L’EROSION COTIERE

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Dans l’ordre de rédaction des parties : 1. Edouard Van Heeswyck 2. Florian Sublet 3. Thomas Debouverie Mer et Littoral L’EROSION COTIERE Falaise d’Etretat en Haute-Normandie Institut Supérieur de l’Environnement Janvier 2012

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Dans l’ordre de rédaction des parties :

1. Edouard Van Heeswyck

2. Florian Sublet

3. Thomas Debouverie

Mer et Littoral

L’EROSION COTIERE

Falaise d’Etretat en Haute-Normandie

Institut Supérieur de l’Environnement

Janvier 2012

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Sommaire

Introduction ............................................................................................................................................ 3

1. L’érosion : phénomènes physico-chimiques ................................................................................... 5

1.1. Les facteurs d’érosion ............................................................................................................. 5

1.1.1. Les facteurs naturels ....................................................................................................... 5

Les vagues : .................................................................................................................................... 5

Les courants littoraux : ................................................................................................................... 6

Le vent : ......................................................................................................................................... 6

Les eaux d’infiltration et d’écoulement : ........................................................................................ 6

Le gel : ........................................................................................................................................... 6

Les actions biologiques : ................................................................................................................ 7

1.1.2. L’action de l’Homme ...................................................................................................... 7

1.1.3. L’érosion côtière varie suivant la nature des côtes .......................................................... 8

1.2. Les enjeux de l’érosion côtière ............................................................................................. 10

2. Un exemple français : le cas particulier de la Normandie ............................................................. 11

2.1. Natures des côtes normandes ................................................................................................ 11

2.2. Apport sédimentaire ............................................................................................................. 12

2.2.1. Le domaine subtidal ...................................................................................................... 12

2.2.2. Le domaine intertidal .................................................................................................... 13

2.3. Caractéristiques de l’érosion ................................................................................................. 14

2.3.1. Département du Calvados ............................................................................................. 14

2.3.2. Département de la Manche ........................................................................................... 15

3. Un exemple international : le cas particulier de l’ile de Pâques .................................................... 17

3.1. La perte d’une civilisation avancée....................................................................................... 17

3.1.1. Histoire et peuplement. ................................................................................................. 17

3.2. Les indices d’un trouble environnemental majeur ................................................................ 18

3.2.1. Pas d'enfouissement graduel dû à une érosion continue au fil des ans. ......................... 18

3.2.2. L'hypothèse d'un enterrement volontaire. ..................................................................... 19

3.2.3. Un enfouissement suite à un glissement de terrain. ...................................................... 20

3.3. Causes et enseignements ...................................................................................................... 21

Conclusion ........................................................................................................................................... 24

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Introduction

« Parmi les pays d’Europe, tout le monde s’accorde pour considérer que la France possède une

façade maritime importante, avec un littoral diversifié et des côtes d’une grande variété

morphologique et paysagère, allant de falaises abruptes aux longues plages de sable. (…) Il est

habituellement retenu un linéaire de l’ordre de 5850 kilomètres pour la métropole.»

Le littoral métropolitain représente une part non négligeable du territoire français : en 2006,

l’IFEN1 comptabilise 5850 kilomètres de linéaire côtier pour la métropole. Pourtant, le littoral

métropolitain n’est pas stable et subit des modifications en continue et ce, notamment du fait de

l’érosion côtière. A ce titre, les études menées dans le cadre du programme européen EUROSION

concluent en 2004 que « l’érosion côtière est un phénomène qui n’épargne aucun des Etats membres

de l’Union Européenne. En 2004, environ 20 000 kilomètres de côtes, représentant 20% de l’ensemble

des côtes de l’Union, sont estimés particulièrement affectés par ce phénomène. Si sur la plupart de ces

côtes affectées un recul effectif du trait de côte est observé (15 100 km), parfois en dépit de travaux de

défense (2 900 km), ce n’est pas le cas pour les 4 700 km de côtes stabilisés artificiellement. »

Ainsi, en métropole, selon les chiffres de l’IFEN, un quart du littoral est concerné par des

phénomènes d’érosion :

La mobilité des côtes est avant tout un phénomène naturel, généré par plusieurs facteurs : les

vagues, le vent, la pluie, le gel, les courants et la nature des côtes (l’érosion est plus importante sur les

substrats mous tels que le sable). Elle peut cependant être modifiée par les activités humaines. Ainsi,

les ports, les digues bouleversent les courants marins et les transports de sédiments.

1 IFEN : Institut Français de l’Environnement

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La question de l’érosion marine n’est pas sans enjeux, qu’ils soient économiques, sociaux ou

environnementaux :

- Des enjeux économiques : le recul des côtes entraîne des dépenses des communes

touristiques pour conserver leurs plages

- Des enjeux sociaux : l’érosion côtière peut aussi directement inquiéter les zones

urbanisées et mettre en danger les populations locales

- Des enjeux environnementaux avec le grignotage par endroits d’espaces naturels terrestres

à forte valeur patrimoniale.

L’objectif de ce travail est de parvenir à cerner les caractéristiques de l’érosion côtière et de

comprendre les causes de ce phénomène. Pour cela, deux exemples ont été traités : le cas de la

Normandie d’une part, et de l’Ile de Pâques d’autre part.

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1. L’érosion : phénomènes physico-chimiques

1.1. Les facteurs d’érosion

Il existe différents facteurs qui permettent d’expliquer l’érosion côtière. Ceux-ci peuvent être de

deux ordres : des causes naturelles d’une part, des causes anthropiques d’autre part.

1.1.1. Les facteurs naturels

Les côtes évoluent par érosion et cela est dû à différents phénomènes naturels :

- Les vagues (marées)

- L’action du vent

- L’action de ruissèlement et d’infiltration des eaux et du gel

- Les actions biologiques

Les vagues

Elles interviennent sur les littoraux par leur énergie mécanique qui est à la fois potentielle et

cinétique. Cette énergie est proportionnelle à la hauteur des vagues, autrement dit, elle augmente

quand la vague grandie. A l’approche de la côte, les vagues sont freinées, elles subissent un

déferlement, leur crête à tendance à se disposer parallèlement aux isobathes. En fonction de la

typographie marine, il peut se produire une concentration ou une dispersion de l’énergie des vagues.

C’est pourquoi les caps sont taillés et les baies sont le siège de dépôt.

La puissance érosive des vagues peut s’exercer aussi bien sur les plages que les côtes

rocheuses. Par son action mécanique, la vague va fragiliser la roche. Ensuite, lorsqu’elle se retire, elle

aspire le matériel : elle va donc déloger des blocs de roche. Lorsque les vagues ont à leur disposition

du matériel tel que du sable, leur puissance devient plus importante. En effet, elles vont bombarder les

roches à l’aide des sables (ou galets) qu’elles transportent et ouvrir des encoches au pied de la falaise.

La falaise finit par se déstabiliser et on voit des bancs de falaise se décrocher.

Généralement entre la falaise et la mer, il y a des plates-formes rocheuses engendrées par ces

décrochements. Les mouvements turbulents de l’eau peuvent entrainer en tourbillon des galets, qui

vont creuser des cavités circulaires à la surface de ces plateformes, appelée surface en nid d’abeille.

Les galets agissent par abrasion et s’usent eux-mêmes. On obtient alors des galets de formes

particulières, polis et émoussés, caractéristiques d’un transport par eau marine.

