est arrivés à une phase avec l’économique, le social et l’environnemental. C’est le développement durable.

La recherche y a trouvé sa place ?

Ce qui est vraiment nouveau, c’est que l’on commence à s’appuyer sur la connaissance d’un domaine pour pouvoir agir au niveau politique. On sait qu’on peut d’abord penser avant d’agir, qu’il faut faire un état des lieux.

Les sociétés ont évolué d’une manière telle que l’Onu a mis en place un processus dans lequel les scientifiques ont la parole, pour le climat. C’est le Giec. Cela a été possible car il y a eu une entente entre les États, les scientifiques et l’Onu.

Pourquoi plaidez-vous pour prendre en compte la notion de service écosystémique ?

Le domaine scientifique a fait émerger ce concept. Le rapport sur le Millenium ecosystem assessment en 2005 l’a propulsé dans la sphère internationale. C’est le résultat de discussions entre des disciplines comme l’écologie, l’économie, pour faire émerger une nouvelle discipline, l’économie écologique.

Il consiste à prendre en compte le fait que si l’on touche à quelque chose dans un écosystème, il y a des conséquences sur l’ensemble de l’écosystème. Cette notion peut souvent aider. Parfois, par exemple, pêcher les poissons peut aider un écosystème. D’autres fois, si l’on pêche trop, cela fera disparaître l’écosystème. L’idée est d’être dans la durabilité, pour les générations futures.

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« Toutes les solutions à nos problèmes sont dans la nature »

INTERVIEW DE PATRICIA RICARD Présidente de l’institut océanographique Paul Ricard

Quel est l’objectif de l’institut océanographique Paul Ricard ?

L’institut est né en 1966 d’un coup de colère de mon grand-père contre les rejets des boues rouges dans la rade de Cassis. Il s’est battu mais les entreprises ont quand même donné l’autorisation pour les rejets. Il n’a pas baissé les bras et a créé un observatoire de la Mer avec Alain Bombard.

Le biologiste Nardo Vicente l’a rejoint et il a créé le premier laboratoire, qu’il a animé toute sa vie. Il a eu l’idée, à l’anglo-saxonne, d’avoir une équipe d’universitaires et de chercheurs, et de faire travailler des chercheurs confirmés et des étudiants, avec lui-même.

L’institut s’est intéressé à de nombreux domaines : l’impact des activités humaines sur le littoral, l’aquaculture, la qualité des eaux de baignade, les questions de conservation, les rejets en Mer, la pollution par hydrocarbures... Il travaille avec les entreprises pour développer les solutions. L’institut inclut toujours la dimension économique dans la recherche.

Nous travaillons aussi à la production de films, et nous commençons à utiliser Internet, les jeux pour les enfants pour constituer leur conscience. En plus de colloques, de congrès. Nous avançons en râteau : recherche fondamentale et vulgarisation. L’institut met aussi en place des résidences scientifiques. Je pense qu’il faut promouvoir la culture scientifique de la même manière que la culture artistique.

Que peut apporter le biomimétisme, que vous promouvez ?

Nous avons compris que toutes les solutions à nos problèmes sont dans la nature. Voir comment la nature réagit à une situation, c’est ce qui nous intéresse. Le meilleur exemple est la permaculture. On ne laboure pas, on n’utilise pas d’engrais, on n’utilise pas de tracteur, on ne laisse jamais la terre nue (recouverte de feuilles mortes en hiver). Les feuilles mortes auront disparu au printemps pour laisser place à de petites pousses.

On peut aussi prendre l’exemple des termites, qui ont inventé l’air conditionné dans les termitières. Ou encore la façon dont un arbre pompe l’eau. L’un des exemples les plus connus est le nez du train japonais Shinkansen, qui est inspiré du bec du martin pêcheur. Cet oiseau a mis des millions d’années à fabriquer son bec.

Le biomimétisme a-t-il été adopté par l’industrie ?

Les industriels se rendent compte qu’ils en faisaient sans le savoir. La cosmétique en faisant du bio, par exemple. L’architecture l’a fait car c’est économiquement concevable et esthétiquement appréciable.

