Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ......

Institut de Formation en Soins Infirmiers de Pontivy Centre Hospitalier du Centre Bretagne Rue des Pommiers 56300 Pontivy Mémoire d’Initiation à la Recherche en Soins Infirmiers Alix Dounont Formation Infirmière Promotion 2012-2015 Les soins relationnels chez un patient atteint d’un Locked-In-Syndrome. « La véritable émotion est sans voix » Anne Barratin

Transcript of Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ......

Page 1: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

Institut de Formation en Soins Infirmiers de Pontivy Centre Hospitalier du Centre Bretagne

Rue des Pommiers 56300 Pontivy

Mémoire d’Initiation à la Recherche en Soins Infirmiers

Alix Dounont Formation Infirmière Promotion 2012-2015

Les soins relationnels chez un

patient atteint d’un

Locked-In-Syndrome.

« La véritable émotion est sans voix »

Anne Barratin

Page 2: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

Quand le corps est enfermé dans un scaphandre et que l’esprit vagabonde

comme un papillon…

Page 3: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

Remerciements

Je tiens à remercier Madame Jouneaux pour sa guidance, son aide et ses conseils tout au long de ce travail,

Je remercie l’infirmière et l’établissement qui m’ont accueillie pour répondre à mes questions lors de la phase exploratoire et d’avoir pris le temps nécessaire pour y répondre en toute sincérité,

Je remercie également Madame Le Vagueresse, documentaliste de l’IFSI, pour son aide dans ma recherche documentaire et pour ses conseils,

Je remercie mes amies de l’IFSI pour leur aide, leur soutien, et les moments de décompression lors des étapes cruciales de la formation,

Je remercie Margo, Cindy et Corinne pour leur relecture et leurs précieux conseils,

Je remercie mes autres proches pour m’avoir supportée durant des mois dans une ambiance de stress,

Enfin, merci à vous qui prenez le temps de lire ce travail.

Page 4: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

1

Sommaire

I- Introduction ........................................................................................................................... 2

II- Situation d’appel ................................................................................................................... 3

III- Problématique pratique ......................................................................................................... 5

III.1 Constat, questionnement et analyse de la situation d’appel .............................................. 5

III.1.1 La rééducation neurologique ...................................................................................... 5

III.1.2 Le Locked-In Syndrome (LIS) ................................................................................... 6

III.1.3 La situation de détresse de Monsieur I ....................................................................... 8

III.2 Phase exploratoire ........................................................................................................... 14

IV- Délimitation du champ de recherche ................................................................................... 17

V- Problématique théorique ..................................................................................................... 18

V.1 La prise en charge de qualité ............................................................................................ 18

V.1.1 Le prendre soin .......................................................................................................... 18

V.1.2 La qualité des soins ................................................................................................... 19

V.1.3 La communication dans le prendre soin .................................................................... 21

V.2 La gestion des émotions ................................................................................................... 22

V.2.1 Les émotions ............................................................................................................. 22

V.2.2 Gérer ses émotions .................................................................................................... 25

V.3 L’attitude professionnelle ................................................................................................. 28

V.3.1 L’expérience professionnelle .................................................................................... 28

V.3.2 L’empathie ................................................................................................................ 30

V.3.3 La juste distance ........................................................................................................ 31

VI- Hypothèse de recherche ...................................................................................................... 34

VII- Conclusion .......................................................................................................................... 35

VIII- Bibliographie ...................................................................................................................... 37

IX- Annexes ............................................................................................................................... 42

Page 5: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

2

I- Introduction

Actuellement étudiante en troisième année en soins infirmiers, je me suis rendu compte que mon point de vue concernant la prise en charge des patients dans les services avait changé par rapport à l’idée que je m’étais faite du métier d’infirmière lorsque j’ai commencé mes études. Je portais une grande importance à l’aspect technique de la profession sans mettre l’accent sur les soins relationnels. Or, il y a parfois des patients qui possèdent une communication défaillante. Il faut tout mettre en œuvre pour que nous puissions les comprendre ou pour qu’ils puissent communiquer. Je me suis donc centrée sur la prise en charge clinique des patients grâce aux différents cours apportés à l’IFSI (Institut de Formation en Soins Infirmiers). Plus j’avançais dans la formation et plus les soins relationnels devenaient importants. Ils font partie intégrante de notre formation car ils sont présents dans chaque prise en soin et dans n’importe quel service. La communication prend une place importante pour l’infirmière et c’est pourquoi notre métier est finalement basé sur la prise en charge et l’accompagnement autant physique que psychologique.

C’est lors d’un stage en troisième année que j’ai découvert un service de rééducation et de réadaptation neurologique. Les patients admis dans l’unité de soins sont pris en charge par les soignants pour des accidents vasculaires cérébraux, des traumatismes crâniens, des maladies neurologiques dégénératives. J’ai rencontré de nombreuses pathologies que je ne connaissais pas auparavant, notamment le Locked-In-Syndrome (LIS). Trois patients atteints de ce syndrome sont présents lorsque je commence le stage. Cette pathologie m’a énormément intriguée et je me suis posée beaucoup de questions, tant sur la prise en charge pluridisciplinaire que sur la maladie en elle-même et ses conséquences. Pour en apprendre d’avantage, je décide, en accord avec l’équipe soignante, de prendre en charge un des patients LIS.

C’est pourquoi j’ai décidé d’analyser une situation en lien avec la prise en soin infirmière d’un patient Locked-In-Syndrome.

Dans un premier temps, je présenterai la situation d’appel qui m’a posé problème lors d’une prise en soin. Dans un deuxième temps, j’analyserai la situation grâce à différents questionnements. Une question de départ va ensuite découler de cette analyse. Puis dans un troisième temps j’exposerai les concepts qui constituent le cadre conceptuel de ma problématique théorique. Je citerai enfin l’hypothèse de recherche que je pourrai vérifier sur le terrain. Pour finir je terminerai ce travail par une conclusion.

Page 6: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

3

II- Situation d’appel

Je suis en stage dans un service de neurologie dans un centre de rééducation fonctionnelle. Ce stage de dix semaines se déroule au début de ma troisième année. La première semaine de stage, je travaille avec ma tutrice dans le secteur « Unité de Rééducation Neurologique Post-Réanimation » (URNPR), où sont hospitalisées des personnes souffrant de traumatisme crânien, de tumeur cérébrale, d’Accident Vasculaire Cérébral (AVC). Je rencontre au fil des jours les patients et leur pathologie. Je suis interpellée par trois hommes atteints du Locked-In Syndrome. Ceux-ci sont éveillés et totalement conscients mais ne sont capables ni de bouger les membres ni de parler, seuls les mouvements oculaires et le clignement des yeux sont préservés. C’est une maladie inconnue pour moi, c’est la première fois que je rencontre un patient Locked-In Syndrome. Je suis plus particulièrement interpellée, par Monsieur I.

Monsieur I est un homme de 52 ans qui est hospitalisé pour une prise en soin rééducative dans les suites d’un AVC ischémique du tronc cérébral, survenu le 14/05/2014, qui a eu pour conséquence un Locked-In Syndrome. Monsieur I est tétraplégique, est trachéotomisé (c’est une ouverture de la face antérieure de la trachée permettant d'assurer une respiration en excluant les voies aériennes supérieures par l’intermédiaire d’une canule) et possède une gastrostomie (c’est une forme d’alimentation entérale par une sonde insérée chirurgicalement dans l’estomac à travers la peau de l’abdomen) afin d’administrer les médicaments et de l’alimenter. Il est conscient, n’émet aucun son mais communique avec les yeux (lève les yeux pour dire oui, ferme les yeux pour dire non), nous utilisons également une planche alphabétique pour former des mots puis des phrases (une ligne représente une couleur, nous épelons la couleur puis les lettres). Monsieur I arrive à bouger sa tête vers la droite. Pour nous appeler et utiliser la télévision une domotique a été installée sur son adaptable à l’aide d’un bouton poussoir qu’il utilise avec la tempe droite. Monsieur I est levé au fauteuil tous les jours à 9h pour ses séances de kinésithérapie, d’ergothérapie et d’orthophonie. A chaque fois que je vois monsieur I, il est souriant et nous arrivons à communiquer facilement mais avec un peu de temps. La relation entretenue depuis mon arrivée avec monsieur I est respectueuse et agréable.

A midi, à la fin de ma première semaine de stage, je rejoins l’infirmière dans la chambre de Monsieur I pour l’administration des médicaments par la gastrostomie et l’adaptation de l’alimentation. Je retrouve Monsieur I triste, en pleurs. L’infirmière ne dit rien, fait les soins et sort de la chambre. Je reste dans la chambre avec Monsieur I pour le réconforter, je suis face à sa tristesse, seule avec lui ; je me sens mal, je lui demande ce qu’il se passe. « Avez-vous des douleurs ? Êtes-vous fatigué ? Vous êtes mal installé ? Vous n’avez pas le moral ? Vous en avez marre ? Vous voulez discuter ? ». J’essaie de savoir pourquoi Monsieur I pleure. Après chaque question posée, la réponse me semble négative car je suppose un signe de tête de la gauche vers la droite et ses yeux sont fermés. Le moment devient très compliqué, je n’arrive pas à entrer en communication avec Monsieur I, il ne se calme pas. La communication est impossible. Il se ferme. Je ressens de la tristesse à mon tour du fait de l’échec de la communication entre nous et l’importance de ses larmes inhabituelles. Je préviens Monsieur I que je vais sortir de la chambre en lui expliquant que je ne le comprends pas. Je lui dis « à tout à l’heure ». Ne voulant pas lui montrer le sentiment de tristesse qui m’a envahie et ne voulant surtout pas pleurer avec lui, je sors de la chambre sans avoir pu comprendre la douleur psychologique de Monsieur I. Je retrouve l’infirmière et lui explique la situation. Elle me répond : « C’est normal, ne t’en fais pas, c’est la maladie qui fait ça. Chez eux c’est excessif. Quand ils pleurent, ils pleurent beaucoup et quand ils rient, ils rient beaucoup. »

Page 7: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

4

Dans la suite de la journée, je n’ai pas l’occasion de retourner voir Monsieur I, parti à sa séance de kinésithérapie après nos transmissions orales entre l’équipe soignante du matin et celle de l’après midi, j’explique par ailleurs que son état psychologique est fragile et qu’il avait beaucoup pleuré ce midi.

La semaine suivante, le lundi après-midi je travaille de nouveau sur l’URNPR avant de changer d’unité pour quatre semaines sur le secteur conventionnel. Je revois Monsieur I, souriant et communiquant très bien comme les jours précédents la situation difficile évoquée précédemment.

Je m’interroge énormément sur l’échec de communication dans cette relation soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers. Il me manque des éléments d’information pour une bonne compréhension de la situation. Grâce aux recherches effectuées je vais tenter d’éclaircir mon questionnement dans une analyse approfondie.

Page 8: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

5

III- Problématique pratique

III.1 Constat, questionnement et analyse de la situation d’appel

III.1.1 La rééducation neurologique

Lorsque j’arrive en stage dans ce service, je sais qu’il existe une Unité de Rééducation Neurologique Post Réanimation (URNPR). Mes aprioris concernant la réanimation m’amènent à penser que les pathologies présentes dans le service et leur prise en soin sont complexes. Les patients admis dans cette unité étaient hospitalisés dans un service de réanimation avant leur rééducation. La réanimation est « l’ensemble des moyens mis en œuvre soit pour pallier la

défaillance aiguë d'une ou de plusieurs fonctions vitales, dans l'attente de la guérison, soit pour

surveiller des malades menacés de telles défaillances du fait d'une maladie, d'un traumatisme

ou d'une intervention chirurgicale. »1 Ici, la défaillance touchée est le cerveau. Pour suppléer aux différentes conséquences des lésions neurologiques, les patients sont trachéotomisés, possèdent des gastrostomies, et communiquent avec des planches alphabétiques. Le service est alors spécifique à cette défaillance située au niveau du cerveau et s’appelle la rééducation neurologique. Ce qui m’amène à m’interroger sur la participation de l’infirmière dans cette unité de soins. C’est ainsi que je rencontre des patients tétraplégiques, aphasiques, certains dans un état pauci-relationnel ou autrement dit dans un état de conscience minimale. Ce sont des patients qui « ont conscience d'eux-mêmes, ils peuvent communiquer à minima avec

l'environnement et l'entourage en répondant à des stimuli par des petits gestes tels que suivre

du regard un stimulus visuel, lever la main ou sourire. Ces réponses aux stimuli sont fluctuantes

dans le temps : ils peuvent en effet un jour répondre à un stimulus et un autre jour, ne plus

répondre au même stimulus. »2

Je me demande alors ce qu’est réellement une prise en soin en rééducation neurologique. Tout d’abord la neurologie est « une spécialité médicale consacrée à l'étude et au

traitement des maladies touchant le système nerveux central (cerveau, moelle épinière) ou

périphérique (racines et nerfs) »3. La rééducation neurologique est une partie de la médecine qui prend en charge les conséquences induites par une maladie ou une affection neurologique en posant leur diagnostic et en traitant les troubles, les limitations d'activité et les problèmes de participation qui en découlent.

Les URNPR « prennent en charge exclusivement et directement les patients en sortie de

réanimation ou de soins intensifs et sans passage par une autre unité de médecine ou de

chirurgie. Leur objectif est donc d’accueillir directement à l’issue de ces unités, des patients

dont l’instabilité et la charge en soins rendent impossible un transfert en service de Soins de

Suite et de Réadaptation. Cette instabilité et cette charge en soins élevée se caractérisent par

l’association de plusieurs déficiences ainsi que par la nécessité de plusieurs dispositifs

1http://www.larousse.fr/encyclopedie/medical/r%C3%A9animation/15763 (Consulté le 06/03/2015) 2http://www.allodocteurs.fr/actualite-sante-qu-est-ce-qu-un-etat-de-conscience-minimal-_12585.html 2http://www.allodocteurs.fr/actualite-sante-qu-est-ce-qu-un-etat-de-conscience-minimal-_12585.html (Consulté le 12/03/2015) 3http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/neurologie/54393 (Consulté le 04/12/2014)

Page 9: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

6

médicaux lourds assurant des fonctions d’assistance vitale (ventilation artificielle,

trachéotomie, gastrostomie…) »4

Rapidement ma tutrice de stage, lors de mon premier jour, me présente les patients présents dans le secteur URNPR. J’entends parler du Locked-In Syndrome sans savoir ce que signifie cette pathologie et sans en avoir jamais entendu parler. Je rencontre alors les patients en présence de ma tutrice de stage afin de me présenter et pour qu’elle puisse me montrer les spécificités de soins de chacun d’eux.

Monsieur I, est présent dans la structure depuis deux mois lorsque je le rencontre. Au niveau moteur, il souffre de tétraplégie. Au niveau cognitif, ses facultés ont été conservées et il communique seulement avec les yeux grâce à l’utilisation d’une planche alphabétique. Il possède une trachéotomie avec une canule à ballonnet et une gastrostomie. Ce patient a passé quelques temps en Réanimation après le diagnostic de sa pathologie et a tout de même été hospitalisé dans un service de Neurologie en Centre Hospitalier avant d’obtenir une place dans le Centre de Rééducation et de Réadaptation Fonctionnelle dans le secteur UNRPR en juillet 2014.

III.1.2 Le Locked-In Syndrome (LIS)

Cette pathologie qui m’est inconnue est définie par « Fred Plum et Jerome B.Posner

(deux neurologues américains) pour la première fois en 1966 et désigne des patients réellement

« verrouillés » de l’intérieur par une paralysie totale associée à une incapacité de parler »5. Littéralement, c’est le syndrome d’enfermement. C’est un état neurologique rare et non une maladie évolutive ni un état végétatif. Il est majoritairement consécutif à un Accident Vasculaire Cérébral (AVC), rarement dû à un traumatisme. Le patient est totalement paralysé, excepté le mouvement des paupières, et aphasique mais le cerveau est intact d’où un état de conscience et des facultés intellectuelles inchangées. C’est lors de ce stage que j’ai pu rencontrer pour la première fois ce syndrome.

