Les jeunes et la violence Pour une prévention efficace dans la famille, l’école, l’espace...
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8/12/2019 Les jeunes et la violence Pour une prvention efficace dans la famille, lcole, lespace social et les mdias
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Les jeunes et la violencePour une prvention efficace dans la famille,
lcole, lespace social et les mdias
Rapport du Conseil fdral en rponse aux postulatsLeuthard (03.3298) du 17 juin 2003,
Amherd (06.3646) du 6 dcembre 2006 etGallad (07.3665) du 4 octobre 2007
20.05.2009
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iii
Rsum
Des actes de violence impliquant de jeunes gens sont rcurrents dans lactualit et le dbat public. Ils
engendrent un climat dinscurit et inquitent la population. Mais quelle est lampleur du
phnomne ? Quelles en sont les causes ? Que faire pour protger les enfants et les jeunes et
contrer efficacement lvolution de la violence juvnile ? Dans ce rapport, le Conseil fdral prsente
une analyse de la situation et identifie les possibilits dagir aux diffrents chelons, plusparticulirement au niveau fdral. Il rpond ainsi aux questions poses dans les postulats Leuthard
(03.3298), Amherd (06.3646) et Gallad (07.3665). Centr sur la prvention dans quatre champs
daction la famille, lcole, lespace public et les mdias le rapport prolonge la rflexion mene
dans dautres travaux aux proccupations similaires, notamment ceux du Dpartement fdral de
justice et police sur la violence des jeunes, du Dpartement fdral de la dfense, de la protection de
la population et des sports sur le sport et la violence ou du Dpartement fdral de lintrieur sur la
violence domestique.
Si lampleur et lvolution de la violence juvnile ne font pas lunanimit parmi les experts, il est certain
que les actes de violence imputables des jeunes restent le fait dune petite minorit dindividus. Les
consquences sont cependant lourdes pour les victimes, la socit dans son ensemble et les auteurs
eux-mmes. Chercher comprendre et enrayer le phnomne se justifie donc pleinement, quellesque soient les controverses sur les chiffres. Les facteurs dinfluence qui participent lexplication de la
violence sont multiples. Ils interviennent ds la petite enfance et tout au long du parcours de vie. Afin
de rduire la violence, il est donc important dallier la prvention lintervention et la rpression, et
de sattacher renforcer les facteurs de protection autant qu diminuer les risques.
Les activits de prvention de la violence parmi les jeunes sont dj nombreuses en Suisse. Par
nature proches des problmes concrets et du terrain, elles sont la plupart du temps conues et
menes au niveau local. Une dmarche stratgique impliquant la coordination des activits mises en
uvre par des acteurs privs et publics dans diffrents secteurs garantit lefficacit de la prvention.
Celle-ci peut tre encore amliore en Suisse. Les responsables concerns regrettent souvent le
manque dinformation, dexpertise et de soutien dans le choix, la ralisation et lvaluation de mesures
prventives. Que ce soit dans les activits lies la famille, lcole, lespace public ou encore auxmdias, les principales lacunes diagnostiques font ressortir le besoin de renforcer les comptences
des enfants et des jeunes ainsi que de leurs parents, qui constituent un facteur de protection contre la
violence juvnile, et damliorer la collaboration entre les divers acteurs et domaines qui sont touchs
par la violence juvnile ou en rapport avec elle, de mme que laccs aux groupes qui prsentent des
risques accrus.
Fort de ces constats, le Conseil fdral estime judicieux que la Confdration renforce la prvention
de la violence dans le cadre de ses comptences et apporte son soutien leffort commun en vue de
rduire la violence, daugmenter la scurit et de soutenir les jeunes dans leur dveloppement. A
cette fin, il propose plusieurs sries de mesures :
La Confdration amliore les bases statistiques, trs lacunaires, sur lampleur et lvolutionde la violence juvnile, afin de disposer de bases appropries pour mettre au point lesmesures ncessaires. A cet effet, le Conseil fdral fait effectuer une tude de faisabilit
quant la mise en place dune enqute rgulire sur la zone sombre de la violence (celle des
dlits non enregistrs) ; il dcide simultanment de crer une statistique de lexcution des
peines appliques aux mineurs (voir chapitre 6.1).
La Confdration soutient les acteurs comptents au niveau local ou cantonal pour la mise enuvre des mesures ; cet effet, elle propose un Programme national de prvention et de
lutte contre la violence juvnile servant soutenir les cantons et les communes et laborer
les bases conceptuelles dune action combinant prvention, intervention et rpression. La
dure du programme est limite cinq ans. Au cours dune phase prliminaire dune anne, la
Confdration prcise le contenu du programme en troite collaboration avec les cantons, lesvilles et les communes (voir chapitre 6.2).
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La Confdration assume davantage de tches de coordination dans le domaine de laprotection des enfants et des jeunes en matire de mdias, domaine pour lequel il est
judicieux que les mmes principes sappliquent dans tout le pays. Elle engage par ailleurs une
collaboration avec la branche concerne afin damliorer loffre en matire dinformation et
dducation aux mdias. Quant au besoin de prendre des dispositions lgislatives pour
rglementer le domaine des nouveaux mdias et des mdias en ligne, il fera lobjet de
rapports que le Conseil fdral prsentera sparment (voir chapitre 6.3).
Afin de disposer des bases lgales ncessaires la mise en uvre de la mesuresusmentionne, le Conseil fdral formulera lordonnance sur les mesures de la
Confdration en matire de droits de lenfant et de protection de lenfance fonde sur larticle
386 CP (dcision du Conseil fdral du 27.08.2008) de faon ce quelle puisse sappliquer
galement la prvention de la violence et la protection dans le domaine des mdias (voir
rapport, chapitre 6.4).
Avec ce rapport, auquel de larges cercles dexperts issus de la pratique et des milieux scientifiques
ont contribu, le Conseil fdral confie aux dpartements concerns la tche de poursuivre les
travaux dans les trois domaines susmentionns.
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Table des matires
Rsum......................................................................................................................ii i
1
Introduct ion ...................................................................................................1
1.1 Origine du rapport...................................................................................................................1
1.2 Cadre danalyse et contenu ...................................................................................................1
1.3 Organisation du projet............................................................................................................2
2 Violence juvni le le phnomne et son volution ..................................32.1 Les jeunes................................................................................................................................3
2.1.1 Dlimitation ...............................................................................................................................3
2.1.2 La jeunesse dans le contexte socio-dmographique................................................................4
2.2
La violence...............................................................................................................................5
2.2.1 Dlimitation ...............................................................................................................................5
2.2.2 Ampleur du phnomne et volution ........................................................................................82.2.2.1 Statistiques officielles sur la criminalit et leur signification ....................................... 82.2.2.2 Donnes actuelles sur la zone sombre .................................................................... 102.2.2.3 Les auteurs de dlits graves et rpts en Suisse .................................................. 122.2.2.4 Les sanctions et leur efficacit ................................................................................. 122.2.2.5 Analyse des sources indirectes................................................................................ 132.2.2.6 Principales conclusions pour la prvention .............................................................. 13
2.3 lments dun modle expl icatif .........................................................................................14
2.3.1 Facteurs de risque et facteurs de protection...........................................................................14
2.3.2
Trois facteurs de risque en question : genre, migration et valeurs.........................................16
2.3.3 volution sur le parcours de vie..............................................................................................18
3 Prvention de la violence...........................................................................193.1 Potent iel et limites de la prvention....................................................................................19
3.1.1 Modle de prvention..............................................................................................................19
3.1.2 Prvention fonde sur des approches prouves ..................................................................20
3.2 Objectifs et axes de dveloppement de la prvention de la v iolence .............................22
3.2.1 Objectifs stratgiques..............................................................................................................22
3.2.2 Axes de dveloppement de la prvention de la violence chez les jeunes..............................22
4 Les pouvoi rs publ ics face la violence : tat des l ieux ..........................234.1 Rpartition horizontale et verticale des comptences......................................................23
4.1.1 Concours de diffrentes politiques..........................................................................................23
4.1.2 Fdralisme ............................................................................................................................24
4.2 Comptences et travaux au niveau fdral ........................................................................24
4.2.1 Activits en lien troit avec le thme des jeunes et de la violence.........................................24
4.2.2 Activits dans des domaines connexes et conditions cadres favorisant un bondveloppement des enfants et des jeunes .............................................................................26
4.3
Confrences intercantonales et Confrence tripartite sur les agglomrations .............284.4 Concepts cantonaux et communaux ..................................................................................30
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4.4.1 Concepts cantonaux de prvention de la violence juvnile ....................................................30
4.4.2 Rsultats des tudes de cas sur les stratgies et les projets de prvention de la violencedans neuf communes..............................................................................................................33
4.5 Interventions ncessaires : change dexpriences, transfert de connaissances etanalyse des effets .................................................................................................................33
5
Besoin dintervention et possibil its de dvelopper la prvention dansles quatre champs daction........................................................................34
5.1 Famille et petite enfance ......................................................................................................34
5.1.1 Enjeux, risques et ressources dans le domaine de la famille .................................................34
5.1.2 Acteurs et comptences au niveau local dans le domaine de la famille ................................37
5.1.3 Mesures de prvention existantes ..........................................................................................37
5.1.4 Lacunes et besoins dintervention mis en vidence par les experts.......................................40
5.1.5 Mesures et recommandations.................................................................................................40
5.2 Ecole et formation.................................................................................................................42
5.2.1
Enjeux, risques et ressources dans le domaine de lcole et de la formation ........................425.2.2 Acteurs et comptences locales dans le domaine de lcole et de la formation
professionnelle........................................................................................................................44
5.2.3 Mesures de prvention existantes en milieu scolaire .............................................................44
5.2.4 Lacunes et besoins dintervention mis en vidence par les experts.......................................46
5.2.5 Mesures et recommandations.................................................................................................48
5.3 Espace soc ial, espace public ..............................................................................................49
5.3.1 Enjeux, risques et ressources dans le domaine de lespace social / espace public...............49
5.3.2 Acteurs et comptences au niveau local dans le domaine de lespace social/espace public53
5.3.3 Mesures de prvention de la violence existantes dans lespace public .................................54
5.3.4
Lacunes et besoins dintervention mis en vidence par les experts.......................................56
5.3.5 Mesures et recommandations.................................................................................................57
5.4 Mdias ....................................................................................................................................59
5.4.1 Enjeux et risques dans le domaine des mdias......................................................................60
5.4.2 Mesures de protection et de prvention en Suisse et au niveau international .......................625.4.2.1 Interdictions et normes de comportement................................................................ 635.4.2.2 Mesures de protection et de rgulation pour six mdias.......................................... 655.4.2.3 Modles et mesures de protection de lenfance et de la jeunesse dans dautres payseuropens 74
5.4.3 Mesures et recommandations.................................................................................................76
5.5.
