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I LES RESPONSABILITÉS DES MANAGEURS INTERMÉDIAIRES : LE MANAGEMENT COLLABORATIF ET LA CULTURE DE L’AUTONOMIE DANS LES UNITÉS OPÉRATIONNELLES, INTÉRÊTS ET LIMITES DANS UNE INSTITUTION HIÉRARCHISÉE. Mémoire en vue de l’obtention de la formation d’adaptation à l’emploi de Chef de Groupement Promotion CGPT 2020-02 Directeur de mémoire : Madame Audrey MOREL-SÉNATORE École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers Accompagnement méthodologique : ENSOSP - Division des Formations Supérieures Commandant David AUZEL - SDIS 71 Commandant Olivier di BARTOLOMÉO - SDIS 66 Capitaine Christophe CAMBIAYRE - SDIS 12 Commandant Laurent MEUNIER - SDMIS

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LES RESPONSABILITÉS DES

MANAGEURS INTERMÉDIAIRES :

LE MANAGEMENT COLLABORATIF

ET LA CULTURE DE L’AUTONOMIE

DANS LES UNITÉS

OPÉRATIONNELLES,

INTÉRÊTS ET LIMITES DANS UNE

INSTITUTION HIÉRARCHISÉE. Mémoire en vue de l’obtention de la formation d’adaptation à l’emploi

de Chef de Groupement

Promotion CGPT 2020-02

Directeur de mémoire : Madame Audrey MOREL-SÉNATORE

École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers

Accompagnement méthodologique : ENSOSP - Division des Formations Supérieures

Commandant David AUZEL - SDIS 71

Commandant Olivier di BARTOLOMÉO - SDIS 66

Capitaine Christophe CAMBIAYRE - SDIS 12

Commandant Laurent MEUNIER - SDMIS

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« Les opinions exprimées dans ce mémoire sont propres à leurs auteurs et n’engagent pas l’École Nationale Supérieure des Officiers de Sapeurs-Pompiers »

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« L’art le plus difficile n’est pas de choisir les hommes, mais de donner aux hommes qu’on a choisis toute la valeur qu’ils peuvent avoir »

Napoléon Bonaparte

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REMERCIEMENTS

Nous tenons à remercier toutes les personnes qui nous ont aidées et accompagnées tout au long de notre formation et lors de la rédaction de ce mémoire. Nous remercions tout particulièrement notre directrice de mémoire,

Madame Audrey MOREL SÉNATORE, Chef de la division des Formations Supérieures et du Centre d’Etudes et de Recherches Interdisciplinaires sur la Sécurité Civile – DEPRO² à l’ENSOSP.

Nous remercions l’ensemble des personnes rencontrées pour leur aide dans la réalisation de ce mémoire,

Monsieur Philippe RIDENT, directeur des ressources humaines de la société VALRHONA Monsieur Damien SÉNEGAS, directeur de l’établissement de la POSTE de la Lozère Le Major A. P., adjoint au directeur des ressources humaines du Centre d’Entrainement Parachutiste d’Instruction Spécialisée (CPIS) Le Colonel François VALLIER, Directeur Départemental du SDIS 57

mais également, pour leurs précieux conseils,

Monsieur Emmanuel ABORD DE CHATILLON, professeur de management et de santé au travail des universités de l’Institut de l’Administration des Entreprises de Grenoble. Monsieur Hervé DOUTEZ, Sous-préfet, directeur de cabinet de la préfecture de Haute-Corse. Monsieur Marc REIDEL, directeur général de AUM BIOSYNC Mademoiselle Cathy GUINCHARD, professeur d’anglais Le Colonel Christophe GLASIAN, Directeur Départemental du SDIS 43 Le Colonel Bertrand BARAY, Directeur Départemental Adjoint du SDIS 26 Le Commandant Christophe GAY, chef du groupement Opération du SDIS 73 Nos collègues des SDIS 12, SDIS 66, SDIS 71 et SDMIS

et enfin, nos famille et amis,

Annabelle, Marnie, Félicie, et Cécile Laurence et France Océane et Delphine. Sandrine, Ludmila, Natalya, Rachel, Béatrice, Isabelle et Gérard.

pour leur soutien, leur réconfort, leurs encouragements

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TABLE DES ABRÉVIATIONS

ANACT : Agence Nationale pour l'Amélioration des Conditions de Travail

CASDIS : Conseil d’Administration du Service Départemental d’Incendie et de Secours

CHEMI : Centre des Hautes Études du Ministère de l’Intérieur

CNFPT : Centre National de la Fonction Publique Territoriale

CPES : Centre National d’Entraînement Spécialisé

CPIS : Centre Parachutiste d’Instruction Spécialisée

DARES : Direction de l’Animation de la Recherche des Études et des Statistiques

DDA : Directeur Départemental Adjoint

DDSIS : Directeur Départemental du Service d’Incendie et de Secours

DGAFP : Direction Générale de l’Administration et de la Fonction Publique

DGSE : Direction Générale de la Sécurité Extérieure

DRH : Directeur des Ressources Humaines

EADC : Monsieur Emmanuel Abord de Chatillon

ENSOSP : École Nationale Supérieure des Officiers de Sapeurs-Pompiers

ESD : Emplois supérieurs de Direction

FAE : Formation d’Adaptation à l’Emploi

HAS : Haute Autorité de Santé

HEC : Hautes Études Commerciales

IAE : Institut d’Administration des Entreprises

MI : Manageur Intermédiaire

MO : Manageur Opérationnel

NDLR : Note de la Rédaction

PAT : Personnel Administratif et Technique

QVT : Qualité de Vie au Travail

RETEX : Retour d’Expérience

RH : Ressources Humaines

RGPD : Règlement Général sur la Protection des Données

SDACR : Schéma Départemental d’Analyse et de Couverture des Risques

SDIS : Service Départemental d’Incendie et de Secours

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SDMIS : Service Départemental et Métropolitain d’Incendie et de Secours

SIS : Service d’Incendie et de Secours

SPP : Sapeur-Pompier Professionnel

SPV : Sapeur-Pompier Volontaire

SSSM : Service de Santé et de Secours Médical

TIC : Technologies de l’Information et de la Communication

UNECATEF : Union Nationale des Entraineurs et CAdres TEchniques professionnels du Football

UO : Unité Opérationnelle

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SOMMAIRE

INTRODUCTION .......................................................................................................................1

CHAPITRE I : AUTONOMIE ET MANAGEMENT COLLABORATIF : DES CONCEPTS MODERNES TROP INNOVANTS ? .................................................................7

1.1 Le travail collaboratif au service du manageur intermédiaire ....................................7

1.2 L’autonomie : un concept polymorphe ........................................................................12

1.3 Entre envie et résignation… ..........................................................................................15

1.4 La gouvernance, où comment décider collectivement dans un système hiérarchisé17

1.5 Influences méconnues de la cognition sur le management collaboratif ....................19

CHAPITRE II : DE L’APPLICABILITÉ DES THÉORIES MANAGÉRIALES DANS LES INSTITUTIONS HIÉRARCHISÉES .............................................................................25

2.1 Les problématiques en lien avec la gouvernance, les aspects cognitifs et la stratégie de développement. .....................................................................................................................25

2.2 Des interactions verticales impliquant une enquête à différents niveaux d’encadrement. ..........................................................................................................................26

2.3 Éclairage et apports managériaux de nos entretiens et questionnaires ....................29

CONCLUSION ..........................................................................................................................53

LISTE DES ENTRETIENS ......................................................................................................60

TABLE DES MATIÈRES ........................................................................................................62

TABLE DES ANNEXES ..........................................................................................................64

ANNEXE ....................................................................................................................................66

TABLE DES ILLUSTRATIONS ...........................................................................................148

RÉSUMÉ ..................................................................................................................................150

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INTRODUCTION

L’organisation du travail a une histoire : Dès la fin du XIXe siècle, la révolution industrielle s’est accompagnée des premières recherches dans ce domaine. Les œuvres de contributions majeures sont issues de A. SMITH, F.W. TAYLOR, H. FAYOL et M. WEBER. « L’attention de ces pionniers portait principalement sur la division du travail et de l’organisation, sur la prise de décision par le calcul et sur la prise en compte de la question sociale. C’est sur ces bases que naîtra, fin XIXe siècle, la nouvelle discipline que constitue le management »1 Si A. SMITH et F.W. TAYLOR imposent l’organisation scientifique du travail comme un des axes majeurs de l’augmentation de productivité et que H. FAYOL assoit les principes de la conduite d’une entreprise en scindant l’administration et la production, M. WEBER, quant à lui, fixe rationnellement les principes hiérarchiques et bureaucratiques du pouvoir sur les employés. Cette école de pensée influencera les méthodes de direction des structures jusqu’à nos jours. Pourtant, en étudiant l’application de ces préceptes, plusieurs chercheurs s’orientent vers une voie différente : la prise en compte de l’individu comme facteur de performance et l’évolution de la fonction managériale. Á partir de 1927, E. MAYO montre l’importance de la motivation sur la productivité2; Pour M.P. FOLLET, l’autorité ne peut pas être un lien de subordination formel, mais doit être légitime au regard des compétences. De plus, elle introduit un concept révolutionnaire : le manageur doit travailler avec ses collaborateurs et non pas au-dessus (concept du « Rights with »)3. Le manageur est perçu comme un technicien des relations humaines et un leader de la motivation professionnelle des salariés, comme l’affirme C. I. BARNARD quelques années plus tard4. Ces théoriciens bâtissent ainsi les prémices du management collaboratif. L’école de pensée dite des relations humaines s’accroît encore avec la contribution de D. M. GREGOR qui aborde par la suite l’opposition entre deux styles de management : autoritaire ou participatif. Il en conclut que le second est une source d’implication de tous au travail. Pour P. F. DRUCKER, les individualités sont indissociables de la performance de l’entreprise particulièrement dans le domaine de l’innovation. Le manageur devient donc un médiateur de ces individualités pour les guider dans l’intérêt collectif. Plaçant l’humain au centre de l’organisation, W. E. DEMING, père de la qualité et de l’amélioration continue, exhorte à plus de formation professionnelle et d’autonomie5. Puis, Henri Mintzberg approfondit les notions développées précédemment sous l’angle du manageur. Il affirme ainsi la complexité du travail du manageur encadrant, comprenant jusqu’à dix rôles différents, dans le but d’organiser et de fédérer les différents acteurs autour des orientations stratégiques. Le manageur exerce plusieurs responsabilités dont celles de rassembler

1 MOREL J, (2019). Management 2019/2020 « au cœur des théories et de la pratique pour gérer au quotidien une organisation. Gualino éd 2 FOUDRIAT M, (2007) Sociologies des Organisations : la pratique du raisonnement. PEARSON éd.p.110-113 3 GROUTEL E, (2013) Follett : Un management au service de la société. HUMANISME et ORGANISATIONS éd.p.88 4 BARABEL M., MEIER O. (2006) Manageor DUNOD éd. P.192 5 WARNER M., WITZEL M., (2013) The Oxford Handbook of Management theorists, OXFORD UNIVERSITY PRESS, p. 200-203

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et de créer de la synergie6. Du même auteur, nous pouvons citer les apports majeurs relatifs à la théorie des organisations. Les recherches sur ce thème sont de facto reliées à la définition de management donné par Henri Mintzberg : « processus par lesquels ceux qui ont la responsabilité formelle de tout ou partie de l'organisation essayent de la diriger ou, du moins, de la guider dans ses activités7. » Elles mettent toutes en exergue la complexité des modes d’organisation. En effet, de par sa rationalité limitée, l’homme ne peut appréhender en totalité un système de données multiples et complexes8. Il se réfugie donc la plupart du temps dans des modes d’organisation liés à ses propres représentations : sociales, culturelles et éducatives… Il n’est donc pas surprenant que les concepts les plus évolués d’organisation apparaissent comme avant-gardistes ou utopiques : l’organisation basée sur le paradigme évolution/opale est fondée sur des valeurs comme la confiance entre individus, mais aussi un fonctionnement auto-organisé et la contribution de tous les collaborateurs au travers de l’intelligence collective9. Pourtant, un certain nombre d’entreprises s’est libéré des préjugés historiques et a mis en œuvre les principes précédents avec succès10. Si, au fil du développement des études et des recherches, la littérature devient extrêmement abondante et les orientations qui s’en dégagent sont essentiellement tournées vers la production privée, il est séduisant d’examiner plus spécifiquement le management du secteur public. Á dessein, l’entreprise publique diffère de l’entreprise privée par opposition de finalité : intérêt général contre profit financier. De surcroît, l’inconstance du pilotage politique, l’influence Wébérienne sur le fonctionnariat, « l’absence d’autorité et de responsabilité des chefs de service » ont conduit historiquement à la scission entre principes de management public et management privé11. Cependant, depuis les années 1980, les crises financières, l’endettement croissant, ainsi que l’évolution de l’organisation européenne ont eu pour conséquences déterminantes des divergences marquées. Le mouvement de réforme désigné sous l’appellation de « New Management Public » vise à moderniser les administrations publiques en leur transposant les méthodes du secteur privé :

• dissociation entre pilotage (pouvoir politique) et exécution (pouvoir de l’administration),

• détermination des objectifs (dont la satisfaction de l’usager),

• fixation des ressources en fonction des objectifs,

• contrôle et évaluation de l’efficience du travail,

• responsabilités des gestionnaires.

Il se dégage de ces orientations une évolution managériale centrée principalement sur une logique de résultat et de performance. Toutefois dès 1987, monsieur Hervé Sériyex (alors mandaté par monsieur Hervé Morin ministre de la fonction publique) et madame Isabelle Orgogozo recommandaient la mise en œuvre de changements managériaux à l’intention du service

6 MINTZBERG H. (2006) Le manager au quotidien ÉDITIONS D’ORGANISATIONS 2ème édition 7 MINTZBERG H. (2004) Le management : voyage au centre des organisations, ÉDITIONS D’ORGANISATIONS p.704 8 SIMON H.A (1957) Models of man: social and rational: mathematical essays on rational human behavior in a social setting, JOHN WILEY AND SONS 9 LALOUX F. (2014) Reinventing Organizations, E-BOOK 10 BERCOVICI P., SIMMAT B. Préface d’Isaac GETZ. Les entreprises libérées. Les arènes BD éd. 11 MORGANA L., (2012) « Un précurseur du new public management : Henri Fayol (1841-1925). » revue gestion et management public N°2 p.4-21

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public12. Si l’histoire des SDIS est récente, ils n’en ont pas moins réalisé un certain nombre d’introspections et d’expérimentations relatives au management. Dès 2003, au lendemain de la départementalisation le commandant Hervé Doutez alors chef de groupement déclarait : « Le SDIS peut créer les conditions favorables à la réalisation personnelle de chacun en même temps que celles de la satisfaction des besoins collectifs. Ainsi l’efficacité, l’efficience de la mission […] procèdent de la valorisation du travail individuel réalisé collectivement13. » Ses travaux portaient sur la nécessaire déconcentration du SDIS vers le groupement en renforçant la transversalité d’un organigramme par une organisation matricielle. Il prônait une extension de l’autonomie décisionnelle et financière du groupement territorial. Toujours dans le cadre d’un mémoire de DDA datant de 2012, la lieutenante-colonelle Julie Delaidde, au travers d’une analyse différentielle entre le management et le commandement, observe que ces deux concepts sont très proches. Elle précise que le mode de direction prédominant se situe entre management directif et participatif. Nous retiendrons l’une de ses recommandations : le manageur doit stimuler la collaboration active et l’implication des agents aux projets14. Début des années 2010, le Colonel Michel MARLOT, DDSIS de Saône et Loire a travaillé sur la restructuration de l’organisation du SDIS, en particulier sur le positionnement hiérarchique des chefs de groupement autour d’un projet d’autonomie, de coresponsabilité et de bien-être au travail15. Le Lieutenant-colonel Olivier Lhote, quant à lui, attire notre attention sur l’intérêt des modes managériaux issus du privé qui permettraient de répondre à l’impatience des jeunes générations, moins enclines à accepter les styles autoritaires ou directifs : « il implique non seulement de « déstructurer » les organisations hiérarchiques pyramidales traditionnelles pour leur substituer des réseaux collaboratifs mais aussi de développer une vision du manager16. » Les auteurs de ces mémoires ont tous mis en évidence la nécessaire amélioration des pratiques managériales en prônant entre autres une augmentation de l’autonomie individuelle.

12 « L’illusion de maîtrise qu’ont pu donner des organisations hiérarchisées et centralisées est en train de s’estomper. A la fin du XXème siècle, les dirigeants industriels et politiques ne peuvent plus ignorer que les hommes qu’ils dirigent ont le pouvoir de rendre performante l’organisation à laquelle ils adhèrent ou de la paralyser s’ils n’y adhèrent point. […] Pour cela une voie est possible : offrir à tous la possibilité de contribuer à l’élaboration de cette nouvelle organisation. » ORGOGOZO I., SERIEYX H., (1989). Changer le changement. SEUIL éd.p.132 13 DOUTEZ H, (Cdt), (2003), « L’organisation matricielle : réponse aux besoins de déconcentration du service départemental d’incendie et de secours. » Mémoire DDA ENSOSP. 14 « Dans ce contexte, le rôle du manager est de mobiliser les moyens nécessaires à l’aboutissement de ses projets en recherchant l’adhésion et le soutien des hommes. Ce management induit une vision participative dont le but est l’appropriation du projet par l’ensemble des parties prenantes. » DELAIDDE (Lcl), (2012), « Management et commandement au sein des SDIS. Différence entre les deux concepts. » Mémoire DDA ENSOSP. p.26-28 15 « Le chef ’ nouveau modèle’ se doit avant tout d’ouvrir des choix pour développer l’autonomie de ses collaborateurs. » MARLOT M, (2013). Itinérances d’un officier de sapeurs-pompiers, POMPIERS DE France éd. 16 LHOTE (Lcl), (2016), « Du management des générations au management inter générationnel dans les SDIS. » Mémoire DDA, ENSOSP.p.107

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Notre mémoire se situe dans la lignée de ces travaux et notamment de celui du commandant A. Guesdon dont les ouvertures sont très proches de notre sujet : « Plus de liberté, plus d’autonomie, plus de responsabilité doivent être laissées à nos collaborateurs. […] Ce mémoire pourrait être complété par d’autres recherches sur des études et des expériences sur les organisations libérées au sein des collectivités et des établissements publics et aussi dans des organisations hiérarchiques comme les SDIS17. » Notre sujet est énoncé comme suit : les responsabilités des manageurs intermédiaires : le management collaboratif et la culture de l’autonomie dans les unités opérationnelles, intérêts et limites dans une institution hiérarchisée. Dès le premier entretien avec notre directrice de mémoire, il ne nous est pas apparu nécessaire de reformuler le sujet. Nous allons tout de même en définir la terminologie. Selon Claude Ménard, une institution est un « ensemble de règles socio-historiques, mises en place dans des conditions historiques sur lesquelles les individus ou les groupes d’individus n’ont guère de prise, pour l’essentiel, dans le court et moyen terme18 . » Aujourd’hui, dans les institutions professionnelles, cela se traduit par un système hiérarchique pyramidal, garant de stabilité et de repères. Elles sont fondées sur des liens de subordination : « Dans le cadre d’une organisation occidentale moderne, la hiérarchie, fondée sur le mérite et les compétences, est vue […] comme ce qui permet un fonctionnement rationnel et optimal19. » Reflet sociétal de diverses époques, l’organisation hiérarchique pyramidale est confrontée à l’évolution des nouvelles technologies et aux aspirations des nouvelles générations. Les liens d’autorité, de légitimité se rattachant à la hiérarchie entre les strates et les individus sont régulièrement remis en cause. De plus, dans un environnement en constante mutation, les unités opérationnelles UO ou unités de production sont de plus en plus soumises à des obligations de toutes natures : réglementaires, financières, de qualité, mais surtout de résultats. Cet ensemble de contraintes poussent obligatoirement les organisations à s’adapter : « Les espèces qui survivent ne sont pas les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements20. » Ces institutions s’orientent progressivement vers des principes participatifs et collaboratifs. Les expérimentations menées pour accroître l’implication des salariés au travail sont nombreuses. Tout d’abord une possibilité d’évolution d’organigramme en « schéma d’organisation » (cf. annexe N°1) et proposition de mobilité afin d’injecter initiative et transversalité. Puis se pose la question de l’intérêt de l’autonomie professionnelle : améliore –t-elle les performances ? Doit-on diversifier le recrutement afin d’introduire de nouvelles compétences et de l’innovation ?

17 GUESDON A., (Cdt), (2015), « La reconnaissance non monétaire des fonctionnaires des SDIS. » Mémoire DDA ENSOSP. P.86 18 MENARD C., (1997), « L’économie des organisations », LA DÉCOUVERTE éd. 19 ALEXANDRE- BAILLY F, BOURGEOIS D, GRUÈRE J-P, RAULET-CROSET N, ROLAND-LÉVY C, (2013). Comportements humains et management. PEARSON éd.p.21 20 DARWIN C., (1859) On the Origin of Species by Means of Natural Selection, or the Preservation of Favoured Races in the Struggle for Life JOHN MURRAY

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Cette notion d’autonomie est une notion fondamentale de notre projet. Nous retiendrons la définition du petit Robert « Qui se détermine selon des règles librement choisies21 », par ailleurs elle- même très proche de la traduction littérale « qui se régit par ses propres lois » du grec αυτός (soi-même) et νομός (la loi). La notion est complexe et abondamment détaillée dans les études en sociologie du travail. Lise Demailly précise dans son étude que la perte d’autonomie est la troisième cause de souffrance au travail à l’heure actuelle22. Gilbert de Terssac met, quant à lui, en avant la relation entre autonomie, réciprocité et partage de l’idéal. Au sein d’une organisation professionnelle, cela peut se traduire en ces termes : la capacité d’autonomie de chacun est une latitude individuelle au service d’objectifs et d’intérêts communs23. Partant du principe que l’autonomie doit impliquer une réciprocité, il est nécessaire, dans des organisations hiérarchiques d’avoir des « impulseurs ». Cette responsabilité incombe souvent à la personne ayant les compétences techniques et relationnelles, en charge de la gestion et de l’organisation du travail d’un groupe d’hommes en vue d’atteindre des objectifs communs, à savoir le manageur. Ce manageur est souvent à mi-chemin entre les décideurs et les hommes de terrain. Il est l’élément intermédiaire. Si nous nous référons à la proposition de définition du CNFPT : « L’encadrement intermédiaire comprend les niveaux de responsabilité des services fonctionnels et opérationnels, sans relation directe aux élus. Les activités de management intermédiaire concourent à décliner les politiques publiques en planifiant les différentes ressources allouées, en pilotant des projets et opérations. Elles visent à optimiser les procédures, à contrôler et à évaluer l’emploi des ressources, à mobiliser et à faire évoluer sur un plan collectif les compétences professionnelles des agents24». Le manageur intermédiaire est donc bien le responsable de l’adaptation du plan d’actions, de l’évolution des procédures, de la motivation de ses personnels et de l’augmentation de leurs compétences. Par ses interactions ascendantes et descendantes entre la stratégie du top management et les objectifs assignés aux unités opérationnelles, c’est à lui que revient de mettre en place une méthode de travail faisant appel à l’intelligence collective et à l’implication personnelle : le management collaboratif. Pour apporter des préconisations pour le compte d’une institution hiérarchisée, nous nous sommes posés un certain nombre de questions :

• quelles évolutions sont possibles en termes de management collaboratif dans une structure hiérarchisée ?

• quel est le résultat attendu d’un tel management ?

• comment le manageur intermédiaire peut favoriser l’acceptation de nouvelles méthodes managériales par tous et à tous les niveaux ?

• quelle légitimité pour un manageur intermédiaire usant de management collaboratif ?

• quel est l’intérêt de l’autonomie professionnelle dans une institution hiérarchisée ? Le développement de l’autonomie professionnelle présente-t-il des risques ?

21 http://www.lerobert.com (2020) 22 DEMAILLY L., (2011) « Les nouveaux managements et la question de l’autonomie professionnelle. » Revue l’information psychiatrique Vol 6, p.467 23 GROUX G., de TERSSAC G., (1994) « Autonomie dans le travail. » Revue française de sociologie, 35-2 p.335-337 24https://www.cnfpt.fr/sites/default/files/fiche_explicative_referentiel_management_encadrement_02.12.13.pdf

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• comment accompagner un collaborateur à atteindre l’autonomie nécessaire à la réalisation de ses tâches ?

Les domaines du management collaboratif et de l’autonomie professionnelle sortant de notre champ de connaissances, nous avons besoin, pour tenter de répondre à ces questions, de mettre en place une étude théorique. Cette étude sera complétée par un approfondissement de ce qui nous semble représenter des notions complémentaires : la gouvernance, les aspects cognitifs et la stratégie de développement, points mis en évidence lors de nos diverses lectures. Nous consacrerons la seconde partie à la phase de recherche : tout d’abord, en exposant la méthodologie et les hypothèses de recherche retenues. Puis nous confronterons la théorie à la pratique par une analyse des données recueillies en entretiens auprès de différentes personnes et entreprises, issues des domaines militaires, publics et privés. Les hypothèses seront alors validées (en totalité ou partiellement) ou invalidées, et nous permettront de dégager les forces et les faiblesses relatives à nos axes de recherche et donc de conclure en faisant des préconisations pour le compte des SIS.

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CHAPITRE I : AUTONOMIE ET MANAGEMENT COLLABORATIF : DES CONCEPTS MODERNES TROP INNOVANTS ? L’ensemble des concepts relatifs au management collaboratif et à l’autonomie est largement développé dans les livres. Aujourd’hui, nombre d’auteurs, spécialistes dans les domaines des sciences sociales, donnent une vision contemporaine de ces concepts, qui commencent à intégrer des organisations. Malgré tout, les réticences sont encore nombreuses. Au travers de nos lectures en sociologie, psychologie, stratégie, ou encore en gestion des ressources humaines, nous allons aborder leurs forces et faiblesses en lien avec un acteur central de leur mise en application : le manageur intermédiaire.

1.1 Le travail collaboratif au service du manageur intermédiaire

Le manageur intermédiaire est au centre d’une organisation définie comme un groupe social formé d'individus en interaction, ayant un but collectif, mais dont les intérêts et les connaissances peuvent diverger. Le manageur sert de lien entre un niveau de direction supérieur et l’opérationnel, il relaie l’information descendante, ascendante, et transversale. Le manageur intermédiaire traduit la vision stratégique et s’assure de sa transformation opérationnelle suivant différentes modalités que nous allons explorer.

1.1.1 Le manageur intermédiaire : des rôles multiples et de grandes responsabilités

Le manageur assure le lien entre l’encadrement supérieur à qui il rend compte de l’activité de ses services et l’encadrement de proximité qu’il doit guider afin d’atteindre les objectifs qui lui ont été fixés. Ces objectifs sont définis en fonction des orientations stratégiques souhaitées par les choix politiques de la collectivité, elles-mêmes traduites en plans d’actions stratégiques par le top management. Dans certaines entreprises, le manageur intermédiaire peut également participer à la préparation des plans et orientations stratégiques comme indiqué dans la définition de la DGAFP.25 Par ses interactions ascendantes et descendantes entre la stratégie du top management et les unités opérationnelles, c’est à lui que revient de mettre en place une méthode de travail suivant cinq grandes fonctions26 :

• Le manageur doit organiser le travail en distribuant les ressources selon les objectifs,

• le manageur doit planifier et déterminer les actions adéquates pour atteindre les objectifs,

• le manageur doit diriger en maintenant la motivation en canalisant les efforts de chacun vers l’objectif commun,

• le manageur doit contrôler par un travail d’évaluation en prenant les mesures correctives qui peuvent s’imposer

dont la cinquième spécifique à la définition du CNFPT27 :

25 « Sous la responsabilité d’un manager stratégique, le manager intermédiaire participe à la définition de la stratégie d’une structure et la décline sur un plan sectoriel ou territorial. Il dirige les services de son périmètre de compétence. Il conçoit, met en œuvre, contrôle et évalue les plans d’action en fonction des objectifs qui lui ont été assignés. Il encadre à cette fin une équipe de managers opérationnels ». https://www.fonctionpublique.gouv.fr/files/files/carrieres_et_parcours_professionnel/formation/ecole_de_la_grh/pdf/fonctions_manageriales_cadre_intermediaire.pdf 26 AFTATI S., (2010), http://212.217.15.152/sites/default/files/management.pdf 27https://www.cnfpt.fr/sites/default/files/fiche_explicative_referentiel_management_encadrement_02.12.13.pdf

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• le manageur fait évoluer sur un plan collectif les compétences professionnelles des agents. Le manageur intermédiaire est donc un agent qui se doit de posséder un certain nombre de compétences et de qualités afin d’assurer ces différents rôles convenablement. Il faut également préciser que depuis le décret du 16 décembre 2014, l’évaluation par la note chiffrée est supprimée au profit d’un entretien professionnel annuel conduit par le manageur. Ce changement veut renforcer la dimension managériale de l’encadrement, et moderniser ainsi la gestion des ressources humaines. Au-delà de l’aspect réglementaire et organisationnel propre à chaque structure, ces nombreuses missions inhérentes à chaque manageur intermédiaire, vont lui conférer deux responsabilités principales par ailleurs intrinsèquement liées entre elles :

• la responsabilité de résultat, • la responsabilité managériale.

La responsabilité de résultat provient de l’essence même du principe d’organisation professionnelle, à savoir obtenir la meilleure production possible en fonction des ressources et suivant certains caractères, que ce soit à des fins mercantiles ou de services publics. Le manageur intermédiaire est responsable de l’atteinte des objectifs désignés, afin de permettre à son entreprise la meilleure performance possible. Si cette responsabilité n’est pas définie explicitement dans les définitions du CNFPT et de la DGAFP, elle fait pourtant l’objet du concept de New Management Public que nous avons abordé dans notre introduction. Indubitable dans le privé, la responsabilité de résultat s’impose également aux manageurs intermédiaires du service public. L’atteinte des objectifs est fonction de très nombreux paramètres, ceux reliés à la responsabilité managériale de l’encadrement intermédiaire contribue très fortement à cette réussite. Á ce titre, le manageur se doit de réussir à :

• motiver ses agents pour obtenir d’eux la meilleure performance possible,

• diriger ses agents dans le sens des orientations stratégiques pour obtenir une évolution nécessaire,

• appliquer la ligne managériale de l’établissement si cette dernière est définie,

• gérer les agissements perçus comme contre-productifs. Ces actions relèvent essentiellement du manageur intermédiaire. Si ces éléments de responsabilité managériale sont communs à toutes les structures, ils vont toutefois être la conséquence de la pratique du management mis en œuvre. De nombreuses et diverses théorisations du management ont été effectuées et nous retiendrons pour notre part les quatre types de management du CNFPT28 :

• Le management directif.

• Le management persuasif.

• Le management délégatif.

• Le management participatif. Ces styles de management sont tous couramment utilisés, dépendent des agents à encadrer, de leur autonomie et des diverses situations professionnelles, ainsi que la temporalité et du niveau de résultat à obtenir29.

28https://www.wikiterritorial.cnfpt.fr/xwiki/bin/view/vitrine/Les%20diff%C3%A9rents%20types%20de%20management 29 White R. K et LIPPITT R. Autocracy and Democracy: An Experimental inquiry, Harper & Brothers: New York,

1960, 330p.

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Aucun type de management ou de leadership (cf.§1.4.3.2) n’est idéal, et tous doivent s’adapter à une situation qui est, elle-même, en constante évolution et souvent en constante complexification. Le management directif, majoritaire dans les systèmes pyramidaux hiérarchisés se révèle parfois incapable d’accompagner l’évolution sociétale et de s’adapter aux contraintes modernes des structures. Le management de ces dernières s’oriente donc vers le management collaboratif qui est une forme évoluée et développée du management participatif. Cela nécessite donc de la part du manageur intermédiaire agilité, adaptabilité, transversalité et réactivité.

1.1.2 Le management collaboratif 1.1.2.1 La dimension humaine au service du management

Le management collaboratif se présente comme une nouvelle forme d’organisation du travail pouvant répondre aux contextes actuels, de mondialisation, de situations financières tendues, de communications de plus en plus rapides et tout dernièrement de crise sanitaire. La notion de travail collaboratif souhaite répondre à de nouveaux enjeux comme les nécessités de transversalité, d’adaptabilité, de réactivité et de technicité croissante des unités de production. Le management collaboratif repose sur quatre piliers :

Figure N°1 « Les 4 piliers du management collaboratif30 »

Il n’y a pas de groupe hiérarchiquement organisé dans le management collaboratif. L’agent n’est pas contraint et a le choix. Les tâches et les buts sont communs et l’ensemble du groupe travaille sur les mêmes points. La responsabilité est collective. Cela implique un mode de management délaissant les modèles conventionnels avec une approche horizontale, sans pression hiérarchique marquée. Le manageur est ainsi considéré davantage comme un animateur qu’un donneur d’ordre.31 En management collaboratif, le manageur intermédiaire anime ses équipes de manageurs opérationnels. Il écoute activement ses collaborateurs et fait en sorte qu’ils coopèrent. Il doit avoir cette capacité à développer l’autonomie individuelle, la prise d’initiative, la créativité, l’innovation, tout en prônant l’esprit d’équipe, l’effort collectif et la coopération. 30 MATTHIEU C, (2015). « Le management collaboratif », La lettre d’Adélie. p. 17 31 « Les barrières entre les personnes doivent être brisées afin d’aller vers cette intelligence collective unique gage de succès ». DOLY J-P, (2012), « L’accordeur de talents », DUNOD éd. p. 10

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Le manageur veille à mettre en avant les facteurs humains essentiels dans le mode collectif. La confiance, la motivation, la solidarité, la compréhension commune du groupe et la même vision partagée sont garantes de la stabilité cognitive de l’agent propice à l’obtention de résultats performants. Il importe que le manageur intermédiaire rende compte, communique et informe en externe comme en interne des actions réalisées au sein de son équipe afin de les valoriser aux yeux de tous32. Le management collaboratif se veut aussi être constitutif d’une ambiance de travail, qui motive les collaborateurs à s’engager vers un but commun, alliant implication professionnelle, reconnaissance et qualité de vie au travail. Pour résumer, les points clé du management collaboratif seraient basés sur les compétences suivantes :

Savoir entendre :

• Accroître la communication et le dialogue.

• Inciter à la responsabilisation et à la prise d’initiative.

• Être à l’écoute. Savoir ressentir :

• Veiller au bien-être et à l’autonomisation du salarié.

• Améliorer la confiance.

• Développer l’esprit collaboratif. Savoir animer :

• Donner du sens

• Annoncer un objectif clair

• Identifier et arbitrer les points de blocage Savoir gérer :

• Planifier la gestion du temps

• Assouplir les procédures

• Mettre en place des outils collaboratifs

1.1.2.2 Des outils basés sur l’intelligence collective, performants mais sous-utilisés La réunion de travail est un temps collectif pendant lequel tout ou une partie de l’équipe se trouve réunie et où des informations s’échangent. L’objectif étant de donner à chacun le même type d’informations dans une même temporalité. C’est une version primitive des outils d’intelligence collective qui vise essentiellement à diminuer le manque de transversalité inhérent à chacun des participants et à faire évoluer l’organisation vers un but commun. Une réunion peut être directive, participative ou collaborative selon l’organisateur. À l’instar du management directif, le principe de réunion d’information descendante sans communication possible est aujourd’hui largement décrié pour son manque d’efficacité et sa perte de temps, menaçant fortement l’implication professionnelle de ses participants. Fort de ce constat, certaines réunions sont réalisées avec des techniques d’intelligence collective et du travail collaboratif en fonction du but recherché, comme :

• La sociocratie pour favoriser la coopération et la communication.

• L’holacratie pour améliorer l’autonomie et le dynamisme, redonner du sens.

32 « La communication et l’échange sont essentiels à la réussite des projets et au plaisir que vont y prendre les différents acteurs. » DOLY J-P, (2012), « L’accordeur de talents », DUNOD éd. p. 44

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• Le forum ouvert pour faire émerger des idées d’un groupe.

• Le world café (café débat) pour débattre de problématiques.

• L’aquarium pour approfondir une question33. Ces outils d’intelligence collective (cf. annexe. N°2) sont utilisés pour résoudre des situations complexes qu’un seul être humain ne pourrait appréhender dans sa globalité. Les interactions collectives de plusieurs personnes d’expériences diverses permettent généralement de mieux cerner et résoudre ce type de problème. La seconde finalité est aussi de développer la cohésion du groupe et de le faire adhérer à l’intention de l’organisation. La notion de travail collaboratif a pris ces dernières années une nouvelle dimension avec le développement et l’efficacité des outils informatiques et d’internet. Elle est maintenant étroitement liée aux technologies de l’information et de communication (T.I.C). Le réseau internet est constitué par l’interconnexion de divers réseaux informatiques. Son efficacité et ses performances reposent sur la collaboration et la contribution d’un nombre croissant d’utilisateurs. Dans les sociétés industrielles, sa quasi universalité révolutionne les interactions sociales en modifiant la perception de l’individu vis-à-vis de son environnement. La vitesse d’accès, la diversité des sources, la quantité et la qualité de la communication, donc des informations conséquentes, influencent fortement le développement intellectuel des utilisateurs. Prévues nativement pour développer le travail collaboratif, les technologies du Web 2.0 (aussi appelé Web participatif) se présentent comme le fer de lance du manageur intermédiaire dans ce domaine. L’utilisation des T.I.C comme mode de gestion permet de mettre en commun efficacement les informations, les ressources, et surtout les idées. Est-il possible de tendre vers un mode d’organisation plus collaboratif, plus horizontal en utilisant ces technologies ? Est-ce possible dans des organisations possédant une architecture pyramidale ? En effet, toutes les entreprises ne sont pas encore transformées en profondeur et il est possible d’observer un certain blocage générationnel face à cette transformation. Les différents outils adaptés au collaboratif peuvent se classer en quatre grands thèmes : les outils de communications essentiellement liés à la messagerie, les outils de partage de ressources, les outils de gestion des connaissances et d’informations, les outils de coordination et de synchronisation. Quel que soit l’objectif poursuivi, la mise en œuvre de ces outils de travail collaboratif (cf. annexe N°3) nécessite un travail préalable d’analyse des processus et des besoins de l’entreprise. De plus, l’évaluation des compétences d’utilisation requises est primordiale. En effet, ces nombreux outils34 (cf. annexe N°4) nécessitent de la formation ou du temps d’adaptation afin d’en optimiser les fonctionnalités. Il est flagrant de constater que les niveaux de compétences diffèrent grandement suivant la génération, l’ouverture d’esprit et les capacités intellectuelles. Cette réticence est donc génératrice d’une sous-utilisation. Toutefois, l’ergonomie de ces outils est comparable à leur performance, en constante amélioration. Outre le fait d’utiliser différents outils, le manageur intermédiaire se doit, dans le cadre d’un travail collaboratif, de gérer l’autonomie de ses collaborateurs. Il convient alors de définir le type d’autonomie adéquat. 33 http://www.barricade.be/publications/analyses-etudes/outils-facilitation-techniques-intelligence-collective 34 PIQUET A, (2009), « Guide pratique du travail collaboratif », Document Ville de BREST p. 16

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1.2 L’autonomie : un concept polymorphe Nous aborderons dans la suite de cette partie l’autonomie comme étant applicable aussi bien à un individu qu’à un groupe d’individus par la dénomination « autonomie de l’entité ». La représentation inconsciente de la notion d’autonomie renvoie le plus souvent à celles d’indépendance, de liberté absolue et d’absence de contraintes. Paradoxalement l’autonomie s’évoque plus généralement dans les termes de « marges » et de « latitudes ». Ces termes exposent le caractère partiel et relatif de l’autonomie et démontrent en cela son opposition avec l’indépendance, ainsi que le fondement des interactions obligatoires entre une entité autonome et son environnement. Il apparaît donc nécessaire de dissocier l’autonomie propre à l’entité de celle relative au cadre professionnel.

1.2.1 Autonomie de l’entité Comme nous l’avons déjà mentionné, l’autonomie met en avant les principes de détermination, de réglementation et de liberté de choix. L’entité doit tout d’abord se définir, par l’usage de réflexions personnelles visant à se connaître et à se projeter. Afin d’obtenir une représentation fonctionnelle avec son entourage, elle va se choisir un certain nombre de règles d’interactions. Représentation et règles sont indissociables car l’environnement en compose la majeure partie des repères. Sans influence extérieure, l’autonomie intellectuelle resterait du niveau de l’inné ou de l’acquis. Toutefois afin d’acquérir une représentation propre, l’entité va s’en détacher progressivement et se départir à la fois de ses instincts et des influences extérieures. Nous retiendrons de cet aspect la dénomination d’autonomie de pensée35. Ce cheminement intellectuel autocentré se traduit extérieurement par différents niveaux d’actions suivant les règles retenues. Ces agissements de l’entité ont pour but de s’affranchir progressivement et concrètement des contraintes extérieures, et de manifester son émancipation. Cette évolution pratique est appelée autonomie d’action. Ces deux aspects de l’autonomie se confrontent de façon incessante aux interactions excentrées : autres entités, environnement, ressources. Cette confrontation agit comme un apprentissage de l’autonomie en double boucle36. L’autonomie est donc une capacité qui s’accroit, s’expérimente et s’ajuste dans le temps37.

1.2.2 Autonomie professionnelle : un principe individuel au service de la performance collective

L’autonomie au travail représente un élément majeur des aptitudes professionnelles de l’entité. C’est la capacité de prendre des décisions et donc de s’en conférer les responsabilités conséquentes, une reconnaissance de l’acquisition des compétences par les pairs et les supérieurs hiérarchiques. C’est aussi la faculté d’interpréter l’esprit des règles sans boucle de contrôle immédiate. Si cette autonomie professionnelle est proche de l’antithèse du Taylorisme (the right

35ALEXANDRE- BAILLY F, BOURGEOIS D, GRUÈRE J-P, RAULET-CROSET N, ROLAND-LÉVY C, (2013). Comportements humains et management. PEARSON éd. p 265 36 ARGYRIS, C., (2003), « A Life Full of Learning », Organization Studies, Volume 24, N°7, pages 1178-1192. 37 DESFONTAINES S, MONTIER S, (2012). Les clés de l’autonomie. Eyrolles éd. p 6

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man at the right place38), les recherches sociologiques et la pratique en montrent les aspects bénéfiques au travers de deux approches, l’approche normative et l’approche psychologique. En approche normative, représentative de la vision de l’organisation, l’autonomie au travail est un facteur d’optimisation des ressources du fait qu’elle développe la polyvalence et le transfert des compétences, augmentant ainsi l’efficience de l’organisation. De plus l’augmentation de l’autonomie professionnelle est directement proportionnelle à celle de la performance39. Elle permet d’accroître la productivité par la réactivité et de dégager du temps en diminuant les contrôles. L’approche psychologique montre que l’autonomie est un besoin fondamental. Elle agit sur différentes aspirations intellectuelles des employés : sentiment de contrôle sur leur travail, motivation intrinsèque au travail, appropriation des résultats, santé et qualité de vie au travail. L’accroissement de cet aspect de l’autonomie, suivant les principes vus ci-dessus, fait entrer l’entité dans un cercle vertueux d’amélioration, et contribue ainsi au progrès de l’organisation. Comment bénéficier d’autonomie professionnelle ? Trois possibilités s’offrent aux travailleurs : l’autonomie volée, l’autonomie imposée et l’autonomie confiée. Nous excluons volontairement l’autonomie volée, cette dernière étant sans conteste obligatoire dans le fonctionnement de tout système, mais hors de propos dans notre recherche. L’autonomie imposée, quant à elle, est un leurre et dépend nécessairement de l’implication des supérieurs et de l’environnement, mais conduit le plus souvent à une injonction paradoxale entre supérieurs hiérarchiques et subordonnés. A contrario, l’autonomie confiée, résultante de l’évolution de l’entité grâce à des actions managériales modernisées, mises en place et évaluées par le MI retiendra notre attention L’autonomie étant en lien direct avec l’environnement, tout travailleur va rechercher des ressources qui lui permettront d’appréhender ses différentes tâches et répondre à ses objectifs. Notre ère étant foncièrement technologique, ces ressources sont facilement accessibles par le biais d’outils modernes.

1.2.3 Les outils modernes au service de l’autonomie

Historiquement, des organisations ou systèmes spécifiques (compagnonnage, guildes…) ont démontré leur supériorité dans la performance au travail, en utilisant l’apprentissage. Ce réseau (limité à une catégorie de métiers) utilisait des principes collaboratifs, d’intelligence collective et de référencement de bonnes pratiques. La déconnexion géographique et temporelle entre monde éducatif et professionnel est récente et a clairement affiché ses limites. Les différentes formes d’alternance entre obtention des savoirs et mise en œuvre des savoir-faire et savoir être, les principes de retour d’expérience se sont érigés en fondamentaux éducatifs et participent pleinement à l’acquisition des vecteurs de l’autonomie professionnelle. Nous avons déjà vu que le développement du réseau informatique internet et l’accès facilité aux capacités des outils numériques bouleversaient les méthodes traditionnelles de management, il en est de même pour l’autonomie :

38 ALEXANDRE- BAILLY F, BOURGEOIS D, GRUÈRE J-P, RAULET-CROSET N, ROLAND-LÉVY C, (2013). Comportements humains et management. PEARSON éd. p 172 39 DODD N., DANIEL C. et GANSTER G., (1996), “The interactive effects of variety, autonomy, and feedback on attitudes and performance: Summary” Journal of Organizational Behavior, Jul 1996, p 329

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• La puissance du moteur de recherche prédominant, révolutionne l’accès aux connaissances théoriques et pratiques sur un champ d’étude donné.

• En transformant les paramètres d’évolution de l’autonomie de l’entité, particulièrement l’autonomie de pensée, le réseau internet peut concourir à une amélioration de l’autonomie professionnelle.

• La puissance des calculateurs, une ergonomie améliorée, l’intuitivité des interfaces basée sur l’intelligence artificielle et surtout la portabilité permettent de s’affranchir des contraintes physiques propres à certaines organisations.

