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L'essentiel sur unsujetRépartis en quatre collections - Actu, Magazine, Archives,Idées - chacune symbolisées par un code couleur sur lacouverture.

Les articles, analyses et enquêtes les plus significatifs pub-liés dans le journal ces derniers mois, enrichis d'éléments decontexte inédits.

Réforme de l'école, montée du racisme, Syrie ou débat sur laprostitution pour l'Actu; reprise des séries du cahier été,sélections de portraits de “der”, de formats longs ou depages Voyages pour la partie Magazine; retour sur quelquespépites du journal retrouvées dans nos archives, telles larencontre avec Jacques Mesrine, l'interview de Michel Plat-ini par Marguerite Duras ou la mort de Claude Lévi-Strauss...

Le meilleur de Libération, à lire sur tous supports, écran,tablette, mobile ou liseuse.

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Les nouveaux visagesde l'Assemblée

(tome I)

INTRODUCTION. On a eu envie d’y voir de plus près.217 nouveaux députés ont été élus en juin 2012.C’est près de 40% de renouvellement: plus dejeunes et plus de femmes dans une Assembléenationale masculine poivre et sel. Un coup defrais...

Par Charlotte ROTMAN

... Certains n’avaient jamais mis un pied au Palais Bourbonavant leur élection, d’autres piétinaient sur le seuil, en at-tendant leur heure. Qu’allaient apporter ces néodéputés auxvisages inconnus pour la plupart? Un simple rafraîchisse-ment? Une transformation des pratiques? Une modernisa-tion de la fonction?

A gauche, par exemple, la jeune génération est composéed’élus «morts de faim», selon l’expression de Thierry

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Mandon, porte-parole du groupe socialiste. Que veulent-ilsfaire de leur cinq ans au service des Français?

Libération est allé à leur rencontre. Pour raconter un ou unedéputé(e), en chair et en os. Chaque semaine, nous avonspublié sur Libération.fr le portrait d’un de ces «nouveauxvisages de l’Assemblée», en privilégiant celui ou celle qui aune résonance avec l’actualité politique et sociétale: guerrefratricide à l’UMP, Florange, traité européen, crise des bon-nets rouges...

Depuis que nous les avons croqués, Karine Berger, un tempspressentie pour être porte-parole du PS, a payé sa liberté deton sur la politique économique du gouvernement maiscette tête n'a jamais cessé de faire parler d'elle. EduardoRihan-Cypel, lui, dont le nom était inconnu porte la paroleofficielle de Solférino de plateau télé en plateau télé. ErwannBinet, rapporteur du texte sur l’ouverture du mariage et del’adoption aux couples homos (lui même hétérosexuel, pèrede famille et catho), a reçu des tonnes de lettres de protesta-tion contre le «mariage pour tous», et des insultes person-nelles, mais a continué à défendre ce projet.

Gwenegan Bui a été pris dans la crise bretonne et la révoltedes bonnets rouges contre l'écotaxe, Matthias Fekl, devenuun pilier de la commission des Lois a dû essuyé, commepremier fédéral socialiste dans le Lot-et-Garonne la tempêtemédiatique et électorale après la démission de Cahuzac.

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Barbara Romagnan continue de batailler pour plus detransparence.

Certains ont changé de parti: Isabelle Attard, directrice demusée, a quitté EELV. D'autres se lancent dans la campagnepour les municipales: les socialistes Razzy Hammadi àMontreuil ou Mathieu Hanotin à Saint-Denis, VincentFeltesse qui nourrit l’ambition de déloger Alain Juppé, àBordeaux, ou à droite, Gérald Darmanin à Tourcoing ouGuillaume Larrivé, ancien des cabinets de Sarkozy à l’assautd’Auxerre. Si certains deviendront les maires de demain,d'autres, repérés pour leur dextérité dans l'hémicycle ouleur sérieux en commissions feront peut être partie d'unprochain gouvernement de gauche ou de droite, aprèsl'alternance. Ils referont parler d'eux.

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Table des matières▪ Couverture

▪ Les livres numériques de Libération

▪ Les nouveaux visages de l'Assemblée

▪ Table des matières

▪ Les visages en images

▪ Razzy Hammadi, une passerelle sur le périph

▪ Karine Berger, l'éco du PS

▪ Gérald Darmanin, premier de la classe populaire

▪ Christophe Cavard, libertaire de contraste

▪ Julien Aubert, un parfum de gaullisme

▪ Nicolas Sansu, communiste n'est pas «gauchiste»

▪ Erwann Binet, il en est

▪ Laurent Grandguillaume, ascendant entreprenant

▪ Marie-Françoise Bechtel, l'Etat d'âme

▪ Brigitte Allain, de la terre au Palais Bourbon

▪ Philippe Baumel, redresseur de république

▪ Eduardo Rihan-Cypel, dans son nouveau monde

▪ Virginie Duby-Muller, valeurs montantes

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▪ Olivier Véran, génération spontanée

▪ Estelle Grelier, allemand première langue

▪ Jean-Christophe Fromantin, Neuilly-son-maire

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Les visagesen images

DIAPORAMA. Tous les portraits des députés.

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Une passerelle sur lepériph

RAZZY HAMMADI. PS, 7e circonscription deSeine-Saint-Denis. Le plus jeune élu del'hémicycle.

Par Charlotte ROTMAN

(Paru sur Libération.fr le 11 septembre 2012)

Razzy Hammadi a fait ses premiers pas de député àl'Assemblée en juin. A son arrivée dans l'hémicycle, PatrickBalkany (cinq mandats et plusieurs casseroles derrière lui)l'interpelle: «Bienvenue au club.» Le vieux mâle blanc dedroite, cumulard, banlieue chic, face au plus jeune élu so-cialiste, du 93, au patronyme arabe. Deux mois après, in-stallé dans sa permanence à Montreuil, dans la 7e circon-scription de Seine-Saint-Denis, Razzy Hammadi en souritencore. Et glisse: «Evidemment, j'ai un peu du mal avec lesclubs.»

«Il ne faut pas faire d'autocensure»

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L'ancien patron des jeunes socialistes place tout de même:«Au début, il y a un délai d'humilité.» On s'étrangle: médi-atique, forte tête – cet ancien «noniste» a déjà annoncé qu'ilne voterait pas le traité budgétaire européen –, l'humilitén'est pas vraiment son genre. «Détrompez-vous», se récrie-t-il. Mais on sent qu'il ne tiendra pas longtemps le rôle dumodeste. «Les premiers temps, on regarde ses chaussures,on veut être dans les bonnes commissions, poursuit-il. Maisil ne faut pas faire d'autocensure.» Il a déposé ses amende-ments sur les emplois d'avenir (examinés à partir de cemardi), souhaite participer à la discussion générale sur le lo-gement, etc. «Avoir mon mot à dire dans l'hémicycle, ça medonne le frisson», reconnaît-il.

Son premier acte politique? Une grève en CM2. «Ça a durésix minutes, j'ai été lâché par tout le monde.» Délégué dèsla sixième, il n'a pas vraiment reposé les gants. De père al-gérien et de mère tunisienne, il a grandi à Toulon où, dès ses16 ans, en 1995, il combat la montée de l'extrême droite,tout en côtoyant des électeurs FN dans sa cité. A l'époque, ilne se voit pas rentrer dans un parti.

En devenant député, il a quitté son poste de chefd'entreprise, perdu en rémunération et laissé 51% de sesparts à ses associés. «Cela fait partie de ce qui a changé:chaque matin, je me levais et il fallait que je fasse vivre lasociété et garantisse le salaire de cinq personnes. Je n'aiplus à le faire, c'est libérateur...mais cela me manque

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parfois.» Il était dans le conseil sur le logement etl'urbanisme, des questions sur lesquelles il veut être présentà l'Assemblée.

Il se voit comme un élu de proximité. Bien obligé. Sa per-manence à Montreuil (où il réside avec sa compagne depuistrois ans) a fonctionné tout l'été. Ce vendredi, les rendez-vous s'y enchaînent. Quelques personnes s'attardent en ter-rasse, au soleil, dans ces bâtiments industriels en chantierque Razzy Hammadi rêve de voir se transformer en gigant-esque pépinière d'entreprises.

«On vous attribue des pouvoirs magiques»

Ici, on s'adresse à lui comme à un maire, ou une assistantesociale. «A partir du moment où vous êtes élu, on vous at-tribue des pouvoirs magiques, décrit-il. Beaucoup pensentqu'il suffit que je prenne mon téléphone pour leur trouverun logement.»

Son bureau est confortable, avec un canapé et deux grosfauteuils de cuir. La bibliothèque, encore assez vide, con-tient quelques livres de Keynes qu'apprécie ce diplôméd'économie, titulaire d'un troisème cycle sur«L'harmonisation des systèmes de protection sociale enEurope», et des volumes de George Orwell. Il a résisté àl'idée d'y installer de quoi jouer à la Playstation. «Mais latentation est grande», avoue-t-il. Razzy Hammadi, né en1979, est aussi un homme de son âge: un type qui court 5

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kilomètres par jour, joue au foot avec ses potes dans lequartier et s'en jette un au café, après la partie.

Razzy Hammadi parle anglais, arabe, «baragouinel'italien», comprend le portugais, et apprend l'allemand. Ilva présider le groupe d'amitié France-Mali à l'Assemblée, unatout quand on est élu à Montreuil où réside une grossecommunauté malienne, mais il sera également présent dansles groupes France-Brésil, France-Etats-Unis, France-Chine,«ouvert sur les continents».

Razzy Hammadi sait où il va. Il y a pourtant quelque chosequ'il n'avait pas vu venir. Il le raconte sous formed'anecdotes, comme ce un vieux père de famille maghrébinqui lui dit: «Tu es notre fils. Quand je t'ai vu à la télé pourton élection, je me suis rappelé le racisme, les problèmesqu'on a eus depuis quarante ans, mais là, c'est tous nos filsqui y arrivent.» «A force d'avoir intériorisé que j'étaisFrançais avant tout, j'avais sous-estimé l'effet symboliquede mon élection.» Et la fierté qui en découle.

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L'éco du PS

KARINE BERGER. Parti socialiste. Premièrecirconscription des Hautes-Alpes.

