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Universit dEtat B. P. Hasdeu de Cahul Gheivu Oxana

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Cahul

Histoire de la Littrature franaise du Moyen ge I. Le Moyen ge. Prsentation gnrale. Prsentation de la priode historique.............................................2 Prsentation du Moyen Age littraire. Les Genres littraires...9 II. Le spectacle thtral mdival: du mystre la farce La farce de matre Pathelin (vers 1465)........................................18 Mystres de la Passion......................................................................26 Arnoul Grban (vers 1425 - vers 1495)...........................................26 Jean Michel (mort en 1501 Le mystre de la passion (1486).........28 III. Les Rcits lgendaires La chanson de geste : La chanson de Roland.................................31 La lgende : Tristan et Iseut.............................................................36 Le roman courtois : Chretien de Troyes.........................................43 Les recits satiriques et moraux Le Roman de Renart.........................................................................48

IV.

V. La posie didactique et allgorique le Roman de la Rose ........................................................................56 VI. La Posie lyrique Guillaume de Machaut (vers 1300 - 1377).....................................62 Charles D'orlans (1394-1465)........................................................65 Christine de Pizan (vers 1364 - vers 1431).....................................69 Franois Villon (1431-1463?)...........................................................73 VII. Les Chroniques Jean Froissart (1337- aprs 1404)......................................................81 Philippe de Commynes (1447-1511).....................................................86 VIII. BIBLIOGRAPHIE.................................................................................90

LE MOYEN AGE. PRSENTATION GNRALE Prsentation de la priode historique I- Introduction: Le Moyen ge franais est une priode longue de prs de mille ans, comprise entre la fin de l'Empire romain d'Occident (476) et la restauration du pouvoir royal en France, vers la fin du XIe sicle. Cette priode est caractrise par le morcellement du royaume en clans rivaux, la monte en puissance de l'glise romane et la domination d'une classe de nobles sur la vaste majorit de la population. Mme si le latin est largement utilis travers l'Europe par l'lite intellectuelle qui enseigne dans les grands centres universitaires de France (Paris, Toulouse, Montpellier), c'est la langue romane qui domine, un mlange de latin, de celte et de germain. Ds le XIe sicle, les oeuvres littraires sont le fait de potes voyageurs se dplaant de chteaux en chteaux pour y produire leurs chansons de geste. Les trouvres chantent en langue d'ol, constitue par les dialectes du nord de la Loire, alors que les troubadours s'expriment en langue d'oc (dialectes du Sud). Ces oeuvres clbraient d'abord les exploits guerriers des seigneurs puis peu peu, s'inspirant des moeurs courtoises de la cour, les pomes ont chant l'amour et les devoirs d'hommage du chevalier envers sa dame. Le Moyen ge laisse aussi un extraordinaire hritage architectural avec la multiplication des villes souvent entoures de fortifications, ainsi qu'avec l'panouissement de l'art roman vers le 10e sicle, puis de l'art gothique partir du 13e sicle. II- Les Mrovingiens: Les Francs, qui occupent un royaume dans le nord de la Gaule, couronnent en 481 leur nouveau roi Clovis (465-511), qui n'a que 15 ans. Avec lui, ils fondent la dynastie mrovingienne, du nom d'un de leurs anctres, Mrove. C'est aussi avec ce nouveau roi que s'amorce la lente reconstruction de l'unit de l'ancienne Gaule romaine et du futur royaume de France. L'ambition de Clovis est de former un grand royaume qui englobe tous les peuples germaniques qui se sont installs en Gaule. Il combat ainsi et soumet les armes de Syagrus, dans le centre et l'ouest de la Gaule, puis les Alamans dans la valle du Rhin et enfin les Wisigoths en Aquitaine. Converti au christianisme en 496 la suite de son mariage avec Clotilde, le roi Clovis ajoute son domaine celui des Burgondes, dont son pouse est l'hritire. Clovis parvient de cette faon raliser vers la fin de son rgne une certaine cohsion territoriale et culturelle du pays en runissant sous son contrle des Gallo-Romains, au nord de la Loire et des Germains, au sud. C'est aussi pendant cette priode que Paris, l'ancienne Lutce, devient la capitale du royaume franc, prenant la place de Lyon, la prfre de Rome. Clovis reprsente dans l'histoire de France la premire tape de la fusion progressive des civilisations originaires de l'Europe de l'est et de l'hritage gallo-romain qui coexistent dans le pays cette poque. la mort de Clovis au dbut du VIe sicle, bien que l'unit culturelle qu'il a construite rsiste, ses hritiers entrent dans des querelles de rivalits qui conduisent des partages du royaume dans une confusion qui durera 250 ans. En dpit de ces divisions, certains rois, tels que Clotaire II, Dagobert et Childeric II parviennent prserver une cohsion au royaume. Avec les rois mrovingiens qui se succdent, certaines rgions mergent et dominent : au sud, l'Aquitaine, la Provence et la Bourgogne; au nord, la Neustrie et l'Austrasie. Mais l'image principale qui reste de cette poque est une succession de rois fantoches et dcadents (les rois fainants) dpourvus de rel pouvoir, manipuls d'une part par les maires qui contrlent l'administration du palais et d'autre part une aristocratie de province dont la monte en puissance provient de leur dtention de vastes domaines partout dans les provinces.

III- Les Carolingiens:

En 732, Charles Martel, un Austrasien, chef de Neustrie, repousse avec succs une invasion arabe (les Sarrasins) Poitiers. Cette victoire lui permet de consolider son pouvoir et d'tendre son influence dans toutes les rgions de l'ancienne Gaule. Son fils Ppin III, dit Ppin le Bref, se fait lire roi des Francs en 751 Soissons dans une crmonie runissant les nobles du royaume et au cours de laquelle il reoit la bndiction des vques. Trois ans plus tard, Ppin est nouveau sacr, par le pape cette fois, Saint Denis, prs de Paris. Ces sacrements ont une signification particulire pour l'avenir de la royaut en France, car ils illustrent la nouvelle personne sacre du roi, dsormais investie de l'autorit divine qui lui est donne par les reprsentants de l'Eglise, associs ainsi l'autorit royale. Avec le sacrement de Ppin le Bref, c'est aussi une nouvelle dynastie qui commence, celle des Carolingiens. Charlemagne hrite du pouvoir la mort de Ppin le Bref. Il renforce l'unit du pays commence sous le rgne de son pre tout en crant un empire dont le territoire s'tend bien audel du royaume franc, jusqu'au Danube et dans l'Italie du nord. Alli des papes, de qui il reoit la bndiction en 800 lorsqu'il est sacr empereur Rome, il intervient personnellement dans le nord de l'Italie contre les Lombards, en Espagne contre les musulmans, en Saxe contre les paens et en Bavire contre les descendants des Huns. Entre temps, Charlemagne le pieux "invente" l'cole, selon la mythologie franaise, en crant des coles monastiques pour les enfants. Il rpartit son empire en royaumes qui sont subdiviss en comts et en diocses. Les premiers sont administrs par des comtes et les seconds superviss par des vques que l'empereur nomme lui-mme. Ces entits territoriales jouissent d'une certaine autonomie mais doivent suivre les directives religieuses mises par l'Etat. Durant le long rgne de Charlemagne, de 768 814, l'empire des Francs chrtiens atteint une apoge, il constitue la force dominante en Europe occidentale. Cette poque est particulirement brillante et fconde pour les arts, telle point qu'elle a t nomme la renaissance carolingienne. Mais l'empire se morcelle nouveau aprs la mort de Charlemagne, il ne rsiste pas aux querelles de ses hritiers. En 843, par un accord entrin Verdun, ses trois petits-fils se partagent l'empire; c'est probablement dans ce partage que commence vritablement l'histoire du royaume de France: Charles le Chauve rgne sur la Francia Occidentalis (Aquitaine et Neustrie); Louis le Germanique sur la Francia Orientalis (de la Saxe au nord jusqu' la Bavire au sud); enfin, Lothaire s'arroge un royaume situ entre les deux prcdents, la Lothargie, qui comprend la Lorraine, la Bourgogne, la Provence et la Lombardie. Ce royaume intermdiaire fera l'objet d'incessants combats entre la future France, l'ouest, et la future Allemagne, l'est. Par ailleurs, de nouveaux envahisseurs venus du nord, les Vikings, appels aussi les Normands, font de frquentes incursions dans le royaume, comme partout en Europe. Leurs drakkars, de longs navires fond plat, leur permettent une grande mobilit en mer et sur les fleuves. Ils menacent Paris deux fois, en 845 puis en 885, lorsqu'ils en font le sige durant une anne avec 20 000 hommes, se retirant finalement contre une forte ranon. Les Vikings s'installent dfinitivement dans la partie nord-ouest de la France vers la fin du IXe sicle. Ce territoire deviendra en 911 le duch de Normandie, aprs la signature d'un trait de paix entre Charles III, roi de Francia Occidentalis depuis 898 et Rollon, chef normand, qui le roi offre sa fille en mariage, selon la tradition. Rollon a un illustre descendant, Guillaume de Normandie, qui conquiert l'Angleterre en 1066 et en devient le premier roi. IV- Les Captiens: En 987, la mort de Louis V, dernier roi carolingien, Hugues Capet accde au trne. Il est le premier monarque de la longue dynastie des Captiens directs, qui durera prs de 350 ans, jusqu'au dbut du XIVe sicle. Par ses diffrentes branches, la ligne captienne continuera jusqu'au 19e sicle, avec Charles X, dernier roi de France. L're nouvelle qui dbute avec le premier des Captiens est marque par son organisation de type fodal, dj mrie sous les Carolingiens. Dans ce systme, chaque sujet est un vassal qui jure fidlit et soutien un

