Le Soir, 20/10/2012

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    21/10/12 21:33 - LE_SOIR du 22/10/12 - p. 14

    aujourdhui Les dpenses lies la prvention du tabagismesont nulles Les ventes de tabac explosent alors quela consommation est stable. La Belgiquefait-elle son beurre sur le dos des fumeurs ? On en aparl avec Frdric Soumois.Comment expliquez-vous que les ventes de tabacexplosent alors que la consommation est stable ?

    Daprs les sondages, on considre quun Belge sur cinq fu-me rgulirement. Ce qui fait approximativement 18 %.Malgr tout, ces chiffres ne bougent plus depuis les inter-dictions faites de fumer dans les endroits publics. Maisune autre manire de voir le niveau de consommation,cest de se rfrer au nombre de bandelettes fiscales quisont dlivres. Et l, on remarque une augmentation nor-me. Un tiers pour les cigarettes et 40 % pour le tabac rou-l. Donc, dautres gens que les Belges viennent acheter du

    tabac chez nous. Pourquoi ? Car il y a une grosse diffren-ce de prix.Certains pensent que taxer davantage permettrait lEtat dencaisser davantage. Pourquoi ne le fait-ilpas ?Si on augmente le prix du paquet de 10 % et on nattein-drait mme pas les prix affichs en France ou ailleurs onobtiendrait une diminution de 4 % des fumeurs. Mais lar-gent sauv environ 200 millions sera plus important. Il

    y a l une vraie question. Et la vraie rponse, cest que le

    bas prix rapporte.La consommation ne diminue pas malgr les pr-ventions. O en sommes-nous ce niveau-l ?Ltat des lieux de la prvention ? Elle est nulle. Elle nexis-te pas. La dernire campagne mane de Tabacstop. Maiscest pas grand-chose. Les dpenses faites pour la prven-tion quivalent 10 centimes par citoyen. Je vous laissedeviner de lautre ct la moyenne par tte des dpensesfaites par les industries du tabac pour leur promotion

    ENTRETIEN

    En un sens, le politologue amricainFrancis Fukuyama commena par lafin, en publiant, au lendemain de lef-

    fondrement du Bloc de lEst, La fin de lHis-toire et le dernierhomme (tr. fr. Flammarion,

    1992), un essai qui fit poque mme sil eutassurment moins de lecteurs attentifs quede commentateurs vhments. Il en revientaujourdhuiaux commencements,avecLe d-butdelHistoire (d.fr. Saint-Simon),et posela question premire de la science politique :do viennent les gouvernements ?

    En remontant aux origines de lhumanit,vous montrez que les hommes se sont tou-jours regroups en clans souds. Jean-Jac-ques Rousseau avait donc tout faux ? Il ny ajamais eu dEden pr-tatique, peupl degens naturellement bons et/car libres ?ean-Jacques Rousseau avait raison sur cer-

    tains points. Ainsi quand il dit que ltat so-cial, ingalitaire et oppressif, apparat aveclagriculture, laquelle requiert la propritprive. Mais je pense quil avait fondamenta-lement tort en affirmant quau dbut, ltrehumain ntait pas social et tait pacifique.e pense au contraire que la comptition, la

    comptition violente entre les tres humainsa tun moteurintensif quiles a faitsorgani-ser en groupes sociaux de plus en plus largesetde plus enplus complexes. Ence sens,Hob-besaunemeilleurecomprhensiondecescon-ditions premires.Le problme, expliquez-vous, cest que cessocits premires taient trop soudes :cest ce que vous appelez la tyrannie descousins . La politique serait ne pour briserles cliques et les liens claniques ?e pense que tous les ordres politiques sont

    confronts au mmeproblme, savoir quelabiologie humaine cre certaines formes natu-relles de socialisation. En gros, nous chan-geons des faveurs avec des gens qui sont de no-trefratrieou avec nosamis.Le problmecestque sur cette base, vous crez des microsoci-ts mais par une socit politique. Ltat re-quiert des institutions impersonnelles quipeuvent rgler des relations humaines surune chelle beaucoup plus vaste. Voil pour-quoi tous les ordres politiques doivent se si-tuerau-dessusdes familleset desclans etmet-tre en place des institutions qui traitent lesgens sur une base diffrente. Singulirementdans les tats modernes, vous avez besoin debureaucrates, qui sont l sur la base de leurscomptences techniques, deleur capacitdex-pertise, de leur connaissance des dossiers etnon parce quils sont membres du club .Cestune des raisonspour lesquelles les soci-ts dveloppes le sont, prcismentLa loi, que personne nest cens ignorer etqui simpose tous, est le meilleur garde-fou contre les passe-droits et larbitraire.

