Les Rencontres en immunologie et immunothérapie pratiques · près de 400 spécialistes en...

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N E LIG I E NE N N E LIG I E NE N CONGRÈS RÉUNION * Service de rhumatologie, Centre national de référence des maladies auto-immunes systémiques rares, CHU de Strasbourg ; Inserm UMR 1109 Immunorhumatologie moléculaire, université de Strasbourg. 38 | La Lettre du Rhumatologue • N o 402-403 - mai-juin 2014 Les Rencontres en immunologie et immunothérapie pratiques Paris, 20-22 mars 2014 F. Sagez*, L. Spielmann*, J. Sibilia* Conférence inaugurale : pour une microbiologie postmoderne (d’après le Pr D. Raoult, CHU de Marseille) L’ignorance diminue mais révèle notre arrogance ! Notre monde connaît actuellement une accélération majeure des connaissances en microbiologie. On recense 10 millions d’espèces bactériennes, mais seu- lement un peu plus de 10 000 ont été décrites. Cette “Terra incognita” concerne aussi les eucaryotes, les archées et les champignons… Grâce au dévelop- pement de nouvelles technologies, de nombreux progrès ont déjà été réalisés : seules 2 000 bactéries étaient décrites en 1980, contre 12 000 en 2012. Cette connaissance très partielle est à l’origine d’un aveuglement et de fausses déductions qui révèlent notre ignorance. Les études moléculaires par pyro- séquençage négligent un grand nombre de bactéries. En effet, le microbiote est constitué d’une moitié de germes Gram négatifs et d’une autre moitié de Gram positifs, mais les techniques de séquençage moderne ne relèvent que 16 % de Gram négatifs et 78 % de Gram positifs. L’ARN 16S : une cible pour “accrocher” des bactéries inconnues (non cultivables) L’ARN ribosomal 16S est une séquence d’ARN commune à l’ensemble des bactéries que l’on peut détecter par une PCR. Cette séquence va ensuite être comparée avec une base de données pour identifier le germe étudié. Cette nouvelle méthode a permis la détection de nouvelles espèces difficiles à étudier en routine car non cultivables. Attention, d’autres micro-organismes, comme les archées, les virus et les champignons, n’ont pas d’ARN 16S. Depuis 4 ans, le Club rhumatismes et inflammation (CRI) organise des rencontres multidisciplinaires particulièrement originales, qui rassemblent près de 400 spécialistes en immunopathologie de tous horizons : rhumato- logues, internistes, dermatologues, immunologues, pédiatres, etc. Ces Rencontres en immunologie et immunothérapie pratiques (RIIP), placées sous l’égide de notre prix Nobel Jules Hoffmann, offrent une occasion unique de se former à l’immunopathologie pratique. Grâce à un groupe de rédacteurs enthousiastes, le résumé de quelques sessions ayant suscité un intérêt par- ticulier est cette année proposé aux lecteurs de La Lettre du Rhumatologue soit dans le présent numéro, soit sur le site www.edimark.fr : SOMMAIRE Conférence inaugurale : pour une microbiologie postmoderne Nouveaux concepts… nouvelles connaissances ! Les gammapathies monoclonales de signification clinique : une nouvelle entité Les maladies inflammatoires et granulomateuses associées aux déficits immunitaires primitifs Comment prendre en charge une néphropathie lupique ? L’avis des experts Actualités en immunopathologie Les ateliers “pratiques” La journée scientifique sous l’égide du CRI et de la Société française d’immunologie, en association avec la Société française de rhumato-pédiatrie Quelles sont les stratégies actuelles dans la maladie de Still de l’enfant et de l’adulte ? Venez nous rejoindre en mars 2015 pour une cinquième édition pleine de surprises et, surtout, d’interactivité conviviale ! Merci à tous ceux qui animent avec tant d’enthousiasme et de générosité ces réunions du CRI : elles sont devenues un rendez-vous incontournable de la formation en immunopathologie. k. .fr fr fr f :

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CONGRÈSRÉUNION

* Service de rhumatologie, Centre national de référence des maladies auto-immunes systémiques rares, CHU de Strasbourg ; Inserm UMR 1109 Immuno rhumatologie moléculaire, université de Strasbourg.

38 | La Lettre du Rhumatologue • No 402-403 - mai-juin 2014

Les Rencontres en immunologie et immunothérapie pratiques

Paris, 20-22 mars 2014

F. Sagez*, L. Spielmann*, J. Sibilia*

Conférence inaugurale : pour une microbiologie postmoderne(d’après le Pr D. Raoult, CHU de Marseille)

L’ignorance diminue mais révèle notre arrogance !

Notre monde connaît actuellement une accélération majeure des connaissances en microbiologie. On recense 10 millions d’espèces bactériennes, mais seu-lement un peu plus de 10 000 ont été décrites. Cette “Terra incognita” concerne aussi les eucaryotes, les archées et les champignons… Grâce au dévelop-pement de nouvelles technologies, de nombreux progrès ont déjà été réalisés : seules 2 000 bactéries étaient décrites en 1980, contre 12 000 en 2012. Cette connaissance très partielle est à l’origine d’un aveuglement et de fausses déductions qui révèlent notre ignorance. Les études moléculaires par pyro-séquençage négligent un grand nombre de bactéries. En effet, le microbiote est constitué d’une moitié de germes Gram négatifs et d’une autre moitié de Gram positifs, mais les techniques de séquençage moderne ne relèvent que 16 % de Gram négatifs et 78 % de Gram positifs.

L’ARN 16S : une cible pour “accrocher” des bactéries inconnues (non cultivables)

L’ARN ribosomal 16S est une séquence d’ARN commune à l’ensemble des bactéries que l’on peut détecter par une PCR. Cette séquence va ensuite être comparée avec une base de données pour identifi er le germe étudié. Cette nouvelle méthode a permis la détection de nouvelles espèces diffi ciles à étudier en routine car non cultivables. Attention, d’autres micro-organismes, comme les archées, les virus et les champignons, n’ont pas d’ARN 16S.

Depuis 4 ans, le Club rhumatismes et infl ammation (CRI) organise des rencontres multidisciplinaires particulièrement originales, qui rassemblent près de 400 spécialistes en immunopathologie de tous horizons : rhumato-logues, internistes, dermatologues, immunologues, pédiatres, etc. Ces Rencontres en immunologie et immunothérapie pratiques (RIIP), placées sous l’égide de notre prix Nobel Jules Hoffmann, offrent une occasion unique de se former à l’immunopathologie pratique. Grâce à un groupe de rédacteurs enthousiastes, le résumé de quelques sessions ayant suscité un intérêt par-ticulier est cette année proposé aux lecteurs de La Lettre du Rhumatologue soit dans le présent numéro, soit sur le site www.edimark.fr :

SOMMAIRE

Conférence inaugurale : pour une microbiologie postmoderne

Nouveaux concepts… nouvelles connaissances !

• Les gammapathies monoclonales de signifi cation clinique : une nouvelle entité

• Les maladies infl ammatoires et granulomateuses associées aux défi cits immunitaires primitifs

Comment prendre en charge une néphropathie lupique ? L’avis des experts

Actualités en immunopathologie

Les ateliers “pratiques”

La journée scientifi que sous l’égide du CRI et de la Société française d’immuno logie, en association avec la Société française de rhumato-pédiatrie

Quelles sont les stratégies actuelles dans la maladie de Still de l’enfant et de l’adulte ?

Venez nous rejoindre en mars 2015 pour une cinquième édition pleine de surprises et, surtout, d’inter activité conviviale ! Merci à tous ceux qui animent avec tant d’enthousiasme et de générosité ces réunions du CRI : elles sont devenues un rendez-vous incontournable de la formation en immuno patho logie.