seigneur plus important, le suzerain, qui lui offre en change sa protection et une terre, nomme le fief (lat. feodum, d'o l'adjectif fodal). Cette organisation pyramidale d'autorit et de subordination rciproques remonte jusqu'au roi, qui sige au sommet de la hirarchie, sans que ce dernier ait se mler des chelons infrieurs. L'une des consquences majeures de la mise en place d'un tel systme a t le dveloppement sans prcdent des terres cultives l'intrieur du royaume, ainsi que la multiplication des villes, tmoignant de l'essor conomique des rgions. Par ailleurs, les Captiens instaurent la monarchie hrditaire, par laquelle le fils an hrite automatiquement du trne de France. Les autres fils reoivent un apanage, c'est-dire un territoire vassal mais indpendant qui leur appartient en droit et qu'ils transmettent leurs hritiers. L'apanage reprsente un grand danger pour le roi, car ce systme fragmente le royaume et certaines provinces peuvent se retourner contre lui, comme cela a t le cas au XIV e sicle pour la puissante Bourgogne. Le XIe sicle marque aussi le dbut des Croisades, dont la premire a lieu en 1095. l'appel du pape, les chrtiens d'Occident se mobilisent pour se rendre Jrusalem et en chasser les Turcs qui occupent la ville sainte depuis vingt ans. Des foules massives venues de toutes les rgions d'Occident se dirigent vers le lieu mythique de la naissance du Christ. Malgr la lourdeur des pertes humaines qu'entranent les nombreuses batailles et les prils du voyage, les Chrtiens parviennent librer Jrusalem en 1098. Cette croisade provoque un fort sentiment d'unit travers tout le monde chrtien, sept autres croisades auront lieu au cours du XIIe et du XIIIe sicles. En 1137, Louis VI, dit le Gros, cinquime des rois captiens, trouve la mort. Quelques semaines plus tt, il a arrang le mariage de son fils le dauphin Louis, 17 ans, la belle Alinor, 15 ans, comtesse du Poitou et seule hritire du vaste duch d'Aquitaine. Cette alliance, avant tout politique, permet au royaume captien d'largir pour la premire fois son influence au sud de la Loire. Alinor, sensible et cultive, est malheureuse dans ce mariage, qui la contraint vivre parmi les chevaliers du Nord qui ne pensent qu' la guerre. Pire, elle ne conoit pas d'enfant pour la succession du roi. En 1147, alors qu'elle accompagne son poux Louis VII pour la seconde croisade, on la souponne mme d'adultre. Au retour de la croisade, qui lui a fait connatre Byzance, Antioche et Jrusalem, Alinor donne enfin naissance un enfant, mais c'est une fille... Louis VII dcide alors en mars 1152 de rpudier la reine et de divorcer. Aussitt le concile termin, Alinor rentre en Aquitaine et pouse peu aprs son jeune et bel amant, Henri Plantagent, duc de Normandie et de Bretagne, comte d'Anjou, de Touraine et du Maine et, dsormais, duc d'Aquitaine. Deux ans plus tard, l'ge de 21 ans, Henri Plantagent devient roi d'Angleterre et contrle plus de la moiti du royaume de France. Henri Plantagent, vassal du roi, est en fait bien plus puissant que Louis VII, son suzerain. Quant l'Aquitaine, perdue pour les Captiens par un mauvais mariage, elle restera sous la domination anglaise pendant trois sicles. En 1200, Alinor, reine d'Angleterre, dcide de renouer les liens avec le royaume de France dans l'espoir de mettre un terme aux hostilits entre les deux pays. Elle parvient conclure le mariage de sa petite-fille, Blanche de Castille avec Louis, fils de Philippe Auguste (11801223). Cependant, si cette union russit cette fois au plan sentimental, elle choue au plan politique : Philippe Auguste, septime des rois captiens, fils de Louis VII, est dcid reconqurir le territoire perdu aux Anglais. Sous son rgne, le royaume s'largit nouveau, il inclut dsormais la Normandie, le Poitou, la Touraine et l'Anjou. Philippe Auguste remporte une victoire dcisive Bouvines (1214) contre les allis de Jean Sans Terre (1167-1216), roi d'Angleterre, fils d'Henri II Plantagent et d'Alinor, et frre de Richard Coeur de Lion, son prdcesseur sur le trne. V- Saint Louis: Le petit-fils de Philippe Auguste devient roi l'ge de 12 ans, en 1226, son pre ayant trouv la mort au cours d'une croisade, trois ans aprs le dbut de son rgne. Louis IX est sacr

Reims, alors que la cathdrale est encore en construction. Sa mre, Blanche de Castille, assure la rgence jusqu' la majorit du jeune roi, qui sera clbre sous le nom de Saint Louis, aprs sa canonisation en 1297. Le long rgne de Louis IX, qui prend fin en 1270, lorsqu'il meurt du typhus devant Tunis, marque l'apoge de l're captienne. Ce roi la fois aim et craint de ses sujets renforce le pouvoir royal autour de la personne du roi, tout en crant un systme par lequel chaque sujet peut porter plainte directement la cour royale contre les abus des autorits seigneuriales locales. Cette procdure remet en cause les structures essentielles du systme fodal, selon lesquelles le peuple est l'extrmit de la chane du pouvoir. Cette initiative a fait de Saint Louis un roi plus proche de ses sujets dans l'imagination populaire en mme temps qu'elle renforait sa position d'arbitre suprme. Paris, un collge pour les pauvres est fond en 1257, qui deviendra plus tard un des principaux centres du savoir en Europe, l'Universit de la Sorbonne. Saint Louis acquiert une rputation de roi chrtien en participant deux croisades et en exigeant de son peuple une ferveur sans concession, la mesure de sa propre dvotion. C'est durant son rgne que s'panouit l'art gothique, avec la construction de la Sainte Chapelle Paris, ainsi que celle des cathdrales de Reims, de Chartres et d'Amiens, chefs-d'oeuvre de l'art gothique. Son rgne apporte aussi la paix au pays, et une certaine prosprit conomique. En revanche, les guerres ne sont pas absentes durant cette priode, le Trait de Paris en 1259 met fin aux hostilits avec l'Angleterre, par lequel plusieurs provinces du sud-ouest de la France sont remises Henri III. Faute d'hritier mle, la dynastie des Captiens s'achve en 1328, la mort de Charles IV, l'un des arrires-petits-fils de Saint Louis. La loi salique, publie en 1316, interdit en effet aux femmes la succession au trne. La couronne de France passe ainsi la branche des Valois, reprsente par Philippe VI, fils de Charles de Valois, lui-mme fils cadet de Philippe III (1245-1285), le successeur de Saint Louis. VI- La guerre de Cent Ans (1337 - 1453): Ce changement de dynastie concide avec l'une des priodes les plus sombres de l'histoire de France. L'ennemi est dsormais l'Angleterre et lorsqu'il arrive au pouvoir, Philippe VI veut reprendre au royaume d'Outre Manche les territoires du sud-ouest qui ont t concds sous le rgne de son pre. Toutefois, les armes des chevaliers du roi de France ne parviennent jamais tre la hauteur des soldats d'Henri III. Il s'ensuit des dfaites catastrophiques des Franais contre les Anglais, d'abord Crcy (1346), puis Calais (1347). Peu aprs, une grave pidmie de peste noire svit sur le pays. Apparue en 1347 Marseille, elle s'tend rapidement sur tous le pays et fait des millions de victimes, que l'on estime un tiers de la population de France. La catastrophe est telle et les mdecins si impuissants qu'elle provoque des comportements extrmes parmi la population, tels que le massacre de populations juives (Strasbourg, 1349), accuses d'tre l'origine du mal. D'autres pidmies au cours du 14e sicle ajouteront encore au dsastre dmographique et conomique qui a frapp le royaume. la mort de Philippe VI, Jean Le Bon accde au trne (1356) et engage nouveau la guerre contre l'Angleterre, sans plus de succs que son pre toutefois. Ses dfaites successives, en particulier Poiters en 1356 lorsqu'il est fait prisonnier, conduisent la paix de Calais (1360), par laquelle la France concde l'Angleterre la ville de Calais et surtout, l'ensemble du sud-ouest du royaume. Charles V (13641380), fils de Jean le Bon, entreprend avec plus de succs une reconqute du royaume a lieu et vers la fin de son rgne, les Anglais ne possdent plus que quelques villes, dont Bordeaux, Brest, Calais et Cherbourg. Toutefois, la situation se renverse nouveau au cours du rgne de Charles VI (1380-1422), son successeur. Deux facteurs essentiels contribuent ce retournement: d'une part, les crises de dmence frquentes de Charles VI, qui l'empchent de gouverner le royaume; d'autre part, un climat de guerre civile est provoqu par la grave scission entre Armagnacs, l'ouest du pays et en Ile de France, et

une nouvelle puissance, celle des Bourguignons, l'est et au sud. Ces derniers sont conduits par le duc de Bourgogne, Jean sans Peur. Henri V, roi d'Angleterre, profite de ce conflit et enregistre une victoire clatante sur les armes de Charles VI la bataille d'Azincourt (1415), au cours de laquelle 5000 Franais trouvent la mort, dont de nombreux nobles de la cour. Cette victoire dcime l'arme franaise et entrane d'autres succs militaires de l'Angleterre, qui reprend finalement la Normandie, passe sous le contrle de la France depuis deux sicles. La situation devient dsespre lorsque Jean sans Peur est tu en 1419 par le dauphin Charles et le clan des Armagnacs. Son fils et successeur Philippe le Bon s'allie alors avec Henri V dans le but d'affaiblir les Valois. En raison de la maladie mentale qui empche Charles VI de gouverner, c'est la reine Isabeau de Bavire qui prside la rgence; face ces ennemis puissants, elle ne peut rsister longtemps et consent finalement signer le Trait de Troyes, en 1420. Selon les termes de cet accord, Catherine de France, la fille de Charles VI et d'Isabeau, est donne en mariage au roi d'Angleterre. Par ailleurs, le dauphin Charles est dshrit et la couronne de France doit revenir Henri V la mort du roi. Le royaume de France est ainsi remis aux Anglais. Mme si ce plan ne russit pas compltement en raison de la mort d'Henri V en 1422 (la mme anne que celle de Charles VI), ce trait marque une date sinistre de l'histoire de France, il signifie la fin de la cohsion nationale construite lentement par les Captiens et les Valois. Il semble que le pays est ramen une situation comparable celles qu'il a dj connues au premier sicle avant notre re avec la conqute romaine, ou au V e sicle avec les invasions barbares. VII- Jeanne d'arc (1412 - 1431): Le rle et le symbolisme de Jeanne d'Arc, dite la Pucelle d'Orlans, sont cruciaux la fois pour l'histoire de France et pour l'imaginaire collectif franais. Son histoire est un mlange d'hrosme et de magie: cette fille de paysans de Lorraine, profondment pieuse et qui entend des voix divines lui demandant de remettre le dauphin Charles sur le trne de France, incarne le renouveau de l'esprit de nation parmi le peuple franais contre l'envahisseur d'Outre Manche. Au moment o Jeanne commence sa mission qui lui est commande par Dieu, la France est sous la rgence du duc de Bedford, le frre d'Henri V, roi d'Angleterre. Charles le dauphin, personnage faible et sans charisme, n'est reconnu comme roi que dans certaines provinces du Centre et du Sud de la France, ce qui lui vaut le surnom moqueur du "roi de Bourges". Aprs plusieurs tentatives pour rencontrer le roi, Jeanne est finalement amene au palais. Mfiant, Charles se dguise et se cache parmi la foule des courtisans tandis qu'un autre prend sa place. Pourtant, Jeanne, qui n'a jamais vu le dauphin, se dirige aussitt vers Charles et lui fait part de son intention de dlivrer Orlans, ville favorable aux Valois mais assige par les Anglais. Aprs d'autres preuves qui lui permettent finalement de gagner la confiance de la cour, elle reoit une arme, un drapeau et des armes pour accomplir sa mission. Partie la tte des troupes du dauphin l'assaut d'Orlans, elle parvient dlivrer la ville en 1429. Son second objectif est de faire couronner Charles Reims, une ville situe en territoire bourguignon, afin d'assurer la lgitimit du prtendant au trne de France. Quelques semaines plus tard, elle russit, le dauphin est enfin couronn et devient le nouveau roi de France, Charles VII. Ce sacre est important, mais la reconqute du royaume de France est encore plus cruciale. Charles VII hsite, et cette hsitation conduit finalement la capture de Jeanne d'Arc par les Bourguignons Compigne, prs de Paris, en 1430. Vendue aux Anglais, Jeanne est transfre Rouen o elle est juge. Le procs la dclare hrtique, et elle est brle en 1431 sur une place de Rouen. Au milieu des flammes, Jeanne criait encore le nom de Jsus. La mort de Jeanne d'Arc pourtant ne stoppe pas le processus de reconqute. Pour combattre plus efficacement les occupants anglais, Charles VII s'allie finalement Philippe le Bon, duc de Bourgogne, par le Trait d'Arras (1435). Mme si le trait laisse d'normes concessions territoriales et politiques au duc de Bourgogne (il n'est plus dsormais un vassal), cette alliance retrouve reconstitue l'unit des Franais. Les Anglais sont chasss de Picardie, puis plus tard,

