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Les savoirs fondamentaux au service de l'avenir scientifique et technique Comment les réenseigner par Roger BALIAN, Jean-Michel BISMUT, Alain CONNES, Jean-Pierre DEMAILLY, Laurent LAFFORGUE, Pierre LELONG et Jean-Pierre SERRE Les Cahiers du débat FONDATION POUR L’INNOVATION POLITIQUE Novembre 2004

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Les savoirs fondamentauxau service de l'avenir scientifique et technique

Comment les réenseigner

par

Roger BALIAN, Jean-Michel BISMUT, Alain CONNES,Jean-Pierre DEMAILLY, Laurent LAFFORGUE,

Pierre LELONG et Jean-Pierre SERRE

Les Cahiers du débat

FONDATION POUR L’INNOVATION POLITIQUENovembre 2004

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Sommaire

1. Les raisons de notre profond attachement à l'École . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

2. Une accumulation de signaux inquiétants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

3. Les principes d'une reconquête . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

4. L'enseignement le plus fondamental . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

5. Autres enseignements importants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

6. L'enseignement des sciences . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

6.1. Enseignement du calcul à l'école primaire 146.2. L'enseignement des mathématiques au collège 146.3. Dans quel état d'esprit faut-il enseigner ? 156.4. Enseignement des sciences – lien avec les mathématiques 166.5. Instruments de calcul et utilisation des nouvelles technologies 176.6. Les activités scientifiques en dehors de la classe 18

7. La situation de l'enseignement supérieur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19

8. La formation des enseignants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

8.1. Formation initiale des enseignants 218.2. Formation permanente 21

9. Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

Références documentaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23

Annexes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25Extraits d'ouvrages, témoignages et statistiques

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Les savoirs fondamentaux

Les raisons de notre profond attachement à l'École1.

Nous, mathématiciens, scientifiques, noussentons extrêmement concernés par l’École et at-tachés à elle, d’abord parce que sans elle nous neserions rien de ce que nous sommes aujourd’hui.Le meilleur vœu que nous puissions former pourles jeunes générations est que leur soient offertesles mêmes chances que celles dont nous avonsbénéficié. Pour la plupart d’entre nous, quand nousnous remémorons nos histoires personnelles oufamiliales, nous n’avons pas besoin de remonter trèsloin pour trouver des générations dépourvues d’ins-truction mais dont les enfants ont pu découvrirgrâce à l’École le monde épanouissant de la lecture,des livres, de la réflexion et du savoir.

Pour tous les enfants, quelles que soient leursorigines, il est très important que les maîtres leurapprennent patiemment à lire, à écrire, à compter,à observer, et qu’ils s’efforcent de leur ouvrir peuà peu les portes de la culture, de la littérature,des mathématiques et des sciences de la naturetelles que des siècles de recherche et de réflexionnous les ont léguées. Pour un enfant qui en faitl’expérience, c’est un enrichissement considérablede son univers, quand après des mois ou parfoisdes années d’efforts patients, son esprit s’éveilleet qu’il commence à comprendre que le monde dela littérature, celui des sciences, ou le latin, le grec,l’histoire, les arts, la musique peuvent être sonmonde. L’enfant a besoin pour cela de maîtres

attentifs qui inlassablement cherchent à l’entraînerau travail et à l’étude, et qui soient aussi en mesurede résoudre et d’apaiser d’éventuels conflits. Cetteexpérience, nous, et nos familles avant nous, l’avonstous faite grâce à l’École. Sans elle, la France d’au-jourd’hui n’aurait ni scientifiques, ni ingénieurs, niécrivains, ni professeurs, ni culture, ni technologie.

Nos raisons d’être attachés à l’École sont doncd’abord des raisons personnelles issues de notreexpérience : nous savons que l’activité intellectuelleest une voie d’épanouissement très riche et irrem-plaçable. Nous savons aussi que cette voie nes’ouvre pas sans efforts ni sans difficultés, et quetous les enfants, particulièrement ceux issus defamilles sans instruction, ont besoin de trouverdes maîtres à la fois dévoués et exigeants, capablesde leur faire goûter et partager le plaisir des vraiesnourritures intellectuelles.

Nous sommes aussi très sensibles au rôlesocial de l’École – permettre l’ascension socialed’un grand nombre de jeunes issus de milieuxdéfavorisés, et particulièrement des familles im-migrées. Cependant, nous savons par expérienceque ce but est d’autant mieux atteint que l’Écolene le vise pas directement, c’est-à-dire qu’elle neréduit pas ses ambitions en fonction des originessociales des élèves, mais au contraire qu’elle seconcentre sur ce pour quoi elle est faite : la trans-mission du savoir. Les difficultés sociales graves

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sont irréductibles à l’École et doivent être traitéespar un effort de l’État, de la société, des citoyens.

Indépendamment de ces efforts sociaux indis-pensables, la meilleure façon d’assurer l’égalitédes chances est de proposer dans toutes les écolesde France un enseignement de très grande qualité– ouvrant aux enfants défavorisés les mêmes portesdu savoir que les enfants favorisés peuvent trouver –,et donc d’avoir partout la même exigence, de fairerespecter partout l’autorité des professeurs et dedonner à tous les enfants la chance de s’éleverpar leur travail et leur mérite. Cela ne signifie pasque l’enseignement ne doive pas s’adapter pourtenir compte du niveau, des besoins, des goûts etdes aspirations des élèves.

Il en va d’ailleurs de même du rôle de l’Écoledans l’éducation et en faveur de la paix sociale, pré-occupation particulièrement importante à uneépoque où notre pays compte des populations deplus en plus diverses et où de nombreux conflitspeuvent se nouer.

Nous, mathématiciens, scientifiques, côtoyonsdes représentants de toutes les cultures du monde,échangeons, travaillons et finalement nous accordonsavec eux d’une manière très profonde. Nous savonsque cela est possible non pas parce que nous nousserions donné pour objectif de nous regarder dansle blanc des yeux avec un désir d’harmonie et depaix, mais parce que, avec toutes nos différences,nous sommes tous orientés vers un même but quiest celui du savoir et de la connaissance, et animésd’une passion commune de la découverte et de la

vérité. C’est pourquoi nous pensons que l’Écoleéduquera et contribuera d'autant mieux à la pacifi-cation de la société qu’elle orientera toutes les éner-gies vers un objectif que toutes les cultures peuventfacilement reconnaître et qui, encore une fois, est latransmission de la connaissance.

Enfin, nous sommes bien placés pour savoirà quel point l’instruction et le développement intel-lectuel des jeunes générations sont importantspour l’avenir de notre pays, aujourd’hui plus quejamais. Les progrès foudroyants réalisés par l’esprithumain dans tous les domaines de la connaissanceont déjà puissamment contribué à accroître la libertédes hommes et ont radicalement transformé lesconditions de la vie. Or nous voyons aujourd’huique le champ ouvert à l’intelligence et à la connais-sance est presque illimité. Il est impératif que notrepays continue de participer à cette aventure et,pour cela, que ses jeunes générations reçoivent laplus solide formation intellectuelle possible. Sanscela, notre pays, dans un monde de compétitionéconomique exacerbée, sera distancé par les paysqui auront mieux su faire fructifier l’intelligence deleurs enfants, ou par ceux dont l’économie ou lepouvoir d’attraction culturel seront susceptibles dedrainer la matière grise mondiale, même si leurpropre système scolaire est gravement déficient. Ilrisquerait, sinon, de voir son économie devenir demoins en moins créatrice de richesses et d’em-plois, de perdre son rayonnement culturel et lamaîtrise de sa propre histoire ; sa paix sociale elle-même ne serait plus garantie.

Nous n’avons pas les moyens de procéder àune analyse globale et systématique du systèmeéducatif français, mais au travers d’une enquêteparmi toutes les personnes que nous avons eul’occasion de rencontrer, tant dans les milieux del’enseignement et de l’Université qu’en dehors,nous avons enregistré, au fil de ces dernièresannées, une somme impressionnante de signauxalarmants.

Même si elles ne sont pas chiffrées, cesenquêtes que chacun peut mener pour son compte

(par exemple en discutant avec des professeurs, eninterrogeant les jeunes qu’il connaît sur les ensei-gnements qu’ils suivent et sur ce qu'ils saventréellement) donnent des indications suffisammentconcordantes pour qu’on puisse conclure que l’ins-truction publique traverse actuellement une criseprofonde. Comme nous l’expliquerons à la fin decette section, l’utilisation de statistiques brutes quine tiennent pas compte de l’évolution du contexten’a en général aucun sens, et nous n’accordonsdonc à celles-ci que très peu de valeur, sinon aucune.

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Une accumulation de signaux inquiétants2.

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Il en est ainsi, par exemple, du taux de réussite aubaccalauréat ou aux examens universitaires, quine mesure absolument rien de significatif en termesde performance formative du système éducatif.

La base sur laquelle tout le système éducatifrepose est évidemment l’école primaire, avec sesapprentissages fondamentaux que sont la lecture,l’écriture, et aussi le calcul et l’observation. Or toutce que nous constatons nous amène à penser quecette base chancelle.

Des maîtres rebelles courageux publient deslivres [1, 2] 1 ou des études montrant qu’avec lesméthodes imposées dans les écoles pour l’ap-prentissage de la lecture et de l’écriture, les élèvessubissent des retards d’apprentissage importants,pouvant même les conduire à la dyslexie [8]. Lesméthodes globales ont certes été « officiellement »remplacées par des méthodes semi-globales censéesgommer leurs défauts, mais des experts indiquentclairement que ces méthodes (qui restent souventà « départ global ») restent beaucoup moins efficacesque les méthodes syllabiques fondées sur la naturealphabétique de notre écriture, et peuvent induirede mauvais réflexes persistants.

Régulièrement nous entendons des témoi-gnages de parents d’élèves qui n’ont plus confiancedans l’école primaire, en particulier dans l’écolepublique, et qui, pour apprendre à lire et écrire àleurs enfants, choisissent de le faire eux-mêmes enrecourant aux méthodes alphabétiques et syllabiques– comme l’ancienne méthode Boscher, ou commeLéo et Léa, qui connaissent depuis quelques moisun grand succès de librairie. Nous savons que, dansles écoles, ces méthodes sont encore souvent décon-seillées par l’institution, et que les professeursd’école qui les choisissent s’exposent à des sanc-tions. Quant aux enfants à qui leurs parents nepeuvent pas apprendre à lire et à écrire par leurspropres moyens, et qui subissent les méthodes delecture défaillantes jusqu’à leur terme, le préjudicepour eux peut être très important (cf. [2], et Annexes3 et 4). Nous constatons partout autour de nous queles parents sont de plus en plus enclins à confierleurs enfants aux écoles privées, sans d’ailleursque nous puissions dire que l’enseignement y soitmeilleur, puisque les mêmes programmes sont impo-sés en échange des subventions publiques.

Plus tard, au collège, au lycée, à l’université,nous constatons qu’une proportion importante des

jeunes a une mauvaise maîtrise de la langue, de lagrammaire et de l’orthographe. Il nous est ainsiarrivé de lire des textes de jeunes bacheliers oufuturs bacheliers, qui contenaient plusieurs fautesd’orthographe par ligne. Ces carences soulèvent degraves difficultés même pour l’apprentissage desmathématiques et des sciences, car il est impossiblede raisonner sans une bonne maîtrise de la langue.