Le LIS est une conséquence d’un AVC, dans 82% des cas6. C’est un caillot de sang qui va bloquer la circulation sanguine dans une artère du cerveau en aval du lieu obstrué. L’aphasie fait partie d’une des conséquences de cette obstruction. C’est la perte totale ou partielle du langage à la suite d’une atteinte cérébrale, ce qui signifie que les personnes aphasiques ne peuvent plus parler ni écrire mais peuvent réfléchir et surtout communiquer si les moyens sont adaptés pour les aider à s’exprimer. Monsieur I communique avec un code oculaire.

4Cahier des charges SRPR de l’ARS DOSMS (Ile de France) du 15/11/2013 – format pdf – page 5 disponible sur : http://www.ars.iledefrance.sante.fr/fileadmin/ILE-DE-FRANCE/ARS/Appels-a-projets-Financements/Offre-de-soins/Offre_de_soins_2014/AAP_Cahier_charges_SRPR___VDef.pdf (Consulté le 04/12/2014) 5BRUNO, M-A, PELLAS, F et al. Le Locked-In Syndrome : la conscience emmurée. Revue neurologique, volume 164, numéro 4, avril 2008, pages 322-335 6http://www.alis-asso.fr/lis-qui-suis-je/locked-in-syndrome-presentation/ (Consulté le 23/10/2014)

Page 10: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

7

Il lève les yeux pour dire oui, ferme les yeux pour exprimer une négation et papillonne des yeux lorsqu’il souhaite nous dire quelque chose. Il existe aussi une planche alphabétique (Annexe I) afin que le patient puisse former des phrases et nous exprimer ses ressentis, ses demandes, ses plaintes et ses envies. Cette communication n’est pas anodine et implique aux soignants de bien en comprendre le mode de fonctionnement avant de prendre en soin un patient atteint d’un Locked-In-Syndrome. Ma tutrice de stage m’explique alors celui qu’il faut utiliser avec Monsieur I. Il m’a fallu quelques jours et plusieurs demandes du patient pour réussir à communiquer facilement avec lui.

Les patients atteints du Locked-In-Syndrome sont totalement verrouillés de l’intérieur. Leur corps n’est plus connecté au cerveau. La commande motrice n’est plus fonctionnelle. Cette pathologie est un vrai handicap au quotidien, c’est pourquoi la prise en charge est pluridisciplinaire. « Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d'activité

ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une

personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs

fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou

d'un trouble de santé invalidant. »7

Je me demande aussi, si ces personnes sont conscientes de leur situation. La conscience étant « la représentation de l'ensemble des sentiments et des pensées d'une personne et

comprend la connaissance de sa propre existence, ses sensations, la perception et

l'interprétation de son environnement et de son monde intérieur »8. Le diagnostic de la maladie

est fait par le médecin, lors du retour à un état d’éveil (sortie du coma). C’est lorsqu’un « patient ouvre spontanément les yeux pendant des périodes prolongées (plus d'une dizaine de

minutes) »9. « Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information

porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés,

leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves

normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les

conséquences prévisibles en cas de refus ».10Monsieur I, est conscient de la situation et de son handicap. Il a été hospitalisé dans l’URNPR avec tout d’abord son consentement en lui expliquant l’objectif de son transfert dans ce type de service. « Toute personne prend, avec le

professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les

décisions concernant sa santé.»11

Sa motivation et son envie de combattre la pathologie lui ont permis de récupérer la mobilité de son pouce droit et de son cou. Cette récupération, il la doit également à ses nombreuses heures de kinésithérapie prescrites dans le centre.

7LOI N°2005-102 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a, dans son article 114 défini la notion de handicap, disponible sur : http://www.mdph.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=111&Itemid=82 (Consulté le 10/03/2015) 8http://www.universalis.fr/encyclopedie/coma/4-les-etats-de-conscience-definition-clinique/ (Consulté le 09/12/2014) 9http://www.universalis.fr/encyclopedie/coma/4-les-etats-de-conscience-definition-clinique/ (Consulté le 09/12/2014) 10CODE DE LA SANTE PUBLIQUE 24ème édition. Dalloz, 2010. Article L 1111-2. Page 9 11CODE DE LA SANTE PUBLIQUE 24ème édition, Dalloz, 2010. Article L 1111-4. Page 11

Page 11: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

8

Il suit aussi des séances d’ergothérapie afin d’améliorer son installation tant au fauteuil qu’au lit. Ces séances de rééducation sont importantes pour l’avenir de Monsieur I. La prise en charge pluridisciplinaire dans les centres de rééducation permet au patient de vivre au mieux son handicap et d’améliorer sa qualité de vie.

Les douleurs psychiques et physiques sont des points essentiels à prendre en compte pour les patients atteints de LIS. Leur sensibilité physique est présente et entraîne des stimuli nociceptifs. Ces douleurs peuvent être à l’origine d’une souffrance psychologique. Je me demande comment vivent ces patients et dans quel état d’esprit ils se trouvent. Les patients ont une véritable vie sociale dont les activités sont : la télévision, la radio, la musique, les livres, les réseaux sociaux, les déplacements en famille, … Monsieur I gère seul sa commande au niveau de la tempe pour allumer et choisir le programme de la télévision, il possède un ordinateur et écoute les CD-Rom rapportés de chez lui par sa famille. Ses enfants viennent le voir ainsi que sa femme. Quand je vois Monsieur I pour la première fois pour me présenter je rencontre une personne souriante avec une grande envie de communiquer et un faciès apaisé.

Selon plusieurs études « de nombreux patients atteints de LIS ont une forte volonté de

vivre, ils rentrent souvent à domicile pour s’ouvrir à une vie nouvelle, différente, mais dotée de

sens. L’accès de plus en plus répandu à des aides technologiques de communication devrait

encore améliorer la qualité de vie de ces patients. »12

III.1.3 La situation de détresse de Monsieur I

Il est midi le dernier jour de ma première semaine de stage lorsque Monsieur I manifeste sa détresse. Je ne prends pas de patients à ma charge pour le moment, mais pratique les soins de tous les patients du secteur en compagnie de l’infirmière afin de m’approprier les soins spécifiques du service mais aussi les habitudes de chacun. De 11h à 12h30, l’infirmière du secteur fait son tour de soins selon l’organisation du service. Beaucoup de patients étant encore à leur rééducation, l’infirmière et moi commençons notre tour chez les personnes présentes dans leur chambre. Sur douze patients, cinq mangent en salle à manger. Les autres, ayant une alimentation entérale par gastrostomie, restent en chambre. Monsieur I remonte de sa rééducation vers 12h15. Le temps que je termine les soins chez un patient, l’infirmière rejoint Monsieur I arrivé dans sa chambre pour les soins. Ceux du midi consistent à l’administration des médicaments prescrits et de l’alimentation par la gastrostomie mais aussi l’évaluation de l’état respiratoire des patients trachéotomisés et si besoin des aspirations endotrachéales (pour aspirer les sécrétions à l’intérieur de la trachée ou de l’arbre bronchique par le biais de la canule de trachéotomie). En effet selon l’article R.4311-5 du Code de la Santé Publique, « dans le

cadre de son rôle propre, l'infirmier ou l'infirmière accomplit les actes ou dispense les soins

suivants visant à identifier les risques et à assurer le confort et la sécurité de la personne et de

son environnement et comprenant son information et celle de son entourage : […] Soins et

surveillance de patients en assistance nutritive entérale ou parentérale, […] aspirations des

sécrétions d'un patient qu'il soit ou non intubé ou trachéotomisé, […] Aide et soutien

psychologique ».

12BRUNO, M-A, PELLAS, F et al. Le Locked-In Syndrome : la conscience emmurée, Revue neurologique, volume 164, numéro 4, avril 2008, pages 322-335

Page 12: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

9

En ce qui concerne son rôle prescrit, l’article R. 4311-7 du Code de la Santé Publique stipule que « l'infirmier ou l'infirmière est habilité à pratiquer les actes suivants soit en

application d'une prescription médicale qui, sauf urgence, est écrite, qualitative et quantitative,

datée et signée, soit en application d'un protocole écrit, qualitatif et quantitatif, préalablement

établi, daté et signé par un médecin : […] administration des médicaments sans préjudice. »

Je termine les soins d’un patient et rejoins l’infirmière dans la chambre de Monsieur I. Comme à son habitude, il est installé dans son fauteuil devant la grande baie vitrée face à la mer. Cette grande fenêtre étant face à la porte de la chambre, je vois le patient de dos lorsque je rentre. J’avance vers le patient et l’infirmière qui termine ses soins quand je vois Monsieur I en larmes. Je suis étonnée de le voir dans cet état de tristesse car ce n’est pas son habitude. Ne sachant pas quoi dire devant l’infirmière, et pensant qu’avec son expérience [l’expérience étant la « pratique de quelque chose, de quelqu'un, épreuve de quelque chose, dont découlent un

savoir, une connaissance, une habitude ; connaissance tirée de cette pratique »13], elle sait très bien comment réagir face à cette situation, j’attends qu’elle agisse en conséquence mais elle ne parle pas et sort de la chambre silencieusement. Me retrouvant seule face au patient dans un état psychologique difficile, j’essaie de comprendre la cause de sa tristesse : je lui pose plusieurs questions qui me semblent simples et bien ciblées. Mais je ne reçois aucune réponse de Monsieur I qui a les yeux fermés et dont le chagrin grandit. Je ressens instantanément son refus d’y répondre. Je reste face à Monsieur I, démunie. Je décide alors de le réconforter en lui apportant mon soutien. Je pense pouvoir ainsi aider Monsieur I à surmonter cette épreuve, à lui redonner son sourire, sa force et son énergie malgré que je ne sache pas la cause de sa tristesse. Je pose ma main sur la sienne, je lui dis aussi que je suis présente pour l’écouter afin de lui montrer mon soutien moral. Je mets alors en avant ma qualité d’empathie dans une relation de soin. Selon Carl Rogers, « il faut faire tout notre possible pour penser et ressentir ce que vit

autrui, tout en étant lucide sur le fait que ceci n’est jamais vraiment possible. »14Mais Monsieur I, semble se fermer davantage à la communication malgré mes gestes de réconfort. Ses larmes et sa tristesse ne cessent pas, il pleure à gros sanglots.

Le LIS est une pathologie complexe, et je me demande comment ces patients arrivent à nous faire parvenir leurs émotions positives ou négatives puisqu’ils ne communiquent pas. La communication non verbale est le premier vecteur des émotions. Il correspond à l’expression des visages et à la posture du corps. Ici, je vois instantanément les larmes de Monsieur I. Il ne peut pas exprimer sa tristesse verbalement mais son visage et ses pleurs me font comprendre que le patient est dans une situation de grande détresse. Ceci montre bien l’importance de la communication non verbale. Quand on ne peut dire ce que l’on pense pour se faire comprendre, le visage, les mimiques et la posture remplacent les mots. N’étant pas habituée à ce genre de situation et surtout à un échec de communication avec un patient, je perçois de plus en plus les émotions de Monsieur I qui m’envahissent rapidement. « Si une émotion est évoquée

mentalement, ou oralement, elle s’accompagne de l’expression faciale de cette émotion. Celle-

ci est perçue par le partenaire de l’interaction, qui éprouve alors cet état affectif. L’interaction

se synchronise, par des mouvements et postures partagées. »15 Après quelques minutes passées

à essayer de le soutenir, je ressens un sentiment qui me met mal à l’aise, je suis impuissante face à ce désespoir, et une grande émotion m’envahit.

13http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/exp%C3%A9rience/32237 (Consulté le 12/03/2015) 14http://www.psychologie-positive.net/spip.php?rubrique16 (Consulté le 18/03/2015) 15http://www.univ-montp3.fr/infocom/wp-content/REC-La-communication-non-verbale2.pdf (Consulté le 18/03/2015)

Page 13: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

10

L’émotion est définie selon le dictionnaire de la langue française Larousse comme une « réaction affective transitoire d'assez grande intensité, habituellement provoquée par une

stimulation venue de l'environnement. »16 C’est un changement de comportement par rapport à un état initial. Je rentre dans la chambre de Monsieur I souriante pensant retrouver un patient serein, sauf que Monsieur I ressent de la tristesse inhabituelle. Ce stimuli extérieur m’étonne et me fait de suite réagir. Une émotion comporte plusieurs composantes. Une composante physiologique qui se ressent sur le corps, une composante cognitive qui trouble nos pensées et notre esprit, et une composante comportementale qui nous amène à réagir face à une situation ou un événement.

Je préfère sortir de la chambre de peur de ne pas être la soignante dont il a besoin pour surmonter son mal-être et je respecte son choix de ne pas communiquer avec moi. « L'infirmier

ou l'infirmière exerce sa profession dans le respect de la vie et de la personne humaine. Il

respecte la dignité et l'intimité du patient et de la famille. »17 Je me protège des émotions ressenties et évite d’avantage l’échec de communication.

Le fait d’avoir quitter Monsieur I m’a permis de me détacher de la situation afin de ne pas pleurer avec lui. Je me pose alors des questions sur mon attitude professionnelle dans cette situation. J’ai ressenti de la tristesse qui a modifié mon attitude de future soignante. Ce qui m’amène à me demander s’il existe une bonne attitude professionnelle.

Dans les esprits, la représentation donnée pour définir une « bonne soignante » est une infirmière souriante, aimable, disponible, qui ne pleure pas, ne se met pas en colère, qui maîtrise toutes les situations sans avoir peur de ses émotions et des difficultés qu’elle peut rencontrer. Cette image est très proche de la neutralité émotionnelle. Chez certains soignants, un travail émotionnel est à considérer pour entrer dans la norme. Ce travail consiste à construire la neutralité et l’invisibilité des émotions dans une interaction soignant/soigné. Il me paraît impossible de ne pas ressentir des émotions lors d’un soin technique ou lors d’un soin relationnel, c’est pourquoi ce travail émotionnel est fait sur la durée grâce à une expérience professionnelle, à une connaissance des patients, à une grande connaissance de ses émotions et de ses limites ainsi que sur la maîtrise de soi.

Je connais Monsieur I depuis quelques jours seulement. Je me demande si mon niveau de connaissances sur la pathologie et l’histoire du séjour du patient est assez approfondi. C’est l’ « action, le fait de comprendre, de connaître les propriétés, les caractéristiques, les traits

spécifiques de quelque chose »18. Si j’avais eu connaissance de ces informations concernant la pathologie de Monsieur I, je me demande si la situation n’aurait pas été différente. Les connaissances font partie intégrante de l’expérience et des compétences qui nous amènent à un certain niveau de savoir être, de savoir faire et donc à une attitude professionnelle que l’on apprend au fil des différentes situations rencontrées pendant l’apprentissage du métier mais aussi après, au niveau professionnel.

16http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/%C3%A9motion/28829 (Consulté le 14/03/2015) 17CODE DE LA SANTE PUBLIQUE 24ème édition. Dalloz, 2010. Article R 4312-2. Page 1915 18http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/connaissance/18273?q=connaissance#18168 (Consulté le 13/03/2015)

Page 14: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

11

« Une compétence est un ensemble de capacités, conceptions, et d’actions acquises par

les personnes formées pour résoudre des situations de façon adéquate. Les compétences

reflètent les habilités dans la prise de décision au niveau professionnel »19. La notion de compétence regroupe trois autres notions essentielles dans toute action et dans tout apprentissage : le savoir, le savoir-faire, le savoir-être. Maîtriser une compétence, c’est manifester des savoirs et les mobiliser avec pertinence. Le savoir regroupe les connaissances et toutes les sciences approfondies que l’étudiant infirmier rencontre pendant sa formation. Le métier d’infirmière étant en évolution constante, il est possible de faire évoluer son savoir-infirmier lors de son expérience professionnelle. Le savoir-faire comprend l’expérience de sa pratique face à plusieurs situations auxquelles on peut être confronté. « Le savoir être, avant de

devenir un pré-requis en termes de compétence professionnelle, était une posture de

bienveillance. Carl Rogers, dans son livre Le développement de la personne, défend l’idée que

l’efficacité de la relation thérapeutique relève de la congruence qu’a le sujet avec lui-

même. Savoir être serait donc d’abord une forme d’authenticité avec soi, puis à posteriori un

préalable d’écoute et d’empathie de l’autre. »20 En plus des savoirs, les compétences mobilisées pour réaliser les soins infirmiers requis sont à la fois « individuelles et collectives, techniques,

relationnelles et organisationnelles. […] La compétence infirmière se situe au carrefour de

qualités individuelles, d’expériences professionnelles et personnelles et d’une éthique très

forte. »21 Ces compétences complexes font partie d’une attitude infirmière à acquérir tout au long de la formation grâce aux enseignements théoriques et aux transmissions de savoirs des infirmières lors des stages par le biais de l’encadrement.

