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L'Impact de la repentance vichyssoise dans "Les Mouches" de Sartre et "La Peste" de CamusAuthor(s): Vincent GrgoireSource: The French Review, Vol. 77, No. 4 (Mar., 2004), pp. 690-704Published by: American Association of Teachers of FrenchStable URL: http://www.jstor.org/stable/25479458.
Accessed: 31/03/2014 13:07
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The
French
Review,
Vol.
77,
No.
4,
March
2004
Printed
in
U.S.A.
L'Impact
de
la
repentance
vichyssoise dans Les Mouches
de
Sartre
et
La
Peste
de
Camus
par
Vincent
Gregoire
Les
gens
de la
plaine
nous
ont
mis
en
quarantaine:
ils
regardent
notre
repentir
comme une
peste
Les
Mouches
(139)
Vous
souffrez et vous
souffrirez
longtemps
encore,
car nous
n'avons
pas
fini de
payer
toutes
nos
fautes"
(145).
Cette
phrase,
prononcee
par
le
marechal
Philippe
Petain dans
un
message
radiophonique
aux
Franc.ais,
le
17
juin
1940,
aurait
tout
aussi
bien
pu
etre
dite
par
le
roi
d'Argos
Egisthe,
dans
Les
Mouches,
ou
par
le
pere
Paneloux,
lors de
l'un
de
ses
sermons,
dans
La
Peste.
C'est
qu'en
effet,
Argos
comme
Oran
sont
la
proie
d'un mal
qui
asservit les
populations
des deux
cites.
Et le salut
est,
selon Egisthe et Paneloux, dans la repentance1.
Ce
theme de
la
repentance
caracteristique
des deux
premieres
annees
du
regime
de
Vichy
a
ainsi
particulierement
influence
la
redaction
des
Mouches
et
de
La Peste. Son influence fut
majeure
en ce
qui
concerne
Les
Mouches,
comme
l'explique
Sartre
en
1948: "II
faut
expliquer
la
piece
par
les
circonstances du
temps.
De 1941
a
1943,
bien des
gens
desiraient
vive
ment
que
les
Frangais
se
plongeassent
dans
le
repentir.
Les
nazis
en
tout
premier
lieu
y
avaient
un
vif interet
et
avec eux
Petain
et
sa
presse"
(Un
Theatre de
situations,
174-75)2.
Elle
fut
plus ponctuelle
mais
neanmoins
indeniable
dans
La Peste.
Roger
Quilliot
explique,
au
sujet
du
chapitre
2
(qui
inclut le
premier
sermon;
mais le deuxieme
sermon
est
aussi
couvert
par
ce
propos):
Camus
"m'a
dit
un
jour
s'etre
souvenu
pour
ecrire
ce
chapitre
de
certains
mandements
d'eveques
et
de cardinaux
au
lende
main
de
1940,
au
temps
de
la
grande
penitence vichyssoise"
(Theatre,
re
cits,
nouvelles,
1986).
690
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LA REPENTANCE
DANS
LESMOUCHES
ET LA
PESTE
691
Je
vais,
dans
cette
etude,
analyser
tout
d'abord la
nature
de
cette
repen
tance
vichyssoise
et
en
etudier succintement
la
raison
principale,
le
theme
de
la
decadence.
Puis,
en
un
deuxieme
temps,
je
vais
observer
comment Camus,
qui
ecrivait la premiere version de La Peste en ces an
nees
de
guerre
(et
avait,
des
1943,
abouti
a une
premiere conception
de
l'ouvrage),
s'en
est
inspire
dans
le
passage
des
sermons,
et
de
quelle
maniere
Sartre
en
est
venu a
adopter
ce
theme
dans
Les
Mouches,
afin de
faire
connaitre
sa
philosophie
existentialiste
si
concrete
et
pratique
en
cette
epoque
d'occupation
allemande
(par
les themes du
choix,
de la
li
berte,
de
l'engagement...).
J'etudierai
enfin,
en
ce
qui
concerne
LesMouches
specifiquement,
la fortune de
ces
themes
de la
repentance
et
du
repentir
nes
d'un
certain
contexte
historique
et
culturel, pour
la
periode
de
rim
mediate
apres-guerre.
Tout
d'abord,
pourquoi
ce
choix du
mot
repentance
que
j'ai
prefere,
dans le
titre,
au
terme
repentir? Quoique
synonymes,
leur
sens
ne
recou
vre
pas
une meme
identite de
nature.
Repentance
est
defini
comme
"Souvenir
douloureux,
regret
de
ses
fautes,
de
ses
peches"
(Robert
5:
809)
tandis
que
repentir
est
ainsi
explique:
"Regret
d'une
faute,
sentiment
de
douleur
morale
accompagnee
d'un desir
d'expiation,
de
reparation"
(809).
Le mot
repentir,
s'il
comprend
la notion de
'reparation',
une notion
importante
pour
comprendre
l'optique
"mea
culpiste"
du cercle
de
Petain
au
debut de la
guerre,
n'est
cependant
pas
empreint
de
la
meme
connotation
religieuse
que
le
mot
repentance.
Comme
l'explique
Daniel
Lindenberg
dans
"Reflexions
sur
la
'repentance'",
"Repentance
est
un
mot
fort,
qui
releve
du
vocabulaire
theologique".
Et il
poursuit:
"Aujourd'hui,
le
mot est
si
galvaude
qu'on
le
differencie
mal
du
simple
repentir"
(200).
Dans
la
rhetorique
du Marechal
et
des
propagandistes
de
Vichy,
la notion
de peche
est
fortement presente. Le theme du repentir
releve
plus,
lui,
de
la
politique
que
ce
regime
va
adopter,
celle de
l'expia
tion
et
du
"rachat",
du
"salut"
par
la
Revolution
nationale.
Pour les milieux
catholiques
qui
entourent
Petain
en
1940,
il
est
ques
tion
de
repentance:
en
mai,
Dieu
n'etait
pas
du cote
des
Francais
mais
des
Allemands3.
Michele
Cointet,
dans
L'Eglise
sous
Vichy
(1940-1945),
expose
l'indignation
melee de
resignation
du
professeur
Jean
Calvet,
doyen
de
la
faculte des
lettres
et
prorecteur
de
lTnstitut
catholique
de
Paris:
"Pourquoi,
pourquoi
Dieu
nous
a-t-il
abandonnes?"
(40)4.
Rapidement,
cette
incomprehension
d'une defaite si soudaine melee d'une
culpabilite
toute
chretienne
(par
reactivation
ou
exacerbation du
sentiment
religieux
sous
l'effet
du
traumatisme)
va
nourrir
une
"politique
du
repentir"
or
chestree
par
Petain
et
son
entourage,
une
"politique
du
repentir" qui
va
permettre
de mieux
controler
les
gens
qui
s'y
pretent,
parallelement
a
l'instauration
par
le
gouvernement
de
Vichy
d'un
nouvel
ordre
moral.
Si
beaucoup
de
gens
se
pretent
a
ce
jeu
du
mea
culpa,
en
1940
et
encore
en
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692
FRENCH REVIEW
77.4
1941,
c'est
passivement,
dans la
mesure
ou
ils
sont
en
etat
de
choc,
a
Tin
star
de victimes d'un
accident,
pour
reprendre
l'image
evoquee
a
l'epoque
par
Blum
(Paxton
227).
