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Traumatismes pénétrants de l’abdomen M. Borel, B. Guene et B. Veber Introduction Une plaie traumatique peut être occasionnée par la pénétration dans l’orga- nisme d’une arme blanche, d’un projectile, d'une arme à feu ou de tout autre corps étranger quelle qu’en soit sa nature. Les traumatismes abdominaux péné- trants restent en France actuellement proportionnellement toujours nettement moins fréquents qu'aux États-Unis. Ils sont avant tout responsables de plaies des organes creux, contrairement aux traumatismes fermés qui occasionnent le plus souvent des contusions des organes pleins intra-abdominaux. La gravité d'un traumatisme pénétrant de l'abdomen tient à l’agent causal, à la vitesse du projectile et au calibre de l'arme quand il s'agit d'un traumatisme balistique, aux traumatismes associés et aux organes intra-abdominaux lésés. Sa prise en charge initiale est guidée par la présence ou non d’une hémorragie aiguë responsable d'une défaillance hémodynamique mais aussi sur la prise en compte d'une défaillance respiratoire ou neurologique. De la pénétration d’un corps étranger, de manière plus ou moins prolongée et des lésions digestives potentiellement induites, résulte un risque infectieux certain qui doit être envisagé à toutes les étapes de la prise en charge. Physiopathologie et mécanismes Les plaies de l’abdomen sont des traumatismes avec rupture de la continuité pariétale abdominale. Elles sont pénétrantes si elles atteignent la cavité périto- néale. Les traumatismes pénétrants sont souvent isolés, contrairement aux trau- matismes fermés. Toutefois, il ne faut pas méconnaître une lésion associée qui pourrait aggraver le pronostic. L’agent vulnérant peut être d’origine très variée. Si les plus classiques sont les armes à feu ou les armes blanches, il ne faut pas

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Traumatismes pénétrants de l’abdomen

M. Borel, B. Guene et B. Veber

Introduction

Une plaie traumatique peut être occasionnée par la pénétration dans l’orga-nisme d’une arme blanche, d’un projectile, d'une arme à feu ou de tout autrecorps étranger quelle qu’en soit sa nature. Les traumatismes abdominaux péné-trants restent en France actuellement proportionnellement toujours nettementmoins fréquents qu'aux États-Unis. Ils sont avant tout responsables de plaiesdes organes creux, contrairement aux traumatismes fermés qui occasionnent leplus souvent des contusions des organes pleins intra-abdominaux.

La gravité d'un traumatisme pénétrant de l'abdomen tient à l’agent causal,à la vitesse du projectile et au calibre de l'arme quand il s'agit d'un traumatismebalistique, aux traumatismes associés et aux organes intra-abdominaux lésés. Saprise en charge initiale est guidée par la présence ou non d’une hémorragieaiguë responsable d'une défaillance hémodynamique mais aussi sur la prise encompte d'une défaillance respiratoire ou neurologique.

De la pénétration d’un corps étranger, de manière plus ou moins prolongéeet des lésions digestives potentiellement induites, résulte un risque infectieuxcertain qui doit être envisagé à toutes les étapes de la prise en charge.

Physiopathologie et mécanismes

Les plaies de l’abdomen sont des traumatismes avec rupture de la continuitépariétale abdominale. Elles sont pénétrantes si elles atteignent la cavité périto-néale.

Les traumatismes pénétrants sont souvent isolés, contrairement aux trau-matismes fermés. Toutefois, il ne faut pas méconnaître une lésion associée quipourrait aggraver le pronostic. L’agent vulnérant peut être d’origine très variée.Si les plus classiques sont les armes à feu ou les armes blanches, il ne faut pas

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négliger certains agents pénétrants plus marginaux comme les cornes d’ani-maux.

Les lésions sont le plus souvent localisées au point d’impact et sur le trajetde l’agent vulnérant. Il est important de se méfier des projectiles à haute vélo-cité pouvant entraîner des lésions de cavitation responsables de lésions desorganes de voisinage bien au-delà du trajet du projectile par propagation d'uneonde de choc (1). Dès le début de la prise en charge d’un traumatisme péné-trant, il faut chercher à identifier l'orifice d’entrée et de sortie ainsi que le typed’agent, ce qui pourra éventuellement permettre de reconstituer le trajet et deprévoir les organes atteints pour les agents vulnérants les plus classiques. Lareconstitution d’un trajet supposé ne s’appuie en fait que sur une littératurerestant très théorique et le trajet des projectiles d'arme à feu est rarement recti-ligne du fait notamment des différences de densité des tissus traversés (1). Ellene doit donc pas aller à l’encontre d’une prise en charge globale systématiqueet rigoureuse.

