L'équipe, l'esprit, la vision, l'équipe pour une ville nettement plus en vie
Les certifications comme outils d'amélioration des …l'équipe de Chetna Organic (Hyderabad), et...
Transcript of Les certifications comme outils d'amélioration des …l'équipe de Chetna Organic (Hyderabad), et...
-
UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL
LES CERTIFICATIONS COMME OUTILS D'AMÉLIORATION DES
CONDITIONS DE VIE DES COLLECTIVITÉS DU SUD: ÉTUDE DE CAS
D'UNE FILIÈRE TEXTILE BIOLOGIQUE ET ÉQUITABLE EN INDE
MÉMOIRE
PRÉSENTÉ
COMME EXIGENCE PARTIELLE
DE LA MAÎTRISE EN SCIENCES DE L'ENVIRONNEMENT
PAR
CAROLINE MAILLOUX
FÉVRIER 2010
-
UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL Service des bibliothèques
Avertissement
La diffusion de ce mémoire se fait dans le respect des droits de son auteur, qui a signé le formulaire Autorisation de reproduire et de diffuser un travail de recherche de cycles supérieurs (SDU-522 - Rév.ü1-2üü6). Cette autorisation stipule que «conformément à l'article 11 du Règlement no 8 des études de cycles supérieurs, [l'auteur] concède à l'Université du Québec à Montréal une licence non exclusive d'utilisation et de publication .de la totalité ou d'une partie importante de [son] travail de recherche pour des fins pédagogiques et non commerciales. Plus précisément, [l'auteur] autorise l'Université du Québec à Montréal à reproduire, diffuser, prêter, distribuer ou vendre des copies de [son] travail de recherche à des fins non commerciales sur quelque support que ce soit, y compris l'Internet. Cette licence et cette autorisation n'entraînent pas une renonciation de [la] part [de l'auteur] à [ses] droits moraux ni à [ses] droits de propriété intellectuelle. Sauf entente contraire, [l'auteur] conserve la liberté de diffuser et de commercialiser ou non ce travail dont [il] possède un exemplaire.»
-
REMERCIEMENTS
Ce mémoire n'aurait pas été possible sans le soutien et les conseils de nombreuses personnes. Du Nord
au Sud, ma liste de remerciements est longue. J'aimerais d'abord remercier ma directrice de recherche
Mme CorÎlme Gendron pour ses précieux conseils, sa confiance et pour m'avoir suggéré la première la
route de l'Inde. Merci également de m'avoir donné l'opportunité de faire partie de la Chaire de
responsabilité sociale et de développement durable. Cette expérience fut très enrichissante, d'un point
de vue académique et personnel. J'en profite pour remercier mes collègues et amis, Jérôme Guy, Julien
Boucher, Marie Hanquez, Caroline Mailhot, Marie-Claude Allard, Chantal Hervieux et Véronique
Bisaillon pour leurs conseils et encouragements. Un merci tout particulier à mon amie Alice Friser
pour son aide. Un clin d'œil à Alain Lapointe pour sa bonne humeur et son écoute. Merci également à
Marie-France Turcotte et Olga Navarro Flores pour leurs suggestions. Un grand merci à Oxfam
Magasin du Monde en Belgique, tout particulièrement à Stéphane Parmentier et Laurence Dooms pour
m'avoir accueillie et confortée dans le choix de mon étude de cas. Merci également d'avoir partagé vos
informations et d'être restés aussi patients dans l'attente de mes résultats. Merci à Carole Crabbé de la
Campagne Vêtement Propre (Belgique) pour les mêmes raisons.
Au Sud, un merci particulièrement chaleureux à Rajat Jaipuria et à son père Rajendra. Merci pour
l'accueil, la confiance et l'amitié. Merci également à Arun Chandler et à sa famille pour l'hospitalité,
les soins, et pour m'avoir fait découvrir les délices de la cuisine indienne. Un grand merci à toute
l'équipe de Chetna Organic (Hyderabad), et particulièrement à Savitlu-i et Babu. Mille mercis à
l'équipe de l'OCPI (Adilabad) qui fut ma famille d'accueil pendant mon exil; pour ne nommer qu'eux,
merci à Chambabu, Veera, Kirsen Roa, Mahesh et leurs femmes. Un merci spécial à Ramesh sans qui
rien de tout cela n'aurait été possible. Ramesh, merci pour ton dévouement et ton amitié. Merci aux
producteurs et productrices de l'OCPI pour les moments inoubliables passés en votre compagnie: ce
fut un privilège de partager un petit bout de vie avec vous. Pour ces mêmes raisons, merci aux
travailleurs de Rajlakshmi. Hakop, merci pour la visite de l'imprimerie; Marc-Hemi, merci pour les
discussions passionnées et passionnantes et longue vie à FibrÉthik.
De retour au Nord, je souhaite remercier mes amies et consoeurs de maîtrise Caroline, Perrine et
Rosemarie pour leurs encouragements. Enfin, merci à ma famille, mes parents et mon frère, pour leur
amour et leur soutien depuis toujours. Merci à mon amoureux d'avoir été aussi patient et d'avoir cru,
parfois plus que moi-même, à l'achèvement de ce mémoire.
-
TABLES DES MATIÈRES
LISTE DES FIGURES xi
LISTE DES TABLEAUX xiii
LISTE DES ABRÉVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES xv
RÉSUMÉ ,xvi i
INTRODUCTION 1
CHAPITRE 1 CRISE DU COTON ET MONDIALISATION 7
1.1 LES FACTEURS DE CRISE OU SECTEUR DE LA PRODUCTION OU COTON 8
1.1.1 La chute des prix du coton et ses impacts sur les pays en développement 9
1.1.2 Les causes à l'origine de la chute des prix du coton 10
1.2 LA CULTURE DU COTON ET L'ENVIRONNEMENT 21
1.2.1 Le coton et les pesticides 21
1.2.2 Le coton et l'eau 22
1.3 LA CULTURE DU COTON ET SES IMPACTS SUR LASANTE ET LES REVENUS DES PRODUCTEURS23
1.4 LE COTON BT: SUCCES OU ECHEC? 25
1.4.1 Des résultats contradictoires ? 26
1.4.2 Monopole et privatisation des semences OGM 28
1.4.3 L'Inde: un cas d'école des conséquences de la mondialisation de l'agriculture 29
1.5 LA CRISE DES ATELIERS DE MISERE (SWEATSHOPS) 32
1.5.1 Les premières vagues de délocalisation (1970-1990) 33
1.5.2 L'entrée en vigueur de l'Accord sur les textiles et les vêtements (ATV) 34
1.5.3 La création de zones franches d'exportation (ZFE) 35
1.5.4 La gouvernance des chaînes d'approvisionnement textile 36
1.5.5 Impacts sur les conditions de travail et l'environnement... .40
1.6 LES NOUVEAUX MOUVEMENTS SOCIAUX ÉCONOMIQUES .45
CONCLUSION 48
-
VI
CHAPITRE II AGRICULTURE BIOLOGIQUE, COMMERCE ÉQUITABLE ET CODES DE CONDUITE .51
2.1 L'AGRICULTURE BIOLOGIQUE 52
2.1.1 D'une idéologie à un système de régulation internationale 52
2.1.2 Définition et projet 55
2.1.3 Le fonctionnement de l'agriculture biologique 58
2.1.4 Agriculture biologique, coton et textile 70
2.2 LE COMMERCE ÉQUiTABLE 76
2.2.1 Du commerce de la charité au commerce équitable 76
2.2.2 Le projet du commerce équitable 80
2.2.3 Les systèmes de garantie et filières du commerce équitable 87
2.2.4 Comparaison des principes et des systèmes de garantie du commerce équitable 97
2.2.5 Commerce équitable, coton et textile 99
2.3 COMPARAISON ENTRE L' AGRICULTURE BIOLOGIQUE ET LE COMMERCE ÉQlIITABLE 108
2.4 LES CODES DE CONDUITE 112
2.4.1 Définition 113
2.4.2. Typologie des codes de conduite de l'industrie textile 113
2.4.3 Comparaison des codes de conduite de l'industrie textile utilisés dans les filières équitables
.................................................................................................................................................... 123
2.6 LES LIMITES DES CERTIFICATIONS SOCIALES ET ENVIRONNEMENTALES 135
2.6.1 Limites d'un système basé sur la consommation au Nord 135
2.6.2 Accessibilité, participation et équité 13 7
CONCLUSION 143
CHAPITRE III DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE 147
3.1 STRATÉGIE GÉNÉRALE DE RECHERCHE 147
3.1.1 Rappel des questions de recherche 147
3.1.2 L'approche épistémologique 149
-
vu
3.1.3 L'étude de cas 150
3.1.4 Assurer la validité des résultats de recherche 155
3.2 NOTRE STRATÉGIE DE COLLECTE DE DONNÉES 158
3.2.1 Grille de collecte de dOllilées 159
3.2.2 L'observation participante 161
3.2.3. Entrevues semi-dirigées 167
3.2.4 Collecte de documents 172
3.2.5 Fiabilité de notre stratégie de recherche 173
3.3 LE CORPUS DE DONNÉES ET SON ANALySE 174
3.3.1 DOllilées d' observation 175
3.3.2 Entrevues semi-dirigées 181
3.3.3 Collecte documentaire et analyse 189
3.3.4 Éthique de la recherche 190
CONCLUSION 191
CHAPITRE IV ÉTUDE DE CAS D'UNE FILIÈRE TEXTILE BIOLOGIQUE ET ÉQUITABLE 193
4.1. L'ORGANIC COTTON PROGRAM IN INDIA 194
4.1.1. Émergence de l'OCPI 196
4.1.2 Mission et objectifs de l'OCPI 198
4.1.3. La structure organisatiollilelle et représentative de 1'OCPI 200
4.1.4 Les activités de l' Organic Cotton Program in India et de ses membres 202
4.1.5. Profil économique de )'Organic Cotton Program in India 209
4.2 RAJLAKSHMI COTTON MILL LTD 213
4.2.1 Historique de Rajlakshrni 214
4.2.2 Vision de l'organisation 214
4.2.3 Les activités de Rajlakshmi 216
4.2.4 Profil économique de Rajlakshmi Cotton Mills Ltd 221
-
VIll