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La Lettre du Rhumatologue • No 402-403 - mai-juin 2014 | 39

Rickettsia felis : un agent infectieux plus fréquent qu’on ne le croit

Les rickettsioses sont des bactéries Gram négatives intracellulaires, transmises par des arthropodes. Rickettsia felis, responsable du typhus murin, est transmise par les puces de rat. La culture de ce micro-organisme est impossible à 37 °C, mais sa multiplication se fait à 28 °C chez les arthropodes. Récemment, plusieurs accès de fi èvre prolongée inexpliquée à R. felis chez des Africains ont été observés en l’absence d’arguments en faveur d’un paludisme. Certaines études rapportent un paral-lèle entre l’infection par R. felis et le Plasmodium, concernant la distribution géographique et saison-nière et l’âge des patients, ce qui suggère un vecteur commun. Cette bactérie a été mise en évidence dans les selles de singe ; or, le diagnostic du paludisme pourrait lui aussi se faire à partir de selles de gorilles. Il faudra donc savoir suspecter une infection par R. felis dans les pays où le paludisme est endémique.

L’infection par Tropheryma whipplei : un défi cit immunitaire ?

C’est la mise en culture d’une valve cardiaque d’un patient souffrant d’une endocardite à hémo-cultures négatives qui a permis de cultiver, après plusieurs semaines, Tropheryma whipplei. Cepen-dant, cette bactérie n’est pas toujours pathogène. Le portage asymptomatique de cette bactérie est observé chez 2 à 4 % de la population générale française et jusqu’à 12 % chez les égoutiers. Cette bactérie est un agent fréquent des gastroentérites aiguës chez l’enfant. Des modèles d’infection aiguë par T. whipplei confirment qu’il s’agit d’un agent entéropathogène, ce qui explique certainement le tropisme digestif de cette bactérie. Un travail de l’équipe de D. Raoult a confirmé, sur la dernière lame histologique de l’intestin “historique” qui aurait permis à Whipple de découvrir cette affec-tion, que le tissu intestinal contenait bien de l’ADN (en PCR) de T. whipplei.L’explication “moderne” de la maladie de Whipple est originale… car cette infection est certainement liée à un déficit immunitaire. Ainsi, les patients souffrant de maladie de Whipple ne “rechutent” pas mais se “réinfectent”, parce que leur système immunitaire est incapable d’éliminer cette bactérie. La maladie de Whipple est donc actuellement consi-dérée comme une maladie infectieuse due à une bactérie commune, liée à un défi cit immunitaire spécifi que encore inconnu. Des études sont en cours.

La culture de Mycobacterium tuberculosis : la fi n d’un dogme

L’identifi cation des mycobactéries nécessitait jusqu’à présent une incubation lente sur gélose au sang et prenait environ 3 semaines. L’équipe du Pr Drancourt a optimisé la composition du milieu de culture pour permettre une culture rapide en 72 heures avec l’antibiogramme. Ce nouveau milieu consiste en une atmosphère microaérophile, un pH de 6,8 et une température de 37 °C. Les colonies sont ensuite détectées au microscope par autofluorescence. Cette importante réduction de délai permet un diagnostic et, surtout, une prise en charge ciblée par antibiothérapie plus rapides.

La “culturomique microbienne” a permis la découverte de nouvelles espèces

La technique de culture classique a été la première méthode utilisée pour caractériser l’écosystème bac-térien, mais seul 1 % des bactéries ont une croissance rapide. La biologie moléculaire (pyro séquençage et métagénomique) détecte des microbes dont 80 % ne sont pas cultivables. La culturomique est une nouvelle technique de culture qui cultive des espèces bactériennes dont 80 % ne sont pas détec-tées par les techniques moléculaires, en utilisant notamment la spectrophotométrie de masse, ou MALDI TOF. Grâce à cette méthode, 72 nouvelles espèces bactériennes ont déjà pu être identifi ées dans le tube digestif de l’homme. Cette technique a aussi permis la détection du plus grand virus géant et d’une archée dotée d’un grand génome… Comme quoi… il ne faut jamais avoir d’a priori !

La découverte des mimivirus modifi e le schéma phylogénétique du vivant

En 2003, lors de la recherche d’une relation entre légionnelle et amibes dans les circuits de refroidisse-ment d’eau et de climatisation, des chercheurs ont pu isoler le plus grand virus jamais décrit. Ces microbes ont été initialement pris à tort pour des bactéries en raison de leur grande taille et de leur matériel génétique “bactérien”, mais une analyse détaillée a montré l’absence des gènes ribosomaux (ARN 16S) en PCR. Ce mimivirus (mimicking microbe) qui se loge dans les amibes de l’eau possède une struc-ture et une morphologie caractéristiques des virus. Il peut lui-même être parasité par d’autres virus, appelés “virophages”. Il semblerait qu’il puisse être responsable de pneumonies chez l’homme. Son ADN

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Figure 1. Les gammapathies monoclonales de signifi cation clinique : un nouveau concept.

Gammapathie monoclonale de signifi cation clinique

ReinPeau

Nerf périphérique

Liée directement à l’immunoglobine Liée au clone B De mécanisme

inconnu

Par activité autoanticorps

Par dépôt

Mécanisme inconnu

“Tissus cibles”

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a été retrouvé dans des prélèvements respiratoires de patients souffrant de pneumonies contractées à l’hôpital. Au moins 2 autres mégavirus ont été décou-verts, mais aucun argument ne permet de penser qu’ils soient pathogènes pour l’homme.Cette découverte suggère l’existence d’une nou-velle catégorie de micro-organismes justifi ant une nouvelle classifi cation. Ainsi a été défi ni l’acronyme TRUC, pour “Things Resisting Uncompleted Classifi ca-tions”, comprenant les 4 familles que sont les bacté-ries, les eucaryotes, les archées et les mégavirus. Les théories sont futiles et ne durent pas longtemps…

Nouveaux concepts… nouvelles connaissances !Les gammapathies monoclonales de signifi cation clinique : une nouvelle entité(d’après le Pr J.P. Fermand, hôpital Saint-Louis, Paris)

◆ Comment une prolifération lymphoïde B peut-elle être responsable de manifestations cliniques ?Les proliférations lymphoïdes B monoclonales sont liées à la prolifération de cellules lymphocytaires B qui ont subi des événements oncogéniques. Ces clones B produisent donc le plus souvent une immunoglobuline monoclonale qui peut avoir ou non des conséquences cliniques. Les manifes-tations liées à une lympho prolifération clonale B

sont de 3 types, selon les caractéristiques de cette prolifération : les manifestations dépendant de la tumeur, les manifestations immunitaires liées à la prolifération lymphoïde et les manifestations liées à l’immuno globuline monoclonale, qui sont souvent indépendantes de la masse tumorale.Dans les gammapathies monoclonales de signifi cation indéterminée (MGUS), il n’y a pas de manifestations tumorales, et les conséquences immunologiques sont rares, car, par défi nition, il n’y a pas de masse tumo-rale lymphoïde. Cependant, cette immunoglobuline monoclonale, même de petite taille, peut être respon-sable de manifestations “indépendantes” de la masse tumorale. On peut donc parler de gammapathie mono-clonale de signifi cation clinique (GMSC) dépendant de 3 types de mécanismes, les uns directement liés à l’immuno globuline, d’autres, au clone B et d’autres, enfi n, qui ne sont pas connus. Les “organes cibles” sont surtout le rein, la peau et le nerf périphérique, mais d’autres “tissus cibles” sont possibles (fi gure 1).

