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L'ENVERS DES BARRICADES V I N G T MOIS D ' I N S U R R E C T I O N

A A L G E R

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ANDRÉ EULOGE E T

ANTOINE MOULINIER

L ' E N V E R S DES

B A R R I C A D E S

LIBRAIRIE PLON 8, rue Garancière — PARI S - 6

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Les auteurs ont commencé la rédaction de ce livre

quelques jours à peine après la reddition du « bastion d'Alger ». C'est dire qu' ils n'ont, en aucune façon, voulu faire œuvre d'historiens. I l aura i t été nécessaire, pour cela, de consentir un long travail de recherches, une étude plus approfondie des hommes et des faits en ce qui concerne, tout au moins, la période du 24 jan- vier au 1 février.

L à n'est pas le but de cet ouvrage. Depuis le début de la guerre d'Algérie, l 'opinion métropolitaine n 'a pas toujours saisi le sens exact du drame qui se joue outre- Méditerranée. Les événements du 24 janvier constituent l 'un des épisodes les plus douloureux de ce drame. Témoins des « Journées des barricades », les auteurs ont voulu tenter de les expliquer, d'en définir le sens, de les placer dans leur cadre véritable afin que l 'opinion, mieux éclairée, puisse porter sur ces journées d'Alger un jugement plus sûr.

Certains des acteurs de ce drame sont aujourd 'hui en état d'arrestation. Ils ont à répondre de leur atti-

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tude devant la Justice de leur pays. D'autres sont en fuite. A l'heure des juges, on ne s'étonnera donc pas que les auteurs aient volontairement omis de citer beaucoup de personnages, à quelque milieu qu'ils aient pu appartenir. Seuls sont avancés les noms des hommes qui, au cours de ces journées, ont été cités par la presse d'information. Ce faisant, les auteurs ont voulu éviter de constituer un dossier de justice.

Journalistes, leur mission, au cours de ces journées dramatiques, a été d'informer. C'est la même pensée qui les a inspirés dans la rédaction de cet ouvrage qui ne veut être qu'un témoignage.

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L'ENVERS DES BARRICADES Vingt mois d'insurrection à Alger

C H A P I T R E P R E M I E R

L'HEURE DE JOSEPH ORTIZ...

La chaussée est encore luisante de pluie. En cette aube du 24 janvier 1960, le soleil s'est

levé au-dessus de la baie d'Alger, chassant l'orage de la nuit. Sur le Forum, restent encore quelques flaques d'eau. Quatre camions de C.R.S. forment une chaîne devant l'entrée de la Délégation générale.

La veille, vers 19 h., alors qu'un millier d'Algé- rois — des étudiants et des lycéens pour la plu- part — arrêtaient les automobilistes, rue Michelet, pour leur faire scander les cinq notes « d'Algérie française », un groupe d'une centaine de jeunes manifestants était venu jusqu'aux grilles de la Délé- gation. Là, on avait poussé des cris hostiles au Chef de l'État. Mais le groupe s'était heurté à une section de C.R.S. sortie précipitamment. De part et d'autre, tout le monde avait gardé son calme.

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— N'ayez aucune crainte, avaient dit les étu- diants aux C.R.S., ce soir, c'est une répétition. On reviendra demain !

Le lendemain à 8 h., Joseph Ortiz quitte son domicile au 5 de la rue Charles Péguy. Il est vêtu d'un costume marron, arbore une cravate claire et porte à la boutonnière l'insigne du Front Natio- nal Français, dont le sigle noir s'inscrit sur fond bleu. Il est souriant, détendu, ses cheveux noirs sont bien coiffés. D'un balcon du cinquième étage, qui prolonge la salle à manger-salon de son appar- tement, Mme Ortiz lui lance un baiser de la main. Jacques Laquière, avocat algérois, fils de Maurice Laquière, bâtonnier, neveu de Raymond Laquière, ancien président de l'Assemblée algérienne, maire de Saint-Eugène (banlieue d'Alger) est venu cher- cher Ortiz.

