Le Nouveau Pacte Fiscal et Social pour la compétitivité de la France

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1 LE NOUVEAU PACTE FISCAL ET SOCIAL POUR LA COMPETITIVITE DE LA France La compétitivité de l’économie française – et plus particulièrement sa composante compétitivité-prix doit se mesurer au regard de nos principaux partenaires et notamment le premier d’entre eux à savoir l’Allemagne. L’Union européenne représente environ les 3/5ème à la fois des exportations et des importations françaises. L’Allemagne est pour la France le premier client (16 % des exportations françaises) et le premier fournisseur (17 % des importations). En janvier dernier, les chiffres d’Eurostat sur le coût horaire de la main d’œuvre en Europe, d’une part, et le rapport COE-Rexecode sur la divergence de compétitivité industrielle entre la France et l’Allemagne, d’autre part, mettent en évidence la dégradation de notre compétitivité et invitent fortement à nous interroger sur notre mode de financement de la protection sociale qui pèse essentiellement sur le facteur travail. Le MEDEF considère qu’il est indispensable d’engager une r éforme du financement de la protection sociale. Il propose un Nouveau Pacte Fiscal et Social, fondé sur un double mouvement : une baisse des cotisations salariés compensée par une hausse de la CSG, une baisse des cotisations employeurs compensée par une augmentation de la TVA. Cette « double hélice » de la protection sociale permettra de créer une dynamique vertueuse de croissance. Plusieurs scénarios sont présentés, et ont vocation à permettre un débat sur ce sujet majeur pour la compétitivité de la France. 1) Sur dix ans, la compétitivité française s’est dégradée par rapport à l’Allemagne Entre 2000 et 2010, les exportations françaises sont passées de 4,7 % à 3,5 %, soit une baisse de l’ordre de 25 % alors que les exportations allemandes se sont maint enues : avec le même euro, la compétitivité extérieure française s’est nettement dégradée contrairement à l’Allemagne. Part dans le commerce mondial de marchandises : 2000 2010 Exportations françaises 4,7 % Rang mondial : 4 3,5 % Rang mondial : 6 Exportations allemandes 8,7 % Rang mondial : 2 8,5 % Rang mondial : 3 Source : OMC, statistiques du commerce mondial La présentation en termes de part d’exportations dans le commerce mondial ne reflète que la dégradation de la compétitivité extérieure. Il faut également tenir compte du déficit de compétitivité sur le plan de la demande interne : au plan national, les produits français sont confrontés à la concurrence des produits étrangers. De ce point de vue, les chiffres du commerce extérieur qui tiennent compte des exportations et des importations sont éloquents en termes de dégradation de compétitivité par rapport à l’ Allemagne : la France devrait connaître un déficit de sa balance commerciale de 75 Mds d’euros en 2011 alors que l’Allemagne maintiendrait son excédent de plus de 155 Mds d’euros. Chiffres du commerce extérieur : 2010 2011 France - 51,7 Mds - 69,6 Mds Allemagne + 154,3 Mds + 157,0 Mds 2) Une des clés d’explication : dans les années 2000, le coût du travail a augmenté nettement plus vite qu’en Allemagne En 2000, le coût horaire du travail en France était inférieur de 8 % à celui en Allemagne. En 2008, il dépasse de près de 10 % celui en Allemagne. Même constat concernant spécifiquement l’industrie : si aujourd’hui, le coût du travail est à peu près identique France-Allemagne, l’écart était il y a dix ans au bénéfice de la compétitivité française.

