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Les Relations Professionnelles entre négociations et conflits : un bilan des enquêtes Mercredi 21 Octobre 2015 - Marseille ESPE Aix-Marseille Université Action publique et dialogue social territorial : l’exemple de la région PACA Éric Verdier (LEST, CNRS, Aix-Marseille Université)

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Les Relations Professionnelles entre négociations et conflits :

un bilan des enquêtes

Mercredi 21 Octobre 2015 - Marseille ESPE Aix-Marseille Université

Action publique et dialogue social territorial :

l’exemple de la région PACA

Éric Verdier (LEST, CNRS, Aix-Marseille Université)

Deux modalités de dialogue social territorial, des réalités hybrides

• DST : notion délicate à manier tant elle est ambiguë avec ses différentes facettes dont l’importance varie selon les conjonctures et les problèmes en cause : information / consultation / concertation / négociation / co-décision (paritarisme) ;

• Selon des formes très variables, le DST recouvre les relations professionnelles et l'intervention de pouvoirs publics. Mais distinction entre 1) Négociation sociale territorialisée, adaptation des cadres et des principes de la négociation collective institutionnalisée à des situations qui échappent aux dispositifs conventionnels (sous-traitance, TPE, entreprises artisanales). 2) Gouvernance territoriale : pluralité des acteurs engagés (publics et privés), diversité des sujets abordés au-delà de l’échange salarial, logique de projet mais incertitude sur la qualification juridique des résultats. Dans les faits, dispositifs hybrides empruntant plus à l’action publique qu’aux relations de travail instituées (A. Jobert).

PACA. Deux matrices différentes,

une convergence temporaire, de nouvelles segmentations du DST indexées sur celles de l’action publique

• Déclinaison, initialement, de cadres législatifs nationaux : décentralisation

et contractualisation

• Forte dimension cognitive : expertise et coordination (cohérence)

• Matrice 1. Gouverner par contrat (Gaudin J-P.) de plan Etat-Région : les risques du travail

• Matrice 2. Mise en plan régionale de l’action publique (Desrosières) : Formation

• Temps 1 Convergence temporaire : décloisonner l’action publique en liant formation – emploi – travail

• Temps 2 Nouveaux cloisonnements du dialogue social régional

T1_M1. Les « Réseaux de Veille et de Prévention » des risques professionnels (RVP). Une dynamique cognitive originale

• Mis en place en Provence-Alpes-Côte d’Azur au début des années 2000, dans le cadre

du Contrat de Plan Etat-Région 2000-2006. • Seul engagement conjoint de l’Etat et d’une Région sur la thématique de la prévention

des risques professionnels (PRP), soit une initiative originale • Développer une expertise régionale en matière de PRP, accessible à toutes les parties

intéressées. • DRTEFP et Conseil Régional lancent un appel à projets en 2000 avec 5 thématiques. - Transférer les compétences : informer et former

- Prévenir les cancers d’origine professionnelle

- Prévenir les atteintes de la santé liées aux facteurs psychosociaux liés au travail

- Evaluer les risques et gérer les informations relatives aux expositions

- Agir en entreprise

• Démarche : faire en sorte que les acteurs puissent partager leurs expériences respectives, s’approprient les démarches pertinentes et construisent de manière autonome la PRP.

Un forum pluraliste pour rendre visible l’action en réseaux : les assises régionales de la prévention (2000, 2003, 2006)

Mobilisation, participation et promotion des connaissances

• Site des acteurs régionaux de la prévention : www.sante-securite-paca.org

• Des publications spécifiques

« Résonances Prévention, la lettre d’information de la prévention des risques professionnels en PACA »

Les « Cahiers des facteurs psycho-sociaux » en 2005 (devenus Les Cahiers des RPS)

• Justification et légitimation par la capacité d’expertise

Quelle portée, quels effets ?

• Convergence sur leur portée cognitive sur plusieurs registres :

- Méthodes d’évaluation des risques : par ex., pour adapter les procédures d’évaluation des risques aux chaînes de sous-traitance.

- Formation : formation des représentants des salariés sur le risque SEVESO et le risque chimique ;

- Tableau de bord régional triennal « santé, sécurité, conditions de travail » mis au point par l’Observatoire régional de la santé.

• Capacité à créer un climat « régional » favorable à la coopération interprofessionnelle et à la mutualisation des initiatives : voir M2 !

