Le phénomène du recours aux paradis fiscaux - Ministère des finances

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COMMISSION DES FINANCES PUBLIQUESAssemblée nationale du QuébecMandat d'initiative - Le phénomène du recours aux paradis fiscauxMémoire présenté parMinistère des finances

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  • LE PHNOMNE DU RECOURS

    AUX PARADIS FISCAUX

    Mmoire du ministre des Finances du Qubec

    la Commission des finances publiques

    CFP - 003M Le phnomne du recours aux paradis fiscaux

  • Qubec, le 29 septembre 2015

    Monsieur Raymond Bernier Prsident de la Commission des finances publiques

    Monsieur le Prsident,

    Vous trouverez ci-joint le mmoire du ministre des Finances portant sur le phnomne du recours aux paradis fiscaux.

    Lexistence de paradis fiscaux et leur utilisation par des particuliers comme par des socits pour chapper limpt sont un sujet de proccupation majeure pour lensemble des juridictions concernes.

    Le Qubec ne fait pas exception cet gard. Les paradis fiscaux sont au centre d un certain nombre de manuvres dvitement fiscal touchant directement les revenus de ltat qubcois. Ils servent galement dabri pour des revenus que des contribuables ont dissimuls pour ne pas acquitter limpt d au Qubec.

    Les paradis fiscaux constituent en fait un rouage essentiel de diffrents stratagmes conduisant des pertes fiscales pour ltat. Leur existence fragilise ainsi directement le financement des services publics et rduit lassiette des revenus du gouvernement.

    De nombreux efforts sont consentis par le Qubec pour mieux comprendre les manuvres en cause et pour les combattre avec efficacit. Le mmoire transmis par le ministre des Finances fait le point sur ces manuvres et sur la lutte entreprise pour y mettre fin. Cette lutte doit tre replace dans lensemble des stratgies mises en place par le Qubec pour combattre lvasion fiscale et lvitement fiscal des stratgies qui font leurs preuves.

    Quand elle concerne directement les paradis fiscaux, cette lutte est avant tout internationale, tant donn la nature mme du phnomne en cause. Le mmoire dpos par le ministre des Finances rend ainsi compte de la concertation engage cette fin avec le gouvernement fdral, le but tant de contribuer aux actions internationales en cours et den tirer pleinement parti.

    La pleine rcupration par le Qubec des revenus fiscaux qui lui sont lgalement dus reprsente une priorit. Comme le mmoire lillustre bien, le ministre des Finances semploie mettre en uvre cette priorit avec constance et persvrance, en utilisant cette fin les diffrents leviers dont il dispose.

    Le sous-ministre des Finances,

    Luc Monty

  • TABLE DES MATIRES

    Introduction ..................................................................................................................... 1

    1. La perception des revenus de ltat, les pertes fiscales et les paradis fiscaux : de quoi parle-t-on ?................................................................................... 3

    Les revenus de ltat ........................................................................................................ 4 1.1

    Les pertes fiscales ......................................................................................................... 10 1.2

    Les paradis fiscaux ........................................................................................................ 13 1.3

    2. Une estimation de limportance des phnomnes en cause............................... 27

    Les pertes fiscales : une estimation ............................................................................... 28 2.1

    Quelques clairages sur limpact des paradis fiscaux ................................................... 32 2.2

    3. La rcupration des pertes fiscales et la lutte contre les paradis fiscaux ......... 41

    La rcupration des pertes fiscales lies lvasion fiscale ......................................... 45 3.1

    La rcupration des pertes fiscales lies lvitement fiscal ........................................ 47 3.2

    La lutte contre les paradis fiscaux .................................................................................. 53 3.3

    Conclusion .................................................................................................................... 69

    ANNEXE : Liste des paradis fiscaux ................................................................. 71

  • Liste des graphiques

    GRAPHIQUE 1 Rpartition des revenus consolids du gouvernement 2014-2015 ................ 4 GRAPHIQUE 2 volution des revenus autonomes consolids en pourcentage du PIB

    nominal .............................................................................................................. 6 GRAPHIQUE 3 volution du revenu imposable total des particuliers en pourcentage du

    PIB nominal ....................................................................................................... 7 GRAPHIQUE 4 volution du revenu imposable des socits en pourcentage du PIB

    nominal .............................................................................................................. 8 GRAPHIQUE 5 Illustration de lorigine des pertes fiscales ....................................................... 11 GRAPHIQUE 6 Position extrieure bancaire rapporte au PIB 2009 .................................... 33 GRAPHIQUE 7 Rapport entre les avoirs au titre des investissements de portefeuille et le

    PIB 2008 ....................................................................................................... 34 GRAPHIQUE 8 Croissance des investissements directs canadiens dans certains centres

    financiers extraterritoriaux entre 1988 et 2014 ................................................ 37 GRAPHIQUE 9 volution des investissements directs canadiens selon la rgion ou le

    pays de destination .......................................................................................... 37 GRAPHIQUE 10 Rcupration fiscale par Revenu Qubec ....................................................... 52

  • Liste des tableaux

    TABLEAU 1 Revenu imposable total limpt des particuliers et revenu imposable des socits en pourcentage du PIB nominal 2013 ....................................... 9

    TABLEAU 2 Estimation des pertes fiscales lies la non-dclaration des revenus lgaux .............................................................................................................. 29

    TABLEAU 3 Rpartition des investissements directs trangers canadiens et des investissements directs trangers au Canada ................................................ 36

    TABLEAU 4 Estimation des pertes fiscales dcoulant de la richesse dans les paradis fiscaux pour le Qubec en 2013-2014 ............................................................. 39

    TABLEAU 5 Estimation des pertes fiscales provenant de limpt sur le revenu des socits ............................................................................................................ 40

    TABLEAU 6 Divulgations volontaires en lien avec les paradis fiscaux Revenu Qubec ............................................................................................................ 50

  • Introduction 1

    INTRODUCTION

    En 2014-2015, les revenus fiscaux ont reprsent prs des trois quarts des revenus autonomes du gouvernement et prs de 60 % de ses revenus totaux.

    Le rle crucial des revenus fiscaux

    Les revenus fiscaux jouent ainsi un rle primordial dans le financement des services publics offerts la population, et il est crucial pour le gouvernement de sassurer de leur perception, et de faire ainsi respecter les lois et les rgles dfinissant le cadre fiscal sur lequel sappuie le financement de ltat qubcois.

    Cette pleine perception est galement une question dquit. Les particuliers comme les entreprises doivent respecter les rgles fiscales dfinies dmocratiquement. Dans un tat de droit, tous les efforts doivent tre consentis pour sassurer de ce respect, qui constitue lune des bases du fonctionnement de notre socit.

    Des pertes fiscales, sappuyant dans certains cas sur des paradis fiscaux

    Des contribuables, particuliers comme entreprises, parviennent cependant chapper certaines de leurs obligations fiscales. Il en rsulte pour ltat des pertes fiscales quil est essentiel de circonscrire et de limiter.

    Dans certains cas, les initiatives visant chapper limpt sappuient sur ce que lon appelle les paradis fiscaux , soit des juridictions o, entre autres, les rgles fiscales et ladministration fiscale existantes donnent la possibilit aux contribuables dlinquants de mettre en uvre ces initiatives.

    La Commission des finances publiques de lAssemble nationale a souhait interpeller le ministre des Finances sur le phnomne du recours aux paradis fiscaux.

    Afin de rpondre cette demande, le ministre des Finances dpose un mmoire apportant les informations les plus compltes possible concernant cette question, et plus globalement lvasion fiscale et lvitement fiscal.

    Le ministre des Finances aborde la question du recours aux paradis fiscaux et des rponses que le gouvernement y apporte en trois tapes :

    Dans une premire section, on prcise un certain nombre de concepts et de dfinitions en expliquant ce dont on parle lorsque lon traite de la perception des revenus de ltat, des pertes fiscales et des paradis fiscaux.

    La deuxime section du mmoire est consacre une estimation de limportance des phnomnes en cause, soit les pertes fiscales et les paradis fiscaux.

    Dans la troisime section du mmoire, le ministre des Finances rend compte des efforts engags pour assurer la rcupration des pertes fiscales et pour lutter contre les paradis fiscaux.

    On trouvera en annexe la liste des paradis fiscaux telle qutablie par lOCDE, par le Fonds montaire international et par le Tax Justice Network.

  • La perception des revenus de ltat, les pertes fiscales et les paradis fiscaux : de quoi parle-t-on? 3

    1. LA PERCEPTION DES REVENUS DE LTAT, LES PERTES FISCALES ET LES PARADIS FISCAUX : DE QUOI PARLE-T-ON ?

    La premire section du mmoire est consacre un certain nombre de concepts et de dfinitions.

    Il importe dabord de souligner la place des revenus fiscaux dans lensemble des revenus de ltat, et de procder une premire analyse globale de lvolution du revenu imposable, par rapport lvolution de la richesse.

    Il existe un cart entre les revenus fiscaux dus ltat et les revenus fiscaux effectivement perus. Cet cart, ou pertes fiscales, provient de sources que lon distingue selon leur nature.

    Les paradis fiscaux soutiennent de plusieurs manires les initiatives conduisant des pertes fiscales. Le concept de paradis fiscal doit tre la fois illustr et prcis, tant donn la nature volutive du phnomne et les variations apportes rgulirement sa caractrisation.

  • Le phnomne du recours 4 aux paradis fiscaux

    Les revenus de ltat 1.1

    Les sources de revenus de ltat qubcois

    En 2014-2015, les revenus consolids de ltat qubcois se sont chiffrs 96,0 milliards de dollars, se rpartissant entre :

    les revenus autonomes consolids (77,3 milliards de dollars);

    les transferts fdraux (18,7 milliards de dollars).

    eux seuls, les revenus fiscaux ont atteint 58,9 milliards de dollars, soit 76,3 % des revenus autonomes et 61,4 % des revenus consolids de ltat qubcois. Cest donc dire le rle crucial des revenus fiscaux dans le financement des services assurs par ltat.

    On classe habituellement dans les revenus fiscaux les revenus provenant :

    de limpt des particuliers (26,9 milliards de dollars en 2014-2015);

    des taxes la consommation (17,9 milliards de dollars en 2014-2015);

    des impts des socits (5,7 milliards de dollars en 2014-2015);

    des cotisations pour les services de sant (6,4 milliards de dollars en 2014-2015);

    de limpt foncier scolaire (1,9 milliard de dollars en 2014-2015).