L’affranchissement géographique qui est un caractère de l’autonomie professionnelle, a eu un retentissement important en raison du confinement imposé par la COVID-19. Les sociétés, entreprises ou services publics, ont été contraintes de s’organiser pour assurer leur continuité de service ou économique. Pour cela elles ont dû adopter et s’adapter à des outils qui influent nettement sur l’autonomie professionnelle par l’intermédiaire du télétravail. Le télétravail voit le jour dès les années cinquante en Amérique où un architecte supervisait à distance la construction d’un immeuble. Avant le confinement imposé par la crise sanitaire du Covid-19, 17 % de la population française pratiquait ce mode de fonctionnement. S’agissant du cadre législatif, c’est l’article 133 de la loi 2012-347 et son décret d’application 2016-151 du 11 février 2016 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique qui nous renseigne sur ce concept. L’article 2 rappelle que « le télétravail désigne toute forme d'organisation du travail dans laquelle les fonctions qui auraient pu être exercées par un agent dans les locaux de son employeur sont réalisées hors de ces locaux de façon régulière et volontaire en utilisant les technologies de l'information et de la communication. Le télétravail est organisé au domicile de l'agent ou, éventuellement, dans des locaux professionnels distincts de ceux de son employeur public et de son lieu d'affectation40 » Qu’il soit demandé par l’employé ou imposé par l’employeur, il semble que le télétravail compte de nombreux avantages. Il permet par exemple des économies substantielles, pour l’employeur par la réduction de la surface des locaux, pour l’employé par la diminution des transports. Il facilite la concentration et permet d’améliorer la productivité en s’affranchissant des perturbations liées à l’environnement de travail. En rapprochant les salariés des leurs, il favorise également la vie de famille par la diminution des contraintes familiales. De plus, il permet de réduire l’absentéisme et les retards dus aux embouteillages ou aux conséquences d’une épidémie. Par ailleurs, il autorise plus facilement l’intégration des travailleurs handicapés et se veut bénéfique pour l’environnement. Enfin, il développe l’autonomie des salariés en les responsabilisant davantage et inspire un sentiment de liberté. Tous ces avantages participent à la confiance mutuelle qu’ils entretiennent avec leur employeur. Au-delà des risques de cyber sécurité et d’application du règlement général sur la protection des données (RGPD), le télétravail présenterait selon certains experts, un certain nombre d’inconvénients. Son usage devrait être limité à un ou deux jours par semaine car il réduirait la communication et les interactions entre salariés, gages de créativité et de productivité et isolerait certains travailleurs moins sensibles aux enjeux collectifs. Si le travail n’est mesuré qu’à la

40LOI n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique

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lumière de ce qui est accompli, le temps de travail est difficilement quantifiable et les accidents professionnels sont difficiles à qualifier. De plus, compte tenu de la réglementation relative au droit à la déconnexion41, il est nécessaire d’encadrer le télétravail afin de conjuguer vie professionnelle et vie privée et éviter l’émergence de conflits. Enfin, ce mode de travail dégraderait les possibilités d’apprentissage et de transmissions des savoirs dans l’établissement. Nous avons vu précédemment que :

• La responsabilité managériale incombe principalement au manageur intermédiaire. • La dimension collaborative est une composante alternative et performante du

management. • L’autonomie individuelle est une variable qui fluctue au cours du vécu d’un travailleur.

Pour les partisans de la dimension humaine, l’autonomie professionnelle et le management collaboratif sont des valeurs positives. Elles contribuent à l’épanouissement du travailleur, augmentent sa réactivité, son adaptabilité et améliorent sa performance, le tout au service de l’organisation. Malgré ces argumentaires positifs trouvés dans les livres, nous verrons que cela n’est guère appliqué dans les pays latins, en particulier dans l’Hexagone. 1.3 Entre envie et résignation…

1.3.1 Ressenti des manageurs opérationnels et des employés

Afin d’appréhender le positionnement du manageur intermédiaire, nous nous sommes intéressés à des recherches sur le ressenti managérial et l’autonomie professionnelle, selon la population étudiée. Le constat est très mitigé… Si les salariés connaissent un frémissement dans le développement des compétences et des connaissances, une augmentation sensible dans la possibilité d’organiser son travail et un léger fléchissement de l’ennui, il n’en demeure pas moins que les indicateurs relatifs aux consignes données par les supérieurs hiérarchiques se dégradent clairement :

• augmentation du travail prescrit (de 17,9% en 1991 à 21,1% en 2016), • diminution du taux de gestion des incidents sans intervention extérieure (de 35% en 1991

à 30,6% en 2016), • flambée du sentiment de manque en matière autonomie et des possibilités de prise de

décisions (34% en 2009 à 23% en 2015)42 43 Ces indices varient certes, en fonction de la catégorie socio-professionnelle et de l’âge, mais la tendance reste identique, y compris pour les manageurs opérationnels. De plus cette dégradation est encore plus sensible dans la fonction publique (travail prescrit : de 19% en 1991 à 25,2% en 2016). En parallèle de ces études scientifiques et statistiquement reproductibles, les réponses volontaires d’une enquête par internet sur l’évolution du management sont plus orientées mais aussi révélatrices (panel de 888 participants) :

41LOI n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels. (Art 55) 42 BEQUE M., KINGSADA A. et MAUROUX A., (2019), « Autonomie dans le travail », Synthèse et statistiques, Numéro 26, Avril 2019, DARES 43 GODON A-S., (2015), « santé et bien-être des salariés, performance des entreprises, chiffres clés des études » Groupe Malakoff Médéric http://renaitre.net/wp-content/uploads/2017/02/ets-etude-sante-enseignement-2015-synthese-rapport-sante-bien-etre-performance.pdf

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• 47.7% caractérise le « management traditionnel » en tant que pratique du « command and control » et 28.8% indique une « absence d’autonomie et de reconnaissance »

• La sensation qu’un nouveau management est effectif, lorsque, pour 65,7%, les collaborateurs se sentent « en confiance, autonomes et responsables44 ».

Il est fort probable que la population de ce panel soit déjà sensibilisée aux potentialités offertes par la dimension humaine du management et de l’autonomie. Néanmoins, nous verrons que nos recherches auprès de nos collègues pondèrent ces résultats. Ainsi, les orientations françaises actuelles relatives à notre sujet pourraient se résumer à :

• Une prise de conscience sur les conséquences du management actuel, encore trop directif et arbitraire, qui contraint les organisations à évoluer vers les valeurs du travail collaboratif. Pour autant, elles peinent à y parvenir.

• Une faible progression du développement des compétences et de la prise de parole, ainsi qu’un relâchement sur l’exclusivité des tâches dans le but d’atténuer une « procéduralisation » croissante et limiter le mécontentement des subordonnés.

• De nombreuses injonctions paradoxales entre confiance/contrôle, responsabilité/pouvoir et initiative/positionnement hiérarchique.

1.3.2 Une ouverture très progressive vers le management collaboratif et l’autonomie Le système d’organisation professionnel français se caractérise majoritairement par trois composantes historiques : une autorité basée sur la hiérarchie, un système pyramidal avec une scission nette entre décision et production et une définition des postes et procédures d’influence tayloriste. Il n’est donc pas surprenant de constater que très peu de structures aient réussi à imposer le management collaboratif et l’autonomie professionnelle comme une dimension stratégique de leur établissement malgré la diversité des systèmes ayant vu le jour : coopérative, actionnariat salarié, intra-entrepreneuriat et les entreprises libérées45. Toutefois notons un développement de certains caractères propres au management collaboratif comme :

• Écoute, empathie et bienveillance.

• Prise en compte des risques psychosociaux.

• Valorisation des agents par remerciements et célébrations.

• Utilisation ponctuelle d’outils d’intelligence collective. Le service public souhaite lui aussi évoluer fortement vers ces principes46. Une des traductions de cette volonté, est le changement du système de notation au profit de l’entretien professionnel. Cet entretien porte sur un nombre non exhaustif de 7 points minimum à aborder lors d’une discussion, à savoir les objectifs professionnels et les résultats, la manière de servir, les acquis de l’expérience, les capacités d’encadrement, la formation et les perspectives d’évolution. Ce changement « conduit par le supérieur hiérarchique direct 47» permet une communication visant à l’acceptation profonde du sens de l’organisation et améliore ainsi la dimension managériale.

44 BOUVARD P., (2018) « Transformez le management …. Vous y croyez » Étude RH Info, https://www.fr.adp.com/rhinfo/2018/transformer-le-management-vous-y-croyez/ 45JACQUET S., (2013) « Du management participatif …. au management coopératif » https://creg.ac-versailles.fr/du-management-participatif-au-management-coopératif 46 PROMOTION ARIANE VIII du CHEMI (2018) « Le management bienveillant au ministère de l’intérieur » https://allchemi.eu/mod/folder/view.php?id=8254 47 Décret n° 2014-1526 du 16 décembre 2014 relatif à l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires territoriaux

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Pour l’autonomie professionnelle, cette dernière ne s’améliore que dans le cas de l’autonomie de modalité : c’est-à-dire celle définie comme la marge d’adaptation laissée à l’initiative de l’autorité supérieure suivant le niveau de définition des règles. Les modalités d’organisation du travail sont les plus répandues avec en exemple : le choix de la gestion horaire, la possibilité de déplacement au sein de l’entreprise sans autorisation expresse et la latitude de s’exprimer sur les conditions d’exercice. Précisons que ces autonomies ont d’autant plus de valeur que le niveau hiérarchique est faible et qu’il faut lutter pour les conserver face à l’émergence de moyens de contrôle modernisés. Nous avons examiné les différents aspects du management collaboratif ainsi que ceux de l’autonomie professionnelle. Ils se doivent d’être complétés par l’étude de trois domaines : la gouvernance, la stratégie de développement et la cognition. En effet les manageurs intermédiaires ne peuvent s’affranchir de ces connaissances pour appréhender les influences positives et/ou restrictives du management collaboratif et de l’autonomie professionnelle en vue de la réussite collective d’une organisation. 1.4 La gouvernance, où comment décider collectivement dans un système hiérarchisé

La gouvernance est une notion extrêmement polymorphe suivant l’angle d’étude. Les typologies suivantes : gouvernance actionnariale, partenariale ou approche cognitive mettent en exergue les raisons qui doivent être mises en œuvre par le(s) dirigeant(s). Nous limiterons notre notion de gouvernance à celle-ci : le mode de gestion d’une organisation fondé sur les interactions décisionnelles entre les différents acteurs, politiques, encadrants, et productifs. Les mutations permanentes de la société contraignent les structures à réaliser de nombreux arbitrages. La décision est un coup d’arrêt à la discussion, elle est nécessaire à l’évolution de l’entreprise car son absence générera irrémédiablement la frustration, le conflit ou l’échec. L’objectif de la décision est de provoquer actions et résultats escomptés, en conséquence la décision se doit d’être le plus fiable possible. La prise de décisions est donc une composante majeure des compétences d’un manageur intermédiaire. Le système pyramidal confère le pouvoir décisionnaire aux individus en fonction de leur position hiérarchique. Ce pouvoir est majoritairement vertical et détenu unilatéralement. Pourtant cette unicité décisionnaire est préjudiciable à plusieurs titres :

• elle déresponsabilise le collaborateur, le confine à un rôle d’exécutant. L’absence de participation au processus décisionnel influence négativement les velléités de coopération du collaborateur. Ceci constitue une opposition ferme aux principes du management collaboratif.

• elle bride la poursuite du fonctionnement en l’absence du décisionnaire, et provoque l’accroissement de l’autonomie volée, transgressive donc potentiellement risquée.

Alors que les bases de la fiabilité décisionnelle sont : la modification du positionnement hiérarchique « d’autorité décisionnaire » à celle de « hiérarchie restreinte impliquée48 .»

• la responsabilisation des collaborateurs. • l’obligation d’expression.

48 MOREL C, (2002). Les décisions absurdes II. GALLIMARD éd. p 224

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• la subsidiarité. • la polyvalence et la complémentarité.

Le manageur intermédiaire a intérêt à exposer autant le sens que l’objectif : « l’action peut être autonome dès lors que l’intention est énoncée, expliquée et comprise »49. Il doit en outre s’effacer pour permettre à chaque collaborateur compétent de s’exprimer sur un sujet opérationnel. En plus d’autoriser l’élocution, le manageur doit imposer une obligation d’expression visant à recueillir les informations nécessaires à la prise de décision. Il doit susciter des affirmations différentes ou même contradictoires, tant pour éviter les erreurs provoquées par les biais cognitifs que pour les responsabiliser et les impliquer.

La responsabilisation et l’implication décisionnaire, par l’application du principe de collégialité, aide le collaborateur à prendre en compte les finalités de son travail et à s’en approprier une partie des résultats. Les pratiques de délégation sont des traductions réglementaires (et contrôlées) de l’autonomie de modalités. Celles-ci ne peuvent avoir une réelle portée qu’en transférant les responsabilités afférentes. Ce n’est juridiquement pas le cas ce qui limite donc considérablement l’autonomie des collaborateurs.

Si la délégation et la subsidiarité sont des formes d’autonomie, leur nature diffère totalement. Dans la délégation, la décision est une concession de la hiérarchie, alors que dans la notion de subsidiarité, la décision relève de la base. Une des problématiques de la subsidiarité réside dans l’adéquation nécessaire entre capacités décisionnaires et maîtrise des ressources allouées. Néanmoins, ce principe de décentralisation et de responsabilisation de la décision au niveau pertinent de maîtrise des compétences est un des fondements d’une boucle vertueuse de l’autonomie50. La mise en œuvre de la subsidiarité nécessite toutefois que les collaborateurs aient acquis l’intention et les compétences nécessaires à la prise de décision. Un manageur intermédiaire qui s’appuie sur la complémentarité et la polyvalence de ses équipes peut assurer la continuité de son travail et favoriser ainsi l’avancée des plans d’actions. Le management collaboratif et l’autonomie ne peuvent devenir des axes d’amélioration de la gouvernance qu’à certaines conditions.

Toutes les strates de manageurs :

• Doivent être convaincues des bienfaits possibles.

• Sont capables de transmettre valeurs et intentions.

• Savent écouter et prendre en compte les remarques des collaborateurs.

• Rendent leurs collaborateurs acteurs de la décision.

• Peuvent atténuer leur positionnement hiérarchique au moment opportun.

Et surtout, les encadrants doivent rester capables de régler un arbitrage qui est le résultat d’une collégialité et non d’un consensus, ce qui demande aussi la pratique du courage managérial.

49 MOREL C, (2012). Les décisions absurdes II. GALLIMARD éd. p 231 (e-book) 50 « Les organisations hautement fiables se structurent elles-mêmes plutôt hiérarchiquement quand il ne se passe

pas grand-chose. Lorsque leur environnement devient incertain ou leurs tâches plus complexes, elles évoluent vers

des structures plus fluides qui permettent aux prises de décision de descendre toujours plus bas dans

l’organisation ou vers quiconque se trouve le plus près de la situation opérationnelle » BOURRIER M., (2005) “An

interview with Karlene Roberts” European Management Journal Vol. 23, No. 1, p 93–97

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Dans le mode de gestion étudié, les interactions collectives constituent le fondement du fonctionnement de l’organisation. Cela fait appel de manière consciente ou instinctive à des processus cognitifs. Le travail collaboratif et l’interdépendance vont mettre en jeu des processus mentaux comme la confiance, le contrôle, le droit à l’erreur et la légitimité. 1.5 Influences méconnues de la cognition sur le management collaboratif 1.5.1 Confiance, contrôle et droit à l’erreur

Règles communément admises, intention réciproque, lien direct avec l’efficacité de l’organisation et relations complexes avec la hiérarchie sont autant de points communs entre nos thèmes d’étude et la confiance. La confiance est à la fois un pilier du management collaboratif et une concession d’autonomie. Dans une organisation professionnelle idéale, tout le monde se fait confiance. C’est un processus cognitif nécessaire au sein des relations sociales car c’est l’un des paramètres déterminant de la coordination informelle. Cet ajustement mutuel relève des capacités psychologiques des acteurs afin de s’adapter à un environnement dynamique.

Cependant, la notion de confiance51 n’est pas aussi simple qu’il y paraît. Ainsi, le manque de réciprocité ou la transgression de la confiance sont des potentialités qui menacent l’équilibre de l’ajustement mutuel. La gestion de cet écueil majeur passe obligatoirement par le contrôle. L’objectif du contrôle est triple :

• s’assurer des interactions réciproques entre encadrant et collaborateurs,

• mesurer l’écart de traitement avec les valeurs ou les règles,

• juger de l’avancée du résultat. De plus, la confiance permet de substituer certains systèmes de contrôle formel (type surveillance inopinée ou à visée coercitive) par des contrôles psychologiques et sociaux (type autocontrôle, et contrôle par les pairs). Le contrôle peut aussi révéler des dysfonctionnements qui forceront le manageur à réorienter le collaborateur. Le traitement de l’erreur doit procéder de la compréhension des facteurs qui y conduisent, et non pas s’engager dans un système exclusif de sanction. Pour preuve, le principe de non pénalisation immédiate de l’erreur a été promulgué pour renforcer l’efficacité de l’administration et instaurer une relation de confiance avec le public52.Les erreurs peuvent être individuelles mais aussi organisationnelles. Percevoir l’erreur comme source d’apprentissage et de progrès amène à donner une vision positive de cette erreur. Avant tout jugement, le manageur intermédiaire doit analyser les caractères de l’erreur suivants : intentionnalité, répétition, défaillances du système. De surcroît, un « test de substitution » (aurais-je agi de la même façon ?) et la prise en compte du biais rétrospectif 53(cf. §1.4.3.3) s’avèrent nécessaires. Mettre en place le droit à l’erreur au sein de l’organisation pousse nécessairement à une responsabilisation des acteurs. Une telle politique conduit à créer un climat de confiance entre salariés et hiérarchie, ce qui amène à définir ce que peut être le management par la confiance.

51 « La confiance existe quand une personne compte sur l’action d’une autre personne jugée apte à répondre à ses attentes et à agir volontairement dans ce sens sans abuser de la situation. » BORNAREL F., (2004), « la confiance comme mode de contrôle social, l’exemple des cabinets de conseil ». Thèse, Université de Paris 12 Val de Marne 52 LOI n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance 53 MOREL C, (2012). Les décisions absurdes II. GALLIMARD éd. p 330(e-book)

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L’action managériale fondatrice du management par la confiance ne repose plus sur un pouvoir décisionnel centralisé mais sur celui d’un collectif responsable. Il va se distinguer du management directif par l’humilité, l’exemplarité, plus de souplesse dans l’application des procédures et la remise en question. Le manageur doit évoluer dans l’image qu’il renvoie. Manager par la confiance, c’est donc accepter de déléguer ou mieux, de laisser décider au bon niveau de compétences, mettre son ego de côté, changer son positionnement hiérarchique.

1.5.2 Pouvoir, autorité, hiérarchie et leadership : les différentes facettes de la perception du manageur

Le pouvoir est une caractéristique relationnelle qui confère à son détenteur « la possibilité d’agir sur d’autres individus ou groupes54. L’autorité est une forme de pouvoir, celui d’être obéi. Nous distinguerons :

• L’autorité formelle représentative du pouvoir attribué par un rapport de forces (supériorité hiérarchique et/ou maîtrise des ressources)

• L’autorité légitime représentative du pouvoir conféré par un jugement de valeurs (influence morale, position sociale comme l’âge)

• L’autorité personnelle représentative du pouvoir rattaché aux influences affectives (sentiments, charisme)

Le manageur doit disposer d’autorité afin de remplir ses fonctions. L’autorité la plus répandue est de nature formelle, généralement conférée par la hiérarchie. Étymologiquement, pouvoir « arkhe/ἀρχή » sacré « hiero/ ἱερός », la hiérarchie institue un ordre de classement des supériorités induites par l’importance du pouvoir. Dans un SIS, le positionnement hiérarchique est concomitant au niveau d’autorité formelle représentatif d’un grade matérialisé par un galon. Le manageur peut mettre en œuvre les quatre différents managements (cf.§1.1.1), mais aussi jouer sur les trois sortes d’autorité sus citées. Suivant la répartition des autorités employées, il ressort deux grandes catégories de dirigeants : le prince et le leader55.

• Le prince se base majoritairement sur l’autorité formelle, use de sa position sociale généralement hiérarchique, au regard de valeurs comme l’ordre et utilise parfois l’autorité personnelle inspirant la crainte comme sentiment directeur.

• Le leader use principalement de l’autorité légitime, avec des valeurs comme l’implication ou l’exemplarité et utilise les sentiments positifs de l’autorité personnelle comme l’altérité ou le charisme.

C’est le leadership, faculté à entraîner les autres, qui est recherché en management collaboratif, la légitimité en tant que fondement du jugement par rapport à des valeurs est un paramètre important à prendre en considération. Au-delà des valeurs rattachées à l’autorité légitime ou personnelle, le leadership est fonction de deux axes : intérêt pour les relations humaines et intérêt pour la production définissant cinq types de leadership suivant le graphique ci-dessous56 :

54 CROZIER M et FRIEDBERG E, (1977). L'acteur et le système, Seuil éd. p. 64 55 ALEXANDRE- BAILLY F, BOURGEOIS D, GRUÈRE J-P, RAULET-CROSET N, ROLAND-LÉVY C, (2013). Comportements humains et management. PEARSON éd. p. 228 56 BLAKE R, MOUTON J, (1987) La troisième dimension du management, Éditions d’Organisation

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Figure N°2 « classification des styles de leadership selon BLAKE R. et MOUTON J. »

1.5.3 Psychologie et management : la raison du plus fort n’est pas toujours la meilleure

Le manageur impliqué à la mise en œuvre de travail collaboratif au sein de ses équipes, de surcroît en développement d’autonomie, est confronté à des interactions sociales permanentes entre agents. Or, ses équipes et lui-même n’en restent pas moins des humains ayant des capacités limitées à appréhender une situation complexe. Malgré la pertinence des principes collaboratifs, diverses limites psychologiques vont s’ériger comme autant de mécanismes de défense face à ce nouveau mode de gestion et aux situations à résoudre. Sans vouloir être exhaustif, deux familles d’effets psychologiques indésirables vont devoir être prises en compte :

• La résistance au changement : les agents vont percevoir un risque relatif à la modification de l’environnement professionnel. Avec la modification du processus de décision et de contrôle, l’encadrant directif ne comble plus le besoin d’être chef et risque donc de compromettre la mise en œuvre de la pratique managériale par excès inverse.

• Les biais cognitifs définis comme « une tendance systématique à s’écarter des calculs rationnels57 ». Dans le cadre du management collaboratif, les biais suivants sont à considérer avec attention :

o Biais de conformité58 : individuellement, c’est la propension à suivre l’avis du plus grand nombre pour s’intégrer socialement. Collectivement (biais de conformisme59), c’est la propension à établir un consensus malgré une évaluation

57 SIBONY O., « vous allez commettre une terrible erreur » Clés des champs éd. p 11

58 HELMREICH R. L., MERITT A. C, (1998). “Culture at work: National, organizational, and professional influences” 59 JANIS I, (1972), “Victims of Groupthink: A Psychological Study of Foreign-Policy Decisions and Fiascoes”, Political Psychology, Vol 12, N°2 (1991), pp.247-278

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réaliste des choix. Ces biais minimisent les principes décisionnels propres à l’intelligence collective.

o Biais d’autorité : c’est la propension à accorder une valeur quasi absolue à l'opinion d'une personne ayant autorité. C’est une conséquence du besoin inconscient d’avoir une autorité légitime, qui permet de se déresponsabiliser et de supporter l’angoisse de la décision. Ce biais réintroduit une notion de scission au sein d’un système qui veut considérer à égalité l’expression et les idées de tous les agents.

o Biais de confirmation 60 : c’est la propension à privilégier les informations confirmant ses hypothèses par rapport à des données extérieures les infirmant. Ce biais constitue une altération importante des principes d’intelligence collective.

o Biais rétrospectif 61 : c’est la propension à juger rétrospectivement de la prévisibilité d’un résultat. Ce biais influe sur le jugement d’une erreur faite et peut impacter le principe du droit à l’erreur et conséquemment saper la confiance avec les collaborateurs.

Ces biais influent sur la prise de décisions et peuvent aboutir à des orientations allant à l’encontre de l’objectif initial. Ainsi, le manageur intermédiaire va devoir user de toute son agilité pour permettre la minimisation de ces biais cognitifs afin de garantir l’atteinte des objectifs ; il en devient le contrepoids par une stratégie de développement très étudiée.

1.5.4 Adapter la stratégie de développement à l’intelligence collective

Le management collaboratif et la culture de l’autonomie, qu’ils relèvent d’une vraie politique de l’entreprise ou qu’ils soient simplement utilisés dans la gestion ponctuelle de projet, impliquent de nombreuses interactions et une collaboration très forte entre les personnels. Ce mode de fonctionnement s’oppose aux modes traditionnels de management. Pourtant, nous avons vu que l’un des rôles de l’encadrement était de développer les compétences et de donner des marges de manœuvre sur un plan collectif pour que les acteurs puissent les mobiliser. Quels sont donc les leviers possibles et les écueils à éviter pour que le manageur intermédiaire puisse faire évoluer les pratiques ? « En qualité de sélectionneur, je n’établis pas la liste des 16 meilleurs joueurs français mais la liste des 16 joueurs capables d’obtenir ensemble le meilleur résultat, l’idéal est d’avoir en permanence un bouillonnement d’idées qui vont permettre de trouver des solutions auxquelles je n’aurais pas pensé, je considère que je suis simplement responsable de l’équilibre de l’équipe et des grands principes, mais tout ce qui relève de la situation de jeu leur appartient 62». Par ces mots, Claude Onesta sélectionneur de l’équipe de France de handball décrit parfaitement le rôle du manageur intermédiaire pour réaliser un choix d’équipe œuvrant en travail collaboratif. Il y a toutefois deux obligations préalables à cette sélection, les agents doivent :

• avoir accepté individuellement le sens collectif de leur mission

60 WASON P. C, (1960), “On the failure to eliminate hypotheses in a conceptual task “, Quarterly Journal of Experimental Psychology 61 FISCHHOFF B, (1975), “Hindsight ≠ Foresight: The effect of outcome knowledge on judgment under uncertainty”. Journal of experimental psychology 62 ONESTA C., (2010) intervention à l’UNECATEF, https://www.innovationmanageriale.com/agilite/les-4-piliers-du-management-collaboratif-les-4c/

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• être convaincus des avantages du management collaboratif : intelligence et qualités individuelles au service du collectif.

L’encadrant opérationnel de cette équipe peut être détecté sur des bases de légitimité et promu. Il peut aussi émerger du collectif et son positionnement de leader en sera conforté.

À ce stade, il est facile de voir que l’autorité conférée par la hiérarchie et le système de recrutement fondés sur une évaluation des performances individuelles de nos institutions pyramidales constitue une limite certaine à l’amélioration de ces pratiques. En conséquence et au regard des difficultés à surmonter, le développement de l’autonomie et du management collaboratif doit constituer une stratégie globale de l’organisation. L’institution doit œuvrer dans tous les domaines à modifier les caractéristiques du management traditionnel. S’inscrire dans un mode global de management collaboratif nécessite l’acquisition de compétences. Ces compétences peuvent être acquises par la pratique, le plus souvent de façon empirique ou par la formation.

1.5.4.1 Formation aux compétences managériales et à l’autonomie La tendance actuelle est à la responsabilisation des agents : ils doivent devenir acteurs de leur formation et non plus passifs. Néanmoins, de nombreux types de formation cohabitent toujours : enseignement théorique, formation – évaluation en présentiel ou à distance, approche par les compétences, mises en situations pratiques, apprentissage organisationnel63 ou encore utilisation de principes d’amélioration continue comme le Retour d’Expérience (RETEX). L’acquisition de compétences devant être fondée sur la coopération, la diversité, l’expression libre, la coresponsabilité et l’équité, elle nécessite énormément d’interactions pas toujours réalistes, limitant ainsi les actions de formation. Le management ne doit pas résulter d’une pratique empirique et être réduit au rang d’indicateur. La formation reste un axe majeur de développement du management et de l’autonomie qui doit se baser sur l’apprentissage organisationnel et sur l’amélioration continue. Notons toutefois la tentative de formation-action réalisée par le SDIS71 en mars 2012. La formation-action est un apprentissage mutuel entre acteurs-apprenants et chercheurs-enseignants, car la réalité n’est jamais totalement maîtrisée. L’objectif de cette formation est de donner à chacun des acteurs une place au sein d’un collectif « a-hiérarchique » pour résoudre des problématiques sans solutions connues64. Il nous semble nécessaire de faire un aparté sur la formation à l’autonomie professionnelle : les manageurs intermédiaires devront savoir positionner leurs collaborateurs suivant les quatre niveaux du cycle de l’autonomie65 : dépendance, contre-dépendance, indépendance et interdépendance. En premier lieu, la dépendance caractérise la phase où le collaborateur doit apprendre de nouvelles techniques, développer sa connaissance du métier, et se faire accepter par le groupe. À ce stade, le manageur peut le rassurer sur sa situation et en lui indiquant la suite du processus d’apprentissage. Il doit l’encourager à engranger des connaissances et à passer à l’action. Dans la contre-dépendance, le collaborateur va tester les limites du système, prendre d’autres avis, voire s’opposer aux décisions de son supérieur en s’appuyant sur sa propre 63 ARGYRIS, Chris (2003), « A Life Full of Learning », Organization Studies, Volume 24, N°7, pages 1178-1192. 64 LIU M., RIEDEL M., MARLOT M. (Col), (2014) « Santé au travail : bilan et perspectives d’une recherche/action. » 65 SYMOR N. K., (1983) « Le cycle de la dépendance », Éditions AAT

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expérience. Le manageur doit alors accepter les doutes de son collaborateur tout en rappelant les règles de base qui permettent au groupe de fonctionner collectivement. Le stade de l’indépendance permet au collaborateur de pouvoir tester ses propres solutions dans un contexte réel. Les erreurs à cette étape font partie du processus et lui permettent de mettre en place des corrections et ajustements nécessaires. Le manageur doit s’attacher à limiter cette phase et à indiquer le sens des actions collectives menées plutôt que la façon d’y parvenir. Enfin, l’interdépendance est une phase où le manageur et le collaborateur acceptent l’autre avec ses similitudes et ses différences et se font confiance Ils combinent leurs talents et leurs capacités, avec ceux de l’autre pour obtenir de meilleurs résultats. L’indépendance est une phase obligatoire qu’il convient de surveiller et de limiter au profit de l’interdépendance qui demeure le sens profond de l’autonomie.

1.5.4.2 Autonomie professionnelle, qualité de vie au travail et management collaboratif La qualité de vie regroupe les méthodes d’organisation « permettant de concilier les modalités de mise en œuvre de l’organisation du travail et de vie pour les salariés et la performance collective de l’entreprise 66». Cette notion a été traduite suivant le schéma suivant :

Figure N°3 « Boussole Qualité de vie développée par le réseau ANACT pour la HAS »

Autour des 6 axes majeurs retenus par L’ANACT, nombreux sont ceux reliés directement aux principes du management collaboratif comme la flexibilité ou le sens du travail. L’autonomie y est directement citée comme critère de la QVT. La qualité de vie au travail répond à un des piliers du management collaboratif : la convivialité. Définie comme le caractère positif et agréable des relations entre les personnes, elle ne s’attache donc qu’aux interactions sociales et présente des avantages certains : « La convivialité [….] permet d’oser verbaliser les problèmes[….]de débriefer des problèmes sans barrière hiérarchique ou organisationnelle67 ». Mais elle comporte une connotation festive moins adaptée au monde du travail. La déclinaison de la QVT inclue plus de concepts professionnels dont l’importance des relations managériales et la conciliation des temps.

66 ACCORD national interprofessionnel du 19 juin 2013 « Qualité de vie au travail » 67 MOREL C, (2018). Les décisions absurdes III. GALLIMARD éd. p 192

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CHAPITRE II : DE L’APPLICABILITÉ DES THÉORIES MANAGÉRIALES DANS LES INSTITUTIONS HIÉRARCHISÉES 2.1 Les problématiques en lien avec la gouvernance, les aspects cognitifs et la stratégie de développement.

Suite à nos recherches théoriques, plusieurs aspects relatifs à notre sujet ont émergé : • La gouvernance au travers des principes de décisions collectifs. • La stratégie de développement en lien avec les principes d’amélioration continue

(apprentissage organisationnel) et l’importance de la convivialité au sein du management.

• La prise en compte des aspects cognitifs en lien avec les interactions entre encadrants et les collaborateurs

Au regard des 3 domaines précédents, nous avons dégagé les quatre problématiques suivantes :

2.1.1 Relative à la gouvernance

Le positionnement hiérarchique (dont la hiérarchie) apparaît de nos jours comme une contrainte plus qu’un outil au sein de l’organisation. De nombreux signaux faibles montrent que l’autorité formelle n’est plus légitime, de surcroît, il est notable que le management directif n’est plus le seul management adapté, au regard de l’évolution de nos sociétés. Cette structuration de l’encadrement historique et social influe plus particulièrement sur le pouvoir décisionnel. Elle contrarie a priori le développement de l’autonomie professionnelle et du management collaboratif, ce qui nous amène aux questionnements suivants : L’atténuation de la hiérarchisation au sein d’une institution est-elle nécessaire pour améliorer globalement le processus de décision : adaptabilité, fiabilité et imputabilité ? Le terme de « hiérarchie » ne s’oppose-t-il pas intrinsèquement aux principes de travail collaboratif ? Quelles sont les limites à surveiller et les précautions à prendre dans cette démarche afin de conserver les repères et les valeurs propres au SIS ? D’où l’hypothèse suivante :

• HYPOTHÈSE 1 Pour améliorer collectivement la performance, la posture des décideurs doit évoluer d’un positionnement hiérarchique vers celui d’encadrant.

2.1.2 Relative aux aspects cognitifs

Dans nos institutions hiérarchisées, inspirées des principes militaires, le ressenti des collaborateurs (subordonnés) vis-à-vis de l’encadrement est clairement défini : l’autorité (le pouvoir d’être obéi) est basée sur un rapport de force essentiellement réglementaire et hiérarchique. L’accès à la connaissance, l’évolution générationnelle et les capacités de refuge amenuisent considérablement les possibilités conséquentes de l’autorité formelle. Afin de soutenir le manageur intermédiaire dans ses missions, il est nécessaire de faire évoluer son autorité de la position de « prince68 » à celle de leader. Pour cela nous avons produit ces interrogations :

68 ALEXANDRE- BAILLY F, BOURGEOIS D, GRUÈRE J-P, RAULET-CROSET N, ROLAND-LÉVY C, (2013). Comportements humains et management. PEARSON éd. p. 228

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Comment affirmer l’autorité de l’encadrant sans s’appuyer sur l’autorité formelle ? Quelle perception auront les collaborateurs de cette évolution ? Nous en tirons notre

• HYPOTHÈSE 2 : Les aptitudes à se faire obéir en se basant sur des formes d’autorités non formelles, au sein d’une institution hiérarchisée, sont compatibles avec les missions du manageur intermédiaire.

2.1.3 Relatives à la stratégie de développement

La pratique du management doit être situationnelle et se baser sur la maîtrise des quatre types de management en fonction de l’autonomie des collaborateurs. Si les connaissances théoriques sur les types de management sont relativement répandues, leur pratique manifeste des lacunes importantes. La ligne et l’autonomie managériale sont le plus souvent empiriques et indépendantes de la volonté de l’organisation. Il en résulte ces réflexions : Comment mettre en œuvre les managements voulus par la structure de façon concertée et objective ? Est-il possible d’améliorer significativement la pratique du management dans nos structures ? Ces remarques nous conduisent à formuler l’hypothèse ci-dessous :

• HYPOTHÈSE 3 : L’apprentissage du management dans les institutions hiérarchisées doit être révisé et suivi. La convivialité semble être un facteur majeur du management collaboratif, et par certains aspects influer sur l’autonomie de l’entité. Au travers de notre étude, nous avons vu que la QVT était en étroite connexion avec la convivialité, concept plus en adéquation avec le monde professionnel. Nous avons donc voulu savoir : Dans un cadre professionnel hiérarchisé, la convivialité est-elle la notion idoine pour contribuer au management collaboratif et à l’autonomie ? Quelles interactions est-il possible de réaliser entre QVT, management collaboratif et autonomie professionnelle afin de les améliorer conjointement ? Quelles sont les limites à observer afin de conserver une stature à la fois professionnelle et représentative de nos SIS ? De ces considérations, nous énonçons l’hypothèse suivante :

• • HYPOTHESE 4 : Le développement des aspects de la QVT en relation avec le travail collaboratif et l’autonomie permet une évolution favorable des pratiques managériales 2.2 Des interactions verticales impliquant une enquête à différents niveaux d’encadrement.

Les apports théoriques de notre travail nous ont démontré que le management était constitué d’interactions incessantes entre les agents, et ceci quel que soit leur positionnement au sein de l’organisation. Il nous est donc apparu opportun de mener notre enquête sur chacun des trois niveaux d’encadrement afin de valider ou d’invalider nos hypothèses, à savoir le niveau stratégique, intermédiaire et opérationnel. Pour le niveau d’encadrement intermédiaire, la proximité avec nos collègues des trois promotions de FAE de chef de groupement 2020 représentait une opportunité que nous avons exploitée en réalisant une enquête à vocation de diagnostic. Dénommé « votre avis nous intéresse » (cf. annexe N°5), ce questionnaire succinct est relatif à la situation actuelle du management collaboratif et de l’autonomie professionnelle dans les SDIS. Ce questionnaire a été transmis par

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courriel à nos 85 collègues en formation. Un « phoning » supplémentaire a complété les réponses obtenues informatiquement. Nous avons ainsi pu collecter 44 réponses en lien avec notre thème de mémoire et aussi repérer les personnes référentes en management dans les différents SDIS. Les résultats obtenus sont présentés au paragraphe 2.3.1. Ces retours ont permis d’identifier le SDIS de la Moselle comme étant un SDIS globalement impliqué dans le management collaboratif. Nous avons ensuite décidé de vérifier nos hypothèses au moyen d’entretiens individuels semi directifs au sein d’organisations impliquées dans le management collaboratif ou l’autonomie. Ces entretiens ont été élaborés à destination de manageurs stratégiques et se veulent reproductibles afin de réaliser une analyse axiale et quantitative des propos retranscrits (cf. annexes N°6 à N°10). Nous avons veillé à éviter qu’il soit possible de répondre à une question par « ça dépend » et ainsi obtenir une analyse pertinente et un positionnement clair de la part de nos interlocuteurs. Ces questions ont été regroupées dans un « guide d’entretien » (cf. annexe N°11). Ce guide précise les domaines généraux à couvrir, des questions générales, des sous-questions plus précises, des pistes de relance. Nous avons souhaité ne pas orienter nos interlocuteurs mais pouvoir animer la discussion en cas de divergences, ou de blocage. La transcription faite sur la base de l’enregistrement audio phonique a été soumise à la validation de chacun de nos interlocuteurs. Nous avons fait ensuite valider la réalisation de ce questionnaire d’entretien par monsieur Marc Riedel, directeur général de AUM BIOSYNC. AUM BIOSYNC « nous veillons sur ceux qui veillent sur vous 24h/7j » est une société d’expertise en rythmes biologiques, systèmes complexes, algorithmes hautes performances et intelligence artificielle. Monsieur Riedel a été enseignant chercheur et a travaillé au SDIS 71 sur la santé au travail. Afin d’élargir au maximum notre champ de vision, nous avons sélectionné des structures très diverses dans leur statut, une entreprise para publique de service, une entreprise privée d’agroalimentaire, un SDIS et une branche spécifique du ministère des armées. Les entretiens individuels semi-directifs ont donc été réalisés avec :

• Monsieur Damien Sénégas, directeur d’établissement Lozère chez la poste BSCC (Branche Services-Courriers-Colis) à Mende (Lozère). Cet établissement compte 200 personnels, 60 % de contractuels et 40 % de fonctionnaires. Monsieur D. Sénégas se positionne en tant que manageur stratégique sur son établissement. Nous avons choisi la poste à l’issue de l’intervention de M. Pierre Agullo, ancien directeur qualité de la POSTE. Ce dernier nous a particulièrement sensibilisé sur l’évolution du management dans une entreprise confrontée à de nombreux changements. Nous avons pris une attache locale pour obtenir une taille comparable entre les organisations retenues.

• Monsieur Philippe Rident, Directeur des Ressources Humaines de la société Valrhona qui compte plus de 1 000 collaborateurs en France et dans plusieurs pays. Le siège social de la société est à Tain-l’Hermitage (Drôme). L’activité de la société Valrhona est la fabrication de cacao, de chocolat et de produits de confiserie. Les valeurs de l’entreprise sont : passion, engagement, excellence. Depuis 2010, Valrhona figure dans le top des Great Place To Work qui référence les entreprises françaises de plus de 500 collaborateurs où il fait bon travailler (20ième en 2020, 13ième en 2018 et 2019, 12ième en

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201669). Leur culture d’entreprise atteste de leur volonté d’intégrer la dimension humaine et l’autonomie au sein de leur management70.

• Le Colonel François Vallier, DDSIS 57 à Metz. Le SDIS 57 est un SDIS de catégorie A. Le SDIS compte 650 SPP, 4179 SPV, 209 SSSM et 115 PATS et réalise près de 74 000 interventions par an. La valeur de créativité a été choisie par les élus du CASDIS afin d’apporter des solutions innovantes. Ce SDIS a été sélectionné en raison de ses réponses détaillées à notre questionnaire-diagnostic qui démontrent une volonté d’engagement dans le management collaboratif.

• Le Major A.P. adjoint au chef de bureau RH au Centre de Parachutiste d’Instruction Spécialisée (CPIS) de Perpignan. Le CPIS recrute, à l’issue d’une sélection extrêmement difficile, les personnels destinés à opérer en zones de crise. Le choix préalable des opérationnels est réalisé par d’anciens agents opérationnels sans distinction de grade. Le CPIS est rattaché au service Action, unité militaire secrète de la Direction Générale de la Sécurité Extérieure (DGSE). Les missions réalisées par ses agents ne sont jamais reconnues par la République française, en cela l’autonomie de ses personnels est poussée à l’extrême. En situation administrative, les agents du CPIS ne portent ni uniforme ni galons et se tutoient afin de cultiver cette autonomie.

Nous avons également rencontré, Monsieur Emmanuel Abord de Chatillon, sur les conseils de notre directrice de mémoire. Monsieur E. A. de Chatillon, professeur des Universités, est un enseignant-chercheur. Le professeur E. A. de Chatillon enseigne et réalise des recherches dans

différentes disciplines : ressources humaines, management des organisations et management public. Il a réalisé plusieurs ouvrages et publications sur la santé au travail, les risques psychosociaux. Notre rencontre, qui n’a pas suivi le processus de l’entretien semi directif a été un échange autour des termes de notre sujet et nous a permis de confronter la théorie à la pratique. Les manageurs opérationnels ou de proximité sont au cœur du système de production. C’est auprès d’eux que nous avons voulu vérifier nos hypothèses. En tant que relais de la politique globale de management, :

• Comment perçoivent-ils la notion de travail collaboratif sur un sujet complexe ?

• Sont-ils en mesure de mettre déjà en œuvre des processus de décision collective ?

• Quels obstacles comportementaux vont surgir ? Pour répondre à ces interrogations, nous avons donc imaginé un principe, celui de l’entretien collectif. Les données à récupérer devront pouvoir être analysées selon des tableaux quantitatifs (cf. annexes N°11 à N°21). Pour être en corrélation avec les manageurs stratégiques, les questions et un choix de réponses imposées sont fondées sur les mêmes orientations que celles du « guide d’entretien ». L’enquêteur doit observer les critères comportementaux des participants et renseigner deux grilles, analyse comportementale et dynamique de groupe (cf. annexes N°22 et N° 23). Ce principe peut s’apparenter au principe de recherche / action, qui nous permet de rester en contact avec le terrain. Pour accroître encore la compréhension de ces différents phénomènes au sein d’une institution hiérarchisée, ces entretiens collectifs seront restreints à nos 4 SIS.

69 VEYSSIERE M et ROBEVEILLE R., (2016). A la poursuite du facteur humain. GERESO éd 70 « Chez Valrhona, un chocolat n’est véritablement extraordinaire que lorsqu’il apporte du bonheur à tous, y

compris ceux qui y travaillent chaque jour. C’est pourquoi il est primordial d’entretenir leur implication, de développer leurs talents, leur autonomie et leur esprit d’entreprendre, afin que tous continuent d’être

passionnément engagés vers l’excellence ». https://fr.valrhona.com/culture-dentreprise

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Cette démarche innovante ayant été validée par notre directrice de mémoire, nous l’avons testée sur 6 Lieutenants de 1ère classe en formation à l’ENSOSP. Leurs interrogations et leur retour d’expérience ont permis d’affiner le processus réglementaire de questions/réponses, et d’appréhender les aspects comportementaux à déterminer. Ces jeunes officiers, par leurs échanges et leurs partages ont validé cet exercice sous la forme actuelle. Ils ont attiré notre attention sur le fait que le groupe test devait être en nombre impair pour éviter un blocage décisionnel, sur le positionnement de l’enquêteur en tant qu’animateur interprète et sur la nécessaire diversité des âges et des statuts. Nous avons donc organisé 4 entretiens collectifs auprès du panel suivant :

• Un chef de service SPP, un chef de service PAT, un chef de CIS SPV, un sous-officier SPP et un sous-officier SPV.

Au-delà de cette représentativité, il est aussi souhaitable d’obtenir une mixité homme femme au sein du panel. Compte tenu du contexte de COVID-19 et de notre éloignement géographique les uns des autres, les entretiens individuels ont été réalisés en visioconférence et/ou en présentiel pour partie lorsque cela était possible.