Rsum des recommandations pour les quatre champs daction ..................................77
6 Conclusions du Conseil fdral ................................................................796.1 Amliorer les bases statist iques sur la violence des jeunes ...........................................80
6.2 Programme national de prvention et de lu tte contre la violence des jeunes ...............80
6.3 Renforcer la protection de lenfance et de la jeunesse en amliorant loffred information sur les mdias et lducation aux mdias ..................................................82
6.4 Base lgale ............................................................................................................................83
6.5 Evaluation globale ................................................................................................................83
6.6 Suite de la dmarche ............................................................................................................84
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Annexe 1. Texte des trois intervent ions parlementaires......................................86
Annexe 2. Organisat ion du pro jet ..........................................................................88
Annexe 3. Bibl iographie ..........................................................................................91
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1 Introduction
1.1 Origine du rapport
Des actes de violence impliquant de jeunes gens sont rcurrents dans lactualit et le dbat public. Ils
engendrent un climat d'inscurit et interpellent tant la population que les spcialistes. Le Conseilfdral a souhait approfondir lanalyse des causes et des possibilits daction1. Ce faisant, dans lerapport Les jeunes et la violence pour une prvention efficace dans la famille, lcole, lespacesocial et les mdias quil remet au Parlement, il rpond aux questions poses dans les postulatsLeuthard (03.3298), Amherd (06.3646) et Gallad (07.3665)2.
Ces postulats comptent parmi les trs nombreuses interventions dposes au Parlement ayant pourthmes les jeunes et la violence, la prvention et la rpression de la dlinquance ou encore laprotection de lenfance et de la jeunesse contre les risques lis aux nouveaux mdias. Ils tmoignentde lactualit dune proccupation rcurrente pour un phnomne la fois nouveau dans sesmanifestations et ancien comme les conflits qui opposent les gnrations anes celles qui leursuccdent. Ils traduisent le besoin dagir sur plusieurs fronts, de faon fonde et cohrente.
Le postulat Leuthard demande que lon analyse les causes et les facteurs de la violence des jeunes,et que lon passe en revue toutes les mesures dj mises en place au niveau de la Confdration, descantons et des communes ou des villes afin den valuer lefficacit. Le postulat Amherd met laccentsur les interventions souhaitables dans le domaine de la famille et des mdias, ainsi que sur lacoordination de la prvention au niveau national. Enfin, le postulat Gallad rclame une lgislationuniforme pour la protection des enfants et des adolescents.
Les enfants et les jeunes sont au cur des interventions parlementaires mentionnes. Aussi leConseil fdral sintresse-t-il ici spcifiquement ce groupe, sans vouloir rduire le phnomne de laviolence aux seuls jeunes, ni perdre de vue que moins de 2 % des mineurs sont en contact avec lajustice, 2,5 pour mille pour des dlits de violence. La violence juvnile est bien le fait dune petiteminorit, mais ses consquences et son impact sur le sentiment de scurit doivent tre pris au
srieux.
1.2 Cadre danalyse et contenu
Le Conseil fdral se consacre dans ce rapport la prventionde la violence. Il prolonge et complteainsi la rflexion mene dans dautres travaux sur la violence des jeunes, en particulier ceux duDpartement fdral de justice et police (DFJP)3qui se concentrent sur les mesures relevant de sonpropre champ de comptences (mesures de police, droit pnal et justice, migration).
La prvention se comprend comme lun des lments dune action conjointe couvrant galement desmesures curatives, la rpression/dissuasion, la rhabilitation, le suivi thrapeutique des auteurs etlaide aux victimes, dans la finalit de rduire la violence et daugmenter la scurit. Ces approches
partielles se renforcent et se recoupent en partie, de sorte quune stratgie globale devrait tenircompte de chacune delles.
Cependant, mme une stratgie globale ne saurait faire illusion et prtendre radiquer la violence. Il yaura toujours une part de violence inhrente la vie, aux relations et aux socits humaines. Sansperdre de vue cette ralit, le prsent rapport repose sur lide que les risques se laissent rduire etque la comptence y faire face et dvelopper dautres modes dexpression et faons dinteragirsapprend. Ce potentiel est tout particulirement prsent chez les enfants et les jeunes.
En consquence, ce rapport consacr la prvention se donne le cadre danalyse reprsent dans lafigure 1, que les chapitres qui suivent explicitent :
1 Cf. Programme de lgislature 2007 2011, art. 12, ch. 60 : laborer une stratgie de prvention de la violence, en
particulier de la violence juvnile .2 Texte des interventions : annexe 1.3 Dpartement fdral de justice et police DFJP (2008).
http://www.ejpd.admin.ch/ejpd/fr/home/themen/kriminalitaet/ref_jugendgewalt.html
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Figure 1. Cadre du rapport
Prvention de la violence chez les jeunes
dans la famille, lcole, lespace public et les mdias
Protection Dveloppement
des comptences
Mesures
structurelles
Ensemble dune popu-
lation, sans considration
du risque
Individus ou groupes
exposs des risquesIndividus ou groupes
ayant un comporte-
ment problmatique
(Prvention universelle) (Prvention slective) (Prvention indique)
Structures Situations
(orientation sur les personnes et les comportements) (orientation sur lenvironnement,
les conditions)
Effetsviss
Cibles
Objectif
Vision
Moins de vio lence (parmi les jeunes)
Davantage de scurit
Dveloppement positif des jeunes et de leur environnement
Rduire les facteurs
de risque
Renforcer les facteurs
de protection
Limiter les occasionsde violence
Favoriser des condi-
tions structurelles
favorables
Mesures
En rponse au postulat Leuthard, le rapport propose dabord des lments de dfinition et dequantification (chapitre 2). Il apprhende la violence sous ses diverses manifestations comme unphnomne complexe et dynamique qui rsulte dinteractions entre des facteurs tant individuels que
relationnels, sociaux ou environnementaux.Le rapport na toutefois pas pour but premier lanalyse thorique approfondie du phnomne, mais larecherche de rponses pratiques et efficaces en matire de prvention (chapitre 3). Cest pourquoi ilsattache tudier les efforts les plus prometteurs dj entrepris aux diffrents niveaux decomptence et dans de nombreux domaines, afin didentifier dventuelles lacunes et les moyens dyremdier (chapitres 4 et 5). Comme le demandent les postulats Amherd et Gallad, la famille dunepart, les mdias de lautre, sont des champs dintervention qui font lobjet dune attention spcifique.Sy ajoutent les champs daction de lcole/formation et de lespace social/espace public.
Enfin, en connaissance des ressources et des besoins des diffrents acteurs, et dans la mesure descomptences fdrales, le Conseil fdral prsente ses propositions et recommandations. Il envisageen particulier dengager une deuxime phase de travail pour laborer dans un cadre multipartite un
programme de prvention et de lutte contre la violence pour lensemble de la Suisse. Avec les acteursconcerns, il entend galement travailler au renforcement de la protection de lenfance et de lajeunesse dans le domaine des mdias, en mettant laccent sur linformation et sur lducation auxmdias (chapitre 6).
1.3 Organisation du projet
La prparation du rapport, confie lOffice fdral des assurances sociales (OFAS), a taccompagne par un groupe de reprsentants de services de ladministration fdrale et desconfrences intercantonales4. Le groupe daccompagnement sest runi deux reprises, en janvier eten octobre 2008. Le projet de rapport a galement t prsent la Confrence tripartite desagglomrations (CTA), qui en a dbattu lors de sa sance du 31 octobre 2008.
4 Liste des services, organismes, experts et mandataires associs au projet : annexe 2.
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Au cours des travaux, un apport dterminant a t fourni par des tables rondes dexperts qui se sontrunies trois reprises entre avril et septembre 2008 autour de chacun des thmes suivants : familleet petite enfance, cole et formation, environnement social et espace public, mdias. Elles ontcontribu valuer limportance du problme de la violence dans chacun de ces domaines, sesmanifestations, les facteurs de risque et de protection, ainsi que les mesures de prvention existantesou dvelopper. Dans la suite de ce rapport, lexpression les experts consults renvoie aux
discussions menes dans ce cadre-l. La composition des groupes dexperts est le rsultat desrecommandations du groupe daccompagnement et de choix faits pour assurer une reprsentationdes diffrentes disciplines et expriences pertinentes, ainsi que des rgions linguistiques (ce qui napu tre ralis que dans une mesure limite). En ce sens, elle est arbitraire et ne saurait prtendrereflter toute la diversit des opinions autorises sur le sujet.