L’efficacité de l’érosion des vagues se manifeste surtout dans l’espace intertidal (ou estran).

Elle s’atténue rapidement avec la profondeur (l’action des vagues est ressentie de 0 à 30m, puis elle

diminue et elle ne dépasse pas 100m).

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Les courants littoraux

Ce sont des courants qui circulent le long des littoraux, engendrés par les vagues.

Ils ont un pouvoir d’érosion importante et une capacité de transport importante. Il déplace les

matériaux en suspension et en saltation.

Le vent

Les côtes sont plus ventées que l’arrière-pays. Les vents peuvent renforcer ou diminuer la

dérive des littoraux. Ils peuvent aussi accroitre la cambrure des vagues.

Si le vent souffle dans le sens opposé des vagues : il ralentit les vagues et on obtient un

engraissement des plages (dépôt plus important).

Si le vent souffle dans le même sens que les vagues : on obtient une cambrure plus importante

des vagues et donc un démaigrissement de la plage, dans la mesure où l’eau retire les dépôts. On dit

que le vent agit par déflation (ou par balayage). Il transporte ensuite les matériaux mobilisés avant de

les déposer plus loin.

Les eaux d’infiltration et d’écoulement

Tout d’abord, les eaux d’écoulement sont souvent efficaces sur les côtes dans la mesure où le

couvercle végétal est peu dense sur l’espace littoral : cette faible couverture végétale contribue à

l’accentuation des phénomènes d’érosion.

Ensuite, en présence de porosité, les eaux d’infiltrations élargissent les cavités (notamment

dans les sols calcaires avec la karstification) facilitant ainsi le travail des vagues. Quand les falaises

argileuses sont remplies d’eau, elles se prêtent à des phénomènes de glissement lent dits

« solifluxion » ou encore à un décollement rapide d’une partie de la falaise.

Le gel

Il peut être important notamment dans les régions froides ou polaires. On assiste à la

gélifraction ou cryoclastie qui correspond à une alternance de gel et de dégel. L’eau qui pénètre dans

les pores peut geler (on observe une augmentation du volume de l’eau) et augmente la pression dans

les pores ce qui peut entrainer une fragmentation de la roche. Il existe une couche de glace interstitielle

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en profondeur et de façon permanente « les pergélisol », qui facilitent les écoulements d’eau entre les

roches.

L’eau de mer agit par trois facteurs physicochimiques principaux :

- L’hydrolyse : elle s’exerce sur des minéraux fragiles pour donner des argiles (roche

plutonique). L’eau apporte un ion H+ et réagit avec les minéraux formés d’O, S, P. et

provoque la désagrégation du minéral.

- L’hydratation : elle affecte les roches constituées de cristaux susceptibles de fixer des

molécules d’eau, ce qui entraine des fissures ou désagrégation de la roche.

- Halloclastie : elle attaque les roches sous l’effet de la cristallisation du sel. Le sel introduit

dans les pores exerce une poussée qui fragmente les roches. On obtient une desquamation ou

une arène granulaire comme pour le cas de l’hydrolyse.

Les actions biologiques

Les milieux côtiers sont riches en êtres vivants et la biocénose contribue à la sédimentation,

elle participe à la construction des sédiments. Par exemple, on peut rencontrer des algues qui piègent

les sédiments et les fixent ainsi là où elles se trouvent.

1.1.2. L’action de l’Homme

Les côtes évoluent également à cause de l’action anthropique :

Par exemple:

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Les barrages de retenue, que l'on retrouve un peu partout sur les fleuves, sont de formidables

pièges à sédiments.

L'extraction des matériaux à l'embouchure des fleuves, à partir des plages ou avant-plages et

surtout des dunes, constitue un facteur de déséquilibre. Sablières et gravières exploitées dans le lit des

fleuves participent au déficit sédimentaire des plages puisque les matériaux enlevés ou piégés ne

parviennent plus au rivage. De même que l'utilisation avant-guerre des sables, des plages et des dunes,

pour les besoins de construction, ont contribué à la pénurie actuelle de sédiments.

L'arasement des dunes bordières déstabilise les plages. Pour des raisons liées à la défense du

territoire pendant la guerre, ou tout simplement pour "voir la mer", les dunes bordières ont subi des

dommages importants aggravés par la fréquentation touristiques. Or les dunes participent activement à

l'équilibre des plages parce qu'elles constituent une réserve de sable, et ont un rôle protecteur lorsque

déferlent les vagues de tempête.

Les aménagements de front de mer (routes littorales, boulevards front de mer, parkings,

promenades, postes de secours...) ont des effets néfastes lorsqu'ils sont implantés trop près du rivage.

Les parois verticales des ouvrages, lorsqu'elles sont attaquées par les les houles de tempêtes,

renforcent la turbulence des digues provoquent l'enlèvement de sable à leurs pieds, abaissent le profil

de plage, ce qui a pour résultat une avancée de la mer.

La régression des posidonies sous l'action de la pollution entraîne des déséquilibres

sédimentaires.

Les grands travaux portuaires ou les ouvrages de protection, implantés sur une côte

affectée par un transit littoral prédominant, perturbent l'équilibre des transports sédimentaires. En

bloquant les matériaux sur la face "alimentée" des ouvrages, ils provoquent une érosion sous la face

"sous-alimentée".

1.1.3. L’érosion côtière varie suivant la nature des côtes

Les façades littorales départementales ne sont pas affectées par l’érosion côtière de manière

uniforme. Cela dépend de la nature de leurs côtes, de l’orientation des courants marins et du degré

d’anthropisation de leurs littoraux. La part du littoral érodé par façade littorale départementale varie

entre 0 % sur les quelques kilomètres de littoral de l’Eure et 77 % dans le Pas-de-Calais.

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Une plage de sable peut reculer de plusieurs mètres lors d’une forte tempête. Une falaise de

craie très friable et infiltrée par les eaux de pluie peut être sapée par les fortes marées et s’effondrer. À

l’inverse, une côte basse granitique est généralement stable et peu sensible à l’érosion.

Les côtes sableuses sont les plus sensibles à l’érosion. Remaniées par les vagues et le vent,

elles reculent sur près de la moitié de leur linéaire. Cela représente 1 153 km de côtes, soit 16 % du

littoral métropolitain et les deux tiers des côtes reculant en métropole.

La mobilité des côtes rocheuses est plus complexe à définir. Les roches plutoniques,

volcaniques et métamorphiques formant des falaises comme en Corse ou des côtes rocheuses basses

comme en Bretagne sont peu soumises à l’érosion. Seulement 10 % de ces côtes reculent. Ces types de

roches sont en effet peu solubilisés par les eaux météoriques, assez dures et relativement peu sensibles

aux assauts des vagues. À l’inverse, environ 40 % des côtes constituées de roches sédimentaires

reculent. Les falaises de craie, friables et dissoutes par les eaux d’infiltration, reculent presque toutes

(98 % d’entre elles). En agrégeant toutes ces situations, trois quarts des côtes rocheuses, représentant

2 133 km de littoraux, sont stables.

Le caractère qualitatif de la base de données EUROSION ne permet pas de connaître la vitesse

de recul des falaises qui est très hétérogène et qui varie fortement en fonction de leur nature

géologique. Ainsi, les roches granitiques ont un retrait de l’ordre de 1 mm/an, les roches carbonatées

de 1 cm/an et les roches schisteuses de 10 cm/an d’après le Cetmef.