2.3 Éclairage et apports managériaux de nos entretiens et questionnaires 2.3.1 Votre avis nous intéresse

Sur les 85 officiers de la formation de chef de groupement 2020 à qui nous avons transmis notre questionnaire « votre avis nous intéresse » (cf. annexe N°5). 44 nous ont répondu, soit 52 % de participation. Composé de 3 questions fermées dont une à choix multiples et de 3 questions ouvertes, ce questionnaire est volontairement succinct afin d’augmenter notre taux de participation. Destiné au départ à réaliser un diagnostic, ce questionnaire rempli au travers de nos relances téléphoniques nous a permis de recueillir des observations quantitatives et qualitatives. Nous avons aussi préféré adjoindre deux précisions, une relative au manageur intermédiaire et une autre relative au management collaboratif pour pousser à son incrémentation. La première question doit nous renseigner sur la perception que se font nos collègues de promotion du “manageur intermédiaire” « Le chef de groupement est-il un manageur intermédiaire ? » (selon la définition proposée par la DGAFP):

● Oui : 75 % (33 réponses) ● Non : 11 % (5 réponses) ● Autres : 14 % (6 réponses)

La réponse clairement affirmative peut s’expliquer par la similitude entre l’étagement proposé dans la définition de la DGAFP et la stratification “classique” d’un SIS avec les membres du comité de direction en manageurs stratégiques, les chefs de groupements en manageurs intermédiaires et les chefs de centre ou de service en manageurs opérationnels. Les “autres” réponses citent le chef de groupement comme un manageur stratégique, cette perception est plus fréquente dans les SDIS de catégorie C. Nous pensons que cette perception est liée à la taille de la structure et au nombre d’agents qui imposent aux chefs de groupement de renforcer les capacités du comité de direction, et par répercussion de laisser la déclinaison aux chefs de service. Á l’opposé se trouvent les réponses négatives, qui voient dans les missions du chef de groupement surtout une mise en application. Il est possible d’y voir les effets des

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groupements dits de “pilotage”. Nous notons aussi dans les réponses négatives, les interrogations suscitées par l’apparition des pôles, ou des sous-directions qui instaurent une strate supplémentaire et perturbent d’autant nos collègues de promotion dans leur perception du niveau de manageur intermédiaire. Cette question nous montre que les futurs chefs de groupement se retrouvent dans la définition faite du manageur intermédiaire, mais que ce positionnement peut varier à cause de facteurs territoriaux ou organisationnels, obligeant le chef de groupement, soit à recentrer ses missions, soit au contraire à les élargir, augmentant ainsi la complexité de son rôle. La seconde série de questions axées sur le management collaboratif, doit nous apporter des éléments formels sur son utilisation au sein des SIS mais aussi sur le ressenti qu’en font les futurs chefs de groupement. « Votre SDIS pratique-t-il le management collaboratif ? Si oui sous quelle forme. »

● Oui : 77 % (34 réponses) ● Non : 23 % (10 réponses)

Figure N°4, « votre SDIS pratique-t-il le management collaboratif

La réponse affirmative est nette, et démontre l’intérêt que portent aujourd’hui toutes les structures dont les SDIS, à l’utilisation du management collaboratif. La question ouverte et conséquente, nous éclaire pour savoir dans quelle mesure ce management est pratiqué. La majeure partie l’utilise de façon ponctuelle ou en mode projet. Un nombre très faible (2), dont le SDIS57, affirme l’appliquer en ligne managériale globale. Les différents objectifs liés à ces pratiques ponctuelles sont :

● augmenter la transversalité, ● tirer profit des principes d’intelligence collective dont la créativité et l’adaptabilité au

travers d’outils collaboratifs, ● résoudre des problématiques sans solution connue, ● améliorer la communication entre tous les agents, y compris en dialogue social.

L’ultime question sur le management collaboratif : « Comment percevez-vous le management collaboratif ? » ne comptabilise que 26 réponses, ce qui ne représente que 76% des réponses positives à l’utilisation de ce type de management. Près d’un quart des agents qui le pratique n’a pas d’avis suffisamment marqué sur ce sujet pour nous en faire part. Pour les réponses obtenues, les commentaires suivants sont retranscrits in extenso dans la liste ci-dessous :

● outil de management parmi d’autres, adapté à certaines situations, adapté à certaines personnes plus qu’à d’autres.

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● quelquefois utilisé, mais vient perturber le fonctionnement hiérarchique. ● mode de fonctionnement permettant le droit à l’erreur. ● permet la reconnaissance et la motivation. ● très enrichissant et particulièrement valorisant pour les collaborateurs opérationnels ● une véritable chance pour l’émergence de l’intelligence collective et la motivation des

personnels. Intéressant dans le management des nouvelles générations. ● pas incompatible avec une organisation hiérarchisée. ● ce management devrait être développé et utilisé davantage. ● permet de favoriser l’intelligence collective, suscite l’adhésion des personnels et donne

du sens au travail. ● favorise l’expression des idées, demande du respect, permet de progresser, permet de

trouver des solutions face à des problèmes. ● bonne dynamique de groupe, mais la recherche de consensus fait perdre beaucoup de

temps. ● favorise l’innovation dans la prise de décision, la multiplicité d’idées par une expression

libérée. ● permet d’augmenter la performance des équipes

● complexe à mettre en place dans une organisation hiérarchisée et avec différents statuts (SPP, SPV, PATS)

● management qui s’invite dans le fonctionnement de certains SDIS et perturbe le fonctionnement hiérarchique traditionnel. Type de management attendu par un nombre croissant d’agent qui attend une meilleure prise en compte de son point de vue, qui attend de la reconnaissance et une implication plus grande dans le fonctionnement de l’organisation.

● ce management prend beaucoup de temps à une époque où l’on attend tout et tout le temps !

Au-delà des objectifs favorables déjà précisés dans la forme d’utilisation et qui sont très majoritairement rappelés dans ces remarques, nous retiendrons une caractéristique essentielle : l’aspect conflictuel de ce management au sein d’un SIS. La dimension négative de ces commentaires s’appuie généralement sur l’inadéquation entre management collaboratif et hiérarchie et la complexité de mise en œuvre, ce qui renforce dans l’étude nos hypothèses N°1 et N°2, et tend déjà à les atténuer. La question « Quelle autonomie laissez-vous à vos collaborateurs ? » doit nous permettre d’apporter des précisions sur diverses caractéristiques de l’autonomie au travers des 4 possibilités suivantes : « Dans votre management, majoritairement, vous : 1. donnez des consignes précises sur les résultats et la méthode avec des points de contrôles

réguliers et à court terme 2. dialoguez d’égal à égal, soutenez votre collaborateur sur sa demande en prenant en compte

ses idées ?

3. suscitez des questions sur les causes des résultats et donnez de l’autonomie sur la méthode avec un contrôle à moyen terme ?

4. définissez les résultats attendus, la forme et le rythme du contrôle, en aidant et en partageant la responsabilité ? »

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Figure N°5, « Quelle autonomie laissez-vous à vos collaborateurs »

Le choix 1 ne constitue pas une véritable autonomie comme nous avons pu le montrer dans notre analyse théorique. Presque tous les commentaires verbaux s’attachent à nous indiquer l’attention que nos homologues portent pour laisser une « grande » autonomie à leurs collaborateurs et effectivement, ce choix est très minoritaire. Les possibilités N°3 et N°4 sont orientées respectivement sur une volonté de développement de l’autonomie professionnelle et sur le principe du contrôle, deux composantes que nous avons explorées dans notre partie théorique. Ces réponses accumulent 66% soit les deux tiers des réponses. La réponse N°2 qui est celle qui détermine le mieux le « lâcher prise » propre à la caractéristique d’interdépendance d’un collaborateur. Ces proportions laissent penser que plus des deux tiers des manageurs interviewés, issus de la FAE chef de groupement, s’ils indiquent laisser une « grande autonomie » à leurs collaborateurs, montrent des incertitudes relatives à l’autonomie, soit dans la méthode d’acquisition, soit sur le niveau à obtenir pour arriver à l’interdépendance. Par ailleurs, les autres commentaires récoltés mentionnent plus volontiers le domaine de la mise en œuvre, ou de l’initiative. L’autonomie de finalité est quasiment absente des remarques avec des objectifs définis le plus souvent unilatéralement. Pour conclure sur ce diagnostic les résultats à la question « Pouvez-vous nous indiquer une personne référente en management dans votre SDIS ? », près d’un tiers soit 34% (15 réponses) n’en sont pas capables, ce qui constitue une véritable problématique. La définition d’une ligne managériale est rarement présente, confirmant ainsi nos théories sur l’autonomie managériale. Alors que l’activité managériale représente une part importante de nos missions. Dans nos établissements, le management est pratiqué de façon souvent empirique et rarement pensé de façon stratégique. Nous verrons quelles solutions, il est possible d’apporter au travers de l’étude des hypothèses N°3 et N°4 à cette problématique. Il est temps de passer à une analyse conjointe des niveaux supérieurs et subalternes au notre pour préciser les limites de nos hypothèses.

2.3.2 Notre version commentée des entretiens et recommandations afférentes

Pour la suite des deux prochains paragraphes, les questions de l’entretien collectif seront numérotées QX, X désignant le numéro de la question.

5%

29%

31%

35%

Quelle autonomie laissez-vous à vos collaborateurs?

Question 1

Question 2

Question 3

Question 4

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2.3.2.1 Modification de la directivité individuelle au profit du travail collectif. Hypothèse N°1

Pour exploiter les données de nos entretiens, nous avons défini une échelle de « directivité du management » tirée de nos recherches littéraires et axée selon le degré d’imposition d’une volonté individuelle au groupe. Cette échelle s’applique dans le cadre professionnel. Nous retrouvons en limite la hiérarchie (cf.§ 1.3.4.2), ce pouvoir d’imposition est d’inspiration uniquement formelle : positionnement hiérarchique qui peut conférer au supérieur du groupe une capacité réglementaire dont ne disposent pas les autres membres (exemple : pouvoir de sanction). À l’opposé, l’encadrement est ici défini comme l’observation des actions d’un groupe par un individu avec pour seule interaction avec celui-ci, le fait de veiller au respect de limites règlementaires ou éthiques. Le groupe est donc en autogestion, l’encadrant étant au mieux « un garde-frontière ». Nous outrepassons ainsi M. EADC dans son interprétation de l’encadrement « Quand on parle d’encadrement et de sa performance, on parle de sa capacité à favoriser les collectifs de travail et les faire fonctionner.71 ». Toutes les positions intermédiaires sont fonction du niveau de directivité utilisé.

Figure N°6 Échelle de directivité du management

Nous avons ensuite réalisé une analyse quantitative et qualitative de nos entretiens. La première étude quantitative des entretiens individuels, donne les résultats suivants :

Nombre de citations en faveur de la hiérarchie

Nombre de citations en faveur de l’encadrement

20 56 23% 77%

Tableau N° Hypothèse N°1 comparaison du nombre de citations entre hiérarchie et encadrement

Les références obtenues donnent le classement de directivité en fonction des organisations suivant : (M. EADC est présent pour mémoire dans ce graphique même si son entretien n’est pas parfaitement reproductible au regard des 4 autres)

71 M. EADC, professeur des Universités, entretien p82

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Figure N°7 Classement des organisations étudiées en fonction de leur directivité relative

Les références notées sont l’expression du souhait de management à pratiquer, et non le management pratiqué. Les premiers résultats démontrent une volonté claire de faire évoluer le management vers plus d’encadrement, y compris au sein d’une institution hiérarchisée : la différence entre hiérarchie et encadrement est une valeur toujours positive. Cette constatation est sans doute conséquente à notre choix de structure. Il est toutefois notable de remarquer que les entreprises privées et parapubliques obtiennent une différence identique de + 5, alors que le CPIS est à +1 et le SDIS 57 à +18, donc un rapport de facteur 3 entre les niveaux de directivité voulue. Cette observation signale la complexité entre hiérarchie et encadrement d’autogestion au sein d’institutions hiérarchisées. Ces difficultés seront traitées ultérieurement. Une analyse qualitative pondérée au sein des entretiens individuels est consignée dans le tableau suivant :

Concept en relation avec l’hypothèse N°1

Nombre de citations dans les entretiens individuels

Explicitation possible en entretien collectif

Tendance à exercer l’autorité formelle 8 14

OUI Q2 Crainte sur l’utilité de son emploi 6 OUI Q5

Le manageur doit décider 10 OUI Q1 Q2 Q10 Q6 Le manageur doit contrôler 7 OUI Q9

La remise en cause est nécessaire 7 NON Le management directif est nécessaire 6 NON Le management doit être situationnel 5 NON

Tableau N°2 Analyse qualitative hypothèse N°1

D’autres réflexions sont citées mais ne comportent jamais plus de deux répétions : Ces différents thèmes sont ensuite croisés avec un examen qualitatif de nos entretiens collectifs (dernière colonne du tableau numéro…). Il ressort que tous les thèmes ayant capitalisé au moins 7 citations sont exploitables au travers des entretiens collectifs à l’exception de « la remise en cause ». Ce thème n’est pas

Hiérachie

Encadrement

0

5

10

15

20

CPIS La Poste Valrhona M. EADC SDIS 57

Classement des organisations étudiées en fonction de leur directivité relative

Hiérachie Encadrement

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spécifiquement abordé dans le questionnaire collectif mais il importe que nous l’abordions par la suite afin d’apporter des précisions à notre hypothèse numéro 1. Le premier des thèmes est lié à la posture du manageur (14 références au total). En Q5, un des SIS signale un comportement humain inadapté, si cela ne peut être spécifiquement rattaché aux manageurs, mais aussi potentiellement aux collaborateurs, nous pensons que cette posture relève néanmoins du « besoin d’être chef ». Ce besoin relié à la psychologie de l’individu est solidement ancré la plupart du temps culturellement ou instinctivement. Il est donc une composante extrêmement difficile à modifier. De plus, il s’appuie sur l’autorité formelle, conférée par le positionnement hiérarchique traduit dans les SIS par le grade. Cette posture inconsciente nous est toujours présentée comme un facteur négatif de l’évolution vers plus de collaboration afin d’améliorer le travail collectif : « on assiste à une résistance de la part de certains encadrants »72. Ces propos tendent à confirmer notre hypothèse N°1. L’exercice de la pratique décisionnelle est au cœur de nos questionnaires. Les entretiens individuels montrent tous la nécessité d’en passer par la directivité pour arbitrer, sous plusieurs conditions (exigence de rapidité, intention incomprise ou indivulgable, absence de décision collective nette, danger du consensus). Ils indiquent tous aussi une potentielle participation à la décision comme un principe d’intelligence collective visant à accroitre la fiabilité et l’imputabilité des responsabilités. Les entretiens collectifs sont nuancés voire paradoxaux. La prise de décision est perçue comme une mission d’importance croissante en fonction du rang hiérarchique (Q1) ; pourtant en Q2, l’absence d’autorité supérieure est un élément défavorable (6ème position sur 22 choix) mais dans la même question la hiérarchie n’est pas citée comme facteur d’influence. La Q10 positionne la hiérarchie et l’autorité en dernière position (0 pt). La subsidiarité est quant à elle une notion inconnue (Q6, Q10). La perception de la pratique décisionnelle est donc très controversée entre ces deux strates de management. Il est envisageable que dans une institution hiérarchisée comme les SIS, les manageurs de proximité imprégnés de directivité soient partagés entre, d’un côté, fatalisme et confort de déresponsabilisation, et de l’autre, bénéfice d’une prise de décision partagée. Nous retiendrons donc que la prise de décision peut varier du directif au collaboratif sous certaines conditions. Sa composante directive est indispensable et constitue un repère fort dont l’absence peut engendrer un certain nombre de risques au sein des SIS. Notre hypothèse est donc partiellement infirmée par cet aspect. L’utilisation du contrôle fait lui aussi controverse. En Q9 les entretiens collectifs positionnent en premier choix le second niveau de directivité sur 6 (planification en points d’étapes formalisés pour l’action de contrôle) et en second choix, le troisième niveau de directivité (possibilité d’une co-construction des modalités de contrôle). Les entretiens individuels débattent quant à eux des modalités du contrôle : actions correctrices ou non, potentialité de co-construction du contrôle. L’entité qui détient le pouvoir de contrôle varie aussi : supérieur hiérarchique, autocontrôle, autorégulation collective ou encore organisme extérieur. L’ensemble de ces paramètres prouvent que l’activité de contrôle n’est pas l’apanage de la hiérarchie et que cette activité doit évoluer vers différentes formes dans les SIS. Cette déconnexion entre contrôle et hiérarchie permet de confirmer notre hypothèse n°1.

72 M. D. SÉNÉGAS, Directeur d’établissement la POSTE Lozère, entretien p81

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Le dernier des thèmes est celui de la remise en cause, citée 7 fois au cours des entretiens individuels. Cette capacité d’amélioration collective ne peut pas être exprimée au travers des entretiens collectifs. Mais déjà, sur un plan étymologique, la remise en cause est antinomique à la hiérarchie. En effet, « le sacré » en tant que devoir de respect absolu s’arrange assez mal du principe de remise en cause. La directivité hiérarchique ne se basant que sur l’autorité formelle (pouvoir), n’est légitimée qu’à travers elle. Toute action de remise en cause de cette autorité formelle compromet ainsi cette légitimité et impacte d’autant le socle de la hiérarchie. En cela, la remise en cause s’approche de la « posture du manageur » et confirme la nécessité d’évolution du positionnement hiérarchique vers celui d’encadrement. « La réalité, c’est qu’on a un blocage qui relève de la sauvegarde individuelle, finalement, et la « non volonté » de remise en cause de nos cadres, qui pensent : je suis chef donc je ne peux pas être contesté dans ma fonction de chef !73 » L’examen de ces 4 thèmes laisse à penser que les SIS, en tant qu’institutions hiérarchisées, gagneraient à diminuer fortement leur degré de directivité. Pourtant, le thème de la prise de décision appelle déjà notre attention et de surcroît, les entretiens individuels ne font pas état de moins de 15 références aux risques liées à cette évolution ou à la difficulté de mise en œuvre. Ces références qualifient par 2 fois (M. EADC – SDIS57) de schizophrénique, le passage du manageur de la directivité opérationnelle au travail collaboratif. La confusion devient possible et expose à la perte d’efficacité opérationnelle. La perte de repères devient aussi un risque majeur de cette évolution. Ces diverses remarques rendent ainsi notre hypothèse N°1 beaucoup moins péremptoire et comme le souligne M. P. Rident, DRH de Valrhona : « L'équilibre entre directivité et autonomie est difficile à trouver74. ». Notre hypothèse N° 1 n’est donc corroborée qu’en prenant actuellement en compte les spécificités des SIS. La préconisation relative à notre hypothèse devient donc :

Certaines pratiques de management doivent être dé corrélées du positionnement hiérarchique du SIS pour améliorer collectivement la performance.

La concrétisation de cette préconisation se traduira en 3 points : Le premier, le plus important, est celui qu’il conviendrait de réaliser car il agit à la fois sur la posture des manageurs, la responsabilisation des collaborateurs et l’évolution des mentalités pour tous les agents. Inspirée du « tour terrain » et du « contrat », respectivement en pratique chez la Poste et Valrhona, cette recommandation reposerait sur le principe du contrôle :

Modifier l’activité de contrôle.

Elle pourrait être Co construite entre deux niveaux hiérarchiques successifs de management. Le contrôle est réalisé par le niveau hiérarchique le plus élevé, mais en présence du niveau subalterne. En règle générale, les manageurs relèveraient les dysfonctionnements sans apporter de corrections, sauf ceux présentant un risque élevé pour la sécurité des travailleurs. Les actions correctrices seraient à conceptualiser (ou à connaître) et à exercer par le niveau d’emploi concerné. L’activité de contrôle serait maintenue jusqu’à correction et acquisition de la correction. Il est même envisageable de poursuivre cette démarche dans un cadre interventionnel lorsque les conditions sont requises.

73 Col. F. VALLIER, DDSIS du SDIS 57, entretien p102 74 M.P. RIDENT, DRH de la société VALRHONA, entretien p116

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Pour être pertinent et toucher le maximum de personnes, ce contrôle devrait porter sur un thème préalablement défini selon le principe de Pareto.75 Le second point pourrait impacter la posture du manageur :

Limiter la perception hiérarchique du manageur. Cette démarche est destinée à encourager le travail collectif en agissant sur deux domaine étudiés dans notre hypothèse : la pratique décisionnelle et la remise en cause. Basée sur un certain nombre d’aspects concrets et sur une modification de l’attitude, cette démarche a été reprise par de nombreux auteurs ou entrepreneurs : I. Getz76, C. Morel77, F. Zobrist78, et dans de nombreuses organisations dont certaines sont très hiérarchisées comme la Marine Nationale. « Sans remettre en cause la nécessité d’une ligne hiérarchique 79», Cette démarche est surtout prônée par les différents auteurs de nos entretiens ( Colonel F. Vallier, M. D. Sénégas, Major A. P.).Il importera de jouer sur les divers domaines perceptibles de la hiérarchie pour en limiter les effets de distanciation et du biais d’autorité conférés instinctivement aux supérieurs. Pour cela, nous préconiserions :

• d’agir sur le visuel du grade et supprimer le port des galons

• d’agir sur les éléments visibles des avantages induits : suppression des places de parking attribuées, standardisation des outils managériaux attribués.

• de proscrire les emplacements identifiés dans les salles de réunion non circulaires.

• de favoriser le co-voiturage lorsque c’est possible. Ces remarques peuvent sembler provocantes, mais sont déjà partiellement en œuvre dans divers domaines, comme l’interventionnel, le formatif ou encore les spécialités. Ceci devrait faciliter leur mise en œuvre. Néanmoins, l’attention serait surtout à porter sur l’attitude du manageur en présence d’un collectif :

• Le manageur pourrait se mettre en retrait lors de la prise de paroles des collaborateurs, il pourrait aussi s’absenter pour favoriser la libre expression ou encore encourager les exercices de critique et de remise en cause.

• Il devrait être en mesure de prendre en compte le biais de confirmation, et lutter contre le « besoin d’être chef »

• Son expression pourrait éviter une tonalité directive prononcée, y compris pour l’annonce de la décision qui doit lui revenir. Il s’exprimerait le plus souvent possible au nom du collectif.

Cette posture, nous l’avons soulignée au travers de nos analyses d’entretien, serait difficile à obtenir. Ce qui va nous amener à nous pencher sur les modalités de mise en œuvre. Ces modalités devront veiller à encourager une évolution des mentalités basée sur l’utilisation de nouveaux outils collaboratifs et la prise en compte des facteurs intergénérationnels. Dans le cadre de cette transformation, nous allons maintenant voir, comment asseoir la légitimité du manageur sur d’autres composantes que l’autorité formelle et déployer de façon cohérente les modifications à amener.

75 https://fr.wikipedia.org 76 GETZ I., CARNEY B. M., DAVIDS R., (2019) Leadership sans ego. FAYARD éd 77 MOREL C, (2012). Les décisions absurdes II. GALLIMARD éd. p 315(e-book) 78 BERCOVICI P., SIMMAT B. Préface d’Isaac GETZ. Les entreprises libérées. Les arènes BD éd. 79 M.P. RIDENT, DRH de la société VALRHONA, entretien p115

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2.3.2.2 Comment légitimer son autorité autrement que par son positionnement hiérarchique : Hypothèse N°2

Les missions du manageur intermédiaire exposées ci-dessus (cf. §1.1.1) sont numérotées dans le tableau ci-dessous : Numéro Missions managériales 1 Organiser le travail en distribuant les ressources selon les objectifs 2 Planifier et déterminer les actions adéquates pour atteindre les objectifs 3 Diriger en maintenant la motivation en canalisant les efforts de chacun vers l’objectif

commun 4 Contrôler par un travail d’évaluation en prenant les mesures correctives qui peuvent

s’imposer 5 Faire évoluer sur un plan collectif les compétences professionnelles des agents

Tableau N°3 Missions du manageur intermédiaire Afin étudier cette hypothèse, nous avons réalisé une analyse des cinq entretiens individuels, l’objectif étant de lister les caractéristiques conférant à l’autorité de l’encadrant de la légitimité. Vingt-sept de ces caractéristiques ont été dénombrées au travers des retranscriptions. Chacune de leur expression au sein des différentes questions ont été décomptées afin de pondérer leur importance. Les résultats s’échelonnent de 20 à 1 point. La légitimité au sens sociologique est « un accord tacite subjectif et consensuel axé selon des critères éthiques et de mérite quant au bien-fondé existentiel d'une action humaine80. » Selon cette définition, encadrants et encadrés doivent s’entendre sur les diverses notions afin de respecter l’autorité ainsi légitimée. C’est pourquoi nous avons retenu les sept composantes qui ont aussi été plébiscitées par les résultats de nos entretiens collectifs. La moins élevée des composantes, à savoir la technicité comme « légitimation » de l’autorité, s’établit à 5 points soit en dixième position. Il est donc intéressant de retenir aussi ces trois composantes, importantes aux yeux des manageurs stratégiques mais qui sont en « dissonance » avec les manageurs opérationnels d’institutions hiérarchisées comme les SIS. La liste des caractéristiques retenues s’établit comme ci-dessous :

80 https://fr.wikipedia.org

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Tableau N°4 Qualification des composantes de légitimation d’autorité

L’implication professionnelle est la notion la plus unanime de nos deux strates de manageurs : 20 fois citée en entretiens individuels par tous les enquêtés, désignée en 1ère place sur 22 possibilités de la Q2 et indiquée 3ème ex aequo sur 12 choix en Q10. Nous avons séparé deux idées de l’implication : La capacité à transmettre l’intention, qui peut aussi s’exprimer au travers de concepts comme le sens ou l’adhésion, et la présence ou disponibilité. La transmission du sens est primordiale en management car elle influe sur les motivations intrinsèques des collaborateurs. En effet, il est essentiel de croire pour s’engager résolument dans des actions. Cette capacité est clairement définie dans nos entretiens individuels : le manageur intermédiaire doit faciliter l’appropriation du sens d’une action :

• « Le sens se construit au niveau de l’activité, au niveau de l’équipe de travail 81»

• « La responsabilité managériale c’est bien de faire adhérer ? Oui je pense.82 »

• « Être exigeant sur le pourquoi et accompagnateur sur le comment83 » De la part des encadrants de proximité, nous notons que, si la compréhension de l’intention est une nécessité (Q2), l’adhésion à cette même intention lui est encore préférable. Ceci nous démontre la supériorité de la perception collective du sens, comparée à sa valeur intrinsèque. Cette composante majeure de légitimation de l’autorité permet la réalisation des missions managériales 2 et 3. La disponibilité est nécessaire aux encadrants. La disponibilité est le critère temporel ou géographique qui permet la communication et l’échange, composante aussi plébiscitée par tous les interviewés : 8 fois citée, 1ère position sur 12 choix en Q10, 2nde position sur 22 choix en Q2 en la cumulant avec l’écoute et la libre expression. Ces deux dimensions sont en effet complémentaires, même si l’impression laissée est exprimée différemment. Elles constituent une part de réponses aux attentes des encadrants. Elles rassurent les manageurs, et permettent l’interaction mutuelle requise pour l’apparition de la confiance et l’autonomisation. Le manageur

81 M.EADC, professeur des Universités, p89 82 Col. F. VALLIER, DDSIS du SDIS 57, entretien p107 83 M.P. RIDENT, DRH de la société VALRHONA, entretien p116,

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de proximité ressent aussi l’envie d’influer sur son supérieur afin de s’imputer partiellement des décisions, donc inconsciemment de la responsabilité. La notion de responsabilité est entendue au sens juridique et non managérial pour les encadrants de proximité. Ces derniers usent au mieux de délégation et ne conçoivent que peu le principe de coresponsabilité dans sa dimension managériale (Q3). Ces deux aspects de légitimation de l’autorité non formelle représentent une mise en œuvre pratique de toutes les missions du manageur intermédiaire. Si la dimension affective de la communication et son ressenti est rappelée 6 fois par nos manageurs individuels, les entretiens collectifs positionnent les différents aspects de cette dimension de façon secondaire : 6ème position sur 9 choix pour la strate groupement en Q1, 9ème position sur 22 possibilités en Q2, et aucun point pour le charisme comme valeur d’une « bonne » décision. Seule l’ambiance de travail ressort comme un souhait au travers de la mise en place d’une stratégie de management collaboratif (Q5). Cette constatation tempère la portée de la communication comme axe de légitimation de l’autorité non formelle. Dans une institution hiérarchisée, les échanges sont de nature professionnelle, la dimension affective doit se limiter a maxima à l’usage d’altérité. Le manageur devra trouver un équilibre subtil entre la solennité favorable à un positionnement hiérarchique « culturel » et une empathie souvent incomprise de la part de ses collaborateurs afin de conserver une crédibilité d’encadrant. La confiance est aussi une composante d’autorité plébiscitée par nos manageurs interrogés : 8 citations en entretien individuel, 3ème position sur 22 à la Q2, 1ère position sur 11 en Q6. Toutefois, la confiance est appréhendée de façon équivoque, car 75% des encadrants opérationnels préfèrent la loyauté à la confiance. Nous expliquons cela par le conditionnement que le système hiérarchique pyramidal a imposé, l’érigeant au rang de valeur suprême. Le SDIS57 et le CPIS ne représentent d’ailleurs que 2 citations relatives à la confiance sur 8. La confiance est donc actuellement un souhait pour asseoir la légitimité de l’autorité, mais sa perception est galvaudée, dans les systèmes hiérarchiques, par celle de la loyauté. Or, la loyauté est unilatérale. Cette qualité est susceptible d’interférer dans la libre expression et la remise en cause qui sont primordiaux dans l’adaptabilité et la fiabilité d’une action. Cette opposition est une des dissonances relevées. En effet, si les entretiens collectifs ne sont pas expressément explicites : les notions connexes à cette remise en cause : comportements vis-à-vis des règles, volonté de subsidiarité, RetEx, et droit à l’erreur donc à l’initiative, donnent un résultat sans appel. La remise en cause de la ligne hiérarchique est un concept peu évolué. Seule la participation à la forme et au rythme du contrôle (Q9 2nde position sur 6 choix) est envisagée. Concernant l’activité de contrôle, corollaire de la confiance, le terme « suivi » est préféré par les enquêtés, sans doute avec une visée évolutive comme évoqué au cours de notre recherche littéraire. Nous nous étonnons aussi de voir que « rendre compte » principe essentiel de l’activité opérationnelle, largement ancrée dans les SIS n’arrive qu’en 4e position de la Q9, alors que :

• « Le rendre compte n’est-il pas le stade ultime de l’autonomie ? À mon avis, oui »84

• « Qui ne rend pas compte ne se rend pas compte 85» Ceci indique que la confiance comme légitimation de l’autorité pour assurer la mission managériale n°3 n’est pas encore suffisamment adaptée dans nos institutions hiérarchisées par manque d’évolution des mentalités sur des notions comme le contrôle, le droit à l’erreur et la remise en cause.

84 Maj. A.P, adjoint au chef de bureau RH du CPIS, entretien p100 85 M.P. RIDENT, DRH de la société VALRHONA, entretien p120

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La prise de décision est, quant à elle, une composante complexe. Sa pratique légitime l’autorité non formelle (CPIS, SDIS57), mais elle-même, nécessite d’avoir déjà de la légitimité pour être pratiquée : légitimation par la responsabilité qu’elle confère (la Poste), légitimation par l’initiative décisionnelle (Valrhona). De plus, s’ajoute à cela, le concept d’assomption qui est aussi une composante de légitimation de la pratique décisionnelle. Ces aspects sont d’ailleurs soulignés dans les entretiens collectifs, 1ère place pour 12 choix pour le fait d’assumer des responsabilités (Q10), 3ème place ex æquo (Q10), mais seulement 9ème place comme facteur favorisant la prise de décision (Q2). Il est difficile pour les encadrants opérationnels de départir la pratique décisionnelle, de la responsabilité juridique. Ils souhaitent pouvoir s’exprimer et apporter leur contribution mais dans une bien moindre mesure décider et surtout s’imputer des responsabilités, même managériales, celles-ci étant occultées par la notion de loyauté. La pratique décisionnelle et ses différents aspects connexes légitiment donc l’encadrant intermédiaire dans une institution hiérarchisée et assurent ainsi la réalisation de toutes les missions managériales. La technicité est la dernière des composantes qui concilient la plupart de nos manageurs stratégiques et les manageurs opérationnels. Néanmoins, cette caractéristique est partagée entre dimension managériale et dimension technique, reliée à une approche de type expertise. A contrario, les encadrants de proximité sont relativement sensibles à l’aspect technique : expertise en 8e position sur 22 (Q2), technicité en 5e position sur 12 choix (Q10), mais 100% des entretiens collectifs ont déclaré qu’il était inutile d’être expert pour décider… La technicité est donc au mieux un complément mais ne constitue pas une composante majeure de légitimité et n’est pas forcément nécessaire à l’exécution des missions. Le dernier point à aborder est discordant entre entretiens collectifs et entretiens individuels ; c’est la légitimation de l’autorité entre le fait d’être volontaire, d’émerger du groupe ou encore d’être porté par ses pairs. Cet aspect ne se retrouve que dans la notion de leadership, seulement 14e position sur 22 (Q2). Le poids culturel de la hiérarchie occulte complétement cette composante qui peut toutefois se rapprocher de la technicité dans le cadre des SIS et ainsi, contribuer faiblement aux missions managériales. Cette analyse permet d’affirmer qu’il est possible pour un manageur intermédiaire d’assurer ses missions au moyen de certaines formes d’autorité non formelle. Les composantes irréfutables sont récapitulées ici :

• capacité à développer chez ses collaborateurs l’intention,

• disponibilité temporelle et géographique,

• capacité à prendre des décisions,

• capacité à communiquer,

• et dans une moindre mesure, technicité. Les autres composantes : confiance, dimension affective, capacité de remise en cause, sélection par les pairs, sont des notions actuellement trop controversées pour être efficaces. D’ailleurs, tous les enquêtés ont conscience de difficultés liées à la pratique de l’autorité formelle et à la posture de « prince » de certains encadrants : 10 citations en entretien individuel et 2 réponses sur 3 sur le risque d’échec du management collaboratif (Q5) font écho aux dangers du pouvoir formel ou aux comportements humains inadaptés (besoin d’être ou d’avoir un chef).

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Pour conclure, de façon optimiste, nos entretiens nous ont montré que les encadrants sont jugés sur leurs capacités managériales par leurs subordonnés (5 citations en entretien individuel). Et pourtant la perception d’un manageur usant d’autorité non formelle est positive, donc plus performante auprès de ses collaborateurs. Elle l’est surtout beaucoup plus que l’impression laissée par des encadrants qui persistent dans un rôle de chef basé uniquement sur le pouvoir. Notre hypothèse étant partiellement confirmée, la préconisation conséquente est : Augmenter la performance des missions du manageur intermédiaire d’un SIS en agissant

sur certaines composantes d’autorité formelle. La première de ces composantes, primordiale et unanime pour nos enquêtés, repose sur la capacité à faire adhérer au sens des missions, la disponibilité et la proximité de communication. Il nous semble donc logique de proposer des mises en œuvre à ce sujet.

Adapter un management visuel collaboratif et évolutif dans chaque unité opérationnelle.

Basé sur des principes d’intelligence collective et inspiré de la salle Obeya de la poste, chaque unité de production pourra co-construire un visuel accessible géographiquement et visible quotidiennement. Il sera envisageable de le coupler avec un espace de discussion comme indiqué dans les recommandations applicatives afférentes de l’hypothèse N° 4. Le visuel devrait :

• être la création et la propriété de l’unité et évolutive périodiquement

• respecter les codes d’un visuel (couleurs, schémas, écritures minimum…)

• être interactif et évolutif : chacun pourrait apporter sa pierre à l’édifice et serait donc utilisable sur la base d’impression papier ou de post-it fin d’éviter la fracture technique générationnelle ou le bashing typique des réseaux sociaux

• comporter a maxima 5 thèmes identiques pour chaque unité, désignés par le manageur intermédiaire. Ces thèmes doivent différer de l’organigramme, mais essayer d’apporter de la transversalité, exemples de thèmes : management, QVT, compétences, actualités, partage d’idées…Ils seraient fonction de la situation de chaque SIS. En plus de ces thèmes, le visuel devrait réserver deux places : une pour valoriser les comportements individuels bénéfiques au sens et une pour diffuser les bonnes pratiques.

• comporter pour chacun de ces thèmes a minima une intention et un indicateur. Ces derniers seraient choisis par le manageur intermédiaire parmi 2 ou 3 proposés par un panel d’agents volontaires animés par un manageur opérationnel. Hormis cela, les créations et représentations seraient libres.

Cet outil pourrait permettre de co construire le « petit sens », celui qui vient de la base, de sensibiliser et responsabiliser les manageurs opérationnels à cette action. Il permettrait enfin aux manageurs intermédiaires de s’impliquer dans l’adéquation entre vision stratégique et réalité de terrain. Comme vu ci-dessus, la pratique décisionnelle, et ses aspects, sont des facteurs de légitimation de l’autorité non formelle. Or, cette pratique est actuellement bridée par la crainte de faire une erreur et de s’exposer à une sanction. En instaurant le principe du « droit à l’erreur », il serait possible d’agir à la fois sur l’initiative décisionnelle, la responsabilisation des acteurs et de jeter les bases d’un management par la confiance au travers de la pratique du contrôle ou du suivi. C’est pourquoi, nous recommandons :

d’établir une charte du droit à l’erreur dans les organisations hiérarchisées.

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Sur la base de la charte en cours à l’armée de l’air, la dépénalisation pourrait être concédée :

• Aux erreurs humaines définies comme des écarts involontaires et non répétitifs aux objectifs ou aux intentions.

• Aux violations définies comme des écarts volontaires liés à une finalité opérationnelle, si ces dernières permettent d’assurer la sécurité ou la réussite de la mission.86

La déclaration de l’erreur par son auteur devra aussi être volontaire et préalable pour pouvoir bénéficier de la dépénalisation. Avant toute demande de sanction, il sera nécessaire de pratiquer un test de substitution et d’envisager que ce jugement est influencé par le biais rétrospectif (cf.§1.4.3.1). Les fautes intentionnelles et les écarts volontaires aux règles liés à une finalité personnelle sans lien avec la mission seraient sanctionnées. Enfin, l’organisation se réserverait le droit de qualifier l’erreur en fonction de l’expérience acquise par son auteur87. Adossée au règlement intérieur de l’établissement, cette charte favoriserait l’initiative décisionnelle de tous et, conséquemment, leur responsabilisation. Elle sensibiliserait à la culture du contrôle et du « rendre compte », permettant ainsi aux manageurs d’apporter les actions correctives nécessaires à la bonne réalisation de ses missions. Pour avancer dans l’évolution souhaitée, ces différentes synthèses relatives à l’autorité et à la directivité sont à faire reposer sur une stratégie de développement du management réfléchie et applicable que nous allons maintenant étudier au travers de deux axes complémentaires.

2.3.2.3 L’amélioration continue et l’apprentissage organisationnel au secours du management dans les SIS. Hypothèse N°3

Les différentes recherches réalisées jusqu’ici, nous ont éclairés sur une caractéristique prégnante du management des SIS : une fois passée une éventuelle qualification théorique, la méthode empirique est la méthode prépondérante de développement du management Il convient donc d’étudier qualitativement nos entretiens individuels et collectifs pour nous apporter des éléments de réflexion à propos de notre hypothèse N°3 : L’apprentissage du management dans les institutions hiérarchisées doit être révisé et suivi. Nous avons relevé dans nos entretiens individuels 51 citations en lien avec le fait de reconsidérer la pratique du management actuel et 35 prônant une meilleure activité de suivi du management. Les répartitions sont indiquées dans le tableau ci-dessous :

Tableau N°5 Nombre de citations relatives à l’hypothèse N°3

La simple observation du volume de ces résultats nous permet d’affirmer que ces structures hormis le CPIS ont la volonté de s’engager dans une transformation de leur management. La répartition du nombre de citations est en faveur nette des entreprises privées et semi- privées et nous prouve l’avance qu’elles détiennent dans ce domaine par rapport aux institutions

86 MOREL C, (2012). Les décisions absurdes II. GALLIMARD éd. p 330(e-book) 87 GAUTHIER A. (2017). Un levier managérial avec la culture de dépénalisation de l’erreur dans les organisations à risques. PNRS ENSOSP

nombre de citations

relatives à la révision du

management

nombre de citations

relatives au suivi du

management

nombre de citations

relatives à la révision du

management

nombre de citations

relatives au suivi du

management

nombre de citations

relatives à la révision du

management

nombre de citations

relatives au suivi du

management

nombre de citations

relatives à la révision du

management

nombre de citations

relatives au suivi du

management

nombre de citations

relatives à la révision du

management

nombre de citations

relatives au suivi du

management

14 7 3 3 13 12 10 3 11 10

La POSTE M. EADC SDIS 57 VALRHONACPIS

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hiérarchisées, sur la base d’entretiens reproductibles. Là aussi, l’imprégnation de la culture hiérarchique et son management « archaïque 88» conduisent à une occultation des causes. En effet, les travers managériaux s’expriment par une absence de contrôle pour le CPIS et dans une moindre mesure par une volonté d’adhésion plus forte pour le SDIS 57. Ces deux établissements sont déjà moins tournés vers la « méthode » managériale que notre théoricien, ou les entreprises privées. Pourtant, ni les qualifications, ni l’évolution basée sur le principe de mobilité ne peuvent garantir l’apprentissage du management. En effet, « Dans une organisation hiérarchisée, cela laisse penser que les dispositifs de management s’imposent et sont naturels alors que c’est l’inverse. Ils ne s’imposent pas mais se construisent et ils ne sont pas naturels mais ils s’apprennent »89.Repérée lors de l’analyse qualitative des entretiens, cette citation du professeur Étienne Abord de Chatillon illustre parfaitement cette problématique. Nous avons ensuite poursuivi par un référencement exhaustif des caractéristiques reliées à l’évolution du management qui sont regroupées ci-dessous et classées par nombre total de citations :

Tableau N°6 Qualifications des caractéristiques en lien avec l’hypothèse N°3

Afin de donner une tendance de l’approche managériale de chacune des organisations ou personne interrogées nous adjoignons aussi le tableau de répartition des citations par entretiens individuels ci-dessous :

Tableau N°7 Répartition des citations par entretiens individuels

Pour la suite nous ne nous intéresserons qu’aux qualifications a) à e), pour observer une similitude de logique à celle retenue à l’hypothèse N°2, à savoir les qualifications qui rassemblent, au moins autant ou plus, d’observations que la dernière pouvant être explicitée en entretien collectif. La qualification la plus citée est en lien avec la nécessité de réviser le management par un principe d’amélioration continue : la boucle de rétroaction simple ou feedback. Très largement plébiscitée dans les entretiens individuels, le feedback est un outil essentiel. L’encadrant ne peut adapter son comportement que dans la mesure où il est capable d’obtenir un retour sur son management :

88 Col F. VALLIER DDSIS 57, entretien p107 89 M. EADC, professeur des Universités, entretien p91

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niveau de directivité, développement de l’autonomie des collaborateurs, capacité à transmettre l’intention et sur sa conduite de la prise de décisions. Cette boucle de rétroaction est un outil d’amélioration du management reproductible à tous niveaux de l’organisation, soit en interne soit par un intervenant externe. Il est à noter que pour nos enquêtés, ce feedback doit être régulier, faire l’objet d’échanges interactifs, donc être suivi pour coller au plus près de la ligne managériale voulue. Si nos entretiens sont presque unanimes, le résultat des entretiens collectifs sont paradoxaux. En Q4, la pratique du RetEx, sur une question liée à l’intention et les valeurs, arrivent en dernier sur 8 choix, montrant que la révision du management dans une institution hiérarchisée n’est pas encore appréhendée par tous, malgré une volonté d’évoluer- nous le verrons en qualification e). Pourtant en Q8, l’apprentissage par les compétences avec sa boucle de rétroaction est désigné comme un mode d’amélioration continue. Les manageurs opérationnels des sdis n’ont perçu que la dimension technique de cette question et ne semblent pas être en mesure de concevoir une boucle de rétroaction relative aux actions managériales. En effet, le feedback en organisation peut être une source de progrès, mais également de tension, de découragement voire de résistance à toute forme de changement. Ce danger est particulièrement sensible dans les SIS où la boucle de rétroaction managériale, n’est présente qu’au cours de l’entretien professionnel annuel, de façon limitée et mise en œuvre à partir 201490. Cela représente peu à l’échelle de nos organisations en regard de la culture « hiérarchique ». Deux de nos entretiens individuels confirment cette résistance en émettant 3 commentaires négatifs à ce sujet : la perception de ce feedback en retour peut générer une perte d’initiative et donc d’autonomie91.En conséquence, comme toute pratique ayant un impact cognitif, le feedback doit être équilibré et adapté à l’individu qui le reçoit. « Ainsi une conséquence importante à tirer de l’analyse du feedback, c’est de dépasser l’arrogance intellectuelle et de se mettre au travail afin d’acquérir les compétences et le savoir nécessaires pour obtenir le meilleur de ses points forts 92» La seconde qualification est en rapport avec la méthode empirique : il faut pratiquer le management pour savoir bien le pratiquer. Au regard des observations faites, c’est une méthode dont nous avons montré les limites. En effet il est nécessaire d’avoir des interactions pour développer les compétences managériales et une certaine forme d’autonomie. Néanmoins sans rétroaction explicite et en raison de la complexité de mise en œuvre, l’encadrant peut persister dans ses erreurs, et donc un comportement managérial défaillant, dont il sera difficile de sortir , voire impossible.93 Néanmoins, une particularité importante de la méthode empirique est à retenir, celle de la volonté de la part de nos enquêtés d’y adjoindre la pratique du management situationnel, parcourant les 4 modèles, directif, délégatif, persuasif et participatif. (cf.§1.1.1) Ces managements diffèrent entre eux suivant 2 facteurs, attention portée aux résultats ou attention portée au relationnel et implication du manageur

• Le management directif : l’implication du manageur est forte et le management est centré sur le résultat.