    GRAPHIQUE 1

    Rpartition des revenus consolids du gouvernement 2014-2015 (en millions de dollars)

    (1) Sont compris les droits et permis ainsi que les revenus du Fonds des gnrations. Source : Budget 2015-2016.

    IRP :26 945 M$

    TC :17 916 M$

    IS :5 723 M$

    FSS :6 443 M$

    IFS :1 909 M$

    RDiv :9 348 M$

    Autres : 3 743 M$

    EG :5 266 M$

    TF :18 720 M$

    Impt des particuliers (IRP)Taxes la consommation (TC)Impts des socits (IS)Cotisations pour les services de sant (FSS)Impt foncier scolaire (IFS)

    Revenus divers (RDiv)Autres revenus (Autres)Entreprises du gouvernement (EG)Transferts fdraux (TF)

    (1)

    Revenus non fiscaux

    Revenus fiscaux

  • La perception des revenus de ltat, les pertes fiscales et les paradis fiscaux : de quoi parle-t-on? 5

    Une perception des revenus globalement efficace

    Il est essentiel pour le gouvernement de percevoir lensemble des revenus fiscaux tels que dtermins partir des lois et des rglements prcisant ce qui est d ltat.

    Cette perception semble tre globalement efficace.

    Lorsque lon examine lvolution sur une longue priode des revenus autonomes consolids du gouvernement en pourcentage du PIB, on observe une relative stabilit.

    On est all plus loin en analysant les revenus imposables des particuliers et des socits soit les bases dimposition les plus susceptibles dtre affectes par les initiatives des contribuables visant chapper limpt. partir de cette analyse, on ne peut conclure quil y a eu rosion de lassiette dimposition. Bien au contraire, au Qubec, le revenu des particuliers comme celui des socits a augment par rapport au PIB, au cours des vingt dernires annes.

  • Le phnomne du recours 6 aux paradis fiscaux

    Des revenus stables par rapport au PIB En 2014-2015, les revenus autonomes consolids perus par le gouvernement soit les revenus consolids excluant les transferts fdraux correspondaient 20,6 % du PIB nominal, tabli 374 milliards de dollars. Cette proportion est demeure peu prs stable depuis prs de vingt ans.

    GRAPHIQUE 2 volution des revenus autonomes consolids en pourcentage du PIB nominal (en pourcentage)

    Limposition des revenus : le principe de lautocotisation

    Au Qubec, comme au Canada et dans un grand nombre de pays dvelopps, le rgime d imposition des revenus repose sur le principe de lautocotisation. Selon ce principe, chaque contribuable a la responsabilit de dclarer et de transmettre aux autorits fiscales sa contribution, telle que dfinie selon les prescriptions de la loi.

    En tant que responsable de ladministration de la fiscalit, Revenu Qubec effectue les vrifications ncessaires afin de sassurer de la justesse des dclarations et du paiement des sommes dues. Tous les contribuables ne pouvant tre vrifis, Revenu Qubec procde par chantillonnage, utilisant cette fin des critres didentification des risques de non-respect de la loi.

    20,0

    18,6

    20,419,5 19,7

    20,6

    14,0

    16,0

    18,0

    20,0

    22,0

    24,0

    1997

    -199

    8

    1998

    -199

    9

    1999

    -200

    0

    2000

    -200

    1

    2001

    -200

    2

    2002

    -200

    3

    2003

    -200

    4

    2004

    -200

    5

    2005

    -200

    6

    2006

    -200

    7

    2007

    -200

    8

    2008

    -200

    9

    2009

    -201

    0

    2010

    -201

    1

    2011

    -201

    2

    2012

    -201

    3

    2013

    -201

    4

    2014

    -201

    5

    Revenus autonomes en pourcentage du PIB nominal

  • La perception des revenus de ltat, les pertes fiscales et les paradis fiscaux : de quoi parle-t-on? 7

    Le revenu imposable total des particuliers De 1997 2013, le revenu imposable total des particuliers est pass de 68,7 % du PIB 73,1 % du PIB. En 2013, le revenu imposable total des particuliers atteignait 265 milliards de dollars, par rapport un PIB de prs de 363 milliards de dollars.

    Au cours de cette priode, le revenu imposable total des particuliers a cr en moyenne de 4,4 % par an, alors que le PIB a connu une croissance moyenne de 4,0 %.

    GRAPHIQUE 3

    volution du revenu imposable total des particuliers en pourcentage du PIB nominal (en pourcentage)

    Dfinition du revenu imposable total pour les particuliers

    Le revenu imposable total pour lensemble des particuliers correspond aux revenus demplois, aux revenus dentreprises et de profession (par exemple : revenus nets dentreprises), aux gains en capital imposables, aux revenus de placement, aux prestations dassurance-emploi, aux prestations sociales (par exemple : prestations daide de dernier recours), aux revenus lis la retraite et aux autres revenus (par exemple : prestations dassurance parentale).

    68,7 68,7 68,169,9

    71,272,4 73,1

    60,062,064,066,068,070,072,074,076,078,080,0

    1997

    1998

    1999

    2000

    2001

    2002

    2003

    2004

    2005

    2006

    2007

    2008

    2009

    2010

    2011

    2012

    2013

    Revenu imposable total en pourcentage du PIB nominal

  • Le phnomne du recours 8 aux paradis fiscaux

    Le revenu imposable des socits On observe le mme phnomne pour ce qui est du revenu imposable des socits.

    De 1997 2013, le revenu imposable des socits au Qubec est pass de 10,1 % du PIB 12,4 % du PIB. Le revenu imposable des socits a alors atteint prs de 45 milliards de dollars, par rapport un PIB de prs de 363 milliards de dollars.

    Durant la priode observe, le revenu imposable des socits a augment en moyenne de 5,3 % par an, alors que le PIB sest accru de 4,0 % par an.

    GRAPHIQUE 4

    volution du revenu imposable des socits en pourcentage du PIB nominal (en pourcentage)

    Dfinition du revenu imposable pour les socits

    Le revenu imposable au Qubec de lensemble des socits est obtenu en appliquant la proportion des affaires faites au Qubec au revenu imposable mondial dclar. De faon gnrale, la proportion des affaires faites au Qubec reprsente la moyenne des revenus raliss et des salaires verss au Qubec par rapport la totalit des revenus verss et des salaires verss par la socit.

    Ce revenu imposable mondial des socits est obtenu en soustrayant les dductions effectivement utilises (dons, dividendes imposables dductibles, pertes reportes) du revenu net aux fins du calcul de limpt. Ce dernier correspond au bnfice net selon les tats financiers, ajust pour lamortissement, les provisions et les rserves.

    10,110,7 10,4

    13,7

    12,311,4

    12,7 12,4

    6,0

    7,0

    8,0

    9,0

    10,0

    11,0

    12,0

    13,0

    14,0

    15,0

    16,0

    1997

    1998

    1999

    2000

    2001

    2002

    2003

    2004

    2005

    2006

    2007

    2008

    2009

    2010

    2011

    2012

    2013

    Revenu imposable en pourcentage du PIB nominal

  • La perception des revenus de ltat, les pertes fiscales et les paradis fiscaux : de quoi parle-t-on? 9

    Un bon indicateur de la capacit de perception

    Lvolution du revenu imposable constitue un bon indicateur de la capacit du gouvernement de percevoir les revenus qui lui sont dus, puisque lon ne prend en compte que les tendances affectant lassiette imposable, indpendamment des modifications ventuellement apportes au taux dimposition au cours de la priode.

    La croissance de la part des revenus imposables dclars en fonction du PIB peut sexpliquer en partie par les mesures de vrification fiscale mises en place.

    TABLEAU 1

    Revenu imposable total limpt des particuliers et revenu imposable des socits en pourcentage du PIB nominal 2013 (en millions de dollars)

    2013

    PIB nominal 362 846

    Impts des socits

    Revenu imposable 44 817

    En % du PIB 12,4 %

    Impt des particuliers

    Revenu imposable total 265 387

    En % du PIB 73,1 % Source : Ministre des Finances du Qubec.

  • Le phnomne du recours 10 aux paradis fiscaux

    Les pertes fiscales 1.2Labsence drosion ou deffritement des revenus imposables du gouvernement ne signifie pas que le gouvernement peroit tous les revenus qui lui sont dus. Il existe en effet un cart entre les revenus fiscaux dus ltat en fonction des lois et des rgles existantes et les revenus fiscaux effectivement perus.

    Les quatre sources de pertes fiscales

    Cet cart, ou pertes fiscales, provient de quatre sources. Les trois premires sources de pertes fiscales ont comme point commun de rsulter de gestes illgaux. Elles sont habituellement regroupes sous lappellation dvasion fiscale.

    La non-dclaration des revenus lgaux Une premire source de pertes fiscales correspond des revenus lgaux que des contribuables ont omis de dclarer.

    Lactivit permettant dobtenir ces revenus est lgale. La dissimulation dune partie ou de la totalit des revenus au regard de limpt est illgale.

    Lorsque les revenus non dclars proviennent dun emploi, on parle de travail au noir. La non-dclaration de revenus provenant de placements ou de gains en capital constitue un autre exemple de non-dclaration de revenus lgaux.

    La dissimulation de revenus illgaux On classe dans cette deuxime catgorie les pertes fiscales rsultant de la non-imposition de revenus illgaux.

    Les revenus dcoulant des activits illgales et criminelles, telles que le proxntisme ou la vente de drogue, sont imposables en vertu des lois fiscales. De par leur nature, les revenus produits par ce type dactivits ne sont pas dclars ltat. Leur non-dclaration entrane une perte fiscale.

    La dsobissance aux rgles fiscales La troisime catgorie regroupe les pertes fiscales provenant non pas de la dissimulation de revenus, mais du non-respect des rgles fiscales.

    Des contribuables prsentent des demandes frauduleuses de crdits, de remboursements ou de dductions, ou ne remettent pas les taxes perues dans le cadre de leurs activits.

    Un exemple frquent de dsobissance aux rgles fiscales est celui de la fausse facturation : des contribuables prsentent des demandes abusives de crdits de taxe et ne remettent pas les taxes perues.

    Un autre cas est celui de la non-perception et du non-paiement ltat des taxes correspondant aux transactions ralises grce au commerce lectronique.

    Dans tous les cas, les contribuables contreviennent aux rgles fiscales, et cette dsobissance est illgale.

  • La perception des revenus de ltat, les pertes fiscales et les paradis fiscaux : de quoi parle-t-on? 11

    Lvitement fiscal La quatrime source de perte fiscale correspond ce que lon appelle lvitement fiscal.