Les côtes vaseuses – baies, estuaires et marais littoraux – constituent généralement des zones

de sédimentation où s’accumulent de fines particules d’argile et de limon. Elles sont en extension sur

66% de leur linéaire, soit 368 km de côtes. Elles représentent 54 % du total des côtes avançant sur la

mer.

Erosion suivant les types de côtes en 2003

(Source : Observatoire du Littoral)

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1.2. Les enjeux de l’érosion côtière

Le littoral métropolitain est constitué de plusieurs milliers de kilomètres de plages, vasières,

côtes rocheuses basses, estuaires et falaises qui reculent ou avancent et modifient ainsi les paysages

côtiers. Le sapement des falaises par les vagues et leur effondrement, l’envasement des baies et le

remaniement des plages de sable sont des manifestations naturelles des impacts croisés de la marée, de

la houle et des courants marins, de la pluie, du vent et du gel.

Cependant, les actions de l’homme peuvent venir contrarier l’équilibre entre érosion,

engraissement et stabilité des côtes. Les grands travaux portuaires, la construction d’ouvrages, de

digues et l’édification de barrages sur les cours d’eau sont autant de modifications du milieu qui ont un

impact sur les flux des sédiments. Ils viennent alors souvent modifier voire déstabiliser les équilibres

sédimentaires. Le recul des côtes n’affecte pas de la même manière des terres marquées par une très

forte empreinte humaine et les zones naturelles. Les premières concentrent des biens et des activités

qui représentent des enjeux financiers et humains considérables, et dont la protection in situ comme

leur déplacement éventuel génère des coûts importants. Les secondes, qui recèlent le plus souvent une

grande richesse écologique, sont plus facilement susceptibles d’accepter les aléas climatiques et des

modifications possibles des milieux, sous réserve de veiller au maintien des fonctionnalités

écologiques et à la préservation de la richesse patrimoniale globale.

Ainsi, les communes littorales maritimes accueillent 10 % de la population métropolitaine et

près de 7 millions de lits touristiques sur seulement 4 % du territoire. À cette très forte densité

humaine correspond un très fort niveau d’artificialisation des côtes. Environ 25 % du littoral situé à

moins de 500 m de la mer est urbanisé (tissu urbain, zones industrielles, soit 5 fois plus que la

moyenne métropolitaine.

Par ailleurs, près de 35 % des territoires proches de la mer sont des milieux naturels et des

zones humides recelant une très grande richesse biologique (contre une moyenne de 6,5 % au niveau

métropolitain) : écosystèmes littoraux (dunes, marais, lagunes, landes…), oiseaux d’eau nicheurs ou

hivernants, flore endémique…

Face à ces enjeux, il est utile de localiser et de caractériser les phénomènes d’érosion du

littoral. Le littoral proche de la mer est très urbanisé et l’érosion affecte la majorité des linéaires côtiers

en France et en Europe.

Un quart du littoral métropolitain (24,2 %), soit 1 723 km de côtes, recule sous l’action de la

mer. À l’inverse, 43,7 % des côtes représentant un linéaire de 3 115 km sont stables et près de 10 % du

littoral est en extension et gagne des terres sur la mer, essentiellement par sédimentation des argiles et

limons (678 km). Près d’un cinquième du littoral est hors nomenclature (17,4 %). Il s’agit

essentiellement de zones portuaires et de digues qui fixent artificiellement les côtes mais aussi des

estuaires (lignes virtuelles fixées dans le cadre du programme Eurosion à 1 km de la côte) et des zones

de remblais. Enfin, le programme Eurosion ne dispose pas d’informations suffisantes pour déterminer

l’évolution de 5,1 % du linéaire côtier métropolitain.

L’érosion du littoral affecte de nombreux pays en Europe. Les statistiques sont différentes

suivant les côtes. Ainsi, les littoraux scandinaves sont peu concernés par l’érosion. Ceci s’explique par

la nature de leurs côtes (roches plutoniques et magmatiques) mais aussi par un phénomène géologique

très spécifique : un rehaussement isostatique qui tend à exhausser les côtes de la mer.

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2. Un exemple français : le cas particulier de la Normandie

Le rivage normand est composé de 600 km de côtes sur la façade nord-ouest française, au niveau

de la Manche. Nous allons voir en détails la nature des côtes de Normandie ainsi que l’impact de

l’érosion dans cette région

2.1. Natures des côtes normandes

De Ault-Onival (Somme) au cap de La Hague (Manche), la côte normande dessine un vaste

golfe entre les falaises du pays de Caux à l'est et la presqu'ile du Cotentin à l'ouest. Sa partie centrale

est constituée par la Baie de Seine dans le sud-est de laquelle s'ouvre l'estuaire de la SEINE prolongé

par une paléo vallée sous-marine dans les fonds de -40 m.

Les côtes de cette province maritime sont constituées principalement d'affleurements

sédimentaires des formations secondaires du bassin parisien, alors que le Cotentin fait partie de

l'ensemble primaire armoricain.

La côte du Pays de Caux est constituée par de hautes falaises (30 à 80 m) de calcaire crétacé le

plus souvent en cours d'érosion; les matériaux les plus durs (galets de silex) cheminent vers le nord est

sous l'effet de la dérive littorale. Le calcaire est réduit en sable et vase et transporté au large. La pente

moyenne des fonds côtiers est d'environ 1%. Des cailloutis de la zone centrale, on passe vers les deux

extrémités à des sédiments fins. Devant Antifer dans les fonds de -30 m et devant Dieppe par -1 5.à -

20 m, on trouve des bancs de sable grossier.

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La côte de la Baie de Seine, entre le cap de La Hève et Saint-Vaast-la-Hougue, est plus

variée :

L'estuaire de la Seine, en grande partie comblé, est encadré par les plateaux de la Haute

Normandie. Les fonds sont de sable fin limoneux et de vase à l'ouest de l'estuaire dans les zones de

décroissance des vitesses de courant. Le comblement naturel de l'estuaire atteint 5.500.000 tonnes par

an de sable et de vase.

En Lieuvin et Pays d'Auge, les falaises calcaires alternent avec les dépressions argileuses et les

vallées comblées de la Touques, de la Dives et de l'Orbe. La pente des fonds côtiers est faible : 0,2 à

0,3 %. On y trouve les principaux dépôts vaseux de la région, matérialisant la zone de décantation des

eaux de la Seine.

En Bessin, la côte s'élève vers l'ouest en falaises de 20 à 30 m dans les calcaires du jurassique

moyen et les fonds sableux atteignent des pentes de 1%.

En Cotentin, la baie des Veys et le marais de Saint-Vaast captent les matériaux prélevés par

l'érosion sur la côte basse à micro-falaises triasiques meubles. Le banc de Saint-Marcouf protège la

côte des houles du large et les fonds à faible pente (0,4%) sont constitués de sable fin plus ou moins

vaseux et coquillier.

La côte nord du Cotentin, entre Barfleur et La Hague, s'élève progressivement pour atteindre

d'imposants abrupts granitiques. Les platiers rocheux alternent sur les estrans avec les galets, les sables

et les vases. Les fonds de galets et cailloutis sont parsemés de blocs.