Jacques Laquière, secrétaire du F.N.F. a revêtu sa tenue de capitaine de réserve. Il masque l'in- quiétude de son regard derrière d'épaisses lunettes noires. On le sent nerveux. Il ne cesse de tournoyer autour d'Ortiz.

« Enfin c'est le jour », murmure Ortiz. « Mais il nous faudra beaucoup de chance » ajoute-t-il en laissant traîner son regard sur une colonne de camions C.R.S. qui par le square Laferrière gagne l'avenue Pasteur en direction du Forum.

A la même heure Jacques Susini quitte les fa- cultés et s'engouffre dans une voiture. Cet étudiant

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en médecine de cinquième année, président depuis décembre dernier de l'Association générale des étu- diants, président des étudiants nationalistes, est depuis le 1 novembre 1958, date de la fondation du Front National Français, la pensée politique d'Ortiz.

A 9 h. des groupes se forment : rue Charles-Péguy à hauteur du Coq-Hardi, brasserie victime des bombes de Yacef Saadi : rue Michelet face au bar de l'Otomatic, rendez-vous de Lagaillarde et de ses amis : place Lyautey au rond-point de la rue Miche- let, du tunnel des facultés et du boulevard Saint- Saëns. Un avion de tourisme survole le cœur d'Alger et lance des tracts : « Tous au plateau des Glières à 11 h. » Trois hélicoptères de l'armée de l'air l'obligent rapidement à regagner sa base. A Maison- Carrée, dans le quartier Belcourt, et à Bab-el-oued Place des Trois-Horloges des groupes se forment sous l'autorité des territoriaux porteurs d'un brassard tricolore, frappé du sigle F.N.F. Des cordons de « paras » de la 1 0 D.P., que commande le général Gracieux, venu en hâte de son P.C. Artois, situé sur le massif de l'Akfadou, en Kabylie, ancien re- paire du colonel rebelle Amirouche, ont été jetés au travers des artères principales pour empêcher le flot des manifestants de gagner le plateau des Glières.

A 10 h. la foule est en marche. Les territoriaux adhérents du F.N.F. sont en tête. Ils forment un bloc compact et bras dessus bras dessous ils ra-

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t issent toute la largeur des rues. Ils avancent sur les « paras » d ' un pas calme, résolu, aux cris « d'Al- gérie française ». Nulle pa r t les soldats ne t en t en t de les arrêter. A 11 h. près de 20 000 personnes sont rassemblées sur le pla teau des Glières.

C'est une foule aimable, parmi laquelle la mor t a déjà désigné ses victimes du soir; c'est une foule sans musulmans, une foule qui inquiète toutefois les 300 000 autres Européens d'Alger qui souhai- ta ien t que ce dimanche du 24 janvier soit un di- manche comme les autres, qui évitèrent le pla teau des Glières, se pressant, une boîte de gâteaux à la main achetée à la hâte avan t que les pâtissiers ne ferment sur ordre du « Comité d 'entente des part is na t ionaux ».

C'est une foule obéissante à laquelle Joseph Ortiz donne ses premiers ordres : « Personne au Forum. Je vous défends de dépasser le Monument aux morts. » Cet ordre Ortiz l 'a lancé du balcon du

premier étage de l ' immeuble de la compagnie algé- rienne, d 'où l 'on embrasse le square Laferrière, le p la teau des Glières, le Monument aux morts, un angle de la baie et le drapeau qui flotte sur la Déléga- tion générale. Dans cet immeuble Ortiz a installé son P.C. depuis la veille. Il est entouré des leaders des partis nat ionaux. Les ter r i tor iaux au brassard F.N.F. sont répart is dans les étages et sur le toit. A 300 mètres de là, le député Lagaillarde est assis dans la salle de géologie des facultés. Il est là depuis

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samedi revêtu de sa tenue de lieutenant de « para ». Lagaillarde possède, alors, environ 50 fidèles. Le soir ils seront 300.

A l'autre bout de la ville, au-dessus de l'hôtel Saint-Georges, au quartier Régnot, le général Mau- rice Challe, commandant en chef, a offert l'hospita- lité à M. Paul Delouvrier délégué général.