Cette situation est refletee dans la piece LesMouches, telle que le decrit
Bernard-Henri
Levy
dans Le
Siecle de Sartre:
Une
ville
(Argos)
[...]
vivra
sous
la botte
tant
qu'elle
ne
renoncera
pas
a
l'ideologie
du
peche
et
de
la
repentance
imposee
par
le
couple
maudit
[Egisthe-Clytemnestre]:
allusion
transparente
au
discours
doloriste de
Vichy,
a
sa
religion
du
remords,
a
l'atmosphere
de
penitence
nauseabonde
qu'il
faisait
peser
sur
la
France.
L'alliance des deux
pouvoirs,
temporels
et
religieux,
qui
constituent
ensemble,
ce
que
le
personnage
de
Jupiter
(dont
nous savons
que
Dullin le
representait,
selon
les indications de
l'auteur,
avec une chasuble de pretre catholique) appelle textuellement, "un ordre
moral".
(369)
En
quoi
consiste
cet
ordre moral
fonde
sur
la
culpabilite
et
les
remords
que
cherche
a
instaurer
le
regime
de
Vichy
a
partir
de
1940,
apres
le
trau
matisme
de la
defaite?
Cet
ordre moral
qui
doit relever le
pays
et
qui
s'inscrit dans
le cadre de
"l'ordre
nouveau"
celebre
par
Petain
(Message
du 10 octobre
1940,
88)
se
pose
litteralement
en
reaction
contre
une
certaine
decadence
pergue
comme rampante dans les annees 1930. Le marechal Petain developpe
ainsi le theme
de
cette
decadence
deja
denoncee
avant-guerre
par
Drieu
La
Rochelle,
le
futur chef de
la
NRF,
et
par
d'autres intellectuels:
"Depuis
la
victoire
[de 1918],
l'esprit
de
jouissance
l'a
emporte
sur
l'esprit
de
sa
crifice.
On
a
revendique plus qu'on
a
servi.
On
a
voulu
epargner
l'effort;
on
rencontre
aujourd'hui
le
malheur"
(Appel
du 20
juin
1940,
61).
Quel
ques
jours
apres,
il
poursuit:
"Notre defaite
est
venue
de
nos
relache
ments.
L'esprit
de
jouissance
detruit
ce
que
l'esprit
de
sacrifice
a
edifie.
C'est
a
un
redressement
intellectuel
et
moral
que,
d'abord,
je
vous
con
vie"
(Appel
du 25
juin
1940,
66).
II est interessant de noter
l'opposition
qu'il
fait
entre
l'esprit
de
sacrifice
caracteristique
d'un
temps
passe
qu'il
incarne,
celui
de la Grande
guerre,
et
l'esprit
de
jouissance
qui
a
succede
a
la
premiere
guerre
mondiale
et
qui
a
mene
a
la
defaite
de 1940.
Ce
theme
n'est
pas
nouveau
et
remonte
a
la
fin
du dix-neuvieme siecle.
Aux
facteurs
objectifs
du
choc de
la defaite
de 1870
et
d'une
natalite
qui
decline,
qui
n'induisent
cependant
en
rien
une
quelconque
idee
de
declin
moral,
des
intellectuels
de droite
et
d'extreme-droite
vont
associer,
dans
la premiere partie du vingtieme siecle, ce qu'ils pergoivent comme des
derives:
perte
de
l'autorite,
affaiblissement
de
la
hierarchie,
"banque
route"
morale
et
spirituelle,
deliquescence
des
institutions,
scandales
qui
discreditent
de
plus
en
plus
la
Troisieme
Republique...5
La
liste
est
longue.
Pour
eux,
les
coupables
sont
aussi
bien
les
dreyfusards
des
annees
1900
que
les
partisans
du Front
populaire
de 1936.
Que
ce
theme
de
la
decadence
soit vehicule
essentiellement
par
des
intel
lectuels
de
droite
et
d'extreme
droite
(Drieu,
Massis,
Maurras, Brasillach,
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LA
REPENTANCE
DANS LESMOUCHES
ET
LA
PESTE 693
Fabre-Luce...)
jusqu'a
la
guerre
n'est
pas
tres
surprenant6.
Ce
qui
l'est
plus,
c'est
que,
au
moment
de la defaite
et
dans les
mois
qui
suivent,
beaucoup
de
grands
ecrivains
connus
pour
leur
esprit critique
s'en
fassent aussi
l'e
cho alors que certains sont
eux-memes
vises,
comme
si
les discours de
Petain
et
des
ideologues petainistes
avaient
trouve
chez
eux
une
certaine
resonance.
Nous
sommes
les
victimes
de
ce
que
nous sommes.
L'abus
de
fort
bonnes
choses
a
fait le malheur de
la
France
[ecrit
Paul
Valery
en
juin
1940].
Parmi
elles,
la
bonte
de
sa
terre,
la liberte
des
esprits,
l'insoumis
sion
des
individus?tout
ce
qui
degenere
en
facilite,
en
negligence,
en
improvisation.
(23: 384)7
Andre
Gide,
l'auteur
des Nourritures
terrestres
et
de
L'lmmoraliste,
pour
tant
mis
sur
la
sellette
a
la
meme
epoque
comme
l'un des
responsables
du
relachement
moral,8
evoque,
lui,
la
"decomposition"
du
pays
qu'il
explique
ainsi:
'Ton
peut
penser
qu'il
eut
mieux
valu
pour
elle
[la
France]
qu'elle
fut
vaincue
en
1918,
plutot
que
de
remporter
alors
ce
faux
triomphe
qui
acheva
de
l'aveugler
et
l'endormit dans la decadence"
(2:
718).
II
poursuit
le 25
juillet
sur
le
theme
de
V
"indulgence
coupable"
qui
a
perdu
et
fait
perdre
les
Francais:
Indulgence.
Indulgences...
Cette
sorte
de
rigueur puritaine
par
quoi
les
protestants,
ces
geneurs,
se sont rendus souvent
haissables,
ces
scrupules
de
conscience,
cette
intransigeante
honnetete,
cette
ponctualite
sans
scrupule,
c'est
ce
dont
nous avons
manque
le
plus.
Mollesse, abandon,
relachement
dans la
grace
et
l'aisance,
autant
d'aimables
qualites qui
devaient
nous
conduire,
les
yeux
bandes,
a
la
defaite.
[...]
Triste
regne
de
l'indulgence,
des
indulgences.
(33)
Mauriac
"flotte"
aussi
pendant
l'ete 1940
quand
il
publie
le
3
juillet,
dans
Le
Figaro,
un
article enthousiaste
sur
le
discours
[deja
mentionne
ci-dessus]
du marechal
Petain
du
25
juin
(Jackson 274).
Meme
Bernanos,
quoiqu'il
ait
emigre
au Bresil et soit
parmi
les
premiers critiques
du Marechal et de sa
politique,
se
laisse aller
au
jeu
de
l'expiation:
L'heure
est
venue
[ecrit-il
aussi tard
qu'en
mars
1941]
ou
nous ne
pou
vons
rien
de
mieux
qu'expier
tous
ensemble,
croyants
et
incroyants,
fraternellement,
des
fautes
qui
furent
sans
doute
communes,
puisque
la
punition
en
est
commune
aussi.
