Les échanges maritimes au cœur des bouleversements industriels

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� Repères

Les échanges maritimes au cœur des bouleversements industriels

« La marine de commerce est soumise dans son développement à des lois assez régulières avec, pour tribunal, la clientèle maritime et, pour sanction, la prospérité ou la ruine des compagnies de navigation.

Emile Bertin, La marine moderne, 1914

Au cœur des transformations de l’ère industrielle

La marine est un acteur majeur des bouleversements liés au processus d’industrialisation, car elle permet l’indispensable accroissement des échanges entre les pays producteurs de matières premières et ceux qui sont aptes par leur avance technique à les transformer. Des bateaux quittent l’Europe pour aller chercher des produits bruts en Amérique ou en Australie. D’autres transportent des produits finis et des émigrants, toujours plus nombreux qui vont peupler les pays neufs ou s’installer aux colonies. Les compagnies maritimes vont les chercher par le biais de réseaux spécialisés dans les régions rurales en déclin, comme les vallées pyrénéennes. S’opère ainsi une nouvelle « dilation du monde » qui préfigure l’actuelle mondialisation. Cette ouverture contribue à la croissance économique en unifiant les marchés et en diminuant les coûts grâce à des bateaux de plus en plus gros et de plus en plus rapides. Les innovations techniques se multiplient et apportent à la fois régularité et flexibilité à la navigation. L’usage de la vapeur l’affranchit de la force des vents et diminue considérablement le temps des traversées océaniques. De son côté, le cabotage s’avère moins onéreux que le transport sur route ou par chemin de fer, en particulier pour le transport des pondéreux. Enfin, jusqu’à l’essor de l’aviation dans les années 1960, la navigation maritime est le seul mode de transport qui permette d’acheminer aussi bien les hommes que les marchandises au delà des océans.

La coexistence de la voile et de la vapeur

Jusqu’au début du XXe s., les navires marchands sont propulsés à la voile et/ou à la vapeur. Ces deux modes de propulsion coexistent en effet sur de nombreux navires et la voile est utilisée dès que le vent le permet. L’usage de la vapeur s’accompagne en effet de nombreuses contraintes. La place occupée par le charbon limite celle du fret et le coût du voyage se grève de nombreuses dépenses supplémentaires tant en investissement qu’en fonctionnement : achat de la machine, frais de combustible et salaires plus élevés pour les mécaniciens et chauffeurs que pour de simples gabiers. L’itinéraire est conditionné aussi par les escales charbonnières ce qui relativise le gain de temps. Sur les destinations lointaines, notamment les traversées transocéaniques dans l’hémisphère austral, ce sont des grands voiliers, modernes et très rapides, les clippers qui s’imposent tandis que les steamers sont plus adaptés à la navigation sur les fleuves ou aux traversées plus courtes.

De nouveaux bateaux pour un commerce mondialisé

Jusqu’à la Première Guerre mondiale, le clipper, loin d’être un vestige du passé, est en effet parfaitement adapté à la navigation dans les mers agitées des quarantièmes rugissants. Véritable succès technologique grâce à sa forme effilée (rapport de 1 à 5, voire 6 entre la longueur et la largeur), sa structure composite en bois et métal et son immense voilure, il est apte à fendre les vagues, comme l’indique son nom (ciseaux en anglais). Ces navires à 3 ou 4 mâts sont équipés d’une petite machine à vapeur pour aider à hisser très haut les nombreuses voiles qui permettent d’atteindre de grandes vitesses (9 nœuds, voire plus comme le célèbre Cutty Sark). Les premiers clippers sont fabriqués aux Etats-Unis, bientôt imités par le Royaume-Uni et la France. Les Hirondelles de Rio, à coque noire et voilure blanche, immatriculées à Bordeaux, traversent l’Atlantique jusqu’au Sud du Brésil pour rapporter le café. Les Pigeons du Cap à coque blanche, quittent Le Havre, doublent le Cap Horn et rapportent le précieux guano puis les nitrates du Chili. Les clippers s’effacent définitivement au profit des steamers après le début du XXe s., lorsque plusieurs innovations techniques diminuent considérablement le coût de la navigation à vapeur.

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Le terme de steamers désigne tous les bateaux qui utilisent de manière préférentielle la vapeur. Mais bientôt il est supplanté par le terme de cargo, tiré de l’anglais cargo boat, lui-même issu d’un mot espagnol qui désigne tout navire de charge, apte à transporter des marchandises, embarquées sous divers conditionnements en balles (coton) ou en ballots, en caisses de bois, en barriques, en vrac... C’est durant l’entre-deux guerres que se généralisent les noms des bateaux faisant référence aux marchandises transportées : charbonniers, minéraliers, bananiers, pinardiers. Depuis le milieu du XIXe s., la taille des navires ne cesse d’augmenter, autorisant de plus grands volumes de fret, donc une baisse des coûts. Parallèlement, la sécurité de la navigation se renforce grâce aux progrès des télécommunications (TSF) et de la signalisation (phares). Le transport maritime des marchandises devient ainsi de plus en plus rationnel et organisé. Quant au paquebot, il tire son nom du terme anglais packet boat qui désigne un bateau postal transportant missives et paquets. Utilisé en France dès le XVIIIe s., ce terme ne désigne plus à la fin du XIXe s. que les navires de passagers qui gagnent en vitesse et en capacité. Jusqu’à la Première Guerre mondiale, les paquebots de ligne sont voués au transport de millions d’émigrants vers les pays neufs. Après 1920, la fermeture des Etats-Unis à l’immigration freine ce type de transport, sans pour autant le faire disparaître. Une clientèle fortunée voyage à bord de paquebots luxueux comme le mythique Normandie (1935), dans une perspective surtout hédoniste. Les passagers troisième classe sont relégués à l’arrière, logés en dessous de la ligne de flottaison.

Une accumulation d’innovations techniques

Les grandes innovations de la période concernent d’abord la propulsion du navire. Tantôt ces innovations sont adoptées en premier par la marine marchande, tantôt par la marine militaire. Les steamers sont d’abord propulsés à l’aide de roues à aubes comme le Savannah, le premier navire américain à traverser l’Atlantique en 1819. Les machines sont lourdes et exposées au roulis. En dépit de cet inconvénient, les armateurs sont vite convaincus des mérites de la vapeur mais optent pour la propulsion mixte, car la voile permet d'économiser le combustible dès que la force et la direction du vent le permettent. La vapeur se répand pourtant plus vite dans la flotte de commerce que dans la flotte militaire, car la roue à aubes, fragile et très exposée aux tirs de l’ennemi rend particulièrement vulnérable le navire - d’autant qu’elle occupe une surface importante au détriment de l’artillerie. De plus, elle produit des chocs en frappant l’eau et manque d’efficacité face au roulis en pleine mer.

L’invention de l’hélice supprime ces inconvénients. L’ingénieur français, Frédéric Sauvage, dépose un brevet d’hélice en 1832, inspiré par la vis sans fin d’Archimède qui agit dans l’eau à la manière d’un tire-bouchon. La traînée occasionne malheureusement un freinage important. En 1842, Augustin Normand, un industriel installé au Havre, résout ce problème hydrodynamique en fractionnant l’hélice en trois pales. En mer, l’hélice supplante alors définitivement la roue à aubes. Installée à l'arrière, sous la ligne de flottaison et près du gouvernail, elle accroît nettement la vitesse et améliore la sécurité des navires de guerre car elle n'est pas accessible aux tirs. Son emploi se généralise rapidement dans la marine militaire avant d’être appliquée à la marine marchande.

Les machines à vapeur se perfectionnent par transferts technologiques successifs, en adaptant par exemple la chaudière tubulaire inventée par Marc Seguin pour les locomotives en 1827, puis la machine compound (à plusieurs cylindres), toutes deux procurant un meilleur rendement. A partir de 1884, les turbines remplacent peu à peu les machines à vapeur alternatives. Très puissantes, elles réduisent la consommation du combustible et libèrent de la place dans les cales pour le fret. Elles diminuent les vibrations et le bruit. Les escales charbonnières s’espacent. La navigation gagne en flexibilité, ce qui entraîne une rupture décisive. Entre 1870 et 1900, le tonnage mondial transporté par bateaux à vapeur est multiplié par 5,5. En 1880, il dépasse celui des voiliers. Influencée par les lobbies de constructeurs de voiliers, en particulier les chantiers nantais, la France reste longtemps attachée à la navigation à voile. Le gouvernement institue même en 1893 un régime de primes plus favorables aux voiliers, ce qui entraîne pendant un temps une évolution à contre-courant.

Un nouveau bond technologique est réalisé avec le passage au mazout (chauffage de la chaudière de la machine à vapeur). A poids égal, le mazout dégage un pouvoir calorifique plus important que le charbon. Stocké dans le double fond de la coque, il tient moins de place, ce qui augmente le rayon d’action du bateau en supprimant des escales. Il se charge très rapidement par pompage, économise du personnel et use moins les chaudières. La chauffe au mazout est d’usage systématique sur les navires américains et britanniques vers 1900. Elle se généralise dans les autres flottes à l’approche de la Première Guerre mondiale, au moment où apparaît le moteur diesel. Les mâts deviennent de simples accessoires, les ponts sont libérés : ce qui permet de rehausser les superstructures et favorise la vitesse et l’accroissement du tonnage transporté. Au lendemain de la Grande guerre, le moteur diesel à combustion interne s’impose peu à peu. En 1929, 1 navire sur 3 dans le monde fonctionne ainsi.

De la coque en bois à la coque en acier

Au début du XIXe s., les bateaux ne sont construits qu’en bois. A la veille de la Seconde Guerre mondiale, la coque en métal s’impose, sur les navires marchands comme sur les bateaux de guerre. L’utilisation du métal dans la fabrication des navires a d’abord une fonction de protection. Du XVIIe s. au XIXe s., des plaques de cuivre sont fixées sur la partie immergée de la coque. Ce système empêche la fixation sur la coque en bois de mollusques marins très voraces, les tarets. Au milieu du XIXe s., on ajoute un blindage métallique à la partie émergée de la coque des navires militaires. C’est la naissance des premiers cuirassés. Tirant les leçons de la guerre de Crimée, Dupuy de Lôme, ingénieur naval français, fait apposer sur la Gloire (1859) des plaques de fer de 10 cm d’épaisseur. Elles sont fabriquées aux forges du Creusot. L’efficacité du système le convainc d’orienter la construction militaire du bois vers le métal. La marine marchande suit le mouvement et y trouve aussi son avantage. Dans un premier temps, les bordés restent en bois tandis que les membrures transversales de la coque sont en métal. Cela augmente la résistance de l’ensemble et permet d’augmenter la longueur du navire (et donc le tonnage). Le passage à la coque entièrement métallique se généralise dans les années 1860. L’utilisation de l’hélice nécessite d’accroître la rigidité de la coque pour éviter les déformations de la ligne d’arbre. Les réparations sont aussi moins fréquentes et la durée de vie d’un navire prolongée ; ce qui compense le coût plus élevé des matériaux. Sur les chantiers, les charpentiers doivent s’adapter. De nouveaux métiers apparaissent et la vie des travailleurs est fortement imprégnée par la culture ouvrière semblable à celle des grandes usines industrielles. Le transfert du bois au métal suppose des efforts constants de l’industrie métallurgique, pour répondre aux exigences particulières des cahiers des charges des constructeurs. Dans les années 1880, le fer est bientôt remplacé par l’acier qui permet de réduire les épaisseurs et le poids. Les usines Schneider du Creusot produisent en 1890 un acier spécial, au nickel et au chrome, pour la construction navale.

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La marine, composante du capitalisme industriel

Ces mutations techniques induisent un coût de construction de plus en plus élevé : un million de francs pour un bateau à vapeur, à coque en métal et roues à aubes. Bien davantage pour un navire à hélice. Les armateurs, véritables entrepreneurs, prennent la tête des vieilles maisons de négoce qu’ils transforment en grandes sociétés capitalistes, inspirées par le modèle des sociétés anonymes avec des actionnaires de plus en plus nombreux. L’activité maritime change donc d’échelle. Les steamers, rapides et fiables, dégagent des bénéfices très importants qui permettent largement de rembourser les investissements et assurent la croissance interne de l’entreprise. Emergent alors de grandes compagnies de navigation, à structure capitaliste (de plus en plus concentrées sur le plan vertical et horizontal), qui recherchent le profit dans un contexte de concurrence exacerbée. A chaque navire neuf, les grandes compagnies cherchent à emporter le célèbre Ruban Bleu, trophée récompensant le paquebot le plus rapide entre la Grande-Bretagne et les Etats-Unis. Cette récompense sert d’argument publicitaire mais nourrit aussi le nationalisme exacerbé en particulier dans l’entre-deux guerres. L’océan est alors perçu comme une aire de projection de puissance par les états. Tous les gouvernements sont conscients que l’essor des échanges dépend de la maîtrise de la mer. Encourager le commerce extérieur est impératif, pour stimuler la production quand celle-ci se ralentit comme lors de la Grande Dépression (1882-1896). Développer une flotte de commerce efficace s’impose également aux pays qui se lancent dans l’aventure coloniale. Tous les moyens sont donc bons pour favoriser la marine. En dépit du discours libéral ambiant, les gouvernements subventionnent les compagnies maritimes, aident au développement de grands ports et de chantiers de construction navale. C’est ainsi que l’Allemagne, qui est restée longtemps une puissance continentale, développe après 1898 une flotte efficace et crée des ports modernes, afin d’avoir les moyens de la Weltpolitik de Guillaume II.

