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18 © Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 6 e – Livre Ressources THÈME 1 LE MONSTRE, AUX LIMITES DE L’HUMAIN Pourquoi la figure du monstre en 6 e ? N’y a-t-il pas une forme brutale d’entrée dans le programme ? Sans doute avons-nous été surpris dans un premier temps par ce choix. À y regarder de plus près, la place de ce thème trouve toute sa pertinence. Lors des deux années précédentes de cycle 3, les écoliers ont eu l’occasion d’aborder à la fois la notion de héros et la confrontation avec le merveilleux et l’étrange. Autant dire avec des mondes mais aussi des créatures qui n’existent pas, qui peuvent attirer ou effrayer. Or, ce sentiment de la peur – qui fascine et inquiète à la fois – ne fait-il pas partie de l’imaginaire des pré-adolescents d’aujourd’hui, mais surtout, ne se fait-il pas l’écho de l’appréhension légitime que suscite l’entrée en 6 e ? Après avoir été les plus grands des « petits » en CM2, on devient, du jour au lendemain, les petits des plus « grands » à l’entrée au collège. Le détour par la littérature n’est-il pas un bon moyen de mettre à distance ses propres craintes, mais aussi de les surmonter ? Notre choix, dans l’organisation du parcours à travers ce thème, a donc été le suivant : – nous interroger tout d’abord sur ce qu’incarne le monstre à nos yeux – en somme, nous conduisons les élèves à mettre davan- tage l’accent sur leur propre regard plutôt que sur l’aspect du monstre lui-même : il menace, effraie, mais aussi fascine ; il convient donc de s’interroger sur les réactions en chacun de nous, afin de prendre une distance par rapport à la monstruosité, mais aussi par rapport au plaisir du démesuré, du « toujours plus horrible » que les images se chargent de faire déferler sur les jeux vidéo ou autres dessins animés ; – pour continuer ce travail sur notre propre appréhension du monstrueux plus que sur le monstrueux lui-même, nous invi- tons à comprendre que les apparences peuvent être trompeuses et constituent un piège de deux façons : derrière les figures repoussantes, peuvent se cacher des âmes nobles – La Bête dans La Belle et la Bête, Quasimodo dans Notre-Dame de Paris – mais, à l’inverse, des créatures attirantes peuvent se révéler encore plus monstrueuses que celles qui sont d’emblée effrayantes : par exemple les Sirènes sont autant redoutables que le Cyclope Polyphème ; – la conclusion à laquelle il nous semble intéressant de conduire les élèves peut être la suivante : le monstre n’est rien d’autre que le visage donné à nos propres peurs et il incarne souvent, dans les récits antiques, les forces qui dominent les hommes et les écrasent ; le monstre se fait la représentation du pouvoir des dieux, soit qu’il impose aux héros de se mesurer à lui, soit qu’il devienne la nouvelle apparence d’un humain victime d’un châtiment divin. Il ne serait pas opportun de s’en tenir à cette seule idée que les monstres sont l’incarnation de la peur. La dimension « éduca- tive » des récits épiques et des contes est bien de montrer que, tout comme les héros de la littérature, il nous faut trouver en nous les ressources pour vaincre le pouvoir des monstres. On voit combien ce thème du monstre trouve une articulation évidente avec le thème Héros/héroïnes et personnages des deux années précédentes de cycle 3, ainsi qu’avec le thème 2 de 6 e , « Récits d’aventures » ; l’année de 5 e continuera à son tour d’approfondir aventure et héroïsme, ce qui permet aux « histoires de monstre » de s’intégrer dans une cohérence aisée à poursuivre d’un niveau à l’autre. Après la perception du monstre, la réaction face à lui et la recherche de stratagèmes pour le vaincre sont le deuxième volet de cette étude, que l’on peut croiser de manière pertinente avec le thème 4 : « Résister au plus fort : ruses, mensonges et masques ». L’Odyssée d’Homère donne des exemples multiples de la ruse et du pouvoir de l’intelligence en montrant comment Ulysse, victime des colères divines, se retrouve confronté à des créatures effrayantes. Il nous a semblé que l’étude des différentes figures rencontrées par le héros et des solutions qu’il trouve pour se sortir des situations les plus périlleuses était une manière de repen- ser les principaux épisodes de son retour à Ithaque. On ne se contente pas d’une chronologie des épisodes les plus célèbres de l’épopée homérique, mais on tente de voir, à chaque nouvelle épreuve, comment Ulysse trouve en lui les ressources nécessaires pour y faire face. Rendre vivante et actuelle cette interrogation sur la monstruosité, tel a été notre souhait : le monstre n’est-il pas avant tout une projection de nos angoisses ? Comment faire pour dépasser les apparences ? Quelles forces ou quels artifices nous per- mettent de réagir quand il faut faire face à ce qui nous effraie ? Le mode, très contemporain, de l’interview d’un héros après une rencontre éprouvante avec une figure monstrueuse, peut permettre à chacun de se mettre « dans la peau d’un héros » qui a chassé les monstres et surtout… ses propres peurs.

