Un marché porteur pour une filière fragile

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L’ESPACE ALPIN - Vendredi 9 février 2018 9 APICULTURE Dossier réalisé par Stéphanie Martin-Chaillan En France, la production de miel est de l’ordre de 15 000 tonnes. C’est la moitié de ce qui est consommé sur le marché national, les deux tiers res- tants étant des produits d’importa- tion. Un marché sur lequel il y a donc de la place pour une filière largement composée d’amateurs et de pluriac- tifs. Néanmoins, la filière apicole souf- fre depuis de nombreuses années de difficultés multiples qui rendent l’api- culture difficilement rentable. Une légion de difficultés P remière région française en nombre d’apiculteurs pro- fessionnels, la région Paca compte, selon l’ANSES environ 165 000 ruches exploitées par quelque 4 500 apiculteurs. Environ 300 d'entre eux possèdent de 150 à 300 ruches et près de 700 entre 70 et 150. Elle peut également compter sur la présence de près de 3 500 apiculteurs de loisir (moins de 70 ruches). L'apiculture provençale dynamique s'organise autour d'un syndicat professionnel, le SAPP, d'une Association de développement, l'ADAPI, de la Coopérative Proven- ce Miel, et du Centre de formation pour adultes de Hyères (CFPPA). On estime la production de miel en Provence-Alpes-Côte d'Azur autour de 2 000 tonnes par an - soit 8 % de la production nationale - dont plus de la moitié, en année nor- male, est le miel de lavande. La production nationale est pourtant loin de répondre à la demande. « Au niveau national, la production de miel est en chute libre. En 2017, on a produit 15 000 tonnes (à ce chif- fre, il faut retirer la quantité de miel exporté) pour une consommation de l’ordre de 45 000 tonnes », estime Jean-Louis Galdino, président de la Société l’Apiculture alpine, regrou- pant 400 adhérents sur l’ensemble de la région. 60 % de la distribution de miel est assurée en vente directe. Dans les Alpes-de-Haute-Provence, le GDS apicole compte 180 apicul- teurs pour environ 10 000 ruches déclarées. Dans les Hautes-Alpes, le GDS apicole dénombre 563 api- culteurs adhérents pour environ 15 000 ruches déclarées. Les chif- fres sont cependant à prendre avec prudence. Comme le souligne Jean-Paul Faucon, remplacé depuis peu à la présidence du GDS api- cole par Thierry Calvo (également président de l’association des api- culteurs amateurs Amapi 04), « cer- tains apiculteurs amateurs ne savent pas qu’il faut déclarer les ruches ». Ce qui n’est pas sans poser problème à une filière très fragilisée par un phénomène de surmortalité des abeilles aux causes multifacto- rielles. Si l’exposition aux produits chi- miques employés dans l’environ- nement est la plus médiatisée, il faut au moins aussi compter avec les ressources alimentaires, suscep- tibles de manquer notamment dans les secteurs géographiques où la monoculture est très pré- sente. « En ce qui concerne la morta- lité, on est ici moins dans une situa- tion d’urgence que dans des zones de monoculture comme la Beauce. Ici, l’agriculture est diversifiée et il y a des fleurs de montagne. Tout ceci constitue un atout », tempère Guy Trouilleux, directeur du GDS 05. D’où l’intérêt de collaborer avec les agriculteurs. « Les apiculteurs ont tout intérêt à se rapprocher des agri- culteurs sur les terrains desquels ils mettent des ruches. Il faut qu’il y ait des échanges sur les cultures, les pra- tiques, l’utilisation de l’espace. C’est déjà le cas, mais il faut qu’il y ait encore plus d’interactions entre api- culteurs et agriculteurs dans une logique gagnant-gagnant. Plus la collaboration sera interactive, mieux ce sera pour les abeilles et pour ceux qui utilisent l’espace agricole. Un pré de fauche qui est fauché avant la flo- raison, c’est une perte pour les api- culteurs, mais aussi pour la perpé- tuation de certaines variétés comme, par exemple, le sainfoin sauvage, qui se renouvelle d’année en année s’il n’est pas coupé avant la montée en graine. Et s’il n’y a plus de fleurs, le foin perd de sa qualité », estime Jean-Louis Galdino. Du varroa au frelon Parmi les causes de surmortalité des abeilles, les causes biolo- giques sont évidemment loin d’être anecdotiques. Toujours selon l’ANSES, on dénombre au- jourd’hui rien moins que 29 agents pathogènes et prédateurs de l’abeille (prédateurs, parasites, champignons, bactéries et virus). En première ligne : le varroa des- tructor, un acarien parasite qui fait des ravages dans les ruchers. « On ne peut pas écarter les effets de la pollution, mais la maîtrise microbienne et le nourrissement sont des facteurs importants de bonne santé des abeilles. Le pro- blème est réel. On voit chaque année apparaître des gens qui déci- dent de mettre deux ruches dans leur jardin, parfois avec l’idée d’agir pour sauver les abeilles. On ne s’im- provise pas apiculteur et je crois que les gens se laissent emporter par leur enthousiasme. Des colonies mal gérées, mal soignées vont influencer la présence du varroa sur l’ensemble de la zone », com- mente Guy Trouilleux. « Dans les cinq ans, il faudrait que l’on trouve un traitement contre le varroa, qui continue à poser pro- blème 35 ans après son arrivée en France. On arrive à l’affaiblir, à éviter qu’il vienne à bout de l’ensemble des colonies, mais il continue à faire des dégâts. Dans quelles proportions ? On ne le sait pas vraiment. Le pro- blème que rencontre la filière api- cole, d’une manière générale, est que l’on manque de fonds pour financer la recherche », déplore le président de la Société l’Apiculture alpine. St.M.C. Un marché porteur pour une filière fragile

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L’ESPACE ALPIN - Vendredi 9 février 2018 9

APICULTURE

Dossier réalisé par Stéphanie Martin-Chaillan

En France, la production de miel estde l’ordre de 15 000 tonnes. C’est lamoitié de ce qui est consommé sur lemarché national, les deux tiers res-

tants étant des produits d’importa-tion. Un marché sur lequel il y a doncde la place pour une filière largementcomposée d’amateurs et de pluriac-

tifs. Néanmoins, la filière apicole souf-fre depuis de nombreuses années dedifficultés multiples qui rendent l’api-culture difficilement rentable.

