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Les Auditions du Groupe de Recherches et d'Actions Métropolitaines 10 juin 2015 Les établissements d’accueil au service d’une Métropole inclusive Restitution

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Les Auditions du Groupe de Recherches et d'Actions Métropolitaines

10 juin 2015

Les établissements d’accueil au service d’une Métropole inclusive

Restitution

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Audition GRAM : Les établissements d'accueil au service d'une Métropole inclusive

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Table des matières I. Contexte ........................................ ..................................................2 II. Introduction par Charles Gardou ............... ...................................4

A. Une société inclusive : de quoi parlons-nous ? ...............................4 B. Les 5 piliers de l’édifice...................................................................5 C. La société en héritage.....................................................................7 D. Intégration, inclusion ?....................................................................7 E. Pour conclure .................................................................................9

III. Intervention .................................. .................................................10 A. Intervention de la Fédération des Associations de l'Insertion Sociale (FNARS) ............................................................................................10 B. Intervention de la Fondation Œuvres des Villages d'Enfants (OVE) 12

1. Le rapport entre les usagers et la Métropole ...........................12 2. Rôle du pilotage de la Métropole, adéquation Coûts/Moyens..12

C. Intervention l’Association de la région Rhône-Alpes des Infirmes Moteurs Cérébraux (ARIMC Rhône Alpes) ........................................13

1. Le rapport entre l’usager et la Métropole.................................14 2. La prise en compte des publics dans le développement urbain 14

IV. Discussion..................................... ................................................16 A. Intervention de Renaud George, conseiller délégué de la Métropole, Groupe Synergie ..............................................................16 B. Intervention d’Inès de Lavernée, conseillère de la Métropole, Groupe Les Républicains...................................................................18 C. Nathalie Perrin Gilbert, Conseillère de la Métropole, Groupe GRAM 19 D. Corinne Iehl, conseillère de la Métropole, Groupe EELV ..............19

V. Conclusion de la discussion..................... ...................................21 VI. Ouverture sur l'avenir ......................... ..........................................23

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I. Contexte

Depuis janvier 2015, La Métropole a la compétence de l’action sociale. A ce titre, elle participe à la vie d'un certain nombre d'établissements accueillant des publics divers (personnes âgées, personnes handicapées, enfants…) par le financement, la délivrance d'agréments et une présence dans l'élaboration et le suivi de schémas et plans départementaux. Le groupe des élu-e-s GRAM met en place des temps d’échange ouverts à tous les élu-e-s de la Métropole afin de donner la parole aux acteurs de terrain et d’alimenter la réflexion des élu-e-s sur les politiques mises en œuvre et sur la capacité de la collectivité à accompagner le développement des services et leur modernisation. Pour cette première audition sur la relation entre la Métropole et les établissements d'accueil, la thématique suivante est proposée aux intervenants : Face à une réalité budgétaire de plus en plus con trainte :

1. Comment concilier aujourd'hui la commande publiq ue et les besoins des publics ? 2. Des évolutions sont-elles perceptibles ? Comment les qualifier ? 3. Quel rôle doit jouer la Métropole dans ces évolu tions ? 4. Quelles sont les attentes des acteurs ?

Monsieur Charles Gardou , professeur à l’Université Lumière Lyon 2 et à l’Institut d'Etudes Politiques de Paris, spécialiste de la question de la diversité et de la vulnérabilité, a assuré l’introduction et la synthèse de l’audition avec pour intervenant-e-s :

- Mesdames Christine Vigne , vice présidente FNARS Rhône Alpes, directrice générale adjointe de LAHSo et Maryse Bastin Joubard , secrétaire générale de la FNARS, directrice générale de l’Ecole de Service Social du Sud Est (ESSSE) ;

- Messieurs Francis Comte et Philippe Mortel , respectivement secrétaire et directeur général adjoint de la fondation Oeuvre des Villages d'Enfants (OVE) ; - Madame Valérie Löchen et Monsieur Jean-Luc Loubet , respectivement directrice générale et président de l’Association Régionale Rhône-Alpes des Infirmes Moteurs Cérébraux (ARIMC) ; Se sont excusés pour des raisons personnelles ou de service : les représentants de la Fondation AJD et Monsieur Claude JARRY de la Fédération Nationale des Établissements de Personnes agées (FNADEPA).

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Cette note a pour objet de rendre compte de cette première audition. Une synthèse de deux pages a été réalisée mais l'essentiel est évidemment contenu dans le texte plus complet. Autour de Charles Gardou, les différents intervenants ont souligné le rôle éminent de la Métropole mettant en exergue des enjeux qui d'un secteur d'intervention à l'autre ne sont pas si éloignés. Nous souhaitons ainsi contribuer à une approche « de terrain », celle qui relève du politique afin de traduire ensuite les préconisations en mesures. Pour éviter le copier-coller, la parole des élu-e-s à l'écoute des milieux professionnels est une garantie pour construire une Métropole inclusive. Le GRAM tient à remercier particulièrement les intervenants qui ont accepté, sans contrepartie, de donner de leur temps pour partager leurs compétences. Nous remercions aussi les élu-e-s qui ont bien voulu jouer le jeu d'être des « écoutants » dans un moment libre des contraintes institutionnelles. Et bien entendu merci à Charles Gardou qui nous donne envie de poursuivre dans cette voie d'une société où « il n'y a pas de vie minuscule ».

La prochaine audition du GRAM sur le thème de la pa rticipation aura lieu Le 9 septembre 2015.

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II. Introduction par Charles Gardou

Anthropologue, professeur à l’Université de Lyon 2 et à l’Institut de Sciences Politiques de Paris. Il consacre ses travaux anthropologiques à la diversité et aux fragilités humaines. Il a créé et dirige la Collection Connaissances de la diversité aux éditions érès, il est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages, parmi lesquels : La société inclusive, parlons-en ! Il n’y a pas de vie minuscule.

A. Une société inclusive : de quoi parlons-nous ?

Désormais, on recourt volontiers au concept de « société inclusive ». L’adjectif « inclusif » fait l’objet de multiples déclinaisons. On aspire à des lieux d’accueil de la petite enfance et à une école inclusive. On parle de pratiques culturelles, artistiques, sportives ou touristiques et de lieux professionnels inclusifs. On souhaite des politiques, législations, structures et dispositifs inclusifs. On aspire à une économie, un développement inclusif, à une culture inclusive ; à une Métropole inclusive, dites-vous ici.

Cependant, la rapide diffusion du concept de ce concept, avec son cortège de dérivés, le fait suspecter de n’être qu’un écran de fumée rhétorique. Que faut-il en penser ? Est-ce un lieu commun abusivement mis en avant ; une nouvelle musique d’ambiance, une danse avec des mots, venus artificiellement se substituer à leurs ancêtres forgés autour de la notion d’intégration ? Est-il, au contraire, annonciateur d’une évolution de nos valeurs et de nos pratiques ? Constitue-t-il un changement de paradigme situant à un niveau supérieur nos conceptions de la vie commune ? Représente-t-il une optique susceptible de nourrir une vision renouvelée de notre patrimoine humain et social ? Reflète-t-il une autre manière de considérer les fragilités humaines ?

Faute d’ausculter ses contours, ses plis et replis, on risque de passer à côté de son sens profond, si ce n’est de le dénaturer. Aussi importe-t-il d’interroger les différentes couches de significations de ce concept feuilleté, né dans un contexte paradoxal.

Des progrès sans précédent, dans le domaine scientifique et technique, de la connaissance de la vie et de l’univers, ont en effet changé le visage du monde. Ils ont transformé, du moins en certains lieux de la planète, les modes de vie de ses habitants. Pour autant, les inégalités s’accentuent, ici comme là-bas. Dans nos sociétés industrielles, l'homo œconomicus fait régner la loi d’airain du marché et de la compétition sans merci. Et, en dépit d’un apparent consensus contre l’exclusion, il y a stagnation. A l’encontre même de l’espoir séculaire de réduction des écarts, des îlots de commodités côtoient des océans d’empêchements. Cette dissymétrie, ou plutôt cette coupure, est certainement l’un des faits les plus préoccupants de notre temps contradictoire.

Dans un tel paysage, sur quels fondements une société inclusive peut-elle se bâtir ? En référence à quels principes et exigences renvoyant, pour une part, aux universaux de notre condition humaine et, pour une autre, aux biens communs à répartir avec équité ?