La côte ouest du Cotentin, du cap de La Hague à la baie du mont Saint-Michel constitue la grande

barrière physique de la Manche. Les conséquences de son exposition sont atténuées par la protection

des îles anglo-normandes. Des cordons littoraux dunaires délimitant des marais maritimes sont

entrecoupés de passes ou "havres" par lesquelles s'évacuent les eaux de nombreuses petites rivières; ils

s'appuient sur des pointements rocheux granitiques et gneissiques au nord (Jobourg, Flamanville),

schisteux et gréseux vers le sud (Carteret, Granville) souvent taillés en falaises.

2.2. Apport sédimentaire

2.2.1. Le domaine subtidal

A grande échelle, les dépôts sédimentaires s'enchaînent régulièrement en fonction de la

variation d'énergie hydrodynamique du milieu. Ainsi, les zones de forte énergie (Manche centrale,

abords d'Antifer) correspondent à des fonds caillouteux et localement rocheux. Les sédiments

grossiers (cailloutis et graviers) forment l'unité sédimentaire fondamentale du domaine du large. Les

fonds de graviers font souvent suite à ces fonds de cailloutis et sont largement représentés en baie de

Seine et dans le Golfe normand-breton. On note l'existence de fonds de cailloutis plus limités au nord

du Pays de Caux.

Là où les courants s'affaiblissent, des dépôts graveleux, puis sableux, voire vaseux sont

observés. Par conséquent, des enchaînements sédimentaires se mettent en place avec une

granulométrie décroissante en fonction de la diminution de l'énergie du milieu.

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Dans le domaine marin côtier, à l'influence décroissante des houles vers le large correspond un

gradient d'affinement des dépôts. Une sédimentation à dominante sablo-vaseuse importante est

observée dans le domaine marin côtier abrité, constituant des enclaves isolées les unes des autres.

Malgré l'absence de données pour certaines zones, il est possible de dégager des grandes tendances

sédimentaires :

L'ensemble sédimentaire des sables fins plus ou moins envasés est particulièrement bien

représenté dans le Golfe normand-breton, sur les côtes ouest du Cotentin et en baie de Veys ainsi qu'en

baie de Seine orientale.

A contrario, ce type d'habitat est beaucoup plus fragmenté au nord du Cotentin où l'on

distingue une mosaïque de substrats variés avec une forte proportion importante de roches et de

cailloutis dans laquelle les sables fins plus ou moins envasés sont limités à quelques enclaves isolées

les unes des autres.

Les côtes du Bessin et la Côte de Nacre présentent un substrat rocheux et graveleux important,

à l'exception de la zone entre Lion s/Mer et Merville-Franceville qui se distinguent avec une

proportion de sables fins plus ou moins envasés.

2.2.2. Le domaine intertidal

L'étude morpho-sédimentaire de l'estran n'a été réalisée que sur la côte Ouest du Cotentin et en

baie du Mont-Saint-Michel.

Cette étude permet de mettre en évidence 3 grandes régions:

- La partie nord de l'ouest-Cotentin : côte rocheuse ou formée de dunes directement

accrochées sur la falaise. Le sédiment des plages ouvertes est constitué essentiellement de

sables fins à moyens, la fraction graveleuse est faible et la fraction pélitique pratiquement

inexistante. La zone intertidale reste peu développée et peu diversifiée transversalement.

- Le centre de la côte ouest-Cotentin : les platiers rocheux sont très étendus en zone intertidale

et la côte forme un cordon dunaire où s'ouvrent les havres. Les sables d'estran sont moins

abondants et les sédiments de bas de plage sont grossiers et d'origine biologique.

- Le domaine sédimentaire de la baie du Mont-Saint-Michel : la baie proprement dite

constitue une dépression d'une superficie de 500 km2

dont la moitié est découverte aux plus

basses mers. A l'ouest, à l'abri des houles dominantes s'individualise un fond de baie à pente

faible et régulière où l'influence estuarienne est localisée et minime. A l'est, se développe une

succession géomorphologique s'articulant sur les chenaux de marée. Le secteur estuarien

apparaît comme une aire de stockage de particules fines.

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2.3. Caractéristiques de l’érosion

On constate une nette opposition entre les littoraux du Calvados et de la Manche. Les côtes

naturelles ne représentent qu’un peu plus de la moitié du linéaire côtier du Calvados. Les secteurs

endigués sont très importants surtout à l’est du département. En dehors de ces secteurs figés

artificiellement, l’érosion est assez forte. Elle représente 75 % du linéaire côtier naturel documenté. À

l’inverse, près de 45 % du littoral naturel documenté du département de la Manche est en extension. Il

s’agit des havres de l’Ouest cotentin (débouchés des fleuves côtiers) et de la baie des Veys. Les autres

territoires littoraux se répartissent entre secteurs stables, comme les falaises du cap de la Hague, et

secteurs érodés comme les dunes de l’Ouest cotentin soumises au vent d’ouest et aux courants marins.

D'après le programme européen CORINE Erosion côtière (Coordination des Informations sur

l'Environnement), 45% des rivages français sont stables, 24% sont en recul et 11% en engraissement

(les 20% restants étant exclus de la nomenclature ou non répertoriés). Par contre, en Manche et Mer du

Nord, c'est 30% du linéaire côtier qui subit une érosion confirmée dont 50% correspondent à des

plages et 28% à des côtes rocheuses.

En Basse-Normandie, 38% du rivage est en recul ce qui place la région en 5èmeposition après

le Nord-Pas de Calais (74%), la Haute-Normandie (55%), la Picardie (41%) et l'Aquitaine (39%).

Un suivi du littoral est réalisé dans la Manche et le Calvados par le GRESARC (Groupe de

Recherches sur les Environnements Aménagés et les Risques Côtiers) pour le compte des conseils

généraux des deux départements, et avec le soutien du Conseil Régional de Basse-Normandie.

2.3.1. Département du Calvados

Le suivi du littoral dans le Calvados a débuté en 1995 sur 35 stations de mesure réparties sur 7

secteurs et qui couvrent 18 communes littorales.

La côte de Grâce :

Sur la commune de Pennedepie, la situation est variée avec une évolution du trait de côte,

entre 1995 et 2004, de +0,3 m au lieu-dit "La sergenterie", de +8,4 m à 1250 m à l'est de l'accès à la

plage et un recul de -2,8 m à 630 m à l'est de cet même accès.

De l'Orne à la Dives

Sur la commune de Merville-Franceville-Plage, le lieu dit "Le Hôme" présente un recul

modéré de -0,8 m depuis 1995. Par contre, c'est un recul de -6,2 m qui est observé au lieu-dit "Le

Hôme-Merville" avec une stabilisation en 2003. A Varaville, l'évolution du trait de côte est assez

stable avec +1,7m aux "Dunes", +0,3 m près du lieu-dit "Le Hôme" et +4,1 m au lieu-dit "Les

panoramas".

De la Seulles à l'Orne

Au niveau de la station de Courseulles-sur-Mer, le trait de côte a très peu varié entre juin 2001

et avril 2002. En 2003, un léger recul de -0,4 m a été observé. Cependant, depuis le début des suivis, le

trait de côte a progressé de +2,7 m en raison du confortement artificiel de la dune à l'aide de deux

remblais successifs. Par contre, à Bernières-sur-Mer, le bilan depuis 1995 se traduit par un recul de -

1,6 m.