Une légion de difficultés

Première région française ennombre d’apiculteurs pro-fessionnels, la région Paca

compte, selon l’ANSES environ165 000 ruches exploitées parquelque 4 500 apiculteurs. Environ300 d'entre eux possèdent de 150à 300 ruches et près de 700 entre70 et 150. Elle peut égalementcompter sur la présence de près de 3 500 apiculteurs de loisir(moins de 70 ruches).L'apiculture provençale dynamiques'organise autour d'un syndicatprofessionnel, le SAPP, d'uneAssociation de développement,l'ADAPI, de la Coopérative Proven-ce Miel, et du Centre de formationpour adultes de Hyères (CFPPA).On estime la production de miel enProvence-Alpes-Côte d'Azur autourde 2 000 tonnes par an - soit 8 %de la production nationale - dontplus de la moitié, en année nor-male, est le miel de lavande. Laproduction nationale est pourtantloin de répondre à la demande.« Au niveau national, la productionde miel est en chute libre. En 2017,

on a produit 15 000 tonnes (à ce chif-fre, il faut retirer la quantité de mielexporté) pour une consommation del’ordre de 45 000 tonnes », estimeJean-Louis Galdino, président de laSociété l’Apiculture alpine, regrou-pant 400 adhérents sur l’ensemblede la région. 60 % de la distributionde miel est assurée en ventedirecte. Dans les Alpes-de-Haute-Provence,le GDS apicole compte 180 apicul-teurs pour environ 10 000 ruchesdéclarées. Dans les Hautes-Alpes,le GDS apicole dénombre 563 api-culteurs adhérents pour environ15 000 ruches déclarées. Les chif-fres sont cependant à prendre avecprudence. Comme le souligneJean-Paul Faucon, remplacé depuispeu à la présidence du GDS api-cole par Thierry Calvo (égalementprésident de l’association des api-culteurs amateurs Amapi 04), « cer-tains apiculteurs amateurs ne saventpas qu’il faut déclarer les ruches ». Cequi n’est pas sans poser problèmeà une Alière très fragilisée par unphénomène de surmortalité des

abeilles aux causes multifacto-rielles. Si l’exposition aux produits chi-miques employés dans l’environ-nement est la plus médiatisée, ilfaut au moins aussi compter avecles ressources alimentaires, suscep-tibles de manquer notammentdans les secteurs géographiquesoù la monoculture est très pré-sente. « En ce qui concerne la morta-lité, on est ici moins dans une situa-tion d’urgence que dans des zonesde monoculture comme la Beauce.Ici, l’agriculture est diversi-ée et il y ades /eurs de montagne. Tout ceciconstitue un atout », tempère GuyTrouilleux, directeur du GDS 05. D’où l’intérêt de collaborer avec lesagriculteurs. « Les apiculteurs onttout intérêt à se rapprocher des agri-culteurs sur les terrains desquels ilsmettent des ruches. Il faut qu’il y aitdes échanges sur les cultures, les pra-tiques, l’utilisation de l’espace. C’estdéjà le cas, mais il faut qu’il y aitencore plus d’interactions entre api-culteurs et agriculteurs dans unelogique gagnant-gagnant. Plus la

collaboration sera interactive, mieuxce sera pour les abeilles et pour ceuxqui utilisent l’espace agricole. Un préde fauche qui est fauché avant la /o-raison, c’est une perte pour les api-culteurs, mais aussi pour la perpé-tuation de certaines variétés comme,par exemple, le sainfoin sauvage, quise renouvelle d’année en année s’iln’est pas coupé avant la montée engraine. Et s’il n’y a plus de /eurs, lefoin perd de sa qualité », estimeJean-Louis Galdino.

Du varroa au frelonParmi les causes de surmortalitédes abeilles, les causes biolo-giques sont évidemment loind’être anecdotiques. Toujoursselon l’ANSES, on dénombre au-jourd’hui rien moins que 29 agentspathogènes et prédateurs del’abeille (prédateurs, parasites,champignons, bactéries et virus).En première ligne : le varroa des-tructor, un acarien parasite qui faitdes ravages dans les ruchers.« On ne peut pas écarter les e8etsde la pollution, mais la maîtrise

microbienne et le nourrissementsont des facteurs importants debonne santé des abeilles. Le pro-blème est réel. On voit chaqueannée apparaître des gens qui déci-dent de mettre deux ruches dansleur jardin, parfois avec l’idée d’agirpour sauver les abeilles. On ne s’im-provise pas apiculteur et je crois que les gens se laissent emporterpar leur enthousiasme. Des coloniesmal gérées, mal soignées vontin/uencer la présence du varroa sur l’ensemble de la zone », com-mente Guy Trouilleux. « Dans les cinq ans, il faudrait quel’on trouve un traitement contre levarroa, qui continue à poser pro-blème 35 ans après son arrivée enFrance. On arrive à l’a8aiblir, à éviterqu’il vienne à bout de l’ensemble descolonies, mais il continue à faire desdégâts. Dans quelles proportions ?On ne le sait pas vraiment. Le pro-blème que rencontre la -lière api-cole, d’une manière générale, est quel’on manque de fonds pour -nancerla recherche », déplore le présidentde la Société l’Apiculture alpine.

St.M.C.