    Cette catgorie de pertes fiscales correspond des interprtations de la loi qui sont la limite de la lgalit. Lopration dvitement ne contrevient aucune rgle particulire de la loi, mais elle est non conforme lesprit de la loi.

    On classe dans cette catgorie les planifications fiscales agressives, qui rduisent limpt sans quil soit possible a priori de dterminer si cette rduction respecte ou non lesprit de la loi. Il sagit souvent doprations complexes, comportant plusieurs tapes et faisant appel des mcanismes sophistiqus.

    GRAPHIQUE 5

    Illustration de lorigine des pertes fiscales

    Source : Ministre des Finances du Qubec.

    Sans recours aux paradis fiscaux

    Dissimulation de revenus illgaux

    Exemple- Revenus provenantd'activits illgales telles que :- le proxntisme- le commerce illgal de

    drogue ou d'armes

    Non-dclaration de revenus lgaux

    Exemples- Travail au noir - Non-dclaration de revenus provenant de placement ou de gains en capital

    Dsobissance aux rgles fiscales

    vitement fiscal

    Exemple- Planifications fiscales agressives

    PERTES FISCALES

    vasion fiscale

    Recours aux

    paradisfiscaux

    Recours aux paradisfiscaux

    Sans recours

    auxparadisfiscaux

    Exemples- Demandes abusives de : - remboursements- dductions- crdits

    - Non-remise des taxesperues, notamment celles dcoulant du commerce lectronique

  • Le phnomne du recours 12 aux paradis fiscaux

    Le lien entre ces pertes fiscales et les paradis fiscaux

    Les paradis fiscaux soutiennent de deux manires les initiatives conduisant des pertes fiscales.

    Les paradis fiscaux et lvitement fiscal Certaines de ces initiatives essentiellement les agissements classs dans la catgorie de lvitement fiscal sont mises en place en sappuyant sur les possibilits juridiques offertes par les paradis fiscaux. Cest le cas dun contribuable parvenant viter tout impt ou diminuer son impt payable en utilisant une srie doprations impliquant des structures juridiques situes dans un paradis fiscal.

    Les paradis fiscaux et lvasion fiscale Dans le cas de lvasion fiscale non-dclaration des revenus lgaux ou dissimulation des revenus illgaux ou dsobissance aux rgles fiscales , les paradis fiscaux constituent un abri pour les bnfices tirs de cette vasion fiscale, en les rendant difficilement dtectables grce au secret bancaire.

    Ce recours aux paradis fiscaux permet galement de dissimuler les rendements produits par les bnfices ainsi mis labri.

    Bien sr, toutes les pertes fiscales lies lvasion fiscale ne se retrouvent pas forcment dans les paradis fiscaux. Dautres stratagmes peuvent tre utiliss pour camoufler la provenance relle des revenus.

  • La perception des revenus de ltat, les pertes fiscales et les paradis fiscaux : de quoi parle-t-on? 13

    Les paradis fiscaux 1.3Comme on vient de le voir, les paradis fiscaux sont des juridictions qui, en raison de leur lgislation ou de leurs rgles de fonctionnement, permettent la ralisation de stratgies dvitement fiscal ou assurent la protection des revenus issus de lvasion fiscale.

    Lorigine historique

    Historiquement, les paradis fiscaux seraient apparus au dbut du XXe sicle en raison de deux phnomnes survenus de faon concomitante1.

    Le premier phnomne est la mise en place des rgles modernes dimposition impts sur le revenu, sur le patrimoine, sur le capital et sur les successions dans la plupart des pays dvelopps, la suite de la Premire Guerre mondiale. Certaines juridictions europennes la Suisse et le Liechtenstein, en premier lieu ont choisi une autre stratgie, consistant maintenir un impt nul ou trs faible sur les particuliers et sur les socits, pour les rsidents ou pour les non-rsidents.

    Le deuxime phnomne est le dveloppement dactivits illgales en Amrique du Nord, la suite de la prohibition. Plusieurs juridictions des Carabes se sont appuyes sur les franchises qui leur avaient t concdes par la puissance coloniale pour devenir les bases arrire des trafiquants et le lieu de protection des revenus perus illgalement.

    Depuis la Seconde Guerre mondiale, les paradis fiscaux se sont appuys sur un troisime phnomne, soit lexpansion extrmement rapide du march des capitaux, accompagnant la financiarisation de lconomie.

    On a ainsi assist au dveloppement de places financires situes dans des tats insulaires ou de petits territoires, dont limportance des activits financires comptabilises est sans commune mesure avec le poids conomique de la juridiction concerne.

    Ce dveloppement a touch la fois les paradis fiscaux dj existants et de nouvelles juridictions. Ces places financires sont dsignes sous le terme de centres financiers offshore ou centres financiers extraterritoriaux . Les places financires considres comme des paradis fiscaux sont principalement situes en Europe Suisse, Liechtenstein, Luxembourg, les Anglo-Normandes , aux Carabes et en Asie.

    1 Voir notamment ce sujet le Rapport dinformation dpos par la Commission des affaires trangres de

    lAssemble nationale franaise, Lutte contre les paradis fiscaux : si lon passait des paroles aux actes, 9 octobre 2013, p. 15-16, http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rap-info/i1423.pdf.

  • Le phnomne du recours 14 aux paradis fiscaux

    Quatre caractristiques

    Les caractristiques des paradis fiscaux les plus communment admises sont au nombre de quatre :

    Les impts sont inexistants ou trs bas.

    Il existe des lois trs strictes en matire de protection du secret bancaire.

    Ladministration du rgime fiscal manque de transparence.

    Il ny a pas de vritable collaboration quant lchange dinformations avec les autres pays.

    Il faut ajouter que les paradis fiscaux stant spcialiss au cours des dernires dcennies dans les activits financires ont en commun un secteur bancaire et financier hypertrophi par rapport la taille du pays et limportance relle de lconomie.

    Trois types dactivits

    Rsultant la fois de leur origine historique et de lvolution plus rcente de lconomie internationale, les paradis fiscaux exercent essentiellement trois types dactivits.

    Un refuge pour les particuliers Ils constituent un refuge pour les particuliers en situation de fraude fiscale ou pour le grand banditisme effectuant un blanchiment de ses revenus.

    Ce sont les particuliers fortuns qui utilisent les paradis fiscaux, les contribuables moins fortuns nayant ni les moyens financiers ni les rseaux ncessaires pour profiter de ces juridictions.

    Pour les particuliers dont les avoirs sont suffisants, lintrt des paradis fiscaux rside dans la possibilit de diminuer leurs impts sur leurs revenus et sur leurs placements tout en mettant leurs affaires, notamment leurs comptes bancaires, labri dun examen par les autorits fiscales dautres pays. Ces particuliers utilisent surtout le secret bancaire.

    Un moyen pour les entreprises de rduire limposition de leurs profits Les paradis fiscaux permettent aux entreprises de dployer des stratgies visant rduire limposition de leurs profits.

    Les entreprises utilisant les paradis fiscaux pour rduire leur imposition sont le plus souvent des entreprises multinationales.

    Les stratgies utilises comprennent notamment la manipulation des prix de transfert, les transferts de capitaux entre maison mre et filiales et la localisation des droits de proprit intellectuelle dans les juridictions o limposition est la plus faible.

    Un lment essentiel de la gestion des revenus et des bnfices, dans lconomie numrique

    Les paradis fiscaux deviennent un lment essentiel de la gestion des revenus et des bnfices pour les grandes socits impliques dans lconomie numrique. Les paradis fiscaux permettent la ralisation de stratgies complexes ayant pour objet de limiter la taxation des profits.

  • La perception des revenus de ltat, les pertes fiscales et les paradis fiscaux : de quoi parle-t-on? 15

    La liste des paradis fiscaux

    La liste des juridictions considres comme des paradis fiscaux volue rgulirement, et varie selon les organismes ayant tent de dresser une telle liste.

    En fait, lidentification des paradis fiscaux fait partie intgrante de la lutte contre les pratiques que ces paradis permettent. La dnomination dune juridiction comme paradis fiscal dcoule de la caractristique que lon souhaite combattre, et reprsente une faon dexercer une pression sur cette juridiction.

    LOrganisation de coopration et de dveloppement conomiques Cest ainsi qu partir de la fin des annes 1990, lOrganisation de coopration et de dveloppement conomiques (OCDE) a dress une liste volutive de juridictions considres comme des paradis fiscaux, partir de critres faisant une grande place la transparence et lchange dinformations.

    En raison des pressions ainsi exerces sur les juridictions concernes, cette liste a t vide des diffrents territoires cibls dans le courant des annes 2000.

    LOCDE et les listes de paradis fiscaux

    Ds 1987, un rapport de lOCDE souligne les difficults surmonter pour dfinir de faon objective un paradis fiscal1.

    Les quatre facteurs identifis par lOCDE

    Plus de dix ans plus tard, en 1998, lOCDE publie un rapport sur les paradis fiscaux dans lequel quatre facteurs essentiels permettant de qualifier une juridiction de paradis fiscal sont retenus2. Selon ce rapport, un paradis fiscal est une juridiction o les revenus provenant dactivits financires ou dautres prestations de services y compris la fourniture de biens incorporels font lobjet dun impt inexistant ou insignifiant et qui se prsente, ou est perue, comme reprsentant un lieu utilis par les non-rsidents pour chapper limpt dans leur lieu de rsidence.

    Hormis ces facteurs, les autres caractristiques permettant de confirmer la prsence dun paradis fiscal sont les suivantes :

    labsence dchange de renseignements avec les gouvernements plus fort taux dimposition concernant les contribuables de ces derniers;

    un manque de transparence des dispositions lgislatives, juridiques ou administratives;

    labsence dexigence pour une entit deffectuer des activits substantielles, soit de vritables activits industrielles ou commerciales.

    La faiblesse des impts est une condition essentielle la prsence dun paradis fiscal, quoiquelle ne soit pas suffisante en elle-mme. Elle peut tre suffisante si elle est combine une situation dans laquelle la juridiction constitue, ou est perue comme constituant un lieu o les non-rsidents peuvent chapper limpt dans leur pays de rsidence. Dune manire gnrale, limportance de chacun des autres facteurs essentiels indiqus prcdemment dpend du contexte.

    1 OCDE, Lvasion et la fraude fiscale internationale. Quatre tudes, Questions de fiscalit internationale, no 1, 1987, p. 22. 2 OCDE, La concurrence fiscale dommageable Un problme mondial, 1998, p.26.