de Normandie (1450) et finalement, tout le sud-ouest est reconquis en 1453, y compris la Guyenne (autour de Bordeaux) o les Anglais taient installs depuis trois sicles. Ces victoires marquent la fin de la guerre de Cent Ans. L'unit du royaume de France est acheve par Louis XI, le successeur de Charles VII en 1461. Le nouveau roi engage immdiatement la lutte contre les anciens allis de l'Angleterre, reprsents dsormais par Charles le Tmraire (1433-1477), duc de Bourgogne. Lorsque Charles prend en 1467 la succession de son pre Philippe le Bon, le territoire qu'il hrite comprend non seulement la Bourgogne et la Franche Comt, mais aussi le Luxembourg, la Belgique et la Hollande. Cette puissance reprsente une menace considrable pour Louis XI, qui sait que Charles rve d'un tat indpendant encore plus grand qui rivalise avec le royaume de France. Pendant dix ans, Louis XI et Charles le Tmraire s'affrontent dans des batailles. En janvier 1477, Nancy, Charles est finalement tu au combat et ses armes se dispersent. Sa mort marque la fin de l'Etat bourguignon: les hritiers de Charles remettent la Bourgogne et la Picardie Louis XI. Quand ce dernier meurt son tour, en 1483, les Valois ont encore runi sous leur autorit l'Anjou, le Maine et la Provence. Le XVe sicle a t une priode difficile pour le royaume de France, la rivalit entre Armagnacs et Bourguignons aurait pu lui tre fatale. Pourtant, la France sort renforce de ce sicle d'affrontements, et elle entre alors dans une nouvelle priode, la Renaissance, largement suscite par son attrait pour le voisin du sud, l'Italie. Le Moyen Age historique est la priode qui s'tend de la chute de l'Empire romain en 476 jusqu' la prise de Constantinople par les Turcs en 1453. Le Moyen Age littraire quant lui ne dbute qu'au milieu du XIe sicle avec les premires Chansons de Geste. C'est pendant cette longue priode d'instabilit que naissent notre langue et notre littrature... La littrature du Moyen Age est avant tout de tradition orale. Les troubadours ( potes et jongleurs qui s'exprimaient en langue d'oc, c'est--dire en dialecte du sud de la France) et un peu plus tard, les trouvres ( potes et jongleurs qui s'exprimaient en langue d'ol, c'est--dire en dialecte du nord de la France), parcouraient les campagnes et les villes pour psalmodier ( chanter sur un ton monocorde sans accompagnement d'un instrument de musique) les chansons de gestes, chanter des pomes lyriques ( avec accompagnement d'un instrument de musique) ou rciter des textes narratifs (romans). Certes il y avait des manuscrits mais seuls leurs auteurs ou les moines copistes les avaient en leur possession. Lire tait rserv une petite lite et mme la plupart des grands seigneurs fodaux taient illettrs. La tradition crite n'est donc pas au moyen ge un mode d'accs la connaissance des textes. Par ailleurs, troubadours et trouvres taient le plus souvent accompagns de jongleurs qui mimaient les scnes racontes ou chantes. Cette "thtralit" des pomes et des rcits avait pour but premier de retenir l'attention du public et selon ses ractions, il n'tait pas rare que le troubadour insiste sur tel ou tel aspect du texte. Aussi les textes originels sont-ils assez souvent accommods la mode du rcitant. Prcarit des manuscrits, d'autant plus que l'rosion du temps a souvent rendu leur "dchiffrage" difficile, transmission orale "dforme", sont autant d'lments qui rendent difficile l'accs la littrature du moyen ge. Enfin, la langue du moyen ge est trs loigne du franais que nous pratiquons. L'ancien franais, variant au gr des rgions et des dialectes, ncessite d'tre traduit pour que le lecteur moderne puisse comprendre les textes et comme toute traduction, cela pose le problme des "approximations" invitables (surtout si la graphie est altre). En dpit de ces inconvnients, la littrature du moyen ge est une tape ncessaire pour

apprhender les uvres postrieures, de plus, elle nous a donn de grands hros qui, tels, Roland, Lancelot, Tristan et Yseut ..., font partie du patrimoine culturel de tous. On peut distinguer une littrature " srieuse " et une littrature d'imagination. La littrature " srieuse " regroupe les traits scientifiques, thologiques et philosophiques (catgorie revivifie aux XIIe et XIIIe sicles par la redcouverte d'Aristote et de ses commentateurs arabes, et qui revtit souvent la forme de pomes didactiques), l'histoire (qui s'exprima en langue vulgaire pour la premire fois en Normandie, au XIIe sicle), l'hagiographie (rcits de vies de saints), certaines formes de posie (posie liturgique : squences, tropes ; posie de lamentation: les planctus) et de thtre (les Passions). La littrature d'imagination avait disparu avec l'effondrement du monde antique ; le Xe sicle la rinventa. Elle comprend en premier lieu la posie lyrique, en latin (en vers classiques ou dans une cration originale du Moyen ge, les vers rythmiques) ou dans les langues vulgaires ; elle est reprsente par les troubadours occitans, apparus au XIe sicle (ils influencrent l'Italien Dante Alighieri), les trouvres franais, les Minnesnger allemands, et les grands potes lyriques des XIVe et XVe sicles : Guillaume de Machaut, Alain Chartier, Christine de Pisan, Franois Villon. QUELQUES REPRES Evnement politique et social 987 Hugues Capet 1085 premire croisade Jrusalem 1091 prise de Jrusalem 1147 deuxime croisade Jrusalem 1187 reprise de Jrusalem 1180-1223 rgne de Philippe Auguste 1226-1270 rgne de Saint Louis 1155 Tristan de Thomas 1170 Le roman de renard ( auteur anonyme) 1170 Le roman de Tristan de Broul 1170 Lancelot de Chrtien de Troyes Evnement littraire 1070 La chanson de Roland

Evolution de la langue - Avant le XIe sicle, la langue littraire tait le latin et n'tait pratique que par les clercs (hommes lettrs qui faisaient partie du corps ecclsiastique mais qui n'taient ni prtres ni moines, qui avaient la tonsure) et s'adressait essentiellement aux grands seigneurs fodaux. A partir du XIme sicle, le public s'largit : la bourgeoisie des villes prend de plus en plus d'importance et veut accder la littrature. Par ailleurs, le nombre des auteurs et des conteurs se multiplie grce l'usage de la langue vulgaire (dialectes de France par opposition au latin). La langue d'oc (oc signifie oui au sud de la France) et la langue d'ol (ol signifie oui au nord de la France) commencent s'imposer en posie. Les dialectes (ou langue vernaculaire) tels le picard, le normand, le francien, sont eux aussi au service de la tradition crite. Au XIIme sicle, les textes de l'antiquit latine sont traduits en roman, langue vulgaire commune tous les lacs. Le terme "roman" dsignera ensuite toute production littraire crite dans cette langue.

PRSENTATION DU MOYEN AGE LITTRAIRE .

LES GENRES LITTRAIRES Le thtre religieux et profane Comme dans la Grce antique, le thtre franais a une origine religieuse. partir du me X sicle, on reprsente, l'intrieur des glises et en latin, de brefs drames liturgiques, dont le sujet est tir de la Bible. Il avait t oubli sous les Mrovingiens et les Carolingiens et renat au Moyen Age en s'inspirant de la vie liturgique. La liturgie dramatise le mystre sacr; elle le reprsente et donne naissance au drame liturgique, partie intgrante de l'office. Autour de lan mille, les tropes font leur apparition. Cest, loffice de Pques, le dialogue des saintes femmes et de lange (un enfant en robe blanche debout sur un podium dress au milieu du chur): Qui cherchez-vous dans le spulcre? Jsus de Nazareth. Il nest plus ici. Il est ressuscit..., ou, la veille de Nol, sur le jub, le dfil des prophtes annonant la venue du Sauveur. A l'extrieur des glises, camelots, vendeurs de drogues, arracheurs de dents, acrobates, escamoteurs, montreurs de btes curieuses ameutent les badauds par leurs boniments emphatiques (tel le Dit de lherberie , de Rutebeuf), comme le font de leur ct les "jongleurs", qui sont des conteurs ambulants. Ce thtre de la rue coule dans un moule littraire le parler commun. Ds la fin du XIIme sicle, s'accomplit un changement radical : avec le Jeu dAdam et ve, la plus ancienne pice de thtre qui a pour objet de raconter la msaventure dAdam au paradis, compose en franais par un moine anglo-normand, la pice se joue sur le parvis, en langue vulgaire (le drame sacr smancipe du latin), avec des acteurs lacs et un dcor multiple (le Paradis, Jrusalem, l'Enfer). C'est le drame semi-liturgique, qui prend le nom de miracle quand son argument provient de la Vie des Saints (le Jeu de saint Nicolas). Il et se dploie sur le parvis de lglise, au grand jour de la place publique. Le clerg garde la haute main sur les reprsentations; cest lui qui dirige le travail des nombreux corps de mtiers (confrrie) qui construisent les dcors et les machines. Il rgle la mise en scne, lexcution musicale, et y tient mme certains rles. Mais les lments profanes, par le biais des intermdes bouffons qui tiennent en haleine le menu peuple, prendront dans le spectacle une place de plus en plus importante. Lapparition dcrivains professionnels, mme sils remplissent, comme Rutebeuf, des fonctions clricales, accentue le processus de lacisation. Cest le cas de deux trouvres arrageois, Jean Bodel (1210) et Adam le Bossu (1290): de lun, le Jeu de saint Nicolas traite la donne hagiographique en roman daventures cors de scnes de taverne; du second, le Jeu de la feuille , sorte de revue dintrt local, et le Jeu de Robin et de Marion , divertissement de cour, sont dinspiration tout fait profane. Et pourtant le thtre religieux senrichit de deux thmes nouveaux : la Fte-Dieu, institue en 1264, se clbre en juin par des processions; aux reposoirs, des estrades sont dresses, o des tableaux vivants remmorent des scnes de lcriture et les "miracles de NotreDame", dune spiritualit plus tempre, plus bourgeoise. La vogue durable des deux genres est atteste par de nombreux recueils qui nous en sont parvenus. Le terme de mystre nest gure usit avant le XVme sicle. Il sapplique plus spcialement aux "passions", succdans dramatiques de pomes narratifs en latin dont le plus ancien remonte la fin du Xe sicle. La plupart droulent comme une immense tapisserie (de 15 000 45 000 vers) la vie du Christ, de lAnnonciation la Rsurrection puis plus tard, les vies de saints.

Par le sujet, la farce de Matre Pathelin est encore un fabliau; par les rebondissements de lintrigue (dcoupe en trois actes dans des versions ultrieures) et surtout par le relief des caractres, cest dj une comdie. La sotie, elle aussi, pouvait comporter un dveloppement toff. Les sots, ce sont les "fous" de cour. Aux mains de leur "prince", une marotte grelots tient lieu du fouet de la satire. Cest le sceptre de la Folie, laquelle, en principe, a licence de tout dire. En fait, le pouvoir contrle ce franc-parler ou lutilise son profit. CHANTEFABLE : jeu dramatique mdival, o les parties narratives en prose alternent avec des passages versifis chants. La composition la plus connue de ce type est Aucassin et Nicolette (env.1200). Le genre littraire de la chantefable a survcut jusqu la fin du XIV me sicle mais sans porter le mme nom. AUCASSIN ET NICOLETTE : rcit anonyme du nord de la rgion picarde datant de 1200; le plus ancien rcit de ce type crit, pour lessentiel, en prose. D'une forme unique, lauteur l'appelle "chantefable", mot qui ne dsigne aucun genre littraire connu. C'est un texte charmant, tendre et ironique, color, qui est lun des plus parfaits de cette poque. Le texte est constitu d'une alternance rgulire de 21 parties en vers, destines au chant dont le manuscrit nous indique la mlodie et de 20 parties en prose. La longueur moyenne des parties versifies est de 15 20 vers, groups en laisses assonances dheptasyllabes vers final orphelin. Les parties en prose sont de mme longueur donnant lensemble un rythme rapide. Monologues, dialogues, passages narratifs ou descriptifs se rpartissent indiffremment entre vers et prose. On y trouve les signes annonciateurs de la nouvelle : brivet, concentration de lintrt sur la situation, lments de dcors de la vie quotidienne, intention moralisante ou ironique. C'tait un spectacle mim, dont les parties rcites et les parties chantes taient joues avec accompagnement de gestes par deux jongleurs qui se partageaient les rles. Le thme principal pourrait provenir du roman Flore et Blancheflor (1170 env.). Il raconte les amours contraries de deux adolescents, qui, aprs diverses aventures, se marient comme dans les romans dits idylliques. Le cadre gographique est mditerranen. Aucassin est fils du comte de Beaucaire, Nicolette est une captive sarrasine, fille du roi de Carthage. Lauteur sattache avec dsinvolture narrer les pittoresques alas des conflits internes de lamour. Aucassin possde la jeunesse, le beaut, le charme et la sduction qui le font aimer; mais, dans ladversit, cest un pleurnichard, sa passion lui fait oublier tous ses devoirs; cest un "fol", dont les penses et les gestes vont sans cesse rebours de lhrosme quexige lamour courtois. Nicolette, en revanche, mne le jeu; cest en elle que sincarne la toute-puissance de lamour; cest sa seule initiative qui provoque le dnouement heureux. Les rles de lhomme et de la femme vont ainsi linverse de la tradition littraire courtoise. La parodie a dautant plus de vigueur que les figures dAucassin et de Nicolette se dtachent dun groupe de personnages secondaires qui, mme caricaturs, reprsentent une humanit mdiocre et sage: compres de fabliaux, comme le comte de Beaucaire ou son ennemi Bougar; types plus nuancs, comme le vicomte, matre de Nicolette; paysans bourrus et terre terre. Au XVme sicle, le mystre, mise en scne de la Passion du Christ, attire des foules normes, car il est un enseignement autant qu'une confession de la foi rassemblant les croyants. Les origines de la comdie sont plus controverses. D'apparition plus tardive, elle nuit sans doute de l'introduction d'lments profanes, souvent comiques, dans le drame religieux, pour s'affirmer progressivement comme un genre autonome au XII me sicle. Puis elle volue sous la double influence de la comdie antique, familire aux clercs, et des "dits" ou monologues lyriques des