Des actions collectives territorialisées : TOSCA 06 (Travail Opérationnel de Suivi, de Contrôle et d’Appui)

• Repose sur une convention interprofessionnelle départementale signée en 2002 par :

. les partenaires sociaux : 5 centrales syndicales, Union Pour les Artisans (UPA) et Union Pour les Employeurs (UPE),

. l’Etat, soit la DDTEFP des Alpes Maritimes

. des acteurs experts : ACT Méditerranée (ANACT), l’OPPBTP et trois associations de médecine du travail,

• Privilégie les TPE (moins de 10 salariés) qui représentent 93 % des entreprises du département en 2003 et cible au départ le BTP, HCR, Réparation automobile

• Finalité : construire localement un guide pour l’élaboration du DU adapté à chaque secteur et enclencher une action d’information afin que les entreprises s’approprient la démarche pour faire de la prévention un investissement durable

• Quelle portée ?

T1_M2. Décentralisation et planification. Affirmation du quadripartisme et décloisonnement de l’action publique

• Techniquement, la régionalisation des politiques publiques mobilise des instruments hérités de la planification nationale en cours jusque dans les années 70 (Tanguy, 2002).

• Développer des capacités de diagnostic et de prospective en formation (compétence régionale) et en emploi (compétence étatique) : les administrations régionales de l’État et les Régions se dotent d’outils communs, les observatoires régionaux emploi-formation (OREF) inscrits dans les contrats de plan État-Région définissant des stratégies partagées sur une durée de 5 ans.

• Sur ces deux registres, affirmation progressive du dialogue social

Mise en plan de l’action publique régionale : recyclage d’une instrumentation nationale antérieure

• Régions invitées par la loi à procéder à la mise en plan de leurs missions, d’où floraison de « plans » et schémas prévisionnels.

• Plan régional de développement des formations (PRDF) depuis 1993 : « programmation à moyen terme d’une offre régionale de formation de nature à permettre un développement cohérent de l’ensemble des filières de formation et qui sache prendre en compte les réalités économiques régionales et les besoins des jeunes ». Processus complexe de concertations et contractualisations en liens avec divers exercices prévisionnels.

Affirmation de l’Observatoire régional des métiers (ORM) comme centre d’expertise formation-emploi

• Profonde évolution de l’ ORM - appellation de l’OREF en PACA - depuis sa création à la fin des années 80 (Healy, Verdier, 2010). De service de la région, il devient une association autonome dotée d’une gouvernance quadripartite

• Passe du dossier statistique descriptif au diagnostic dégageant des enjeux stratégiques, puis, dans les années 2000, accompagnement (et formation) des acteurs pour favoriser l’appropriation des statistiques et études et ainsi les renforcer en tant qu’acteurs experts et donc légitimes de la relation formation-emploi

• Progressivement, OREF devient une institution reconnue sur la relation formation-emploi, soit une « plate-forme de services experts », pour développer une ‘intelligence sociale’ partagée des enjeux régionaux ».

De nouveaux « échanges politiques » régionaux de branches : une légitimation croisée mais sélective

• Pour élaborer leur PRDF et coordonner les filières de formation, recours aux

« contrats d’objectifs territoriaux » (COT) conclus par elle-même, l’Etat et telle ou telle branche professionnelle (hors syndicats).

• La contractualisation subordonne l’investissement public en formation à l’amélioration des conditions de formation, de travail et d’emploi.

• Echange politique : chaque fédération patronale aide la Région dans son travail de coordination de l’action publique ; en contrepartie, l’organisation de branche bénéficie d’un soutien financier et cognitif (accès à des diagnostics sectoriels et locaux) pour développer une nouvelle ingénierie qui la légitime auprès des entreprises et des fédérations départementales.

Les accords cadres tri- puis quadripartites de branche (les COT en PACA) :

un double apprentissage institutionnel et politique

• Le référent partagé : prévenir les risques d’ « un équilibre de bas niveau de qualification » mais la définition d’un bien commun territorial bute sur l’absence de la représentation des salariés ;

• Au-delà de la concertation, engager une négociation sur l’avenir des qualifications dans la branche régionale ;

• A compter de 2007, exigence politique de la participation syndicale comme condition de la signature du contrat ;

• Progressivement extension aux « conditions d’emploi et de travail », soit une convergence de M1 et M2.

Nouvelle génération d’accords : les « métiers de la plaisance et de la grande plaisance »

• Article 1, relie explicitement « le développement de l'emploi, des qualifications professionnelles et des compétences, de la formation » à « l’amélioration des conditions de travail » ;

• L’un des 6 objectifs majeurs vise à « promouvoir l’amélioration des conditions de travail dans la prise en compte des conditions de santé et de sécurité au travail » ;

• En terme d’actions opérationnelles, il est prévu un « accompagnement des entreprises dans la prévention des risques professionnels et environnementaux [ainsi que des] actions portant sur la gestion des risques professionnels » ;

• Voir aussi chimie et plasturgie.

T2_M2. 2009-2013, CPRDF : la formation professionnelle, un investissement au service de l’innovation ?