  • Le phnomne du recours 16 aux paradis fiscaux

    LOCDE et les listes de paradis fiscaux (suite)

    Les rgimes fiscaux prfrentiels dommageables

    Le rapport de 1998 apportait une distinction entre les paradis fiscaux et les rgimes fiscaux prfrentiels dommageables3 . Il identifie les quatre facteurs essentiels similaires aux paradis fiscaux et dautres facteurs qui peuvent aider identifier des rgimes fiscaux prfrentiels dommageables.

    Les facteurs essentiels nomms par lOCDE sont :

    un taux effectif dimposition nul ou faible;

    le rgime est dconnect de lconomie nationale; par exemple, un rgime peut, explicitement ou implicitement, interdire aux contribuables rsidents

    den bnficier. Les entreprises bnficiant du rgime peuvent se voir interdire, expressment ou non, dexercer leurs activits sur le march national;

    une absence de transparence;

    une absence de vritable change de renseignements. Le rapport identifie huit autres facteurs pouvant aider identifier les rgimes fiscaux prfrentiels dommageables, soit :

    une dfinition artificielle de la base dimposition;

    le non-respect des principes internationaux en matire de prix de transfert;

    lexonration de limpt du pays de rsidence pour les revenus de source trangre;

    la possibilit de ngocier le taux ou lassiette dimposition;

    lexistence de dispositions relatives au secret;

    laccs un vaste rseau de conventions fiscales;

    la promotion de rgimes en tant quinstruments de minimisation de limpt;

    le fait de favoriser les activits ou les arrangements motivations exclusivement fiscales.

    3 OCDE, Concurrence fiscale dommageable Un problme mondial, 1998, p. 30.

  • La perception des revenus de ltat, les pertes fiscales et les paradis fiscaux : de quoi parle-t-on? 17

    LOCDE et les listes de paradis fiscaux (suite)

    La publication dune liste officielle

    En 2000, lOCDE publie une liste officielle de 35 juridictions considres comme tant des paradis fiscaux4. La publication dune telle liste fait partie des initiatives engages pour faire pression sur les juridictions identifies, en utilisant comme levier le risque de rputation, selon le principe anglo-saxon du name and shame.

    la date de publication de cette liste, six juridictions ont pris lengagement deffectuer un certain nombre de rformes. Il sagit des Bermudes, des les Camans, de Chypre, de Malte, de Maurice et de Saint-Marin. En contrepartie de ces engagements, la liste officielle de 2000 nindique pas le nom de ces juridictions mme si elles rpondent aux conditions requises pour tre qualifies de paradis fiscaux.

    Entre 2000 et 2002, 31 juridictions prennent officiellement lengagement de mettre en uvre les principes de lOCDE en matire de transparence et dchange de renseignements en matire fiscale

    5.

    De plus, en 2002, lOCDE a exclu les juridictions de la Barbade, de la Rpublique des Maldives et de Tonga. LOCDE a dcid, aprs une analyse approfondie de la lgislation et des pratiques des juridictions de la Rpublique des Maldives et de Tonga, quelles ne rpondaient pas aux critres pour tre qualifies de paradis fiscaux. Pour sa part, la Barbade a t retire, entre autres, parce quelle avait conclu des ententes dchange de renseignements efficaces avec plusieurs juridictions depuis longtemps.

    Les sept juridictions qui ne se sont pas engages cette poque (lAndorre, le Liechtenstein, le Liberia, Monaco, les les Marshall, Nauru et le Vanuatu) ont t dsignes comme tant des paradis fiscaux non coopratifs par lOCDE en avril 2002. Ces juridictions se sont depuis engages et ne figurent plus sur la liste des paradis fiscaux non coopratifs. Suivant ces dveloppements, il ny a actuellement plus aucune juridiction dans la liste des paradis fiscaux non coopratifs de lOCDE.

    En 2000 toujours, lOCDE identifie 47 rgimes fiscaux prfrentiels potentiellement dommageables parmi ses membres6. En 2006, 46 rgimes ont t abolis, modifis ou jugs non dommageables la suite dune seconde analyse7. Un seul rgime prfrentiel a t jug dommageable, mais le pays vis la ensuite aboli.

    4 OCDE, Vers une coopration fiscale globale, Rapport pour la runion du Conseil au niveau des ministres de 2000 et recommandations du Comit des affaires fiscales Progrs dans lidentification et llimination des pratiques fiscales dommageables, p. 19. Voir galement la liste des paradis fiscaux non coopratifs : http://www.oecd.org/fr/pays/monaco/listedesparadisfiscauxnoncooperatifs.htm.

    5 En prenant un engagement de transparence, la juridiction sengage par exemple ce que son systme fiscal nait pas de rgles drogeant aux rglementations et pratiques quelle a tablies, de dcisions pralables secrtes ou que son systme fiscal ne prvoie pas la possibilit, pour les contribuables, de ngocier le taux dimposition appliquer. En prenant lengagement dchange effectif de renseignements, la juridiction sengage mettre en place un mcanisme dchange effectif de renseignements garantissant une protection adquate des droits des contribuables et de la confidentialit de leurs affaires fiscales.

    6 OCDE, Vers une coopration fiscale globale, op. cit., p. 13-16. 7 OCDE, Projet de lOCDE sur les pratiques fiscales dommageables : Mise jour 2006 sur le progrs dans les pays membres, 2006.

  • Le phnomne du recours 18 aux paradis fiscaux

    Le Fonds montaire international Pour sa part, le Fonds montaire international (FMI) utilise la notion de centre financier extraterritorial .

    Les centres financiers extraterritoriaux comprennent les juridictions dont le secteur financier est particulirement important. Ces juridictions fournissent des services financiers aux non-rsidents une chelle sans commune mesure avec la taille et le financement de lactivit conomique locale.

    partir de 2000, le FMI a plac une quarantaine de juridictions sur sa liste des centres financiers extraterritoriaux. En 2007, une recherche du FMI identifiait 22 juridictions2 faisant partie de cette liste. Toutefois, en 2008, le FMI a pris la dcision de ne pas maintenir cette liste en invoquant quelle tait discriminatoire en raison de labsence de critre objectif communment reconnu pour caractriser les centres financiers extraterritoriaux3.

    Lidentification des centres financiers extraterritoriaux par le FMI

    De faon sommaire, le FMI dfinit un centre financier extraterritorial comme tant un centre financier o lessentiel des activits impliquent des non-rsidents, dont les oprations sont ralises ailleurs et dont la majorit des parties impliques sont contrles par des non-rsidents1.

    Les critres didentification du FMI

    Pour le FMI, lexpression centre financier offshore rfre gnralement aux juridictions :

    ayant un nombre relativement important dinstitutions financires engages principalement dans des transactions avec des non-rsidents;

    fournissant des services financiers une chelle qui dpasse les besoins et limportance de lconomie nationale;

    ayant toutes les caractristiques suivantes ou certaines dentre elles : imposition faible ou nulle; rglementation financire modre ou lgre; secret bancaire et anonymat.

    1 Fonds montaire international, Offshore Financial Centers, IMF Background Paper, juin 2000, https://www.imf.org/external/np/mae/oshore/2000/eng/back.htm.

    2 Ahmed ZOROM, Concept of Offshore Financial Centers: In Search of an Operational Definition, Fonds montaire

    international, IMF Working Paper WP/07/87, avril 2007, p. 23. 3 FONDS MONTAIRE INTERNATIONAL, Offshore Financial Center A Report on the Assessment Program and Proposal

    for Integration with the Financial Sector Assessment Program, mai 2008.

  • La perception des revenus de ltat, les pertes fiscales et les paradis fiscaux : de quoi parle-t-on? 19

    Le Tax Justice Network Le Tax Justice Network observe que peu de pays correspondent aux dfinitions strictes de paradis fiscaux purs ou de centres financiers extraterritoriaux purs .

    Lorganisation opte pour une dfinition large des paradis fiscaux. Cette dfinition comprend la plupart des pays identifis par lOCDE en 2000 comme paradis fiscaux et certains de ceux identifis comme offrant un rgime fiscal prfrentiel dommageable.

    Elle inclut de plus les pays membres de lOCDE qui fournissent des services financiers extraterritoriaux ou une structure propre aux paradis fiscaux, sans pour autant que ces activits reprsentent une partie importante de leur conomie. La liste du Tax Justice Network comprend galement des juridictions ayant la rputation dtre des paradis fiscaux. En 2005, 72 juridictions faisaient partie de cette liste.

    Une dfinition plus large par le Tax Justice Network

    Selon le Tax Justice Network, les concepts de paradis fiscal et de centre financier extraterritorial sont troitement lis. Toutefois, lun nquivaut pas ncessairement lautre1. De plus, peu de juridictions seraient des paradis fiscaux purs ou des centres financiers extraterritoriaux purs .

    Les principaux critres

    Selon Tax Justice Network, la caractristique principale dun paradis fiscal est quil permet de minimiser limpt, ce qui ncessite gnralement :

    lutilisation de socits fictives, de fiducies ou dautres entits juridiques;

    la gestion de mouvements financiers. Les paradis fiscaux purs ou les centres financiers extraterritoriaux purs possdent une lgislation qui a t conue spcifiquement afin dattirer les entreprises exerant leurs activits dans le secteur des services financiers et des services aux socits. Il en rsulte que ce type dentreprises constitue une partie importante de leur conomie.

    Lavantage rel pour les contribuables repose sur le secret.

    Le secret bancaire fait en sorte que linformation ne peut pas tre obtenue ou ne peut tre obtenue que difficilement auprs des banques et dautres institutions financires. Cela limite le prlvement des impts.

    La confidentialit concernant les entits juridiques a pour consquence que les informations relatives aux entreprises, aux socits, aux fiducies, aux fondations ou aux autres entits juridiques ne sont pas disponibles ou ne peuvent pas tre obtenues (par exemple, le nom des propritaires vritables, des actionnaires dune socit ou des bnficiaires dune fiducie).

    En outre, ces juridictions offrent gnralement des avantages particuliers, notamment un taux dimpt nul ou faible aux non-rsidents ou aux entits juridiques appartenant des trangers.

    1 Tax Justice Network, Identifying Tax Havens and Offshore Finance Centres, juillet 2007, http://www.taxjustice.net/cms/upload/pdf/Identifying_Tax_Havens_Jul_07.pdf.