Les leaders absolus sont les Allemands. Mais ils n’intègrent pas encore la durabilité comme une contrainte. Les Américains et les Anglais sont bons. La France est bien

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équipée, elle a des territoires incroyables, elle a beaucoup de naturalistes, elle a un engagement de conservation (parcs, ONF…), des compétences techniques, des ingénieurs remarquables, de l’argent, des investissements publics. Mais elle n’a pas de filière, alors que les Allemands et les Américains l’ont créée.

Il y a le Ceebios à Senlis, mais pour l’instant il n’y a pas de financements publics, à part une subvention régionale récente. C’est pour cela que j’ai rédigé un rapport au Conseil économique, social et environnemental pour qu’il y ait un fond d’amorçage pour le Ceebios.

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« Si les Marocains ont besoin de nous pour se structurer, qu’ils n’hésitent pas ! »

INTERVIEW DE M’BALIA SANGARE Présidente de l’Adepeg

Quel sens a votre présence au Forum de la Mer ?

Ça a un sens multiple. Le Maroc, d’abord, est en avance sur nous. Nous sommes un pays sous-développé. Se comparer, c’est se ressourcer. Et venir voir une fois est mieux qu’entendre une fois.

Ensuite, le fait d’être là nous a permis de parler de notre petite expérience. Nous nous sommes structurés, jusqu’à devenir une confédération. Nous avons beaucoup appris sur la Mer. Nous ne sommes plus ignorants. Et nous devons restituer ce savoir.

Je vais rendre compte, à mon retour, des échanges que j’ai eus ici. J’ai invité des représentants de la pêche, du ministère, des mareyeurs. Il y aura des membres de la confédération des pêches, industriels et artisanaux. Ce voyage au Forum était très beau, très instructif, je ne manquerai pas de leur raconter.

Que peut apporter l’expérience guinéenne au Maroc ?

Si les Marocains ont besoin de nous pour se structurer, qu’ils n’hésitent pas. En Guinée, vous ne pourrez pas trouver une femme exerçant dans un port, pas un pêcheur qui ne soient pas en coopérative. Ils ont leurs propres crédits, organisés en coopératives. C’est très important car il est nécessaire que le travailleur ait une bonne réputation pour obtenir ce crédit. Les gens revoient leur comportement, comme cela.

Ces coopératives se sont organisées en unions, souvent au niveau des ports. Cette union devient un interlocuteur. Quand c’est nécessaire pour mon association, ce sont ces gens-là que nous rencontrons. Ce sont eux qui désignent les personnes qui ont besoin des formations que l’on prodigue.

Nous sommes aussi en train d’essayer d’installer des radios communautaires pour les pêcheurs. Car ils ont des savoirs endogènes qu’ils peuvent mettre à disposition des autres.

Quel pays peut servir d’exemple ?

Nous avons pris exemple sur nos voisins sénégalais. Le Sénégal est très avancé sur ces questions. On y donne beaucoup la parole aux pêcheurs, qui parlent d’eux et de leur travail dans leur langue. Nous voulons nous inspirer de ça.

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« Le centre de la Mer met en lumière le lien Homme-océan »

INTERVIEW DE PHILIPPE VALLETTE Président de Nausicaa

Comment éduquer les citoyens à la Mer ?

Le centre de la Mer a un axe très fort se sensibilisation sur une meilleur gestion de l’océan. Il met en lumière le lien Homme-océan. Et promeut le développement de l’économie bleue qui, lorsqu’elle est appréhendée par le public, fait émerger la société bleue.

Les gens doivent comprendre que l’océan est dans leur vie quotidienne. Ce qu’ils respirent, une partie de leur nourriture, une partie de leurs loisirs, la culture… 90 % de ce qu’on porte est transporté sur la Mer. Des projets lourds d’énergie marine renouvelable sont élaborés.

Et la Mer peut aider à sortir de l’ornière dans laquelle nous sommes sur le plan de la gestion de la planète. Elle peut par exemple participer à résoudre le problème du changement climatique, car les océans sont les plus grands modérateurs du climat. Moi, je rêve de bioréacteurs à phytoplanctons qui pourraient permettre d’absorber le CO2 déjà présent dans l’atmosphère.