Nous voyons des associations de professeursde lettres [9] s’insurger du fait que les heuresconsacrées au français dans les écoles primaires etles collèges ont diminué dans des proportionsimportantes depuis une trentaine d’années, avecbeaucoup moins de lectures à voix haute, moins depoésies à apprendre, moins d’apprentissage devocabulaire nouveau ou de conjugaisons, moinsde règles de grammaire, moins de véritables dictées.D’ailleurs, si nous avons bien compris la pratiquedu moment, les enfants sont censés acquérir la maî-trise de la langue française non pas en apprenantde leurs professeurs des savoirs grammaticaux déjàconstitués, d’abord simples, puis progressivementplus complexes, mais en les découvrant par eux-mêmes, grâce à « l’observation » des textes ! Ceuxqu’on leur fait lire sont souvent si banalementécrits, et si pauvres sur le plan des contenus intel-lectuels ou humains, qu’ils ne peuvent pas leurdonner le goût de la littérature.

S’agissant du calcul, nous constatons avecstupeur que, d’après les programmes Joutard publiésen 2002, l’apprentissage des quatre opérations,qui débutait autrefois dès le CP, a été remplacé parune progression très lente proposant la seule ad-dition au CP, avec une timide apparition de la sous-traction en CE1, et une quasi-disparition de la divisionet de la multiplication sur les décimaux de tout l’en-seignement primaire [3]. La théorie pédagogiqueofficielle est ici « qu’il faut commencer par donnerdu sens aux opérations » avant de pouvoir lespratiquer. Si l’on suivait les recommandations durapport Thélot, il ne s’agirait même plus que decompter (énumérer ?) en CP et CE1, le calcul pro-prement dit commencerait seulement en CE2, et ladivision ne serait abordée qu’en CM1. C’est sidérantpour nous dans la mesure où il nous paraît que lesnombres et les opérations sur les nombres ne pren-nent sens que les uns par rapport aux autres. Parexemple, le nombre 342 est bien 3 fois 100 plus4 fois 10 plus 2. Dans les programmes qui étaient

(1) On trouvera à la fin de notre texte les références bibliographiquesdes documents auxquels nous renvoyons par ces chiffres entre crochets.

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en place jusque dans les années 60, l’addition, lasoustraction et la multiplication étaient abordéesdès le CP, et ces programmes de CP incluaientmême la division par 2 et par 5 (Annexes 1, 2, 5, 6).

Cette comparaison que chacun est légitime-ment amené à faire nous invite à rapporter letémoignage – paru dans des livres récents [1] – dejeunes enseignants fraîchement émoulus des IUFMqui, de la part des responsables de leur formationou ensuite de la part d’inspecteurs, alors qu’ils mani-festaient le désir de faire une comparaison avec lesprogrammes, les niveaux d’exigence ou les méthodesd’il y a quelques décennies, se sont vu aussitôtopposer un tir de barrage idéologique : « Si vousvoulez faire une comparaison avec l’école du passé,c’est que vous êtes des réactionnaires ».

Il convient de dire à ce propos qu’il semblebien que l’école et l’ensemble du système éducatifont connu la dérive dont nous constatons les effets,non pas du fait des enseignants, contre l’avis des-quels elle s’est faite et qui continuent à exercer dansdes conditions de plus en plus difficiles, ni du faitdes parents d’élèves, qui aimeraient volontiers queleurs enfants apprennent davantage (et qui se plai-gnent de plus en plus de l’état actuel de l’École),mais du fait d’une minorité de personnes influentesbloquées dans des a priori idéologiques et inca-pables de reconnaître leurs erreurs. Depuis trenteans, cette minorité a malheureusement pris l’ascendantsur tous les organismes de contrôle de l’Éducationnationale, des IUFM, parfois sur les inspectionsacadémiques, les commissions de programmes,etc. ; elle s’efforce d’empêcher l’évaluation de sonbilan et refuse le plus souvent d'entendre lesréflexions des enseignants de terrain et des expertsindépendants. Nous pensons pour notre part que,pour refonder l’instruction publique en France, lemeilleur moyen est que la situation actuelle fassel’objet d’un véritable examen national qui sortedu cadre des milieux éducatifs et où toutes lesvérités seraient dites publiquement et sans fard.

Un tel débat public nous paraît d’autant plusnécessaire qu’une partie des maux de l’École trouveson origine dans les évolutions de la société, dansle comportement de certains media où le savoir, laconnaissance, la culture et le rôle des enseignantssont de plus en plus traités par l’indifférence ou lamoquerie. Nous souhaitons au contraire exprimerici très fort notre admiration pour les instituteurs

et les professeurs qui continuent à enseigner et àessayer de transmettre le savoir, en étant parfoisobligés d’aller à l’encontre de réformes incessanteset incohérentes que la hiérarchie cherche souventà imposer sans concertation réelle avec le terrain.La diminution du contenu des programmes, leurémiettement, le déclin des valeurs intellectuelles,la violence scolaire ne sont pas des conséquencesinéluctables de la marche du temps, elles sontsurtout la conséquence de choix délibérés de lapolitique scolaire, dans un contexte de dissolutiondes anciennes structures sociales et familiales et deperte des repères, où beaucoup d’enfants sontdavantage laissés à eux-mêmes.

D’ailleurs, nous-mêmes, mathématiciens, devonsprendre notre part dans cet examen de consciencegénéral, car il est vrai, hélas, que dans cette longuesuite de réformes qui depuis plus de trente ans ontébranlé les fondements de l’instruction publique,l’une des premières fut celle des « maths mo-dernes » que notre génération n’a pas conduitemais qui laisse aujourd’hui des souvenirs amers.Cette réforme ne comportait pas que des idéesabsurdes, elle n’a pas eu que des effets négatifs,loin de là, mais elle s’est fourvoyée lorsqu’on a cher-ché abusivement à la généraliser et à l’imposer àl’école primaire et au collège, en faisant ainsi tablerase du savoir pédagogique antérieur, et surtout,en enfermant l’enseignement dans une approcheformelle et dogmatique, coupée de l’intuitioncommune, à des niveaux où elle ne pouvait àl’évidence pas s’appliquer.

Au delà de l’école primaire, nous constatonsune détérioration analogue dans les collèges etles lycées, détérioration qui est le prolongement etl’amplification de la précédente [7]. Nous avonsentendu des professeurs de français de lycées dequartiers défavorisés témoigner que le seul objectifraisonnable qu’ils peuvent se fixer avec leurs élèves,compte tenu de leur niveau, est de parvenir à lesrendre capables d’écrire une phrase correcte et derester attentifs à la lecture d’un livre qu’on leur faità haute voix. Il faut songer que ces élèves delycée ont suivi une trentaine d’heures de courspar semaine pendant dix ou douze ans et quebeaucoup d’entre eux avaient certainement de bon-nes dispositions naturelles pour étudier. Une telleabsence de résultat est véritablement navrante.Dans des lycées de quartiers favorisés, nous consta-

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tons que la situation est un peu meilleure mais, làencore, les résultats n’ont rien de reluisant, loin s’enfaut. Les jeunes ont clairement conscience d’ensavoir moins que leurs parents. Ils n’ont presqueaucune notion d’histoire littéraire, celle-ci n’étantplus enseignée que sous forme de vagues jalons.D’ailleurs il n’est plus à l’ordre du jour de leurdonner le goût et l’habitude de lire, la lecture destrois ou quatre œuvres littéraires qu’on leur proposedans l’année représente parfois un effort insur-montable. Certains des plus grands écrivains de lalittérature universelle, écrivains qui auraient puilluminer leur pensée si seulement on avait pu lesleur faire découvrir, leur resteront inconnus. Ilsn’ont le plus souvent pas appris à rédiger desdissertations et ont peu l’habitude d’écrire [7].

En histoire, il apparaît que beaucoup d’élèvessont dépourvus de repères chronologiques, à telpoint que certains sont incapables de situer chro-nologiquement Louis XIV et Napoléon l’un parrapport à l’autre, ou de préciser si Jésus-Christ avécu à l’époque de l’Empire romain ou à celle deLouis XIV. Il semble que, dans les collèges et lycées,on demande constamment aux élèves de jouer àl’« expert historien » en réfléchissant à partir dedocuments (choisis par les auteurs de manuels, sibien que les conclusions de ces prétendues réflexionssont écrites d’avance), sans nécessairement prendrela peine de leur faire apprendre les dates clés quifixent les grandes lignes de notre histoire.

On dit que l’enseignement des langues vivantesest meilleur que celui d’autrefois, mais il n’est passi fréquent que nous rencontrions un bachelier quiparle couramment une langue vivante. De plus,les langues différentes de l’anglo-américain (etpeut-être de l’espagnol) sont de moins en moinsenseignées. Quant à l’enseignement des languesanciennes, nous constatons qu’il est en voie de dis-parition dans beaucoup de lycées, alors que ceslangues sont les racines de toute notre culture etque beaucoup d’entre nous, mathématiciens, scien-tifiques, pouvons témoigner que notre premièreformation intellectuelle a été grandement enrichiepar l’étude du latin ou du grec.

Si nous en venons à ce que nous connais-sons le mieux, les sciences et les mathématiques,nous constatons qu’il existe encore un cours appelé« cours de mathématiques », mais, pour ce quiconcerne la filière scientifique, ses horaires ont

diminué au fil des ans dans des proportions compa-rables à celles du français. Ainsi, à la fin d’uneTerminale S, les élèves ont perdu, en mathéma-tiques, l’équivalent d’une année et demi par rap-port à leurs aînés de Terminale C d’il y a trente ans.Si ce cours présente encore des titres de chapitresdont la liste pourrait paraître plus ou moins satis-faisante, un examen plus approfondi montre qu’ilne demande presque plus aux élèves de faire desdémonstrations, ni même ne leur enseigne ce qu’estune véritable démonstration, qu’il est dépourvude rigueur et de précision jusque dans les défini-tions qu’il prétend donner et souvent ne donnepas, que les notions sont parfois présentées dansun ordre logique incohérent. Le grand public, mal-heureusement, ignore ces faits ; il en est proba-blement de même d’une partie des décideursaujourd’hui. Nous pouvons affirmer que l’énormemajorité des élèves de Terminale « scientifique »obtiennent le baccalauréat en connaissant seule-ment un petit nombre de recettes et de procéduresmémorisées sans que celles-ci soient accompa-gnées d’une véritable compréhension approfondieet intériorisée – ainsi, savoir tracer le graphe repré-sentatif d’une fonction en s’aidant d’une calculatriceet savoir reconnaître quelques aspects qualitatifsde ce graphe peuvent aujourd’hui suffire à assurerla moyenne. Que l’audace des commissions desujets d’examen aille jusqu’à poser une questionde géométrie imprévue où le rôle des coordonnéesest interverti, comme cela a été le cas en 2003, etc’est une catastrophe nationale qui fait la une desjournaux et des télévisions, et nécessite l’interven-tion personnelle du ministre. Que dans l’état actueldes programmes, des professeurs parviennent néan-moins à initier leurs élèves aux mathématiques etque certains élèves continuent à travailler et à s’in-téresser aux mathématiques et aux sciences est unmiracle qui tient à l’existence d’esprits particuliè-rement robustes et pugnaces, et aussi à l’aide desfamilles ou de remédiations extérieures, mais un« miracle » qui s’accompagne d’une chute très impor-tante du nombre des vocations, et dont nous nesavons pas combien de temps encore il perdurerasi les conditions actuelles ne s’améliorent pas.

Quant au rapport Thélot, si on se reporte àsa page de synopsis, on voit que l’objectif qu’ilfixe à la fin de la 3e est la maîtrise des « opérationsmathématiques ». S’agit-il des quatre opérations –

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addition, soustraction, multiplication, division – oubien d’autre chose que nous, mathématiciens, necomprendrions pas ? Doit-on conclure que lesauteurs de ce rapport prennent les jeunes pour desidiots ou bien qu’ils veulent les rendre idiots ? Le plusgrave nous semble être le niveau d’inconscience col-lective qui a abouti à ce qu’une commission en char-ge de la prospective scolaire puisse se former unevision aussi réductrice des contenus à enseigner.