  • Le phnomne du recours 20 aux paradis fiscaux

    Une dfinition plus large par le Tax Justice Network (suite)

    Une liste plus large

    La liste des paradis fiscaux du Tax Justice Network, rendue publique en 2005, comportait 72 juridictions. Elle inclut la plupart des juridictions incorpores la liste des paradis fiscaux de lOCDE en 2000. La liste comprend de plus :

    tous les pays membres de lOCDE fournissant des services financiers extraterritoriaux ou une structure propre aux paradis fiscaux, et ce, mme si ces activits ne reprsentent pas une partie importante de leur conomie;

    certaines juridictions faisant partie de la liste de lOCDE titre de rgime fiscal prfrentiel dommageable;

    toutes les juridictions qui ont la rputation dtre des paradis fiscaux.

    Des constantes Quelle que soit la liste retenue4, certaines caractristiques constituent cependant des constantes.

    Les paradis fiscaux sont principalement de petits tats ou des territoires de petite taille, mais disposant tous du pouvoir de dfinir leur rgime fiscal. En raison de leur petite dimension, ces juridictions peuvent rduire ou mme annuler leurs impts, car la perte de revenus quils subiront sera plus que compense par lactivit financire quils attireront.

    Les paradis fiscaux abritent un secteur bancaire et financier hypertrophi.

    Tous les paradis fiscaux utilisent des outils juridiques analogues soit essentiellement un cadre lgal et rglementaire permettant la mise en place de structures-crans, sappuyant sur le secret bancaire et garantissant une taxation nulle ou trs faible.

    4 Un tableau prsent en annexe rpertorie la liste des paradis fiscaux telle qutablie par lOCDE en 2000, par le

    Fonds montaire international en 2000 et en 2007 et par le Tax Justice Network en 2005.

  • La perception des revenus de ltat, les pertes fiscales et les paradis fiscaux : de quoi parle-t-on? 21

    Les stratgies mises en uvre

    Les stratgies mises en uvre par les particuliers et par les entreprises pour utiliser les paradis fiscaux dans un but dvitement fiscal ou dvasion fiscale sont analogues sur le fond. Ces stratgies consistent transfrer les revenus imposables vers des juridictions taux dimposition moins lev.

    Pour y parvenir, les particuliers sappuient surtout sur le secret bancaire. Cette stratgie constitue gnralement de lvasion fiscale puisquelle consiste ignorer dlibrment la loi.

    De leur ct, les entreprises utilisent certaines particularits du rgime dimposition et des conventions fiscales dune juridiction donne. La complexit des oprations de certaines entreprises multinationales et les montants impliqus rendent toutefois les stratgies utilises dans leurs cas plus sophistiques. Lorsque les stratgies mises en uvre ne sont pas conformes lesprit de la loi, il sagit alors dvitement fiscal.

    Trois exemples permettent dillustrer les stratgies sappuyant sur les paradis fiscaux pour chapper limpt, soit :

    le transfert des bnfices par une multinationale;

    lusage de socits-relais ou de socits-crans;

    lutilisation abusive des conventions fiscales.

    Le transfert des bnfices par une multinationale Il sagit pour une multinationale de transfrer le maximum de bnfices une filiale situe dans un paradis fiscal, afin de diminuer le revenu imposable du groupe de socits.

    Ce transfert de bnfices peut se faire de diverses faons, notamment :

    en diminuant artificiellement les revenus par la vente de biens bas prix par une entit situe dans un pays plus forte imposition une filiale situe dans un paradis fiscal, suivie dune vente par la filiale prix lev;

    en augmentant artificiellement les dpenses par :

    la rmunration de services;

    ces services peuvent tre survalus quand ils sont facturs la filiale localise dans le paradis fiscal et ils peuvent mme parfois tre fictifs. Dans ce dernier cas, il sagirait dvasion fiscale;

    le versement dintrts;

    une socit situe dans un pays imposition leve verse des intrts une filiale situe dans un paradis fiscal;

    le versement de redevances;

    une socit situe dans un pays imposition leve verse des redevances une filiale situe dans un paradis fiscal pour une licence, un brevet ou une marque de commerce.

  • Le phnomne du recours 22 aux paradis fiscaux

    Une illustration

    La stratgie utilisant le versement des redevances pour les licences, les brevets et les marques semble tre frquemment utilise, puisque la valeur des redevances est difficile valuer par les autorits fiscales.

    Une socit mre peut donc vendre prix avantageux un brevet une filiale situe dans un paradis fiscal dans le seul but de lui verser ultrieurement des redevances.

    Dans ce cas, non seulement un bien producteur de revenu est transfr dans un paradis fiscal, mais il est galement possible pour la multinationale dobtenir des dductions pour les frais de dveloppement dans le pays imposition plus lev sans avoir simposer sur ces revenus dans ce pays.

    Exemple de transferts de bnfices

    Socit A

    Licence dutilisation

    dun brevet Filiale A

    Redevances

    Pays plus fort taux dimposition Paradis fiscal

    Charges dductibles Revenus peu ou pas imposs

    La notion de prix de transfert

    Les prix de transfert sont les prix auxquels les entreprises dun mme groupe se vendent des biens ou des services. Ils sont censs tre les mmes que ceux qui prvaudraient entre deux entreprises indpendantes.

    La manipulation des prix de transfert

    Les prix de transfert sont susceptibles dtre manipuls, mme si plusieurs pays ont fix des normes rglementaires.

    Les pratiques abusives en matire de prix de transfert sont facilement reprables par les autorits fiscales lorsquil sagit de la vente de biens matriels.

    Elles le sont beaucoup moins lorsquil sagit de services et de biens intangibles, tels que les droits de proprit intellectuelle.

  • La perception des revenus de ltat, les pertes fiscales et les paradis fiscaux : de quoi parle-t-on? 23

    Lusage de socits-relais ou de socits-crans Dans un paradis fiscal, il est possible de crer une socit nexerant pas dactivit conomique relle, mais servant de socit-relais ou de socit-cran.

    Lusage de ces socits-relais ou socits-crans vise divers objectifs, notamment :

    rduire le revenu imposable dun groupe de socits en dirigeant les revenus vers la socit localise dans un paradis fiscal pour viter un plus fort taux dimposition (par exemple, par la prestation de services ou par des prts);

    dissimuler la vritable identit des investisseurs en choisissant un paradis fiscal en fonction de la qualit du secret des affaires (par exemple, afin de commettre un dlit diniti);

    recycler les produits de la criminalit.

    Un exemple dutilisation dune socit-cran est celui dune socit situe dans un paradis fiscal dispensant des services fictifs une socit situe dans un pays ayant un plus fort taux dimposition.

    Les services ont alors t rendus une socit contre un paiement dductible dans le calcul du revenu de la socit situe dans un pays plus fort taux dimposition.

    Exemple de socits-crans

    Socit A

    Paiement

    Filiale A

    Services

    Pays plus fort taux dimposition Paradis fiscal

    Charges dductibles Revenus peu ou pas imposs

  • Le phnomne du recours 24 aux paradis fiscaux

    Lutilisation abusive des conventions fiscales Les conventions fiscales entre pays ont pour but dviter la double imposition et de faciliter les relations conomiques entre les pays signataires puisque la double imposition nuit la libre circulation des capitaux, des technologies, des personnes et des produits et services.

    Certaines stratgies mises en place utilisent ces conventions de manire abusive. Il peut tre difficile de faire la distinction entre une utilisation acceptable des conventions fiscales et une utilisation abusive, tant donn la complexit des planifications fiscales internationales.

    Lutilisation abusive des conventions fiscales consiste profiter des avantages prvus par les conventions fiscales dans des circonstances qui ne sy prtent pas.

    titre illustratif, selon lOCDE, lutilisation abusive des conventions fiscales peut englober5 :

    les cas dans lesquels une personne tente de contourner les limitations prvues par une convention fiscale;

    par exemple, le contribuable utilise le chalandage fiscal (treaty shopping);

    les cas dans lesquels une personne tente de contourner les dispositions du droit fiscal national en utilisant les avantages prvus par les conventions;

    par exemple, le contribuable utilise la sous-capitalisation et dautres transactions de financement sappuyant sur les dductions fiscales pour rduire les cots demprunt.

    Selon dautres exemples, le contribuable se sert de stratgies de double rsidence6, de manipulation des prix des transferts, ou de transactions lies une utilisation abusive de mcanismes relatifs lallgement de la double imposition7.

    5 OCDE, Empcher lutilisation abusive des conventions fiscales lorsque les circonstances ne sy prtent pas, Projet

    OCDE/G20 sur lrosion de la base dimposition et le transfert de bnfices, Action 6 : Livrable 2014, 2014, http://www.oecdilibrary.org/docserver/download/2314282e.pdf?expires=1442946086&id=id&accname=guest&checksum=452674EFE554E7A8B1013D864AAB8BAA

    6 Par exemple, une socit est un rsident aux fins du droit fiscal national mais un non-rsident aux fins de la convention fiscale.

    7 Par exemple, en produisant un revenu qui nest pas imposable dans le pays de la source mais doit tre exonr dans le pays de la rsidence ou au moyen dune utilisation abusive de dispositifs de crdit dimpt tranger.

  • La perception des revenus de ltat, les pertes fiscales et les paradis fiscaux : de quoi parle-t-on? 25

    Le chalandage fiscal

    Un stratagme dutilisation abusive des conventions fiscales consiste utiliser le chalandage fiscal.

    De faon gnrale, il y a chalandage fiscal si un pays A a une convention fiscale avec un pays B qui est un paradis fiscal et quun contribuable dun pays tiers profite de la convention fiscale qui existe entre le pays A et le pays B en ne recevant pas directement ses revenus du pays A mais en utilisant une entit intermdiaire situe dans le pays B avec qui il existe une convention fiscale.

    Dans cette situation, lentit intermdiaire na pas de fondement conomique ni dexistence vritable. Elle nexerce pas dactivits commerciales relles et importantes dans son pays de rsidence autres que la gestion de revenus de placement. Il est alors raisonnable de croire que lune des principales raisons de lexistence de lentit intermdiaire situe dans le pays B consiste recevoir les revenus lintention de lentit situe dans le pays tiers.

    Exemple dutilisation abusive : le chalandage fiscal

    Pays A Convention fiscale

    Entit intermdiaire

    Pays B

    Convention fiscale

    Pays tiers

    Revenu Revenu

    Les conventions fiscales du Canada

    Actuellement, 92 conventions fiscales signes avec dautres pays visant limpt sur le revenu peru par le Canada sont en vigueur, soit avec la trs grande majorit des pays industrialiss.

    Bien quil demeure libre de ne pas reconnatre certaines rgles prvues dans une convention fiscale signe par le gouvernement fdral, le Qubec reconnat gnralement les conventions fiscales canadiennes par souci duniformit et de coopration internationale, notamment en ce qui concerne les montants exonrs dimpt.

    La seule entente fiscale que le Qubec a signe est avec la France.