◆ Les gammapathies monoclonales de signifi cation rénale : un exemple illustrant le concept de gammapathie monoclonale de signifi cation cliniqueLes atteintes rénales des gammapathies mono-clonales sont liées le plus souvent au dépôt d’une immunoglobuline monoclonale entière ou de chaînes légères isolées. Elles sont classées en fonc-tion de leur localisation glomérulaire ou tubulaire et du caractère organisé ou amyloïde des dépôts. Il a aussi été rapporté l’association d’une gammapathie monoclonale à une glomérulonéphrite membrano-proliférative avec des dépôts glomérulaires isolés de C3 consécutive à une activité autoanticorps de l’immunoglobuline monoclonale responsable d’une activation de la voie alterne du complément.La détection d’une immunoglobuline monoclonale justifi e donc de rechercher systématiquement une protéinurie et d’en déterminer la composition. Une albuminurie supérieure à 1 g/ j évoque des dépôts glomérulaires d’immunoglobulines. Dans ce cas, la recherche de symptômes rénaux, de signes extra-rénaux et des caractéristiques de la gammapathie est primordiale. Les pathologies à évoquer sont l’amylose AL, les maladies des dépôts de chaînes légères (de type Randall), les cryoglobulinémies de type I et II et les glomérulopathies à dépôts organisés microtubulaires d’immunoglobulines monoclonales (GOMMID). En revanche, si l’albu-minurie est inférieure à 1 g/ j, la protéinurie est alors le plus souvent composée de chaînes légères. Ce profi l biologique évoque un syndrome de Fanconi

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Nouveaux concepts… nouvelles connaissances !

• Les maladies infl ammatoires et granulomateuses associées au défi cit immunitaire primitif D’après le Pr E. Oksenhedler

Comment prendre en charge une néphropathie lupique ? L’avis des expertsD’après le Pr Z. Amoura

Actualités en immunopathologieD’après les Prs T. Martin et D. Jullien

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pique ? L’avis des experts

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IGN

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La Lettre du Rhumatologue • No 402-403 - mai-juin 2014 | 41

( toujours d’isotype κ) ou une néphropathie à cylindre myélo mateux, qui est une complication qui s’observe surtout en cas de myélome à forte masse tumo-rale. C’est donc une complication dépendante de la masse tumorale qui ne fait pas partie stricto sensu du sujet. Dans ce contexte, il ne faut pas oublier qu’une protéinurie peut être consécutive à une pathologie associée à la dysglobulinémie, comme une hyper-tension artérielle ou un diabète. La diversité des mécanismes pathologiques nécessite un diagnostic histologique, ce qui rend la biopsie rénale indispen-sable avec parfois une microscopie électronique pour affi rmer la nature des lésions et évaluer le pronostic.

◆ Les gammapathies monoclonales de signifi cation cutanée peuvent être classées selon leur mécanismeIl existe des manifestations liées à la sécrétion anor-male de cytokines par les lymphocytes B du clone.Une immunoglobuline monoclonale peut induire des lésions cutanées soit par dépôt, soit par une activité autoanticorps. En cas de dépôts d’immuno globulines ou de ses dérivés, le diagnostic est posé grâce à l’étude immunohistochimique d’une biopsie cutanée. Par exemple, des dépôts fi brillaires de chaînes légères sont caractéristiques d’une amylose AL, alors que des dépôts micro tubulaires révèlent une cryo globuli-némie de type I. Les autres manifestations sont de pathogénie encore mal connue, mais il existe de nombreuses affections dermatologiques associées à une gammapathie monoclonale, comme des derma-toses neutro philiques ou des affections apparentes (le syndrome de Schnitzler), des maladies de dépôts (les scléro myxœdèmes ou les xantho matoses), des maladies du tissu élastique (le cutis laxa), des syndromes œdémateux cycliques (le syndrome de Clarkson) ou des affections comme le syndrome POEMS (Polyneuropathy, Organomegaly, Endocrino-pathy, Monoclonal protein, Skin changes).

◆ Des gammapathies monoclonales avec une atteinte du nerf périphériqueLes dépôts d’immunoglobulines peuvent être res-ponsables de lésions ischémiques nerveuses, mais une immunoglobuline monoclonale peut aussi avoir une activité autoanticorps antinerf. La recherche d’autoanticorps (IgM) anti-MAG (Myelin-Associated Glycoprotein) et/ou d’autoanticorps (IgG, IgM) anti-gangliosides permet alors de détecter une atteinte neurologique auto-immune qui peut être une neuro-pathie démyélinisante ou une pseudo- sclérose latérale amyotrophique liée à une atteinte des motoneurones. S’il s’agit d’une IgG ou IgA monoclonale, il faut penser

à un syndrome POEMS, qui est caractérisé par une augmentation du taux sérique de VEGF qui joue cer-tainement un rôle notamment dans l’apparition des angiomes gloméruloïdes et des autres symptômes de la maladie, comme les polyneuropathies.En conclusion, les gammapathies monoclonales de signifi cation clinique (GMSC) sont un nouveau concept. Un petit clone B sans hémopathie lym-phoïde avérée peut induire des manifestations cutanées, rénales, neurologiques ou autres liées à des mécanismes souvent en rapport direct avec l’immuno globuline monoclonale. Ainsi, la détection d’une MGUS impose la recherche systématique de signes cutanés ou neurologiques et d’une protéi-nurie. Le traitement sera adapté selon la nature de la complication et du clone B sécrétant cette immunoglobuline monoclonale.

Pour en savoir plus…

• Hello M et al. Rev Med Interne 2014;35:28-38.• Bridoux F et al. Presse Med 2012;41:276-89.

Les ateliers pratiques

Les pièges de l’auto-immunité(d’après le Dr X. Puéchal, hôpital Cochin, Paris)

De nombreuses affections peuvent mimer une maladie auto-immune ou une vascularite. Leur diag-nostic précoce est primordial en raison d’une prise en charge parfois urgente. Les 3 principaux diagnostics différentiels que l’on doit évoquer sont les infections, les néoplasies et la toxicité médicamenteuse.

◆ Les infections “pseudo-auto-immunes”Les pièges des vascularites “infectieuses”Un très grand nombre d’infections peuvent entraîner une vascularite ou une maladie auto-immune. Une vascularite fébrile peut être une endocardite

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infectieuse ou une septicémie à germes encapsulés, en particulier à méningocoque, et cela jusqu’à preuve du contraire. À titre d’exemple, un patient suivi pour une granulomatose avec polyangéite (granulo matose de type Wegener) et présentant un tableau de vascularite cérébrale mis sur le compte d’une poussée de sa maladie s’est révélé être atteint d’une artérite cérébrale à mucormycose dans un contexte d’immuno dépression iatrogène. Ainsi, toute suspicion de poussée d’une maladie auto-immune doit d’abord faire écarter une infection, surtout si le patient est très immunodéprimé, fébrile, ou en cas de poussée “atypique” de la maladie.

La maladie de Whipple… la grande simulatrice !La maladie de Whipple est un piège diagnostique qu’il faut savoir évoquer devant des manifestations articulaires, notamment une polyarthrite séronéga-tive des grosses articulations ou devant des arth-rites intermittentes récidivantes presque toujours sans autoanticorps (FR, ACPA). Après une évolution moyenne de 6 ans apparaissent des signes extra-articulaires de maladie systémique (fi èvre, diarrhée chronique, troubles neurologiques, uvéite et endo-cardite à hémocultures négatives). La présomption sera d’autant plus forte que ces manifestations sur-viennent chez un homme d’âge moyen.