L’état d’impréparation et le manque de connais-sances structurées des jeunes quand ils obtien-nent le baccalauréat est tel que, tout simplement,les mathématiques, la physique et toutes lessciences dans l’enseignement supérieur devien-nent trop difficiles pour eux, de sorte que toutes lesfilières scientifiques se vident de leurs étudiants. De1995 à 2001, le flux d’entrée des étudiants estpassé de 34651 à 22151 en sciences de la matière,et de 17827 à 10795 en sciences de la nature et dela vie (voir Annexe 10). Mais ce n’est pas pour autantque ceux qui restent soient capables de suivre demanière fonctionnelle ! Si les taux d’échec ne grim-pent pas en flèche à l’université, c’est, dans certainsdomaines comme les mathématiques, uniquementen raison d’examens et de barèmes de notationoutrageusement complaisants au regard des pro-grammes qui auraient dû être suivis.

Même dans les filières d’excellence, nous avonsentendu, par exemple, des professeurs de certainesdes meilleures classes préparatoires scientifiques

de France témoigner que les étudiants leur arriventsans savoir ce qu’est une démonstration et enignorant jusqu’aux règles élémentaires de la logique.Dans ces filières d’excellence, on parvient à rattraperplus ou moins le temps perdu dans les années decollège et de lycée (pas complètement d’ailleurs,et on observe des carences étonnantes jusqueparmi les candidats reçus aux concours d’entrée auxÉcoles normales supérieures ou à l’École Poly-technique, comme les jurys l’observent régulière-ment). Il n’en va, hélas, pas de même dans lesfilières universitaires, notamment en sciences de lamatière où les programmes sont actuellement revusà la baisse de façon plus ou moins systématique,aussi bien sur le plan qualitatif que quantitatif.

Quant au rôle d’ascenseur social que l’Écolejoue, il est indubitablement en déclin, même si lesstatistiques officielles indiquent une progressionde la fréquentation de l’université dans toutes lescouches sociales. Cet indicateur souvent rebattu n’astrictement aucune signification puisque la plusgrande partie des filières de l’université sont nonsélectives et que leur démographie a explosé entreles années 1950 et 2000. Le seul indicateur quivaille est celui de l’entrée dans des écoles sélec-tives dont les effectifs sont restés à peu prèsstables. Dans ce cas, les chiffres parlent d’eux-mêmes et ils sont accablants (les résultats desannées 2000-2004 prolongeraient probablementla tendance) :

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Part d'étudiants d'origine populaire en %(enfants de paysan, ouvrier, employé, artisan ou commerçant)

Sources : M. Euriat et C. Thélot, « Le recrutement des élites scolaires depuis quarante ans », Éducation et formation, juin 1995.

1951-1955 1973-1977 1989-1993

École polytechnique (X) 21 12,2 7,8

École nationale d'administration (ENA) 18,3 15,4 6,1

École normale supérieure (ENS) 23,9 16,4 6,1

Hautes études commerciales (HEC) 38,2 nc 11,8

Ensemble grandes écoles 29 nc 8,6

Part dans la population des 20-24 ans 90,8 81,6 68,2

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Si nous tentons de faire un bilan, les causesprincipales de la dégradation du système éducatifde la France nous paraissent de deux ordres.

D’une part, elles tiennent aux évolutions géné-rales de la société : moindre valeur accordée danspresque tous les milieux (favorisés ou défavori-sés) à l’étude et aux disciplines intellectuelles pourelles-mêmes, déstructuration de couches socialesentières frappées par le chômage et la précarité,poids que la hantise du chômage fait peser surl’École sommée d’accorder à tous un diplôme quigarantisse un emploi, déstructuration des familles,difficultés d’implantation sur le sol français de popu-lations nouvelles qui parfois n’ont pas confiancedans l’École républicaine.

D’autre part, une autre série de causes estengendrée, à notre avis, depuis une trentaine d’an-nées, par l’organisation de l’Éducation nationaleelle-même, dans laquelle les instituteurs et profes-seurs ont été, tout comme les élèves, les grandes

victimes des politiques menées. Les incivilités, inti-midations et violences dont les professeurs et lesélèves qui voudraient travailler sont la cible dansbeaucoup d’établissements, n’ont pris une grandeampleur qu’à la faveur de décisions structurelles quiont affaibli l’autorité des enseignants, et corrélati-vement, ont mené à une réduction du nombre dessurveillants et des adjoints d’enseignement.

Enfin, il faut bien sûr prendre en compte lephénomène de la massification de l’enseignementqui, certes, n’a pas touché l’école primaire, maisa transformé le collège, le lycée et l’université.Cette massification était sans aucun doute sou-haitable ; mais elle a, hélas, été mal gérée, et noussommes convaincus, quant à nous, qu’il aurait étéparfaitement possible de la mener à bien sanspour autant dévaluer la qualité de l’enseignementcomme la direction de l’institution éducative n’a pashésité à en prendre le risque à l’occasion de chaquegrande réforme.

Comme nous l’avons déjà longuement expliquéet justifié, la Nation doit réaffirmer que le rôle prin-cipal de l’École et sa raison d’être sont l’instruction,la transmission des savoirs fondamentaux et ledéveloppement des capacités intellectuelles desenfants et des jeunes.

Afin que l’École donne des chances égales àtous les enfants, quelles que soient leurs originessociales, et qu’elle permette l’ouverture au savoiret à la culture du plus grand nombre possible dejeunes, nous recommandons instamment que,même dans les quartiers défavorisés, on ne cèderien sur les programmes et les niveaux d’exigence,mais qu’au besoin on y envoie davantage d’en-seignants pour diminuer les effectifs des classes etpour réinstaurer des heures d’études assistées lesoir après la classe, où tous les enfants que leursfamilles ne peuvent aider dans leur travail pourraientfaire leurs devoirs.

L’école, le collège ou même le lycée n’ont pasà courir après les derniers développements de latechnique ou de la science, ni après les dernièresévolutions de la société. Leur rôle est de transmettre

les acquis les plus fondamentaux et les plus per-manents de siècles d’humanisme qui rendentpossibles toute réflexion, toute science et toutetechnique. L’École est amenée à évoluer pourinclure des nouveaux acquis fondamentaux dutemps présent ; mais elle doit le faire lentement,après longue et mûre réflexion, en se gardantdes effets de mode.

Un enfant qui apprend n’enlève rien à aucunautre. C’est pourquoi le principe d’égalité ne doitjamais être invoqué pour abaisser les programmeset les niveaux d’exigence. Il ne doit pas plus êtreinvoqué pour empêcher de créer, à partir du collège,des filières diversifiées, les unes plus abstraitesoù les élèves manifestant le plus d’ardeur et dedons pour le travail intellectuel recevraient unenseignement à la mesure de ce qu’ils peuventapprendre, les autres où les élèves manifestantdavantage d’aptitudes manuelles ou artistiques(voire sportives) recevraient une formation adaptéesusceptible de leur redonner le goût de l’étude, etsoigneusement construite pour prendre plus tardune véritable valeur sur le marché de l’emploi.

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Les principes d'une reconquête3.

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Les savoirs fondamentaux

Enfin, le principe d’égalité ne doit pas empêcherl’évaluation des élèves ; au contraire, nous pensonsqu’il est d’autant mieux respecté que les élèves sontévalués suivant des règles claires pour tous, àsavoir qu’on obtient de bonnes notes si on apprendbien et de mauvaises notes si on apprend mal.

L’évaluation est d’ailleurs un principe quel’Éducation nationale doit commencer à appliquerà elle-même, particulièrement quand elle tente desréformes. Il faut constamment comparer les résul-tats des différentes méthodes d’enseignement,celles d’aujourd’hui, celles du passé et aussi cellesd’autres pays. Nous pensons qu’il faut mettre enplace un organisme indépendant de toutes lesstructures de pouvoir de l’Éducation nationale, etqui serait spécialement chargé de ces comparaisonset évaluations.

S’agissant des instituteurs et des professeurs,nous pensons qu’ils doivent retrouver une trèsgrande liberté dans leurs choix pédagogiques etqu’ils doivent être évalués, c’est-à-dire inspectés etnotés, uniquement d’après la progression et lesrésultats de leurs élèves, et en aucune façon d’aprèsla conformité de leurs méthodes avec les dogmesde l’Éducation nationale.

Pour en revenir aux réformes précédentes,notre avis est qu’elles ont été multipliées à l’excès,avec des intervalles de temps trop courts. Il nefaudra en entreprendre à l’avenir qu’avec la plusgrande circonspection, une fois que le systèmeéducatif aura atteint un état stable. L’éducationrevêt une telle importance pour les sociétés quetoutes les civilisations y ont réfléchi en profondeurdepuis des siècles et même des millénaires, et ilest extrêmement difficile d’introduire de nouvellesméthodes d’enseignement qui représentent desaméliorations, surtout s’il s’agit des aspects premiersdu savoir comme la lecture et le calcul.

L’École ne peut bien fonctionner que si lesinstituteurs et les professeurs sont respectés et sileur autorité est solidement établie. Il est nécessaireque, dans la société, et particulièrement dans lesfamilles, l’étude soit valorisée dans l’esprit desenfants, et que ceux-ci puissent prendre conscien-ce que l’École est destinée à leur apporter lesmeilleures chances. Par exemple, il est importantque, dans les familles, les parents veillent à ceque les enfants ne tombent pas sous l’empire dela télévision ou des jeux video, et qu’ils les encou-

ragent plutôt à lire et à travailler. Des recomman-dations institutionnelles, des dispositifs associatifs(clubs, animation culturelle et scientifique) et desconseils judicieux pourraient les y aider.

Les classes ne peuvent fonctionner de manièreefficace que si le niveau des élèves n’est pas trophétérogène et correspond effectivement aux prére-quis des programmes. L’évaluation et l’orientationdes élèves sont donc des éléments indispensableset déterminants d’une politique scolaire respon-sable. L’accès à la classe supérieure ne peut – etdonc ne doit – être apprécié que par des personnesqui ont compétence pour cela, à savoir le corps desprofesseurs. Quelle que soit leur bonne volonté, lesparents ne peuvent avoir qu’une voix consultative,afin d’éclairer éventuellement le jugement des pro-fesseurs, et en aucun cas une voix décisionnaire.Il faut redonner à l’équipe enseignante la respon-sabilité exclusive de déterminer l’orientation desélèves à partir des choix que ceux-ci ont exprimés.Naturellement, des erreurs d’appréciation ou desdécisions mal informées sont toujours possibles ;il y a donc lieu de créer des commissions de recoursad hoc pour gérer les litiges qui ne manqueront pasd’apparaître. Dans la perspective de l’évaluation desélèves, les examens doivent retrouver un rôle pleinet entier, et éviter les épreuves factices ou conve-nues d’avance.

L’École a besoin que tous les enfants respec-tent une discipline de vie authentique qui rendepossibles l’écoute et l’apprentissage. Ceci est par-ticulièrement vrai dans les quartiers défavorisésoù nombre d’enfants connaissent des situationsfamiliales difficiles. La meilleure chance qu’on puissedonner à ces enfants est d’exiger et d’obtenir d’euxle même respect de la discipline que des autres, deleur enseigner et de les évaluer de la même façon.La charge de cette discipline ne doit pas incomberseulement aux instituteurs et professeurs ; celasuppose la présence d’un personnel de surveillancesuffisamment nombreux.