De nouvelles infrastructures portuaires

Les ports connaissent des transformations importantes qui en font des espaces modernes emblématiques de l’ère industrielle. Sous l’impulsion des chambres de commerce, les ports sont reliés à l’arrière-pays par voies ferrées, afin d’accroître les échanges. De nouveaux bassins sont creusés pour démultiplier les aires d’accostage, comme à Marseille où sont réalisés successivement le bassin de la Joliette puis le bassin Napoléon. A la tête des ports français, Marseille entretient des liens étroits avec les colonies d’Afrique du Nord, en particulier l’Algérie. Les entrepôts se multiplient pour stocker les matières premières agricoles importées, avant qu’elles ne soient transformées dans des usines situées en bordure de l’Estaque puis, dans l’entre-deux guerres, au bord de l’étang de Berre. Les produits finis sont ensuite expédiés en France par train ou dans les colonies par bateau. Ailleurs, on drague et on augmente la profondeur des bassins pour les rendre aptes à recevoir des navires d‘un plus grand tirant d’eau. Des canaux maritimes sont ouverts afin de rendre les ports plus indépendants des marées, mais la montée en taille des navires va si vite que certaines infrastructures sont parfois rapidement obsolètes (comme le canal de La Martinière reliant Nantes à Saint-Nazaire). La hiérarchie portuaire est ainsi bouleversée, comme ce fut le cas pour Anvers dépassé par Rotterdam grâce à la réalisation d’une nouvelle voie d’eau sans écluses, rendue possible par l’absence de dénivelé. Un profond chenal long de 30 km, le Nieuwe Waterweg, achevé en 1890, permet l'accès du port aux grands navires océaniques venant de la mer du Nord.

La marine, au cœur des conflits sociaux

Les mutations techniques entraînent des bouleversements sociaux, tant à terre dans les ports et les chantiers navals, qu’à bord des navires. Avant 1850, les portefaix, qui manœuvrent dans les ports les marchandises, sont les rouages indispensables de la filière maritime. Mais l’usage de grues mécanisées disqualifie peu à peu leur travail et leur impose de s’adapter à des rythmes différents, une cadence accrue, des taches plus parcellisées. Les conflits sociaux se multiplient, d’autant que la profession de dockers est l’une des plus syndicalisée, au Royaume-Uni comme en France. Dans les années 1907-1908, les revendications pour la journée de 8 heures paralysent les ports français durant plusieurs semaines. A bord des navires, la généralisation de la vapeur induit également de nouvelles tensions. Avec les transformations techniques, les relations à bord se rapprochent de celles observées à terre dans les grandes usines. On assiste à l’irruption de la lutte des classes, dans un univers marqué jusque là par la solidarité. A partir de 1900, les grèves de personnel naviguant sont fréquentes, soit lors de l’appareillage, soit en pleine mer, allant jusqu’à faire tomber les feux afin d’obtenir satisfaction. Sur les steamers, une nouvelle hiérarchie se superpose aux liens habituels d’autorité entre la maîtrise et l’équipage. Une opposition horizontale se dessine entre les hommes de pont et ceux qui travaillent au fond de cales, surnommés les "bouchons gras" et méprisés par les autres qui se considèrent comme seuls vrais marins. Pourtant, ces derniers sont dépossédés du réel pouvoir de contrôle sur la marche des navires, qui dépend du travail des mécaniciens, des chauffeurs, des soutiers... Ce travail particulièrement difficile ne comprend pas de temps mort, à la différence de celui des gabiers. Les mécaniciens, souvent syndicalisés, s‘opposent aux officiers de pont, qu’ils jugent prétentieux. Pourtant, eux-aussi rencontrent des difficultés pour se faire obéir. Les mécaniciens se sentent plus proches de leurs camarades des autres navires ou de ceux qui travaillent à terre (dans les usines ou les locomotives) que des hommes de pont. En revanche, les marins sont très attachés à leur bateau. Le navire est donc un espace socialement segmenté, où règne sur le pont supérieur une culture maritime, et sur les ponts inférieurs ou dans les soutes, une culture industrielle. Le terme de soutier se répand d’ailleurs dans le monde ouvrier pour désigner le travailleur exploité, au travail particulièrement pénible.

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Quelques navires

� Périclès Premier paquebot postal construit en 1851 pour la Compagnie des Messageries nationales (future Compagnie des Messageries Maritimes). C’est un navire à roues de 46 m de long et 349 tonneaux, propulsé par une machine de 120 CV, assurant une vitesse de 8,5 nœuds. D'abord affecté à la ligne du Pirée à Syra, il stationne de 1854 à 1861 à Constantinople pour les lignes de la Mer Noire. Jusqu'en 1866, il est affecté à la ligne Gorée-Cap Vert (Afrique). Il termine sa carrière en Méditerranée en 1871, où il est démoli à La Ciotat.

� Great-Eastern Ce paquebot, construit en 1857 par Brunel aux chantiers de Londres, est reconnaissable à ses cinq cheminées et six mâts. Révolutionnaire par ses dimensions (211 m de long, 25 m de large) et par son mode de propulsion (2 roues à aubes de 17 m de diamètre et une hélice de 7,3 m propulsées par un moteur à vapeur de 8 000 CV). Sa coque est entièrement métallique, doublée de cloisons étanches. Jules Verne y embarque et s’en inspire pour son roman Une ville flottante (1867). Son exploitation est un échec commercial, le navire tenant très mal la mer et son coût de fonctionnement étant exorbitant. Au bout de deux ans, il est transformé en mouilleur de câbles télégraphiques (entre l'Europe et les Etats-Unis). Il est démoli en 1888.

� Titanic Construit en 1911 par les chantiers Harland et Wolf de Belfast, pour la White Star Line, c’est le plus grand paquebot de son temps (269 m de long, 52 310 tonneaux, 46 000 CV). Il est considéré comme insubmersible grâce à ses 16 compartiments étanches. Il appareille de Southampton le 10 avril 1912, pour son voyage inaugural en direction de New-York. Le 14 avril à 23 h 30, le paquebot heurte sur tribord un iceberg, à 750 km des côtes de Terre-Neuve. Il sombre à 2 h 20, le 15 avril. Equipé de la Télégraphie Sans Fil, il envoie un message de détresse en morse, le premier S.O.S. L'appel au secours est capté par dix navires, mais le plus proche met 7 h pour arriver. On dénombre 1 490 victimes sur les 2 220 personnes embarquées. C'est la plus grande catastrophe maritime de l'époque.

� Normandie Paquebot de la Compagnie Générale Transatlantique, mis sur cale en 1932 aux chantiers de Penhoët à Saint-Nazaire. Il mesure 313 m de long pour 35,8 m de large. Ses machines ont une puissance de 160 000 CV. Il est lancé en 1935 sur la ligne le Havre-New-York et ravit le Ruban Bleu pour sa première traversée, avec une vitesse moyenne de 31 nœuds. Durant quatre ans, il effectue 116 voyages pour une clientèle fortunée. Il est alors synonyme de luxe et de bon goût français. En raison de la guerre, il est désarmé dans le port de New-York en septembre 1939. Réquisitionné par les Etats-Unis pour être transformé en transport de troupes, il est détruit par un incendie accidentel, en février 1942.

Bibliographie

Alain Cabantous, André Lespagnol, Françoise Péron, Les Français, la Terre et la Mer, Fayard, 2005 Philippe Masson, Marines et Océans, lmprimerie nationale, 1982 Jean Meyer, Martine Acerra, Histoire de la marine française des origines à nos jours, éditions Ouest-France, 1994 La Marine marchande française de 1850 à 2000, Revue d’Histoire Maritime n°5, PUPS, 2006 en particulier : J.L. Lenhof, Voiles ou vapeur - Le travail et la vie à bord des cargos français 1880-1920

Musée national de la Marine

Auteurs : Service culturel, Catherine Maillé-Virole, Paris 2008

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� Documents

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Les progrès techniques

1. Un géant des mers Jules Verne, extraits d’Une Ville flottante, roman écrit après son voyage à bord, 1869

Chapitre I : Il me parut ce qu’il était : énorme ! Trois ou quatre charbonniers accostés à ses flancs lui versaient par ses sabords percés au-dessus de la ligne de flottaison leur chargement de houille. Près du Great-Eastern, ces trois mâts ressemblaient à des barques. Leurs cheminées n’atteignaient même pas la première ligne de hublots évidés dans sa coque ; leurs barres de perroquet ne dépassaient pas ses pavois. Le géant aurait pu hisser ces navires sur son portemanteau en guise de chaloupes à vapeur. […] Avec quelle énergie ces pales de bois, si vigoureusement boulonnées, devaient battre les eaux que le flux brisait en ce moment contre elles ! Quels bouillonnements des nappes liquides, quand ce puissant engin les frappait coup sur coup ! Quels tonnerres engouffrés dans cette caverne des tambours, lorsque le Great-Eastern marchait à toute vapeur sous la poussée de ces roues, mesurant cinquante-trois pieds de diamètre et cent soixante-six pieds de circonférence, pesant quatre-vingt-dix tonneaux et donnant onze tours à la minute ! […] Les machines étaient sous le commandement d’un ingénieur en chef aidé de huit ou dix officiers mécaniciens. Sous ses ordres manœuvrait un bataillon de deux cent cinquante hommes, tant soutiers que chauffeurs ou graisseurs, qui ne quittaient guère les profondeurs du bâtiment. D’ailleurs avec dix chaudières ayant dix fourneaux chacune, soit cent feux à conduire, ce bataillon était occupé nuit et jour. […] Les machines du Great-Eastern sont justement considérées comme des chefs-d’œuvre, j’allais dire des chefs-d’œuvre d’horlogerie. Rien de plus étonnant que de voir ces énormes rouages fonctionner avec la précision et la douceur d’une montre. La puissance nominale de la machine à aubes est de mille chevaux. Cette machine se compose de quatre cylindres oscillants d’un diamètre de deux mètres vingt-six, accouplés par paires, et développant quatre mètres vingt-sept de course au moyen de leurs pistons directement articulés sur les bielles.

Chapitre II : Là, s’ouvrait le gouffre destiné à contenir les organes de la machine à roues. J’aperçus alors cet admirable engin de locomotion. Une cinquantaine d’ouvriers étaient répartis sur les claires-voies métalliques du bâtis de fonte, les uns accrochés aux longs pistons inclinés sous des angles divers, les autres suspendus aux bielles, ceux-ci ajustant l’excentrique, ceux-là boulonnant, au moyen d’énormes clefs, les coussinets des tourillons. […] De cet abîme sortait un bruit continu, fait de sons aigres et discordants.

Chapitre III : En effet, le Great-Eastern se préparait à partir. De ses cinq cheminées s’échappaient déjà quelques volutes de fumée noire. Une buée chaude transpirait à travers les puits profonds qui donnaient accès dans les machines. Quelques matelots fourbissaient les quatre gros canons qui devaient saluer Liverpool à notre passage. Des gabiers couraient sur les vergues et dégageaient les manœuvres. On raidissait les haubans sur leurs épais caps de mouton crochés à l’intérieur des bastingages.

Chapitre VII : La coque du Great-Eastern est à l’épreuve des plus formidables coups de mer. Elle est double et se compose d’une agrégation de cellules disposées entre bord et serre, qui ont quatre-vingt-six centimètres de hauteur. De plus, treize compartiments, séparés par des cloisons étanches, accroissent sa sécurité au point de vue de la voie d’eau et de l’incendie. Dix mille tonneaux de fer ont été employés à la construction de cette coque, et trois millions de rivets, rabattus à chaud, assurent le parfait assemblage des plaques de son bordé. […] Les machines du Great-Eastern sont justement considérées comme des chefs d’œuvre d’horlogerie. Rien de plus étonnant que de voir ces énormes rouages fonctionner avec la précision et la douceur d’une montre.

Chapitre XI : L’hélice bouillonnait à quarante pieds sous nos yeux, et, quand elle émergeait, ses branches battaient les flots avec plus de furie, en faisant étinceler son cuivre. La mer semblait être une vaste agglomération d’émeraudes liquéfiées. Le cotonneux sillage s’en allait à perte de vue, confondant dans une même voie lactée les bouillonnements de l’hélice et des aubes. Cette blancheur, sur laquelle couraient des dessins plus accentués, m’apparaissait comme une immense voilette au point d’Angleterre jetée sur un fond bleu. Lorsque les mauves, aux ailes blanches festonnées de noir, volaient au-dessus, leur plumage chatoyait et s’éclairait de reflets rapides.