4.3 OPÉRATIONNALISATI ON DES NORMES ET DES PRINCIPES DE L' AGRICULTURE BIOLOGIQUE 226
4.3.1 Principes de production 226
4.3.2 Le système de contrôle interne 233
4.3.3 L'intégrité des produits biologiques 235
4.4. L'OPÉRATIONNA.LISA.TION DES PRINCIPES DU COMMERCE ÉQUITABLE 236
4.4.1 Principes du commerce équitable liés à la gouvernance 237
4.4.2 Principes économiques 242
4.4.3 Critères sociaux du commerce équitable 253
4.5 OPÉRATIONNALISATION DES NORMES INCLUSES DANS LES CODES DE CONDUITE DU
COMMERCE ÉQUITABLE ET DE LA CVP 258
4.5.1. Choix libre de l'emploi 258
4.5.2. Non-discrimination et égalité de rémunération 258
4.5.3 Âge minimum de travail et travail des enfants 260
4.5.4. Liberté syndicale et droit de négociation collective 260
4.5.5 Conditions de travail... 262
4.5.6. Santé et sécurité au travail... 264
4.5.7. Sécurité sociale 266
CONCLUSION 267
CHAPITRE V
ANALYSE DES ENTREVUES ET IMPACTS DE LA FILIÈRE BIO-ÉQUITABLE 271
5.1 RÉSULTAT DES ENTREVUES DA.NS LE SECTEUR DE LA PRODUCTlON 271
5.1.1 Les incitatifs à participer au projet de l'OCPI 274
5.1.2 Les principaux changements vécus par les producteurs 276
5.1.3 Autres impacts du projet de l'OCPI... 292
5.1.4 Sensibilisation au commerce équitable 297
5.2 RÉSULTATS DES ENTREVUES DANS LE SECTEUR DE LA CONFECTION TEXTILE 303
5.2.1 Les facteurs incitatifs à travailler chez Rajlakshmi 305
5.2.2 Les changements vécus depuis les quatre dernières années 305
-
IX
5.2.3 Les normes des codes de conduite moins bien adaptées au contexte indien de l'industrie
textile 314
5.2.4 Acquisition de connaissances et de compétences 316
5.2.4.1 Sensibilisation aux codes de conduite et au coton biologique et équitable 318
5.3 RÉSULTATS DES ENTREVUES AVEC LES AUTRES ACTEURS DE LA CHAÎNE 0' APPROVISIONNEMENT TEXTILE 324
5.3.1 Les certifications 324
5.4 LES RELATIONS ENTRE LES DIFFÉRENTS SEGMENTS DE LA CHAÎNE 0' APPROVISIONNEMENT
330
CONCLUSION .....••••.•...............•.........•...•......•......•...•..........•................•.•••..........•......•...•••.•••.••..••.•..332
CHAPITRE VI LA FILIÈRE BIOLOGIQUE ET ÉQUITABLE AU SUD COMME OUTIL
D'AMÉLIORATION DES CONDITIONS DE VIE DES COLLECTIVITÉS 335
6.1 LES CERTIFICATIONS BIOLOGIQUE ET ÉQUITABLE COMME SOURCE DE RÉGULATION ALTERNATIVE À LA CRISE« GLOBALE» OU COTON 335
6.1.1 Les certifications comme réponse à la chute et à l'instabilité des prix du coton 336
6.1.2 Les certifications comme réponse aux impacts environnementaux de la culture du coton338
6.1.3. Les certifications comme réponse aux enjeux liés au coton OGM 341
6.1.4. Les certifications comme réponse à la chute de revenus des producteurs 342
6.1.5 Les certifications comme réponse aux problèmes de santé des producteurs et de leurs
farrl.illes 345
6.1.6. Les certifications et les codes de conduite comme réponse à la crise des ateliers de misère
.................................................................................................................................................... 347
6.2 LES CERTIFICATIONS COMME OUTIL DE MODIFICATION DE LA STRUCTURE DE GOUVERNANCE
DES CHAÎNES 0' APPROVISIONNEMENT TEXTILE 352
6.3 LES CERTIFICATIONS COMME VECTEUR O'AUTONOMISATION DES PRODUCTEURS ET DES OUVRIERS DU SECTEUR TEXTILE 363
6.3.1 Autonorrl.isation des producteurs, réussites et lirrl.ites 363
6.3.2 Autonirrl.isation des travailleurs de l'industrie textile, réussites et lirrl.ites 367
6. 4 Des résultats généralisables ? 370
CONCLUSION 377
http:����.�...............�.........�...�......�......�...�..........�................�.���..........�......�...���.���.��..��.�
-
x
APPENDICE A 387
ANALYSE DES CERTIFICATIONS HYBRIDES BIO-ÉQUITABLE ET EQUITABLE
SOLIDAIRE ET RESPONSABLE (ESR) 387
BIBLIOGRAPHIE 395
-
LISTE DES FIGURES
Figure
Figure 1.1 : Les étapes de la filière textile 8
Figure 1.2 : Évolution du prix du coton de 1988 à 2008 selon le National Cotton Council of America, 2008 9
Figure 1.3 : La chaîne d'approvisiolmement textile, adapté de Parmentier et Bailly, 2005 p. 115 38
Figure 1,4: La consommation responsable et ses mécanismes 48
Figure 2.1: Les normes internationales du travail ou Conventions de l'OIT 63
Figure 2.2: Système de certification de l'agriculture biologique 67
Figure 2.3: Fonctionnement de la filière intégrée du commerce équitable 90
Figure 2,4 : Fonctionnement de la filière labellisée de FLO, adapté de Bisaillon, 2008 92
Figure 2.5: Standards de FLO (filière labeHisée), adapté de Bisaillon, 2008 96
Figure 2.6: La chaîne d'approvisionnement textile: problèmes et alternatives 134
Figure 3.1: L'étude de cas unique selon Yin (2003) 154
Figure 3.2: Constitution méthodologique de notre étude de cas 159
Figure 3.3: Schématisation du processus de prise de notes jusqu'à la rédaction du journal ethnographique, adaptée de Bisaillon, 2008 167
Figure 4.2: Les districts participants au projet de 1'OCPI 195
Figure 4.3: Fonctionnement de l'OCPI 198
Figure 4,4: La shucture organisationnelle de l'Organic Cotton Program in India en 2007 202
Figure 4.5: La cueillette manuelle du coton en fleur 203
Figure 4.6: La pesée du coton et son entreposage 204
Figure 4.7: La cargaison des camions 205
Figure 4.8: L'égrenage du coton à l'usine SAGAR Fibers Pvt Ltd 206
Figure 4.9: Les quatre piliers de la Fm'mer Fjeld School selon l'OCPI 208
Figure 4.10: Le filage du coton-fibre à l'usine Pacifie Cotspin Limited 217
Figure 4.11: Le tissage chez Rajlakshmi Cotton Mills Ltd 217
Figure 4.12: La teinture et l'ennoblissement à l'usine RUPA 218
Figure 4.13: La coupe, l'assemblage et la finition à l'usine Rajlakshmi Cotton Mills Ltd 219
Figure 4.14: La commercialisation des vêtements bio-équitables 220
Figure 4.15: Les certifications de la filière OCPIIRajlakshmi Cotton Mills Ltd 225
Figure 4.16: Fabrjcation d'engrais biologique et vermjcompostage 229
Figure 4.17: La prépara tion pour la culture de relais et l' interculture de coton et de fèves rouges 230
-
Xli
Figure 4.18: Trappe à phéromones et fabrication du jus de Neem 232
Figure 4.19: Système de contrôle interne (à droite les journaux des producteurs, au centre, le système de vérification par les pairs et à gauche, le système de traçabilité) 234
Figure 4.20: Visite annuelle du certificateur Skal.. 235
Figure 4.21: Formation du Mutual Aided Cooperative (MAC) à Adilabad 238
Figure 4.22: Distribution de jouets avec la prime équitable 256
Figure 5.1: Les incitatifs à participer au projet de l'OCPI... 276
Figure 5.2: L'amélioration de la situation économique 282
Figure 5.3: Amélioration de la situation familiale 289
Figure 5.4: De l'acquisition de connaissances à l'autonomisation des producteurs 297
Figure 5.5: L'amélioration des conditions de travail des employés de Rajlakshmi 313
-
LISTE DES TABLEAUX
Tableau
Tableau 2.1: Situation des organismes de certification et de leur statut d'accréditation pour l'almée 2006, selon Rundgren (2007 p. 67) 69
Tableau 2.2: Les principaux acteurs du commerce équitable 79
Tableau 2. 3: Spécificités et points communs entre les normes de l'agriculture biologique et du commerce équitable 111
Tableau 2.4: La référence normative des codes de conduite utilisés dans la filière textile équitable... 127
Tableau 2.5: Les caractéristiques des codes de conduite utilisés dans les filières équitables 130
Tableau 3.1: Aperçu de notre grille de collecte de données 160
Tableau 3.2: Caractérisation socio-démographique des répondants dans le secteur de la production .184
Tableau 3.3: Caractérisation socio-démographique des répondants 186
Tableau 3.4: Détails techniques des entrevues semi-dirigées 187
Tableau 3.5: Analyse de contenu pour la catégorie "Amélioration de la situation économique" ........ 189
Tableau 4.1: Distribution par État des membres de l 'OCPI... 196
Tableau 4.2: La Prime biologique tel que stipulée dans le contrat unissant Rajlakshmi et l'OCPI en
Tableau 4.3: Comparaison des revenus nets en roupies des producteurs bio-équitables et des
date de novembre 2006 245
producteurs conventionnels 246
Tableau 4.4: Profil économique de 11 producteurs rencontrés dans la région d'Adilabad 249
Tableau 4. 5: Comparaison du salaire minimum légal et du salaire minimum vital el du salaire des
employés de Rajlaksluni 264
Tableau 5.1: Catégories et unités d'analyse des enh'evues dans le secteur de la production 273
-
XIV
Tableau 5.2: Catégories et unités d'analyse des entrevues du secteur de la confection 304
Tableau 5.3: Catégories et unités d'analyse pour les autres acteurs de la chaîne d'approvisionnement textile 324
-
LISTE DES ABRÉVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES
AB
AFN
Asa
CAD
CE
CLAC
COFA
CV?