Plusieurs personnes appartenant à des hori-zons idéologiques étonnamment différents nousont fait part de leur scepticisme quant à la pos-sibilité de remettre d’un coup l’ensemble de l’Édu-cation nationale sur de bons rails. Une idée moinsambitieuse serait d’agir ponctuellement en permet-tant que se mettent en place des établissementsfondés sur des niveaux d’exigence plus élevés et

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des programmes plus substantiels que ceux envigueur actuellement. On nous a cité l’exempled’universitaires russes émigrés aux États-Unis qui,catastrophés du niveau des écoles américaines,ont créé dans un quartier défavorisé une école« dérogatoire » qui propose des programmes beau-coup plus solides que les autres écoles et utilisedes manuels nouveaux ou bien traduits du russeou d’autres langues. L’existence de tels établis-sements serait en elle-même une très bonne chose

et on pourrait espérer que peu à peu elle engendreun effet d’émulation et d’entraînement sur l’en-semble du système. C’est pourquoi nous proposonsque les programmes nationaux soient considérésseulement comme des minima et que tous lesétablissements, tant publics que privés, aient toutelatitude pour relever les niveaux d’exigence, uti-liser des manuels plus riches que les manuelsconformes aux programmes officiels et créer desfilières d’excellence.

L'enseignement le plus fondamental est à l’évi-dence celui de notre langue nationale, le français.À l’école primaire, l’apprentissage de la lecture etde l’écriture doit avoir priorité sur tous les autres.

Dès l’école primaire, puis au collège et aulycée, les élèves doivent apprendre véritablementà écrire, ce qui suppose, d’abord, de maîtriser l’or-thographe (ce pour quoi nous recommandons defaire dans les écoles une dictée par jour), la gram-maire (qui à notre avis s’apprend sous forme derègles) et les conjugaisons des verbes, puis de serompre aux exercices de la rédaction (dans sesdivers types : récit, description, essai de réflexionplus ou moins abstraite) et de la dissertation. C’estimportant, même dans la perspective des sciences,car tout texte scientifique est un genre de rédac-tion et plus profondément toute réflexion, toutepensée se construisent en écrivant.

Nous pensons enfin qu’il est fondamental qu’àpartir de la Sixième les élèves soient introduits àla belle littérature, qu’au fil des ans on leur fassedécouvrir le plus grand nombre possible de grandes

œuvres du patrimoine français et universel, qu’onleur apprenne à en saisir les beautés et qu’on leurdonne progressivement des éléments solides d’his-toire littéraire. Pour nombre de mathématiciens etde scientifiques, c’est d’abord à travers la littéra-ture ou la poésie que le sens de la beauté et del’esthétique a pu se développer. Cette esthétiquede la pensée, on la retrouve naturellement aussidans les mathématiques et dans les sciences où elleest tout autant présente, bien qu’elle y soit peut-être moins directement accessible.

Bien que nous n’ayons aucune compétenceparticulière dans ce domaine, nous nous faisonsl’écho des nombreux témoignages de familles,d’instituteurs, d’orthophonistes, de neurologuesque nous avons entendus en tant que simplescitoyens et qui conduisent à remettre en cause lesméthodes « globales » et « semi-globales » pourl’apprentissage de la lecture. Tout indique que cesméthodes doivent être bannies des manuels sco-laires, au profit de la méthode syllabique fondéesur la nature alphabétique de notre écriture.

Après celui de la langue, le savoir le plusfondamental est évidemment celui des nombreset des opérations sur les nombres : compter, ad-ditionner, soustraire, multiplier, diviser. Un autreapprentissage qui va de pair avec celui-là, l’utilise,

l’illustre et donne l’occasion de le consolider, est celuide la mesure des grandeurs et le repérage dans l’es-pace. Nous reviendrons là-dessus un peu plus loin.

Dès l’école primaire, les sciences expérimentalesdonnent l’occasion aux enfants d’allier plusieurs

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L'enseignement le plus fondamental4.

Autres enseignements importants5.

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démarches très riches : contact avec les objetsconcrets, réflexion logique, communication avecles autres enfants, utilisation pratique des nombres,des opérations et des figures, utilisation de l’écritpour faire la synthèse des observations et desdémarches. Il nous paraît indispensable de déve-lopper l’enseignement des sciences expérimentalesen maintenant une interaction étroite entre l’ob-servation et l’enseignement du calcul et de la géo-métrie, par exemple en exploitant des lois simplesqui donnent lieu à de petits calculs quantitatifs, ouen réalisant des dessins ou des représentationsgraphiques.

Il nous paraît également bon d’initier lesenfants aux choses de la nature, par exemple deleur apprendre à reconnaître les arbres, les fleurs,les plantes, les mammifères, les oiseaux, lesinsectes, et aussi les phénomènes naturels qu’ilsauront l’occasion de rencontrer.

Dès l’école primaire, il faut sans aucun douteinitier les enfants à l’histoire – d’une manière quisoit évidemment à leur portée, ce qui suppose dese concentrer sur des épisodes susceptibles detoucher leur imaginaire. Ces épisodes devraientêtre situés les uns par rapport aux autres, de sorteque l’enchaînement des faits soit structurant vis-à-vis d’autres apprentissages comme celui de lanumération ou de la causalité.

L’étude de la géographie permet aux élèves dese situer dans le monde où ils vivent : on leur appren-dra donc à situer sur des cartes les pays, les régions,les villes, les fleuves, les montagnes, les mers, dontils entendent souvent prononcer les noms.

À partir de la 6e, l’enseignement de l’histoireet de la géographie peut devenir plus systéma-tique, son but premier est de donner aux élèvesdes repères chronologiques solides, et égalementdes repères géographiques, politiques et écono-miques, qu’il s’agisse de la France (depuis ses ori-gines historiques), de l’Europe ou du monde. Engéographie, on peut commencer à donner auxélèves des éléments de géographie physique oude cartographie, ce qui permet aussi de faire unlien concret avec la géométrie, la mesure et lerepérage dans l’espace.

L’enseignement des langues est égalementtrès utile aux scientifiques, pour des raisons évi-dentes liées aux nécessités de la communication età l’existence de très nombreux textes techniques

rédigés en anglais ou dans d’autres langues. Ilserait sans doute bon d’initier les enfants à une pre-mière langue vivante dès l’école primaire, puisquel’apprentissage d’une langue vivante est en géné-ral plus facile et plus naturel aux jeunes enfantsdont l’oreille est plus fine et l’esprit plus malléable.Pour encourager l’apprentissage d’autres languesque l’anglais, une idée pourrait être de privilégierl’apprentissage de langues différentes de celui-cidans les écoles primaires, sachant bien qu’alorsles enfants qui auraient choisi une autre languecommenceraient presque tous l’apprentissage del’anglais en 6e comme deuxième langue. Cepen-dant, la disponibilité d’enseignants bien formés estun impératif préalable qui doit être pris en comp-te avant toute tentative d’introduction systéma-tique de l’enseignement des langues à l’écoleprimaire.

Dès le collège (dès la 4e ou même optionnel-lement dès la 6e), tous les élèves qui le souhaitentdoivent avoir la possibilité d’accéder à l’enseigne-ment des langues anciennes comme le latin, legrec (voire l’hébreu), racines de toute notre culture.Parmi les exemples tirés du parcours des grandshommes de science, on peut citer celui de Heisen-berg qui affirmait que, sans sa connaissance du grecet de Platon, il n’aurait pas eu l’idée du principed’incertitude et n’aurait pas inventé la mécaniquequantique.

Enfin, nous pensons qu’il faut instaurer unvéritable enseignement des travaux manuels aucollège et sans doute même dès l’école primaire.Cet enseignement consisterait à fabriquer concrè-tement des objets de toutes sortes, en liant l’actionde la main et l’intelligence appuyée en particuliersur la géométrie et l’apprentissage de lois phy-siques concrètes. On pourrait en cela prendre pourmodèles les bonnes Grammar Schools anglaises, paropposition aux actuels cours de technologie denos collèges qui, malheureusement, consistent leplus souvent à manipuler des ordinateurs (d’ailleurssans conceptualisation), et non de la matière.

Une telle pratique faisant appel éventuellementà des héritages familiaux manuels aurait aussil’avantage de montrer à beaucoup d’enfants issusde milieux populaires que, sur ce terrain au moins,ils peuvent se trouver plus à l’aise dès le départque les enfants issus de milieux intellectuels. Ilserait bon pour ces derniers aussi de constater

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que le champ des connaissances est vaste, et qu’ilreste toujours de nombreux domaines où chacunpeut apprendre d’autrui. Enfin, la pratique des tra-vaux manuels est certainement bonne en elle-mêmepour la formation de l’esprit. Nous pouvons citerl’exemple d’André Weil, l’un des plus grands mathé-maticiens du XXe siècle et un très grand intellectuel(fin lettré, parlant couramment une douzaine delangues, lisant à livre ouvert le grec et le latin,familier du sanscrit) qui, dans sa jeunesse, n’avaitpas négligé de consacrer plusieurs mois de vacancesà des stages intensifs de menuiserie.

Cette liste d’enseignements pourrait donner àpenser que nous voulons alourdir indéfiniment lesheures de cours des élèves. Donc précisons.

Pour l’école primaire, nous pensons que laplus grande partie du temps de chaque journée doitêtre consacrée aux apprentissages de base quesont le français (lecture, écriture, orthographe,grammaire, vocabulaire...) et dans une moindremesure le calcul et la géométrie. Les autres appren-tissages importants comme l’initiation aux sciencesexpérimentales, les leçons de choses de la nature,l’histoire, la géographie et éventuellement les travauxmanuels pourraient occuper une heure ou deuxpar jour, en alternance. Enfin, l’apprentissage d’unelangue vivante, qui ne produit pas d’effet s’il estun saupoudrage comme c’est le cas actuellement, doitfaire l’objet d’une organisation spécifique.

Pour le collège, commençons par dire quenous sommes contre la filière unique du collège tellequ’elle est aujourd’hui conçue. Il faut qu’il y aitune véritable évaluation d’entrée en 6e, qui resteaccessible à presque tous les élèves mais qui soitun véritable contrôle des connaissances de base,au moins en français. Cela n’a pas de sens de laisserentrer en 6e des élèves qui ne maîtrisent pas bienla lecture et l’écriture. En 6e et 5e, les enseignementsseraient les mêmes pour tous les collégiens : fran-çais (encore prioritaire), mathématiques, histoire etgéographie, langue vivante, physique et technolo-gie, sciences naturelles, travaux manuels, plus,optionnellement, une langue ancienne. Il devrait yavoir une nouvelle évaluation à la fin de la 5e et uneorientation vers une filière générale ou technique.Pour la filière générale, on pourrait imaginer qu’ellecomprenne des enseignements communs obliga-toires (français, histoire et géographie, physique,sciences naturelles, travaux manuels), d’autres qui

seraient obligatoires mais avec le choix d’approfon-dir plus ou moins (mathématiques, première languevivante) et enfin d’autres optionnels (deuxième languevivante, une ou deux langues anciennes). Les élèvesmanifestant le plus de dons intellectuels et d’ardeurau travail devraient avoir la possibilité de combinerbeaucoup d’enseignements approfondis ou optionnels.

Enfin, pour ce qui concerne le lycée, il faudraitque le brevet redevienne un véritable examen quicontrôle les connaissances requises pour suivre.Nous sommes partisans de rétablir dès la Secondeune diversification entre plusieurs filières, les uneslittéraires (classiques ou modernes), les autres àdominante mathématique ou physique ou biolo-gique ou technologique. On peut très bien imaginerune filière physique et technologique qui soitorientée vers la physique expérimentale et la fabri-cation d’objets concrets très sophistiqués. On peutimaginer aussi de réintroduire l’ancienne filièred’excellence A’ qui combinait un haut niveau enlettres et en sciences.

Nous n’avons guère évoqué ici les filières tech-niques dont les conditions de fonctionnement récla-meraient sans doute d’autres réflexions plusapprofondies. Il est clair en tout état de causequ’elles doivent devenir de véritables alternatives,et, pour cela, il faut qu’elles soient dotées demoyens suffisants – éventuellement supérieurs àceux des filières générales si cela est nécessaire,puisque ce sont des filières qui peuvent requérir desmatériels spécifiques et qui constituent en généraldes étapes décisives d’orientation pour les élèves.Elles doivent être conçues en partenariat étroitavec les milieux professionnels et être régulièrementréévaluées en fonction de leur appréciation sur lemarché du travail.