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2. Un monstre d’acier Victor Hugo, Pleine Mer, La légende des Siècles, 1883

Le dernier siècle a vu sur la Tamise Croître un monstre à qui l'eau sans bornes fut promise, Et qui longtemps, Babel des mers, eut Londres entier Levant les yeux dans l'ombre au pied de son chantier. Effroyable, à sept mâts mêlant cinq cheminées Qui hennissaient au choc des vagues effrénées, Emportant, dans le bruit des aquilons sifflants, Dix mille hommes, fourmis éparses dans ses flancs, Ce Titan se rua, joyeux, dans la tempête ; Du dôme de Saint-Paul son mât passait le faîte ; Le sombre esprit humain, debout sur son tillac, Stupéfiait la mer qui n'était plus qu'un lac [...]

Les émigrants

3. Des conditions de traversée terribles Stephen de Verne, philanthrope irlandais, fait la traversée en 1847 dans la cale

Au bout d’une semaine en mer, l’émigrant n’est plus le même homme. Comment en serait-il autrement ? Des centaines de personnes, hommes, femmes et enfants de tous âges, du vieillard gâteux de quatre-vingt dix ans jusqu’au nouveau-né, sont entassés sans lumière, sans air, marinant dans la saleté et respirant une atmosphère fétide, malades de corps et découragés de cœur. Un jeune norvégien écrit à sa famille en 1853

La traversée a été terrible. Trois jours après avoir quitté la terre, nous avons perdu le grand mât et le mât de misaine. Beaucoup de provisions ont été gâtées et des vêtements ont été endommagés par l’eau. Cette tempête a duré deux jours et deux nuits et, pendant ce temps-là, nos sommes restés sans boire ni manger car nous ne pouvions rien préparer dans la cuisine où chacun devait faire cuire sa nourriture. Nous n’avions pas non plus d’eau potable. Dans la cuisine, il y avait une grande cuisinière, mais comme il y avait toujours beaucoup de monde à vouloir l’utiliser, la seule loi était la loi de la jungle. Les plus forts et les plus agressifs arrivaient toujours à se faire cuire quelque chose, quoique avec difficulté, mais les plus fiables et les plus timides devaient se contenter de rester à l’arrière de la queue, au risque de voir leur gamelle chassée du feu, la nourriture à moitié cuite, par un plus fort qu’eux. Les querelles et les bagarres étaient quotidiennes. Edward Steiner, extrait de On the trail of the Emigrant, 1906

Toujours situé au-dessus des vibrations des machines, il [l’émigrant] est bercé par le vacarme saccadé de la ferraille en mouvement et le grincement des amarres. On y accède par un escalier étroit, aux marches visqueuses et glissantes. Une masse humaine, des couchettes nauséabondes, des toilettes rebutantes : tel est l’entrepont. C’est aussi un assemblage suspect d’odeurs hétéroclites : pelures d’orange, tabac, ail et désinfectant. […] Une nourriture médiocre, apportée dans d’énormes bidons, est servie dans des gamelles fournies par la compagnie. Au moment de la distribution, c’est à qui jouera des coudes.

4. Un si long voyage Ernest Laut, Le Petit Journal n° 865, supplément illustré du 16 juin 1907

Tous les vendredis, la gare Saint-Lazare offre un spectacle à la fois pittoresque et navrant. C’est le jour des émigrants. La grande salle des Pas-Perdus s’emplit de groupes étranges d’hommes aux visages bronzés, aux chapeaux tyroliens ornés de plumes de coq, de femmes aux vêtements bariolés, la tête couverte d’un foulard multicolore noué sous le menton : Hongrois, Grecs, Dalmates, Croates, Calabrais, Siciliens, pauvres gens de toutes nationalités qui abandonnent la terre natale incapable de les nourrir et vont chercher fortune par de là l’Océan. La plupart sont arrivés par l’Est. Aux environs de la gare de Strasbourg, on les a vus vaguer sur les trottoirs, en grignotant un croûton de pain relevé de quelque charcuterie. Une curiosité brille dans leurs yeux sombres. Ils regardent la longue perspective du boulevard… Paris ! C’est Paris, la ville dont le nom a retenti jusqu’au fond de leurs moindres villages… Ils voudraient voir Paris. Mais ils ne peuvent s’éloigner. Des omnibus vont venir les prendre pour les conduire à la gare Saint-Lazare. On les y empilera pêle-mêle avec leurs bagages […] Voilà le seul souvenir qu’ils emporteront de Paris… de Paris vu de l’omnibus qui les a menés d’une gare à l’autre. Dans la salle d’attente, ils demeurent des heures silencieux, assis sur leurs maigres valises ; les hommes fumant leurs pipes, les femmes allaitant leurs petits. Une fatigue, une hébétude se lisent sur leur visage. Et pourtant, ces malheureux n’ont encore accompli qu’une part minime du triste exode qu’ils ont entrepris. Mais voici l’heure du départ. Les agents des compagnies d’émigration, avec lesquelles ils ont traité, installent tout ce monde dans les wagons du train spécial que la compagnie de l’Ouest a organisé pour eux. Demain, les émigrants s’embarqueront au Havre, à destination du monde nouveau, où ils espèrent trouver du travail, la vie plus facile, la fortune peut-être... et d’où bien peu d’entre eux reviendront. Dans ces troupeaux humains, qui chaque semaine, quittent l’Europe pour l’Amérique, il est exceptionnel de rencontrer des Français. Ceci est à la louange de notre pays, qui suffit à nourrir ses enfants... Mais il n’en fut pas toujours de même. Il y a quelques soixante ou soixante-dix ans, l’émigration des Français vers l’Amérique était telle que les inconvénients qui en résultaient avaient attiré l’attention des pouvoirs publics. De la région du Nord, de l’Alsace et surtout de la Franche-Comté, plus de soixante mille individus, hommes de tout âge, femmes, enfants, partaient, chaque année, pour s’embarquer au Havre, pour aller chercher du travail en Amérique. Des agents d’émigration exploraient alors les campagnes, surtout les plus peuplées et les moins fortunées, et recrutaient les émigrants à la façon dont les sergents racoleurs se procuraient jadis les soldats. Ils promettaient le travail facile, des concessions de terre qu’ils n’obtenaient jamais, des salaires élevés, la richesse, le bonheur. Ils se gardaient de parler des difficultés, des misères de l’expatriation. Les émigrants s’engageaient alors par traités, et, moyennant une somme qu’ils payaient d’avance, on les conduisait de leur village jusqu’à New-York […]

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Du jour où les émigrants avaient quitté la terre natale, l’existence devenait pour eux infiniment plus pénible encore. On n’a pas idée de tout ce que ces hommes, ces femmes, ces enfants arrachés à la vie des champs avaient à souffrir dans les entreponts des paquebots, pendant une traversée de quarante ou cinquante jours, entassés, privés d’air, mal nourris et dans un état de malpropreté déplorable. Arrivés en Amérique, les émigrants, au milieu d’une population dont ils ignoraient le langage, éprouvaient des chances diverses, suivant la nature de leurs engagements avec les compagnies de colonisation, leurs ressources et leur énergie, mais le plus souvent, ils y étaient moins heureux que dans leur patrie. Abandonnés à eux-mêmes, condamnés à un rude labeur, il leur fallait lutter contre la misère. Nombre d’entre eux quand ils avaient épuisé leurs faibles réserves d’argent, se trouvaient réduits à la domesticité ou à la misère. La conquête de l’Algérie vint enrayer, heureusement, l’émigration française dans l’Amérique du Nord. A partir de 1840, le trop plein de la population de nos départements se dirigea, vers notre grande colonie africaine. Et dès lors des milliers de nos compatriotes - qui fussent partis auparavant, au delà de l’Océan pour y végéter et pour y mourir misérablement - allèrent porter la vie et l’activité en terre de France. Les émigrants d’aujourd’hui n’ont plus à subir toutes les souffrances de leurs devanciers. La traversée est huit fois plus rapide que naguère, et bien que les émigrants ne soient que passagers de troisième classe, elle s’accomplit pour eux dans des conditions d’hygiène convenables. Mais l’entrée du territoire américain ne leur est pas encore assurée à la fin de leur long voyage et certains d’entre eux n’ont fait tant de chemin que pour apercevoir New-York de loin. Cette terre promise ne leur est ouverte qu’à de certaines conditions. A l’entrée du port de New-York, du côté de Jersey City et en arrière de la colossale statue de la Liberté, se trouve Ellis Island. C’est là que sont débarqués les émigrants. Cet îlot est la Babel moderne. On y rencontre des individus originaires de toutes les nations, depuis les Russes et les Scandinaves, jusqu’aux Turcs et aux Syriens depuis les Ecossais jusqu’aux Magyars. Là on entend parler toutes les langues, voire tous les patois du vieux monde. Les interprètes chargés de classer tout ce monde par groupes d’origine ont fort à faire. Ce classement accompli, chaque émigrant passe l’inspection sanitaire et l’examen traditionnel. Tout individu, atteint de folie, épilepsie, idiotisme ou de maladies chroniques ou contagieuses est refusé. L’an dernier, il y en eut plus de deux mille qui ne purent, pour ces raisons, pénétrer sur la terre d’Amérique. Après l’inspection sanitaire, l’interrogatoire, l’émigrant doit prouver qu’il possède une somme suffisante pour ne pas tomber dans la charité publique ou la mendicité, qu’il n’a été convaincu d’aucun crime ou d’aucune faute entraînant la déchéance morale, qu’il ne pratique pas, la polygamie, qu’il n’est pas anarchiste, qu’il n’est pas engagé par un secret contrat de travail en arrivant dans le pays. Pour ces diverses raisons, 12 000 émigrants environ se virent refuser l’entrée en 1906 et sur ce chiffre plus de 7 000 avaient été jugés trop pauvres. L’Amérique ne veut pas pourvoir aux besoins des miséreux de l’Europe... Et c’est fort légitime. L’immigration en Amérique a pris, depuis quelques années des développements extraordinaires. Suivant les chiffres du rapport du Commissioner General of Immigration, de Juillet 1905 à fin Juin 1906, il est entré, aux Etats-Unis 1 100 735 immigrants soit 764 463 hommes et 336 272 femmes. Il y a moins d’un siècle, en 1820, date du premier recensement officiel. 8 835 individus seulement vinrent chercher asile aux Etats-Unis. Vingt ans plus tard, en 1840, on n’enregistrait que le chiffre encore modeste de 84 000 immigrants. C’est seulement à partir de 1865 que l’immigration prit une allure d’invasion. Cette année-là, elle jeta près de 250 000 étrangers sur le sol des Etats-Unis. En 1905, le million était dépassé. Depuis 87 ans, c’est une population de près de 25 millions d’âmes qui, du vieux continent, a passé sur le nouveau. Et le flot va toujours grossissant... Combien, parmi ces millions de déracinés, trouvèrent la fortune ou seulement l’aisance ? Combien purent fonder une famille, se créer un foyer? Combien vécurent heureux, sans regrets de l’abandon du sol natal ? Voilà ce que ne nous disent pas les statistiques. Mais, à coup sûr, ceux-là furent l’infime minorité. Ce n’est point à dire qu’il faille blâmer ceux qui se sentant actifs, entreprenants, aventureux, vont chercher fortune loin du pays qui les a vus naître... non ! mais bien souvent. il faut les plaindre. Et quiconque aime sa terre natale et en apprécie les charmes et les douceurs ne saurait voir passer, sans un serrement de cœur, tous ces pauvres gens qui s’en vont si loin, la bourse à peu près vide, et qui n’ont pour viatique qu’un peu de confiance dans la force de leurs bras, un peu d’espoir dans la solidarité humaine.