Enfin, deux mandats externes ont t attribus. Lun, confi au criminologue Manuel Eisner delInstitute of Criminology (Universit de Cambridge), devait permettre didentifier des typesdintervention efficaces ou prometteurs dans la famille, lcole et lespace social, partir dtudes decas menes dans des villes et communes de Suisse. Lautre mandat, remis Olivier Steiner,chercheur lInstitut Kinder- und Jugendhilfe, FHNW Hochschule fr Soziale Arbeit (Ble), devaitmettre en lumire linfluence des (nouveaux) mdias sur les comportements des enfants et des jeunes
qui les consomment. Les tudes rendues par les mandataires5
ont servi de base de discussion auxrunions dexperts. Elles refltent un point de vue scientifique, en fonction des choix mthodologiquesde leurs auteurs. Les tudes dexperts servent de documents de rfrence mais ne sont pasconstitutives du rapport du Conseil fdral. Par consquent, elles nengagent pas ce dernier.
2 Violence juvnile le phnomne et son volution
2.1 Les jeunes
2.1.1 Dlimitation
La notion de jeunes est imprcise et peut tre comprise de faon plus ou moins tendue. Dans le
dbat public, quand on parle de violence juvnile, on ne prcise pas toujours de quelle classe dge ilsagit. En particulier, dans les certains cas particulirement choquants, on ne fait pas vritablement ladiffrence entre la violence exerce par de jeunes adultes et celle qui est le fait de mineurs. Selon lesobjectifs des diffrentes lgislations et politiques qui tiennent compte spcifiquement des jeunes , ilest judicieux de considrer lensemble des mineurs, les adolescents ou galement les jeunes adultes. titre dexemples :
Les normes de protection de lenfance (selon la Convention de lONU sur les droits delenfant) concernent lensemble des mineurs de moins de 18 ans.6
Le droit de la condition pnale des mineurs prvoit pour le groupe des jeunes dlinquantsentre 10 et 18 ans rvolus un rgime distinct de celui applicable aux dlinquants adultes. La
nouvelle loi de 2003 a relev la limite infrieure de la responsabilit pnale de 7 10 ans.7
LeCode pnal (art. 61 CP) prvoit des tablissements pour jeunes adultes, dans lesquels lesauteurs dinfractions gs de 18 ans rvolus 25 ans rvolusau moment des faits peuventtre placs (au plus jusqu lge de 30 ansrvolus).8
5 Eisner M., Ribeaud D., Locher R. (2009). Prvention von Jugendgewalt. Rapport dexpert sur mandat de lOffice fdraldes assurances sociales. Berne : OFAS ; Steiner O. (2009). Neue Medien und Gewalt. berblick zur Forschungslage hin-sichtlich der Nutzung von gewaltdarstellenden Inhalten Neuer Medien und Wirkungen auf Kinder und Jugendliche. Rapport
dexpert sur mandat de lOffice fdral des assurances sociales. Berne : OFAS.6 Convention des Nations Unies relative aux droits de lenfant du 20 novembre 1989,RS 0.107.7 Loi fdrale du 20 juin 2003 rgissant la condition pnale des mineurs (Droit pnal des mineurs DPMin), RS 311.18 Code pnal suisse du 21 dcembre 1937,RS 311.0.
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Lobligation dentretien des parents en vertu du Code civil (art. 277) va de la naissance lamajorit (18 ans), mais se poursuit tant que lenfant na pas termin sa formation (dans leslimites de dlais normaux).9
La loi fdrale du 24 mars 2006 sur les allocations familiales distingue les enfants (filiation)jusqu 16 anset ceux en formationde 16 ans rvolus 25 ans rvolus.10
Au sens de la loi fdrale sur les activits de jeunesse du 6 octobre 1989 sont pris enconsidration les jeunes adultes jusqu 30 ans rvolus.11
Les statistiques et les tudes relatives la dlinquance des jeunes cites dans la suite de cedocument se rfrent parfois dautres limites dge. Il faut par consquent tre prudent dans lescomparaisons.
Pour les besoins de ce rapport, on ne retiendra pas de limite dge stricte. Loptique tant celle de laprvention, les rfrences suivantes sont plus dterminantes que lge chronologique :
les tapes de la vie qui correspondent des dfinitions institutionnelles (par exemple pour laprvention dans la famille et lcole) : la priode prscolaire, de la naissance lentre lcole ; lge scolaire jusqu la fin de lcole obligatoire ; la priode de formation post-
obligatoire jusquau terme de celle-ci. le stade de dveloppement et de maturit suppos de lenfant ou du jeune (par exemple pour
les mesures de protection dans le domaine des mdias).
Laccomplissement de la majorit ne marque donc pas le terme du parcours qui intresse laprvention de la violence chez les jeunes (adultes), mais a des consquences juridiques pour lesmesures qui peuvent tre prises, notamment lorsquil sagit de restreindre des liberts.
2.1.2 La jeunesse dans le contexte socio-dmographique
Avant de traiter de la violence chez les jeunes, il conviendrait de considrer lenvironnement socio-conomique dans lequel les enfants grandissent et vivent leur adolescence aujourdhui. On se limitera
ici reprendre, pour amorcer la rflexion, des lments tirs du rapport du Conseil fdral du 27 aot2008 Pour une politique suisse de lenfance et de la jeunesse 12.
Contexte dmographique. La structure des mnages et les formes de familles se sont beaucoupmodifies en quelques dcennies. Laugmentation des divorces a eu pour consquence uneaugmentation marque du nombre de familles monoparentales et de familles recomposes. Prsdune famille avec enfants sur six est constitue dun parent (quatre fois sur cinq, de la mre) et dunou plusieurs enfants.
Au sein de la population, la rpartition des groupes dges se modifie en dfaveur des jeunes. Lesrelations entre les gnrations deviennent un sujet important pour la cohsion sociale.
Lintgration, comme processus dadaptation rciproque dont le rsultat se mesure laune du
critre de lgalit des chances
13
, reste par ailleurs toujours un dfi. La proportion dtrangers estrelativement leve parmi les enfants et les jeunes, toujours plus nombreux voluer dans uncontexte multiculturel ; en particulier, prs dun enfant sur quatre de 0 9 ans nest pas suisse. Maisplus des deux tiers des enfants et des jeunes trangers sont en fait ns en Suisse, alors quun grandnombre de Suisses sont issus de la migration14, ce qui relativise les observations fondes sur lecritre de la nationalit. Les diffrences de statut au regard du droit des trangers ont cependant desincidences sur la stabilit ou la prcarit de la situation des familles (conditions du regroupement
9 Code civil suisse du 10 dcembre 1907,RS 210.10 Loi fdrale du 24 mars 2006 sur les allocations familiales (Loi sur les allocations familiales, LAFam), RS 836.2.11 Loi fdrale du 6 octobre 1989 concernant lencouragement des activits de jeunesse extra-scolaires (Loi sur les activits
de jeunesse, LAJ), RS 446.1.12 Conseil fdral (2008a).13 Office fdral des migrations ODM (2007), p. 9.14 Conseil fdral (2008a), p. 8.
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de dchets dans les espaces publics, etc.) qui perturbent la vie sociale, en contrevenant aux rgleslmentaires du savoir-vivre sur lesquelles se fonde la confiance mutuelle. Ces comportements sontpour certains pnalement rprhensibles17et ont en tous les cas un fort impact sur le sentiment descurit de la population. Les experts consults ne considrent pas les incivilits comme des actes deviolence, mais des marques dirrespect, nullement propres aux jeunes, qui peuvent ouvrir la voie des comportements plus graves, selon la thorie dite de la vitre brise : une vitre brise qui nest
pas rpare donne un signal de permissivit et dabandon de lespace.18
Quant au phnomne de la violence, il n'existe pas de thorie unique pour en rendre compte. Lalittrature sur le sujet se fonde sur des dfinitions empruntes diffrentes disciplines droit,psychologie, sociologie, criminologie, etc. qui labordent selon des perspectives distinctes.
L'acception la plus troite de la notion de violence est probablement celle qui se limite aux atteintesdommageables cibles, directes et physiques portes contre une personne (violence ditematrialiste)19.
Le rapport du DFJP sur la violence des jeunes retient quant lui, pour ses besoins, la dfinitionsuivante20:
Sont rputes violence juvnile les infractions intentionnelles ayant pour auteurs des
personnes de moins de 18 ans et commises soit contre la vie et lintgrit corporelle(homicides, lsions corporelles, etc.), soit contre la libert (menaces, contrainte, etc.) oucontre lintgrit sexuelle (contrainte sexuelle, viol, etc.).
Sans revenir sur la question de la limite dge, traite au chapitre prcdent (2.1.1), la dfinitionpnaliste du DFJP peut tre reprise comme noyau dur du concept de violence retenir pour leprsent rapport. Au-del de ce noyau dur, il faut se demander si dautres lments pertinentsdevraient galement entrer en ligne de compte, soit parce quils intressent expressment les auteursdes postulats lorigine de ce rapport, soit parce quils correspondent des conceptions largementrpandues dans la littrature sur la prvention, ou encore parce que les experts et les responsablesde terrain les jugent importants dans la pratique. Une dfinition typologique devrait rpondre auxquestions suivantes :
Quelles formes de violence ? La littrature spcialise distingue principalement la violencede nature physique, psychologique, sexuelle, la ngligence (physique et psychologique), et laviolence structurelle21;
La violence physique consiste en une atteinte la vie ou lintgrit physique dunepersonne, quoiquelle puisse aussi se diriger contre des animaux ou des objets.
La violence psychologique se manifeste en revanche surtout en paroles par linjure, lamenace, le chantage, la calomnie, le mpris, la moquerie ou sous forme dediscrimination, dexclusion, de ngligence.