Par Charlotte ROTMAN

(Paru le 18 septembre 2012)

Elle en rosit presque. Depuis que Karine Berger a été éluedéputée (PS) des Hautes-Alpes, en juin, les sollicitationspleuvent. Plus, même, qu'elle n'imaginait. Et cela lui «plaîtbeaucoup». Repérée sur les questions économiques,membre de la commission des finances de l'Assemblée, elleenchaîne les rencontres avec des entreprises, des banques,des lobbies, des syndicats. Elle est interpellée sur la fiscalité,l'épargne, les fonds d'investissement. Répond aux fédéra-tions socialistes, avides d'informations sur les réformes dugouvernement. Et aux journalistes sur le taux d'imposition à75% ou le traité européen. «Je ne m'attendais pas à être sivite intégrée à ces sujets. En fait, les parlementaires sontautant sollicités que les cabinets ministériels.»

Et voilà qu'en plus, on parle d'elle avec pour l'un des deuxpostes de porte-parole du Parti socialiste où elle est déjàsecrétaire nationale à l'économie, une charge importante,

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surtout en période de crise. A 39 ans, elle est en pleineascension.

«Les députés sont loin d'être des godillots»

Assise dans un café parisien, samedi matin, près de laBastille, la jeune femme qui partage sa vie entre Gap et Parisse réjouit de toute cette activité. Heureuse, aussi, de «con-sacrer du temps à réfléchir et à faire bouger les lignes».Surprise, presque, de la «liberté d'action et de parole desdéputés, loin d'être des godillots».

Elle a toujours eu «dans un coin de la tête» qu'elle serait«représentante du peuple». Elle arrache sa première invest-iture «contre l'avis de tout le monde». Mais avant de se lan-cer en politique, Karine Berger voulait absolument êtreautonome. «Je me disais: "d'abord tu t'installes"». Ellequitte Limoges et enquille les diplômes prestigieux: Poly-technique, Sciences Po et l'Ecole nationale de la statistiqueet de l’administration économique.

Karine Berger ne prend sa carte du PS que plus d'un anaprès son entrée à Bercy, en charge des prévisions interna-tionales, à l'époque où le capitaine s'appelle DominiqueStrauss-Kahn. Pendant la campagne présidentielle de LionelJospin, avec d'autres hauts fonctionnaires, elle fournit desfiches argumentaires. Une habitude qu'elle n'a jamaisvraiment perdue. Capable de pédagogie sur des questionsardues de macroéconomie, elle participe à l'élaboration du

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programme de François Hollande et est propulsée àl'intérieur du PS par Martine Aubry.

«Il n’y avait que des mecs»

Pour autant, elle connaît le secteur privé pour avor passétrois ans à un poste de responsabilité élevé dans uneentreprise d'assurance-crédit. Un profil rare au Palais Bour-bon, où, en devenant députée, elle a divisé par deux sonsalaire.

Elle s'est aussi fait connaitre en signant l'an dernier un opusà contre-courant de la sinistrose ambiante : Les TrenteGlorieuses sont devant nous, co-écrit avec Valérie Rabault(elle aussi néo-députée et tombeuse de Brigitte Barègesdans le Tarn-et-Garonne). Une complice à l'Assemblée.

Karine Berger est une femme de tête. Comme on n'en voitpas assez sur le devant de la scène. La dernière fois qu'elleest venue à l'ENA pour assurer une formation de politiquemacroéconomique aux directeurs de l'administration cent-rale, elle a failli tourner les talons: «Il n'y avait que desmecs.» Elle a prévenu: «La prochaine fois, si je ne vois quedes hommes, je repars de suite.»

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Le premier de laclasse populaire

GÉRALD DARMANIN. UMP, député de la dixièmecirconscription du Nord. Veut incarner une droiteà l'écoute du peuple.

Par Charlotte ROTMAN

(Paru le 27 septembre 2012)

Dans le café chic du VIIe arrondissement de Paris où ildonne rendez-vous, et où l'ancien ministre Eric Bessonsirote un verre d'un air pénétré, Gérald Darmanin, 29 ans,est l'un des rares sans cravate. Il le fait lui-même re-marquer. Manière de montrer qu'il n'est pas du sérail. Natifde Valenciennes, il veut incarner une droite populaire: «Ladroite ce n'est pas la cravate Hermès et le ventre bedon-nant», se récrie-t-il.

«Mon deuxième prénom est Moussa»

Il parle d'emblée de ses origines. «Ma mère était femme deménage, mon grand-père harki et ancien tirailleur algéri-en, mon père tenait un bistrot. Mon deuxième prénom est

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Moussa.» Chez lui, on ne discutait pas de politique, mais onavait «le culte du livre». Il est inscrit dans une école privée,«il fallait être meilleur que les enfants de bourgeois.» Puisdiplômé de Sciences-Po Lille. Avec sa sœur, il est le seul desa famille à avoir le bac. Il ne croit pas à «l'excuse sociale»,mais au «mérite», «la plus belle valeur».

Elu député face à la candidature dissidente de l'ex-UMPChristian Vanneste, dans le Nord (à Tourcoing), il continueà conduire lui-même sa 205 blanche, à aller à Auchan avecsa femme et au bistrot boire une bière au comptoir. Il aimele Nord. Ne se voit pas élu ailleurs que chez lui.

«Le député, c’est la relation de ceux qui n’en ontpas»

Gérald Darmanin a une «vision romantique et gaullienne»de la fonction de parlementaire: il évoque sa «fierté de re-présenter la France», l'«écharpe tricolore» et tout le tin-touin. Lui qui pense incarner un renouvellement dont laclasse politique manque cruellement espère ne pas finir «envieux croûton». En septembre, il a déposé une propositionde loi «provocatrice» pour limiter l'âge d'élection desdéputés à 67 ans. A l'Assemblée, 207 députés sont âgés deplus de 60 ans, rappelle-t-il. Il plaide pour une limitationdes mandats dans le temps, «sinon on décrédibilise la classepolitique».

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Sa victoire en a étonné plus d'un. Dans son parti, on lui ademandé: «Comment tu as fait?» Il a répondu: «J'ai ditbonjour aux gens.» Ce n'est pas seulement une boutade. Ilthéorise: il fait de la politique avec «empathie». Et c'estpour ça que les électeurs lui ont «confié les clefs».

Pour sa campagne, il a fait du porte-à-porte. Il continuedepuis son élection. Et quand il reçoit quelqu'un dans sapermanence, pour parler logement social, voisinage ousurendettement, il s'imagine que c'est sa mère. «Le député,c'est la relation de ceux qui n'en ont pas», constate-t-il.

«Pour parler aux classes populaires, l'UMP s'yprend mal»

Protégé de Xavier Bertrand, il a fait ses gammes avecJacques Toubon dont il a été attaché parlemenaire àBruxelles, puis s’est retrouvé propulsé directeur de cam-pagne de David Douillet à Poissy. L’ancien judoka a été élu,puis nommé au gouvernement où Gérald Darmanin l’a suivi,comme chef de cabinet. «Un type très sympa, qui a su viol-enter la technocratie», apprécie-t-il, aujourd'hui.

Darmanin est contre l'ouverture du mariage aux homo-sexuels, et contre le traité budgétaire européen. Il se situelui même «à droite sur les questions de société, mais paslibéral». Il pense qu'il faut «parler aux classes populaires et

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que l'UMP s'y prend mal». Dans son camp, ceux quiprennent le plus la parole se caricaturent, ou sont tropsouvent condescendants, estime-t-il. Il va pouvoir passeraux travaux pratiques: Gérald Darmanin vient d'être choisipour être l'un des porte-parole de François Fillon.

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Le libertaire decontraste

CHRISTOPHE CAVARD. EE-LV, député de la sixièmecirconscription du Gard. Ancien communiste etproeuropéen.

Par Jonathan BOUCHET-PETERSEN

(Paru le 16 octobre 2012)

Il est l'un des trois députés écologistes à avoir voté pour letraité budgétaire européen. Alors que son parti et la major-ité des parlementaires EELV étaient, eux, opposés au texte.Un choix que Christophe Cavard assume avec un sourire quile quitte rarement: «J’avais voté non à Maastricht en 1992comme lors du référendum constitutionnel de 2005, rap-pelle ce proche des eurodéputés José Bové et Daniel Cohn-Bendit. Si cette fois j’ai voté oui, c’est parce que l’adoptiondu traité était nécessaire pour encourager l’Allemagne àdavantage de solidarité avec les pays les plus en difficulté.»

Et Cavard, élu député pour la première fois en juin à l’issued’une triangulaire dans le Gard face à l’UMP et au FN, d’ex-pliquer qu’il a ainsi choisi de faire «le pari du courage et de

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la conviction politique, le pari de la confiance en cegouvernement». Minimisant les dissensions entre écolo-gistes autour du juste positionnement à adopter, il martèlecomme un bon élève que «le respect a été de mise entrenoniste et partisans du oui, car tout le monde à EELV part-age la même ambition d’une Europe plus fédérale et poli-tique». Les nuances étant selon lui simplement d’ordre«stratégique» à l'égard d’un «héritage du passé». Maispour le budget 2013, prédit-il, «toute la majorité serarassemblée et on verra alors clairement que nous nesommes pas le Front de gauche mais le premier partenairedu gouvernement».

Distances avec l'appareil communiste

Né dans une communauté post-soixante huitarde«libertaire», le néo-député est venu sur le tard à l'écologiepoltique. C’est d’abord dans la galaxie communiste que lejeune Cavard, engagé dès l'âge de 16 ans contre la loiDevaquet, a fait ses premières armes. C’est donc sous lescouleurs du PCF que cet éducateur social, ancien profd'éducation physique, obtient en 1998 son premier mandatde conseiller général du Gard et qu’il est réélu en 2004.

Mais au moment du référendum de 2005, il commence àprendre ses distances avec l’appareil communiste, lassé que«l’individu soit toujours nié au profit du collectif». Il est al-ors séduit par le discours de Jean-Luc Mélenchon, en rup-ture avec le PS, mais surtout par celui de José Bové, dont il

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fera la campagne présidentielle en 2007 avant de rejoindrepleinement EE-LV au moment des européennes de 2009.C’est l'époque de sa rencontre avec Daniel Cohn-Bendit, «unvrai coup de coeur humain et politique», dont il parle avecdes étoiles dans les yeux.