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B. Les 5 piliers de l’édifice

Cinq axiomes -au sens premier de « ce qui vaut, qui est jugé digne»- constituent les piliers ou les arcs-boutants sur lesquels mérite de s’appuyer l’édifice à construire.

L’un de ces piliers invite à distinguer le « vivre » et l’« exister ». Je l’exprime ainsi : Vivre sans exister est la plus cruelle des exclusions. Une société inclusive ne défend pas seulement le droit de vivre mais celui d’exister. Le vivre, que nous partageons avec tous les organismes vivants, renvoie à nos besoins biologiques. L’exister spécifie les hommes, marqués par leur inachèvement natif et leur nature sociale. Il se situe sur le versant de l’esprit et de la psyché ; des relations à soi, aux autres, au temps et à son destin ; du besoin de reconnaissance par les proches, les amis, les réseaux professionnels ou sociaux ; de la dépendance des solidarités humaines ; de la possibilité de devenir membre d’un groupe et de s’impliquer dans sa société d’appartenance. Victor Hugo le formulait ainsi : « C’est par le réel qu’on vit ; c’est par l’idéal qu’on existe. Les animaux vivent, l’homme existe».

Il n’est pas assez pour les humains de naître physiquement et de vivre, tant s’en faut. Soignés par tous, ils peuvent mourir de n’exister pour personne. La fragilité, sous ses différentes formes et expressions, met en relief ce caractère toujours problématique de l’accès à l’existence, soumise à maints empêchements.

Des réponses attentives aux besoins biologiques d’autoconservation ne garantissent pas à elles seules la possibilité d’exister. Le soin, dans sa dimension thérapeutique et curative (cure), ne suffit pas, elles réclament du care et la sollicitude qui l’accompagne. Le sentiment d’exister repose sur l’expression et la prise en compte des désirs, qui ne sont pas un luxe réservé à ceux qui n’auraient pas de besoins « spéciaux ». Ils ne sont pas leur privilège exclusif, interdit à ceux qui nécessitent des soutiens et des compensations. Or, ces derniers se voient trop souvent cantonnés à leurs besoins particuliers, selon l’expression consacrée. Seulement des nécessiteux, assimilés à leurs servitudes. Leurs désirs seraient superflus, voire incongrus. Leurs besoins sont satisfaits, n’est-ce pas suffisant ? On tend à négliger ce qui fait d’eux des êtres existant, sentant, pensant, dans des flux de désir, de projet, de passion et de volonté : leurs goûts et opinions, leurs aspirations et peurs, leurs élans vitaux et accablements ; leurs idéaux et rêves, si contraints, si gardés au secret qu’ils finissent par se perdre.

Un autre pilier appelle à remettre en cause la hiér archisation des vies. Je l’énonce de cette manière : Il n’y a ni vie minuscule ni vie majuscul e. Il n’y a pas plusieurs humanités : l’une forte, l’autre faible ; l’une à l’endroit, l’autre à l’envers ; l’une éminente, l’autre insignifiante, infra-humanisée. Mais une seule, dépositaire d’une condition universelle, entre un plus et un moins, un meilleur et un pire. Entre fortune et revers, résistance et fléchissement. Entre l’infime et l’infini, disait Pascal, cette figure du Grand Siècle, que l’on l’imagine sûr de lui, fort mais qui était en réalité un être fragile, souffreteux, mort à 39 ans. La roche Tarpéienne, dit-on, est proche du Capitole. Le « peu » et le « moins » n’équivalent pas à une absence de grandeur. Les vies sont par nature ambiguës. Leur stratification ne tient pas, pas plus que celle entre les cultures. Claude Lévi-Strauss l’avait déjà si bien montré, il y a près de 60 ans, avec Tristes Tropiques, qualifié par Pierre Nora de moment de la conscience occidentale. La gageure d'une société inclusive est de réunifier les univers sociaux hiérarchisés pour forger un « nous», un répertoire commun.

Le 3ème pilier induit un questionnement sur la notion d’éq uité et de liberté. Je le traduis ainsi : Une société humaine n’est rien sans des conditions d’équité et de liberté. Il renvoie à la problématique de la refondation de la justice sociale, de l’égalité formelle et de l’égalité réelle, des conditions de l’exercice effectif de la liberté et d’équité. Le principe d’équité, au caractère subjectif, n'est pas synonyme de celui d’égalité, objectivement évaluable car le plus souvent énoncé dans le

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droit positif, amplement débattu, affirmé par la doctrine et consacré par la jurisprudence. Il consiste à agir de façon modulée, selon les besoins singuliers, pour pallier les inégalités de nature ou de situation. Les êtres humains ne sont pas des copies conformes à un modèle unique, reproduits en millions d’exemplaires interchangeables. Leur égalité qualitative n’induit pas la similarité de ce qu’ils sont et de ce qu’ils vivent. Qu’ils soient plus ou moins fragiles, en situation de handicap ou non, chacun d’eux a le droit inconditionnel à être singulier et à réaliser sa singularité. Celle-ci n’autorise aucun traitement inégalitaire.

Si des situations identiques appellent des réponses identiques, les citoyens les moins « armés » et les plus précarisés légitiment des réponses spécifiques. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen confie d’ailleurs au législateur le soin d’identifier, dans l’intérêt supérieur, les différences à reconnaître ou à ignorer, précisant que les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. Pour peu qu’elles soient justes et bénéfiques, tant pour la personne que pour la collectivité, ces distinctions préviennent les risques d'indifférenciation et de nivellement de l’action sociale, susceptible d’amplifier les inégalités, au nom d’une idéologie égalitariste. Elles préviennent l’altération du principe d’égalité. La négation des singularités, attachées à l'âge, au sexe, aux aptitudes, aux inclinations, aux origines, au milieu et aux circonstances de vie, au fonctionnement inégal de notre corps et de notre esprit, entrave la justice, conçue en termes d’exigences d’équité. Le handicap exige d’accommoder les ressources ordinaires en matière de santé, de bien-être, d’éducation, d’acquisition de savoirs ou de compétences, de sécurité économique et sociale. Parce qu’ils permettent d’articuler le singulier et l’universel, le divers et le commun, ces accommodements sont la condition même de l’égalité et de la liberté. Ils permettent de rétablir un continuum dans l’itinéraire de vie : accessibilité, autonomie et citoyenneté ; vie affective, familiale, et sexuelle ; accompagnement de la petite enfance, scolarisation et formation ; activité professionnelle ; art et culture ; sports et loisirs.

Le 4ème pilier amène à s’interroger sur la norme et la conformité. Je le formule ainsi : L’exclusivité de la norme c’est personne, la divers ité c’est tout le monde. La visée inclusive contrecarre la centrifugeuse culturelle qui renvoie en périphérie ce dont l'existence même déconstruit les modèles et archétypes dominants. Elle remet en cause l’exclusivité des normes, culturellement construites au gré du temps ou des cultures, imposées par ceux qui se conçoivent comme la référence de la conformité, qui aggravent les rapports de domination et multiplient les phénomènes d’exclusion.

Au-delà des institutions politiques, matérielles ou symboliques normatives, dont naturellement toute société procède, elle s'élève contre l'emprise excessive d'une norme qui prescrit, proscrit et asphyxie le singulier. Six siècles avant Kierkegaard, père de la pensée existentielle, qui a consacré la part essentielle de son œuvre à la singularité, Duns Scot, philosophe et théologien écossais à l'origine du concept d’eccéité exprimant le caractère unique d'une personne, avait déjà récusé les approches abstraites et générales qui négligent l'existence de l'individu réel.

La signification d'une société inclusive se dévoile donc par le plein droit de Cité qu'elle offre à la diversité des silhouettes humaines et à leur mode d'accès au monde. À rebours d'une logique disjonctive, fondée sur une conformité fantasmatique, l'optique inclusive se caractérise par la capacité collective à conjuguer les singularités, sans les essentialiser. Des singularités, parfois désarmantes, en relation avec d'autres singularités, à l'intérieur d'un tout, où chacun a le droit de se différencier, de différer. Et, dans le même temps, d'être, de devenir avec les autres ; d’apporter au bien commun sa biographie originale, faite de ressemblances et de dissemblances, sans être séparé de ses pairs, ni confondu avec eux, ni assimilé par eux. On peut, disait Aimé Césaire, se perdre « par ségrégation murée dans le particulier ou par dilution dans l'universel ».