La violence sexuelle recouvre tout acte sexuel impos par une personne une autre
personne, contre son gr, en utilisant un rapport de force. La violence sexuelle estaujourdhui reconnue comme une question dabus de pouvoir et dhumiliation, et non desexualit.22
La ngligence est le fait de ne pas (suffisamment) accorder (aux enfants) des soins, de lasurveillance et de la stimulation.
17 Les graffitis et la dgradation de biens publics sont des dommages la proprit au sens de lart. 144 CP ; le littering ou labandon de dchets dans lespace public peuvent tre passibles damende, dans le canton de Berne par exemple envertu de lart. 37, al. 1, let. a de la loi sur les dchets.
18 Selon un article souvent cit de J.O. Wilson et G.L. Kelling (1982) ; voir notamment : Wyvekens A. (sous la direction de)(2006), pp. 6ss.
19
Prvention Suisse de la Criminalit PSC (2008), p. 18.20 Dpartement fdral de justice et police DFJP (2008), p. 6.21 Office fdral des assurances sociales OFAS (2005), pp. 26ss, Organisation mondiale de la sant OMS (2002).22 PLANeS. (2008), p. 14.
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La violence structurelle nest pas le fait dune personne mais elle rsulte des structures etdes normes dune socit qui crent des conditions dfavorables au dveloppement degroupes ou dindividus : ingalits des chances, ingalits sociales, discriminations, etc.
Les trois premires formes, qui peuvent concerner les jeunes tant comme auteurs que commevictimes, entrent incontestablement en ligne de compte. Dans les deux dernires, les enfantset les jeunes ne peuvent pratiquement tre que victimes. Cest au titre dexpriences
ngatives susceptibles dengendrer leur tour de la violence quelles intressent le prsentrapport.
La violence dirige contre soi-mme (suicide, mutilations volontaires, comportements risque) ? Le postulat Leuthard sintresse expressment au suicide, question dont letraitement dpasse le cadre que peut lui offrir le prsent rapport. Celui-ci ne fait que rappelercette problmatique, dont les causes se recoupent avec celles des autres formes de violence.
Auteurs, vict imes et tiers
Au cours de ce rapport, il est question tantt dauteurs, tantt de victimes. Cette division des rles estvidemment simplificatrice. Pour une approche plus fine, il faudrait galement distinguer dune part lespersonnes exposes aux risques qui favorisent la violence, les auteurs potentiels, et dautre part les
personnes menaces ou en danger de subir la violence, les victimes potentielles. De plus, dans biendes situations, il est difficile de distinguer entre auteur et victime, chacun/e pouvant tre son tourlun/e ou lautre.
Le rle des tiers observateurs ne doit pas tre sous-estim. Sans tre directement impliqus, ceux-lfavorisent, stimulent ou freinent la violence par leur attitude. Ainsi, la passivit ou lindiffrence destiers donne un signal de tolrance, tandis quune culture de la responsabilit, du courage de regarderet daffronter les situations ( hinschauen , Zivilcourage ) donne le signal que certainscomportements nont pas cours.
La perspective des victimes : lapproche par les consquences de la violence
Les questions de violence sabordent diffremment selon que lapproche se centre sur les auteurs ou
sur les victimes.
Lapproche centre sur les auteurs leurs actes, leur responsabilit, leur sanction et leur rhabilitation est celle de la tradition pnaliste. Le droit pnal offre en effet avant tout aux (prsums) coupablesune garantie contre larbitraire et la vengeance prive, dans une perspective de rhabilitation. Lesdroits des victimes nont t consacrs que relativement rcemment dans lvolution du droit (la loifdrale sur laide aux victimes date de 1991).
La perspective selon laquelle prime le besoin de reconnaissance, de rparation et de protection de lavictime dfinit quant elle la violence par ses consquences. Est violent ce qui entrane ou risquefortement dentraner un traumatisme, un dcs, des dommages psychologiques, unmaldveloppement ou des privations (Organisation mondiale de la sant)23, ou encore ce qui
entrave lpanouissement personnel (Conseil de lEurope)
24
. Dans ce sens, des omissions ou desngligences comptent aussi comme des cas de violence, et la notion peut englober galement lapauvret ou encore la rigidit des rles dvolus aux femmes et aux hommes et des attentes lies augenre (violences structurelles). Llment intentionnel est alors secondaire. Cette proccupationpremire pour les souffrances causes par la violence est celle de la sant publique.
Lintrt actuel croissant pour les victimes et leurs besoins va de pair avec le dveloppement desconcepts de principe de prcaution (se prmunir contre des risques qui ne sont pas prouvs maisdont les consquences seraient potentiellement graves) et de tolrance zro.
La perception du public : linscurit
23 Organisation mondiale de la sant OMS (2002), p. 5.24 Conseil de lEurope CdE (2004), p. 8.
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De mme, la statistique des jugements pnaux des mineurs (JUSUS) ne recense les jeunesdlinquants que si une procdure pnale a t ouverte contre eux et quelle sest conclue par unecondamnation28.
Ces conditions pralables (dnonciation, identification et condamnation) jouent un rle de filtre,dissimulant une part inconnue des infractions rellement commises. Les statistiques officiellesconstituent ainsi la zone claire, tandis que la zone sombreregroupe toutes les infractions commises,
y compris celles qui ne sont pas connues.
Figure 2. Processus de filtrage
Source : Dpartement fdral de justice et police (DFJP) 2008, p. 7.
Les deux statistiques officielles (SPC et JUSUS) mettent en vidence une nette augmentation, cesvingt dernires annes, des actes de violence commis par des jeunes. Le pourcentage tait cinq foisplus lev dans la priode 2004-2006 que 20 ans auparavant, et mme dix fois plus pour lesextorsions, les menaces et les contraintes. Dans le mme laps de temps, les actes de violencecommis par des adultes ont aussi augment, mais beaucoup moins.29
28 JUSUS contient tous les jugements prononcs en application du droit pnal des mineurs (7-17 ans) pour infraction au code
pnal, la loi fdrale sur les stupfiants, la loi fdrale sur le sjour et ltablissement des trangers ou pour dlits laloi fdrale sur la circulation routire (cf. Office fdral de la statistique (2008b)http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/themen/19/03/04.html).
29 Eisner M., Ribeaud D., Locher R. (2009), p. 39-40.
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Figure 3. Evolution de la dlinquance lie la violence chez les mineurs. Statistique policire de lacriminalit en Suisse (SPC), dlinquants enregistrs pour 1000 personnes du mme ge domiciliesen Suisse
0.0
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
1.2
1.4
1.6
1.8
2.0
1982
1984
1986
1988
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
Gewaltdelikte
0
2
4
6
8
10
12
14
16
18
20
Diebstahl
Krperverletzungen und TtungsdelikteRaub & EntreissdiebstahlErpressung, Drohung & NtigungSexualdelikteDiebstahl
Lsions corporelles et homicides
Brigandage et vols larrach
Extorsion / chantage, menace et contrainte
Infractions sexuelles
Vols
Dlits de
violence
Vols
Source : Eisner, M., Ribeaud D., Locher R. (2009), p. 40.
Commentaire : en 1983, on comptait, pour 1000 jeunes domicilis en Suisse, 0,2 enregistrement pour lsions
corporelles ou homicides ; on en comptait 0,82 en 2000. En 1993, 10 jeunes sur 1000 taient enregistrs pour
vol, contre 8 en 2005.
Ces dernires annes, le nombre de jeunes enregistrs par la police en raison dun acte de violenceet de jeunes condamns pour ces dlits a fortement augment. On ne peut cependant pas dduire dece constat des conclusions quant lampleur relle de la violence juvnile et son volution.Laugmentation pourrait aussi sexpliquer, du moins en partie, par un taux plus lev de cas lucidspar la police ou par laugmentation du nombre de dnonciations par les victimes. Un signe indiquantque la population est davantage sensibilise au phnomne et quelle dpose plus souvent plainte est
que laugmentation observe dans la statistique policire de la criminalit repose plus de 85 % surlaugmentation des trois dlits poursuivis sur plainte, tandis que le nombre de dlits poursuivis doffice,plus graves, na que peu ou pas augment.
De plus, la pertinence des deux statistiques est limite sur le long terme par labsence dhomognitdans la saisie des donnes. La SPC est tenue lchelon national depuis 1982, mais la faon derecueillir les donnes variait jusquici dun canton lautre. Du fait des modifications apportes, desdonnes nationales seront disponibles pour la premire fois partir de 2010. JUSUS, en revanche,est harmonise depuis 1999.
2.2.2.2 Donnes actuelles sur la zone sombre
Au moyen denqutes sur la victimisation ou de sondages de dlinquance auto-reporte, la recherche
sur la zone sombre a pour but premier de dterminer lampleur de ce champ, mais aussi de savoirdans quelle mesure la propension porter plainte a volu. Elle a par ailleurs comme avantage de
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permettre de recenser les comportements violents tels que le harclement scolaire 30, qui reprsententun gros problme pour les coles et pour lanimation en milieu ouvert, mme sils ne sont pas toujourspunissables pnalement.
Plusieurs instituts universitaires effectuent depuis 1992 des enqutes sur la zone sombre auprs de lajeunesse, surtout dans les coles. Mais comme ces enqutes ne font pas toutes appel aux mmesmthodes, on ne peut pas les comparer entre elles ni par consquent en dduire une volution dans
le temps.
En Suisse, la seule enqute portant sur la zone sombre qui ait t rpte au niveau national estl enqute suisse de victim isation 31mene par lquipe du professeur M. Killias (Universits deLausanne et de Zurich). Cette enqute consiste interroger par tlphone un chantillon reprsentatifde la population sur la violence subie et la violence exerce durant les cinq annes prcdentes.Comme elle sadresse lensemble de la population, elle est peu significative pour ce qui touchespcifiquement la violence exerce et subie par les jeunes. Il sy ajoute des difficultsmthodologiques, qui rendent difficile la comparaison des donnes (frquence irrgulire, dfinitionsdiffrentes des dlits, participation relativement faible des jeunes).