• Une innovation radicale dans la conception du lien formation-développement économique : la branche professionnelle au second rang au profit des clusters à la provençale = les pôles régionaux d’innovation et de développement économique et solidaire (PRIDES) ;

• Un nouvel ensemble fonctionnel, formation, emploi et développement économique, exclusif de la présence syndicale ?

• Pourtant, rapports préparatoires continuent à s’appuyer sur les diagnostics et études de l’ORM ;

• CPRDF et CREFOP (comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle) : une concertation quadripartite « experte ».

Les missions du CREFOP : un quadripartisme coordonnateur et cognitif

• Organiser au plan régional la concertation entre les acteurs emploi/orientation/formation professionnelle pour coordonner leurs actions.

• Evaluer les politiques régionales d’emploi, de formation, d’information et d’orientation professionnelle et leurs conditions de mise en œuvre.

• Rendre des avis sur des documents prévus par les textes.

• Dans cette perspective, il assure des fonctions de diagnostic, étude, suivi, évaluation des politiques régionales d’emploi, de formation, d’information, d’orientation professionnelle.

• L’action économique et la concertation ? Quels liens avec un Pôle Emploi recentralisé ?

T2_M1. Le plan national santé travail : réaffirmation d’une compétence régalienne descendante ?

• Le PNST : une « mobilisation nationale » en faveur de la prévention des risques professionnels. « La définition des principes directeurs et des objectifs de la politique de santé et sécurité au travail relève clairement de la responsabilité première de l’Etat » (Plan Santé Travail, 2005) ;

• Pourtant Plan Régional ST PACA : le premier en France, largement structuré par les RVP ;

• Découplage croissant de l’action publique, dans un contexte où la Région s’éloigne des branches comme instances privilégiée du dialogue social :

- Au niveau national, création d’une instance tripartite consultative, le Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels, chargé « d’impulser » la politique de prévention;

- Relayée par des Comités régionaux de prévention des risques professionnels (CRPRP) pour débattre des orientations des plans régionaux de santé au travail (PRST) « en parfaite articulation avec les groupements régionaux de santé publique (GRSP) prévus par la loi relative à la politique de santé publique (LSP) » (PST, fiche 3.3.),

Etat : retour au tripartisme en créant sa propre instance de concertation : la conférence régionale du travail

Des objectifs qui mettent l’accent sur les dimensions cognitives, supplétives et subsidiaires :

• Contribuer à la production de connaissances sur le champ du travail (santé au travail, hygiène-sécurité, prévention des risques, conditions de travail, relations sociales, égalité professionnelle...);

• Favoriser les échanges d’information entre les membres de la Conférence Régionale du Travail;

• Créer les conditions favorables à la négociation d’accords interprofessionnels voire professionnels, sans pour autant être un nouveau lieu de négociation ;

• Contribuer à rendre lisible l’action des services de l’administration et contribuer ainsi à des formes nouvelles de dialogue social ;

• Principe de subsidiarité par rapport aux autres instances et aux négociations obligatoires

Réalisations (du technique au politique)

• Prévention des conflits ;

• Difficulté à mettre en place une action expérimentale territorialisée en direction des TPE (« il conviendrait de faire attention à ne pas perturber les constructions mises en place par les différentes branches à l'attention des petites entreprises »).

Les accords départementaux interprofessionnels sur les RPS : le modèle du forum

• Des modalités différenciées : accord (83) versus forum (06)

• Etayage et accompagnement par l’expertise

• Débattre à partir de bonnes pratiques, développer des formations

• Quels appropriations in situ ? Comment apprécier les effets ?

Conclusion Quelle institutionnalisation du dialogue social régional (DSR) ?

• Une constante : le dialogue social régional privilégie les registres de l’expertise et de l’organisation (mieux coordonner) plutôt que l’expression des intérêts

• De fortes évolutions. T1 = décloisonnement des domaines dans le cadre de la branche ; T2 = segmentations travail / emploi-formation sur fond d’effacement de la branche

• Légitimation des instances interprofessionnelles de dialogue expert : quelles ressources investies ?

• Le DSR, promu par l’intervention publique ou supplétif de celle-ci ?

• Quelle influence de ce DSR sur le contenu de l’action publique de la part de qui ?

• Quels effets sur la représentation des salariés et des employeurs (genèse de corps d’experts ?) ? Pour quelles appropriations (paradoxe des petites entreprises) ?

Merci pour votre attention !

Un conseil de lecture : Yolaine Gassier (2015), Le ''dialogue social'', une institution, un instrument : ressorts et usages des dispositifs de représentation dans l’action publique. Le cas des instances régionales interprofessionnelles, Mémoire de Master 2 « Action publique territorialisée », Sciences Po Aix

Ce mémoire sera consultable début 2016 à la BU de Science Po Aix

Espace Philippe Séguin - 31 avenue Jean Dalmas - Aix-en-Provence (attention, pas de possibilité d’emprunt)