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THÈME 1

LE MONSTRE, AUX LIMITES DE L’HUMAIN

Pourquoi la fi gure du monstre en 6e ? N’y a-t-il pas une forme brutale d’entrée dans le programme ? Sans doute avons-nous été surpris dans un premier temps par ce choix. À y regarder de plus près, la place de ce thème trouve toute sa pertinence. Lors des deux années précédentes de cycle 3, les écoliers ont eu l’occasion d’aborder à la fois la notion de héros et la confrontation avec le merveilleux et l’étrange. Autant dire avec des mondes mais aussi des créatures qui n’existent pas, qui peuvent attirer ou eff rayer. Or, ce sentiment de la peur – qui fascine et inquiète à la fois – ne fait-il pas partie de l’imaginaire des pré-adolescents d’aujourd’hui, mais surtout, ne se fait-il pas l’écho de l’appréhension légitime que suscite l’entrée en 6e ? Après avoir été les plus grands des « petits » en CM2, on devient, du jour au lendemain, les petits des plus « grands » à l’entrée au collège. Le détour par la littérature n’est-il pas un bon moyen de mettre à distance ses propres craintes, mais aussi de les surmonter ?

▶ Notre choix, dans l’organisation du parcours à travers ce thème, a donc été le suivant :

– nous interroger tout d’abord sur ce qu’incarne le monstre à nos yeux – en somme, nous conduisons les élèves à mettre davan-tage l’accent sur leur propre regard plutôt que sur l’aspect du monstre lui-même : il menace, eff raie, mais aussi fascine ; il convient donc de s’interroger sur les réactions en chacun de nous, afi n de prendre une distance par rapport à la monstruosité, mais aussi par rapport au plaisir du démesuré, du « toujours plus horrible » que les images se chargent de faire déferler sur les jeux vidéo ou autres dessins animés ;– pour continuer ce travail sur notre propre appréhension du monstrueux plus que sur le monstrueux lui-même, nous invi-tons à comprendre que les apparences peuvent être trompeuses et constituent un piège de deux façons : derrière les fi gures repoussantes, peuvent se cacher des âmes nobles – La Bête dans La Belle et la Bête, Quasimodo dans Notre-Dame de Paris – mais, à l’inverse, des créatures attirantes peuvent se révéler encore plus monstrueuses que celles qui sont d’emblée eff rayantes : par exemple les Sirènes sont autant redoutables que le Cyclope Polyphème ;– la conclusion à laquelle il nous semble intéressant de conduire les élèves peut être la suivante : le monstre n’est rien d’autre que le visage donné à nos propres peurs et il incarne souvent, dans les récits antiques, les forces qui dominent les hommes et les écrasent ; le monstre se fait la représentation du pouvoir des dieux, soit qu’il impose aux héros de se mesurer à lui, soit qu’il devienne la nouvelle apparence d’un humain victime d’un châtiment divin.

▶ Il ne serait pas opportun de s’en tenir à cette seule idée que les monstres sont l’incarnation de la peur. La dimension « éduca-tive » des récits épiques et des contes est bien de montrer que, tout comme les héros de la littérature, il nous faut trouver en nous les ressources pour vaincre le pouvoir des monstres. On voit combien ce thème du monstre trouve une articulation évidente avec le thème Héros/héroïnes et personnages des deux années précédentes de cycle 3, ainsi qu’avec le thème 2 de 6e, « Récits d’aventures » ; l’année de 5e continuera à son tour d’approfondir aventure et héroïsme, ce qui permet aux « histoires de monstre » de s’intégrer dans une cohérence aisée à poursuivre d’un niveau à l’autre.

▶ Après la perception du monstre, la réaction face à lui et la recherche de stratagèmes pour le vaincre sont le deuxième volet de cette étude, que l’on peut croiser de manière pertinente avec le thème 4 : « Résister au plus fort : ruses, mensonges et masques ». L’Odyssée d’Homère donne des exemples multiples de la ruse et du pouvoir de l’intelligence en montrant comment Ulysse, victime des colères divines, se retrouve confronté à des créatures eff rayantes. Il nous a semblé que l’étude des diff érentes fi gures rencontrées par le héros et des solutions qu’il trouve pour se sortir des situations les plus périlleuses était une manière de repen-ser les principaux épisodes de son retour à Ithaque. On ne se contente pas d’une chronologie des épisodes les plus célèbres de l’épopée homérique, mais on tente de voir, à chaque nouvelle épreuve, comment Ulysse trouve en lui les ressources nécessaires pour y faire face.

▶ Rendre vivante et actuelle cette interrogation sur la monstruosité, tel a été notre souhait : le monstre n’est-il pas avant tout une projection de nos angoisses ? Comment faire pour dépasser les apparences ? Quelles forces ou quels artifi ces nous per-mettent de réagir quand il faut faire face à ce qui nous eff raie ? Le mode, très contemporain, de l’interview d’un héros après une rencontre éprouvante avec une fi gure monstrueuse, peut permettre à chacun de se mettre « dans la peau d’un héros » qui a chassé les monstres et surtout… ses propres peurs.