    Mais aujourdhui, on a parfois le sentimentque lenchevtrement de lois, de normes etde rglements paralyse laction publiqueJe pense en effet quil y a trop de lois dans nossocits modernes. Historiquement, les loisfixaient des balises et on tait libre lint-

    rieur du cercle ainsi trac. Actuellement, lesloissont devenuestellementnombreuses,pr-ciseset contraignantesquildevienttrs diffi-cilede prendredes dcisions,de faireavancerles choses. En Amrique singulirement, lescoursettribunauxontacquisunnormepou-voir. Pour ne citer quun petit exemple, dansles annes 30, on a construit le Golden GateBridge en quatre ans. Jhabite la Silicon Val-ley et on essaye dy construire une nouvellevoie de pntration depuis dix-sept ans maisle dossier est bloqu en raison des recours in-troduits par des lobbies de toutes sortesDans La fin de lHistoire et le dernier hom-me , vous expliquiez, en gros, quaprs lef-fondrement de lEmpire sovitique, le con-sensus tait ralis autour du systme capi-taliste et de sa dclinaison politique naturel-le, la dmocratie parlementaire. Ce rgimepolitique pouvait ds lors tre tenu pour laforme finale de tout gouvernement hu-main et donc marquer la fin de lHistoi-

    re . cririez-vous toujours la mme choseen 2012 ?Je ne distingue toujours aucune alternativepossible. Je ne pense pas que les rgimess aou-dienouiraniensoientlefuturpourquiquecesoit.Je nepensepasque lergimechinoissoitunfuturnon plus, malgrses rsultats etsonorganisation. Les Chinois aspirent ce queleur pays devienne une dmocratie mais mon sens, personne naspire srieusement ce quun rgime de type chinois se mette enplace chez lui

    Le rgime chinois pourrait-il seffondrer,comme lURSS nagure ?La Chine est un immense pays o il y a tou-jours eu un problmedinformation. Lempe-reur ne parvenait pas savoir ce qui se pas-saitdanslesprovinces.Cestgalementlepro-blme du Parti communiste actuellement : enlabsence de mdias libres, dlections locales,il lui est impossible de savoir ce que pense lepeuple. Il compense en crant des mcanis-mes de surveillance. Cest une des raisonspour lesquelles je pense que le systme va ex-ploser un moment ou un autre. Alors quelconomie ralentit, personne ne sait ce qui sepasse vraiment parce que les responsablessont incits mentir sur la production deleurs rgions. En Chine, il doit y avoir50.000 personnes dont le travail consiste surveiller cequi sepassesur internet. Cestenpartie dans un but rpressif, mais cest sur-toutparce quele gouvernementveut savoir cequelesgenspensent,pournepasperdrelecon-tact avec la ralit. Propos recueillis par

    WILLIAM BOURTON, Paris

    Le conflit syrien etla situation au LibanPosez vos questions Bau-douin Loos, ds 10 heures,surwww.lesoir.be/polemiques/

    Quelle apprciation portez-vous sur le bilan du prsidentObama ?Je suis trs du. Ce nest pas unleader fort. Contrairement cequon a pu penser au dbut, cenest pas un homme politiquenaturel. Un bon leader arrive expliquerleschosesetconvain-cre les gens de le suivre. Obamana absolument pas russi lefaire. Sa rforme des soins desant, qui est son principal ac-quis, est emblmatique ce pro-pos. Elle fut extrmement diffici-le faire passer et le pays conti-nue ne pas la soutenir, nepas la comprendreJe serais un peu moins svre entermes de politique trangre.Les Etats-Unis ont jou un rle