Lorsque je retrouve l’infirmière dans le couloir, je lui explique la situation pour savoir si d’une part c’est déjà arrivé à Monsieur I de se retrouver dans une telle détresse psychologique et d’autre part pour me décharger de mes émotions afin qu’elle me soutienne. J’attends qu’elle m’encadre sur l’attitude professionnelle que je devrais avoir dans ces moments-là, qu’elle me transmette son savoir pour gérer une telle situation. Son rôle d’encadrant est régi par l’article R.4311-15 du Code de la Santé Publique qui dit que « Selon le secteur d'activité où il exerce,

[…] l'infirmier ou l'infirmière propose des actions, les organise ou y participe dans les

domaines suivants : encadrement des stagiaires en formation ». Elle me répond « C’est normal ne t’en fais pas, c’est la maladie qui fait ça. Chez eux c’est excessif. Quand ils pleurent, ils pleurent beaucoup et quand ils rient, ils rient beaucoup. » Intriguée par cette réponse, je recherche une confirmation. En effet selon ALIS (Association nationale du Locked-In-Syndrome) et l’une de leur enquête de 2007, 44% des patients LIS pleurent sans objet déclencheur pertinent et sans état affectif correspondant. Et 39% des patients LIS répondant à l’enquête, rient. C’est l’une des nombreuses conséquences neurologiques de l’Accident Vasculaire Cérébral notamment au niveau du comportement, « il est sans rapport avec

l'intériorisation d'une émotion ou la tonalité de l'humeur, il est incontrôlable dans son

déclenchement, son intensité et sa durée. Il s’agit d’une exagération de l’expression des

émotions. Cela concerne donc uniquement les signes extérieurs d’émotion et non pas le vécu

émotionnel en lui-même (vécu émotionnel, ce que vous ressentez vraiment).»22 19RIOPELLE, Lise. Approche humaniste de la pratique infirmière. Soins Cadres, numéro 45, février 2003, page 58 20BARREAU, Pascal. Le savoir être, un nouvel indicateur d’employabilité. Soins Cadres, volume 23, numéro 89, février 2014, page 1 21MERCADIER, Catherine, Le travail émotionnel des soignants à l’hôpital : Le corps au cœur de

l’interaction soignant/soigné. 4eme tirage. Perspective soignante. Edition Seli Arslan, 2006. Pages : 7 et 8 22http://www.psychologies.com/Dico-Psycho/Rire-et-pleurer-spasmodique (Consulté le 14/03/2015)

Page 15: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

12

Mon étonnement face à sa réponse n’est plus justifié après mes recherches, il est vrai que j’attendais de l’infirmière qu’elle agisse de manière à me soutenir mais aussi qu’elle m’explique la façon dont elle s’y prend pour faire face à cette situation. En fait, elle a voulu me protéger de mes émotions en me disant que ce n’était rien, que ce n’était pas de ma faute et que je n’aurais rien pu faire pour arrêter sa détresse psychologique puisque c’est un dysfonctionnement neurologique.

A la fin de la mi-journée, à 13h45, il y a les transmissions orales. C’est un moment d’échanges d’une durée de trente minutes, selon l’organisation du service, où sont présents les infirmières et les aides soignants de l’équipe du matin et de l’équipe de l’après-midi. Elles permettent de faire le point pour chaque patient et donc de réaliser un travail d’équipe.

L’équipe du matin communique et fait parvenir toutes les informations importantes concernant la prise en charge des patients. C’est un moment de partage de données pour que chacun puisse s’exprimer en posant des questions, en éclaircissant des informations non comprises. Je profite de ce moment pour expliquer au groupe la situation psychologique de Monsieur I, sans faire partager mes émotions. J’apprends par les aides soignants présents qui passent beaucoup de temps avec Monsieur I lors des soins d’hygiène, que cette situation est déjà arrivée. Je décide de regarder le dossier de soins du patient. En effet, dans les transmissions écrites je retrouve des données concernant certains changements d’humeur depuis son entrée dans le service. Je trouve également une prescription médicale qui signale que Monsieur I est traité par des antidépresseurs. « Les transmissions orales sont surtout l’occasion de raconter ce

qui ne s’écrira pas : c'est-à-dire tout ce qui contient de l’émotion, de l’affect. Elles permettent

de mettre en mots le travail affectif qu’effectuent les infirmières et qui demeure presque

toujours dans l’implicite. Elles sont faites à l’aide des supports des transmissions écrites, elles

permettent une mise en contexte. » 23 Les transmissions orales et écrites m’ont été utiles dans l’avancée du stage. Tous les éléments présents dans le dossier sont une richesse pour comprendre certains comportements. Les différents professionnels sont une source qui m’a permis d’avancer dans la prise en soin de ce patient atteint d’une pathologie difficile à prendre en charge. Tout au long de ce stage, grâce à tous les professionnels de santé (infirmiers, aides-soignants, cadres de santé, kinésithérapeutes, ergothérapeutes, médecins) j’ai réussi à m’adapter à la prise en soin global de plusieurs patients LIS en comprenant chaque étape de l’évolution de Monsieur I. Le travail d’équipe et l’encadrement des soignants m’ont permis de surmonter ce genre de situation et d’aller de l’avant grâce à leur confiance. Il est évident que le temps passé auprès de cette équipe soignante et du patient m’a permis d’acquérir de la dextérité dans les soins techniques mais surtout à pratiquer les soins relationnels comme je n’avais jamais pu les effectuer. Le fait d’avoir rencontré des personnes non communicantes verbalement m’a poussée à analyser d’avantage les situations que je rencontrais, qu’elles soient positives ou négatives.

Beaucoup de questions sont encore présentes dans mon esprit afin de pouvoir comprendre la situation et pour aller plus loin dans cette analyse. Comment les émotions surviennent-elles chez les soignants dans un simple soin technique ou dans un soin relationnel ? Quelles sont les conséquences que peuvent entraîner les émotions d’un soignant dans un contexte de soin ?

23MERCADIER, Catherine. Le travail émotionnel des soignants à l’hôpital : Le corps au cœur de

l’interaction soignant/soigné. 4eme tirage. Perspective soignante. Edition Seli Arslan, 2006. Pages 192, 193 et 241

Page 16: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

13

Tout d’abord, il existe une sorte de relation entre le patient et le soignant qui s’articule autour d’une interaction. Elle est alors appelée la relation soignant/soigné. Cette interaction est présente à chaque soin, notamment technique. Il existe aussi les soins relationnels qui peuvent être définis comme étant la base d’une relation d’aide. Elle a pour vocation d’accompagner toute personne confrontée à une situation de crise ou de conflit. « En référence à la pyramide de

Maslow (Annexe II), la relation d’aide se situe au niveau des besoins d’appartenance, d’estime

de soi et d’accomplissement personnel. L’objectif des interventions posées est de soutenir les

personnes dans leur capacité à faire face. Il s’agit donc d’une relation réfléchie et

professionnelle. »24 Le problème dans la situation est les émotions présentes lorsque je souhaite entrer en communication avec Monsieur I. D’une part il ne me donne pas son consentement pour débuter une relation d’aide. D’autre part, je prends rapidement possession de ses émotions et de sa tristesse, ce qui m’empêche de rester dans sa chambre. Son refus de communiquer peut vouloir dire qu’il ne se sent pas en confiance pour s’exprimer face à moi, jeune étudiante.

Je m’interroge ensuite sur la confiance que doit avoir le patient pour exprimer ses émotions à un soignant. Pour pouvoir se confier un patient a besoin de se sentir en sécurité avec chaque personne qu’il côtoie au quotidien. C’est « un sentiment de quelqu'un qui se fie

entièrement à quelqu'un d'autre, à quelque chose. »25 C’est donc une action qui s’accorde avec le temps. Je ne peux pas dire ici que Monsieur I soit en confiance avec moi, arrivée dans le service quelques jours plus tôt. Ce qui m’amène à me demander si j’étais capable de gérer cette situation sachant que je n’avais pas l’attitude et toutes les connaissances requises pour débuter une relation d’aide.

Je me demande pourquoi les soignants ne doivent pas montrer leurs émotions face à un patient. Dans une relation d’aide il est impératif d’être en accord avec soi même. C’est une technique de soin à part entière qui doit s’acquérir avec de l’expérience car il faut savoir écouter tous les ressentis du patient et surtout savoir faire preuve d’empathie tout en étant neutre sur ses propres ressentis. Si le soignant fait preuve de faiblesse concernant ses émotions, il ne pourra pas apporter l’aide nécessaire pour que le patient comprenne ses difficultés et puisse répondre à celles-ci. Dans la situation, la relation d’aide n’est pas efficace. En plus de son refus de communiquer avec moi, les émotions que j’ai ressenties sont rapidement apparues. Avec mon manque d’expérience je n’ai pas su contrôler mon ressenti face à ce patient en détresse psychologique.

Une des causes qui pourrait expliquer la présence d’émotions chez le soignant est le transfert. D’un point de vue général, c’est lorsque des situations ou des sentiments se déplacent vers une autre situation similaire qui peut nous faire penser à une émotion déjà vécue. Cette attitude de transfert peut avoir pour conséquence une influence dans la prise en charge du patient. Etre trop impliqué dans son projet de soins ou au contraire ne pas être capable de faire les soins.

Tout ce questionnement m’a amenée à faire les recherches que j’ai exposées ci-dessus et dont j’ai analysé le sens en rapport avec la situation de départ. Pour éclairer cette analyse je souhaite rencontrer un professionnel de la santé en lui proposant un entretien afin d’avoir des réponses aux questions que je me suis posé et savoir si les avis des professionnels sur le terrain confortent mon analyse.

24DAYDE, Marie-Claude. La relation d’aide en soins infirmiers, aspects réglementaires et conceptuels. Soins, volume 53, numéro 731, décembre 2008, pages 35-38 25http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/confiance/18082?q=confiance#17971 (Consulté le 21/03/2015)

Page 17: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

14

III.2 Phase exploratoire

Pour mon enquête exploratoire je décide de contacter un centre de rééducation et de réadaptation dans une autre région que celle où j’effectue mes études. J’obtiens rapidement un rendez-vous avec une infirmière.

L’infirmière que je rencontre est diplômée depuis 2004. Dans son parcours, elle a commencé par travailler avec des enfants dans un Institut d’Education Motrice (IEM) pendant deux ans puis a continué à exercer dans tous les services de neurologie du centre. En 2007 a été créé un service où se trouvent 17 lits dont 7 dédiés aux patients en état végétatif chronique ou état pauci-relationnel. C’est dans cette unité que Madame B exerce encore aujourd’hui son métier d’infirmière.

Pour commencer cet entretien, je suis d’abord curieuse de savoir si, dans le centre, des soignants ont déjà pris en soin des patients atteint de Locked-In-Syndrome. En effet c’est rare, mais quelques LIS sont venus faire leur rééducation dans ce centre. Pour l’infirmière « c’est une

pathologie dont les patients sont enfermés sans être capable de bouger leur corps ni de réagir

rapidement avec l’extérieur via le corps si ce n’est par la communication avec les yeux ou les

mimiques. » Je voulais avoir sa propre définition de la pathologie avec des mots simples pour comprendre simplement et sans difficulté ce syndrome.

Au niveau de la communication, il existe, comme dans beaucoup d’établissements de ce type, des planches alphabétiques avec des codes couleurs (consonnes, voyelles) ainsi qu’un logiciel (unique dans le centre) sur tablette tactile avec guidance oculaire. C’est un logiciel qui coûte cher, il est d’abord emprunté au laboratoire électronique, essayé par le patient pendant une quinzaine de jours pour maîtriser la technicité du logiciel, puis acheté ou non. Certains patients n’interagissent pas avec le monde extérieur, il n’est donc pas nécessaire d’avoir des planches alphabétiques dans toutes les chambres. Les soignants se contentent de réponses par oui ou par non dictées avec les yeux. Mais lorsque le patient est en mesure de communiquer de façon efficace avec les yeux, toute l’équipe se mobilise pour mettre en place les moyens utiles afin d’avoir une relation soignant/soigné de qualité.

Pour cette infirmière, ce sont le temps, l’expérience et la maturité qui permettent de rendre la communication avec ces personnes plus fluide. Les habitudes aussi font que la relation soignant/soigné entre dans une sorte de confiance au jour le jour par le biais de la connaissance qu’a le soignant pour son patient et l’inverse. Il est important pour elle et elle met l’accent pendant l’entretien sur le fait de bien connaître son patient et sa pathologie pour que la prise en soin de ce dernier soit de qualité. Il est primordial de prévenir la douleur et de savoir la gérer. Selon elle, « il faut savoir que ce sont des personnes qui ressentent tout, qui ont des douleurs

sans pouvoir le dire ». Cette connaissance peut avoir un impact sur la prise en charge des patients et des difficultés dans la relation soignant/soigné « On ne les connaît pas par cœur

puisque chaque jour est différent mais suffisamment pour qu’ils n’aient pas besoin d’appeler

pour qu’on voit qu’il y a quelque chose qui ne va pas même si eux n’ont pas encore ressenti de

douleur au niveau clinique. » Il est donc nécessaire d’établir une confiance à double sens pour prendre en soin les patients.

Lorsque je lui demande les principes primordiaux pour prendre en soin les patients complexes comme le Locked-In-Syndrome ou les patients dans un état pauci-relationnel, elle me répond que l’observation doit être le premier réflexe lorsque l’on entre dans une chambre. Il faut regarder le visage et les yeux du patient pour comprendre qu’il a besoin de quelque chose.

Page 18: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

15

Le corps est aussi à observer par rapport aux contractures. « Ils ne vont pas forcément

avoir mal à un endroit mais des contractures vont pouvoir nous montrer qu’il y a peut-être une

épine irritative (c’est-à-dire un problème autre qui retentit sur l’activité réflexe : une infection

urinaire ou une sonde urinaire qui se bouche, une escarre ou une petite plaie qui n’est pas

ressentie, un fécalome, le froid26) ». Cela pourrait engendrer des douleurs qui ne sont pas

forcément verbalisées avec les yeux ou avec la communication non verbale. Il y a la patience et l’écoute qui doivent aussi être une qualité pour travailler dans ce service, « ce sont des

personnes avec qui il faut prendre du temps. Il ne faut pas toujours se contenter d’un oui ou

d’un non, il faut trouver le temps pour pouvoir être sûr qu’ils soient bien installés, qu’ils aient

tout ce qu’il faut avec eux. Pour moi c’est déjà ne jamais partir de la chambre sans s’assurer

qu’on peut en sortir : C’est bon je peux te laisser ? Si oui d’accord je sors, sinon je reviens et je

recommence. ».

Les pathologies prises en charge dans le service sont complexes, je me demande dans quel état d’esprit se trouve l’infirmière lorsqu’elle commence la prise en soin d’un patient LIS. Dans sa réponse elle ne me parle pas clairement d’émotion mais me parle de ses difficultés à comprendre les patients. « Au départ ce n’est pas facile car ce sont souvent des personnes qui

n’ont pas de mimiques donc on ne sait jamais comment réagir. Juste par le regard, il y a des

patients qui peuvent sourire avec les yeux et d’autres qui ne peuvent plus. Sans l’intonation des

phrases qui ne peuvent être dites c’est difficile de comprendre les demandes, les ressentis. » Lorsqu’elle rencontre des patients en détresse psychologique et qu’elle n’arrive pas à communiquer avec eux, elle passe rapidement le relais. « Je vais chercher quelqu’un d’autre en

me demandant si c’est normal, si la situation arrive souvent. » Elle me parle alors de l’importance du travail d’équipe. « Ici on travaille en binôme infirmière/aide-soignante. Il y a

beaucoup de confiance entre nous et les informations vont aussi bien des aides-soignantes aux

infirmières que des infirmières aux aides-soignantes. C’est à cela que ça sert une équipe et dans

tout travail il ne faut pas hésiter à passer le relais. » Je lui demande ensuite si un étudiant se retrouvait dans une situation compliquée, avec un patient en grande détresse psychologique, comment elle réagirait. Elle retournerait avec l’étudiant dans la chambre pour essayer ensemble de comprendre ce qui ne va pas. Pour elle la place de stagiaire n’est pas facile, les patients ont leurs habitudes et ils vont plus discuter avec une soignante, s’y confieront plus facilement qu’à un étudiant. Ce ne sera pas vécu comme un échec par celui-ci ni par l’équipe, au contraire, c’est enrichissant parce qu’on apprend.