Première cravate à l'Assemblée

Décrivant ses premiers mois au Palais Bourbon comme«passionnants mais épuisants», Christophe Cavard confieavoir été «agréablement surpris par le fait qu’on travailleénormément à l’Assemblée, et pas seulement en commis-sion», regrettant du coup «l’image trompeuse» renvoyéepar les séances de questions au gouvernement retransmisesà la télévision. Pas habitué à porter des cravates, «j’ai misma première pour pouvoir entrer dans l’hémicycle», ledéputé écologiste n’en revient toujours pas d’avoir été rap-pelé à l’ordre par les huissiers pour avoir fait la bise à sa«copine Cécile (Duflot)» assise sur le banc des ministres.«Lutter contre ces convenances qui me semblent d'un autreâge, c’est peut-être ce qui me reste de ma culture antisys-tème», rigole Cavard, qui espère bien voir Claude Bartolone,président de l'Assemblée, ouvrir en grand aux citoyens lesportes de ce pilier de la démocratie.

D'ici là, ce fervent défenseur de l'économie sociale et sol-idaire, partisan des emplois d'avenir, va continuer à oeuvrer«avec passion» au sein de la commission des Affaires so-ciales. Tout en appelant ses camarades écologistes à

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«apprendre à faire des compromis». «EE-LV a toujours étéun parti d’opposition avec des convictions très fortes,rappelle-t-il. A nous d'apporter notre valeur ajoutée auparti majoritaire, et elle est réelle, sans tomber pour autantdans un rapport de force enfantin !». A 41 ans, ChristopheCavard a passé l'âge.

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Un parfum degaullisme

JULIEN AUBERT. UMP, député de la cinquièmecirconscription du Vaucluse. Revendique, à 34 ans,l'héritage du Général.

Par Laure EQUY

(Paru le 24 octobre 2014)

Au départ, on pense: fils spirituel de Lionnel Luca. Tout yest, croix de Lorraine toujours épinglée au col de veste, teinthâlé, sourire ultra-bright et calembours qu’il teste sur Twit-ter. Député (UMP) de la 5e circonscription du Vaucluse,voisine de celle de Marion Maréchal-Le Pen, Julien Aubertjoue la carte «terroir». La lavande est son fétiche, sur sonblog au nom un rien ronflant, «Lavande au poing», et ensachets sur son bureau. Il a adressé sa première question augouvernement à Christiane Taubira, cible favorite d eladroite, forçant un peu trop sa voix contre «les sauvageons»pour qui «l’impunité est devenue la règle». Et début oc-tobre, on l’avait croisé avec Jacques Myard et d’autres

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«nonistes» pour fustiger le traité européen. Julien Aubert,nouveau petit soldat de la Droite populaire?

En fait, non. Il n’a pas adhéré au collectif classé «droitemusclée» et revendique, à 34 ans, le gaullisme comme seuleétiquette. Côté mentors, tout aussi gaullistes, il mentionneThierry Mariani, dont il a été l’assistant parlementaire en1998, mais surtout Henri Guaino, son prof à Sciences-Po etséguiniste comme lui. Solennel, il se met à citer, dans unsoupir, l’ex-plume de Nicolas Sarkozy: «Comme dit Henri,l’Histoire est tragique...» Peu après, c’est un tout autre per-sonnage dont il rapporte la pensée: «l’Histoire est écrite pardes minorités, Lénine pourrait vous le confirmer!» Grandécart? Même pas peur, Julien Aubert, qui assure se sentirparfois «proche des communistes comme sur lelibéralisme».

«On a peut-être perdu un acteur sympathique»

D’ailleurs, il trouve l’Assemblée «trop partisane»: «On paie600 cerveaux à réfléchir aux meilleures lois, cela devrait sefaire de façon moins sectaire.» Il se fait peu d’illusions surla faculté de ce Parlement «gérontocratique» à laisser de laplace aux jeunes: «Je me doutais que je n’aurais pas dir-ectement la commission des finances» (il siège à celle dudéveloppement durable).

Ce qui l’a surtout frappé depuis quatre mois qu’il pratiquel’hémicycle, c’est son côté«cirque»: «J’ai été surpris par

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cette joyeuse agressivité alors que tous ces députés se con-naissent depuis des années.» Il se dit«gêné» par ce chahutet peu client de«la politique spectacle», ce qui ne l’a pas em-pêché, mardi lors de l’intervention de Jean-Marc Ayraultlors des questions au gouvernement, de quitter son pupitreen mimant un joueur de pipeau. Prendre la parole«dans cethéâtre» ne l’a guère impressionné, racontant comment à 6ans, il récitait «la pastorale de Noël, déguisé en bergerdevant cent spectateurs: une bonne école contre le trac!»

A 25 ans, de retour de Washington, après un master en rela-tions internationales, il tente l’ENA, imaginant en casd’échec s’inscrire au cours Florent. Il est reçu: «On a peut-être gagné un mauvais politicien et perdu un acteur sym-pathique!» Julien Aubert aime se dépeindre en électron lib-requi «ne rentre pas dans le moule». Classé 17e à sa sortie –«mais j’avais eu 6 au grand oral», s’empresse-t-il de justifi-er –, il devient magistrat à la Cour des comptes avant detravailler pour l'Union pour la Méditerranée (UPM).

«Je suis le gentil de l’affaire»

En bon gaulliste, il s'est longtemps méfié des partis, adhèreau RPR le 13 mai 1998, jour des 40 ans de l’arrivée aupouvoir du Général, et manque de rendre sa carte le 14quand Philippe Séguin propose de créer l’Alliance avecl’UDF. Au congrès de l’UMP, il votera Jean-François Copé.Par loyauté. «Il m’a donné ma chance en m’accordant l’in-vestiture aux législatives.»

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Il raconte son élection comme une épopée, parti «seul avec[sa] valise» à l’assaut d’une «circonscription dont tout lemonde [lui] disait qu’elle était de gauche» et «usant troispaires de chaussures» pour sa campagne. Parisien depuisses études, il a déménagé pour s’implanter dans ce coin deVaucluse où il a grandi. Dans une triangulaire avec le social-iste en tête, le retrait de la candidate d'extrême droite, mal-gré la consigne du FN de se maintenir, a favorisé sa victoireà 50,33% des voix. Il raconte l’épisode à sa sauce. «Oui, jel’ai appelée le soir du premier tour. Je devais écrire maprofession de foi, je ne disais pas la même chose si elle sedésistait», assume Aubert qui jure ne pas avoir tenté de laconvaincre. «Ce sont les autres camps qui ont tripatouillé,je suis le gentil de l’affaire», ose-t-il.

Sur la question d’alliances UMP-FN, le député du Vaucluserappelle que «courant gaulliste et extrême droite n’ont pasla même culture ni la même vision» et prêche, à son tour le«ni-ni»: «Je n’appellerai pas à voter Jean-Marie Le Pen. NiJean-Noël Guérini». Formule répétée en boucle par le bur-eau politique de l'UMP. Même un gaulliste rechignantcontre «le règne des partis» peut vite céder aux éléments delangage.

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Communiste n'est pas«gauchiste»

NICOLAS SANSU. PCF, député de la secondecirconscription du Cher. Se méfie de la postured'opposant de gauche au gouvernement.

Par Jonathan BOUCHET-PETERSEN

(Paru le 31 octobre 2012)

Ces dernières semaines, il n’a pas ménagé sa peine pourporter «l’alternative budgétaire» du Front de gauche auPalais Bourbon. En vain. Député du Cher depuis le mois dejuin et maire communiste de Vierzon depuis 2008, NicolasSansu, 44 ans, est membre de la commission des Financesde l’Assemblée nationale. Il y siège, précise-t-il, «à côté deGuillaume Bachelay», le nouveau numéro 2 du PS, et«dans un esprit constructif, sans (se) poser en donneur de

leçon permanent».

Voyant dans son élection «la concrétisation d’un engage-ment personnel autant que le résultat d’un travail de ter-rain», le primo-député n'hésite pas à se décrire comme «uncumulard qui s’assume». «Vu notre mode de scrutin, qui

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est territorialisé, il est normal d’avoir une attache territ-oriale quand on est député, assure-t-il. C’est même utile, carexercer un mandat local permet de ne pas être un élu horssol.»

La nécessité serait d’autant plus grande «vu (son) engage-ment», poursuit le parlementaire communiste: «Nous, nousne sommes pas élus au gré des vagues, nous sommes élusparce que nous avons travaillé sur notre territoire. Noussommes davantage des laboureurs que des surfeurs.» EtSansu d’assurer que si les tenants du non cumul veulent al-ler au bout de leur raisonnement, eux qui «limitent le rôledu député à faire la loi à Paris et contrôler le gouverne-ment», ils n’ont qu'à militer pour des élections législatives«à la proportionnelle avec des listes nationales». Car sil’objectif est d’avoir des députés qui se consacrent pleine-ment à leur mandat, «il faudrait commencer par interdired'être député et avocat, député et médecin, etc.». Attachéparlementaire pendant une dizaine d’année, il connaît lamaison mieux que beaucoup de ses collègues élus en juin.

«C'est arrivé un peu par hasard»

Issu d’une famille communiste «engagée», le jeune Nicolasest en hypokhâgne à Lille, «dégoûté des maths après un bacscientifique», quand il fait ses premiers pas militants lors dumouvement étudiant contre le projet Devaquet de réformede l’université. Nous sommes en 1986, il s’engage dans lafoulée à l’UNEF-Solidarité étudiante et milite à l’Union des

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étudiants communistes (UEC), avant de devenir quelquesannées plur tard collaborateur du groupe communiste auSénat: «J’ai commencé en avril 1991, c’est arrivé un peupar hasard, je ne me prédestinais pas à cela», confie-t-il.

Sous l’aile de Jacques Rimbault, alors député-maire deBourges, puis de Jean-Claude Sandrier, dont il a repris lefauteuil à l’Assemblée nationale après avoir été son attachéparlementaire, Nicolas Sansu fait localement un parcourssans faute qui l’amène à devenir maire de Vierzon en 2008.«A la tête d’une liste rassemblant toute la gauche», précise-t-il avant de rappeler qu'en juin dernier, c’est via une trian-gulaire avec la droite et le FN qu'il est devenu député, grâceau désistement de la candidate socialiste.

A propos du budget actuellement en discussion au PalaisBourbon, et alors que le groupe Front de gauche s’est ab-stenu sur le volet recette, le député communiste martèle que«la voie choisie par le gouvernement n’est pas celle qu’at-tendaient les Français» et, surtout, qu’elle «n’est pas denature à nous sortir de la crise». Une charge qui ne l’em-pêche nullement de dire dès qu’il en a l’occasion, «par hon-nêteté», qu’il y a aussi dans ce budget «des choses très in-novantes qui vont dans le bon sens en matière fiscale».Qu’il s’agisse du «début de taxation des revenus du capitalau même niveau que ceux du travail», mais aussi aussid’une plus grande progressivité de l’impôt sur les société au

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profit des PME. Autant d'éléments qui ont selon lui justifiéde ne pas rejeter le volet recettes du budget.