Comment agit le centre de la Mer Nausicaa ?

Nous avons un rôle d’éducation du public, des jeunes, de la façon la plus attractive possible. C’est la raison pour laquelle nous avons tous ces aquariums, ces films merveilleux. Car nous avons besoin de donner de l’espoir. Il faut diffuser des messages positifs. La blue society, c’est du positif.

Personne n’a envie d’écouter les gens qui disent que nous sommes en grande difficulté, qu’il faut faire moins avec moins ! C’est différent lorsqu’on dit que l’océan ouvre le champ des possibles, qu’il apporte des nouvelles solutions, qu’on amorce une révolution. Nausicaa est un endroit merveilleux, qui a beaucoup de succès.

Ces dix dernières années, il y a eu beaucoup de progrès. Déjà, on parle de l’océan. Et la notion d’économie bleue a émergé, elle est super positive et prometteuse, à condition qu’elle soit prise dans toute l’expression de la durabilité de la notion. Désormais, il faut que les citoyens se l’approprient.

Il reste beaucoup de travail avant d’arriver à la société bleue…

Tant que l’on ne passera pas à la société bleue, les gens ne penseront pas à utiliser les ressources de la Mer. On dit couramment que la moitié des molécules qui servent à guérir le cancer sont d’origine marine. Dans la trithérapie du VIH, l’une des molécules est issue des ascidies, ces animaux qui vivent accrochés aux rochers. On en revient à l’importance de la biodiversité : quand l’on fait disparaître une espèce, c’est un médicament potentiel qui disparaît.

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« De plus de plus de gens se mobilisent pour protéger l’environnement »

INTERVIEW DE SAAD ABID Président de l’association Bahri

Les Marocains s’approprient-ils les plages ?

Au Maroc, la plage est considérée seulement quand on est en saison estivale. L’hiver, certains y marchent, viennent sentir l’iode. Cela se reflète sur l’entreprise en charge de la collecte des déchets : leur contrat prévoit qu’une équipe de travailleurs ne travaille que l’été. Ils auraient pu prévoir une équipe toute l’année, qui serait renforcée l’été. Mais non… Seule une cribleuse passe une fois par semaine l’hiver. Tout n’est donc pas mis en œuvre pour que les gens profitent de la plage toute l’année. Alors que nous, surfeurs, nous y sommes tout le temps.

Nous réclamons que l’État nous donne les moyens financiers nécessaires pour nettoyer toute l’année avec les moyens techniques adéquats. Et qu’il existe une vraie police de l’environnement, pas juste 6 ou 8 par ville, qui puisse mettre des amendes. Ou des agents qui s’occuperaient de cela.

Constatez-vous que les gens sont de plus en plus sensibilisés ?

Beaucoup de professionnels voient encore la Mer comme une poubelle. Mais chez nous, à Aïn Diab, les plagistes, les écoles de surf, etc. nettoient un peu plus, mais il n’y a pas de suivi. Nous voyons les infrastructures évoluer, qu’il y a une volonté de l’État, mais cela se résume généralement à des actions ponctuelles. Par exemple avec zéro mika, on voit les sacs plastiques réapparaître. Pour le Pavillon bleu, un super travail est fait l’été, puis plus rien.

Le ministère de l’éducation devrait faire un partenariat avec le ministère de l’environnement, organiser des visites. Parfois, nous voyons des jeunes qui participent à nos opérations de nettoyage des plages qui jettent le gant qu’ils utilisaient par terre… Mais c’est normal, ils ne savent pas que c’est mal !

Vous sentez-vous soutenu dans votre action ?

Il y a de plus en plus de gens qui se mobilisent, qui créent des associations pour protéger l’environnement. Là où je me sens seul, c’est au niveau financier. C’est ma propre entreprise qui paie pour financer les frais de loyers. Je n’ai pas les moyens d’engager une vraie équipe, donc ma femme et moi travaillons bénévolement.