La réaction des organes à la pénétration par un agent vulnérant est diffé-rente selon qu’il s’agit d’organes pleins ou creux. L’enjeu sur le pronostic vitalest immédiat ou à court terme. Ainsi, l’atteinte d’un gros vaisseau ou à moindredegré d'un organe plein pourra entraîner un retentissement hémodynamiquerapidement gravissime alors qu’une perforation digestive isolée sera responsabled'un syndrome péritonéal semi-retardé. Le foie et la rate ne tolèrent pas lerefoulement, ni la cavitation qui entraîne leur éclatement. Les organes les plusfréquemment lésés lors des traumatismes pénétrants sont par ordre décrois-sant : l’intestin grêle 48%, le côlon 28%, le foie 16%, la rate 12%, l’estomac11%, les reins 8%, la vessie 7%, le rectum 7%, le duodénopancréas 5%, etles gros vaisseaux 3% (2).

La pénétration d’un agent vulnérant à travers le derme va provoquer unepénétration dans l’organisme de germes exogènes d'origine tellurique, aqueuseou en provenance de la flore cutanéo-muqueuse avec un risque de contamina-tion des tissus pariétaux et de la cavité péritonéale. Par ailleurs, la survenued'une plaie d'un organe creux essentiellement représenté par du tube digestifpermettra à la flore digestive endoluminale de contaminer la cavité péritonéaleaboutissant à court terme et en l'absence de réparation chirurgicale à une péri-tonite. Le diagnostic en est parfois très difficile à la période toute initiale de laprise en charge et justifiait l'ancien adage « toute plaie pénétrante de l'abdomendoit être explorée chirurgicalement ». Les progrès de l'imagerie et de la réani-mation ont permis de nuancer cette stratégie. Néanmoins, lors de la survenued'un traumatisme abdominal pénétrant, le risque infectieux du site lésé est bienréel et doit être pris en compte dès la prise en charge initiale du blessé.

Prise en charge initiale – stratégie diagnostique

Tout patient victime d’un traumatisme abdominal pénétrant doit au départ

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être considéré comme polytraumatisé et pris en charge initialement comme tel.Il faut notamment savoir évoquer la possibilité d’un traumatisme thoraciqueassocié compte tenu de l’amplitude de la course diaphragmatique. L’examenclinique rapidement réalisé ainsi que le recueil d’informations auprès des inter-venants doivent permettre d’identifier l’agent vulnérant et de rechercherl'orifice d’entrée et de sortie. Parallèlement, une détresse vitale hémodyna-mique, respiratoire ou neurologique doit être recherchée et prise en charge defaçon adaptée. La nécessité d’une laparotomie en urgence doit être rapidementévaluée en fonction de l’état hémodynamique du blessé (patient stable,instable, in extremis).

Il est impératif de ne jamais retirer un objet ayant pénétré profondémentsans concertation médicochirurgicale. En effet, celui-ci peut réaliser une hémo-stase temporaire de vaisseaux lésés.

Place des différents examens complémentairesd'imagerie

Abdomen sans préparation

Examen aisément réalisable, sa place est actuellement discutée en termes derentabilité diagnostique. Il peut parfois participer au diagnostic d'hémopéri-toine ou de pneumopéritoine et permet de visualiser le projectile éventuel (3).

Ponction lavage du péritoine (PLP)

Examen simple, anciennement décrit, présentant peu de contre-indications,son intérêt est actuellement remis en question dans le diagnostic d’un épan-chement intrapéritonéal, dans la mesure où il entraîne de nombreux fauxpositifs (4). Il est supplanté par l'échographie pour le diagnostic d'hémopéri-toine mais peut garder de l'intérêt pour le diagnostic de péritonite par lésiond'un organe creux dans les situations de doute diagnostique persistant.