EFTA
ESR
ETC India
ETI
FAO
FFS
FINE
FLA
FLO
FLO-Cert
FMI
FTF
FTO
FWF
GATT
GOTS
ICCO
ICM
IMO
ISO
Agriculture Biologique
Africa Fairtrade Network
Accord sur l'agriculture
Dollars Canadiens
Commerce équitable
Coordinadora Latinoamericana y el caribe de Pequenos Productores de commercio Justo
Chetna Organic Farmers Association
Campagne Vêtments Propres
European Fair Trade Association
Équitable Solidaire et Responsable
ETC Consultant Priva te Ltd in India
Ethical Tradding Initiative
Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture
Farmers Field School
FLO IFAT NEWS EFTA
Fair Labour Association
Fairtrade Labelling Organizations International
Fairtrade Labelling Organizations International Certification
Fond Mormétaire International
Fair Trade Foundation
Fair Trade Organization
Feal' Wear Foundation
General Agreement on Tariffs and Trade
Global Organic Texlil Standards
Organisation Inter-églises de Coopération au développement
Integrated Crop MQlwgement
Institute for Maketecology
Organisation internationale de normalisation
-
XVI
GOTS
IFAT
IFOAM
IPM
IYB
JOCA
MAC
MCC
MSN
NAP
NEWS!
NMSÉ
NOP
OCPI
OCGra
OE
OGM
OIT
OMC
OMM
OMS
ONG
ONU
OTA
PFCE
SA8000
SERY
SHG
USDA
WRAP
WRC
Global Organic Textile Standards
International Federation for Alternative Trade
International Federation ofOrganic Agriculture Movements
Integrated Pest Management
International Association Natural Textile Industry
lapan Organic Cotton Association
Mutual Aided Cooperative
Mennonite Central Committee
Maquila Solidarity Network
Network ofAsian Producers
Network ofEuropean Worldshops
Nouveaux Mouvements Sociaux Économiques
National Organic Program
Organic Cotton Program in India
Organic Cotton Grower 's Association
Organic Exchange
Organisme Génétiquement Modifié
Organisation Internationale du Travail
Organisation Mondiale du Commerce
Oxfam Magasins du Monde
Organisation Mondiale de la Santé
Organisation Non Gouvernementale
Organisation des Nations Unies
Organic Trade Association
Plate Forme Française pour le Commerce Équitable
Social Accountability International 8000
Sales Exchange for Refugee Rehabilitation and Vocation
SelfHelp Group
United States Department ofAgriculture
Wolrdwide Responsible Apparel Production
Working Rights Consortium
-
RÉSUMÉ
Ce mémoire porte sur le potentiel de régulation des certifications sociales et environnementales dans un contexte de mondialisation de l'économie. Plus précisément, ce mémoire se concentre sur la capacité du commerce équitable, de l'agriculture biologique et des codes de conduite à améliorer les conditions de vie des collectivités du Sud en proie à la crise «globale» du coton.
Depuis le milieu des années 1990, l'industrie du coton, de la production à la confection textile, traverse une crise sans précédent qui se concrétise sur les plans social, économique et environnemental. Pour de nombreux auteurs, cette crise est liée à l'incapacité du système de régulation conventionnel à exercer son pouvoir dans le nouveau paysage mondialisé. Certains d'entre eux posent ainsi les certifications sociales et environnementales comme de nouvelles forces de régulation alternative mieux adaptées au contexte de la mondialisation puisque leur influence transcende les frontières. C'est dans ce contexte que nous nous intéressons au potentiel de régulation du commerce équitable, de l'agriculture biologique et des codes de conduite en proposant de voir si ces certifications permettent d'améliorer réellement et durablement les conditions de vie des collectivités du Sud affectées par la crise du coton.
Pour répondre à nos questions de recherche, nous avons décidé d'étudier une filière de coton certifié biologique et équitable en Inde. Notre collecte de données a été réalisée à partir d'une observation participante effectuée à toutes les étapes de la filière textile, de la rédaction d'un joumal ethnographique, d'une collecte documentaire et d'un corpus d'entrevues, menées pour la plupart avec des producteurs et des travailleurs de l'industrie textile.
Il ressort de notre mémoire que les certifications permettent dans l'ensemble d'améliorer les conditions de vie des populations du Sud. D'abord, dans le contexte de la crise «globale» du coton, elles permettent de combler les failles du système en diminuant les problèmes rencontrés par les producteurs et les travailleurs du secteur textile. De plus, notre étude de cas révèle que les certifications renforcent les liens de partenariat entre tous les acteurs de la filière textile, permettant ainsi aux producteurs d'en devenir pour la première fois des parties prenantes. Finalement, la filière biologique et équitable a modifié les tendances actuelles associées aux chaînes d'approvisionnement textile (mobilité, segmentation, sous-traitance), ce qui démontre que les certifications ont un véritable pouvoir de transformation. Cependant, nous soutenons que lorsque ces changements ne sont pas accompagnés par un processus d'autonomisation, ils ne sont pas susceptibles de perdurer: tel est le cas des ouvriers que nous avons rencontrés. Nous concluons que l'inaptitude des certifications à .créer une dynamique globale de développement souligne l'importance de les considérer comme des alternatives complémentaires à la régulation traditionnelle puisqu'elle seule a le pouvoir d'édicter des normes et règles profitables à tous.
MOTS-CLÉS: AGRICULTURE BIOLOGIQUE, COMMERCE ÉQUITABLE, CODE DE CONDUITE, RÉGULATION ALTERNATNE, CHAÎNE D'APPROVISIONNEMENT TEXTILE, CRISE DU COTON, INDE
-
INTRODUCTION
En l'espace de quelques années, nous avons assisté à une importante transformation du
paysage économique mondial. L'intensification des flux de biens, de services et de capitaux a
contribué à l'intégration économique croissante des pays du monde entier (Stiglitz, 2006).
Cette intégration économique, souvent désigné sous le terme de la mondialisation de
l'écononomie, devait apporter une prospérité sans précédent à tous, aux populations du
monde développé comme à celles du monde en développement. Mais à l'heure des bilans, les
résultats tant escomptés peinent à se matérialiser. Au contraire, la liste des torts reprochés à
ce processus économique est déjà longue et s'accroît tous les jours: recrudescence de la
pauvreté, inégalités sociales, perte de la biodiversité, insécurité alimentaire, violations des
droits humains, pollution, dégradation de l'environnement et réchauffement planétaire n'en
sont que quelques ex.emples.
Comme l'indique Stiglitz, le problème ne vient pas de la mondialisation en tant que telle,
mais plutôt de la façon dont elle a été gérée: « l'économie a été sa force motrice ( ... ) mais
c'est la politique qui lui a donné forme» (Stiglitz, 2006 p. 37). Les pays industriels ont
modelé la mondialisation pour qu'elle fonctionne dans leur intérêt et pour le moins qu'on
puisse dire, « ils n'ont pas du tout cherché à élaborer un ensemble de règles justes et encore
moins de règles conçues pour apporter plus de bien-être aux populations les plus pauvres du
monde » (Idem). Au fmal, ce sont les grandes multinationales et les économies dominantes
qui en sortent gagnantes laissant derrière les pays pauvres et leurs populations.
Selon nous, le secteur textile, incluant l'activité de la production du coton, est un exemple
particulièrement éloquent des impacts de la mondialisation de l'économie sur les collectivités
du Sud. Dans le seçteur de la confection, l'ouverture des frontières, la création de zones
franches et le démantèlement de l'Accord MultiFibres (AMF) ont exacerbé la concurrence
entre les pays et les travailleurs du monde entier. Au même moment, le nouvel ordre
économique, en consacrant l'entreprise mondialisée, a contribué à augmenter le pouvoir des
grands distributeurs et des marques de vêtements. Ces derniers, qui se retrouvent au sommet
des chaînes d'approvisionnement textile utilisent leur grande mobilité pour exercer des
-
2
pressions à la baisse sur les pays en développement intéressés à recevoir des investisseurs
étrangers. De telle sorte que pour attirer les multinationales de la mode, les pays du Sud sont
contraints d'offrir les meilleures conditions d'investissement et d'exploitation possible. Cela
se traduit dans les faits par un assouplissement de leurs réglementations sociales et
environnementales contribuant à la baisse des conditions de travail et à la dégradation
environnementale.
Dans le secteur de la production, la situation n'est guère plus réjouissante. Depuis le milieu
des années 1990, une crise de surproduction affecte le prix du coton à la baisse alors qu'au
même moment les coûts de production des cotoncuiteurs ne cessent d'augmenter, notamment
à cause de l'utilisation exponentielle de produits chimiques. Cette situation diminue
considérablement les revenus des producteurs et affecte leur santé en plus d'avoir des
répercussions sur l'environnement. En Inde, la conjoncture de la détérioration des termes des
échanges, de l'utilisation abusive de pesticides et du recours de plus en plus fréquent aux
organismes génétiquement modifiés (OGM) a conduit des milliers de cotonculteurs vers une
crise d'endettement sans précédent. Devant l'absence de solution, des milliers d'entre eux se
sont suicidés.
Face à ces injustices et à l'inaptitude des instances de régulation traditionnelles à exercer leur
pouvoir sur les activités économiques des grandes multinationales, de nouvelles mobilisations
sociales sont nées. En tant que contre-mouvement, ces initiatives cherchent à transformer le
visage actuel de la mondialisation en incluant dans le système économique dominant des
valeurs sociales et environnementales (Raynolds et Wilkinson, 2005). L'économie sociale et
solidaire, le commerce équitable, la consommation responsable et les investissements
éthiques en sont quelques exemples. En introduisant des valeurs non marchandes (sociales,
environnementales) dans l'arène commerciale, ces nouveaux mouvements sociaux ont
contribué à la prolifération récente des certifications, des labels et des codes de conduite
(Gendron, 2005).
Dans le cadre de ce mémoire, c'est justement à ces outils de la consommation responsable
que nous nous intéressons puisqu'ils ont été présentés par de nombreux auteurs comme de
nouvelles formes alternatives de régulation. Plus précisément, nous cherchons à savoir si
l'agriculture biologique, le commerce équitable et les codes de conduite peuvent contribuer à
-
3
l'amélioration des conditions de vie des collectivités du Sud en proie à la crise du coton. Pour
répondre à cette question de recherche, nous avons choisi d'étudier le cas d'une filière
biologique et équitable en Inde. Ce pays est le deuxième plus grand producteur de coton au
monde, il est très actif dans le secteur de la confection textile et les producteurs et ouvriers de
ce pays sont particulièrement affect.és par la crise du coton.