[...]
Si
nous
comprenons
nos
erreurs,
nous aurons
deja
commence
a
les
reparer.
(100)
C'est
clairement le
chretien
qui
parle;
mais il
se
reprendra rapidement.
Ainsi,
en
decembre
1941,
il
ecrira:
"Hitler
[...]
attend
[...] que
nous
finis
sions
par
tourner notre
colere,
non
contre
lui,
mais
contre
nous-memes,
que
nous nous
laissions
gagner
a
notre tour
par
cette
espece
de
maso
chisme
qui
inspire
toute
la
politique
sacrificielle
et
expiatoire
de
Vichy"
(162).
Vichy
a
ainsi
profite
de
l'examen
de
conscience
provoque par
la
defaite
pour
developper
ce
que
j'ai
qualifie
de
"politique
du
repentir".
"Tout
ce
qu'a
fait
Vichy s'explique,
en un
sens,
par
cette
peur
de la
deca
dence",
resume
Paxton
(147).
D'ou
le
mea
culpa
"entonne"
par
Petain
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694
FRENCH REVIEW
77.4
suivi
d'une
politique
reflechie
du
repentir
devant
mener
au
soutien
a
la
Revolution nationale
et
a
la
collaboration
avec
l'ennemi,
la
seule maniere
de
racheter
les
fautes
de
la
France
d'avant-guerre.
L'esprit de repentance de 1940 est tres clairement observable dans le
premier
sermon
du
pere
Paneloux,
et
fait
quasiment
echo
aux
discours
du
Marechal
sur
le
prix
des fautes
a
payer:
"Mes
freres
vous
etes
dans le
malheur,
mes
freres
vous
l'avez
merite"
(1296).
Cette
premiere
phrase
du
premier
sermon
de
Paneloux,
une
phrase
digne
de
Bossuet,
s'efforce de
mettre
les
Oranais
un
tant
soit
peu
croyants
devant leur
responsabilite.
Le
pere
jesuite augustinien
frappe
fort.
II
fait reference
au
Dieu de
l'Ancien
Testament,
la divinite
intraitable,
pour
expliquer
l'existence
de
la
peste
dans la
ville.
Dieu
punit
la
population, jeunes
et
vieux,
hommes
et
femmes,
parce que,
selon les
mots
de Paneloux:
"Trop
longtemps,
ce
monde
a
compose
avec
le mal.
[...]
II
suffisait
du
repentir,
tout
etait
per
mis"
(1297).
Mais
les
gens
ne se
sont
pas
amendes
et
ont
continue
a
mener
une
vie
"d'insouciance
criminelle"
(1298).
Le
pere
jesuite
frappe
fort
et
il
a
un
impact
sur
les
esprits,
comme
l'indique
le
passage
suivant:
"Les
nouvelles
de
la
peste
etaient mauvaises.
La vieille
Espagnole
[chez
qui
demeure
momentanement
le
journaliste
Rambert]
gardait cependant
sa
serenite.
Tl
y
a
du
peche
dans le
monde,
disait-elle.
Alors,
force
mentr"
(1384).
De
la
meme
maniere
que
la
defaite de
1940
est
le resultat
d'une
preten
due
"decomposition" politique,
sociale
mais
aussi
morale
et
spirituelle
de
la
France,
de
meme
la
peste
qui
sevit
a
Oran semble
etre le
resultat
du
"triste
regne
de
l'indulgence",
pour
reprendre
l'expression
de Gide.
De
fait,
la
repentance
dans
la
ville
nord-africaine
est
desormais
de
rigueur,
avec
pour
seule
possibilite
de rachat
la
magnanimite
d'un
Dieu
qu'il
faut
apaiser
et
dont
il
ne
depend
que
de
lui
de faire durer
ou
non
l'epidemie.
Le vocabulaire
employe par
Paneloux dans
ses sermons
est tres
simi
laire
a
celui
utilise
par
Petain
dans
ses
"discours
doloristes"
de 1940-41
pour
la bonne
raison
que
le
mal
qui
sevit
a
Oran,
la
peste,
est
une
metaphore
pour
la
"peste
brune"
qui
occupe
la
France,
que
l'origine
des
deux fleaux
est,
ainsi
que
nous
l'avons
vu,
perdue
comme
morale
mais
aussi
spirituelle,
qu'elle
necessite
une
meme
repentance,
et
que
le
salut
reside
dans
l'abandon
au
chef
supreme,
Petain
ou
Dieu.
Au-dela des
ter
mes:
humiliation,
fautes,
souffrances,
malheur,
acceptation...
previsibles
dans
un
tel
contexte,
le
mot
epreuve,
dans
le
sens
de "souffrance
salutaire",
est,
lui,
employe
d'une
fagon
absolument
identique
dans les sermons et dans
un
message
de
decembre
19409.
"L'epreuve
la
plus
cruelle
etait
encore
benefice
pour
le
chretien"
(1401).
Cette
phrase
du
deuxieme
sermon
fait
echo
a
un
propos
de
Paneloux
du
premier
sermon:
"Ce
fleau
meme
qui
vous
meurtrit,
il
vous
eleve
et
vous
montre la voie"
(1299).
Petain,
s'adressant
aux
jeunes
Frangais
dans
un
message
du
29 decembre
1940,
dit
en
substance
la
meme
chose
au
moyen
du
meme
mot
epreuve:
"Vous
payez
des
fautes
[...]
c'est
une
dure loi
qu'il
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LA
REPENTANCE
DANS
LES
MOUCHES
ET
LA PESTE
695
faut
comprendre
et
accepter,
au
lieu de
la
subir
et
de
se
revolter
contre
elle.
Alors
l'epreuve
devient
bienfaisante,
elle
trempe
les
ames
et
les
corps
et
prepare
les lendemains
reparateurs"
(104).
Ce theme
de
l'epreuve
salu
taire revient
regulierement
sous la plume d'un certain nombre d'intel
lectuels
(religieux
ou
non)
pendant
l'ete
1940.
Le
pere
Noble
publie,
le 15
juillet
1940,
dans
La
Croix,
un
article intitule:
"Dieu a-t-il
puni
la France?" dans
lequel
il
ecrit:
"La
defaite
qui
endolorit
notre
patrie
ne
doit
pas
s'appeler:
chatiment
mais:
peine
medicinale
[...]
[Dieu]
a
permis
aux
evenements
de
nous
administrer
une
dure
et
bien
faisante
lecon.
A
nous
de
tirer
profit
de
cette
salutaire
epreuve"
(Cointet
42).
Camus
aurait
tres
bien
pu
placer
ces
propos
dans
la
bouche
du
pere
Paneloux.
Le 6
aout,
dans le
meme
journal
La
Croix,
le
pere
Merklen
parle,
lui,
d'une
"catastrophe
vraisemblablement
providentielle
Reveil beni".
Emmanuel
Mounier,
le
pere
du
personnalisme
et
le
directeur
de
la
re
vue
Esprit,
rapporte
quant
a
lui,
dans
une
lettre
en
date
du
19
juin,
et
tou
jours
au
moyen
du
mot
epreuve
au
sens
d'exercice
salvateur:
II
faut
pour
la
France
que
l'epreuve
aille toucher
jusqu'au
dernier
de
ces
petits
bourgeois,
de
ces
petits jardiniers.