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Vendredi 9 février 2018 - L’ESPACE ALPIN10

DOSSIER APICULTURE

En tout état de cause, rappelle GuyTrouilleux, « il y a un traitement et ilfaut que les apiculteurs l’appliquent.Mais il y en a toujours qui estimentqu’il n’est pas nécessaire de traiter.Pour l’instant, on ne peut pas l’éradi-quer, mais il faut continuer à traiterde façon à ce que les populations devarroas restent inférieures au seuilqui mettrait en danger les popula-tions d’abeilles ». Le GDS 05 entendd’ailleurs faire son possible pourendiguer le problème. « Au prin-temps 2017, on a fait des visites desruchers. Jusqu’en 2015, c’était l’Etatqui avait un corps de visite avec laDCSPP, mais l’Etat a décidé de se désengager de ce plan de surveil-lance. Tous les ans, on va essayerd’e0ectuer des visites dans 25 % desexploitations a3n de véri3er l’appli-cation du traitement contre la var-roase et donner des conseils person-nalisés à l’apiculteur », souligne ledirecteur.Moins problématique sur nosdépartements, le frelon asiatiqueest néanmoins surveillé de très près.Déjà présent dans les Alpes-de-Haute-Provence, plusieurs spéci-mens avaient été retrouvésen 2016à Châteauneuf-du-Chabre, dans lesHautes-Alpes. En 2017, aucun dégâtimputable au frelon asiatique n’aété à déplorer. Pour autant, il a étérepéré à Veynes. « Un frelon capturé

sur le marché de Veynes a étécon3rmé frelon asiatique par lemuséum d’histoire naturelle. Par ail-leurs, un nid a également été dépistéà Veynes. L’hypothèse est que le frelontrouvé sur le marché avait pu provenirde ce nid-là. Pour l’instant, on restevigilants », indique Guy Trouilleux.

Des conditionsclimatiquesdéfavorablesSur nos départements alpins, lesconditions climatiques subies parles abeilles au cours des deux der-nières années n’ont pas arrangé leschoses. « Au niveau national, onannonce des chi0res de l’ordre de30 %. Dans les Hautes-Alpes, ontable sur un taux de mortalité de 10à 15 %. Il y a quinze ans, on était à 5-10 % », note Jean-Louis Galdino. « Il n’y a pas eu de ;eurs à l’automne,ce qui a ralenti voire interrompu laponte et contraint les apiculteursd’hiverner avec des populations plusfaibles. C’est conjoncturel, mais çaaura un coût. D’où la nécessité pourceux qui débutent de bien se formerou de se faire accompagner par desapiculteurs plus aguerris. Aujour-d’hui, l’apiculture est un métier àpart entière ». Dans cette dynamique de forma-tion, le Syndicat apicole desHautes-Alpes, par exemple, orga-

nise des déplacements à l’occasionde journées techniques proposéespar des instituts spécialisés,comme l’ADAPI, ou l’unité abeillede l’INRA. « Cela nous permet denous tenir informés sur l’actualité dela recherche », explique PatrickChallet, vice-président du syndicat.Pour sa part, la Société l’Apiculturealpine a créé il y a 20 ans desruchers-école. « Quand on a décidéde créer ce rucher-école, c’est parcequ’on avait des retours d’apiculteursqui perdaient leurs colonies au boutde deux ans. Les erreurs résultentsouvent du fait que l’observationn’est pas su?samment pointue. Si onne met pas la hausse sur la ruche aumoment où il faut, si on n’apportepas un complément sucré quand lanourriture n’est pas su?sante et si on ne fait d’observations réguliè-res des ruches, alors on risque de per-dre ses ruches », explique Jean-Louis Galdino.Aujourd’hui, deux ruchers-écolesont installés à Gap : le rucher deClaude Sarrazin Gap-Charance quiest dédié à la production, et lerucher de Saint-Jean, installé enpartenariat avec le lycée agricoledes Eméyères et la Chambre d’agri-culture, et dédié à l’apprentis-sage pratique et théorique de laconduite de ruches. Il y a 17 forma-teurs pour 80 heures de formationégalement réparties entre théorieet pratique. « Au terme des 80 heu-res, les stagiaires sont en mesure deconduire un rucher d’une dizaine decolonies. En 2017, entre 30 et 40 ins-crits ont suivi une bonne moitié descours. Aujourd’hui, nous sommessatisfaits du fonctionnement ».

Deux ruchers-école sont installés à Gap : le rucher de Claude Sarrazin Gap-Charance et le rucher de Saint-Jean, installé en partenariat avec le lycée agricole des Eméyères et la Chambre d’agriculture 05.

Les apiculteurs assurent 60 % de la distribution du miel en vente directe.

2017 : une année médiocre

On ne peut pas dire que l’année 2017 aura été une grande année pour l’apiculturealpine. « De Tallard à Chorges, la récolte a été correcte, mais au sud, c’était trop sec etau nord, le printemps humide et froid associé à un été sec a été préjudiciable », détailleJean-Louis Galdino. « La récolte de lavande a été faible sur le plateau d’Albion, moyennesur le plateau de Valensole ». Sur l’acacia, qui a besoin d’humidité et de chaleur, la ré-colte a été faible voire nulle. Petite récolte aussi sur le thym et le romarin, mais glo-balement bonne sur le châtaigner. Sur le miel de montagne, la récolte a été moyenneau sud, faible au nord.Dans le Briançonnais, enfin, « les apiculteurs ont été confrontés à des problèmes plusmarqués de manne sur les mélèzes. C’est très attractif pour les abeilles mais le mélézitose(sucre contenu dans les épines) cristallise dans les cadres et durcit le miel qui encontient ». Chez certains apiculteurs, la récolte a été réduite à 10 %.