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C. La société en héritage

Le dernier pilier conduit à aborder la question de notre patrimoine commun. Je le formule de cette façon : Nul n’a l’exclusivité du patrimoine humain et social. Il ne suffit pas, on le sait, de vivre sur un même territoire pour appartenir à sa communauté. Encore faut-il pouvoir en partager le patrimoine éducatif, professionnel, culturel, artistique et communicationnel. Des étrangers, des populations isolées ou nomades, des minorités linguistiques ou culturelles et des membres d’autres groupes défavorisés ou marginalisés ne bénéficient pas pleinement de ce droit. C’est aussi le cas de nombreuses personnes en situation de handicap.

Cela m’amène à formuler une remarque, qui puise dans ce qui précède et qui fonde, de manière essentielle, la notion qui nous préoccupe et en permet la compréhension profonde. Je l’énoncerai ainsi : une société ne peut se concevoir par un club dont des membres pourraient accaparer l’héritage social à leur profit pour en jouir de façon exclusive et justifier, afin de le maintenir, un ordre qu’ils définiraient eux-mêmes. Elle n’est non plus un cercle réservé à certains affiliés, occupés à percevoir des subsides attachés à une « normalité » conçue et vécue comme souveraine. Elle n’est pas davantage un cénacle où les uns pourraient stipuler à d’autres, venus au monde mais interdits d’en faire pleinement partie : Vous auriez les mêmes droits si vous étiez comme nous. Il n’y a pas de carte de membre à acquérir, ni droit d’entrée à acquitter. Ni débiteurs, ni créanciers autorisés à mettre les plus vulnérables en coupe réglée. Ni centre ni périphérie.

Chacun est héritier de ce que la société a de meilleur et de plus noble. Personne n’a l’apanage de prêter, de donner ou de refuser ce qui appartient à tous. Notre héritage social vertical, légué par nos devanciers, et notre héritage horizontal, issu de notre temps, composent un patrimoine indivis. Chaque citoyen a un droit égal à bénéficier de l’ensemble des biens sociaux : la ville, les transports, les espaces citoyens, les salles de cinéma, les bibliothèques, les structures de sport et de loisirs. Nos savoirs, notre culture, nos ressources artistiques font partie de ce capital collectif.

Aucune des parts de ce patrimoine ne peut être l’exclusive des « majoritaires », que la naissance ou le cours de la vie ont préservés du handicap, au détriment des « minoritaires », dont la destinée serait de n’en recueillir que des miettes. Ecarté des biens communs et dépossédé de possibilités de participation sociale, on peut vivre ou survivre, mais on ne se sent pas exister.

L’idée de société inclusive tourne le dos à toute forme de captation, qui accroît de fait le nombre de personnes empêchées de bénéficier, sur la base d’une égalité avec les autres, des moyens d’apprendre, de communiquer, de se cultiver, de travailler, de créer et de faire œuvre. Elle combat la dérive amenant à donner davantage aux déjà-possédants et des parts réduites à ceux qui, ayant le moins, nécessiteraient le soutien le plus affirmé. Elle s’oppose aux mécanismes par lesquels les premiers augmentent leur avantage sur les seconds, en réalisant des plus-values et en capitalisant les conforts.

De la petite enfance jusqu’au grand âge, les exemples abondent de comportements, discours, pratiques et institutions qui restent marquées par une culture de l’entre-soi

D. Intégration, inclusion ?

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A ce moment de la réflexion, il est intéressant d’apprécier la pertinence du terme inclusif, aujourd’hui utilisé. Ses antonymes aident à en préciser le sens. Né au 18ème siècle, l’adjectif exclusif qualifie ce qui appartient uniquement à quelques-uns, à l’exclusion des autres, par privilège spécial et, à ce titre, n’admet aucun partage. Prononcer ou jeter l’exclusive signifiait déclarer l’exclusion de quelqu’un. Le verbe exclure, apparu deux siècles plus tôt, voulait dire, originellement, ne pas laisser entrer, ne pas admettre, fermer avec une clé, tenir quelqu’un à l’écart de ce à quoi il pourrait avoir droit. Par la suite, il a pris le sens de rejeter une chose jugée inconciliable avec une autre.

L’emploi du nom inclusion, qui implique l’idée d’occlusion, de clôture, de réclusion, apparaît plus problématique. Inclus provient du latin includere, lequel peut se traduire par « enfermer » ou « renfermer ». Au 12ème siècle, la forme francisée enclus signifie d'ailleurs « reclus ». En biologie, on parle d'inclusion fœtale lorsqu’il y a imbrication d'un ovule fécondé par un spermatozoïde dans un autre ovule fécondé en même temps. En cytologie, l'inclusion cellulaire désigne la présence de matériaux métaboliquement étrangers dans le cytoplasme d’une cellule. En odontologie, l'inclusion désigne l'état d’une dent emprisonnée dans l'arcade osseuse d’une mâchoire ; en minéralogie, c’est un corps étranger contenu dans la plupart des cristaux et des minéraux ; en métallurgie, l’inclusion renvoie à des matières, en général indésirables, prises dans un métal ou un alliage. Autant d'usages qui marquent un enfermement.

L’adjectif inclusif, plus adéquat et pertinent, traduit clairement un double refus. D’une part, celui d’une société et de structures, de la petite enfance à l’adolescence et de l’âge adulte à la vieillesse, dont les seules personnes « non handicapées » se penseraient propriétaires, pour en faire leurs privilèges ou leurs plaisirs exclusifs, selon les mots de Montesquieu et de Rousseau. D’autre part, le refus de la mise à l’écart, dans des ailleurs improbables, de ceux que l’on juge gênants, étrangers, incompatibles. S’il ne se réduit pas au cliché qu’il devient lorsqu’on se contente de l’opposer, sans le justifier, aux vocables dérivés du terme intégration, les deux optiques se distinguent. L’objectif de l’intégration est de faire entrer dans un ensemble, d’incorporer à lui. Il s’agit de procéder, comme on le dit en astronautique, à l’assemblage des différentes parties constitutives d'un système, en veillant à leur compatibilité et au bon fonctionnement de l’intégralité. Un élément extérieur, mis dedans, est appelé à s’ajuster à un système préexistant. Ce qui est ici premier est l’adaptation de la personne : si elle espère s’intégrer, elle doit, d’une manière assez proche de l’assimilation, se transformer, se normaliser, s’adapter ou se réadapter. Par contraste, une organisation sociale est inclusive lorsqu’elle module son fonctionnement, se flexibilise pour offrir, au sein de l’ensemble commun, un « chez soi pour tous ». Sans neutraliser les besoins, désirs et destins singuliers et les résorber dans le tout.

Car ce « chez soi pour tous » ne serait toutefois que chimère s’il n’était assorti, dans tous les secteurs et tout au long de la vie, d’accompagnements et médiations compensatoires, de modalités de suppléance ou de contournement. En bref, toute une gamme d’accommodements et de modalités de suppléance pour garantir l’accessibilité des dispositifs, ressources et services collectifs. « Mettre dedans » ne suffit pas. Autorise-t-on chacun à apporter sa contribution originale à la vie sociale, culturelle et économique ?

Les accommodements ne se limitent pas à une action spécifique pour des groupes tenus pour spécifiques. Ils visent à améliorer le mieux-être de tous. Qu’ils soient architecturaux, sociaux, éducatifs, culturels ou professionnels, les plans inclinés sont universellement profitables. Ce qui est facilitant pour les uns est bénéfique pour les autres.

Une société inclusive n’est pas de l’ordre d’une nécessité liée à certaines fragilités, tel le handicap : elle relève d’un investissement global. Ce qui prime est l’action sur le contexte pour le rendre propice à tous, afin de signifier concrètement à chaque membre de la société: Ce qui fait votre singularité (votre âge, votre identité ou orientation sexuelle, vos caractéristiques génétiques, vos appartenances culturelles et sociales, votre langue et vos convictions, vos opinions politiques

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ou toute autre opinion, vos potentialités, vos diff icultés ou votre handicap) ne peut vous priver du droit de jouir de l’ensemble des biens sociaux. Ils ne sont la prérogative de personne.

E. Pour conclure

Les recommandations émises par les instances internationales appuient ce mouvement inclusif que notre société toute entière est mise au défi de relever. Le premier rapport mondial sur le handicap, déjà évoqué, demande ainsi aux Gouvernements de reconsidérer les politiques et programmes éducatifs, sociaux et économiques, indissociablement concernés ; de revoir les dispositions prises pour le respect et l’application des lois, en danger de devenir des rites incantatoires; de cerner les obstacles, afin de planifier des actions susceptibles de les réduire et de les supprimer.