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Le Nouveau Pacte Fiscal et Social pour la compétitivité de la France, présenté lors de la conférence de presse du 15 novembre 2011

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LE NOUVEAU PACTE FISCAL ET SOCIAL

POUR LA COMPETITIVITE DE LA France

La compétitivité de l’économie française – et plus particulièrement sa composante compétitivité-prix – doit se mesurer au regard de nos principaux partenaires et notamment le premier d’entre eux à savoir l’Allemagne. L’Union européenne représente environ les 3/5ème à la fois des exportations et des importations françaises. L’Allemagne est pour la France le premier client (16 % des exportations françaises) et le premier fournisseur (17 % des importations). En janvier dernier, les chiffres d’Eurostat sur le coût horaire de la main d’œuvre en Europe, d’une part, et le rapport COE-Rexecode sur la divergence de compétitivité industrielle entre la France et l’Allemagne, d’autre part, mettent en évidence la dégradation de notre compétitivité et invitent fortement à nous interroger sur notre mode de financement de la protection sociale qui pèse essentiellement sur le facteur travail. Le MEDEF considère qu’il est indispensable d’engager une réforme du financement de la protection sociale. Il propose un Nouveau Pacte Fiscal et Social, fondé sur un double mouvement : une baisse des cotisations salariés compensée par une hausse de la CSG, une baisse des cotisations employeurs compensée par une augmentation de la TVA. Cette « double hélice » de la protection sociale permettra de créer une dynamique vertueuse de croissance. Plusieurs scénarios sont présentés, et ont vocation à permettre un débat sur ce sujet majeur pour la compétitivité de la France. 1) Sur dix ans, la compétitivité française s’est dégradée par rapport à l’Allemagne Entre 2000 et 2010, les exportations françaises sont passées de 4,7 % à 3,5 %, soit une baisse de l’ordre de 25 % alors que les exportations allemandes se sont maintenues : avec le même euro, la compétitivité extérieure française s’est nettement dégradée contrairement à l’Allemagne. Part dans le commerce mondial de marchandises :

2000 2010

Exportations françaises 4,7 % Rang mondial : 4

3,5 % Rang mondial : 6

Exportations allemandes 8,7 % Rang mondial : 2

8,5 % Rang mondial : 3

Source : OMC, statistiques du commerce mondial

La présentation en termes de part d’exportations dans le commerce mondial ne reflète que la dégradation de la compétitivité extérieure. Il faut également tenir compte du déficit de compétitivité sur le plan de la demande interne : au plan national, les produits français sont confrontés à la concurrence des produits étrangers. De ce point de vue, les chiffres du commerce extérieur qui tiennent compte des exportations et des importations sont éloquents en termes de dégradation de compétitivité par rapport à l’Allemagne : la France devrait connaître un déficit de sa balance commerciale de 75 Mds d’euros en 2011 alors que l’Allemagne maintiendrait son excédent de plus de 155 Mds d’euros. Chiffres du commerce extérieur :

2010 2011

France - 51,7 Mds

- 69,6 Mds

Allemagne + 154,3 Mds

+ 157,0 Mds

2) Une des clés d’explication : dans les années 2000, le coût du travail a augmenté nettement plus vite qu’en Allemagne En 2000, le coût horaire du travail en France était inférieur de 8 % à celui en Allemagne. En 2008, il dépasse de près de 10 % celui en Allemagne. Même constat concernant spécifiquement l’industrie : si aujourd’hui, le coût du travail est à peu près identique France-Allemagne, l’écart était il y a dix ans au bénéfice de la compétitivité française.

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Coût horaire de la main d’œuvre en France et en Allemagne (en euros) :

Source : Eurostat

C’est l’évolution des charges pesant sur le travail qui explique l’essentiel de ces écarts. Selon Eurostat, sur la période 2000-2008, les charges annexes - dont les cotisations sociales patronales constituent la part la plus importante - ont augmenté de 39 % en France et de 2 % en Allemagne. 3) Le haut niveau de taxation du travail renchérit le coût du travail et ainsi pénalise la compétitivité-prix mais également grève la croissance des salaires nets

Source : Cour des Comptes, Rapport sur « les prélèvements fiscaux et sociaux en France et en Allemagne », 2011 N.B. : Le taux de cotisation en France n’additionne que les taux retraite (RG + AGIRC-ARRCO), maladie, famille, AT-MP, chômage et ne tient pas compte d’autres prélèvements sur le travail (formation continue, construction, versement transport, etc.)