90 Décret n° 2014-1526 du 16 décembre 2014 relatif à l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires territoriaux 91 « Si vous mettez tous les chefs d’unité en réseau, que vous avez un chef d’unité qui évoque ce qu’il voudrait faire, que les autres ou la majorité disent que ce n’est pas comme ça qu’il faut procéder, il ne le fera pas. Il y a une autorégulation de groupe qui se fait », Col F. VALLIER, entretien p111 92 DRUCKER P, (2010). L’avenir du management Pearson éducation éd France p160 93 « Une étude a montré que lorsque qu’un cadre est en difficulté il n’arrive jamais à s’en sortir », M. EADC, professeur des Universités, entretien p

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• Le management persuasif : l’implication du manageur est forte et le management est centré sur le relationnel.

• Le management délégatif : l’implication du manageur est moindre et le management est centré sur le résultat.

• Le management participatif : l’implication du manageur est moindre et le management est centré sur le relationnel94

Cette volonté est une manière de réaliser une double boucle d’apprentissage organisationnel95. En diversifiant les interactions, le manageur provoque plus retours, donc plus de choix possibles pouvant s’adapter à sa problématique. Il est possible de considérer cela comme une méthode indirecte de révision du management. Par ailleurs, cette méthode est à rapprocher de la qualification d), « évolution par interactions hiérarchiques proches N ; N+1 ». Cette qualification explicitée dans les entretiens individuels, arrive en seconde position sur 11 possibilités au travers de la « coopération avec le chef de groupement » de la Q6. Les manageurs intermédiaires, en plus de ce qui a déjà été dit sur la communication, souhaitent des interactions de développement empirique dans un cadre « plus » restreint. Plus classiquement, la qualification c) en rapport avec la formation au management, grâce à un enseignement spécifique est rappelée 7 fois. Pour l’organisation qui nous semble la plus impliquée Valrhona, cela se traduit même par « l’école du leadership », un enseignement interne. Ceci est une solution intéressante car elle permet de concilier les deux nécessités de notre hypothèse : la révision et le suivi temporel. La formation est d’ailleurs positionnée en second choix pour l’acquisition des compétences (sur 4) en Q7, par nos manageurs intermédiaires qui sont traditionnellement sensibilisés à des formations initiales ou d’adaptation à l’emploi. La dernière de nos cinq qualifications est la volonté de considérer le management comme un facteur prioritaire d’amélioration de la performance. Si cette qualification n’est pas spécifiquement citée par la POSTE, la mise en œuvre des outils managériaux et la ligne managériale claire sont autant de démonstrations d’une implication forte dans ce domaine. Quatre de nos enquêtés sur cinq prônent un engagement managérial défini et fort. Le positionnement du CPIS sur ce sujet, est quant à lui basé sur une sélection drastique permettant de ne retenir les agents qui sont déjà dans une adhésion totale aux intentions de l’organisation. Majoritairement nos entretiens individuels montrent la nécessité de s’intéresser au management et de ne pas laisser perdurer dans les institutions hiérarchisées une situation complexe et qui se dégrade inexorablement. L’examen de ces cinq qualifications majoritaires corrobore pleinement notre hypothèseN°3 : Pour la préconisation afférente à notre hypothèse, nous retiendrons la qualification majeure de l’analyse quantitative à savoir :

L’apprentissage du management peut se fonder sur les principes de l’amélioration continue et l’utilisation de boucles de rétroaction (feedback)

Cette préconisation se base sur les méthodes de Valrhona et de la Poste qui dispose pour cela de la volonté politique et le processus organisationnel nécessaire. Nous présenterons les processus qui nous paraissent potentiellement réalisables sans bouleverser la structure hiérarchisée de nos

94 BLAKE R, MOUTON J, (1987) La troisième dimension du management, Éditions d’Organisation 95 ARGYRIS, C., (2003), « A Life Full of Learning », Organization Studies, Volume 24, N°7, pages 1178-1192

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SIS. Pour cela, la mise en œuvre la plus proche de nos pratiques actuelles, que nous positionnerons comme un incontournable de l’évolution des SIS, serait de

Modifier les RetEx, relatifs à chaque projet ou groupe projet, en prenant en compte l’aspect managérial.

Les SIS ont, pour certains, adopté des démarches de RetEx et sont déjà sensibilisés aux avantages de cette pratique. Le RetEx ne devra pas être seulement technique, mais aussi « managérial ». Les composantes de ce RetEx pourront être pré définies et prendre, a minima en compte, certaines composantes de légitimation d’autorité non formelle sur une échelle de « très positive à très négative »

• capacité de communication du groupe

• capacité de prise de décision du groupe

• capacité à appréhender l’intention du groupe

• ambiance de travail

• ressenti émotionnel basique du management, extrait par l’intermédiaire de questionnaire avec choix multiples grille de mots.

Ces indicateurs seront à relever individuellement et à traduire collectivement à destination de l’encadrant responsable du projet. Seule la dimension suivante serait directement reliée à l’encadrant :

• ressenti de la disponibilité de l’encadrant. En raison de la complexité afférente entre hiérarchie et encadrement, ainsi que le risque de confusion potentiellement désastreux entre directivité hiérarchique et souplesse managériale, il sera nécessaire d’éviter la mise en cause directe de l’encadrant. Le ressenti émotionnel des collaborateurs serait plutôt à mettre en avant. L’encadrant réalisera, quant à lui, une introspection spécifique au management utilisé, en exprimant un niveau de directivité, un niveau supposé d’utilisation de l’intelligence collective. Il indiquerait les difficultés managériales rencontrées et proposerait au moins un axe d’amélioration. Idéalement, l’exploitation de ces données devraient être réalisée par un cabinet extérieur sous couvert d’anonymat. Au regard des coûts induits, il sera préférable de confier cela à un manageur intermédiaire confirmé d’une structure type « contrôle et pilotage ». L’objectif sera d’accompagner le manageur dans une évolution concertée de son management, mais aussi de proposer des actions correctrices. Nous voyons dans cette pratique plusieurs avantages, c’est une action ponctuelle mais finalement assez régulière, qui autorisera une installation temporelle facilitée. Elle pourrait concerner tous les grades et tous les statuts des SIS. Dans un groupe projet matriciel, la transversalité apporterait une sensibilité managériale différente. Elle aurait une portée globale et donc pourrait bénéficier à tous. L’autre application est plus sensible à mettre en œuvre car, elle est avant-gardiste dans une institution hiérarchisée :

Réaliser annuellement une évaluation managériale à 360° des différents encadrants. Réalisée en complément de l’entretien d’évaluation professionnelle annuelle, Cette évaluation sur la base d’un questionnaire regrouperait le ressenti et l’avis des supérieurs hiérarchiques, des pairs et des collaborateurs.

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Paradoxalement, l’exploitation des données devrait être réalisée par le supérieur hiérarchique en raison d’une légitimité d’autorité formelle. Il serait envisageable d’initier préalablement ce processus par l’évaluation du manageur hiérarchique, pour ne pas perturber de trop l’organisation actuelle. Néanmoins, cette évaluation devrait comporter un certain nombre d’items factuels et connus comme la grille managériale utilisée par la POSTE (cf. annexe N°24). Nous soulignons que cette initiation ne pourrait constituer qu’une amorce, mais, pour être véritablement profitable, devrait bénéficier des interactions montantes et descendantes. Cette évaluation pourrait aussi s’accompagner d’un coaching en management réalisé par des organismes compétents. Ce coaching s’adresserait au supérieur hiérarchique pour qu’il puisse apporter des actions correctrices suivies, mais aussi au manageur opérationnel pour l’aider à identifier son style de management et lui donner les moyens de s’adapter au mieux à son environnement. La technicité nécessitée par ce coaching n’est actuellement pas présente dans tous les SIS et donc génèrerait des coûts. Au-delà de l’aspect financier, la principale difficulté résiderait dans la réticence à faire réaliser un jugement par un subordonné, dans une organisation qui reste très hiérarchisée. De prime abord, l’influence de la QVT semble constituer un levier plus facile à actionner pour améliorer l’autonomie et la pratique du management dans les SIS, c’est ce que nous allons maintenant examiner.

2.3.2.4 Pour une meilleure prise en compte des interactions sociales. Hypothèse N°4 La convivialité nous est indiquée comme un des piliers du management collaboratif. Derrière la convivialité, se trouvent plusieurs notions telles que l’ambiance professionnelle, le plaisir de faire partie de l’organisation, l’équilibre vie professionnelle, vie privée et la célébration des réussites au travail. Nous avons aussi vu dans notre recherche théorique que l’autonomie professionnelle constituait besoin psychologique fondamental qui est en lien avec la recherche de reconnaissance et d’accomplissement de soi. En contribuant à sa satisfaction, l’autonomie agit notamment sur la santé et la qualité de vie au travail. En complément de l’autonomie professionnelle, le terme de « qualité de vie au travail » regroupe des concepts comme la santé au travail, le bien-être au travail, l’écoute, l’empathie, la bienveillance, et la valorisation des agents. Dans son management le Colonel MARLOT (DDSIS 71) parlait de capital santé, le capital santé permettant un épanouissement personnel, conditionnant une meilleure réalisation des missions fonctionnelles et que pour cela il fallait favoriser l’émergence de projets collectifs par l’autonomie et les initiatives. En agissant sur les trois derniers étages de la pyramide des besoins selon la théorie du psychologue A. MASLOW, la mise en œuvre de la double association management collaboratif/convivialité et autonomie professionnelle/QVT constitue un facteur majeur de performance dans le monde du travail. Toutefois dans l’enquête que nous avons menée, la convivialité est toujours citée comme le moins important. (10% pour la poste ; 10% pour le CPIS ; 20% pour la société Valrhona et 20 % pour le SDIS 57). Au travers de l’étude de l’hypothèse N°2, nous avons vu qu’il était fréquent d’assimiler convivialité, à des considérations uniquement festives ou de natures amicales, ce qui n’est guère en adéquation avec le milieu professionnel comme souligné par le DDSIS 57 : « La convivialité, oui mais la réalité c’est le boulot ». Nous parlerons donc de qualité de vie au travail plutôt que de la convivialité présenté dans un pilier dans la théorie du management collaboratif.

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Nous avons donc réalisé une analyse qualitative et quantitatives de nos entretiens individuels et collectifs pour cerner les aspects caractéristiques de la QVT en lien avec la responsabilité managériale et l’autonomie professionnelle Certaines caractéristiques développées dans nos autres hypothèses sont regroupées avec d’autres, selon des domaines d’intérêts communs. Nous avons ainsi déterminé les 3 domaines suivants :

• relations professionnelles • dimension affective • l’autonomie au service de la QVT

Le télétravail, présenté comme une avancée de la QVT, a été largement déployé pendant la crise sanitaire de la COVID-19 et fera aussi l’objet d’un court focus en raison de son influence sur cet aspect de la QVT en lien avec management et l’autonomie. Sous le domaine des relations professionnelles, nous avons regroupé, les différents échanges verbaux au sens de la communication (hypothèse N°2), bien évidemment les réunions professionnelles mais aussi les échanges syndicaux plus représentatif du climat social. Ces échanges sont souhaités par tous nos enquêtés quelqu’un soit le sujet, seule la dimension affective de la communication est un caractère limitatif à prendre en compte (cf.§2.3.2.2). Si la poste considère comme une victoire managériale l’organisation volontaire de réunion de travail par les manageurs de proximité, le SDIS 57 voit dans les réunions classiques, une perte de temps et un facteur négatif de la convivialité. L’animation et la préparation qui relève souvent de l’encadrant au moyen d’outils d’intelligence collective, permet, par les résultats obtenus l’émergence de satisfaction professionnelle96, caractère de la QVT. Concernant le climat social, il est intéressant de voir que la tendance de nos manageurs stratégiques est à la dé formalisation de la procédure, avec une discussion ouverte entre agents syndiqués et encadrants. Il ressort de façon sous-jacente une volonté de ne coopérer en direct qu’avec des « collaborateurs syndiqués »et ainsi de ne pas favoriser les doctrines syndicales nationales. Les organisations interrogées individuellement et collectivement souhaite positionner l’échange verbal comme une priorité à développer pour améliorer leur performance. Il est aussi à noter que trois de nos établissements (la POSTE, le SDIS 57 et VALRHONA) souhaite développer le principe du co-working pour améliorer les échanges verbaux notamment transversaux. La dimension affective regroupe plusieurs notions positives : la disponibilité, la reconnaissance professionnelle, l’altérité mais aussi des notions négatives : crainte, inconfort, iniquité. La disponibilité du manageur est un facteur d’importance qui a déjà été traité au paragraphe2.3.2.2, cette disponibilité peut être à la fois envisagée comme une composante de légitimation de l’autorité non formelle, mais aussi comme un levier d’amélioration de la QVT. En effet, en accordant de la disponibilité, le manageur prend en considération son collaborateur et lui donne de la reconnaissance. La reconnaissance professionnelle en tant qu’aspect psychologique est très largement plébiscitée au CPIS. La reconnaissance des qualités et compétences techniques, ou des résultats est complexe

96 « Par contre, lorsque vous organisez une réunion où les gens vont passer 2 ou 3 heures à bosser, et en sortie, avec ce qu’ils ont produit, ils se retrouvent et c’est convivial, ils apprécient » col F. VALLIER, DDSIS 57 entretien p105

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à utiliser sans en passer par des valorisations matérielles (avantages, nominations, décorations) dont la portée n’est pas forcément conforme aux attentes des agents, nous verrons dans le dernier domaine que l’autonomie peut réussir à résoudre cette problématique. L’altérité est une qualité à utiliser afin de mieux communiquer, et ainsi renvoyer aux collaborateurs, l’intérêt professionnel que leur porte le manageur, contribuant aussi partiellement à la reconnaissance. Les aspects négatifs en lien avec l’activité professionnelle sont auto centrés pour la crainte et l’iniquité : crainte pour la pérennité de l’emploi (mobilité dans le cas du fonctionnaire), crainte pour l’utilité de l’emploi. Cette dernière est fréquemment citée par nos enquêtés, à l’encontre des manageurs en raison de la résistance au changement managériale qu’ils opposent (cf. § 2.3.2.1). L’iniquité est une conséquence de la différence d’autonomie qui doit être prise en compte par les manageurs. Ce ressenti affectif a été cité 3 fois dans nos entretiens individuels, s’il est nécessaire de différencier les exigences professionnelles suivant l’autonomie des collaborateurs, cela provoque un sentiment d’iniquité désastreux entre collaborateurs, qui est un paramètre important de la QVT. L’inconfort a des causes plus exogènes : attaque des ressources97 et les injonctions paradoxales. Pour lutter contre l’inconfort, nos entretiens collectifs assignent aux manageurs, et plus particulièrement aux manageurs intermédiaires, une mission supplémentaire : celle du soutien aux collaborateurs, ce soutien technique ou psychologique doit permettre aux collaborateurs de surmonter ces aspects négatifs, de conserver leur motivation et de se concentrer sur leur mission. Cette mission apparu dans nos entretiens prend la forme d’un rôle de traduction pour les injonctions paradoxales en précisant quelles sont les priorités, mais pour cela le manageur doit lui-même disposer d’autonomie pour y arriver. L’autonomie est déjà en soit précisée comme un critère de la QVT (cf.§1.3.5.2). Nos entretiens indiquent que les principales caractéristiques de l’autonomie en lien avec la QVT sont :

• la possibilité de gestion des règles (autonomie de modalités ) : en priorisant les règles à défendre , le manageur va pouvoir soutenir ses collaborateurs et leur éviter un stress impactant leur travail.

• le développement de l’autonomie (autonomie de finalités) des collaborateurs agit directement sur la notion de reconnaissance.

• l’évaluation du niveau d’autonomie des collaborateurs va permettre de limiter la notion d’iniquité entre collaborateurs en sélectionnant des personnels au niveau d’autonomie proche.

Si l’autonomie apparait encore comme un levier essentiel du milieu professionnel, il est nécessaire de rappeler encore que l’autonomie est une valeur en constante évolution qui dépend de l’individu et de ses compétences pour une période donnée : « tout le problème de l’autonomie c’est la bonne dose98 ». De surcroît, les SIS sont des environnements extrêmement normés et la culture du contrôle y est bien déployée. Les aspects de l’autonomie en lien avec la QVT sont de fait atténués, mais ne remettent pas en cause notre hypothèse. Les aspects du télétravail en lien avec la QVT sont aussi assez mitigés

97 « Un individu se sent mal à partir du moment où ses ressources sont atteintes » M EADC Professeur des universités p91 98 M. EADC, Professeur des universités, entretien p83

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Lors de tous nos entretiens, le télétravail a été abordé, le résultat est unanime. Il améliore la conciliation des temps sans réduire la productivité qui se voit plutôt augmentée à court terme. L’équilibre vie privée et vie professionnelle dépend d’énormément de paramètres, dans certains cas, le télétravail a pu bénéficier à cet équilibre sans toutefois en tirer de conclusions nette. Á l’opposé, il réduit la qualité de la communication pour des raisons organisationnelles et conséquemment les interactions entre les acteurs. Il faut ainsi constater une diminution importante de la dimension affective de la QVT. L’étude de ces 3 domaines relatifs à la QVT en lien avec le management et l’autonomie confirme notre hypothèse N°4 : Le développement des aspects de la QVT en relation avec le travail collaboratif et l’autonomie permet une évolution favorable des pratiques managériales Nous tiendrons compte de la majeure partie des citations en lien, pour émettre la préconisation conséquente à notre hypothèse, qui est :

Les interactions sociales du manageur intermédiaire seront à améliorer. Cette approche provient de la synthèse faite entre nécessité d’interagir et un ressenti mitigé sur une utilisation poussée du télétravail. En effet, l’usage des courriels font aujourd’hui obstacle à la dimension affective et parfois même délibérative du travail. La proximité physique sera toujours préférée à une communication distanciée, si cette dernière est inévitable, il peut être envisagée de développer les capacités de visioconférence au sein de l’établissement. Dans ce cas, le manageur intermédiaire veillera au respect du droit à la déconnexion. Nous proposons d’appliquer cette préconisation suivant 3 axes : géographique, temporelle et affectif. Inspiré de la vie en caserne et du retour d’expérience de nombre de nos collègues de travail, la principale mise en œuvre à retenir et à appliquer serait :

Centraliser les espaces de discussion et développer un espace de co working à proximité

L’espace de discussion d’un site de travail devra être centralisé géographiquement, et non pas dispersé sur plusieurs endroits distincts. Il devra être facile et rapide d’accès, sa visibilité extérieure devra être modérée pour éviter des jugements hâtifs visibilité. Comprenant une ou plusieurs machines à café, et des tables du type mange-debout, cet espace de discussion serait un lieu important qui autorisera la communication physique, abolira les limites hiérarchiques et grâce à son unicité favorisera des interactions verticales et transversales. La multiplication des espaces de discussion est défavorable car elle limite les échanges transversaux et augmente l’émergence des ressentis négatifs sur lesquels, le ou les manageurs intermédiaires devront lutter. De plus, L’unicité de cet espace de discussion permettrait une meilleure affiliation à la structure. Pour favoriser cette mise en œuvre, les espaces « tisaneries » seront récupérés et destinés à d‘autres fins. Aucun budget décentralisé de type logistique « machine à café » ne sera alloué, a contrario, il est souhaitable d’envisager une « subvention » au comité d’œuvre sociale ou à l’amicale du site pour améliorer la venue des personnels par l’intermédiaire de clefs magnétiques d’achat avantagés. Idéalement, une zone de travail restreinte en taille, mais en accès libre pourrait être disposée à proximité pour permettre un travail immédiat à l’écart du tumulte de l’espace ; cette zone serait inspirée des principes des salles de co working.

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S’assurer que le manageur intermédiaire emploie au moins 25% de son temps de travail mensuel en communication avec ses manageurs opérationnels.

Cette proportion pourra paraître excessive, mais la POSTE préconise au travers de sa grille managériale 30%. Il est évident qu’actuellement, ce temps de travail se positionnera au détriment d’autres missions du manageur intermédiaire. Néanmoins pour faire évoluer la ligne managériale et assurer sa responsabilité managériale, le manageur intermédiaire a besoin de disposer de temps, au regard de nos entretiens, le reporting et le suivi des indicateurs représenterait les gains à cibler.

Développer de la part de l’encadrant intermédiaire une résilience individuelle et un management optimiste.

Dans un cadre professionnel changeant, parcouru de contraintes incessantes, de nombreuses et incertaines évolutions, le manageur intermédiaire pourrait développer une résilience à l’inconfort99 et s’habituer aux changements réguliers comme cela a été le cas à la POSTE. Il assumerait, pour ses équipes la majeure partie de l’incertitude. Dans le même temps, le manageur intermédiaire exprimerait son soutien psychologique à ses collaborateurs et montrerait de l’optimisme afin de lutter contre des ressentis négatifs en constante émergence La formation et le feedback sont des éléments de réponse à cette problématique, mais la majeure partie pourrait résider dans une sélection précise des profils de manageurs intermédiaires comme pour celle des ESD.

99 « Un des enjeux de nos organisations est d’apprendre à nos manageurs à vivre dans l’insécurité et l’inconfort » M. P. RIDENT, DRH de VALRHONA, entretien p118

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CONCLUSION

Ce mémoire avait pour volonté d’explorer les responsabilités des manageurs intermédiaires dans un environnement de travail fonctionnel hiérarchisé tourné vers le management collaboratif et la culture de l’autonomie. Après un bref rappel de l’histoire du management dans le secteur privé et public, nous avons examiné plus spécifiquement le management dans l’histoire très récente des SIS. De multiples expérimentations relatives au management dans ces institutions, sont relatées dans les mémoires de recherche réalisés par les futurs chefs de groupement ou emplois supérieurs de direction. Tous les auteurs de ces mémoires ont mis en évidence la nécessaire amélioration des pratiques managériales en prônant entre autres une augmentation de l’autonomie individuelle Le manageur intermédiaire doit favoriser les collectifs de travail et les faire fonctionner. Il est le responsable de l’adaptation des plans d’actions, de l’évolution des procédures, de la motivation et du bien-être de ses personnels et de l’augmentation de leurs compétences. Au-delà de sa responsabilité de résultat, ses missions managériales apparaissent comme primordiales dans une organisation même hiérarchisée Nos approches théoriques nous ont permis d’isoler trois domaines de recherches, que nous avons approfondis :

• la gouvernance au travers de l’acticité décisionnelle, • la prise en compte des aspects cognitifs en lien avec les interactions entre encadrants et

collaborateurs • la stratégie de développement pour réussir à accompagner une institution hiérarchisée à

retirer des éléments bénéfiques du management collaboratif et de l’autonomie professionnelle.

En ce qui concerne la gouvernance, nous avons formulé l’hypothèse que pour améliorer collectivement la performance, la posture des décideurs doit évoluer d’un positionnement hiérarchique vers celui d’encadrant. Dans un groupe, la hiérarchie, surtout dans sa composante comportementale apparaît comme un frein à l’amélioration du travail collaboratif en vue d’une réussite collective. La posture du cadre a donc un impact sur la prise de décision qui peut varier du directif au collaboratif, mais pour les collaborateurs, ce besoin culturel de directivité peut être perçu comme un repère indispensable et son absence soudaine déstabiliserait précocement le management des SIS. Malgré cela, nous avons montré qu’en présence d’une évolution des mentalités et des pratiques de contrôle, il était possible d’améliorer la réalisation des missions managériales. Nous avons donc ensuite examiné comment légitimer l’autorité du manageur intermédiaire sur d’autres composantes que la hiérarchie. Cette hypothèse, qui concerne essentiellement les aspects cognitifs en lien avec les interactions entre encadrants et collaborateurs, est la suivante : les aptitudes à se faire obéir en se basant sur des formes d’autorités non formelles, au sein d’une institution hiérarchisée, sont compatibles avec les missions du manageur intermédiaire. Notre analyse permet d’affirmer qu’il est possible pour un manageur intermédiaire d’assurer ses missions en usant de certaines formes d’autorités non formelles, dont la forme majeure est la capacité de développer chez ses collaborateurs l’intention. L’imprégnation au sens ne peut que provenir d’interactions collectives entre encadrement et base. Seul « le petit sens » co construit,

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régulièrement rappelé et révisé, est en mesure d’assurer efficacité et pérennité. La seconde forme de légitimation est liée à l’activité décisionnelle. Nos recherches ont démontré que cette activité est indispensable non seulement à l’évolution des unités de production, mais représente un facteur managérial essentiel et complexe dans une organisation hiérarchisée. Sa pratique doit pouvoir intégrer « le droit à l’erreur », pour simplifier les relations entre encadrement et collaborateurs, mais dans le même temps, rester la prérogative de l’encadrement. Ces deux premières études nous ont permis de définir un objectif à atteindre en matière de management et d’autonomie au sein des SIS. Nous avons donc ensuite réfléchi sur les leviers possibles afin d’y parvenir. La stratégie de développement de ces évolutions à opérer, s’est premièrement traduite par : l’apprentissage du management dans les institutions hiérarchisées doit être révisé et suivi. Ce besoin de révision, constamment sous-jacent dans l’étude théorique est nettement confirmé par l’examen de nos entretiens, et débouche sur cette recommandation : l’apprentissage du management peut se fonder sur les principes d’amélioration continue et l’utilisation de boucles de rétroaction. Le feedback réalisé de manière régulière apparait comme un outil essentiel, mais une utilisation efficace exige que celui-ci concerne toutes les strates de façons descendantes et ascendantes. Cette révision de l’apprentissage devrait donc tenir compte de la culture hiérarchique de l’établissement pour ne pas la bouleverser. Pourtant le feedback va permettre au manageur intermédiaire d’ajuster son management pour le rendre situationnel, et ainsi s’adapter à l’autonomie de chacun. Cette boucle de rétroaction, par son action sur l’autonomie et le développement des compétences contribue au bien-être au travail. Ce bien-être rejoint la seconde hypothèse en lien avec la stratégie de développement : le développement des aspects de la QVT en relation avec le travail collaboratif et l’autonomie permet une évolution favorable des pratiques managériales La qualité de vie au travail est une notion polymorphe, comprenant majoritairement les notions d’ambiance au travail, de santé au travail, de nombreux caractères cognitifs et l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Notre enquête a prouvé que la convivialité prônée, est moins adaptée que la notion de qualité de vie mieux reliée au milieu professionnel, de surcroît hiérarchisé. L’analyse faite des entretiens individuels et collectifs nous démontre qu’une des dimensions majeures de cette problématique se trouvait dans la multiplication des échanges transversaux et verticaux. Ainsi, la répétition des interactions sociales sur le lieu du travail permettrait un développement conjoint de la QVT, de l’autonomie et des pratiques managériales collaboratives. Dans les SIS, nous évoluons dans deux environnements bien distincts. Dans notre cœur de métier, l’opération de secours, nous nous trouvons dans une organisation particulièrement hiérarchisé qui exerce à tous les niveaux, un commandement donc empreint uniquement de directivité. Cette culture solidement ancrée rend complexe une évolution dans une organisation fonctionnelle collaborative. Le manageur intermédiaire au travers de sa responsabilité managériale a un rôle fondamental. Il lui appartient de faire passer d’une organisation à une autre, avec des acteurs de tous âges et de tous statuts, sapeurs-pompiers volontaires, sapeurs-pompiers professionnels, personnels administratifs et techniques. Il veillera à susciter l’adhésion et l’affiliation, précurseurs de l’implication professionnelle. En parallèle, il aura à se préoccuper de deux dangers psychologiques toujours présents : la déresponsabilisation qu’apportent le besoin « d’avoir un

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chef » et le « besoin d’être chef », chez les agents les plus imprégnés de directivité et l’indépendance, phase obligatoire du développement de l’autonomie chez les collaborateurs. Dans l’idéal, le manageur intermédiaire devrait s’engager dans une stratégie managériale globale et clairement définie. L’annonce de cette doctrine managériale apporterait ainsi de la compréhension à tous les niveaux. Il devrait bénéficier aussi d’un apprentissage adéquat au management, combinant formation, utilisation d’outils d’intelligence collective et principe d’amélioration continue afin d’accompagner ses collaborateurs dans cette orientation. Enfin, pour mener à bien cet ensemble de missions, il disposerait de ressources temporelles déterminées afin de multiplier les interactions sociales. Dans nos propos sur le management collaboratif, la culture de l’autonomie et les perspectives d’application qui peuvent en être faites dans les institutions hiérarchisées, et plus particulièrement dans les SIS, nous avons appréhendé les importantes responsabilités managériales, et les missions conséquentes qui incombaient aux manageurs intermédiaires que nous souhaitons devenir. Nous avons aussi perçu l’importance de l’humain au cœur du système. C’est l’organisation qui doit s’adapter à l’homme et non le contraire100. Cette évolution est nécessaire pour concilier autonomie sans tomber dans l’indépendance, individualités et travail collaboratif pour aboutir à la réussite collective. Á l’aune de ce mémoire, des réflexions sont à entreprendre afin de cerner ces futures évolutions. La mise en œuvre du télétravail représente une évolution partiellement contrainte par la crise sanitaire du COVID-19. Certains SIS se sont vus imposer le télétravail sans réflexion préalable, d’autres ont dû l’étendre dans des proportions importantes. Au-delà des améliorations immédiatement visibles comme la qualité de vie au travail, ce développement impactera sans doute les interactions sociales qui sont au cœur du management, et donc la performance des organisations. Il conviendra de s’interroger sur ce sujet pour en envisager les recommandations applicables. De plus, en examinant les compétences nécessaires, et la nécessité d’évolution des pratiques managériales, il est souhaitable de prévoir comme dans certaines structures privées, la professionnalisation du management au sein de chacune de nos structures. Un enjeu de nos systèmes est de les faire perdurer au-delà des individualités par la définition d’une ligne managériale claire et de la faire appliquer par des manageurs intermédiaires dont la seule responsabilité serait la responsabilité managériale.

100 « L’organisation est un moyen pour s’adapter aux hommes » col F. VALLIER DDSIS 57

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LISTE DES ENTRETIENS

1. Monsieur Hervé Doutez, directeur de cabinet de la préfecture de Haute Corse, entretien le 26 février 2020

2. Monsieur Marc Riedel, directeur général de AUM BIOSYNC, société d’expertise en rythmes biologiques, systèmes complexes, algorithmes hautes performances et intelligence artificielle, entretien le 25 juin 2020

3. Monsieur Damien Senegas, directeur d’établissement Lozère chez La POSTE, entretien le 10 juillet 2020

4. Colonel François Vallier, directeur départemental des services d’incendie et de secours de la Moselle, entretien le 21 juillet 2020

5. Monsieur Philippe Rident, directeur des ressources humaines de VALRHONA, société de production alimentaire, entretien le 4 août 2020

6. Major A.P, adjoint au chef de bureau ressources humaines du Centre Parachutiste d’Instruction Spécialisée, entretien le 27 juillet 2020

7. Monsieur Emmanuel Abord de Chatillon, professeur des universités à l’Institut d’Administration des Entreprises de Grenoble, entretien le 15 juillet 2020

8. Commandant Christophe Gay, chef de groupement opération, SDIS de la Savoie, entretien le 16 septembre 2020

9. Lieutenant Christophe Mure, (SPP) SDIS 03 ; Lieutenant Aurélien Henry, (SPP) SDIS 54 ; Lieutenant Jérôme Dalbec, (SPP) SDIS 71 ; Lieutenant laurent Roya, (SPP) SDIS 66 ; Lieutenant Benoît Sapet, (SPP) SDMIS ; Lieutenant Maxime Bruyère, (SPP) SDMIS ; entretien collectif à l’ENSOSP le 27 mai 2020

10. Capitaine Christophe Ribo, (SPV) chef du CIS Vinça ; Lieutenant Christophe Igounet, (SPP) chef de service formation au CIS Perpignan Nord ; Mlle Laetitia Jouvenel, (PAT) chef de service logistique ; Adjudant-chef Nicolas Boucheron, (SPV) sous-officier Cis salses ; Adjudant-chef Olivier Jacquet, (SPP) sous-officier CIS Perpignan Nord ; entretien collectif au SDIS66 le 11 septembre 2020

11. Capitaine Jordan Dieudonné, (SPP) chef de service opérations, Capitaine Michel Galtier, (SPV) chef du CIS Laissac, Adjudant-chef Jérôme Soury, (SPP) sous-officier CIS Rodez ; Adjudant Arnaud Blanchy, (SPV) sous-officier au CIS Rodez. ; Monsieur Jean-Marc Rozières, (PAT)chef du service technique ; entretien collectif au SDIS 12 le 24 septembre 2020

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12. Capitaine Maxime Paget, (SPP) chef de service GPEC, Mme Mathilde Garet, (PAT) chef de service gestion des carrières, Lieutenant Pascal François, (SPV) chef du CIS Marcigny, Adjudant-chef Marie-Laure Lacombe, (SPV) sous-officier au CIS Tournus, Adjudant Vincent Sartori, (SPP) sous-officier au CIS Mâcon ; entretien collectif au SDIS 71 le 24 septembre 2020

13. Commandant Lucien Greppo, SPV chef de CIS, Capitaine Daniel Chireix, (SPP), Infirmier Capitaine Antonin Mallet, Mme Eve Aliaga ; Adjudant Fabien Giraudon, entretien collectif au SDMIS le 28 septembre 2020

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TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION .......................................................................................................................1

CHAPITRE I : AUTONOMIE ET MANAGEMENT COLLABORATIF : DES CONCEPTS MODERNES TROP INNOVANTS ? .................................................................7

1.1 Le travail collaboratif au service du manageur intermédiaire ....................................7 1.1.1 Le manageur intermédiaire : des rôles multiples et de grandes responsabilités .............7 1.1.2 Le management collaboratif ...........................................................................................9

1.1.2.1 La dimension humaine au service du management .................................................9 1.1.2.2 Des outils basés sur l’intelligence collective, performants mais sous-utilisés ......10

1.2 L’autonomie : un concept polymorphe ........................................................................12 1.2.1 Autonomie de l’entité ...................................................................................................12 1.2.2 Autonomie professionnelle : un principe individuel au service de la performance collective ..................................................................................................................................12 1.2.3 Les outils modernes au service de l’autonomie ............................................................13

1.3 Entre envie et résignation… ..........................................................................................15 1.3.1 Ressenti des manageurs opérationnels et des employés ...............................................15 1.3.2 Une ouverture très progressive vers le management collaboratif et l’autonomie ........16

1.4 La gouvernance, où comment décider collectivement dans un système hiérarchisé17

1.5 Influences méconnues de la cognition sur le management collaboratif ....................19 1.5.1 Confiance, contrôle et droit à l’erreur ..........................................................................19 1.5.2 Pouvoir, autorité, hiérarchie et leadership : les différentes facettes de la perception du manageur .................................................................................................................................20 1.5.3 Psychologie et management : la raison du plus fort n’est pas toujours la meilleure ....21 1.5.4 Adapter la stratégie de développement à l’intelligence collective ...............................22

1.5.4.1 Formation aux compétences managériales et à l’autonomie .................................23 1.5.4.2 Autonomie professionnelle, qualité de vie au travail et management collaboratif 24

CHAPITRE II : DE L’APPLICABILITÉ DES THÉORIES MANAGÉRIALES DANS LES INSTITUTIONS HIÉRARCHISÉES .............................................................................25

2.1 Les problématiques en lien avec la gouvernance, les aspects cognitifs et la stratégie de développement. .....................................................................................................................25

2.1.1 Relative à la gouvernance .............................................................................................25 2.1.2 Relative aux aspects cognitifs .......................................................................................25 2.1.3 Relatives à la stratégie de développement ....................................................................26

2.2 Des interactions verticales impliquant une enquête à différents niveaux d’encadrement. ..........................................................................................................................26

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2.3 Éclairage et apports managériaux de nos entretiens et questionnaires ....................29 2.3.1 Votre avis nous intéresse ..............................................................................................29 2.3.2 Notre version commentée des entretiens et recommandations afférentes ....................32

2.3.2.1 Modification de la directivité individuelle au profit du travail collectif. Hypothèse N°1 .....................................................................................................................33 2.3.2.2 Comment légitimer son autorité autrement que par son positionnement hiérarchique : Hypothèse N°2 ..............................................................................................38 2.3.2.3 L’amélioration continue et l’apprentissage organisationnel au secours du management dans les SIS. Hypothèse N°3 ..........................................................................43 2.3.2.4 Pour une meilleure prise en compte des interactions sociales. Hypothèse N°4 ....48

CONCLUSION ..........................................................................................................................53

LISTE DES ENTRETIENS ......................................................................................................60

TABLE DES MATIÈRES ........................................................................................................62

TABLE DES ANNEXES ..........................................................................................................64

ANNEXE ....................................................................................................................................66

TABLE DES ILLUSTRATIONS ...........................................................................................148

RÉSUMÉ ..................................................................................................................................150

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TABLE DES ANNEXES

ANNEXE N°1, SCHÉMA D’ORGANISATION DU SDIS71 ...............................................66

ANNEXE N°2, PRÉSENTATION DES OUTILS D’INTELLIGENCE COLLECTIVE ..67

ANNEXE N°3, PRÉSENTATION DES OUTILS COLLABORATIFS WEB2.0................68

ANNEXE N°4, CARTE HEURISTIQUE DES OUTILS COLLABORATIFS WEB2.0 ....70

ANNEXE N°5, QUESTIONNAIRE « VOTRE AVIS NOUS INTÉRESSE » .....................72

ANNEXE N°6, ENTRETIEN AVEC LA POSTE ..................................................................74

ANNEXE N°7, ENTRETIEN AVEC M. EADC.....................................................................85

ANNEXE N°8, ENTRETIEN AVEC LE CPIS. .....................................................................95

ANNEXE N°9, ENTRETIEN AVEC LE SDIS 57 ...............................................................104

ANNEXE N°10, ENTRETIEN AVEC LA SOCIÉTÉ VALRHONA. ................................117

ANNEXE N°12, QUESTION 1 ENTRETIEN COLLECTIF .............................................128

ANNEXE N°13, QUESTION 2 ENTRETIEN COLLECTIF .............................................129

ANNEXE N°14, QUESTION 3 ENTRETIEN COLLECTIF .............................................130

ANNEXE N°15, QUESTION 4 ENTRETIEN COLLECTIF .............................................131

ANNEXE N°16, QUESTION 5 ENTRETIEN COLLECTIF .............................................132

ANNEXE N°17, QUESTION 5 ENTRETIEN COLLECTIF .............................................133

ANNEXE N°18, QUESTION 6 ENTRETIEN COLLECTIF .............................................134

ANNEXE N°19, QUESTION 7 ENTRETIEN COLLECTIF .............................................135

ANNEXE N°20, QUESTION 8 ENTRETIEN COLLECTIF .............................................136

ANNEXE N°21, QUESTION 9 ENTRETIEN COLLECTIF .............................................137

ANNEXE N°22, QUESTION 10 ENTRETIEN COLLECTIF ...........................................138

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ANNEXE N°23, GRILLE D’ANALYSE COMPORTEMENTALE ..................................139

ANNEXE N°24, GRILLE D’ANALYSE DYNAMIQUE DE GROUPE ...........................140

ANNEXE N°24, GRILLE D’ÉVALUTION MANAGÉRIALE DE LA POSTE ..............141

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ANNEXE ANNEXE N°1, SCHÉMA D’ORGANISATION DU SDIS71 (SDACR 2019-2024)

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ANNEXE N°2, PRÉSENTATION DES OUTILS D’INTELLIGENCE COLLECTIVE L’objectif de cette annexe est d’apporter des éléments d’orientation pour choisir des outils d’intelligence collective selon la situation. La mise en œuvre est généralement relativement longue, et n’est donc pas abordée ci-dessous.

La sociocratie : C’est en quelque sorte une technique de dialogue sans dispute, un mode de gouvernance coopératif. Elle est basée sur la notion de prise de décision au consentement. Le consentement est obtenu lorsque plus personne ne dit « non », à la différence du consensus lorsque tout le monde dit « oui ». Les principaux atouts de la sociocratie sont l’élaboration ou la bonification de décisions, l’évaluation situationnelle. Ce système est une vraie relation de confiance et d’écoute. La sociocratie ne remet pas en cause la hiérarchie et autorise une meilleure articulation entre acteurs. L’holacratie : à la différence de la sociocratie, l’holacratie est tournée vers l’organisation et moins vers les individus. L’objectif principal est d’arriver à une meilleure gouvernance, mais ne fonctionne qu’avec des groupes débarrassés de leurs tensions internes. L’holacratie est une méthode globale qui rend ses acteurs autonomes et responsables. Cet outil est très peu utilisé par manque de formation des manageurs. Le forum Ouvert : technique de réunion créative de type « pause-café ». Le but étant de stimuler la créativité et non d’améliorer la gouvernance. Le but d’un Forum Ouvert est de créer un espace-temps pour s’engager profondément et de façon créative dans la résolution des questions qui préoccupent un collectif : l’approfondissement d’une question de fond ; la définition d’une orientation stratégique d’une entreprise ; l’établissement de plans d’action, le choix des priorités. Á l’issue d’une séance, émergent des idées, en général très créatives, et les acteurs arrivent à une phase de convergence. Les idées sont classées par ordre de priorité pour en faire un véritable plan stratégique. Cet outil est généralement très apprécié.

Le café débat ou World café : est une technique de réunion créative servant à susciter des idées, partager des connaissances ou stimuler une réflexion. Destiné à quelques questions précises, cet outil nécessite une certaine préparation et le nombre de participants y est limité. L’aquarium : Cet outil permet à un grand groupe de concentrer son attention sur une question précise. Il nécessite toutefois une initiative de parole assez développée. Cet outil est complémentaire du forum.

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ANNEXE N°3, PRÉSENTATION DES OUTILS COLLABORATIFS WEB2.0 Espace numérique de travail (ENT) : dispositif global fournissant aux utilisateurs les différents points d’accès à l’ensemble des outils du réseau en rapport avec l’activité. Le Portail : permet aujourd’hui d’agréger et d’intégrer les applications métier, les applications collaboratives et différentes données structurées.

Flux de travail ou Workflow : c’est le flux d’informations au sein d’une organisation comme par exemple la transmission automatique de documents entre les personnes. De manière plus simple, un workflow décrit le circuit de validation, les tâches à accomplir entre les différents acteurs d’un processus, les délais, les modes de validation et fournit à chacun, les informations nécessaires pour la réalisation de l’ensemble des tâches. Il permet un suivi et identifie les acteurs en précisant le rôle et la manière de mener à bien le processus.

La vidéoconférence : Réalisée à distance au moyen d’un réseau connecté en interne (intranet) ou en externe (extranet) et permettant une discussion en direct. La liste de diffusion : permet à un groupe de personnes de communiquer sur un thème donné par l’intermédiaire de la messagerie électronique. Il est nécessaire de s’abonner à la liste. Les abonnés écrivent à l’adresse électronique de la liste, le courrier sera automatiquement distribué à l’ensemble des abonnés. Les agendas partagés (outil de Workflow) : permettent de consulter l’agenda de l’ensemble des collaborateurs et de communiquer directement pour de la planification.

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Les plates-formes collaboratives : sont des réunions sur un même support d’un ensemble de fonctions comme le partage de documents, la communication, traitement de texte, l’agenda…). Ces plates-formes sont créées en fonction des besoins de l’organisation.

La réunion : peut se définir comme un temps collectif pendant lequel tout ou partie de l’équipe se trouve réunie et où des informations s’échangent. L’objectif étant de donner à chacun le même type d’informations dans une même temporalité.

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ANNEXE N°4, CARTE HEURISTIQUE DES OUTILS COLLABORATIFS WEB2.0 PIQUET A, (2009), « Guide pratique du travail collaboratif », Document Ville de BREST p. 16

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ANNEXE N°5, QUESTIONNAIRE « VOTRE AVIS NOUS INTÉRESSE »

« Votre avis nous intéresse »

Enquête auprès du

Les responsabilités des manageurs intermédiaires : le management collaboratif et la culture de l’autonomie dans les unités opérationnelles, intérêts et limites dans une institution hiérarchisée.

Pourriez-vous nous accorder quelques minutes pour répondre aux questions suivantes :

Définition synthétique du manager intermédiaire selon la DGAFP (direction générale de l’administration et de la fonction publique) Sous la responsabilité d’un manageur stratégique, le manageur intermédiaire participe à la définition de la stratégie d’une structure et la décline sur un plan sectoriel ou territorial. Il dirige les services de son périmètre de compétence. Il conçoit, met en œuvre, contrôle et évalue les plans d’action en fonction des objectifs qui lui ont été assignés. Il encadre à cette fin une équipe de manageurs opérationnels

Le chef de groupement est-il un manager intermédiaire : OUI NON

Le management collaboratif part du principe que l’humain peut contribuer à la performance économique de l’établissement, avec pour préceptes fondateurs la confiance, la liberté de choix, la coopération et la convivialité. Le manageur s’attache à révéler chez ses collaborateurs des potentialités et des qualités qui leur étaient inconnues.

Votre SDIS pratique-t-il le management collaboratif : OUI NON

Si OUI, Sous quelle forme (travail collaboratif ponctuel, tentatives régulières ou véritable politique, autres …) Comment percevez-vous le management collaboratif ?

Quelle autonomie laissez-vous à vos collaborateurs ou subordonnés ?

Dans votre management, majoritairement, vous (cocher une seule case) Donnez des consignes précises sur les résultats et la méthode avec des points de contrôles réguliers et à court terme ? Dialoguez d’égal à égal, soutenez votre collaborateur sur sa demande en prenant en compte ses idées ? Suscitez des questions sur les causes des résultats et donnez de l’autonomie sur la méthode avec un contrôle à moyen terme ? Définissez les résultats attendus, la forme et le rythme du contrôle, en aidant et en partageant la responsabilité ?

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Pouvez-vous nous indiquer une personne référente en management dans votre SDIS ?