Échographie

Il s'agit actuellement de l'examen complémentaire de première ligne aprèsl'examen clinique (5). En effet, il est rapide à mettre en œuvre, facilement réali-sable au lit du patient, de façon itérative dans le cadre d’une surveillancerapprochée. Sa sensibilité est de l’ordre de 88 à 93% et sa spécificité de 90 à99% en fonction des études (6-8). Il s’agit de l’examen le plus sensible pourdétecter des épanchements de faible abondance. L’échographie permet aussi

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une analyse performante des lésions parenchymateuses des organes pleins (foie,rate, rein) à type d’hématome sous-capsulaire, hématome intraparenchyma-teux, et de contusions. Néanmoins, les ruptures d’organes peuvent êtredifficiles à percevoir. Quant aux organes creux, en cas de perforation, l’écho-graphie ne révèle que l’existence d’un épanchement mais ne peut en aucun caspermettre leur analyse spécifique. L’échographie ne permet pas d’éliminer unelésion spécifique du rétropéritoine, du duodénopancréas ou du mésentère.

Par ailleurs, si l’échographie est un examen performant dans les mains d’unopérateur expérimenté, elle peut être difficile d’interprétation lors d’un emphy-sème sous-cutané, d’une distension gazeuse, d’une obésité ou de douleursabdominales intenses.

Tomodensitométrie (TDM)

La TDM est actuellement l'examen pivot dans l’imagerie diagnostic du trau-matisé abdominal (9). Cet examen ne peut se réaliser que chez un patient dontl’hémodynamique est stabilisé. Elle permet l’exploration du péritoine, du rétro-péritoine et de l’espace sous-péritonéal. Ainsi, elle est pertinente pour lediagnostic d’hémopéritoine et peut en préciser l’abondance et la localisation,même en cas de petits épanchements. Elle est de même très sensible pour ladétection d'un pneumopéritoine. Elle permet d’explorer les organes pleins defaçon superposable à l’anatomie et peut identifier les lésions des organes creuxpar une extravasation de produit de contraste (cavités pyélocalicielles) ousurtout par la mise en évidence d'un pneumopéritoine dans le cas d'une lésiondu tube digestif.

Artériographie

Les indications de l’artériographie sont actuellement essentiellement limitées :– aux traumatismes hépatiques ;– aux traumatismes rénaux, dans le cadre de rein muet en TDM ;– en cas d’instabilité hémodynamique persistante pour rechercher une

hémorragie artérielle et guider un geste d’embolisation.

Cœlioscopie

L'idée d’utiliser la laparoscopie dans le diagnostic des traumatismes estancienne. Si elle est en soit séduisante, peu d’études ont comparé la laparo-scopie aux autres techniques de diagnostic et d'évaluation dans le contexte del’urgence.

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Certaines équipes l'utilisent régulièrement dans le cadre de l’exploration desplaies abdominales, notamment par arme blanche (10). Ce choix ne peut êtreenvisagé que chez un patient à l’hémodynamique stabilisé. La cœlioscopiepermet de faire un bilan diagnostique des lésions intra-abdominales et permetcertains gestes thérapeutiques.

Arbre décisionnel (fig. 1)

Dans le cadre d’un patient à l’hémodynamique instable, une laparotomieprécoce est recommandée d'emblée.

Par ailleurs, devront être opérés de façon systématique : les traumatismesavec extériorisation viscérale et les patients dont l’état fait rapidement évoquerune péritonite (sur une perforation d’organe creux). En l’absence de signespéritonéaux évidents, une abstention chirurgicale avec surveillance rapprochée(clinique, biologique et radiologique) est préconisée par beaucoup d’équipespour les plaies par arme blanche et pour certain pour les plaies par balle (11,12). Le risque infectieux de ce choix est non négligeable. Cette attitude ne doittoutefois pas faire omettre au moins une exploration de la plaie localement, aulit du malade.

Une attitude intermédiaire est actuellement en essor : la laparoscopiediagnostique et thérapeutique (10). Sa place est toutefois encore mal définiedans le cadre de l’urgence.

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Fig. 1 – Stratégie diagnostique devant un traumatisme abdominal pénétrant isolé. PLP : ponc-tion lavage du péritoine.

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Risque infectieux

Le risque infectieux encouru sera discuté en fonction des options thérapeu-tiques et des mesures de prévention ou de traitement à prendre. La situationétudiée est celle d'un traumatisme pénétrant abdominal isolé. Plusieurs hypo-thèses successives de prise en charge différentes seront discutées.