"II"
[l'ennemi]
ira
jusqu'a
Marseille
et
Bordeaux,
par
besoin de
violer
tout
le
pays.
Mais
pour
tous,
ce
sera
salubre
[c'est
moi
qui
souligne].
II
ne
restera
personne
qui
n'aura
pas
ete contraint de voir. (664)
En
resume,
les
sermons
du
pere
Paneloux
refletent
clairement
la
percep
tion d'un
certain
nombre
d'intellectuels
pendant
l'ete 194010.
Une
autre
comparaison
s'impose
entre
le theme
du
"tout
ou
rien"
du
deuxieme
sermon
et
la
requete
faite
par
Petain
aux
Francais
d'adherer
pleinement
a son
projet
de Revolution
nationale. De
meme
que
Pane
loux,
apres
avoir
expose
aux
Oranais
la situation d'une
fagon
tres
mani
cheenne:
tout
accepter
(et
done aussi
lamort
des
enfants)
ou
tout
refuser
sans
chercher
a
comprendre
car
le
dessein
divin
est
impenetrable,
de
mande
une
"acceptation
totale"
(1403)
des
plans
de
Dieu,
de
meme
le
Marechal
demande
aux
Francais
en
1940
qu'ils l'appuient
d'un
soutien
inconditionnel
et
lui fassent totalement
confiance
dans
la direction de
la
France
qui
passe
par
la
Revolution
nationale.
Andre
Gide,
le
26
juin,
explique
qu'il
se
rend
(un
terme
particulierement
bien
adapte
au
con
texte
de la
defaite)
aux
raisons du
nouveau
chef
d'Etat
francais:
"Je
me
rends
a ses
raisons,
et
ne
puis
maintenir
mon
esprit
dans
son
etat
de
pro
testation d'avant-hier.
II n'est
que
de
se
soumettre,
d'accepter,
helas
l'in
evitable"
(705).
Monseigneur
Chollet,
archeveque
de
Cambrai,
rappelle
encore
en
1941
a
ses
paroissiens,
a
lamaniere du
Paneloux du
deuxieme
sermon,
la
soumis
sion
qu'ils
doivent
a
l'autorite: "Nous n'avons
pas
le droit
de discuter la
personne
du chef
ni
ses
commandements;
le
subordonne
obeit
sans
chercher
ni
demander
la
raison"
(Cointet
34-35).
Les
devoirs
d'obeissance,
de
soumission,
d'
"acceptation
totale"
semblent,
une
fois de
plus,
caiques
de la
realite
franchise
sur
la
fiction
oranaise.
Cependant,
une
desaffectation
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696
FRENCH
REVIEW
77.4
rapide
va
toucher
aussi
bien les
rangs
propetainistes
que
les
Oranais
venus
ecouter
Paneloux lors
de
son
premier
sermon.
C'est
que
leMarechal
comme
le
pere
jesuite,
quelque
soit
la
credibilite
liee a leur passe d'hommes integres, parlaient essentiellement a des gens
traumatisms, desorientes,
"deboussoles"
qui
lentement
se
reprennent,
comme
l'indique,
fin
1940,
le
propos
d'un
Roger
Martin
du
Gard
fatigue
de
se
culpabiliser:
"continuer,
c'est
ce
que
nous
avons
de
mieux
a
faire,
tous,
tant
que
nous sommes.
Je
ne
suis
pas
de
ceux
qui
se
frappent
in
definiment
la
poitrine"
(cite
dans
Winock
57).
II
est
revelateur
que
la
forte
affluence
du
premier
sermon,
le
dimanche cloturant la semaine de
prieres
collectives,
(une foule)
"debordant
jusque
sur
le
parvis"
(1296),
ait
disparu
lors du deuxieme
preche:
"les
rangs
de
l'assistance
etaient
plus
clairsemes
que
lors
du
premier preche.
[...] [L]e
preche
de Paneloux
eut
lieu dans
une
eglise
qui
n'etait
pleine
qu'aux
trois
quarts" (respective
ment
1399
et
1401).
Le marechal Petain
a,
lui
aussi,
de
son
cote,
observe
une meme
disaffection
assez
rapide
d'une certaine
partie
des
Frangais
a
l'egard
de
sa
politique.
Si
quasiment
toute
la
population
l'a
suivi
d'un
meme
elan,
dans les
pre
miers mois
de la
guerre,
le
chef
de l'Etat
ne
tarde
pas
a
entendre des
"sons
discordants",
des
voix de resistance
et
d'opposition.
Certains
de
ses
messages
radiophoniques,
a
partir
d'aout 1940
deja,
sont
symptoma
tiques,
a
cet
egard,
du flottement
qui
apparait
et
de la
disaffection
qui
commence
a
s'installer lentement
mais surement
dans le
pays:
De
faux
amis
qui
sont
souvent
de
vrais ennemis
ont
entrepris
de
vous
persuader
que
le
gouvernement
de
Vichy,
comme
ils disent
[les
de
tracteurs],
ne
pense pas
a
vous,
ne
fait
rien
pour
vous,
ne
se
soucie
ni
des
besoins
communs
a
l'ensemble
de
la
population
franchise,
ni de
ceux
qui
concernent
nos
compatriotes
les
plus
eprouves.
(Allocution
du 13
aout
1940,
71-72)
La disaffection
se
fait
nettement
plus
marquee
et
les
sceptiques
sont
clairement
plus
nombreux
un
an
plus
tard,
lorsque
le
Marechal declare:
J'ai
des choses
graves
a
vous
dire.
De
plusieurs
regions
de
France,
je
sens
se
lever
depuis quelques
semaines,
un
vent
mauvais.
L'inquietude
gagne
les
esprits:
le
doute
s'empare
des
ames.
L'autorite
de
mon
gouvernement
est
discutee:
les
ordres
sont souvent mal
executes.
Un
veritable
malaise
atteint
le
peuple
francais.
(164)11
De
plus
en
plus
de
Frangais,
sans
pour
autant
rentrer
dans
la
Resistance
et
tout en observant une attitude
toujours
tres
passive,
commencent a se
desolidariser
du
regime
de
Vichy
mais aussi
de
Petain,
meme
si
Ton
a
sou
vent
dit
que
leMarechal
avait
une
credibilite
personnelle
lui
venant de
la
Premiere
Guerre
mondiale
et
qu'il
ne
fallait
pas
confondre
sa
popularity
longtemps
forte
et
la
baisse
d'estime
de
son
gouvernement
dans
l'opinion
publique.
Les
gens,
apres
quelques
mois d'etat de
choc,
en
viennent
a
sor
tir
tres
progressivement
de leur
torpeur
et
a
retrouver
un sens
critique
par
rapport
a
la
gestion
des
affaires de
la
France.
Les
lois
antisemites d'octobre
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LA REPENTANCE
DANS
LESMOUCHES
ET
LA
PESTE 697
1940,
l'epuration
des
"indesirables" de
la
fonction
publique,
les
mesures
prise
a
l'encontre
des
refugies
etrangers
ou encore
la
politique
de revi
sion des
naturalisations,
par
exemple,
commencent
a
en
faire reflechir
plus d'un.