Dans tous les cas, il faut donner la priorité àl’approfondissement des connaissances et partirdu principe que l’exigence de qualité et de rigueurest plus importante encore que le contenu précisdes programmes. Dans tout domaine, l’objectif doitêtre de parvenir en fin de Terminale à une véritablemaîtrise du domaine sur lequel porte le cours :pour une langue vivante, avoir une pratique courantede cette langue ; en mathématiques avoir été intro-duit au raisonnement, et avoir compris, dansquelques situations bien ciblées, ce qu’est unethéorie ou un fragment de théorie, avec ses défini-tions, ses théorèmes, ses démonstrations...

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6.1. Enseignement du calcul à l’école primaire

Dès le début de l’école primaire (CP), il paraîtà la fois légitime et raisonnable d’attendre queles enfants apprennent à compter avec les nombresentiers, ainsi qu’à pratiquer les quatre opérationsélémentaires : addition, soustraction, multiplication,division. L’apprentissage de la numération doit sefaire en parallèle avec celui des quatre opérations.

Ceci signifie en particulier que les enfantsdoivent assez tôt apprendre par cœur les tablesd’addition, de multiplication et de soustractiondes chiffres entre eux, qu’ils doivent apprendre àposer sur le papier les quatre opérations pour lesréaliser effectivement, d’abord avec des nombresà un ou deux chiffres, et qu’ils doivent peu à peuêtre habitués à pratiquer le calcul mental d’opé-rations simples. La progressivité doit être celle dela complexité des opérations mises en jeu, et nonpas, à l’instar de ce que préconisent les program-mes français depuis environ 1970, une successionétalée dans le temps de l’addition puis des troisautres opérations.

Au cours de l’enseignement primaire, lesenfants doivent être peu à peu familiarisés avec lesopérations sur les nombres décimaux et les fractions,et doivent être instruits de la pratique de la règle detrois, c’est-à-dire de l’usage concret et logiquementargumenté de la proportionnalité des grandeurs(l’usage « moderne » systématique des tableaux deproportionnalité nous semble être une régressiondans une direction trop formaliste et trop éloignéedu raisonnement).

La pratique du calcul mental et une certaineagilité calculatoire nous paraissent indispensables ;dans la vie courante, et même à la radio ou à latélévision, il n’est hélas plus du tout rare d’assisterà la manifestation d’erreurs grossières qui sont lerésultat d’une mauvaise maîtrise ou d’une incom-préhension des opérations élémentaires et de leursrègles, ou d’une incompréhension des ordres degrandeur mis en jeu.

Ces expériences que nous faisons tous lesjours montrent que les calculettes ne peuventse substituer à la pratique des quatre opérations :

le calcul mental et l’estimation des ordres de gran-deur sont souvent plus rapides que le geste lentet incommode qui consiste à saisir la calculetteet à appuyer sur les différentes touches – en setrompant d’ailleurs fréquemment ; ils évitent enoutre d’accorder une confiance aveugle au résultataffiché sur l’écran.

Il faut bien entendu lier intimement la pratiquedu nombre avec celle des mesures de grandeurs,et initier les enfants à la géométrie dès l’école pri-maire en leur faisant découvrir la droite, le cercle,le plan, et aussi carrés, rectangles, cubes, sphères...Les programmes des années 1880-1960 introdui-saient aussi les cônes, prismes et pyramides, etnous ne voyons pas de raison de ne pas continuerà introduire aujourd’hui ces formes qui apparais-sent dans de nombreuses réalisations techniqueset qui sont probablement familières aux enfantsgrâce aux jeux d’assemblage. C’est l’occasion de leurproposer des formules de volume qui peuvent êtrevérifiées expérimentalement en plongeant les objetsdans des récipients remplis d’eau et en manipu-lant des instruments de mesure simples.

6.2. L’enseignement des mathématiques au collège

L’enseignement des mathématiques au collègeest actuellement beaucoup trop pauvre au planconceptuel. La disparition des démonstrations et depratiquement tout raisonnement déductif véritabledans les programmes du collège est attestée parla médiocrité de nombreux manuels, et par leur pré-sentation à base de séquences « recettes – exer-cices d’applications », très réductrices au niveau dela compréhension (voir Annexe 7).

Ces difficultés ne sont pas nouvelles. Dans lamesure où l’enseignement des mathématiques estdéstabilisé depuis longtemps – à commencer parle niveau primaire – la réflexion pédagogiqueactuelle ne peut plus s’appuyer sur des fondationssolides, et c’est donc un véritable plan de reconquêtequ’il faut envisager.

À terme, dans la (ou les) filière(s) préparantà des études générales longues, l’enseignement ducollège devrait comprendre au minimum :

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L'enseignement des sciences6.

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– la poursuite de la maîtrise des nombres,des grandeurs et de la proportionnalité ; une intro-duction à quelques nouvelles opérations (puis-sances, exponentiation, racines n-ièmes);

– de la géométrie plane (qui permet de fairede vrais raisonnements sans avoir à emmagasinerun lourd bagage conceptuel) avec de vrais théo-rèmes et de vraies démonstrations ; des élémentsde trigonométrie;

– de l’arithmétique (nombres premiers, écritureréduite d’une fraction, réduction de deux fractions aumême dénominateur, opérations sur les fractions,division euclidienne, nombres irrationnels, ...) ;

– de l’algèbre (calcul algébrique sur des poly-nômes de petit degré, factorisations et simplifi-cations, résolutions d’équations et inéquationslinéaires à une ou deux inconnues) ;

– un peu de probabilités et de dénombrement(moyenne, fréquence, tirages de dés, de cartes).

On peut y ajouter (en liaison avec les sciencesexpérimentales) les notions d’ordres de grandeur,d’encadrements, approximation et erreurs ; les coor-données cartésiennes et représentations graphiquesde fonctions linéaires ou affines, de la fonction carrée,de fonctions en escalier ou affines par morceaux(exemples simples liés, par exemple, à des parcoursou des diagrammes de vitesses de véhicules).

Dans les filières plus pratiques ou plus tech-niques, le volume des notions abordées pourraitêtre légèrement réduit, mais il est crucial de main-tenir dans tous les cas des exigences élevées.Nous voulons insister ici sur le fait qu’il doit s’agird’une revalorisation qualitative bien plus que quan-titative ; il ne saurait être question d’augmenter lacharge horaire globale des cours, toutes matièresconfondues, qui se situe déjà à un niveau élevédans notre pays. Nous sommes persuadés quecette réévaluation qualitative sera possible dèslors que les programmes présenteront des pro-gressions cohérentes et bien construites, et quel’on instaurera une politique saine de passagedans la classe supérieure en conjonction avec unediversification suffisante des filières. Il deviendraainsi possible d’éviter des classes excessivementhétérogènes sur le plan du niveau ou des moti-vations, tout en maintenant une émulationconstructive entre les élèves.

6.3. Dans quel état d’esprit faut-il enseigner ?

L’état d’esprit de l’enseignement est presqueplus important que le contenu lui-même – on pour-rait dire qu’il est constitutif de ce contenu. Un desbuts principaux de l’enseignement des mathéma-tiques doit ainsi être l’apprentissage du raison-nement et de la rigueur. Cela signifie en particulierque le cours lui-même doit être rigoureux. Il doitêtre le plus économe possible dans l’introductionde nouvelles notions ou de nouveaux axiomes,se réduisant à ceux qui ne peuvent se déduired’autres et qui serviront vraiment. Chaque foisqu’une telle nouveauté est introduite, le coursdoit le signaler de la manière la plus claire et eninsistant.

Dans le même ordre d’idées, le cours doitapprendre aux élèves ce qu’est une définition, cequ’est un théorème (comportant des hypothèseset une conclusion portant sur des objets précé-demment définis) et ce qu’est une démonstration.On doit demander aux élèves de connaître lesdéfinitions et les théorèmes du cours (avec leurshypothèses) et d’être capables de refaire lesdémonstrations. On doit apprendre aux élèves àfaire des démonstrations, d’abord faciles, et à lesrédiger. Il faut insister sur le respect des règles élé-mentaires de la logique (exemples : une implicationn’est pas une équivalence ; différence entre « et »et « ou » ; raisonnement par l’absurde ; raison-nement par passage à une contraposée).

Un autre but de l’enseignement des mathé-matiques, et en même temps l’un de ses principauxintérêts pour la formation de l’esprit, est d’ap-prendre aux élèves à ne rien admettre qu’ils n’aientvérifié par eux-mêmes. Autant que possible, il fautbannir les résultats admis. Mieux vaut peu derésultats complètement démontrés que beaucoupde résultats admis ; les résultats indispensables quidevront être énoncés sans preuve complète ferontl’objet, dans toute la mesure du possible, de jus-tifications partielles. Pour donner un exemple rela-tivement élaboré, il devrait être possible, au niveaude la classe de 4e ou de 3e, de donner une justi-fication convaincante et quasiment rigoureuse dela formule d’aire de la sphère à l’aide du seulthéorème de Thalès, par projection de la sphère surun cylindre.

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Les savoirs fondamentaux16

Un troisième but essentiel de l’enseignementdes mathématiques est de faire découvrir auxélèves la puissance de l’abstraction. Cela signifiequ’au moment voulu, le cours ne doit pas hésiterà introduire telle ou telle notion abstraite dès lorsqu’elle est opératoire, c’est-à-dire qu’elle sert vraimentà mettre au jour des objets ou des raisonnementsque, sans elle, on aurait eu du mal à exprimer etqui seraient restés confus. Par exemple, pourprésenter un traitement unifié des droites et descercles dans le plan, il est bon de les définircomme des sous-ensembles de points du plan etde parler de l’intersection de deux sous-ensembles.Le langage de base de la théorie des ensemblesest donc indispensable.

À la fin de la 3e, il nous paraît naturel de par-venir à introduire, à l’occasion de l’étude des fonc-tions les plus élémentaires déjà décrites, la notionconceptuelle générale d’application (l’expériencemontre que, sans elle, les élèves confondent unefonction avec son graphe et ne comprennent pasce qu’est la composée de deux fonctions). Il estalors utile de s’appuyer aussi sur quelquesexemples portant sur des ensembles finis, commedes diagrammes de notes, des diagrammes enbâtons, etc., éventuellement déjà familiers auxélèves en histoire ou en géographie. Ces notionsseront évidemment consolidées plus tard au lycée.

D’un autre côté, le cours doit aussi éviterd’introduire des notions nouvelles gratuitement. Ildoit se limiter aux notions vraiment utiles dans soncadre, nécessairement en petit nombre.

Si l’enseignement doit être illustré d’exempleset d’applications, il faut à tout prix éviter de ver-ser dans un utilitarisme systématique et gratuit, qui,chez nombre d’élèves, et notamment ceux quiseront aptes à des études approfondies, substi-tuerait au plaisir de la compréhension un épou-vantable pensum consistant en l’apprentissaged’un empilement de recettes et de procédures.

6.4. Enseignement des sciences — lien avec lesmathématiques

L’enseignement des sciences au collège et aulycée nous paraît souffrir aujourd’hui de gravesdéséquilibres. Nous parlerons surtout des sciencesde la matière, puisque l’enseignement des sciencesde la vie n’est peut-être pas aussi sérieusement

affecté. Cependant, on observe un éparpillementdes horaires des différentes disciplines au détri-ment d’un approfondissement qui seul peut garan-tir la valeur du savoir enseigné. Les contenussont parfois extrêmement spécialisés, au moinspour la filière d’enseignement général. Ainsi, auniveau de la Terminale S, nous relevons les pointssuivants (qui ne constituent que des exemple dechoix contestables ou posant des difficultés) :des notions très avancées de biologie moléculairedans le programme de biologie ; la notion de den-sité de probabilité continue en mathématiques,alors que l’analyse des fonctions n’est pas encoresuffisamment maîtrisée ; en physique, l’« ouver-ture au monde quantique » et des concepts avan-cés sur les systèmes oscillants, alors que lesnotions mathématiques qui en conditionnentpresque la compréhension (calcul différentiel,équations différentielles) font cruellement défaut.