Hypothèse 1 : Prise en charge primaire au bloc

Il est légitime de se poser la question d'une antibioprophylaxie ou d'une anti-biothérapie probabiliste en fonction du type de traumatisme. Dans le cadred'un traumatisme entraînant une chirurgie de classe I (propre) ou II (proprecontaminée) selon la classification d'Altemeier (tableau I), il faut recommanderla prescription d'une antibioprophylaxie selon les recommandations pour lapratique de l'antibioprophylaxie en chirurgie (13, 14) (tableau II). Si la situa-tion correspond à celle d'une chirurgie de classe III ou IV selon Altemeier, iln'est plus licite de parler d'antibioprophylaxie mais d'antibiothérapie curative.La situation est alors celle d'une probable péritonite communautaire. Dansl’hypothèse d’une péritonite par plaie pénétrante abdominale avec ouverturedu tube digestif correctement opérée dans les 12 heures suivant le traumatisme,un traitement court de 48 heures voire seulement 24 heures semble recom-mandé (15). Une association de céfotaxime et d’imidazolé, ou d’amoxicilline etd’acide clavulanique avec de la gentamicine pourra par exemple être proposée,conformément aux recommandations de la conférence de consensus sur la priseen charge des péritonites communautaires (15). Un retard à la prise en charge,les constatations peropératoires, la gravité initiale particulière du tableauclinique ou une situation d’immunodépression devront faire prolonger l’anti-

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Risque infectieux

Type de chirurgie Avec antibiotique Sans antibiotique

Classe I Propre < 1% 1 à 2%Classe II Propre contaminée 7% 10 à 20%

• ouverture d'un viscère creux avec contamination minime

• rupture d'asepsie minime Classe III contaminée 10 à15% 20 à 35%

• traumatisme ouvert < 4 h• contamination importante par le

contenu digestif Classe IV Sale 10 à 35% 20 à 50%

• infection bactérienne• traumatisme ouvert > 4 h,• corps étranger• tissus dévitalisés• contamination fécale

Tableau I – Classification d'Altemeier.

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biothérapie jusqu’à 5 jours (15). Une durée d’antibiothérapie supérieure à5 jours doit être rare, appuyée sur un diagnostic notamment microbiologiquede grande qualité et justifie des réévaluations régulières (15, 16).

Pour évaluer le risque infectieux engendré par le traumatisme, il peut êtreintéressant d'évaluer le score NNISS du patient concerné. Ce score n’est toute-fois pas spécifique du traumatisme abdominal pénétrant. Il est plutôt le refletd’un risque infectieux global toute chirurgie confondue (tableau III).

Hypothèse 2 : pas d’intervention chirurgicale initiale

Dans le cadre d’un choix de prise en charge conservateur, il n’y pas actuelle-ment d’argument pouvant faire préconiser de façon systématique uneantibioprophylaxie large, qu’elle soit de courte ou de longue durée. Il est indis-pensable de réaliser un parage et une antisepsie minutieuse des plaies puis desurveiller le patient sur le plan clinique, biologique et radiologique à larecherche d’une complication infectieuse secondaire.

Le risque essentiel de ce choix thérapeutique est de méconnaître une perfo-ration d’organe creux, et de prendre du retard dans le traitement d’unepéritonite.

Dans le cadre de cette surveillance, une PLP peut avoir sa place dans lessituations douteuses pour confirmer la contamination bactérienne de la cavitépéritonéale et inciter à une prise en charge chirurgicale.

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Choix possible Dose Durée

Céfotétan 2 g préopératoireCéfoxitine 2 g préopératoire dose uniqueAminopénicilline + (réinjection de 1 ginhibiteur des bêta 2 g préopératoire si durée > 2 heures)lactamases

Allergie : imidazolé + 1 g préopératoire et gentamicine 2 à 3 mg/kg pour dose unique

la gentamicine

Score NNISS (points) Risque infectieux (%)

0 1,51 2,62 6,83 13,0

Tableau II – Recommandation pour l'antibioprophylaxie au bloc opératoire des plaies péné-trantes de l'abdomen (13).

}Tableau III – Score NNISS.