Une
meme
distance
critique
est aussi
progressivement
prise
par
bon
nombre
de
Francais
a
l'egard
du theme des
"fautes
a
payer"
repete
comme une
litanie
par
leMarechal
dans
ses
discours de 1940
et
1941.
Si
la
France
s'est,
en
effet,
abandonnee
un
temps
a
l'autoflagellation,
c'etait
pour
accuser
le choc.
Slama
ecrit
que
"[p]endant
une
breve
periode,
le
choc de
juin
1940
a
associe
une
forte
majorite
de
l'opinion
dans
un
meme
desir de
regression.
Le
pays
a
battu
sa
coulpe,
non
pour
assumer ses
fautes,
mais
pour
desamorcer
le mal"
(41).
A
mes
yeux,
cette
autoflagel
lation servait
autant
a
assumer
des fautes
recemment
interiorisees
qu'a
desamorcer
le
mal. Le fait
est
que
Vichy,
par
le
moyen
des discours de
Petain
pour
une
bonne
part,
a
poursuivi
son
discours
culpabilisateur
et
moralisateur,
un
discours
que
la
piece
Les
Mouches
de
Jean-Paul
Sartre
a
deliberement
pris
pour
cible.
Comme
je
l'ai
evoque
au
debut de
cette
etude,
Sartre
explique
en
1948
que
cette
piece
visait
a
contrecarrer
l'ideologie
"meaculpiste"
vichys
soise: "En ecrivant
ma
piece, j'ai
voulu,
avec mes
seuls
moyens,
bien
faibles,
contribuer a
extirper
quelque
peu
cette maladie du
repentir,
cette
complai
sance au
repentir
et
a
la
honte.
II
fallait
alors redresser
le
peuple
francais,
lui
rendre
courage"
(Un
Theatre de
situations
275).
Sur
un
ton
certes
quelque
peu
parodique,
il
fait
ainsi
dire
a
une
habitante
d'Argos
s'adressant
a
Jupiter
devant Oreste
temoin:
Ah
je
me
repens,
Seigneur,
si
vous
saviez
comme
je
me
repens,
et
ma
fille aussi
se
repent,
et
mon
gendre
sacrifie
une
vache
tous
les
ans,
et
mon
petit-fils, qui
va
sur ces
sept
ans,
nous
l'avons eleve
dans la
repen
tance: il est
sage
comme
une
image,
tout
blond
et
deja penetre
par
le
sen
timent de sa
faute
originelle.
(115)
Quel
but
specifique,
par-dela
l'adhesion
a
la
Revolution
nationale
comme
moyen
d'assurer
le
salut de
la
France,
Vichy
cherchait-il
a
atteindre
par
la
promotion
de
ce
sentiment de
culpabilite
qu'il
s'efforgait
de
faire
inte
rioriser
aux
Francais
"deboussoles"
de
1940?
Sartre ecrit
que
l'adoption
de
ce
repentir
et
de
cette
honte
devait
rendre
les
Francais
"incapables
de soutenir
une
resistance"
(Un
Theatre
de situa
tions
275),
quitte
a ce
qu'ils
y
trouvent
aussi
de
la
satisfaction sinon
un
certain
plaisir.
Cette
culpabilisation
devait
metaphoriquement agir
tel un
analgesique
ayant
le
pouvoir
d'apaiser
la
douleur,
de facon
a
rendre le
corps
plus
docile
et
eviter
toute
reaction
contre
les
"anticorps"
ayant
en
vahi
l'organisme-France12.
Aux
yeux
de
Sartre,
les
nazis
y
trouvaient ainsi
leur
compte.
Comment
se
fait-il
des
lors
que
l'ecrivain-dramaturge
n'ait
pas
avance
plus
tot,
soit seulement
en
1947
dans
un
texte
ecrit
a
l'occa
sion
de
representations
de la
piece
donnees
en
Allemagne,
cette
raison
pour
expliquer
la
creation
des
Mouches?
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698
FRENCH REVIEW 77.4
Observons
tout
d'abord
les
reactions de
spectateurs
qui
ont
assiste
a
la
representation
des Mouches
en
194313.
Simone de
Beauvoir,
comme
Leiris
dans "Oreste
et
la
cite"
(publie
dans les Lettres
frangaises
clandestines
12),
y
voit le role central de la liberte: "Impossible de se meprendre sur le sens
de la
piece;
tombant
de
la
bouche
d'Oreste,
le
mot
Liberte
explosait
avec
un
eclat
fulgurant"
(553).
Alexandre Astruc
y remarque
la
primaute
de
la
revoke
et
de
la
liberte decoulant
de
l'acte
(Levy,
Le
Siecle
de
Sartre
371).
Jean
Duvignaud
note
le
rejet
de "l'ordre
nouveau"
qu'a
cherche
a
im
poser
Petain
(cf.
Message
du
10
octobre
1940)
(371).
D'autres,
eux,
observent
la
dimension doloriste de
la
piece
qu'ils
associent
a
l'ideologie vichyssoise
de
la
repentance.
Paulhan ecrit ainsi:
"[N]ous
avons vu
hier
Les
Mouches;
[...]
cette
cite de
repentis,
on se
croirait
a
Vichy "
(371).
Pareille
optique
chez
Lionel de
Roulet,
dans
La France
libre
de Londres
et,
d'une facon
tres
prudente,
Gabriel
Marcel,
dans
Rencontres.
Ce dernier
evoque
en
effet
le
theme
du
repentir,
mais
pour
plus
rapidement
le
mettre
de
cote et
se
concentrer
sur
les
notions
de liberte
et
d'acte:
Je
laisse
deliberement de
cote
les
allusions
qui
peuvent
viser certaines
propensions
recentes
au
mea
culpa,
ainsi
que
les
encouragements
officiels
auxquels
cette
propension
a
donne lieu.
En
s'y
attachant,
on
reduirait
arbitrairement
la
portee
de
l'ouvrage.
(Texte
repris
dans
L'Heure theatrale
191)
Sans
doute
a-t-il
raison,
mais
partiellement
raison.
"Culpabilite"
et "li
berte
par
l'acte effectue"
sont
conjointement
les
deux
grands
themes
de
la
piece.
En
fait,
comme
l'explique Ingrid
Galster,
les
nombreuses
allusions
satiriques
au
"meaculpisme"
dans
Les
Mouches
(elle
en
releve
plus
de
50)
"semblent
s'imposer
meme
independamment
de
l'allegorie"
(57).
II
me
semble clair
que
Marcel refuse
de s'etendre
sur
le
premier
theme
pour
eviter
les foudres
des
agents
de
Vichy.
Mais de
meme
en
est-il
de
Sartre
qui,
lui
aussi,
refuse
de
s'expliquer
a
l'epoque
sur
le theme
de
Fautoflagellation
de
type
"ideologie
marechaliste"
qui
regne
dans
Les
Mouches. Son
attitude
est tout
en
prudence,
a
l'instar de
sa
reponse
a
Marcel
sur
la
critique
du
peche:
"M.
Sartre,
questionne
par
moi,
m'a
declare
n'avoir
pas
vise
dans
son ceuvre
le sentiment chretien
du
peche.
Je
ne
sais
quelle
portee
exacte il
convient
d'attribuer
a
cette
declaration.
II
me
parait
bien
difficile
de
ne
pas
trouver
aux
Mouches
un son
antichre
tien"
(183).