Bien entendu, il se pourrait fort bien que ceschoix redeviennent tout à fait pertinents dans lecadre de réformes qui rétabliraient la cohérenceet la qualité globale de l’enseignement des sciences.La possibilité qui semble la plus raisonnable seraitde réduire, au lycée, l’éparpillement des conte-nus en créant des filières scientifiques plus diver-sifiées, et pour chacune d’elles, en augmentantle poids horaire des deux ou trois matières princi-pales. Il est nécessaire cependant de maintenir untronc commun de connaissances entre les diffé-rentes filières, y compris entre les filières scienti-fiques et les filières littéraires (nous ne voulons pasdire par là que les élèves seraient nécessairementregroupés, car l’état d’esprit pourra éventuelle-ment différer suivant la voie choisie, et il nousparaît important de maintenir cette flexibilité). Untel tronc commun est en effet nécessaire pourmaintenir ultérieurement la possibilité d’un dialogueeffectif, au sein des administrations, des entre-prises, des services de l’État, entre des personnesde formations différentes.

Au niveau du collège, le lien entre mathéma-tiques et sciences expérimentales doit être soi-gneusement repensé, d’une part pour fournir desapplications concrètes et vivantes aux conceptsmathématiques qui sont introduits, d’autre partpour éviter une déviance de l’enseignement dessciences de la matière qui peut rapidement deve-nir formel et superficiel s’il n’est pas lié intimement

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à une certaine forme de modélisation mathéma-tique, et à la possibilité concrète de traiter desaspects quantitatifs.

Pour donner un (contre-)exemple précis, unmanuel de physique de 3e actuellement en usageassène comme entrée en matière du chapitre « Puis-sance et énergie » quelques formules brutes tellesque P=UI, E=Pt, sans introduire ces notions d’unemanière progressive et compréhensible, en confon-dant dans un même mode de présentation ce quiest une loi physique (P=UI) et ce qui est unedéfinition (E=Pt) (voir Annexe 8). On peut contes-ter par ailleurs le choix d’introduire le concept depuissance avant celui d’énergie, et celui d’énergiedans le cadre assez abstrait de l’électromagnétisme,alors que les programmes n’ont pas encore intro-duit correctement les notions peut-être plus direc-tement sensibles aux élèves que sont la chaleur oul’énergie mécanique. Ces « aberrations » ne sontpas seulement la faute des auteurs de manuels,mais résultent de la conception même des pro-grammes qui privilégient souvent les seuls aspectsqualitatifs – probablement parce que les commis-sions en charge des programmes étaient amenéesà prendre en compte l’absence, chez les élèves,d’une maîtrise mathématique suffisante pour abor-der les concepts élémentaires de la physique et dela mécanique. Mais la dérive formaliste peut aussirésulter d’une mathématisation exclusive des coursde physique au détriment des phénomènes. Il nereste plus alors place qu’à un saupoudrage deformules assenées dogmatiquement, sans lienlogique les unes avec les autres.

Il va sans dire qu’une remise en ordre de cesprogrammes est absolument nécessaire. Auniveau de la 6e et de la 5e, un cours élémentairede sciences physiques, de mécanique et de tech-nologie en relation avec le cours de mathéma-tiques, faisant appel au calcul, à la géométrie età des représentations graphiques en 2 et 3 dimen-sions nous paraît être une piste à explorer trèssérieusement. Nous pensons qu’il convient d’éviterde mettre la charrue avant les bœufs comme onle fait trop souvent aujourd’hui. En même temps,il est extrêmement important que les cours desciences et en particulier le cours de physique nesoient pas conçus comme des dépendances ducours de mathématiques mais qu’ils suivent leurslogiques propres, avec bien sûr des va-et-vient. Ceci

suppose de limiter certaines ambitions excessiveset irréalistes, comme celle d’introduire trop denotions difficilement accessibles à l’intuition etqui ne peuvent prendre qu’un sens purement for-mel à ce niveau. Ainsi, une notion difficile évoquéedans les programmes de 3e est celle de « tensionefficace » d’un courant alternatif – la tension estdéjà une notion assez abstraite et le calcul inté-gral est nécessaire pour comprendre vraiment lasignification du mot « efficace ». Cependant, il estclair que l’excès est dans l’accumulation de notionsexagérément ambitieuses plutôt que dans tel outel exemple pris isolément qui pourra quand mêmeêtre assimilé par les élèves en fonction du contexteet du temps qu’on lui consacre.

6.5. Instruments de calcul et utilisation des nouvelles technologies

Les instruments de calcul, en particulier les cal-culettes scientifiques ou programmables, sontmaintenant universellement répandues et leur coûtd’acquisition est suffisamment bas pour qu’il n’yait pas d’obstacle pratique à leur déploiement.Cela ne justifie pas pour autant leur utilisationprécoce en classe.

Nous estimons pour notre part que parmi lesobjectifs essentiels du calcul à l’école primairefigurent la maîtrise des algorithmes opératoireset l’agilité en calcul mental. Ces objectifs ne sau-raient être atteints si l’élève peut avoir recours àdes instruments de calcul avant d’avoir maîtrisé lesopérations. Rien ne peut remplacer la pratique ducalcul écrit et du calcul mental, qui prépare à celle,ultérieure, du calcul algébrique – et nous savonsfort bien que l’inaptitude à la représentation men-tale des nombres est devenue aujourd’hui un obs-tacle majeur pour un grand nombre d’étudiants del’université, même lorsqu’ils sont confrontés à descalculs qui paraîtraient très simples à des personnesmodérément entraînées. Par ailleurs, les exercicesd’application entraînant impérativement des calculssi compliqués qu’ils ne puissent être faits à lamain sont extrêmement rares dans l’enseignementprimaire. Nous recommandons plutôt que les exer-cices soient aménagés, le cas échéant, pour donnerlieu à des calculs correspondant au niveau de per-formance technique attendu des élèves, qui néces-sitera de toutes façons une longue consolidation.

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Lorsque les calculs impliquent des nombres trans-cendants comme pi, il pourra être extrêmement for-mateur d’utiliser l’approximation 22/7 et dedévelopper le calcul des fractions en relation avecla division décimale approchée.

À partir du collège, la situation est un peu dif-férente, puisque les sciences expérimentales peuventdonner lieu à un certain nombre de calculs fastidieuxqui « ne tombent pas nécessairement juste ». L’uti-lisation de calculettes est alors justifiée, à la condi-tion expresse que cet usage reste modéré et que lesélèves aient acquis au préalable les mécanismesfondamentaux du calcul ; l’apprentissage de l’algo-rithme manuel d’extraction de la racine carrée nousparaît encore un excellent exercice, même si sonintérêt pratique est aujourd’hui assez faible !

Nous pourrions faire un raisonnement ana-logue pour l’utilisation des calculettes graphiquesou du calcul formel au lycée : l’usage systématiquede prothèses électroniques avant d’avoir atteint unemaîtrise élémentaire de l’analyse des fonctionsd’une variable nous paraît à proscrire. Cet usagepeut bien entendu devenir légitime au-delà dulycée (ou peut-être à la fin du lycée), dans le cadred’applications scientifiques réclamant du calculsur des fonctions ayant une nature « phénomé-nologique », des problèmes d’ajustements, etc. –ces applications nous paraissent toutefois releverd’aspects assez spécialisés de l’utilisation desmathématiques, et qui donc n’ont pas néces-sairement à prendre une grande place dans unefilière de formation générale.

Les ordinateurs sont aujourd’hui devenus unobjet de la vie courante. Leur usage est extrême-ment diversifié, depuis la bureautique de base,les technologies de la communication, jusqu’auxutilisations multimedia et au calcul scientifique.Nous ne voyons pas d’inconvénient à ce que lesélèves soient (un peu) familiarisés avec l’usagedes ordinateurs au niveau de l’école primaire,comme outils de création de textes et de docu-ments, pour rechercher des informations ou pourrésoudre des exercices interactifs soigneusementchoisis par le maître, par exemple à des momentsde la semaine où l’attention des élèves est difficileà capter par d’autres méthodes.

Au niveau du collège et du lycée, l’ordinateurpeut servir à présenter ou à modéliser des expé-riences scientifiques qu’il serait difficile d’observer

directement. Dans toutes ces circonstances, l’usa-ge doit en rester très modéré et ne doit pas nuireaux apprentissages fondamentaux ; nous conti-nuons à penser que rien ne saurait remplacer laleçon traditionnelle du maître et les exercices écrits.

En revanche, l’informatique est aujourd’huiune véritable branche de la science et de la tech-nologie, et la fin du lycée devrait donner l’occasionaux élèves scientifiques (et pourquoi pas aux autresaussi) de découvrir les premiers éléments de l’in-formatique comme science savante. Nous enten-dons par là la programmation dans un langagede base comme C, C++, Pascal, Basic..., qui permetde faire un lien très direct avec le formalismemathématique, le principe de récurrence, la numé-ration binaire, l’algèbre de Boole, etc., sans pré-senter l’inconvénient d’offrir d’emblée aux élèvesdes solutions toutes prêtes à l’emploi et qui mini-misent le travail de réflexion. Nous sommes beau-coup plus circonspects sur l’utilisation de logicielsavancés de calcul formel, qui, à ce niveau aumoins, présentent le risque déjà évoqué de setransformer en prothèses électroniques.

6.6. Les activités scientifiques en dehors de la classe

Pas plus que les autres disciplines intellec-tuelles, les sciences ne peuvent être considéréesseulement comme un jeu. Il n’est pas possible defaire l’économie d’un long travail d’apprentissage,et certains aspects n’apparaîtront réellement inté-ressants que sur le long terme. C’est pourquoi ilest nécessaire de garder des heures de classenombreuses et régulières, pendant lesquelles lesélèves suivent un cours bien structuré, impliquantl’apprentissage de notions fondamentales et lapratique d’exercices au sens classique du terme.

Mais il est vrai aussi que les sciences se prê-tent à une approche plus libre et plus ludique, àlaquelle un certain nombre d’élèves peuvent êtresensibles et qui peut les amener à s’intéresserdavantage à la démarche scientifique : non pas unsavoir qui tombe du ciel et auquel on reste exté-rieur, mais une construction humaine patiemmentélaborée au cours des siècles en exploitant desintuitions fondamentales partagées par tous, danslaquelle chacun peut entrer, poser des questionset chercher des réponses.

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On peut donc envisager qu’en fonction desplans de rénovation des établissements se mettenten place des sortes de « Laboratoires de sciences »,c’est-à-dire des salles équipées d’instruments demesure ou d’expérimentation, de livres et d’ordi-nateurs, où les élèves pourraient passer du tempslibrement en dehors des heures de cours, en pré-sence de professeurs de sciences ou de tuteursextérieurs bien formés. Le programme serait libre,avec des suggestions qui s’inspireraient des réa-lisations déjà existantes dans le cadre périscolaire(clubs, rallyes, réalisations de maquettes, Mathen jean, expositions, etc.). Ce seraient des lieuxd’expérimentation aussi bien pour l’étude de sujetsnouveaux que pour des expériences impraticables

en classe. Ces laboratoires pourraient à la fois seconcentrer sur des sujets intéressant les matièresprincipales, et mettre en jeu des aspects un peuplus ouverts ou plus interdisciplinaires. À l’occa-sion, les professeurs en charge du suivi des labo-ratoires pourraient y inviter des chercheurs, desingénieurs, des professeurs d’université. Il seraitbon d’ailleurs que ceux-ci participent à la défini-tion des sujets possibles. Tout cela devrait se fairesur la base du volontariat (ou, en mathématiques,dans le cadre des IREM), mais on peut penserqu’un bon nombre d’universitaires seront intéres-sés par une telle implication au service des jeunes,comme le montre l’exemple de la « Fête de lascience » ou d’« Animath ».