Référent ou personne à contacter :

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ANNEXE N°6, ENTRETIEN AVEC LA POSTE Retranscription de l’entretien semi directif avec M. Damien SENEGAS, directeur d’établissement Lozère chez la Poste. Votre nom, prénom et fonction ? Je m’appelle Damien SENEGAS, je suis directeur d'établissement courrier pour la Lozère, les établissements courrier regroupent globalement entre 200 et 500 personnes, ce sont les tailles qui existent dans notre région. Pour la structure au-dessus de moi : j'ai un directeur opérationnel qui a plusieurs départements sous son autorité, qui tourne à peu près à 3000 personnes, au-dessus de lui, il y a encore un directeur exécutif qui a, lui, une région sous sa responsabilité, ils sont 13 en France. En dessous de moi, j'ai 2 responsables d'exploitation (REX) qui se partagent la moitié du territoire, encore en dessous, il y a les manageurs de proximité (6 sur le département) qui ont des équipes auxquels il faut ajouter 2 fois 1 personne qui cumulent des fonctions par moitié (½ manageur proximité et ½ fonction de production). Pour vous le positionnement du manageur intermédiaire se situe ? On peut dire que ma position est celle de manageur stratégique suivant la définition. J’ai des manageurs de proximité, donc l’intermédiaire, ce serait le responsable d‘exploitation. Je l'ai vu par rapport à mon poste, je ne l'ai pas vu dans ma structure en globalité. Sur mon territoire, j'ai tous les pouvoirs et toutes les responsabilités qui vont avec : financières juridiques, matérielles, j’ai de gros moyens financiers. Le pouvoir implique les responsabilités ? Oui, le pouvoir implique les responsabilités : c'est pour ça que mes décisions ont un impact particulier, car j’en suis responsable. Mes responsables, mes 2 bras droits n’ont pas de responsabilités. Je possède la responsabilisation pénale, juridique et financière vis à vis de la structure au-dessus et en dessous de moi. Vous possédez donc la véritable subsidiarité de votre entité supérieure ? Oui absolument. Cela ne fonctionne pas comme une délégation ? Comme ça pourrait être le cas comme dans un sdis avec une délégation de signature dans certains domaines, par exemple la défense en eau contre l’incendie ? Non j’assume les responsabilités liées à ma position. Si je résume votre organigramme, ce n’est pas vraiment pyramidal mais plutôt comme une fractale en mathématiques. Des directeurs d’établissements courriers il y en a combien ? Plus de 100, c’est fonction de la taille des départements, dans l’Hérault plus peuplé, il en a 5 comme moi. Par contre les gens qui sont au-dessus de vous ? Mes supérieurs directs sont comme mes deux bras droits, ils n’ont que de la responsabilité managériale. Ils n’ont pas de responsabilité juridique, ni de moyens, ils ont juste la responsabilité managériale envers moi et un budget très limité, divisé par 100 par rapport au mien, car ma responsabilité porte sur les effectifs, la masse salariale, les bâtiments les véhicules. Leur supérieur hiérarchique, un des 13, a les mêmes responsabilités que moi mais sur un territoire plus grand.

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Quelles sont les particularités de votre établissement au regard du thème de mémoire ? Je me suis noté le nom des différents manageurs qui sont en dessous de moi. Moi je suis directeur établissement, j'ai les responsables d'exploitation, ils sont deux sur mon établissement et ensuite j'ai des responsables d'équipe. C’est une particularité uniquement au niveau structuration de la hiérarchie ou aussi au niveau management dans l’organisation de la Poste ? La Poste a la volonté d’avoir un management particulier et d’instaurer des équipes autonomes, en tous cas de tendre vers. On essaie entre directeurs d’établissements d’en parler pour amener de l’autonomie aux équipes…. Mais comment leur donner ? Il faut arriver à trouver dans une équipe, celui qui est valable pour les autres et qui va être désigné par l'équipe comme le responsable, mais c'est extrêmement dur à mettre en place…. Il faut que l'équipe se prononce un petit peu et il faut que la personne qui pourrait être mise en avant l’accepte…. Le tout sans créer de déséquilibre dans l’équipe, pour l’instant, c’est compliqué, on ne valorise pas par un grade supérieur ce leader. Vous cherchez d’autres schémas de valorisation ? Oui trouver une valorisation d’intérêt, qu’il ait envie de s’en occuper et d’avoir des responsabilités, de type porte-parole, trouver quelqu’un qui ait un caractère, une personnalité, une posture différente, qui aille à la hiérarchie managériale mais aussi à l’équipe. Sur les statuts, actuellement, qui reste fonctionnaire ? Alors les deux catégories cohabitent…60 % de contractuels et le reste de fonctionnaires, les derniers concours de fonctionnaire datent de 2000. Quelle est la répartition chez les manageurs ? Chez moi, il y a 20 % de fonctionnaires au niveau des manageurs mais sur l'ensemble des agents de postaux, il y a, à peu près 40% à 60% de fonctionnaires à la production. Par production vous entendez le tri, la distribution, le guichet ? Effectivement depuis l’intégration des contractuels dans les années 90, c'est plus des jeunes qui sont rentrés parce que les fonctionnaires ont maintenant au moins minimum 20 ans d'ancienneté et souvent la jeunesse prend la main, les fonctionnaires restent et manquent d’ambition. Quoi qu'il arrive, il y a une fracture générationnelle, des gens qui ont une vingtaine d'années déjà, d'ancienneté et d'autres qui rentrent avec plus d’ambition… Il y en a un certain nombre qui vont évoluer et pas uniquement dans la poste. Les autres, c'est déjà une génération qui tendait à être dans un établissement pour avoir la sécurité de l'emploi et évoluer au sein de l’emploi ? C’est ça…. Évoluer, c’est aussi le fait de jeunes qui ont une plus grande mobilité. Pour moi la montée en grade, c'est souvent avec une mobilité, car je trouve que c'est très compliqué d'avoir un positionnement vis à vis de l’équipe précédente en restant sur un poste supérieur. J’ai l'impression qu'on peut traîner des casseroles et que du coup, il est plus facile de prendre la posture sur une autre équipe que sur une équipe dans laquelle on a déjà travaillé. La mobilité intra départementale est un facteur d’évolution pour éviter ce phénomène et favoriser la transversalité, on comprend les contraintes des autres, on est plus à même de dire : « arrêtez de tirer sur telle personne ou tel service, ils font ce qu'ils peuvent. Ils sont

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parfois en situation aussi difficile que la vôtre…. La réponse qui nous ait faite par les gens qui produisent c’est : oui, mais nous on fait des interventions ! Vous devez me rendre service ! Et je pense personnellement que c’est là-dessus qu’on doit lutter. La guerre interne des services, c’est partout pareil. Deux forces et deux faiblesses liées au management de votre structure ? Une faiblesse par rapport à l’envie d’aller vers les équipes autonomes : le chef, celui qui a le pouvoir, a l'impression de servir à quelque chose, il ressent le besoin de servir à quelque chose, et l’équipe autonome va lui faire ressentir qu’il va perdre cette sensation. C’est l’équipe autonome ou lui, qui a ce ressenti ? C’est lui, qui a ce ressenti : c'est quelque part donner la main à l'équipe, mais ce n’est plus lui qui a la décision …. Lui, il doit juste faire phosphorer les esprits pour prendre une décision collégiale et ça, c’est très compliqué, parce que du coup, celui qui a le pouvoir, du coup à tendance à l’exercer et à tendance à insister sur son avis et s’il perd cette sensation, il a la sensation de perdre l’essence de son métier. Je pense que ça sera un des freins les plus importants pour arriver aux équipes autonomes. On voudrait arriver là : à s’autogérer, leur donner un cadre et que le manageur soit juste là pour contrôler des choses et donner des axes de travail, de l'animation. Plus de l’animation ? Un contrôle pour pouvoir savoir si quelque chose fonctionne mal, pouvoir dire « ça fonctionne mal » et donner des incitations du style : « travaillez sur ce sujet. » Et pour ça il doit sortir de l’équipe. Et les forces ? La force principale de la poste, c’est qu’elle a subi plein de changements, énormément au travers de l’augmentation de certains trafics, la baisse d’autres…. Comme le courrier en baisse depuis une vingtaine d'années, c’est structurel et on s'est adapté à ça, donc, je me dis : on sait s'adapter, évoluer. Petit à petit avec une prise de conscience générale, on arrivera à amener les équipes autonomes, ça sera long mais la société en a besoin, on voit partout des maires faire de la co-construction avec différents bords. Tout le monde peut intervenir à l'intérieur de cette construction petit à petit…. Chacun veut mettre sa pierre à l'édifice et si tu mets ta pierre et bien, tu vas la mettre avec celle de ton voisin et petit à petit tu construis ton mur. L'équipe autonome : il faut qu'on en arrive là, il faut que chacun donne une idée, qu'elle soit discutée, qu'elle soit prise en compte par l'ensemble pour qu’il y ait une adhésion globale. Votre force, c’est une capacité d’adaptation et une baisse de la résistance au changement ? Plutôt maintenant, une habitude du changement…. La conduite du changement à la poste s’est structurée avec la baisse du courrier dès l’année 2000, avec un palier en 2012 avec pas mal de grèves, de contraintes psychosociales et il a été construit un plan de conduite du changement avec les organisations syndicales et les agents. Maintenant, on voit que le temps de changement se réduit petit à petit parce que les gens ont pris l'habitude de discuter, de changer et on se rend compte que, même le cadre dans lequel on est maintenant, est presque trop serré ! On pourrait aller encore plus vite que ce cadre… De 24 mois pour un changement programmé, on pourrait le mettre en place en 15 mois. Je me rends compte qu’on pourrait le faire extrêmement rapidement. Les agences savent que ça va changer… L'habitude est vraie à tous les niveaux, tous les niveaux hiérarchiques, tous les statuts ? Oui, c’est vrai à tous les niveaux et tous les statuts, c’est une habitude à prendre.

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D'après vous quel management, pratique réellement vos manageurs intermédiaires ? Je dirais les 4, les 4 en fonction des besoins. Un nouveau, va plus faire du directif parce qu'il sera mal à l'aise avec les autres, il n’a pas encore appris à tous les utiliser alors que quelqu’un de plus expérimenté, fera plus de délégatif car il a pris des habitudes avec son équipe. Ce n’est pas partout pareil, c’est personnel. C'est donc personnel dépendant ? Oui, c'est personnel dépendant…. C’est surtout niveau d’expérience dépendant. Est-ce que dans l’évaluation des manageurs qui sont en dessous de vous, vous utilisez spécifiquement une boucle de rétroaction en disant : tu dois manager plus de telle ou telle façon, ou plus dans tel sens ? Oui, je l'ai. Je l’ai avec mes deux adjoints, on réfléchit ensemble sur le management qu’ils ont utilisé et s’ils sont en défaut ou en difficulté, nous étudions lequel il aurait fallu utiliser … Sur ce point, vous avez une grille d'évaluation pour savoir où en est la personne dans ses capacités managériales ? Oui, il y a une grille nationale, on utilise un spectre préconstruit qui permet de préciser : là tu as utilisé tel management : est-ce que c'était le bon ? Est-ce que tu as tendance à utiliser plus celui-ci ? Puis on lui fait toucher du doigt s'il utilise régulièrement le directif par exemple. Pourquoi ? On veut qu'il arrive à exprimer pourquoi, il a utilisé le directif. Dans votre cas, de ce qu'on entend, ça nous semble évident vous avez été formé au management, aux 4 types de management, est ce que vos REX ont été aussi formé ? Pas obligatoirement, ça dépend des secteurs géographiques, la formation se fait au cours de séminaires et de conférences, ou au moyen de prestataires extérieurs comme l’institut du management, avec qui nous sommes en partenariat. Une de nos deux dimensions de notre recherche est : la démarche collégiale du cadre intermédiaire et sa contribution à la réussite des plans d’action, pour faire simple quelles méthodes collaboratives sont à mettre en œuvre pour améliorer la performance collective Nous, on a des outils pour ça : notre patron depuis 3 ans, P. d’Orges, c'est un ancien patron de l'automobile, d’un constructeur automobile. Il est venu avec des outils qu'il a déployés dans tous les niveaux de management, justement pour essayer de développer les méthodes collaboratives, comme la RDP : résolution de problème qui nous permet de focaliser un groupe sur une problématique et de réfléchir sur les causes de la problématique et de trouver des actions qui permettraient d’améliorer les conséquences de la problématique. Ça se perçoit comment ? Comment ? On a des outils sur la recherche des causes : une cascade de “pourquoi pourquoi pourquoi pourquoi”, ok, on a trouvé une cause, on cherche les causes collectivement, chacun évoque ses idées, on liste aussi les conséquences. Ensuite on définit ensemble les impacts majeurs. Comme de faire un Pareto? Oui et ensuite on travaille sur des actions pour résoudre ces impacts majeurs.

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Quelle est la composition de ces groupes ? Ce doit être des gens touchés par la problématique…. Ça peut être des trieurs, ça peut être juste un groupe de chargeurs, il faut prendre des personnes impactées par la problématique. L’idée, c’est qu’ils trouvent eux même des solutions…Ils savent si c’est un manque de moyens ou un problème de process. La seconde dimension est : la latitude acceptable de l’autonomie professionnelle en vue de la réussite collective. L’autonomie individuelle et professionnelle au service du collectif, dans les différents niveaux de l’autonomie, le bon niveau c’est l'interdépendance, c'est-à-dire que la personne, elle a les compétences, elle a le raisonnement, elle sait le mettre au service de la collectivité, prendre des décisions à son niveau et elle ne va pas chercher de l’aide et s'il est véritablement autonome : il rend compte. Pour ça, on a un autre outil génial : le brief en escalade : si lors d’une RDP, il n'y a pas de solution, on fait remonter au brief en escalade et on l’expose aux collatéraux, s’il y en a un qui a déjà connu ce type de problème, il va pouvoir y répondre. Il y a un brief à tous les niveaux, depuis les agents en remontant chaque niveau de management jusqu’au grand patron et c’est quotidien, à 11h30 P. d’Orges a son brief avec ses 13 manageurs régionaux et peut connaître le brief insoluble qu’il y a eu en Lozère et il peut donner une consigne immédiate pour y trouver une solution. Nous on commence à fonctionner en réseau, réseau des chefs opérations, chefs formation pour chercher dans notre réseau fonctionnel, ou dans notre promotion de chef de groupement, une solution. Donc il faut être proactif, alors qu’avec cet outil c’est quasiment du niveau national…Ça se fait par tous les moyens de communications possibles ? Oui, n’importe lesquels mais on évolue vers la visio-conférence dès que possible. Les questions scientifiques doivent tenir en 6 minutes pour essayer d’être reproductibles. Pour vous qui serait le manageur intermédiaire dans votre établissement ? Le manageur intermédiaire ? On en a parlé tout à l'heure, c’est à mon avis le responsable d’exploitation, entre moi et les manageurs d’équipes. C'est celui qui a la responsabilité managériale, la désignation des objectifs. Il traduit ma politique, ma stratégie. D’après la littérature le processus de décision est fonction des facteurs suivants : confiance choix coopération convivialité. Il faut attribuer un pourcentage à chacune des notions pour prendre une décision. Je pense que la confiance est le plus important, dans les 30 à 40 %, la convivialité et l’entente ça serait le plus bas dans les 10 %, il reste le choix et la coopération, la coopération c'est important aussi parce qu’il faut une acceptation globale donc il faut forcément qu’il y ait des échanges et des orientations dans le choix, donc la coopération c’est aussi dans les 30 à 40 %, on va dire 30 % pour la coopération, 40% pour la confiance 20 % pour le choix Ça confirme la confiance ? Oui…. Pour le choix des décisions, il faut bien qu’il y ait des choix possibles et non des choix uniques dissimulés ?

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Oui, ça c’est le plus souvent un problème de pouvoir. Il va probablement y avoir plusieurs choix qui remontent plusieurs fois. Et le manageur intermédiaire va devoir trancher par rapport à ses critères. C'est donc bien au manageur intermédiaire de trancher la décision ? Est-ce qu'on adapte l’avis de tout le monde pour que le manageur intermédiaire prenne la décision ? Oui c'est possible. Si on pouvait rajouter une note notion importante aux 4 C, relative à la prise de décisions Si je devais en rajouter une : ça va avec la confiance, c'est l'expérience du manageur. L’expérience en tant que fiabilité de la décision ? L’expérience en tant que technicité de la décision ? Expérience en tant que légitimité de la décision ? Je dirais la fiabilité Question suivante dans quel domaine, est-il possible de partager les idées, les décisions et donc les responsabilités au niveau du manageur intermédiaire ? Je précise que cela ne relève que de la responsabilité managériale, car si j’ai bien compris aujourd’hui dans votre structure, réglementairement, il est difficile de transférer la responsabilité financière juridique pénale ? C'est-à-dire ce que nous avons traduit par un transfert d’imputabilité de la décision Pour cela nous avons un outil c'est une salle avec les différents objectifs, les sens… Les intentions ? Oui et aussi des indicateurs, c’est la salle Obeya qui retranscrit la totalité des items de la structure en qualité, en RH, en finance. Mes manageurs connaissent leurs résultats. C'est un affichage sur des bases de courbes et on les présente environ une fois par semaine. Donc ils ont une vision, quand même assez précise, de là où on va et là où on pêche, là où on est bon, là où on a besoin de remonter. Donc ils peuvent prendre des décisions en ayant cette image dans la tête. Je pense qu'ils en ont une très bonne connaissance. L'imputabilité de la responsabilité serait conférée par l'intermédiaire de cette perception d'indicateurs qui est permanente ou semi-permanente ? Oui c’est exactement ça. Qu’est-ce qui a été chez La Poste, le plus facile à amener les idées, la décision ou la responsabilité managériale ? Les idées parce que la décision, ce n'est pas tout le monde qui arrive à trancher, parce qu’il y a forcément des conséquences derrière et donc c'est aussi une montée en compétences que de décider. L'idée globale est plus acceptable. C'est quelque part plus facile de se l'approprier sans avoir de décision à prendre ou de choix à faire. Quelle stratégie proposeriez-vous à une structure hiérarchique pour intégrer du management collaboratif ? Moi je trouve que notre stratégie s'y prête pas mal…... Ça fait des formes d'équipe à tous les niveaux, chaque manageur fait partie d'une équipe de manageurs, par exemple moi en direction d'établissement, je suis dans l'équipe Gard et Lozère, notre façon d'avoir des tactiques et des stratégies dans mon établissement est discutée entre nous sur le territoire des deux départements. Mes responsables d'exploitation, c'est pareil, il faut qu'ils homogénéisent leurs tactiques.

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C'est vraiment un collège de niveau hiérarchique semblable ? Oui ils vont travailler entre eux, mais c’est là que ça manque d’interactions : Les autres responsables d'exploitation des autres établissements, ils ont très peu de relations entre eux et ça, il faudrait qu’on le développe beaucoup plus. Il faudrait qu'ils aient une rencontre au moins trimestrielle. Et vos techniciens ? Pour un technicien, c’est beaucoup plus, les filières techniques ont au moins une rencontre par mois. À quel niveau ? Une rencontre par mois pour les deux départements et 3 rencontres par an au niveau régional. Comment faire accepter le changement à tous les niveaux ? Par l'habitude du changement…. Il faut que le changement devienne constant, quelque part pour s’adapter…. Avec le COVID, les équipes ont su s'adapter et changer les choses d'une semaine à 15 jours, on était sur une autre structure avec d'autres procédures. Il y avait une descente de règles par exemple de confinement ou de distanciation Comme un cadre ? La règle étant le cadre dans lequel on évolue et à partir de ce cadre : comment on adapte la règle, à un endroit particulier avec de la place ou sans place…. À chaque entité, il a fallu trouver des solutions d'adaptation qui rentrent dans le cadre... On a aussi une grosse particularité : la puissance syndicale : le brief en escalade permet de court-circuiter tous les irritants et quelque part les syndicats. Ce qui était remonté avant par les syndicats, est maintenant remonté maintenant par la hiérarchie…. Il y n’a plus ce chantage de : « je sais ce qui se passe là-bas » ou « ils ont telle problématique ». Il faut les intégrer aux groupes de travail, comme au CHSCT pour intégrer leurs réflexions, aux décisions qui seront prises. Les réflexions de tous les niveaux : organisations syndicales comme manageurs sont toutes remontées…. Pour négocier avec les syndicats, il faut que tu connaisses leur histoire, leur tendance, leur politique, les différentes alliances. Les directeurs d'établissement, on a eu des formations sur les syndicats, j'ai rencontré les leaders syndicaux nationaux de la Poste à Paris et on a échangé sur la vision des choses. Le fait de savoir ce qu'ils pensent, ça me permet de savoir ce qui va se passer dans mes établissements. Les syndicats avec lesquels je travaille : bien ce sont les syndicats avec lesquels on peut discuter……. Je les appelle très régulièrement, tous les 2 jours. C'est du dialogue social mais qu’avec ceux qui veulent discuter, ceux qui ne parlent que de conflits, je fais un peu comme eux, de l’opposition. Le domaine suivant, c'est la stratégie de développement du management collaboratif et de l’autonomisation ? On voudrait arriver à ce que l'équipe n'ait plus besoin du manageur pour prendre ses décisions. Le manageur devrait être juste là, pour remonter une problématique et animer…Petit à petit on devrait y arriver, on en est là : on dispose d'un outil qui s'appelle le tour terrain… Pendant lequel il (le manageur NDLR) observe des choses, des items listés à l’avance, entre 5 et 7 items. Je préfère qu'ils soient bien observés, plutôt que nombreux, afin d'avoir un regard particulier sur telle procédure ou telle chose. Par exemple : « Aujourd'hui vous êtes en rouge sur tel truc, regardez ce qui s'est passé », et les amener à réfléchir sur les causes du problème. Quand le problème commence à être résolu alors on considère qu'il est acquis par l’équipe donc on en inspecte un autre. Le tour terrain est fait tous les jours par le manageur d'équipe. Ça, c'est un des

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aspects les plus durs à faire passer au manageur parce que là non seulement, il doit se forcer à faire des contrôles, pas forcément ce qu'il lui plaît le plus, mais il perd la main sur la décision et sur ce qui est fait. C'est comme s’il était un peu loin, d'où il n’est plus vraiment dans l’équipe, il est à l'extérieur… Il contrôle mais il ne corrige pas ? Il corrige peu……ça peut d'ailleurs être vu comme un irritant par l’équipe !! Une question très COVID : quel impact a eu la délocalisation du lieu de travail sur votre organisation, sur le fonctionnement de votre organisation ? Moi, j'ai gardé tous mes gars, les seuls que j’ai fait travailler chez eux, c'est le responsable commercial et le responsable financier. Le financier fait des courbes, on n’en a pas besoin sur le site, le responsable commercial, il ne peut pas rencontrer ses clients donc forcément il n’a fait que du téléphone sinon tous les autres sont restés. Pas de baisse de performances ? Plutôt une meilleure productivité grâce au gain effectué sur le temps de trajet, entre autres. Votre avis, pour délocaliser et montrer le travail des fonctionnels dans des espaces de co-working au sein des unités de production ? C'est ce qu'on a fait…. Mon responsable RH est allé animer des équipes dans les unités de production et j’incite tout mon CODIR à y aller. J'ai aussi adapté le tour terrain, que j'ai expliqué tout à l'heure, il est un peu retranscrit auprès des responsables d'exploitation et s’il y a un impact important, je souhaite qu'ils aillent en parler avec les équipes. Créer des échanges, c'est aussi créer une confiance. Ils vont aussi pouvoir propager les bonnes pratiques vues dans les unités de production. Comment concilier intentions et valeurs au cœur de travail quotidien ? L’intention, c'est ce qu'on a appelé le sens…. Pour nous l'intention, ce n’est pas tout à fait le projet d'établissement mais pas loin... Comment je tente de concilier tout cela ? en acceptant au fond de moi, qu'on puisse ne pas atteindre un objectif ……. Ça veut dire la possibilité d'avoir une marge…. Comme une sorte de droit à l’erreur ? Oui le droit à l’erreur, en fait les objectifs qu'on nous donne, ce n’est pas suffisamment précis par rapport à l'établissement…. Il ne prend pas assez en compte la structure de l’établissement. Mes objectifs, j'estime parfois qu’ils ne seront pas tenables et dans ces cas-là je m'exprime auprès de mes manageurs : « Ça va être trop compliqué, on va se prendre une latitude » ou « par contre celui-ci, qui est plus à notre portée, on peut essayer de l'exploser. » Ils vont naviguer au mieux de ça, c’est là qu'ils auront moins de pression sur l’objectif, pas atteignable du départ et peut-être plus de pression sur l’autre. Ça permet d'avoir une politique globale qui leur laisse une latitude, une marge par rapport aux résultats. Et le fait de ne pas atteindre un objectif, c’est vécu comment ? Je vais rendre des comptes avec mon équipe, ils m’accompagnent pour défendre les résultats…. Parfois même, c’est eux qui soutiennent les résultats. Ça c’est une véritable préconisation : tu vas faire ton entretien professionnel avec tes chefs de centre devant le directeur….

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Non c’est le directeur qui vient…. Il vient dans ma salle de contrôle, dans mon environnement et je vais défendre mes résultats à l'intérieur de ma salle, avec mon équipe C’est de la responsabilisation managériale pure …. Est-il possible de répéter les outils et les procédures qui ont permis de mettre en place le management collaboratif ? Monsieur d'Orges a remonté Peugeot de cette manière, avec ces outils, il avait déjà utilisé cette technique dans l'automobile. Il y a 5 outils : la Salle Obeya, qui est une salle de contrôle, le brief en escalade qui permet de remonter ou de descendre des informations, le tour terrain qui permet d'observer et de modifier des process, un outil dont nous n’avons pas parlé, c'est le management visuel…. C'est une description visuelle de processus ou de process…C'est sur la base d'affichage et de dessin, comme par exemple des indications au sol de cheminement, un déroulé de procédure affiché à l'endroit où le travail est fait. C'est un peu basé sur le Kaizen japonais ? DS : Oui, c'est ça, nous avons la volonté de retranscrire visuellement beaucoup de procédures écrites. Nous en sommes encore aux balbutiements, ça permet de gagner beaucoup de temps avec les intérimaires ou les saisonniers, les gens en remplacement sur certains postes. Le marquage au sol pour le COVID, ça a été très bien perçu. Grâce à ça, les consignes sanitaires du COVID ont été adoptées très rapidement. Le 5ème outil c'est le RDP la résolution de problème dont on a déjà parlé Votre structure a-t-elle fait du management collaboratif sa stratégie globale ? Oui elle tente de le faire, elle fait tout pour, en tout cas…. Quelles sont les particularités de l’organigramme ? La particularité de l'organigramme ? C'est un organigramme qui paraît extrêmement pyramidal, mais surtout ce qui est important, c'est que les unités de réflexions, elles sont complètement transversales et il n’y a pas plus de 2 niveaux hiérarchiques dedans. Normalement, il n’y a qu’un seul niveau hiérarchique par unité de réflexion mais tu as souvent un adjoint et tu l’intègres quand tu n’es pas là. Mon management j’en suis très fier : les manageurs de proximité m'ont demandé en sortie de COVID (confinement NDLR) de se réunir entre eux. On les a soutenus pour l'organisation de cette réunion, on leur a payé le restaurant et ils ont échangé entre eux, des difficultés qu'ils avaient eues et des informations qui leur semblaient bonnes. Pour moi c'est une victoire !! Pour vous c'est la traduction de l'implication professionnelle ? Ah oui !! Quelles qualités doivent détenir les collaborateurs pour être en mesure de participer à la détermination d'autonomie de finalités ? Dans notre mémoire, les finalités sont les objectifs ou les règles formelles qui s'imposent dans le travail. Il faut qu'ils aient le sens… Il faut qu'ils aient la connaissance terrain. La connaissance terrain, c'est plus l'aspect technicité ou l'aspect connaissance transversale de l’organisation ? Non je pensais vraiment à une connaissance technique du travail, parce que c’est celui qui sait, qui peut apporter une solution : c'est celui qui fait qui sait, j'en suis convaincu !! Ce que je disais tout à l'heure : ils se sont regroupés pour travailler sur le planning : ils savent…Ils vont trouver

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la solution qui vont les mener à l'objectif. Si tu ne sais pas, tu prends le risque d'oublier quelque chose, il faut savoir exactement ce que tu fais et ce que tu as à faire. D'où l'intérêt de partager avec les gens de même niveau, ils ont les mêmes connaissances……. Comme autres qualités, il y a forcément le sens de comprendre pourquoi il y a tel objectif…. Il y a aussi la notion d'organisation pour bien organiser, il faut connaître, donc la connaissance technique. Le développement de compétences dans un domaine précis limite-t-il obligatoirement l'acquisition de connaissances de compétences annexes ? Je pense que lorsqu’on obtient des compétences, il y a de la satisfaction…. Et quand tu dois acquérir de nouvelles compétences à la place des anciennes, il y a de la frustration. Quand on s'est impliqué dans quelque chose, il est plus difficile de le changer C'est un biais cognitif…. Comment accepter de ne pas être expert ? Il faut rester manageur !!! Un expert ne peut donc pas être un bon manageur ? Mathématiquement P implique Q donc non Q implique non P ? Je pense qu'un bon manageur : il ne peut pas être expert, il faut qu'il touche à tout mais pas en profondeur…. Est-ce que l'on peut cumuler des compétences ? Ça a rapport avec le développement de l’autonomie…. Les compétences sont reliées directement à l'autonomie, on connaît tous le salarié qui est très compétent mais pas forcément au service du collectif…. Il est indépendant … Comment arriver au stade de l'interdépendance ? Ou en tous cas limiter le stade d’indépendance ? Je trouve que la solution qu'on obtient avec les brief en escalade et les différents échanges collectifs et la communication ça permet du coup, de faire monter les autres en compétences et ça lui permet aussi de se rendre compte qui n'est pas tout seul …. Donc une communication entre proches et sans intervention hiérarchique ? Oui c'est l'idée, mais c'est compliqué à mettre en œuvre car il faut l'émergence d'un leader qui lance les débats et anime. Il y a aussi la possibilité de la formation d'un autre …...quand tu formes quelqu'un, tu donnes ta connaissance du coup, tu partages donc t’es moins indépendant. Il faut donc forcer les collaborateurs à s'impliquer dans la formation continue ? Oui Dans un cadre de pression aux résultats croissants favorisé par l'utilisation d’indicateurs comment serait-il possible de concilier confiance et contrôle ? Il faut que le contrôle soit presque défini en collectif. Il faut presque que l'item de contrôle soit décidé dès la phase de la RDP…. L'indicateur et les modalités de contrôle définis auparavant ? Oui, en collectif, moi tous les tours terrains de mes REX sont décidés avec les manageurs de proximité De façon inopinée ?

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Inopinée ou pas ce n'est pas ça l'important...Par exemple les manageurs de proximité ont des problèmes : faire mettre des chaussures de sécurité à tout le monde par exemple, ils vont demander collectivement à leur responsable d'exploitation de venir contrôler le port des chaussures de sécurité. Ça va soutenir les manageurs de proximité et les accompagner dans leur discours… Ça démontre aux agents qu'il n'y a pas que le manageur de proximité qui soit attentif aux différentes règles …… C'est une sorte de responsabilisation de toute la chaîne hiérarchique ? Oui La dernière question, c'est à propos de la mise en retrait du supérieur hiérarchique lors d'une discussion ou d'une décision, plus exactement, quelle est la perception, soit des agents soit du supérieur hiérarchique ? Remet-elle en cause son autorité, son pouvoir ? On a déjà discuté du soutien des collaborateurs lors d'un entretien professionnel ou d'une évaluation, ça permet une très grande reconnaissance et une responsabilisation des collaborateurs… C'était plus au cours d'une discussion ou d’une décision que d'une présentation de résultats ? Ça dépend des gens, ça dépend de ce que tu es prêt à abandonner par exemple… Moi je pense que je suis capable de me mettre en retrait. Mais ce n'est pas vrai pour tout le monde, certains vont devoir se mettre en avant pour exister. Le problème réside essentiellement dans la perception que le chef a de son utilité ? Oui mais je pense que les équipes autonomes vont faire évoluer cela…. Je pense qu'on a réussi à développer une forme d'autonomie à la Poste, les outils qu'on a aujourd'hui amènent à l'autonomie, à la prise de décision collective, à la proposition de solutions. Il faut aussi réussir à créer de la confiance et que ça soit accepté sans qu'il y ait d'arrière-pensées. Mais il est vrai qu'on assiste à une résistance de la part de certains encadrants…. Donc l'effort est à faire au niveau du supérieur hiérarchique ? Oui, ce n'est pas le plus facile : il doit même promotionner l'autonomie de l'équipe sans s'impliquer : il doit animer.

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ANNEXE N°7, ENTRETIEN AVEC M. EADC. Retranscription de l’entretien avec M. Emmanuel ABORD DE CHATILLON, professeur des universités à l’IAE de Grenoble.

Vous êtes sur le management intermédiaire, donc toute la question c’est déjà le spectre du management intermédiaire, comment vous le définissez. Est-ce que pour vous manageur intermédiaire c’est seulement le premier niveau d’encadrement ou est-ce que vous allez plus loin jusqu’à des postes de direction qui ne sont pas des directeurs de SDIS parce que ce n’est pas tout à fait les mêmes problématiques. Ensuite il y a la question de la responsabilité, c’est une question un peu « touchy » parce que lorsque que l’on parle responsabilité on renvoie généralement à 2 grandes dimensions : juridique et éthique. On voit bien que quelque fois il y a confrontation de ces 2 niveaux de responsabilité. Vous avez quelques fois des niveaux de confrontation de règles, vous avez des règles juridiques qui peuvent s’opposer à l’éthique ou des règles éthiques qui peuvent s’opposer au juridique et donc il y a des arbitrages et j’avoue que je me pose toujours une question qui pour vous est relativement simple mais qui pour moi ne l’est pas : « quand on fait partir un camion et s’il manque quelqu’un » la règle c’est que le camion doit partir, on sait que le camion doit partir quand même parce que l’éthique du métier est de dire il faut que l’on sauve les gens mais ces arbitrages ne sont pas simples à faire, cela nous pose la question que lorsque l’on parle responsabilité on a tendance à penser juridique mais on a aussi une responsabilité éthique. Sur le management collaboratif, 2 termes presque antithétiques management et collaboratif. On pose la question de : c’est quoi le collectif ? C’est quoi le collectif de travail ? À quoi ça sert ? comment ça fonctionne ? Comment on le développe ? Une des missions principales de l’encadrement, je parle plus d’encadrement que de management, c’est plus simple et l’on sait de quoi l’on parle, lorsque l’on parle d’encadrement. Quand on parle d’encadrement et de sa performance, on parle de sa capacité à favoriser les collectifs de travail et les faire fonctionner. Cette dimension est essentielle et ce que l’on introduit à travers l’idée de collaboratif, on renvoie à l’idée de management participatif. La culture de l’autonomie, la question devrait être simplifiée. Dire que votre institution est hiérarchisée, ça c’est clair. Le contexte est très particulier, cela fait quelques années que je m’intéresse aux pompiers et je n’ai pas encore tout compris. Comment ça fonctionne ? Comment est gérée cette hiérarchie avec une espèce de conflit potentiel entre l’idée que l’on se fait du management avec des dimensions collaboratives, participatives etc… et de l’autre côté la question de l’obéissance et de la hiérarchie. Moi, j’ai une vision un peu simpliste qui est de dire qu’il y a la situation de l’intervention où l’on sait très bien que les acteurs sont capables d’oublier un certain nombre de chose, les conflits … pour être dans une logique de stricte obéissance et il y a le reste de l’activité. Je crois que cette séparation est un peu caricaturale, c’est-à-dire que l’on voit bien que l’institution a un peu de mal de passer d’un registre à l’autre. Je vous propose de partir de vos questions précises et au fur et à mesure j’ouvrirai les boites. Dans vos axes de recherche, il y a l’idée de collégialité, j’ai un peu de mal avec l’idée qu’une démarche collégiale ne puisse concerner qu’un individu. La démarche collégiale du cadre intermédiaire, est-ce que c’est une démarche collégiale qui unit le cadre et ses équipes, est ce que c’est une démarche qui concerne une ligne hiérarchique ou est-ce que c’est un même niveau d’encadrement. Sur l’autonomie, je suis partisan d’une théorie de la motivation au travail qui s’appelle la théorie de l’autodétermination. Cette théorie de l’autodétermination nous dit que pour qu’un individu soit motivé, il faut que cela parte de lui-même. C’est-à-dire que ce ne sont pas les autres qui

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définissent comment vous allez être motivé et quels sont les leviers. Il y a différentes dimensions dans cette théorie, le rôle de l’encadrement par rapport à cette motivation : il est de créer les conditions qui vont permettre aux acteurs de se motiver eux-mêmes. Pour cela, il y a 3 dimensions importantes, il y en a une c’est effectivement l’autonomie donc il faut donner de l’autonomie aux acteurs, la deuxième c’est qu’ils soient capables dans leur activité de mobiliser leurs compétences et donc cela pose la question non seulement de leur mobilisation et du développement des compétences. Un des rôles de l’encadrement c’est de développer les compétences et donner des marges de manœuvre qui vont avec ce développement des compétences pour que les acteurs puissent les mobiliser. Et puis vous avez une troisième dimension qui rejoint votre dimension collaborative, c’est l’affiliation, c’est le besoin d’appartenir à un tout. Par exemple concernant une étude faite sur le télétravail, on s’aperçoit que l’on a observé des gens qui ont eu très peur pour leur santé, pour l’économie etc… et donc qui étaient dans de bonnes conditions en terme de télétravail et qui ont construit leur affiliation sur un côté un peu héroïque et donc « je me suis dévoué pendant cette période, j’ai travaillé comme un malade » et là, on sent que l’un des ressorts c’est l’affiliation, c’est-à-dire oui j’appartiens à un tout. Ce qui est important c’est cette espèce de communauté qui me dépasse, qui est celle des gens qui donnent d’eux-mêmes pour que la société avance et d’une certaine manière, l’applaudissement c’était un peu vers eux, c’est un moyen de se ré-affilier dans une situation où l’on n’était pas affilié avec nos collègues de travail. Ces 3 dimensions sont très importantes et pour chacune d’entre elles, tout le problème de l’autonomie c’est la bonne dose. Cela va poser un problème très particulier, c’est-à-dire que chacun d’entre nous a besoin d’un niveau d’autonomie différent et donc on a un souci en tant qu’encadrant c’est comment gérer l’autonomie à partir du moment où la dose d’autonomie n’est pas la même pour chacun. Pour déceler ce niveau d’autonomie potentiellement adaptée cela suppose un minimum d’attention et d’empathie vis-à-vis des subordonnés, être en capacité de se mettre à leur place pour comprendre ce qu’ils sont capables de faire, ce qu’ils ont envie de faire et cela pose un vrai problème d’équité. À partir du moment où il y a 2 personnes qui ont un même grade, les mêmes fonctions mais qui n’ont pas les mêmes besoins en terme d’autonomie, il y en a qui aiment bien qu’on leur dise exactement ce qu’ils doivent faire et d’autres qui ont envie d’être proactifs par rapport à ce qu’ils vont faire, vous allez créer forcement des inégalités et en créant des inégalités vous posez des problèmes d’équité dans lesquels les gens vont estimer qu’ils ne sont pas traités comme ils le devraient. Sur cette question de l’autonomie c’est très important et qu’un des principaux problèmes qui va se poser c’est la question bien entendu de l’arbitrage autonomie / contrôle. Certains disent, un peu rapidement, l’autonomie n’empêche pas le contrôle, sauf qu’une autonomie qui est perpétuellement contrôlée n’est plus une autonomie. Je suis partisan de cette théorie. Je donne de l’autonomie et j’assume, ma responsabilité hiérarchique est engagée même si je délègue une partie de ma responsabilité et s’il y a une erreur la responsabilité sera partagée, les gens ne sont pas à l’aise avec cette théorie. Le souci que l’on a, c’est la bonne dose du suivi, je parle de suivi et je ne parle pas de contrôle. Le contrôle c’est vérifier et souvent vérifier c’est vérifier par rapport à une norme, ce qui veut dire qu’il faut l’avoir définie et là cela devient compliqué, autrement le contrôle parait aléatoire. Le métier de sapeurs-pompiers est sans doute celui qui a le plus de normes et quel est le coût d’un système aussi normé ? Le management public c’est tenter de satisfaire des besoins infinis avec des moyens finis, donc il faut faire des arbitrages. Le problème, c’est lorsque vous avez des moyens limités et que vous devez faire des arbitrages et qu’en plus vous avez des règles strictes qui vous imposent comment les faire, vous êtes quasiment systématiquement en limite de règles et comme vous êtes en limite de règles, vous êtes potentiellement en faute, ce qui renvoie à la question de la responsabilité. Il y a un courant managérial qui s’est libéré depuis les années 2000, c’est le courant des entreprises libérées. François Zobrist précise que la libération de l’entreprise se construit sur 2 règles. La première c’est : « l’homme est bon » et la deuxième « j’aime mon client ». Zobrist dit

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que ce sont les deux seules règles qui sont opposables. On a là 2 extrêmes, premièrement fixer des grandes règles et deuxièmement fixer des règles hyper détaillées. Les SDIS sont plutôt du côté du deuxième extrême d’où les conflits qui potentiellement sont là. Donc quand on parle de la question de l’autonomie, qu’est-ce que veut dire autonomie dans un système qui est entièrement régulé. Il n’y a donc pas beaucoup de place pour l’autonomie, c’est une difficulté. L’autonomie dans un système entièrement régulé c’est ce que l’on a mis dans notre développement sur l’autonomie, cela se résume finalement à une chose : l’autonomie de modalité qui est plus ou moins discutée entre les personnes …. Ça ce n’est pas de l’autonomie, c’est de la discussion autour des règles, c’est de la régulation C’est ce que l’on a défini comme étant une autonomie de modalité, c’est finalement la seule chose en lien avec l’autonomie. L’autonomie de finalité, les objectifs et la discussion des règles, on n’y a pas du tout accès et ce que nous, on va peut-être essayer de mettre comme préconisation pour que les gens deviennent autonomes, il faut qu’ils aient accès à une autonomie de finalité, c’est-à-dire soit un objectif, soit une discussion d’une véritable règle qui les impacte…. Et alors très bizarrement ils ont une autonomie qui est très libre, c’est l’autonomie managériale, c’est-à-dire que le collaborateur a le droit de se comporter un peu comme il veut dans son management avec les gens en dessous de lui parce qu’il n’y a pas de ligne directrice, on considère que cela est difficile et que tout le monde doit développer ses compétences. Entre le management directif et le collaboratif, c’est une liberté complète qui est d’ailleurs extrêmement difficile à concevoir et à mettre en œuvre. Je reviens sur la responsabilité, notre directrice de mémoire nous a bien dit : la responsabilité qu’elle entend dans le thème du mémoire, c’est quand même essentiellement la responsabilité managériale. On a donc beaucoup tourné notre recherche sur des notions de confiance, de loyauté et de participation, je dirai d’imputabilité des décisions au groupe qui est managé. Si quelqu’un prend une décision, tout le monde doit suivre la décision et l’appuyer. C’est dans ce sens que l’on comprenait la responsabilité, car on a rapidement vu dans notre système qui est extrêmement normé, qu’on n’arrivait pas à s’exonérer des responsabilités juridiques, financières à cause de la régulation et de la réglementation. Si je peux me permettre un petit complément, sur ces questions de régulation, ce qu’il y a derrière c’est finalement comment on gère les différents niveaux de règles, cela nous permettra de remonter sur le management. Ce qu’il faut bien voir, c’est ce que nous dit la théorie habituellement sur ces questions-là, c’est que globalement, on a des règles formelles, par exemple les procédures, c’est par exemple les textes juridiques : ça se sont des règles formelles. À côté de ces règles formelles, on a des pratiques et ces pratiques sont structurées autour de ce que l’on appelle des règles informelles qui ne sont pas forcément posées. La confrontation de ces 2 niveaux nous donne des règles effectives et ces règles effectives s’appliquent dans la réalité du terrain. Dire que notre activité est structurée par des règles c’est un peu exonérer la responsabilité individuelle, c’est de dire collectivement que l’on construit les règles. Cela nous renvoie à un point très important, il n’existe que les règles que l’on accepte de défendre et donc une des missions de l’encadrement c’est de défendre ces règles. (Affaire Kerviel) Dans nos systèmes, ce que l’on appelle bureaucratie au sens de Max WEBER, c’est une organisation qui est régie par des règles. Toute la question est de dire on a tellement de règles qu’il faut choisir celles que l’on va défendre et là on a un besoin, je pense que c’est une des difficultés du néo manageur qui commence à encadrer une équipe. Il a du mal à fixer quelles sont les règles qu’il va défendre et celles qu’il ne va pas défendre et souvent cela va être le fruit de son histoire personnelle, de ce qu’il a vécu avant. Finalement, est-ce que l’on est capable de

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défendre certaines règles ? Vous voyez bien que dans vos pratiques, à un moment donné, il y a des choses auxquelles vous tenez particulièrement et ça vous allez le défendre. Maintenant, toute la question quand vous mettez le terme « collégialité », c’est celle de dire : est-ce que l’on est capable de fixer ces éléments collectivement ? Mais, peut-être autant chez les sapeurs-pompiers que dans le reste des organisations, c’est la capacité à faire exister un collectif d’encadrants. La grande difficulté de la plupart des organisations c’est que faire exister un collectif d’encadrants, c’est très compliqué parce que chacun défend sa performance, personne ne veut pas montrer ses faiblesses potentielles en terme de management et globalement il pense bien faire son boulot, mais c’est surtout parce ce qu’il n’a aucun feed back. Vous voyez bien que c’est comme dans l’exercice de toute activité, si vous n’avez jamais un feed back sur ce que vous faites, comment vous pouvez savoir si vous êtes bon ou mauvais, surtout quand celui qui vous donne le feed back c’est quelqu’un qui ne connaît pas votre boulot car il vous rencontre une fois par an pour en discuter, c’est votre supérieur hiérarchique. Le supérieur hiérarchique s’est fait une image, ce qui est complètement insuffisant. L’encadrant ne peut exercer pleinement ses missions que dans la mesure où il est capable de faire une rétroaction sur son activité et à évaluer la manière dont il va gérer les règles, la manière dont il va développer l’autonomie des acteurs, la manière dont il va tenter de faire participer les acteurs à sa prise de décisions, la manière dont il va être capable de connaître son métier. On a donc une vraie difficulté car ce feed back existe très peu et donc on a quelque fois des situations catastrophiques où des gens découvrent qu’en fait ils étaient nuls depuis des années et personne ne leur avait dit. C’est un vrai problème de responsabilité, il faut que ces organisations soient capables de tenir compte des dimensions strictement humaines du management et de l’activité collectives. L’activité collective, quand on parle de collectif de travail on doit s’intéresser au management et à la santé au travail. En matière de santé au travail, on s’est rendu compte que l’on a besoin de l’aide de quelqu’un en cas de difficultés : c’est le soutien social. Mais comment faire exister ces collectifs de travail. Il y en a qui existent spontanément autour d’une activité, d’un métier et on voit bien qu’un des rôles de l’encadrement c’est un rôle d’animation et dans ce rôle d’animation il y a ce rôle de construction des collectifs de travail. On s’est intéressé à un outil que l’on appelle les espaces des discussions dans lesquels mes individus vont pouvoir échanger sur leur travail, la manière dont on le fait, la manière dont on régule les problèmes etc. … On a démontré qu’il y avait un lien très fort entre la présence d’espaces de discussion et la santé au travail des acteurs. Là où il y a des espaces de discussions qui fonctionnent, la santé au travail des acteurs est très forte. Ensuite lorsque l’on parle de collectif de travail je reste focalisé sur l’idée de travail car si on est réuni ensemble dans une organisation, c’est pour réaliser une tâche ensemble. Quand on va parler de réaliser une tâche ensemble il y a plusieurs dimensions. Il y a une dimension collaborative, c’est-à-dire j’ai besoin des autres pour accomplir et mener à bien le travail. Pour la période de télétravail, on s’est aperçu que pour un ensemble de tâches, on était capable de les faire en télétravail, y compris de collaborer même si c’est moins rapide, moins efficace moins pertinent que lorsque l’on est face à face ou dans la même pièce ou dans le même lieu mais globalement on arrive à collaborer. La deuxième dimension, elle est délibérative, c’est-à-dire que j’ai besoin de partager mes représentations, la manière dont je vois les choses, la manière dont je les interprète pour pouvoir réfléchir à des projets, pour pouvoir réfléchir à des développements, pour pouvoir réfléchir à de l’innovation. Cette dimension délibérative suppose d’être organisée d’une manière très précise. La délibération, elle demande à être structurée, elle a besoin de s’articuler avec les différents niveaux de l’organisation. Cela ne se passe pas qu’en un lieu, cela se passe en un lieu où on a besoin de réfléchir à notre travail et si on a besoin de le faire évoluer on a besoin que cela se fasse aussi avec d’autres niveaux donc cela suppose d’être articulé avec les différents niveaux hiérarchiques. Puis il y a une troisième dimension, c’est la dimension affective au sein d’un collectif de travail. En fait, ce dont on s’est rendu compte dans la crise

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récente, ce qui manquait le plus aux personnes en télétravail, ce n’était pas de ne pas pouvoir collaborer car ils y arrivaient, ce n’était pas de ne pas pouvoir délibérer car on acceptait de le faire plus tard, c’était la dimension affective. Quand on parle encadrement et activité de l’encadrement il faut bien dissocier ces 3 dimensions. La collaboration c’est un travail de régulation assez facile, la délibération demande beaucoup plus de moyens et la dimension affective se construit naturellement autour de ça. En termes de management, cela suppose et cela impose que le management soit en capacité d’œuvrer pour cela. D’une certaine manière, les règles viennent plutôt heurter ces différentes dimensions que les renforcer. Dans la notion de responsabilité, on a la responsabilité par rapport à des corps de règles finances, juridiques, éthiques et c’est des dimensions importantes et ces dimensions-là ne sont pas toujours faciles à articuler avec la manière de penser des collectifs. Dans le management collaboratif et ses responsabilités, cette question se pose forcément. Dans les processus de décision, la théorie de la décision, on a un premier niveau c’est les modèles rationnels. Les modèles rationnels nous disent : pour prendre une décision j’identifie clairement la question, j’identifie les possibilités qu’il y a, j’évalue les différentes possibilités et je fais le choix et je reboucle par un retour d’expérience. Dans ce modèle, il existe un problème fondamental car on n’a pas toujours une question claire et il est difficile d’évaluer les différentes possibilités et cela pose un problème considérable. On appelle cela la rationalité limitée. À partir du moment où il y a un choix qui nous convient on va s’en arrêter là. Il existe le modèle de la poubelle, on a un flux d’information qui vient alimenter une poubelle et, finalement ces informations et ces solutions vont se mélanger et quand j’en aurai besoin j’irai puiser là-dedans. La réponse est globalement en capacité de répondre à la question posée, mais on des situations dans lesquelles la réponse n’a pas grande chose à voir avec la question posée, cela explique la diffusion des modes organisationnels. Par exemple, on a fait de l’assurance qualité car tout le monde en faisait, c’était dans l’air et dès qu’il y avait un problème on se disait je vais peut-être le résoudre grâce à l’assurance qualité. Tous les modes organisationnels se diffusent de cette manière-là. Elle se diffuse finalement par des idées qui sont dans l’air et qui sont reprises comme étant des solutions à des problèmes successifs que l’on peut avoir. C’est un biais très fort de nos prises de décisions. Ce qu’il faut aussi comprendre, la plupart des décisions que l’on prend ne sont pas forcément consciente, ne sont pas forcément explicite et ne donnent pas forcément lieu à des choix organisés. Donc nos décisions sont par nature problématiques, dans leurs conceptions. D’un côté, on a besoin que le management soit empathique ou attentif car on ne gère pas des individus identiques, ils sont fondamentalement différents et si je veux savoir en quoi ils sont différents, j’ai besoin de m’intéresser à eux. C’est le meilleur moyen de pouvoir ajuster la quantité de travail, la nature du travail aux individus, on a aussi besoin d’exemplarité et le dernier point on a aussi besoin de la dimension participative. Sur ces 3 dimensions : empathie, exemplarité et participative, elles définissent l’efficacité du manageur. Maintenant sur le participatif, il faut quand même être un petit peu plus explicite. Si vous posez la question à des manageurs, ils vont vous dire qu’ils sont participatifs. Il faut bien voir que dans nos organisations on a de faux participatifs. L’idée du participatif c’est de partager la prise de décision, les informations etc. … Tous les acteurs comprennent très bien qu’il y a certaines décisions qui sont de l’ordre d’une direction ou d’un chef. Il y a le faux participatif, comme souvent on n’est pas assez explicite là-dessus, c’est-à-dire que l’on fait participer à une décision sans expliquer à quoi sert cette décision et donc le faux participatif, c’est de partager la prise de décision mais sur des décisions qui ne sont pas au cœur de l’activité. Le participatif, c’est partager sur des décisions qui sont au cœur de l’activité.