Sartre evite
de
parler religion
dans
un
contexte
culturel
pro
catholique
qui
n'est
pas
favorable
au
libre
penseur
qu'il
est.
En
resultat,
Sartre
joue
la
prudence.
Non seulement il evite le
sujet
religieux
mais,
comme
l'expliquent
Contat
et
Rybalka
en
note
d'introduc
tion
a
une
interview
d'avant-premiere
pour
Comcedia
datant du
24
avril
1943,
il
evite
"de
parler
directement du contenu
politique
de la
piece"
(Un
Theatre de
situations
267).
Cette
prudence
explique
aussi
en
partie
l'adoption
du
theme
de
l'antiquite
grecque,
comme
il
le
declare
a
la
Liberation
dans
Carrefour
(9
septembre
1944):
"Pourquoi
faire
declamer
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LA REPENTANCE
DANS
LESMOUCHES
ET
LA
PESTE
699
les Grecs
[...]
si
ce
n'est
pour
deguiser
sa
pensee
sous un
regime
fas
ciste?"
(269).
Certes
le
choix
de
sujets
antiques
etait
tres
en
vogue
entre
les
deux
guerres.
Son
emploi
est
neanmoins
particulierement
a
propos,
en temps d'hostilites, si l'on est dans le camp des contestataires. Le
monde
antique
se
prete
en
effet
bien
a
la
duplicite
(dans
le
sens
ety
mologique
de
'double').
II
est
"autre"
et
"notre",
pour
reprendre
une
for
mule de
Barthes
appliquee
a
La
Bruyere:
"autre"
parce
que
clairement
distant
du
present
sulfureux
de
l'Occupation,
mais
"notre"
par
les
valeurs
que
recele
cette
antiquite
(ou
plus
precisement qu'on
lui
prete)
et
qui
sont familieres
a
la societe franchise des
annees
1940
(role
central de
la
religion,
importance
de
l'honneur,
obeissance
au
pouvoir
en
place,
soumission
a
la
hierarchie...).
De
plus,
le
pouvoir
du
mythe antique per
met,
par
le
moyen
de
personnages
immediatement
reconnaissables,
de
faire
passer
un
message
plus
fort
a resonance
quasi
universelle.
II
est
ainsi
possible
de
trouver
une
multitude
de
references
au
christia
nisme
dans
la
piece
"grecque"
des
Mouches: "Voila
mon
peche"
(113),
"le
sentiment
de
[la]
faute
originelle"
(115),
les
"grands
pecheurs [que
sont
les
gens
d'Argos...
qui]
se
sont
engages
dans
la voie du
rachat"
(118),
"la
brebis
que
la
gale
retranche
du
troupeau"
(236),
"le
lepreux
enferme
dans
son
lazaret"
(236)...
Ces
references
denotent
une
forte
empreinte
chris
tique
("suppose
[dit
Oreste]
que
j'assume
tous leurs crimes
[...]
et
que
j'installe
en
moi
tous
leurs
repentirs"
[182]),
une
empreinte
christique
que
Petain,
en
cela
digne
de
1'
"Ode
au
Marechal" de
Claudel
("Vous
me
demandiez du
pain
[...]
et
moi,
je
vous
ai donne
ma
chair"
[259]),
avait
adoptee
dans
ses
discours
("Je
fais
a
la
France
le
don de
ma
personne
pour
attenuer
son
malheur"
[17
juin,
57];
"Ces
souffrances,
je
les
ressens
profondement"
[13
aout,
72])14.
La
piece
Les
Mouches
a
ete
comprise,
a
l'epoque,
par
les
opposants
au
regime
de
Vichy,
comme
une
"piece
de
resistance"
exaltant
tout
a
la fois
la
revoke,
l'acte
liberateur,
la
responsabilite
a
l'egard
de la
collectivite,
l'engagement,
la
resistance
en
defense de
la
liberte15.
Certes,
comme
l'explique Ingrid
Galster dans
Le
Theatre
de
Jean-Paul
Sartre
devant
ses
pre
miers
critiques
(191),
ce
public
semble
avoir
ete
restreint
(mais
non
pas
nul,
comme
l'affirme
Serge
Added)16.
Cela
n'empeche
pas
que
la
piece
ait
eu un
certain
impact,
meme
difficilement
evaluable.
"[N]eanmoins
la
piece
renforc.a
la
solidarity des
opposants
entre
eux,
comme
les
defenses
contre la
critique
collaborationniste le
prouvent",
(191)
en
vient
a
con
clure Galster.
Tous
les
grands
themes
de
la
philosophie
existentialiste
de
Sartre
deja
developpes
en
1943 dans L'Etre et
le
neant
sont
ainsi
represents
"en situ
ation" dans
Les
Mouches.
Cette
situation
permet
a
un
public
d'opposants
a
Vichy
et
aux
Allemands de
reconnaitre
Hitler
en
Jupiter
et
Petain
en
Egisthe,
le
premier
ayant
concocte la
politique
du
repentir
et
du
remords
pour
mieux
permettre
au
deuxieme,
son
collaborateur,
de la
mettre
en
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700
FRENCH REVIEW 77.4
pratique
et
d'assujettir
la
population d'Argos.
Oreste
est,
quant
a
lui,
le
de
Gaulle
qui
cherche
a
liberer les
gens
de
la
cite,
cependant qu'Electre,
la
"resistante
en
mots", incarne,
elle,
un
certain
peuple
francais
qui
en
vient, apres un conflit interieur douloureux, a succomber au discours du
pouvoir,
du
Vichy
collaborateur17. Comment done
se
fait-il
que
Sartre
ait
attendu
jusqu'en
1947,
lors d'une
tournee
en
Allemagne,
l'ancien
pays
ennemi,
pour
developper
l'explication
"lutte contre le
repentir"
de
la
piece?
Ce theme de
la
repentance
contre
laquelle
il
faut
lutter
est,
dans
l'esprit
de
Sartre,
particulierement
a
l'ordre
du
jour
dans
l'Allemagne
de
l'apres
guerre.
A
ses
yeux,
les situations de
Vichy
1940^12
et
de
l'Allemagne
1945^47
sont
semblables.
Dans
ce
dernier
pays
en
pleine periode
de
reconstruction,
le
passe
hante le
present,
et
des
forces
politiques
et
so
ciales
cherchent
a
ce
que
le
mea
culpa
engendre
par
les crimes
nazis
dure.
Et
Sartre
dit
non:
non a ce
repentir
qui bloque
toute
vision serieuse
d'avenir,
toute
possibilite
reelle de
regenerescence:
"Ne
songer
qu'a
ce
passe,
s'en
tourmenter
meme
nuit et
jour,
c'est
un
sentiment
infecond,
purement
negatif"
(Un
Theatre de situations
277).
Mais
Sartre dit oui
a une
responsabilite
correctement
assumee: ne
pas
oublier les
crimes
passes
mais
regarder
de l'avant:
Je
n'ai
pas
pretendu qu'il
fallait
exclure
tout
sentiment
de
responsabilite.
Au
contraire,
je
dis
que
le
sens
de
la
responsabilite
est
necessaire
et
qu'il
ouvre
l'avenir.
Lorsque
Ton
comprend
dans le
repentir
des
elements
dif
ferents,
on
confond les
concepts,
c'est
de
la
que
naissent les malenten
dus.