jongleurs. Le Jeu de Robin et Marion, anctre de la pastorale, met dj en oeuvre divers procds littraires commue l'allusion, la transposition, la parodie. Le genre le plus fcond, qui perdurera jusqu'au XVIIme sicle, sera la farce, intermde bouffon dont en "farcit"' le drame religieux. Tournant en ridicule maris berns, moines paillards ou trompeurs tromps, elle plat pu son ralisme et sa causticit. Les rcits lgendaires Les rcits les plus anciens sont les chansons de geste (du latin gesta : pluriel neutre du participe pass de gerere qui signifie faire ), rcits qui relatent les hauts faits guerriers de hros exemplaires pour dfendre la chrtient au cours des croisades. La plus connue est "La chanson de Roland". Il s'agit de longs pomes piques organiss en laisses (strophes de longueur ingale qui comportent chacune une unit narrative) ; le mtre utilis est le plus souvent le dcasyllabe ; les vers taient assonancs, c'est--dire que le dernier son vocalique de chaque vers (indpendamment des consonnes qui encadrent ce son) tait le mme l'intrieur de toute la laisse. Le pome tait psalmodi par un jongleur qui s'accompagnait d'un instrument de musique; des saltimbanques mimaient les scnes racontes. De tradition orale d'abord, "la chanson de Roland" a t transcrite au dbut du XIme sicle. Dans les dernires annes du XIe sicle apparaissent peu prs simultanment deux formes littraires trs diffrentes, mais qui toutes deux rompent nettement avec les modles que pouvaient offrir les lettres latines, et qui toutes deux allaient constituer pour un temps les manifestations essentielles de la littrature romane : la chanson de geste en langue d'ol et la posie Lyrique des troubadours en langue d'oc. La plus ancienne chanson de geste, La chanson de Roland dans la version du manuscrit d'Oxford, date sans doute des alentours de 1098 et le premier troubadour, le comte de Poitiers et duc d'Aquitaine Guillaume IX, a vcu de 1071 1127. Les chansons de geste sont des pomes narratifs chants - comme leur nom l'indique - qui traitent de hauts faits du pass - comme leur nom l'indique galement. Le mot geste est issu du participe pass au neutre pluriel du verbe gerere qui signifie faire . Ainsi, le terme gesta signifie les choses faites , do les exploits . Ces pomes ont une forme particulire : ils sont composs de laisses (strophes de longueurs irrgulires) homophones et assonances. Le mtre employ est le dcasyllabe csure mineure (4/6) ou, moins souvent, majeure (6/4). Vers la fin du XIIe, la mode de l'alexandrin concurrencera le dcasyllabe. Mais au XVI e sicle encore le dcasyllabe est senti comme le mtre pique par excellence, puisque c'est lui que choisit Ronsard pour sa Franciade. Le mot laisse lui seul peut donner une premire ide de ce qu'est l'esthtique des chansons de geste. Ce driv du verbe laissier, venant du bas latin laxare, signifie "ce qu'on laisse" et revt partir de l des sens varis : celui de 'legs, donation" aussi bien que celui d'"excrment". Dans le domaine littraire, il dsigne d'une faon gnrale un morceau, un paragraphe, une tirade d'un texte ou d'un pome, qui forme un ensemble, s'tend d'un seul tenant, est rcit ou chant d'un seul lan, sans interruption. La composition pique en laisses implique ainsi une suite d'lans successifs, spars plus qu'enchans. Il n'y a pas de pure narrativit dans la chanson de geste, pas de linarit du rcit, comme si l'intrt n'tait pas au premier chef de savoir ce qui va se passer ensuite. Elle parat jouer d'un perptuel mouvement de ressac et se plat aux rptitions et aux chos : successions de laisses rptitives, qui ne diffrent que par l'assonance et par d'infimes variations de point de vue ou de

contenu, selon le procd dit des laisses parallles ; reprises incessantes de formules couvrant un hmistiche ou parfois un vers entier ; effets de refrain comme le fameux Halt sunt li pui... de La chanson de Roland ; effets de symtrie - toujours dans La chanson de Roland, celle entre la dsignation de Ganelon comme ambassadeur, puis de Roland comme chef de l'arrire-garde... L'autre trait caractristique des chansons de geste est leur contenu. Elles traitent de sujets essentiellement guerriers qui ont la particularit de se situer gnralement l'poque carolingienne, le plus souvent au temps de Charlemagne ou de son fils Louis le pieux. Un grand nombre de chansons furent composes ou remanies au XII e sicle.Pourquoi les jongleurs et les trouvres excutent-ils ces oeuvres ? Le public coutait volontiers les chansons de geste. Sinon, comment les jongleurs auraient-ils pu esprer se faire payer pour leurs rcitations ? Ils interrogent : "voulez-vous our bonne chanson et avenante ?" Mais ils se taisent sur les qualits littraires de leur oeuvre, si ce n'est pour nous assurer qu'ils connaissent mieux leur matire que les autres. Leur but principal est d'intresser par des histoires. N'est-ce pas le but de tout conteur ? Ds qu'un histoire est bien connue, et c'est le cas de la plupart des chansons de geste l'poque, "suivre l'histoire, c'est moins enfermer les surprises ou les dcouvertes dans la reconnaissance du sens attach l'histoire prise comme un tout qu'apprhender les pisodes euxmmes bien connus comme conduisant cette fin. Une nouvelle qualit du temps merge de cette comprhension". Chantant l'exploit individuel en lui donnant un retentissement collectif, l'pope tait fortement marque par une vision oligarchique du monde. Elle a ainsi pu fournir l'aristocratie un appui non ngligeable dans sa recherche d'histoires fondatrices et lgitimantes. A partir de 1150, un nouveau genre littraire s'impose : le roman ; texte crit en langue romane, en octosyllabes rims (et non assonancs comme dans la chanson de geste), dont le contenu reflte la vie et les proccupations des cours princires, des grands seigneurs fodaux mais aussi du peuple. Les sujets sont emprunts la matire de Bretagne c'est--dire aux lgendes celtiques (les diffrents sujets d'inspiration au moyen ge sont regroups en trois grandes catgories : 1) la matire antique : sujets emprunts l'antiquit grecque telle la guerre de Troie, puis l'antiquit latine ; 2) la matire de France : sujets emprunts aux croisades et aux grandes batailles pour dfendre La France ; 3) la matire de Bretagne : le merveilleux et le vraisemblable se ctoient. Les chevaliers de la table ronde et le roi Arthur, rendus clbres par les romans de Chrtien de Troyes, Tristan et Yseut et le roi Marc, restent les figures emblmatiques de la production littraire de cette poque. Un roman courtois est un long rcit crit au Moyen ge (XIe et XIIe sicle) en vers octosyllabiques ou en prose. Il met en scne des chevaliers qui combattent pour leurs dames. Les romans courtois reprsentent la notion d'amour courtois. Contrairement aux chansons de geste qui s'inspiraient de la matire de France, le roman courtois prend pour inspiration la matire de Rome ou la matire de Bretagne. Le roman est un rcit, en langue romane (d'ou le nom de genre), crit d'abord en vers octosyllabiques, puis en prose, o dominent les aventures fabuleuses et galantes. Ses sources ne sont pas franaises. Ds la fin du XIe sicle, des copistes remanient au got du jour, sans souci d'anachronisme, des lgendes antiques ou bretonnes, comme par exemple Le Roman

dAlexandre, Le Roman de Troie ou les rcits sur les exploits du roi Arthur et des Chevaliers de la Table Ronde. Ces uvres remanies reprsentent, en quelque sorte, la transition entre la chanson de geste et le roman courtois. Dans les romans courtois tous les exploits chevaleresques ont pour but de plaire la Dame du cur et de faire valoir les qualits individuelles du hros. L'adjectif courtois , form sur le mot cour, permet de comprendre le contexte aristocratique du rcit. Le parfait hros courtois est toujours partag entre l'aventure et l'amour. Le merveilleux chrtien et le surnaturel occupent une grande place dans le rcit et en sont les lments permanents. La nature et certains personnages sont dcrits en dtails. La vie matrielle y est prsente aussi: la description des chteaux, des tenues, des tournois, des crmonies, reprsentent une nouveaut par rapport au rcit pique. Au cours de la deuxime moiti du XIIe sicle, les auteurs les plus renomms sont : Broul (Tristan), Thomas (Tristan), Chrtien de Troyes (Tristan, Lancelot, Le chevalier au Lion, Perceval). Leur vers prfr est celui de douze syllabes, employ dans Le Roman dAlexandre, do son nom, lalexandrin. Le Roman de la Rose occupe une place particulire dans la littrature courtoise. C'est une uvre de vise didactique, compose de deux parties, crites une quarantaine d'annes d'intervalle au XIIIe sicle par deux auteurs diffrents, Guillaume de Lorris et Jean de Meung. Ce roman va la recherche de l'Amour et de la Vrit. C'est un songe, ordonn autour du symbole de la Rose, emblme de la fminit qu'il faut conqurir. la suite du succs du roman, l'allgorie devient l'un des principaux moyens de s'exprimer en littrature travers des songes et des rcits d'aventures. Avec la littrature courtoise on passe progressivement de la littrature transmise de bouche oreille et anonyme la littrature crite et signe d'auteur. Exemples de romans courtois Matire de Rome : Le Roman de Thbes (vers 1150). Le Roman d'nas (vers 1160). Le Roman de Troie (vers 1160). Matire de Bretagne : Tristan et Iseut (1170-1190). Les romans de Chrtien de Troyes (1135-1181) Les rcits satiriques et moraux Fabliau est le diminutif de fable (on a dit aussi fableau, terme que d'aucuns jument mme prfrable), ou de flabel, driv de fabula. Les fabliaux sont des contes en vers (le plus souvent en vers de huit syllabes rimant deux deux) qui ont eu au Moyen ge, en France et dans tous les pays d'Europe, une vogue considrable. Mme on peut dire qu'aprs les grandes chansons de geste, et pendant les XIIIe et XIVe sicles, ils ont t une des formes les plus importantes et les plus personnelles de la littrature franaise. Il convient de distinguer du fabliau une foule de posies lgres qu'on a souvent, tort, confondues avec lui et qui ont un caractre tout particulier - tels sont les miracles et contes dvots, les lais, les dits, les dbats, les moralits, les chroniques historiques rimes - et d'adopter pour eux la dfinition si nette de Anatole de Montaiglon : Le fabliau est un rcit plutt comique d'une aventure relle ou possible, mme avec des exagrations, qui se passe dans les donnes de la vie humaine moyenne. C'est, en tout cas, un produit typique de la littrature franaise, l'expression la plus