Elle me raconte ensuite deux souvenirs qui ont marqué son exercice dans le service. Je ressens de vives émotions lors de son récit. J’arrive à visualiser les situations et à me mettre à sa place. Elle récite d’une manière sincère et je me rends compte qu’elle a réellement ressenti des émotions même si elle n’évoque pas ce mot. Ces situations confirment l’importance de la connaissance du patient pour une prise en charge de qualité. Lors d’un de ses souvenirs, elle affirme le transfert qui s’est installé entre la professionnelle qu’elle est et une patiente. Dans un second souvenir, elle me raconte avoir emmené le patient dans ses pensées un long moment et avoir pleuré devant lui.

Je lui demande ensuite de quelle façon elle s’y est prise pour faire face à ce transfert et à cette situation difficile. Elle me parle à nouveau de passer le relais dès que cela est possible car dans ces situations la prise en charge était difficile pour tout le monde donc il faut aussi mettre ses émotions personnelles de côté pour réussir à entrer dans la chambre faire les soins.

26 http://www.sclerose-en-plaques.apf.asso.fr/spip.php?article132 (Consulté le 08/04/2015)

Page 19: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

16

Pour elle « chaque situation nous fait grandir, ce qui crée notre expérience. Je ne vais

pas dire que pleurer avec un patient est une faute, après, tout dépend la mesure, il ne faut pas

prendre toute la tristesse du patient pour soi parce que nous sommes sur nos deux jambes et

pas lui donc il faut avoir de la compassion. Il faut parfois aussi se lâcher mais ne pas tomber

dans l’excès car on a toute une vie à coté de notre travail, il ne faut pas que ça influence non

plus la vie personnelle. Quand on est jeune on fait beaucoup de transferts. On se dit que ça

pourrait être ma mère, mon père… aussi bien par rapport à l’âge, que par rapport à la

pathologie. On a tous un vécu personnel avant qui nous renvoie des choses. »

Enfin, elle me confirme que ces transferts ont influencé la prise en charge des patients. D’une part, dans son premier souvenir, en évitant le plus possible de faire ses soins. Et d’autre part, dans son second souvenir, en faisant tout ce qu’elle pouvait pour accompagner le patient jusqu’au bout.

A la suite de ces deux analyses, je peux conclure en affirmant que l’entretien avec l’infirmière conforte les idées développées dans la problématique pratique. Elle m’a orientée et confirmée dans mon choix d’éclairer certains éléments pour la seconde partie de mon travail.

Page 20: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

17

IV- Délimitation du champ de recherche

Après l’analyse de la situation vécue en stage, grâce aux recherches effectuées concernant mon questionnement et à l’entretien de la phase exploratoire, une question de départ a pu être formulée. La problématique pratique est la suivante :

En quoi les émotions des soignants peuvent-elles influencer leur attitude professionnelle

au cours d’une prise en soin de qualité chez un patient atteint d’un

Locked-In-Syndrome ?

Page 21: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

18

V- Problématique théorique

Suite à cette question de départ, je propose d’expliquer les éléments importants par des concepts. Je commence cette analyse de façon logique, dans un premier temps je m’intéresserai à la prise en charge de qualité en développant les concepts du prendre soin, de qualité des soins et de communication. Ensuite je parlerai de la gestion des émotions et dans un dernier temps, j’étudierai l’attitude professionnelle en exposant les concepts d’expérience, d’empathie et de juste distance.

V.1 La prise en charge de qualité

V.1.1 Le prendre soin

Venant de l’anglais « to care », ce terme signifie « prendre soin de ». Ce concept a été introduit en France en 1982 par Marie-Françoise Collière qui a exercé en tant qu’enseignante à l’École Internationale d’Enseignement Infirmier Supérieur (EIEIS) de Lyon.

Walter Hesbeen, infirmier et docteur en santé publique, a plus particulièrement étudié cette notion et attache beaucoup d’importance à développer la pratique soignante. Dans son ouvrage « Prendre soin à l’hôpital, inscrire le soin infirmier dans une perspective soignante », il nous donne sa définition du prendre soin. Pour lui, c’est une « attention particulière que l’on

va porter à une personne vivant une situation particulière en vue de lui venir en aide, de

contribuer à son bien-être, de promouvoir sa santé. »27 Nous comprenons donc que la perspective aidante développée ici par l’auteur est importante pour que le prendre en soin puisse s’appliquer dans la pratique soignante. Lorsqu’il nous parle d’une attention particulière, il poursuit sa définition en nous expliquant que le soin doit être une approche particulière, singulière, unique à chaque personne. C’est pour cela qu’il se doit de l’écrire au singulier. Il illustre cette idée dans son livre de cette façon : « l’attention particulière contenue dans le

« prendre soin » ne peut, à chaque fois, qu’être unique. Elle n’est pas préétablie, ni

programmable, ni répétable d’individu à individu. Elle est toujours à penser, à repenser, en fait,

à créer. Elle est singulière comme l’est la situation de vie dans laquelle un soignant est amené à

prendre soin d’une personne. »28 Pour adapter chaque prise en soin il faut avoir une attention

singulière pour chaque patient afin de leur venir en aide, de les soigner pour contribuer à l’amélioration de leur santé lors des situations de besoin.

Néanmoins, le mot soin est très souvent écrit au pluriel comme l’explique Marie-Françoise Collière : « la façon d’évoquer LE soin au singulier, faisant DU soin une abstraction

au lieu de considérer les formes plurielles et diversifiées des soins. »29 Pour elle, le singulier désigne une mise à l’écart de tous les soins divers pratiqués par les infirmières.

27HESBEEN, Walter. Prendre soin à l’hôpital. Inscrire le soin infirmier dans une perspective soignante. Editions Masson. Paris, 1997. Page 8 28Ibid – Page 8 29Ibid – Page 9

Page 22: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

19

Sa définition des soins est la suivante : « Les soins désignent alors des actes par

lesquels on soigne. […] L’auteur porte une attention particulière à l’autre à travers les soins

prodigués. »30 Effectivement, d’après Marie-Françoise Collière, les soins sont pratiqués à tous les patients d’une manière particulière pour chacun. Pour elle, il semble être important d’inclure tous les soins prodigués pour parler de prise en soin.

Selon W. Hesbeen, « l’organisation la plus répandue des services de soins montre à

quel point les tâches à effectuer, les actes à poser, ont pris une place centrale, on peut dire

prépondérante, qui ponctuent ce qu’il faut bien se résoudre à nommer un « rituel quotidien ».

Le soin au singulier, permet de rappeler qu’il s’agit d’une œuvre de création à chaque fois

unique qui concerne une personne dans la singularité de sa situation de vie. C’est pour cela que

la pratique soignante est un art et non pas une science. »31 Pour l’auteur, les soins au pluriel désignent une forme d’habitude que les soignants s’obligent à suivre alors que le soin au singulier permet à l’infirmier de considérer la personne prise en soin comme tel, comme un humain différent de tous les autres, unique.

Le soin au singulier permet donc d’agir de façon unique, non répétée et représente l’aspect relationnel alors que les soins sont définis comme des actes à accomplir. La pratique soignante est un exercice compliqué qui doit solliciter un certains nombre de capacités pour réussir à adapter chaque prise en soin. Dans ce sens, W. Hesbeen nous indique une seconde définition du prendre soin qui est pour lui « un art, il s’agit de l’art du thérapeute, celui qui

réussit à combiner des éléments de connaissance, d’habilité, de savoir-être, d’intuition qui vont

permettre de venir en aide à quelqu’un, dans sa situation singulière. »32

L’importance de la prise en soin singulière permet aux soignants d’agir de façon consciencieuse envers les patients pour aboutir à des soins de qualité.

V.1.2 La qualité des soins

La qualité à toujours été une préoccupation pour les hommes. La gestion de la qualité est devenue une nécessité et une priorité dans les entreprises mais est aussi envisagée dans le milieu hospitalier. Selon l’OMS, « la qualité des soins doit permettre de garantir à chaque

patient un ensemble d’actes diagnostiques et thérapeutiques qui lui assurera le meilleur résultat

en terme de santé, conformément à l’état actuel de la science médicale, au meilleur coût, au

moindre risque iatrogène, et pour sa plus grande satisfaction en termes de procédure, de

résultat et de contacts humains à l’intérieur du système de soins ».33 Pour cet organisme, la qualité des soins est bien une notion qui comporte plusieurs facteurs qui contribuent à la mise en place d’actes de soins dont le niveau de compétences sera élevé.

30Ibid – Page 9 31Ibid – Page 9 32Ibid – Page 35 33FORMARIER, M. et JOVIC, L. Les concepts en sciences infirmières. 2ème édition. ARSI. Editions Mallet Conseil. Pages 256, 257

Page 23: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

20

Walter Hesbeen dans un second ouvrage, nous invite à comprendre ce qu’est la qualité du soin. Pour lui, un soin de qualité est d’abord représenté par l’ « accueil, l’écoute, la

disponibilité et la créativité des soignants, combinés à leurs connaissances de nature

scientifique et habilités techniques »34 Ces éléments sont à distinguer et à évaluer pour savoir si un soin est qualifié de qualité dans un établissement. La notion de pratique soignante est donc à identifier dans le prendre en soin car c’est elle qui sera en première ligne devant le patient et qui contribuera à la qualité de l’accompagnement et des soins pratiqués. Selon l’auteur « une

pratique soignante de qualité est celle qui prend du sens dans la situation de vie de la personne

soignée et qui a pour perspective le déploiement de la santé pour elle et pour son entourage.

Elle relève d’une attention particulière aux personnes et est animée par le souci du respect de

celles-ci. Elle procède de la mise en œuvre cohérente et complémentaire des ressources diverses

dont dispose une équipe de professionnels et témoigne des talents de ceux-ci. Elle s’inscrit dans

un contexte politique, économique et organisationnel aux orientations, moyens et limites

pertinents et clairement identifiés. »35 Il met l’accent sur le travail en équipe et les connaissances de chaque personne qui permettent de travailler ensemble selon le contexte d’un service dans un temps donné pour prendre soin d’un patient et de considérer sa famille et son entourage comme acteur de sa santé. W. Hesbeen a identifié des déterminants de la qualité. Ces déterminants composés de plusieurs facteurs participent à la réalisation d’une action. Il retient sept grandes classes de déterminants liés :

- « aux aspects politiques et économiques

- à l’organisation concrète des structures

- aux réflexions philosophiques et connaissances techniques et spécifiques

- à la formation des professionnels

- au comportement et à la compétence des acteurs

- à la personne soignée et à ses proches

- aux méthodes de recueil d’informations sur les pratiques et aux démarches

d’évaluation »36 (Annexe IV)

Ces déterminants me permettent de dire que des notions très simples comme le soin et la qualité, sont difficiles à définir. Ici, l’auteur a voulu nous montrer que la pratique soignante s’acquiert avec le temps et l’expérience mais surtout avec les différents déterminants présentés ci-dessus comme la formation, la compétence, l’importance donnée aux patients et à leurs proches, les méthodes de travail, … Tout cela concourt à la qualité mais semble être aussi en lien avec une attitude à adopter en milieu de soin. Selon W. Hesbeen, « la qualité du soin sera

très fortement marquée par l’attitude et le comportement du soignant ».37.

Il me reste une notion importante qui me semble être le premier maillon de la chaîne du « prendre en soin » : toute relation débute par une communication lors d’une rencontre, une interaction et d’un accompagnement lors d’une prise en soin.

34HESBEEN, Walter. La qualité du soin infirmier – penser et agir dans une perspective soignante. 2ème édition. Editions Elsevier Masson. Paris 1998, 2002. Page 47 35Ibid – Page 55 36Ibid – Page 60 37Ibid – Page 69

Page 24: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

21

V.1.3 La communication dans le prendre soin

Selon HESBEEN, « la pratique du soin infirmier s’inscrit dans une rencontre entre une

personne soignée et des personnes soignantes. […] Cette rencontre nécessite une démarche,

celle que l’on peut appeler une « démarche de soin » ou, plus exactement, une « démarche de

prendre soin ». […] Il s’agit de situer son action dans une démarche, celle qui désigne un

mouvement, celle qui porte vers l’autre pour aller à sa rencontre sur le chemin qui est le sien.

Pour réussir à initier et à ajuster ce mouvement qui porte vers l’autre, les professionnels sont

invités à dialoguer, à réfléchir, à analyser, à identifier les éléments qui constituent la situation

de vie dans laquelle ils vont intervenir. »38 Cette rencontre entre le soignant et le soigné débutera par une communication, qu’elle soit par la parole, la gestuelle, la posture ou encore par les émotions. Communiquer c’est entrer en communication avec l’extérieur. Selon le dictionnaire de la langue française Larousse c’est une « action, fait de communiquer, de

transmettre quelque chose »39. Il implique une rencontre entre deux personnes ou un groupe. C’est lors de cette rencontre pour une prise en soin d’un patient que vont s’engager des échanges pour partager et débuter une relation. Il existe la communication verbale et la communication non verbale.

En 1949, Shannon (ingénieur) et Weaver (philosophe) conçoivent une théorie de la communication qu’ils définissent comme une transmission d’informations entre un émetteur et un récepteur à travers un système de signaux. Pour eux, il est indispensable d’être deux pour communiquer. Il faut un émetteur qui transmet la source d’informations, à l’origine d’un message, par un canal d’informations. Celui-ci va codifier le message en signaux, puis les transporter à un récepteur de l’information qui va recevoir le message, le décoder et le reconstruire pour sa compréhension. C’est ce schéma simple qui nous permet d’affirmer que les points essentiels de la communication reposent sur la parole et l’écoute entre deux individus. Ensuite Robert Wiener (mathématicien) apporte une notion essentielle à toute théorie de la communication dans son livre « Cybernétique » en 1947 : le Feed-Back. C’est l’effet de retour, qui permet au récepteur de répondre de façon positive ou négative et garantit la compréhension ou non du message envoyé par l’émetteur. La communication est une série de Feed-Back successifs qui permet de la rendre dynamique grâce à cet échange d’informations (Annexe V). Mais lorsque la parole fait défaut, comment peut-on communiquer ?

La communication non verbale repose essentiellement sur la gestuelle, le regard, les attitudes, les mimiques pour transmettre une information. En 1978, Paul Ekman (psychologue américain) dégage l’idée de l’universalité des expressions faciales. Il décrit six expressions faciales universelles : la peur, la joie, la colère, le dégout, la tristesse et la surprise (Annexe VI). Les émotions sont un vecteur fondamental de la communication non verbale. Le langage est la fonction générale de la communication. Cependant, les émotions décrites par Paul Ekman montrent l’importance de leur signification dans une relation et donc dans un système de communication. C’est un point fort de relation soignant/soigné.

38HESBEEN, Walter. Prendre soin à l’hôpital. Inscrire le soin infirmier dans une perspective soignante. Editions Masson. Paris, 1997. Page 98 39http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/communication/17561 (Consulté le 14/04/2015)

Page 25: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

22

Pour clore ces concepts qui interagissent ensemble dans la prise en soin de qualité, nous pouvons dire que la communication est la première action lors d’une rencontre entre le soignant et le soigné, elle est importante pour débuter une relation. La particularité de chaque prise en soin permet d’avoir des soins de qualité lors d’un accompagnement. Cependant, certaines pathologies sont difficiles à prendre en soin de part la complexité des soins ainsi que par la fatalité des conséquences qui rendent les patients handicapés dans la gestion des gestes simples de la vie quotidienne et dans la communication. Les soignants passent du temps avec ces patients pour les assister, il existe donc une relation de confiance très forte dans les deux sens mais parfois les émotions des uns et des autres les rattrapent et peuvent avoir des conséquences sur la qualité de la prise en charge.