L’ultrafiltration : un dangerpour le miel de nos terroirsA l’instar d’autres syndicats, leSyndicat apicole des Hautes-Alpesest en train de se mobiliser.Pourquoi ? Pour faire valoir les spé-ci>cités du terroir français contre latentation de normalisation dumiel, notamment face auxméthodes de production de cer-tains pays comme les Etats-Unis oule Canada, qui pratiquent l’ultra>l-tration. « Cette ultra3ltration a poure0et que l’on ne retrouve aucun pol-len. Donc, on ne peut pas dire quelleen est la provenance. Or, nous, nouspratiquons une extraction à froid quinous permet d’obtenir des mielsd’acacia, de lavande, de châtaignier,toutes ;eurs. La présence de pollenpermet, à l’analyse de nos miels, d’enconnaître la provenance… Ce quifait la spéci3cité de nos terroirs, c’estde proposer di0érents miels. Le mielde nos montagnes, composé de;eurs de sainfoin, de trè;e, deluzerne, entre autres, n’aura pas lemême goût que le miel de châtai-gnier que l’on trouve en Ardèche, parexemple », explique Patrick Challet,vice-président du Syndicat apicoleet apiculteur professionnel installédans le Champsaur. « La mise en œuvre d’une réglemen-tation imposant des procédés

comme l’ultra3ltration pourraitcompromettre la commercialisa-tion. Pour l’instant, il n’y a pas denorme particulière. Mon miel d’aca-cia, du fait de la sécheresse, est unpeu plus coloré que les autresannées parce qu’il y a d’autres nec-tars dedans. Si une norme nousimpose que le miel d’acacia soittranslucide, je ne pourrai pas appo-ser l’indication « miel d’acacia ». Etplusieurs pays poussent dans cesens-là : les pays anglo-saxons, laChine… ». « Nous espérons faireentendre que cette démarche denormalisation du miel ne nousconvient pas. Ce serait l’industriali-sation de l’apiculture. Sans compterque l’obligation de se doter dematériel supplémentaire pour l’ul-tra3ltration représenterait un coûtsupplémentaire qui pourrait pénali-ser des petites entreprises ou desjeunes qui veulent s’installer ». Lacréation d’IGP dans les secteursoù il n’y en a pas encore seraitpeut-être une solution pour pro-téger les miels locaux et éviterque le marché soit envahi par unmiel sans pollen. Sans compterque celui-ci pourrait bien favoriserla commercialisation de miel à…rien du tout.

FOCUS

PORTRAIT

Sylvain Blanc est apiculteur professionnel à Aiglun, en Pays dignois.

« On ne peut pas commencerl’apiculture sans connaissance »

Sylvain Blanc est apiculteurprofessionnel depuis douzeans. Installé à Aiglun, en Pays

dignois, il a baigné dans l’apicultureà peu près toute sa vie. « J’ai tou-jours eu une dizaine de ruches, parpassion », reconnaît-il. Après uneinterruption, un concours de cir-constances l’amène à se replongerdans l’apiculture il y a 25 ans. « Unami qui avait des lavandes àPuimichel m’a proposé de m’y remet-tre. C’est ce que j’ai fait. On a rapide-ment dépassé le nombre de 50 ru-ches chacun et on est tous les deuxpassés pluriactifs ». Il crée alors sonentreprise en 1996. Une petiteentreprise à laquelle il donne lenom de ses deux enfants et quidevient donc « les Ruchers de Naïs etMathis ». Autodidacte, il a notam-ment appris son métier auprès, dit-il, des « anciens », prodigues enbons conseils… et par la pratique.« On ne peut pas commencer l’apicul-ture sans connaissance ». En 2008, il devient apiculteur pro-fessionnel avec un cheptel de 300 ruches, en dépit des diHcultésdu métier. « L’apiculture renvoie sou-vent l’image d'une activité agricolequi ne va pas générer su?sammentde ressources pour en vivre, mais avecdu travail, on arrive à faire tournerune exploitation », estime l’apicul-teur, qui produit en moyenne 14 à15 kg de miel par ruche lorsque lesannées sont bonnes. Ce qui n’estpas le cas depuis deux ans. « Les ren-dements depuis 2016 ont été divisés

par deux », souligne Sylvain Blanc,qui ne s’était jamais fait d’illusion surla question, même si, précise-t-il, lemanque-à-gagner a été pour partiecompensé par le fait que les coursdu miel se sont un peu envolés.« Dans ce métier, il faut être un peugestionnaire. Je savais qu’il y aurait demauvaises années parce que j’avaisvu les anciens passer de mauvaisesannées. C’était acquis. Et ça fait 10 ansque je fais attention parce que je saisque je peux passer, moi aussi, demauvaises années… » Son miel estvendu à 70 % sur le marché dudemi-gros et le reste est écoulé envente directe. Une production quiprésente l’atout non négligeabled’être certi>é « IGP Miel de Pro-

vence » pour le miel toutes Keurs, et« IGP-Label rouge Miel de lavandede Provence » pour son miel delavande. « Je me suis inscrit danscette démarche parce que cela mepermet d’être transparent sur ma pro-duction. Tout ce qui rentre ici est pré-levé, analysé et certi3é par l’intermé-diaire de l'ADAPI », explique l’api-culteur.En ce moment, son cheptel, exclusi-vement composés d’abeilles noiresest pour un tiers dans les Alpes-de-Haute-Provence, et pour deux tiersdans le Var. « Cela me permet dedémarrer la production plus tôtpuisque, dans le Var, la saison com-mence début mars ». Fin avril, aprèsun travail de reconstitution ducheptel via la création d’essaimsarti>ciels, celles-ci reviennent dansle 04 et les jeunes ruches partentdans la vallée de la Blanche. « Celapermet aux jeunes reines de se déve-lopper ». Les autres assurent notam-ment la pollinisation des arbres frui-tiers. Mi-juin, les ruches sont mobi-lisées pour la miellée de lavande.« De 3n juillet à 3n août, j’assure l’ex-traction du miel et 3n septembre, unefois que tout a été extrait, nettoyé etrangé, les deux tiers du rucher repar-tent dans le Var ». Commence alorsle travail de remise en état du maté-riel. « Tout est nettoyé et aseptisé.C’est un gros travail, mais ce seraitune faute professionnelle de ne pas lefaire et je peux vous assurer que jen’ai jamais eu de problème sanitairesur mon cheptel ».

St.M.C.

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L’ESPACE ALPIN - Vendredi 9 février 2018 11

APICULTURE DOSSIER

St.M.C.