Dans le premier chapitre de ce mémoire, nous présenterons les différents facteurs de crise qui
affectent les filières de la production de coton et de la confection textile. D'une part, il sera
question des enjeux du secteur de la production et d'autre part, nous exposerons les
problèmes associés au secteur de la transfonnation et de la confection textile. Nous verrons
que bien que la crise de surproduction et la chute des prix constituent W1 enjeu de taille du
secteur de la production, d'autres facteurs menacent tout autant, sinon plus, les revenus et le
bien-être des cotonculteurs, notamment l'utilisation des pesticides, le coût des intrants
chimiques et la présence des semences OGM. Dans le secteur de la transfonnation et de la
confection textile, nous constaterons que les problèmes sont surtout d'ordre social et
concernent principalement les mauvaises conditions de travail dans les ateliers. Après avoir
démontré que ces problèmes rencontrés tout au long de la filière textile sont les conséquences
d'un manque de régulation, nous parlerons des alternatives de régulation que représentent les
certifications sociales et environnementales.
Dans notre second chapitre, nous nous intéresserons à trois initiatives de régulation
alternative qui nous semblent particulièrement adaptées aux problèmes identifiés aux
différentes étapes de la chaîne d'approvisionnement textile. 11 s'agit de l'agriculture
biologique, du commerce équitable et des codes de conduite. L'objectif de ce chapitre est de
saisir le potentiel qui recèle chacun de ces outils pour améliorer les conditions de vie des
collectivités du Sud dans le contexte de la crise « globale» du coton. Pour atteindre notre but,
nous exposerons le projet porté par chacune de ces trois alternatives de même que son
fonctionnement, les principes qu'elles mettent de l'avant et les systèmes de garantie à travers
lesquels elles se concrétisent. Nous découvrirons que l'agriculture biologique se présente
comme une initiative particulièrement prometteuse pour contrôler les impacts
environnementaux de la crise du coton alors que le commerce équitable semble être un outil
tout indiqué pour les problèmes d'ordre économique. Pour leur part, les codes de conduite
-
4
apparaissent comme des réponses aux violations des droits humains ayant cours dans le
secteur de l'industrie textile. Au terme de ce chapitre, nous serons en mesure de poser nos
questions de recherche. À savoir, la filière biologique et équitable au Sud permet-elle aux
collectivités d'améliorer leurs conditions de vie? Plus précisément, nous nous poserons les
trois questions suivantes: les certifications arrivent-elles à amenuiser, voire éradiquer les
impacts de la crise « globale» du coton ? Les certifications sociales et environnementales
peuvent-elles modifier la structure de gouvernance de la chaîne d'approvisionnement textile
afm de refléter une répartition plus équitable du pouvoir? Finalement, la filière biologique et
équitable peut-elle être considérée comme un vecteur d'autonomisation pour les acteurs qui y
participent?
Dans le troisième chapitre, nous présenterons notre démarche méthodologique. Nous
expliquerons notre choix quant à l'approche de recherche qualitative et l'étude de cas comme
stratégie de recherche. Nous discuterons des outils de collecte et d'analyse que nous utilisons
dans ce mémoire, à savoir l'observation participante de laquelle émergera un journal
ethnographique; la collecte de données pour enrichir notre observation participante et faciliter
l'écriture de notre monographie de l'organisation, et des entrevues semi-dirigées réalisées
auprès des producteurs et des travailleurs qui feront l'objet d'une analyse de contenu. Enfin,
nous aborderons le thème de la validité interne et externe de nos résultats.
Au quatrième chapitre de ce mémoire, nous présenterons la première partie de nos résultats
de terrain en exposant la monographie du cas étudié dans le cadre de cette recherche. À cette
étape, le lecteur découvrira le profil général des deux organisations qui composent la filière
biologique et équitable, soit le projet Organic Cotton Program in India et l'entreprise
Rajlakshmi Pvt Ltd, et le parcours détaillé réalisé par les fibres de coton du champ jusqu'au
vêtement prêt-à-porter. Il sera ensuite question de \' opérationnalisation sur le terrain des
principes de l'agriculture biologique, du commerce équitable et des codes de conduite.
Le cinquième chapitre de ce mémoire constitue la seconde partie de nos résultats; nous
exposerons le discours des producteurs et des ouvriers du secteur textile. Plus précisément,
nous nous intéresserons aux changements vécus et perçus par les acteurs de la filière textile
depuis qu'ils participent à une initiative de certification afin de voir en quoi cela constitue des
améliorations. Nous nous intéresserons également aux discours des organisations
-
5
responsables de la mise en œuvre des certifications afin de comprendre les difficultés et les
bénéfices associés à l'adoption d'une certification.
Enfin, dans le sixième chapitre, nous répondrons à nos questions de recherche. Nous y
verrons dans un premier temps, que les certifications sont de bons outils de correction du
marché pour ce qui a trait aux. facteurs de la crise du coton. Dans un deuxième temps, nous
découvrirons que les certifications, et plus particulièrement celle du commerce équitable et de
l'agriculture biologique, ont permis de tisser des liens de coordination étroits entre les acteurs
de la filière textile et ce, au grand bénéfice des producteurs qui sont maintenant considérés
comme des parties prenantes de la chaîne d'approvisionnement textile. Nous démontrerons
également que les certifications, lorsqu'elles sont jumelées à un projet innovateur, possèdent
un pouvoir de transformation important et cela s'est traduit dans le cas étudié par la mise en
place d'une filière complètement différente de celle rencontrée dans le circuit conventionnel.
Enfin, nous constaterons que si la filière biologique et équitable s'avère être un vecteur
d'autonomisation efficace pour les producteurs, les codes de conduite du secteur de la
confection ne rencontrent pas le même succès.
-
CHAPITRE 1
CRISE DU COTON ET MONDIALISATION
Pour comprendre les mondialisations, celles d'hier et d'aujourd'hui, rien ne vaut l'examen
d'un bout de tissu (Orsena, 2006, p. 17)
De la production du coton à la fabrication d'un vêtement, la route est longue. Dans une étude
récente, l'économiste Richard Gerster reconstituait le parcours d'une paire de jeans, de la
production du coton à sa vente en magasin (in Parmentier, 2006a). Le voyage commence
dans les champs de coton de l'Inde et se termine sur les tablettes d'une boutique en Suisse.
Entre les deux, le coton est passé par la Chine (filage), les Philippines (tissage et teinhHe), la
Pologne (assemblage) et la Grèce (lavage et finition). Tout au long de ce parcours, à chacune
des étapes de la production, les problèmes rencontrés sont nombreux pour ceux et celles qui
produisent et transforment le coton; chute des prix de la matière première, endettement,
mauvaises conditions de travail, problèmes de santé et problèmes environnementaux.
L'objectif de ce premier chapitre est de souligner, pour chaque étape de la production d'un
vêtement, les principaux facteurs de crise qui affectent les filières textiles. Nous présenterons
dans un premier temps les enjeux du secteur de la production afin de poursuivre avec les
problèmes liés au secteur de la transformation et de la confection textile. Nous avons décidé
de présenter ces deux derniers secteurs conjointement, car ils renferment, à quelques
exceptions près, les mêmes enjeux.
La filière textile est composée de trois grands secteurs; le secteur de la production, de la
transformation et celui de la confection (voir figure 1). Le secteur de la production comprend
la culture du coton et l'égrenage. Le secteur de la transfornlation inclut pour sa part toutes les
étapes de la transformation de la fibre telles que le filage, le tissage, la teinture et
l'ennoblissement. Finalement, le secteur de la confection textile correspond aux étapes liées à
la fabrication du vêtement comme le découpage, l'assemblage (couture), l'imprimerie, la
-
8
broderie, la vérification et l'emballage. Le secteur de la production du coton et celui de la
confection textile sont deux secteurs à forte concentration de main-d'œuvre alors que le
secteur de la transformation textile est davantage automatisée ce qui permet de diminuer les
coûts de production. Dans ce travail, nous utilisons le terme de l'industrie textile lorsque nous
souhaitons parler à la fois du secteur de la transformation et de la confection textile. Nous
conservons celui de la production lorsqu'il est question de la culture du coton et de son
égrenage.
Industrie textile
Secteur de la Secteur de la Secteur de la confection - production - transformation ~ r--.
3. Filage1. Culture du coton 7. Découpage4. Tissage2. Égrenage 8. Assemblage (couture) S. Teinture 9. Finition (imprimerie, broderie)
6. Ennoblissement 10. Emballage
Figure 1.1 : Les étapes de la filière textile
1.1 Les facteurs de crise du secteur de la production du coton
Le teIIDe de « la crise du coton» est communément utilisé afin de désigner la chute des prix
de la matière première, la crise de surproduction qui sévit dans ce secteur et le litige entourant
les subventions «illégales» que certains pays, États-Unis en tête, accordent à leurs
cotonculteurs. Cependant, comme nous allons le voir, la crise du coton est loin de se limiter à
ces problèmes. Dans ce travail, le terme de la crise du coton sera utilisé afin de désigner la
crise « globale» du coton, c'est-à-dire tous les enjeux (économiques, environnementaux,
sociaux, culturels, politiques) qui affectent négativement le secteur du coton et que nous
présentons dans cette première section. Il sera d'abord question de l'instabilité et de la baisse
des cours du coton, de son impact sur les populations du Sud et des causes de la crise de
surproduction. Dans un deuxième temps, nous nous intéresserons à l'impact de la culture du
coton sur l'environnement et la santé humaine. Nous parlerons ensuite du coton
génétiquement modifié puisque son utilisation soulève des questions quant aux impacts
environnementaux (perte de biodiversité), sanitaires (effet sur la santé) et économiques
-
9
(dépendance) (Parmentier et Bailly, 2005). Nous terminerons cette section en présentant le
cas concret des producteurs de coton indiens afin d'illustrer la gravité que peut prendre cette
crise « globale» pour des millions de personnes au Sud.
1.1.1 La chute des prix du coton et ses impacts sur les pays en développement
Depuis le milieu des années 1990, en plus d'être très instable', le prix du coton est souvent à
la baisse. Sur l'ensemble de la saison 1994/1995, il était de 91.10 cents US la livre. En
1999/2000, il n'était plus que de 52.80 cents us la livre. En octobre 2001, le cours mondial a
atteint le seuil de 35 cents la livre, son plus bas niveau depuis novembre 1972 (Parmentier et
Bailly, 2005). En termes réels, le revenu moyen par hectare a diminué au cours des cinq
dernières décennies, et ce, malgré l'augmentation des rendements2 (Estuar, 2006).