Il faudrait que l’État ait des fonds dédiés aux associations. Aujourd’hui, quand on va les voir, ils nous répondent qu’on doit répondre à des appels d’offre. C’est pour cela qu’on a lancé une opération où chacun s’engage à nettoyer la plage et ça permet d’avoir en échange des cours de surf, de yoga.

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« El Jadida est intimement liée à la Mer »

INTERVIEW DE MOUAAD JAMAI Gouverneur de la Province d’El Jadida

Pourquoi la présence du Forum à El Jadida est-elle logique ?

Nous sommes une ville maritime par définition. Le futur et l’histoire de la province d’El Jadida sont liés intimement à la Mer. Nous avons le plus grand port économique du Maroc, avec notamment des produits miniers. Nous développons le plus grand port gazier. Nous accueillons aussi des touristes sur nos plages.

Le Forum est un moment de partage international avec des experts reconnus. Il permet de nous ouvrir sur le monde et de faire connaître la province. Aussi, c’est un événement festif, ludique, qui constitue pour beaucoup d’enfants leur premier contact avec la glisse, la Mer, le sport.

C’est un événement qui est aujourd’hui petit, mais nous sommes certains qu’il grandira au cœur de la province, qui connaît elle aussi un développement. Il permet de bâtir le futur.

Pourquoi soutenez-vous la création du centre de la Mer ?

C’est une idée que je partage, que je soutiens. Mais ce n’est pas une mince affaire. J’ai demandé à Mehdi Alaoui Mdaghri de s’entourer d’un comité scientifique, de faire un business plan de cette institution pour expliquer le projet et recevoir le maximum d’adhésion. Sa conception est facile, mais pour sa réalisation, il ne faut pas louper le coche.

La ville d’El Jadida mérite de ne pas avoir seulement un événement culturel, mais aussi un centre qui fonctionne toute l’année.

El Jadida peut-elle être le lien entre les Marocains et la Mer ?

Le Maroc a la chance d’avoir 3500 kms de littoral. Nous avons un atout, et il faut réfléchir à comment partager cet atout avec tout le monde dans la rationalité, l’équité et le partage.

El Jadida est un joyau de l’Atlantique. Mais aussi de la Méditerranée, car les relations entre le Maroc et la Méditerranée sont très fortes, nous avons une mentalité méditerranéenne. Cette ville a une double culture méditerranéenne et atlantique. Nous sommes les voisins directs des Brésiliens, des Américains. Nous sommes une ancienne ville portugaise, et la ville de Mazagan existe au Brésil. Nous sommes en contact avec tout le globe.

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CULTURE ET HISTOIRE, FILS ROUGES DU FORUM

Qui pourrait être meilleur trait d’union entre la Mer et la culture que Titouan Lamazou ? Le navigateur et artiste avait carte blanche pour sa conférence avec pour thème « La Mer, source d’inspiration ». Une intervention en tandem avec Loïc Frémont qui s’est inscrite, vendredi, dans le fil rouge que la culture a constitué tout au long du Forum, avec la conférence sur le cinéma de Roland Carrée et les expositions du sculpteur Nordine Znati et du photographe Jean-Yves Gabriele.

Titouan Lamazou a pu revenir sur une vie partagée entre la navigation et ses pinceaux. Si sa carrière sur les bateaux a été courte, c’est elle qui l’a mis sous les projecteurs. Après avoir étudié les beaux-arts en France, Titouan Lamazou raconte qu’il s’est embarqué un peu par hasard avec le plus grand navigateur de l’époque, Éric Tabarly. « J’ai passé deux ans et demi avec lui. Je n’y connaissais rien mais on m’acceptait tant que je faisais le boulot. L’équipage a décidé que je réaliserai les dessins du Guide de manœuvre », un ouvrage réalisé avec Éric Tabarly, se souvient Titouan Lamazou.