L’Espace Alpin : Lorsqu’on sou-haite s’installer en apiculture,quelles sont les di�cultés quirendent si di�cile de vivre cetteactivité ? Jean-Paul Faucon : Le principalproblème, c’est de faire du miel.C’est un peu di�érent des autresélevages, dans le sens où, si vousfaites vivre des vaches, par exem-ple, vous avez un résultat avec, parexemple de la viande à l’arrivée.Tandis que là, vous développezvotre colonie toute l’année, vousarrivez à un nombre maximald’abeilles au moment supposé dela sécrétion de nectar par les $eurset s’il n’y a pas de sécrétion, votreannée est perdue. Pourtant, vousavez fait ce qu’il faut pour réussirvotre année apicole. D’une part, il y a donc la partierevenant à l’apiculteur, qui doit toutfaire pour arriver à une grandepopulation d’abeilles au momentdes miellées supposées, et d’autrepart il faut que les $eurs veuillentbien sécréter du nectar. Là, vousêtes à la merci de la sécheresse,d’un coup de vent, ou d’autres pro-blèmes in$uençant les sécrétionsnectarifères… Des problèmes quel’on ne maîtrise pas ! Certainesannées, les $eurs ne donnent pasde nectar.

Et il y a une raison à cela ?C’est quelque chose d’extrême-ment variable. Moi, je suis d’unefamille d’apiculteurs. Mon pèreétait apiculteur professionnel dansles Alpes-de-Haute-Provence.Certaines années il faisait desrécoltes superbes et d’autres, il nefaisait rien. Mais on ne sait pasexactement pourquoi… C’est cequ’il s’est passé pour le tournesol.Le tournesol donnait beaucoupdans d’autres régions de France.Les apiculteurs faisaient de trèsbelles récoltes et, petit à petit, lesrendements ont diminué. Alors,chacun, en fonction de sa philoso-phie de vie, y va de son explication :l’environnement, les pesticides, lesmaladies… sans pour autant suivredes données scienti3ques 3ables.

Qu’est-ce que cela signi#e ? Quenous n’en sommes qu’au stadedes hypothèses ?Non, l’Etat béné3cie, en fonction dunombre de ruches déclarées enFrance, de subventions euro-péennes. Ces subventions sontattribuées pour partie à des actionsdirectes pour les apiculteurs, etpour partie à la recherche scienti-3que, pour 3nancer certains pro-grammes, que ce soit des pro-grammes de l’INRA, de l’ANSES,d’universités sur des sujets précis.Seulement, ces sujets doivent êtrevalidés par la profession en fonc-tion de ses idées… Donc, obligatoi-rement, les choses sont orientées.Ces dernières années, tout a été axésur le problème des pesticides. Cequi n’est pas faux ! Mais il est certainqu’il y a autre chose à étudier.

Cela veut dire quoi ? Que la polé-mique autour des néonicoti-noïdes est en(ée ?Complètement. Oui pour moi, leproblème est en$é.

Qu’est-ce qui vous donne cetteassurance ?D’autres apiculteurs vous diront quele souci n’est pas que là. Les néoni-cotinoïdes ont été plus ou moinssupprimés ces dernières années etles problèmes restent. Cette année,il va y avoir, on peut le penser, despertes de ruches importantes danscertains coins du département enraison des conditions météorolo-giques défavorables en 3n d’été et àl’automne. Dans ce problème depesticides et de néonicotinoïdes, iln’y a pas de preuve absolue, contrai-rement à ce que l’on dit. Quand j’étais en activité, j’ai été res-ponsable de l’Unité de recherche surles maladies des abeilles à l’ANSESde Sophia-Antipolis. Des expérimen-tations ont été faites, on n’a pas pupublier les résultats bruts. Pendantun an, une enquête payée par leministère de l’Agriculture et l’Europea été diligentée pour démontrer queles pesticides jouaient un rôle dansles mortalités d’abeilles et, au 3nal,rien n’a été prouvé. On a trouvé qu’ily avait des problèmes de maladies,mais le problème des pesticides n’apas été démontré. On a pu cepen-dant dire : « certaines matrices api-coles et, surtout, le pollen stockédans la ruche (pain d’abeille),contiennent des traces de pes-ticides ». C’est logique car le pollendes $eurs est exposé à l’air donc auxpossibles pollutions. Ces traces nepouvaient expliquer les mortalités,mais il n’a été retenu par les défen-seurs de l’environnement que le faitqu’il y avait des traces. Des essais ontprouvé qu’e�ectivement les abeillesse comportaient moins bien, ce quisemble évident : des pesticides dansl’alimentation des abeilles, ce ne vaquand même pas leur faire dubien… Les seules études scienti3ques quisont à charge montrent qu’il y auraitune perte d’orientation des abeillesqui retournent moins bien à laruche. Mais il est toujours très diC-cile de passer d’une expérimenta-tion de laboratoire à la réalité du ter-rain dans la mesure où on ne saitpas si les doses qui ont été mises surles abeilles équivalent aux dosesque l’on retrouve dans l’environne-ment.

Dès lors, pourquoi avoir focalisélà-dessus ?C’est diCcile à dire… Mais c’estfacile pour un apiculteur qui a desdiCcultés d’en attribuer la respon-sabilité à la pollution de l’environne-ment. Pendant plus de vingt ans, j’aiété en prise directe avec toutes cesproblématiques et, e�ectivement,on n’a jamais vraiment réussi àprouver que les pesticides avaientun rôle majeur dans les problèmesde mortalité d’abeilles. Attention, jene parle pas des intoxications mas-sives ! Il faut bien dissocier leschoses ! Si vous arrivez dans votrerucher et qu’il y a une forte morta-lité sur toutes les ruches, les ana-lyses vont sans doute mettre en évi-dence des produits toxiques. Alorslà oui, il est possible de dire quel’agriculteur a fait une erreur, qu’il atraité à un mauvais moment… Celaarrive de moins en moins parce lesagriculteurs sont de plus en pluspointus et sont quand même extrê-

mement prudents. Ce dont onparle, c’est de l’e�et limite de rési-dus, des traces… Comme les tracesd’un seul produit ne peuvent pastout expliquer, on dit : « ce sont lesmélanges ». La problématique pos-sible des synergies apparaît. Desétudes sont en cours sur ce sujet. Ilfaut savoir que ces synergies peu-vent apparaître entre produits maisaussi entre produits et agentspathogènes apicoles. Il est vrai quedans les pelotes de pollen, qui sontle principal vecteur des pesticides,vous y trouvez de nombreux pro-duits di�érents. Ils sont présents àdes doses in3nitésimales alors,théoriquement, il ne devrait y avoiraucun problème, mais une partiedes scienti3ques envisage que l’ef-fet de synergie entre les produitspuisse jouer un rôle. Le débat estouvert.