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15

Gold Beach - secteur est

Au niveau du camping de la commune de Graye-sur-Mer, le trait de côte est en fort recul avec

-17 m depuis le début des suivis.

Gold Beach - secteur ouest

A Meuvaines, à 200 m à l'est de la zone urbanisée d'Asnelles, le trait de côte a peu évolué

(±0,5 m/an). Par contre, à 1250 m à l'est de cette même zone, le bilan indique un recul global de -6,8 m

malgré une stabilisation du trait de côte en 2003. Sur la commune de Ver-sur-Mer, une progression est

observée avec +1,8 m entre novembre 1995 et janvier 2004.

Omaha-Beach

A Colleville-sur-Mer, au pied du cimetière américain, le recul global du trait de côte depuis

1995 atteint -6,7 m avec une tendance annuelle de -0,4 m/an.

De la pointe du Groin à Grandcamp-Maisy

La commune de Géfosse-Fontenay présente un bilan positif aux lieu-dits "Le Wigwam" et "Le

Casino" avec des avancées du trait de côte respectivement de +9,5 m et +2,7 m depuis 1995. Par

contre, malgré une avancée de +2,1 m en 2003, la station située à "La Dune" présente un recul de -18,1

m depuis 1995.

2.3.2. Département de la Manche

Le suivi du littoral du département de la Manche, qui concerne 150 stations, a débuté en 1991

sur la côte ouest du Cotentin entre le cap de Carteret et le bec d'Andaine, en 1996 sur la côte est, nord-

est et nord Cotentin d'Utah-beach à Urville-Nacqueville et en 1997 sur la côte nord-ouest du Cotentin

entre le cap de Carteret et Vauville.

Le secteur de la côte Est (de Sainte-Marie-du-Mont au sud à Montfarville au nord) présente

une avancée globale du trait de côte, mais avec quelques reculs localisés comme à Sainte-Marie-du-

Mont où est menacé le musée du débarquement et à Réville où la présence d'habitations récentes

situées directement en arrière du trait de côte est préoccupante. De plus, à Aumeville-Lestre, entre

1996 et 2004, le trait de côte a reculé à une vitesse moyenne de 6,4 m/an mais sans qu'aucun bien ne

soit menacé.

Sur la côte Nord, les communes de Fermanville et Tourlaville présentent une avancée du trait

de côte de +0,7 à +1,2 m/an entre 1996 et 2004. Par contre, le site sensible correspond au littoral de la

commune d'Urville-Nacqueville. En effet, cette zone est caractérisée par un recul du trait de côte de

0,1 à 0,5 m/an pouvant constituer une menace pour les zones habitées.

La côte Nord-Ouest, de Vauville au nord aux Moitiers d'Allonne au sud, est caractérisée par

un recul du trait de côte quasiment généralisé. Entre 1997 et 2004, les reculs les plus importants ont

été observés à Biville (-3,4 m/an) et à Surtainville (-1,5 à 2,1 m/an).

La côte Centre Ouest qui s'étend de Barneville-Carteret au nord à Blainville-sur-Mer au sud, a

une tendance générale au recul de la ligne de rivage depuis 1992. A Créances, le recul du littoral a

Page 16: L’EROSION COTIERE

16

atteint '12,2 m/an entre 1992 et 2004. Par contre, en 2004, une avancée du trait de côte est observée sur

29 stations pour un total de 40 sur ce secteur.

Enfin, sur la côte sud-ouest (de Agon-Coutainvile à Genêts), le site sensible est la commune de

Montmartin-sur-Mer où se présente un risque de submersion de la zone urbanisée au nord de

Hauteville-sur-Mer en cas de formation d'une brèche. Le recul du trait de côte atteint 178,4 m depuis

1992. Cependant, de Bricquevilles-sur-Mer au nord de Donville-les-Bains, le trait de côte a progressé

à l'exception d'une station à Bréhal. A Genêts, le trait de côte recule à une vitesse de -20,4 m/an depuis

1992.

Page 17: L’EROSION COTIERE

17

3. Un exemple international : le cas particulier de l’île de Pâques

3.1. La perte d’une civilisation avancée

Cette île formant la limite Est de l’Océanie, est célèbre pour les vestiges mégalithiques des

premières civilisations pascuannes. Le patrimoine archéologique comprend près de 300 autels de

pierres taillées en terrasses — les ahû — et environ 900 statues de pierres — les moaïs — d’environ

4,50 m de haut.

L’île de Pâques (en espagnol isla de Pascua, en rapanui Rapa Nui) est une île isolée dans le

sud-est de l’Océan Pacifique. L’île, qui est une province du Chili, a pour coordonnées : 109,20°W

27,07°S. Elle se trouve à 3 700 km des côtes chiliennes et à 4 000 km de Tahiti, l’île habitée la plus

proche étant Pitcairn à plus de 2 000 km à l’Ouest. Son chef-lieu est Hanga Roa et l’île couvre 162,5

km² et comptait 2 000 habitants en 2004.

Elle fut découverte par le navigateur néerlandais Jacob Roggeveen le jour de Pâques, le 5 avril

1722, et comptait alors près de 4 000 habitants. Elle fut annexée par l’Espagne en 1770 et devint

possession chilienne en 1888.

Depuis peu, le patrimoine exceptionnel de l’île est protégé. Des parcs ou réserves naturelles,

parfois surveillées, enserrent les zones des vestiges. La communauté Rapa Nui veille jalousement sur

les traces de son histoire et constitue un pouvoir parallèle au gouvernement officiel chilien.

3.1.1. Histoire et peuplement.

Cette île formant la limite Est de l’Océanie, est célèbre pour les vestiges mégalithiques des

premières civilisations pascuannes. Le patrimoine archéologique comprend près de 300 autels de

pierres taillées en terrasses — les ahû — et environ 900 statues de pierres — les moaïs — d’environ

4,50 m de haut.

La carrière de Rano Raraku est creusée sur les flancs et dans le cratère d’un volcan, on peut y

voir un très grand nombre de moaïs. Certains sont terminés et dressés au pied de la pente, d’autres

encore dans différents états, de l’ébauche à la quasi-finalisation.

En dehors de ce patrimoine spectaculaire, les premières civilisations pascuanes ont laissé des

tablettes et des sculptures en bois, des pétroglyphes dont la signification n’est pas encore déchiffrée.

L’origine des différentes vagues de peuplement est encore controversée (polynésien ou sud-

américain).

On pense que l’île a été découverte initialement par des Polynésiens (le roi Hotu Matua). Il y a

5 000 ans (3 000 av. J.-C), des habitants du littoral de la Chine du Sud, cultivateurs de millet et de riz,

commencent à traverser le détroit pour s’installer à Taïwan. Vers 2 000 avant J.-C., des migrations ont

lieu de Taïwan vers les Philippines. De nouvelles migrations commencent bientôt des Philippines vers

Célèbes et Timor et de là, les autres îles de l’archipel indonésien. Vers 1 500 av. J.-C., un autre

mouvement mène des Philippines en Nouvelle-Guinée et au delà, les îles du Pacifique. Les

Austronésiens sont sans doute les premiers navigateurs de l'histoire de l’humanité.