ancienne et la plus populaire de l'esprit satirique qu'elle a pu manifester diverses poques; le trait le plus caractristique de fabliaux est de s'attaquer toutes les conditions sociales. Le petit vers des fabliaux, crit Taine, trotte et sautille, comme un colier en libert, travers toutes les choses respectes ou respectables, daubant sur les femmes, l'glise, les grands, les moines. Il se gausse de la paillardise des vques, de la gourmandise des curs, de leur ignorance, de leur friponnerie, de leur grossire galanterie; il flagelle la gloutonnerie des moines, le libertinage des religieuses, leur avidit, leur convoitise du bien d'autrui qui leur fait assiger le lit des malades pour capter les hritages. Il n'ose attaquer aussi vivement la vie prive des seigneurs : mais il souligne avec malice les caprices bizarres de certains chevaliers et barons, leurs aventures amoureuses et la conduite assez lgre des chtelaines. Par exemple, il traite sans le moindre mnagement les bourgeois et les vilains; ils ont tous les dfauts avarice sordide, fourberie, ruse, grossiret, ingratitude; ils sont outrageusement tromps par leurs femmes qui n'ont ni pudeur ni retenue; ils passent le plus clair de leur temps en querelles de mnage et en discussions d'intrt. En somme, c'est un tableau, sinon tout fait fidle, du moins trs complet des moeurs du temps. Le fabliau aborde tous les tons, depuis la raillerie caustique jusqu'aux grces les plus touchantes. Il a du naturel, de l'abondance, de la facilit, de l'enjouement, un esprit vif et libre. Il est dpourvu en gnral des dlicatesses de la forme et des lgances de la posie. Le style en est souvent aussi nglig que la rime. Mais le comique n'y fait jamais dfaut : Il va jusqu' la grossiret, jusqu' la licence. Mais c'est encore de la licence franche et nave et point du tout cette recherche d'obscnit ou se complaisent les conteurs italiens. Quelques-uns ont la prtention de moraliser et se terminent, pour bien frapper l'auditeur, par une morale, un proverbe connu, ou mme des rflexions philosophiques dans le genre de celles-ci : Par ce tieng je celui a fol Qui trop met en fance sa cure; Fame est de trop foible nature, De noient rit, de noient pleure, Fame aime et het en trop poi d'eure; Tost est ses talenz remuez Qui fame croist, si est desvs. Abordant des sujets concrets, souvent grossiers voire obscnes, le fabliau s'oppose ainsi la tradition courtoise qui dominait alors la littrature mdivale. Pour justifier ce contraste entre la libert de ton et de thme des fabliaux et l'vocation des grands sentiments qu'exaltaient les romans courtois, on a cru un temps que les deux genres n'taient pas destins au mme public : le fabliau aurait ainsi t la forme littraire des petites gens , par opposition la courtoisie que visait la noblesse. Pourtant, d'autres tudes ont montr que cette opposition n'est pas fonde et que les fabliaux appartenaient bien au mme rpertoire que les autres genres mdivaux : ils s'adressaient donc probablement au mme public mais proposaient, en jouant sur l'aspect parodique, une approche diffrente de la littrature. Souvent anonymes, les fabliaux sont attribus des jongleurs ou des mnestrels ; on sait cependant que Gautier Le Leu, Henri Andly, le pote Rutebeuf, Jean Bodel et Jean de Cond en ont laiss plus d'un. Il nous reste environ 150 fabliaux, qui sont le plus souvent d'alertes

contes en vers. La grande majorit d'entre eux date du XIII e s. Le plus ancien, la scabreuse histoire de Richent, qui remonte 1160, relate les msaventures d'une fille publique qui cherche faire endosser la paternit de son fils trois hommes diffrents : un prtre, un chevalier et un bourgeois. Des uvres plus longues, telles le Roman de Renart, procdent galement du fabliau. Parmi les plus clbres fabliaux, il faut citer : le Vilain Mire, dont Molire s'inspira pour crire le Mdecin malgr lui, le Cur qui mangea des mres ou le Prtre qui fut mis au lardier, qui tournent le clerg une des cibles favorites des fabliaux en ridicule, le Chevalier au barizel ou la Bourse pleine de sens, d'un souffle plus moralisateur, ou encore les Trois Aveugles de Compigne et le Cuvier. Genre mdival, le fabliau s'teint aprs le XIVe s. mais son influence reste encore sensible chez Rabelais, Molire, La Fontaine ou Voltaire. "Le Roman de Renart", crit en prose et dcompos en "branches" ( chaque "branche" correspond une aventure diffrente) , fait la satire des comportements humains en se servant d'animaux dont "Goupil" qui depuis a fait une longue carrire .

La Posie La posie lyrique domine la production littraire du dbut du XIIme sicle : les troubadours et les trouvres chantent des chansons d'amour. L'amour et la nature sont les thmes privilgis de ces pomes composs de quatre ou cinq strophes isomtriques. Bientt, le thme de la fin'amor (amour courtois) dominera la quasi totalit de la posie. Nombre des auteurs sont inconnus, on retiendra : Chrtien de Troyes et Canon de Bthune [...] extrait d'un pome de Chrtien de Troyes Dame, de ce que vostre hon sui, Dites-moi, se gre m'an savez ? Nenil, se j'onques vos connui, Ainz vos poise, quant vos m'avez. Et puis que vos ne me volez, Donc sui je vostre par ennui ; Mes se ja devez de nului Merci avoir, si me sofrez, Car je ne puis servir autrui. A Partir du treizime sicle, les romans se multiplient, et traitent de sujets trs divers. Les plus connus sont : "Le Roman de la Rose" de Guillaume de Lorris et de Jean de Meun, vocation sur le mode allgorique des vices et des vertus de l'tre humain.

Au quatorzime sicle, c'est nouveau le grand retour de la posie. Le thme de l'amour courtois est dlaiss au profit d'un lyrisme plus personnel, comme en tmoigne la posie de

Charles d'Orlans (1394-1465), qui en quelque sorte annonce dj la posie lyrique du seizime sicle. Franois Villon, met en vers toute sa rvolte contre la socit et l'ordre tabli. Il se dmarque de l'criture potique canonique en ayant recours un langage familier, voire vulgaire. "La ballade des Pendus" et "la Ballade des Dames du temps Jadis" sont ses pomes les plus retenus. Automne du Moyen ge, le XVe sicle pourrait se dfinir comme le sicle de la Mlancolie. Il ne s'agit pas (encore) du sentiment de vague tristesse et d'ennui de vivre, mais plutt d'une prise de conscience de la dimension tragique de la condition humaine et d'une nouvelle sensibilit au temps. Car le temps sous tous ses aspects, date, dure, ftes, rites, devient un sujet majeur du lyrisme. Ubi sunt est un thme qui traverse la posie la fin du Moyen ge, de Deschamps Villon. Le temps trop lent, la longue attente tue l'espoir de Charles d'Orlans et le transforme en mrencolie ou en nonchaloir. Le temps, qui revt parfois le masque de la Fortune pour marquer l'instabilit de la condition humaine, use et conduit immanquablement la vieillesse et la mort. Ce dernier thme, si prsent dans l'oeuvre de Villon, insiste sur la dcomposition, sur le regret des jouissances passes. Dans un monde min par le temps, guett par la mort et par la destruction, la vrit du pome se fonde de plus en plus sur le sentiment, sur le moi. travers le je devenu lieu de la posie, la lyrique la fin du Moyen ge traduit un nouveau rapport du pote lui-mme et la ralit. C'est cette transformation du je en moi que traduisent la posie de Charles d'Orlans ou celle de Franois Villon. Au je nonant du grand chant courtois, je universel et intransitif, selon l'expression de Paul Zumthor, succde un je dialogique, qui s'adresse un interlocuteur, le cre au besoin. Le mythe de la Belle Dame sans merci, mis en oeuvre par Alain Chartier dit la transformation de la dame courtoise inaccessible en interlocutrice. Le Dbat du coeur et du corps de Villon situe le dialogue l'intrieur de l'tre mme, le ddoublant mais l'exaltant la fois. la fin du Moyen ge le lyrisme a donc chang de modle. Son hros n'est plus Narcisse, figure de la parole intransitive, il n'est plus Orphe, incarnation du chant, mais il est celui qui cre de ses mains et qui cre l'autre: Pygmalion (J. Cerquiligni). De la mtaphore la mtamorphose, de la joie la mlancolie, du charme de la voix la fascination des belles formes, du plaisir immdiat de la musique au plaisir diffr de l'criture, tel est le trajet que parcourt la posie lyrique la fin du Moyen ge.

Les Chroniques Si, crire l'histoire signifie encore pour les chroniqueurs des XIVe et XVe sicles relater de faon dtaille les vnements dans leur succession chronologique pour en dtacher la valeur exemplaire, les malheurs des temps - pidmies, famines, calamits de toute sorte mais surtout la Guerre de Cent Ans - modifient sensiblement le discours historique. Le conflit entre Franais et Anglais, aggrav au dbut du XVe sicle par la guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons, assigne souvent aux chroniques une dimension polmique en mme temps qu'il dveloppe le sentiment national et la rflexion sur les relations entre tat et socit. La conscience de vivre des circonstances d'une gravit exceptionnelle dtermine de simples particuliers tenir des journaux, chos des vnements qui les ont marqus mais aussi