Avec la notion de société inclusive, on est donc loin d’une fioriture sémantique, d'un simple changement de mot en réponse à une mode. Ce nouveau cadre de pensée sociale interroge puissamment notre forme culturelle. Il questionne tout lieu d'éducation gouverné par la norme, le niveau et le classement. Il remet en cause les milieux professionnels arc-boutés sur des standards. L'enjeu est de taille. La transformation des esprits et des pratiques prendra du temps, mais la nécessité est là. La vie de la Cité ne peut se jouer à huis clos. Chacun a le droit inaliénable d’y prendre part, toute sa part

André Gachet

Merci pour cette intervention qui permet de donner un cadre à nos réflexions. J’ai beaucoup aimé la définition que vous avez donnée de l’horizon, bien loin de la ligne bleue des Vosges..

J’ai retenu aussi ce que vous avez dit sur la sollicitude, qu’on appelle aussi la bienveillance et qui est au cœur de l’action de nos associations d’accueil : la part immatérielle de l’action sociale a justement pour objectif de construire l’équité que vous avez décrite.

Il y a un point que je crois très important pour nous élus, qui est la hantise des décideurs : c’est la question de la norme, qui nous contraint. Ce sont des questions qui sont au cœur du débat, et je pense que les intervenants qui suivent vont nous en dire un peu plus là dessus. Je donne maintenant la parole à la FNARS.

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III. Intervention

A. Intervention de la Fédération des Associations d e l'Insertion Sociale (FNARS)

Intervention faite à deux voix par Christine Vigne, vice présidente FNARS Rhône Alpes, directrice générale adjointe de LAHSo et Maryse Bastin Joubard, secrétaire générale de la FNARS, directrice générale de l’Ecole de Service Social du Sud Est (ESSSE). Quelle peut être la plus-value dans la métropolisat ion, de l’action sociale ? La métropolisation induit une redéfinition du territoire et de ses besoins, plus locale. Elle devrait permettre, à l’aide d’outils transversaux (schéma, conférence territoriale de financeurs, consultation sociale de proximité ), de reconsidérer la nature des publics à partir de deux termes qui nous paraissent désormais organiser le champ social aussi bien celui de la protection sociale que de l’action sociale et du contrôle social … : celui du stock et du flux. Les stocks sont identifiés, y compris dans la file d’attente (rôle SIAO), les flux beaucoup moins pour cause de pénurie de logements sur le territoire métropolitain. La question du non recours est un enjeu majeur pour une lecture objective et pertinente du champ qui nous occupe. En effet, il n’est pas inutile de rappeler que le droit au logement et à l’hébergement (2007/2008) a modifié considérablement et intrinsèquement la posture des acteurs. Mais l’application opérationnelle de ce droit n’est toujours pas effective et la route sera longue avant de constater un changement visible sur les territoires. La pénurie de logements est une des causes principales de la tension du secteur, mais elle n’est pas la seule. Le mouvement associatif est le dernier filet de solidarité. Les places en CHRS sont embolisées par un manque de fluidité vers le logement, mais aussi par un phénomène de sur-exclusion : sélection des clientèles, hiérarchie des ayants droits, séparation des méritants et des non méritants, rejet des irascibles (troubles du comportement). Le secteur de l’urgence est congestionné, de plus en plus gros avec des places de moins en moins chères (11€/j) ce qui laisse de moins en moins de moyens pour l’accompagnement social. La singularité des publics est mal perçue par l’opinion publique, alors même qu’il existe des problématiques radicalement différentes. Notre société ne sait plus les désigner que par ce qu’ils n’ont pas : les sans papiers, les sans domicile fixe, les sans emploi, etc. L’appartenance de ces publics à notre société et à la citoyenneté est un sujet quas i absent du débat politique. Nous constatons un changement de donne substantiel depuis 5 ans : la notion de précarité s’étend, s’intensifie et devient un enjeu transversal pour t ous les secteurs et à toutes les étapes de la vie. Nous avons un devoir de lucidité. Nous constatons que nous n’avons jamais consacré autant de moyens à la lutte contre la pauvreté : plus d’argent mais mal dépensé. Après avoir longtemps été relégué à la marge du secteur, nous sommes maintenant au cœur de la transformation sociale : deviendrons nous le secteur délégué à contenir les exclus ?

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Quelles stratégies ? Comme acteurs associatifs, nous avons le sentiment d’appartenir à un dispositif inefficace qui souffre d’abord de son morcellement. La volonté des politiques d’apporter des réponses à toutes les situations particulières conduit à un empilement des mesures et des dispositifs et à une logique de spécialisation qui a ses failles. Osons dire que les dispositifs sont devenus si compliqués, si hermétiques que nous avons du mal à nous repérer : la bureaucratie nous menace, y compris de l’intérieur. Ce système a colonisé nos associations et pèse sur notre capacité à innover.

Nous réclamons une véritable autonomie de gestion . Nous avons non seulement intégré la contrainte budgétaire, mais nous savons désormais faire mieux avec moins. Si cette autonomie nous est réellement accordée, nous pourrons développer une logique gestionnaire au lieu d’appliquer une logique budgétaire infantilisante. Cela signifie concrètement décloisonner les financements. Nous voulons être de véritables délégataires de services publics avec des contrats d’objectifs et de moyens.

Il faut aussi décloisonner les dispositifs : • Préserver et renforcer un bon système d’observation local permettant de croiser toutes les

problématiques. Capitaliser les données pour faire évoluer regard et connaissance de ce secteur de plus en plus polymorphe et combattre ainsi les idées reçues et non avérées (du style l’effet « appel d’air ») ;

• Permettre des travaux de recherche-action-expérimentation qui devraient obligatoirement croiser les pratiques et savoirs pluridisciplinaires, mais aussi les différents acteurs du territoire (personnes accompagnées, professionnels, chercheurs, enseignants, étudiants, les politiques) ;

• Mettre l’accent sur les dispositifs de 1ère ligne pour favoriser dépistage et prévention (santé, santé psychique, ruptures ...) ;

• Favoriser l’articulation Métropole /Etat pour harmoniser observations et actions ; • Organiser un pacte avec les bailleurs pour une meilleure occupation des logements avec un

soutien social des associations. Prévenir les expulsions locatives ; • Développer une offre de logements modulables évolutive, de logements intergénérationnels.

Il faut aussi faire tomber les cloisons entre le mo nde associatif et le secteur privé : nous devons mieux réussir à salarier des personnes que nous hébergeons, ou héberger des personnes que nous salarions. Nous devons également soutenir le secteur de l’insertion par l’activité économique notamment à travers le pilotage inter administratif : Etat/Région/Métropole (exemple : village des solidarités). Nous devons aussi instaurer un partenariat avec les entreprises et secteur IAE. Le secteur associatif ne doit pas tout attendre des dispositifs publics. Pour conclure : Nous insistons sur la nécessité de conserver et de défendre la cohérence des politiques sociales qui sont très liées entre elles (exemple ASE PMI accueil jeunes enfants). Nous craignons en effet un émiettement des compétences qui accentue les inégalités. Instaurons la clause de transversalité au même titre que la clause sociale pour éviter la fragmentation du suivi social des personnes !

André Gachet

Merci pour votre intervention. Vous avez beaucoup parlé de la nécessité de décloisonner les dispositifs.

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Cela nous rappelle l’expérience de l’instance de coordination de la charte de l’habitat adapté qui existait au début des années 90 lors de la mise en place du premier PDALPD. L’intérêt de cette instance de coordination était de regrouper non seulement les financeurs mais aussi les acteurs de terrain. Cela permettait d’avoir aussi des regards sur l’usage futur, la fonction sociale et plus généralement la valeur ajoutée des projets. Je donne tout de suite la parole à Francis Comte et Philippe Mortel pour l’OVE.

B. Intervention de la Fondation Œuvres des Villages d'Enfants (OVE)

Intervention faite à deux voix par Francis Comte et Philippe Mortel.

La fondation se compose de 68 Etablissements Sociaux et Médico-Sociaux (ESMS), accueille 3000 personnes dans 5 régions en France, et emploie 1200 salariés. Il existe 3 ESMS sur la Métropole : un CAJ, un SAVS, un Foyer d'hébergement.