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THÈME 1 LE MONSTRE, AUX LIMITES DE L’HUMAIN

PARCOURS UN THEME Les monstres dans les contes du monde entier p. 24 à 39

OBJECTIFS ET DÉMARCHE DU PARCOURSProblématique : Comment les monstres permettent-ils de mettre à distance et de dépasser les peurs humaines ?▶ Ce chapitre s’attache au thème du monstre et prend appui sur des contes de toutes les origines : la question de la monstruosité traverse en eff et toutes les cultures. Parmi les schémas récurrents des contes repérés par Aarne et Thomson, on trouve, par exemple, « Les adversaires surnaturels » ou « L’enfant monstrueux ». Ces schémas, d’abord tirés des contes européens, peuvent s’étendre aux contes du monde entier.▶ Il s’agit de faire réfl échir les élèves sur les raisons qui poussent les hommes, quelle que soit leur culture, à inventer des récits envahis par des monstres. Quel est le rôle de ces monstres ? Proches des cauchemars de l’enfance, ils incarnent les peurs archaïques de l’être humain et permettent de les énoncer, de les mettre à distance pour les dépasser. Ils incarnent la violence à laquelle tout être humain peut être confronté et contre laquelle il lutte. Ils permettent de grandir en agissant et en comprenant le monde.▶ Le chapitre ne s’organise pas selon la forme des monstres – elle peut être très diff érente selon les cultures et ne serait pas propice à la réfl exion – mais plutôt selon la fonction qu’ils occupent au sein des contes : opposants permettant de grandir, phénomènes naturels eff rayants, punitions sanctionnant des personnages trop hardis, personnages diff ormes dont on comprend qu’ils ne sont pas si monstrueux que cela.▶ Des contes célèbres de la tradition européenne (« Le Petit Poucet », « La Belle et la Bête ») ont été volontairement mêlés à des contes moins connus, issus d’autres territoires. La confrontation de récits familiers et de nouvelles découvertes permet de créer des liens et de mieux souligner l’universalité du thème.▶ Ce chapitre vise à permettre aux élèves :– de comprendre l’aspect universel des contes ;– de développer leur imaginaire ;– de travailler sur l’oralité ;– de saisir la portée morale d’un récit ;– de réfl échir sur la symbolique des contes ;– d’imaginer la transposition d’un conte au cinéma.

ORGANISATION DU PARCOURS ET CHOIX DES AXES DE LECTURE

1. Des monstres pour aff ronter ses peurs

Charles Perrault, « Le Petit Poucet » p. 24

Alexandre Afanassiev, « Vassilissa-la-très-belle » p. 26

Patrick Chamoiseau, « La Madame Kéléman » p. 27

● Pistes didactiquesCes deux doubles pages mettent en scène des enfants qui, pour grandir, doivent lutter contre des monstres hostiles. Dans chacun de ces contes, les jeunes héros sont séparés de leur famille et rejetés. Le monstre incarne, d’un point de vue psychanalytique, l’abandon ou la séparation que l’enfant a à surmonter pour entrer dans l’âge adulte.L’entrée dans le chapitre se fait par un conte souvent connu des élèves, « Le Petit Poucet ».L’étude des contes d’Alexandre Afanassiev et de Patrick Cha-moiseau montre que la poésie et l’humour permettent de mettre à distance les monstres et que l’on peut aussi s’en amuser.

● Proposition d’hypothèse de lecturePourquoi est-il intéressant que les personnages confrontés au monstre soient des enfants ?

2. Des monstres pour expliquer des phénomènes naturels

Jean Muzi, « L'Île au monstre » p. 28

Guillaume Olive et He Zhihong, « Nian le terrible » p. 29

Yves Pinguilly, « Le chasseur plus fort que le lion qui avale l'orage » p. 29

● Pistes didactiquesCette double page montre que la menace de certains monstres ressemble beaucoup à celle d’une nature hostile. Les monstres incarnent la violence de la nature et les peurs qu’elle suscite chez les hommes. Dans les extraits que nous avons choisis, on peut rapprocher les monstres de certains

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fl éaux, tels que la sécheresse, la famine, les raz-de-marée ou les incendies.En ce sens, ces contes ont une dimension étiologique : ils per-mettent en eff et de donner une explication (poétique plus que scientifi que) à des phénomènes naturels.

● Proposition d’hypothèse de lectureQuel rapport peut-on établir entre les monstres évoqués dans les contes et les phénomènes naturels auxquels l’homme peut être confronté ?

3. Des monstres pour transmettre une leçon de vie

Ré et Philippe Soupault, « Le Vounioupi » p. 30

Patrick Chamoiseau, « Le Musicien petit bonhomme » p. 31

● Pistes didactiquesDans cette double page, les monstres ont une fonction puni-tive : ils sanctionnent les mauvaises actions et poussent à agir avec sagesse.L’accent est mis sur la morale du conte. Cette partie vise à faire des élèves des lecteurs vigilants, sensibles aux indices qui annoncent la fi n du texte et la punition du héros.

● Proposition d’hypothèse de lectureQu’enseignent ces contes aux lecteurs ?