Évolution du prix du coton de 1988 à 2008, U.S cent IIivre, source: Nee
.~.. ....-_.100 90 "'\80
.~.'\ /' Cl 70 1 1 ~ 1 / i\ /
'5 60 "" \...-~--'\..-_/ /~ 50 " """ /\
\/ ~ 30
20 10
u 40
o co Ol 0 N (X) ro Ol C;; Ol Ol Ol 0> Ol Ol Ol Ol 0 0 0 0 0 0 0 0 0 .." .." .." .." ..;. ..;. .." ..;. .." .." ..;. ..;. .." ..;. ..;. ..;. .." u t'; u u u u u tl u u t'; tl u u u u u u u U ,::1
00 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
-
10
directement de la production et de l'exportation de l'or blanc (Oxfam, 2002). De plus, cette
région exporte plus de 95% de son coton à l'état brut, le rendant très vulnérable aux cours
mondiaux. Une faible baisse affecte grandement la capacité des producteurs à répondre à
leurs besoins vitaux. D'ailleurs, certains experts soulignent la corrélation directe entre la
chute des prix mondiaux du coton et l'aggravation de la pauvreté rurale en Afrique. À titre
d'exemple, une étude menée au Bénin par Minot et Daniels, (2002) révèle qu'une chute de
40% du prix du coton, qui équivaut au déclin qui a eu lieu entre décembre 2000 et mai 2002,
entraÛ1erait une augmentation de 8% de la pauvreté rurale alors que 22% des exploitations
familiales de coton passeraient sous le seuil de la pauvreté3. Cette situation vient s'ajouter au
faible niveau de service public qui caractérise déjà ces régions et à la pauvreté. La chute des
prix ne fait qu'exacerber cette situation, car non seulement elle prive le producteur de revenus
essentiels, mais elle engendre de fortes pertes pour les économies nationales. En effet, le
coton joue un rôle important dans plusieurs de ces économies. Pour le Bénin, le Burkina
Faso, le Mali et le Tchad, cette matière première représente en moyenne 6.5 % du produit
national brut,66% des revenus d'exportations agricoles et 33% des revenus d'exportations
(Oxfam, 2002). Dans la région de l'AfIique de l'Ouest, les revenus d'exportation liés au
coton ont chuté de 31 % entre la saison 1999/2000 et 2001/2002 alors que la production avait
augmenté de 14 % (IDEAS Centre, 2005). Cette baisse des revenus affecte grandement la
capacité des États à investir dans des secteurs publics tels que l'éducation et la santé en plus
de les priver de devises étrangères essentielles au remboursement de leurs dettes (Parmentier
et Bailly, 2005). L'Afrique de l'Ouest, bien qu'elle soit la plus durement touchée n'est pas la
seule région affectée. Le gouvernement indien établit le coût total de la baisse des cours
mondiaux à 1,3 milliards de dollars pour la saison 200112002 alors que le Brésil estime avoir
perdu 640 millions de dollars pour la même période (Oxfam, 2002).
1.1.2 Les causes à l'origine de la chute des prix du coton
Conune l'expliquent de nombreux auteurs, la chute des prix du coton est liée à une crise de
surproduction chronique. La production mondiale de coton a quintuplé, passant de 6,6
3 Cela implique une réduction de 7% du capital rural à court terme et de 6% du capital rural à long tenne. Un tel déclin peut conduire selon les auteurs à l'augmentation de j'indice de pauvreté des producteurs de coton de 37% à 59% et à une augmentation de 40% à 48% dans l'incidence moyenne de pauvreté rurale (Minot et Daniels, 2002).
-
Il
millions de tonnes en 1950-1951 à plus de 26 millions de tonnes en 2004-2005 alors que la
demande n'a pas suivi le même rythme de croissance (Baffes, 2005). Ainsi, sur le marché
international, l'offre reste constamment supérieure à la demande tirant les cours mondiaux du
coton vers le bas. Les facteurs à l'origine de cette crise sont multiples. Trois d'entre eux sont
particulièrement importants, soit la concurrence de la fibre synthétique, l'augmentation du
rendement dû au développement biotechnologique et les subventions que certains États
accordent à leurs cuLtivateurs de coton.
1.1.2.1 La concurrence des fibres synthétiques et l'augmentation du rendement grâce au développement technologique
La part du coton dans la consommation mondiale de fibre est passée de 68% en 1960 à 39%
en 2002 alors que pour la même période, la consommation de fibres synthétiques est passée
de 22% à 58% (Suppan, 2007, Baffes, 2005). Ces évènements ont marqué le déclin relatif du
coton vis-à-vis du synthétique. Quant à l'augmentation du rendement grâce au
développement technologique, il y a cinquante ans, le rendement moyen mondial était de 230
kilogrammes de fibre par hectares alors que pour la saison 2004-2005, des rendements de
1300 kglha ont été observés en Australie et en Turquie (Kooistra et al,2007). Cette
augmentation s'explique de plusieurs façons. D'abord, il y a l'amélioration des semences
dans le secteur du coton, notamment l'hybridation4 et l'utilisation de plus en plus importante
de l'irrigation et de puissants produits chimiques (fertilisants, insecticides, pesticides). La
diffusion commerciale, depuis 1996, des variétés de coton génétiquement modifié a
également contribué à cette hausse (Estuar, 2006, Baffes, 2005). On estime qu'en 2004-2005,
année exceptionnellement élevée en termes de rendement, plus de 24% des surfaces étaient
occupés par des plants de coton OGM contre seulement 2% en 1996-1997 (Estuar, 2006).
Finalement, la substitution de surfaces de coton peu productives (Amérique latine, Union
4 Le souci d'augmenter les rendements et la qualité du coton a suscité le besoin d'accroître la qualité des semences utilisées. L'hybridation consiste à croiser différentes variétés de coton afin d'en obtenir une semence plus performante. L 'hybridation se réalise à la main et doit être recondui te à chaque nouvelle saison (Parmentier et Bailly, 2005 p. 96)
-
12
Soviétique) par des surfaces plus productives en Australie, au Brésil et en Chine (Idem)
contribue également à cette hausse des rendements5 (Kooistra et al, 2007)
1.1.2.2. Les subventions au coton
Depuis la tenue de la cinquième Conférence Ministérielle de l'OMC à Cancun en septembre
2003, la question des subventions au coton accordées par les États-Unis et l'Union
Européenne à leurs cotonculteurs occupe le devant de la scène politique internationale. Pour
plusieurs auteurs, ces subventions sont la principale cause de la baisse des cours mondiaux
du coton. Si ces subventions attirent autant l'attention, c'est qu'au-delà du fait qu'elles
contribuent à la crise de surproduction, elles sont une illustration parfaite de l'inégalité dans
l'application des règles qui régissent les échanges internationaux. Comme nous allons le voir,
le conflit actuel à l'OMC oppose les pays de l'Afrique de l'Ouest aux États-Unis et à l'Union
Européenne. Ainsi, les petits cultivateurs de coton de l'Afrique se retrouvent en concurrence
directe avec les grands producteurs subventionnés des pays occidentaux. Mais avant
d'aborder les enjeux de ce conflit, nous souhaitons souligner l'ampleur des subventions au
coton, du dwnping à l'exportation et de leurs impacts sur les cours mondiaux. Ensuite, nous
aborderons la question du litige à l'OMC.
1.1.2.2.1 Les subventions à l'exportation
C'est en 2002 que les subventions aux producteurs de coton ont été les plus élevées,
atteignant 3.9 milliards aux États-Unis, 1.2 milliard en Chine et près de 1 milliard dans
l'Union Européenne (Baffes, 2005, Oxfam 2002). En 2004-2005, le montant global des
soutiens directs au coton était estimé à 4,7 millions de dollars, dans une dizaine de pays
contribuant pour la moitié à la production mondiale (Idem). Les subventions maintiennent la
production de coton à des niveaux non rentables dans les pays industrialisés, contribuant de la
sorte à la crise de surproduction et réduisent, pour les pays en développement, les possibilités
d'exporter vers les marchés des pays qui subventionnent (FAO, 2004a).
5 Le pourcentage de terres arables cultivées sous forme de coton est resté à peu près le même depuis les cinquante dernières années, soit 2,5%. Toutefois, les variations interannuelles et interrégionales sont importantes (Kooistra et al, 2007).
-
13
D'autre part, les subventions à l'agriculture sont à l'origine du dumping à l'exportation du
coton. C'est-à-dire qu'elles permettent aux producteurs des pays subventionnés d'exporter
leur coton à un prix inférieur aux coûts de production qui y sont attachés (Parmentier et
Bailly, 2005). Sans les subventions, les producteurs de ces pays cesseraient de produire du
coton, car les exportations ne seraient pas rentables. Ainsi, en cessant d'exporter, ces pays
délaisseraient leur part de marché aux autres pays producteurs qui ont des coûts de
production plus faibles. Aussi, le dumping à l'exportation contribue à la chute chronique des
prix internationaux du coton-fibre. D'une part, «à demande constante », il entraîne un
accroissement de l'offre de coton commercialisée sur le marché mondial. D'autre part,
lorsqu'il est le fait d'un acteur majeur du marché comme le sont les États-Unis ( ... ), il
influence davantage la formation des prix qui s'y établissent» (Parmentier, 2006a: 12). Le
dumping à l'exportation prive également les filières peu ou pas subventionnées de parts de
marché potentielles aux niveaux local et international.
Étant le troisième plus grand producteur de coton au monde et le premier pays exportateur
représentant en moyenne 40% des exportations mondiales dans les six dernières années, les
États-unis sont les plus grands responsables du dumping à l'exportation du coton. En 2003,
ils ont exporté plus de 70% de leur production de coton CFAO, 2004a) alors que ce chiffre
était de 50% pour l'année 2004 et 2005 (ICAC, 2006 in Estuar, 2006). En 2002, le coton
américain a reçu des subventions pouvant atteindre 61 % des coûts réels de production6
(Oxfam, 2002). Ces subventions ont permis aux États-Unis d'augmenter les surfaces
cultivées en coton et d'augmenter leur exportation alors que le coton américain est l'un des
moins compétitifs à l'échelle mondiale? (Kooistra et al, 2007). Les subventions américaines
créent un désavantage considérable pour les petits agriculteurs qui disposent de peu de
ressources et ne bénéficient pas de soutien financier de la part de leur gouvernement.