5. Exode en temps de guerre Erich Maria Remarque, extrait de Arc de Triomphe, 1945 Le Normandie était à quai, étoilant la nuit de ses mille lumières. Le vent, frais et salin, soufflait du large. Kate Hegstroem1 serra davantage sur elle son manteau de fourrure. Elle était très amaigrie. Son visage semblait n’être plus que des os sur lesquels la peau était tendue, et où les larges yeux s’ouvraient comme des étangs sombres. « J’aimerais mieux rester ici, dit-elle. Je trouve soudain très difficile de partir. » Ravic2 la regarda. L’immense navire attendait. La passerelle était brillamment éclairée. Les passagers montaient, certains en se hâtant, comme s’ils eussent craint d’arriver trop tard. Le palace gigantesque attendait, et son nom n’était plus Normandie mais Evasion, Fuite, Salut ; dans des milliers de villes, d’hôtels, de chambres et de caves en Europe, c’était le rêve inaccessible de dizaines de milliers d’êtres, et à côté de lui, quelqu’un dont la mort rongeait déjà les entrailles disait : « J’aimerais mieux rester ici. » C’était insensé. Pour les réfugiés de l’International3, pour ceux des milliers d’International à travers l’Europe, pour tous ceux qui étaient épuisés, torturés, en fuite, pris au piège, ce navire eût été la terre promise ; ils auraient baisé la passerelle en sanglotant, et ils auraient cru au miracle, s’ils avaient tenu le billet que le vent faisait trembler dans la main fatiguée de la femme qui était à ses côtés, le billet d’un être humain qui avait déjà entrepris le voyage vers la mort, et qui disait avec indifférence : « J’aimerais mieux rester. » Un groupe d’Américains arriva. Sûrs d’eux-mêmes, bruyants, joviaux. Ils avaient tout le temps au monde. Le consulat leur avait conseillé de partir. Ils avaient argumenté. C’était vraiment dommage. Ils auraient voulu rester et observer plus longtemps. Que pouvait-il leur arriver après tout ? L’ambassadeur ! Ils étaient neutres ! Oui, c’était vraiment dommage de partir ! L’odeur du parfum. Les bijoux. L’éclat des diamants. Il y a quelques heures, ils étaient encore assis chez Maxim’s, où, avec des dollars, tout est à bon compte, buvant un Corton 29 ou un Pol Roger 28... sur le bateau, ils s’installeraient dans le bar pour jouer au backgammon et boire du whisky… Et devant le consulat, les longues files d’être désespérés, l’odeur de la peur mortelle flottant au-dessus d’eux comme un brouillard... quelques employés surchargés de travail et le tribunal suprême, un secrétaire-adjoint, secouant la tête sans arrêt, « non, non, pas de visas, non, impossible ». La condamnation silencieuse de l’innocence muette. Ravic regarda le navire, et ce n’était plus un navire qu’il voyait, c’était une arche, l’arche qui sauvait du déluge. Ceux qui avaient une fois échappé au déluge, allaient maintenant être engloutis. […] Les derniers passagers. Un Juif, couvert de sueur, une pelisse sous le bras, à demi hystérique, accompagné de deux porteurs, courait en tous sens, et criant. Les derniers Américains. Puis la passerelle qu’on retire lentement. Une sensation étrange. La fin. L’étroite ligne d’eau qui sépare maintenant le navire du quai. Deux mètres d’eau seulement, mais c’était déjà la fin. 1 réfugiée allemande, juive, réfugiée en France et atteinte d’un cancer incurable 2 personnage principal, allemand qui a fuit pour motifs politiques l’Allemagne et vit en exil depuis 10 ans 3 grand hôtel parisien dans lequel vivaient de nombreux réfugiés appartenant à la grande bourgeoisie allemande

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La vie à bord d’un paquebot

6. Comme une île Jules Verne, Lettre à son éditeur Hetzel, le 9 avril 1867

Mon cher Hetzel,

Je veux absolument vous écrire en vue de la terre américaine, et à bord du Great-Eastern. Nous serons à New-York à midi, car il a fallu attendre la marée jusqu’à ce matin pour passer la barre de l’Hudson. […] Nous avons eu des coups de vent épouvantables ; le Great-Eastern malgré sa masse dansait comme une plume sur l’océan ; son avant a été emporté par un coup de mer. C’était effrayant. Mon frère avoue n’avoir jamais vu une mer plus mauvaise. […] C’est vraiment pénible d’être pendant si longtemps sans nouvelle des siens ; c’est inquiétant, et cela trouble les joies du voyage. […] Que fait-on là-bas en France, que devient-on ? L’exposition est-elle ouverte ? Les journaux apportés hier soir à bord par le pilote nous donnent la rente française à 66 francs. C’est trois francs de baisse depuis notre départ de Liverpool. Qu’est-ce qui se passe donc ? Est-ce qu’on se bat en Europe ? Vous voyez, mon cher Hetzel, que nous ne savons rien, que nous sommes comme des sauvages dans notre île flottante. Mais quelle île ! Quel échantillon de l’industrie humaine ! Jamais le génie industriel de l’homme n’a été poussé plus loin. J’espère bien peindre tout cela dans Une traversée à bord du Great-Eastern, et apprendre au public des choses qu’il faut savoir. C’est une huitième merveille du monde que ce navire !

7. Une ville flottante Jules Verne, extraits d’Une Ville flottante, 1869 Chapitre I : Ce steam-ship est un chef-d’œuvre de construction navale. C’est plus qu’un vaisseau, c’est une ville flottante, un morceau du sol anglais, qui, après avoir traversé la mer, va se souder au continent américain. Je me figurais cette masse énorme, emportée sur les flots, sa lutte contre les vents qu’elle défie, son audace devant la mer impuissante, son indifférence à la lame […] Si le Great-Eastern n’est pas seulement une machine nautique, si c’est un microcosme et s’il emporte un monde avec lui, un observateur ne s’étonnera pas d’y rencontrer, comme sur un plus grand théâtre, tous les instincts, tous les ridicules, toutes les passions des hommes. Chapitre II : Après avoir jeté un rapide coup d’œil sur ces travaux d’ajustage, je repris ma promenade et j’arrivai sur l’avant. Là, des tapissiers achevaient de décorer un assez vaste roufle désigné sous le nom de smoking room, la chambre à fumer, le véritable estaminet de la ville flottante, magnifique café éclairé par quatorze fenêtres, plafonné blanc et or, et lambrissé de panneaux en citronnier. […] Après une vingtaine de traversées entre l’Angleterre et l’Amérique, et dont l’une fut marquée par des incidents très graves, l’exploitation du Great-Eastern avait été momentanément abandonnée. Cet immense bateau, disposé pour le transport des voyageurs, ne semblait plus bon à rien et se voyait mis au rebut par la race défiante des passagers d’outre-mer. Lorsque les premières tentatives pour poser le câble sur son plateau télégraphique eurent échoué – insuccès dû en partie à l’insuffisance des navires qui le transportaient – des ingénieurs songèrent au Great-Eastern. Lui seul pouvait emmagasiner à son bord ces trois mille quatre cents kilomètres du fil métallique pesant quatre mille cinq cent tonnes. Lui seul pouvait, grâce à sa parfaite indifférence à la mer, dérouler et immerger cet immense grelin. Mais, pour arrimer ce câble dans les flancs du navire, il fallut des aménagements particuliers. On fit sauter deux chaudières sur six et une cheminées sur trois, appartenant à la machine de l’hélice. A leur place, de vastes récipients furent disposés pour y loger le câble qu’une nappe d’eau préservait des altérations de l’air. Le fil passait ainsi de ces lacs flottants à la mer sans subir le contact des couches atmosphériques. L’opération de la pose du câble s’accomplit avec succès. […] Dès que chaque passager avait mis le pied sur le pont du steam-ship, son premier soin était de descendre dans les salles à manger et d’y marquer la place de son couvert. Sa carte ou son nom, crayonné sur un bout de papier, suffisait à lui assurer sa prise de possession. […] J’étais resté sur le pont afin de suivre tous les détails de l’embarquement. A midi et demi, les bagages étaient transbordés. Je vis là, pêle-mêle, mille colis de toutes formes, de toutes grandeurs, des caisses aussi grosses que des wagons, qui pouvaient contenir un mobilier, de petites trousses de voyage d’une élégance parfaite, des sacs aux angles capricieux, et ces malles américaines ou anglaises, si reconnaissables au luxe de leurs courroies, à leur bouclage multiple, à l’éclat de leurs cuivres, à leurs épaisses couvertures de toile, sur lesquelles se détachaient deux ou trois grandes initiales brossées à travers des découpages de fer blanc. Chapitre VII : En ce moment notre conversation fut interrompue. La trompette retentit à bord. C’était un steward joufflu qui annonçait, un quart d’heure d’avance, le lunch de midi et demi. Quatre fois par jour, à la grande satisfaction des passagers, ce rauque cornet résonnait ainsi : à huit heures et demie pour le déjeuner, à midi et demi pour le lunch, à quatre heures pour le thé, à sept heures et demi pour le dîner. En peu d’instants, les longs boulevards furent déserts, et bientôt tous les convives étaient attablés dans les vastes salons. […] Le lunch terminé, les roufles se peuplèrent de nouveau. Les gens se saluaient au passage ou s’abordaient comme des promeneurs de Hyde Park. Les enfants jouaient, couraient, lançaient leurs ballons, poussaient leurs cerceaux, ainsi qu’ils l’eussent fait sur le sable des Tuileries. La plupart des hommes fumaient en se promenant. Les dames assises sur des pliants, travaillaient, lisaient ou cousaient ensemble. Les gouvernantes et les bonnes surveillaient les bébés. Quelques gros américains pansus se balançaient sur leurs chaises à bascule. Les officiers du bord allaient et venaient, les uns faisant leur quart sur les passerelles et surveillant le compas, les autres répondant aux questions souvent ridicules des passagers. […] Il peut transporter dix mille passagers. Des trois cent soixante-treize chefs lieux d’arrondissement de la France, deux cent soixante-quatorze sont moins peuplés que ne le serait cette sous-préfecture flottante avec son maximum de passagers. […] A l’intérieur du Great-Eastern, l’aménagement de la vaste coque a été judicieusement compris. L’avant renferme les buanderies à vapeur et le poste de l’équipage. Viennent ensuite un salon de dames et un grand salon décoré de lustres, de lampes à roulis, de peintures recouvertes de glaces. Ces magnifiques pièces reçoivent le jour à travers des claires-voies latérales, supportées sur d’élégantes colonnettes dorées, et elles communiquent avec le pont supérieur par de larges escaliers à marches métalliques et à rampes d’acajou.

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8. Un dîner de premier classe Menu d’un dîner de première classe sur le Titanic, 1912

Hors d’œuvre variés et huîtres Consommé Olga et crème d’orge Saumon à la sauce mousseline et concombres Filet mignon Lili Sauté de poulet à la lyonnaise Légumes à la moelle farcie Agneau sauce menthe Caneton rôti aux pommes Selle de bœuf garnie de pommes de terre Crème de pois et de carottes Riz créole et pommes Parmentier Punch à la romaine Pigeonneau rôti au cresson Asperges vinaigrette Pâté de foie gras avec céleris Waldorf Pudding Pêches en gelée Eclairs au chocolat et vanille Glaces à la française

9. Les tribulations d’un commissaire de bord Jules Romains, extrait du roman Psyché, 1929, où il décrit les impressions du commissaire de bord, Pierre Febvre

Chapitre I : Je tirai un cigare de ma poche. Je l’allumai. Je feignis de croire que mon arrêt s’expliquait tout simplement par l’envie de fumer; et sans plus vouloir y penser je me dirigeai vers mon bureau. Plusieurs personnes m’y attendaient : deux ou trois employés de mon service ; quelques passagères diversement parfumées ; un monsieur. Les dames se distrayaient en examinant mon habitat. Ce qui les intéressait le plus, c’est ce qu’elles voyaient le moins : la seconde cabine, ma chambre, par l’embrasure de la porte. Avant de m’asseoir, je fis retomber la portière sur cette ouverture. Les dames montrèrent un peu de confusion. Mais je pris mon air le plus aimable, et après avoir expédié les stewards, je m’occupai de mes clients. Tout ce monde avait à me solliciter pour des changements de cabine. Chaque voyage débute ainsi. Un commissaire qui sait son métier ne craint pas de consacrer tout le temps qu’il faut à ces doléances, et à leur réparation illusoire. Les premiers plaignants furent vite remplacés par d’autres. Je faisais le bonheur des nouveaux venus en leur accordant à titre exceptionnel les cabines dont leurs prédécesseurs m’avaient supplié de les débarrasser. Je m’occupai ensuite d’organiser les tables. L’opération est plus délicate. Une salle à manger de paquebot apparaît d’ensemble à tous les yeux. Il n’est pas commode de faire croire à chacun que la place qu’on lui a réservée est justement la meilleure. On doit compulser avec soin les listes de passagers ; de pister les gens considérables. Une célébrité lituanienne peut vous échapper. On n’a pas dans la tête le nom de toutes les sommités politiques du Colorado. Il ne faut pas s’imaginer a priori qu’un Latin d’Amérique sera flatté qu’on le situe entre un Portugais et un Roumain. Si vous le mêlez à des Yankees, peut-être souffrira-t-il de dépaysement, et gémira-t-il en lui-même de votre manque de tact. Deux ou trois heures durant, je me plongeai dans cette diplomatie avec un remerciement pour l’oubli qu’elle me donnait. Puis mon entrain me lâcha. J’appelai mon second. Je le chargeai de finir la besogne. Et sous prétexte de reconnaître les divers services, j’allai faire un tour dans le bateau. […]