4. Des monstres pour faire accepter la diff érence

Mme Leprince de Beaumont, « La Belle et la Bête » p. 32

Suzy Platiel, « La Fille Caillou » p. 38

● Pistes didactiquesPlusieurs extraits de « La Belle et la Bête » et de « La Fille Caillou » ont été proposés : il semble en eff et important de souligner l’évolution de ces contes et de faire réfl échir à leur structure et leur morale. Le travail d’adaptation cinématogra-phique de « La Belle et la Bête » permet aux élèves d’analyser en profondeur les extraits et de réfl échir aux sentiments des personnages, tout en découvrant un nouveau support d’ex-pression.Les deux contes montrent la diff ormité selon deux points de vue. Dans « La Belle et la Bête », la Belle accepte peu à peu la monstruosité d’un autre personnage, la Bête. Dans « La Fille Caillou », c’est la jeune fi lle monstrueuse qui apprend elle-même à revendiquer sa diff érence, malgré le rejet de sa propre mère.Ces deux contes permettent d’aborder en classe la question du handicap et de sa reconnaissance par la société. Ils consti-tuent une transition vers l’atelier d’écriture suivant (▶ Décrire l’apparition d’un personnage monstrueux, p. 40-43).

● Proposition d’hypothèse de lectureQui sont les vrais monstres dans ces deux contes ?

CORRIGÉS DES QUESTIONNAIRES ET DES EXERCICES

1. Des monstres pour aff ronter ses peurs

Charles Perrault, « Le Petit Poucet » p. 24

Observer comment l’auteur joue avec le suspense1. Lorsqu’elle voit les enfants, la femme de l’ogre se met à pleurer et les avertit du danger qui les menace : « Hélas ! mes pauvres enfants, où êtes-vous venus ? Savez-vous bien que c’est ici la maison d’un ogre qui mange les petits enfants ? » (l. 6-8). Prise de pitié, elle décide malgré tout de les laisser entrer, espérant que son mari ne les verra pas.2. Malgré le danger, le Petit Poucet veut entrer chez l’ogre. Il pense en eff et qu’il y a plus de risque à rester dehors à cause des loups : « Il est bien sûr que les loups de la forêt ne man-queront pas de nous manger cette nuit » (l. 11-13). Il croit en outre qu’il est possible d’apitoyer l’ogre : « peut-être qu’il aura pitié de nous, si vous voulez bien l’en prier » (l. 15-16).3. Le Petit Poucet donne l’impression que l’ogre est bien élevé. Il parle de lui avec beaucoup de respect en l’appelant « Monsieur » : « nous aimons mieux que ce soit Monsieur qui nous mange » (l. 14-15).4. L’ogre se comporte plus comme une bête que comme un être humain. Il mange de la viande qui n’est pas cuite : « Le mouton était encore tout sanglant, mais il ne lui sembla que meilleur » (l. 26). Comme les animaux, il a un odorat très développé : « Il fl airait à droite et à gauche, disant qu’il sen-tait la chair fraîche » (l. 26-27). Il ne fait pas le diff érence entre enfants et animaux, tout est pour lui « gibier ».

Bilan 5. Plusieurs passages laissent croire que la femme de l’ogre va sauver les enfants, mais ce n’est pas ce qui arrive. Elle accueille les enfants et les laisse se réchauff er : « La femme de l’ogre, qui crut qu’elle pourrait les cacher à son mari jusqu’au lendemain matin, les laissa entrer et les mena se chauff er auprès d’un bon feu » (l. 17-18). Cependant son mari arrive immédiatement après. Elle leur trouve aussitôt une cachette : « sa femme les fi t cacher sous le lit » (l. 23) mais l’ogre sent « la chair fraîche » (l. 27) et découvre les enfants.Cette succession d’évènements augmente le suspense : à chaque fois que le lecteur croit que les enfants sont sauvés, le danger revient. La tension de la scène s’accentue jusqu’au moment où les enfants sont trouvés. Le lecteur s’associe aux enfants et peut ressentir de la peur ou de la pitié pour eux.

▶ Lecture d’imageTout est fait, dans la gravure de Gustave Doré, pour susciter la pitié du spectateur à l’égard des enfants. La proportion des personnages insiste sur leur petitesse : les enfants semblent minuscules. Le couteau de l’ogre est aussi grand qu’eux. L’ogre les manipule avec brutalité, saisissant l’un d’entre eux par la jambe. Son visage, en partie dans l’ombre, ne témoigne d’aucune pitié. L’horreur, en revanche, se lit sur les traits de la femme de l’ogre. L’un des enfants est dans une attitude de supplication. Les mouvements de l’ogre laissent croire qu’il va les tuer.