V.2 La gestion des émotions

Afin de comprendre la manière dont nous pouvons faire face à nos émotions, je recherche tout d’abord des explications sur le terme des émotions en général pour ensuite pouvoir assimiler la notion de gestion des émotions.

V.2.1 Les émotions

Dans son ouvrage « L’intelligence émotionnelle » Daniel Goleman, psychologue américain, nous donne sa définition des émotions. Selon lui, les émotions sont des états psychologiques et biologiques particuliers qui suscitent une action. « Toutes les émotions sont

des incitations à l’action »40. D’un point de vue étymologique, le terme émotion vient du latin « motere » qui signifie « mouvoir » et du préfixe « é » qui indique un mouvement vers l’extérieur. Cela explique concrètement la définition de l’auteur. Les émotions impliquent aux individus d’agir en conséquence face à une situation négative ou positive. Daniel Goleman nous parle de l’existence de centaines d’émotions mais nous mentionne les plus courantes : la colère avec l’indignation ou l’exaspération, la tristesse avec le chagrin ou la mélancolie, la peur avec l’anxiété ou la nervosité, le plaisir avec le bonheur ou la joie, l’amour avec la dévotion ou la gentillesse, la surprise avec le choc ou l’étonnement, le dégout avec le mépris ou la répulsion, la honte avec l’embarras ou l’humiliation. Cette liste n’est pas exhaustive et chaque variante de ces émotions a la possibilité de faire partie de plusieurs classes d’émotions. C’est le cas de la jalousie qui peut être une variante à la fois de la colère mais aussi de la tristesse ou de la peur.

40GOLEMAN, Daniel. L’intelligence émotionnelle tome 1 : Comment transformer ses émotions en

intelligence. Editions Robert Lafont. Paris, 1997. Page 20

Page 26: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

23

D’un point de vue plus scientifique, c’est le neurologue Joseph LeDoux qui a été le premier à expliquer l’action de l’amygdale sur l’activité affective du cerveau. Les recherches de ce neurologue ont expliqué « comment l’amygdale parvient à déterminer nos actions avant

même que le cerveau pensant, […] ait pu prendre une décision. »41 (Annexe VII) Cette structure « déclenche des réactions impulsives et angoissées »42. Mais par le biais d’un autre système dans une autre partie du cerveau, le lobe préfrontal se charge de rectifier la réaction de l’amygdale. Ce qui nous pousse à agir de façon raisonnable. Selon GOLEMAN, « les émotions

sont d’une grande importance pour la raison »43. Il appelle cela l’ « harmonisation de l’émotion

et de la pensée ». Il se base sur Antonio Damasio, neurologue, qui a étudié comment est affecté le comportement des patients dont le circuit lobe préfrontal-amygdale a été endommagé. Leurs décisions sont gravement faussées alors que leurs capacités cognitives ne semblent pas diminuées. Selon le neurologue, « si leurs décisions sont aussi erronées c’est parce qu’ils n’ont

plus accès à leurs connaissances émotionnelles »44.

L’hypothèse finale d’A. Damasio est la suivante : lorsque quelqu’un prend une

décision, il ne se sert pas seulement de sa raison ou de ses connaissances. Il a aussi besoin de

ses émotions pour guider son choix.45 Nos facultés affectives nous guident constamment dans nos choix, elles travaillent en lien avec l’esprit rationnel et permettent ou interdisent l’action. L’auteur nous dit que « la plupart du temps, l’esprit émotionnel et l’esprit rationnel

fonctionnent en parfaite harmonie, associant leurs modes de connaissance très différents pour

nous guider dans le monde qui nous entoure. Il y a d’ordinaire équilibre entre les deux,

pourtant l’esprit émotionnel et l’esprit rationnel sont deux facultés semi-indépendantes. »46

Suite à cette analyse scientifique confrontée aux définitions littérales des émotions nous pouvons dire que le cerveau est le maître d’œuvre de nos affects et celui qui nous aide à agir face à ces émotions. Elles sont donc bien en lien avec le mouvement et l’action.

Pour mieux comprendre et pour aller plus loin sur les émotions, je recherche les grandes théories expliquant celles-ci. Les quatre grandes théories des émotions sont : la théorie évolutionniste décrite par Charles Darwin, naturaliste, qui démontre que nos émotions sont génétiques, innées et que nous ne pouvons pas vivre sans émotions, nous devons y être attentifs car elles nous sont utiles. C’est le pionner en termes d’universalité des émotions, un siècle avant Paul Ekman.

41Ibid – Page 32 42Ibid – Page 43 43Ibid – Page 48 44Ibid – Page 47 45CHAPEL, Gaëtane. Le Moi, du Normal au Pathologique. Editions Sciences Humaines Auxerre, 2004. Page 37 46GOLEMAN, Daniel. L’intelligence émotionnelle tome 1 : Comment transformer ses émotions en

intelligence. Editions Robert Lafont. Paris, 1997. Page 24

Page 27: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

24

Ensuite, la théorie physiologiste qui explique grâce à William James, psychologue et philosophe, qu’il existe un lien entre les émotions et le corps. Il affirme que l « 'émotion ne

serait «rien autre que la sensation des effets corporels réflexes de ce que nous appelons son

"objet"» (ce dont il déduira qu'en voyant son enfant mort on était triste «parce qu'on pleurait»,

et non qu'on pleurait parce qu'on était envahi par une immense affliction) »47. La théorie cognitiviste dit, selon Epictète, philosophe, que nous sommes émus parce que nous pensons. Il met le lien entre la pensée de l’esprit et les émotions. Puis la théorie culturaliste représentée par Margaret Mead, anthropologue qui stipule que nous sommes émus parce que c’est culturel. Cette dernière fait le lien avec le monde extérieur qui nous entoure auquel nous devons être attentifs pour exprimer nos émotions. Elle affirme que les émotions et leur expression sont apprises par l’éducation et varient selon les cultures.

Antonio Damasio, a plus récemment ajouté la théorie des marqueurs somatiques : « lorsqu’un individu doit prendre une décision face à un événement nouveau et donc faire un

choix entre plusieurs options, il ne fait pas seulement une analyse purement rationnelle. Il est

aussi aidé par les souvenirs qu’il a de choix antérieurs et de leurs conséquences. Ces souvenirs

contiennent des composantes affectives, émotionnelles de l’événement passé. Le cerveau va

réveiller ce que l’événement émotionnel avait provoqué dans le corps, ainsi que le sentiment

ressenti, et cela orientera donc la prise de décision vers une autre option. Donc au fur et à

mesure des expériences de la vie, chacun dispose non seulement d’une analyse objective des

situations nouvelles mais aussi d’une histoire de ce que la vie a été pour son organisme. »48 Sa théorie se rapproche notamment de celle de William James qui lie les émotions au corps en ajoutant une note personnelle concernant les expériences affectives et émotionnelles antérieures que l’individu a vécues, et donc de son expérience.

Toutes ces théories différentes peuvent s’adapter dans la vie quotidienne, chaque théorie pourrait s’ajouter aux autres pour n’en former qu’une seule. Armelle Nugier, maître de conférences en psychologie sociale, nous explique qu’« aujourd’hui les théoriciens qualifient

l’émotion de phénomène multicomponentiel adaptatif (avec plusieurs composantes) pouvant

être caractérisé par les réactions expressives, comme le sourire, le froncement de sourcil,

l’intonation de la voix, la posture, par les réactions physiologiques comme la fréquence

cardiaque, le flux sanguin, la production des larmes, par les tendances à l’action et les

réactions comportementales, comme l’attaque, l’évitement, la fuite, la recherche de support

social, par les évaluations cognitives comme la pensée d’avoir été injustement traité par une

autre personne et enfin par l’expérience subjective (ou sentiments subjectifs), c’est-à-dire ce

qu’on pense ou dit ressentir. »49

47http://www.franceculture.fr/oeuvre-la-th%C3%A9orie-de-l-%C3%A9motion-de-william-james.html (Consulté le 16/04/2015) 48CHAPEL, Gaëtane. Le Moi, du Normal au Pathologique. Editions Sciences Humaines. Auxerre, 2004. Page 38 49NUGIER, Armelle. Histoire et grands courants de recherche sur les émotions. Revue électronique de Psychologie Sociale, 4, 8-14. - 2009 Disponible sur : http://www.psychologiesociale.eu/files/RePS4.Nugier.pdf (Consulté le 18/03/2015)

Page 28: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

25

Après avoir éclairé la notion d’émotion par différents points de vue, nous avons pu constater que ce concept est difficile à exploiter, les avis divergent selon les auteurs et certains termes sont complexes notamment concernant l’explication scientifique. Mais toutes ces définitions me permettent d’affirmer que les émotions sont déterminantes dans la reconstruction d’histoires. Elles font partie du fondement de notre personnalité et de notre capacité à agir face à des situations. Je vais ensuite m’attarder sur la gestion des émotions en milieu de soins afin de me rapprocher d’une opinion conceptuelle plus centré sur le métier d’infirmière.

V.2.2 Gérer ses émotions

La fonction de soignant expose à un certain nombre d’émotions repérables dans la pratique quotidienne. Il est important que le soignant et le soigné puissent avoir des émotions et sachent les exprimer dans un espace pour les partager, pour en parler et pour prendre du recul. Les émotions des patients, sont plus ou moins faciles à repérer du fait qu’une hospitalisation signifie dans l’opinion publique : maladie, douleur, angoisse, piqure, examens, diagnostic. Ces émotions sont transférables aux soignants qui passent du temps avec le soigné lors d’une prise en soin. Cette transmission d’émotions est décrite par Daniel Goleman qu’il appelle dans son livre « Expressivité et contagion des émotions »50. Pour lui le mécanisme le plus probable de cette transmission est l’imitation inconsciente des émotions d’une personne, à son insu, de signes non verbaux qui recréent l’humeur de l’autre. Il cite John Cacioppo, un psychologue qui a étudié ces échanges émotionnels subtils et affirme que « le simple fait de voir quelqu’un

exprimer une émotion suffit à évoquer celle-ci, que la personne ait conscience ou non d’imiter

l’expression de son visage. Cela se produit constamment, c’est une sorte de chorégraphie, une

synchronie, une transmission des émotions. Cette synchronie de l’humeur fait que l’on sent si

une interaction s’est bien passée ou non. » Dans une relation soignant/soigné, l’interaction est inévitable et les échanges primordiaux. C’est pourquoi les soignants doivent travailler sur la gestion de leurs émotions dans cette interaction de proximité.

Dans son article « De l’émotion dans le soin »51, Géraldine Langlois nous parle d’une neutralité des émotions dans les milieux hospitaliers. Une sorte de norme qui veut que les soignants se doivent de maîtriser leurs émotions. Pour l’auteur de cet article, les émotions sont essentielles pour passer à l’action, comme le soulignait Daniel Goleman dans son ouvrage. Il est vrai que dans un milieu de soin, où nous prenons en charge des personnes humaines, les émotions sont là qu’on le veuille ou non. Il n’est pas pensable de vivre et de travailler sans émotions alors que les soignants font face à la souffrance et à la douleur des patients.

50GOLEMAN, Daniel. L’intelligence émotionnelle tome 1 : Comment transformer ses émotions en

intelligence. Editions Robert Lafont. Paris, 1997. Pages 151-155 51LANGLOIS, Géraldine. De l’émotion dans le soin, L’infirmière magasine, numéro 262, juillet/août 2010, pages 22 à 26

Page 29: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

26

Pour Géraldine Langlois, il est nécessaire de savoir ou de pouvoir identifier les émotions afin de les contrôler, mais c’est un exercice parfois difficile. Elle met l’accent sur l’importance de passer le relais à d’autres soignants ou de faire un soin à deux et sur la primordialité du travail en équipe pour gérer des situations difficiles. Pour Catherine Mercadier, docteur en sociologie, « appartenir à une équipe, c’est l’assurance d’y trouver du réconfort

dans les moments difficiles »52. Dans son article « le travail émotionnel des soignants, la face

cachée du soin », cette sociologue, aussi cadre supérieur de santé, nous explique de quelle manière les soignants peuvent gérer leur vie émotionnelle grâce à la mise à distance dans l’interaction soignant/soigné. Elle explique que « perception sensorielle, émotions et

raisonnement intellectuel sont si étroitement mêlés que le soignant a parfois du mal à les

identifier distinctement. Mais les données issues tant du raisonnement que celles provenant des

émotions se combinent pour guider le travail à réaliser. Certains affects peuvent entraver le

travail d’où la nécessité pour le soignant de s’en protéger »53. Pour elle, la maîtrise des émotions passe essentiellement par la distance entre le soignant et le malade, ce travail important s’effectue à la fois pour respecter les normes en vigueur mais surtout pour que le soin puisse se dérouler comme il se doit. Elle met en évidence quatre axes différents dans la pratique soignante qui permet cette mise à distance :

- « La façon dont s’interpellent soignants et soignés : les patients sont appelés par

leur nom parfois leur prénom mais c’est jugé infantilisant et irrespectueux par

l’encadrement. De leur côté les malades utilisent le « monsieur », « madame », ou

« mademoiselle » à leur arrivée à l’hôpital

- L’instrumentalisation et la mise en protocole des soins montrent une mise à

distance sensorielle. Les sens et les émotions sont étroitement liés. De ce fait, les

pinces et les gants par exemple protègent du contact et des sensations qu’ils

procurent.

Ce qui protège de la gêne. D’une part, la technique établit un écran opaque entre

l’infirmière et le patient, une distance avec tous les affects.

D’autre part, le protocole de réalisation du soin apparaît comme une succession

d’étapes à respecter scrupuleusement et apparenté à un rituel. Ce rituel pouvant

s’apparenter à un rituel d’évitement. Sa fonction serait de « fournir un ensemble

d’assurances et de contrepoids émotionnels et même organisationnels, contre les

risques objectifs et subjectifs de l’activité. »

- La parole qui a pour fonction de neutraliser l’émotion. Elle peut faire tomber la

gêne suscitée par une situation de soin en détournant l’attention de la source de

gêne elle diminue simultanément la gêne du soignant et du soigné. Le rire et

l’humour se mêlent parfois à la parole, en remplissant leur fonction d’épargne

psychique.

52MERCADIER, Catherine. Le travail émotionnel des soignants, la face cachée du soin. Soins Cadre, volume 17, numéro 65, février 2008, pages 19 à 22 53Ibid

Page 30: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

27

- La séparation soignants/soignés : les espaces dévolus aux malades et aux soignants

sont clairement identifiés, le vêtement distingue d’un seul coup d’œil les uns des

autres (la blouse blanche pour les soignants et le pyjama pour le patient signifiant

le statut de chacun), l’association à la communauté soignante génère un fort

sentiment d’appartenance et d’esprit d’équipe par le partage d’un vocabulaire

commun et l’importance attribuée à l’oralité. »54

Selon Catherine Mercadier, ces différents axes « protègent les soignants d’une trop

forte proximité avec le patient et donc d’un grand risque de contamination symbolique »55 représentée par la « forme d’un mimétisme symptomatologique »56, et contribuent à la maîtrise des émotions. Elle l’appelle ainsi : le travail émotionnel des soignants.

Dans une autre approche, Claudine Carillo, formatrice consultante en relations humaines, explique que « l’infirmière peut apprendre à mieux maîtriser ses émotions, à les

contenir et, avec l’expérience, à les ressentir sans les manifester. »57 Pour ceci, la première étape pour atteindre cet objectif consiste à ressentir une émotion forte et prendre le risque que cela se voie. La seconde est d’apprendre à ressentir et exprimer de l’empathie sans extérioriser ses émotions. Il est essentiel que le soignant puisse décrypter les émotions du patient et analyser les siennes afin de répondre au mieux aux attentes et aux besoins du malade. C’est une qualité qui est à l’origine d’une attitude professionnelle pouvant s’acquérir avec la pratique et l’expérience.