«Une tendance au y'a qu'à, faut qu'on»

Nicolas Sansu l'affirme, pas question de jouer«dogmatiquement» les «opposants de gauche». «Je veuxsimplement représenter à l’Assemblée la gauche de trans-formation sociale, précise-t-il. Mais j’estime aussi que legouvernement ne doit pas oublier les 4 millions d'électeursdu Front de gauche à la présidentielle». Saluant à ce proposla «magnifique trouvaille de Mélenchon», faisant de cesélecteurs les «ayants-droits de la victoire de François Hol-lande», le député communiste rejette avec force «la tenta-tion gauchiste» de certains responsables du Parti de gauche,l'autre composante majeure du Front de gauche avec le Particommuniste.

Dans sa ligne de mire, Eric Coquerel, lieutenant de Mélen-chon, quand celui-ci pousse les députés Front de gauche àvoter contre le texte final du budget 2013. «Je suis un ré-volutionnaire qui se bat pour une transformation radicalede la société, explique Sansu. Mais je n’oublie pas que lespetits pas existent et je n’ai pas de comptes personnels à ré-gler avec le PS.» Selon lui, une nuance de taille avec Mélen-chon et consorts, qui auraient «une tendance au y’a qu'à,faut qu’on» quand lui cherche à tenir les deux bouts d’unegauche «qui ne renonce pas mais qui ne divise pas».

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Aux prochaines municipale, pas question donc de se lancerdans une liste Front de gauche autonome. «En 2008, j’aigagné avec toute la gauche et c’est justement mon but defaire gagner la gauche», confie Nicolas Sansu. «S’il fautêtre unioniste pour deux, je le serai, assure-t-il. Mais le PSdevrait faire attention à ne pas tomber dans l’hégémonie,car on ne fait pas l’union sur de l’humiliation». Décidé àvoter le budget de l’éducation mais pas celui de la culture, ledéputé communiste plaide pour un vote final «cohérent» etdonc pour l’abstention. «Je le répète, le PS ne devrait pasnous zapper. Non pas nous, le Front de gauche en tant quecrèmerie, mais les millions de clients qui sont venus faireleurs courses chez nous pendant la présidentielle, rappellele député. Leur fermer la porte serait dangereux. Pour toutle monde.»

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Il en est!

ERWANN BINET. PS, député de la huitièmecirconscription de l'Isère. Rapporteur de la loi surl'ouverture du mariage et de l'adoption aux coupleshomosexuels.

Par Charlotte ROTMAN

(Paru le 6 novembre 2012)

Allez, on va l'outer. Erwann Binet qui vient d'être nommérapporteur de la loi sur l'ouverture du mariage et del'adoption aux couples homosexuels présenté ce mercredi enConseil des ministres est hétérosexuel, marié, père de cinqenfants âgés de 3 à 15 ans, et «issu d'une éducation chré-tienne». Voilà, c'est dit. Sinon, à tout juste 40 ans, il est pr-esque surpris et «fier» de porter un tel texte. Trois moisaprès son élection, il y a de quoi.

Il aime «défendre (ses) convictions jusqu'à fatiguer (s)onentourage». Cela tombe bien car il aura besoin de réservesd'énergie, dans le débat qui s’annonce sur «le mariage pourtous», vu par certains comme un «renversement de civilisa-tion». Dès cette semaine, il va lancer une série d’auditions,tous les jeudis à l’assemblée, pour entendre, psy, juristes,

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religieux, maires, associations mais aussi les premiers con-cernés: des jeunes adultes qui ont été élevés par deux pèresou deux mères. «Qu’on mette le nez sur leur existence», dit-il, pragmatique.

Le mariage ? Un clivage «générationnel»

Erwann Binet est un breton, fils d’un sous-marinier mis à laretraite à 32 ans et parti vivre en région parisienne. Il a faitdes études de droit. Quand, à Nanterre, il est tombé sur untroisième cycle de collaborateur parlementaire il s’est dit:«C’est ça que je veux faire: c’est le croisement de ma pas-sion pour la politique et de mon intérêt pour lesinstitutions».

Il débarque en politique en 1997. Il envoie alors son CV àtous les députés PS nouvellement élus. Il devient finalementassistant parlementaire de Louis Mermaz, «un grand mon-sieur qui m'a appris la patience, et le souci de garder lecontact avec les militants et les électeurs». Il a retenu laleçon. Premier secrétaire Fédéral de l’Isère, depuis 2008, ilne délaisse pas les militants socialistes. Et comme tout nou-veau député, il veille à s’organiser des «trous» dans sonplanning, pour trainer au café à Vienne, où il habite lamoitié de la semaine, ou y faire son marché, («c'est rarepour un député» souligne -t-il, en Monsieur Normal).

Lui qui a aimé «être actif auprès d'un homme politique», seglisse avec un plaisir assumé dans son fauteuil d'élu de la

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nation. A l'aise dans ses nouvelles fonctions. «J'en connais-sais les codes et le langage, je n'étais pas perdu, en arrivantici.» L'envie de passer «de l'autre côté» est venue quand,fonctionnaire territorial dans la région lyonnaise où il asuivi sa femme, interne en médecine, il s'est mis à piétineren constatant que certains élus locaux s'avèraient «plusmauvais» que lui. Il se dit alors: «il faut que j'y aille».

Membre de la commission des Lois, il s’est intéressé autexte sur le mariage -promesse du candidat Hollande- dès lemois de juin. Il ne se décrit pas comme un militant de l’ho-moparentalité depuis toujours. Il défend le principe d'unelutte contre les discriminations, et d'un égal accès audroit. Convaincu aussi que le clivage sur le mariage etl'adoption est «générationnel». Mais, ajoute-t-il aussitôt,«on légifère pour l’avenir...». Sur son bureau del’assemblée, sa famille, classique, immortalisée en noir etblanc, lui sourit.

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Ascendantentreprenant

LAURENT GRANDGUILLAUME. PS, Député de lapremière circonscription de la Côte-d'Or. Le plusjeune membre de la commission des financesdécortique le budget de l'immigration.

Par Fabrice TASSEL

(Paru le 13 novembre 2012)

Laurent Grandguillaume est un de ces nouveaux députés«morts de faim», selon l’expression utilisée par ThierryMandon, son collègue et porte-parole du groupe socialiste,pour désigner cette nouvelle génération de députés rendusaffamés par leur respect du non-cumul des mandats. Elu enCôte-d’Or en juin, dans une circonscription historiquementà droite, ce député de 34 ans vient de démissionner de sonmandat de conseiller général, d’adjoint au maire de Dijon etde vice-président du grand Dijon, ne conservant qu’un postede conseiller municipal à la mairie de Dijon. L’esprit pluslibre, il s’est battu pour devenir le plus jeune membre de lacommission des Finances de l’Assemblée nationale. «On

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m’a d’abord fait comprendre qu’il fallait en général dutemps, plusieurs mandats, avant d’intégrer cette commis-sion, mais je me suis battu, c’est ce que je voulais»,explique-t-il posément mais fermement. Rapporteur spécialsur l'immigration, l'asile et l'intégration il rendra publicdans quelques jours un document passant au crible lebudget de l'immigration, qui a été adopté hier soir àl'Assemblée nationale.

Débutant au Palais Bourbon, Grandguillaume n’est pas unperdreau de l’année en politique. Il est même tombé dedansdès l’âge de 18 ans, en rejoignant les rangs du PS en 1996,«quand tout le pays était à droite». Alors qu’il vient dedécrocher une maîtrise en économie, ce fils d’ouvriers, dontle grand-père vécut les grandes heures des Lipp, pressentqu’il n’a pas «tout le capital social» nécessaire pour s’en-gager dans de longues études, et s’engouffre dans l’aventurede la politique. Et puisque dans cet univers rode toujours unmentor, c’est François Rebsamen, le maire de Dijon, quirepère Grandguillaume et le fait rentrer dans son cabinetcomme conseiller aux affaires économiques et budgétaires.En parallèle il prend soin de ne pas quitter toute activitéprofessionnelle, d’abord à Paribas puis comme attaché ter-ritorial à partir de 2005, «pour ne pas dépendre entière-ment de la politique».

«Pas de sujets tabou»

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Mais l’attrait est puissant et l’ascension régulière. En 2003,Grandguillaume intègre le Conseil national du PS et devientdélégué national à la formation. Son ancienne et fine con-naissance des coulisses du PS (il est désormais secrétairegénéral adjoint aux fédérations) lui ont été utiles pourdécrocher les appuis nécessaires pour intégrer la commis-sion des finances de l’Assemblée. En 2008, c’est l’électioncomme conseiller général, avant la victoire de juin dernier etl’entrée au Palais Bourbon qu’il fréquente du mardi au jeudiavant de retourner au contact de ses administrés...et decroiser enfin son épouse (petite-fille de mineurs), agent ad-ministratif à Dijon.

Puisqu’il «n’y a pas de sujet tabou», Laurent Grandguil-laume vient de créér avec quelques jeunes collègues parle-mentaires (Thierry Mandon, Matthias Fekl, Jean Grellier,Alain Fauré...) un groupe de réflexion baptisé «Entrepren-dre à gauche», dont la première rencontre avec desmembres de la Fédération françaises des banques aura lieudans la deuxième quinzaine de novembre. «On peut avoirdes valeurs de gauche et s’intéresser à l’entreprise. L’idéo-logie compte, bien sur, mais lorsque nous sommes sur leterrain avec notre casquette d’élu local les chefs d’entre-prise nous voient comme des pragmatiques», expliqueGrandguillaume. Son approche sur l’immigration est simil-aire: à la fois heurté par la progression rampante dutryptique «immigration, identité, insécurité, ainsi que lastigmatisation de l’étanger», tout en justifiant une vision

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«ferme, mais digne» d’une politique d’immigration. DuValls dans le texte, même s’il ne fait pas partie du premiercercle du ministre de l’Intérieur. «Je suis solidaire dugouvernement mais capable de dire ce que je pense»: lafeuille de route des «morts de faim.»

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Marie-FrançoiseBechtel, L'Etat d'âme

MARIE-FRANCOISE BECHTEL. PS, députée de lapremière circonscription de la Côte-d'Or. L'éluechevènementiste de l'Aisne, ancienne directrice del'ENA, est désormais vice-présidente de lacommission des Lois.