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Le patient est de plus exposé à un risque de gangrène gazeuse en cas deplaies souillées, ou de parage initial incomplet, notamment s’il présente unterrain altéré par la prise d'une corticothérapie ou d'un traitement par anti-inflammatoire non stéroïdien au long cours. Sa mise en évidence repose surune surveillance rigoureuse de l’état général du patient et des pansements, à larecherche notamment d'un emphysème pariétal évolutif. Son traitement faitappel à un débridement chirurgical large, à une antibiothérapie ainsi qu'à uneréanimation adaptée et peut nécessiter des séances d'oxygénothérapie hyper-bare.

Dans le cadre d’une laparotomie ou d’une cœlioscopie exploratrice et théra-peutique secondaire, il sera nécessaire d’initier une antibiothérapie probabilisteadaptée au contexte (délai par rapport au traumatisme, péritonite nosocomialeou communautaire) et aux constatations peropératoires.

Hypothèse 3 : complication infectieuse après chirurgie

Une prise en charge initiale invasive n’élimine pas tout risque de complicationsecondaire infectieuse.

Un parage initial des plaies inadapté exposerait le patient à un risque persis-tant de gangrène gazeuse, compte tenu du traumatisme pénétrant contaminantinitial.

Des complications septiques classiques peuvent apparaître au décours del’intervention : infection péritonéale liée à un épanchement mal drainé, à unhématome postopératoire surinfecté, ou à une perforation d’organe creuxméconnue initialement. L’examen du patient, et sa biologie faisant apparaîtreun tableau d’allure septique, amènent à rechercher un foyer septique.Cliniquement, l’examen des cicatrices et téguments fait rechercher un abcèspariétal. Un examen TDM recherchera une collection profonde. Cet examenpeut s’avérer particulièrement pertinent à partir du cinquième jour post-trau-matique. Une collection bien limitée pourra le plus souvent être ponctionnéeet drainée de façon percutanée sous contrôle scannographique ou échogra-phique, sous réserve d’un plateau technique adéquat. En revanche, en cas depéritonite généralisée, une reprise chirurgicale s’impose. L'antibiothérapie seraadaptée au contexte de péritonite nosocomiale. La survenue d'une péritonitepostopératoire est grevée d’un risque aggravé de mortalité.

Cas particulier : la splénectomie

Une splénectomie entraîne un risque secondaire infectieux important, notam-ment à type de septicémie à pneumocoque. Ces sepsis bactériens peuventsurvenir quelques mois voire quelques années après la chirurgie initiale. Enraison de l’immunodépression engendrée, ils sont responsables de véritables

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équivalents de purpura fulminans (17). Il en résulte une absence d’indicationde splénectomie systématique en l'absence de nécessité formelle.

Dans le cadre d’une splénectomie, il est nécessaire de prévenir le risqueinfectieux engendré par une information du patient et du médecin traitant,une vaccination contre le pneumocoque, le méningocoque C, et l’Haemophilusinfluenza (dans ces deux derniers cas uniquement en l’absence d’une immuni-sation antérieure), et une administration de pénicilline à titre prophylactiquedoit être préconisée pendant plusieurs mois voire plusieurs années (18).

Quel que soit le cas : prévention du tétanos

Clostridium tetani, présent habituellement dans l’environnement tellurique,peut se retrouver au contact des plaies par l’intermédiaire d’un agent vulnérantsouillé. Outre les mesures décrites ci-dessus, il est donc nécessaire de prévenirle risque d’apparition d’un tétanos en s’assurant d’une vaccination antitéta-nique à jour (vaccination chez l’enfant à partir de deux mois, trois doses à unmois d’intervalle, puis à cinq ans, puis rappel par dix ans), et en discutant enfonction de l'évaluation du risque de l’administration d’immunoglobulinehumaine spécifique pour couvrir la période entre la vaccination et la survenuede l'immunité induite (19).

Conclusion

La prise en charge des plaies traumatiques de l'abdomen doit être multidisci-plinaire. Un patient traumatisé par un agent vulnérant au niveau de l'abdomenprésente un risque de complications infectieuses que nous avons cherché àévaluer en fonction des alternatives thérapeutiques. Une option conservatricede traitement impose une surveillance spécifique et rapprochée dans un milieude soins adapté.

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