6 Chaque acre de terre cotonnière aux États-Unis reçoit en moyenne chaque année une subvention de 230 dollars (Oxfam, 2002). 7 Selon Oxfam, (2002) les coûts de production par livre de coton sont trois fois plus élevés aux États
unis qu'au Burkina Faso.
-
14
1.1.2.3 L'impact des pratiques de subventions sur les cours mondiaux du coton
L'impact des pratiques de subventions sur les cours mondiaux du coton a inspiré les études
de plusieurs économistes et chercheurs. En 2004, la FAO publiait un dossiers dans lequel elle
comparait Il études analytiques quant à l'impact sur les pays en développement, et en
particuliers les pays d'Afrique centrale et de l'ouest, des pratiques de subventions des pays
développés (FAO, 2004b). Les études sont basées pour la plupart sur la saison 2000-2001.
Tous les modèles démontrent que l'offre excédentaire encouragée par des subventions
intérieures des États-Unis et de l'Union Européenne entraîne une baisse du cours mondial sur
le marché. Toutefois, l'ampleur de cette baisse varie considérablement d'une étude à l'autre.
L'étude la plus « maximaliste» soutient qu'en l'absence de subventions, le cours mondial
aurait été en 200112002 supérieur de 72,4% (31 cents U.S de plus la livre) à ce qu'il était
effectivement, alors que l'étude la plus minimaliste évalue ce même pourcentage à 2,8% (0,2
cent U.S de plus la livre).
Toutes les études démontrent également que la suppression des subventions intérieures dans
les pays industrialisés aurait pour conséquence de baisser la production de ces pays. À titre
d'exemple, en cas de suppression des subventions, les États-Unis auraient vu leur production
diminuer de 1,5 % à 29,1 % pour l'année 2000/2001. L'augmentation des cours du coton et la
baisse de production des pays industrialisés induites par l'arrêt des subventions sont deux
facteurs qui contribueraient aux gains des pays en développement. D'une part, cela leur
permettrait d'augmenter leur production, et d'autre part, d'augmenter le prix obtenu pour leur
coton. L'AOC est la région qui bénéficierait le plus des arrêts de subventions. Selon les
études recensées par la FAO, le retrait total des subventions pour l'année 2000-2001 aurait eu
pour effet d'augmenter les recettes d'exportation des pays d'AOC au minimum de 26
millions de $U.S et au maximum de 504 millions de $ U.S (FAO, 2004b).
Au-delà des divergences dans l'estimation des impacts, ces résultats démontrent que les
subventions au coton ont une incidence sur la structure mondiale de la production, les cours
du marché mondial et sur le commerce international du coton. Les études fournissent
également une indication utile sur les gagnants et les perdants en cas de réduction ou de
8 FAü, 2004. Dossiers de Politique Commerciale de la FüA concernant des questions liées aux négociations sur l'agriculture à l'üMe. « N° 1. Coton: impact des mesures de soutien sur les pays en développement? Pourquoi les chiffres varient-ils? ».
-
15
suppression des subventions accordées au coton (FAO, 2004b). Selon la FAO, «les
subventions font baisser les cours mondiaux du coton» (FAO, 2004b p. 3) et des réductions
de subventions permettraient d'atténuer la pauvreté dans les pays en développement qui
produisent du coton (Idem). Nous reparlerons de l'impact de l'arrêt des subventions sur les
producteurs de coton américains au point 1.1.2.6. Pour l'instant nous souhaitons présenter
comment la question est traitée à l 'OMC.
1.1.2.4 La question des subventions et du dumping à l'exportation à l'üMC
En 1995, l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) a été remplacé par
l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Orienté vers la libéralisation des échanges,
l'OMC se donne alors comme objectif d'établir un système conunercial plus juste pour tous
ses membres, et ce, même pour des champs autrefois non couverts par le GATT tels que
l'agriculture (Adda, 2006, p. 215). Ainsi, avec l'avènement de l'OMC, les volumes des
exportations subventionnées devaient être considérablement réduits pour tous les produits
agricoles (Idem). Pour parvenir à réguler le commerce international des produits agricoles,
l'OMC a créé l'Accord sur l'Agriculture (Asa). Cet accord est principalement basé sur trois
piliers: les subventions à l'exportation, les soutiens internes et l'accès au marché.
En ce qui concerne les subventions à l'exportation et les soutiens internes, l'OMC reconnaît
différentes catégories de subventions selon l'incidence qu'elles ont sur les prix du marché. En
l'occurrence, elle distingue les subventions à l'exportation des subventions appartenant à la
catégorie des «soutiens internes », et classe ces soutiens internes dans des «boîtes» de
couleurs différentes (orange, vert et bleu) en fonction du degré de distorsion des échanges
qu'ils occasionnent. Donc, au total, quatre catégories de subventions existent à l'OMC.
Premièrement, il y a les subventions à l'exportation, spécialement destinées à soutenir les
exportations, elles sont considérées comme les plus distorsives des échanges et sont
proscrites par l'OMC9. Deuxièmement, il y a les subventions de la « boîte orange ». Ces aides
sont couplées, c'est-à-dire qu'elles sont ,liées aux quantités produites, ou aux prix de l'année
en cours. L'OMC considère qu'elles entraînent une distorsion de la production et des
échanges dans la mesure où elles stimulent la production, favorisent la surproduction et
subventionnent indirectement une production exportée. Ces subventions sont tolérées jusqu'à
9 À (' exception de celles figurant sur des listes d'engagements des États-membres.
-
16
5% de la valeur de la production pour les pays développés et 10% pour les pays en
développement lO • Les pays les moins avancés (PMA) ne sont pas concernés. Troisièmement
on retrouve les subventions de la « boîte verte ». Selon l'OMC, ces aides agricoles induisent
de minimes effets de distorsion des échanges. Elles consistent en un soutien direct du revenu
de l'agriculteur qui n'est ni lié à la quantité produite ni aux cours en vigueur sur le marché.
Enfin, il y a les subventions de la « boîte bleue ». Elles correspondent à des aides, qui à
première vue relèvent de la boîte orange, mais elles ne sont accordées à l'agriculteur que
moyennant une limitation de la production. L'OMC qualifie la boîte bleue de « catégorie
orange assortie de conditions» qui visent à réduire les distorsions des échanges (Parmentier
et Bailly, 2005, p. 26-27). Finalement, concernant le dernier pilier qui est l'accès au marché,
tous les pays signataires de l'Asa doivent remplacer leurs mesures de restrictions à
l'importation, dont les contingentements, par des droits de douanes ordinaires. (Idem p. 31).
1.1.2.4.1 La plainte du Brésil et des pays africains
Considérant les études qui ont été publiées sur l'impact des subventions sur le cours mondial
du coton et les règles de l'AsA, en 2003, le Brésil a déposé une plainte contre les États-Unis
pour violation des règles de rOMC auprès de l'Organe de règlement des Différents\l (ORD).
Le Brésil estime alors qu'il a perdu près de 640 millions de dollars pour la saison 200112002
(Estuar, 2006). Le 26 avril 2004, l'OMC émet un jugement en faveur du Brésil. Selon
l'organisation, 3,2 milliards de dollars U.S de subventions alloués au secteur du coton, et 1,6
milliard de dollars américains de crédits à l'exportation étaient effectivement illégaux au
regard de la réglementation de l 'OMe. Les États-unis avaient classé des aides dans les
mauvaises « boîtes »12. Les règles finales concluent que les États-Unis sont dans l'obligation
de prendre des mesures afin d'éviter les effets néfastes de leurs subventions ou de retirer leurs
10 Les pays membres de l'OMC dont les subventions couplées dépassaient ce seuil avant 1995 se sont engagés à les réduire de 20% de 1995 à 2000 pour les pays développés et de 13,3% de 1995 à 2004 pour les pays en développement (Parmentier et Bailly, 2005). Il À sa cré~tion, l'un des objectifs de l'ORD est de faire face à la montée du bilatéralisme comme mode de gestion des conflits commerciaux. Ainsi, à la différence du GATT, dont les arbitrages pour être valables devaient être acceptés par toutes les parties, y compris la partie accusée, le mécanisme de règlements des différents de l'OMC n'admet pas de droit de veto. (Adda, 2006 p. 215). 12 À titre d'exemple, certaines aides étaient classées dans la boîte verte alors qu'elles ne sont pas découplées et d'autres avaient été classées dans la boîte orange alors qu'il s'agissait de subventions illégales à l'exportation (Parmentier et Bailly, 2005 p. 27).
-
17
subventions. À ce JOur, les États-Unis n'ont toujours pas mis en œuvre l'essentiel des
décisions rendues donc le Brésil est autorisé à imposer des sanctions commerciales aux États
Unis (Adda, 2006 p. 215). Puisque le Brésil n'est pas à même d'imposer des sanctions
commerciales aux États-Unis, ces derniers poursuivent toujours le versement des subventions
sans avoir à en payer les conséquences (Chemillier-Gendreau, 2007 p. 4). Mais le Brésil n'est
pas le seul pays à remettre en cause les subventions des pays industrialisés.
À l'initiative du Brésil, en date du 30 avril 2003, plusieurs pays d'Afrique, dont le Bénin, le
Tchad, le Mali et le Burkina Faso (C4) ont déposé devant le Conseil général de l'üMC une
proposition conjointe intitulée « Réduction de la pauvreté: Initiative sectorielle en faveur du
coton ». Cette proposition décrit les préjudices que ces quatre pays estiment subir du fait des
subventions au coton versées par certains États. Elle exige, entre autres, l'élimination de
toutes les subventions accordées par les États-Unis, l'Union Européenne et la Chine et le
paiement d'une indemnisation financière pour compenser les pertes de revenus tant que ces
subventions continuent à exister (IDEAS Centre, 2007). Ces pays demandent que les
principes de base de l'üMC soient respectés, que la concurrence soit loyale et les échanges
équitables. À la cinquième Conférence Ministérielle de rüMC à Cancun, aucun engagement
ne fut pris pour répondre à la demande africaine13 . Toutefois, le 22 avril 2004, l'Union
Européenne annonce qu'elle supprime ses subventions les plus distorsives. Les soutiens de la
« boîte orange» sont alors déplacés vers la « boîte bleue» et la «boite verte» mais le
montant total des aides reste le même (Parmentier et Bailly, 2005, p. 34). Lors de la 6e
Conférence Ministérielle de l'üMC, à Hong Kong en décembre 2005, les pays du C4 ont
obtenu la promesse d'une élimination des subventions cotonnières à l'exportation des pays
développés pour le 31 décembre 2006. Les États-unis ont alors procédé à l'élimination
effective le 1er août 2006 des subventions à l'exportation sans toutefois mettre fin à leurs
subventions internes au coton. Ceci est un coup d'épée dans l'eau puisque «ces subventions
constituent la plus grande part des subventions « distorsives» [des États-Unis]»
(Parmentier, 2006a). Sept mois plus tard, en juillet 2006, Pascal Lamy, directeur général de
13 On leur conseille plutôt d'orienter leurs « ressources existantes vers la diversification de leurs économies dans lesquelles le coton représente la majeure partie de leurs PIB» (OMC, 2007 in Parmentier et Bailly, 2005 p. 30).