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Alexandre Afanassiev, « Vassilissa-la-très-belle » p. 26

Patrick Chamoiseau, « La Madame Kéléman » p. 27

Découvrir la poésie d’un conteTexte 11. Lorsqu’on lit le conte d’A. Afanassiev à voix haute, on s’aper-çoit que la traduction a cherché à rendre compte de jeux sur les sonorités. Il y a parfois des rimes internes : « Sa maison d’ossements était faite, / des crânes avec des yeux ornaient le faîte » (l. 2-3) ; « pour montants de portail des tibias humains, / pour loquets-ferrures des bras avec des mains » (l. 3-4) ; « Dans un mortier elle voyage, / du pilon l’encourage » (l. 11-12). Les sonorités des mots créent un eff et mimétique : « Les branches craquaient, les feuilles crissaient » (l. 9-10). L’allitération en [r] souligne les bruits produits par l’arrivée de la sorcière.2. La maison de Baba-Yaga semble vivante car elle est faite de parties du corps humain : « des crânes avec des yeux ornaient le faîte, pour montants de portail des tibias humains, pour loquets-ferrures des bras avec des mains » (l. 2-4). Ces élé-ments du corps paraissent animés : « une bouche avec des dents prêtes à mordre » (l. 5-6).3. Le moyen de transport utilisé par Baba-Yaga, un pilon et un mortier, est surprenant. On a l’habitude d’imaginer les sor-cières se déplacer avec un balai. Ici, l’auteur choisit de lui faire utiliser un objet banal du quotidien, un ustensile de cuisine. Comme c’est inattendu, cela crée un eff et comique.Texte 24. Le conte de P. Chamoiseau joue avec l’oralité. La ponctua-tion souligne les moments où le conteur s’arrête pour faire des pauses dans le récit et instaurer un moment de suspense. C’est le cas après la réplique menaçante de la sorcière : « Si tu ne prononces pas mon nom, je vais te manger là-même ! » Le texte est en outre parcouru par des interjections : « Ô frayeur ! » (l. 2), « Ooo ! » (l. 16), qui soulignent l’aspect oral du texte. Par-fois, le narrateur semble chercher la complicité du public en s’adressant directement à lui : « et quant à ses pieds, s’il vous plaît, ils s’étaient recouverts d’une corne bifi de » (l. 8-9).5. La liste des prénoms proposés par la petite fi lle, hétéroclite, « Charlotte, Jeanne, Geneviève, Thérèse, Armansia, Vovonne, Manotte, Fidélie, Aristophane et Sidonie » (l. 2-3), produit un eff et comique. Certains d’entre eux sont en eff et assez anciens. D’autres ressemblent à des diminutifs : « Vovonne ». Le prénom « Aristophane », lui, fait référence à un auteur de comédie de la Grèce antique.6. La sorcière a un aspect monstrueux. Elle semble à la fois végétale (« un vermicelle de plante parasite lui doublait les cheveux », l. 6-7) et animale (« comme dents de bœuf âgé ses dents avaient forci, ses ongles avaient fait griff es », l. 7-8). Cer-taines de ses caractéristiques font même penser à celles du diable : « quant à ses pieds, […] ils s’étaient couverts d’une corne bifi de, grise et luisante, appelée sabots » (l. 8-10).7. La petite fi lle, toute heureuse d’avoir retrouvé le nom de la sorcière, le répète plusieurs fois. Cela donne plus de puis-sance à ses mots, qui résonnent comme une incantation, une formule magique. La répétition de la même phrase rapproche ses paroles d’un texte poétique ou d’une chanson. Bilan 8. Les contes d’A. Afanassief et P. Chamoiseau, grâce à leur humour et leur poésie, mettent à distance la peur que pourraient inspirer les sorcières. Au lieu de les craindre, on s’en amuse.

▶ Méthode de lecture : devenir conteurLe but de cet exercice est d’améliorer la lecture orale des élèves en les faisant travailler sur l’adresse aux auditeurs. Le fait de donner à entendre un texte en songeant à son desti-nataire modifi e la façon de lire. Peu à peu, les élèves ne sont plus dans le déchiff rement mais dans le plaisir du partage et le désir de transmettre. La disposition des chaises en cercle contribue à éloigner cette lecture d’un exercice purement scolaire. La séance peut se passer au CDI.