Les autres simulatricesLes autres infections à rechercher systématique-ment, car elles sont aussi qualifi ées de “grandes simulatrices”, sont la syphilis, la borréliose de Lyme et l’infection par le VIH. Des sérologies des hépatites virales doivent aussi être réalisées devant des arthralgies, des cytopénies, une perturbation du bilan hépatocellulaire ou des signes de vascu-larite. La fi èvre Q à Coxiella burnetii est aussi un piège qui doit être déjoué en cas d’endocardite ou de fi èvre d’étiologie indéterminée, surtout en pré-sence d’autoanticorps ou de symptômes atypiques. Il faut aussi savoir penser au parvovirus B19 chez une femme jeune présentant un rash ou une fi èvre transitoire, surtout s’il y a une atteinte articulaire, des cytopénies ou des manifestations lupiques avec autoanticorps, parfois même des anti-ADN natif.

◆ Le piège si redouté du “paranéoplasique”Les syndromes paranéoplasiques font partie de la deuxième grande famille d’affections pouvant faire porter à tort le diagnostic de maladie auto-immune. Ce diagnostic est le plus souvent évoqué en cas d’altération de l’état général et chez le sujet âgé, mais cela n’est pas systématique. Il est donc

nécessaire d’écarter le diagnostic de néoplasie en cas de pseudo-polyarthrite rhizomélique, de maladie de Still et de vascularite. Les “règles” du bilan ne sont pas simples, car elles dépendent de chaque situation, mais il faut rester pragmatique en s’appuyant sur d’excellents interrogatoire et examens cliniques.

◆ Les pièges de la “iatrogénie”Un facteur toxique ou un médicament doivent sys-tématiquement être évoqués devant un syndrome auto-immun “inhabituel”. Nombre de médicaments peuvent être responsables de cytopénies, de vas-cularite, de lupus, de sclérodermie et d’hyperplasie lymphoïde induite. Il faut savoir y penser !

Comment vacciner un patient traité par immunosuppresseur ?(D’après le Dr O. Launay, hôpital Cochin, Paris)

De nouvelles recommandations vaccinales spé-cifi ques des immunodéprimés ont été proposées en 2012 par le Comité technique des vaccinations (CTV) de la Haute Autorité de santé (HAS). Chez les patients traités par immunosuppresseurs chimiques et/ou biologiques, et/ou par une corticothérapie se pose la question de l’effi cacité et de la tolérance du vaccin ainsi que du risque potentiel de poussée de la maladie.

◆ Les vaccins vivants atténués sont contre-indiqués en cas d’immunosuppressionLes vaccins vivants atténués (actuellement rougeole, oreillons, rubéole, varicelle et zona, fi èvre jaune et rotavirus) sont très immunogènes. Le risque en cas d’immunosuppression n’est donc pas une mauvaise réponse vaccinale mais surtout une complication infectieuse liée à une prolifération de l’agent vaccinal qui peut être mortelle. Ces vaccins sont donc contre-indiqués en cas de traitement par biomédicaments et/ou immunosuppresseurs. Avant de vacciner, il faut donc respecter un délai d’arrêt de l’immuno-suppresseur de 3 mois, et de 6 mois pour le rituximab.

◆ Que faire en cas de corticothérapie si l’on souhaite faire une vaccination à vaccin vivant ?En cas de corticothérapie, l’administration d’un vaccin vivant est contre-indiquée à partir d’une dose supérieure à 10 mg par jour depuis plus de 2 semaines. Cette recommandation est fondée sur des publications qui rapportent un risque infectieux à partir d’une posologie de 10 mg par jour avec un surrisque au-delà de 20 mg par jour d’équivalent prednisone. Il n’y a actuellement pas de donnée

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consensuelle concernant la décroissance de la corticothérapie orale et du délai à partir duquel on considère que la vaccination par un agent viral est possible. En cas de bolus intraveineux de corticoïdes, le vaccin vivant est contre-indiqué durant les 3 mois qui suivent sans que cela soit étayé par des études méthodiques irréprochables. Idéalement, une vac-cination, si possible 4 semaines avant l’instauration du traitement immunosuppresseur, est recom-mandée, notamment pour le ROR, la fi èvre jaune chez les voyageurs ou sujets originaires d’une zone d’endémie, et chez les femmes en âge de procréer.

◆ Le cas particulier du vaccin contre la fi èvre jauneLa fi èvre jaune est une arbovirose endémique en Amérique du Sud et en Afrique subsaharienne, justi-fi ant une vaccination obligatoire lorsqu’on se rend dans ces régions. La fi èvre jaune est mortelle chez près de 1 sujet sur 2 s’il n’est pas protégé. Le vaccin contre la fi èvre jaune est un vaccin vivant atténué contre-indiqué en cas d’immunodépression en raison du risque de méningoencéphalite virale vaccinale. Chez les patients préalablement vaccinés contre la fi èvre jaune ou originaires d’une zone d’endémie, il peut être utile de doser les anticorps antimalariques, ce qui permet, en cas de taux protecteur, d’éviter une nouvelle vaccination.

◆ Les recommandations vaccinales chez l’immunodéprimé que l’on doit protéger du risque infectieuxIl existe un risque infectieux accru en cas de prise d’une corticothérapie, d’un immunosuppresseur ou d’un biomédicament. Les infections les plus fré-quentes sont respiratoires (pneumocoque, grippe), cutanées et ostéoarticulaires. Ce risque est d’autant plus important que ces traitements sont associés pour obtenir une inhibition cytokinique et/ ou cellulaire. Aussi ces patients doivent-ils suivre les recommandations générales du calendrier vaccinal de l’adulte. De plus, sont indiquées la vaccination antigrippale annuelle ainsi que les vaccinations contre les infections invasives à pneumocoque, contre le méningocoque ACYW135 en cas de défi cit en complément ou d’asplénie et contre l’hépatite B, surtout en cas de facteurs de risque d’exposition.

◆ La vaccination contre le pneumocoque : l’actualité 2013-2014… La mise à disposition d’un vaccin conjugué 13-valentDeux vaccins antipneumococciques sont disponibles actuellement :

➤ le vaccin non conjugué 23-valent apporte une couverture potentielle contre 75 % des infections invasives à pneumocoque en France, mais il a une immunogénicité faible chez les sujets âgés et/ou immunodéprimés ;

➤ le vaccin conjugué 13-valent a une meilleure immuno génicité, mais il “couvre” moins de séro-types. Ainsi, la recommandation pour les enfants âgés de plus de 5 ans et pour les adultes immuno-déprimés est d’administrer une dose du vaccin conjugué 13-valent suivie d’une dose de vaccin non conjugué 23-valent au moins 2 mois plus tard. Pour les patients ayant reçu antérieurement un vaccin polyosidique non conjugué 23-valent, un délai d’au moins 3 ans est recommandé avant de les vacciner à nouveau avec le vaccin conjugué 13-valent. Un sujet vacciné ou revacciné avec le vaccin conjugué 13-valent devrait bénéficier d’une vaccination d’entretien tous les 3 à 5 ans par le vaccin non conjugué 23-valent si l’immunosuppression est prolongée.

◆ Quel est le risque de déclencher une poussée de la maladie auto-immune avec un vaccin ?Le risque de déclencher une poussée de la maladie auto-immune ou infl ammatoire est théorique alors que le risque infectieux est réel. En effet, ce risque d’induction est extrêmement faible, sans oublier que l’infection peut elle-même être responsable d’une poussée de la maladie. La non-proposition par les médecins des vaccins est la première raison de la non-vaccination des patients… Il faut donc être convaincu de l’utilité de la vaccination, en particu-lier chez nos patients immunodéprimés !