Page 18: L’EROSION COTIERE

18

L’île de Pâques est surtout connue pour les fameux mystères qui entourent la fabrication, mais

surtout le transport et l’élévation des moaïs (transport d’un bloc de basalte de 2,5 à 9 m de haut sur

parfois près de 20 kilomètres). Ce que l’on sait moins c’est que les premiers découvreurs trouvèrent

sur l’île des plaquettes de bois couvertes de signes (les plaquettes Rongo-Rongo) qui sont restées

longtemps indéchiffrables, des travaux récents de Steven Fischer ont permis d’en donner une

traduction. Ces plaquettes s’ajoutent au mystère de l’île de Pâques car elles sont uniques en Polynésie

(la culture polynésienne n’utilisant pas d’écriture).

Ces premiers peuples avaient réussi à construire, à partir de ressources très limitées, une

société technologiquement avancée. Ils avaient dressé des centaines de statues mais en utilisant les

importantes ressources en arbres dont ils disposaient. Dès l’an 1600, l’île aurait perdu la majeure

partie de sa végétation et ses habitants auraient plongé peu à peu dans le cannibalisme et l’esclavage.

3.2. Les indices d’un trouble environnemental majeur

Au pied du volcan Rano Raraku, l'ancien cratère où était situé l'atelier de fabrication des moai,

on retrouve de nombreuses statues dressées, près d'une centaine, qui, bien étrangement, sont en grande

partie enfouies dans le sol.

On pourrait croire que seules des têtes de moai ont été déposées sur le sol. En réalité, ce sont

des statues toutes aussi monumentales qui ont été dressées au pied du volcan et qui sont maintenant

enfouies jusqu'au menton

L'excavation d'une de ces statues en 1955, par Thor Heyerdahl, montre à quel point elles

peuvent être enfouies profondément et à quel point elles sont imposantes. Tout comme les moai

exposés sur les ahu, ces statues sont très détaillées. On pouvait d'ailleurs observer les détails des mains

et des doigts de ce moai lors de cette excavation.

Plusieurs statues, bien que mesurant plusieurs mètres de hauteur, sont presque complètement

enfouies au point de pratiquement disparaître de la surface du sol.

3.2.1. Pas d'enfouissement graduel dû à une érosion continue au fil des ans.

La partie des moai qui émerge du sol est largement altérée et dégradée. En effet, la patine de la

pierre de lave dont sont composés les moai se modifie à l'air libre et change de couleur, passant du

jaune au gris, l’eau de ruissellement provoque le creusement de cannelures et des petites parcelles de

pierre se détachent de la surface des moai.

Cependant, la partie enfouie des quelques moai qui ont été excavés lors de missions

archéologiques était en très bon état de conservation. Par ailleurs, il ne semble pas y avoir eu d’autres

lignes de démarcation que celle qui était située au niveau du sol actuel. En effet, aucun cerne

n'apparaît autour des moai dans la partie enfouie. Cette constatation va donc à l’encontre d’un possible

enfouissement graduel dû à une érosion continue au fil des ans et plaide plutôt en faveur d’un

enfouissement rapide, en un seul temps.

Page 19: L’EROSION COTIERE

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En effet, dans le cas d’un tel enfouissement progressif, sous l'effet du lent écoulement des

sédiments, on devrait retrouver sur toute la partie enfouie, des altérations et des dégradations

graduelles dues à des temps variés d'exposition à l'air libre, ce qui n'est pas le cas.

L'hypothèse d'une érosion progressive n'est donc pas envisageable. Il est beaucoup plus

probable que cet enfouissement soit dû à un évènement unique et limité dans le temps.

3.2.2. L'hypothèse d'un enterrement volontaire.

Certaines personnes croient que les moai au pied du Rano Raraku, dont une partie plus ou

moins importante est enfouie, auraient été enterrés volontairement.

Cette hypothèse est-elle plausible ? Enterrer tous ces moai, en position debout de surcroît,

plutôt que couchés, représenterait une somme de travail phénoménal compte tenu de la hauteur et du

volume de ces statues. Par ailleurs, ces moai ne sont pas enfouis à la même profondeur, mais au

contraire, ils sont enfouis à des profondeurs bien différentes, certains l'étant à peine, alors que d'autres,

le sont presque totalement. Aussi, quelques-unes de ces statues sont très inclinées, certaines vers

l'arrière, d'autres vers l'avant. Cette inclinaison, occasionnellement très accentuée, rend pratiquement

impossible un enfouissement volontaire dans cette position.

Il semble aussi pratiquement impossible que ces imposants moai, presque entièrement enfouis

à la verticale sur plusieurs mètres de hauteur, puissent le cas échéant, s’incliner à ce point, même avec

des mouvements de sol dus à l'érosion. N'oublions pas, par ailleurs, que l'hypothèse d'un

enfouissement volontaire rejette d'emblée la possibilité d'une érosion progressive pour expliquer

l'enfouissement de ces moai.

Des fouilles aux pieds de quelques-uns de ces moai enfouis à la verticale ont permis de

découvrir que dans certains cas leurs bases étaient enchâssées dans de petites fosses creusées par les

Pascuans et parfois rehaussées de murets de pierres empilées. Ces moai étaient donc bien callés pour

se tenir fermement debout et bien droit.

La seule explication logique à l'utilisation d'un tel dispositif serait de maintenir le moai

solidement debout. Ces laborieux travaux sont effectivement une nécessité à l'air libre afin de

stabiliser le moai, de sorte qu'il ne puisse basculer si le sol vient à se modifier ou à se ramollir suite à

des intempéries. À l'opposé, ces travaux s'avèrent complètement superflus s'il était prévu de remblayer

ces immenses monolithes. Il aurait en effet suffit de maintenir le haut de la statue avec des leviers

et/ou des cordages le temps de commencer à remblayer la base, la statue aurait alors maintenue sa

position verticale d'elle-même. Cette solution, si elle avait été nécessaire, aurait été beaucoup plus

simple et amplement suffisante, car elle n'aurait pas nécessité de descendre faire des travaux au fond

d'un trou profond de plusieurs mètres auprès d'un grand monolithe instable. Aussi, il nous semble très

incongru que les Pascuans aient pris un grand soin pour sculpter tous les détails du tronc de ces moai

s'ils avaient eu l'intention d'en soustraire à la vue une grande partie en les enterrant.

Un enfouissement volontaire de ces moai de la part des Pascuans nécessiterait qu'ils aient eu

des motivations importantes pour le faire. De plus, cela nécessiterait des motivations spécifiques et des

considérations toutes aussi spécifiques pour les avoir enfouies à différentes profondeurs, à la verticale

Page 20: L’EROSION COTIERE

20

de surcroît, ainsi que pour les avoir enfouies en donnant parfois un angle à leurs excavations, plusieurs

moai étant soit inclinés vers l'avant, soit inclinés vers l'arrière.

Nous ne voyons absolument aucune raison plausible à un travail aussi laborieux. Par ailleurs,

aucune information n'a été recueillie à cet effet, par quelques explorateurs ou visiteurs de l'Île. De plus,

rien dans la tradition orale pascuane ne fait allusion de quelque façon que se soit à une telle entreprise.

Il semble donc peu plausible qu'il y ait eu une planification quelconque derrière ces enfouissements.

3.2.3. Un enfouissement suite à un glissement de terrain.

Si un enfouissement volontaire des moai nous parait peu plausible, quelle autre cause pourrait

expliquer non seulement l'enfouissement de ces moai, mais aussi de telles différences dans leur

enfouissement ?