54Ibid 55Ibid 56Ibid 57CARILLO, Claudine. La gestion du stress au travail. Stress et émotions, entre débordement et hyper-

protection. Soins, volume 56, numéro 754, avril 2011, pages 61 et 62

Page 31: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

28

V.3 L’attitude professionnelle

Pour parler d’attitude professionnelle, je décide de rechercher les concepts les plus importants et représentatifs du métier d’infirmière qui sont pour ma part : l’empathie et la distance professionnelle s’acquérant avec l’expérience dans un milieu de soins. C’est une notion complexe, très étendue qui intègre plusieurs concepts. Selon Roland Doron et Françoise Parot dans le Dictionnaire de Psychologie « L’attitude qualifie une disposition interne de l’individu

vis-à-vis d’un élément du monde social (groupe social, problème de société etc…) orientant la

conduite qu’il adopte en présence, réelle ou symbolique de cet élément. »58 Walter Hesbeen nous donne une définition plus concrète qui est : « une disposition de l’esprit orientant

l’intention d’une personne, le comportement étant l’expression concrète d’une action ou d’une

réaction dans une situation donnée. »59 Cette définition affirme donc que l’attitude est un comportement, une manière d’être en présence d’une situation qu’elle soit habituelle ou difficile à gérer.

V.3.1 L’expérience professionnelle

L’expérience est nécessaire à l’expertise. Les compétences et les savoirs, confirmés par l’expert qui agit, sont le point de départ de l’acquisition de l’expérience. Cette notion peut être définie comme un ensemble de connaissances acquises par un professionnel par le biais de sa pratique et d’une habitude. Elle est présente dans tous les corps de métier et c’est ce qui fait que nous pratiquons nos savoirs et agissons avec des compétences.

Pour comprendre ce qu’est l’expérience je commence par m’intéresser à l’expert. L’expertise, c’est le dernier maillon de la chaîne des niveaux d’acquisition des compétences, développé par deux frères nommés Hubert et Stuart Dreyfus, respectivement philosophe et mathématicien. Cette chaîne étant la suivante : novice, débutant, compétent, performant, expert60. C’est au stade de l’expert que l’infirmière est capable de gérer consciencieusement les situations rencontrées grâce à ses connaissances et son expérience. « L’infirmière experte

perçoit la situation comme un tout, utilise comme principes des situations concrètes qu’elle a

déjà vécues et va directement au cœur du problème sans prendre en compte un grand nombre

de considérations inutiles. »61 C’est ainsi que l’infirmière, grâce à ses connaissances en matière de gestion des situations, va pouvoir exercée de manière efficace et consciencieuse.

58FORMARIER, M. et JOVIC, L. Les concepts en sciences infirmières. 2ème édition. ARSI. Editions Mallet Conseil. Pages 81-82-83 59HESBEEN, Walter. La qualité du soin infirmier - Penser et agir dans une perspective soignante. 2ème édition. Editions Elsevier Masson. Paris, 1998 – 2002. Page 69 60BENNER, Patricia. De novice à expert : excellence en soins infirmiers. Editions Masson. Paris, 1995. Pages 23-35 61Ibid – Page 9

Page 32: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

29

Les connaissances incluses dans l’expertise s’acquièrent avec le temps et vont permettre de prendre des décisions et d’agir en conséquence face aux personnes soignées lors des situations rencontrées. Elle permettra ainsi l’évolution et la progression de la pratique soignante pour devenir performante en terme de prendre soin. Pour BENNER, la signification de l’expérience « ne fait pas simplement référence au passage du temps. Il s’agit plutôt de

l’amélioration de théories et de notions préconçues au travers de la rencontre de nombreuses

situations réelles […]. »62 Le temps est un facteur d’expérience si l’on parle des connaissances pratiques mais ne contribue pas toujours à l’évolution des savoirs. Il y a aussi une notion d’évolution des compétences qui permettra de dire qu’une infirmière est experte dans son domaine.

Walter Hesbeen nous dit bien que « le métier de soignant remplit une fonction

d’expert […] car il dispose de différentes ressources issues tant de sa vie personnelles que de sa

formation et de son expérience professionnelle.»63 Au regard de l’argumentation de l’auteur, il nous explique que cette fonction d’expert permet de « cadrer le faisable » et d’ « augmenter

le nombre de chemins possibles ».

D’une part, « cadrer le faisable » signifie que le soignant est dans la capacité de « préciser l’espace de liberté qui est le sien et les limites de son intervention. » C’est de présenter ce qu’il est capable de faire et de ne pas faire selon le contexte professionnel et institutionnel dans lequel il agit.

D’autre part, « augmenter le nombre de chemins possibles » est expliqué par l’auteur comme permettant « à la personne soignée et à ses proches d’identifier les différentes

possibilités, les différents chemins qui s’offrent à eux. A l’annonce d’un diagnostic, par

exemple, la personne ne voit parfois qu’une seule issue qui ne lui semble pas forcément

réjouissante. En faisant entrevoir d’autres issues, le soignant enrichit l’horizon du malade et

agit, de la sorte, comme vecteur d’espoir. » Le soignant, grâce à son expérience peut alors exercer ce qu’il peut faire, s’il n’est pas capable de le faire il passera le relais aux autres professionnels qui sauront agir en conséquence. C’est le but du travail en équipe, chacun est complément d’un autre soignant, « l’équipe pluridisciplinaire est un bouquet de

compétences ». Ainsi, il pourra, avec ses connaissances, expliquer aux patients avec pertinence et avec une grande aise, dans un vocabulaire adapté, les propositions qui s’offrent à lui. Le malade se sentira alors acteur de sa santé car il pourra faire ses choix. Le soignant a donc aussi, une fonction de conseiller qui permet d’accompagner la personne dans son parcours de soins.

Pour l’auteur, le soigné et ses proches sont des acteurs importants et représentent une ressource significative pour le soignant : celui-ci va pouvoir mobiliser les connaissances de chacun afin de constituer un complément indispensable au « prendre soin » de la personne. Les connaissances du soignant évolueront dans la pratique soignante grâce à la rencontre de différentes situations.

62Ibid – Page 35 63HESBEEN, Walter. La qualité du soin infirmier - Penser et agir dans une perspective soignante. 2ème édition. Editions Elsevier Masson. Paris, 1998 – 2002. Pages 33 et 34

Page 33: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

30

V.3.2 L’empathie

Selon le dictionnaire de la langue française Larousse l’empathie est une « faculté

intuitive de se mettre à la place d'autrui, de percevoir ce qu'il ressent. »64 En ce sens, nous comprenons que l’empathie est une capacité dépourvue d’expérience et de connaissance, l’acteur n’a pas recours à un raisonnement. Selon Carl Rogers, psychologue humaniste, «être

empathique, c’est percevoir le cadre de référence interne d’autrui aussi précisément que

possible et avec les composants émotionnels et les significations qui lui appartiennent comme si

l’on était cette personne, mais sans jamais perdre de vue la condition du « comme si ». »65 Au regard de l’auteur, cette notion met en évidence les capacités cognitives importantes que doit avoir l’acteur pour « percevoir » les émotions et les significations internes présentes chez un patient ayant besoin d’empathie.

Ce concept permet au soignant de déterminer une manière d’être pour créer une ambiance favorable dans la relation de soin. Ce terme est défini par Alexandre Manoukian, psychothérapeute, comme étant le « résultat d’une relation suffisamment proche entre deux

personnes pour qu’elles ressentent, de l’intérieur, le vécu de l’autre. »66 Ici, on suppose que pour parvenir à être empathique il faut avant tout une relation de confiance entre le soignant et le soigné. Pour éprouver de l’empathie, le soignant a besoin que le patient dévoile ses émotions, ses ressentis. Evidemment, l’auteur nous le dit dans sa définition, les émotions ressenties par le soignant doivent être internes, ne doivent pas être « dévoilées » en face du patient pour une aide de qualité.

Selon Carl Rogers, psychologue humaniste, « l’empathie s’enracine dans la

personnalité de celui qui la pratique »67, il y a bien une connotation d’expérience. L’empathie n’est pas une attitude innée, mais c’est bien une compétence à ancrer dans sa personnalité qui s’acquiert avec le temps et l’expérience dans différentes situations, car cela requiert de bien « se

connaître soi-même, dans ses forces et ses faiblesses et de connaître ses réactions devant telle

situation que l’on supporte plus ou moins bien. »68

Jean Decety, professeur de neurosciences sociales, s’accorde à dire que « l’empathie se

caractérise par deux composantes primaires : 1) une réponse affective envers autrui qui

implique (parfois mais pas toujours) un partage de son état émotionnel, et 2) la capacité

cognitive de prendre la perspective subjective de l’autre personne. »69 Au regard de l’auteur, c’est donc de pouvoir saisir la personnalité du patient lors d’une situation de besoin en répondant de manière affective.

64http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/empathie/28880 (Consulté le 21/04/2015) 65FORMARIER, M. et JOVIC, L. Les concepts en sciences infirmières. 2ème édition. ARSI. Editions Mallet Conseil. Page 168 66MANOUKIAN, Alexandre et MASSEBEUF, Anne. La relation soignant-soigné. 3ème édition. Editions Lamarre. Paris, 2008. Page 59 67Ibid – Cité page 59 68Ibid – Page 60 69Ibid – Cité page 60

Page 34: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

31

A. Manoukian met en évidence les outils primordiaux pour parvenir à l’empathie. L’écoute active en est le premier. Il est nécessaire d’écouter les messages verbaux et non verbaux pour montrer sa disponibilité, sa neutralité et sa bienveillance. Puis le questionnement permet d’accompagner et comprendre pour aider le patient à s’orienter dans la situation. Il faut utiliser des questions directes, simples et sans sous-entendus pour rester neutre. La reformulation est une forme de questionnement moins violent qui permet de porter une attention particulière aux paroles du patient. Vient ensuite le silence, autre forme d’écoute, permettant d’éviter toute interprétation de la situation et permet au patient d’avoir le temps de se dévoiler librement devant une difficulté à s’exprimer, en sachant que nous sommes disponibles.

« Le phénomène empathique est à l’origine de toute relation thérapeutique. L’écoute

doit être empathique et bienveillante et l’attitude générale valorisante. Il s’agit d’adopter une

posture rassurante et douce et de privilégier l’accès au corps, par le toucher par exemple. C’est

un phénomène complexe, très humain, en lien avec les émotions et l’expérience.»70 Parler d’empathie c’est donc parler de proximité avec le patient mais c’est aussi parler de distance.

V.3.3 La juste distance

La définition de distance donnée par le dictionnaire de la langue française Larousse est la suivante : « intervalle, espace qui sépare deux ou plusieurs personnes. »71 Cette distance signifie ainsi un écart. Dans le milieu du soin cet écart est bien la distance physique qui existe entre un patient et un soignant. Parfois cette distance est mise à mal par la souffrance du patient qui peut nous contaminer et ainsi générer des émotions. C’est pourquoi Elke MALLEM, psychologue, s’est interrogé sur la bonne distance professionnelle à intégrer dans une relation de soin pour ne pas craquer lors des situations de débordement. Dans son article « La distance

professionnelle »72, il définit la bonne distance professionnelle comme « permettant de tenir la

souffrance à un niveau qui permette de travailler avec elle afin de dégager le manque à

combler, l’atteinte à réparer. » Cette définition implique aux soignants d’avoir conscience des souffrances que peuvent entraîner certaines situations de soins. Cette manière d’avoir connaissance de soi sur ses émotions et ses capacités à les gérer permettra d’être dans la juste distance.

Pour comprendre la notion de distance, il faut évidemment parler de proximité. La proxémie ou le terme proxémique signifie « l’étude de l'utilisation de l'espace par les êtres

animés dans leurs relations, et des significations qui s'en dégagent. »73 C’est donc la distance qui existe dans les relations interpersonnelles, ces relations étant les liens que nous créons constamment avec les personnes qui nous entourent, dans le milieu des soins : les autres soignants mais surtout les malades.

70L’empathie : réflexion sur un concept – Annales Médico psychologiques 64 – 2006 – Science Direct – Disponible sur : http://psychiatre-marseille.fr/wordpress/wp-content/uploads/2013/02/empathie.pdf - Page 497 (Consulté le 21/04/2015) 71http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/distance/26042 (Consulté le 21/04/2015) 72MALLEM, Elke. La distance professionnelle. Objectif Soins, numéro 136, mai 2005, pages 22 et 23 73http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/prox%C3%A9mique/64676 (Consulté le 21/04/2015)

Page 35: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

32

Edward Twitchell Hall est un anthropologue américain qui a identifié et décrit dans son ouvrage « La dimension cachée » en 1978, quatre types de distance 74 :

- La distance intime (entre 15 et 45 cm) : c’est une zone qui concerne les différents sens tels que l’ouïe, l’odorat et le toucher. Le soignant est alors proche du corps de l’autre où est mis en jeux le respect de l’intimité et de la pudeur de la personne soignée.

- La distance personnelle (entre 45 et 120 cm) : cette zone concerne la distance nécessaire à un entretien par exemple. C’est celle qui permet les échanges entre le soignant et le soigné.

- La distance sociale (entre 1,20 et 3,60 m) : cette zone est utilisée au cours de l’interaction avec des personnes au timbre de voix plus élevé.

- La distance publique (supérieure à 3,60 m) : cette zone est utilisée lorsqu’on parle à des groupes.

La relation qui existe entre le soignant et le soigné se situe entre la distance intime et la distance personnelle, ce qui montre l’importance de la proximité entre ces deux individus. Il est nécessaire de savoir se positionner face au patient mais aussi face à ses difficultés psychologiques personnelles pour ne pas entraver ces zones « émotionnelles ».

La recherche de la juste distance s’acquiert grâce aux situations que l’on rencontre au quotidien. L’expérience permettra de connaître les limites à ne pas franchir lors de situations difficiles. Il faut savoir s’impliquer ni trop ni trop peu dans la prise en soin d’un patient. Pour savoir être dans la bonne distance avec le soigné certains éléments doivent être pris en compte comme le respect, les valeurs personnelles, l’empathie, l’authenticité, la compassion, la bienveillance. Ces éléments sont la clé d’une relation sincère, professionnelle et de qualité entre le soignant et le malade.

74HALL, Edward Twitchell. La dimension cachée. Paris, 1978. Pages 147-155

Page 36: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

33

Pour conclure cette seconde partie, j’ai pu remarquer que la notion de gestion des émotions dans une prise en soin passe par une attitude primordiale : celle de la distance professionnelle. La bonne distance ne peut se dissocier de l’empathie mais il ne faut pas tomber dans l’excès et être envahi par ses propres émotions sous peine de perdre cette distance et de mettre à mal la qualité de la prise en soin. Le soignant va alors perdre toutes ses capacités pour aider le patient. Il est capital de connaître ses propres réactions émotionnelles pour bien vivre avec soi-même et avec les autres. L’expérience permet alors de comprendre que nos émotions peuvent être des alliées éprouver de l’empathie envers le patient mais doivent avant tout être maîtrisées afin d’avoir l’attitude adaptée aux besoins du patient. Cette analyse théorique m’a aussi permis de confirmer que le prendre en soin est une manière de s’intéresser aux soins relationnels, souvent mis de côtés au profit des soins techniques. Or, pour soigner les malades il faut d’abord communiquer. Cette notion ne doit pas être négligée car elle va permettre la mise en place d’une relation de confiance et donc de réaliser les soins relationnels et techniques avec une grande facilité, avec moins d’appréhension et en analysant d’une meilleure façon chaque moment difficile qui pourrait se dérouler. C’est avec l’expérience des situations vécues que le soignant acquiert des compétences de savoir-faire et de savoir-être. Ce sont des attitudes qui permettent à l’infirmière d’être experte en son domaine, tout en évoluant au cours de sa carrière.

Page 37: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

34

VI- Hypothèse de recherche

Au regard de ma problématique pratique qui était la suivante : « En quoi les émotions des soignants peuvent-elles influencer leur attitude professionnelle au cours d’une prise en soin de qualité chez un patient atteint d’un Locked-In-Syndrome ? » et grâce à l’analyse de la situation et au cadre conceptuel, une hypothèse de recherche est ressortie. Voici cette hypothèse que je me proposerai d’aller vérifier sur le terrain et qui méritera d’être travaillée :

L’expérience est un facteur permettant à l’infirmière d’être compétente sur la

gestion de ses émotions et d’avoir une attitude professionnelle adaptée à la prise en soin

singulière et de qualité des patients.

Page 38: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

35

VII- Conclusion

Ce travail de fin d’études m’a permis de comprendre que le soin relationnel est important et possède une grande place dans le métier d’infirmière.