1. Le rapport entre les usagers et la Métropole

Insister sur l'accessibilité : au delà de l'accessibilité physique, prendre en compte les besoins, les attentes des personnes, favoriser l’accès à tout pour tous (exemple : facile à lire, facile à comprendre) ; Aide aux aidants pour toutes les personnes (170 000 aidants sur la Métropole) : prendre en compte ce qui est fait par ces personnes, leur fatigue, leur donner des moments de répit est essentiel, faciliter leurs démarches ; La question du droit de vote et de l’éligibilité de s personnes handicapées : imaginer une instance où des personnes en situation de handicap participent à des commissions qui concernent les grandes orientations de la Métropole, plus largement comment faire participer davantage les personnes à la vie de la Cité ; Parcours inclusifs : avant de penser « structures spécialisées » penser adaptation du milieu ordinaire de vie, de travail dans la Cité. La Métropole elle-même se pose-t-elle la question de l'emploi des personnes handicapées au sein de l’institution ?

2. Rôle du pilotage de la Métropole, adéquation Coû ts/Moyens

La mise en œuvre d'un schéma métropolitain en faveur des personnes handicapées est nécessaire. Cela serait l’occasion d'adapter et de repenser le schéma départemental. Il est également

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nécessaire à cette occasion de réaffirmer le rôle de pilote de la Métropole : à elle de définir ses priorités. On ne peut que conseiller d'identifier les zones blanches sur les territoires afin d’assurer une couverture territoriale effective. Nous pourrions aller en premier lieu vers des accueils généralistes qui seraient à la fois capables de donner un premier diagnostic mais aussi des réponses plus spécialisées par type de handicap. (Ex SAVS et personnes handicapées qui déménagent). Faire évoluer les réponses classiques pour expérime nter des réponses innovantes et adaptées : favoriser la mixité des populations, faire le lien avec le droit commun, prendre en compte le vieillissement de la population handicapée ; Coupler la logique de définition des besoins des pe rsonnes avec celles des prestations offertes et des coûts par type d'accompagnement : prestations génériques, prestations spécifiques, souplesse et réactivité des réponses.

André Gachet

Vous avez développé un point important pour nous : la notion de citoyenneté, qui renvoie à ce qu’on a déjà évoqué sur le sens d’une société inclusive, de la place des personnes. D’une manière générale dans notre pays, nous sommes toujours un petit peu en retard sur les questions de participation. On retient de votre intervention que c’est l’addition des acteurs et non l’empilement des mesures qui compte. On voit bien qu’il y a un fil rouge qui ressort des différentes interventions. Je donne tout de suite la parole à Jean Luc Loubet et Valérie Löchen.

C. Intervention l’Association de la région Rhône-Al pes des Infirmes Moteurs Cérébraux (ARIMC Rhône Alpes)

Interventions de Jean Luc Loubet, Président de l’ARIMC Rhône Alpes et de Valérie Löchen, directrice générale.

L’ARIMC est une association de parents créée en 1959 pour soutenir les familles de personnes présentant une infirmité motrice cérébrale (paralysie cérébrale). Au fil du temps, l’Association a créé des établissements et services pour les enfants puis pour les adultes. Elle accompagne aujourd’hui près de 800 personnes en situation de handicap à travers 26 établissements

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dans le Rhône et l’Ain. Elle est très présente dans le territoire de la M étropole avec 16 établissements et services pour enfants et adultes.

1. Le rapport entre l’usager et la Métropole

Les personnes en situation de handicap sont de tous âges, de toutes situations sociales et

familiales, avec des besoins aussi variés que leurs souhaits et leurs projets. Cette diversité devrait conduire, à travers la personnalisation des réponses, à des parcours eux aussi diversifiés, ajustés à chacun.

Deux questions centrales sont posées :

• Le manque de places et le nombre de personnes en attente constituent le frein central à la

fluidité des parcours en créant à la fois des situations d’inégalité et un risque de blocages des personnes sur les places existantes. A ce jour, 150 personnes sont inscrites sur la liste d’attente de l’ARIMC dont plus de la moitié originaire de la Métropole. La programmation des créations de places, notamment dans des dispositifs innovants centrés sur la fluidité des parcours est une attente forte des associations.

• Les dispositifs administratifs d’orientation des personnes et de financement des établissements et services contribuent à limiter la fluidité du dispositif d’accompagnement des personnes en situation de handicap. La logique gestionnaire reste centrale et contribue à des cloisonnements. Les accords partenariaux sont de ce point de vue une avancée importante qu’il faudrait continuer dans une logique de plus grande autonomie et responsabilisation des associations gestionnaires.

2. La prise en compte des publics dans le développe ment urbain

Une société inclusive à l’échelle de la Métropole s uppose de faire une place pour les

personnes en situation de handicap : • Qui souhaitent / qui peuvent vivre en autonomie, da ns leurs propres appartements • Qui souhaitent / qui peuvent vivre dans des habitat s groupés • Qui souhaitent / qui ont besoin de vivre en institu tion

Les problématiques actuelles : • La difficulté d’accès au logement et notamment à des logements adaptés. La grande majorité

des personnes handicapées ont des ressources faibles et entrent dans le champ du logement social. Le logement social est saturé et l’attente est longue, en particulier pour des personnes dont le handicap nécessite une réelle accessibilité de l’immeuble et du logement.

• La mixité des publics est au cœur de la question du vivre ensemble dont les personnes en situation de handicap font partie. Les logiques institutionnelles sont cloisonnées mais les

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expériences de mixité des publics pourraient être pilotées/favorisées ou soutenues par la Métropole.

• La fragilité de certaines personnes handicapées qui souhaitent vivre en autonomie et

l’avancée en âge conduit les associations à créer des habitats groupés : des appartements diffus ou groupés dans un même immeuble. De tels projets supposent le plus souvent une prise en compte du besoin en amont des grands projets de rénovation ou de construction et donc la volonté des autorités publiques de permettre à de tels projets de voir le jour. Les habitats groupés répondent en partie à la demande de désinstitutionalisation aujourd’hui fortement présente.

• Avec la mise en place d’appels à projet émanant de la Métropole et/ou de l’Agence Régionale de Santé pour la création d’établissements et services pour personnes en situation de handicap, la question foncière est devenue centrale. Ne pourrait-elle être réfléchie plus en amont dans les opérations urbaines, en termes d’équipement social, au même titre que les écoles ou les crèches. Comment éviter que les établissements pour les personnes en situation de handicap soient renvoyés aux marges de la Métropole ? Comment permettre à certaines de trouver leur place en cœur de ville ?

• Les restrictions budgétaires pourraient mettre un frein voire un coup d’arrêt à l’existence des petits foyers, de 10 à 20 personnes, réparties dans la Métropole. Ces petits foyers à taille humaine permettent une vie la plus ordinaire possible pour des personnes qui ne peuvent vivre en autonomie. Des restrictions budgétaires pourraient mettre un terme à cette vie en situation d’inclusion dans des recherches forcées « d’optimisation de gestion ».

• La question des transports est également importante. Les transports publics sont

majoritairement accessibles. Cette accessibilité pour tous n’est cependant pas suffisante pour des personnes présentant des handicaps lourds (heures de pointe…). Optibus apporte un service très important pour ces personnes mais bien insuffisant pour faire face aux besoins.

André Gachet

Merci pour votre intervention. Vous avez rappelé l’importance du décloisonnement du partenariat, question sur laquelle nous n’avons pas fini de débattre. J’aimerais insister sur le point qui apparaît en filigrane dans ce que vous avez dit sur, l’importance de connaître les besoins. Tout n’est pas figé. En s’appuyant sur le développement du droit commun ouvert a tous, on fait véritablement de la prévention. Concernant l’organisation aujourd’hui : bien sûr que la question financière est importante, elle entrainera des arbitrages ; et la question qui est posée, c’est la manière dont les arbitrages devront se faire ou pourront se faire, et sur quelle base. Vous insistez sur l’attention qui doit être portée à la pérennité des petits foyers comme lieux d’insertion dans la cité. L’échelle paraît parfois petite, mais derrière il y a des résultats qui méritent d’être évalués. La place des équipements médicaux sociaux est une question centrale à intégrer dans la programmation urbaine (PLH et plans

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départementaux, etc.). Est ce que parmi nos collègues élus il y en a qui souhaitent poser des questions, faire des remarques ?