Si les moai avaient été enfouis par l’érosion naturelle des flancs du Rano Raraku, suite aux

intempéries et à l'action du vent, leur enfouissement aurait certainement été très long. Sous l'action de

cette lente érosion, plusieurs centaines d'années n'auraient pas suffit pour enterrer des moai faisant

plusieurs mètres de haut.

Comme nous l'avons déjà dit, cet enfouissement ne peut qu'avoir été rapide puisqu'on ne

retrouve aucun signe de dégradations dû à une longue exposition aux intempéries et aucune ligne de

démarcation dans la partie enterrée de ces moai. En effet, la seule ligne de démarcation que l'on

observe sur le moai, laquelle se traduit par un changement évident de couleur, se trouve entre la partie

enterrée et la partie exposée à l'air libre, laquelle est située au niveau du sol actuel.

On comprend très aisément que cet enfouissement dans un laps de temps relativement court,

s'il origine d'une cause naturelle, ne peut résulter que d'un phénomène d’une ampleur démesurée. Or,

non seulement ce genre de phénomène existe, mais il est même assez courant. En effet, sous ces

latitudes, des pluies diluviennes sont souvent la cause de glissements de terrain importants provoquant

de grands dégâts et faisant même, à l'occasion, disparaître des villages entiers.

Un énorme glissement de terrain suite à des pluies diluviennes nous semble effectivement plus

en mesure d'expliquer cet enfouissement. En effet, un ou plusieurs glissements de terrain dans un

temps relativement rapproché, nous semble plus en mesure d'expliquer les différences remarquées

dans l'enfouissement de ces moai.

Des excavations récentes ont permis de constater la présence, de la base des moai jusqu'au

niveau du sol actuel, de plusieurs couches de terre ou strates bien délimité et relativement épaisses.

Ces strates, différentes l'une de l'autre, étaient composées de terre de couleur et de densité différente,

certaines d'entre elles contenaient des résidus de taille ou des petites pierres volcaniques. Quelques

outils utilisés pour la taille et le façonnage des moai furent aussi retrouvés.

Plusieurs glissements de terrain dans une période de temps limité permettraient d'expliquer la

formation de ces strates de composition différente. Les premiers glissements de terrain auraient

entraîné les résidus de taille laissés à l'air libre sur les hauteurs des flancs du volcan, ainsi que le sol de

Page 21: L’EROSION COTIERE

21

surface. Puis, les autres glissements de terrain subséquents auraient entraîné des couches de terre plus

profonde et de plus en plus compacte.

Des glissements de terrain de différentes amplitudes pourraient aussi expliquer les différents

degrés d'enfouissement des moai. Ainsi, du fait que le sol détrempé ne formait plus qu'une assise très

instable à la base des moai, une coulée de boue et de résidus de taille appliquant une certaine force au

pied d'un moai pourrait expliquer qu'il bascule vers l'arrière, alors qu'une coulée de plus grande

amplitude appliquant donc une force plus vers le haut d'un moai le ferait basculer vers l'avant.

Plusieurs moai auraient aussi été ainsi enterrés jusqu'à les faire pratiquement disparaître.

Si quelques rares moai enfouis, n'auraient pas été achevés complètement, le travail de finition

au niveau du corps étant resté à l'état d'ébauche, ce ne serait pas parce que les Pascuans auraient décidé

subitement qu'ils n'étaient plus nécessaire de mettre autant de soins à sculpter des parties non visibles,

mais plutôt parce que les sculpteurs surpris par cet évènement soudain n'avaient pu le terminer.

Ces quelques glissements de terrain dans un laps de temps limité expliqueraient que l'on

n'observe la présence que d'une seule ligne de démarcation sur ces moai se trouvant entre la partie

enterrée et la partie exposée à l'air libre, laquelle se situe justement au niveau du sol.

Ces glissements de terrain sont d'autant plus probables que les flancs du Rano Raraku étaient

dégarnis, que leur pente est importante et que les résidus de la taille des moai avaient été laissés sur

place, s'accumulant au cours des siècles sur les hauteurs du volcan.

3.3. Causes et enseignements

Les découvreurs de l’île de Pâques débarquèrent sur une terre aux faibles ressources.

D’origine volcanique, ses trois volcans étaient éteints depuis au moins quatre cents ans à leur arrivée.

La température comme le degré d’humidité étaient élevés et, même si le sol convenait à la culture,

l’écoulement des eaux était très mauvais, d’autant que l’unique source d’eau potable provenait des lacs

situés dans les cratères des volcans éteints. Très isolée, l’île abritait peu de plantes et d’animaux :

trente espèces de flore indigène, quelques insectes, deux types de petits lézards et pas un mammifère.

La mer entourant l’île était pauvre en poisson.

L’arrivée des premiers hommes ne contribua guère à améliorer la situation. Les animaux

(porc, chien et rat polynésien) et les récoltes (yam, taro, arbre à pain, banane et noix de coco) qui

composaient la subsistance de leurs terres natales s’adaptant mal au rude climat de leur nouveau pays,

force leur fut de se contenter d’un régime essentiellement composé de patates douces et de poulets.

Seul avantage de cette alimentation monotone, la culture de la patate douce ne demandait pas

beaucoup d’efforts et laissait largement le temps pour d’autres activités.

On ne connaît pas le nombre exact de ces premiers colons, mais il ne devait guère dépasser la

trentaine. La population augmenta lentement, adoptant peu à peu l’organisation sociale familière au

reste de la Polynésie : un large groupement familial, dont les membres possédaient et cultivaient la

terre en commun. Ces familles étroitement liées formaient des lignées et des clans, chacune ayant son

lieu de culte. À la tête de chaque clan, un chef organisait et dirigeait les activités, et supervisait la

distribution de la nourriture et autres produits vitaux. Ce mode de fonctionnement, la compétition et

Page 22: L’EROSION COTIERE

22

sans doute les conflits entre les clans qu’il engendrait expliquent les grandes réalisations de la

civilisation de l’île de Pâques aussi bien que son effondrement final.

Les villages s’élevaient sur toute la surface de l’île en petits groupes de huttes entourés de

champs cultivés. Les activités sociales se déroulaient dans des centres cérémoniels séparés occupés

une partie de l’année. Les principaux monuments étaient les ahus, ces vastes plates formes de pierre

semblables à celles qu’on trouve dans d’autres régions de Polynésie. Ils servaient aux enterrements, au

culte des ancêtres et aux commémorations en l’honneur des chefs disparus. La production agricole

mobilisant peu d’énergie, les chefs de clans avaient le temps de s’intéresser de près à ces rites

religieux. Cette particularité aboutit au développement de la société polynésienne la plus avancée de

toutes, l’une des plus complexes du monde compte tenu des ressources limitées dont elle disposait.

Les Pascuans partageaient le plus clair de leur temps entre les rituels élaborés et la construction de

monuments religieux.

Plus de trois cents de ces plates formes furent ainsi construites sur l’île, principalement près de

la côte. Beaucoup d’entre elles, bâties selon des alignements astronomiques sophistiqués, orientées

vers un des solstices ou vers l’équinoxe, témoignent d’un haut niveau d’accomplissement intellectuel.