La journée scientifi que sous l’égide du CRI et de la Société française d’immunologie, en association avec la Société française de rhumato-pédiatrie

L’infl ammasome, un pivot de l’infl ammation, et bien plus encore...(D’après le Pr F. Ghiringhelli, Dijon)

L’inflammasome est un complexe moléculaire formé de récepteurs “danger” dont la finalité est de déclencher une réponse inflammatoire

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Figure 2. Les voies d’activation de l’infl ammasome dans la goutte.

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Quelles sont les stratégies actuelles dans la maladie de Still de l’enfant et de l’adulte ?D’après les Prs P. Quartier et B. Fautrel et d’après le Dr B. Bader-MeunierEN

LIG

NE

44 | La Lettre du Rhumatologue • No 402-403 - mai-juin 2014

caractérisée par la sécrétion d’IL-1β et d’IL-18. Les signaux “danger” médiés par les DAMP (Damage-Associated Molecular Patterns) ont donc un rôle majeur dans les mécanismes de “protection” par l’inflammation, mais, lorsque ce système est amplifié et/ ou mal régulé, ils peuvent avoir un rôle pathogène pro-inflammatoire. L’inflamma-some a comme structure principale le récepteur NLRP3, qui est activable par plusieurs signaux endogènes tels que l’ATP, les cristaux, la silice, le cholestérol, etc. Le récepteur NLRP3 comporte 2 extrémités, la partie C-terminale, qui fixe les ligands, et la partie N-terminale, qui est effectrice, via une enzyme appelée “caspase 1”. Deux signaux sont nécessaires à l’activation de l’inflammasome. Le premier, médié par la voie NF-κB, est déclenché par les DAMP et entraîne la production de pro-interleukines 1 et 18. Le deuxième, déclenché par les différents ligands de NLRP3 (cristaux d’urate, par exemple), entraîne le clivage des pro-IL-1β et pro-IL-18 par la caspase 1 en IL-1β et IL-18 actives. Les mécanismes coactivateurs sont au nombre de 3 : les mouvements ioniques transmembranaires via l’ATP et le récepteur P2X7, le stress oxydatif mitochondrial, et l’activation lysosomiale via la cathepsine (figure 2).

De nombreuses maladies infl ammatoires sont liées à l’activation de l’infl ammasome, d’où la terminologie “infl ammasomopathies”, qui regroupe d’authen-tiques maladies génétiques auto-infl ammatoires, mais aussi d’autres maladies comme la goutte. Dans les syndromes auto-infl ammatoires d’origine génétique, c’est souvent une mutation activatrice de NLRP3 qui est observée, comme dans les CAPS (Cryopyrin-Associated Periodic Syndromes), groupe d’affections regroupant l’urticaire familial au froid, le syndrome de Mückle-Wells et le syndrome CINCA (chronique, infantile, neurologique, cutané et arti-culaire). Dans la goutte, ce sont les cristaux d’urate qui déclenchent la synthèse de procytokines et leur clivage par la caspase 1, sans qu’il existe de muta-tion ou d’anomalie génétique dans les composants de l’infl ammasome. Le rôle de l’infl ammasome est vaste : on lui attribue aussi un rôle dans la formation de plaques d’athérome, dans le diabète de type 2, dans l’obésité, et même dans les cancers. Cet effet carcinogène de l’IL-1 est particulièrement intéres-sant ; il pourrait s’expliquer par son activité angio-génique favorisant les métastases. Des essais sont actuellement en cours, évaluant l’association entre anti-IL-1 et chimiothérapie au cours des cancers, une indication plutôt inattendue ! ■

• So A et al. Joint Bone Spine 2014 Apr 1 [Epub ahead of print].• Haneklaus M et al. Curr Opin Immunol 2013;25:40-5.• Hentgen V. EMC Traité de médecine AKOS 2014;9(1).

Pour en savoir plus…

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

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II | La Lettre du Rhumatologue • No 402-403 - mai-juin 2014

Nouveaux concepts… nouvelles connaissances !Les maladies infl ammatoires et granulomateuses associées aux défi cits immunitaires primitifs(d’après le Pr E. Oksenhedler, hôpital Saint-Louis, Paris)

Les maladies granulomateuses peuvent être asso-ciées à différents défi cits immunitaires primitifs. Ces défi cits de natures très diverses comprennent : la granulomatose septique chronique, les mutations hypomorphes de RAG (Recombination Activating Gene) et les défauts dans une boucle cytokinique (responsable d’un déficit immunitaire combiné sévère) ou les défauts de production d’immunoglo-buline. Ces défi cits sont souvent caractérisés par une lymphoprolifération bénigne (splénomégalie, adéno-pathies) et des manifestations infl ammatoires et auto-immunes (maladie infl ammatoire de l’intestin, cytopénies auto-immunes, etc.), qui se présentent parfois sous la forme d’une granulomatose systé-mique dont l’histologie est souvent polymorphe.

◆ La granulomatose septique chroniqueIl s’agit d’un défi cit immunitaire primitif de l’immu-nité innée de transmission autosomique récessive ou liée à l’X. C’est une forme rare due à un défaut de fonctionnement de la NADPH oxydase, conséquence de défi cits enzymatiques divers d’origine génétique. Le tableau clinique associe des infections fongiques et bactériennes sévères à répétition et des mani-festations infl ammatoires et granulomateuses. Le pronostic a été transformé par la prophylaxie des infections par antibiotiques et antifongiques et par l’effi cacité de la corticothérapie et des anti-TNFα sur l’infl ammation.

◆ Les mutations hypomorphes de RAGC’est un déficit rare qui fait partie des déficits immunitaires combinés sévères. Il s’agit de muta-

Les Rencontres en immunologie et immunothérapie pratiques

Paris, 20-22 mars 2014

F. Sagez, L. Spielmann, J. Sibilia

tions hétérozygotes composites responsables d’une activité persistante du gène RAG, entraînant une lymphopénie T avec expansion résiduelle de lympho-cytes T oligoclonaux et autoréactifs. Les patients présentent un phénotype de granulomatose dis-séminée.

◆ Les défauts “cytokiniques”Il s’agit le plus souvent de déficits de la voie IL-12/ IL-23 et de l’interféron γ. Le signe le plus fré-quent est une susceptibilité aux infections myco-bactériennes (de type BCGite) et/ ou une infection virale systémique. Ces défauts peuvent se carac-tériser aussi par une granulomatose systémique.

◆ Les défi cits immunitaires de type commun variableLes défi cits immunitaires de type commun variable (DICV) sont caractérisés par un défi cit de produc-tion d’immunoglobulines de mécanisme génétique variable. C’est le plus fréquent des défi cits immuni-taires primitifs découverts chez l’adulte. Les com-plications infectieuses qui touchent le plus souvent les voies aériennes supérieures (infections sinopul-monaires) sont les manifestations dominantes chez 60 % des patients. Chez près de 40 % d’entre eux, le tableau est dominé par des manifestations immuni-taires qui sont des proliférations lymphoïdes et/ou une granulomatose systémique ou des manifesta-tions auto-immunes touchant les organes (maladie cœliaque, hypertension portale, etc.) et hémato-logiques (cytopénie auto-immune). L’atteinte granulomateuse des DICV est une complication tardive. On estime que, chez un malade de 50 ans atteint d’un DICV, la probabilité de développer une granulomatose est de 14 %. Cette granulomatose peut être révélatrice du défi cit immunitaire ou la précéder de plusieurs années. On note une forte proportion de patients d’origine africaine, carac-tère épidémiologique également connu au cours de la sarcoïdose. Il s’agit d’une granulomatose

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Figure 3. Les granulomatoses systémiques associées aux défi cits immunitaires et leurs conséquences.