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Nous, on fait une différence sur participatif et collaboratif. Le participatif, on échange mais le manageur va décider. Le collaboratif, on prend la décision tous ensemble mais la décision n’est pas prise par le manageur seul, la décision est prise avec le collectif et est portée par tous. On parle donc de coresponsabilité sur la prise de décision. Le tout est de définir ce dont on parle. De mon point de vue le management participatif c’est de faire participer à la prise de décision et là on a des modalités différentes de management participatif. Il faut donc fixer si c’est l’un ou si c’est l’autre. Souvent dans des organisations, on fait participer dans des groupes de travail, sur des questions, ils font des propositions mais on n’a pas été clair sur le statut de ces propositions. Est-ce que ces propositions vont être des futures décisions ou est-ce qu’il s’agit uniquement de propositions que d’autres peuvent reprendre pour prendre des décisions et quand, ce n’est pas défini, c’est très frustrant. Si c’est défini très clairement à l’avance, tout le monde est d’accord pour faire cela. Cela ne pose pas de problème de dire on a besoin de réfléchir, on a besoin de bonnes idées, réfléchissez-y mais on ne pourra pas appliquer directement, il faudra soumettre cela à un autre échelon, ce que tout le monde peut comprendre. Cette séparation est très importante mais attention quand je dis sur le cœur de l’activité, si vous séparez a priori collaboratif et participatif, d’une certaine manière vous diminuez le potentiel de participation des acteurs à la prise de décision. On a une peur naturelle de dire que la décision qui sera prise ne sera pas la bonne, donc on fait l’hypothèse de dire que l’on est capable d’en prendre une meilleure, le problème est dans la définition du problème qui est posé. À partir de ce moment-là, si on a défini le problème clairement, le degré de participation ne pose plus de problème. Il y a aussi des décisions sur lesquelles il ne faut pas être participatif car tout le monde peut avoir des avis différents et vous allez finir par arbitrer pour une solution moyenne qui en fait une mauvaise solution pour la plupart des gens, on crée des frustrations. Le bon style de management est celui qui permet de basculer d’un mode à un autre et ça les équipes le comprennent très bien, les subordonnés le comprennent très bien. Ils comprennent qu’à certains moments, on puisse avoir un management autoritaire plutôt que de dire définissons ensemble, on qualifie ce management de management situationnel. Sur l’idée du participatif c’est de dire il faut l’utiliser sur les décisions vraiment importantes. Les décisions importantes, ce n’est pas forcément l’idée d’une décision stratégique au sens strict du terme vs décision opérationnelle. On peut très bien faire participer à une décision stratégique sans être le décideur stratégique, mais c’est plutôt de dire, on a des décisions qui sont au cœur de l’activité et des décisions qui sont périphériques donc le vrai participatif c’est lorsque l’on arrive vraiment à débattre du cœur de l’activité, cela suppose d’avoir les moyens de le faire et aussi de se sentir suffisamment à l’aise en tant que cadre pour dire à un moment donné, on m’a demandé de définir la manière dont on devait travailler et j’accepte de le soumettre à un collectif pour essayer de le mettre en œuvre. Ce n’est pas si simple et même pour certains, le fait de le soumettre à une équipe de travail ça peut être considéré comme une faiblesse. En fait, la relation managériale c’est un milieu qui est très dépendant des apparences. Le management est une activité immatérielle, elle est donc très soumise aux apparences. Il y a des situations plus compliquées, pour un ensemble de catégories de personnes de gérer des équipes, par exemple pour les femmes. A priori, justement il y a des obstacles qui peuvent exister, qui relèvent de la représentation que les acteurs se font d’un chef. Il y a une question très importante : est-ce que ce cadre est en difficulté ou pas ? Est-ce qu’il est perçu comme étant en difficulté ? Une étude a montré que lorsque qu’un cadre est en difficulté il n’arrive jamais à s’en sortir. Les tendances du management, on a évoqué l’entreprise libérée, qu’est-ce que l’on peut dire aujourd’hui sur la manière dont est perçu le management par les subordonnés d’une manière globale. Quand on demande à des encadrés ce qu’ils pensent de leurs encadrements, la première remarque qui vient c’est autour de l’absence de l’encadrement de leur activité, il trouve que l’encadrement est globalement absent. Globalement les équipes ont besoin de leur encadrement,

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mais l’encadrement ils le perçoivent absent. Cependant, les subordonnés peuvent comprendre très bien pourquoi l’encadrement est absent. Pour les subordonnés, le plus important dans le rôle de l’encadrement c’est justement la dimension où il est en relation avec lui, ils l’attendent sur son rôle d’animation, sur son rôle de soutien. Les subordonnés méconnaissent l’ensemble des rôles de l’encadrement car l’animation de l’équipe, c’est un rôle parmi d’autres, cela pousse vers une forme de management appelé le servant leadership, donc globalement la mission principale de l’encadrement est de soutenir ses équipes. C’est ce qui est attendu des subordonnés, mais la hiérarchie attend ses encadrants ailleurs. Parmi l’ensemble des rôles du manageur, lesquels sont les plus importants ? Un des rôles sur lesquels je voulais insister qui est à l’articulation de cette idée de servant leadership, on a d’autres dimensions, un peu du même type qui existent comme ce qu’on appelle le leadership habilitant, celui qui donne la capacité aux acteurs de pouvoir agir. On a réfléchi sur une dimension qui est importante que l’on appelle : le rôle de traduction. Le rôle de traduction c’est de dire, nos organisations produisent des injonctions et ces injonctions sont parfois paradoxales. (Exemple : « faites vite mais en parfaite sécurité. »). Ces injonctions paradoxales provoquent souvent chez les acteurs une forme de stress relatif par rapport à leurs missions qui sont de dire : « comment je vais arbitrer là-dedans ? » Le rôle de l’encadrement va être de traduire l’ensemble de ces injonctions paradoxales dans une dimension très importante qui est de dire : voilà comment on va faire, voilà ce qui est important, voilà ce que l’on retient car s’ils ne le font pas, ils projettent la complexité des injonctions paradoxales sur le niveau en dessous. Pour gérer ces injonctions paradoxales, il leur faut de l’autonomie. En disant cela, je suis en train de vous dire que le niveau de management se pose, est-ce que l’on est dans le premier niveau qui est souvent un niveau opérationnel mais sous contrôle relativement strict, ou on est dans le niveau intermédiaire ? Ce n’est pas tout à fait la même chose parce qu’on ne peut être vraiment manageur que lorsque l’on a un minimum d’autonomie. Mais encore faut-il que les acteurs prennent l’autonomie, il faut leur apprendre à prendre l’autonomie qu’ils ont. Souvent je suis assez surpris, on définit des zones d’autonomie dans lesquelles les acteurs peuvent avoir de la liberté et en fait les gens viennent vous solliciter sur comment et quelles vont être les modalités de l’autonomie qu’ils vont prendre. L’idée de l’autonomie, c’est laquelle ? C’est vous qui décidez ! De la même manière, quand je vous parle des différents niveaux de règles, cela fait des arbitrages que l’on doit faire et cela fait partie de l’autonomie que l’on doit aux acteurs, que de fixer ce niveau-là. La confiance est aussi une demande très forte des équipes. Les équipes ont besoin qu’on leur fasse confiance, c’est tout à fait en rapport avec la motivation entre autonomie et mise en place des compétences et affiliation. Comment l’encadrement met du sens ? On est dans des organisations publiques, on a la chance d’avoir un sens qui nous dépasse largement et qui pose assez peu de problème. Quand on passe du niveau organisationnel au niveau local. C’est-à-dire que l’on a une chaîne de sens, cette chaîne de sens elle pose problème. Dans notre sujet, on fait bien la différence entre activité administrative et l’activité opérationnelle. Dans l’activité opérationnelle (dans l’intervention) ça fonctionne bien car les gens ont l’ensemble des repères. Dans l’activité administrative, on n’arrive pas à donner du sens Dans le 71, des recherches ont été menées pour comprendre pourquoi en opérationnel on sait toujours faire, on trouve toujours des solutions et en fonctionnel on n’arrive pas à reproduire ce schéma ? Il y a peut-être un concept qui peut vous aider. Ce que nous on appelle les empêchements de travailler. Au travail, tous les acteurs ont envie que cela se passe bien, ils ont envie de bien faire leur travail et cette règle s’applique à 99% des acteurs. À partir de ce postulat de base, si les gens

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ont envie de bien faire leur travail, il faut essayer de considérer certaines choses comme ce qui va constituer des freins pour eux à bien faire leur travail. Si on raisonne en se disant les individus ont envie de faire du bon travail, il faut définir ce que c’est que le bon travail. La frontière, ce n’est pas administratif versus opérationnel, elle est plus compliquée que cela et toute la question c’est de reposer ce que c’est que de bien faire du bon travail ou la représentation du travail en lui-même, on est en plein dans la dimension délibérative. Le travail de l’encadrement, c’est clairement de mener cette délibération sur ce que c’est que le bon travail car à ce moment-là, cela permet de reposer l’ensemble des tâches nécessaires ou indispensables pour peut-être remettre en cause certaines d’entre elles, mais peut-être aussi en souligner l’importance d’autres et de le signifier. Quand on parle de sens, c’est un rôle de l’encadrement. L’idée du sens qui descend dans l’organisation par capillarité, cela ne marche pas. On fait la différence entre ce que l’on appelle le grand sens et le petit sens. C’est-à-dire le patron qui fait un grand discours pour vous dire voilà comment on va fonctionner cette année, voilà ce qui est important …. Tout le monde applaudit mais tout le monde s’en moque. Cela ne sert à rien, ce grand sens ne sert à rien, on le sait. On construit le sens dans l’activité précise. Dans beaucoup d’organisations, on a fait un travail sur les valeurs, on a essayé de définir les valeurs qui étaient celles de l’organisation en se disant à partir du moment où l’on partage les mêmes valeurs, on va créer une forme de collectif qui va nous permettre de penser les choses de la même manière etc. ... Cette réflexion sur les valeurs, elle produit des valeurs qui sont tellement générales et en fait ce sont des valeurs plutôt éthiques qu’autre chose. Elles sont beaucoup trop loin de la réalité de notre activité et de leur applicabilité. Même les gens qui y croient, ne les mémorisent pas. Le sens se construit au niveau de l’activité, au niveau de l’équipe de travail. Dans cette dimension délibérative, qui est à piloter clairement par le management, cette dimension-là demande que le sens soit construit avec les acteurs autour de la manière dont ils pensent leur travail. C’est un travail de l’encadrement de premier niveau. On sait très bien que dans nos processus administratifs, on en a une partie qui est parfaitement légitime, utile et une autre partie qui au contraire ne sert à rien. Il faut que les organisations soient résilientes, qu’elles soient capables d’admettre et de faire admettre qu’il y a des règles qui sont importantes à respecter d’un point de vue administrative mais aussi être en capacité de les remettre en cause parce que l’on a un vrai souci de la règle bureaucratique. Le poids des règles explique le succès des petites organisations par rapport aux grandes. Les règles sont aussi une forme de paralysie de nos organisations. On est capable de créer des règles mais on n’est pas capable de les démonter. Par exemple, l’entretien d’évaluation annuel, on a été capable de le monter et lorsque l’on s’aperçoit du coût total sur une année, on se dit est-ce que cela vaut le coût de dépenser autant pour ça ? Est-ce que l’on est capable de le démonter, la réponse est non. Il faut que nos organisations soient suffisamment résilientes pour pouvoir revenir sur ce qu’elles font. Mais un des soucis, derrière chaque règle, il y a quelqu’un qui la porte, qui la défend au niveau politique et qui, quelques fois en vit. Les organisations doivent être tournées autour de leurs objectifs et non pas à la justification du pouvoir d’un individu ou d’un autre. Sur l’aspect développement et acquisition des compétences, la compétence d’une manière générale est la compétence managériale. Sur la compétence d’une manière générale, cela fait partie des choses dont la fonction RH ne peut gérer que le processus administratif et pas la réalité, la réalité doit être gérée au niveau des équipes. La question du développement des compétences fait partie du processus motivationnel. Les compétences managériales, les manageurs ou les encadrants n’ont pas du tout de feed-back sur leurs compétences et sur leur niveau de performance en terme de management, c’est un problème fondamental. Le développement des compétences managériales est très loin dans l’ordre des priorités. Il faut que les manageurs soient convaincus que ce travail sur les compétences, que l’idée que les compétences managériales doivent être travaillées, c’est une forme de révolution. Cela suppose que les supérieurs

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hiérarchiques soient en capacité de descendre pour aller voir ce que fait la strate du dessous en termes de management et pour amener du feed-back. Des organisations le font très bien, en mettant en place dans les missions très claires de chaque niveau hiérarchique, d’avoir une mission d’enrichissement des dispositifs de management et des compétences managériales des équipes en dessous. Il est important de renvoyer du feed-back. Le management c’est un peu l’oublié de l’évolution de nos organisations. Il faudrait remplacer les entretiens d’évaluation très formalisés par des entretiens au fil de l’eau avec un vrai suivi, un vrai feed-back qui aurait plus de sens. Les subordonnés pensent que les entretiens d’évaluation ne servent à rien mais ils ne souhaitent pas les supprimer car c’est l’occasion une fois par an de discuter avec son chef. Sur le pilotage par les indicateurs. On a un vrai souci avec les indicateurs. Dès que vous mettez en place des indicateurs, les acteurs gèrent les indicateurs et ne gèrent plus la réalité du système. Soit vous avez un indicateur qui est parfait soit vous avez une déviance. À chaque fois qu’il y a un indicateur, on s’arrange pour répondre à l’indicateur, on va satisfaire l’indicateur pour faire ce que l’on veut d’un autre côté. Il ne faut pas confondre indicateur et objectif. Le management par objectif est déployé massivement et pour ce management par objectif, on a tendance à mettre en face des indicateurs. Le discours sur le management est un discours plein de bonnes intentions, mais les pratiques, en revanche, sont souvent très loin de ces bonnes intentions. En revanche pour fixer un indicateur, l’indicateur doit être précis pour mesurer l’atteinte à l’objectif. Il est très important de définir l’atteinte ou la non-atteinte des objectifs aux acteurs. La capacité de l’individu à s’adapter à un système de contraintes est infinie. Fixez des contraintes à un individu, il va vous expliquer comment les contourner. Est-ce que les objectifs fixés ont du sens par rapport à notre activité, donc il faut en débattre, la fixation des objectifs doit faire l’objet d’un processus qui est délibératif. Est-ce que les indicateurs sont des repères pour savoir où est-ce que l’on en est, ou est-ce que l’on se le fixe comme quelque chose qui a des conséquences très précises sur le futur de notre activité. Fixer un objectif qui peut même être ambitieux, peut être un frein à ma productivité. Dès que l’on a des indicateurs, on retrouve ces effets-là. Les gens vont se débarrasser des indicateurs, les accomplir pour pouvoir garder de la marge de manœuvre ailleurs et des indicateurs où de toutes façons, cela va réguler leur activité. Réponse à votre dernière question : c’est NON. La mise en retrait du supérieur hiérarchique lors de prise de parole et de décisions sur les dossiers importants, remet-elle en cause son autorité et son pouvoir, la réponse est non. Contrairement à ce que l’on pense, le management participatif bien mené est un facteur d’autorité et de pouvoir incroyable au-delà de son aspect performance. La mise en retrait n’est pas du désintérêt, c’est de construire une prise de décision. Les réunions peuvent être animées par n’importe qui, ce n’est pas uniquement le rôle du supérieur hiérarchique. On peut différencier le rôle hiérarchique et le rôle d’animation. L’animation lance le débat, passe la parole, recueille les avis. Mais dans la représentation que l’on a, de ce que c’est qu’un cadre, il y a le mot cadre donc c’est celui qui fixe le cadre, qui fixe les limites, qui organise les débats mais pourquoi ? Cela n’a aucun sens, c’est juste une histoire de pouvoir et de justification de ce pouvoir. À quoi sert exactement la hiérarchie ? Quelle que soit l’organisation, attention il ne faut pas brider l’intelligence des acteurs. L’intelligence des acteurs ne peut se déployer que dans la mesure où on laisse l’autonomie suffisante. C’est sur les dossiers importants que le cadre doit accepter de se mettre en retrait, le dossier important étant un dossier qui touche l’organisation du cœur du travail des acteurs et non pas un domaine stratégique. Dans les SDIS, il y a une très forte variabilité liée au management. Il y a des centres de secours où cela se passent très bien et il y en a d’autres où cela se passe nettement moins bien, idem dans les services. Il y a un vrai problème de variabilité dans ce secteur d’activité et donc une forte dépendance à la qualité du management. Il manque donc une vraie logique générale de management, qui passe par le développement de compétences managériales. Dans une

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organisation hiérarchisée, cela laisse penser que les dispositifs de management s’imposent et sont naturels alors que c’est l’inverse. Ils ne s’imposent pas mais se construisent et ils ne sont pas naturels mais ils s’apprennent. Une petite question qui interpelle lorsque l’on pense aux pompiers, c’est quand même la gestion de l’équité globalement. On est dans une organisation où justement l’uniforme est censé mettre tout le monde au même niveau, mais qu’il y a une hypocrisie extraordinaire là-dessus avec déjà des ressentiments d’un ensemble d’acteurs (SPV, SPP) avec des conflits latents entre les différents statuts dans les casernes. Un autre clivage entre PATS et sapeurs-pompiers avec des propos complètement délirants. À un moment donné, il faut que chacun joue son rôle. Chacun à son niveau doit bien faire son métier, on va déjà bien limiter les dégâts. Je crois beaucoup au professionnalisme, je crois beaucoup aux compétences professionnelles, je crois beaucoup aux compétences métiers. Les compétences de management sont aussi des compétences techniques et donc on ne devient pas manageur comme ça, il faut à un moment donné que les compétences soient associées et après ces compétences il faut les exercer et c’est le professionnalisme qui compte. On a souvent pensé que c’était d’autres trucs qui jouaient, l’idée du charisme, l’idée de ceci, l’idée de cela au détriment d’un bon professionnel. Il est préférable de travailler avec quelqu’un avec qui on ne s’entend pas mais qui est un bon professionnel. On a surestimé nos évaluations à partir d’une espèce d’apparence de performance qui est en fait une illusion. Je veux un chef qui fait bien son boulot. En matière de management, on a souvent privilégié des espèces d’apparence de performance au détriment de la compétence et après on le paie. Le courage managérial. Ma logique est que le travail a été construit, échangé et débattu avec la personne et il faut le faire régulièrement pour ne pas avoir au bout du compte, alors qu’il y a des conneries de faites depuis 3 mois, devoir dire à la personne « vous n’avez pas fait votre boulot. » C’est grave et cela veut dire que le manageur n’a pas fait son boulot. Le courage managérial, c’est le courage d’accepter de gérer les choses en temps réel, être capable de dire à quelqu’un : « ça ne va pas ce que tu fais. » Mais c’est très compliqué à faire, si on a laissé faire les choses pendant une longue période. Si le manageur est proche de l’équipe, qu’il a l’empathie nécessaire, l’exemplarité nécessaire cela ne pose aucun problème de dire ça à la personne. Il est donc nécessaire d’expliquer au jour le jour et la question du courage ne se pose pas. Les leviers de résistances. Face aux tâches nouvelles, demander lesquelles sont soustraites. C’est très important car si vous acceptez, vous êtes en train de dire je suis en sous occupation donc on a aucune raison de ne pas vous en donner plus. Il est donc nécessaire que chaque niveau hiérarchique ait la connaissance du travail de ses subordonnés. Questionner en permanence sur l’utilité, à quoi cela sert… Il faut mettre son organisation devant sa propre incurie, si on nous demande des données pour le lendemain, si l’organisation n’est pas capable de le demander avant, il n’y a pas de raisons pour qu’on lui donne. Il faut aussi mettre l’organisation en situation d’échec pour une remise en cause. À un moment donné, on est obligé de penser ressource. Un individu se sent mal à partir du moment où ses ressources sont atteintes ou quand il investit en ressource mais ne récupère pas ce qu’il faut ou qu’il sent ses ressources menacées. Tous autant que nous sommes, nous sommes hyper résilients et hyper adaptables donc comme on a des capacités très fortes, on est capable de beaucoup de choses, de beaucoup s’adapter mais on n’est pas capable de s’adapter à l’infini. La limite est dans ce qui est physiquement et humainement possible, psychologiquement possible.

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ANNEXE N°8, ENTRETIEN AVEC LE CPIS. Retranscription de l’entretien semi directif avec le Major A. P, adjoint au chef de bureau R.H. du Centre Parachutiste d’Instruction Spécialisé

Combien de niveaux de management successif possède votre établissement ? Pour moi dans mon établissement, il y a trois niveaux de managements successifs, le premier c'est le chef de corps : il s'appuie sur des “grands” chefs de service et ces chefs de service dirigent des commandants d’unités. Ça c'est vrai au niveau fonctionnel mais aussi au niveau opérationnel ? Il y a bien une partie dédiée au soutien avec 4 grands services et une partie opérationnelle pure et pour des raisons de service il y a un cloisonnement très strict, entre la partie soutien et la partie opérationnelle. Les opérationnels ne font que de l'opérationnel et développent certaines spécialités. La partie soutien est là pour anticiper et prévoir les besoins des opérationnels. Le chef de corps décline son plan d'action, et s'appuie sur ses différents chefs de service pour arriver à ses fins. De qui tire-t-il son plan d’action ? La DGSE est constituée de plusieurs divisions dont la division opération. Cette division est directement sous les ordres du président de la République. On ne parle plus à proprement parler de l'armée. La division opération réalise des actions qui ne sont pas revendiquées par le gouvernement français. La politique générale de votre établissement est bien indiquée géographiquement et non techniquement ? Oui c'est plutôt un aspect géographique…. Le CPIS travaille plutôt dans des pays très « dégradés » contrairement au CPES qui travaille dans des pays stabilisés…. Pour raisons techniques ? Oui des compétences très spécifiques comme la guerre clandestine. Un plan d'action, ça se traduit pour le chef de corps comme ceci : “Je veux que dans telle zone d'ici 2 à 3 ans, le CPIS soit capable de mener telle type d'action”. Après évaluation, le chef de corps est en mesure de faire remonter, au niveau de la présidence de la République, les capacités du CPIS dans telle zone. Quelle est la particularité de votre organigramme ? Dans le bureau opération et instruction, (partie opérationnelle NDLR) il y a plusieurs commandants d’unités qui dirigent des personnels hyper spécialisés, mais qui doivent savoir faire en même temps plein d'autres choses. Le chef de corps en adjoint, le C2 réalise des missions administratives de type soutien, ou sécurité des emprises. Il l'aide au niveau du management ? Non pas du tout, c’est un adjoint administratif. Historiquement le chef de corps vient des commandos alors que le C2 peut provenir de toutes les unités de l'armée. Une particularité de l'organigramme de la partie soutien provient du groupe d'appui opérationnel qui est le service qui s'occupe du maintien opérationnel militaire, le tir, la marche, la condition physique de tous les militaires qui sont positionnés dans le soutien. Car ces personnels aussi ont vocation à partir en

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intervention donc ils doivent rester opérationnels. Une des difficultés c'est de faire comprendre à ces personnels qu’ils sont des militaires avant tout, pas seulement des spécialistes. Donc un organigramme plutôt en râteau ? Oui c'est souvent le cas dans l’armée …. Une des difficultés de la structure pyramidale, c’est le temps structurel pour faire monter et descendre l’information de façon transversale. Est-ce qu’avec une structure type « râteau » vous avez réussi à augmenter la transversalité de votre structure ? Les réunions se font à l’initiative du chef de corps entre les chefs de service et lui-même. C'est donc très directif. Mais, en même temps, comme la taille de l'unité est petite, cela permet d'avoir l’avis du chef de corps sur des positions techniques très rapidement et de prendre des décisions. Dans l'armée, c'est très rarement le cas d'être en prise directe avec le chef de corps. Est-ce qu’en dessous des chefs de service, les personnels sont en autonomie complète ou quasi complète, en fonction des paramètres de l’intervention ? C'est une spécificité du CPIS, en opération, il y a une autonomie complète de l'unité car il y a peu de moyen de contrôle et de grandes difficultés de communication. Le commandant d'unité et ses personnels sont en autonomie complète y compris concernant la prise de décision. Quelque part, c’est cette application d’autonomisation opérationnelle qui pose problème au niveau dans la partie soutien. Par contre, on peut vraiment parler de cellule autonome au niveau opérationnel, que ce soit en décision, en application logistique, technique et même humaine. Il y a un très gros cloisonnement entre la partie opération et la partie soutien. Le cloisonnement est culturel chez vous pour garder le secret ? Oui c’est culturel …. La grosse difficulté au soutien, c'est de rester un très bon technicien dans différents domaines, de rester au fait des avancées technologiques dans les communications ou l'armement, et en même temps de pouvoir être projeté dans l'action immédiatement. Est-ce que vous avez des points forts ou des faiblesses dans votre management que vous avez pu identifier ? Pour moi les points forts, c'est un commandement au plus près sans interprétation possible. Quand on est en prise directe avec le chef de corps, il n'est pas possible d'interpréter les ordres grâce à la petite taille de l'unité. L'ordre du chef est donné sous quelle forme ? C'est un “je veux” avec la définition d'un objectif par exemple “je veux un effectif réalisé à 100 %” Là, c'est exprimé en objectif, mais est-ce qu'il est possible de l'exprimer en intention comme par exemple ”je veux renforcer la rusticité de mes personnels” Oui, mais dans ce cas c'est plus tourné vers l'opérationnel. Est-ce que l'objectif désigné ou l'intention désignée par le chef de corps est en partie remontée par les personnels des différents bureaux ?

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La remontée des besoins se fait par la production du terrain, elle est exprimée par l'intermédiaire du bureau opération et instruction au chef de corps et c'est lui qui va la retransmettre au soutien. Ensuite différentes propositions sont faites au chef de corps et c’est lui qui choisira entre les différentes propositions. Dans le cas de recrutements, c'est lui qui choisit car il s’impute la responsabilité des recrutements ? Oui en opérationnel, c'est lui qui choisit. On peut dire qu’il est aussi responsable des recrutements pour la partie soutien, mais il fait le plus souvent confiance à ses chefs de service. Donc le point fort de votre compagnie c’est la proximité du management qui donne de la rapidité et de la compréhension aux ordres ? Le tout est essentiellement dû à la taille de l'unité ? Oui D'autres points forts ? Oui, l'accessibilité des manageurs, que je considère comme stratégique. Ils sont disponibles et répondent facilement et rapidement. En résumé une réduction des strates hiérarchiques ? Oui cette accessibilité se traduit en une connaissance accrue des intentions et des objectifs de la part des manageurs stratégiques. Avant (dans l’armée conventionnelle NDLR), c'était plus obscur, plus caché ? Non, au contraire c'était plus défini mais en même temps le sens était moins bien compris car ici, au CPIS le chef a plus de temps pour expliquer et obtenir l'objectif. Concernant les faiblesses ? La grande autonomie des manageurs intermédiaires avec des rendez-vous sur objectifs qui nécessitent un recrutement au millimètre. Le chef de corps donne des rendez-vous sur objectif, entre-temps, il ne contrôle pas par manque de temps et l'erreur liée à un mauvais casting peut être observée rapidement. Nous constatons souvent que l'autonomie donnée au CPIS est dévoyée en “je fais ce que je veux”. En indépendance ? Oui, ça arrive…. Rarement et heureusement, nous avons la possibilité de muter les gens en une année mais c'est une année compliquée. C'est compliqué car l'unité doit être opérationnelle tout le temps, 24 heures sur 24, et nous ne planifions pas obligatoirement les opérations. Nous reviendrons sur l'indépendance comme étant une des phases du développement de l'autonomie et l'une de nos questions cherche à savoir s'il est possible de limiter cette phase. Quel management pratique réellement vos manageurs intermédiaires ? Un management directif, pour l'instant à l'armée, c'est le management directif qui prédomine. Le chef de corps ne pratique que du management directif. Pour les chefs de service, c'est du management délégataire en s'appuyant sur des sous-officiers spécialistes, dans lesquels ils ont confiance. Ces personnels sont aussi habitués à rendre compte et à donner un avis technique.

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Donc, pour un problème sans solutions connues, la structure se tourne bien vers la base pour amener des propositions de solutions ? C’est celui qui fait qui sait ? Nous, on propose une solution technique et on attend du chef qu'il tranche. Quel est le feed-back qui remonte de la base vers le chef de corps au niveau du soutien ? C'est une remontée le long de la chaîne hiérarchique depuis les chefs d'unité vers les chefs de service puis le chef de corps. Quelle est la particularité de votre organisation au regard du thème de mémoire ? Il n'y a que des volontaires au service action, tous les candidats déposent leur dossier et ils sont sélectionnés. Pour les opérationnels c'est très long…. Nous, nous ne choisissons pas nos chefs mais pour les opérationnels, une grande attention est portée sur le comportement pendant la sélection, par l'ensemble des niveaux hiérarchiques opérationnels et tous les niveaux hiérarchiques qui ont suivi les candidats opérationnels s’expriment avant la décision finale de recrutement. Pour les opérationnels à recruter les tests sont communs quelle que soit la strate : homme du rang, sous-officiers, officiers. On peut dire que c'est l'organisation opérationnelle qui choisit ses chefs ? Disons qu’elle les propose après les avoir sélectionnés, à la validation du chef de corps. Ce n’est pas commun au sein de l’armée ? Ici le cursus est complètement différent, il est tronqué par la spécificité du service. Vous progressez parce que vous êtes reconnus comme bon au sein du service par vos pairs opérationnels. Quelle est la moyenne d'âge du chef de corps ? Moins de 45 ans, c'est très jeune dans l'armée, généralement ce sont des Saint-Cyriens brillants et volontaires pour intégrer l'unité. Ils vont ensuite toujours évoluer dans le cadre du service action. Il n'est pas possible pour un officier provenant de l'armée régulière de devenir chef du bureau opération et instruction. Car il n'a pas été intégré ni promotionné par la structure dans son ensemble ? C'est compliqué de l’affirmer dans son ensemble…les hommes du rang et les sous-officiers ne peuvent pas vraiment revendiquer une décision relative au recrutement d'un officier. Mais il est vrai que la façon de commander et le comportement de leader sont importants pour arriver à devenir commandant d’unité, puis chef de bureau opération interne puis chef de corps. C'est lié à cette structure particulière, le fait de travailler en civil est un choc pour les militaires. L'absence de repères liés à l'uniforme et aux galons est difficile ? Oui, hormis pour un opérationnel qui n'a évolué qu’au sein du CPIS, c'est une spécificité de l'unité difficile à appréhender pour un militaire. Cette absence de hiérarchie visible, ça fonctionne mieux, moins bien ou différemment ? Ça fonctionne, mieux grâce à la taille de l'unité, avec des personnels sélectionnés et qui savent se repérer même en l'absence de galons pour évoluer dans cette structure. Il faut que chaque agent

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connaisse son emplacement et le comprenne au sein de la hiérarchie non visuelle, et non auditive car le tutoiement est de rigueur comme en opération. Dans l'unité le chef de corps doit me reconnaître par mes compétences, il me respecte pour mes compétences techniques. Moi je le respecte en tant que chef pour les décisions. L’idée sous-jacente de l'unité, c'est la responsabilisation par le niveau de compétences ? Effectivement c'est un peu l'idée…. Mais malgré la proximité, ce n'est jamais le chef de corps qui nous dirige directement, il transmet toujours par la chaîne hiérarchique. Cette proximité avec le chef de corps et l'apparence civile est parfois mal comprise par certains qui oublient leur positionnement militaire. Aujourd'hui, il est de plus en plus fréquent de devoir rappeler que malgré notre apparence nous ne sommes pas des fonctionnaires mais bien des militaires et qu'il est de notre devoir de nous tenir prêts à toute éventualité en travaillant au-delà des heures réglementaires. Un militaire ne fait pas des heures supplémentaires, il est payé 24 heures sur 24 7 jours sur 7 …. Qui serait le manageur intermédiaire de votre établissement ? Pour moi c'est difficile à définir malgré la définition, je pense que c'est le chef de bureau soit opérations instructions, soit ressources humaines, soit logistique, soit appui opérationnel. Ça semble logique en regard de nos définitions chef de corps=manageur stratégique, chef de bureau=manageur intermédiaire, commandant d’unité= manageur de proximité. La stratégie est déclinée 2 mois après l'arrivée du chef de corps, en plan d'action transmis aux chefs de bureau…. Eux-mêmes re-déclinent en plan d'action dans les services. Dans le plan d'action on retrouve des notions comme intentions et objectifs ? Oui, on retrouve dans le plan d'action, les objectifs donnés et les éléments de sa phase d'observation, l'état des lieux du centre. Quel est le niveau de responsabilité du chef de bureau ? Une responsabilité essentiellement technique, car dans une petite unité comme la nôtre il n'y a quasiment pas à faire de management… En tant que volontaire, on adhère à la structure et on suit notre chef. Ce résultat est obtenu grâce la sélection et aussi à la personnalité du chef. Pour moi, la place du chef est extrêmement importante dans l'implication collective en faveur de la structure. Maintenant au lieu d'être très directif, j’essaye de mettre en place de l'incitatif et de l'accompagnement pour motiver les individualités en faveur du collectif. D'après la littérature, le processus de décision en management collaboratif se base sur les critères suivants : confiance coopération choix convivialité ? Attribuez un pourcentage à ces 4 notions. La confiance 50 %, le choix 30 %, La coopération 10 %, la convivialité 10 %. Si vous deviez rajouter un autre critère dans le processus de décision ? Je rajouterai le contrôle…. Quand on est chef et que l'on prend des décisions, on se doit de contrôler…. Pas « fliquer » mais assurer un suivi pour arriver à atteindre le résultat escompté. Dans quel domaine est-il possible de partager les idées, les responsabilités et les décisions ?

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Pour nous le chef de bureau peut s’appuyer sur la technicité de ses collaborateurs, afin de partager les idées et pour prendre les décisions. J'attends de mon chef qu'il écoute mes idées, je lui donne mon avis, mais c'est à lui de trancher et de prendre une décision. C'est ce que j'attends de mon chef. S'il ne suit pas mon avis, je sais qu'il l’a entendu et pris en compte dans sa décision. Quoi qu'il arrive je ne lui en tiens pas rigueur. Est-ce que cette méthode permet de vous imputer de la responsabilisation ? Oui si le choix conseillé est mauvais !! Non si le choix est bon car j'aurai fait mon travail de technicien correctement. Je n'en tirerai pas particulièrement de satisfaction, c'est dans la normalité des choses et au service de mon organisation. Donc dans l'objectif d'œuvrer pour le collectif ? Oui A contrario si votre chef ne suit pas votre avis, quel est votre ressenti ? Mon comportement est peut-être atypique : mais je ne lui en veux pas, car le chef est là pour décider et assumer sa décision, il peut se tromper, cela arrive mais je lui reconnais le droit à l'erreur car rien n'est plus difficile que de décider. Surtout aujourd’hui. Tout ce qui est fait est toujours remis en question. Il n'est pas possible d'arriver à l'unanimité, il y a toujours des mécontents donc l'important c'est d’écouter, d’en tirer le meilleur et de décider en tant que chef. Parce que la décision est prise sans concertation préalable de la part des subordonnés et des techniciens. Il y a donc bien une notion de droit à l'erreur dans la prise de décision de votre part ? Oui, a contrario les personnels qui ne sont pas en position de décision ou de responsabilité sont rapides à la critique. Je pense que le management collaboratif amène des solutions pour limiter la critique en demandant aux collaborateurs, ce qu’ils sont en capacité de faire, ou ont envie de faire généralement les personnes impliquées et performantes se lancent pour faire avancer la situation, les autres sont souvent confrontés à leur manque d’implication et donc limités dans la critique. La critique est quand même assez limitée car dans notre unité il y a beaucoup adhésions aux valeurs et le respect de la hiérarchie influe beaucoup sur la critique …. La question sur le télétravail présente-t-elle un intérêt chez vous ? Non cela n'existe pas. Pour tourner la question différemment, est-ce que lors d'une délocalisation en opérations extérieures, le soutien fait des missions de type bureaucratique ? Non les agents des opérations restent en communication uniquement avec les agents opérationnels du niveau supérieur. Comment concilier intention et les valeurs au cœur du travail quotidien ?

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Pour moi, c'est le travail des sous-officiers anciens, ceux qui sont déjà passés par là ou en opération extérieure qui doivent tirer les nouveaux vers le haut. Ils doivent rappeler fréquemment le sens de l'engagement et de la présence dans l'unité. C'est de la communication ? C'est de la communication et de l'implication personnelle de la part des manageurs de proximité : les sous-officiers. C’est aussi de l'animation permanente. Il faut aussi souligner l'importance de l'exemplarité dans le management.

Pour vous l'exemplarité permet de positionner l'intention et les valeurs au cœur du travail de façon importante ? Oui, c’est une partie importante, dès que le chef ralentit, c'est perceptible au sein de l'unité immédiatement. Mais la petite taille de l'unité permet de rectifier rapidement ce type de comportement et en plus, il n'est pas possible de se cacher longtemps. La présence des agents opérationnels qui sortent vraiment du lot en termes de capacités est aussi une motivation supplémentaire, ainsi que l’appartenance à une des meilleures unités de l’armée de terre L’aura du CPIS joue aussi dans ce type de motivation ? Oui. Une unité performante jeune et qui sélectionne ses agents. L'exigence de la sélection vous permet déjà d'éviter les personnels moyens ? Oui et ça nous “sauve” par rapport aux autres unités de l'armée de terre. Nous, on peut sélectionner les meilleurs agents de toutes les unités de l'armée de terre. Vous faites quand même de la détection dans les différentes unités de l'armée de terre ? il n'y a donc pas que du volontariat ? Disons qu'on fait de la promotion au sein des écoles de formation pour aspirer et attirer les meilleurs éléments en officier et en sous-officier. On essaie de repérer ceux qui souhaitent se remettre en question, réaliser quelque chose de différent … Passer encore des sélections représente déjà une remise en question importante pour des officiers et de sous-officiers performants qui ont déjà réalisé des périodes d’active. La notion de test est déjà une remise en question. L’intégration au service action confirme cette remise en question avec l'absence d'uniforme et de grades. Votre structure a-t-elle fait du management collaboratif sa stratégie globale ? Ce n'est pas à proprement parler un type de management développé dans les armées, les manageurs intermédiaires exercent un type de management directif propre aux armées. Mais l'autonomisation des personnels est quand même une volonté de la structure. Le collaboratif existe assez peu chez les militaires sauf dans le domaine technique où les chefs s'appuient sur leurs collaborateurs. Quelles qualités doivent détenir les collaborateurs afin d'être en mesure de participer à l'élaboration des objectifs ou des règles qui s'imposent à eux ? J'en ai défini 5 : La compétence dans son domaine (NDLR : vraie définition de la compétence c'est-à-dire celle que l'on recycle).

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La loyauté, c'est-à-dire connaître sa place et être capable de dire à ses chefs qu’ils sont peut-être en train de se tromper techniquement pourquoi et malgré cela, accepter la décision des chefs.

La fiabilité et la transparence, c'est-à-dire reconnaître ses erreurs…. Il n'y a rien de pire que celui qui essaie de cacher une erreur ou s’en dédouaner, c'est une rupture de la confiance, il n'y a rien de pire au niveau professionnel.

Le dévouement à la cause commune, c'est-à-dire l'acceptation des obligations dans la profession : les risques de la profession, une remise en question permanente dans notre cas, être toujours prêt à faire la guerre et être capable d’évoluer dans notre manière de faire la guerre. L’ancienneté n'est pas une qualité suffisante pour diriger.