  • Une estimation de limportance des phnomnes en cause 27

    2. UNE ESTIMATION DE LIMPORTANCE DES PHNOMNES EN CAUSE

    La nature des pertes fiscales et le rle jou par les paradis fiscaux tant prciss, il importe maintenant dvaluer lampleur des phnomnes en cause.

    On dispose dune estimation des pertes fiscales subies annuellement par le Qubec, partir des travaux raliss par le ministre des Finances.

    Dans le cas des paradis fiscaux, limpact du phnomne est beaucoup plus difficile quantifier, et lon ne peut prsenter que quelques clairages donnant des ordres de grandeur de limpact rel de lexistence de ces juridictions sur les mouvements financiers et la perception des revenus fiscaux.

  • Le phnomne du recours 28 aux paradis fiscaux

    Les pertes fiscales : une estimation 2.1Lestimation des pertes fiscales pose certaines difficults. Ainsi, une part de ces pertes peut tre estime, mais cette estimation nest que partielle puisquune part demeure impossible quantifier.

    Les pertes lies la non-dclaration des revenus lgaux

    Pour 2002 et pour 2008, le ministre des Finances a valu les pertes fiscales lies une partie de lune des quatre sources de non-perception des revenus fiscaux identifies prcdemment, soit la non-dclaration des revenus lgaux.

    Il sagit des pertes fiscales correspondant des revenus lgaux que des contribuables ont omis de dclarer.

    La mthodologie utilise Pour valuer les pertes fiscales dcoulant de la non-dclaration des revenus lgaux, le ministre des Finances a attribu diffrents secteurs dactivit conomique des taux spcifiques dvasion fiscale.

    Des taux dimposition et de taxation moyens ont ensuite t utiliss pour quantifier le montant des pertes fiscales.

    Les rsultats obtenus En 2002, le Ministre estimait la richesse produite dans les circuits de lconomie au noir 9,7 milliards de dollars, soit 4,0 % du PIB. En 2008, limportance de lconomie au noir serait demeure relativement stable 4,2 % du PIB : la richesse produite dans les circuits de lconomie au noir aurait ainsi atteint 12,8 milliards de dollars.

    Sur cette base, les pertes fiscales dcoulant de lconomie au noir ont t estimes 2,5 milliards de dollars en 2002 et 3,5 milliards de dollars en 2008.

    Selon lvaluation effectue par le ministre des Finances, les secteurs dactivit se caractrisant par les pertes fiscales les plus importantes taient :

    la construction, incluant la rnovation rsidentielle;

    la restauration;

    le commerce des produits du tabac;

    les services personnels divers, incluant notamment les services domestiques et le secteur du taxi;

    lentretien de vhicules, incluant les pices.

  • Une estimation de limportance des phnomnes en cause 29

    Lactualisation des donnes pour 2013

    Le ministre des Finances a procd en 2015 une actualisation partielle de cette valuation pour lanne 2013. Pour ce faire, le Ministre a appliqu les mmes taux dvasion fiscale par secteur que pour 2008, lexception du secteur de la restauration et de celui du tabac, pour lesquels les taux ont t mis jour.

    Cet ajustement a t apport afin de prendre en compte leffet positif de limplantation des modules denregistrement des ventes en 2011 et de la baisse observe de la contrebande du tabac.

    Selon cette mise jour, limportance de lconomie au noir aurait augment en valeur absolue, mais diminu par rapport au PIB, la richesse produite dans les circuits de lconomie au noir atteignant 3,8 % du PIB, soit 13,7 milliards de dollars.

    Les pertes fiscales dcoulant de lconomie au noir seraient maintenant values environ 3,9 milliards de dollars.

    TABLEAU 2

    Estimation des pertes fiscales lies la non-dclaration des revenus lgaux (en milliards de dollars et en pourcentage du PIB)

    PIB en termes de dpenses

    (en G$) (1) Taux dvasion fiscale

    (en % du PIB) Activits au noir

    (en G$) Pertes fiscales

    (en G$)

    2002 243,8 (2) 4,0 % 9,7 2,5

    2008 302,2 (2) 4,2 % 12,8 3,5

    2013P 362,8

    3,8 % 13,7 3,9

    P : Prliminaire. (1) En dollars courants. (2) Donnes disponibles au moment de la prparation des estimations. Depuis la parution des pertes fiscales en 2002 et en 2008,

    Statistique Canada a mis jour les donnes concernant le PIB en termes de dpenses. Note: Pour 2008, les taux dvasion fiscale estims pour les secteurs de la restauration et du tabac taient de 17,5 % et 30 %

    respectivement. Selon les nouvelles estimations de taux pour 2013, ceux-ci seraient de 6 % et 15 % respectivement, en raison de leffet de limplantation des modules denregistrement des ventes dans le secteur de la restauration en 2011 et de la diminution de la contrebande des produits du tabac depuis 2008.

    Sources : Statistique Canada et ministre des Finances du Qubec.

  • Le phnomne du recours 30 aux paradis fiscaux

    Les pertes lies aux trois autres formes dvasion fiscale ou lvitement fiscal

    Il nexiste pas destimation propre au Qubec pour les pertes fiscales rsultant de la dissimulation de revenus illgaux et de la dsobissance aux rgles fiscales soit les deux formes dvasion fiscale autres que la non-dclaration des revenus lgaux.

    Le ministre des Finances ne dispose pas non plus dvaluation pour le Qubec des pertes fiscales dcoulant de lvitement fiscal.

    Les pertes dcoulant de ces formes dvasion fiscale et dvitement fiscal sont difficilement calculables, tant donn la nature des activits en cause. On peut cependant noter que Statistique Canada estimait en 1994 tout au plus 1 % du PIB8 la part des activits illgales dans lconomie.

    Leffet du commerce lectronique Il faut noter par ailleurs que le commerce lectronique, un secteur dactivit en pleine croissance, vient accentuer le phnomne des taxes non perues et non remises.

    Revenu Qubec a estim les pertes fiscales et la dpense fiscale lies au commerce lectronique pour 2014-2015 environ 177 millions de dollars tant pour les achats en ligne effectus au Canada hors Qubec que ceux effectus lextrieur du Canada. Ces pertes reprsenteraient ainsi 1,2 % des revenus consolids des taxes de vente, qui atteignaient environ 14,0 milliards de dollars en 2014-2015.

    8 Gylliane GERVAIS, La dimension de lconomie souterraine au Canada, Statistique Canada, no 13-603F au catalogue,

    no 2, hors srie, Statistique Canada, 1994.

  • Une estimation de limportance des phnomnes en cause 31

    Estimation des pertes fiscales lies au commerce lectronique

    Sur la base dune enqute effectue sur le commerce lectronique par le Centre facilitant la recherche et linnovation dans les organisations (CEFRIO), Revenu Qubec a estim la dpense fiscale et les pertes fiscales lies au commerce lectronique pour 2014-2015.

    Revenu Qubec a tabli 40 millions de dollars les pertes fiscales et la dpense fiscale en TVQ se rapportant aux achats en ligne au Canada hors Qubec.

    La dpense fiscale, reprsentant la TVQ de moins de 35 $ par mois par Qubcois qui na pas tre verse pour les achats en ligne effectus sur des sites au Canada hors Qubec, est estime 20,5 millions de dollars.

    Les pertes fiscales, reprsentant la TVQ de 35 $ et plus par mois par Qubcois qui na pas tre verse pour les achats en ligne effectus sur des sites au Canada auprs dentreprises non tablies au Qubec, sont estimes 19,6 millions de dollars.

    Comme le recommande la Commission dexamen sur la fiscalit Qubcoise, une entente avec le gouvernement fdral qui administrerait linscription obligatoire de ces entreprises tant pour la perception de la TVH que de la TVQ permettrait de rcuprer une grande partie du manque gagner sur les ventes en ligne quelles effectuent des Qubcois.

    De plus, Revenu Qubec estime 137 millions de dollars les pertes fiscales en TVQ se rapportant aux achats en ligne par des Qubcois sur des sites hors Canada.

    Au total, Revenu Qubec estime ainsi les pertes fiscales et la dpense fiscale lgard de la TVQ en raison du commerce lectronique 177 millions de dollars.

    titre illustratif, les revenus consolids provenant des taxes de vente1 ont totalis 13 985 millions de dollars en 2014-2015. En comparaison avec cette somme, les pertes fiscales et les dpenses fiscales lies au commerce lectronique estimes par Revenu Qubec reprsenteraient environ 1,2 % des revenus totaux.

    Une estimation plus prcise que par le pass

    Selon une prcdente estimation faite par Revenu Qubec pour lanne 2012-2013, ces pertes fiscales taient plus importantes, atteignant 311 millions de dollars pour les achats en ligne effectus sur des sites au Canada hors Qubec et 164 millions de dollars pour les achats en ligne effectus sur des sites hors Canada.

    Lcart entre ces valuations sexplique par une amlioration de la mthodologie utilise.

    Lenqute effectue pour 2014-2015 permet de distinguer les achats taxables de ceux qui ne le sont pas, contrairement lenqute prcdente.

    Un travail mticuleux de vrification des 600 sites de ventes les plus importants a montr que la majorit des entreprises sont inscrites la TVQ et peroivent cette taxe.

    Lenqute pour 2014-2015 montre quune plus grande proportion des achats en ligne seffectue sur des sites hors Canada.

    1 Au sens de la Loi sur la taxe de vente du Qubec (RLRQ, Chapitre T-0.1), les taxes de vente regroupent la TVQ ainsi que la taxe sur les primes dassurance, la taxe sur lhbergement et le droit spcifique sur les pneus neufs.

  • Le phnomne du recours 32 aux paradis fiscaux

    Quelques clairages sur limpact des paradis fiscaux 2.2Comme expliqu prcdemment, une partie des initiatives conduisant des pertes fiscales sont mises en uvre par le biais de paradis fiscaux.

    Certaines initiatives surtout lvitement fiscal tirent parti des rgles lgales, fiscales et juridiques en vigueur dans les paradis fiscaux.

    Dans le cas de lvasion fiscale, les paradis fiscaux constituent un refuge pour les bnfices retirs des activits illgales ou lgales effectues par certains contribuables.

    Sur le plan international, il existe peu de donnes concernant lampleur du phnomne des paradis fiscaux et limpact de ces paradis fiscaux en matire de pertes fiscales pour les pays touchs. Ces donnes sont tout aussi rares pour le Canada et inexistantes pour le Qubec.