D’après vous, quelles seraient lescauses les plus probables de lasurmortalité des abeilles ?Les causes les plus probables sontles conditions météorologiques, quijouent sur l’alimentation de l’abeille,et les maladies, particulièrement levarroa, qui n’est pas toujours traitéde façon optimale. Le varroa est dû à un déplacementde niche écologique puisque ceparasite se développait en Asie. Ilest arrivé sur notre abeille quin’avait aucun moyen de se défen-dre. Donc, obligatoirement il fautaider notre abeille à subsister. Etpour l’aider eCcacement, on nepossède que des traitements chi-miques encore suCsamment per-formants. Une partie des apicul-teurs qui font de « l’apiculture bio »utilisent des techniques particu-lières pour limiter le nombre de var-roas ou bien utilisent des produitsmoins eCcaces, genre thymol,huiles essentielles… Ce type d’api-culture est très diCcile et demandeénormément de temps, énormé-ment de travail pour un résultat quiest loin d’être optimal et qui est par-fois décevant.On a toujours pensé que l’apicul-ture consistait à avoir une ruche, àmettre une hausse dessus et à reve-nir quelques mois après pour laramasser pleine de miel. Ce n’estplus le cas. A l’heure actuelle, il fautêtre extrêmement pointu, pratiquerune apiculture de haute technicitépour récolter du miel.

Mais peut-on vraiment imputerles e-ondrements de colonies àdes causes météorologiques ?Oui les e�ondrements peuvent êtredus à ces choses-là. La diCculté,c’est qu’il n’y a pas deux années quise ressemblent. Prenons par exem-ple le cas très particulier de 2017-2018 : en 2017, on a eu une récoltede lavandin à peu près correcte sui-vant les secteurs. Normalement, aucours de l’été, vous avez unepériode de pluie, des orages. Denombreuses $eurs à pollen se déve-loppent alors. Ces $eurs à pollenpermettent aux abeilles, à partir dejuillet, de constituer une populationde jeunes abeilles. Vous rentrezalors en hivernage avec des abeillesqui sont nées entre septembre etnovembre. Cette année, comme iln’y a eu aucune $eur à pollen, onest rentré en hivernage avec desabeilles du mois de juillet. Pour cesabeilles, il est extrêmement diCcilede vivre jusqu’en avril. Il va donc yavoir des pertes de ruches consé-quentes. On est complètement liésaux conditions météo. Sur Riez parexemple, en 2017 il est tombé 41 %d’eau en moins par rapport à 2016.Ensuite, il y a le problème du varroa.Le Groupement de défense sani-taire apicole (GDSA) a fait des for-mations. Il a été expliqué qu’il fallaitrentrer en hivernage avec des colo-nies d’abeilles sans varroa. En e�etsi au phénomène climatique quiconduit à des carences alimentairespar manque de pollen, vous ajoutezle fait que le parasite pompe l’hé-molymphe de l’abeille, les abeillesont encore plus de mal à tenirjusqu’au mois d’avril, et vous vousretrouvez avec des taux de morta-lité en hausse. Il y a des traitementsmédicamenteux qui sont reconnuseCcaces, qui ont reçu une autorisa-tion de mise sur le marché : il fautles utiliser. Après, on en arrive aux traitements !La réglementation, en ce quiconcerne les médicaments vétéri-naires, est quelque chose de déli-rant au point de vue de sa mise enapplication.

C’est-à-dire ?Si vous allez chez votre vétérinairea3n de vous faire prescrire unmédicament pour traiter le varroa,il doit théoriquement visiter vosruches. Ce qui est déjà anormalpuisque le varroa, dans la mesure

où il est présent en permanence etqu’il ne peut être éradiqué, néces-site obligatoirement un traitement.Que le vétérinaire visite ou pas,cela ne change rien au fait quel’apiculteur doit traiter en septem-bre ou en octobre. Quoi qu’il ensoit, l’apiculteur va devoir payer laconsultation du vétérinaire, sondéplacement, acheter très cher desmédicaments en pharmacie. Lapersonne qui n’a que quelquesruches, que voulez-vous, elle vapréférer se débrouiller toute seuledans son coin…Pour pallier ces inconvénients, desplans sanitaires d’élevage (PSE)sont mis en place. C’est une déro-gation du ministère permettantaux GDSA agréés de délivrer lesmédicaments à condition qu’ilsaient un vétérinaire conseil. Pourobtenir ce PSE, il est nécessaire deconstruire un dossier, qui sera vala-ble cinq ans à partir du moment oùil aura été accepté par l’administra-tion. Mais pour construire ce dos-sier et qu’il soit accepté, je ne vousdis pas la bureaucratie que çareprésente pour des structures degroupement sanitaire apicole quisont conduites, rappelons-le, pardes bénévoles ! Le temps qu’on ypasse est faramineux. De nom-breuses contraintes font qu’il estextrêmement diCcile d’avoir cesPSE. Je ne suis plus président duGDS apicole, j’ai donné ma démis-sion à la 3n de l’année parce que,justement, les choses deviennenttrop compliquées, on n’y arriveplus. Je veux bien donner montemps à l’administration apicole,mais trop c’est trop. Où en est-onde la simpli3cation administrative ?Pourquoi le terrain et ses diCcultésne sont-ils pas plus écoutés ?