À partir de là, il passera beaucoup de temps en Mer. « Je me disais pourtant que j’étais un artiste, je n’étais pas fait pour ça ! J’ai tenté de me sédentariser plusieurs fois, ça n’a pas fonctionné. J’étais attiré par mon lieu de naissance, le Maroc. J’ai passé un an à Aït Bouguemez, dans le Haut-Atlas, au début des années 1980. J’y ai rédigé des carnets de voyages, et je me suis intéressé à la décoration peinte », décrit le navigateur.

C’est après ce retour aux sources que Titouan Lamazou débute la course au large. Il acquiert la notoriété lorsqu’il remporte la toute première édition du Vendée Globe en 1990. « J’avais la conviction d’avoir remporté la course la plus dure du monde, donc cette fois j’ai décidé de reprendre les pinceaux !», se rappelle-t-il.

Après la création avec la navigatrice Florence Arthaud du trophée Jules-Verne, l’artiste-navigateur s’est mis à voyager, à rencontrer des artistes, à peindre. Après avoir évoqué ses derniers travaux, Titouan Lamazou évoque son futur projet, le Bateau-Atelier. « C’est un navire innovant qui a vocation à faire le tour du monde, décrit l’artiste. Son équipage sera composé d’artistes et de chercheurs. Il aura deux axes principaux. D’abord, la diversité humaine, alors que les murs s’érigent et la xénophobie s’exacerbe, le langage et les propositions des chercheurs et artistes sont utiles. Ensuite, la biodiversité, c’est-à-dire des autres espèces. »

Pour Titouan Lamazou, la force de ce Bateau-Atelier, c’est sa capacité à diffuser tout autour du monde grâce aux nouvelles technologies. La diffusion se fera aussi en films, en livres, etc. Le bateau sera écocompatible et construit avec le partenaire du projet, le constructeur de navires Beneteau. « Il s’appellera la Nouvelle Aquitaine. Ce sera un catamaran de 28 mètres. Il aura une surface de panneaux solaires et n’aura que des sources d’énergie autonomes », explique-t-il. Pendant la construction et l’utilisation du navire, l’équipage sera en contact permanent avec des établissements scolaires. « Climatologues, architectes, chercheurs en énergies renouvelables y seront associés », décrit Titouan Lamazou.

Pour sa « carte blanche », Titouan Lamazou donne la parole à Loïc Frémont, qui va présenter son association Si tous les ports du monde. Ce réseau international, que dirige Loïc Frémont, réunit des ports du monde entier. « L’idée est venue d’une soirée arrosée

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au bord du Saint Laurent avec le chanteur québécois Gilles Simon. Il m’a dit : « Tu as remarqué que les gens qui vivent dans les ports n’ont pas le même regard que les autres ? », raconte Loïc Frémont.

Originaire de Saint-Malo, Loïc Frémont a longtemps été comédien au théâtre de France, avant de diriger le festival du Marais puis de devenir délégué du théâtre de Pierre Cardin. Vers 30 ans, il a créé le théâtre de Saint-Malo.

« La ligne d’horizon me faisait rêver, raconte-t-il. Les premières aventures que j’ai lues étaient celles de Robert Surcouf. » Loïc Frémont est un passionné de sa ville et de son rapport à la Mer. Il raconte son histoire si particulière de ville de marins, de guerriers, frondeuse. Il explique au public comment les Malouins ont été les pionniers de l’aventure française en Amérique du Nord. Loïc Frémont conte les aventures des navigateurs malouins comme René Duguay-Trouin, Mahé de la Bourdonnais. Les Malouins, pendant des siècles ont fait fortune avec la guerre de course.

« Voilà pour notre imaginaire », conclut Loïc Frémont, avant d’expliquer les actions de Et si tous les ports du monde, qui organise des échanges, des stages. « Les valeurs qui m’intéressent, c’est la curiosité de l’autre. Alors que nous vivons dans un climat de peurs, nous allons vers les autres », explique-t-il, avant de conclure avec ce mot de Jacques Duhamel, ministre de Georges Pompidou : « La culture est ce qui est nécessaire à une journée de travail pour en faire une journée d’homme. »

Le marathon culturel du Forum se poursuit le lendemain avec la conférence de Roland Carrée sur La Mer au cinéma, dans le cadre magnifique du théâtre de la cité portugaise, ancienne église de la ville. Le spécialiste est remonté aux origines du septième art : dès les débuts du cinéma, la Mer était présente à l’écran. Grâce à de nombreux extraits, Roland Carrée décrit la place que prend la Mer au cinéma, sa symbolique, les évolutions techniques des représentations de la Mer au cours du temps.