sources prcieuses d'informations sur la mentalit commune et sur la vie quotidienne du XVe sicle. Les revers subis pendant la guerre, la crise qu'ils ont engendre suscitent des nostalgies. On se tourne vers le pass rcent pour fixer dans les mmoires une image idale des figures hroques de la Guerre de Cent Ans. C'est cette intention que rpond la Chanson de Bertrand Du Guesclin, compose en laisses piques par le clerc Jean Cuvelier vers 1380-1385. Mais l'historiographie se double de plus en plus d'une rflexion morale et politique, mettant en question le systme des valeurs fodales traditionnelles. Si, dans ses Chroniques, Froissart se propose d'exalter la chevalerie et ses valeurs en clbrant la Prouesse et ses manifestations, la rflexion parfois cynique de Commynes sur la duplicit universelle met en question et mme dtruit les mythes chevaleresques et courtois. Qu'il exalte en un effort sublime des valeurs appartenant au pass ou qu'il sonne le glas de normes et d'attitudes juges anachroniques, le chroniqueur devient de plus en plus historien, porteur d'une rflexion politique. Parce que, si crire une chronique, c'est montrer Dieu dans ses oeuvres, ce Dieu matre de l'histoire qui est cause des vnements et dispensateur des chtiments ou des rcompenses selon la justice, c'est aussi rechercher des rgles de conduite pour les gnrations et les temps venir, proposer des modles (C. Marchello-Nizia). Destins le plus souvent des princes, ces ouvrages sont donc aussi un manuel de bon gouvernement. CONCLUSION Priode intermdiaire entre l'Antiquit et la Renaissance, le Moyen Age , par son appellation, semble tre une priode peu importante tant d'un point de vue historique que d'un point de vue littraire. Il est vrai que les manuels d'histoire et de littrature lui accordent une moindre importance et que, selon l'opinion entretenue, la culture se fonde davantage sur les crits de l'antiquit et sur ceux de l'poque moderne. Quoiqu'il en soit, que justice lui soit rendue : le mythe de Tristan et d'Yseut est de taille rivaliser avec celui d'Electre. La littrature mdivale a une rputation mdiocre aux XVIe et XVIIe sicles. Au cours de la Renaissance par exemple, elle est traite de tnbreuse , d' obscurantiste , de barbare . Au XIXe sicle, les Romantiques la redcouvrent, et l'apprcient sa juste valeur. Aujourd'hui elle continue d'tre lue et rinterprte. Les mythes qu'elle a crs sont toujours source d'inspiration, comme par exemple celui de Tristan et Iseult, fondateur de la conception de l'amour occidental. LE SPECTACLE THTRAL MDIVAL: DU MYSTRE LA FARCE la fin du Moyen ge le thtre atteint son apoge. Le XIVe sicle est domin par le genre du miracle, qui met en scne selon la formule pose dj au XIIIe sicle (voir ch. V) l'intervention spectaculaire d'un saint ou surtout de la Vierge en faveur des mortels. La popularit du genre est atteste par les 40 Miracles de la Vierge, composs entre 1339 et 1382 et runis dans un receuil, constituant probablement le rpertoire d'un puy, association littraire-religieuse. Les mystres sont des pices qui reprsentent dans sa totalit la vie d'un saint ou, surtout, qui restituent l'histoire du Christ depuis l'Incarnation jusqu' la Rsurrection - il s'agit alors des Mystres de la Passion -, remontant jusqu'aux origines de l'humanit et ouvrant sur la perspective du Jugement dernier. De dimensions modestes, les Passions du XIVe sicle (la Passion du Palatinus ou la Passion dite de Sainte Genevive) se limitent la dramatisation des vnements de la Semaine Sainte (depuis le Dimanche des Rameaux jusqu' la Rsurrection), en s'inspirant

pour l'essentiel des vangiles. Le genre atteint toutefois sa pleine maturit au XVe sicle, avec les Passions d'Eustache Mercad (1420, plus de 25000 vers), d'Arnoul Grban (1452, 35000 vers environ) et de Jehan Michel (1486, 30000 vers). Leurs amples dimensions, ambitionnant de restituer la totalit du temps chrtien, depuis la Cration du monde, exigent une reprsentation qui s'tend sur plusieurs journes. Le Mystre des Actes des Aptres (1460-1470) des frres Arnoul et Simon Grban propose une synthse de l'histoire sainte, alors que le Mystre de la Destruction de Troie de Jacques Milet se tourne vers la mythologie paenne pour y dcouvrir les origines de la nation franaise et que le Mystre du Sige d'Orlans est un cho de l'histoire contemporaine. Situe mi-chemin entre le thtre religieux et le thtre profane, la moralit fait recours aux personnages allgoriques afin de donner une leon, de moraliser. La Moralit de Bien Avis et de Mal Avis (Rennes, 1439) illustre le thme des deux voies que peut emprunter l'homme, vers le bien et vers le mal. La Condamnation de Banquet (1507) de Nicolas de La Chesnaye est un plaidoyer ingnieux pour la temprance. Anticipe par le dialogue dramatique, dont le Dialogue de Messieurs de Malepaye et de Baillevent (seconde moiti du XVe sicle) reprsente le chef d'oeuvre, la sotie, pice de 300 500 octosyllabes environ, s'inspire volontiers de l'actualit, dnonant travers le rire grinant la folie du monde et lui opposant la sagesse des sots, personnages spcifiques du genre, avatars probables des clbrants de la Fte des Fous. Reprsente d'habitude par des confrries, tels les Cornards de Rouen ou les clercs de la Basoche de Paris, rattachs au Palais de Justice, la sotie, genre intellectuel par excellence, va de la satire jusqu' la contestation politique, comme dans le Jeu du Prince des Sots (1512) de Pierre Gringore, qui ne craint pas de ridiculiser le Pape Jules II, alors en conflit avec Franois Ier . De dimension rduites (300 500 octosyllabes), comportant un nombre restreint de personnages dfinis par leur tat (le mari tromp, la femme ruse, l'amoureux) ou par leur statut social (le valet, le soldat, le vilain, le prtre), les farces, insres l'origine entre les journes des mystres, d'o leur nom driv du verbe farcir, sont destines faire rire au moyen d'une intrigue rudimentaire et d'un comique peu lev. Un de ses sujets de prdilection est la critique des femmes et du mariage (Farce du Gentilhomme et de Naudet, Farce du Cuvier). Le chef d'oeuvre du genre est sans conteste la Farce de Matre Pathelin, compose entre 1456 et 1469, dont les dimensions trois fois suprieures la moyenne et la complexit de l'intrigue ne font que relever le thme central du trompeur tromp et de la ruse qui mne le monde. Thtre religieux et thtre profane ont toutefois en commun la dimension de fte. Spectacle insparable de l'espace urbain et de la sensibilit qui y est attache, le thtre la fin du Moyen ge runit la communaut en un cercle magique (H. Rey-Flaud), autour de la grand-place de la cit, pour moraliser ou divertir, satiriser ou mouvoir, pour rendre enfin cette communaut solidaire d'elle-mme et de ses valeurs, en perptuant les vnements qui l'ont fonde la plnitude des temps. LA FARCE DE MATRE PATHELIN (vers 1465) Chef d'oeuvre du thtre comique mdival, la Farce de Matre Pathelin (1470 vers, trois fois plus que la plupart des farces), combine avec adresse plusieurs intrigues, exploite avec un

instinct dramatique sr les divers ressorts du comique, tout en vitant la vulgarit de ton et le schmatisme souvent prsents dans les autres farces, pour camper un monde domin par l'astuce et l'hypocrisie. Avocat depuis longtemps sans procs, Pathelin trouve un moyen ingnieux de se procurer le drap dont il a besoin sans payer: par des propos flatteurs il convainc le drapier lui donner six aunes de drap et venir rcuprer l'argent la maison et dner en mme temps. Lorsque le marchand se prsente chez l'avocat, celui-ci, second par sa femme, Guillemette, joue la comdie du mourant, qui n'a pas quitt son lit depuis des semaines. Une trange agonie LE DRAPIER ... Il couvient rendre ou pendre Il faut rendre ou bien c'est la pendaison! Quel tort vous fais je se je vien Quel tort vous fais-je en venant ici ceans pour demander le myen? rclamer mon d? Bon gr saint Pierre que, bon gr saint Pierre de Romme.. de Rome... GUILLEMETTE Helas! tant tormentez cest homme! Je voy bien a vostre visaige, tourmenter cet Hlas! Comment pouvez-vous tant homme? Je vois bien certes, que vous n'estes pas saige: votre visage, certes, que vous n'avez pas vous estes trestout forcen! votre bon sens! Vous tes fou lier! LE DRAPIER J'enrage de n'avoir pas mon argent. argent. Helas! j'enraige que je n'ay Hlas! GUILLEMETTE Ha, quel nicet! Ah! Quelle btise! Seignez vous! Benedicite! Signez-vous! Benedicite! (elle fait sur lui le signe de la croix) Faictes le signe de la croix. Faites le signe de la croix! LE DRAPIER Je renie Dieu si, de toute Or regni je bieu se j'acroix Eh bien! l'anne je donne du drap crdit! Quel de l'annee drap! Quel malade! malade! PATHELIN Mere de Dieu, la coronade, Mre de Dieu la couronne! par ma fye, y m'en vuol anar, ma foi, je veux m'en aller Or regni biou, oultre la mar! ou je renie Dieu - outre-mer! Ventre de Diou! z'en dis gigone! Ventre de Dieu! J'en dis flte! (indiquant le drapier) astuy a rible et res ne done. Celui-l vole et ne donne rien. Ne carrilaine! fuy ta none! Ne carillonne pas! Fais ton somme! Que de l'argent il ne me sone! Qu'il ne me parle pas d'argent! (au drapier) Avez entendu, beau cousin? Avez-vous compris, beau cousin? GUILLEMETTE, au drapier Il eust ung oncle lymosin, Son oncle tait limousin, un frre de

qui fut frere de sa belle ante: c'est ce qui le fait, je me vante, gergonner en limosinois. LE DRAPIER Dea! il s'en vint en tapinois, atout mon drap soubz son esselle. PATHELIN, Guillemette Venez ens, doulce damiselle. Et que veult ceste crapaudaille? Alez en arriere, merdaille! (il s'enveloppe dans sa couverture) Sa! tost! je vueil devenir prestre. Or sa! que le dyable y puist estre, en chelle vielle presterie! Faut-il que le prtre rie Quant il dust chanter sa messe? GUILLEMETTE Helas! helas! l'heure s'apresse qu'il fault son dernier sacrement. LE DRAPIER Mais comment parle il proprement picart? dont vient tel cocardie? GUILLEMETTE Sa mere fust de Picardie pour ce le parle il maintenant[...] PATHELIN Sont il ung asne que j'os braire? Alast! alast! cousin a moy, ilz le seront, en grant esmoy, le jour quant je ne te verr. Il couvient que je te herr car tu m'as fait grande trichery; ton fait, il sont tout trompery [...] Huis oz bez ou drone nos badou digaut an tan en hol madou empedif dich guicebnuan quez queuient ob dre douch aman men ez cahet hoz bouzelou eny obet grande canou maz rehet crux dan hol con so ol oz merueil grant nacon aluzen archet epysy har cals amour ha courteisy LE DRAPIER, Guillemette

sa belle-tante. C'est ce qui le fait, j'en suis certaine, jargonner en limousin.

Diable! Il s'en est all en tapinois, avec mon drap sous le bras. Entrez, chre demoiselle, mais que veut ce tas de crapauds? Arrire, merdaille! Vite! Je veux devenir prtre. Que le diable y soit en ce vieux nid de prtres! quand il devrait Et faut il que le prestre rie dire la messe? Hlas, hlas! L'heure approche o il lui faut le dernier sacrement. Mais comment parle-t-il couramment picard? D'o vient une telle farce? Sa mre tait picarde. Aussi parle-t-il maintenant picard. Est-ce un ne que j'entends braire? Qu'il s'en aille! Qu'il s'en aille! Mon cousin! Ils le seront en grand moi le jour o je ne te verrai pas! Il est juste que je te hasse car tu m'as fait grant, tromperie. Tous tes faits sont tromperie. -Puissiez-vous avoir des tourdissements la nuit durant. Avec les lamentations. Priant pour vous l'envie. Tous vos parents par crainte que vous ne rendiez vos entrailles. En faisant de grandes lamentations. tel point que vous ferez piti aux chiens qui meurent de faim. Vous aurez l'aumne d'un cercueil. Contre beaucoup d'amour et de courtoisie.