Et comment se justi#e cette folieadministrative ?Pour partie par le fait que les asso-ciations et les ONG sont à l’a�ût desrésidus, et qu’en conséquence l’ad-ministration ouvre un grand para-pluie, que l’Europe veut absolumentêtre irréprochable sur la gestion desmédicaments vétérinaires pour pré-venir toute anomalie. L’apiculture est un métier très, trèsdur. On s’oriente de plus en plusvers de petits apiculteurs amateursou pluriactifs. Il reste encore toutune frange d’apiculteurs profession-nels qui veulent vivre de leur métier,qui font leur travail du mieux qu’ilspeuvent en fonction des conditionsqui leur sont proposées et impo-sées. Mais il y a aussi un grand nom-bre d’apiculteurs non déclarés, quiignorent qu’il est obligatoire dedéclarer ses ruches, qui font leurspetites a�aires, gentiment dans leurcoin par amour de l’abeille.

Quelles sont les perspectives,dès lors ?On ne sait pas. L’apiculture a tou-jours eu des hauts et des bas.L’avenir dépendra de la rentabilitédes productions. Mais gageons quel’amour de l’abeille et le plaisir quel’on a de vivre encore la natureseront les plus forts et nous per-mettront de goûter encore à nosbons miels régionaux.

Propos recueillis par Stéphanie Martin-Chaillan

INTERVIEW | Ancien responsable de l’Unité de recherche sur les maladies des abeilles à l’AFSSA-ANSES de Sophia-Antipolis, Jean-Paul Faucon vient tout juste de quitter la présidence du GDS apicole des Alpes-de-Haute-Provence.

« L’apiculture est un métier très, très dur »

Vendredi 9 février 2018 - L’ESPACE ALPIN12

DOSSIER APICULTURE

St.M.C.

INTERVIEW | Le 29 janvier, une assemblée constitutive a permis de valider les statuts de l'interprofession apicole (Interapi) etd'élire pour trois ans son président Éric Lelong, également président de la commission apicole à la FNSEA. Il raconte que ledéclic qui a conduit à la création de cette interprofession a été la menace de voir disparaître l'Institut technique de l'abeille(Itsap). En 2018, parmi les questions qui devront être traitées, celle des fraudes et de la certification de l'origine.

ActuAgri : Vous êtes le premierprésident de la jeune interpro-fession apicole validée le 29 jan-vier en assemblée constitutive.Une interprofession apicole...en�n ?Eric Lelong : « L'idée de l'interpro-fession a émergé il y a plusieursannées. Stéphane Le Foll en avaitfait une priorité. Il y avait des réti-cences. La peur récente de voir dis-paraître l'Institut technique del'apiculture (Itsap), même décrié, aété un déclic. Tout le monde s'estmobilisé et nous l'avons sauvé. Ilfaut maintenant dé0nir un nou-veau modèle économique et redé-marrer des projets techniques pourrépondre aux besoins des apicul-teurs. »

Comment l'interprofession danstoute sa diversité compte-t-elle yparvenir ?E. L. : « La mise en place de lacharte d'engagement rassembleles représentants apicoles del'amont à l'aval (1). Aujourd'hui, ilfaut aussi se pencher sur les di4-cultés économiques des apicul-teurs. Vous savez, quand on discuteentre professionnels, nous sommesd'accord dans 90 % des cas. Par ail-leurs, l'interprofession est repré-sentée paritairement entre l'amontet l'aval de la 0lière. Les décisions

seront prises à l'unanimité desdeux collèges. »

Pourriez-vous en dire davantagesur les di)cultés économiquesdes apiculteurs ?E. L. : « Les apiculteurs sontconfrontés a des di4cultés devente en gros alors que l'onimporte les deux tiers des mielsconsommés en France. Par ailleurs,les conditions climatiques occa-sionnent des pertes de productionet obligent les apiculteurs à passerbeaucoup plus de temps sur leursruches alors que le dispositif descalamités n'est absolument pasadapté à nos exploitations. Il fautdonc repenser la gestion desrisques. La santé du cheptel est unautre problème avec les risquesliés aux pratiques agricoles ; la res-source :orale qui est la nourrituredes abeilles ne permet pas de cou-vrir les besoins durant toute l'an-née ; par ailleurs, les parasitescontribuent à l'a;aiblissement descolonies. »

Dans l'immédiat, quels sont leschantiers prioritaires pour l'in-terprofession ?E. L. : « La première échéance estde déposer les statuts validés lorsde l'assemblée constitutive.Ensuite, l'État doit reconnaître l'in-

terprofession. La prochaine réu-nion est prévue en février, nousallons travailler sur le règlementintérieur et le budget. Puis, nousdevrons travailler à la mise enplace d'une cotisation volontaireobligatoire et d'un accord interpro-fessionnel. Une autre questionmajeure est celle du statut d'api-culteur professionnel que l'inter-profession doit traiter courant2018. Le choix des critères à pren-dre en compte est complexe (nom-bre de ruches et/ou chi;re d'af-faires lié aux activités apicoleset/ou autres). »

Au-delà des dossiers internes,quels sont les dossiers à mettresur la table des décideurs poli-tiques et économiques ?E. L. : « Nous devons :uidi0er lemarché de gros qui concerne prin-cipalement le marché du mieltoutes :eurs. Le miel devrait êtreclassé dans la catégorie matièrepremière. Actuellement, il est dansla catégorie épicerie. Par consé-quent, les contrats ne sont pasnégociés toute l'année. Pourtant, ilfaudrait qu'ils puissent l'être car larécolte du miel varie tout au longde l'année.Le consommateur est en attente dequalité et de traçabilité. Il devientindispensable de trouver des

moyens de garantir l'origine Francede notre miel. Ce travail rejointcelui du code des usages qu'il fau-dra revoir. En0n, notre apport à labiodiversité par le biais de la polli-nisation est reconnu de tous, il estdonc essentiel de s'insérer dans lemonde agricole et de travailler avecles agriculteurs pour améliorer l'en-vironnement. J'en pro0te poursaluer la décision de majorer lecoe4cient des jachères mellifères à1,5 dès cette année 2018 pour lessurfaces d'intérêt écologique (2).Bien d'autres sujets seront traités, ilva falloir prioriser et trouver lesmoyens de fonctionner. »

Propos recueillis par Clio Randimbivololona (ActuAgri)

(1) Les signataires de la charte d'enga-gement sont ADA France (Fédérationnationale des associations régionalesde développement de l'apiculture),Confédération paysanne, Coordinationrurale, FCD (Fédération du commerceet de la distribution), FEDAPI (Fédé-ration des coopératives apicoles deFrance), FFAP (Fédération française desapiculteurs professionnels), FNSEA,GPGR (Groupement des producteursde gelée royale), SFM (Syndicat françaisdes miels), SNA (Syndicat nationald'apiculture), SNFGMA (Syndicat natio-nal des fabricants et grossistes enmatériels apicoles), SPMF (Syndicat desproducteurs de miel de France), UNAF(Union nationale de l'apiculture fran-çaise).(2) Cette décision avait été prise dansle cadre de l'accord sur le règlementOmnibus.