En revanche, les enqutes auprs des lves du canton de Zurich,ralises par lUniversit de
Zurich (Ribeaud et Eisner) en 1999 et 2007, permettent une comparaison directe entre ces deuxannes et donc des dductions quant lvolution de la zone sombre de la violence juvnile. Elles selimitent toutefois au canton de Zurich et aux lves de 9eanne (jeunes denviron 15 ans).
Ltat actuel des connaissances sur la zone sombre peut, pour ce qui est des filtres dnonciations , taux de cas lucids et victimisation / violence auto-rapporte , tre rsum ci-aprs.
Sagissant des dnonciations, les deux enqutes aboutissent des rsultats contradictoires. Killias etal. concluent que la tendance des victimes porter plainte a nettement diminu entre 1987 et1998/2000. Toutefois, tant donn la petite taille de lchantillon, ce constat est sujet caution32.
A partir des rsultats des enqutes auprs des lves zurichois, Ribeaud et Eisner concluent pourleur part une augmentation des dnonciations, en comparant en lespce les annes 1999 et 2007.
Laugmentation du taux des dnonciations pour les lsions corporelles avec ou sans arme eststatistiquement trs significative. Dans ltude cite, les auteurs ont galement analys la statistiquecriminelle du canton de Zurich (KRISTA), afin de dterminer lvolution du taux des cas lucids. Ilsen concluent que lamlioration moyenne a t de 35 % depuis 1990. Cette augmentation sexpliqueprincipalement par les poursuites pnales plus frquentes lencontre des jeunes dlinquants et parlamlioration des techniques dinvestigation (techniques informatiques, analyses ADN, etc.)33.Laugmentation observe dans la zone claire peut ainsi sexpliquer, au moins en partie, par lamultiplication des dnonciations et par laugmentation du taux des cas lucids par la police.
Si lon compare les chiffres obtenus par les enqutes auprs des lves zurichois en 1999 et en 2007,on observe, en gros, une constance tonnante de la violence auto-rapporte et de la victimisation. Apartir de ces chiffres, Ribeaud et Eisner concluent que, dans la zone sombre, le pourcentage des
dlinquants et des victimes stagne parmi les jeunes, mais que le nombre de dlits de violence commispar ces derniers a lgrement augment en moyenne. Une comparaison de diffrentes enqutesralises dans le canton de Vaud et dans lensemble de la Suisse, effectue par Dilitz etRindlisbacher (2005), aboutit la mme conclusion.
Vu le manque de donnes fiables pour lensemble de la Suisse, nous renverrons dans les chapitressuivants (2.3 et 5) aux rsultats de ltude zurichoise. Reprsentative de la catgorie dge tudiedans ce canton, elle autorise une extrapolation et donne ainsi des indications sur la situationnationale.
30 Pour cette notion, voir le chapitre 5.2.1.31
Malgr la dnomination d enqutes de victimisation , ces enqutes ne s'adressent pas seulement aux victimes de dlitsde violence ; elles interrogent aussi une part reprsentative de la population sur leur vcu ventuel de victime.32 Gabaglio S., Gilliron G., Killias M. (2005).33 Ribeaud D., Eisner M. (2008)
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Pour se faire une ide du nombre de jeunes dlinquants ou violents en Suisse, Eisner et. al. ontexploit les statistiques officielles ainsi que les enqutes sur la zone sombre ralises ces vingtdernires annes dans plusieurs rgions du pays. Cherchant valuer la diffusion descomportements socialement problmatiques chez les jeunes, ils ont conclu que la majorit de ceux-cine sont jamais violents. Certains font usage de la violence dans quelques rares cas, mais de peu degravit. Les actes de violence rpts sont le fait dune assez petite fraction dentre eux : 0,5 % des
jeunes (12 17 ans) ont t effectivement condamns pour un dlit de violence.Tableau 1. Rpartition approximative34des jeunes (12 17 ans) en groupes risque
Pourcentage
de la
population
jeune
Comportement
4060 %
(env. 260 000)
Comportement social normal
2030 %
(env. 130 000)
Comportement social habituel dans le cadre du dveloppement normal des adolescents ; loccasion,
petits dlits contre la proprit ou abus de substances ; pas dusage de la violence physique
1520 %
(env. 90 000)
Usage de la violence, mais rare et de peu de gravit ; dlits rpts contre la proprit et risque accru
dabus dalcool et dautres drogues
36 %
(env. 25 000)
Usage frquent et grave de la violence ; gnralement aussi dlits rguliers contre la proprit et abus
dalcool et dautres drogues
0,5 %
(env. 2500)
Condamnation pnale pour dlits de violence
Commentaire : entre parenthses, le nombre absolu de jeunes de 12 17 ans qui peuvent tre attribus au
groupe en question.
Source : Eisner M., Ribeaud D., Locher R. (2009), p. 49
Ces estimations donnent des indications intressantes pour la conception et lorganisation deprogrammes de prvention visant diffrents groupes cibles.
2.2.2.3 Les auteurs de dlits graves et rpts en Suisse
Afin de recueillir dautres donnes sur les groupes de jeunes qui commettent des dlits graves et/ourpts, lOffice fdral de la police (fedpol) a ralis en 2008 une enqute qualitative auprs de tousles corps de police de Suisse. Il ressort des rsultats de cette enqute que lon compte en gros500 jeunes dlinquants de ce type. Organiss en bandes pour la plupart, ils ne se spcialisent pas
dans certains dlits (actes de violence par exemple) ; ils agissent gnralement de manirespontane et commettent aussi bien des dommages la proprit que des dlits contre le patrimoineou des dlits de violence. Cette premire description se recoupe avec celle dEisner, Ribeaud etLocher (2009). Toutefois, on ne peut pas estimer pour linstant le pourcentage des infractionscommises par ce type de dlinquants par rapport lensemble des infractions. Daprs des tudesralises dans les pays limitrophes, 40 60 % des dlits commis par des individus appartenant unemme classe dge seraient le fait de 4 6 % des individus de ladite classe dge. 35
2.2.2.4 Les sanctions et leur efficacit
Pour tous les jeunes dlinquants et surtout pour les rcidivistes, une question se pose : celle delexcution et de lefficacit des sanctions suivant leur type. Il faut accorder une attention particulire
34 Estimation par Eisner et al.35 Office fdral de la police (fedpol) : rapport des rsultats de lenqute auprs des cantons Auteurs de dlits graves et/ou
rpts ( paratre)
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aux plus radicales, comme la privation de libert et les mesures ducatives et thrapeutiques. Mais,en ce qui concerne la jeunesse36, des chiffres prcis sur le nombre de cas et des analyses dersultats font dfaut. On ne peut donc pas juger de lefficacit des sanctions prises, notamment quant leur aptitude empcher les rcidives.
2.2.2.5 Analyse des sources indi rectes
Outre les statistiques officielles et les rsultats des recherches sur la zone sombre, on peut, pourvaluer le problme de la violence juvnile, faire appel des sources indirectes telles que dautresstatistiques (sant, admissions dans les hpitaux, assurance-accidents et aide aux victimes). Nousexaminerons brivement ci-aprs les possibilits quelles offrent, ainsi que leurs limites.
Lesstatistiques de la sant ont pour inconvnient de donner des renseignements sur les victimesmais pratiquement pas sur les auteurs des violences. Il nest donc pas possible de savoir si lvolutiondu nombre de victimes est imputable aux jeunes ou aux adultes.
On bute sur la mme difficult lorsquon recourt aux statistiques hospitalires. LtudedExadaktylos et al. (2007) sur ladmission des patients victimes de violence au service des urgencesde lhpital de lIle (Berne), souvent cite un peu trop htivement propos de la violence des jeunes,concerne en fait la jeunesse au sens large. Lge moyen des personnes tudies 27 ans est en
effet trs suprieur celui retenu par la dfinition pnale de la criminalit juvnile ; de plus, lastatistique ne distingue pas entre victimes et auteurs de dlits de violence car, du point de vuemdical, il ny a pas de diffrence. Les statistiques sur les admissions aux urgences renseignent doncen premier lieu sur la gravit des blessures entranes par ces actes, mais sans donner de prcisionssur le comportement violent des jeunes.
Le problme est le mme avec les statistiques de lassurance-accidents de la SUVA, o lon netrouve que les assurs bnficiant dune assurance obligatoire, ce qui exclut notamment les colierset les non-actifs.
Une autre statistique officielle, la statistique de laide aux victimes, peut servir clairer la zonesombre, car elle indique aussi si une victime a port plainte ou non. LOffice fdral de la statistique
prvoit de lexploiter lavenir pour en tirer des informations sur les victimes de dlinquants mineurs.A lheure actuelle, elle donne une premire indication : la plupart des victimes mineures connaissentlauteur, qui fait gnralement partie de la famille ou du cercle damis. Les cas dattaques dans la ruepar des inconnus, souvent monts en pingle par les mdias, sont en fait rares dun point de vuestatistique.
2.2.2.6 Principales conc lusions pour la prvention
Les donnes actuelles ne permettent pas de fonder la ncessit de prendre des mesures prventivessur des statistiques relatives lampleur de la violence des jeunes et son volution. Le vide qui enrsulte permet chacun dtayer son interprtation sa convenance et ainsi de justifier desinterventions urgentes aussi bien que de les refuser. Le Conseil fdral examine par consquent,grce une tude de faisabilit, la possibilit de mener rgulirement une recherche denvergure
nationale sur la zone sombre afin de combler ce vide37et de se procurer les indications ncessaires la mise sur pied de programmes de prvention. En mme temps, il demandera des statistiques sur lessanctions appliques aux jeunes afin de dterminer dans quelle mesure celles-ci sont excutes etsont efficaces, et si une adaptation savre ncessaire en consquence.