    moins actif dans le monde quesous son prdcesseur mais per-

    sonnellement je ne trouve pasquil soit tragique que dautrespartis prennent des responsabi-lits Disons que technique-ment son bilan est correct maissur ce plan-l non plus, il nesestpasmontrunleaderinspi-r.Il a trop cherch le compromis,surtout lors de ses deux premi-res annes de prsidence, alorsque le Congrs tait dmocra-te ?L nest pas le problme. Si voustesun bon compromiser , leschoses se font et se font bien.Non, le problme cest que cenestpas un politicientrs talen-tueux, voil tout.Dans les annes 60, le prsi-dent dmocrate Lyndon John-son a russi faire p asser seslois anti-sgrgationnistes enralliant lui des rpublicainsmodrs, pour pallier les dfec-tions parmi des dmocrates su-distes. On a le sentiment que ceserait totalement impossible au-jourdhuiLe systmepolitique actuel est ef-fectivement trs polaris, bloqumme. Il est devenu trs difficilede prendre des dcisions en rai-son des clivages fondamentaux

    qui divisent notre socit et quisont amplifisparla classepoli-tique. Je pensais que la crise fi-nancire, il y a quatre ans, au-raitpunouspermettrededpas-ser ces clivages mais, dune cer-tainemanire,cettecrise napast suffisamment grave pour re-mettre en cause certaines desconvictions fondamentales quidivisent notre socit.Un mot sur Mitt Romney.O se situe-t-il par rapportaux deux derniers prsidentsrpublicains que lon a connus :George Bush (senior) et GeorgeW. Bush ?Quand George Bush senior estdevenu prsident, il avait nor-mment dexprience. Il avaittlattedelaCIA,ilavaitt

    vice-prsident. Romneyne poss-de absolument pas un tel back-

    ground : il a simplementt gou-verneur et businessman. Et lorsde son voyage en Europe, on nepeut pas dire quil ait montr uninstinct particulirementsr enmatire de relations internatio-nales (en juillet dernier, Lon-dres, Romney avait notammentprovoqu un mini-incident di-plomatiqueavec la Grande-Bre-tagne en exprimant ses doutessur le degr de prparation desJeux olympiques, NDLR). Cemanque dexprience minqui-te. Car ce que George Bush ju-nior a prouv, cest que quandun prsident manque dexp-rience, il peut facilement se lais-ser manipuler par ses conseil-lers et cela peut tre le dbut degros ennuis.Les Amricains sintressenttoujours aussi peu la politi-que internationale ?Ils ne sy intressent quen tempsde guerre ou lorsque des ressor-tissants sont tus quelque partdans le monde. Et ce nest pasavec la crise conomique actuel-le que les choses vont changer :lesgenssontavanttoutproccu-ps par leurs problmes quoti-diens. Propos recueillis par

    W. B.

    Politologue amricain n en 1952,professeur de sciences politiques Stanford. la fin de la dcennie 90, il aparticip au think-tank noconservateurProject for the New American Century eta sign la ptition recommandant BillClinton de renverser Saddam Hussein. Ilest cependant revenu sur ses positions,dsapprouvant plus tard linvasion delIrak et demandant la dmission deDonald Rumsfeld. Dans sabibliographie, outre La fin de lHistoireet le dernier homme (Flammarion,1992), pinglons Do viennent lesnoconservateurs ? (Grasset, 2006).

    En labsence de mdias libres, dlections locales, il est impossible auParti communiste chinois de savoir ce que pense le peuple

    Romney na pas de background, et ce manque dex-prience minquite

    Le dbut de lHistoire. Des origi-

    nes de la politique nos jours

    FRANCIS FUKUYAMA

    Editions Saint-Simon,

    472 pages, 25 euros

    Francis Fukuyama

    Francis Fukuyama confesse que, comme il y a qua-

    tre ans, il votera Obama malgr tout. D. R.

    Le prsident Obama na past un leader inspir Francis Fukuyama se penche sur la gense des systmes politiques. Il voque aussi son pays,les Etats-Unis, dont le systme est bloqu. Et la Chine, dont le rgime pourrait exploser.

    lentretien

    FORUM

    Le systme politiqueamricain est bloqu

    Entretiens, chats : lactualit vit sur le

    site du Soir. En voici des moments

    forts. Et si vous avez le temps, allez sur

    lesoir.be/dbats/chats pour les goter

    in extenso.

    Le Soir Lundi 22 octobre 2012

    14

    1NL www.lesoir.be