La commission de l'agricul-ture du Parlement européena adopté le 23 janvier (par

38 voix contre une) son rapportd'initiative sur les perspectives etdé0s du secteur apicole de l'UE. Lerapporteur, l'eurodéputé Nor-bertErdös (PPE, Hongrie), estime que« la pierre angulaire du texte est l'ap-pel à remplacer l'actuelle étiquettetrompeuse "Mélange de miels UE etnon UE" par une indication claire duou des pays dont provient le ou lesmiels; y compris les pourcentagesdes di%érents miels utilisés dans leproduit &nal ». Il propose une har-monisation des contrôles aux fron-tières, des tests obligatoires pourtous les miels importés et le renfor-cement des exigences de traçabi-lité tout au long de la chaîne d'ap-provisionnement.L'autre priorité concerne la luttecontre les miels frelatés (souventfrauduleusement mélangés avecdes sirops de sucre). Sur ce point,les parlementaires estiment que laCommission européenne devrait

développer des procédures d'ana-lyse en laboratoire e4caces et queles États membres devraient impo-ser des sanctions plus sévères auxcontrevenants.L'UE importe environ 200 000 ton-nes de miel par an, soit 40 % de saconsommation. Selon une enquêtemenée par le Centre commun derecherche de la Commission, 20 %des échantillons de miels importésne respectent pas les normes del'UE.

Augmenter les aides dela Pac pour l'apicultureDans leur rapport, les eurodéputésdemandent également davantaged'investissements dans le dévelop-pement de médicaments sûrs pourles abeilles, l'interdiction des pesti-cides ayant des e;ets néfastesscienti0quement prouvés sur lasanté des abeilles, une augmenta-tion de 50 % du budget des pro-grammes apicoles nationaux etl'introduction d'un nouveaurégime de soutien aux apiculteurs

dans le cadre de la Pac après 2020.En0n, le rapport demande à laCommission de veiller à ce que lemiel et les autres produits apicolessoient considérés comme des« produits sensibles » exclus desaccords de libre-échange. Ce rap-port sera débattu en plénière le 28 février puis voté le lendemain.La Commission européenne alancé le 11 janvier une consultationpublique en vue de préparer uneinitiative européenne concernantles pollinisateurs. Sur la base decette consultation, une communi-cation sera adoptée au second tri-mestre de 2018 qui devrait propo-ser d'améliorer les connaissancessur les pollinisateurs, de s'attaqueraux causes de leur déclin (restaura-tion des habitats, réduction desrisques et des impacts de l'utilisa-tion des pesticides, lutte contre lesespèces exotiques invasives) et demener des actions de sensibilisa-tion et de partage des connais-sances.

AG (Agrapresse)

« Il faut se pencher sur les difficultés économiquesdes apiculteurs »

Éric Lelong, élu président del'interprofession des produits de la ruche

Éric Lelong, (président de la commission apicolede la FNSEA) a été élu pour trois ans présidentde l'interprofession apicole Interapi. La veille,l'assemblée constitutive de l'interprofession apermis d'élire le Comité exécutif constitué desix membres (trois membres pour la productionet trois membres pour la commercialisation) :Éric Lelong (président), Vincent Michaud (vice-président), Frank Aletru (secrétaire), Marc Duret(trésorier), Joël Schiro et Bertand Freslon(membres).

ÉTIQUETAGE | Les eurodéputés de la commission de l'agriculture ontadopté le 23 janvier un rapport qui appelle la Commission européenne et lesÉtats membres à s'attaquer aux mélanges de miel et aux produits frelatés.

Le Parlement européen veut mettrede l'ordre dans l'étiquetageLes apiculteurs redemandent

un étiquetage des origines pour les mélanges de mielL'Unaf (apiculteurs) demande « une fois encore » au gouvernement « la mentionobligatoire des pays d'origine pour les miels mélangés », selon un communiqué le23 janvier. L'organisation et l'UFC Que-Choisir en avaient déjà fait la demande enoctobre. « Nous n'avons aucune réponse de notre ministère de tutelle (celui de l'Agri-culture) », déplore-t-on à l'Unaf. Pour l'heure, la réglementation UE permet d'éti-queter « Mélanges de miels originaires/non originaires de l'Union européenne ».En 2017, les importations de miel dépasse 30 000 tonnes, soit les trois quarts dumiel consommés en France, rappelle l'Unaf qui demande ainsi « une meilleure tra-çabilité et transparence vis-à-vis des consommateurs ».

Miel : une proposition de loi visant à obliger l'indication d'origine de tousles paysDes députés de la Gauche démocrate et républicaine ont déposé à l'Assemblée na-tionale une proposition de loi visant à « rendre obligatoire l'indication du pays d'ori-gine pour tous les miels », a-t-on appris le 2 février. Cette proposition de loi estcomposée de deux articles. Le premier stipule « qu'à partir du 1er janvier 2019, l'in-dication de chaque pays d'origine est obligatoire pour tous les miels originaires de plusd'un Etat membre ou de plus d'un pays tiers. » L'article 2 stipule « qu'avant le 1er jan-vier 2019, le gouvernement remet au parlement un rapport sur la mise en œuvre dela présente loi (...) ». Déposée le 24 janvier, la proposition de loi n'est, pour l'heure,pas à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

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