Marchant dans un couloir, j’écoutais les bruits du navire. Je les éprouvais d’abord. Ils m’influençaient, me jetaient dans une anxiété et une rêverie, me soumettaient à leur atmosphère spéciale, comme celle que peuvent composer des sons rituels, des fragments de cérémonie : murmures, soupirs d’orgue, grincement des prie-Dieu sur les dalles, entendus au hasard par le visiteur qui fait le tour d’une église. Je me demandais : « Qu’ont-ils d’extraordinaire ? S’ils m’émeuvent, est-ce parce que je les ai toujours connus, ou au contraire parce que, sur ce bateau, ils sont étranges ? » Par moments, il naissait une trépidation légère. Elle s’accentuait assez vite. Pendant quelques secondes, une sorte de bégaiement ou de hoquet secouait dans toute leur longueur les parois de métal entre lesquelles j’avançais. Puis tout se calmait soudain. Ou bien des borborygmes se mettaient à courir dans des canalisations dissimulées. Ils s’arrêtaient plus ou moins loin, et crevaient l’un après l’autre, précipitamment. Ils donnaient l’idée d’une profusion inépuisable. […] En passant devant les cabines, j’entendais craquer les joints des cloisons de bois sous le vernis ; les portes d’armoire faire tinter leur serrure, d’un tintement aussi écourté que celui de deux incisives qui se heurtent. Je retrouvais en même temps les odeurs, et d’abord l’odeur générale d’intérieur de navire. Mais si elle contribuait à m’émouvoir, elle ne me déconcertait pas, elle ne m’inspirait pas de questions. Elle aurait écarté, plutôt, celles qui se posaient en moi. Baigné par l’odeur de navire, je touchais directement à des jours de ma vie si pareils et si nombreux qu’ils me donnaient moins l’impression du passé que celle de ma permanence. J’accueillais l’odeur de navire aussi naturellement qu’un homme qui a couru sent monter sa propre odeur entre les étoffes. Il y avait, joignant les couloirs latéraux du pont D, un espace assez vaste, occupé, comme aux étages du dessus, par des lavabos et des salles de bains. Mais à cet étage là, les bruits, les odeurs, les trépidations, tous les signes du navire, même ses craquements d’ensemble et ses balancements sur les deux axes semblaient avoir choisi ce carrefour scintillant pour se retrouver. […]

Je n’étais pas très impatient de voir ce que donnait en grandeur nature la mosaïque humaine dont le dessin m’avait coûté tant de travail. Je gagnai ma place. Au bout d’un instant, je m’aperçus qu’on me faisait d’une table voisine des sourires, des signes. J’eus la surprise de reconnaître à la table symétrique de la mienne et dite du docteur, un vieux camarade nommé Bompard. Nous avions dû nous manquer dans nos allées et venues de l’après-midi. Je ne m’étais pas occupé de savoir qui nous embarquions comme médecin. Même en garnissant le plan des tables, c’est autour d’un docteur abstrait que j’avais disposé des convives de choix. Il était plus de dix heures quand nous pûmes nous rejoindre. Il avait fallu nous acquitter d’abord de diverses politesses, chacun de notre côté ; prendre le café au fumoir avec un groupe de passagers, une fine au bar avec d’autres. Je calculais que nous ne nous étions pas vus depuis trois ans. Auparavant, nous avions navigué ensemble dix-huit mois sur un bateau dont j’étais second commissaire. Une assez grande intimité s’était nouée entre-nous. Quand vint la séparation, nous nous prenions pour des amis solides. Mais ensuite ni l’un ni l’autre n’avait remué le petit doigt pour rétablir un contact quelconque. Pareille aventure m’était arrivée plus d’une fois. Sur chaque bateau, me disais-je, où j’ai vécu quelque temps, je me suis fait au moins une amitié. […]

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Chapitre V : Je retrouvai ma cabine avec soulagement. Je fus content de me sentir enfermé dans les dures limites du navire. J’eus un premier élan de joie à la minute où il décolla du quai, tiré par les remorqueurs. Quand il eut dépassé le chenal et pris de la vitesse, mon excitation grandit… Je m’intéressai fébrilement à la vitesse du navire. Je consultais au mur du hall, à droite du vestiaire, la petite carte où la route est reportée. Je me posais des questions sur les brouillards, les courants, les raisons qu’il y a de lâcher tel parallèle pour tel autre. Je remettais en discussion des problèmes auxquels un homme qui navigue ne réfléchit pas plus qu’un homme qui lit ne s’interroge sur l’alphabet. Je considérais comme une particularité précieuse que sur l’Atlantique les vents dominants soufflent de l’Ouest. Ils travaillaient dans le vrai sens. Ils tendaient à diminuer la durée du retour. Je pensais aux mouvements de la terre, aux frottements qu’il provoque, aux soulèvements et viscosités de l’eau et de l’air à toutes les résistances que la structure du monde apportait à ma hâte d’éliminer l’espace entre Lucienne et moi. J’allais rôder du côté de la passerelle. J’y retrouvais des camarades, un peu surpris de la fréquence de mes visites. Je les interrogeais négligemment sur notre marche. Quelle vitesse venait-on de relever ? « Tiens ! On ne tourne qu’à tant de tours ? » Pourquoi ne poussait-on pas un peu plus, avec ce beau temps-là ? L’ordre émanait du commandant ? Il trouvait qu’on avait un peu trop fatigué les machines au dernier voyage ? Ou du moins il se l’était laissé conter par le mécanicien-chef. Mais le mécanicien-chef était un imbécile, ayant sur les machines des croyances de sauvage, persuadé qu’on leur en demande toujours trop, qu’elles sont toujours à la veille d’un accident aussi capricieux que la rupture d’anévrisme ou la syncope cardiaque, et d’ailleurs craignant pour lui-même le mal de mer. […]

Je déterminais les conditions du retour le plus rapide, en escomptant les chances même les plus rares, en acceptant tous les risques. On trace sur la carte la ligne géodésique la plus courte. On pousse les machines jusqu’au régime qu’elles peuvent atteindre théoriquement. On fait comme si l’on devait tomber sur les dix jours de l’année où tout le trajet est débarrassé de tempêtes, ou comme si les tempêtes s’arrangeaient pour ne jamais vous rencontrer. […] Ainsi je faisais mon service, je rôdais à travers le bateau, tout couvert d’un bourgeonnement de calculs. Des équations instables et à demi informes ne cessaient pas de jaillir de moi pour travailler la distance et rapprocher Marseille. En même temps, et sans interrompre cette espère de délire abstrait, sans même le gêner, des pensées tout autres me faisaient regarder les gens, dévisager brusquement une femme, humer l’air, fredonner. Une joie des plus rudes cherchait sa ressemblance. […]

« Homme marié. Je suis un homme marié qui rentre chez lui. » Que les belles passagères fassent leur manège. Il se développe autour d’elles, autour de leurs mouvements parfumés, une idée de l’amour, humble et inquiète. « Nous attendons que les hommes mendient nos faveurs. » Cherchez les mendiants qu’il vous faut. Moi, une femme m’est réservée quelque part, plus belle que vous, consignée, sans exceptions ni délai de validité. Et avec une parfaite garantie de l’Etat tout de même des plus impressionnantes. Il est doux d’accueillir des pensées de brutes. Je débarque n’importe quand. Ma femme m’attend n’importe quand. Le bateau pourrait ne pas être annoncé. […] Le soir après le dîner, ma mauvaise humeur aidant, je décidai de m’éclipser avant l’heure du fumoir et du bar, et de travailler. Je n’en prévins personne. Si bien que j’étais sûr que les importuns me chercheraient partout, sauf chez moi. Je passai deux bonnes heures à vérifier des paperasses. Puis je les mis de côté ; je me renversai dans mon fauteuil, et tout en fumant, m’abandonnai à une tranquille mélancolie.

La discipline 10. Les fautes de discipline Extraits de textes législatifs, Archives du Sénat

Peines applicables aux hommes de l’équipage - La consigne à bord pendant huit jours au plus - Le retranchement de la ration de boisson fermentée au plus pour trois jours et à deux repas par jour - La retenue de 1 à 10 jours de solde si l’équipage est engagé au mois, de 2 à 20 francs s’il est engagé à la part - La boucle simple ou double boucle pendant cinq jours au plus - La prison pendant huit jours au plus - Le cachot pendant cinq jours au plus La boucle et le cachot peuvent être accompagnés du retranchement de la ration de boisson fermentée. S’il s’agit d’un homme dangereux ou en prévention de crime, la peine de boucle ou du cachot peut être prolongée aussi longtemps que la nécessité l’exige.

Peines applicables aux officiers - La retenue de 1 à 20 jours de solde s’ils sont engagés au mois, ou de 10 à 100 francs s’ils sont engagés à la part - Les arrêts simples pendant quinze jours au plus avec continuation de service - Les arrêts forcés dans la chambre pendant dix jours au plus - La suspension temporaire des fonctions, avec exclusion de la table du capitaine et suppression de solde

Article 58 : Sont considérées comme fautes de discipline - La désobéissance simple - La négligence à prendre son poste ou à s’acquitter d’un travail relatif au service du bord - Le manque au quart ou le défaut de vigilance pendant le quart - L’ivresse sans désordre - Les querelles ou disputes sans voies de fait entre les hommes de l’équipage ou les passagers - L’absence du bord sans permission quand elle n’excède pas trois jours - Le séjour illégal à terre moins de trois jours après l’expiration d’un congé - Le manque de respect aux supérieurs - Le fait d’avoir allumé une première fois des feux sans permission, ou d’avoir circulé dans des lieux où cela est interdit à bord, avec des feux, une pipe ou un cigare allumés - Le fait de s’être endormi une première fois étant à la barre ; en vigie ou au bossoir - Enfin et généralement tous les faits de négligences ou de paresse qui ne constituent qu’une faute légère ou un simple manquement à l’ordre ou au service du navire ou aux obligations stipulées dans l’acte d‘engagement.

Article 59 Les marins, qui pendant la durée de la peine de la prison de la boucle ou du cachot prononcés en matière de discipline sont remplacés dans le service à bord du navire auquel ils appartiennent, supportent au moyen d’une retenue sur leurs gages les frais de ce remplacement.

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Article 60 : Les délits maritimes sont - Les fautes de discipline réitérées - La désobéissance accompagnée d’un refus formel d’obéir - La désobéissance avec injures ou menaces - Les rixes ou voies de fait entre les hommes de l’équipage, lorsqu’elles ne donnent pas lieu à une maladie ou à une incapacité de travail de plus de trente jours - L’ivresse avec désordre - L’emploi, sans autorisation d’une embarcation du navire - La dégradation d’objets à l’usage du bord - L’altération des vivres ou marchandises par le mélange de substances non malfaisantes - Le détournement ou le gaspillage des vivres ou des liquides à l’usage du bord - L’embarquement clandestin d’armes à feu, d’armes blanches de poudres à tirer, de matières inflammables ou de liqueurs spiritueuses. Ces objets seront saisis par le capitaine et suivant qu’il y aura lieu d’après leur nature comme d’après les circonstances, détruits ou séquestrés dans sa chambre pour être dans ce dernier cas confisqués au profit de la Caisse des Invalides de la Marine à l’expiration du voyage. - Le vol commis par un officier marinier, un matelot, un novice ou un mousse quand la valeur de l’objet n’excède pas 10 francs et qu’il n’y pas d’effraction - La désertion - Les voies de fait contre un supérieur lorsqu’elles ne donnent pas lieu à une maladie ou une incapacité de travail de plus de 30 jours - La rébellion envers le capitaine ou l’officier commandant le quart, lorsque elle a lieu en réunion d’un nombre quelconque de personnes sans excéder le tiers des hommes de l’équipage, y compris les officiers.

Article 61 Tout marin coupable d’outrages par paroles gestes ou menaces, envers son capitaine ou un officier du bord, sera puni d’un emprisonnement de six jours à un an, auquel il pourra être joint une amende de 16 à 200 francs.

Article 62 Tout officier coupable du même délit envers son supérieur sera puni d’un emprisonnement d’un mois à deux ans et d’une amende de 50 à 300 francs.

Article 63 Toute personne coupable de voies de fait envers le capitaine ou un officier de bord sera punie d’un emprisonnement de trois mois à trois ans. Une amende de 25 à 500 francs sera en outre prononcée si les voies de fait ont déterminé une maladie ou une incapacité de travail de plus de trente jours, les coupables seront punis conformément à l’article 309 du Code Pénal.