Par Jonathan BOUCHET-PETERSEN

(Paru le 20 novembre 2012)

Novice au Palais Bourbon, Marie-François Bechtel est pour-tant plus expérimentée que nombre de ses collègues parle-mentaires. Si la députée apparentée socialiste de l’Aisne n’afait son entrée à l’Assemblée nationale qu’au mois de juin,grâce au soutien du PS dès le premier tour et après deuxéchecs en 1997 à Paris puis dix ans plus tard dans l’Indre, lanuméro 2 du MRC (Mouvement républicain et citoyen) deJean-Pierre Chevènement a déjà, à 66 ans, une longue car-rière dans la fonction publique derrière elle. Aujourd’huivice-présidente de la Commission des lois de l’Assemblée,

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elle est rapporteur du projet de loi relatif à la sécurité et à lalutte contre le terrorisme.

De son enfance dans les Pyrénées-Atlantiques, où elle a vécujusqu'à ses 17 ans, la volubile Marie-Françoise Bechtel agardé un accent chantant et une certaine propension à par-ler avec les mains. Mais cette agrégée de philosophie adeptede la dialectique hégelienne, que «rien ne prédes-tinait» selon elle à faire de la politique, n’est pas du genre àse laisser emporter par l’ivresse des mots. «Elle parle beau-coup mais reste toujours d’une grande rigueur intellec-tuelle, confie admiratif un de ses collègues de la commissiondes Lois. C’est tout à son honneur même si ça la rend par-fois un peu rigide.» A l’instar de Jean-Pierre Chevènement,son mentor en politique, «un des rares à avoir développéune pensée sur la durée, sans tomber dans le conformismedu modernisme», apprécie Bechtel, qui lui est fidèle depuisle milieu des années 80.

De Voltaire à Beauveau

Diplômée à 29 ans de la fameuse promotion Voltaire del’Ena (1978-1980), en même temps qu’un certain FrançoisHollande, mais aussi Ségolène Royal, Dominique de Villepinou Michel Sapin -devenu ministre de la Fonction publique,il la nommera vingt ans plus tard à la tête de l’ENA- , ellesort mieux classée que ses illustres camarades de classe etintègre le Conseil d’Etat. Elle y découvre le travail de «con-seil juridique de l’Etat», mission dont elle parle avec

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passion. Mais quelques années plus tard, en 1984, «encoremarquée par l’immense joie qui a suivi la victoire deFrançois Mitterrand en 1981», elle fait la connaissance du«Che», ministre de l’Education nationale. Une rencontredéterminante. «Ce ministre m’intéressait par ses déclara-tions et sa vision de l'élitisme républicain», confie-t-elle. Elle intègre son cabinet pour gérer l'électrique débatsur l'école libre. Elle y restera deux ans avant que l’accessionde Jacques Chirac à Matignon ne la conduise à retourner auConseil jusqu’en 1993. La philosophe-juriste devient ensuitedirectrice de cabinet du Garde des Sceaux, Michel Vauzelle,et entre peu après «de plain-pied» dans le monde politique.Elle adhère en 1997 à ce qui s’appelle alors le Mouvementdes citoyens (MDC) de Chevènement, avant de rejoindre songrand homme politique place Beauvau pour superviser unautre dossier chaud: l’application en 1999 de la nouvelle loisur l’immigration. De quoi s’attirer de nombreuses et ten-aces inimitiés dans la gauche plurielle de l'époque.

En 2000, retour à l’ENA, à la direction de l'école cettefois. «J’ai adoré cette expérience, mais je n’ai du coup paspu participer à la campagne la plus intéressante de Jean-Pierre Chevènement.» Celle de 2002, qui fera du «Che» lemouton noir de la gauche de gouvernement: «On nous a faitporter le chapeau de l'élimination de Jospin», se souvient-elle en évoquant des «moments très durs et très injustes».Mais pas de quoi remettre en cause sa fidélité: «La princip-ale erreur de Chevènement, c’est d’avoir eu raison trop tôt,

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assure-t-elle. Sur la nécessité de conserver un appareil pro-ductif en France comme celle de réaffirmer les valeursrépublicaines.» Selon elle, le gouvernement Ayrault seraitd’ailleurs plus chevènementiste qu’on ne le dit. Mais si elleapprécie Manuel Valls «sur le fond comme sur la forme» etreconnaît des mérites à Montebourg, Marie-FrançoiseBechtel est beaucoup moins tendre avec Vincent Peillon, leministre de l’Education nationale. «Je n’ai vraiment pas lesentiment qu’il ait pris la mesure du défi qui nous est posé»,regrette-t-elle dans son petit bureau du Palais Bourbon.

«Arbitrer en permanence entre trois réunions»

Désormais députée, l'élue de la 4e circonscription de l’Aisnea découvert cette nouvelle mission «avec joie». En circon-scription la moitié de la semaine, elle assure qu'être «seule-ment et pleinement» députée suffit pour être en prise avecles «réalités du terrain». Ces jours-ci, elle essaye ainsi desauver deux fonderies de Soissons [et non Vierzon, commeindiqué par erreur, ndr], «les deux dernières de France»,un dossier qu’elle porte auprès du ministère du Redresse-ment productif. Pas convaincue par l’argument selon lequelle cumul serait nécessaire pour ne pas avoir des députéshors-sol, elle n’est pas plus emballée par les conclusions durapport Jospin. Par rancoeur chevènementiste autant quepar exigence. «Son rapport n’est pas très ambitieux, rigideà bien des égards, et les parlementaires n’ont même pas étéassociés», tâcle-t-elle sans hausser le ton. Plus aimable à

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propos de François Hollande, elle voit en l’actuel Président,qu’elle a un peu connu, «un homme qui a besoin de tempsmais qui sait où il va». «Lors de sa conférence de presse, jel’ai trouvé particulièrement mitterrandien», complimente-t-elle. Tout en glissant qu’elle regrette encore aujourd’huil’instauration, sous Jospin, du quinquennat, «une mauvaiseréforme qui a déstabilisé nos institutions».

A la commission des Lois, «où passent 40% des textes del’Assemblée» et devant laquelle Jospin viendra présenterson rapport le 27 novembre, ses qualités de juriste et sonsens de l’Etat trouvent «une nouvelle expression», seréjouit-elle. Très à l’aise dans cet univers qu’elle ne découvrepas vraiment et où elle croise nombre de ses anciens élèves àl’ENA, «surtout dans le camp d’en face», Marie-FrançoisBechtel reconnaît avoir été un peu surprise par son nouvelemploi du temps, qui l’oblige à «arbitrer en permanenceentre trois réunions sans oublier de faire la loi et d'aller encirconscription». Mais à 66 ans, à l'âge où la plupart desFrançais profitent de leur retraite, la primodéputée ne re-grette pas une seconde sa nouvelle vie au Palais-Bourbon.D'autant que, simple apparentée PS, elle y dispose d'uneliberté de vote totale. Elle s'est ainsi prononcée contre letraité budgétaire sans se faire rappeler à l'ordre. Un luxe.

A lire aussi:«Vive l’Enarchie!», le portrait que Libération luiavait consacré en 2000 lors de sa nomination à la tête del'Ena.

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De la terre au PalaisBourbon

BRIGITTE ALLAIN. PS, députée de la deuixièmecirconscription de Dordogne, agricultrice membredu groupe EE-LV mais «pas inféodée».

Par Charlotte ROTMAN

(Paru le 27 novembre 2012)

Comme tout nouveau député, Brigitte Allain a dû se choisircet été un bureau à l'Assemblée. Elue EE-LV de Dordogne,(loin de Paris), elle avait droit à un bureau avec un lit et unepetite salle de bain attenante. Elle n'en a pas voulu. «Je n'enserai jamais sortie», confie-t-elle en bosseuse. Avantd'ajouter, l'œil malin: «Et puis on m'a dit que les bureauxavec lit étaient plus petits. Et moi, j'ai besoin d'espace. C'estl'histoire de ma vie.» Brigitte Allain, 56 ans, respire augrand air depuis toujours.

A la tête d’une exploitation ruinée

Elle est née à Bergerac, deuxième d'une famille de huit en-fants. Après le décès de son père, elle reprend avec l'aide de

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son mari l'exploitation familiale de 60 hectares dont 20 envigne (AOC Bergerac) et un élevage laitier à reconstituer.«On prenait la fratrie avec, c'était une vraie responsabilitéfamiliale. Lourde». Elle n'a que 20 ans. L'année d'après, ilgèle sur les vignes. Elle se retrouve à la tête d'une récolte ru-inée avec des prêts à rembourser. «C'est comme ça que mavie syndicale a démarré». A la ferme, elle compte sur le«système D», et une forme d'entraide habituelle des cam-pagnes: «Les voisins nous ont aidés à connaître le métier,on s'organise pour acheter du matériel de façon collective,ou faire des groupements d'employeurs...». Dans sa vie demilitante, au même moment, elle rencontre les paysans-travailleurs. Du coup, Brigitte Allain a une idée très concrètede la solidarité. Dans le milieu rural, «ceux qui sont seuls nese posent pas de questions sur leurs manière de travailler,et souvent, ils vivent mal le métier.»

Depuis son élection en juin, pour la première fois, elle a dûembaucher une personne à temps plein pour la remplacer.«C'est une situation nouvelle, même pendant la campagneélectorale, j'ai réussi à faire ma comptabilité. J'ai jonglé.»Mais aujourd'hui, impossible de tout assurer.

«Le groupe m’attendait sur les questions agricoles»

Elle veut se dédier à sa circonscription qui compte 157 com-munes. «Beaucoup de maires demandent à me voir, ils ontune responsabilité sociale dont ils n'ont pas les moyens. Ilfaut les entendre. En milieu rural, les gens se sentent

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oubliés de la politique.» Elle promet de ne pas être «unedéputée hors sol». Elle se méfie des élus «qui ne prennentavis qu'entre eux, au sein des partis» et ne sont plus «le re-flet du vécu des gens».

Brigitte Allain est arrivée à la politique en militant à la Con-fédération paysanne dont elle fut porte-parole de 2003 à2005, en même temps que José Bové. Aujourd'hui, membrede la commission des affaires économiques, elle travaille enpriorité sur les questions agricoles, qu'elle connaît «de labase jusqu'aux politiques mondiales». «On se sert de monexpertise. Le groupe m'attendait là-dessus, c'est cohérent.»

Elle n'est pas encartée à EE-LV, mais apprécie le travail dugroupe et sa «liberté d'expression». De même elle ne seveut pas «inféodée» à la majorité présidentielle. «On peutexprimer des désaccords sans complexes», dit elle. Commeà Notre-Dame-des-Landes, où les écolos participent à lamobilisation contre la construction d'un nouvel aéroport,ou sur le traité européen.