Mme si les statistiques existantes ne suffisent pas prciser lampleur de la violence juvnile, lephnomne quelle que soit son importance est proccupant : la violence nuit non seulement auxvictimes, mais aussi la socit et aux jeunes dlinquants eux-mmes. Prendre des mesuressusceptibles dempcher de tels comportements est dans lintrt de toutes les parties. Uneprvention cible et universelle est donc indispensable pour viter ou du moins faire diminuer lesactes de violence.
36 Ce type de statistiques existe depuis 1984 pour les adultes.37 Dpartement fdral de justice et police DFJP (2008), p. 48.
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2.3 lments dun modle explicatif
2.3.1 Facteurs de risque et facteurs de protection
La violence nest pas imputable une cause unique. Elle est le produit de linteraction complexe denombreux facteurs dinfluence, divers niveaux. Pour en rendre compte, la recherche sur la violencerecours depuis une trentaine danne des modles explicatifs dits cologiques, qui font intervenirnon seulement des facteurs individuels, mais aussi relationnels, sociaux, culturels etenvironnementaux, comme le rsume la figure 4. Certains facteurs sont proximaux, en ce quils sontimmdiatement vcus par lenfant ou le jeune, dautres, distaux, interviennent indirectement, ce qui nesignifie pas que les influences des sphres successives du modle, comme les conditions de vie oules valeurs portes par la culture, soient moindres ou ngligeables.
Figure 4. Modle cologique servant comprendre la violence
facteurs individuels
facteurs
relationnels
facteurs
communautaires
facteurs socitaux
caractristiques biologiques,
psychologiques, intellectuelles
influences familiales,
influence des pairs
prsence darmes,
de stupfiants,
de gangs, com-
munaut faible
degr dintgration
volution sociale,
chmage, ingalits
de revenus, influ-
ences culturelles
(par ex. valeurs,
strotypes lis
aux genres, exposi-
tion la violence dans
les mdias)
Source : Organisation mondiale de la sant OMS (2002), p. 13 (adapt).
Parmi les facteurs dinfluence aux diffrents niveaux, on distingue ceux qui favorisent la violence deceux qui prmunissent contre elle :
Les facteurs de risque sont des caractristiques ou des processus qui augmentent laprobabilit dun rsultat ngatif et dont on suppose quils sont lorigine du problme, de laviolence en loccurrence.
Les facteurs de protection limitent les effets ngatifs des facteurs de risque ou les
contrebalancent. Ils permettent de comprendre pourquoi tous les individus exposs desrisques ne dveloppent pas des comportements violents.
La recherche sur les conditions qui favorisent une volution positive est gnralement moinsdveloppe que celle qui porte sur les facteurs de risques38. La thorie de la rsiliencesintressecependant spcifiquement aux facteurs de protection, cest--dire la capacit de vivre avec etmalgr un traumatisme, surmonter une situation initiale ngative.
En outre un modle explicatif doit sintresser aux mcanismes qui expliquent comment, enprsence dun facteur de risque, on passe dune violence latente un comportement violent effectif.Les mcanismes se rapportent la chane de causalit entre la cause et leffet.
38
En Suisse, le projet de recherche longitudinale COCON Competence and context, Enqute suisse sur les enfants et lesjeunes de lUniversit de Zurich cherche combler cette lacune en tudiant les facteurs qui favorisent une volutionpositive (des comptences sociales, des comptences productives et de la capacit vivre avec succs les phases detransition).
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Parmi les facteurs individuels relevs dans le modle cologique de lOrganisation mondiale de lasant OMS39, le manque dattention, limpulsivit et un faible quotient intellectuel jouent un grand rle.Ils peuvent tre lis des dficiences dans les fonctions dexcution du cerveau (concentration,raisonnement, anticipation, inhibition). Mais on notera aussi que lors de la pubert, le cerveau subit deprofondes modifications qui expliquent en partie les comportements marginaux et la propension auconflit ou la recherche du risque durant cette priode40.
Lanalyse de lenqute zurichoise auprs de la jeunesse mene par Eisner et al. (2007) a montr queles facteurs de risques individuels les plus importants sont des normes valorisant la violence, un faiblecontrle de soi, une aptitude insuffisante rsoudre les conflits et un comportement dlinquant avantlge de 8 ans. Inversement, selon les tudes longitudinales menes sur le risque et la rsilience, lestroubles socio-motionnels chez les enfants sexpliquent, pour les quatre cinquimes, par lexistencede risques psychosociaux41.
En revanche, le savoir tre (Selbstkompetenz) et les comptences sociales sont des facteurs deprotection. La capacit dexprimer et dassumer son point de vue, la capacit dadaptation auxcontraintes, le sens de linitiative, la propension chercher des solutions constructives en commun,notamment, permettent de rpondre autrement que par lagressivit destructrice des pulsions et desbesoins. La violence nest alors plus un recours pour se dfendre contre une provocation, raliser le
dsir de s'approprier quelque chose, faire valoir ses prtentions vis--vis d'autrui, rechercher sonidentit et affirmer sa position dans le groupe, entrer en relation ou extrioriser des sentimentsrefouls.42
Les facteurs relationnels, dans le modle, se rapportent principalement aux influences familiales(voir chapitre 5.1). Non seulement la maltraitance comme forme extrme et lexprience de violencevcue dans lenfance, mais aussi une ducation incohrente ou encore la ngligence augmentent lerisque de dveloppement de comportements agressifs chez les enfants, jusque dans lge adulte. Lemanque dun des parents le plus souvent le pre dans les familles monoparentales , ou pluslargement dune personne de rfrence de lautre sexe est un facteur observ dans la pratique. Lamaladie psychique de la personne de rfrence en est un autre. Lenqute zurichoise confirme queles mthodes ducatives problmatiques des parents constituent des facteurs de risque prdisposant
fortement les enfants faire usage de la violence. Font partie de ces mthodes notamment un faibleinvestissement parental, un manque de surveillance ou le recours la violence physique.
Inversement, un lien scure avec une ou plusieurs personnes de rfrence, de mme que desrelations stables et un environnement ducatif positif, sont considrs comme tant des facteurs deprotection. Le sentiment de comptence des parents (personnes de rfrence) est aussi un facteur deprotection. En lien troit avec lattachement, un autre facteur de protection important est lexistencedune structure , cest--dire un cadre spatial et temporel ainsi que des normes et valeurs quistructurent le quotidien et constituent un point dappui43.
partir de ladolescence, linfluence positive ou ngative des pairs devient plus importante (voirchapitres 5.2. et 5.3). Les facteurs de risque majeurs sont la frquentation damis qui sont eux-mmes
dlinquants et lappartenance un groupe qui valorise les comportements agressifs et le non-respectdes rgles.
Les facteurs communautaires relvent du milieu de vie des jeunes et de leur famille (voir chapitre5.3). On pense typiquement aux quartiers , cits et banlieues . Le respect de normescommunes, la confiance mutuelle, le sentiment de responsabilit au sein de la communaut ont uneffet protecteur, linverse de labsence de projets et dintrts partags, des peurs rciproques, dudsengagement.
39 Voir Organisation mondiale de la sant OMS (2002), pp. 33s et Eisner M., Ribeaud D., Locher R. (2009), pp. 23ss. Il sagitl de sources secondaires qui se basent sur un grand nombre de travaux. Il est ici renvoy aux bibliographies de ces deuxpublications.
40 Weichold K., Silbereisen R.K. (in press), p. 26.41
P. ex. Laucht M., Esser G., Schmidt M.H. (1998).42 Fachhochschule Nordwestschweiz/Pdagogische Hochschule. Merkblatt zum Thema "Aggression und Gewalt unter Sch-lerinnen und Schlern" (www.fhnw.ch/ph/iwb/beratung/gesundheit).
43 Office fdral de la sant publique (OFSP), infodrog (d.) (2006), p. 7.
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A un niveau suprieur, celui de la socit dans son ensemble, la violence se dveloppe davantagelorsque sont runies certaines conditions telles que la prsence de fortes ingalits de revenus, lechmage et labsence de perspectives professionnelles, des dysfonctionnements dans lapplication dela justice ou le fonctionnement des institutions (discrimination, impunit, zones de non-droit), desnormes culturelles qui vhiculent des strotypes sur les sexes, qui valorisent la force commeexpression de la virilit et moyen de se faire respecter et lgitiment la violence comme mthode de
rglement des conflits (voir galement ci-aprs chapitre 2.3.2). Des avis des experts consults, onretient que les normes et les valeurs ont une importance, quelles ont chang et sont aussi moinshomognes. Dans ce processus dvolution et dindividualisation, certains jeunes sont dstabilissdans leurs repres et dans la construction de leur identit. Le risque de violence est prsent lorsqueles valeurs prennent un caractre idologique et sappuient sur des dynamiques de groupe (voirchapitre 5.3).
Les mdias avec les contenus quils propagent, et de plus en plus les mondes virtuels quilspermettent de crer de faon interactive, mritent une mention particulire parmi les facteurssocitaux. Les tudes sur les effets de la consommation de contenus violents dans les nouveauxmdias44 ne permettent pas de conclure une influence ngative gnralise sur les enfants et lesjeunes. Le contexte de la consommation et lexistence dautres facteurs de risque personnels,
familiaux ou sociaux sont ici dterminants. Ils permettent didentifier des individus ou groupesparticulirement vulnrables pour lesquels la consommation de mdias violents entrane des troublesde comportement (voir chapitre 5.4).