11. Rapport sur la marine allemande Extrait du journal Le Temps cité en annexe d’un rapport parlementaire, Archives du Sénat, 13 septembre 1900

Pour convaincre le parlement et impressionner le pays, le gouvernement impérial […] s’est efforcé de prouver que sans une marine puissante, toute la prospérité actuelle de l’Allemagne achetée par tant de sang et de victoires, s’écoulerait. [Le Mémoire] étudie les relations commerciales de l’Allemagne avec les différentes nations du globe. Il conclut avec chiffres à l’appui que le commerce maritime représente 70 % du commerce total d’où la nécessité évidente de protéger la marine marchande. […] Toute cette partie du Mémoire donne une haute activité des ports allemands. Dans ces quatre dernières années leurs relations avec l’Amérique sont presque doublées ; elles sont doublées avec la France, l’ouverture du canal Wilhem a favorisé dans de larges proportions le cabotage… Deux chiffres résument toute cette prospérité : on estime que la valeur de la flotte commerciale était en 1897 de 295 millions de marks. Elle est aujourd’hui de 500 millions. […] Les industries maritimes ont tellement grandi que le nombre de chantiers, qui n’était que de 7 en 1870, est aujourd’hui de 39 et que le nombre d’ouvriers qui y travaillaient a été porté de 2 800 à 37 750. Tandis que la production allemande s’est élevée celle de l’Angleterre a décru. La part de l’Angleterre dans les constructions navales du monde entier était de 81 %. Elle est descendue à 75 % de 1890 à 1899. Dans le même espace de temps, la part de l’Allemagne qui n’était que de 6 % est arrivée à 12 %. Enfin et c’est un point capital, les colonies nouvelles qui comptent 13 millions d’habitants occupent des territoires cinq fois plus vastes. De tous ces faits résulte avec évidence que l’Allemagne comme la France n’a pas encore la flotte de sa politique et encore moins celle de ses ambitions […] Les nations continentales pour échapper au péril de la surproduction, pour faire vivre leurs ouvriers se trouvent contraintes à chercher des débouchés au dehors. Et comme l’a dit encore Von der Goltz, « Nulle nation qui se désintéresse de la mer ne peut être grande ». En même temps qu’il augmente sa flotte et dans une même pensée, le gouvernement impérial veut mettre la capitale en communication directe avec la mer un canal de quatre mètres de profondeur commencé déjà reliera Stettin à Berlin. Partout d’immenses travaux sont entrepris : des ports sont creusés, agrandis dotés de l’outillage moderne ; à l’embouchure de tous les fleuves, une canalisation savante unit les cours d’eau qui traversent le pays, la batellerie se fait l’auxiliaire de la Marine. M. Zimmermann, un des directeurs, a bien voulu me faire les honneurs des chantiers Vulcan. Ils comptent parmi les plus importants de l’Allemagne ou, pour mieux dire de l’Europe. C’est de là que sont sortis en même temps que les gros cuirassés de l’escadre allemande, ces immenses paquebots de la Hamburg America et du Norddeutscher Lloyd qui font à vingt-deux nœuds la traversée de l’Atlantique. L’activité y est prodigieuse: de six à sept mille ouvriers y sont employés. Ils s’étendent, le long de la rivière, sur un énorme espace. J’y trouvai en même temps soit en construction soit en achèvement un croiseur cuirassé pour le Japon, le Yakumo ; un autre croiseur pour la Russie, le Bogatyr, un cuirassé pour l’Allemagne ; trois paquebots pour la Hamburg America, dont l’un de plus de deux cent mètres ; trois autres paquebots pour le Norddeutscher Lloyd ; […] Le Vulcan distribue à ses actionnaires des intérêts qui montent à 12 et 14 % […] A l’autre bout de la ville se trouve un port franc, que le canal mettra en communication avec Berlin. Commencé il y a deux ans, un premier bassin est déjà creusé, où sont accostés dès à présent, soixante ou soixante dix navires, que chargent ou déchargent une innombrable quantité de petites grues électriques une double rangée de magasins séparés par des voies ferrées s’étendent sur toute la longueur des quais. C’est là que le jour de l’inauguration, l’empereur a dit que cette parole qui a retenti dans toute l’Allemagne : « notre avenir est sur l’eau ». Il avait raison. Le vieux continent ne suffit pas aux activités modernes. Et ce n’est pas seulement l’avenir de l’Allemagne qui est sur l’eau, c’est l’avenir de l’Europe, c’est celui de toutes les nations civilisées.

Page 13: Les échanges maritimes au cœur des bouleversements industriels

12. Un avis sur les armateurs Ambroise Colin, La navigation commerciale au XIXe siècle, 1902

L’histoire de notre marine marchande se résume en une doléance perpétuelle des armateurs pour les aider, des inscrits pour une amélioration de leur sort et il semble que l’état de crise ait fini par devenir sa condition normale.

13. Discours prononcé à la chambre des députés Séance du 6 décembre 1928

De tous les budgets navals du monde, le budget de la Marine française est le seul qui soit inférieur au budget de 1914. Je crois inutile d’indiquer dans quelle proportion les budgets étrangers de la marine se sont accrus. Il en est qui ont atteint jusqu’à 160 % des budgets d’avant-guerre. Le nôtre a diminué de 26 %. Cependant, nous accomplissons une oeuvre de redressement, à laquelle chez nous, à l’étranger, tout le monde rend hommage. Tous les ministres qui se sont succédés rue Royale depuis 1920, ont eu à cœur de tirer la marine de la détresse où elle se trouvait à la fin des hostilités et de donner au pays la marine de ses intérêts et de sa politique. Tous y ont travaillé avec la même énergie et le même cœur. […] En 1914, notre marine comptait 850 000 tonnes. Après la guerre, elle était tombée au-dessous de 400 000 tonnes, mais ses intérêts mondiaux n’avaient pas changé. Il fallait remettre au plus vite nos forces navales en état de remplir leur mission. Il le fallait non seulement pour garantir notre sécurité, mais pour rétablir notre prestige. Les forces navales ne sont pas uniquement destinées à soutenir la guerre, elles ont un rôle très important à jouer pendant la paix: faire la police des mers; assurer la liberté des communications; protéger notre marine marchande; maintenir le contact permanent entre la métropole et ses colonies; effectuer les croisières qui vont montrer nos couleurs sur tout mers. J’ai entendu tout à l’heure - et je ne pouvais m’empêcher de sourire - un de nos collègues dire que les membres des états-majors sont tentés d’organiser les longues navigations pour être agréables à des camarades. Nos amiraux, comme tous les officiers de marine, sont animés du plus haut sentiment du devoir et n’ont d’autre ambition que de bien servir le pays. […] Les croisières ont pour but de montrer partout le pavillon de la France que, malheureusement, on ne voyait plus depuis très longtemps hors des mers européennes, de détruire la légende, répandue par nos rivaux ou nos ennemis, que France, admirable d‘héroïsme pendant la guerre, mais épuisée de sang et d’or, était désormais incapable d’un effort… « Marine impérialiste, marine offensive » a-t-on dit. Vous savez bien que ce n‘est pas vrai. Vous savez bien qu’il n‘ y a pas de pays au monde plus sincèrement attaché à la paix que la France. Vous savez bien qu’il n’y en pas qui ait donné plus de gages à la justice et à la solidarité internationale. Oui, nous sommes pacifiques. Oui, nous voulons la paix. Mais nous la voulons dans la dignité, la sécurité et l’honneur. C’est pour assurer cette paix que le gouvernement dont j’ai l’honneur de faire partie poursuivra à Genève, avec l’énergie et la persévérance dont il ne s’est jamais départi, la réconciliation des peuples. Oui, la marine a des défauts, la marine a commis des erreurs. Il y a eu des lacunes dans son organisation. Qu’il se lève qu’il lève la main celui qui n’a pas de défauts, qui n’a jamais commis d’erreur (vifs applaudissements). Il appartient au ministre, aux commissions et au parlement, dans une collaboration confiante et non dans une aigre polémique, de chercher ce qu’il convient de faire pour donner à notre organisme naval son maximum de souplesse et de force. Ils ne failliront pas à ce devoir (applaudissements).

Les clippers 14. Chant de marin Michel Tonnerre, Quinze marins, éditeur Keltia Musique, 2007

C’est un quatre mâts-barque de trois mil’ cent tonneaux, armé par William Hamilton à Glasgow Pour fair’ la course des grains de Belfast à Port Lincoln, de Victoria à Queen-town

Et j’écoutais Somerstrom me parler d’anciens bateaux ces fameux bourlingueurs des océans Il aimait se faire prier pour finir par raconter Ses premiers embarquements.

Sur la route du Horn, les bonnettes à hisser, A ch’val dans la mâture par tous les temps Tu sentiras le bateau s’appuyer sur ses bordées Glisser dans le lit du vent.

Pour peu qu’il y ait du vent, que l’cap’tain’ lui donne autant De toile qu’il peut porter, tu verras comment Comment il fera merveille ce sacré vieux bâtiment Ce foutu grenier flottant.

Les équipages des clippers du Sobroan au Stornowway Se sont perdus au large des Feroë Matelots sans patrie, naviguant par tous les temps Gabiers des fiers bâtiments.

Page 14: Les échanges maritimes au cœur des bouleversements industriels

La course à la vitesse 15. Palmarès du Ruban Bleu

Robert Wall, L’Age des Grands Paquebots, éditions Elsevier, 1978 Le Ruban Bleu symbolise le record de vitesse entre Bishop Rock au large de l'Angleterre et Ambrose Light, bateau fanal de New-York.

Année

Nom du navire

Pavillon

Jauge*

Puissance

Durée

Vitesse

1819 Savannah Etats-Unis 350 tonnes 50 chevaux 26 jours 4 nœuds

1838 Sirius Royaume-Uni 750 tonnes 18 jours 12 heures 7 nœuds

1838 Great Western Royaume-Uni 1 750 t 750 chevaux 15 jours 12 heures 8 nœuds

1840 Britannia Royaume-Uni 2 000 t 14 jours 10 heures 8,5 nœuds

1841 Acadia Royaume-Uni 2 000 t 10,76 nœuds

1842 Hibernia Royaume-Uni 2 000 t 11 nœuds

1843 Great Britain Royaume-Uni 3 600 t 1 500 chevaux 11 nœuds

1845 Asia Royaume-Uni 2 000 t 9 jours 17 heures 12 nœuds

1848 Atlantic Etats-Unis 2 680 t 9 jours 17 heures 12 nœuds

1851 Pacific Etats-Unis 2 850 t 13,01 nœuds

1856 Persia Royaume-Uni 3 300 t 8 jours 23 h 30 mn 13,8 nœuds

1860 Great Eastern Royaume-Uni 23 800 t 3 400 chevaux 8 jours 12 h 14,5 nœuds

1862 Scotia Royaume-Uni 3 871 t 8 jours 4 h 34 mn 15,3 nœuds

1872 Baltic Royaume-Uni 3 900 t 7 jours 23 h 17 mn 15,3 nœuds

1876 Britannic Royaume-Uni 3 900 t 7 jours 23 h 34 mn

1881 Servia Royaume-Uni 7 391 t 7 jours 1 h 38 mn

1884 America Etats-Unis 5 500 t 17,5 nœuds

1884 Oregon Royaume-Uni 19 nœuds

1888 City of Paris Etats-Unis 10 500 t 5 jours 19 h 18 mn 21,80 nœuds

1893 Campania Royaume-Uni 12 950 t 26 000 chevaux 22 nœuds

1897 Kaiser Wilhem der Grosse Allemagne 14 350 t 28 000 chevaux 22,35 nœuds

1901 Deutschland Allemagne 16 000 t 33 000 chevaux 5 jours 14 heures 23,31 nœuds

1902 Konprinz Wilhem Allemagne 14 900 t 36 000 chevaux 23,47 nœuds

1904 Kaiser Wilhem II Allemagne 19 300 t 45 000 chevaux 23,58 nœuds

1907 Mauretania Royaume-Uni 32 000 t 68 000 chevaux 23,68 nœuds

1909 Lusitania Royaume-Uni 31 500 t 68 000 chevaux 4 jours 21 h 42 mn 25,85 nœuds

1911 Mauretania Royaume-Uni 32 000 t 68 000 chevaux 4 jours 18 heures 27,04 nœuds

1929 Bremen Allemagne 51 600 t 100 000 chevaux 27,80 nœuds

1932 Bremen Allemagne 51 600 t 100 000 chevaux 4 jours 14 h 30 mn 28,14 nœuds

1933 Rex Italie 54 000 t 120 000 chevaux 4 jours 13 h 58 mn 28,16 nœuds

1933 Rex Italie 54 000 t 120 000 chevaux 28,92 nœuds

1935 Normandie France 83 423 t 160 000 chevaux 30,35 nœuds

1936 Queen Mary Royaume-Uni 81 235 t 200 000 chevaux 30,63 nœuds

1937 Normandie France 83 423 t 160 000 chevaux 4 jours 4 heures 30,98 nœuds

1938 Queen Mary Royaume-Uni 81 235 t 200 000 chevaux 4 jours 31,69 nœuds

*La jauge est la capacité d’un navire, le volume de ce qu’il peut embarquer

Page 15: Les échanges maritimes au cœur des bouleversements industriels

Le commerce maritime une activité capitaliste

16. Comptes d’un armateur de clippers Chiffres tirés d’une étude concernant un clipper du Havre de 1866 (500 tonneaux de jauge)