-
18
l'OMC, annonçait la suspension des négociations commerciales du cycle de Doha dans leur
ensemble, expliquant qu'il y avait des désaccords trop profonds entre États-membres sur la
globalité des dossiers discutés (IDEAS Centre, 2007). Cet arrêt laisse les pays du C4 en
suspens et pendant ce temps les subventions continuent.
1.1.2.5 L'üMC : une coquille vide?
Il devient de plus en plus évident que dans le cadre de travail de l'AsA, rOMC ne permet pas
de résoudre le cercle vicieux de la surproduction structurelle du coton et des prix déprimés.
L'Asa ne parvient pas à sanctionner le dumping agricole à l'exportation qui favorise les
entreprises bénéficiant des subventions au coton des pays industrialisés (Suppan, 2007 p. 2).
Il est donc probable que les subventions agricoles seront maintenues au même niveau, même
si les gouvernements doivent changer la manière dont ils les catégorisent à l'OMC. Ainsi, les
subventions de la boîte orange seront reclassées dans la boîte verte et la boîte bleue. Mais
comme le soulignent plusieurs experts, toute subvention, quelle que soit la raison pour
laquelle elle est allouée, a pour effet de diminuer virtuellement le coût unitaire de production
de l'agriculteur. Il suffit donc qu'une partie de cette production soit exportée pour qu'on
puisse parler de subventions indirectes à l'exportation (Parmentier et Bailly, 2005 p. 32).
Sans compter que d'autres aspects du dumping, dont la répartition incontrôlée et
oligopolistique du pouvoir sur le marché des matières premières, ne font pas partie des
discussions de l'AsA ni de rOMe. À eux seuls, Allenberg Cotton, Cargill Cotton et
Ounavant Entreprises contrôlent 85-90% du commerce mondial du coton (Kripke, 2005 in
Suppan, 2007 p. 2). En l'absence de règles visant à pénaliser directement le dumping des
exportations agricoles, les membres de rOMC ont plutôt recours à l'ORD pour violation des
règles (Cassen, 2007). Le cas du Brésil en est un exemple. Seulement, le recours à l'ORO
« ( ... ) est un privilège coûteux que peu d'entre eux peuvent s'offrir» (Suppan, 2007, p. 5).
Les pays africains ne font malheureusement pas partie de ce groupe privilegié. Comme le
souligne Chemillier-Gendreau (2007), en s'unissant, les pays du C4 ont été capables de
bloquer la négociation à Cancun, paralysant depuis le cycle de Doha. Seulement « le rapport
de forces ne leur permet pas d'aller plus loin, et cette paralysie favorise le retour des accords
bilatéraux ou régionaux» (Chemillier-Gendreau, 2007 p. 1). L'auteure de préciser que dans
ce type d'accord, le rapport de force est inégal et les États et ensembles d'États les plus
-
19
puissants peuvent obtenir des États plus faibles ce qui leur a été refusé par des décisions
multilatérales à l'OMC, et même davantage (Idem). Finalement, le système de l'OMC, à
travers l'ORD et l'AsA donne sans conteste l'avantage aux grands joueurs.
1.1.2.6. La fin des subventioRs, une solution?
Face à la crise du coton, la stratégie dominante adoptée jusqu'ici consiste à condamner les
subventions considérées comme responsables de la baisse des cours. Toutefois, certains
auteurs soulignent que bien que les subventions soient condamnables et qu'elles constituent
l'une des manifestations les plus représentatives des deux poids deux mesures, il est loin
d'être certain que leur arrêt garantisse des prix plus stables et décents sur le marché. En effet,
comme le soulignent Parmentier (2006a, 2006b) et Parmentier et Bailly (2005) la
suppression, même totale, des subventions « distorsives » ne garantit pas des prix de marchés
plus « stables» ni des échanges « équitables ». D'abord, cette solution est fondée sur des
analyses erronées de l'origine du dumping (Parmentier, 2006a). Les subventions américaines
sont considérées comme étant la cause du dumping à l'exportation alors que ces subventions
sont les conséquences de changements profonds intervenus dans la politique agricole états
unienne en 1986 et en 1996. Lors de ces changements, les instruments de régulation de l'offre
et de la demande ont été supprimés induisant une baisse interne des prix du marché
américain et une forte croissance des subventions pour compenser cette baisse (Idem).
Deuxièmement, les études qui ont cherché à estimer de quel ordre serait le cours mondial en
l'absence des subventions des États-unis et de l'Union européenne sont contradictoires et
statiques, c'est-à-dire qu'elles ne s'intéressent pas à la manière dont les cours mondiaux
évolueraient à l'avenir si l'on procédait aujourd'hui à la suppression des aides. Sans compter
qu'elles sont toutes basées sur l'hypothèse d'une élimination totale des subventions alors que
la réalité correspondrait davantage à une baisse de celles-ci (Parmentier et Bailly, 2005). Or,
comme le montrent Parmentier et Bailly, les parts de marché détenues jusque-là par les
producteurs subventionnés ne feraient que passer dans les mains des producteurs
naturellement plus compétitifs: l'offre mondiale ne diminuerait pas, mais serait distribuée
différemment entre les filières capables de gérer la libre concurrence. De plus, rappellent les
auteurs, les subventions à l'agriculture restent nécessaires pour permettre aux producteurs les
moins compétitifs des pays développés de vivre décemment des fruits de leur travail. Aussi, il
-
20
serait erroné de crOire que tous les producteurs de coton américain bénéficient de ces
subventions puisque dans les faits, seulement 10% des entreprises cotonnières américaines
perçoivent 79% des subventions totales (Idem).
Par conséquent, explique Parmentier (2006a), assurer des prix décents et stables exige plus
que la seule élimination du dumping. Il faut d'abord penser à restaurer aux États-Unis les
mécanismes de régulation de l'offre qui garantissaient, jusqu'en 1996, des prix plus stables
sur le marché américain (Parmentier, 2006a p.16). Ensuite, il faut mettre en œuvre un
ensemble d'instruments de gestion tels que la gestion de l'offre, des droits de douane adaptés,
des quotas d'exportation et des contingents à l'importation pour ne nommer que ceux-là. Ces
instruments permettraient, « non seulement de résoudre ce problème « à la source », mais
apporterait en outre une réponse structurelle à l'instabilité permanente et à la baisse
chronique des prix mondiaux de « l'or blanc », et n'entraînerait pas la faillite partielle de la
production cotonnière dans le pays développé (..,) » (Parmentier, 2006b, p. 8). Sans oublier
que conjointement aux subventions, d'autres facteurs, tels que la concurrence des fibres
synthétiques, les hausses de rendements et le ralentissement de la croissance économique,
contribuent à la crise de surproduction du coton (Parmentier, 2006b).
Enfin, l'importance de la crise de surproduction ne doit pas être surestimée dans la crise
« globale» du coton. D'autres facteurs menacent également, et parfois davantage, les revenus
et le bien-être des producteurs. Notamment le choix du mode de production, l'augmentation
du coût des intrants chimiques de même que celui des semences et plus spécifiquement les
semences ~OM. L'impact de la culture cotonnière sur l'environnement et sur la santé des
producteurs a également de graves répercussions sur leur qualité de vie et celle de leur
famille. À juste titre, Suppan (2007) souligne que même si le prix du coton augmentait de
45%, jusqu'à atteindre leur niveau de 1980, pour plusieurs pays exportateurs, les coûts
environnementaux de la production du coton sont si importants qu'il faudrait nécessairement
envisager une diversification vers d'autres produits, agricoles ou non (Suppan, 2007, p. 4).
Dans les prochaines sous-sections de cette première partie, nous abordons les différents
facteurs environnementaux et sociaux de la crise du coton dans le secteur de la production.
-
21
1.2 La culture du coton et l'environnement
Les faibles cours du coton de même que la forte compétitivité sur le marché international ont
favorisé l'adoption de modes de production non durables. Afin d'augmenter les récoltes et
d'accroître les revenus, les producteurs, petits et grands, se sont tournés vers des méthodes de
production plus intensives. Cela se traduit par une utilisation accrue de produits chimiques et
un recours plus fréquent aux techniques d'irrigation. Ces techniques de production que nous
illustrerons dans cette section, ont d'importantes conséquences sur l'environnement, la faune
et la flore.
1.2.1 Le coton et les pesticides
Aucune matière première agricole ne consomme autant de produits chimiques que le coton.
La culture du coton absorbe à elle seule Il% des pesticides et 25% des insecticides utilisés
mondialement alors qu'elle ne représente que 2.5 % des terres arables à l'échelle de la planète
(Kooistra et al. 2006). Plusieurs des pesticides utilisés dans ce secteur sont parmi les
pesticides les plus toxiques qu'on retrouve sur le marché et nombres d'entre eux sont classés
par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) comme étant « très dangereux l4 » et
« extrêmement dangereux J5 » (Kooistra et al, 2006). Si ces produits sont interdits dans les
pays industrialisés, ils sont encore utilisés dans les petites fermes de coton des pays en
développement et cela principalement en raison de leur faible coût.