Type de défi cit immunitaire

Conséquences cliniques

Granulomatose systémique

Granulomatoses septiques

chroniques

Atteintes pulmonaires (mortalité

importante)

Atteintes hépatiques

Manifestations auto-immunes (cytopénies)

Atteintes ganglionnaires

Atteintes spléniques

Défauts dans une boucle cytokinique

Mutations hypomorphes

de RAG

Défi cits immunitaires

communs variables

La Lettre du Rhumatologue • No 402-403 - mai-juin 2014 | III

systémique très hétérogène, avec de fréquentes atteintes spléniques, pulmonaires, ganglionnaires et hépatiques. Des manifestations auto-immunes sont souvent associées, en particulier des cytopénies auto-immunes dans la moitié des cas (fi gure 3).

Les atteintes pulmonaires granulomateuses des DICV sont un facteur de mauvais pronosticLes atteintes pulmonaires non infectieuses du DICV ont été regroupées sous le terme de GLILD (Granulomatous-Lymphocytic Interstitial Lung Disease), correspondant à l’association d’une LIP (Lymphocytic Interstitial Pneumonia), d’une bron-chiolite folliculaire et d’une hyperplasie lymphoïde. L’atteinte respiratoire de la granulomatose est la plus sévère. Une étude récente a comparé l’atteinte pulmonaire de la sarcoïdose et de la granuloma-tose du DICV. Comparativement à la sarcoïdose, on décrit dans les DICV plus de nodules, une dilatation des bronches plus fréquente et une topographie des lésions à prédominance périlymphatique. Il y a souvent une alvéolite lymphocytaire, mais le rapport CD4/CD8 dans le liquide bronchopulmo-naire est moins riche en lymphocytes CD4 que dans la sarcoïdose. La principale différence est le pronostic extrêmement défavorable, la mor-talité étant très faible en cas de sarcoïdose mais atteignant 30 % en cas de DICV par insuffisance respiratoire restrictive et/ou par des complications d’une transplantation pulmonaire.

La pathogénie des granulomatoses des DICV est mal compriseUne corrélation entre la présence de granulomes et un excès de lymphocytes B naïfs avec un défaut de lymphocytes B mémoires a été démontrée. On rapporte aussi une lymphopénie T, portant principa-lement sur les T CD4. Ainsi, un malade qui cumule un défaut lymphocytaire B majeur et T CD4 a un risque de développer une granulomatose de l’ordre de 70 à 80 %. Ces patients ont parfois un polymorphisme du gène du TNFα (+488A) qui pourrait se traduire par un excès de TNF, cytokine associée à la formation de granulomes.Le rôle d’agents infectieux déclenchants chez ces patients immunodéprimés a été évoqué, mais aucun germe n’a été retrouvé de façon convaincante (germes intracellulaires, mycobactéries, HHV8).

Il n’y a pas de stratégie thérapeutique consensuelle contre le granulomeLes immunoglobulines intraveineuses qui réduisent le risque infectieux n’ont aucun effet sur la maladie

granulomateuse. Aucune étude contrôlée n’a jusqu’à présent été réalisée. La corticothérapie est le traitement le plus souvent proposé, suivie des immunosuppresseurs. Les résultats sont globalement décevants et varient selon l’organe atteint, avec un risque infectieux encore mal évalué chez ces patients. Des stratégies utilisant les anti-TNF ont été envisa-gées mais sans élément de preuve suffi sant, malgré quelques résultats individuels encourageants.En conclusion, certains défi cits immunitaires pri-mitifs peuvent être responsables d’une réaction inflammatoire non contrôlée aboutissant à une granulomatose systémique persistante qui peut être pathogène. Ces défi cits peuvent impliquer un défaut de la phagocytose, d’une boucle cytokinique ou des lymphocytes B et/ou T. Des travaux sont encore nécessaires pour mieux les comprendre et mieux les prendre en charge.

Pour en savoir plus…

• Bouvry D. Eur Respir J 2013;41:115-22.• Boursiquot JN et al. J Clin Immunol 2013;33:84-95.

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IV | La Lettre du Rhumatologue • No 402-403 - mai-juin 2014

Comment prendre en charge une néphropathie lupique ? L’avis des experts(d’après le Pr Z. Amoura, hôpital de la Pitié- Salpêtrière, Paris)

L’atteinte rénale du lupus conditionne le pronostic et le traitement de la maladie. La prendre en charge de façon optimale est donc une priorité. Différentes études ont évalué les stratégies thérapeutiques existantes, conduisant aux recommandations actuelles, dont celles de l’EUropean League Against Rheumatism (EULAR) en 2012, en association avec l’European Renal Association et l’European Dialysis and Transplant Association.Différents points méritent d’être rappelés et certains objectifs d’être soulignés.

Quel est l’objectif du traitement de la néphropathie lupique ?

L’objectif idéal est la “rémission”, mais, en pratique, on préférera parler de “réponse” au traitement, ce qui correspond à la disparition des anomalies urinaires et au maintien d’une fonction rénale normale ou stable (moins de 10 % de variation par rapport à la fonction rénale de base) ; cette réponse est “complète” si la protéinurie est inférieure à 0,2 g/ 24 h, ou “partielle” si la protéinurie est inférieure ou égale à 0,5 g/ 24 h. Ces critères de réponse nécessitent encore un travail d’experts pour les rendre plus consensuels et reconnus par tous, notamment dans les essais thérapeutiques.

Quel protocole choisir pour traiter une néphropathie lupique active et sévère ?

Dans les formes prolifératives diffuses les plus sévères (forme IV dans la classifi cation de l’Internal Society of Nephrology [ISN] de 2003), le protocole Euro-Lupus tend à se généraliser. Cependant, il faut savoir que peu de patients “non caucasoïdes” ont été inclus dans les études Euro-Lupus, ce qui rend difficile l’extrapolation des résultats. Dans une étude récente (ACCESS) comparant l’abatacept et un placebo ajoutés à une stratégie Euro-Lupus, cette stratégie a démontré une excellente effi cacité dans une population américaine “non caucasoïde”.Notons, par ailleurs, que l’étude AMLS a démontré la supériorité du mycophénolate mofétil (MMF) sur le cyclophosphamide en induction chez les patients hispano-américains et afro-américains, suggérant

que l’origine des patients pourrait avoir une inci-dence sur la réponse au traitement.En pratique, le cyclophosphamide reste le gold stan-dard en association avec la corticothérapie, mais l’induction par MMF devrait être envisagée chez les patients d’origine non caucasienne, notamment les Antillais, les patients originaires d’Amérique centrale et les Afro-américains.

Comment adapter le traitement d’une néphropathie lupique ?

Les études indiquent qu’il est parfois nécessaire d’at-tendre 1 an avant de pouvoir déterminer si le traite-ment a permis de bien contrôler la néphropathie. Des indicateurs peuvent toutefois guider la stratégie : la diminution de la protéinurie de 25 % et la normali-sation du complément à 3 mois semblent être des marqueurs de bon pronostic et doivent encourager à poursuivre le traitement en cours. En cas de lupus réfractaire d’emblée ou s’aggravant, on modifi era le traitement dès le troisième mois. Les critères retenus pour déterminer le caractère “non répondeur” sont l’absence d’évolution au bout de 3 à 4 mois, l’ab-sence de réponse partielle au bout de 6 à 12 mois, ou l’absence de réponse complète au bout de 2 ans.

Quand faut-il pratiquer une nouvelle biopsie ?

En cas de lupus réfractaire ou non répondeur, si des signes d’activité rénale persistent, on n’hésitera pas à faire une nouvelle biopsie avant d’envisager une intensifi cation thérapeutique. Il faut rappeler qu’il n’y a pas forcément une corrélation forte entre les anomalies du sédiment (notamment l’hématurie et la protéinurie) et la sévérité histologique. Il existe même des néphropathies dites “silencieuses” (silent nephritis), c’est-à-dire des formes aiguës avec des anomalies urinaires minimes.