Helas! pour Dieu, entendez-y. Hlas, pour l'amour de Dieu, veillez sur Il s'en va! Comment il guergouille![...] lui! Il s'en va! Comme il gargouille! Par le corps Dieu, il barbelote Par le corps de Dieu, c'est le cri du ses motz tant qu'on n'y entent rien! canard! Les mots sont incomprhensiIl ne parle pas cresten, bles. Il ne parle pas chrtien ni nul ne nul langaige qui apere. langage comprhensible. GUILLEMETTE Ce fut la mere de son pere, La mre de son pre tait originaire qui fut attraicte de Bretaigne. de Bretagne. Il se meurt! Ceci nous Il se meurt: cecy nous enseigne apprend que nous devons veiller aux qu'il fault ses derniers sacremens. derniers sacrements. PATHELIN [...] Et bona dies sit vobis, magister amantissime, Bonjour vous, matre trs aim, pre pater reverendissime. trs vnr! Comment brles-tu? Qu'y Quomodo brulis? Que nova? a-t-il de nouveau? Il n'y a pas d'oeufs Parisius non sunt ova; Paris. Que demande ce marchand? Il quid petit ille mercator? nous a dit que le trompeur, celui qui Dicat sibi quod trufator, est couch au lit, veut lui donner, s'il ille qui in lecto jacet, vous plat, de l'oie dner. Si elle est vult ei dare, si placet, bonne manger, demandes-en sans de oca ad comedendum. tarder! Si sit bona ad edendum, pete tibi sine mora. GUILLEMETTE, au drapier Par mon serment, il se mourra J'en fais serment, il va mourir tout en tout parlant. Comment il latime! parlant. Comme il dit du latin! Voyez Vez vous pas comme il estime comme il rvre hautement la divinit! haultement la divinit? Elle s'en va, sa vie! Et moi, je demeuEl s'en va, son humanit: rerai, pauvre malheureuse! or demourray je povre et lasse. LE DRAPIER, part Il fust bon que je m'en alasse Il serait bon que je parte avant qu'il ne avant qu'il eust pass le pas [...] ne meure. ( Guillemette) Pardonnez-moy, car je vous jure Je vous demande pardon! Je vous jure, que je cuidoye, par ceste ame, sur mon me, qu'il avait mon drap. qu'il eust eu mon drap. A Dieu, dame: Adieu, madame! Pour l'amour de Dieu, pour Dieu, qu'il me soit pardonn! pardonnez-moi! Pour prparer l'tude du texte: - Relevez les formes du comique mises en oeuvre dans cette scne. - En quoi Pathelin se montre-t-il un comdien consomm? - Quel est l'effet produit par les langages divers parls par Pathelin?

Le drapier part, croyant avoir rv la vente de drap Pathelin. Rencontrant son berger, Thibault Aignelet, il l'accuse de lui voler ses moutons et le trane au tribunal. Thibault prend Pathelin pour avocat, qui lui indique un moyen sr de ne pas se faire condamner: toutes les questions du juge il rpondra Be!. Voyant plaider le mourant, la confusion du drapier atteint le comble: il confond sans cesse vente de drap et vol des moutons. Un procs embrouill LE JUGE - Puisque vous tes en prsence tous deux, prsentez votre cause! LE DRAPIER - Voici donc ce que je lui demande: monseigneur, c'est la vrit que, pour l'amour de Dieu et par charit, je l'ai elev quand il tait enfant. Quand je le vis assez fort pour aller aux champs, bref je fis de lui mon berger. Et je le mis garder mes btes. Mais, aussi vrai que vous tes l assis, monseigneur le juge, il a fait un tel carnage de mes brebis et de mes moutons que sans faute... LE JUGE - Mais voyons! N'tait-il point votre salari? PATHELIN - Bien sr! Car, s'il s'tait amus le garder sans salaire... LE DRAPIER - Puiss-je Dieu dsavouer si ce n'est vous! C'est vous, sans faute! LE JUGE - Comment? Vous tenez la main haute? Avez-vous mal aux dents, matre Pierre? PATHELIN - Oui, elles me font une telle guerre que jamais je n'ai senti pareille rage. Je n'ose lever le visage. Pour l'amour de Dieu, n'interrompez pas le dbat! LE JUGE, au drapier - Allons! Achevez votre plaidoirie! Vite! Concluez clairement! LE DRAPIER, part - C'est lui, pas un autre! Par la croix o Dieu s'tendit! ( Pathelin). C'est vous que j'ai vendu six aunes de drap, matre Pierre! LE JUGE, Pathelin - Que dit-il de drap? PATHELIN - Il perd le fil. Il pense revenir son propos et ne s'y retrouve plus, parce qu'il a mal appris son histoire. LE DRAPIER, au juge - Que je sois pendu si un autre me l'a pris, mon drap, par la sanglante gorge! PATHELIN - Comme le mchant homme va chercher loin les inventions qu'il forge l'appui de sa cause! Il veut dire - quel enttement! - que son berger avait vendu la laine (je l'ai compris!) dont est fait le drap de ma robe; il affirme en effet que son berger le vole et lui a subtilis la laine de ses brebis. LE DRAPIER, Pathelin - Dieu me frappe de malheur si vous ne l'avez! LE JUGE - Paix! Que diable! Vous bavardez! Eh! Ne pouvez-vous revenir votre propos sans arrter la cour par de tels bavardages? PATHELIN, riant - Je souffre, et il faut que je rie. Il est dj si emptr qu'il ne sait o il en est rest. Il faut que nous le ramenions son propos. LE JUGE, au drapier - Allons! Revenons ces moutons! Qu'en fut-il? LE DRAPIER - Il en prit six aunes de neuf francs. LE JUGE - Sommes-nous simples d'esprit ou comdiens? O vous croyez-vous? PATHELIN - Pasambleu! Il vous fait patre! Est-il homme de bien juger pas sa mine! Mais je suggre qu'on examine un peu sa partie adverse. LE JUGE - Vous avez raison. Il s'entretient avec lui. Certainement il le connat. Approche! Parle! THIBAULT AIGNELET - Be!

LE JUGE - Quel casse-tte! Que signifie ce be? Suis-je une chvre? Parle-moi! THIBAULT AIGNELET - Be! LE JUGE - Puisse Dieu te donner sanglante fivre! Te moques-tu? PATHELIN - Croyez qu'il est fou, ou stupide, moins qu'il ne s'imagine tre parmi ses btes! LE DRAPIER - Je renie Dieu, maintenant, si vous n'tes celui, non un autre, qui m'a pris mon drap! Ah! Vous ne savez, monseigneur, par quelle malice... LE JUGE - Taisez-vous donc! tes-vous idiot? Laissons ce dtail, et venons l'essentiel. LE DRAPIER - Sans doute, monseigneur, mais l'affaire me concerne: cependant, par ma foi, aujourd'hui je n'en dirai plus mot... (Une autre fois, il en ira comme il pourra. Il me faut avaler sans mcher). Or j'exposais les circonstances dans lesquelles j'avais donn six aunes... je veux dire, mes brebis... Je vous en prie, sire, pardonnez-moi! Ce gentil matre... Mon berger, quand il devait tre aux champs... Il me dit que j'aurais six cus d'or quand je viendrais... Il y a trois ans de cela, dis-je, mon berger s'est engag garder mes brebis loyalement, sans dommage ni vilenie... Et maintenant il nie tout net et drap et argent. ( Pathelin) Ah! Matre Pierre, vraiment... (le juge fait un geste d'impatience). Le ribaud que voici me volait la laine de mes brebis et toutes saines les faisait mourir et prir en les assommant et les frappant grands coups de btons sur la tte... Quand il eut mon drap sous son bras, il partit vive allure, et me demanda d'aller chercher chez lui, dans sa maison, six cus d'or. LE JUGE - Il n'y a rime ni raison en tout ce rabchage. Qu'est-ce que c'est? Vous mlez tout! En somme, pasambleu, je n'y vois goutte: il marmotte de drap, puis babille de brebis, tort et travers. Ce qu'il dit ne se tient pas. Pour prparer l'tude du texte: - Qu'est ce qui fait le comique et le dynamisme de cette scne? - Relevez les traits de satire de la justice. Le Juge, n'ayant rien compris, pense que le drapier est fou et absout Thibault. Pathelin a donc gagn le procs, Mais au moment de se faire payer par son client... Le trompeur tromp PATHELIN, au berger Dy, Aignelet. LE BERGER Be! PATHELIN Vien a, vien Ta besongne est elle bien faicte? LE BERGER Be! PATHELIN Ta partie s'est retraicte; ne dy plus bee; il n'y a force. Luy ay je baill belle estorse? T'ay je point conseill a point? LE BERGER

Dis donc, Aignelet! Be! Viens a, viens! Ton affaire est-elle bien rgle? Be! Ton adversaire s'est retir. Ne dis plus Be! Ce n'est plus la peine! L'ai-je entortill? Mes conseils n'taient-ils pas opportuns?

Be! PATHELIN H dea! on ne t'orra point; parle hardiment; ne te chaille. LE BERGER Be! PATHELIN Il est temps que je m'en aille: paye moy! LE BERGER Be! PATHELIN A dire veoir, tu as tresbien fait ton devoir, Ce qui luy a baill l'avance, c'est que tu t'es tenu de rire. LE BERGER Be! PATHELIN Quel bee? Ne le fault plus dire. Paye moy bien et doulcement! LE BERGER Be! PATHELIN Quel bee? Parle saigement et me paye; si m'en yray. LE BERGER Be! PATHELIN Sez tu quoy? je te diray: je te pry, sans plus m'abaier, que tu penses de moy payer. Je ne vueil plus de ta beerie. Paye tost! LE BERGER Be! PATHELIN Esse mocrie? Esse quant que tu en feras? Par mon serment, tu me pairas, entens tu? se tu ne t'en voles. Sa! argent! LE BERGER Be!

Be! Eh! Diable! On ne t'entendra pas: parle hardiment! Ne t'inquite pas! Be! Il est temps que je m'en aille: paie-moi! Be! dire vrai, tu as bien tenu ton rle, et ton attitude a t bonne. Ce qui lui a donn le change, c'est que tu t'es retenu de rire. Be! Qu'est-ce que ce Be? Il ne faut plus le dire! Paie-moi bien et gentiment! Be! Qu'est-ce que ce Be? Parle raisonnablement! Paie-moi et je m'en irai. Be! Sais-tu? Je te dirai une chose: je te prie sans plus me bler aprs, de songer me payer. J'en ai assez de tes Be! Vite! Paie! Be! Est-ce moquerie? Est-ce tout ce que tu en feras? Je te le jure, tu me paieras, entends-tu? moins que tu ne t'envoles! Allons! L'argent! Be!

PATHELIN Tu te rigolles! Comment? N'en auray je aultre chose? LE BERGER Be! PATHELIN Tu fais le rimeur en prose! Et a qui vends tu tes coquilles? Scez tu qu'il est? Ne me babilles meshuy de ton bee, et me paye! LE BERGER Be! PATHELIN N'en auray je aultre monnoye? A qui te cuides tu jouer? Je me devoie tant louer louer de toy! or fais que je m'en loe. LE BERGER Be! PATHELIN Me fais tu mengier de l'oe? ( part) Maugr bieu! ay je tant vescu qu'ung bergier, ung mouton vestu, ung villain paillart me rigolle? LE BERGER Be! PATHELIN N'en auray je aultre parolle? Se tu le fais pour toy esbatre, dy le, ne m'en fays plus debatre. Vien t'en soupper a ma maison. LE BERGER Be! PATHELIN Par Saint Jehan, tu as raison: les oisons mainnent les oes paistre! ( part) Or cuidoye estre sur tous maistre, des trompeurs d'icy et d'ailleurs, des fort coureux et des bailleurs

Tu te ris! Comment! N'en aurais-je autre chose? Be! Tu fais le rimeur en prose. Et qui vends-tu tes coquilles? Sais-tu ce qu'il en est? Ne me rebats plus dsormais les oreilles de ton Be! et paie-moi! Be! N'en tirerai-je autre monnaie? De qui crois-tu te jouer? Je devrais tant me de toi! Eh bien! Fais donc que je m'en loue! Be! Me fais-tu manger de l'oie? Maugrebleu!