Cependant, pour que se dclenche un comportement violent, il faut galement que des facteurssituationnels interviennent : qu'il y ait une interaction entre un individu et une victime potentielle dansune situation donne. Une provocation, le manque de contrle social dans un quartier, l'accs desstupfiants ou des armes, ou encore la consommation d'alcool peuvent constituer de tellesoccasions. La prise en compte du contexte est donc importante.
Pour tre complte, la rflexion devrait encore porter sur les facteurs favorisant la sortie de ladlinquance ou la rupture davec les comportements violents. Comme mentionn plus haut, beaucoupde jeunes agressifs ou violents changent de style de vie aprs ladolescence et sinscrivent dans la
normalit , la faveur dune insertion russie sur le march du travail, de la dcouverte denouveaux intrts ou du dveloppement dune relation affective, notamment.
2.3.2 Trois facteurs de risque en question : genre, migration et valeurs
Une variable est frquemment mise en vidence dans le dbat public pour expliquer la violence :lorigine trangre des auteurs. Par ailleurs, la violence est souvent vue comme un phnomnepresque exclusivement masculin, les filles et les femmes se trouvant du ct des victimes. Cestpourquoi les facteurs sexe, migration et valeurs font lobjet dun clairage plus dtaill dans lesparagraphes suivants.
Violence et genre
La violence est incontestablement un problme de garons et de jeunes hommes. En 2006, 88,3 %des auteurs de dlits de violence condamns taient de sexe masculin, contre 11,7 % de sexefminin.45Les garons sont aussi plus souvent victimes de la violence que les filles du mme ge. Lesrecherches sur la zone sombre donnent un tableau similaire46. Selon lenqute auprs des lves ducanton de Zurich, un quart des garons commet au moins une fois un acte de violence, contreseulement 6 % des filles.47Cette surreprsentation sexplique par le fait que les garons prsententdavantage de facteurs de risque que les filles (cf. 2.3.1).
La plupart des experts consults dans le cadre du prsent rapport estimaient que la violences'exprime autrement chez les filles que chez les garons et quelle peut plus rarement tre poursuivie
44
Steiner O. (2009).45 Source : Office fdral de la statistique, Statistique des jugements pnaux des mineurs (2007).46 Eisner M., Ribeaud D., Locher R. (2009).47 Ribeaud D., Eisner M. (2008).
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pnalement. Par ailleurs, les filles participent la violence indirectement : elles sont spectatrices ousuivent le mouvement. On ne peut cependant pas non plus affirmer quelles ont davantage tendance la violence psychique et la violence dirige contre soi-mme(automutilation, suicide). Bien quilnexiste pratiquement pas de donnes sur la violence psychique, il ressort de lenqute zurichoise queles filles admettent plus souvent avoir pratiqu le harclement scolaire ou pouss dautres filles semontrer dsagrables ou violentes envers des personnes quelles naiment pas.
La suicidalit (tentatives et ides de suicide, certains comportements dauto-agressivit) est peuprs identique dans les deux sexes. En revanche, le taux de suicide est plus lev chez les hommesdans tous les groupes dge. Cette diffrence sexplique probablement par le fait que les filles ayantdes ides suicidaires recherchent plus volontiers de laide et que les mthodes quelles emploiententranent moins souvent la mort. Ce nest que pour les auto-agressions, avec ou sans intention de sedonner la mort, que les filles sont statistiquement plus reprsentes.48
Violence et migration
Dans le dbat public, les controverses autour de la jeunesse et de la violence sont souvent mises enrelation directe avec le thme de la migration. Le fait que les jeunes dorigine trangre commettentdavantage de dlits de violence que les jeunes Suisses est confirm par la statistique des jugements
pnaux des mineurs et par les statistiques relatives la zone sombre. Quant la partie auteurs dela statistique policire de la criminalit, elle ne permet pas de distinguer entre jeunes Suisses etjeunes trangers.
Selon la statistique des jugements pnaux des mineurs, en 2006, 44,8 % des condamnationsconcernaient des jeunes Suisses et 52,7 % des jeunes trangers domicilis en Suisse, le reste tantreprsent par les demandeurs dasile (2,2 %) et les trangers non domicilis en Suisse (0,3 %). Leschiffres dont on dispose sur la zone sombre donnent une image comparable, mme si lasurreprsentation des jeunes issus de la migration49 y est moins marque en ce qui concerne laviolence auto-reporte. Les chercheurs expliquent la diffrence entre zone claire et zone sombre parle fait que les jeunes trangers sont plus souvent dnoncs lorsquils commettent des actes deviolence ; il semble par ailleurs que, dans le cadre des enqutes, ils donnent plus volontiers des
rponses quils estiment plus acceptables, taisant ainsi leurs comportements violents.50
Cette surreprsentation statistique a cependant peu voir avec lorigine trangre en tant que telle,mais indique que ces jeunes cumulent les facteurs de risque, facteurs qui peuvent tout autant amenerles jeunes Suisses se montrer violents. Si, comme dans lenqute zurichoise, on prend en comptelinfluence de tous les facteurs de risque tudis, le contexte migratoire perd pratiquement tout sonsens. Les rsultats de lenqute montrent plutt que les garons51 issus de la migration sontsurreprsents dans les filires scolaires les plus faibles et que la probabilit pour les enfantsdorigine trangre davoir un statut socio-conomique bas est plus leve52. Notons en outre le rleimportant que semblent jouer les normes et les valeurs lgitimant la violence, lies chez certains deces jeunes larrire-plan culturel de leur famille dorigine.
Violence et valeurs
Certaines valeurs influent fortement sur le comportement des jeunes en termes de violence. Selon leschercheurs, ceux qui approuvent une conception de la virilit lgitimant la violence 53 sont
48 Office fdral de la sant publique (2008), p. 17.49 On entend par jeunes issus de la migration , quelle que soit leur nationalit, les jeunes qui sont ns ltranger et ont
migr en Suisse, ainsi que les jeunes dont les parents sont ns ltranger et ont migr en Suisse.50 Ribeaud D., Eisner M. (2008).51 Leffet est moins fort chez les filles, sans doute parce quelles attirent moins lattention par des comportements violents et
que les donnes ce sujet sont donc moins parlantes. Ce constat vaut, pour la suite, chaque fois que seuls les garonssont mentionns.
52
Ribeaud D., Eisner M. (2008).53 Lexistence dune conception de la virilit lgitimant la violence se dduit de lapprobation de phrases telles que lhommeest le chef de famille et sa femme et ses enfants doivent lui obir ou bien un homme qui nest pas prt faire usage dela violence quand il subit une humiliation est une mauviette .
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gnralement plus violents que les autres. Un autre facteur important est, au niveau familial,l attitude ethnocentrique et patriarcale des parents 54.
Le rle que jouent les valeurs dans lexercice de la violence est confirm par les rsultats desrecherches sur les jeunes dextrme-droite : les valeurs centrales de cette mouvance politique sont,entre autres, le nationalisme et lethnocentrisme, le sexisme, le culte du meneur, lautoritarisme etlacceptation de la violence55.
2.3.3 volution sur le parcours de vie
Limportance relative des diffrents facteurs de risque et de protection volue sur le parcours de vie,de la petite enfance la fin de ladolescence. Les niveaux dinfluence et les occasions dinteractionavec un milieu toujours plus tendu se superposent, de la famille lcole, puis aux relations avec lespairs, le voisinage et des cercles plus larges de la socit. Il nen reste pas moins que des facteurssocioconomiques ou culturels peuvent avoir un impact fort, quoiquindirect, sur le jeune enfant dj.
Figure 5. Modle plusieurs niveaux de la violence dans le parcours de vie
Violence Situation
AgeFamille
Contrle social
Occasions
Victimes potentielles
Litiges / provocations
Individu
Ecole
Pairs / style de vie
Famille
Ecole
Pairs / style de vie
Voisinage / commune
Source : Eisner M., Ribeaud D., Locher R. (2009), p. 17.
Des tudes attestent que les diffrents facteurs de risque se cumulent et se renforcent mutuellement.La probabilit quun jeune commette des actes de violence reste faible tant que le nombre de facteursauxquels il est expos est peu lev. Laccumulation de nombreux facteurs de risque, en revanche,est associe une forte croissance de lincidence de la violence. Cette observation est importantepour la prvention : les risques de violence sont concentrs dans des groupes caractriss par desproblmatiques multiples.56
Par ailleurs, des tudes longitudinales57 montrent que lagressivit destructrice durant la petiteenfance et lenfance, lorsquelle sort de ce qui est considr normal dans cette phase dedveloppement, offre une prdiction fiable de la violence dans ladolescence. Celle-ci prsente son
tour une continuit dans lge adulte, avec une certaine gradation dans le type de manifestations :agressivit, accs de colre, destruction de choses bagarres, contrainte, menace violence enbandes, parfois arme, violence sexuelle lsions corporelles, violence domestique contre unpartenaire ou des enfants. La plupart des interactions violentes se droulent entre enfants ou jeunesde mme sexe, mais au cours de ladolescence, les agressions diriges contre des personnes delautre sexe des garons contre les filles deviennent plus frquentes.
On ne peut toutefois gnraliser les parcours de dlinquance : beaucoup de jeunes qui adoptent descomportements violents ne le font que sur une courte priode limite ladolescence. La phase de vie
54 Lexistence dune attitude ethnocentrique et patriarcale des parents se dduit de lapprobation de phrases telles mesparents veulent que mes amis soient de la mme origine que nous ou bien mes parents pensent que l'homme doit tre
le chef de famille .55 PNR 40+, Service de lutte contre le racisme (2007).56 Eisner M., Ribeaud D., Locher R. (2009), pp. 32.57 Voir Eisner M., Ribeaud D., Locher R. (2009), pp. 17ss et Organisation mondiale de la sant OMS (2002), pp. 33s.