Toujours penser à un défaut d’observance en cas d’échec du traitement

Il conviendra toujours, en cas d’échec du traitement, de s’interroger sur l’observance du patient. Des méthodes de dosage des médicaments sont disponibles (aire sous la courbe du MMF et dosage de l’hydroxychlo-roquine) en cas de doute afi n d’éviter une escalade thérapeutique ou une nouvelle biopsie rénale inu-tiles. L’utilité de ces dosages “en rattrapage” en cas de dosages initiaux bas n’a pour l’heure pas été évaluée en pratique quotidienne, mais les études sont en cours.

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La Lettre du Rhumatologue • No 402-403 - mai-juin 2014 | V

Les mesures associées sont fondamentales

Il est important d’envisager toutes les mesures associées souvent négligées, dont l’optimisation du contrôle tensionnel, l’éviction des traitements néphrotoxiques et la prescription d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion, qui permet de réduire la protéinurie glomérulaire. N’oubliez jamais de demander le sevrage du tabagisme !

Pour en savoir plus…

• Gordon C et al. Lupus 2009;18:257-63.• Bertsias GK et al. Ann Rheum Dis 2012;71:1771-82.• Houssiau FA et al. Ann Rheum Dis 2010;69:61-4.

Actualités en immunopathologieUn nouveau biomarqueur dans la sclérodermie ?(d’après le Pr T. Martin, Strasbourg)

CXCL4 est une chimiokine antiangiogénique et profi brosante sécrétée par les cellules dendritiques plasmacytoïdes mais aussi par les monocytes et les plaquettes. On la détecte spécifi quement dans le sérum des patients sclérodermiques et non dans celui de patients atteints de lupus, de spondylo-arthrite ou d’hépatite fi brosante. La concentration la plus élevée de CXCL4 semble être observée dans les formes précoces et rapidement progressives. Sa pré-sence semble corrélée statistiquement à la survenue d’une fi brose pulmonaire, d’une hypertension arté-rielle (HTA) pulmonaire et à la progression cutanée. Ces éléments pathogéniques ont été confi rmés dans un modèle murin, dans lequel l’injection répétée de CXCL4 pendant 7 jours provoquait une affection sclérodermiforme. CXCL4 pourrait donc bien être un nouveau biomarqueur spécifi que de la sclérodermie permettant d’identifi er les formes à haut risque de progression, qu’il faudra traiter précocement et de façon intensive et pourrait, pourquoi pas, à terme, devenir une cible thérapeutique (1).

Des avancées dans la compréhension des cancers associés aux sclérodermies(d’après le Pr T. Martin, Strasbourg)

Il existe des sclérodermies “paranéoplasiques”, caractérisées par la survenue quasi simultanée

de la maladie auto-immune et d’un cancer. Ces sclérodermies se distinguent par des autoanticorps anti-ARN polymérase de type III (anti-ARN Pol III) et non par les classiques autoanticorps anti-Scl70 et anticentromères. Le scénario proposé est celui d’un cancer dont les cellules néoplasiques sont caractéri-sées par la mutation du gène de l’autoantigène ARN Pol III. L’expression par la tumeur de l’autoantigène muté induirait une réaction cellulaire des lympho-cytes T CD4+ et certainement CD8+, puis secondaire-ment humorale (lymphocytes B), avec la production d’auto-anticorps anti-ARN Pol III, qui seraient à l’origine de la sclérodermie. Ce phénomène d’auto-immunité induite par un autoantigène tumoral génétiquement modifi é documenté par l’équipe de Rosen n’est cependant pas suffi sant pour expliquer la physiopathologie de cette association (2). Ainsi, d’après cette hypothèse, le “prix à payer” pour éli-miner une tumeur serait l’apparition d’une réponse antitumorale contre un antigène de la tumeur qui, s’il est un autoantigène, peut être à l’origine d’une réponse immunitaire auto-immune… à condition qu’il existe d’autres facteurs favorisant cette maladie.

Lipides et auto-immunité, un nouveau lien original(d’après le Pr D. Jullien, Lyon)

Pour faire écho à des études récentes qui suggéraient un lien entre la consommation excessive de sel et les maladies auto-immunes, l’équipe de Chung a exploré le rôle de l’excès de lipides circulant dans les pathologies infl ammatoires (3). Chez un individu génétiquement prédisposé, les LDL oxydés circu-lants, en se fi xant sur les récepteurs TLR4 et CD36 des cellules dendritiques, entraîneraient la synthèse d’IL-1β et d’IL-6, ce qui favorise la polarisation Th17 des lymphocytes T CD4+ naïfs. Ces LTh17 sécrètent de l’IL-17, qui est une cytokine pro-infl ammatoire par excellence. L’antagonisation expérimentale de la production d’IL-17 par la neutralisation des LDL oxydés grâce à des anticorps en est une bonne démonstration. Ainsi, cet effet “immunitaire” des lipides suggère qu’ils pourraient avoir un rôle dans la pathogénie des maladies auto-immunes en induisant la synthèse d’IL-17. Cet aspect pourrait être impor-tant chez les patients psoriasiques qui présentent très fréquemment des dyslipidémies s’intégrant dans le cadre d’un syndrome métabolique et pour lesquels la composante cutanée de la maladie est très dépen-dante de l’IL-17. Ces mécanismes pourraient per-mettre d’expliquer non seulement l’athéro mathose, phénomène méta bolico-immunitaire, mais aussi un

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VI | La Lettre du Rhumatologue • No 402-403 - mai-juin 2014

éventuel lien entre une dyslipidémie pro-infl amma-toire et certaines maladies auto-immunes… et leurs complications cardiovasculaires !

Références bibliographiques

1. Van Bon L et al. N Engl J Med 2014;370:433-43.2. Joseph CG et al. Science 2014;343:152-7.3. Lim H et al. Immunity 2014;40:153-65.

Quelles sont les stratégies actuelles dans la maladie de Still de l’enfant et de l’adulte ?(D’après les Prs P. Quartier, hôpital Necker, et B. Fautrel, hôpital de la Pitié- Salpêtrière, Paris)

La maladie de Still de l’enfant et celle de l’adulte sont très proches et posent un certain nombre de questions pratiques et thérapeutiques. De nouvelles molécules sont disponibles depuis peu dans cette indication, mais les recommandations restent encore trop imprécises. Quelle est, en 2014, la conduite à tenir face à cette pathologie ?

La maladie de Still, un syndrome regroupant plusieurs entités

Rappelons que la maladie de Still progresse suivant 3 modes évolutifs : la forme monophasique (40 %), dans laquelle les patients ont une seule crise, la forme polyphasique, rare, qui s’apparente à un syndrome auto-infl ammatoire par son caractère cyclique, et enfi n la forme permanente, décrite dans plus de la moitié des cas. C’est cette forme qui pose le plus de problèmes thérapeutiques. L’expression de la maladie est soit auto-infl ammatoire (avec une fi èvre élevée et une atteinte systémique), soit polyarticulaire, soit les 2.Les atteintes viscérales de la maladie, le caractère très érosif des arthrites, surtout chez l’enfant, et les com-plications évolutives (amylose, notamment) et iatro-gènes font toute la gravité de cette pathologie, rendant nécessaire une prise en charge optimale. Le recours à un centre de compétence devrait être systématique.