(277)
Sartre denonce
dans le
repentir
le
sentiment
de
culpabilite
qui
incite
a
la
passivite
et
a
une
contemplation
fixe
et
sclerosants
du
passe.
Le
repentir
est
sterile.
A
l'inverse,
le
sentiment
de
responsabilite
fait
regarder
en
di
rection de l'avenir
dans
la
mesure
ou
il force
litteralement
l'individu
a
"en
repondre",
a
repondre
de
soi
et
des
autres. Par la
meme,
il
se
fait
promesse
de rehabilitation.
Sartre
a
ainsi
pu
recuperer
le
message
des
Mouches
et
le
faire
"coller",
l'adapter
a une
situation
tout
a
la
fois
difference
et
similaire.
En
ce
sens,
cette
piece
de
circonstance
fondee
sur
les
themes de la
repentance
vichys
soise
et
la
celebration
de
la
liberte
en
temps
d'adversite
a
ete
sauvee
de
l'oubli
par
l'utilisation
du
mythe
grec
qui
va
lui
permettre
de
transcender
le
temps
et
de
rester
moderne.
L'Argos
des
Mouches,
l'Oran
de
La
Peste
et
la
France
de
Vichy
de
1940
ont
en
commun
d'etre
metaphoriquement,
dans
un
contexte
d'expiation
et
de
repentance
nees
de
la
brutalite
des
fleaux
qui
y
sevissent,
des
lieux
de
"purgatoire"
ou
les habitants
purgent temporairement
leur
peine,
des
"penitenciers"
ou
ils
font
penitence;
dans
la
mesure,
bien
sur,
ou
ces
habitants
se
pretent
au
jeu
et
repondent
docilement
a
la
"politique
du
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LA
REPENTANCE DANS LES
MOUCHES
ET LA
PESTE
701
repentir"
adoptee
et
articulee
par
les
chefs
(religieux
ou
non)
Egisthe,
Paneloux
ou
Petain.
Mais
certains
individus de
ces
univers
fermes,
de
ces
espaces
places
en
quarantaine
et
qui s'apparentent
a
des "huis
clos",
vont
refuser de "se flageller", de se blamer pour des fautes pretendument
commises
dans
le
passe,
et
au
contraire
s'opposer,
resister
et
faire
face
plutot
que
de
s'effacer
derriere
un
reconfortant
mais
illusoire
mea
culpa.
Rieux
est
ainsi de
la
meme
etoffe
qu'Oreste.
Tous
deux
rejettent
Dieu
ou
Jupiter
et
ne
comptent
que
sur eux-memes
pour
liberer
la
commu
naute
du mal
ou
de la
maladie. Seuls leurs
actes,
en
rien
determines
par
un
quelconque
passe
empreint
de
culpabilite,
comptent:
que
ce
soit
pour
eliminer le
tyran
ou
eradiquer
le fleau.
En
ce
sens,
la
phrase
celebre de
Sartre:
"Jamais
nous
n'avons ete
plus
libres
que
sous
l'occupation
alle
mande"
(Situations
III
11)
trouve
pleinement
son
sens
et
s'applique
d'au
tant
mieux
a ces
deux
personnages
qu'ils
ont
opte
pour
la
liberte dans
l'acte
(l'acte
de
soin
ou
l'acte
meurtrier)
et
ne
se
sont
pas
laisse aller
a
une
culpabilisation
sterile
qui
aurait
favorise
passivite
et
resignation.
Berry
College
(GA)
Notes
^eja,
le
26
mai,
le futur chef de l'Etat
francais
ecrivait
en
termes
non
equivoques
au
president
du conseil Paul
Reynaud
la
voie
a
suivre:
Ainsi,
le
pays,
tout
naturellement,
oublie les fautes
qu'il
a
et
que
nous avons
tous
commises
pendant vingt-deux
ans,
ce
gout
de
la
vie
tranquille,
cet
abandon
de
l'effort,
qui
nous
ont
menes
la
ou
nous sommes
[...]
C'est
[...]
ce mea
culpa
que
nous
devons faire si
nous
voulons
etre
sauves.
(Cite
par
Amouroux
1:131)
2lngrid
Galster,
abondant
dans
le
sens
de
Sartre,
explique:
"L'un
des
themes essentiels de
la
propagande
nazie
en
France,
tel
que
l'exposa
Alfred
Rosenberg,
l'un
des
principaux
ideo
logues
du
Troisieme
Reich,
le 23
novembre
1940,
consistait
a
repandre
1'idee
que
la
defaite
etait
Te
chatiment
du
peuple
francais'"
{55).
3"Le
nouveau
regime
est
croyant
et
pas
seulement
bigot",
ecrit
Paxton
(149).
Aux
yeux
de
la
droite
nouvellement
au
pouvoir,
la
vieille
republique
lai'que
a
perdu
sa
legitimite
et
le
retour
de la
religion s'impose.
4"On
trouve
des
accents
voisins
[aux
propos
de
Jean
Calvet]
dans le
journal
de
Jean
Le
Cour
Grandmaison
de la
Federation
nationale
catholique,
en
qui
Petain
avait
entiere
con
fiance",
ecrit
encore
Michele
Cointet.
L'abbe Thellier
n'hesite
pas,
lui,
a
appeler
les
lecteurs
de
La
Croix,
dans
le
numero
du
27
juin,
a
expier
physiquement:
"Commencons
par
tomber
a
genoux
et
frappons-nous
la
poitrine"
(Cite
par
Bedarida
[47]).
Comme
l'explique
tres
bien
Bedarida,
les
catholiques,
habitues
qu'ils
sont
a
l'examen
de
conscience,
etaient
predisposes
a
cette
tendance
"mea
culpiste"
(46-47).
Sur
le
theme
de
l'examen
de
conscience
auquel
con
vie
l'episcopat
lors
de l'ete
1940,
consulter Clement
(26-29).
5"Sur
le
plan
politique,
l'idee de
decadence
est
surtout
developpee
par
les
tenants
des
droites,
pour
lesquelles
la
Republique
constitue
un
facteur
de
declin",
ecrit El
Gammal
(23).
Ce
propos
est tout
aussi
applicable
pour
la
premiere
moitie
du
vingtieme
siecle.
6"Je
suis
fasciste
[ecrit
Drieu
la
Rochelle]
parce
que
j'ai
mesure
le
progres
de la
decadence
en
Europe.
J'ai
vu
dans le
fascisme
le seul
moyen
de
contenir
et de
reduire cette
decadence"
(Paxton
146).
Et,
pour
cet
ecrivain,
la
decadence
est
particulierement
evidente
en
France.
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702
FRENCH REVIEW
77.4
Sur
le
theme de
la
decadence dans
l'Hexagone
en
cette
premiere
moitie du
vingtieme
siecle,
consulter,
entre
autres
sources,
Paxton
(31-35,
146-48)
mais
aussi Weber
(111?
46).
Camus
se
moque,
lui,
a
la
meme
epoque,
des
discours
sur
la
decadence,
dans
ses
Carnets
(1935-1942):
"Decadence Les discours
sur
la
decadence Le Hie
siecle
avant
Jesus
Christ est un siecle de decadence
pour
la Grece. II donne au monde la
geometrie,
la
physique,
l'astronomie
et
la
trigonometrie
avec
Euclyde,
Archimede,
Aristarque
et
Hip
parque"
(247).