La Mer est apparue pour la première fois dans La vague, d’Etienne-Jules Marey, qui a développé la chronophotographie. Une série de petites images diffusées à la suite rendent l’impression du mouvement. C’est ensuite le petit film La Mer des frères Lumières qui va fasciner les spectateurs en 1895. Pour beaucoup, c’était une vision exotique car ils n’avaient jamais aperçu la Mer.

« Aujourd’hui encore, chaque cinéaste a sa vision de la Mer », explique Roland Carrée. Bien sûr, c’est Jacques-Yves Cousteau qui a popularisé le cinéma consacré au monde sous-marin. « Quand Cousteau réalise Le monde du silence en 1955, il propose presque pour la première fois de voir des plongeurs, des poissons, etc. avec des techniques inédites pour l’époque », rappelle Roland Carrée.

Autre classique, Le grand bleu, où Roland Carrée décrit la fameuse scène du rêve du héros, où la symbolique de l’opposition entre le monde de la terre et le monde de la Mer est frappante. Aujourd’hui, la modélisation numérique atteint des sommets de précision. Roland Carrée prend l’exemple du film récent d’animation Vaiana, de Disney, où l’on peut percevoir les émotions de la Mer.

Impossible de ne pas évoquer Océans, de Jacques Perrin sorti en 2010. Roland Carrée diffuse la séquence où des oiseaux plongent par centaines pour pêcher. « C’est une séquence digne de Braveheart ou 300 ! », s’exclame-t-il.

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« La Mer est un milieu infini, qui peut faire peur car le danger peut surgir de n’importe où. Cette angoisse a souvent été saisie par les cinéastes. Le film de Spielberg, Les dents de la Mer, a fait chuter les réservations d’hôtel dans les stations balnéaires et a traumatisé toute une génération », rappelle Roland Carrée, avant de lancer un extrait du film.

« Mais l’océan, n’oublions pas que c’est la possibilité de vivre des choses extraordinaires, poursuit-il. Et l’océan est aussi souvent une sorte de miroir, d’écran qui peut faire surgir toute une possibilité d’histoires. » Roland Carrée diffuse deux extraits du Monde de Nemo, le film d’animation de Pixar, où le personnage de Marin est confronté à l’immensité de l’océan, à l’inconnu.

« La Mer suscite beaucoup d’imagination, analyse Roland Carrée.. Des écrivains comme Jules Verne et Herman Melville ont proposé des aventures incroyables, avec des baleines blanches, des pieuvres géantes… Ils avaient une imagination débridée ! La Mer est encore méconnue par les hommes, c’est logique de voir que c’est dans l’océan, et l’espace, que se passent les fictions les plus extravagantes. »

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Photos commentées des œuvres de Nordine Znati

Les œuvres du sculpteur marocain Nordine Znati ont été exposées tout le long du Forum à l’hôtel Pullman. L’artiste utilise des objets de récupération qu’il achète, qu’il trouve, qu’on lui donne. Derrière l’aspect esthétique, Nordine Znati veut montrer que les objets de récupération ont de la valeur.

« Je pensais depuis longtemps à réaliser un poisson en boîtes de conserve. J’ai saisi l’occasion du Forum de la Mer pour le faire. C’est un travail très écologique, il n’y a besoin que de coller et trouer. Les visiteurs du Forum ont aimé l’idée car le principe de la récupération est évident. À elle-seule, l’oeuvre participe à la sensibilisation. »

« J’ai voulu faire quelque chose de simple, pour expliquer aux enfants. Les oiseaux sont parmi les premières victimes du manque de nourriture. J’ai imaginé une fiction où ils devraient se nourrir de plastique. Est-ce vraiment une fiction ? »