En analysant le terme de « prendre soin » je n’imaginais pas à quel point la singularité des soins pouvaient apporter, tant sur le plan professionnel que sur le plan personnel du soignant, et sur la qualité de la prise en charge du patient. Ce terme permet de dire que l’infirmier n’est pas un professionnel exécutif mais bien une personne compétente qui possède des qualités dans les relations interpersonnelles. Elle se doit de créer un climat de confiance dans la relation avec le patient pour permettre de communiquer facilement avec lui et ainsi prodiguer les soins qui lui sont destinés. Pour créer ce climat elle doit savoir écouter, rassurer, parler simplement, aider. C’est effectivement la capacité à être empathique qui est l’une des bases de la relation d’aide.

Cette attitude empathique est importante dans la prise en soin des patients atteints d’un Locked-In-Syndrome car au regard du contexte de handicap dans lequel ils vivent, les moments de détresse psychologique sont bien réels. Ces personnes ont besoin de se sentir écouter, d’avoir un accompagnement quotidien tout en recevant du respect, un non-jugement de la part du soignant. Ce sont des capacités essentielles dans les métiers du soin qui s’acquièrent avec le temps, avec la pratique et grâce à l’évolution des connaissances et des savoirs personnels.

Ce travail de recherches m’a permis au fil des mois d’avoir une nouvelle réflexion sur le métier d’infirmière qui est la suivante : les soins relationnels se pratiquent au quotidien, se caractérisent par une attitude professionnelle à maîtriser qui s’acquiert avec de l’expérience dans la pratique soignante. Les soins relationnels sont présents partout, dans tous les services, que se soit de la chirurgie, de la gériatrie, de la pédiatrie, … Ils font partie de notre référentiel de formation. C’est, selon moi, le premier et le plus courant des soins infirmiers. Evidemment c’est celui qui nous rapproche le plus des patients.

Les émotions sont aussi présentes, d’autant plus que nous sommes des humains prenant soins d’autres humains. L’émotion est une réaction normale qu’il est nécessaire d’apprivoiser dans le milieu du soin où nous prenons soin de personnes souvent douloureuses et où la souffrance, physique et psychique, est présente. Grâce à ce travail, je me suis rendue compte que d’avoir des émotions lors d’un soin n’était pas une fatalité. Lorsque cela m’est arrivé dans la situation que je vous ai présentée, mon état d’esprit était celui-ci : un sentiment d’échec. Or nous avons besoin de nos émotions pour agir. En voulant masquer mes émotions je me suis interdit de passer à l’action envers le patient en détresse psychologique. Pour gérer cette situation de débordement émotionnel, j’ai compris qu’il fallait considérer ses propres émotions pour comprendre celles des autres. C’est donc dans un futur proche, en tant que future infirmière, que je souhaite mettre à profit ce travail pour en apprendre d’avantage sur la pratique infirmière, le savoir-être, le savoir-faire et sur moi-même.

Page 39: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

36

Je pense que tout au long de mon exercice, en tant que future infirmière, je rencontrerai de nombreuses situations relationnelles comme celle-ci qui me questionneront. C’est ce qui permettra à ma réflexion personnelle d’évoluer constamment, tant sur mon positionnement professionnel que sur mes compétences et mes savoirs (savoirs théoriques, savoir-faire et savoir-être). C’est un métier en constante évolution, c’est pourquoi il me paraît essentiel de faire évoluer sa pensée et sa pratique. Même avec l’expérience nous avons besoin d’apprendre constamment.

Il me serait intéressant de poursuivre cette réflexion par des recherches théoriques et concrètes plus poussées, dans le but de comprendre en quoi l’expérience peut être un facteur permettant à l’infirmière de pratiquer les soins relationnels de qualité auprès des patients.

Page 40: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

37

VIII- Bibliographie

Ouvrages :

- BAUBY, Jean Dominique. Le scaphandre et le papillon. Editions Pocket. 1998. 136 pages. ISBN : 978-2-266-08059-0

- BENNER, Patricia. De novice à expert : excellence en soins infirmiers. Editions Masson. Paris, 1995. 253 pages. ISBN : 2-7613-0924-3, Pages 1-37 Consulté le 29/04/2015

- CHAPEL, Gaëtane. Le Moi, du Normal au Pathologique. Editions Sciences Humaines. Auxerre, 2004. 377 pages. ISBN : 2-912601-22-3. Pages 37 et 38 Consulté le 17/04/2015

- CODE DE LA SANTE PUBLIQUE. 24ème édition. Dalloz, 2010. 3058 pages. ISBN : 978-2-24708630-6 Consulté le 03/03/2015

- FORMARIER, Monique et JOVIC, Ljiljana. Les concepts en sciences infirmières. 2ème édition. ARSI. Editions Mallet Conseil. 328 pages ISBN : 978-2-9533311-3-4. Pages : 81-83, 164-171, 193-195, 244-249, 256-260 Consulté le 14/04/2015

- GOLEMAN, Daniel. L’intelligence émotionnelle tome 1 : Comment transformer ses

émotions en intelligence. Editions Robert Lafont. Paris, 1997. 419 pages. ISBN : 2-221-08284-2, Pages : 17-48, 147-166, 357-359, 362 Consulté le 14/04/2015

- HESBEEN, Walter. Prendre soin à l’hôpital. Inscrire le soin infirmier dans une

perspective soignante. Editions Masson. Paris, 1997. 195 pages ISBN : 978-2-225-85565-8, Pages : 7-70, 95-112 Consulté le 18/04/2015

- HESBEEN, Walter. La qualité du soin infirmier. Penser et agir dans une

perspective soignante, 2ème édition, Editions Elsevier Masson, Paris, 1998 – 2002, 208 pages, ISBN : 978-2-294-00921-1, Pages : 22-79 Consulté le 18/04/2015

- MANOUKIAN, Alexandre et MASSEBEUF, Anne. La relation soignant-soigné.

3ème édition. Editions Lamarre. Paris, 2008. 223 pages. ISBN : 978-2-7573-0200-2 Pages 59 et 60 Consulté le 20/04/2015

- MERCADIER, Catherine. Le travail émotionnel des soignants à l’hôpital : Le

corps au cœur de l’interaction soignant/soigné. 4eme tirage. Perspective soignante. Edition Seli Arslan. 2006. 287 pages. ISBN : 2-84276-081-6 Pages : 7 et 8, 178-180, 192-193 et 241 Consulté le 18/03/2015

Page 41: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

38

Revues :

- BARREAU, Pascal. Le savoir être, un nouvel indicateur d’employabilité. Soins Cadres, Volume 23, numéro 89, février 2014, page 1 Consulté le 16/03/2015

- BRUNO, M-A, PELLAS, F et al. Le Locked-In Syndrome : la conscience emmurée. Revue neurologique, volume 164, numéro 4, avril 2008, pages 322-335 Consulté le 22/10/2014

- CARILLO, Claudine. La gestion du stress au travail. Stress et émotions, entre

débordement et hyper-protection. Soins, volume 56, numéro 754, avril 2011, pages 61 et 62 Consulté le 17/04/2015

- DAYDE, Marie-Claude. La relation d’aide en soins infirmiers, aspects

réglementaires et conceptuels. Soins, volume 53, numéro 731, décembre 2008, pages 35-38 Consulté le 21/03/2015

- LAMBERT, Philippe. Coma, locked-in syndrome … La conscience emmurée. Sciences Humaines, numéro 183, juin 2007, pages 22-27 Consulté le 22/10/2014

- LANGLOIS, Géraldine. De l’émotion dans le soin. L’infirmière magasine, numéro 262, Juillet/août 2010, pages 22 à 26 Consulté le 17/04/2015

- MALLEM, Elke. La distance professionnelle. Objectif Soins, numéro 136, mai 2005, pages 22 et 23 Consulté le 21/04/2015

- MERCADIER, Catherine. Le travail émotionnel des soignants, la face cachée du

soin. Soins Cadre, volume 17, numéro 65, février 2008, pages 19 à 22 Consulté le 17/04/2015

- RIOPELLE, Lise. Approche humaniste de la pratique infirmière. Soins Cadres, numéro 45, février 2003, page 58 Consulté le 16/03/2015

Page 42: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

39

Sites internet :

http://www.alis-asso.fr/lis-qui-suis-je/locked-in-syndrome-presentation/(consulté le 23/10/2014, le 09/03/2015)

http://www.allodocteurs.fr/actualite-sante-qu-est-ce-qu-un-etat-de-conscience-minimal--12585.asp?1=1 (consulté le 12/03/2015)

www.aphasie.fr/aphasie.htm (consulté le 23/10/2014)

http://www.ars.iledefrance.sante.fr/fileadmin/ILE-DE-FRANCE/ARS/Appels-a-projets-Financements/Offre-de-soins/Offre_de_soins_2014/AAP_Cahier_charges_SRPR___VDef.pdf

(format pdf) : Cahier des charges SRPR de l’ARS DOSMS (Ile de France) du 15/11/2013 (consulté le 04/12/2014)

http://www.cadredesante.com/spip/profession/pedagogie/Aptitudes-capacites-competences-de.html (consulté le 13/03/2015)

http://www.cofemer.fr/UserFiles/File/Belgique-loco%20neuro.pdf (consulté le 06/03/2015)

http://www.franceculture.fr/oeuvre-la-th%C3%A9orie-de-l-%C3%A9motion-de-william-james.html (consulté le 16/04/2015)

http://www.infirmiers.com/ressources-infirmieres/documentation/les-acteurs-du-tutorat-dans-la-formation-infirmiere.html (consulté le 04/12/2014)

http://jice.lavocat.free.fr/archives/tpe_aspirine/I%29stimunoci.htm (consulté le 10/03/2015)

http://www.la-definition.fr/definition/tristesse (consulté le 13/03/2015)

www.legifrance.gouv.fr (consulté le 30/10/2014, le 04/11/2014)

http://www.mdph.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=111&Itemid=82 (consulté le 10/03/2015)

http://www.prendresoin.org/?p=3147 (consulté le 06/03/2015)

http://psychiatriinfirmiere.free.fr/infirmiere/formation/psychologie/psychologie/communication.htm (théorie de la communication) (consulté le 15/04/2015)

http://psychiatre-marseille.fr/wordpress/wp-content/uploads/2013/02/empathie.pdf (consulté le 21/04/2015)

http://www.psychologies.com/Dico-Psycho/Emotion (consulté le 09/12/2014)

http://www.psychologies.com/Dico-Psycho/Rire-et-pleurer-spasmodique (consulté le 14/03/2015)

http://psychologie-m-fouchey.psyblogs.net/?post//Les-emotions-Definition (consulté le 09/12/2014)

Page 43: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

40

http://www.psychologie-positive.net/spip.php?rubrique16 (consulté le 18/03/2015)

http://www.psychologiesociale.eu/files/RePS4.Nugier.pdf (consulté le 18/03/2015)

http://www.sante.gouv.fr/fichiers/bo/2002/02-20/a0202031.htm (consulté le 12/03/2015)

http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/arrete_du_31_juillet_2009_annexe_2.pdf (consulté le 13/03/2015)

http://www.sclerose-en-plaques.apf.asso.fr/spip.php?article132 (consulté le 08/04/2015)

http://www.soins-infirmiers.com/soin_de_canule_de_tracheotomie.php (consulté le 13/03/2015)

http://www.strategie-manager.fr/communication.php (théories de la communication) (consulté le 15/04/2015)

http://www.universalis.fr/encyclopedie/coma/4-les-etats-de-conscience-definition-clinique/ (consulté le 09/12/2014)

http://www.univ-montp3.fr/infocom/wp-content/REC-La-communication-non-verbale2.pdf (consulté le 18/03/2015)

http://www.vulgaris-medical.com/encyclopedie-medicale/neocortex (consulté le 16/04/2015)

Dictionnaire :

http://www.larousse.fr/

Page 44: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

41

ANNEXES

Page 45: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

42

IX- Annexes

Annexe I : Les outils de communication .................................................................................... I

Annexe II : Pyramide de Maslow.............................................................................................. II

Annexe III : Guide d’entretien pour la phase exploratoire et propos recueillis ...................... III

Annexe IV : Déterminants de la qualité de la pratique soignante ........................................... IX

Annexe V : Le schéma de la communication selon Shannon – Weaver – Wiener .................. X

Annexe VI : Exemple des six expressions faciales universelles ............................................. XI

Annexe VII : Les émotions et le cerveau ............................................................................... XII

Page 46: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

I

Annexe I : Les outils de communication présentés par l’Association du Locked-In-Syndrome (ALIS)

Disponible sur :

http://www.alis-asso.fr/comment-communiquer/mettre-en-place-la-communication/

Page 47: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

II

Annexe II : Pyramide de Maslow.

Disponible sur : http://voxpopulibelgica.be/2014/04/10/avec-le-programme-de-vpb-les-deux-premiers-etages-sont-naturellement-satisfaits-et-avec-celui-des-autres-partis/

Page 48: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

III

Annexe III : Guide d’entretien pour la phase exploratoire et propos recueillis

Mes objectifs :

- Rencontrer des professionnels afin de connaître leurs avis sur la pathologie - Savoir si parmi eux certains ont déjà rencontré une situation similaire - Savoir comment ils pourraient réagir face à une telle situation - Connaître leurs ressentis face à des situations de détresse psychologique d’un patient atteint d’un Locked-In-Syndrome ou apparenté (patient aphasique, patient tétraplégique, état pauci-relationnel…) - Connaître et analyser les différentes situations à problèmes qu’ils auraient pu rencontrer dans leur exercice de soignant face à une personne atteint d’un Locked-In-Syndrome - Connaître leur attitude s’ils ont déjà fait face à un transfert auprès d’un patient et l’influence de leur prise en charge

Mes questions et les réponses de l’infirmière :

1- Depuis quand exercez-vous le métier d’infirmière ? Je suis diplômée depuis 2004.

2- Quel est votre parcours ? Au départ j’ai travaillé pendant 2 ans à l’IEM (Institut d’Education Motrice) auprès des enfants, ensuite dans tous les services de neurologie du CRRF. Depuis sa création, je travaille dans le service des Salorges (création en 2007 : 7 lits avec des patients en état végétatif chronique (sur 17 patients au total) = services EVCEPR (état végétatif chronique ou état pauci relationnel)). Les patients présents sont des patients qui ont eu leur rééducation mais dont la récupération n’évolue pas. Ici, il y a moins de temps de kiné.

3- Connaissez-vous la pathologie du Locked-In-Syndrome (LIS) ? Oui bien sûr.

4- Que pouvez-vous me dire sur cette pathologie ? Ce sont des patients enfermés, pas capables de bouger leur corps, de réagir (d’inter réagir) rapidement avec l’extérieur via le corps si ce n’est en communication au niveau des yeux ou de mimiques.

Page 49: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

IV

5- Avez-vous déjà eu l’occasion de prendre en soin une personne atteinte d’un LIS, ou

pathologie apparentée (état pauci-relationnel, patient aphasique, patient tétraplégique) ? Oui tout à fait.

6- Pour vous, quelles sont les principes primordiaux pour prendre en soin une pathologie

complexe comme le LIS ?

L’observation : du visage et des yeux du patient s’il a besoin de dire quelque chose. Aussi du corps par rapport aux contractures. Ils ne vont pas forcément avoir mal à un endroit mais des contractures vont pouvoir nous montrer qu’il y a peut-être une « épine irritative ». (Ces contractures sont souvent déclenchées par une « épine irritative », c’est-à-dire un problème autre qui retentit sur l’activité réflexe : une infection urinaire ou une sonde urinaire qui se bouche, une escarre ou une petite plaie qui n’est pas ressentie, un fécalome, le froid) qui pourraient engendrer des douleurs qui ne sont pas forcément verbalisées avec les yeux ou avec la communication non verbale.

La patience et l’écoute : ce sont des personnes avec qui il faut prendre du temps. Il ne faut pas toujours se contenter d’un oui ou d’un non, il faut trouver le temps pour pouvoir être sûr qu’ils soient bien installés, qu’ils aient tout ce qu’il faut.