    Le ministre des Finances a cependant tent de quantifier le phnomne des paradis fiscaux :

    en illustrant limportance financire des paradis fiscaux;

    en appliquant au Qubec certaines dmarches dvaluation effectues au cours des dernires annes dans le monde.

  • Une estimation de limportance des phnomnes en cause 33

    Limportance financire des paradis fiscaux

    Certains indicateurs permettent de voir limportance que prennent les paradis fiscaux dans le monde financier, dune part lgard de la taille du secteur financier dans ces juridictions et, dautre part, par limportance des mouvements financiers qui y transitent.

    Une illustration de lhypertrophie du secteur financier Les paradis fiscaux se caractrisent par lhypertrophie du secteur financier. Dans ces petits pays et territoires, on assiste au dveloppement dune activit financire disproportionne par rapport limportance de lconomie locale.

    Quelques indicateurs prsents dans des tudes sur le sujet permettent dillustrer ce phnomne.

    La position extrieure bancaire

    La position extrieure bancaire est mesure par ltat du stock des avoirs et des engagements extrieurs par rapport au PIB.

    Ce rapport est gal 3,0 en Autriche, 4,2 en Suisse. Il atteint 116,5 Jersey et 1 291,2 aux les Camans9.

    GRAPHIQUE 6

    Position extrieure bancaire rapporte au PIB 2009 (ratio)

    * Ratio de 2008. ** Ratio de 2007. *** Ratio de 2005. Source : Centre danalyse stratgique (France).

    9 CENTRE DANALYSE STRATGIQUE, Centres financiers offshore et systme bancaire fantme , La note danalyse,

    no 222, Rpublique franaise, mai 2011, p. 4 et annexe.

    0 20 40 60 80 100 120 140

    Moyenne mondialeBermudes *

    PanamaPays-Bas

    AutricheBelgique

    SuisseRoyaume-Uni

    Hong KongSingapour

    IrlandeChypre

    Antilles nerlandaises *Bahren

    Luxembourgle de Man **

    Guernesey ***BahamasJersey ***

    les Camans **

  • Le phnomne du recours 34 aux paradis fiscaux

    Le rapport entre les investissements de portefeuille et le PIB

    Le rapport entre les investissements de portefeuille et le PIB permet didentifier les juridictions les plus orientes vers la gestion doprations financires pour les non-rsidents.

    Ce rapport est gal 1,3 en Norvge et 1,8 en Suisse. Il atteint des sommets aux Bermudes (65,0), Guernesey (62,1), Jersey (53,9) et au Luxembourg (36,9).

    Dans un certain nombre de petites juridictions ou de territoires, on constate ainsi une dconnexion complte entre les activits financires pour les non-rsidents et lconomie relle10.

    GRAPHIQUE 7

    Rapport entre les avoirs au titre des investissements de portefeuille et le PIB 2008 (ratio)

    * Ratio de 2007. ** Ratio de 2006. *** Ratio de 2005. Source : Centre danalyse stratgique (France).

    10 Ibid., p. 5 et annexe.

    0 10 20 30 40 50 60 70

    Vanuatu **Pays-BasNorvgeBelgique

    ChypreSingapourBahamas

    MalteSuisse

    Gibraltar **Bahren

    Hong KongBarbade

    IrlandeAntilles nerlandaises

    le de Man *Maurice

    les CamansLuxembourg

    Jersey ***Guernesey ***

    Bermudes

  • Une estimation de limportance des phnomnes en cause 35

    Lvaluation des investissements directs ltranger dans le monde De faon plus directe, lvolution des investissements directs ltranger permet de constater les changements survenus au cours des dernires annes dans le mouvement des capitaux ltranger, et limportance croissante des paradis fiscaux dans les mouvements actuels. En effet, ces pays sont rgulirement utiliss dans les oprations de dfiscalisation et de ventilation des multinationales et des banques qui y rapatrient et y placent des fonds.

    La Confrence des Nations Unies sur le commerce et le dveloppement, lun des organes de lONU, a rendu public en 2015 son rapport rendant compte de lvolution des investissements directs trangers dans le monde11.

    Dans le rapport, la Confrence des Nations Unies sur le commerce et le dveloppement aborde spcifiquement la question des investissements directs trangers des entreprises multinationales transitant dans les paradis fiscaux ou dans certaines autres juridictions.

    Lorganisme constate quen 2012, les les Vierges taient le 5e plus grand rcipiendaire dinvestissements directs trangers (72 milliards de dollars amricains), soit plus que le Royaume-Uni (46 milliards de dollars amricains), une conomie pourtant 3 000 fois plus importante.

    Les investissements directs trangers sortant des les Vierges (64 milliards de dollars amricains) reprsentent une somme tout aussi disproportionne par rapport la taille de lconomie de cette juridiction.

    Dautres conomies prsentent de telles anomalies dans les flux dinvestissement, notamment les Pays-Bas et le Luxembourg. Ces conomies sont trs diffrentes, mais elles partagent des similarits fiscales.

    11 CONFRENCE DES NATIONS UNIES SUR LE COMMERCE ET LE DVELOPPEMENT, World Investment Report 2015, 2015,

    p.188 et suivantes.

  • Le phnomne du recours 36 aux paradis fiscaux

    Lvaluation des investissements directs trangers du Canada Lanalyse des investissements directs ltranger (IDE) du Canada et de leur volution illustre le mme phnomne.

    Depuis la fin des annes 1980, une proportion grandissante des investissements directs trangers canadiens est dirige vers les pays reconnus comme des centres financiers extraterritoriaux (CFE)12, dont plusieurs sont situs dans les Carabes.

    Entre 1988 et 2014, les actifs canadiens dans les centres financiers extraterritoriaux ont t multiplis par 22.

    En 2014, ces centres accueillaient quasiment le quart de lensemble de linvestissement direct canadien ltranger (24 %).

    Au cours des dix dernires annes, soit de 2005 2014, le montant des investissements directs canadiens vers les centres financiers extraterritoriaux a plus que doubl (multiplication par 2,3), passant de 87 milliards de dollars 199 milliards de dollars.

    TABLEAU 3

    Rpartition des investissements directs trangers canadiens et des investissements directs trangers au Canada (en milliards de dollars)

    IDE canadiens

    IDE au Canada

    CFE tats-Unis Autres pays Total

    CFE tats-Unis Autres pays Total

    1988 9 51 20 80

    5 76 33 114

    1990 10 60 28 98

    6 84 41 131

    1995 25 85 52 161

    9 113 46 168

    2000 60 178 118 357

    17 194 109 319

    2005 87 202 163 452

    28 251 118 398

    2010 157 251 229 637

    44 318 230 592

    2014 199 350 280 829

    95 361 276 732

    Note : Le ministre des Finances utilise la liste de CFE publie par Statistique Canada en 2003 dans le document L'investissement direct canadien dans les centres financiers offshore. Cette liste est base sur celle publie par le FMI en 2000 (voir annexe).

    Source : Statistique Canada, Tableau CANSIM 376-0051, Bilan des investissements internationaux, investissements directs canadiens l'tranger et investissements directs trangers au Canada, par pays. Compilation du ministre des Finances.

    Simultanment, les investissements directs canadiens allant vers les tats-Unis ont t multiplis par 1,7. Ainsi, la part des investissements directs canadiens allant vers les tats-Unis a diminu considrablement.

    12 Voir ci-dessus, la page 18, la dfinition de centres financiers extraterritoriaux propose par le Fonds montaire

    international.

  • Une estimation de limportance des phnomnes en cause 37

    Des statistiques sans relation avec les liens commerciaux directs

    Cependant, lorsque lon analyse les statistiques commerciales du Canada, on constate quaucun des pays faisant partie des centres financiers extraterritoriaux nentretient de liens commerciaux importants avec le Canada.

    Les principaux partenaires conomiques du Canada sont rests relativement les mmes au cours des trente dernires annes. Il sagit des tats-Unis, de lUnion europenne, de la Chine, du Mexique et de la Core du Sud. De 1997 2014, ces pays ont accueilli plus de 90 % des exportations de biens et de services du Canada et sont lorigine de plus de 85 % des importations du Canada13.

    Ainsi, la part des investissements directs trangers du Canada dans les centres financiers extraterritoriaux est passe en 25 ans denviron 11 % prs de 25 %, sans que cela ne se justifie par lvolution des changes commerciaux.

    GRAPHIQUE 8

    Croissance des investissements directs canadiens dans certains centres financiers extraterritoriaux entre 1988 et 2014

    GRAPHIQUE 9

    volution des investissements directs canadiens selon la rgion ou le pays de destination

    (en milliards de dollars) (en pourcentage du volume total des investissements directs trangers)

    Source : Statistique Canada, tableau CANSIM 376-0051. Compilation du ministre des Finances du Qubec.

    Source : Statistique Canada, tableau CANSIM 376-0051. Compilation du ministre des Finances du Qubec.

    Il est important de mentionner que dtenir un compte bancaire ou investir dans les centres financiers extraterritoriaux nest pas ncessairement illgal. Cest plutt le fait de soustraire indment une partie de ses revenus lassujettissement du rgime fiscal qui est contraire aux lois canadiennes. De plus, il est possible davoir recours un centre financier extraterritorial aux fins de planification fiscale tout en respectant lesprit des lois.

    On ne dispose daucune donne concernant lvolution des investissements directs du Qubec ltranger. La ventilation des donnes concernant les investissements directs canadiens ltranger nest pas disponible par province.

    13 Statistique Canada, tableaux CANSIM 227-0001 et 228-0069.

    0,6 1,5 0,2 1,1 0,0 0,7

    71,2

    17,8

    36,6

    15,3

    31,1

    11,3

    0

    10

    20

    30

    40

    50

    60

    70

    80 1988

    2014

    0

    10

    20

    30

    40

    50

    60

    7019

    8819

    9019

    9219

    9419

    9619

    9820

    0020

    0220

    0420

    0620

    0820

    1020

    1220

    14

    CFEtats-UnisAutres pays

  • Le phnomne du recours 38 aux paradis fiscaux

    Lapplication au Qubec de certaines dmarches dvaluation des pertes fiscales effectues au cours des dernires annes dans le monde

    Lvaluation des pertes fiscales imputables aux paradis fiscaux se heurte des problmes de disponibilit des donnes.

    LOCDE a jusqu ce jour renonc effectuer une telle valuation, considrant que les donnes auxquelles elle a accs pour y parvenir ne sont pas suffisamment fiables14.

    Pour la mme raison, les gouvernements du Qubec et du Canada, ainsi que les diffrents instituts statistiques (Institut de la statistique du Qubec, Statistique Canada), ne procdent aucune estimation des pertes fiscales lies aux paradis fiscaux.