Si les personnels ont ces cinq qualités, à mon avis ils peuvent participer à la fixation des objectifs ou des règles qui s’imposent.

Le développement des compétences dans un domaine précis limite-t-il l'acquisition de compétences annexes ? Dans notre cas c'est extrêmement difficile de maintenir les compétences et de développer des compétences dans un domaine précis car notre domaine d’expertise est très étendu. Nous cherchons des hyper spécialistes mais au bout d'un moment il n'y a plus des bons dans un domaine, mais des moyens partout...C'est devenu extrêmement difficile d'y arriver car je dois concilier mon expertise RH mais aussi toutes mes capacités de militaire opérationnel. Même si nous ne sommes pas rentrés sur ces domaines dans notre mémoire que pensez-vous de la polyvalence et de la complémentarité dans les compétences au sein de votre unité Pour partir sur une mission donnée, les équipes sont constituées de manière complémentaire, avec 4 spécialistes complémentaires dans les domaines les plus pointus. Ce sont des hypers spécialistes mais capables de polyvalence si nécessaire, les agents opérationnels sont en mesure d'effectuer les missions d'un groupement interarmées de plus de 100 personnes, mais il faut préciser que les moyens au service de ces quatre personnes sont considérables, sans aucune commune mesure avec le reste de l'armée. Le plus difficile c'est de mettre le bon curseur sur la polyvalence des individus Sur les stades de l'autonomie, c'est-à-dire la dépendance, la contre-dépendance l'indépendance et l'interdépendance, est-ce que vous avez réfléchi un moyen de limiter la phase d'indépendance ? L’autonomie est un vœu mais c'est aussi une phase qui n'est que transitoire…La personne qui reste au top niveau dans tous les domaines désignés pendant plusieurs années cela n'existe pas. Il faut de l'animation et une remise en question perpétuelle c’est en ça que l'autonomie est un vœu car elle n'est que passagère. Pour limiter l'indépendance, il faut arriver à mettre en place un développement des compétences collectif et aspirer le groupe vers le haut, pas tirer un seul individu vers le haut. Il faut aussi conserver la vision que l'on a du chef comme d'un leader. Le leader doit se servir de son autorité pour faire évoluer le groupe et non à son profit personnel. Comment est-il possible de concilier confiance et contrôle ? Le contrôle, c'est quelque chose que le subalterne comprend, donc il ne doit pas avoir peur car c'est une modalité, il n'y a pas de volonté de sanction. Il doit être réalisé dans une volonté de prévention. L'autonomie peut faire peur aux gens, car si on est autonome sans contrôle, il y a un

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risque de perte de repères. Il faut conserver du contrôle pour vérifier qu'on est toujours dans la bonne ligne directrice. Est-ce que le « rendre compte » n'est pas le stade ultime de l’autonomie ? À mon avis oui, mais ce n'est pas encore assez ancré dans l'esprit des gens… Même chez nous, le compte rendu est quelque chose qui se perd. Il faut souvent rappeler aux éléments autonomes qu’il est nécessaire de rendre compte dans une organisation. Est-ce que vous pourriez envisager le contrôle comme un suivi d'indicateurs volontaires ? Oui, mais pas seulement, la vocation du contrôle, c'est aussi pour rectifier et pour corriger les écarts. Tout le monde peut faire des erreurs mais le fait de contrôler régulièrement ou ponctuellement permet de diminuer la pression du résultat. Au niveau performance, mais aussi comportemental, il n'y a rien de pire que quelqu'un qui s'est trompé et a continué à s'impliquer dans son erreur. Lorsqu'il le constate seul, ça a un effet désastreux alors que le contrôle aurait permis de rectifier plus vite. Il y a une perte de temps lorsqu'il n'y a pas de contrôle adapté et de surcroît, il existe un risque d’échec. Pour résumer un avis plutôt positif sur le contrôle et plutôt négatif sur les indicateurs ? Un avis surtout négatif sur les indicateurs, on leur fait dire ce qu’on veut…. Comme à certains tableaux et à certains indicateurs non pertinents. Il vaut mieux que le temps imparti pour le reporting soit utilisé par le chef pour contrôler et faire des actions correctrices de type managérial. Le contrôle, c’est aussi le retour d'expérience pour contrôler ce qui a fonctionné ou pas fonctionné en opération ou sur un dossier important. Le RETEX a peut-être une valeur encore plus importante que le contrôle car c'est du vécu et ça empêchera de se tromper ultérieurement Comment est perçu le retrait du supérieur hiérarchique lors d'une discussion ou d'une prise de décision ? Pour moi ça ne remet pas en cause l'autorité du supérieur, le fait de laisser ses techniciens s'exprimer et de savoir les écouter. Par contre, le chef doit toujours avoir la décision. Pour expérience personnelle : en situation opérationnelle de guerre, lorsque ça dégénère, tous se retournent vers le chef. Même si le chef et aujourd'hui très critiqué ou commenté, dans des situations difficiles, tous se tournent vers le chef afin obtenir des décisions. Aujourd’hui j'essaie d’être plus à l'écoute et dans la compréhension de mes chefs car décider est un exercice extrêmement difficile. Quelque part en tant qu’hyper spécialiste, il est facile d'avoir l'ascendant technique sur le chef mais eux doivent avoir la décision finale dans la plupart des domaines d'expertise technique. Dans votre structure un chef qui ne décide pas c'est un chef qui n'existe pas ? en tout cas c'est une perception de la base ou une perception du chef ? Chez nous c'est la base qui va l'avoir …...un chef hésitant va très vite perdre le leadership, et souvent ça entraîne des difficultés importantes dans le service.

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ANNEXE N°9, ENTRETIEN AVEC LE SDIS 57 Retranscription de l’entretien semi directif avec le COLONEL hors classe François VALLIER, Directeur Départemental du SDIS de la MOSELLE. Quelles sont les particularités de votre organisation au regard du thème de mémoire ? Un découpage territorial qui concilie à la fois la politique départementale du conseil départemental sur le territoire, c’est à dire la création de sous-territoires cohérents, en bassins de vie, et dans un deuxième temps, cette organisation territoriale qui est également en accord avec les arrondissements préfectoraux. Ça veut dire que la mise en œuvre territoriale de tout ce qui est fait au SDIS part d’une organisation socle qui est commune aux deux entités de gouvernance. Les différents niveaux de managements, est-ce que vous avez une échelle de niveaux différente de celle que l’on peut trouver habituellement dans un SDIS, à savoir comité de direction, chefs de groupement, chefs de centre, et services fonctionnels. On est sur des entités complètement classiques, en termes de structure pyramidale, parce que les cadres, dans leur génétique, ont un peu de mal à s’y reconnaître s’il n’y a pas une pyramide. En affichage, oui mais dans les faits, la logique qui est déployée est une logique métiers/compétences avec une capacité de travailler exclusivement par compétence. C’est à dire qu’en terme de logique de fonctionnement, je prends la personne la plus à même de mener un dossier pour qu’elle puisse le piloter, qu’elle soit en catégorie A, en catégorie B, ou même en C. Sans un respect strict de la hiérarchie ? Absolument ! Il y a toujours ce respect strict sinon le pompier fait une crise cardiaque mais globalement dans les faits et la mise en œuvre, il y a une dysfonction parfaite de tout cela. C’est effectivement ce que l’on a pu entendre ici et là où le pompier a besoin d’identifier un chef, et le galon en est l’illustration. Comment pourriez-vous schématiser la structure de votre organisation ? Le galon, c’est la petite image qu’on a sur le « bide ». Et alors qu’on relève de la loi de 1983 qui dit que globalement le grade et l’emploi sont deux choses différentes, nous, on a dit que le galon c’est le grade, et le grade, c’est l’emploi, donc on a rigidifié le système. Et pour que le système soit absolument sûr, on a essayé de mettre une pyramide en place, et le rapport entre la base et le sommet de la pyramide est complètement incohérent. C’est à dire qu’aujourd’hui, vous êtes sur des systèmes complètement aplatis parce qu’il y a un rapport de nombre de grades complètement différents entre la base et le sommet. En termes clairs, si vous prenez l’analyse du système tel qu’il est vécu par l’entretien d’une culture corporatiste, consiste à dire qu’on a besoin d’une pyramide. En fait, on n’a pas une pyramide, on a un système qui s’apparente à ce que certains appellent le système totalitaire avec un seul homme au sommet et une batterie de mecs en dessous qui travaillent. Et donc vous appliquez un système de grades sur un système totalitaire, ce qui ne peut pas marcher ! Ce système redevient cohérent d’un point de vue opérationnel parce que d’un point de vue opérationnel, les rapports entre le nombre de personnels, la constitution et l’engagement d’un chef de groupe, la constitution et l’engagement d’un chef de colonne, la constitution et l’engagement du chef de site, sont sur des rapports cohérents. Donc là, vous retrouvez une organisation pyramidale qui est cohérente. Et tout le monde se retrouve à peu près en équilibre. En Aveyron, c’est ce que vous faîtes en opération, sur votre feu (actualité : feu à Séverac-le-

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Château en Aveyron NDLR) où vous essayez d’équilibrer des secteurs, vous essayez d’être sur un système qui vous permet de naviguer en parfait équilibre sinon cela ne sert à rien d’avoir une colonne sur l’attaque et une ou deux pompe-tonne sur l’alimentation. Par contre, si on parle du management au quotidien, vous voyez que la profession singe un système (qui lui est inculqué), qui rassure, un système qui se retrouve dans le statut général du militaire et qui n’a absolument rien à voir, et donc on est un système prolifique en matière de création totalitariste. Est-ce que vous avez des points forts et des faiblesses par rapport à votre mode de management ? La faiblesse essentielle est l’ouverture des cadres sur l’extérieur. Se sortir du carcan pyramidal, un homme, une mission, des moyens globalement. Le sujet est que les cadres supérieurs sont de l’ancienne génération, et que dans un système pyramidal voulu pour la préservation d’ailleurs de l’autorité des cadres supérieurs et des directeurs pour un certain nombre de collègues, on ne cherche pas à s’ouvrir sur l’extérieur parce que s’ouvrir sur l’extérieur, c’est accepter une forme de contestation collaborative, ce qui met mal à l’aise, et donc on préfère avoir la culture du savoir associé au grade, plutôt qu’une culture de collaboration. À propos du parcours qualifiant, ce dernier montre bien que le chef doit tout savoir, il doit être passé chef de centre, il doit être passé chef de groupement, il doit être passé sapeur, il doit être passé ceci et cela. Et donc il est capable de tenir une lance, on est pas du tout sur une culture dite collaborative, on est sur un empilement de savoirs, je dis bien de savoirs, pas des savoir-faire. On le cache justement ou on le justifie en disant que c’est un empilement de savoir-faire, en fait ce n’est pas le cas. Le chef ou le sous-chef est légitime parce qu’il a cet empilement de cases cochées de « je sais faire ». Ce qui est très méprisant pour les cadres intermédiaires ou pour les personnels qui aujourd’hui ont globalement tous le bac, voire même des études supérieures et sont en capacité de produire un certain nombre de choses, voire même être à l’initiative d’un certain nombre de choses. Vous mettez en avant l’organisation dans les faiblesses... L’organisation est un moyen pour s’adapter aux hommes, de façon à développer un management visant un cap ou des orientations qu’on vous a fixées ou que vous vous êtes fixées. L’organisation est bien un moyen. C’est une approche qui n’est pas forcément développée dans les cercles corporatistes. L’organisation s’adapte aux hommes et ce n’est pas l’inverse. Or la corporation, classiquement, qu’est-ce qu’elle fait ? Elle adapte les hommes à l’organisation et donc vous rigidifiez le système, vous essayez de faire rentrer avec un chausse-pieds des hommes sans en prendre en compte l’Homme avec un grand H que vous avez en face de vous, avec ses compétences, avec ses qualités, ses faiblesses et ses défauts, et à le mettre dans une case de chef de centre, or chef de centre de l’ancienne première compagnie de la Courly, ce n’est pas la même chose que chef de centre à Givors, à St Étienne ou à Metz. La réalité, c’est qu’on a un blocage qui relève de la sauvegarde individuelle, finalement, et la « non volonté » de remise en cause de nos cadres, qui pensent : je suis chef donc je ne peux pas être contesté dans ma fonction de chef ! Et si je commence à m’ouvrir à l’extérieur, à être remis en cause, à animer des groupes collaboratifs, de l’intelligence collective, je peux être mis inévitablement en situation de faiblesse. Et concernant les forces de votre management….

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C’est le pragmatisme qui est une chose commune de nos cadres qu’ils soient intermédiaires ou non. Le concepteur qui ne fait que des concepts est quand même mal à l’aise. On a besoin de pragmatisme, les cadres dans notre profession sont là pour produire quelque chose de concret. Il y a une forme de culture du résultat sur l’atteinte de l’objectif. C’est de réussir à augmenter la performance des unités opérationnelles quel que soit le management utilisé… ? Non, je ne suis pas dans ce registre, je dis lorsque vous donnez un objectif, c’est la culture d’atteinte de l’objectif, donc de faire pragmatique pour atteindre cet objectif. Cela, globalement, on le partage tous, c’est à dire qu’on remplira la mission. Globalement, si vous partagez le sens de la mission pour atteindre l’objectif, les gens feront ce qu’il faut pour atteindre l’objectif, après ce n’est que de la méthode. D’après vous, quel management pratique vos manageurs intermédiaires ? Il faut premièrement, partager le sens du projet et deuxièmement, un encadrement serré. Je me suis servi de l’approche hiérarchique pour faire en sorte que le directeur pilote ses chefs de groupements directement, et au-delà du pilotage, j’anime les chefs de groupement, je leur ai transmis par des animations pédagogiques le travail, je leur ai transmis la méthode qu’ils reproduisent après, parce qu’ils voient que ça marche, que les méthodes utilisées sont des méthodes qui permettent de faire de la création, avec de l’intelligence collective. Après ces méthodes-là sont déployées à l’échelle départementale, en comité de direction, en réunions régulières. Il faut bien une stratégie générale, vous ne pouvez pas faire cela sans stratégie générale, seul dans votre coin, à moins d’être un iconoclaste local qui fait ça dans son coin et ensuite être en défaut par rapport à la globalité de la structure, s’il n’y a pas d’écho sur la structure globale. Aujourd’hui, on est sur une méthode pédagogique et d’animation qui est déployée sur tous les niveaux avec des réunions techniques avec le directeur d’une heure maximum (avec une grosse préparation) et lorsque c’est une réunion de travail, on est forcément sûr de l’intelligence collective. Aujourd’hui, il semblerait, d’après les retours de nos collègues dans les SDIS, que le management collaboratif soit essentiellement utilisé en mode projet ou lorsqu’il existe des problèmes sans solutions connues à ce jour. Le mode collaboratif serait utilisé ponctuellement quand il n’est pas institué comme une stratégie globale. Il faut aussi regarder ce qu’il y a dans le mode projet car bien souvent les modes « projet » redeviennent avec une méthode directive avec des gens qui sont là pour habiller une forme de légitimité. On en a effectivement conscience…Parfois le produit est fini avant d’avoir commencé… Le mode projet est très poreux par rapport à cette volonté du pompier qui veut un chef. Si vous faîtes un mode projet classique, de type matriciel, est ce que vous choisissez déjà par rapport aux compétences ou par rapport au grade ? Vous vous retrouvez très vite à choisir un projet par rapport au niveau hiérarchique des gens … Oui, c’est souvent à un chef de groupement que l’on confie un projet…

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C’est rare que l’on le confie à un caporal parce qu’il a les compétences qui vont bien, ça existe peut-être sur 100 SDIS, je ne doute pas que ça puisse exister, mais la réalité de tout ça, c’est la méthode qui consiste à faire un groupe projet que j’appelle groupe pluriel. Quelle est votre idée du manageur intermédiaire, c’est plutôt le chef de groupement, le chef de centre, le chef de garde ? J’ai du mal à répondre à votre question, l’intermédiaire, c’est l’intermédiaire entre quoi et quoi, je comprends que l’on veuille mettre des gens dans des cases, c’est très occidental, mais pour moi un sous-officier de garde, c’est un manageur intermédiaire, intermédiaire entre l’orientation et la réalisation globalement. Un sous-officier de jour constitue pour moi un des manageurs intermédiaires. Pour en avoir discuté avec un grand nombre de pompiers, ils ne sont pas persuadés que le manageur intermédiaire est le chef de groupement tel qu’on pourrait le comprendre, au sens de la définition du CNFPT, de la DGAP... Je pense qu’un chef de groupement, il n’est pas là pour être un manageur intermédiaire. Dans votre définition, le chef de groupement, il n’est pas à ce niveau-là, il a un pied dans le sommet stratégique, dans la conduite stratégique des affaires. Après, vous pouvez mettre autant de strates que vous voulez, vous pouvez mettre des sous-directeurs, des pôles, des divisions, etc. Chacun met la sienne, parce qu’on a tiré le système vers le bas, et qu’il nous manquait bien des collaborateurs constructeurs ou participants à la définition de la stratégie globale. Ça nous conforte dans l’idée que la définition du manageur intermédiaire est à reprendre… Vous savez les définitions des ministères, c’est comme les économistes, il vous explique la crise lorsqu’elle est passée. Ils écrivent sans doute la définition du manageur intermédiaire tel qu’il était dans les années 2000, il faut voir plus loin. Si vous deviez distribuez 100 points entre confiance, coopération, choix, convivialité dans le processus de décision, quelle serait votre répartition ? Ça dépend de quelle décision. Sur une décision dure, dure en matière de crise sociale, la convivialité avec les manageurs intermédiaires va avoir de l’importance, beaucoup plus que si vous êtes sur une décision de mise en œuvre d’une politique générale, avec un calme plat, et que vous demandez de décliner un certain nombre de choses. Ça dépend de la typologie et de la portance de la décision ; c’est à dire, est-ce que la décision investit en responsabilité l’ensemble des personnels de la structure, est-ce que le sapeur Lambda dans l’ambulance va être concerné par la décision ou est ce qu’il va être simplement spectateur de la décision, qui s’arrête au niveau du chef d’agrès, au niveau du chef de centre, … Ça dépend de l’agenda, de la temporalité dans lequel vous le faites, si c’est une décision qui va être mise en œuvre dans un mois, deux mois ou immédiate. Plus vous êtes dans l’instantanéité, plus vous êtes sûr de la directivité. Dans ce cas-là, la convivialité, elle rapporte plus ou moins 0. S’il y a un enjeu pénal ou un risque sévère vis à vis des personnes, la convivialité, c’est le dernier de vos soucis, et le nombre de points qui lui serait attribué est relativement bas. Il y a une dichotomie qui doit être agile, sur la répartition du nombre de points en fonction de la situation rencontrée. Est-ce que lorsque vous êtes en directivité, la confiance doit être là, je ne suis pas certain. Concernant la coopération et la confiance, on ne peut pas avoir de coopération si on n’a pas de confiance. Les deux sont liées. La convivialité, dans un système bureaucratique et administratif

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de décisions, je ne la perçois pas bien. On n’est pas une amicale fraternelle, on est un établissement avec ses règles. La convivialité, oui mais la réalité c’est le boulot. Vous pouvez faire tous les pots tous les repas, toutes les fêtes que vous voulez, la réalité c’est le boulot, il faut se bouger et se retourner les manches. Le monde du travail est difficile, avec des compétitions, des postures. On a une première posture liée à notre organisation, et lorsque vous mettez une tenue de pompier, vous avez une deuxième posture, et lorsque vous mettez un galon, vous avez une troisième posture. C’est ce qui fait que les lieutenants colonels et les colonels sont insupportables, difficiles à appréhender. Vu de la troupe, c’est comme cela qu’on est perçu, au même titre qu’un adjudant se prend déjà pour quelqu’un… C’est de la posture, et la convivialité, je ne la perçois pas bien. Pourquoi mettre en avant la convivialité ? La convivialité nous est présentée comme étant un pilier du management collaboratif…. Oui, mais on n’est pas dans le monde de « OUI-OUI », en terme de management collaboratif, vous pouvez mettre de la convivialité dans la méthode que vous utilisez dans le cadre d’une réunion technique, qui va vous amener potentiellement à formuler un certain nombre de décisions, et là, la méthode d ‘animation peut être conviviale. Mais ce que je retiens, c’est lorsque vous organisez une réunion technique où vous faites de l’animation, de la collaboration, de l’intelligence collective, les gens râlent au début parce qu’ils savent qu’ils vont devoir travailler. Alors que lorsque vous organisez une réunion de direction de base, c’est du top-down, du bottom-up, les fameux tours de table où vous êtes 30 autour d’une table, cela ne sert à rien – je n’en fais plus de ces réunions-là, cela m’insupporte et cela insupporte tout le monde. Les gens sont contents mais ce n’est pas convivial pour autant. Par contre, lorsque vous organisez une réunion où les gens vont passer 2 ou 3 heures à bosser, et en sortie, avec ce qu’ils ont produit, ils se retrouvent et c’est convivial, ils apprécient. Donc la convivialité dans ce cadre-là, je la comprends mais la convivialité sur une décision permanente de fonctionnement de notre établissement comme le nôtre, je ne la comprends pas. Je ne dis pas qu’il n’en faut pas. Pour ma part, je ne recherche pas la convivialité au travail... Est-ce que le fait d’arrêter une décision ne favorise pas dans nos structures une certaine ambiance, et au contraire le fait de pastelliser une décision, de trouver un consensus ne dégrade pas l’ambiance ? Si la décision amène de la clarté et du sens, cela rassure tout le monde, les gens ont un cap, parce qu’ils ont besoin d’un cap et d’un cadre, et que le cap est rassurant. Mais si la décision, c’est tout sauf de la décision, cela mécontente tout le monde, c’est ce qu’on appelle le consensus mou. Mais vous pouvez prendre des décisions qui fracturent tout le monde et qui génèrent un mécontentement général. La décision peut avoir une incidence sur la convivialité mais la convivialité ne facilite pas forcément la décision. Après derrière, les gens regardent à titre personnel leur nombril, avec des gens qui râlent des restructurations, qui râlent des décisions prises et qui les pénalisent. Qui de nous 5, va au travail pour entendre tous les jours un individu se plaindre qu’il est maltraité, tout le monde s’en fout. Au début, vous faîtes preuve d’empathie, parce que c’est dans nos gènes, mais après cela vous insupporte et vous vous dîtes, celui-là il n’est jamais content. C’est la réalité humaine, mais à partir d’un certain point, vous dîtes, cela va bien un moment mais à présent, il faut bosser. Le travail, c’est cela. On a cette image des casernes avec une équipe constituée qui travaille autour de la même mission et qui fait sens commun, et donc il y a une forme de convivialité que l’on cherche à reproduire dans un système général, un système d’Etat-Major, de fonctionnement avec les officiers mais qui n’est pas la réalité. Au sein

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des casernes, pourquoi lorsque nos gars font une grosse opération, l’ambiance dans la caserne est meilleure ? Parce qu’ils ont mené un certain nombre d’actions, ils ont partagé le sens, et ils se sont sentis en phase avec leur engagement initial. Est-ce que le COS est venu perturber par ses décisions quelque chose ? La réponse est non. C’est simplement qu’ils se sont retrouvés, comme une communauté, ensemble autour d’une même mission. C’est bien le sens qui met en valeur leur engagement. Et aujourd’hui, la problématique qu’on a, par exemple, c’est que ce qui est fait par nos collègues dans les casernes n’est pas en adéquation avec leur engagement. Qu’est-ce-qui se passe chez les officiers ? Combien de fois, un officier vous dira, je ne suis pas là pour faire du papier, ce qu’ils font, ils n’arrivent pas à le mettre en adéquation avec le sens de leur engagement initial. Ils se sont trompés de voie. Ils n’ont pas analysé nos structures. Quels sont les domaines que l’on peut partager ? Partager des idées, partager des décisions ? Est-ce partager ou faire adhérer ? Pour ma part, je veux bien partager avec quiconque, mais la difficulté c’est de faire adhérer, et qu’est-ce-qui se passe, si la personne n’adhère pas et est-ce qu’on peut partager si la personne n’adhère pas ? La pyramide est un système déresponsabilisant, je suis en deux mots, contre la pyramide. Il y beaucoup d’ouvrages là-dessus. Pourquoi les services occidentaux se sont fait avoir pour les attentats du 11 Septembre ? Parce qu’on a pensé pyramide, les systèmes cellulaires, protéiformes, que sont les systèmes de guérilla djihadistes ne travaillent pas du tout en pyramide. Ils ont une autonomie de décision et une capacité d’initiative avec une responsabilité de ce qu’ils font qui leur est propre. Aujourd’hui, 20 ans après, le commandement opérationnel des forces spéciales travaille de la même manière, c’est à dire que vous avez des forces spéciales qui sont autonomes, qui sont libres d’initiatives et qui sont responsables de leurs actes. Et pourquoi un manageur intermédiaire ne travaillerait pas de la même manière, parce que c’est lui qui est capable de s’adapter aux personnels qu’il manage.

Dans un système de gestion au plus proche du terrain, c’est un système qui fonctionne. Nous, on n’en est pas là, mais on peut s’en inspirer. Prenons l’exemple de la crise sanitaire, on a pris plein champ, la première vague de l’épidémie, on a élaboré un certain nombre d’informations et de sensibilisations, à tous les niveaux, on visait les 5000 sapeurs-pompiers de la Moselle. On s’aperçoit que les casernes ont pris une partie d’autonomie et se sont organisées d’une certaine manière dans des procédures opérationnelles locales, et pris en compte la désinfection notamment. On avait fixé des directives mais pas forcément ultra précises et on voit que chacun a fait preuve d’initiatives et des initiatives adaptées au fonctionnement de la caserne, parce que vous ne pouviez pas avoir un schéma unique et chacun s’est impliqué, les chefs de centre ont réussi à galvaniser leurs troupes et à les concentrer, avec une exigence absolue sur les procédures opérationnelles et les remontées d’informations sur les matériels, etc., parce qu’ils ont eu une autonomie et une prise d’initiatives dans leur propre organisation, et ce qui est intéressant, c’est que l’on ne l’a pas demandé. On s’aperçoit que les réseaux ont fonctionné, les personnels ou les chefs d’unité ont échangé entre eux, et petit à petit les réseaux, l’ensemble des casernes se sont organisés avec le strict respect du cadre qui était donné mais avec une initiative complètement libre de sa propre organisation selon les caractéristiques des casernes et des bâtiments. Et on aurait eu un outil indiquant comment se passe la décontamination lorsqu’on est souillé sur une intervention dans le cadre du COVID, les gens auraient eu des difficultés, on aurait mis du stress, ils se seraient braqués, auraient dit que ce n’était pas jouable. Il nous manque ceci, il nous manque

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cela pour essayer de faire une norme. En fait, la puissance de feu dans ce cadre-là, c’est la « dénormalisation », c’est l’adaptation, c’est l’agilité vis à vis d’un cas.

Donc partager quoi, jusqu’à quel niveau on partage, et dans quels détails et après il y a la stratégie générale, une grande confiance n’exclut pas une petite méfiance. En termes clairs, on n’est pas obligé de tout faire savoir. Aujourd’hui l’antithèse de ce qui se passe en Moselle avec le SAMU, c’est le rapport de la fédération. Donc j’en déduis que la fédération n’est pas représentative des pompiers de Moselle. Et pourtant j’ai comme interlocuteur le patron de SAMU Urgences de France. On est sur une collaboration complète, et donc on tombe un peu des nues, lorsqu’on lit ce qui a été écrit. Et ça, c’est une initiative locale. Ce n’est même pas moi à mon niveau. C’est les gens qui produisent de l’intelligence collective parce qu’ils ont compris qu’on leur a créé le cadre et les conditions dans lesquelles ils peuvent produire de l’intelligence. Certains y arrivent, d’autres pas. Certains n’y arriveront jamais, parce qu’ils ne sont pas au bon niveau.

Si on peut résumer, ce serait donc : On partage les idées, on fixe un cap, et par contre, on fait adhérer. La responsabilité managériale, c’est bien de faire adhérer ?

Oui, je pense.

L’autre thème, la stratégie de mise en œuvre. Quel impact a eu le télétravail ou la délocalisation sur le fonctionnement de l’organisation ?

Le point négatif principal est une nouvelle fois que les systèmes d’animation et de management souffrent d’une forme d’archaïsme, même si on a ouvert la collaboration, le télétravail a renforcé la directivité car les manageurs se sont remis en situation de confort, et c’est plus simple de travailler de façon directive lorsque vous faîtes des réunions en visioconférence, et notamment lorsque vous faîtes de l’audio, vous avez besoin d’ordre pour éviter que cela parte en vrille. Finalement, le naturel a repris le pli par rapport au collaboratif qui avait été instigué.

L’autre point négatif serait l’organisation car on n’avait pas assez anticipé. On a fait essentiellement du travail à distance et non pas du télétravail car on n’avait pas tout dématérialisé.

Concernant les points positifs, tous les manageurs voulaient s’assurer que tous les personnels étaient impliqués, ils ont passé énormément de temps au téléphone. Le service informatique a fait en sorte que chacun ait un espace de discussion. On a fait tomber toutes les distances à l’occasion de ce télétravail. Dans un deuxième temps, l’adhésion globale au système collaboratif a fait qu’il n’y a pas eu d’impact de production, je n’en ai pas vu. J’ai aujourd’hui 2 pôles sur la structure stratégique qui ont fait des états réguliers et hebdomadaires et je n’ai pas vu de différences sur ce qui était fait. Ils n’ont pas pu faire complètement du collaboratif mais on a récupéré les 5 années de collaboratif instiguées et les gens ont compris qu’ils ne seraient pas laissés sur le trottoir, à part les 4 ou 5 qui étaient en autorisation spéciale d’absence parce qu’ils ne pouvaient pas travailler, voire même on a des gens qui ont exprimé le souhait d’être beaucoup plus mobilisés. La structure a plutôt chauffé, on a plutôt plus travaillé qu’avant.

Et enfin, sur le travail à distance, on a pour projet d’installer des salles de co-working dans les unités opérationnelles sur tout le territoire. Je suis très défavorable au télétravail à domicile, par nature, parce que je pense que cela dé sociabilise, ça nécessite beaucoup d’efforts de management pour rattacher, alors si on en fait, une fois, deux fois dans la semaine, cela peut s’équilibrer, mais le fait d’avoir des espaces de co-working judicieusement répartis sur le territoire, la personne

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peut se dire, je réduis ma distance, je vois des pompiers, des collègues, je suis au contact du territoire, je suis « infusé », je prends en compte les problèmes et on décloisonne les problèmes comme cela. On était sur ce projet là avant la crise, donc cela l’a accéléré.

Comment concilier intention et valeurs dans le travail quotidien avec immédiateté des résultats et évolutions incessantes de la société ?

Je considère que durant les 15 années de la départementalisation, les profils de directeurs, de dirigeants n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui. Ils ne sont pas les mêmes parce qu’on ne recherchait pas les mêmes. Quand on a construit la départementalisation, on cherchait des extrêmes-leaders parce qu’il fallait agglomérer un certain nombre de structures qui étaient complètement différentes dans leur fonctionnement, qui avaient des habitudes complètement éloignées les unes des autres et donc, pour rassembler ça, il nous fallait une hyper directivité. Donc, globalement un directeur des années 2000, on lui a dit, vous avez un chèque en blanc, vous faîtes ce que vous voulez en termes de dépenses et vous nous rassemblez tout ce « bordel ». On sait que socialement, ça va exploser, donc il faudra mettre de l’argent. Aujourd’hui, on n’est pas sur la même logique…

Aujourd’hui, comment pouvez-vous piloter des boutiques comme les nôtres si vous ne travaillez pas sur le sens et les valeurs ? Ça devient compliqué. Les nouvelles cohortes (nouvelles générations NDLR), elles ne travaillent pas comme nous et elles ne partagent pas la même chose. Aujourd’hui, on a des zappeurs, pour l’anecdote, on m’a rapporté récemment des COS, confrontés à des personnels qui laissent la lance parce qu’il fait trop chaud et préfèrent aller s’aérer ! Comprenez, mon commandant, il fait trop chaud ! Et lorsque le COS leur vole dans les plumes, ils disent : « oui, mais ce n’est pas chez nous que ça brûle ». Ça reflète bien les mentalités d’aujourd’hui, les nouvelles cohortes n’ont pas la même approche. Ils sont dans l’immédiateté, dans la production immédiate. Vous allez sur internet, un sapeur-pompier veut aller aux Seychelles, en trois clics, il sait qu’il part après-demain… Puis, parallèlement à cela, il a le même dossier pour pouvoir être sapeur-pompier volontaire, et là, il lui faut 6 mois ! Avec 50000 papiers qui vont se perdre dans l’administration, etc...

Donc l’immédiateté, l’instantanéité, elle est là. La problématique, c’est les indicateurs que vous demandez. Est-ce-que l’indicateur que l’on remonte fait sens ou non ? Je prends un autre exemple, les carences ambulancières. Nous, on demande à nos personnels de nous remonter les fiches de dysfonctionnement sur les carences. Ils partent sur un départ réflexe, et en fait c’est une carence. Au début, tout le monde râle, car le pompier, ce n’est pas un virtuose de l’écriture, on est donc obligé d’être en directivité sur un certain nombre d’unités. Mais lorsqu’on leur envoie le suivi des fiches qu’ils ont faîtes et qu’ils voient apparaître les indicateurs avec des évolutions de tendances, voire même des décisions qui sont issues des fiches où ils ont été acteurs, on en entend plus parler. La réalité est donc, est-ce que ce que l’on nous fait faire est utile, et je le comprends, ou est-ce-que c’est complètement inutile et donc ça me gonfle.

C’est plus çà que nous devons travailler. Si vous demandez des indicateurs de gestion, uniquement sur les finances à tout le monde, ça va être compliqué. Si vous mettez en lien les indicateurs de finances ou de budgets avec les politiques que vous menez, politiques qui ont été partagées, les rapports sont différents. Ils savent que tout ce qu’ils font « participe à ». J’ai fait faire des économies à des services quand je suis arrivé. Ils étaient furieux, ce qu’ils ont fait en économie, on le leur a affiché, et de ce qu’on a affiché, on a produit un certain nombre de postes dont ils ont été en partie bénéficiaires. Une fois qu’ils ont compris ce schéma, plus personne ne

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dit rien. Il n’y a plus de problèmes, ils ont compris l’usage que l’on faisait de l’économie. C’est bien la compréhension de ce pourquoi nous faisons ça, à tous les niveaux.

L’indicateur doit avoir du sens mais est-ce qu’un indicateur qui serait visible tout le temps, par tout le monde, ça vous choque ou pas ?

Non, ça ne me choque pas à partir du moment où l’enjeu de nos organisations est de faire adhérer tout le monde à une politique générale, à des axes politiques (au sens de la gouvernance). C’est à dire, je mets par exemple en place une politique jeunesse, j’ai donc un plan d’action sur la jeunesse, je communique sur ce plan d’actions, et tout le monde doit comprendre les portées du plan d’action. Et en face, je mets des indicateurs, donc ils voient qu’ils sont acteurs des politiques générales décidées par la gouvernance. À partir du moment où vous êtes sur cette cinématique, il n’y pas de problèmes à afficher des indicateurs. Après, si c’est juste pour afficher le nombre d’opérations, l’indicateur sert à quoi ? L’indicateur qui met en exergue l’action collective dans le cadre d’une politique générale, ça vous pouvez le mettre en accès direct. C’est même un devoir de le mettre en accès direct, parce que vous devez rendre compte à tout le monde de ce qu’on a fait collectivement, dans un esprit collaboratif.

Dans la crise COVID, on a demandé de faire remonter avec une extrême précision les consommations de masques, puisqu’on n’était pas certain d’être approvisionné. Les personnels s’y sont tenus, on a affiché chaque semaine l’autonomie en masques. Au début, on a eu les camarades qui n’étaient pas d’accord, qui disaient que le sapeur allait s’exposer. Mais dès qu’on a affiché l’autonomie en masques, il n’y a plus de questions car les gens ont compris qu’on avait cette problématique d’autonomie et qu’on était vigilant sur l’autonomie. Et ils ont même été prudents sur la façon dont ils utilisaient les masques, puisqu’avant ils utilisaient des masques à droite, à gauche. C’était l’opulence. J’ai fait des notes avec mes services mais au demeurant, il n’y a pas eu de contestations en disant c’est n’importe quoi ! Ils ont eu l’indicateur en face, ils ont compris ce qu’on faisait.

Votre structure a-t-elle fait du management collaboratif sa stratégie globale ?

L’outil de travail de mes commandants de compagnie, c’est ça. C’est les « post-it », lorsqu’ils font réunions, ils ne travaillent qu’avec des post-it. Je leur ai fait une petite valise avec plein de choses amusantes, une valise pour pouvoir travailler et animer les chefs de centre.

Quelles seraient les qualités nécessaires à un collaborateur pour accéder à l’autonomie de finalité, c’est à dire être autonome dans la construction des règles qui vont s’imposer à lui ?

La qualité principale, c’est de l’agilité. C’est avoir un certain nombre de moyens. S’il faut définir les modalités, je suis en capacité de le faire, parce que j’estime que pour aboutir, il faut des modalités. Soit je n’ai pas besoin de modalités, et je dois avoir une autonomie managériale pour persuader ou faire amener tout le monde vers l’objectif. Soit finalement, je dois déterminer la finalité des actions que l’on mène dans un cadre général. Donc, c’est le manageur qui doit décider. Et d’un centre à l’autre, d’une unité à l’autre, d’une sous-unité à l’autre, d’une cellule à l’autre, c’est différent. C’est fonction des hommes qu’ils ont à piloter. Donc la personne doit avoir une capacité d’autonomie, qui n’est pas une capacité d’indépendance (tout le monde est interdépendant) mais qui est une capacité d’initiatives. Peu importe la manière dont elle s’y prend. Si vous mettez l’adhésion comme objectif final, quoiqu’il arrive, la personne avec les

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connaissances qu’elle a, avec les moyens qu’elle a, peut faire en sorte que tout le monde adhère à la situation. Vous le voyez sur n’importe quelle structure, voire d’une région à l’autre, d’un bassin à l’autre, d’une zone géographique à une autre, c’est complètement différent, parce que les mentalités sont différentes, parce que l’histoire est là, parce que la culture est là, parce que les personnalités sont là. Comment voulez-vous essayer de mettre les gens dans un cadre, ou dans une règle particulière, dans une grille particulière, alors que chaque situation est différente ? Par nature, par définition, le management, c’est de s’occuper des hommes, et chaque homme est différent. Donc vous êtes obligé de travailler sur un manageur qui est en capacité de s’adapter à la situation, sans perdre de vue les objectifs qui sont les siens. Moi, mon objectif, c’est de faire adhérer les personnels à la politique départementale. Ils se débrouillent comme ils veulent. Je leur fournis un certain nombre de méthodes, un certain nombre de connaissances, un certain nombre de cadres d’ordres. Ils se débrouillent comme ils veulent mais ils doivent amener les personnels à adhérer à la politique départementale. Pour qu’ils y adhérent, il est hors de question que je dise : « au nord vous agirez comme le type qui est au sud » sinon vous leur brisez leur autonomie et en plus, vous vous cassez la figure, parce qu’au nord ils accepteront et peut-être au sud, ils n’accepteront pas. En fait, ils ont une réelle autonomie.

C’est l’exercice de l’autonomie ?

C’est cela, c’est précisément cela.

Le développement de compétences dans un domaine précis limite-t-il le développement de compétences dans un domaine annexe ? Comment accepter de ne pas être expert de manière à être interdépendant et non pas indépendant ?

En terme de compétences, vous avez trois blocs : les compétences techniques que l’on cultive dans la profession, et les compétences techniques, c’est l’expertise, et à partir du moment où quelqu’un est hyper-expert, effectivement vous êtes dépendant de cette personne. Son niveau d’expertise lui permet de disposer d’une zone d’autonomie, voire d’indépendance, que l’on appelle finalement une zone de pouvoir. C’est la compétence technique. Le spécialiste incendie, le spécialiste risques chimiques, le spécialiste RAD, c’est de la compétence technique, en matière de doctrine nationale telle qu’elle est déterminée.

Après, vous avez deux autres blocs, un bloc de compétences générales où vous retrouvez à l’intérieur les compétences que vous avez liées à l’emploi de manageur. L’empathie, c’est une caractéristique qu’il faut à différents degrés à tous les manageurs. Le manageur n’est pas menacé par le partage de ce type de compétences, car c’est une compétence de tronc commun qui lui permet d’exercer un certain nombre d’actions. Une compétence d’initiative, une compétence d’organisation, Il n’est pas menacé pour autant, vous n’allez pas sur son terrain de jeu. Finalement, il les partage avec d’autres.

Et en bas, vous avez des compétences complètement partageables, des compétences transverses qui sont liées à ce que vous voulez voir au niveau de votre établissement, qui sont présentes à tous les niveaux, du sapeur au colonel. L’altruisme qui pourrait aussi être classée dans les valeurs, mais vous pouvez aussi développer ce que cette valeur représente en termes de compétences : la capacité d’écoute, qui est bien partagée.

Donc ce qui crée la dépendance et difficulté au niveau des compétences, ce sont les compétences techniques, où là, vous faîtes de l’expertise. Dans le cas de la crise sanitaire, à partir du moment

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où vous mettez des experts en pilotage, c’est la foire d’empoigne. Dès lors qu’ils ont pris une position, ils ne peuvent pas se dédire, puisqu’ils sont experts au départ et à la fin. Même s’ils ont faux, ils diront qu’ils ont raison.

Le biais de cohérence, ou le biais de confirmation. Ce qui ressort des différents entretiens, c’est que le manageur ne doit pas être un expert, et on ne doit pas l’amener à accroître ses compétences car cela va à l’encontre de l’acquisition des compétences annexes. Les deux dernières questions concernant l’aspect cognitif, comment serait-il possible de concilier confiance et contrôle ?

Avec le partage du sens du contrôle. Si le contrôle est associé à sanctions, cela ne marche pas. C’est la culture de sa propre évaluation. Autoévaluation de son service, de son centre. Il y a des autodiagnostics et des diagnostics externes sur les unités opérationnelles.

Est-ce-que la définition du contrôle avec vos collaborateurs doit être instaurée en même temps que la définition de l’objectif ?

Non, pas forcément, elle peut être définie a posteriori. Par contre, elle est co-construite. Soit parce que j’en ai besoin, ou que la gouvernance en a besoin, soit parce que le manageur en éprouve le besoin. Par exemple, aujourd’hui sur le territoire, les manageurs se demandaient s’ils étaient bien en accord avec les priorités départementales au niveau de leur unité. Le fait de faire des diagnostics, concaténés à l’échelle de l’ensemble du territoire, permet de mettre en relief quelles sont les priorités, et de définir avec eux, tous ensemble, quelles vont être les priorités du département pour ce qui est de la mise à niveau des unités opérationnelles. Et donc après, vous lancez un contrôle en fonction de ce qui a été déterminé en termes de cap. C’est compris pour tout le monde, tout le monde a co-construit le système.

Au-delà de l’auto-évaluation, qu’est-ce que pensez de la possibilité de contrôle par les pairs ? Par exemple, un chef de centre par un collège de chefs de centre.

C’est jouable mais, est-ce qu’il y a utilité ou non. Si vous mettez tous les chefs d’unité en réseau, que vous avez un chef d’unité qui évoque ce qu’il voudrait faire, que les autres ou la majorité disent que ce n’est pas comme ça qu’il faut procéder, il ne le fera pas. Il y a une autorégulation de groupe qui se fait. Donc c’est possible mais il faut voir quel est l’intérêt de le faire.

Nous la problématique, c’est la posture. Notre difficulté majeure, notre grande faiblesse, elle est là. Le seul moyen que vous avez qu’ils aient envie de s’autoévaluer ou d’avoir une évaluation externe, c’est de participer à la construction de cette évaluation et comprendre à quoi elle sert. Il ne faut pas se leurrer, vous aurez toujours la minorité qui ne fera pas le boulot, et tôt ou tard, sera sanctionnée.

On peut tout faire, mais il faut être prudent sur ce que l’on fait, car notre culture, au sens des normes inconscientes, partagées, est quand même la culture hiérarchique, qui est l’objectif prioritaire sur opération. Je ne vois pas comment on pourrait souffrir de non-directivité.

On est sur des approches très schizophréniques puisque lorsque l’on nous demande dans un carcan, dans un cadre d’ordres, et de normes ce qui nécessite de développer des initiatives de management particulières, et de basculer en directivité et en directivité pure, que tout le monde réclame d’ailleurs, sur le théâtre des opérations. Il faut donc développer une forme de schizophrénie, et cette schizophrénie, c’est une forme de souplesse absolue intellectuelle, c’est à

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dire une forme agilité. Et ça, pour le développer, c’est de la créativité, c’est de l’ouverture sur l’extérieur, c’est de la capacité d’innover, de la capacité d’autonomie de nos cadres. Car à partir du moment où il a de l’autonomie, à partir du moment où il connaît le cadre, où il est relativement libre d’exercer cette autonomie, ça l’aide à être schizophrénique et à adapter sa méthode, à conserver sa directivité nécessaire en opération et la capacité managériale relativement souple et agile dans le cadre courant.

Comment est perçu le chef (autorité et pouvoir du chef) s’il se met en retrait lors de la prise de décision dans un groupe collaboratif ?

Dans un premier temps, c’est la personnalité du chef. Si vous avez un chef avec un ego démesuré, qui a le culte du COS, qui est le seul indispensable au système, qui est le seul redevable devant Dieu, et le seul capable de sauver la veuve et l’orphelin, en sautant du 8ème étage, en pleine nuit, en nuisette, ce que l’on fait tous les jours, ce sera pour lui compliqué de rester en retrait. C’est la valeur de l’humilité. Pour ma part, lorsque mes cadres me proposent des idées, voire même critiquent le chef parce que je leur ai fait faire un exercice de critiques, sans leur dire que c’était un exercice de critiques, et qui les amène à critiquer la politique qui est menée, voire même les décisions qui sont menées, quand ils en sortent quelque chose de constructif, je suis très satisfait.