La situation de l’enseignement supérieur esttrès contrastée suivant les filières : classes prépa-ratoires scientifiques et écoles d’ingénieurs, IUT,universités. Toutes les filières « souffrent » évidem-ment des difficultés des cycles primaires et secon-daires, mais à des degrés divers.

Même ces temples de la connaissance que sontles Écoles normales supérieures sont touchés : ainsiun rapporteur de l’épreuve orale de mathématiques del’École normale supérieure (Paris), Yves Laszlo, écrit :

« Comme nos collègues physiciens, on a puconstater que même sur un panel de candidats àaussi fort potentiel, les méfaits de la mise à sac del’enseignement des Mathématiques dans le secondairemis en place depuis plus de deux décennies sefaisaient sentir. Le programme est souvent malassimilé, ce parfois même dans les points les plusbasiques (l’Algèbre linéaire par exemple). Il semble clairqu’on ne peut impunément retarder l’apprentissagedu raisonnement mathématique et que les notionsont besoin de recul pour être assimilées, même parles meilleurs. Bien entendu, on imagine, hélas, mal unchangement radical d’attitude, pourtant indispensable,à ce niveau. À tout le moins, on ne saurait tropmettre en garde contre les dangers de l’acquisitionde connaissances hors programme, qui dans la ma-jeure partie du temps, sont mal comprises et han-dicapent au final le candidat. »

Les normaliens, comme nous avons pu leconstater dans nos cours, finiront en général parse relever et par rattraper une grande partie dutemps perdu. Malheureusement, il n’en est pas demême pour les étudiants de l’université.

Les filières scientifiques souffrent aujourd’huid’une grave désaffection, particulièrement dans lessciences de la matière (voir Annexe 10). L’analysequi consisterait à imputer les difficultés actuellesde l’université au phénomène de la massificationne tient donc pas, et ceci d’autant plus que dansla même période 1997-2004, où le nombre globald’étudiants chutait, on a assisté également à uneffondrement du niveau moyen des étudiants.

Notre analyse est que la cause principale decette désaffection est due à la mauvaise qualité del’enseignement secondaire, qui ne prépare plus demanière satisfaisante une proportion élevée desétudiants, entre autres ceux qui alimentent lesfilières des universités ; l’université est en effettrop souvent un choix d’orientation par défaut, dufait de son caractère peu stimulant et peu compé-titif vis-à-vis du marché du travail, et les examens,également, ne jouent plus leur rôle. Ainsi, nombredes étudiants qui sont admis au baccalauréat avecdes notes relativement honorables dans les matièresscientifiques se retrouvent en difficulté immédiateface aux exigences naturelles plus grandes (et jus-

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La situation de l'enseignement supérieur7.

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tifiées) qui sont celles de l’enseignement supé-rieur. Dans ces conditions, la tentation est grandede chercher de nouvelles « remédiations », quiconsistent en général à baisser encore le niveaud’exigence de l’université, ou à recommander descours de « culture générale » évitant soigneuse-ment les sujets qui fâchent. Il va sans dire quepour le long terme et pour l’avenir du pays, ceserait un très mauvais choix.

Il convient de recadrer de manière urgente le cur-sus LMD. Présenté avec l’objectif, louable a priori,de donner aux étudiants européens des points derepère communs, la réforme du LMD est encoredans une phase de tâtonnement qui, dans beau-coup d’universités, se traduit pour l’instant parune organisation générale qui morcelle les ensei-gnements et l’évaluation en petits bouts dont lasignification est contestable. Il conviendrait aucontraire d’en revenir à des modules moins éparset moins nombreux, ou de mettre en place desmécanismes de regroupement thématique desmodules, notamment dans des disciplines commeles mathématiques qui sont très fortement affectéespar le morcellement. Cette réforme se traduit aussipar un nivellement par le bas, déjà sensible, descontenus et des exigences, rançon d’une uniformitédécrétée de manière bureaucratique et sans concer-tation avec le terrain.

Il convient au contraire de reconnaître la riches-se que constitue la diversité des traditions d’en-seignement en Europe, et de permettre l’émergencede formations de qualité en autorisant la créationde voies d’approfondissement à côté de voies plusstandard ou de voies de remise à niveau, bénéfi-ciant toutes de moyens adéquats et suffisants.Pour le développement de la recherche, la Francea certainement besoin, au moins dans certainsdomaines, de « Pôles d’excellence » qui concentrentles moyens et les compétences et où les possibi-lités d’échanger des informations sont démulti-pliées. Nous estimons cependant que pour ce quiconcerne l’enseignement, les petits centres peuventeux aussi assurer des formations de grande qualité,à condition que les universités, dans leur maillagele plus fin, retrouvent la liberté de créer des filières« compétitives » où l’évaluation des étudiants neserait plus une fiction. Ainsi, les étudiants en situa-tion d’échec partiel ne seront pas rejetés, mais severront offrir une panoplie suffisante de voies

d’orientation dans des directions adaptées, parexemple vers des filières plus courtes ou plus tech-niques. Il faut observer en outre que les petitscentres universitaires sont à même de jouer unrôle considérable dans la formation initiale ou pro-fessionnelle des futurs enseignants des premier etsecond degrés.

De manière générale, il faut éviter de toujoursremettre à plus tard les choix à faire, et il convientdonc d’éviter les « semestres d’orientation » et dis-positifs analogues, qui font parfois perdre un tempsprécieux. L’évaluation en amont doit être suffisam-ment crédible pour qu’on puisse faire l’économiede tels dispositifs : dans ce but, nous proposonsd’instaurer à la fin de la classe de Terminale unesérie de deux ou trois épreuves de spécialité, quiseraient subies en même temps que le baccalau-réat lui-même, mais indépendantes de celui-ci. Cesépreuves auraient pour objet d’attester des connais-sances approfondies maîtrisées par les candidats,et permettraient ainsi d’aiguiller les étudiants versles différentes filières de l’université, les IUT, lesclasses préparatoires.

Il serait nécessaire de veiller à ce que l’annéeuniversitaire ne soit pas tronquée de manière abu-sive pour des raisons d’organisation des ensei-gnements et des examens (on observe ainsi, danscertaines universités, une année universitaire ré-duite à 24 semaines en cas de fonctionnementsemestriel avec deuxième session en juin) et derevoir à la hausse les horaires annuels des enseigne-ments suivis par les étudiants, afin de leur donner untemps d’encadrement et de maturation suffisant. Ilfaut noter à ce propos qu’il y a un écart assezélevé entre l’encadrement à l’université (550 heures)et l’encadrement dans les classes préparatoire (850heures environ).

Toutes ces mesures supposent naturellement,à effectifs constants d’étudiants, que l’universitépuisse disposer de davantage de postes d’ensei-gnants-chercheurs.

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Les savoirs fondamentaux

8.1. Formation initiale des enseignants

C’est là une question décisive. Il serait irréa-liste de prétendre mettre en place une réforme degrande ampleur de l’enseignement sans prévoir enmême temps un volet concernant la formation desprofesseurs. La formation initiale des professeurs deslycées et collèges ne peut bien fonctionner que :

– si l’enseignement secondaire est à nouveaucapable de donner une culture générale, avec unfort tronc commun littéraire et scientifique quiseul peut préparer à la spécialisation qu’apportel’université,

– si l’université sort des grandes difficultésdéjà décrites plus haut.

Il faut souligner ici l’impact particulièrementgrave qu’aurait un déficit de connaissances desprofesseurs, aussi bien à court terme que pour lapérennité à long terme du système éducatif.

Indépendamment de la nécessaire restructu-ration de l’université, nous appuyons la propositionde l’Académie des Sciences, contenue dans sonrapport sur la structure de la recherche, de réin-troduire un système de bourses sur concours ana-logue à celui des IPES pour un prérecrutement deprofesseurs de mathématiques et de sciences.

Nous proposons d’instaurer une qualificationde « CAPES avec Mastère » pour les professeurs descollèges et des lycées, le niveau M étant souhaitablepour pallier les difficultés liées au niveau actuel-lement insuffisant atteint à l’issue de la licence.

Nous préconisons de même, et pour des rai-sons identiques, l’instauration d’une qualificationde professeur « Agrégé avec thèse », qui seraitdans la mesure du possible la qualification sou-haitée pour les futurs professeurs des classes pré-paratoires scientifiques.

Nous préconisons de fondre les IUFM dansles universités, pour redonner une place prépon-dérante à la formation disciplinaire à côté dequelques enseignements spécifiques (réflexion péda-gogique, histoire des sciences, etc.), la dernière annéecomprenant un stage en classe sous la tutelle d’en-seignants expérimentés.

La formation initiale des professeurs d’écoledoit à l’évidence être revue elle aussi, car l’ensei-gnement pluridisciplinaire lettres-sciences, délivrépar le secondaire, se termine avec l’entrée à l’uni-versité et joue un rôle encore plus grand dans leurcas que pour les professeurs de collèges et lycées.Dans une période transitoire, des licences pluri-disciplinaires bien construites (mais ne perdant pasde vue les exigences de la qualité et de l’évalua-tion) pourraient être une réponse aux déficits actuelsde l’enseignement secondaire. De manière générale,nous ne pouvons que déplorer, dans la formationdes professeurs d’école, la prégnance de trop nom-breux dogmes pédagogiques reposant davantagesur des idéologies sociétales ou des théories édu-catives abstraites que sur des connaissances prag-matiques inspirées par l’expérience du terrain.

Les méthodes pédagogiques, au niveau duprimaire, ne peuvent s’apprécier qu’à long terme.Comme l’argument de la massification ne s’ap-plique pas à ce niveau, un réexamen très soigneuxde la situation et des méthodes pédagogiquestelles qu’elles existaient avant les grandes réformesdes années 1970 s’impose ; les programmes et lesmanuels de la période 1880-1965 peuvent appor-ter à ce titre des informations précieuses, et nousinvitons les futurs réformateurs à réétudier en pro-fondeur les ouvrages les plus marquants de cesépoques, comme par exemple le monumentalDictionnaire de pédagogie de Ferdinand Buisson.

8.2. Formation permanente

La formation permanente est une nécessité.Son but doit être en particulier de permettre auxenseignants de garder pendant toute leur carrièreun contact vivant avec leur discipline et avec ledéveloppement des connaissances, ou d’envisa-ger des évolutions thématiques. Elle ne doit pas êtredétournée insidieusement de ses objectifs : le motd’ordre actuel – « apprendre tout au long de la vie » –n’est devenu une nécessité que parce que l’on sortaujourd’hui massivement du système scolaire, àtous les niveaux, en ne possédant justement pasles bases attendues au niveau correspondant.

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La formation des enseignants8.

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Les savoirs fondamentaux

Cet état de fait, en outre, réduit la capacité effectivede mettre à jour ses connaissances, puisqu’on nepeut mettre à jour que ce que l’on possède déjàcorrectement. En d’autres termes, la formation per-manente ne doit pas être un alibi pour réduire lesexigences de la formation initiale, ni une solutionde repli pour rattraper l’échec de celle-ci. Nouspréconisons :

– d’augmenter le nombre et la qualité desstages d’approfondissement disciplinaire pour lesprofesseurs du secondaire,

– de développer les lieux de réflexion aucontact secondaire-supérieur, par exemple sur lemodèle des IREM, ce qui ne peut fonctionnercorrectement qu’avec des moyens nettement supé-rieurs à ceux qui sont alloués à l’heure actuelle, parexemple en termes d’heures statutaires de servicepour les enseignants du supérieur, et de moyensde mission pour les enseignants du secondaire.