Il est 12 h. quand le général Challe envoie le commandant Allaire chercher Ortiz.

Il y a vingt mois que le cafetier du Forum attend ce moment.

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C H A P I T R E I I

CEUX QUI FIRENT LES BARRICADES

Durant l'absence d'Ortiz, successivement quel- ques hommes parlent au micro pour tenter de calmer la foule et surtout l'obliger à demeurer sur place. Jacques Susini, alors qu'approche l'heure du déjeuner, parodie la phrase célèbre en déclarant : « L'Algérie vaut bien un repas. »

Quels sont ces hommes, qui ont délibérément accepté de s'insurger en ce 24 janvier contre l'État?

Tous sont aux ordres d'Ortiz. La veille encore Ortiz n'était pourtant que le chef du F.N.F., et rien dans l'attitude des autres leaders des partis nationaux ne laissait présager qu'ils étaient prêts à le reconnaître pour « patron ».

Que sait-on d'Ortiz? Que savent surtout ceux qui brusquement ont accepté de le servir? Il est né voici quarante-sept ans à Guyotville, aux portes d'Alger, d'une famille d'origine espagnole. Durant longtemps personne ne lui a connu un métier bien défini ; certains affirment qu'il a été tour à tour courtier d'assurances, puis vendeur de voitures d'oc-

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casion. Il se marie après la guerre avec la veuve d 'un officier, sœur d 'un hôtelier de Tizi-Ouzou

(Kabylie). Ortiz dans le même temps a pignon sur rue en p renan t la gérance de la « Brasserie du Forum ». Cette brasserie située au 4 du boulevard du Maré-

chal-Foch est légèrement en contrebas de la D é l é - gation générale et de la place Clemenceau, b a p t i s é e Fo rum par les Algérois et mondialement célèbre depuis les événements de Mai 1958. Dans cette brasserie, que ne f réquentent que des habitués, gens du quar t ier et employés de la Délégation générale, deux musulmans servent au comptoir, derrière le- quel Ortiz ne prend jamais place. Le plus s o u v e n t il est assis à une table d'angle où se succèdent de mai 1958 à janvier 1960 tous ceux qui ont à l ' e n - t re tenir de problèmes politiques.

Avan t les événements de Mai 1958, Ortiz en sa qualité de commerçant adhère au mouvement Pou- jade que dirige un res taura teur algérois, M. Roger Goutailler. E t brusquement Ortiz passe au premier rang de l 'actuali té lors de l'affaire du « bazooka ». Arrêté, il est écroué à la prison de Barberousse. Sa femme fait l 'objet d 'une surveillance serrée et subit

plusieurs interrogatoires. La culpabilité d'Ortiz ne peut cependant être établie et après environ deux

mois de détention, il regagne la « Brasserie du Fo- rum ». Son nom est aussi parfois associé à ceux de certains des membres du groupe de contre-terro- risme qui siège dans la t rop fameuse « Villa des

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Sources » et que, à des époques différentes, fréquen- tèrent notamment : Kowacs, Achiary, Crespin.

Dans la nuit du 12 mai 1958, Ortiz participe à la réunion du « Comité des sept » qui se tient à Hydra (banlieue d'Alger) dans la villa du D Ber- nard Lefèvre. Ces sept, outre Ortiz et Lefèvre, sont : Lagaillarde, Martel, le colonel Thomazo, Goutailler, Crespin. C'est l'époque où les gaullistes, menés par Léon Delbecque, les « soustelliens » ras- semblés au sein de l'U.S.R.A.F., le Comité d'entente des anciens combattants qui, lui, a des intelligences dans les deux camps, échafaudent des projets — complotent, ont écrit certains — pour reprendre le pouvoir sous des formes bien entendu diverses.