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Le redresseur derépublique

PHILIPPE BAUMEL. PS, député de la troisièmecirconscription de Saône-et-Loire, ami d'ArnaudMontebourg et favorable à la rénovation de la viepolitique.

Par Charlotte ROTMANN

(Paru le 5 décembre 2012)

«Arnaud» est un ami. Politiquement, ils sont «en accordsur le fond. Avec la même analyse sur la société et les moy-ens de la transformer.» Philippe Baumel, l'œil bleu lagon etle cheveu gris clair, est député de Saône-et-Loire, toutcomme l'était Arnaud Montebourg, le ministre du Redresse-ment productif monté au front cette semaine pour sauverFlorange.

Philippe Baumel, 51 ans, se reconnaît dans cette méthode defrondeur, même s'il est moins bouillonnant. Il fait partie des90 députés qui ont soutenu «la fermeté» du ministre dansune tribune publiée sur le site du Nouvel Observateur. «Ilfaut mettre en avant le politique sur l'économique. Il faut

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mener une action volontariste, c'est comme ça qu'on faitbouger les lignes.» Sinon, dit-il, «on est à la recherche decompromis sans arrêt, on fait de la cogestion qui n'a aucunrelief.»

«Le néolibéralisme scandaleux et inégalitaire»

Philippe Baumel prône «une forme de rupture avec lenéolibéralisme scandaleux et inégalitaire». Il est élu dansun bassin d'emplois industriels (Le Creusot-Autun)«Vendredi dernier, j'ai reçu les délégués CFDT des entre-prises du Creusot, cela concerne des milliers d'emploi, ilsattendent eux aussi la rupture.»

Evidemment, à son échelle, celle d'un député sur 577, larupture est moins évidente à mettre en place. La marge demanœuvre est étroite. Surtout quand on rêve de VIe Répub-lique. Il le sait bien mais il est confiant. «Un jour le climatsera plus favorable.» En attendant, il y a de quoi faire. «Ausein des commissions, on peut faire bouger les lignes del'institution, être exigeant, proposer des amendements.»Philippe Baumel promet d'être très attentif aux réformes in-stitutionnelles à venir (décentralisation, modification dumode de scrutin...). Lui-même a démissionné de son man-dat de maire de Breuil (4000 habitants), devançant ainsi levote de la loi sur le non-cumul prévue au printemps 2013.«C'est une femme qui me succède», se réjouit ce défenseurde la parité.

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Néodéputé, Philippe Baumel est également favorable à unelimite des mandats dans le temps. «Tout se fossilise. L'élului même devient un élément institutionnel qui ne se remetplus en cause.»

«On n’est pas des Bisounours»

A la toute fin des années 70, encore lycéen, il s'engage enpolitique. Ce sera le trotskisme austère de l'OCI. Né dans leGers, fils de fonctionnaires (à France Télécom et à LaPoste), bon élève de son lycée, il voit déjà les parcours se sé-parer, et les discriminations se dessiner.

Après la victoire de François Mitterrand en 1981, il adhèreau Parti socialiste. Il entame un double cursus, histoire etphilo, et pour rassurer ses parents, il passe (et réussit) leconcours de Sciences-Po «sans le préparer». Puis il refusede faire son service et part seize mois en coopération enGuinée équatoriale. Il lui en reste un interêt profond pourles transitions démocratiques africaines. Aujourd'hui àl'Assemblée, il est membre de la commission des Affairesétrangères.

Philippe Baumel a été assistant parlementaire au Sénat,analyste à Solférino sur les dossiers internationaux, etmembre du cabinet ministériel d’André Billardon puis deLaurent Fabius. Il a eu «un certain dédain» pour la vied'appareil, mais a appris à «en tirer le meilleur». Le moinspire, a-t-on envie de corriger. Il ne s'est «jamais leurré» sur

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les relations en politique: «On n'est pas des Bisounours.»De la vie en cabinet ministériel, il se souvient d'«un tourbil-lon», «beaucoup de stress, on est toujours en extrême ur-gence, c'est très formateur, même s'il ne faut pas que celadure trop car on devient comme une bête à concours quibachote pour son ministre.»

Aujourd'hui, il est «passionné» par sa vie de député, et aimedevoir se faire sa propre «analyse critique sur chaquedossier». Mais une fois par mois, il débranche, repousse lesvisites officielles, et se réfugie dans sa famille, avec safemme, architecte au Creusot, ses enfants de 26 et 16 ans.Et, pour les vacances, il délaisse la politique et voit des amisqui viennent d'autres cercles. Et «Arnaud», de temps entemps.

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Dans son nouveaumonde

EDUARDO RIHAN-CYPEL. PS, député de la huitièmecirconscription de Seine-et-Marne. Proche deVincent Peillon, c'est un des rares parlementairesfrançais né à l'étranger.

Par Jonathan BOUCHET-PETERSEN

(Paru le 12 décembre 2012)

Il est le plus brésilien des députés français. Elu en juindernier dans la 8e circonscription de Seine-et-Marne,détenue par la droite depuis 2002, Eduardo Rihan-Cypel estné à Porto Alegre au milieu des années 70. Président dugroupe d'amitié France-Brésil, il a participé hier au dînerd'Etat organisé à l'Elysée en l'honneur de Dilma Roussef, laprésidente brésilienne, qui lui est tombée dans les bras enapprenant qu'ils sont orgininaires de la même région.L'après-midi, il était allé écouter son discours et celui deFrançois Hollande en ouverture du «Forum du progrès so-cial» organisé par la Fondation Jean Jaurès. «Lui et elle onttracé les perspectives du nouveau monde que nous devons

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construire, s'enthousiasme-t-il. Un monde où la puissancepublique se réaffirme et ou le développement l'activitééconomique ne se fait pas au détriment de la lutte contre leinégalités». Le fameux «redressement dans la justice» de lacampagne hollandaise.

Foot et philosophie

«ERC», comme les médias commencent à le surnommer,évoque son parcours scolaire comme celui d'un «cancre quia eu un déclic» en découvrant en classe de première lapensée des Lumières et des figures d'intellectuels engagésdans la vie publique, «dans la cité». Arrivé en France à 10ans, ses parents ayant fui la dictature brésilienne d'alors, lejeune Eduardo intègre à Créteil une classe de CM2 destinéeaux enfants dont le français n'est pas la langue maternelle,avant de rejoindre une 6e «normale». «Je me suislongtemps servi de cette excuse pour expliquer mesmauvais résultats, notamment en Français», sourit-il.S'ensuit une scolarité banale dans un collège «plutôt clean».Une enfance où le football tient souvent une place plus cent-rale que les devoirs. C'est avec la rencontre au lycée d'unprof de philo «marquant» que le cancre se métamorphosepeu à peu en élève brillant, avide d'idées mais encore loin depenser à la politique. «Je savais déjà que je ne travailleraipas dans le privé, mais à l'époque je me voyais plutôt ensei-gner la philosophie», se souvient-il. Un master de philo enpoche, il intègre quand même Sciences-Po, dont un prof,

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encore, lui avait parlé en 2e année mais «sans y êtreprédestiné».

«Marre du complexe de l'étranger»

Brésilien de de naissance, Eduardo Rihan-Cypel n'estdevenu Français qu'en 1998. «Nous en avons parlé avecmes parents, ma soeur et mon frère et nous avons fait ladémarche ensemble, raconte-t-il. Nous en avions marre ducomplexe de l'étranger qui vit dans l'idée qu'il va rentrer aupays. Notre vie était ici, nous sommes donc devenusFrançais». Quelques années plus tard, c'est d'ailleursce statut particulier qui a valu à Rihan-Cypel, devenu entre-temps conseiller municipal (PS) à Torcy et conseillerrégional d'Ile-de-France sur la liste Huchon, une premièremédiatisation lors de la création du collectif d'élus natural-isés «Français sans distinction». Une initiative en réactionau fameux discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy, danslequel le chef de l'Etat d'alors agitait la menace d'unedéchéance de nationalité pour certains délinquants. «Nousavons gagné ce combat, puisque la droite a reculé sur lesujet en mars 2011», glisse «ERC».

Entré en politique «à cause ou grâce au choc du 21 avril2002», et l'élimination de Lionel Jospin, pour qui il avaitvoté, dès le premier tour de l'élection présidentielle, ce n'estqu'en 2004, «après avoir un peu tourné autour du pot»,que Rihan-Cypel adhère au PS. L'image du parti, avec lecongrès du Mans en 2005 sur fond de fracture européenne,

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puis celui de Reims et ses fraudes, aurait pu donner envie àce jeune militant de Créteil de faire chemin inverse. Maisconvaincu depuis longtemps que «tout citoyen doit faire dela politique à son échelle», il avance et se prend même aujeu. D'autant que sa rencontre, «déterminante», avec Vin-cent Peillon, au moment de la primaire socialiste de 2006dans le camp Royal, achève de le convaincre qu'il est pos-sible de faire cohabiter en politique le philosophe engagéqu'il rêvait d'être et le jeune élu un poil apparatchik qu'ilétait en train de devenir. Toujours dans le sillage de l'actuelministre de l'Education nationale au moment de la présid-entielle de 2012, Eduardo Rihan-Cypel est chargé del'immigration dans l'équipe de campagne de FrançoisHollande.

«Transition énergétique révolutionnaire»

Candidat en Seine-et-Marne aux législatives, «une aventurehumaine comme je souhaite à tout le monde d'en vivre»,s'enflamme-t-il en évoquant les milliers de portes ouvertesdurant la campagne, «ERC» l'emporte nettement avec52,77% des voix face à l’UMP Chantal Brunel. Depuis, leprimodéputé de 37 ans a connu une ascension express.Membre, comme il le souhaitait, de la commission de laDéfense nationale, il s'est entiché des problématiques decyber-terrorisme et participe aux travaux du prochain Livreblanc sur la Défense attendu début février. Naturellementprésident de la commission d'amitié France-Brésil, ce

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fervent partisan d'une «transition énergétique révolution-naire» est aussi le nouveau secrétaire national du PS encharge de l'énergie. Repéré par les médias dès les législat-ives, on l'a vu, à peine élu, jongler avec un ballon de footballdans un sujet du Grand Journal de Canal+. «ERC», qui cu-mule bonne bouille et pensée structurée, est un invitérégulier d'iTélé pour ses émissions de débats sur l'actualité.«Il y a un enjeu à défendre nos idées dans la sphère médi-atique, un enjeu politique», assure-t-il quand on évoque sonappétance pour la télévision.