2. Des monstres pour expliquer des phénomènes naturels

Jean Muzi, « L'Île au monstre » p. 28

Guillaume Olive et He Zhihong, « Nian le terrible » p. 29

Yves Pinguilly, « Le chasseur plus fort que le lion qui avale l'orage » p. 29

Répondre à une interrogation sur le mondeTexte 11. Le monstre a des caractéristiques animales : il est « couvert de longs poils bruns » (l. 2) qui le font ressembler à un gorille. Il possède trois têtes : l’une ressemble à celle d’un ours, les deux autres, à celles d’un loup. Il a des « crocs acérés » (l. 9) et est qualifi é de « prédateur » (l. 10). D’autres termes utilisés le rapprochent plus de l’être humain : il possède des « bras puis-sants » (l. 4) – cependant au nombre de six –, des « poings de boxeur » (l. 5) et « deux longues jambes aux muscles saillants, prolongés par d’énormes pieds toujours nus » (l. 5-6).2. Lorsque le monstre arrive, l’ile est très vite désertée par ses habitants : « tous s’étaient réfugiés sur un îlot voisin » (l. 20). Elle reste « couverte d’une végétation luxuriante » (l. 23-24).3. Les habitants vont avoir envie de revenir sur leur ile, car l’ilot sur lequel ils se sont réfugiés ne leur permet pas de vivre dans de bonnes conditions. Il est « rocheux » (l.25) et « sa terre [est] diffi cile à cultiver » (l. 25-26). Il y fait trop chaud l’été et seule la pêche leur permet de survivre.Texte 24. Voici les mots appartenant au champ lexical de la violence : « terrifi ant » (l. 2), « féroce » (l. 2), « cruel » (l. 2), « acérées » (l. 3), « s'attaquait sauvagement » (l. 7-8), « dévorant » (l. 9), « assauts » (l. 12), « sanguinaire » (l. 12).5. La consigne porte ici sur une impression de lecture et peut susciter un débat au sein de la classe. Certains élèves pourront dire qu’ils s’associent aux villageois et ressentent une inquié-tude à la lecture du texte. Le relevé du champ lexical va en ce sens. D’autres pourront dire qu’ils ne sont pas particulière-ment eff rayés par le monstre, dont on comprend bien qu’il est un personnage de récit légendaire. Le texte le met à distance par l’adverbe « autrefois » (l. 1). Le but d’une telle question est d’entrer progressivement dans la justifi cation d’un point de vue et dans l’argumentation.Texte écho6. Le temps utilisé ici est l’imparfait de l’indicatif. Il permet de faire une description détaillée. Le danger semble plus présent.7. L’expression « la peau de la terre » est une métaphore. Les élèves peuvent signaler qu’elle est poétique et qu’elle permet de comparer la « terre » à la peau d’un tambour. Elle souligne le bruit que font les monstres en se déplaçant et les rend ter-rifi ants.

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8. Les monstres qui poursuivent Kabwa ressemblent à des dragons. Ils ont des « gueules béantes » (l. 1), des « ailes » (l. 1), des « pattes » (l. 2), et des « corps de feu » (l. 2-3). Bilan 9. Le monstre du texte 1 aff ame les hommes et les empêche d’accéder aux ressources naturelles. Il peut faire penser à la sécheresse et à la famine. Celui du texte 2, surgis-sant des eaux et faisant fuir les habitants vers les montagnes, rappelle les dangers venus de la mer (inondations, tsuna-mis…) Enfi n, le dernier monstre, entièrement fait de « feu » et arrêté dans sa course par un fl euve, fait penser à un incendie. Tout se passe comme si ces trois récits avaient symbolisé ces risques naturels par des monstres animés, qu’il est alors plus facile de vaincre.

▶ Lecture d’image1. Le monstre représenté sur l’estampe mêle des caractéris-tiques terrestres et marines. C'est une créature hybride. Il res-semble à un cheval (il en a l’allure, la queue, les pattes et les sabots) mais aussi à un poisson (il semble avoir des écailles), à un hippocampe (sa tête et son cou peuvent y faire songer) ou éventuellement à un reptile (le haut de son dos, les plis de son cou l’évoquent). Il a également des cornes – comme un cerf, par exemple.2. L’image correspond au monstre présent dans le texte 2. Dans le texte 1, le monstre est aussi un être hybride, mais aucune de ses caractéristiques n’est présente sur l’illustration. Il fait songer à un être humain et est issu d’un mélange de plu-sieurs animaux : ours, loup, gorille. Ici, l’animal présente des « cornes pointues et des dents acérées » comme dans le texte 2 (l. 3). Il semble aussi émerger « des entrailles de l’océan » (l. 5-6). Le texte comme l’illustration s’inspirent par ailleurs de la mythologie chinoise.

▶ Imaginer la fi n d’un conteAvant de faire écouter les deux contes aux élèves, il peut être intéressant de les faire d’abord réfl échir à la fi n du texte. Ils doivent se saisir des indices des contes pour en imaginer la suite. Ce travail d’invention peut être collectif ou travaillé par groupe de façon très rapide.C’est après cette réfl exion seulement que l’écoute du conte prendra tout son sens.

3. Des monstres pour transmettre une leçon de vie

Ré et Philippe Soupault, « Le Vounioupi » p. 30

Étudier les signes d’un avertissement1. Lorsqu’ils voient le petit du Vounioupi, les chasseurs sont immédiatement terrifi és : « ils frissonnèrent d’horreur » (l. 10).2. Le jeune garçon veut garder le petit du Vounioupi pour sa fi ancée : « J’ai promis à ma fi ancée de lui rapporter de la viande pour son père et ses frères » (l. 20-21).3. Cette question peut amener un débat. Certains élèves pour-ront dire que le garçon a raison dans la mesure où il a fait une promesse à sa fi ancée. D’autres, plus sensibles aux indices du texte, pourront souligner que, lorsque le garçon a saisi le Vou-nioupi, la peur saisit immédiatement ses compagnons et elle ne les quitte plus : « Ils frissonnèrent d’horreur » (l. 10), »Terri-fi és, les pêcheurs gardèrent le silence » (l. 13). Ils connaissent le Vounioupi et savent le danger qu’il y a à le garder : « pas un des pêcheurs n’ignorait que cette bête étrange était le petit du terrible Vounioupi » (l. 11-12). Les enfants eux-mêmes le comprennent : « même les enfants devinèrent qu’un grand