IV. Discussion

A. Intervention de Renaud George, conseiller délégu é de la Métropole, Groupe Synergie

J’ai tellement de remarques, certaines qui vous plairont, d’autres moins, mais après tout on

est en groupe restreint, autant se dire les choses. Je suis Renaud George, maire d’une petite commune qui s’appelle Saint Germain au Mont d’Or, qui n’a de Mont d’Or que le nom puisque qu’avec 35 % de logement social, la situation des habitants n’est pas toujours simple et la situation financière de la commune n’est pas terrible non plus. Je suis également conseiller délégué à la Métropole, en charge entre autre, du Pacte de cohérence métropolitain. Par ailleurs, je suis ancien consultant stratégie en organisation auprès des collectivités. J’ai écrit un livre sur les collectivités face au vieillissement des populations et je suis également fondateur d’une entreprise créée en 2004 qui fait de l’aide à domicile auprès des personnes âgées. Tout d’abord je tiens à dire une chose : tout à l’heure quelqu’un a remercié la Métropole d’avoir organisé cet événement. Merci au GRAM d’avoir créé tout cela. Je pourrais même me montrer étonné finalement qu’un groupe politique prenne en charge le fait qu’on puisse faire ce genre de débat. C’est la Métropole qui devrait le faire. J’appelle de mes vœux que dans les mois, les années qui viennent on fasse beaucoup plus à l’initiative de la Métropole c’est à dire de tous, ce genre de réunion qui me parait extrêmement utile, et je pense qu’il y aura naturellement beaucoup plus de monde qui viendra. Merci au GRAM d’avoir initié ce mouvement-là. Monsieur Gardou, j’ai beaucoup aimé votre propos, beaucoup aimé votre maison, votre édifice, vos 5 piliers. J’en avais quand même certains à rajouter, ils me sont propres. Je crois qu’« exister » dans le regard des autres, oui, c’est extrêmement important. Réunifier les univers sociaux, une société équitable, qui conteste l’exclusivité de la norme, je ne cesse de le répéter à mes enfants quand ils veulent acheter un vêtement à la mode. Mais nous devons également encourager dans notre société les réussites, les réussites des meilleurs aussi. Je crois que c’est très important à dire parce qu’aujourd’hui il y a plein de gens qui peuvent figurer peut-être pas dans le public des personnes dites défavorisées mais qui réussissent. Je crois qu’il ne faut pas oublier aussi de leur dire que c’est bien, même s’ils ont pu avoir plus de facilités par le passé pour le faire. Parce que si on ne le fait pas, alors on crée une société à deux vitesses. Je pense que ce n’est surtout pas ce qu’il faut faire, sinon on crée des shiismes. Aujourd’hui je suis un peu heurté par le mot « différence ». Je crois que le mot différence est venu à la mode depuis 5, 6 ans, peut-être un peu plus. Maintenant on appelle tout « différence ». On n’ose plus dire un mot, on préfère dire « différence », comme ça on est sûr que globalement personne ne nous regardera avec un œil noir. Je trouve ça embêtant. On a le sentiment finalement que plus aucun repère aujourd’hui n’est acceptable, il faut faire attention à cela. Une société a besoin de repères et

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ce, dans tous les domaines. On ne peut pas tout justifier non plus, en disant « attention c’est une différence ». Et d’ailleurs madame tout à l’heure à propos du contrôle social vous disiez « il faut bien en parler ». Mais évidemment il faut en parler ! Il peut paraître assez peu naturel pour pas mal de gens de faire du contrôle dans l’action sociale alors que c’est évidemment nécessaire pour que chacun qui est autour de la table ne puisse soupçonner des dérives. Je trouve ça très bien que vous puissiez parler de ça, en plus de tout ce qu’a dit Monsieur Gardou. Réunifier les univers sociaux, oui, en n’aidant pas que les plus défavorisés. Je vais donner l’exemple de ma commune puisque je suis aux manettes depuis un an. Il n’y a pas longtemps j’organisais un voyage de ski, avec le même tarif pour tout le monde, négocié très bas parce que nous sommes de culture assez gestionnaire, entrepreneuriale, de sorte que les gens aillent dans une très grande station de ski, pour 14 euros (transport, forfait location de ski, etc., tout compris). Je me suis vu reprocher par certains de ne pas avoir fait de tarif social alors que le tarif pour tous était inférieur à ce qui se passait avant, lorsqu’il y avait un tarif social. Si j’ai fait cela, c’est pour que des gens qui aujourd’hui peut-être auraient eu les moyens de payer 20 euros ou 25 euros, payent les 14 et aient le sentiment que la politique sociale qu’on met en valeur est une politique sociale pour tous. Alors bien sûr en faisant ça, j’aurais pu mettre le tarif à 10 euros pour certains d’entre eux, pour des gens qui sont parmi les plus défavorisés, et peut-être certains m’auraient dit ça aurait été mieux, mais je ne crois pas. Parce que le fait de l’avoir mis à 14 euros, alors tout à coup il y a plein de gens, qui ne sont jamais dans la boucle de l’aide sociale qui se sont dits : « ah, il y a enfin une aide sociale à laquelle on a droit ». Je ne dis pas que c’est toujours possible, mais on le souhaite. Pareil pour les tarifications de restauration scolaire. Nous avons choisi de faire des coefficients familiaux dégressifs de tout en bas jusqu’à un QF de mille deux cent. Cela ne veut pas dire grand-chose peut-être pour vous qui êtes autour de la table mais c’est relativement élevé. Ca veut dire qu’il y a des gens qui sont dans une situation à peu près confortable (ce ne sont pas non plus les plus aisés), qui bénéficient quand même d’une petite aide de la collectivité pour la restauration scolaire. Je pense que c’est important. Dans les choses que vous dites, vous avez parlé de la charte à travers l’exemple de la charte de « Rhône + », lorsque vous dites qu’il faut rapprocher l’entreprise de l’association. Je suis évidemment complètement d’accord là-dessus : aller vers des modèles collaboratifs me semble indispensable. Quelqu’un a parlé également tout à l’heure d’aller vers des conventions d’objectifs et de moyens beaucoup plus systématisées. Je suis ravi de ce discours, parce que je crois que ça n’a pas toujours été le discours ambiant, le terme d’objectif n’a pas toujours été facile à accepter. Je crois que c’est vraiment là-dessus qu’il faut qu’on aille. Je me demande même s’il ne faut pas faire des conventions pluriannuelles, parce que quand on les fait de façon annuelle c’est compliqué pour les associations. Vous avez parlé de participation des citoyens, handicapés notamment, dans l’action sociale. Je suis très demandeur de ça, pour nourrir les élus avant qu’ils définissent, qu’ils votent les politiques qui doivent être mises en œuvre. Je mettrais cependant deux nuances : attention à ne pas alourdir le système en termes de temps, il faut quelque chose de très efficace. Il faut aussi que chacun accepte les règles du jeu. Écouter ça veut dire raisonner, débattre, échanger, mais le politique doit reprendre toute sa place et prendre des décisions qui ne seront pas nécessairement satisfaisantes pour tous. Pourquoi je vous dis ça ? Parce qu’aujourd’hui lorsque je prône le fait d’ouvrir large, on me dit : « attention, si tu commences à mettre beaucoup d’élus autour d’une table pour qu’ils s’expriment et bien derrière ils vont croire que c‘est bon, qu’à partir du moment où ils l’ont dit, il faut que ce soit fait ». Quand on fait une réunion, il faut être très clair sur la règle de départ. Il faut dire que tout le monde aura le droit de s’exprimer, on aura le droit de débattre et d’échanger, mais ensuite des décisions seront prises et sachez d’ores et déjà que vous ne serez pas satisfaits sur tous les points. Si on est conscient de ces règles-là je suis pour la participation citoyenne, je vote pour.

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Enfin et pour finir, je reviens sur la question des Maisons du Rhône. Je souhaiterais vous faire une demande. J’aimerais qu’il y ait un petit peu moins de confidentialité ou que la question du secret de la situation soit un minimum levée. J’ai fait face à pas mal de maires ces derniers mois et beaucoup m’ont dit que ce qui est insupportable avec l’action sociale, c’est qu’elle s’abrite sans arrêt derrière la confidentialité des informations alors que, particulièrement dans les petites communes, souvent le maire en sait trois fois plus que la maison du Rhône sur les différentes familles qui rencontrent des difficultés. Il fait face à des travailleurs sociaux, il y en a certains qui sont très arrangeants mais il y en a beaucoup qui s’abritent derrière le secret et cela devient parfaitement impossible de travailler ensemble. Je crois qu’il y a une douleur qu’il faut lever, qu’il faut traiter, parce que tout le monde est perdant dans cette histoire. Lorsque je demandais au département le nombre de personnes qui touchent l’aide aux personnes âgées dans ma commune, c’était très compliqué de savoir quelles sont celles en GIR 1, 2 3, 4. Or pour nous, c’est parfaitement indispensable pour mettre en œuvre des politiques. J’ai besoin de savoir comment évolue le nombre de personnes âgées dépendantes sur mon territoire, de savoir s’il y en a plus dans certains quartiers que dans d’autres, pour aménager des chemins piétonniers, pour savoir où je dois favoriser le développement des commerces de proximité, pour savoir si je dois développer les livraisons à domicile, etc. J’ai besoin de cette information, le politique a besoin de ce genre d’informations là. Je pense qu’on a intérêt à beaucoup se rapprocher pour pouvoir échanger là-dessus. J’en ai terminé, mais je suis intervenu autant qu’un intervenant, veuillez m’en excuser.