Martelant que la politique doit partir du réel, le député serevendique «fan de Lula», l'ancien président brésilien.Parce qu'il incarne «l’histoire d’un ouvrier qui a réussi poli-tiquement par le développement économique et social, touten prenant en compte la mondialisation». Cette capacité àtenir les deux bouts, celui de l'activité comme celui de lasolidarité, celui de l'urgence comme celui de l'avenir, celuidu progrès comme celui de l'écologie, Eduardo Rihan-Cypelest convaincu qu'elle guide l'action de François Hollande etdu gouvernement. «Peut-être faut-il mieux expliquer ce quiest fait», convient-il, mais par exemple sur le dossier Flor-ange où le gouvernement a perdu des plumes, il soutient à100% la stratégie menée: «La priorité, c'était de sauver lesemplois, ça a été fait. Maintenant, si les promesses ne sontpas tenues, le gouvernement garde à sa disposition l'armeultime de la nationalisation et même de l'expropriation».

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Mais le vrai enjeu, selon lui, réside dans la création desrègles efficaces et «adaptées» pour que «l'origine desproblèmes d'aujourd'hui, c'est-à-dire l'OPA hostile qui apermis à Mittal de prendre le contrôle d'Arcelor» ne soit àl'avenir plus possible. Une problématique similaire à cellede l'encadrement des activités bancaires, bientôt à l'agendadu gouvernement. Et «ERC» d'assurer que sur ces sujets,François Hollande saura être un Président «radicalementrégulateur et transformateur». Reste à en convaincre lesFrançais. «En politique, la philosophie est une arme decombat», sourit-il.

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Valeurs montantes

VIRGINIE DUBY-MULLER. Députée UMP de laquatrième circonscription de Haute-Savoie, unedes benjamines de l'Assemblée.

Par Charlotte ROTMAN

(Paru le 18 décembre 2012)

Elle en a entendu. «Elle ne connait pas les dossiers», «Ellen'est pas capable de penser par elle-même», sans compterles allusions à sa couleur de cheveux. Virginie Duby-Muller(blonde), 33 ans, UMP, a connu une campagne législativedifficile. Comme souvent. «En tant que femme, il faut tou-jours se justifier», sourit-elle. Elue députée de Haute-Sa-voie, elle analyse: «Finalement, ces arguments sexistes, çadessert ceux qui les portent. Je crois qu'au contraire, lesélecteurs sont contents de voir des femmes, ça fait del'oxygène.» A l'Assemblée, l'UMP compte seulement 14% defemmes.

C'est bien elle qui se pose dans ce fauteuil de député. «C'estun choix réfléchi, pris avec mon entourage. Jem'épanouis.» Virginie Duby-Muller connaissait la maison.Cinq ans à Paris, comme assistante parlementaire, cinq en

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circonscription, «je savais où je mettais les pieds». «Beauc-oup de gens ne connaissent pas le travail de député. Par-fois, j'ai envie de leur dire, suivez-moi, une journée, une se-maine. Le soir, on est sur les rotules...» Elle se consoled'être élue de l'opposition en voyant les opportunités laissésaux néo-députés : «On a plus de temps de parole, on estplus identifié. C'est formateur.»

«Etre jeune et de droite, un acte un peu rebelle...»

Virginie Duby-Muller a passé le bac, «l'année de la dissolu-tion», en 1997. A 18 ans, elle prend sa carte au RPR. «Unacte un peu rebelle», pense-t-elle: «être jeune et dedroite...». Elle ne finit pas sa phrase, mais cela semble allerde soi que ça ne va pas ensemble. Ses parents sont plutôt dedroite eux aussi, mais pas encartés. Elle aime «De Gaulle,Chirac». Les «valeurs» de son camp. Lesquelles, demande-t-on à l'heure où l'UMP se déchire et François Fillon parled'une «fracture morale»? Elle répond du tac au tac: «Letravail, la méritocratie, la liberté et la responsabilité desindividus.»

Ancienne élève de Sciences-Po qui se voyait plutôt commis-saire de police ou magistrate, Virginie Duby-Muller vient dedéposer une proposition de résolution d'une commissiond'enquête sur la théorie du genre, dont «les conséquencesreprésentent un tel bouleversement de notre contrat socialque les Français sont en droit d’en être informés». Elle esthostile à l'ouverture du mariage aux homosexuels. «Pour

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moi, le mariage doit rester celui d'un homme et d'unefemme; c'est lié à la notion de famille». Ce qui l'inquiète?«L'instauration d'un droit à l'enfant.» Elle même est mar-iée, catholique, et mère d'une petite fille de treize mois. Surson bureau de députée, un ouvrage de Sylviane Agacinski,philosophe différentialiste, pro parité mais anti mariagehomo. Elle vénère «la famille traditionnelle» mais concèdequ'avec deux parents qui font carrière, et veulent concilierleurs vies professionnelle et privée, la famille qu'elle a con-stituée est aussi «moderne».

«On a connu deux défaites, perdu un chefcharismatique»

La crise à l'UMP l'a «minée». «On avait vu ça au PS, onpensait que jamais ça nous arriverait.» Elle se désole: «Lesquerelles durent et pendant ce temps, on est absent del'opposition concrète, alors que le chômage s'accroît, que letriple A est dégradé.» Dans sa circonscription (53 com-munes et 13 000 habitants), elle entend les plaintes désoléesdes adhérents qui se sont pris «une grande claque».«J'essaye de les rassurer, je leur dis qu'on prépare la sortiede crise.» Quand? Comment? Elle ne sait pas mais elle estconfiante: «On le surmontera». Et philosophe: «On a connudeux défaites, perdu un chef charismatique, c'est normalqu'il y ait une remise en question, ça serait arrivé de toutefaçon. C'est peut être mieux maintenant.»

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Génération spontanée

OLIVIER VÉRAN. PS, député de la premièrecorconscription de l'Isère, médecin et orateur duparti socialiste sur le contrat de génération.

Par Charlotte ROTMAN

(Paru le 15 janvier 2013)

C'est un député surprise. Il ne s'en cache pas vraiment,même s'il fait mine de s'offusquer quand on lui dit qu'il est àl'assemblée nationale par «miracle». Olivier Véran, 32 ans,a été le suppléant imprévu de Geneviève Fioraso, elle-mêmeministre inattendue... D'une certaine manière, il n'aurait ja-mais dû être là, avec une place dévolue au Palais Bourbon.Mais maintenant qu'il y est, il entend profiter de sa chance.Dans un genre un peu survolté. «Je n'ai pas vraimentatterri», confie-t-il, attablé dans un restaurant près del'Assemblée nationale. Il ajoute, à propos de cette jeunegénération de nouveaux députés dont il fait partie: «On ales crocs, on a envie de participer. On est aussi les re-présentants de l'opinion publique qui attend durenouvellement.»

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Député de la 1re circonscription de l’Isère, il est responsablepour le groupe PS du texte sur le contrat de génération, enséance ce mardi dont un autre député PS, ChristopheSirugue, est le rapporteur. Il sera orateur sur le texte qui,selon le gouvernement, devrait permettre 500 000 em-bauches de jeunes en CDI en cinq ans et autant de seniorsmaintenus dans l’emploi. Aucun frisson à quelques heuresde sa prise de parole. Dans l'hémicycle, Olivier Véran ne res-sent «pas d'inhibition». Membre de la commission des af-faires sociales, il s'y sent «comme un poisson dans l'eau».

«Mais où est la caméra ?»

Rien ne présageait d'une carrière politique d'élu. OlivierVéran est médecin neurologue, en poste au CHU de Gren-oble depuis 2007. Et titulaire d'un master en gestion et poli-tique de santé à Science-Po Paris consacré à l'image et laplace dans le débat des déserts médicaux. Il a été porte pa-role de l’Inter syndicat national des internes des hôpitaux en2008, ce qui lui a permis de «constater l’attachement pro-fond des Français, usagers comme professionnels de santé,à un système égalitaire et solidaire», écrit-il sur son blog.

Et c'est sur ces questions qu'au printemps dernier, il a unerencontre décisive avec Geneviève Fioraso, alors en pleinecampagne. «Elle est venue au CHU on a parlé politique desanté, Recherche... Peu après elle a voulu me voir et m'a de-mandé si la politique m'intéressait. Je lui ai répondu: "Non,elle me passionne." Puis elle m'a proposé d'être son

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suppléant. J'ai regardé derrière moi, j'ai dit: "Mais où estla caméra?"». Il en sourit encore.

Depuis son arrivée, il se consacre pleinement à son mandatde parlementaire. Sauf le lundi matin, qu'il réserve aux con-sultations publiques à l’hôpital pour ses patients. «C'estaussi une manière de prendre le poûl de la société». «Onme dit: c'est vrai docteur que vous êtes député?», se réjouitil.

Il écrit: «L’hôpital est à bout de souffle. La logique entre-preneuriale qui a inspiré les dernières réformes hospital-ières (sous Sarkozy) censées améliorer l’efficience, conduitle secteur public sur le chemin de la décroissance.» Al'Assemblée, il travaille sur l'accès aux soins, les filières hos-pitalières, les dépassements d'honoraires... Mais aussi lacompétitivité, l'emploi.

Tribunes pour la PMA ou le droit de vote desétrangers

Il se sent «faire partie d’un collectif. Je ne suis pas là pourm’illustrer dans l’agitation mais pour soutenir l’action dugouvernement», explique-t-il. Loyal. En même temps, celane l'a pas empêché de signer une tribune pour réclamer laProcréation médicalement assistée pour les lesbiennes ou ledroit de vote de étrangers. Mais il ne veut surtout pas«mettre en danger la cohésion de la majorité».

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Olivier Véran amène son fils de deux ans à la crèche le lundimatin, et réserve un «créneau sacré», les jeudis et vendre-dis vers 19 heures pour lui donner le bain et être présent àses côtés. ll se dit «papa poule», et au maximum«paritaire» avec une femme, gynécologue et chef de cli-nique, «qui a elle même une carrière». Le week-end, il em-mène souvent son fils avec lui, à ses obligations d'élu,comme dimanche dernier pour les voeux rituels. « Pourl'instant je n'ai jamais eu de critique. Cela fait partie du ra-jeunissement de la classe politique.»

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Allemand premièrelangue

ESTELLE GRELIER. PS, députée de la sixièmecirconscription de Seine-Maritime, responsabledes questions européennes au parti socialiste.