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de ladolescence est en effet, en quelque sorte, naturellement violente et expose uneconstellation de facteurs personnels et relationnels propices des comportements conflictuels, en liennotamment avec la pubert et llargissement du milieu de vie de la famille vers les pairs et lespacepublic. La propension commettre des agressions physiques diminue ensuite normalement aveclavance en ge. Dans lensemble, en termes absolus, il ne faut pas perdre de vue que ce sont bienles adultes qui sont lorigine de la plupart des actes de violence enregistrs (80 % des dlits contre
la vie et lintgrit).Figure 6. Nombre de dlits de violence en fonction de lge, pour 100 000 habitants (infractions contrela vie et lintgrit, vols et viols)
0
100
200
300
400
500
600
700
800
0 10 20 30 40 50 60 70 80
Leib und Leben Raub (x2) Vergewaltigung (x20)Vol (x2) Viol (x20)Vie et intgrit
Commentaire : La forte augmentation partir de 10 ans est due au fait que les actes commis entrent ce
moment-l dans le champ pnal ; elle ne sinterprte pas comme une augmentation relle du nombre dauteurs,
mais comme un changement dans la nature des actes et dans la raction des institutions l approche de lamajorit et de la pleine responsabilit pnale.
Source : in Eisner M., Ribeaud D., Locher R. (2009), p. 22 ; donnes du canton de Zurich (Polizeiliche Kriminal-
statistik des Kantons Zrich, 1999-2004).
3 Prvention de la violence
3.1 Potentiel et limites de la prvention
3.1.1 Modle de prvention
La prvention suscite beaucoup dattentes. Prendre les problmes la racine semble la dmarche laplus rationnelle et la plus conomique. Mais elle prsuppose de connatre parfaitement les causes etles processus qui aboutissent une situation et de pouvoir les contrler. Face une problmatiqueaussi complexe et multifactorielle que la violence, cette prtention semble peu raliste. Une dmarcheprventive srieuse ne va donc pas de soi et requiert des bases solides. Ce sont de telles bases queEisner M., Ribeaud D., Locher R. (2009) exposent dans leur rapport et qui servent ici de rfrence.
Il existe diffrents modles de prvention, dvelopps principalement en matire de sant publique.La prvention peut tre gnrale ou spcifique des risques bien dtermins, oriente vers lapopulation globale ou vers des groupes-cibles, oriente vers lindividu ou vers les structures,sintresser aux dficiences ou se fonder sur les comptences, etc. Chaque approche ne peut treque partielle.58 Le modle de prvention utilis couramment en sant publique distingue entre trois
58 Le Concept pour une prvention globale de la violence envers les enfants (Office fdral des assurances socialesOFAS, 2005) commente diffrents types de prvention et prsente un modle qui permet de surmonter la plupart desdifficults prsentes dans les autres cas.
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types de prvention en fonction du moment de lintervention. La prvention primaire a pour objectifdempcher lapparition des problmes ; la prvention secondaire les traite afin den limiter lvolution ;enfin, la prvention tertiaire vise empcher ou rduire les consquences des troubles qui se sontmanifests.
Les spcialistes de la prvention de la violenceprfrent cependant recourir un autre modle, quiopre en fonction de groupes cibles59:
la prvention universelle, qui s'adresse tout le monde ou des groupes d'individus dansleur ensemble, indpendamment du risque qu'ils prsentent
la prvention slective, qui est cible sur des individus ou des groupes exposs au risque dedvelopper des comportements violents
la prvention indique, qui concerne les personnes qui ont dj manifest un comportementviolent
A tous les niveaux, la prvention peut sadresser, sous une forme adapte, aussi bien aux auteurs(potentiels) quaux victimes (potentielles) ou aux tiers observateurs , et aussi bien aux enfants etjeunes qu leur entourage et leur milieu de vie.
Quant son mode daction, la prvention peut chercher agir sur les facteurs de risque (voir chapitre2.3.1) pour tenter de les rduire comme sur les facteurs de protection pour les renforcer et favoriserune volution positive de la personnalit, mme en prsence de risques. Enfin, la prvention peutintervenir dans le processus qui conduit de la propension la violence jusquau passage lacte pourinterrompre la chane de causalit.
3.1.2 Prvention fonde sur des approches prouves
Pertinence de la mthode
Les postulats Leuthard 03.3298 et Amherd 06.3646 auxquels rpond le prsent rapport insistent surlimportance de sassurer de lefficacit de la prvention de la violence. La ncessit de mener une
action prventive, en amont des interventions sur des situations avres de violence, fait l'unanimitaussi bien parmi les intervenants politiques qui se positionnent sur le thme de la violence que parmiles experts. Mais lefficacit des mesures prises ou prconises des fins de prvention de laviolence reste peu tudie. En Suisse comme ailleurs, des programmes sont financs et mis enuvre dans l'hypothse qu'ils contribueront rduire la violence, mais il n'est pas exclu que danscertains cas ils manquent leur but, voire aboutissent des fins contraires.60 D'o la pertinence defonder autant que possible les interventions futures sur des pratiques prouves (evidence-basedprevention), comme on en connat dans la sant publique (prvention du sida par exemple).
Fonder la prvention sur des pratiques prouves consiste se rfrer aux recherches empiriquessrieuses sur les effets de diffrents programmes de prvention61. Des travaux de synthse de cesrecherches (mta-analyses) ont t effectus au cours des 20 dernires annes principalement dans
lespace anglo-saxon. Ils portent sur des valuations ralises la plupart du temps selon desmthodes exprimentales avec groupe de contrle, et dont les rsultats ont t confirms parplusieurs tudes. On peut en retirer des informations fiables pour apprendre
quelles mesures sont efficaces, lesquelles nont pas deffets et lesquelles sontcontreproductives et nuisibles, en ceci quelles renforcent les comportements quelles sontcenses prvenir
comment transposer avec succs les mesures que la recherche value positivement afinquelles savrent efficaces dans la pratique et dans le contexte donn
comment les mesures efficaces peuvent tre adaptes aux besoins de diffrents groupes depopulation.
59 Organisation mondiale de la sant OMS (2002), p. 16 ; Office fdral de la sant publique OFSP (2006), p. 8.60 Eisner M., Ribeaud D., Locher R. (2009), p. 6; Organisation mondiale de la sant OMS (2002), p. 53.61 Eisner M., Ribeaud D., Locher R. (2009), p. 9ss pour une description de la mthode et des rfrences bibliographiques.
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Cette approche, qui lie troitement science et pratique, se justifie par limportance que les pouvoirspublics accordent la question de la violence et les budgets quils consacrent la prvenir. Elle leurdonne des indications sur le rendement attendre de cet investissement et leur fournit un moyen decomparer les programmes qui peuvent leur tre proposs sur le march de la prvention. Elle lesrend en particulier attentifs aux effets pervers attests de mesures qui semblent bien fondes aupremier abord. Ainsi, les valuations montrent par exemple que le regroupement dans une mme
structure (classe spciale, camp, etc.) de jeunes ayant des comportements problmatiques estcontreproductif sous certaines conditions.
Les personnes interroges dans le cadre des tudes de cas et les experts consults reconnaissentgnralement la pertinence de la mthode. Il serait selon eux avantageux de pouvoir se rfrer unavis professionnel indpendant sur la qualit des divers programmes existants avant de sengagerdans un projet. Les connaissances sur ce qui se fait ailleurs en Suisse bonnes pratiques ou checs sont faibles. Et il est encore plus difficile de se tenir au courant des expriences trangres.
Par ailleurs, les responsables dj impliqus dans la prvention au niveau local ne se sentent pastoujours en mesure den valuer les effets, par manque de ressources et de savoir-faire, et souhaitentdavantage de soutien. En effet, chaque collectivit dveloppe ses propres interventions et ralise sespropres expriences, souvent en raction htive un vnement particulier. Au-del de lurgence, il
est difficile de runir des ressources pour la rflexion comme pour lvaluation.
Avis cr it iques
Certains experts craignent cependant que la mthode de lvidence scientifique, avec ses impratifs,favorise le choix de programmes de prvention standardiss en fonction dun petit nombre de critresvaluables, au dtriment dapproches cologiques tenant compte de facteurs environnementaux etsocitaux moins pondrables. De plus, les ressources alloues la recherche et lvaluationrisqueraient de concurrencer celles qui devraient tre disponibles pour les mesures elles-mmes.
La recherche sur la prvention est confronte aux difficults de nature scientifique inhrentes auxtudes sociales exprimentales menes avec un groupe de contrle alatoire ; celles-ci soulvent desquestions thiques et requirent par ailleurs beaucoup de temps. Lvaluation des effets sur la
violence se heurte quant elle notamment aux problmes suivants :
Les personnes qui prsentent des comportements violents connaissent gnralementsimultanment dautres types de problmes qui peuvent trouver leur origine dans les mmesfacteurs de risque. Les effets de la prvention de la violence peuvent donc se manifester surdautres comportements que ceux que lon tudie dans lvaluation.
Les mesures de prvention poursuivent souvent simultanment divers objectifs et dploientdes effets qui ne sont pas spcifiques la violence (par exemple, mesures favorisantlintgration, le dveloppement des comptences sociales, etc.).
Dautres politiques ou facteurs externes non contrls dans lvaluation peuvent intervenir defaon dcisive et contribuer une rduction (ou une augmentation) de la violence,
indpendamment du programme de prvention.
Des programmes qui ne peuvent tre estampills comme eff