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Le poids des charges sociales pénalise la compétitivité-prix mais son augmentation continue grève également la croissance des salaires nets comme le souligne le rapport Cotis : « Une partie de ce surplus a servi à financer l’extension de la couverture sociale. Ceci s’est d’abord fait par l’augmentation des cotisations employeurs, puis par la hausse des cotisations des salariés, jusqu’au milieu des années 1990. Dans les deux cas, les cotisations croissantes conduisent à un décrochement du salaire net par rapport à la rémunération superbrute. Au total, le salaire net de 2007 n’est supérieur que de 20% à celui de 1983, soit moins de 1% de croissance annuelle en termes réels »

1.

Malgré la montée en charge progressive de la CSG depuis 20 ans, le financement de la protection sociale en France est encore majoritairement assuré par des cotisations sociales. Ressources des administrations de sécurité sociale en part de PIB :

Source : INSEE, issu du rapport Champsaur-Cotis sur la situation des finances publiques, avril 2010

Par ailleurs, cette « fiscalisation » qui repose pour l’essentiel sur la CSG pèse également sur le travail. L’assiette de la CSG est certes plus large que celle des cotisations puisqu’elle est assise sur les revenus de remplacement et du patrimoine. Mais, la CSG s’applique également aux revenus du travail qui représentent 70 % de son rendement financier. La France a fait le choix de maintenir un niveau élevé de taxation des facteurs de production et de réduire les prélèvements obligatoires assis sur la consommation. L’imposition de la consommation a en effet diminué en France sur les dix dernières années alors que la tendance est inverse en Allemagne et surtout dans les autres pays de l’Union européenne. Taux implicite d’imposition de la consommation (en %) = Recettes fiscales des impôts assis sur la consommation / consommation des ménages

1 Rapport de Jean-Philippe Cotis, « Partage de la valeur ajoutée, partage des profits et écarts de rémunération en France », mai

2009.

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Source : Cour des Comptes, Rapport sur « les prélèvements fiscaux et sociaux en France et en Allemagne », 2011

L’analyse des taux de TVA permet également de constater que des niveaux élevés de taux correspondent à des pays consacrant une part élevée de leur PIB au financement de la protection sociale.

La structure des taux de TVA dans les pays de l’Union européenne :

Taux normal Taux réduit Taux super réduit

Danemark 25 - -

Suède 25 12/6 -

Grèce 23 13/6,5 -

Italie 23* 12 4

Belgique 21 12/6 -

Espagne 21 10 4

Autriche 20 10 -

Royaume-Uni 20 5 -

France 19,6 7/5,5 2,1

Allemagne 19 7 - * Au 1

er octobre 2012

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4) La proposition du Medef : « Le Nouveau Pacte fiscal et social » pour la compétitivité de la France Le MEDEF propose d’engager une réforme du financement de la protection sociale, fondée sur un double mouvement portant d’une part, et de manière indissociable, sur une baisse des cotisations employeurs et des cotisations salariales, compensée par une augmentation de la CSG et de la TVA.

Agir sur les cotisations salariales permet d’augmenter le salaire net. Agir sur les cotisations employeurs permet de gagner en compétitivité-prix. Agir simultanément sur la TVA et la CSG permet d’opérer une baisse significative du coût du travail en prenant en compte le pouvoir d’achat. Une baisse des cotisations salariales compensée par une hausse de la CSG permettra une augmentation des salaires nets. L’assiette de la CSG étant plus large (s’appliquant aux revenus du travail, du capital et de remplacement) que celle des cotisations sociales, un tel transfert aura pour effet :

- d’élargir l’assiette de financement aux revenus de remplacement et du patrimoine ; - d’augmenter les salaires nets : baisse des prélèvements sur les revenus du travail et hausse de la

taxation des revenus du capital et de remplacement. Une baisse des cotisations employeurs compensée par une hausse de la TVA améliorera la compétitivité française. La baisse des cotisations employeurs permettra :

- soit une baisse des prix HT qui compenserait la hausse de la TVA, de sorte que les prix des produits français pourraient rester globalement inchangés. En revanche, les produits étrangers supporteraient une TVA plus élevée sans baisse des charges ;

- soit une hausse des marges des entreprises françaises qui pourrait être favorable à l’investissement, à la R & D et à l’embauche ;

- soit une hausse des salaires ; - soit un mix de ces trois éléments.