Les « sept » plus réalistes, plus résolus que les gaullistes tentent dans cette nuit du 12 mai 1958 de mettre sur pied un plan d'action. L'idée tourne autour d'une prise de la Délégation générale, alors gouvernement général et plus simplement appelé « G.G. » par les Algérois. Toutefois ils se quittent vers 2 h. du matin sans s'être mis d'accord. Le 13 Mai ils sont à nouveau réunis de 11 h. à 13 h. au siège de la Maison des Étudiants, boulevard Bau- din ; Pierre Lagaillarde était alors président de l'Association générale des Étudiants. Toutefois à 13 h. quand le groupe se sépare la prise du « G. G. » est encore quelque chose d'assez flou dans l'esprit de six d'entre eux. Martel, fort d'une promesse faite par un ami, a cru pouvoir affirmer que les

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u n i t é s t e r r i t o r i a l e s b l indées , d o n t les cha r s s o n t

s t a t i o n n é s à H u s s e i n - D e y (ban l i eue d 'Alger) p a r - t i c i p e r o n t à l ' a c t ion . Or c ' e s t en déf in i t ive Laga i l - l a r d e seul, a v e c u n p e t i t g r o u p e de j eunes , qu i m è n e l ' a f fa i re à son t e r m e . Les anc i ens c o m b a t t a n t s e t

les a u t r e s a s soc i a t i ons qui , d a n s le cad re d ' u n e g rève généra le , s ' i n c l i n e n t a u M o n u m e n t a u x m o r t s

p o u r r e n d r e h o m m a g e à la m é m o i r e des t ro i s so lda t s f r ança i s assass inés en Tun i s i e p a r le F . L . N . , s o n t mis d e v a n t le f a i t accompl i .

Cet a s s a u t d u « G.G. » a é té réal isé en l ' a b s e n c e

de R o b e r t L a c o s t e , en q u e l q u e s m i n u t e s . A 19 h. 30 d a n s le b u r e a u de M. M a i s o n n e u v e alors Sec ré t a i r e

géné ra l o n t pr is p lace : le géné ra l M a s s u t r ès e n n u y é e t qu i s o u h a i t e des o rd res d u géné ra l S a l a n ; R o b e r t M a r t e l e f fondré d a n s u n f a u t e u i l ; L a g a i l l a r d e p lu s

é n e r v é que j a m a i s ; le colonel T h o m a z o qu i ne cesse de r é p é t e r : « Il n ' a u r a i t pas fa l lu faire t o u t cela » ; e t des v i sages v e n u s de la r u e : P a u l Moreau , Ro - d o l p h e P a r a c h i n i , A n d r é B a u d i e r . Ce d e r n i e r r é p o n d a u géné ra l M a s s u qu i lu i d e m a n d e ce q u ' i l r ep ré - s e n t e : « J e suis la foule. »

Or t i z ne fa i t son a p p a r i t i o n que d a n s la m a t i n é e d u 14 a lors q u e les gaul l i s tes s ' é t a n t ressaisis , le D Le fèv re d e m a n d e l ' e n t r é e de ses amis au C.S.P .

d u 13 Mai. Or t i z n ' a u r a d a n s ce m o u v e m e n t , c o m m e

a u sein d u C.S .P . « A l g é r i e - S a h a r a », q u ' u n rôle d ' a u d i t e u r . E n r e v a n c h e c ' e s t chez lui à la « Bras se r i e

d u F o r u m » q u ' à la mi - ju i l l e t 1958 se r é u n i s s e n t

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14 membres du C.S.P., sous l'impulsion du D Le- fèvre. Ce dernier qui donne lecture du « manifeste des 14 » provoque ainsi la première cassure offi- cielle, à la grande colère du général Massu, entre les gaullistes ou apparentés et les « activistes ». Ce manifeste des 14 réaffirme les idéaux du 13 Mai : cons- titution d'un gouvernement de Salut Public, sup- pression du Parlement et instauration d'un ordre corporatif.

Ortiz approuve mais demeure néanmoins très effacé. Ce « dur », ce révolutionnaire, ce nationaliste se sent surtout très mal à l'aise dans le combat poli- tique que Lefèvre mène contre les gaullistes.