Sur chaque site se dressaient entre une et quinze des monumentales statues de pierre qui survivent

aujourd’hui comme seul vestige de la société pascuane disparue. Sculptées au moyen d’instruments en

obsidienne dans la carrière de Rano Raraku, elles étaient conçues pour représenter de façon hautement

stylisée une tête et un torse masculins. La tête était couronnée d’un « chignon » de pierre rouge pesant

environ dix tonnes et provenant d’une autre carrière. La taille de la pierre était une tâche simple mais

de longue haleine. La plus grosse difficulté consistait dans le transport de ces œuvres monumentales à

travers l’île, puis leur érection au sommet de l’ahu.

La solution trouvée par les Pascuans à ce problème fournit la clé du sort que connut par la

suite leur société. Faute de bêtes de trait, ils durent employer une très importante main d’œuvre

humaine pour haler les statues en utilisant comme rouleaux des troncs d’arbres. Du premier petit

groupe arrivé au v’ siècle, la population de l’île s’accrut donc régulièrement pour atteindre à son

apogée, en 1550, le chiffre de 7 000 habitants. L’île comptait alors des centaines d’ahu sur lesquels on

avait dressé plus de six cents énormes statues de pierre.

Puis, brutalement, cette civilisation s’effondra, laissant derrière elle plus de la moitié des

sculptures inachevées autour de la carrière de Rano Raraku.

Que s’était il passé ? Une dégradation massive de l’environnement provoquée par la

déforestation de l’île. Lorsque les premiers Européens y débarquèrent au XVIIIe siècle, ils la

trouvèrent totalement déboisée à l’exception d’une poignée d’arbres isolés au fond du plus profond

cratère du volcan éteint de Rano Kao. Or de récents travaux scientifiques, dont l’analyse des types de

pollen, ont montré qu’au v’ siècle l’île de Pâques possédait une épaisse couverture végétale incluant

des bois touffus. À mesure que la population se développait, il a fallu abattre de plus en plus d’arbres

afin de fournir des clairières à l’agriculture, du carburant pour le chauffage et la cuisine, du matériau

de construction pour les habitations, des canoës pour la pêche, et des troncs pour transporter les statues

sur des sortes de pistes flexibles le long desquelles les faisaient glisser des centaines d’ouvriers.

Autrement dit on utilisa de prodigieuses quantités de bois. Et, un jour, il n’y en eut plus assez…

La déforestation de l’île ne sonna pas seulement le glas de toute vie sociale ou religieuse un

peu élaborée : elle eut également des effets spectaculaires sur la vie quotidienne de la population. En

Page 23: L’EROSION COTIERE

23

1500, la pénurie d’arbres contraignit bien des gens à ne plus construire des maisons en planches mais à

vivre dans des grottes et, quand environ un siècle plus tard le bois finit par manquer totalement, tout le

monde dut se rabattre sur des habitations troglodytes creusées au flanc des collines ou de frêles huttes

en roseaux taillés dans la végétation qui poussait en bordure des lacs de cratère. Plus question de bâtir

des canoës : les embarcations en roseau ne permettaient pas d’entreprendre de longs voyages.

La pêche devint aussi plus difficile car le bois de mûrier avec lequel on fabriquait les filets

n’existait plus. La disparition de la couverture boisée appauvrit encore le sol de l’île qui souffrait déjà

d’un manque d’engrais animaux convenables pour remplacer les éléments nutritifs absorbés par les

cultures. L’exposition accrue aux intempéries aggrava l’érosion et fit rapidement chuter le rendement

des cultures. Les poulets devinrent la principale source de ravitaillement. À mesure que leur nombre

augmentait, il fallut les protéger du vol. Mais ils ne pouvaient suffire à faire vivre sept mille habitants,

et la population déclina rapidement.

À partir de 1600, la société décadente de l’île de Pâques régressa vers un niveau de vie

toujours plus primitif. Privés d’arbres et donc de canoës, les insulaires se retrouvaient prisonniers à des

milliers de kilomètres de leur patrie natale, incapables d’échapper aux conséquences de la débâcle de

leur environnement dont ils étaient eux-mêmes responsables. L’impact social et culturel du

déboisement fut tout aussi important. L’impossibilité d’ériger de nouvelles statues dut avoir un effet

dévastateur sur les systèmes de croyances et d’organisation sociale et remettre en question les

fondations mêmes sur lesquelles s’était édifiée cette société complexe.

Les conflits se multiplièrent, provoquant un état de guerre quasi permanent. L’esclavage

devint pratique courante et, à mesure que se raréfiait la quantité de protéines disponibles, les habitants

se livrèrent au cannibalisme. L’un des principaux objectifs de ces guerres était de détruire les ahus des

clans adverses. La plupart des magnifiques statues de pierre furent ainsi peu à peu abattues. Face à ce

paysage désolé, face à l’ignorance des insulaires qui avaient perdu au fil des siècles la mémoire de leur

culture, les premiers Européens ne comprirent pas quelle étrange civilisation avait pu un jour fleurir

sur l’île. Mille ans durant, les Pascuans surent conserver un mode de vie correspondant à un ensemble

raffiné de coutumes sociales et religieuses qui leur permit non seulement de subsister, mais de

s’épanouir.

Il s’agit à bien des égards d’un triomphe de l’ingéniosité humaine et d’une apparente victoire

sur un environnement hostile. Or, au bout du compte, la croissance de la population et les ambitions

culturelles des insulaires se révélèrent trop pesantes pour les ressources limitées mises à leur

disposition. Celles ci épuisées, la société ne tarda pas à s’effondrer, entraînant les habitants à un niveau

proche de la barbarie. Il suffisait à ces hommes, totalement isolés du reste du monde, d’une journée

pour faire le tour de leur petite île et comprendre la nécessité vitale de créer un bon équilibre avec leur

environnement.

Au lieu de cela, ils l’exploitèrent comme si les possibilités qu’il leur offrait étaient illimitées.

Pis, alors même que les lacunes de l’île devenaient cruellement évidentes, la lutte entre les clans

semble s’être intensifiée : on sculptait de plus en plus de statues qu’on transportait à travers l’île dans

un ultime effort pour assurer son prestige, quitte à en laisser un grand nombre inachevées et

abandonnées à proximité de la carrière, sans tenir aucun compte de l’inquiétante pénurie d’arbres

qu’une telle escalade entraînait.

Page 24: L’EROSION COTIERE

24

Conclusion

En France, un quart des côtes métropolitaines recule du fait de l’érosion marine. Malgré les

nombreux ouvrages de défense contre la mer, ces proportions ne varient pas depuis vingt ans.

La mobilité du trait de côte est naturelle. Les vagues, le vent, les courants marins et la nature

géologique et morphologique des côtes sont autant de paramètres qui expliquent ce phénomène.

Cependant, les activités humaines peuvent venir bouleverser les grands équilibres naturels et ainsi

avoir un impact sur la mobilité des côtes.

La construction de quais, de ports et d’ouvrages de protection peut influencer les courants

marins et les transports de sédiments. La mise en place de barrages sur les cours d’eau limite l’apport

tellurique de sables et de limons.

Le littoral est par endroits fortement urbanisé et densément peuplé. Il dispose par ailleurs

d’une grande richesse écologique avec, par exemple, de nombreuses zones humides majeures. Le recul

des côtes peut donc avoir des impacts humains, écologiques et économiques importants.

Phénomènes d'érosion à Ault (baie de Somme)