« Cette sculpture fait partie d’une œuvre constituée à terme de dizaines de sculptures : Metamorphox. Chacune d’elle a son petit message. Ce personnage tient une porte montrant l’adresse d’un docteur. Il a déménagé pour aller vivre dans l’océan Pacifique. Peut-être qu’un jour, nous serons tous obligés de vivre au milieu de l’océan ? »

« Les personnages sont des pingouins au pôle Nord. L’oeuvre s’appelle « Discours du vendredi au pôle Nord. » L’imam prêche aux croyants qui écoutent attentivement. La lampe qu’il tient dans les mains représente la lumière. C’est une huppe, oiseau sacré dans la religion et cité dans le Coran. Le Coran évoque beaucoup la nécessité de préserver, de faire attention à la Terre. »

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SENSIBILISATION ET EMERVEILLEMENT A L’ARCHIPEL DES ENFANTS

Difficile de se frayer un chemin vers le bassin. Papas et mamans forment une barrière quasi-infranchissable. Certains filment, portable à la main, leurs gamins qui barbotent dans une improbable combinaison de plongée, d’autres tiennent fermement leur place dans la queue. À l’intérieur de la piscine installée pour l’occasion, les mains expertes des plongeurs de l’association de plongée d’El Jadida (APJ) guident les enfants, organisent les passages et sermonnent ceux qui s’agitent un peu trop dans l’eau. Succès incontestable pour cet atelier situé au cœur de l’Archipel des enfants, au cœur d’El Jadida.

Du 5 au 8 mai, la vingtaine d’ateliers de l’Archipel a accueilli des milliers d’enfants venus se sensibiliser, s’étonner et s’émerveiller. Jeunes Jdidis et enfants des employés des partenaires du Forum ont goûté à des activités souvent improbables pour eux. « Nous essayons de créer l’envie d’être plongeur chez les Jdidis, explique Mohamed, de l’APJ. Ils ont l’habitude de plonger sans rien, comme ça, mais nous leur apprenons la plongée avec bouteilles et donnons des notions de développement durable. »

A deux pas, un groupe d’enfants écoute attentivement les scientifiques de l’institut national de recherche halieutique. Deux dynamiques thésardes font passer fioles et flacons contenant d’étranges algues et animaux marins sous le regard intrigué des enfants. « Nous avons essayé de créer comme un mini-laboratoire, décrit la responsable du stand de l’INRH. Et nous leur décrivons ce qu’ils peuvent trouver dans la Mer, et comment chacune de ces espèces s’intègre dans l’écosystème. » Les deux étudiantes multiplient les noms étranges, en français ou en darija, que les enfants essaient de retenir.

Dans cet espace situé tout près de la plage, les enfants peuvent écouter les présentations de la Surfrider Foundation, de l’association Bahri, de l’association Lueur d’espoir, faire des expériences avec Les petits débrouillards, découvrir le cirque avec Kawassir… Entre science, sensibilisation, arts et loisirs, c’est une série de nouveaux univers que peuvent découvrir les enfants d’El Jdadida et d’ailleurs.

Non loin du bassin de l’APJ, Wissal, une étudiante de l’école supérieure des beaux-arts de Casablanca, supervise les dessins plus ou moins maladroits d’un groupe d’enfants. Une parenthèse artistique qui rejoint souvent la Mer puisque l’un des personnages qu’ils dessinent le plus est… Bob l’éponge.

Le même groupe se dirige vers le stand d’Art of change 21. Les bénévoles mêlent jeu, art et sensibilisation. Ils expliquent aux enfants la composition de l’air, l’impact de la pollution, les petits gestes écologiques au quotidien… « Nous parlons aussi du projet Maskbook, où chaque personne se fait photographier avec un masque fait en matériel de récupération avec un message écologique, décrit Anisse, membre de l’association. Cette façon de faire reste ancrée dans l’esprit des enfants. Notre objectif est d’avoir une grande base de données de photographies. »

À deux pas de là, l’ambiance est nettement plus sportive. Un terrain de beach volley borde les stands. En allant côté plage, un terrain de beach soccer côtoie des arts

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martiaux et le stand de Surfer’s paradise. Des sports méconnus au Maroc, que les enfants essaient souvent pour la toute première fois.