Pour moi c’est déjà ne jamais partir de la chambre sans s’assurer qu’on peut sortir. Ma phrase c’est : «C’est bon, je peux te laisser ? D’accord, ok, non, bon, bah je reviens et je recommence. »

7- Que mettez-vous en place dans le service pour les patients non communicants pour une

prise en soin de qualité ? Les planches alphabétiques avec des codes couleurs (consonnes, voyelles). Les logiciels sur tablettes (mises en place par l’ergothérapeute) avec guidage oculaire sur emprunt du labo électronique (démonstration, essais pendant 15 jours puis achat par le patient si concluant et bien maîtrisé). Ils sont utilisés avec les psychologues pour avancer dans la relation. Par contre, on ne peut pas en mettre dans chaque chambre. En ce moment nous en avons une pour un patient qui sert à un autre aussi (logiciel qui coûte cher, donc un pour tout le Centre). Cela demande du temps.

8- Lorsque vous prenez en soin ce type de pathologie quel est votre état d’esprit :

ressentez-vous de la peur, de la peine, de l’empathie, de la pitié, de la joie, de la

frustration, … ? Expliquez ce sentiment et pourquoi ? L’état d’esprit évolue avec l’expérience et la maturité. Au départ ce n’est pas facile car ce sont souvent des personnes qui n’ont pas de mimiques donc on ne sait jamais comment réagir. Juste par le regard, il y a des gens qui peuvent sourire avec les yeux et d’autres qui ne peuvent plus donc vu qu’on n’a pas l’intonation des phrases c’est difficile de comprendre les demandes, les ressentis.

Page 50: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

V

Premier souvenir : une patiente dont je n’ai pas fait l’entrée car j’étais en congé maternité. Je suis arrivée au bout de 6 mois de séjour de la patiente qui a fait un AVC juste après sa grossesse. C’est une jeune dame avec des enfants du même âge que les miens (grosses photos, posters partout dans la chambre). Quand je rentrais dans la chambre j’avais toujours le droit à une insulte. C’était déjà difficile de la prendre en charge vu le contexte mais encore plus avec les réflexions qui se manifestent aussi par de la souffrance de sa part puisqu’elle savait que je revenais d’un congé maternité. Il fallait que j’arrive à passer à travers mes émotions personnelles, à les mettre de côté et en plus je savais que je n’allais pas être accueillie à bras ouverts mais on ne choisit pas ses patients et les patients ne choisissent pas leur soignant non plus. Je pense qu’avec cette patiente ma difficulté était que, vu que je ne l’avais pas prise en charge dès le départ je ne connaissais pas ses habitudes, je faisais des fautes bénignes pour moi, par exemple au niveau de l’installation, mais qui étaient très importantes pour elle. Mais mes collègues ne m’ayant pas transmis les informations et elle non plus, j’ai fait de mon mieux même si certaines réflexions sont difficiles à entendre. Après nous restons humain et soignant avant tout.

Deuxième souvenir : un patient jeune hospitalisé dans le service depuis 5 ans communicant avec les yeux (des suites à une rupture d’anévrisme) nous a demandé à partir. Il a clairement dit aux soignants : « si je suis encore là en septembre on fera tout pour que je parte ». Sa demande était très dure à entendre. « J’arrête de m’alimenter » sauf qu’il était nourrit par gastrostomie. Il avait aussi du mal à voir, donc au niveau du code de communication pour faire des phrases lettre par lettre avec le tableau c’était très compliqué donc c’était nos questions et ses réponses qui étaient oui ou non. Donc avant d’arriver à tout ce cheminement-là (les parents nous ont beaucoup aidés et étaient au clair avec sa demande) ça a été très long et le jour où il nous a dit : « Non tu m’enlèves l’alimentation. », c’est dur à entendre comme ce sont des personnes à qui on fait tout et qui ne peuvent pas verbalement refuser. Quelqu’un qui ne veut pas manger à table, on lui dit : « Vous ne voulez pas manger ? Ce n’est pas grave, vous fermez la bouche quand je vous donne la cuillère ou vous ne la prenez pas. » Mais pour quelqu’un que l’on nourrit par sonde c’est nous qui faisons le geste et c’est à nous d’arrêter, de stopper les choses alors que si une personne n’ouvre pas la bouche on dira qu’elle n’a pas voulu manger. Je me demande : « Il ne veut pas manger, qu’est-ce que je fais ? Je mets l’alimentation ? Je force ? Je gave ? »

Nous avons fait intervenir le comité d’éthique et le RESPEL (Réseau de Soins Palliatifs de l’Estuaire de Loire), pour savoir comment ils pouvaient se placer au niveau de la loi et puis pour qu’ils nous aident. Cela nous a beaucoup aidé à l’accompagner jusqu’au bout mais c’est toujours des choses qui sont difficiles à entendre parce que ça ne fait pas partie de notre travail à la base mais notre travail est aussi d’accompagner les gens jusqu’au bout. Le patient, s’il refuse de manger, ça fait partie de son droit mais c’était tellement dur pour nous ! La première fois qu’il m’a demandé, j’avais mis l’alimentation, il m’avait regardée, il regardait sa pendule puis l’alimentation, je n’ai pas voulu voir ni essayer de comprendre ce qu’il voulait me dire. Je me doutais mais je n’avais pas envie de rentrer dans le dialogue. J’ai dit : « On verra ça tout à l’heure, je repasserai. » Et quand il a sonné et qu’il m’a dit : « Stop ! », il l’avait gardée juste une heure. J’essayais de gagner du temps pour laisser couler l’alimentation en allant chercher des choses dans le poste de soins, en faisant les soins avant … Il a compris parce que pour lui c’était dur aussi mais sa décision c’est à nous de la respecter. Il nous l’exprimait, il était tout à

Page 51: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

VI

fait au clair là-dessus mais c’est facile de faire celle qui n’a pas compris ou qui n’a pas le temps ou qui ne veut pas comprendre même si c’est difficile une fois qu’on ferme la porte. Il faut être curieuse, avoir envie de chercher, de trouver un moyen de communication, un moment. On ne peut pas être toujours disponible à l’instant T où il y a besoin, après il faut s’assurer des besoins premiers (installation, sonnette à portée de main). Je vois bien qu’il y a quelque chose qui ne va pas, est ce que je peux revenir plus tard oui ou non ? C’est une sorte de confiance, comme ils ne peuvent rien faire il faut qu’il y ait une confiance à double sens. Il faut que l’on soit à l’aise avec eux et qu’eux soit suffisamment à l’aise pour pouvoir nous interpeler dès qu’il y a quelque chose. Et puis après, au fil du temps et de l’expérience, la communication non verbale ne devient plus un problème parce qu’ils sont là tout le temps, ce sont presque des résidents, les repas sont pris en commun (du petit déjeuner au dîner), on ne les connaît pas par cœur puisque chaque jour est différent mais suffisamment pour qu’ils n’aient pas besoin d’appeler pour qu’on voit qu’il y a un truc qui ne va pas même si eux ne l’ont pas encore ressenti dans leur corps.

9- Avez-vous déjà rencontré des problèmes lors d’une prise en soin d’un patient atteint du

LIS ou d’un patient non communicant (refus de soins, repli sur soi, refus de

communication pour le patient LIS, détresse psychologique…). Quelles ont été ces difficultés ? Qu’auriez-vous aimé ajuster lors de ces situations à problèmes ? (voir la réponse à la question 8)

10- Comment réagissez-vous face à la détresse psychologique d’un patient ? Si je n’arrive pas à communiquer avec un patient en détresse psychologique je vais chercher quelqu’un d’autre en me disant je n’arrive pas à comprendre, est ce normal, est ce que ça arrive souvent. Ici il n’y a pas trop de hiérarchie sauf au niveau des soins infirmiers (et encore il n’y en pas tellement), on travaille en binôme IDE/AS. Il y a beaucoup de confiance et les informations vont aussi bien des AS aux IDE que des IDE aux AS. Nous sommes toutes aux transmissions et parfois nous avons plus de feeling avec certains patients. Le patient qui m’a demandé à partir en arrêtant de s’alimenter, ce n’était pas quelqu’un avec qui j’avais des atomes crochus alors que j’avais des collègues qui se battaient pour faire ses soins le matin parce que c’était leur patient. On a toutes nos préférences ou plutôt des patients avec qui on est plus à l’aise qu’avec d’autres. Et puis c’est aussi fluctuant quelquefois, nous c’est au quotidien, donc ça veut dire que ce sont toujours les mêmes patients. Quand ça fait une semaine que toutes les cinq minutes c’est le même qui sonne pour rien, on se relaie tout le temps.

La place de stagiaire n’est pas facile non plus pour que les gens se livrent, ils ont leurs petites habitudes et ils vont plus discuter avec l’une ou avec l’autre ou de certaines choses. Nous on a une collègue qui est très ouverte sur les problèmes de sexualité et puis les problèmes de familles ce sera avec une autre. Tant mieux s’ils arrivent à trouver quelqu’un avec qui parler. C’est à ça que ça sert une équipe aussi et dans tout travail il ne faut pas hésiter à passer le relais. Ce ne sera jamais vécu comme un échec, au contraire, c’est enrichissant parce que ça nous apprend. A force au bout d’un certain temps d’incompréhension on est tellement dans notre truc que quelqu’un d’extérieur peut arriver et comprendre tout de suite parce qu’on est parti sur une

Page 52: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

VII

fausse piste et vu que les réponses ne sont que oui ou non chez certains ils ne peuvent pas nous dire pourtant ils auraient des choses à nous raconter.

Attention de ne pas trop anticiper lorsque les habitudes du patient sont intégrées.

11- Pensez-vous qu’il est important de bien connaître la pathologie d’un patient avant de

le prendre en soin ? Pourquoi ? Oui savoir que ce sont des personnes qui ressentent tout, qui ont des douleurs sans pouvoir le dire.

12- Vous encadrez un étudiant en stage, s’il vit une situation difficile lors d’une prise en soin d’un patient LIS et qu’il vous en parle, que faites-vous ? Retourner ensemble pour voir pourquoi ça n’allait pas.

13- Avez-vous déjà fait un transfert envers un patient lourdement handicapé ou atteint

d’une pathologie curable ou incurable pouvant souffrir physiquement et

psychologiquement qui pouvait vous faire penser à un proche ? Oui avec la patiente dont je vous ai parlé tout à l’heure. C’était clairement insupportable de voir son mari venir avec la petite qui avait l’âge des miens. Je me disais « Mais moi quand je rentre à la maison je peux la serrer dans mes bras, je peux faire tellement de choses et elle, elle ne peut pas, elle peut juste la regarder, elle ne peut pas lui tourner la tête ni lui faire de bisous, ne peut pas la serrer dans ses bras à part la poser sur son lit. En plus c’était quelqu’un qui était BMR (bactérie multi résistante aux Antibiotiques) donc en isolement, il y avait la trachéotomie, c’était très compliqué. Ils se sont même mariés dans le service, ça a été autorisé lorsque j’étais en congé maternité. Donc il c’était passé plein de choses et je suis arrivée sur mes deux jambes avec ma fille qui allait bien et je pense qu’elle aussi faisait un transfert sur moi. Je pense que c’est pour ça que ça ne passait pas toutes les deux.

14- Quel a été votre attitude face à ce transfert ? Dans la mesure du possible je passais le relais donc si je pouvais éviter de faire la toilette au moins tout ce temps-là après j’y allais parce que c’était aussi dur pour tout le monde, la situation était dure pour tout le monde parce qu’on était toutes mamans, parce qu’elle était jeune, parce que ça aurait pu être nous. Parce qu’au début son problème a commencé avec des maux de tête qui ne passaient pas, et à chaque fois qu’un soignant avait mal à la tête on pensait que c’était ça donc elle avait pris une place importante dans l’équipe. On avait demandé à avoir un suivi psychologique avec une psychologue de l’extérieur pour pouvoir verbaliser tout ça parce qu’elle renvoyait trop de choses vu qu’on est dans un milieu féminin avec une famille omniprésente. C’était très bien pour elle mais très dur pour tout le monde

- Mettre de côté ses émotions personnelles - On est avant tout humain et soignant

Page 53: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

VIII

- Il faut réussir à revenir, à s’excuser - Chaque chose nous fait grandir : expérience

Je ne vais pas dire que pleurer avec un patient c’est une faute, après, tout dépend la mesure, ne pas prendre toute la tristesse du patient pour soi parce que nous sommes sur nos deux jambes et pas lui donc il faut avoir de la compassion. Il faut le dire et parfois aussi se lâcher mais ne pas tomber dans l’excès.

On a toute une vie à coté de notre travail, il ne faut pas que ça influence non plus la vie personnelle.

Quand on est jeune on fait beaucoup de transferts. On se dit ça pourrait être ma mère, mon père, … aussi bien par rapport à l’âge que par rapport à la pathologie. On a tous un vécu personnel avant qui nous renvoie des choses.

15- Votre prise en soin de ce patient a-t-elle été différente ? Oui beaucoup.

Page 54: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

IX

Annexe IV : Déterminants de la qualité de la pratique soignante dans « La qualité du

soin infirmier, penser et agir dans une perspective soignante » de Walter Hesbeen – 2ème édition – Editions Elsevier Masson – Paris – 1998, 2002 – Page 79

Page 55: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

X

Annexe V : Le schéma de la communication selon Shannon – Weaver – Wiener

Disponible sur :

http://psychiatriinfirmiere.free.fr/infirmiere/formation/psychologie/psychologie/communication.htm

Page 56: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

XI

Annexe VI : Exemple des six expressions faciales universelles selon P. Ekman

Disponible sur : http://www.stephenbunard.com/article-documentaire-paul-ekman-le-visage-decrypte-arte-vendredi-07-10-2011-86120520.html

Page 57: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

XII

Annexe VII : Les émotions et le cerveau dans « L’intelligence émotionnelle, Comment

transformer ses émotions en intelligence » de Daniel Goleman – Paris, 1997, page 37

Page 58: Les soins relationnels chez un - Infirmiers.com · III.1.1 La rééducation neurologique ... soignant/soigné ainsi que sur ma pratique de future professionnelle en soins infirmiers.

Alix Dounont

Titre du mémoire : Les soins relationnels chez un patient atteint d’un Locked-In-Syndrome. « La véritable émotion est sans voix » Anne Barratin. Résumé : Le Locked-In-Syndrome est une pathologie rare et complexe. Les patients sont totalement verrouillés de l’intérieur à cause d’une tétraplégie et d’une incapacité à parler. La communication est une notion à bien cerner. Dès lors, les moyens de communication nécessaires sont mis en place pour répondre à tous les besoins perturbés du patient. L’infirmière doit alors prendre soin de ces patients en ayant des capacités requises pour surmonter les détresses physiques et psychologiques de ces derniers. Les réactions émotionnelles doivent être maîtrisées afin d’accompagner le mieux possible le patient dans sa rééducation. L’expérience permet de comprendre nos propres émotions pour assimiler celles des autres afin d’acquérir une attitude professionnelle, notamment empathique et proxémique, adaptée envers les patients. Dans ce travail, je me suis intéressée d’une part à la prise en soin infirmière d’un patient atteint d’un Locked-In-Syndrome et d’autre part à la définition des différents termes suivant : la prise en soin de qualité, la communication, la gestion des émotions, l’attitude professionnelle, l’expérience, l’empathie et la juste distance. Bonne lecture. Mots clés : Locked-In-Syndrome, Communication, Prendre soin, Emotions, Empathie

Abstract : The Locked-In-Syndrome is a rare and complex disease. Patients are completely locked from the inside because of quadriplegia and inability to speak. Communication is a good notion to identify. Therefore, the required means of communication are set up to answer all disturbed needs of the patient. The nurse must take care of these patients having the required capabilities to overcome the physical and psychological distress of these. Emotional reactions must be controlled to best accompagny the patient in his rehabilitation. The experience allows us to understand our own emotions to assimilate others to acquire a professional attitude, particularly empathetic and proxemics, adapted to patients. In this work, I was interested taking care of a patient suffering from Locked-In-Syndrome. And secondly, to the definition of the different following terms : the quality of taking care, communication, managing emotions, professional attitude, experience, empathy and the right distance. Enjoy reading. Keywords : Locked-In-Syndrome, Communication, Take Care, Feelings, Empathy

Institut de Formation en Soins Infirmiers Rue des Pommiers 56300 Pontivy Travail Ecrit de Fin d’Etudes – Promotion infirmière 2012-2015