Voyage à Valparaiso, aller et retour

Durée des traversées aller et retour 180 jours

Séjour à Valparaiso 30 jours

Séjour au Havre 30 jours

Durée totale du voyage 240 jours

Dépenses à l’année, en francs

1. Frais relatifs aux capitaux

Amortissement sans intérêts (12 ans)

225 000 : 12 = 18 750 francs

48 000 francs

Intérêt du capital à 5 % l’an

11 250 francs

Assurances à 8 % en moyenne

18 000 francs

à reporter 48 000 francs

2. Personnel Salaire par mois en francs Nourriture par mois

1 capitaine 200 105

1 second 140 105

1 maître d’équipage lieutenant 90 105

1 charpentier calfat 80 30

10 matelots à 55 francs 550 300

2 novices à 35 francs 70 60

1 mousse à 30 francs 30 30

1 cuisinier à 70 francs 70 30

Total équipage 1 230 765

Total mensuel 1 995 francs par mois soit 2 000 francs

Total des dépenses en personnel par an 24 000 francs

Page 16: Les échanges maritimes au cœur des bouleversements industriels

3. Entretien et réparations ordinaires

Calfatage 750 francs

Coque 820 francs

Doublage 250 francs

Peinture 720 francs

Voilure 3 300 francs

Gréement 3 650 francs

Forge 520 francs

Perceurs 80 francs

Pouliage 170 francs

Mâture 500 francs

Tonnellerie- Serrurerie 70 francs

Menuiserie 150 francs

Fondeur 30 francs

Chaînes 390 francs

Mobilier 570 francs

chaudronnier 30 francs

Total entretien ordinaire par an 12 000 francs

Carène : 1 tous les 4 ans 36 000 francs pour les 2 carènes 3 000 francs par an

Grosses réparations : à peu près la moitié de la valeur du navire au minimum, en 12 ans

112 500 francs soit une moyenne de 9 375 francs par an

Total des frais d’entretien 24 375 francs

Dépenses diverses

Patente d’armateur, 500 tonneaux à 0, 40 francs 200 francs

Idem centimes additionnels 40 francs

Imprévu et administration 5 000 francs

Total des dépenses diverses 5 240 francs

Total des dépenses annuelles : 101 615 francs

Page 17: Les échanges maritimes au cœur des bouleversements industriels

Chronologie

Propulsion

Construction

Economie

Infrastructures

1785 Jouffroy d’Abbans réalise les premières expériences de navigation à vapeur

1803 Fulton fait circuler le premier vapeur sur la Seine

1807 Fulton crée le premier service de navires à vapeur (roues à aubes) en liaison régulière sur l’Hudson

1816 Première traversée de la Manche par l’Elise

1816 1ère ligne commerciale entre Liverpool et New-York par paquebots à voiles : 23 jours aller, 40 jours retour

1819 1er traversée de l’Atlantique par un voilier avec machine à vapeur (le Savannah) 29 jours

1821 Première liaison régulière entre Calais et Douvres (le Rob Roy)

1824 Premier navire à vapeur avec chaudière tubulaire sur la Saône conçu par Marc Seguin

1829 1er vapeur utilisé par la Marine française (le Sphinx)

1832 1er brevet d’hélice déposé par le français Frédéric Sauvage

1838 Traversée de l’Atlantique à vapeur par le Sirius (19 jours) puis le Great Western (15 jours)

1838 1er paquebot en fer 1837 Naissance en Angleterre de la première compagnie de navigation, la P&O (Peninsular and Oriental)

1841 Mise au point d’une grue moderne par l’ingénieur Cavé

1838 Première navigation d’un navire à hélice (Francis Pettit Smith)

1843 Ordonnance autorisant l’importation des fers étrangers pour la construction des coques métalliques

1843 Découverte du guano au Pérou entraînant un essor du commerce vers le Pacifique Sud

1842 Plan de développement des chemins de fer, lancé par Louis Philippe (Etoile Legrand)

1842 Augustin Normand invente une hélice à trois pales et en équipe le Corse

1851 Arrivée à Londres du clipper américain l’Oriental

1846 Abolition des Corn Laws au Royaume-Uni

1844 Construction à Marseille des bassins de la Joliette

1852 Création de la machine à vapeur à pilon par F. Bourdon, aux chantiers de la Méditerranée

1853 Adoption d’1 charpente composite bois-métal, chantiers Lucien Arman de Bordeaux

1848-1853 Ruée vers l’or en Californie

1847 Arrivée du chemin de fer au Havre et construction des docks

1848 Chemin de fer à Dunkerque

1857 François Cavé fabrique la première machine compound (le Friedland, cuirassé d’escadre)

1857 Dupuy de Lôme fait construire le premier cuirassé au monde, la Gloire

1851 Ruée vers l’or en Australie ; Fondation par Armand Behic des Messageries maritimes (liaisons avec l’Orient et la Méditerranée)

1851 Chemin de fer à Nantes 1857 Fusion des cies ferroviaires Paris-Lyon et Lyon-Méditerranée

1859 Fondation de la Compagnie Générale Transatlantique, appelée aussi la Transat ou French Lines, par les frères Pereire (transatlantiques)

1859 Inauguration du bassin Napoléon à Marseille

1860 1er pont tournant en France (Brest) construit en métal par Schneider

1866 Loi qui supprime les surtaxes de pavillon et abaisse les taxes de francisation

1865 Fondation de la Société générale des Transports maritimes à vapeur par Paulin Talabot (cargos vers l’Algérie, paquebots vers l’Argentine)

1861 Loi décidant l’extension du port de Dunkerque

1866 En France, suppression des mesures protectionnistes encadrant la construction et la navigation maritime

1869 Ouverture du canal de Suez

1872 Fondation de la Compagnie maritime des Chargeurs Réunis (lignes vers Amérique du Sud et Indochine)

1874 Naissance de la société d’armement et de navigation Charles Schiaffino (liaisons Algérie-France)

1871 Brevet d’Augustin Normand pour une machine à triple expansion

1873 L’ingénieur de Bussy remplace le fer par l’acier

1876 Invention de la réfrigération à compression. 1er navire équipé de ce système (le Frigorifique)

1879 Crédits Grands travaux dont modernisation des ports de France (plan Freycinet)

1880 Première grue électrique

1884 Invention de la turbine par Charles Parsons

1878 1er cuirassé à charpente en acier, construit en France (le Redoutable). 1er navire-citerne tout en fer construit en Suède (le Zoroastre)

1881 Instauration en France d’un système de primes à la construction (par tonneau) et à la navigation au long cours (1 000 milles parcourus)

1882 Inauguration du canal de La Martinière entre Nantes et Saint-Nazaire

1880-1890 Généralisation de la construction en acier

1889 Monopole de pavillon pour la navigation entre la France et l’Algérie

1895 Ouverture du canal de Kiel

1904 1er bateau équipé d’un moteur diesel (pétrolier russe)

1903 1er navire céréalier armé par la Cie Léopold L. Dreyfus

1903 Naissance du Comité central des Armateurs de France, syndicat patronal (De Rosiers et Marchegay)

1903 Inauguration du pont transbordeur à Nantes

1905 Idem à Marseille

Page 18: Les échanges maritimes au cœur des bouleversements industriels

Propulsion

Construction

Economie

Infrastructures

1906 1er paquebot équipé d’une turbine à vapeur (le Lusitania)

1912 Naufrage du Titanic (12 avril) 1913 Ouverture du canal de Panama

1920-1924 Vote de la loi des quotas restreignant fortement l’immigration aux Etats-Unis

1925 Adoption d’un décret en France qui réduit le temps de travail à bord à 8h de pont

1920 Inauguration du pont transbordeur à la Seyne-sur-Mer

1929 Krach boursier à Wall Street : récession et contraction du commerce mondial donc déclin de la navigation

1928-1930 Plan Tardieu d’outillage national : modernisation des ports…

1933 1er céréalier avec ventilation (Cie Louis Dreyfus)

1934 Vote en France de nouvelles aides financières à la construction

1933 Début de la navigation en tramping (Compagnie Louis Dreyfus)

1935 Lancement du paquebot français Normandie

1935 Passage du rivetage à la soudure

Lexique

Armement Opérations nécessaires pour équiper un navire ; désigne par extension la totalité de l’équipement Arrimage Répartition raisonnée des marchandises dans la coque des navires selon un plan précis Bardi Sorte de cloisons qui compartimentent la cale Bordé Ensemble des planches ou des tôles formant la coque Bigue Grue à 2 ou 3 montants soutenant un palan, utilisée pour soulever de lourdes charges Bonnettes Voile supplémentaire hissée par beau temps, pour augmenter la surface de voilure Brick-goélette Voilier rapide à deux mâts. Il est utilisé encore au XIXe s. comme navire de charge ou négrier Carène Partie immergée de la coque d’un navire Cabotage Navigation à vue le long des côtes, désigne aussi toute navigation dans une zone connue Cap-hornier Nom donné aux grands voiliers de commerce de la fin du XIXe s. et qui doublent le Cap Horn Cargo Navire destiné à transporter uniquement des marchandises Chapeau du capitaine Suppléments de rémunération que perçoit le capitaine au titre des chargements pour l’armateur Clipper Grand voilier à la forme allongée et fine, très rapide du fait de sa grande voilure Conférence maritime Association d’armateurs constituée pour fixer les conditions d’exploitation des lignes régulières Connaissement Document où sont consignés nature, poids, marques des marchandises, signé par le capitaine. Couples Ensemble de pièces de la charpente du navire symétriques à la quille Fortune de mer Perte ou avarie occasionnée à un navire en raison d'événements fortuits survenus Fret Trafic de marchandises Gabier Matelot chargé du maniement des voiles et du gréement Gaillard Désigne aujourd'hui la superstructure à l'avant du pont supérieur d'un navire et abrite la timonerie Jauge brute Volume de tous les espaces fermés du navire Jauge nette Volume de tous les espaces utilisables pour la cargaison Maître couple Couple situé dans la plus grande largeur du navire Nœud Mesure de vitesse sur un navire égale à un mille nautique parcouru en une heure (1 852 m/h) Plan de chargement Disposition des marchandises dans les cales sous la responsabilité du second capitaine Ripage Déplacement des marchandises dans la cale sous l’effet du roulis Rouf, Roof, Roufle Superstructure établie sur un pont supérieur et ne s'étendant pas d'un côté à l'autre du navire Ruban bleu Trophée récompensant le navire le plus rapide entre la Grande-Bretagne et les Etats-Unis Tirant d’eau Hauteur de la partie immergée du navire, variant selon qu’il est lège (vide) ou en charge Tonnage Capacité d’un navire exprimée en pieds anglais (soit 2,83 m3) Tanker Pétrolier Tillac Mot de vieux français désignant le pont supérieur d'un navire (entre les gaillards) Tjb Tonnage de jauge brute Tpl Tonnage de port en lourd (charge maximale qu’un navire est autorisé à transporter) Tramping De l’anglais "vagabond" ; exploitation d’un navire loué, par opposition aux lignes régulières Varangue Pièce à deux branches, plus ou moins écartées, formant la partie inférieure d'un couple Vrac Mode de transport des marchandises à même la cale, retenues par des bardis afin d’éviter le ripage Vraquier Navire dont les cales sont adaptées au transport de marchandises diverses

Musée national de la Marine

Auteurs : Service culturel, Catherine Maillé-Virole, Paris 2008

Page 19: Les échanges maritimes au cœur des bouleversements industriels

� Parcours 1er degré Paris

Les échanges maritimes au cœur des bouleversements industriels

Objectifs - Etudier le XXe siècle et l’ère industrielle. Développer les thèmes suivants : innovations techniques, mutations sociales, élargissement du monde par l’accroissement des échanges, européanisation liée à l’émigration, rivalité des puissances pour contrôler les mers. - Envisager les liens entre ces mutations techniques, le développement de la marine et l’ouverture du monde.

Liens avec les programmes scolaires

� Histoire et Géographie

- Utiliser correctement les repères chronologiques et géographiques ainsi que les lexiques spécifiques - Participer à l’examen collectif d’un document historique en justifiant son point de vue - Lire et comprendre un ouvrage documentaire, de niveau adapté, portant sur l’un des thèmes au programme - Avec l’aide du maître, comprendre un document historique simple (texte écrit ou document iconographique) - Noter les informations dégagées pendant l’examen d'un document

� Français

- Rédiger la légende d’un document iconographique ou donner un titre à un récit historique - Rédiger une courte synthèse à partir des informations notées pendant la leçon - Au cours d’une activité de classe, écrire de manière autonome un texte de façon à pouvoir le relire - Rédiger un texte pour communiquer à la classe la démarche et le résultat d’une recherche individuelle ou de groupe

Page 20: Les échanges maritimes au cœur des bouleversements industriels

Observation 1

Le navire de commerce avant l’industrialisation - A partir de l’observation du brick, repérer les principaux éléments caractéristiques d’un navire à voiles. - Quels sont les avantages et les inconvénients de ce mode de transport ? - Quelles sont les conséquences sur l’environnement de ce type de bateau ? (destruction des forêts européennes)

Sur place Modèle d’un brick, 1830-1840

A l'appui Fiche Activités : 1. Un navire de commerce, le brick

Observation 2

L’invention de la machine à vapeur - Faire décrire aux élèves la machine puis leur faire déduire ce qu’est une machine à vapeur. - Préciser le nom de James Watt et la date de son invention 1769, habituellement retenue comme celle de la mise au point de la première machine efficace. Quels ont été, avant la propulsion, les premiers usages de la machine à vapeur ? (chemin de fer, usines…) - Comment la machine à vapeur est–elle utilisée sur un navire au début du XIXe siècle ? A quel type de voyage est–elle bien adaptée ?