Par Lilian ALEMAGNA

(Paru le 22 janvier 2013)

Elle fait partie d’une espèce – très rare – au Parti socialiste:ceux qui s’intéressent à l’Allemagne, qui y ont vécu et mêmeparlent la langue. Du coup, Estelle Grelier n’est pas de cessocialistes tombés dans le mirage du «modèle allemand»:«On idéalise nos voisins au motif qu’ils sont dans les clousbudgétaires. Mais tout n’est pas aussi rose», dit la députéede la 9e circonscription de Seine-Maritime. La nouvelle re-sponsable des questions européennes au PS étaye le propos:«On ne parle jamais de la situation sur le marché du trav-ail et des 7 millions de personnes qui vivent sous le seuil depauvreté, de la réduction de l’assurance chômage, desfemmes obligés d’abandonner leur boulot pour s’occuper deleurs enfants ou des communes surrendettées... Ça on n’en

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parle jamais.» En tout cas pas beaucoup. Et surtout pasdans un PS dont le gouvernement avec son pacte de com-pétitivité et les prochaines modifications du code du travailest taxé, à gauche, de suivre la voie des réformes libérales duchancelier SPD Gerhard Schröder.

Estelle Grelier parle librement. Sans un brin de cette languede bois qu’on retrouve chez beaucoup de jeunes socialistesfraîchement arrivés au Palais Bourbon. Cette Vendéenne denaissance, «tombée amoureuse du Pays de Caux», ne cachepas d’avoir «adoré» être députée européenne entre 2009 etson élection à l’Assemblée en juin 2012. Aujourd’huimembre de la commission Affaires européennes àl’Assemblée, elle regrette que cette instance n’ait pas devrais pouvoir comme dans d’autres pays de l’UE.

A Strasbourg et Bruxelles, elle a aimé le côté«multiculturel», les «rencontres» et surtout le fait qu’il y ait«moins d’enjeux avec les médias». «Cela permet beaucoupplus de sérénité et un temps donné à l'élaboration de lanorme plus long et plus satisfaisant», estime-t-elle. Quantau petit monde de l’Assemblée nationale: «Il faut s’habituerà ne pas avoir d’amis ou à bien les choisir pour ne pas seretrouver avec un couteau dans le dos, lâche-t-elle. On al’impression que les gens se prostitueraient pour voir leurtête à BFM-TV.»

«Pas besoin de trahir pour bien se sentir»

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Pour cette fabiusienne pur jus, proche du numéro deux duPS, Guillaume Bachelay, «il n’y a pas besoin de trahir pourbien se sentir». Ancienne directrice de cabinet de PatrickJeanne, ex-maire PS de Fécamp, Grelier a déjà connu, à 39ans, un paquet de mandats: européen, municipal à Fécamp(2001), régional en Haute-Normandie (2004) et, depuis2001, présidente de la communauté de communes deFécamp. Ça aussi elle adore: «Je suis une militante du faitintercommunal. C’est par les intercommunalités qu’on ar-rivera à faire bouger les choses.» Ce qui fait qu’elle cumule:«Mais si on sait s’organiser, on peut y arriver», défend-t-elle tout en jurant qu’elle se pliera à la loi sans moufterquand elle arrivera.

Après le congrès de Toulouse, Grelier est devenue la ma-dame Europe du PS. Harlem Désir lui a demandé de piloterune «grande convention» prévue dans six mois. Opposée autraité constitutionnel européen en 2005, elle a défendu,comme tous les fabiusiens, le traité budgétaire européenl’an passé. «Mais le contexte était différent», justifie-t-elle,sans plus. Elle va aussi lancer de nouveaux groupes de trav-ail entre socialistes français et sociaux-démocratesallemands.

Une correspondante et un DESS

L’Allemagne, Grelier y a touché de près. D’abord «commetout le monde», dit-elle, en faisant allemand premièrelangue. Puis un voyage du côté de Bielefeld, dans le nord de

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la Ruhr, chez une correspondante avec qui elle dit avoir tou-jours des liens, puis un DESS franco-allemand à l’institutd'études germaniques de Strasbourg. Au milieu des années1990, elle a son premier job à Bonn, grâce au programmed'échange entre l’Assemblée nationale et le Bundestag. Elletravaille alors comme attachée parlementaire du députésocial-démocrate, Jörg Otto-Spiller. Aujourd’hui, elle dit re-tourner à Berlin deux à trois fois par an.

Grelier assume avoir «mauvais caractère» — «Vous pouvezinterroger Fabius là-dessus! Il va vous dire que je changepas d’avis» — mais elle semble aussi avoir le goût de laplaisanterie et de l’autodérision. Divorcée, sans enfants etvivant maritalement, elle aime se baigner dans la Manche,jouer au basket et voir ses «potes» qui ne font pas de poli-tique. Quant à l’Allemagne, elle compte sur les mois qui vi-ennent pour régler ce «problème de génération» socialiste.«L’UMP a réussi à imposer Bruno Le Maire sur ce thème,pointe-t-elle. A nous de nous nous en saisir.» Avec MatthiasFekl, député de Lot-et-Garonne et binational, elle souhaitemontrer que, au PS, il n’y a pas que Jean-Marc Ayrault etJean-Louis Bianco qui parlent et s’intéressent à l’Allemagne.«Est-ce que les Allemands de notre génération ont envie denouer des relations avec la France?, s’interroge-t-elle. Maisnotre travail avec le SPD va nous permettre d’identifier desgens intéressés.» Et, rêve-t-elle, «peut-être qu’on les verraarriver en septembre au Bundestag...»

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Neuilly-son-maire

JEAN-CHRISTOPHE FROMANTIN. UDI, député de lasixième circonscription des Hauts-de-Seine, mairede Neuilly et opposant au mariage pour tous.

Par Laure EQUY

(Paru le 29 janvier 2013)

Ce mardi soir, lors de la discussion générale sur le «mariagepour tous» à l’Assemblée, il sera l’un des quatre orateurs deson groupe, l’Union des démocrates et indépendants.Quatre orateurs pour 29 députés UDI partagés sur le projetde loi. Si les têtes d’affiche – Borloo, Jego, Lagarde –voteront pour, la grande majorité des centristes et radicauxy sont opposés. Pour respecter la liberté de vote de sescamarades, Jean-Christophe Fromantin, premier du groupeà s’exprimer, s’efforcera de la jouer fine, malgré son opposi-tion au projet de loi. Pas de longue diatribe christine-boutinesque à la tribune. «J’affirmerai mes convictionsmais en précisant que cela ne doit blesser personne», pro-met le député élu pour la première fois en juin, membre del’Entente parlementaire pour la famille, qui regroupe unecentaine d’opposants au texte de droite et du centre.

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Orateur de l'UDI pour la deuxième fois, après la loi Duflotsur le logement social à l’automne, architecte du projet de lanouvelle UDI, poulain de Jean-Louis Borloo, cumulardheureux – même s’il a dû abandonner son siège de con-seiller général des Hauts-de-Seine –... Le député-maire deNeuilly (Hauts-de-Seine) le concède, le voilà désormais «aucœur du réacteur». Lui qui, voilà cinq ans, déboulait ennovice complet, se targuait d’être un monsieur Tout-le-Monde passionné par sa ville, allergique aux partis, sûre-ment pas carriériste. Devenu accroc à la politique,Fromantin?

Dans son bureau de maire où trône son diplôme d’«élu loc-al» 2011 du Trombinoscope, lui fait mine de s’étonner en-core: «Si on m’avait dit il y a cinq ans...» Début 2008, cepatron de PME branchée systèmes d’information pour lecommerce international profite des municipales pour tenterun raid au cœur de la Sarkozie. Gonflé, mais inoffensif a pri-ori. Sauf que Fromantin, jamais encarté nulle part, menacele candidat désigné par le Château, le pataud DavidMartinon. Et finit par souffler la mairie au camp duPrésident.

«A la fin de ce cycle, j’arrêterai»

Depuis ce fait d’armes, l’homme pourtant placide s’est tailléune petite notoriété. Aux législatives, des candidats d’un peupartout se présentant contre l’officiel de leur parti prennentmodèle sur le Neuilléen et s’autoproclament

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«fromantistes». En juin, «les médias nous ont étiquetés "lesdeux rebelles de l’Assemblée", avec Olivier Falorni [dissid-ent PS à La Rochelle et tombeur de Ségolène Royal, ndlr],même si nos histoires n’ont rien à voir.» Un député UMPglisse : «Je le connaissais... de réputation».

Il a beau avoir gagné trois élections en quatre ans, ce pas-sionné de voile et de marathon ne se sent toujours pas «pro-fessionnel de la politique». «Je le vois comme un engage-ment sur un projet. A la fin de ce cycle, j’arrêterai», jure ce-lui qui ne fait pas mystère de sa candidature aux municip-ales de 2014...

Fromantin avait aussi fait vœu d’indépendance. Un parti?Lui jamais, bien que l’UMP lui ait fait des ponts d’or. Levoilà Borloo boy. «Sauf que je tiens la plume du projet del’UDI», avance Fromantin qui se jure toujours réfractaireaux réunions d’appareil. Avec Borloo, «il y a eu un bon"fit"» dès leur première rencontre début 2012. Il se recon-naît dans ce «rêveur bohème, en même temps très rationnelet technique, un inclassable». Mais Fromantin prend soinde ne pas toper avec le Radical avant les législatives, pourgagner son siège de député sans étiquette. «Je suis obsédépar l’idée de ne rien devoir à personne, d’être élu sans avoirde dettes.» Au lendemain de sa victoire, il suit Borloo,François Sauvadet, Jean-Christophe Lagarde, Yves Jegodans la création de l’UDI.

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Pour défendre sa double casquette de député-maire, il as-sure que «la réalité politique se retrouve dans le mandatlocal, quand on a les pieds dans les emmerdes» – même àNeuilly – plutôt que «dans ce cocon confortable» qu’estl’Assemblée, «où on fréquente du beau monde dans de bonsrestos». Sa première question au gouvernement, sur le loge-ment, l’a évidemment impressionné mais il préfère à cet ex-ercice un rien «théâtral» le «travail de fond en commis-sion». L’homme de dossiers a beau piaffer à l’idée dedébattre de l’acte III de la décentralisation, défendre saligne «antimariage pour tous» le fait vraiment vibrer. «Lapolitique est devenue trop technique. Vous ne vous engagezpas pour faire la TVA sociale mais d’abord pour vosvaleurs.»

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