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2ème

principe :

Intégrer logique assurantielle et logique de solidarité pour fonder des baisses de cotisations selon une analyse risque par risque

C’est la distinction logique assurantielle et logique de solidarité au niveau des dépenses qui permet de fonder les baisses de cotisations et la hausse concomitante des prélèvements fiscaux. La branche famille :

- la branche famille de la sécurité sociale est financée à 65 % par les cotisations sociales patronales, le reste des produits étant constitué par la CSG et des taxes affectées ;

- ces allocations relèvent d’une logique de solidarité qui justifierait un financement par l’impôt ; - en Allemagne, il n’existe pas de branche famille au sein de la sécurité sociale : ces dépenses

relèvent du budget de l’Etat et sont intégralement fiscalisées. Un transfert intégral des cotisations sociales vers l’impôt est justifié La branche maladie :

- la branche maladie de la Sécurité sociale est aujourd’hui financée à 41 % par les cotisations sociales (taux employeur à 12,8 % et taux salarié à 0,75 %, soit 13,55 % au total représentant près de 70 Mds d’euros), le reste des produits étant constitué par la CSG, des taxes affectées et des transferts ;

- une fiscalisation est observée depuis le début des années 90 pour tenir compte de :

l’universalisation du système d’assurance maladie (depuis la création de la CMU),

l’étatisation de notre système de santé (avec la loi de 2004 puis de 2009),

de la nature du risque maladie qui relève de plus en plus d’une logique de solidarité. « Que s’engage un grand débat mêlant élus, acteurs du monde de la santé, patients et partenaires sociaux, afin de déterminer ce qui, dans les dépenses de santé, doit relever d’une logique de solidarité collective ou (…) d’assurance individuelle » (Besoin d’Air – p. 125) La branche retraite :

- le système de retraite comporte des droits au titre de la solidarité – non liés aux cotisations versées et donc dits non contributifs – qui peuvent être regroupés en trois ensembles :

les minima,

les droits familiaux,

les périodes validées au titre du chômage, de la maladie, de la maternité, etc., - pour le seul régime de la CNAV, ces droits représenteraient environ 50 % des droits propres

accordés aux femmes et 25 % de ceux accordés aux hommes.

3ème

principe :

Etablir un espace social européen par une convergence taux / prestations sociales à long terme La réforme allemande des retraites en 2004 avait fixé des objectifs sur le long terme :

- de taux de remplacement moyen minimum afin de préserver un certain niveau de vie à la retraite ;

- de taux de cotisation maximum (20 % avant 2020 et 22 % avant 2030) afin de préserver la compétitivité des entreprises allemandes.

Sur ce modèle, et pour la protection sociale dans son ensemble, l’objectif à l’échelle européenne pourrait être de fixer sur le long terme :

- un niveau minimal de protection sociale suffisamment bon constitutif d’un « socle de solidarité » (par exemple, taux de remplacement moyen minimum à la retraite, part de prise en charge par la solidarité collective des dépenses de santé…) ;

- un taux maximum de cotisation pour préserver la compétitivité des entreprises européennes (les Etats étant libres de « fiscaliser » une part des ressources de financement de la protection sociale).

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5) Les scénarii de réforme :

SCENARIO 1 : un transfert de 5 points de cotisation (de l’ordre de 30 milliards d’euros)

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SSCCEENNAARRIIOO 22 :: un transfert de 8 points de cotisation (de l’ordre de 50 milliards d’euros) Il permettrait d’égaliser le poids des cotisations (patronales + salariales) entre la France (aujourd’hui à 15 %) et l’Allemagne (aujourd’hui à 12,6 %) par rapport au PIB

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SSCCEENNAARRIIOO 33 :: un transfert de 12 points de cotisation (de l’ordre de 70 milliards d’euros) Il permettrait de faire quasiment converger les taux de cotisation (hors CSG-CRDS) entre la France (aujourd’hui à 52,18 %) et l’Allemagne (aujourd’hui à 38,95 %)