Ortiz c'est le muscle. Il n'a qu'une intelligence moyenne, mais il est malin, rusé et prudent. Il sait écouter et a compris que seule la force pourrait lui permettre de renverser le pouvoir que les gaullistes se sont approprié avec infiniment d'habileté. C'est sa prudence qui l'incite à quitter la scène politique. Il a su, et peut-être un des premiers, que la poli- tique algérienne du Chef de l 'Etat provoquerait à nouveau la colère des Européens. Il s'applique donc avec le maximum de discrétion à forger l'arme qui lui permettra, le moment venu, d'orienter cette colère et de s'en servir.

C'est ainsi que le 1 novembre 1958 il annonce, sans grande publicité, la fondation du « Front Natio- nal Français ». Ce n'est pas au hasard qu'il a choisi cette date. Il l'a voulu ainsi car le 1 novembre

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marque l'anniversaire de la rébellion, contre laquelle il affirme vouloir lutter, aux côtés de l'armée. En vérité c'est contre de Gaulle qu'il commence la lutte. Pour rendre au F.L.N. coups pour coups, pour le combattre dans le moindre de ses repaires, Ortiz souligne qu'il a calqué la structure du F.N.F. sur celle du F.L.N. Cette structure, véritable toile d'araignée, permet au D Pérez, vice-président du F.N.F. de constituer des groupes « action » arti- culés par rues, par quartiers, par arrondissements et par communes. Le D Pérez qui habite à Bab-el- oued, pittoresque quartier d'Alger, au sang chaud, rendu célèbre par la Famille Hernandez, trouve là un magnifique champ d'expérience. Les groupes « action » sont confiés au commandement de M. Sanne, professeur de philosophie, ancien lieute- nant de « paras ».

A la veille des événements du 24 janvier, le F.N.F. compte 13 500 adhérents. Nombreux sont ceux qui appartiennent aux unités territoriales et sont donc armés, ainsi que le sont les policiers qui militent dans les rangs du F.N.F. Ortiz ne reçoit plus alors à la Brasserie du Forum. Il partage au numéro 30 du boulevard Carnot le bureau d'un jeune avocat, Me Jacques Laquière, devenu secrétaire du F.N.F., après avoir eu avant le 13 Mai des sympathies dans le clan gaulliste.

Tandis que le D Pérez organise les groupes « action », Jacques Susini, le président des étu-

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A. EULOGE ET A. MOULINIER

L'ENVERS DES BARRICADES

Du 24 janvier au 1 février 1960, la France a vécu l'un des moments les plus tragiques de son histoire. Les barricades de la colère, dressées sur les pavés d'Alger, comme une insulte au pou- voir, mettaient en péril à la fois l'unité de l'armée et celle de la République. Sous les ordres de Joseph Ortiz, le cafetier du forum, et de Pierre Lagaillarde, le député-para, les insurgés d'Alger, retranchés dans leur bastion, exigeaient de l'État l'affirmation solennelle du principe de l'Algérie française.

Or, ces barricades ne sont pas nées spontanément. Il faut en rechercher plus loin les causes : elles n'étaient que le prolon- gement logique d'un 13 mai, qui, en ouvrant au Général de Gaulle le chemin du pouvoir, frustrait les activistes du bénéfice de leur révolution. Aussi bien, le 24 janvier a eu ses secrets : un certain nombre de faits, un certain nombre de complicités, un certain nombre de négligences ont rendu l'insurrection possible. Voici révélé pour la première fois l'envers des barricades. Autour d'elles, des intrigues se sont nouées, des visages inconnus ont surgi de l'ombre du complot. Et si complot il y a eu, ce complot durait depuis vingt mois : depuis vingt mois en fait, Alger était en état d'insurrection.

L'opinion métropolitaine n'a pas toujours saisi le sens exact du drame qui se joue de l'autre côté de la Méditerranée. « Paris est déphasé », pouvait-on dire à Alger. Les auteurs de ce livre ont voulu justement, parce qu'ils ont été les témoins de cette semaine dramatique, tenter d'en définir le sens, pour éclairer les esprits sur le problème le plus déchirant qui se soit depuis longtemps posé à la France.

Imprimé en France. — TYPOGRAPHIE PLON, PARIS. — 1960. 69556. — Printed in France.

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