danger les menaçait » (l. 33-34). Le danger apparait clairement lorsque soudain l’inondation arrive : « l’eau des étangs mon-tait rapidement » (l. 28).4. On sait seulement que le Vounioupi n’est « ni un phoque ni un veau mais un peu des deux à la fois » (l. 9-10) et qu’il est « terrible » (l. 12). La mère Vounioupi, hors d’elle à cause de la capture de son petit, a « une langue […] rouge comme le feu » (l. 15-16) et des yeux « étincel[an]t de rage » (l. 16). Cet animal est d’autant plus eff rayant qu’il ne ressemble à aucune représentation traditionnelle du monstre et qu’il reste très mystérieux.5. Il semble que la montée des eaux de l’étang soit liée à la capture du petit du Vounioupi : elle survient en eff et immé-diatement après. Le Vounioupi est peut-être un monstre lié à la nature, une sorte de divinité naturelle. Bilan 6. Une fois de plus, les élèves peuvent proposer plu-sieurs hypothèses.Certains pourront dire que le conte va bien se terminer parce que c’est souvent le cas, et que le jeune garçon va peut-être, sous la pression du danger croissant, lâcher le Vounioupi. Sa fi ancée pourrait le lui demander. Dans ce cas, on peut imagi-ner que tout revienne à la normale.D’autres pourront indiquer que, d’après eux, le conte va mal se terminer dans la mesure où l’enfant a transgressé un interdit et que tout montre, dans le texte, que le danger est croissant. Seul l’enfant n’y semble pas sensible. Il se montre infl exible : « le jeune garçon qui l’avait capturé voulait garder sa proie » (l. 19). On peut imaginer qu’il sera puni de sa témérité.Une fois toutes les hypothèses émises, le professeur peut rendre compte de la vraie fi n du conte : le jeune garçon et les habitants du village sont tous punis et transformés en cygnes noirs. Le petit Vounioupi, quant à lui, retrouve sa mère. Les hommes évitent désormais de s’approcher de l’étang où ils vivent.

▶ Inventer la suite d’un récitLe but de cet exercice est avant tout d’analyser précisément le texte de départ. Avant de lancer les élèves dans l’écriture, le professeur peut leur faire repérer les temps du récit (impar-fait et passé simple) et leur demander quels sont les pronoms utilisés (« il », « ils ») afi n que les élèves ne basculent pas dans un récit à la première personne. Il peut leur demander quels sont les indices qui permettent d’imaginer une suite immé-diate (les habitants du village sont sur les toits, l’eau monte, la mère du Vounioupi va sans doute arriver). Les élèves peuvent arrêter leur texte à un moment de suspens, sans nécessaire-ment résoudre l’intrigue. Ils doivent avant tout inscrire leur récit dans une continuité logique.

Patrick Chamoiseau, « Le Musicien petit bonhomme » p. 31

Faire réfl échir le lecteur1. Le conteur semble s’adresser au lecteur car il lui pose des questions et semble même attendre une réponse : « Que vit-il ce petit arrogant, cet entêté qui semblait un mulet malgré son peu d’oreilles ? Hum ? » (l. 2-4)2. Le conteur met en valeur le monstre en posant des ques-tions, juste avant son arrivée, sur ce qui va se produire. Il va ensuite à la ligne et change de paragraphe, ce qui fait que le nom du monstre se détache nettement sur la page : « La Bête à sept têtes » (l. 5). Il occupe un paragraphe à lui tout seul. On image qu’à la lecture, ce nom est entouré de silence. La bête est ensuite décrite avec une succession de groupes

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nominaux, dans une énumération qui la rend véritablement eff rayante.3. Dans cette phrase, on trouve des allitérations en [s] qui peuvent faire penser aux siffl ements d’un serpent.4. La Bête est comparée à plusieurs éléments : elle a des yeux « d’éclairs et de tonnerres » (l. 6), des dents « plus épaisses que des arbres » (l. 7). Son âme est comparée à une « ombre de cactus noyé » (p. 12) et elle n’a pas plus de sentiment qu’une vague (l. 13). Elle est assimilée à des éléments naturels (le feu, l’eau) ou à des végétaux. Sans doute est-ce parce qu’elle incarne une forme de divinité de la forêt.5. Lorsque la Bête apparait, le Petit Bonhomme se met à jouer de la fl ute : « le Petit Bonhomme déjà souffl ait musique comme jamais il ne l’avait souffl ée » (l. 18-19).6. On ne s’attend pas à ce que le Petit Bonhomme soit dévoré car il semble très sûr de lui et sa musique est très puissante : « Ô musique divine ! Ô sirop pour l’oreille ! » (l. 20-21). La Bête y semble très sensible : elle « reçut l’harmonie avec des larmes à tous ses yeux » (l. 21-22).7. La réponse la plus attendue est sans doute le rire : la dévo-ration du Petit Bonhomme est tellement surprenante qu’elle provoque le rire, d’autant plus que le conteur l’accompagne d’une onomatopée, « fl ouaammm » (l. 24), qui la dédramatise. Les élèves de 6e s’associant cependant facilement aux person-nages, il est possible qu’ils expriment au contraire de la tris-tesse. Il convient de prendre en compte ce sentiment, mais le professeur peut relire le passage de façon expressive afi n de faire percevoir l’aspect comique de cette disparition. Bilan 8. Le Petit Bonhomme s’étant fait sévèrement punir de sa désobéissance, la morale du conte pourrait se formuler ainsi : « il faut toujours obéir à ses parents », « il faut écouter ceux qui ont plus d’expérience que soi », « il ne faut pas se croire plus fort que les autres ».