    Cependant, certains auteurs ont propos une telle valuation, partir de lanalyse de diffrentes donnes bancaires et financires. Il sagit des pertes fiscales lies aux transferts dargent effectus par les particuliers ou par les socits vers les paradis fiscaux.

    Ces valuations, et leur application au Qubec, sont prsentes ici titre illustratif.

    Illustration des pertes fiscales pour les particuliers Pour ce qui est des pertes fiscales pour les particuliers, le ministre des Finances a retenu une tude sur lampleur du phnomne des paradis fiscaux frquemment cite dans la littrature.

    Ltude de Zucman

    Dans son tude15 publie en 2014, Gabriel Zucman estime le montant de la richesse globale place dans les centres financiers extraterritoriaux par les particuliers, en se servant de mthodes indirectes comme lanalyse des anomalies contenues dans les statistiques sur les investissements dans ces centres financiers.

    Selon cette tude, la fortune accumule par les particuliers canadiens est estime 300 milliards de dollars, ce qui entrane des pertes fiscales annuelles de lordre de 6 milliards de dollars reprsentant les recettes fiscales qui auraient t obtenues si ces sommes avaient produit des revenus de placement au Canada.

    En attribuant au Qubec une part de cette fortune cumulative accumule quivalente limportance des revenus imposables des contribuables qubcois hauts revenus dans le Canada, on obtiendrait alors des pertes fiscales denviron 0,8 milliard de dollars par anne.

    14 COMIT PERMANENT DES FINANCES DE LA CHAMBRE DES COMMUNES DU CANADA, La fraude fiscale et le recours aux

    paradis fiscaux, 2013. 15 Gabriel ZUCMAN, Taxing across Borders: Tracking Personal Wealth and Corporate Profits, Journal of Economic

    Perspectives, vol. 28, no 4, p. 121-148. M. Gabriel Zucman tait alors professeur adjoint (assistant professor) la London School of Economics. Les rsultats sont prsents en dollars US.

  • Une estimation de limportance des phnomnes en cause 39

    TABLEAU 4

    Estimation des pertes fiscales dcoulant de la richesse dans les paradis fiscaux pour le Qubec en 2013-2014 (en milliards de dollars amricains)

    Extrapolation pour le Qubec

    Richesse paradis fiscaux Canada

    Poids du Qubec(1)

    dans le Canada

    (1) Richesse paradis

    (1)

    fiscaux Qubec(2)

    Pertes fiscales(1)

    gouvernement du Qubec

    (3)

    Zucman (2014) 300 15,6 % 47 0,8 (1) La part des revenus imposables des contribuables qubcois ayant des revenus suprieurs 150 000 $ dans le Canada est de

    15,6 %. (2) Cette estimation est obtenue en attribuant au Qubec une part de la richesse totale place dans les paradis fiscaux par les mnages

    canadiens telle qu'estime par Zucman. (3) Les pertes fiscales sont obtenues en multipliant la richesse du Qubec place dans les paradis fiscaux par un taux de rendement de

    7 % et un taux marginal moyen d'impt sur les revenus de placement de 25,45 %. Sources : Gabriel Zucman et Ministre des Finances du Qubec.

    Illustration des pertes fiscales pour les socits Pour les socits, lrosion de la base dimposition et le transfert de bnfices peuvent servir de rfrence lorsque lon traite de lusage des paradis fiscaux.

    Cette rosion dcoule des arrangements juridiques de planification fiscale auxquels ont recours des multinationales, exploitant linteraction entre les rgles fiscales intrieures et internationales afin de transfrer les bnfices lextrieur des pays o les activits produisant des revenus se droulent.

    Lestimation de lampleur et de limpact conomique de lrosion de la base dimposition et du transfert de bnfices au niveau mondial est limite par des enjeux conceptuels et les limitations considrables des donnes actuellement disponibles16.

    Lestimation du FMI

    titre illustratif, une tude prliminaire du FMI estime 5 % les pertes mondiales de revenus de limpt des socits causes par le transfert de bnfices, avec des pertes plus de deux fois plus leves pour les pays en dveloppement que pour les pays de lOCDE.

    Le FMI qualifie toutefois ses calculs de trs prliminaires et hautement spculatifs. En effet, lestimation ne permet pas disoler limpact du transfert de bnfices entre les pays des diffrences dans les politiques fiscales (par exemple, les dductions fiscales) et dans les mesures de conformit et dapplication des lois fiscales.

    De plus, la disponibilit limite des donnes fait en sorte que lanalyse a t ralise avec un chantillon relativement petit de 51 pays, qui ne comprend pas le Canada. Lanalyse exclut galement les pays considrs comme des paradis fiscaux, et ne peut donc pas capter les transferts de bnfices impliquant ces pays.

    Une analyse prliminaire du ministre des Finances similaire celle ralise par le FMI tend dmontrer que les pertes pour le Qubec causes par le transfert de bnfices des socits seraient vraisemblablement infrieures la moyenne de 5 % estime par lorganisation, soit moins de 200 millions de dollars par anne.

    16 FONDS MONTAIRE INTERNATIONAL, Spillovers in International Corporate Taxation, 2014,

    http://www.imf.org/external/np/pp/eng/2014/050914.pdf.

  • Le phnomne du recours 40 aux paradis fiscaux

    TABLEAU 5

    Estimation des pertes fiscales provenant de limpt sur le revenu des socits (en millions de dollars)

    Perte moyenne de revenu

    provenant des socits Extrapolation

    pour le Qubec

    FMI (2014) 5 % 200

    Les tudes plus rcentes

    Les tudes plus rcentes17 utilisant des donnes microconomiques pour ce qui est des socits arrivent de plus faibles estimations de lampleur de lrosion de la base dimposition et du transfert de bnfices, comparativement aux tudes ralises avec des donnes agrges.

    Lune des actions du Plan daction de lOCDE (action 11)18 porte prcisment sur la ncessit de mettre au point des mthodes permettant de collecter et danalyser des donnes sur lrosion de la base dimposition et le transfert de bnfices, ainsi que sur les mesures qui seront prises pour y remdier.

    Problmatique relative lvaluation des pertes fiscales

    Les sources de donnes disponibles pertinentes lanalyse de lrosion de la base dimposition et le transfert de bnfices vont de statistiques macroconomiques agrges (comptes nationaux, investissements directs trangers, revenus fiscaux des entreprises, etc.) des statistiques microconomiques pour ce qui est de lentreprise (donnes douanires, tats financiers de multinationales, donnes de la dclaration de revenus des socits, etc.).

    Toutefois, lOCDE indique que les limites importantes des sources de donnes existantes font en sorte que la possibilit de construire des indicateurs ou dentreprendre des analyses conomiques sur lampleur et les impacts de lrosion de la base dimposition et le transfert de bnfices est svrement limite.

    Un des principaux dfis avec les sources de donnes actuellement disponibles est quil est difficile de dissocier les effets conomiques rels des effets comportementaux lis lrosion de la base dimposition et au transfert de bnfices.

    Les bases de donnes financires pour ce qui est des entreprises prives sont les plus utiles pour de telles analyses, mais elles sont gnralement incompltes, ont une reprsentativit limite dans plusieurs pays, ne comprennent pas toutes les multinationales ni la totalit de leur information financire, et nincluent pas dinformations au sujet des impts effectivement pays.

    La plupart des pays ne disposent pas de telles donnes ou ne les rendent pas disponibles aux fins danalyses conomiques et statistiques, et ne rapportent pas les revenus totaux des entreprises multinationales sparment des entreprises purement nationales.

    Des donnes plus compltes et dtailles sur les entreprises multinationales seront ncessaires pour fournir des valuations plus prcises de lampleur et des impacts de lrosion de la base dimposition et du transfert de bnfices.

    17 OCDE, BEPS Action 11: Improving the Analysis of BEPS, Public Discussion Draft, 2015,

    http://www.oecd.org/ctp/tax-policy/discussion-draft-action-11-data-analysis.pdf. 18 Voir ci-aprs, la page 60.

  • La rcupration des pertes fiscales et la lutte contre les paradis fiscaux 41

    3. LA RCUPRATION DES PERTES FISCALES ET LA LUTTE CONTRE LES PARADIS FISCAUX

    On la soulign demble, les revenus fiscaux jouent un rle essentiel dans le financement des services publics la population.

    Afin dassurer ce financement, mais galement pour des raisons dquit, tous les efforts doivent tre consentis pour que ltat peroive le plein montant des revenus dcoulant du cadre fiscal dfini dmocratiquement par lensemble des citoyens. Les valuations des pertes fiscales lies certains comportements illgaux soit essentiellement le travail au noir ont mis en lumire limportance du problme rsoudre.

    Au cours des vingt dernires annes, chaque budget du Qubec a comport des initiatives visant rduire les pertes fiscales de ltat qubcois. Depuis la fin des annes 2000, ces initiatives se sont multiplies et intensifies, avec des rsultats significatifs.

    Deux leviers

    Les initiatives engages par le gouvernement se sont appuyes sur deux leviers, soit Revenu Qubec et la mise en place dune provision budgtaire finanant les initiatives concernant les revenus.

    Revenu Qubec a t transforme en agence. Ses efforts de lutte contre lvasion fiscale et lvitement fiscal constituent un modle pour dautres juridictions.

    Dimportants projets de lutte contre lvasion fiscale dans certains secteurs cibls de lconomie ont t mis en place grce la Provision pour augmenter tout crdit pour des initiatives concernant les revenus. En 2014-2015, le ministre des Finances du Qubec a vers 38,7 millions de dollars pour diffrents projets dans les secteurs dont les activits sont susceptibles dtre lorigine de pertes fiscales.

    Trois sries dinitiatives

    Ces diffrentes initiatives visent :

    la rcupration des pertes fiscales lies lvasion fiscale;

    la rcupration des pertes fiscales lies lvitement fiscal.

    En parallle, le Qubec sinscrit dans les efforts internationaux visant la lutte contre les paradis fiscaux.

  • Le phnomne du recours 42 aux paradis fiscaux

    La Provision pour augmenter, avec lapprobation du Conseil du trsor, tout crdit pour des initiatives concernant les revenus

    Les crdits du ministre des Finances incluent la Provision pour augmenter, avec lapprobation du Conseil du trsor, tout crdit pour des initiatives concernant les revenus (Provision) dont le mandat est de financer des projets pour contrer lvasion fiscale dans les secteurs o les pertes fiscales demeurent importantes.

    Ces actions ont permis au gouvernement de rcuprer des sommes additionnelles substant