L’Archipel ne serait pas le même sans les encouragements et l’encadrement de ses bénévoles. Nordine est l’un d’entre eux, il fait partie d’un groupe de cinq bénévoles venus spécialement d’Ouarzazate. « On était déjà là les années précédentes et on travaille aussi sur le Morocco Solar Festival. On adore venir », se réjouit-il. Sofiane, un étudiant jdidi, raconte de son côté qu’il a réuni un groupe d’étudiants en à peine 24 heures. Ils voient défiler groupes d’enfants et ne ménagent pas leur énergie pour les motiver entre chaque atelier.

La vaste plage d’El Jadida se prête en particulier à la découverte du surf, de plus en plus populaire au Maroc. Surfer’s paradise, basée à El Jadida, organise des cours gratuits de 20 à 30 minutes. « D’habitude, les cours de surf sont trop chers pour les jeunes Marocains. Là, nous faisons découvrir le surf à 80 enfants par jour », décrit Cyril Lapierre, de Surfer’s paradise.

Le Français constate que les Jdidis sont familiers de la Mer. «Les enfants ont l’habitude de nager, de pêcher. Du coup, ils sont vite à l’aise sur la planche, même sans technique », explique-t-il. Mais les jeunes n’ont pas encore vraiment la conscience environnementale, intrinsèquement liée à la pratique du surf. « Ils ne savent pas que c’est mal de jeter les déchets par terre. Ça viendra petit à petit, avec le temps », espère Cyril Lapierre.

À quelques centaines de mètres du cœur de l’Archipel des enfants, c’est au port d’El Jadida, sous les murailles de la cité portugaise, que les enfants peuvent faire un tour de voile. Les petits catamarans et voiliers de Mehdi Rouizem font des ronds de l’eau avec leur équipage d’enfants tout sourire. Mehdi Rouizem, fondateur de l’école de navigation Bautilus et partenaire historique du Forum, garde un œil vigilant sur ses bateaux, perché au-dessus du débarcadère.

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Sea Lab, l’avenir de la recherche Ils avaient trois minutes pour présenter leurs thèses. Les six doctorants qui ont participé au Sea Lab ont tenu en haleine le public du Forum de la Mer sur des sujets pourtant complexes. Ces étudiants ont prouvé que la recherche sur la Mer avait beaucoup d’avenir !

Le jury n’a d’ailleurs pas réussi à choisir un seul gagnant parmi les six participants. Il a récompensé, ex-æquo, Imane Lamine et Fatima-Ezzahra Zarqane. La première est étudiante à la faculté des sciences de l’université Ibn Zohr. Elle présentait son étude d’impact sur Taghazout Bay, près d’Agadir, où un vaste projet de tourisme est en train de sortir de terre. La seconde est étudiante à l’université Chouaib Doukkali. Elle présentait son projet de modèle de représentation dynamique des facteurs favorisant le déplacement du sable dans la baie de Dakhla. Le jury a décerné la troisième place à Wafaa Boudaour, elle aussi étudiante à l’université Chouaib Doukkali, qui travaille sur la modélisation d’une souille dans la lagune de Oualidia.

« Nous avons été impressionnés par la qualité des interventions, l’aisance des candidats, leur passion et leur vitalité. Ça n’a pas facilité le travail du jury ! Nous nous sommes tenus au plus près des critères : le talent de l’orateur, sa capacité de vulgarisation, le respect du temps et l’aptitude à convaincre », a commenté le président du jury Jean-Pierre Glasser. L’ancien président des Glénans était accompagné, au sein du jury, par Touda Loutfi, directrice du développement de Casa Events, et par Ouafae Bouchouata, chef du service formation, recherche et développement de l’entrepreneuriat vert au secrétariat d’État au développement durable.

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Le Livre BleuSynthèse des travaux et recommendations

de la 5e édition du Forum de la Mer El Jadida - Du 3 au 7 mai 2017