Effectivement, mais le problème, c’est comment le chef se perçoit s’il est amené à se mettre en retrait ?

Comment perçoit-il déjà son rôle de chef initialement ? Est-ce que c’est un intégrateur, un intégrateur d’idées, et d’avis, et un intégrateur collectif, pour une finalité unique et partagée ou est-ce que c’est celui qui sait tout, celui qui décide parce que c’est lui le patron, et qu’il considère que sa zone de pouvoir, c’est de décider. Quid de la relation de pouvoir ? Vous avez quelqu’un qui refuse de faire ce que vous lui demandez, vous allez où après ? Vous allez mettre les 50 avertissements, les 25 blâmes, etc. mais pourquoi ? Quelle est la finalité, qui a le pouvoir ? Le mec qui refuse ou le mec qui a décidé de faire faire, et qui n’arrive pas à faire faire ? Tout c’est une approche très passéiste dans le mode de fonctionnement. Si vous concevez la fonction de patron de service, chef de groupement, ou chef de centre, comme étant un intégrateur, un fédérateur de ses personnels pour une finalité de décider par une gouvernance, encore faut-il que la finalité soit décidée par une gouvernance, donc encore faut-il que la direction fonctionnelle soit en application et déclinaison d’une politique de gouvernance, que ce ne soit pas les deux en même temps. Il y a certains départements où le directeur est président, et c’est très facile à faire. Mais si vous avez bien une séparation du pouvoir politique et du pouvoir fonctionnel, ça entraîne de la clarté. Après les manageurs comprennent qu’ils doivent conduire leurs troupes dans le cap qui a été déterminé par le pouvoir politique. La grosse difficulté que j’ai eue en arrivant en Moselle, c’est de faire comprendre à tous les cadres supérieurs qu’il y avait un pouvoir politique. Ils n’avaient pas du tout intégré ça en clair. Il y a combien de SDIS comme ça qui n’ont pas intégré qu’il y a un pouvoir politique qui doit décider, qui peut dire non au directeur. Ce n’est pas un problème qu’on me dise « non ». Est-ce-que je veux montrer à tout le monde que c’est moi qui gouverne et que le président ne sert à rien ? Dans ce cas, vous fragilisez la structure puisque vous faîtes reposer l’adhésion de vos cadres et de vos personnels, vis à vis d’une politique qui a été déterminée par un fonctionnaire amovible et non pas par quelqu’un qui a la légitimité démocratique, qui a été élu, parce que vous avez annihilé le pouvoir politique. En fait, chacun doit être à sa place, donc sur la conception de l’édifice, s’il y a bien une séparation de tâches et

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de conceptions différentes entre ce qui est décidé et ce qui doit être mis en œuvre et décliné au niveau de l’administration. Votre travail, celui du patron et des cadres supérieurs consiste à mettre en œuvre et à faire adhérer tout le monde vis à vis des orientations politiques de la structure. Partant de là, c’est incontesté et incontestable.

Les gens travaillent et proposent. Nous, on lance une politique de dialogue social de proximité parce que je suis parti du principe que le dialogue social départemental ne sert à rien. Sur des choses très structurelles, d’accord mais en fait qu’est-ce qui intéresse les personnels dans les unités ? C’est : « j’arrive et je n’ai pas de cirage ! » « J’arrive et je n’ai pas de tenue de remplacement ! » « J’arrive et je n’ai pas de lampe torche ! » Le reste, est-ce qu’on va nommer 60 adjudants, ça ne les intéresse pas ! Mais plutôt, est-ce que je vais être nommé, moi ? Donc, on lance un plan d’action qui est complètement différent et où on va faire du dialogue social de proximité, en direct, Etat-Major/Centre. Et le commandant de compagnie, il est où dans l’affaire ? Le commandant de compagnie, c’est l’équivalent du chef de groupement territorial dans les autres territoires. Et le commandant de compagnie, ici, il ne participe même pas à la discussion, ce n’est pas son problème. C’est le manageur intermédiaire qui est chef d’unité qui va discuter directement avec les équipes du lieutenant-colonel pour lui résoudre les 3 problèmes d’ampoules ou les 4 problèmes de phares. En fait, c’est le positionnement du cadre qui pose problème.

La position du chef qui doit évoluer, de la direction vers l’animation…

Vous ne pouvez adopter d’autre méthode que celle d’intégrer et de fédérer tout le monde. Il faut faire produire les cadres et qu’ils participent et construisent l’ensemble des décisions, mais dans un cap politique. Car votre travail, c’est de réaliser le cap politique déterminé, que vous allez bien souvent aider à déterminer, mais que la gouvernance a entériné sur une mandature de 5 ans. Le cap, c’est ça, les grandes lignes, c’est ça et vous êtes dans une position d’intégrateur. Ce n’est pas moi qui ai décidé. Le système décide, le peuple a décidé par l’intermédiaire des élus qu’il a désignés. Maintenant, vous êtes fonctionnaires, vous appliquez et vous vous taisez. C’est vraiment une question de posture.

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ANNEXE N°10, ENTRETIEN AVEC LA SOCIÉTÉ VALRHONA. Retranscription de l’entretien semi directif avec Mr Philippe RIDENT, DRH de la société Valrhona.

Quels sont vos axes de gouvernance chez Valrhona ? Quels sont vos moyens de développement du management collaboratif, de l'autonomie dans votre organisation ? Enfin une partie purement cognitive sur le ressenti humain de ces différentes modalités. Les notions de management sont des notions subjectives, non mesurables. Pour autant afin de pouvoir progresser dans n'importe quel domaine que ce soit, 2 éléments majeurs sont à prendre en compte, qui sont d'une part la conviction et la volonté de travailler sur ces sujets en voyant cela comme une source d'amélioration et de renforcement de l'efficacité de l'organisation. Le management a un rôle prépondérant dans le bon fonctionnement de l'entreprise mais aussi dans le fait que les personnes s’y sentent bien, et cela sous l'égide d'un pilotage efficace. Valrhona a mis en place de manière progressive à partir des années 2000 des transformations culturelles sur le moyen voire le long terme. Les premières actions se sont déroulées sous forme d’enquêtes de satisfaction et d'opinion du personnel dans le but d'alimenter des plans d'action. Ces enquêtes reposaient sur un modèle américain basé sur la confiance et orienté selon trois axes :

● Le management. ● L'ambiance de travail ● Les conditions de travail et l'équité

Ce modèle qui permet une certaine mesure, est en place dans notre société depuis lors et ces enquêtes sont réalisées de manière annuelle. Cela nous donne une idée assez précise du climat social et des tendances sur les sujets à améliorer. Si on zoome un peu pour s'intéresser au management collaboratif, cette notion est apparue rapidement au travers de nos enquêtes comme un axe d'amélioration. En effet nous nous sommes aperçus que les actions qui, au démarrage étaient menées par le service ressources humaines, ne portaient pas les fruits escomptés et que les manageurs avaient du mal à se les approprier dans leur management au quotidien. Assez vite aussi, nous avons dû travailler sur le rôle du manageur et définir les points clés du management dans l'entreprise. Pour cela, en complément de l'entretien annuel d'appréciation, nous avons mis en œuvre une évaluation que nous appelons évaluation à 360°, bâtie sur la base d'un questionnaire au travers duquel le manageur est évalué par son supérieur hiérarchique, par ses collaborateurs et par ses pairs ce qui permet au manageur d'avoir un feed-back régulier et du coup de progresser. En parallèle de cet exercice les manageurs ont été accompagnés afin de bien intégrer les points positifs ressortis de cette évaluation mais aussi d'appréhender les points à améliorer dans une démarche constructive. Nous avons pu constater que nos manageurs sont dans l'attente d'une autonomie et d’une responsabilisation de plus en plus importante, mais que cela doit faire l'objet d'un accompagnement par de la formation et par du coaching. Au fil du temps des coaches ont été formés en interne.

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Cet apprentissage permanent permet de donner du sens au travail, d'expliquer la prise de décision et de bien équilibrer la part qui revient au manageur en l’aidant à identifier ce qu’il pourra déléguer en donnant plus d'autonomie à ses équipes. Une formation que nous avons appelée “l'école du leadership” a été délivrée à l'ensemble des cadres et manageurs et a permis à chaque participant de se poser des questions sur lui-même et sur son style de management afin de s'adapter au mieux à la complexité de l'environnement. Certaines entreprises sont allées très loin dans le management collaboratif, jusqu'à remettre en cause la ligne hiérarchique. Sans aller jusque-là, Valrhona, a toujours cru au rôle fondamental du manageur dans une organisation, sans pour autant remettre en cause la nécessité d’une ligne hiérarchique. Pour nous il était primordial de conserver la notion de directivité du manageur afin que les décisions puissent être déclinées du haut de la pyramide jusqu'en bas avec plus ou moins d'autonomie. Si je résume, vous donnez à vos manageurs les clés permettant d'arriver à un management situationnel, adaptable ? Exactement et ceci dans le but d'amener les collaborateurs à trouver eux-mêmes une solution au travers d'une posture managériale et d'une écoute active. Nous avons également fait évoluer l'entretien annuel d'appréciation qui se veut dorénavant un moment d'échange entre le manageur et son collaborateur. L'évaluation se fait aussi bien top-down que bottom-up. On pourrait reprocher à un manageur de ne pas avoir pris en compte le ressenti de son collaborateur vis-à-vis de son management lors de cet entretien. Cela permet également que les collaborateurs s'approprient le projet de l'entreprise, la vision stratégique de la société et ainsi soient capables dans leur périmètre d’autonomie de prendre des initiatives, d'être un peu “autoentrepreneur”, d'être acteurs de leurs propres progrès et des progrès de l'entreprise L’organisation est ainsi plus réactive plus agile et plus efficace Je distinguerai aussi collaboratif et participatif, et je fais référence là aux entreprises qui ont beaucoup retiré de niveaux managériaux, le risque de ça est qu’il y a une telle recherche de consensus que les décisions ne se prennent plus. Cela nécessite un fin dosage et cela nécessite aussi que les manageurs échangent entre eux Nous allons passer aux questions reproductibles. Dans ce que vous avez expliqué nous retrouvons un certain nombre de choses évoquées lors de l'entretien avec le DDSIS du 57 et dans les forces spéciales. À savoir que rechercher un consensus, c’est confortable mais dans le domaine professionnel ce n'est pas forcément très efficace et cela peu importe le niveau de participation et/ou de collaboration déployée. Ce qui différencie Valrhona des entreprises ou des structures dans lesquelles nous avons pu réaliser ce type d’entretien, c'est que la prise de décision peut se faire à tout niveau de l'organisation en fonction du domaine d'autonomie concédé à la personne, alors qu’ailleurs il en revient toujours au supérieur hiérarchique de prendre la décision finale sur une action. Combien de niveaux officiels de management successifs possède votre établissement ? Le nombre dépend de l'effectif à encadrer. Là où il y a le plus de monde c'est dans la partie industrielle mais je ne saurais pas vous dire exactement, on a peut-être jusqu'à 5 ou 6 niveaux maximum. D'une manière générale sur l'ensemble des secteurs de l'entreprise on est plutôt à 3 ou 4 sur un périmètre de 1000 personnes. Comment pourriez-vous schématiser la structure de votre entreprise (râteau, pyramidal…)

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Même si nous n'avons pas la volonté de développer des niveaux hiérarchiques, nous restons dans une structure pyramidale. En revanche au-delà de la ligne managériale traditionnelle, nous travaillons beaucoup par projet et de ce fait, les comités de pilotage de ces projets fonctionnent de manière transverse et regroupent des compétences et des niveaux hiérarchiques divers et variés. Un chef de projet peut être patron d'un gros projet sans pour autant être très élevé au niveau hiérarchique. À partir du moment où il dispose de la compétence de chef de projet et d'une certaine crédibilité dans l'entreprise. Ce type de fonctionnement a le mérite de casser les silos et d'avoir une autre manière d'aborder les sujets. Dans la partie projet on retrouve des zones d'autonomie importantes contrairement à une organisation de production classique. Nous avons également des instances de pilotage qui fonctionnent pour coordonner les services entre eux, ce qui va donner de la transversalité dans le fonctionnement, mais aussi du collaboratif. Pouvez-vous nous citer les points forts et les faiblesses liés à votre type de management ? Le principal point fort réside dans la compréhension par les collaborateurs de la stratégie et la vision de l'entreprise. On retrouve généralement un niveau d'engagement, d’attachement à l’entreprise et d’implication élevé. Dans les points d'amélioration, on peut noter un effet de fonctionnement par clans ou par silos qui peut nuire à l’effet transverse. Beaucoup de projets, beaucoup de choses qui bougent peuvent nuire à la rigueur de l'organisation. En revanche plus on met d'ordre et de rigueur dans une organisation, plus elle a de mal à s'adapter à son environnement. Il faut une part de désordre pour amener un espace de créativité et permettre à l'organisation de s'adapter à son environnement. En résumé il vaut mieux une troupe désorganisée mais motivée qu’une troupe cadrée qui n’y croit plus. C’est un sujet à travailler avec attention parce qu'on est sur une ligne de crête en permanence. L'équilibre entre directivité et autonomie est difficile à trouver. D'après vous quel type de management pratiquent réellement vos manageurs intermédiaires C'est un dosage entre d'une part le fait de bien percevoir le rôle qu’il a à assumer en tant que manageur, de ce qui est de l'ordre de son leadership et de son rôle de décideur quitte à ce que cela ne plaise pas toujours et d’autre part le fait de bien peser les marges de manœuvre, les initiatives qu'il peut laisser prendre à ses collaborateurs. Les manageurs doivent être capables d'expliquer les choses, le sens de leurs décisions, le cadre de travail dans lequel leurs collaborateurs évoluent et soient d’autant plus responsables Dans les principes managériaux définis par Valrhona, je voudrais vous citer celui-ci : “être exigeant sur le pourquoi et accompagnateur sur le comment”. Toujours expliquer mais aussi faire confiance aux collaborateurs dans sa façon de s'y prendre. En revanche l'écueil pourrait être de donner une certaine latitude et de l'autonomie a quelqu'un qui n'en a pas les compétences pour décider. Cela peut générer du stress et une certaine contre-productivité. Dans nos organisations, le manageur intermédiaire se trouve entre le top management et le manageur de proximité, qu’en est-il chez Valrhona ? En fonction de la taille des équipes, cela peut être le niveau juste en dessous du comité de direction ou celui encore en-dessous (N-1 ou N-2) Pouvez-vous nous donner un exemple d’un niveau de responsabilité d’un manageur intermédiaire ? En production par exemple, ce sera un responsable d'unité autonome de production ou un superviseur. Dans l’organigramme, vous avez le directeur de production qui chapeaute les

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responsables d’unité autonome de production qui eux ont des superviseurs qui chapeautent des équipes. Chaque équipe est composée de 30 à 40 personnes. L’effectif par responsable d’unité autonome de production est de l'ordre de 80 à 120 personnes D’après la littérature, le processus de décision entre, si on reprend votre organisation, le responsable d'unité autonome de production et un superviseur, dépend de 4 critères en management collaboratif qui sont : la confiance, le choix, la coopération et la convivialité. Si vous deviez dispatcher 100 points sur ces 4 notions, vous feriez comment ? Alors je mettrais 30 sur la confiance qui me paraît essentielle, puis 30 sur la coopération qui est primordiale dans une équipe pour savoir écouter le point de vue des autres, se remettre en cause et accepter la confrontation et enfin je mets 20 pour les 2 autres critères. Si vous deviez rajouter un critère, avez-vous une notion qui est propre à votre processus de décision ? Peut-être le courage parce qu’un manageur doit assumer les décisions qu’il prend Pour vous, existe-t-il un domaine où il n’est pas possible de partager les décisions, les idées et donc les responsabilités au niveau du manageur intermédiaire ? Nous essayons de donner le maximum d’informations à nos manageurs intermédiaires mais il y a 2 sujets où nous nous devons de nous limiter :

- Tout ce qui a trait à la confidentialité (par exemple sur certains points touchant à la stratégie de l’entreprise) afin de ne pas mettre en danger les intérêts de l’entreprise ;

- Dans le cas où la décision impacte directement le manageur intermédiaire (par exemple redimensionnement d’équipe, réduction d’effectif) ;

Il faut tout de même veiller à échanger les bonnes informations avec la bonne cible (par exemple ne pas informer un manageur de production des tendances commerciales de produits qui ne le concernent pas) afin que les idées qui émergent puissent aboutir à des décisions opérationnelles. On demande à celui qui sait de s’exprimer dans son domaine ? Exactement et cela est vraiment majeur dans le cadre où nous questionnons les personnes sur ce qu’ils pensent et sur ce qu’ils ressentent d’autant plus s’ils ne sont pas d’accord de manière respectueuse et constructive. Lorsque la décision est prise, personne ne peut revenir dessus. Nous allons maintenant aborder la stratégie de mise œuvre du management collaboratif et de la culture de l’autonomie. Quel impact a eu le télétravail sur le fonctionnement de votre organisation ? Le télétravail est en place chez Valrhona depuis 4-5 ans sous forme de charte élaborée avec les partenaires sociaux et les manageurs. Nous avons autorisé chaque collaborateur, en accord avec son manageur, à télétravailler de manière occasionnelle ou régulière jusqu’à 2 jours par semaine ? Sauf le mardi et le jeudi ; La notion de confiance dont nous parlions tout à l’heure prend là tout son sens. Le retour de la part des collaborateurs c’est qu’ils sont moins sollicités et donc plus efficaces pour faire avancer les sujets que lorsqu’ils sont sur le lieu de travail. La phase de sortie de la crise sanitaire est compliquée et l’enjeu dès la rentrée de septembre sera de faire revenir les gens au travail. Le télétravail a ses limites. Le lieu de travail, de discussion et d’échanges est très important. Pensez-vous qu’il est possible de délocaliser certains services fonctionnels (RH, logistique.) vers des espaces de co-working ?

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Ayant fait le constat que nous avions du mal à attirer les personnes qui travaillent dans le digital, le marketing et principalement les jeunes vers Tain-L'hermitage qui n’est pas une grande métropole, Valrhona a ouvert un espace de co-working à Lyon ; Nous nous posons également la question de l’externalisation de prestations. Par exemple, des plateformes “paie” se mettent en place au niveau du groupe dont nous dépendons ; Comment concilier intention et valeur dans le travail quotidien ; Nous sensibilisons nos manageurs au fait que nous sommes dans des environnements complexes qui se caractérisent par des injonctions paradoxales, c’est-à-dire que le manageur doit à la fois gérer des impératifs économiques tout en gérant des indicateurs de santé et de sécurité des personnes et cela dans une sorte d’incertitude. Chacun est confronté à une forme d’imperfection, dans un domaine on peut ne pas avoir toutes les connaissances, toutes les compétences et il faut pouvoir naviguer entre ces différents domaines qui ne sont pas toujours conciliables. La situation actuelle, suite à la crise sanitaire, est insécurisante et inconfortable. Un des enjeux de nos organisations est d’apprendre à nos manageurs à vivre dans l’insécurité et l’inconfort. Sur le plan psychologique, il est difficile de gérer ces différentes dimensions qui sont parfois contradictoires. Il est compliqué de dire aux manageurs : vous devez respecter l’environnement, la sécurité, la santé des collaborateurs, les normes qualité mais aussi faire de la productivité mais pourtant c’est la réalité du quotidien. C’est pour cela qu’il faut donner du sens et une vision au travail, aux projets. Est-ce qu’il y a également une notion de droit à l’erreur ? Oui tout à fait et c’est un des grands principes managériaux en place chez Valrhona C’est majeur dans les organisations complexes. Le droit à l’initiative est l’occasion d’apprendre et l’échec est l’occasion de grandir. Le manageur a un rôle clé d’accompagnement dans ce domaine. Est-ce que vous menez des actions de retour d’expérience au niveau management, conduite de projet mais aussi changement de procédure ? Nous essayons de le faire régulièrement mais pas encore assez à mon goût. Nous allons lancer une enquête de retour d'expérience sur la période de confinement COVID afin de capter comment nos collaborateurs et nos manageurs l’ont vécu afin de savoir comment gérer la période à venir. En tant que pompiers, nous sommes étonnés de constater que vous vous attachez plus au retour d’expérience sur le ressenti de vos équipes que sur le retour d’expérience du bon fonctionnement d’une procédure. Bien entendu nous allons également poser des questions concrètes sur ce qui a bien marché ou pas, mais on laisse une place à l’expression du ressenti. Dans la formation dont je vous ai parlé tout à l’heure appelée l’école de leadership, nous apprenons aux manageurs à gérer la dimension émotionnelle. La sienne mais aussi celle de ses collaborateurs en gardant une juste distance. Il peut y avoir de la peur, de la colère ou de la frustration. Les émotions sont rarement exprimées bien qu’elles fassent partie du quotidien. Pour autant, les procédures sont également importantes pour cadrer les choses. Quelles qualités doivent détenir les collaborateurs pour être en mesure de déterminer les finalités, c’est à dire les objectifs et les règles qui s’imposent à eux-mêmes (par exemple

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l’autonomie de modalité) ? Le management collaboratif et l’autonomisation permettent-ils de faire participer les collaborateurs à ce type de décisions (désignation de l’objectif ou formalisation d’une règle) ? Cela dépend des sujets. Si je prends l’exemple des congés, il doit y avoir des grandes règles fixées par le haut afin de respecter la réglementation du travail. Au-delà de ça, nous encourageons le fait que dans chaque service, le manageur et son équipe définissent des règles parce que les contraintes sont différentes au sein de telle ou telle équipe. Je ne vois pas d’exemple à vous citer, de cas où le collaborateur va s’autoréguler, mais pour revenir au télétravail, il y derrière cela l’idée que le collaborateur est capable de travailler en autonomie et de gérer sa propre charge en fonction de ses propres contraintes et de celles de l’équipe. La confiance serait donc la première des qualités ? Oui cela me parait être un point clé. Je donne une marge de liberté à mon collaborateur parce que je pense qu’il va grandir en responsabilité. C’est un pari et cela peut ne pas fonctionner mais c’est quand même la tendance de ce que nous attendons de nos collaborateurs tout en sachant que le télétravail peut être abandonné en cas d’échec. Dans les différents stades de l'autonomie, nous retrouvons la dépendance, la contre-dépendance, l’indépendance et l'interdépendance. Aujourd’hui si on veut rendre nos collaborateurs autonomes, il faut développer leurs compétences et de ce fait prendre le risque qu’ils deviennent indépendants. Avez-vous repéré une limite aux développements des compétences ? Il peut arriver qu’une personne arrive en limite de compétences parce qu’elle atteint ses propres limites intellectuelles, émotionnelles ou psychologiques. Donc la phase d’interdépendance se résume au fait qu’une personne peut être autonome à un endroit mais ne plus l’être à un autre ? Cela peut être dangereux et mettre la personne en situation d’échec et déstabiliser l’organisation. Détecter un potentiel de développement reste un pari et la personne sur laquelle on mise doit faire l’objet d’un accompagnement attentif tout au long de la phase de transition et cela n’est pas toujours bien fait dans les organisations. Des outils appelés “assessments” réalisés par des cabinets permettent de mettre les gens en situation de leur futur job. On fait la description la plus précise du job futur, on essaie de voir toutes les implications que cela va supposer et on met durant une journée la personne dans des situations qui vont permettre de simuler ses réactions. Cet outil est intéressant pour les postes où il est demandé de prendre certaines responsabilités. Cela permet à la personne et à son futur manageur d’être préparés et ainsi de favoriser la réussite de la personne dans son futur environnement. Deux dernières questions sur l’aspect cognitif : dans un cadre de pression aux résultats croissant, favorisé par l’utilisation d’indicateurs, est ce que vous arrivez à concilier confiance et contrôle ? Ça se joue dans le “contrat” entre le manageur et le collaborateur. On se met d’accord sur les points sur lesquels le contrôle va porter parce que le pire est de penser qu’on est contrôlé dans son dos ou sans être prévenu. La manière d’aborder le contrôle est primordiale. Le manageur doit prendre le temps d’expliquer pourquoi il est important de faire des points réguliers. Cela peut-il être un principe managérial que de définir ce contrat, ces bases de travail ?

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Oui et surtout d’en discuter. Ce contrat peut aussi être amené à évoluer. Si les indicateurs sont bien pilotés, le contrôle peut être moins régulier. Le collaborateur doit également être à même de proposer de faire évoluer ce contrat Quel est votre avis sur le fait de rendre compte ? Est-ce quelque part un contrôle volontaire Il s’agit d’un ajustement entre le collaborateur et son manageur, de trouver le bon niveau de reporting afin d’éviter 2 écueils :

- Le reporting de choses futiles et sans intérêt de la part du collaborateur. - Le collaborateur qui ne rapporte rien.

La formule “qui ne rend pas compte, ne se rend pas compte” est intéressante. Si lors d’une prise de décision, le manageur décide de se mettre en retrait en ne participant pas à la discussion ou en laissant le groupe décider, cela remet il en cause son autorité, son pouvoir ? Et ce de la part de ses collaborateurs, de son supérieur hiérarchique, voire également du manageur lui-même ou de ses pairs ? Si on laisse le groupe prendre la décision, cela doit être fait en connaissance de cause. Le manageur doit s’assurer que la décision est fondée, structurée et qu’elle n’aura pas de conséquences dommageables sur l’organisation. C’est un vrai savoir-faire du manageur que de laisser prendre une décision au groupe afin qu’ils soient plus impliqués sans faire preuve de laxisme ou de négligence. En revanche, il n’est pas acceptable qu’un manageur ne se mêle pas au débat par manque de courage Dans ce cas-là quelle perception allez-vous avoir de ce manageur ? Nous encourageons les manageurs qui poussent leur équipe à prendre des décisions mais ils doivent être capables de rendre des comptes par rapport à ça surtout si la décision prise n’est pas la bonne. Il doit assumer la décision de l’équipe et expliquer pourquoi elle a été prise même s’il savait que cela comportait des risques. Si vous connaissez Isaac Getz, vous savez qu’il a beaucoup œuvré autour de ce qui concerne la liberté, l’entreprise libérée. Il a fini par reconnaître qu’un des travers de son approche était que cela pouvait donner place à des “mauvais” manageurs, qui ne managent pas et qui trouvent confortable de laisser prendre les décisions au groupe et de se désengager de la décision prise si ce n’est pas la bonne Il reste évident tout de même que nous allons préférer un manageur capable de prendre des décisions rapides avec son équipe plutôt qu’un” petit chef” qui décidera de tout seul dans son coin Dans l’environnement dans lequel évolue notre organisation, il est nécessaire d’être rapide dans la prise de décision efficace et en autonomie. Le manageur doit s’entourer de gens compétents pour y arriver mais doit aussi faire grandir ses équipes tout en gardant sa place de décideur si le consensus n’est pas possible. Le manageur reste le seul à donner les orientations, le cap et le sens afin de motiver les équipes Nous avons terminé notre questionnaire et ce que nous en retenons c’est qu’il est compliqué sur le chemin qui va du management directif (que nous connaissons dans nos organisations) au management collaboratif de donner de l’autonomie sans laisser les gens être complètement libres. Management collaboratif ne veut pas dire “ne pas décider”. L’approche d’une entreprise du secteur privé nous permet de dégager des préconisations, ce qui est très intéressant pour nous, mais que la formation est un pilier à développer

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Je pense que dans vos métiers, vous avez également une structure managériale forte mais que l’enjeu que sont les vies à sauver est majeur. Cela n’est en rien comparable au fait de rater une production chez nous Je veux rester modeste car le droit à l’erreur n’a bien entendu pas la même portée chez nous que dans votre organisation Il est certain que dans l’action de porter secours, la vision, le sens, est connu. Donc dans l’opérationnel tout se déroule bien. En revanche, nous observons des problèmes dans ce qui se passe entre les interventions. Par exemple, un pompier en garde dans une caserne pendant 24h va faire environ 4h d’intervention. Dans le laps de temps restant, les gens ne comprennent pas pourquoi une traçabilité est en place et qu’on leur demande de faire autre chose que de jouer au foot Pour eux, leur mission est de faire des interventions, de porter secours. Il est très compliqué de faire entendre aux chefs de groupe qui managent une vingtaine de personnes que le rôle est aussi de faire du reporting, d’informer ses équipes, de diffuser des messages, d’être des relais. À nos niveaux, les interventions représentent 0.02 % de notre temps de travail et on ne peut donc pas se réfugier derrière ça. Voire même nos pompiers dans les casernes vont jusqu’à penser qu’on ne fait pas le même métier Je vous remercie d’avoir pensé à notre société, de nous avoir contactés

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ANNEXE N°11, GUIDE D’ENTRETIEN INDIVIDUEL

Guide d’entretien individuel semi directif

Présentation des enquêteurs :

Cdt David Auzel, chef de service coordination opérationnelle et CTA CODIS du service départemental d’incendie et de secours de la Saône et Loire

Missions principales : • Organisation CTA CODIS • Relations interservices • Suivi des interventions soumises à facturation • Organisation de la chaine de commandement

Parcours : SDIS42, SDIS71, SPPNO-Sergent, Chef de CIS, adjoint de groupement territorial

Cdt Laurent Meunier, adjoint au chef de groupement gestion des emplois et des compétences du service départemental et métropolitain d’incendie et de secours

Missions principales : • Diagnostic effectif et emploi • Suivi des effectifs et de l’évolution des emplois • Élaboration des scenarii sur les évolutions d’effectif et des métiers du SDMIS • Élaboration des outils correspondants

Parcours : COURLY, SDIS69, SDMIS, SPPNO-Sergent, Chef de service, chef de CIS

Cdt Olivier di Bartoloméo adjoint au chef de groupement territorial nord du service départemental d’incendie et de secours des Pyrénées Orientales

Missions principales : • Désignations des objectifs aux chefs de centre, • Suivi de la mise en œuvre des différents processus opérationnels, ressources humaines,

logistiques et financiers du niveau centre d’incendie et de secours. • Appui managérial aux chefs de centre • Management des chefs de centre

Parcours : SDIS18, SDIS66, adjoint chef de CSP, chef de service école départementale, adjoint chef de groupement territorial, Chef de CSP, Chef de service Opérations.

Cne Christophe Cambiayre, Chef du service formation du Service départemental d’incendie et de secours de l’Aveyron

Missions principales : • Évaluation des besoins formation • Réalisation du plan de formation • Veille réglementaire des textes de formation • Mise en œuvre des actions de formation

Parcours : SDIS39, SDIS12, Chef de service technique et logistique, adjoint chef de CSP, chef de service opérations

Présentation de l’enquête

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Nous sommes actuellement en Formation d’adaptation à l’emploi de chef de groupement à l’école nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers.

Nous devons réaliser dans le cadre de cette formation un mémoire dont le thème est le suivant : les responsabilités des manageurs intermédiaires : le management collaboratif et la culture de

l’autonomie dans les unités opérationnelles, intérêts et limites dans une institution

hiérarchisée.

Au cours de nos recherches sur ce sujet, nous avons retenu les définitions suivantes : • Management : Les processus par lesquels ceux qui ont la responsabilité formelle de tout

ou partie de l'organisation essayent de la diriger ou, du moins, de la guider dans ses activités.

• Manageur intermédiaire : Sous la responsabilité d’un manageur stratégique, le manageur intermédiaire participe à la définition de la stratégie d’une structure et la décline sur un plan sectoriel ou territorial. Il dirige les services de son périmètre de compétence. Il conçoit, met en œuvre, contrôle et évalue les plans d’action en fonction des objectifs qui lui ont été assignés. Il encadre à cette fin une équipe de manageurs opérationnels

• Management collaboratif : le management collaboratif repose sur l’interaction et la collaboration des salariés, la liberté d’agir, l’assouplissement de la hiérarchie, le bien être des salariés et l’instauration d’un climat de détente. Il se fonde sur 4 piliers : choix, confiance, coopération, convivialité

• Autonomie : Qui se détermine selon des règles librement choisies • Confiance : la confiance existe quand une personne compte sur l’action d’une autre

personne jugée apte à répondre à ses attentes et à agir volontairement dans ce sens sans abuser de la situation.

• Autorité : Aptitude à influencer les autres sans être influencé par eux Nos deux axes de recherches sont :

• La démarche collégiale du cadre intermédiaire et sa contribution à la réussite des plans d’action.

• La latitude acceptable de l’autonomie professionnelle en vue de la réussite collective. Nos entretiens individuels semi directifs seront réalisés auprès de cinq organisations différentes : un service départemental d’incendie et de secours, une entreprise para publique, une entreprise privée, une unité militaire et un enseignant chercheur en management des organisations. Un enregistrement sera effectué au moyen d’un dictaphone numérique, la durée impartie aux questions est détaillée ci-dessous. L’entretien est programmé sur une durée approximative de 1h45 mn Notre volonté est de pouvoir nous entretenir avec des manageurs d’organisations utilisant régulièrement le management collaboratif et l’autonomie professionnelle comme leviers de performance. Nous souhaitons vérifier nos hypothèses et en tirer des préconisations pour une mise en œuvre de ces pratiques au sein des services départementaux d’incendie et de secours.

Présentation de l’entreprise Particularités de l’entreprise au regard du thème de mémoire (3 minutes maximum) : (Possible de ne remplir ce paragraphe qu’à l’issue de l’entretien avec les interlocuteurs) L’organisation accepte-t-elle la retranscription intégrale des propos, ou demande-t-elle un droit de regard sur cette dernière ? Dans ce cas les enquêteurs soumettront leur retranscription et les développements afférents à l’approbation de l’organisation.

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Présentation de l’enquêté :

• Nom • Prénom • Titre et fonctions

Présentation de nos questions de recherches

• Généralités sur l’entreprise (enregistrées, non analysées 20 à 25 mn maximum) : o Combien de niveaux officiels de management successifs possède votre

établissement ? o Comment pourriez-vous schématiser la structure de votre entreprise ? o Citez nous deux points forts et deux faiblesses reliés à votre type de management ? o D’après vous, quel management pratique réellement vos managers

intermédiaires ?

• Gouvernance (6 minutes par question, enregistrées, analysées) : o Qui serait le MI dans votre établissement ? o D’après la littérature, Le processus de décision entre le MI et les MO dépend des

critères suivants : Confiance, choix, coopération, convivialité. Attribuez un pourcentage pour chacune des notions.

o Dans quels domaines, est-il possible de partager les idées, les décisions et donc les responsabilités au niveau du manager intermédiaire ?

• Stratégie de mise en œuvre (6 minutes par question, enregistrées, analysées)

o En relation avec les pratiques suivantes : intelligence collective, travail collaboratif et autonomie professionnelle, quel impact a eu le télétravail sur le fonctionnement de votre organisation ? Quel impact aurait la délocalisation du travail sur le fonctionnement de votre organisation ?

o Comment concilier « intentions et valeurs » dans le travail quotidien avec : L’immédiateté des résultats Les évolutions incessantes de la société ?

o Votre structure a-t-elle fait du management collaboratif sa stratégie globale ? o Quelles qualités doivent détenir les collaborateurs pour être en mesure de

déterminer collectivement des finalités (objectifs ou participation aux règles) ? o Le développement de compétences dans un domaine précis limite-t-il

obligatoirement l'acquisition de compétences annexes ?

• Aspects cognitifs (6 minutes par questions, enregistrées, analysées) : o Dans un cadre de pression aux résultats croissants favorisé par l’utilisation

d’indicateurs, comment serait-il possible de concilier confiance et contrôle ? o La mise en retrait du supérieur hiérarchique (MI) lors de prise de paroles et de

décisions, sur des dossiers importants remet-elle en cause son autorité, son pouvoir ?

Présentation de la retranscription :

La retranscription sera de type Ubiqus IO, réalisée à l’aide de logiciel de retranscription vocale

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ANNEXE N°12, QUESTION 1 ENTRETIEN COLLECTIF

RÉSULTATS

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ANNEXE N°13, QUESTION 2 ENTRETIEN COLLECTIF

RÉSULTATS

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ANNEXE N°14, QUESTION 3 ENTRETIEN COLLECTIF

RÉSULTATS

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ANNEXE N°15, QUESTION 4 ENTRETIEN COLLECTIF

RÉSULTATS

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ANNEXE N°16, QUESTION 5 ENTRETIEN COLLECTIF

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ANNEXE N°17, QUESTION 5 ENTRETIEN COLLECTIF

RÉSULTATS

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ANNEXE N°18, QUESTION 6 ENTRETIEN COLLECTIF

RÉSULTATS

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ANNEXE N°19, QUESTION 7 ENTRETIEN COLLECTIF

RÉSULTATS

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ANNEXE N°20, QUESTION 8 ENTRETIEN COLLECTIF

RÉSULTATS

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ANNEXE N°21, QUESTION 9 ENTRETIEN COLLECTIF

RÉSULTATS

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ANNEXE N°22, QUESTION 10 ENTRETIEN COLLECTIF

RÉSULTATS

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ANNEXE N°23, GRILLE D’ANALYSE COMPORTEMENTALE

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ANNEXE N°24, GRILLE D’ANALYSE DYNAMIQUE DE GROUPE

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ANNEXE N°24, GRILLE D’ÉVALUTION MANAGÉRIALE DE LA POSTE

Directeur d’établissement

Grille « Gestion du temps et des priorités »

Items

1

Ce n’est pas moi

2

J’y ai pensé

3

Je le fais

parfois

4

C’est exactement

moi

Condition prioritaire?

Je garantis le respect des 30 % de

temps de travail des FQ et FSE

consacrés à la qualité/animation

prévus dans l’organisation

Je garantis l’attribution de toutes les

tâches dans l’organisation

J’encourage l’utilisation d’outils de

communication à distance et de

partage documentaire

Je ne programme pas de réunion en-

dehors du temps de travail des

encadrants

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Directeur d’établissement

Grille « Management de l’équipe

et garantie du nominal»

Items

1

Ce n’est pas moi

2

J’y ai pensé

3

Je le fais

parfois

4

C’est exactement

moi

Condition prioritaire?

Je garantis la mise en œuvre des

standards managériaux et traite les

problèmes que le RPROD et les

encadrants remontent

Je m’assure que les responsables

support soutiennent les encadrants

(contribution à la résolution des

problèmes remontés, montée en

compétences…)

Je veille à ce que les indicateurs

demandés aux encadrants soient liés

au nominal ou au contrat d’objectifs

J’anime les instances managériales

avec une approche thématique, un

ordre du jour, un espace de parole

dédié aux encadrants, un horaire de

début et de fin et un relevé des

décisions

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143

Directeur d’établissement

Grille « Environnement de travail, outils, SI »

Items

1

Ce n’est pas moi

2

J’y ai pensé

3

Je le fais

parfois

4

C’est exactement

moi

Condition prioritaire?

Je garantis la mise à disposition des

équipements et moyens de transport

nécessaires aux encadrants pour la

réalisation des activités de

management

Je veille à ce que les standards

managériaux disposent d’un cadre

adapté à leur réalisation

(management visuel, espaces de

partage et de co-construction des

solutions…)

Page 153: LES RESPONSABILITÉS DES MANAGEURS INTERMÉDIAIRES : LE ...

144

Directeur d’établissement

Grille « Soutien managérial et relations avec les pairs »

Items

1

Ce n’est pas moi

2

J’y ai pensé

3

Je le fais

parfois

4

C’est exactement

moi

Condition prioritaire?

Je vérifie que chacun de mes N-1 se

rend régulièrement sur les sites aux

heures et jours de présence des

agents

J’organise dans les instances des

managers la circulation de

l’information et la régulation des

sollicitations des encadrants par les

filières support

Je m’assure que les encadrants

reçoivent des réponses rapides à

leurs demandes

Je réalise des accompagnements

managériaux d’encadrants

J’associe les encadrants aux projets

de l’établissement, au pilotage du

nominal et du contrat d’objectifs

dans l’obeya

Page 154: LES RESPONSABILITÉS DES MANAGEURS INTERMÉDIAIRES : LE ...

145

Directeur d’établissement

Grille « Environnement de travail, outils, SI »

Items

1

Ce n’est pas moi

2

J’y ai pensé

3

Je le fais

parfois

4

C’est exactement

moi

Condition prioritaire?

Je garantis la mise à disposition des

équipements et moyens de transport

nécessaires aux encadrants pour la

réalisation des activités de

management

Je veille à ce que les standards

managériaux disposent d’un cadre

adapté à leur réalisation

(management visuel, espaces de

partage et de co-construction des

solutions…)

Page 155: LES RESPONSABILITÉS DES MANAGEURS INTERMÉDIAIRES : LE ...

146

Directeur d’établissement

Grille « RH et reconnaissance »

Items

1

Ce n’est pas moi

2

J’y ai pensé

3

Je le fais

parfois

4

C’est exactement

moi

Condition prioritaire?

Je mène ma revue de personnel en

anticipant et en accompagnant

l’évolution professionnelle des

encadrants

Je mets en place un cadre commun

et des principes partagés en matière

de discipline

Je veille à ce que tous les encadrants

qui le souhaitent bénéficient d’un

accompagnement par la filière RH

pour leur évolution professionnelle

Je dispose de leviers pour

reconnaître le travail des encadrants

Je garantis l’attribution aux

encadrants des moyens nécessaires

pour assurer la sécurité de leurs

agents

Je garantis l’attribution aux

encadrants des moyens nécessaires

Page 156: LES RESPONSABILITÉS DES MANAGEURS INTERMÉDIAIRES : LE ...

147

pour accueillir correctement les

nouveaux collaborateurs

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148

TABLE DES ILLUSTRATIONS FIGURES

FIGURE N°1 « LES 4 PILIERS DU MANAGEMENT COLLABORATIF » ..................... 9

FIGURE N°2 « CLASSIFICATION DES STYLES DE LEADERSHIP SELON BLAKE R. ET MOUTON J. » ........................................................................................................................... 21

FIGURE N°3 « BOUSSOLE QUALITE DE VIE DEVELOPPEE PAR LE RESEAU ANACT POUR LA HAS » ...................................................................................................................... 24

FIGURE N°4 « VOTRE SDIS PRATIQUE-T-IL LE MANAGEMENT COLLABORATIF » .................................................................................................................................................... 30

FIGURE N°5 « QUELLE AUTONOMIE LAISSEZ-VOUS A VOS COLLABORATEURS » .................................................................................................................................................... 32

FIGURE N°6 ÉCHELLE DE DIRECTIVITE DU MANAGEMENT ................................ 33

FIGURE N°7 CLASSEMENT DES ORGANISATIONS ETUDIEES EN FONCTION DE LEUR DIRECTIVITE RELATIVE ....................................................................................... 34

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149

TABLEAUX

TABLEAU N°1 HYPOTHESE N°1 COMPARAISON DU NOMBRE DE CITATIONS ENTRE HIERARCHIE ET ENCADREMENT ................................................................................... 33

TABLEAU N°2 ANALYSE QUALITATIVE HYPOTHESE N°1....................................... 34

TABLEAU N°3 MISSIONS DU MANAGEUR INTERMEDIAIRE ................................... 38

TABLEAU N°4 QUALIFICATION DES COMPOSANTES DE LEGITIMATION D’AUTORITE ........................................................................................................................... 39

TABLEAU N°6 QUALIFICATIONS DES CARACTERISTIQUES EN LIEN AVEC L’HYPOTHESE N°3 ................................................................................................................ 44

TABLEAU N°7 REPARTITION DES CITATIONS PAR ENTRETIENS INDIVIDUELS44

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150

RÉSUMÉ

Ce mémoire aborde la responsabilité managériale d’un encadrant intermédiaire ayant à pratiquer le management collaboratif et la culture de l’autonomie au sein d’une structure hiérarchisée. Les apports théoriques de ce mémoire démontrent que le management est constitué d’interactions incessantes entre les agents d’une organisation quel que soit leur positionnement, stratégique, intermédiaire et opérationnel. Ce mémoire approfondit la gouvernance, les relations cognitives entre manageurs et collaborateurs et la stratégie pour améliorer le travail collaboratif et la réussite collective dans une institution hiérarchisée. Les principes de prise de décision collective, d’autorité non formelle, d’amélioration continue et de qualité de vie au travail sont plus particulièrement examinées. Différentes enquêtes ont été menées dans quatre organisations une entreprise para publique, une entreprise privée, dans une unité de forces spéciales de la DGSE et dans des SIS, pour élargir au maximum le champ de vision. Cette étude souligne la difficulté, les risques et les bénéfices à retirer de cette orientation managériale. Les recommandations, issues des recherches de ce mémoire proposent des solutions réalistes pour les manageurs intermédiaires des SIS, afin de s’engager sereinement dans le management collaboratif et l’autonomisation des personnels. Par l’application d’une doctrine managériale équilibrée, l’encadrant intermédiaire jouerait un rôle fondamental dans la performance collective, ouvrant même sur l’idée d’une spécification de ce métier dans les SIS. Mots clefs : Responsabilité - Gouvernance - Autonomie - Compétence - Convivialité - Hiérarchie - Management - Collaboratif - Qualité - Autorité.

ABSTRACT This dissertation deals with the managerial responsabilities of the supervisor (middle manager) in charge of practicing collaborative management and of building a culture of autonomy within an organizational structure. The theoretical input of this dissertation shows that management relies on constant interactions between the members of an organization whatever their position, strategic, intermediate and operational. This dissertation goes deeper into the topics of corporate governance, cognitive relationships between managers and collaborators, and the strategy to improve collaborative work and collective achievement within an organizational institution. The principles of collaborative decision making, informal authority, continuous improvement and quality work life are further examined. Different surveys have been conducted within 4 organizations, a parapublic agency, a private company, a Special Forces Unit of the DGSE and in Fire and Emergency services (F.I.S), in order to widen the scope. This study underlines the difficulty, the risks and benefits of such a managerial orientation. The recommendations resulting from the research for this dissertation provide realistic solutions for FIS middle managers in order to move serenely to collaborative management and the empowerment of their staff. By applying a balanced managerial doctrine, the middle manager would play a major part in collective performance, which could even lead to a specification of this job in FIS. Key words: Responsibility - Governance - Autonomy - Competence - User-friendliness - Hierarchy - Management - Collaborative - Quality – Authority.

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