B. Intervention d’Inès de Lavernée, conseillère de la Métropole, Groupe Les Républicains

Je salue tout d’abord cette initiative. Je disais tout à l’heure en arrivant que les élus en avaient

bien besoin pour être en direct avec l’information. Très souvent on arrive et tout est prémâché, on nous présente des synthèses et on a juste à dire oui ou non. C’est nécessaire d’être en lien direct avec l’information. Je ferai une remarque sur le fait que vous avez choisi de traiter toute l’action sociale en une heure et demie, avec des choses que je trouve difficile de faire cohabiter : précarité, handicap, personnes âgées, etc. La précarité est un tellement gros domaine qu’on a l’impression que « handicap et personnes âgées » risquent de passer un petit peu après. Sur l’inclusion, la société inclusive, je trouve l’idée très intéressante. Je vais employer un lexique qui n’est pas de ma famille politique en utilisant la notion d’inclusion participative. L’inclusion ce n’est pas seulement quelques acteurs sociaux qui vont dire aux personnes en situation de précarité : « on doit vous accueillir ». Je pense que c’est un effort de tout le monde y compris de l’entreprise. Cela va être très important dans les années à venir, il n’y aura plus seulement l’action publique qui va devoir prendre en main la question sociale, parce que c’est vraiment une question majeure. Quand je dis ça je pense à deux choses. Je suis administratrice du centre Perrin que Monsieur Comte connaît bien. Le centre Adélaïde Perrin est un établissement qui accueille des personnes handicapées mentales et physiques, avec lequel mon établissement a fusionné en 2004 et qui est

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confronté à ce problème de savoir s’il y aura suffisamment de financement public pour les années à venir. On a commencé une démarche pour trouver du mécénat. Il faut que les entreprises soient parties prenantes, que toute la société civile soit partie prenante des champs du handicap, des personnes âgées et de la précarité. Certaines entreprises ont commandé des études sur de nouvelles pratiques permettant d’accueillir dans le monde du travail des personnes jusqu’alors estimées inadaptées ou inaptes. Un jour arrivera où il faudra employer ces personnes là par nécessité, pas seulement par charité. Il y a des entreprises qui réfléchissent à cette perspective. Je pense, pour résumer, qu’il faudrait faire bouger les acteurs, c’est à dire que tout le monde s’y mette pour renouveler les pratiques. Je prends notamment l’exemple de l’établissement dans lequel je suis : vous avez parlé de la question des passages entre les différents types de prise en charge. Je pense par exemple aux personnes handicapées qui doivent aller un jour ou l’autre dans une maison de retraite ou qui vont vers la dépendance. Dans notre association on a créé une notion de « parcours individuel », afin d’offrir aux personnes handicapées la possibilité de changer de structure dans le même établissement selon l’évolution de leur situation de vie. Dans cet établissement dont la présidente a une vision moderne, on ne va pas seulement prendre une personne handicapée, mais on va voir comment elle va évoluer, dans différentes directions. On peut ainsi renouveler les pratiques. Il n’y a pas que les établissements qui peuvent renouveler les pratiques, je pense à l’exemple de Monsieur Renaud Georges sur le voyage au ski. Je pense également à un exemple intéressant d’un maire qui a négocié une mutuelle santé pour ses administrés. Je pense qu’il faut vraiment changer les méthodes.

C. Nathalie Perrin Gilbert, Conseillère de la Métro pole, Groupe GRAM

Juste un petit élément de précision : on n’imagine pas traiter la question de l’action sociale en une heure et demie. J’entends complètement la remarque de Madame de Lavernée : c’est vrai que le champ de l’action sociale est très large. Mais l’idée ce matin était déjà de cibler un peu en réunissant autour de la table des associations en charge d’établissements d’accueil. On avait bien ciblé ces structures qui ont à travailler avec la Métropole dans le cadre de ses nouvelles compétences, car nous considérons qu’il y a là un nouveau partenariat à définir ensemble, et à contractualiser. Par contre, il est vrai que nous avons la volonté de faire dialoguer des champs qui sont parfois très sectorisés : précaires d’un côté, personnes âgées de l’autre, handicap mental encore d’un autre côté, etc… Ceci bien sûr sans qu’il y ait dans notre esprit de hiérarchisation dans les besoins, dans la vulnérabilité. Pour rebondir enfin sur ce qui vient d’être dit par les structures, je suis tout à fait d’accord avec le principe d’une contractualisation sur plusieurs années (trois ans ou cinq ans) afin de donner à la fois le cadre et la souplesse nécessaires aux structures pour qu’elles puissent déployer leur plan d’actions.

D. Corinne Iehl, conseillère de la Métropole, Group e EELV Bonjour à tout le monde. Je n’ai aucune compétence dans le domaine social. C’est un univers d’une telle complexité en termes de lexique, de langage, c’est vraiment une terre étrangère, même si je côtoie des personnes précaires très régulièrement. Ce sont des dispositifs et des institutions qui me sont étrangers. J’ai quand même une certaine philosophie de la société qui a été évoquée tout à l’heure et à laquelle j’adhère totalement.

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Au sein de notre groupe politique nous nous sommes pliés à un petit exercice. On a travaillé à plusieurs en concertation comme on le fait dans notre groupe politique avec des professionnels et d’autres élus du territoire de la Métropole. On s’est plié à un exercice qui était d’imaginer des maisons d’accueil de proximité dans les territoires. A quoi ressembleraient ces maisons de demain ?

Philippe Mortel Je voulais préciser par rapport aux deux remarques sur la pluriannualité des budgets que le code de l’action sociale et des familles encadre tout cela. Nous avons signé en 2009 un accord pluriannuel d’objectifs et de moyens qui prévoit un certain nombre d’objectifs sur 3 à 5 ans. Je voulais attirer votre attention sur le fait que rentrer dans une logique d’accords pluriannuels par la seule entrée financière, serait de notre point de vue une erreur. Cet outil là est au service d’objectifs qui sont définis, d’indicateurs de suivis. La question des orientations, des objectifs, et des indicateurs de suivis se pose en amont de la question financière. Tout cela est parfaitement encadré, il y a un dialogue de gestion avec les autorités de contrôle tous les ans ou deux ans, qui permet de réadapter les orientations.

Maryse Bastin

Pour répondre à Madame Iehl, on a essayé d’aborder cette question du local. On se rend bien compte qu’il faut arriver à créer quelque chose qui permet sur des territoires donnés, identifiés, de vérifier et de recenser les besoins. J’ai d’ailleurs beaucoup apprécié l’intervention de Madame Valérie Löchen : il y a une piste à creuser du côté du logement modulable, évolutif, qui permet à plusieurs publics de pouvoir vivre sur un secteur donné.

André Gachet Je voudrais vous remercier pour votre participation. L’objectif de l’audition du GRAM, c’est d’abord d’écouter pour ensuite pouvoir proposer. Nous sommes là pour alimenter en amont ce qui se fera ensuite dans le travail institutionnel. Le rôle des élus doit être très clair, comme vous l’avez rappelés. Merci à tous d’avoir été là, Charles Gardou je vous laisse la conclusion.

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V. Conclusion de la discussion Par Charles Gardou

Dans tout ce qu’on a dit ce matin, on s’accorde tous sur une chose. Dans une société humaine, la question fondamentale, c'est la fin. C'est, comme on le disait tout a l'heure, l'horizon vers lequel on veut cheminer. Peu à peu, on a confondu l'autonomie, l'individualisme et l'indépendance - qui est d’ailleurs complètement illusoire- au service d'une fin ou d’une société inclusive, sous entendue sans privilège, sans exclu. C’est ça notre horizon. On s'accorde tous là dessus.