L'enseignement de notre pays nous sembledevoir être réformé en profondeur. Il faut envisager :

– un plan d’action global qui comprendra à lafois une réévaluation des programmes (à commen-cer par ceux tout à fait cruciaux de l’enseignementprimaire et du collège), fondée sur des progressionsconstruites de manière solide et cohérente, depuisles enseignements fondamentaux de la langue etde l’écriture jusqu’à celui des sciences et de leursapplications au collège et au lycée ;

– des modifications structurelles dans l’orga-nisation des filières, avec une plus grande diver-sification au collège – par exemple sous forme dela création d’une filière technique – et au lycée, avecune diversification plus grande de la filière scien-tifique et des poids horaires plus importants dansles matières principales.

De manière générale, l’enseignement doit pro-céder de l’élémentaire à l’élaboré plutôt que l’in-verse. Il faut cesser de prétendre que l’élève estcapable de « construire » seul ses savoirs ou d’ana-lyser d’emblée des situations complexes pour entirer des éléments particuliers utilisables. Il fautau contraire mettre les élèves en situation d’ap-préhender des notions fondamentales à partir dela culture et du savoir tels qu’ils ont été patiemmentconstruits et reconstruits au cours des siècles – sans

oublier néanmoins de leur laisser une marge d’ini-tiative, de réflexion et d’exploration. L’initiationaux sciences de la matière doit être repensée (encoordination avec l’enseignement du calcul, de lagéométrie, du raisonnement et de la modélisationmathématique), de façon que l’approche expéri-mentale, qui est nécessaire, soit ordonnée etconduise à une conceptualisation.

Il convient de redonner un rôle aux examenspour les étapes clés de la scolarité. Pour cela, desobjectifs d’apprentissage clairs doivent être fixés auxdifférents niveaux, et notamment pour

– l’entrée en 6e,– le brevet,– le baccalauréat.Le baccalauréat doit attester de la maîtrise

des connaissances fondamentales nécessaires pourune poursuite d’études, mais nous recommandonsde lui adjoindre des épreuves de spécialité qui ser-viraient de base à une évaluation des connaissancesplus approfondies et à l’orientation à l’université.

Enfin, l’université doit bénéficier de davantagede moyens pour pouvoir fonctionner correctement,et doit devenir un univers plus compétitif sanspour autant rejeter les étudiants dans l’échec. Laformation des professeurs d’école et de lycée etcollège doit être entièrement revue.

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Conclusion9.

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Les savoirs fondamentaux23

[1] Rachel Boutonnet, Journal d'une institutrice clandestine, Éditions Ramsay, 2003.

[2] Marc Le Bris, Et vos enfants ne sauront pas lire… ni compter, Stock, collection« Les Essais », 2004.

[3] Michel Delord, http://michel.delord.free.fr/ Page dédiée aux parents qui s'inquiètentque leurs enfants ne sachent toujours pas faire une division en Cours Moyen à quion a répondu : « Vous êtes des rétrogrades ».

[4] Jean-Pierre Demailly, http://www-fourier.ujf-grenoble.fr/~demailly/rapport.html Rapport aux Ministres de l’Éducation nationale et de la Recherche, juillet 2001 :L'Enseignement des sciences au lycée et à l'université, un état des lieux.

[5] Groupe de Réflexion Interdisciplinaire sur les Programmes (GRIP) http://grip.ujf-grenoble.fr/

[6] Inspection Générale de Mathématique, Mathématiques, état de la discipline,avril 2002. Rapport public qui fut, un temps, disponible sur le site du Ministèrede l'Éducation nationale ; voirhttp://www-fourier.ujf-grenoble.fr/~demailly/etat_discp_par_IG.html

[7] Guy Morel, Daniel Tual-Loizeau, L'Horreur pédagogique. Parole de profs et véritédes copies, Éditions Ramsey, 1999.

[8] Colette Ouzilou, Dyslexie, une vraie fausse épidémie, Presses de la Renaissance, 2002.

[9] Sauver les Lettres, Collectif d'enseignants en lutte contre les réformes du français,http://www.sauv.net/

Références documentaires

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Annexes

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Annexe 1Évolution des contenus de l'enseignement primaire

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Les savoirs fondamentaux27

Annexe 2Compétences d'un élève en fin de CP, en 1956, en français et en mathématiques

(École des Chapélies, Brive)

(Collection particulière)

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Les savoirs fondamentaux28

Annexe 3La méthode syllabique type dans les années 1950

Avertissement

Nous reproduisons ici (annexes 3 à 8) des pages de manuels scolaires, sans en donner les références biblio-graphiques. C’est que, dans notre esprit, il ne s’agit nullement de louer ou blâmer tel ouvrage, ou tel auteur,ou tel éditeur. Les manuels scolaires sont écrits en suivant les consignes des « programmes et accompagne-ments » en vigueur lors de leur publication. Nous les citons ici comme exemples des préconisations officielles.

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Les savoirs fondamentaux29

Annexe 4Page d’introduction d’un manuel de lecture globale des années 1980

Les dessins sont censés permettre d’associer le sens aux phrases (alors que lesenfants ne savent pas encore du tout lire...).

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Les savoirs fondamentaux

Nous reproduisons ci-dessous (en annexe 6également) des commentaires tirés d’un mémoirede Marc Le Bris (instituteur à Médréac, Ille-et-Vilaine),présenté le 29 juin 2004 à l’École normale supérieure(Paris).

« Tout de suite plusieurs remarques. On donneles définitions – et on les redemandera le lendemain !

L’algorithme de la division a déjà été vu au CP(division par 2 et 5); là, il s’agit du CE1 et le courss’apprête à passer à deux chiffres au diviseur...

La division est aussi décrite par le sens qu’elle a :elle a deux sens « Valeur d’une part », ou « Nombre de

parts », qui sera vu et pratiqué dans la leçon suivante.Les objets manipulés par les opérations sont

écrits à l’intérieur des opérations : 23 drapeaux : 4 = 5 drapeaux,

ce qui est très important pour distinguer le dividendedu diviseur (nombre « abstrait »).

En tout, plus de vingt leçons sur le seul algorithmede la division, et des dizaines – des centaines – dedivisions effectuées à la main. Plus les problèmesqui vont avec. Dès le CP. Car au CP, on a les quatreopérations, et on fait beaucoup de petits problèmesà une opération : laquelle parmi les quatre ? »

30

Annexe 5La division au début des années 1960

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Les savoirs fondamentaux31

« On est ici en CM1, au milieu du livre, c’estle premier contact des enfants avec la division.

Que propose-t-on à la classe ? Une histoire, unesituation qui pose une question, un problème :

ici un géant au pas fixe de 24 verstes. Et le maîtreest supposé laisser les enfants chercher... »(Marc Le Bris)

Annexe 6La division « moderne »

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Les savoirs fondamentaux32

Annexe 7Un manuel de mathématiques de la classe de 5e en 2001-2002

Exemple de présentation très formelle de l’aire du triangle, sans aucune justificationgéométrique (alors que ceci était autrefois du programme de CM1).

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Les savoirs fondamentaux33

Annexe 8« Saupoudrage » de formules dans un manuel de physique de 3e (année 2003-2004)

Exemple de présentation formelle et dogmatique de notions complexes, sans aucuneapproche progressive des concepts étudiés, sans aucun lien logique, avec une définition(E=Pt) mise sur le même plan qu’une loi physique (P=UI).

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Les savoirs fondamentaux34

Annexe 9Évolution du nombre de bacheliers scientifiques et technologiques de 1985 à 2001

(France métropolitaine)

(Extrait d’une étude de Daniel Duverney, Réflexions sur la désaffection pour les études scientifiques,réalisée en décembre 2002 pour la SMF (Société Mathématique de France). Les données résultent d’unecompilation des tableaux statistiques de la Direction de la Programmation et du Développement.)

Session Bacs S Bacs STI Bacs Tous bacs Bacs PopulationS + STI autres que S des 18 ans

1985 83 479 21 465 104 945 253 050 169 571 840 568

1986 86 067 21 407 107 475 264 989 178 922 835 796

1987 90 694 22 934 113 629 278 224 187 530 842 245

1988 99 204 23 568 122 773 312 636 213 432 850 381

1989 109 787 25 556 135 344 347 770 237 983 881 284

1990 123 394 26 958 150 353 383 950 260 556 877 506

1991 131 529 28 563 160 094 416 246 284 717 857 186

1992 134 117 27 934 162 053 435 800 301 683 799 200

1993 138 083 30 998 169 083 445 752 307 669 745 065

1994 140 497 33 755 174 254 460 204 319 707 720 395

1995 136 553 34 429 170 984 479 494 342 941 744 744

1996 125 656 36 933 162 591 463 399 337 742 737 062

1997 122 148 33 256 155 405 469 121 346 973 757 354

1998 118 532 33 739 152 272 488 054 369 522 800 476

1999 125 133 35 329 160 463 489 358 364 225 805 483

2000 133 006 36 062 169 070 501 941 368 935 797 223

2001 123 448 34 811 158 260 484 176 360 728 748 525

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Les savoirs fondamentaux35

Annexe 10Flux d’entrée des nouveaux bacheliers S à l’université de 1995 à 2001

(France métropolitaine)

« Ce tableau fait apparaître une baisse impor-tante de l’orientation des bacheliers S dans lessections scientifiques (-37 %) et de santé (-20 %)de l’université entre 1995 et 2001. Malgré une aug-mentation de 25 % de l’orientation technologique,l’orientation des bacheliers S vers l’université dansson ensemble diminue lourdement (-18000 étudiants,soit 17 %). Contrairement à ce qu’on pourrait attendre,

les autres sections de l’université ne profitent pasde cette baisse : leur recrutement augmente demoins de 1000 étudiants sur la période considérée,et encore cette augmentation est-elle due au DEUGSTAPS. »

(Extrait de Daniel Duverney, Réflexions sur ladésaffection pour les études scientifiques, déjàcité – données chiffrées émanant de la DPD.)

1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001

Sciences et structure de la matière 34 651 29 857 26 442 25 313 24 251 24 438 22 151

Sciences de la nature et de la vie 17 827 14 315 13 953 14 172 12 056 12 442 10 795

Sous-total orientation scientifique 52 478 44 172 40 395 39 485 36 307 36 880 32 946

Sciences et techniques de l’ingénieur 1 968 1 889 1 952 2 262 2 786 3 236 2 961

IUT 15 602 16 170 16 442 18 484 18 551 19 805 18 994

Sous-total orientation technologique 17 570 18 059 18 394 20 746 21 337 23 041 21 955

Médecine 15 699 13 767 13 574 14 544 13 175 13 283 13 046

Pharmacie 4 450 4 012 3 981 3 952 3 475 3 375 2 986

Sous-total orientation santé 20 149 17 779 17 555 18 496 16 650 16 658 16 032

Droit et Sciences politiques 3 838 3 466 3 279 3 656 3 214 3 686 3 510

Sciences économiques hors AES 4 019 3 401 3 347 3 363 3 669 4 169 3 823

AES 472 366 345 335 368 398 378

Lettres et Sciences du langage 1 518 1 472 1 460 1 606 1 636 1 799 1 643

Langues 1 895 1 774 1 689 1 860 1 787 1 843 1 851

Sciences humaines et sociales 3 954 3 327 3 358 3 597 3 497 3 767 3 848

STAPS 2 810 3 915 4 078 4 668 4 709 5 032 4 437

Sous-total autres orientations 18 506 13 806 17 556 19 085 18 880 20 694 19 490

Total 108 703 97 731 93 900 97 812 93 174 97 273 90 423