La prise en charge de la maladie de Still de l’enfant

Des recommandations thérapeutiques de l’American College of Rheumatology concernant l’enfant ont

été publiées en 2013, distinguant 2 prises en charge différentes, selon que les signes systémiques sont actifs ou non. L’une des limites de ces recommanda-tions est liée au fait qu’elles sont davantage fondées sur des avis d’experts que sur l’evidence-based medi-cine. Parmi les différents traitements biologiques disponibles, 3 semblent intéressants :

➤ les inhibiteurs de l’IL-1 : l’anakinra a montré une effi cacité supérieure à celle du placebo, avec jusqu’à 75 % de très bons répondeurs, surtout dans les formes systémiques, mais peu d’études ont inclus des formes surtout articulaires. Malgré cela, l’ana-kinra ne permet pas une décroissance rapide des corticoïdes, en raison peut-être d’une adaptation posologique non optimale chez l’enfant ;

➤ le canakinumab affiche lui aussi des taux de réponse excellents (2/3 de patients répondeurs ACR 70 à 1 mois) et permet une diminution rapide de la corticothérapie. Après 6 mois de traitement, 44 % des patients ont diminué leur dose de corticoïdes d’au moins 25 % (1). L’effi cacité des anti-IL-1 est donc bonne et rapide, mais des événements indési-rables sont décrits : des infections, des hépatites et des évolutions de la maladie telles qu’un syndrome d’activation macrophagique ou une HTA pulmonaire ;

➤ les inhibiteurs du récepteur de l’IL-6 : le tocili-zumab a également été évalué aux doses de 8 à 12 mg/ kg chez l’enfant, surtout dans les formes poly-articulaires. Son effi cacité est remarquable, pour le sevrage en corticoïdes mais aussi pour contrôler l’activité du rhumatisme. À 1 an, 52 % des patients initialement sous corticoïdes n’en prenaient plus (2). Des espacements de doses autorisent, chez plus de 25 % des patients, un arrêt défi nitif du traitement. Chez l’enfant, le tocilizumab peut s’accompagner des mêmes anomalies biologiques que chez l’adulte, mais les réactions allergiques sont plus fréquentes et nécessitent une surveillance accrue. L’évolution vers une HTA pulmonaire a été décrite.Les experts français proposent donc un traitement initial par anti-infl ammatoires non stéroïdiens (AINS) et, en cas d’atteinte articulaire sévère, un corticoïde et/ou un biologique après avis d’un centre d’experts. En cas d’échec aux AINS et à la corticothérapie, un anti-IL-6 ou anti-IL-1 est indiqué. En cas de survenue d’un syndrome d’activation macrophagique, l’utilisa-tion de la ciclosporine pourra être envisagée.

La prise en charge de la maladie de Still de l’adulte

Les atteintes systémiques ainsi que le risque de développer une amylose font de la maladie de Still

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La Lettre du Rhumatologue • No 402-403 - mai-juin 2014 | VII

une pathologie potentiellement grave. L’atteinte articulaire est fréquente, avec une carpite fusion-nante classique mais inconstante. Le traitement de première intention reste les AINS, mais les échappements précoces sont fréquents, justifi ant le fait que certains experts ne recommandent plus cette étape thérapeutique initiale. Le traitement par corticoïde à la dose de 1 mg/kg est effi cace, mais la durée du traitement prolongée expose à des effets indésirables problématiques. Contrairement à ce qui est pratiqué chez l’enfant, on propose du méthotrexate (MTX), pour certains d’emblée, en association avec les corticoïdes, afi n de permettre une réduction rapide de leur dose. Des études indiquent un excellent taux de réponse en asso-ciation avec la corticothérapie. Le MTX est d’autant plus indiqué que la maladie a une expression arti-culaire. En cas d’échec, il est possible de proposer des anti-IL-1 ou un anti-IL-6, qui ont démontré une excellente effi cacité et un effet d’épargne cortiso-nique. L’anakinra sera utilisé en première inten-tion pour des raisons économiques, et du fait de la demi-vie courte de cette molécule, qui a parfois un effet spectaculaire dès les premières injections. Les anti-IL-6 ont prouvé leur effi cacité même après échec des corticoïdes, du MTX, des anti-IL-1 et des anti-TNFα. Ces derniers sont relégués en dernière ligne, car leur effi cacité est inférieure à celle des anti-IL-1 et des anti-IL-6. En cas d’échec aux anti-IL-1 et anti-IL-6, pourront aussi être envisagées la ciclosporine A ou les immunoglobulines intravei-neuses.

Conclusion

Les nouveaux traitements biologiques ont révo-lutionné la prise en charge de la maladie de Still. Dans ce cas, il est important de rappeler combien les mesures associées sont primordiales, avec notam-ment la mise à jour des vaccinations, l’information des parents, le dépistage des complications iatro-gènes et évolutives, et le recours rapide à un centre de référence.

Références bibliographiques

1. Ruperto N et al. N Engl J Med 2012;367:2396-406.2. De Benedetti F et al. N Engl J Med 2012;367:2385-95.

Pour en savoir plus…

• Yokota S et al. Ann Rheum Dis 2013;72:627-8.

Les lupus monogéniques : des entités polymorphes très rares(D’après le Dr B. Bader-Meunier, hôpital Necker, Paris)

Le lupus est la conséquence de facteurs environnemen-taux survenant sur un terrain génétique prédisposant. Cette prédisposition est habituellement polygénique, mais il existe quelques formes très rares de lupus monogénique. Ces formes très particulières surviennent habituellement chez l’enfant avant l’âge de 5 ans, avec un sex-ratio à 1. On distingue plusieurs mécanismes en fonction du gène muté, ce qui se traduit par des syndromes caractéristiques, parfois assez complexes.

◆ Les interféronopathies lupiques et les autres formes de lupus monogéniqueLes interféronopathies regroupent des syndromes de découverte récente, caractérisés par une augmenta-tion de l’interféron α circulant, conséquence de muta-tions d’un gène de la voie de l’interféron α. Parmi les plus connus, il existe le syndrome d’Aicardi-Goutières et la spondylo enchondro dysplasie (ou SPENCD). Ces syndromes, de transmission autosomique récessive, se révèlent assez sévères dans les familles consan-guines. Le défi cit en apoptose des lymphocytes B par mutation de PKC Δ et le défi cit en complément sont d’autres causes de lupus monogénique. De nouvelles mutations sont découvertes régulièrement grâce au séquençage à haut débit.

◆ Quand évoquer le diagnostic ?Un lupus monogénique peut être évoqué en cas de début précoce chez un enfant de sexe masculin avec un syndrome associant une petite taille, une spas-ticité, des “lupus engelures”, des adénopathies, des infections à répétition et des anomalies constitution-nelles (dysmorphie faciale, malformation cardiaque, retard de croissance, etc.).

◆ Quelle prise en charge ?Un diagnostic précoce est important pour la prise en charge des patients, avec la possibilité d’utiliser en thérapeutique des anticorps anti-interféron α dans les interféronopathies (tableau). ■

Tableau. Éléments clinicobiologiques évocateurs des principaux lupus monogéniques.

Principaux lupus monogéniques Éléments associés évocateurs

Syndrome d’Aicardi-Goutières Lupus engelure, encéphalopathie, spasticité, calcifi cations cérébrales

SPENCD Petite taille, dysplasie osseuse, infections à répétition

Mutation PKC Δ Syndrome lymphoprolifératif associé

Défi cit en complément (C1q, C2, C4…) Infections bactériennes à répétition

Pour en savoir plus…

• Ramantani G et al. Arthritis Rheum 2010;62:1469-77.• Lee-Kirsch MA et al. Clin Exp Immunol 2014;175:17-24.• Malattia C, Martini A. Best Pract Res Clin Rheumatol 2013;27:351-62.

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.