Les citoyens comme ceux qui ont mandat de les représenter, doivent s'interroger sur les moyens au service de la fin et non sur les moyens au service des moyens . On voit bien que quelquefois ce qui nous menace, si on n’y prend pas garde, ce sont les seules logiques budgétaires et financières. Mais ce sont des moyens et non une fin en soi. Il y a peut-être une confusion entre des orientations, des stratégies, des objectifs, des indicateurs au service de la fin, la fin étant l'amélioration du bien-être de notre humanité commune. On a l'impression quelques fois que l'on en perd conscience, que finalement ce sont les moyens qui sont sans cesse affichés, et qu'on a oublié l’objectif final.

Alors on doit davantage les réinterroger. Parce qu’on est planté dans une culture qui est la nôtre que, vous et moi, on contribue à développer : une culture qui a ses traditions, ses habitudes, qui a ses conservatismes. Qu'est-ce qui la caractérise ? Tout ce qu'elle apporte, tout ce qu'elle a de beau. Toutes les cultures du monde sont dignes, sont belles, et la nôtre aussi. Il faut se dire qu’on a des caractéristiques dans une culture qui nous ont fait grandir et puis quelques fois qui nous diminuent.

On cloisonne, on sépare les pauvres et les riches, les handicapés et les non-handicapés, les sans-papiers et ceux qui en ont, les sans domiciles. Cette catégorisation, très cloisonnante, étiquette les sourds, les aveugles, les autistes. On ne voit plus leur visage. Vous l'avez dit tout à l'heure, je n’ai d’ailleurs jamais utilisé dans mon propos le mot « différence ». Je suis très hostile à ce mot. On dit « les différents » et « les conformes», mais on est tous un jeu de singularités.

Ce même cloisonnement agit pour l'action publique. L'idée qu'on a essayée de travailler ce matin, c'est de travailler le sol ensemble, parce que toutes les humanités sont plantées dans un même sol.

Le premier rapport mondial sur la question des fragilités liées au handicap, a été publié à New-York en juin 2012. Ce rapport dit que sur sept milliards d’individus (nous avons franchi cette barre en 2012), un milliard d'entre eux connaît ce type de fragilité !

Quand on parle de ces questions, il y en a qui disent « ce n’est pas mon problème ». C'est pourtant au cœur de l'humanité ! Un sur sept ! Chiffre auquel nous pouvons ajouter les familles, les fratries, les conjoints, conjointes, sans parler des questions spécifiques telles que le handicap ou la vieillesse. Mais la précarité, la fragilité, c'est une conditio n commune . C’est un universel des hommes. On voit bien, à partir de là, qu’il nous faut cesser de particulariser à l’extrême même si part là, on vise l’ajustement et on a raison. Mais en même temps on crée des insularités, on crée deux types d’humanité. Je l’ai dit tout à l’heure : les uns à l’endroit, les autres à l’envers.

Ban Ki-Moon l’a bien compris : quand il a convoqué une réunion à l’ONU, en disant : « notre monde, notre toute petite planète, peut-elle laisser sur le bord de la route un milliard de ses habitants » ? Parce que ce n’est pas qu’une question d’humanisme, elle ne peut pas le supporter sur le plan économique non plus. C’est ce qui s’est passé après la grande guerre, avec les gueules cassées.

Ce que vous avez fait ressortir, c’est qu’il faut réinterroger les normes à l’œuvre et les déconstruire . Il faut revoir la norme. Vous avez beaucoup insisté sur « croiser », qui est différent de « juxtaposer », « d’empiler ».

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Quand vous parlez, Monsieur, de votre fille, qui souffre d‘une paralysie cérébrale, vous donnez un visage. Faut-il attendre que les gens viennent comme vous l’avez fait avec tant de vérité et de sincérité, dire ce qu’ils vivent pour les comprendre ? On les éloigne en permanence, ils sont là et vous l’avez dit. Ce que je retiens, c’est l’idée de rapprocher les mondes . J’ai commencé et je finis par là, non pas pour valoriser cela, mais parce que je trouve que c’est central. On ne se rend pas compte, mais il y a des mondes qui ont dérivés. Il y a un continent, de ceux qui vont à peu près bien, (on ne va jamais tout à fait bien), et puis des îles qui dérivent, qui finissent par s’insulariser complètement.

Il y a deux humanités qui se constituent où nous sommes tous observateurs et tous complices en même temps. Je crois que cette opposition des mondes, on la retrouve aussi dans la représentation politique. Ces deux mondes finissent par se regarder comme des étrangers.

Ce que vous faites ce matin, je trouve ça exemplaire, bien que ça ne rassemble pas les foules. On n’y est pas habitué dans notre culture, on dit : « moi je t’ai élu, fais le boulot, et si tu ne fais pas bien le boulot, je serai là pour te le rappeler ».

Les problèmes d’autoreprésentation ne doivent pas être oubliés. On est en retard là-dessus : il est très difficile de faire comprendre aux français aujourd’hui qu’une personne atteinte de déficience mentale peut parler en son nom, qu’elle peut nous apporter quelque chose. Ils se disent : « ce n’est pas possible, on ne va pas perdre son temps avec quelqu’un qui est déficient mental » ! Quand j’ai créé les premiers cours sur le handicap à la faculté, j’ai entendu les gens me dire : « mais est-ce que tu ne te trompes pas, on n’est pas une association on est une université », parce que la question du handicap ne peut pas être une question de recherches et des savoirs.

Voilà la séparation des mondes ! Il existe un mouvement qui s’appelle « Nous aussi », où le président lui même est en situation de handicap, de déficience mentale. Ils ont fait un congrès ! Le savoir, c’est ce qui nous permet de prendre une décision. Il niche chez ceux qui vivent. Les parents, les personnes, les précaires.. Regardez le mouvement des universités populaires, c’est fondé là dessus. Nous n’arrivons pas à nous dire qu’on hiérarchise les endroits de la pensée : il y a des gens qui sont chargés de penser, de décider et les autres d’écouter et d’appliquer. Voilà, je trouve que ces interrogations se sont toutes posées ce matin.

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VI. Ouverture sur l'avenir Par André Gachet, conseiller de la Métropole, modérateur de l'audition.

Nous sommes habitué-e-s à voter délibérations après délibérations ce qui fait la politique métropolitaine. Bien que nous les regardions avec attention et que nous bénéficions de l'apport technique et informatif des Commissions thématiques, il ne faut pas exclure que certaines facettes des questions complexes nous échappent. Nul n'est tenu de tout savoir sur tout, mais nous sommes cependant, chacune et chacun, dans l'obligation de tenter d'en apprendre davantage.

Les questions liées à « l'humain » sont parmi les plus complexes car elles échappent à la rationalité ordinaire des exercices techniques ou comptables sur lesquels nous pouvons/avons des avis divergents, expressions de nos différentes conceptions de l'organisation et des politiques de la Métropole. Elles sont à la base de la cohésion sociale, elles déterminent le bien-être de nos concitoyens et viennent rétablir les équilibres que les exclusions entraînent. Parce qu'elles viennent se greffer sur les habitudes et usages antérieurs, nous avons la chance de pouvoir mettre un sens sur la base des valeurs que nous partageons.

Il est utile dans ce contexte de faire fonctionner les intelligences collectives. Cette première audition a permis d'en faire l'expérience à une petite échelle.

Nous avons pu prendre un peu de hauteur par l'intervention d'un universitaire lyonnais spécialiste des questions qui nous intéressent, pour ensuite entendre la parole d'acteurs de terrain dont l'activité s'inscrit dans les politiques de la Métropole. Cette double entrée manifeste la dimension universelle et complexe de la question de l'inclusion sociale, d'une part, et de l'autre combien la présence des associations dans leurs diversités vient donner corps à nos décisions et aux politiques que nous voulons voir mises en œuvre.

Il n'est pas question de revenir ici sur le contenu de cette matinée, cette note est là pour cela. Le Groupe de Recherches et d'Actions Métropolitaines ne veut pas organiser de débats au sein des auditions qu'il propose. Simplement donner aux membres de notre Assemblée Métropolitaine un moment de rencontre délivré des contingences liées aux travaux institutionnels et sans autre enjeu que de fournir un peu d'alimentation à nos réflexions. Écouter et entendre pour proposer et décider, après avoir fait ressortir les questions et les enjeux et, si possible, en rechercher la formulation la plus claire possible.

Nous poursuivrons ces initiatives par une nouvelle audition en septembre prochain sur la thématique de la « participation » au sens de « la parole des gens ». Il s’agit d’entendre la parole qui s’exprime hors du champ des concertations institutionnelles. De voir comment « la marge nourrit la norme et la transforme » selon la formule des acteurs du Groupe Signes.