7Valery
va
developper,
environ 150
pages
plus
loin,
une
critique
des
etrangers
sur
prenante
venant
de
sa
plume,
une
critique qui
montre
l'impact
du desarroi
cree
par
la
defaite:
"La
guerre
a
ete
perdue
dans la
paix. L'etranger
travaillait
dans
les
partis
les
plus
divers. II etait dans
nos
arsenaux,
et
dans
nos
journaux,
aux
salons
et
dans les
buvettes,
dans
les...
Mais
plus
que
l'etranger
defini,
c'etait
l'esprit"
(Cahiers
505).
C'est
par
ce
dernier
mot
que
nous
retrouvons
le
Valery
auteur
de la "Crise de
l'esprit".
8Gide
rapporte
dans
son
Journal
cet
article
que
lui
a
envoye
de
Vichy
un
tres bon ami: "un
article du Temps du 9
juillet
[...] me
prend
a partie et denonce, entre toutes et uniquement,
mon
influence
sur
la
jeunesse
comme
un
danger
public,
sans
doute
sur
la foi
des
titres,
qu'il
cite,
de deux de
mes
livres: Le Traite de Narcisse
et
L'Immoraliste.
C'est 'contre
cette
influence
considerable,
mais
nefaste,
qu'il
faut
reagir',
dit-il,
car
j'aurais
'fait
facheuse
ecole,
formant
une
generation orgueilleuse
et
deliquescente'".
(715)
Gide
n'hesite
cependant
pas
a
approu
ver
le marechal
Petain
quand
ce
dernier
denonce
l'esprit
de
jouissance
qui
a
prevalu
avant
guerre:
"L'allocution
de Petain
[du
20
juin]
est
tout
simplement
admirable:
'Depuis
la
victoire
[de
1918],
l'esprit
de
jouissance
l'a
emporte
sur
l'esprit
de sacrifice.' On
ne
peut
mieux
dire,
et
ces
paroles
nous
consolent de
tous
les
flatus
vocis
[mots
creux]
de
la
radio"
(702).
9Le
mot
epreuve
revient
regulierement
dans les discours
de
Petain:
Appel
du 13
aout
(73);
Message du 17 juin 1941 (144, 145). Parfois, c'est une meme expression verbale caracteris
tique:
au
"meditez-le"
(85)
du Marechal
parlant
du texte de
son
programme
qui
va
etre
publie
le lendemain
fait ainsi echo
le "meditez cela"
(1296)
de Paneloux
qui
vient
d'expli
quer
les
raisons
de
la
peste.
10Levy
ecrit
au
sujet
de
ce
propos
de Mounier:
"Emmanuel
Mounier,
que
nous
le voulions
ou
non,
fut de
ces
intellectuels
qui
vecurent
la
defaite de
40,
non comme une
tragedie,
mais
comme
une
chance
et
une
delivrance"
(Les
Aventures
de la liberte
201).
Et il
donne,
pour
autre
justification
de
ce
jugement
qu'il
passe
sur
le chef
du
personnalisme,
le
temoignage
suivant:
"cette lettre
du 6
septembre
1940
[...est]
adressee
a
une
amie: 'il
y
a
beaucoup
a
faire
et
nous sommes
delivres
de
tant
de morts.
Je
suis
a
la fois
pessimiste
[...]
et
optimiste
parce que
nous
entrons dans
une
epoque
ardente'".
Le
jugement
de
Levy
est
en
fait
un
peu
tendancieux.
Mounier
per^oit,
selon
moi,
la defaite
tout
a
la
fois
comme
une
tragedie
et
comme
une
delivrance.
nPaxton
explique
que
le
"changement
de cceur"
des
Francais,
"le
grand
tournant"
(215)
comme
il le
qualifie,
s'effectue
en
ete
1941,
pour
s'accentuer
en
novembre
1942,
lors
de
l'in
vasion
allemande
de
la
zone
sud.
12Gabriel
Marcel,
faisant reference
a
la
piece
Les
Mouches,
parle
de
l'emasculation des
sujets
d'Argos
par
Egisthe:
il "a
pris
a
tache
de les
emasculer
en
les faisant
vivre
dans
la
ter
reur
et le
culte
des
morts"
(181).
Cette
idee de l'emasculation
metaphorique
des
Francais
qui,
parce
qu'ils
s'adonnent
au
repentir,
tombent
dans
une
obeissance
toute
passive,
repre
sente
bien
le
danger
contre
lequel
le
dramaturge
Sartre
s'eleve.
13Presque
tous
les
critiques
professionnels
(essentiellement
collaborationnistes)
ont
ereinte
la
piece lorsqu'ils
l'ont
vu
representee
en
1943.
Pour
cette
partie
de
mon
etude
sur
Les
Mouches,
j'ai
consulte,
entre
autres
ouvrages,
l'excellent
livre
d'Ingrid
Galster.
Ce
livre
est
une
impressionnante
source
d'erudition.
14Sartre
explique qu'il
n'a
pas
cherche
a
comparer
Oreste
au
Christ
(Theatre
de situations
279).
II
n'empeche
que
la
comparaison
est
tentante,
avec
beaucoup
de
precautions
bien
sur.
En
1951,
Oreste
apparaitra
a
Henri Gheon
comme
"un
Christ
a
rebours"
qui
opere,
comme
l'explique
Galster,
le
rachat,
la
redemption
par
le crime
(176).
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5/19/2018 L'Impact de la repentance vichyssoise dans Les Mouches de Sartre.pdf
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LA REPENTANCE
DANS LES
MOUCHES
ET
LA
PESTE 703
15Sartre
explique
dans
Qu'est-ce
que
la litterature?
comment,
a
partir
de
mots-cles,
s'ef
fectue
le
processus
de
comprehension
d'un
message:
"[L]es
gens
d'une
meme
epoque
et
d'une
meme
collectivite,
qui
ont
vecu
les
memes
evenements,
qui
se
posent
ou
qui
eludent
les
memes
questions,
ont
un meme
gout
dans
la
bouche,
ils
ont
les
uns avec
les
autres
une
meme
complicity
et
il
y
a
entre
eux
les
memes
cadavres. C'est
pourquoi
il
ne
faut
pas
tant
ecrire: il
y
a
des
mots-cles"
(117).
16Added
ecrit: "En
conclusion,
il
apparait
que
les
intentions
contestataires
de Sartre n'ont
pas
ete
percues.
On
ne
peut
done
pas
parler
de
'piece
resistante'"
(261).
Ce
jugement
me
semble
trop
categorique
et
trop
peu
nuance
pour
etre
pleinement
credible. Added
accorde
6
pages
a
la
piece
cependant
que
Galster
y
consacre
135
pages.
17Au-dela
du
jeu
des
devinettes,
Sartre lui-meme
a
declare
au
critique
Paul-Louis
Mignon
qu'Egisthe
representait
Petain
(Galster 57).
Selon
une
autre
grille
de
lecture,
des
partisans
de
Vichy
pouvaient
voir,
eux,
Petain
en
Oreste,
un
etre
"au-dessus de la
melee"
qui
se
sacri
fie,
fait
don de
sa
personne pour
sauver
le
pays.
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