Ai-je tant vcu qu'un berger, un mouton habill, un vilain paillard, me bafoue? Be! N'en tirerai-je pas un autre mot? Si c'est pour te divertir, dis-le! Ne me fais plus discuter! Viens t'en souper la maison! Be! Par saint Jean, tu as raison. Les oisons mnent patre les oies. Je croyais tre matre de tous les trompeurs d'ici et d'ailleurs, des aigrefins et bailleurs de paroles tenir le jour du jugement, et

de parolles en payement, un berger des champs me surpasse! a rendre au jour du jugement, et ung bergier des champs me passe! (au berger) Par saint Jaques! se je trouvasse Par saint Jacques, si je trouvais un bon ung sergent, je te fisse prendre! officier de police, je te ferais arrter! LE BERGER Be! Be! PATHELIN Heu, bee! L'en me puisse pendre Heu! Be! Qu'on me pende si je ne fais se je ne vois faire venir pas venir un bon officier! Malheur lui ung bon sergent! Mesadvenir s'il ne te met pas en prison! luy puisse il s'il ne t'enprisonne! LE BERGER, s'enfuyant S'il me treuve, je luy pardonne! S'il me trouve, je lui pardonne! Pour prparer l'tude du texte: - Le dnouement tait-il prvisible? - Comment Pathelin apparat-il dans cette dernire scne? Est-il en accord avec le personnage que nous avons vu jusqu' prsent? - En vous appuyant sur les fragments cits, essayez de dgager les principes sur lesquels repose la farce mdivale.

MYSTRES DE LA PASSION ARNOUL GRBAN (vers 1425 - vers 1495) Le Mystre de la Passion (vers 1450) Le Mystre de la Passion d'Arnoul Grban, reprsent pour la premire fois Paris, vers 1450, est juste titre le plus clbre du genre. Matre s arts et bachelier en thologie, Grban fait preuve d'un grand talent potique et dramatique. L'oeuvre monumentale (prs de 35000 vers) comporte un prologue et quatre journes (quivalents approximatifs de l'acte, comportant le nombre de vers susceptibles d'tre rcits en une journe de reprsentation), l'action allant de la cration du monde jusqu' la Nativit, la Passion et la Rsurrection de Jsus-Christ. Jsus et sa mre NOTRE-DAME Pour ter cette mort dolente Qui deux coeurs pour un occirait, Il m'est avis que bon serait Que sans votre mort et souffrance Se ft l'humaine dlivrance; Ou que, s'il vous convient mourir, Que ce soit sans peine souffrir; Ou, si la peine doit vous nuire,

Consentez que premire je meure; Ou, s'il faut que mourir vous voie, Comme pierre insensible sois. Fils, humblement vous ai servi: Si n'ai pas vers vous deservi*, Chose par quoi deviez dbattre* m'octroyer l'un de ces quatre, Car tous sont en votre puissance. JSUS Ma mre et ma douce alliance,* qui obissance dois, Ne vous dplaise cette fois S'il faut que je dsobisse Et votre requte escondisse:* Ces quatre ne vous puis passer, Non pas l'une; et devez penser Que l'criture ne ment point. Et, pour rpondre au premier point Que requrez, que sans mourir Les humains doive secourir, Mourir me convient par envie,* En adverissant* Isae *confirmant Qui en ses trs saints devis* A dit de moi: Sicut ovis Ad occidendum ducitur. NOTRE-DAME O fils, que ce parler m'est dur Et mal savourant* merveille! JSUS [...] Le second point, mre bnigne, Auquel requrez que je meure Sans peine qui me puisse nuire Force est que ja* ne l'obteniez; Car, comme tous ceux d'Adam ns Ont pch jusqu' vous et moi, Moi, qui humanit reois* Pour tous les humains dlivrer, Dois sur tout mon corps endurer Excessive peine et amre; [...] NOTRE-DAME O dolente mre pleine d'angoisse! Oh piti, oh compassion! Pourras-tu voir telle passion Sur ton cher fils excuter?

*mrit *hsiter

*parente

*repousse

*de mon plein gr *paroles

*dsagrable

*jamais

*qui suis devenu homme

O deuil ineffable porter, Quel coeur te saura soutenir? JSUS Le tiers ne pouvez obtenir, Ni jamais permettre ne dois Que mort vous prenne avant moi, Car votre me faudrait descendre L-bas au limbe et moult attendre En plainte et lamentation Jusques mon ascension, Qui serait chose moult obscure* Et semblerait que n'eusse cure* De votre bien et votre honneur. Du quart ne puis tre donneur Nonobstant qu'il me ft possible, Il ne serait pas pertinent Que mre, qui si tendrement Aime son fils, vt telle piti Et son fils telle mort traicti* Et de sa dure passion N'et en son coeur compassion. Mais sur ce point vous confortez, Ma mre, et constamment portez* Car du deuil de votre pense Serez du tout rcompense En joie et exultation Aprs ma rsurrection: Car alors vous visiterai Et votre coeur conforterai De joie et parfaite lumire. NOTRE-DAME Cher fils, quoi que vous require, Pardonnez ma simplicit; Puisqu'il est de ncessit, Votre bon vouloir en soit fait.

*trs triste, pnible *je ne me soucierais pas

*soumis

*supportez avec constance

JEAN MICHEL (mort en 1501 Le Mystre de la Passion (1486) Originaire d'Angers o il exerce la profession de mdecin, Jean Michel y fait reprsenter son Mystre de la Passion en 1486 (jou Paris galement en 1490, 1498 et 1507). L'auteur dclare ouvertement n'apporter que des additions et corrections au texte d'Arnoul Grban et, effectivement, ses emprunts sont presque littraux (il s'agit surtout des journes II et III du Mystre de Grban). Moins savant que son devancier, moins thologien surtout, Jean Michel n'en est pas moins lyrique: ses efforts visent mouvoir les gens simples et ignorants; c'est

pourquoi il insiste sur des aspects plaisants ou profanes qui font mieux comprendre le comportement des personnages. Le texte qui suit est un exemple du travail de remaniement que Michel fait subir au texte de son prdecesseur. NOTRE-DAME Puisque ne m'avez accord De mes trois ptitions* aucune, *demandes Au moins, par prire importune, Vous plaise m'octroyer la quarte. C'est, s'il faut que mort vous dparte* *spare D'avec moi, et que moi, mre Vous voie souffrir mort amre Pour sauver l'homme, je vous prie Que je sois comme ravie Et soit ma triste me suspense* *prive Pour lors de toute connaissance, Durant votre si grief tourment, Sans avoir aucun sentiment Des douleurs qu'aurez si grandes. C'est la quarte de mes demandes, Que je vous requiers de bon coeur. JSUS Ce ne serait pas votre honneur Que vous, mre tant douce et tendre, Vissiez votre doux fils tendre En la croix et mettre grief* mort *cruelle Sans en avoir aucun remort* *morsure De douleur et compassion. Et aussi le bon Simon De vos douleurs prophtisa, Quand entre ses bras m'embrassa, Que le glaive de la douleur Vous percerait l'me et le coeur Par compassion trs amre. Pour ce, contentes-vous*, ma mre, *rsignez-vous Et confortez en Dieu votre me: Soyez forte car oncques* femme *jamais Ne souffrit tant que vous ferez; Mais en souffrant mriterez La laurole* de martyre. *couronne de laurier NOTRE-DAME O mon fils, mon Dieu et mon sire, Je te mercie trs humblement Que tu n'as pas totalement Obi ma volont.

Excuse ma fragilit, Si par humaines passions Ai fait telles ptitions Qui ne sont mie* recevables. Tes paroles sont raisonnables Et tes volonts sont hautaines*, Et les miennes ne sont qu'humaines; Pour ce, ta divine sagesse Excuse l'humaine simplesse De moi, ton indigne servante, Qui, d'amour maternel fervente*, Ai fait telles requtes vaines. JSUS Elles sont douces et humaines, Procdant de charit: Mais la divine volont A prvu qu'autrement se fasse. NOTRE-DAME Au moins veuillez, par votre grce, Mourir de mort brve et lgre! JSUS Je mourrai de mort trs amre. NOTRE-DAME Non pas fort vilaine et honteuse! JSUS Mais trs fort ignominieuse. NOTRE-DAME Donc bien loin, s'il est permis! JSUS Au milieu de tous mes amis. NOTRE-DAME Soit donc de nuit, je vous prie! JSUS Mais en pleine heure de midi. NOTRE-DAME Mourrez donc comme les barons! JSUS Je mourrai entre deux larrons. NOTRE-DAME Que ce soit sous terre, et sans voix! JSUS Ce sera haut pendu en croix. NOTRE-DAME Vous serez au moins revtu?

*point *suprieures

*brlant

JSUS Je serai attach tout nu. NOTRE-DAME Attendez l'ge de vieillesse! JSUS En la force de ma jeunesse. NOTRE-DAME Ne soit votre sang rpandu! JSUS Je serai tir et tendu Tant qu'on nombrera* tous mes os; [...] *dnombrera NOTRE-DAME mes maternelles demandes Ne donnez que rponses dures. JSUS Accomplir faut les critures. Pour prparer l'tude des textes: - Comparez les deux textes. Relevez les ressemblances et les diffrences. quoi ces dernires tiennent-elles? Quel en est l'effet? - En quoi rside, selon vous, l'intrt de chaque texte?

LES RCITS LGENDAIRES LA CHANSON DE ROLAND La chanson de Roland est le modle le plus parfait des chansons de geste. Elle est forme de 4002 dcasyllabes regroups en laisses assonances (les dernires syllabes des vers comportent la mme voyelle), et nous est parvenue en dialecte anglo-normand par le manuscrit d'Oxford. Elle est si habilement compose, qu'elle est certainement l'oeuvre d'un seul artiste, peut-tre l'nigmatique Turold mentionn au dernier vers de l'oeuvre : "Ci falt la geste que Turold declinet". Il s'agit en tous cas d'un homme cultiv, artiste de mtier matrisant parfaitement son art. DATE DE PARUTION : Aux alentours de 1060 RSUM : PREMIERE PARTIE, TRAHISON DE GANELON : Charles mne campagne en Espagne depuis sept ans. La ville de Saragosse seule lui rsiste, dirige par le roi Marsile qui tient conseil pour tenter de faire partir le roi franc. Blancardin lui suggre d'envoyer prsents, otages et de promettre sa conversion pour l'inciter rentrer. Le voil parti, escort de ses sarrasins, pour soumettre sa demande.

Charles hsite, et les opinions divergent. Roland et son beau-pre Ganelon s'opposent. L'un appelle au combat et la vengeance des messagers dcapits, tandis que l'autre prne la conciliation. L'heure est venue de dsigner un messager. Roland se porte en vain volontaire, puis dsigne son "partre", qui prend cet honneur pour un traquenard, et se voit contraint d'accepter une mission prilleuse. Sa haine attise par ses compagnons et par Blancardin, il se fait la promesse de tuer Roland. A la cour de Marsile, Ganelon s'acquitte de sa mission, puis se laisse entraner par sa haine et la ruse de ce dernier vers la trahison. Il labore une stratgie qui conduira la mort de Roland, envoy l'arrire-garde. Au retour de sa mission, Ganelon dsigne son beau-fils pour commander l'arrire-garde, ce qu'il accepte par orgueil et amour du danger, malgr les craintes de tous. DEUXIME PARTIE, LA BATAILLE DE RONCEVAUX : Roland est la tte de l'arrire-garde. L'arme pntre en Gascogne, et les Franais sont mus la vue de la doulce France. Cependant, les sarrasins chevauchent leur poursuite. Ils sont aperus par Olivier, qui conjure Roland de sonner du cor pour avertir Charlemagne. Mais ce dernier refuse et prfre mourir que perdre son honneur. L'Archevque Turpin exhorte les troupes, leur promettant une place au paradis. La bataille s'engage. Deux assauts successifs sont lancs, conformment aux conseils de Ganelon. Cent mille hommes conduits par le neveu de Marsile et douze hauts seigneurs s'abattent sur les Franais. Ils sont dfaits, mais les pertes franaises sont lourdes ; l'arme de Marsile s'lance ensuite, et la mle est l'occasion pour le pote de dcrire les prodiges guerriers et le sang coulant flot. Les combats se ressemblent, commenant par des apostrophes injurieuses, des coups extraordinaires dont les dgts causs sont abondamment dpeints, et finissant par une invective du vainqueur. Cependant, en France se lve