De nombreuses études et observations montrent que l'utilisation des produits chimiques est
très néfaste pour l'environnement. À travers les eaux d'écoulement, l'évaporation, l'air et
l'infiltration dans les nappes phréatiques, ces produits toxiques atteignent des organismes non
visés (micro-organismes, insectes) non nuisibles et ont des effets non désirés sur les
écosystèmes (Idem). À titre d'illustration, en 1995, des contaminants d'endosulfuran se sont
lessivés dans les champs de l'Alabama vers les rivières et cela a provoqué la mort de plus de
2400 poissons (Schafer, 2003 in Kooistra et al, 2006). Aussi, on estime que chaque année,
près de 67 millions d'oiseaux meurent intoxiqués aux pesticides de façon non intentiOIU1elle
14 Il s'agit entre autres du Monocroptophos, du Méthamidophos, du Triazophos, du Cypennethrin, du Thiofanex et de ]'Endosulfan (Kooistra et al, 2006). 15 Notamment, le Parathion, le Parathion méthyl et le Phosphamidon en font parti (Kooistra el al, 2006).
-
22
(idem). Enfin, au Bénin la mort de vers de terres, de serpents, de crapauds, d'abeilles et de
petits rongeurs a été observée après l'épandage de pesticides dans les champs de coton
(Parmentier et Baily, 2005).
Les cas de contamination peuvent également s'étendre aux populations vivant près des
champs de coton. En Californie, où l'épandage des pesticides se fait par voie aérienne, des
cas de contamination ont été répertoriés. De plus, en Ouzbékistan et en Colombie des cas de
contamination de l'eau, du bétail et des autres cultures ont été recensés (Kooistra et al. 2006).
Récemment en Inde, des chercheurs ont souligné la présence de pesticides dans les grandes
marques de cola et de boissons emballées vendues en grande surface (Idem).
Également, l'utilisation de fertilisants, qu'ils soient chimiques ou biologiques, favorise
l'eutrophisation des lacs. En effet, les fertilisants contiennent de l'azote et des phosphates.
Ces deux éléments, une fois dans l'eau, peuvent causer des problèmes d'eutrophisation en
favorisant la multiplication des algues au détriment des plantes et des espèces aquatiques. Ces
changements ont des impacts désastreux sur les écosystèmes aquatiques l6 . D'après Kooistra
et al (2006) 50-70% des nitrogènes et du phosphate retrouvés dans les eaux de surface ou
souterraines proviennent de l'application de fertilisants agricoles.
1.2.2 Le coton et l'eau
Pour produire lkg de coton fibre, on estime qu'entre 10000 à 17000 litres d'eau sont
nécessaires (CIRAD, 2008). Dans les régions ou la quantité d'eau reçue sous forme de
précipitation n'est pas suffisante, les agriculteurs doivent recourir à l'irrigation (Kooistra et
al, 2006). On estime que 53% des terres cotonnières mondiales sont irriguées. Pour irriguer
leurs terres, les cultivateurs détournent des rivières, construisent des barrages et installent des
pompes à eau. Dans 95% des champs de coton irrigués de l'Inde, de l'Australie, de la Chine
et de l'Ouzbékistan, l'irrigation se pratique sous forme d'inondations des terres ou de sillons.
Cette technique est la moins coûteuse, mais elle est aussi la moins effIcace, car seulement
40% de l'eau puisée à la source se rend véritablement au plant de coton (idem).
16 Nous n'avons qu'à penser à la problématique des algues bleues, problème qui prolifere dans les milieux lacustres du Québec et qui sont le résultat direct de la contamination des milieux lacustres par du phosphate.
-
23
Ces prélèvements d'eau peuvent causer un problème de salinisation accrue du sol17. En
diminuant la quantité d'eau disponible dans le sol, la teneur en sels minéraux de ce dernier
augmente risquant de rendre les terres concernées impropres à la culture. On estime que de
12 à 36% des terres de coton des plus grands pays producteurs sont affectés à divers degrés
par la salinisation 18(Idem). Également, les détournements de rivière associés aux grands
projets d'irrigation peuvent provoquer des pénuries d'eau, alors que la construction de
barrages occasionne des baisses importantes du niveau d'eau dans les rivières. À titre
d'exemple, le Nil (Égypte), le Gange (Inde), la Rivière Jaune (Chine) et la rivière Colorado
(États-Unis) sont régulièrement privées d'eau en avâl, et ce, pour de longues périodes de
temps (Kooistra et ail, 2006).
Bien que l'utilisation massive de produits chimiques et l'exploitation non durable de l'eau
sont les deux principaux éléments qui font de la culture du coton l'une des productions les
plus polluantes, ils ne sont pas les seuls. Effectivement, certains auteurs ajoutent à cette liste
les risques d'appauvrissement du sol, la déforestation l9, la perte de biodiversité et le
réchauffement planétaire global par le biais du transport des intrants chimiques et des
marchandises (Suppan, 2007, Parmentier, 2006a ; Kooista et aU, 2006).
1.3 La culture du coton et ses impacts sur la santé et les revenus des producteurs
Les effets secondaires de l'utilisation de pesticides sur la santé humaine sont maintenant
largement reconnus. L'utilisation de pesticides dans les champs de coton peut engendrer
plusieurs problèmes pour les agriculteurs, les travailleurs agricoles et les personnes qui sont
exposées aux produits chimiques. Parmi ces problèmes, on retrouve la perte de poids, des
faiblesses, des maux de tête, des tremblements, des affections des reins, du système nerveux,
du fœtus en développement, une immunodéficience du foie, le cancer de la prostate, du sein
ou du cerveau ainsi que des éruptions cutanées (Parmentier et Baily, 2005, Parmentier 2006a,
17 Augmentation de la teneur en sels minéraux (Pannentier, 2006a) 18 En Inde de 27 à 60% des surfaces de coton irriguées sont touchées par la salinisation alors que ce chiffre est de 14% pour le Pakistan, de 20% pour l'Australie et de 15% pour la Chine (Kooistra et al, 2006). 19 La déforestation n'est pas un impact direct de la culture du coton. En augmentant la surface dédiée à la culture du coton, les producteurs défrichent de nouvelles parcelles pour cultiver des cultures de subsistances. À titre d'exemple, au Bénin, où 80% des revenus de l'exportation viennent de la culture du coton, 100 000 hectares de forêt sont coupés chaque année alors qu'approximativement 2000 hectares sont convertis en coton chaque année (Kooistra et al, 2006)
-
24
Max Havelaar, 2005, Menon, 2005). On estime que globalement, chaque année 40 000 décès
sont reliés à l'application de pesticides, représentant 10% des décès dans le secteur agricole
(OMS, 2002 in Kooista et al, 2006). En Inde, une étude a été menée pendant un an auprès de
50 cotonculteurs. Durant cette période, 323 évènements ont été rapportés dont 207 étaient
assoCiés à des empoisonnements aux pesticides moyens à sévères. De ces empoisonnements,
32 étaient causés par l'organophosphate, substance hautement toxique utilisée dans 47% des
cas d'application de pesticides pour le coton en Inde (Kooistra et al, 2006).
Les problématiques liées aux empoisonnements et à la contamination aux pesticides
surviennent surtout dans les pays en développement pour plusieurs raisons. D'abord, il est
fréquent que les recommandations d'utilisation des pesticides ne soient pas suivies par
manque d'information et cela se traduit par un abus de pesticides tant en terme de quantité
qu'en nombre de pulvérisations dans une saison. De plus, puisqu'il s'agit d'une culture de
rente, les producteurs sont davantage portés à augmenter leur utilisation de produits toxiques
dans l'espoir d'avoir un meilleur rendement. Le mode d'épandage influence également à la
hausse ce nombre d'intoxications. Dans les pays en développement, dans 35% des cas, le
mode d'épandage utilisé est la pompe à main. Il s'agit de la technique pour laquelle le taux
d'intoxication est le plus élevé20 (idem). Finalement, l'absence quasi totale ou l'inefficience
d'un système législatif et de contrôle par les autorités publiques des dispositions légales
réglementant l'usage des pesticides dans les pays en développement contribue à accroître le
nombre d'intoxications et de contaminations (Parmentier et Bailly, 2005).
L'utilisation abondante de pesticides influence également à la baisse les gams des
cultivateurs de coton qui consacrent chaque année un peu plus d'argent pour l'achat de ces
produits. Les organismes « nuisibles» aux récoltes (parasites), deviennent de plus en plus
résistants aux insecticides et les mauvaises herbes tolérantes aux herbicides obligent les
cotonculteurs à employer des pesticides plus toxiques en plus grande quantité. Des études
réalisées en Inde rapportent qu'il est commun pour les cultivateurs de coton de traiter leurs
champs plus de trente fois au cours d'une seule saison (GRAIN, 2007). Sans compter que les
prix des pesticides ont tendance à augmenter d'année en année. Ainsi, l'escalade dans le
20 Dans une majorité de cas, les épandeurs, par manque de moyens financiers et d'information, ne pül1ent pas le matériel de protection recommandé tel que le masque, les gants, les bottes étanches et les vêtements longs (Kooistra et aH, 2007)
-
25
recours aux produits chimiques fait grimper les coûts de production du coton tandis que les
cours mondiaux diminuent réduisant le revenu des producteurs. Bien souvent ces derniers
n'ont d'autres choix que de s'endetter auprès d'usuriers de leur région qui appliquent des
taux d'intérêt élevés pouvant atteindre jusqu'à 50% (Sainath, 2007).
1.4 Le coton BT : succès ou échec?
En réponse il l'utilisation des produits chimiques et de leurs impacts sur l'environnement, le
coton transgénique s'est présenté à la fm des années 1990 comme une solution d'avenir.
Selon les entreprises de biotechnologie, cette variété de coton modifié génétiquement allait
permettre aux contonculteurs de réduire considérablement leur utilisation d'insecticides tout
en augmentant leur rendement, leur procurant ainsi des gains supérieurs.
Le coton BT a été inventé afin de combattre le ver de la capsule (Helicoverpas zea ou
« bollworm ») principal prédateur du coton. Les initiales BT proviennent du terme Bacillus
thuringiensis. 11 s'agit du nom d'une bactérie présente à l'état naturel dans les sols qui produit
une des toxines nocives pour les insectes de l'ordre des lépidoptères (papillons) (Parmentier
et Bailly, 2005). Des scientifiques ont réussi à isoler certains gènes à l'origine de ces toxines,
et à les insérer dans les semences de coton. Ainsi, ces semences secrètent elles-mêmes leurs
propres toxines contre les insectes de l'ordre des lépidoptères. Le coton BT permet en
principe de réduire les quantités d'insecticides utilisées et d'augmenter les rendements. Ce
coton a été développé par la compagnie Monsanto et il a été commercialisé pour la première
fois au cours de la saison 1996/1997 sous le nom de «Bollgard» aux États-Unis et de
« Ingard » e