Sur place Modèle de l’aviso à roues Sphinx, 1829 Modèle de la machine à vapeur du Sphinx, 1829 Modèle du paquebot Périclès, 1852 Modèle du paquebot à roues Columba, 1878 Tableau Bateau à vapeur devant Calais par Ferdinand Perrot, 1836

A l'appui Fiche Activités : 3. Les premiers paquebots

Observation 3

Un paquebot gigantesque

- Faire décrire la maquette par les enfants : quels sont les modes de propulsion de ce navire ? (voile, roues à aubes, hélice) - En quoi est-il étonnant ? Comment expliquer la juxtaposition sur un même navire de la voile et de la vapeur, de roues à aubes et d’une hélice ? - Pour s’approcher de la réalité, confronter la maquette aux extraits de Jules Verne. Quelle impression se dégage ? Repérer dans le poème de Victor Hugo les termes utilisés qui confortent cette impression.

Sur place Modèle du paquebot Great-Eastern, 1858

A l'appui Fiche Documents : 1. Un géant des mers / 2. Un monstre d’acier / 6. Comme une île Fiche Activités : 2. Le paquebot Great-Eastern

Observation 4

Les clippers

- Décrire les modèles en s’aidant des tableaux. Trouvez trois différences au moins entre les clippers et les bricks. - Comment expliquer que les clippers coexistent avec les navires à vapeur ? Pour quelles destinations sont-ils plus particulièrement utilisés ? - A quels flux de marchandises ces clippers ont-ils été associés ? - Sur la carte, tracer le voyage des clippers français, en rouge l’aller, en bleu le retour. Différencier les flux de marchandises : trait continu pour le café du Brésil, pointillés pour le guano du Pérou ou les nitrates du Chili. Indiquer les noms des ports de départ, les principaux pays, le Cap Horn.

Sur place Modèle de clipper, chantier Arman à Bordeaux, vers 1850

A l’appui Fiche Documents : 16. Comptes d’un armateur de clipper Fiche Activités : 9. Les grandes routes maritimes

Page 21: Les échanges maritimes au cœur des bouleversements industriels

Observation 5

Les émigrants

- Quel est l’intérêt d’un tel modèle ? Combien de ponts ? Où se trouve le commandant ? - Quelles sortes de passagers embarquent ? Sont-ils amenés à tous se fréquenter ? - Rappeler ce qu’est un émigrant. D’où partent-ils ? Pourquoi ? Où vont-ils ? Remarquer que les mouvements migratoires à l’époque sont inverses à ceux d’aujourd’hui. - Observer la place réservée dans le navire aux émigrants. Décrire de manière précise l’endroit où ils logent. Quels sont les inconvénients qu’ils rencontrent durant la traversée ?

Sur place Modèle du paquebot Paraguay, 1888

A l’appui Fiche Documents : 3. Des conditions de traversées terribles Fiche Activités : 5. Les passagers

Observation 6

Une ville flottante

- Observer l’évolution des paquebots : taille, hauteur, largeur, nombre d’hélices… - Décrire la forme des cheminées du Normandie. Pourquoi ont-elles été construites ainsi ? (aérodynamisme) Quelles nouveautés apparaissent ? (piscine, théâtre…). Qui voyage à bord de ces nouveaux paquebots ? - Que vantent les affiches ? Enumérer les objets dans la vitrine. Qu’est-ce que cela révèle sur la vie à bord ? (luxe) - Comptez le nombre de plats inscrits au menu du Normandie. Pourquoi est-il rédigé en français et en anglais ? Quelle impression se dégage de la salle à manger des premières classes ?

Sur place Modèle de L’Amazone,1896 / Modèle de La Provence, 1906 Modèle de Normandie, 1935 Affiches / Malle cabine / Carton à chapeau / Fauteuil / Table de jeu / Argenterie/ Menu / Salle à manger des premières classes par Brenet

A l’appui Fiche Documents : 8. Un dîner de première classe Fiche Activités : 5. Les passagers / 6. A bord, il faut oublier la mer / 7. Rêve de voyage

Observation 7

La course au gigantisme

- Quels sont les avantages que tire un navire d’une plus grande taille ? (économies d’échelle) - Quels inconvénients une grande taille peut-elle entraîner ? (poids, donc quantité de combustible nécessaire) - Pourquoi un pays a-t-il intérêt à ce que ses navires obtiennent le Ruban Bleu ? (prestige national, contexte nationaliste)

Sur place Ensemble des modèles de la vitrine des paquebots

A l’appui Fiche Documents : 15. Palmarès du Ruban Bleu Fiche Activités : 4. La course au gigantisme

Page 22: Les échanges maritimes au cœur des bouleversements industriels

Observation 8

Des cargos aux porte-conteneurs - Par comparaison avec les paquebots, qu’est-ce qu’un cargo ? - Avec quels matériaux sont-ils construits ? A quoi servent les mâts ? Quel est leur mode de propulsion (moteur) ? - Identifiez les marchandises. En observant la vitrine Schiaffino, expliquer comment et par qui les marchandises sont chargées (grues, dockers). Quels problèmes cela peut–il entraîner ? (lenteur des manutentions, risque de conflit social) - Quelles nouveautés constate-t-on entre les cargos des années 1930 et ceux des années 1960 ? - En observant le charbonnier Marie-Louise, le céréalier Léopold et les pétroliers, lister les principaux produits transportés. Qu’est-ce que cela montre sur les mutations du commerce français ? (importations énergétiques liées à l’essor de l’industrialisation, augmentation de la population donc des besoins en produits agricoles)

Sur place Modèle du charbonnier Marie-Louise, 1920 Modèle du céréalier Léopold, 1933, Modèle du cargo Barsac, 1947 Modèle du cargo Loulea, 1949 Modèle du cargo Ange-Schiaffino, 1951

A l’appui Montrer la spécialisation des navires en réalisant un tableau simple (acquisition du vocabulaire) J

Navire

Que transporte-il ?

Comment ?

Charbonnier

Charbon / Houille

A fond de cale

Céréalier

Céréales

Dans des cales ventilées

Pétrolier

Pétrole

Dans des réservoirs (tanks) avec tubulures

Méthanier

Gaz

Liquéfié par refroidissement

Bananier

Bananes

Dans des cales réfrigérées

Pinardier

Vin

Dans des cuves

Vraquier

Marchandises en vrac

Cales à multiples destinations

Prolonger la visite…

���� Avant la visite L’enseignant peut préparer ses élèves en s’appuyant sur un récit à lire en classe : Une Ville flottante de Jules Verne, Le Tour de France par Deux Enfants ou un ouvrage de littérature jeunesse contemporaine. Cette séance peut venir en complément d’une leçon d’histoire replaçant chronologiquement les mutations de la marine et apportant le vocabulaire spécifique.

���� Après la visite Exploiter les documents contenus dans la Fiche Activités.

Musée national de la Marine

Auteurs : Service culturel, Catherine Maillé-Virole, Paris 2008

Page 23: Les échanges maritimes au cœur des bouleversements industriels

� Activités 1er degré

Les échanges maritimes au cœur des bouleversements industriels

Activité 1 : Gravure Brick de commerce embarquant sa chaloupe, Louis Lebreton (1818-1866) © MnM

Légender le dessin en indiquant chaque partie du navire : mâts, pavillon, poupe, proue, voiles

Activité 2 : L’apparition de la vapeur Gravure Paquebot à vapeur Great-Eastern, Louis Lebreton (1818-1866), 1858 © MnM P. Dantec

Page 24: Les échanges maritimes au cœur des bouleversements industriels

Activité 3 : Les premiers paquebots

Gravure Paquebot La Champagne (Compagnie Générale Transatlantique), Paul Bastide, 1885 © MnM P. Dantec Gravure Paquebot La Provence, coupe des deux cheminées, anonyme, 1906 © MnM P. Dantec

Page 25: Les échanges maritimes au cœur des bouleversements industriels

Activité 4 : La course au gigantisme

Page 26: Les échanges maritimes au cœur des bouleversements industriels

Activité 5 : Les passagers

Fumoir et salle à manger des premières classes du paquebot Charles-Roux, Herbert Lessieux, 1909 © MnM P. Dantec Les émigrants à quai, Couverture du supplément illustré du Petit Journal, 16 juin 1907 © MnM P. Dantec

Page 27: Les échanges maritimes au cœur des bouleversements industriels

Activité 6 : A bord, il faut oublier la mer Gouache Coupe longitudinale du paquebot Normandie, Albert Sébille, 1935 © MnM A. Fux

1 Chenil et promenade des chiens 3 Grande salle à manger des premières classes 5 Chaufferies 2 Cabine de première classe 4 Cuisines et office 6 Salle de culture physique

Activité 7 : Rêves de voyage Affiche Lignes régulières Europe-Afrique du Nord et Orient, société des Affréteurs Réunis © MnM P. Dantec

Page 28: Les échanges maritimes au cœur des bouleversements industriels

Activité 8 : Les ports Dans le port de Marseille la reprise du travail, Le Petit journal, n°727 p. 344, 23 octobre 1904 © MnM A. Fux

Activité 9 : Les grandes routes maritimes

� planisphère à compléter

Musée national de la Marine

Auteurs : Service culturel, Catherine Maillé-Virole, Paris 2008

Page 29: Les échanges maritimes au cœur des bouleversements industriels

� Travaux dirigés 1er degré

Les échanges maritimes au cœur des bouleversements industriels

Exercice 1

Les hommes à bord

Après la visite au musée de la Marine et à partir des observations faites et des documents iconographiques [Activités], partager la classe en quatre groupes :

1. Le capitaine, son second et les officiers de l’état major

2. Les ouvriers des machines à vapeur

3. Les émigrants (passagers de troisième classe)

4. Les passagers de première classe

Faire décrire par chaque groupe ses conditions de voyage sur un paquebot, en utilisant un récit à la première personne (lettre ou journal de voyage).

Exercice 2

La vie sur un paquebot

A l’aide d’extraits d’Une Ville flottante de Jules Verne [Documents 1 et 7], du menu du Titanic [Document 8] et des intérieurs du Charles-Roux et du Normandie [Activités 5 et 6], les élèves rédigent un paragraphe expliquant l’évolution des conditions de transport entre les années 1850 et 1930. Pour quelles raisons voyage-t-on sur un paquebot en 1850 ? Et en 1930 ? Pourquoi peut-on dire comme Jules Verne qu’un paquebot est une "ville flottante" ? Quels métiers sont nécessaires à bord d’un paquebot comme le Titanic ou le Normandie ? Faire un tableau distinguant les différents métiers liés au fonctionnement du navire et au confort des passagers.

Page 30: Les échanges maritimes au cœur des bouleversements industriels

Exercice 3

Les clippers

Sur le planisphère, tracer l’itinéraire des clippers français, les "Pigeons du Cap" et les "Hirondelles de Rio". Indiquer les différents repères (noms des hémisphères, principaux parallèles, quarantièmes rugissants, continents, principaux pays et principales villes, grands canaux océaniques…). Visualiser par des flèches les flux aller/retour et inscrire la durée du voyage [Document 16]. A l’aller, les émigrants ; au retour, le guano ou le café.

Repérez sur une carte les lieux indiqués dans la chanson [Document 14]. Stornoway est un port situé dans l’île de Lewis au Nord de l’Ecosse ; Sobroan sur la côte orientale de la Grande-Bretagne. D’après la chanson, quelles sont les conditions de vie des marins à bord d’un clipper ?

Exercice 4

L’ouverture au monde du commerce français

Réalisation guidée d’un croquis de synthèse. Sur le planisphère, faire apparaître avec une légende adaptée, la France métropolitaine (et l’empire colonial français (en 1920), les principaux ports français, les principaux océans ainsi que celui des deux grands canaux maritimes. Visualisez avec des flèches de couleurs différentes les principaux courants d’importations et d’exportations. Ecrire dans le sens des flèches les noms des principaux produits acheminés. Les colonies sont-elles les seuls territoires à fournir des ressources à la France ?

Musée national de la Marine

Auteurs : Service culturel, Catherine Maillé-Virole, Paris 2008