▶ Lire de manière expressiveLes élèves peuvent s’inspirer de la méthode proposée p. 27 et éventuellement se répartir la lecture à plusieurs.Le conte est particulièrement amusant lorsqu’il est lu à l’oral parce qu’il est traversé par des interjections et des onomato-pées qui le rendent très vivant. Le conteur posant des ques-tions au lecteur, les élèves peuvent s’amuser à adresser le texte à certains de leurs camarades. Les élèves peuvent éga-lement jouer sur les eff ets d’attente, bien mettre en évidence l’apparition de la Bête et intégrer des silences à leur lecture.

4. Des monstres pour faire accepter la diff érence

Mme Leprince de Beaumont, « La Belle et la Bête »

Présentation de la Belle p. 32

Observer les diff érences entre les personnages1. Le temps le plus courant dans cet extrait est l’imparfait : on l‘emploie souvent dans les descriptions. Il est surtout utilisé dans les deux premiers paragraphes pour présenter les per-sonnages. On trouve aussi du passé simple.2. Les deux ainées refusent d’épouser leurs prétendants car elles sont orgueilleuses et ne veulent se marier qu’avec un noble, au-dessus de leur propre condition : « elles ne se marie-raient jamais, à moins qu’elles ne trouvassent un duc, ou tout au moins un comte » (l. 20-22).

3. La Belle, elle, refuse d’épouser ses prétendants, mais parce qu’elle estime qu’elle n’a pas encore l’âge de se marier : « elle leur dit qu’elle était trop jeune et qu’elle souhaitait tenir com-pagnie à son père pendant quelques années » (l. 23-25). À noter que l’on retrouve ici les idées de Mme Leprince de Beau-mont vis-à-vis de la condition des femmes et de leur mariage : il ne doit pas être trop anticipé. Bilan 4. Les opinions des élèves peuvent être variées et sont intéressantes à partir du moment où elles sont justifi ées. Ils devraient cependant considérer majoritairement que les deux sœurs sont orgueilleuses et impolies, tandis que la Belle est bien élevée, sage et délicate à l’égard de ses prétendants. Ce type d’exercice permet de varier le vocabulaire. Les adjec-tifs « méchante » et « gentille », que les élèves emploient sou-vent, pourront être remplacés par d’autres adjectifs plus fi ns et élaborés.

▶ Écrire des dialoguesLe professeur peut adapter l’exercice et donner les dialogues à écrire au choix. Les élèves s’emparent du sujet qui les intéresse le plus. Le dialogue avec les sœurs peut également s’écrire à trois. L’objectif de cet exercice est de remobiliser la lecture et de vérifi er la compréhension du texte. Les caractères des per-sonnages doivent être très visibles dans les dialogues.La classe, pendant la lecture des textes, peut être investie d’une mission pour être bien attentive. Elle doit se poser les questions suivantes : les sœurs ont-elles le caractère décrit dans le conte ? Les formulations sont-elles élégantes ? La Belle est-elle vraiment très polie ? Les dialogues sont-ils comiques ? Pourquoi ? Les lecteurs incarnent-ils bien les personnages ? Quel dialogue avez-vous préféré ? Pourquoi ?

▶ Mettre en voixPour mettre en valeur les qualités de la Belle et bien la distin-guer de ses sœurs, on peut insister auprès des élèves sur la nécessité de faire des pauses dans la lecture. Le silence entre les passages qui concernent les sœurs et ceux qui concernent la Belle permet de faire entendre tout ce qui les sépare. Les élèves peuvent en outre utiliser un ton ironique pour parler des sœurs. Par contraste, la description de la Belle sera natu-rellement valorisée.

Première vision de la Bête p. 33

Comprendre la cruauté du personnage1. Voici des mots qui montrent que la Bête est très laide et terrifi ante : « horrible » (l. 2), « terrible » (l. 4), « le monstre » (l. 15), « vilain » (l. 24).Le professeur peut évoquer au moment de la correction la défi nition de « champ lexical ».2. Il n’y a, dans le texte, aucun indice précis permettant de se faire une idée concrète de la Bête : c’est à chaque lecteur de l’imaginer. Elle est ainsi plus terrifi ante.3. Lorsque la Bête le menace, le père s’adresse à elle de façon extrêmement polie et respectueuse. Il emploie un vocabu-laire soutenu et présente ses excuses : « Monseigneur, par-donnez-moi, je ne croyais pas vous off enser » (l. 12).4. La Bête n’apprécie pas cette façon de s’exprimer : elle consi-dère que le père cherche à la fl atter en l’appelant « Monsei-gneur ». Elle préfère assumer la réalité de ce qu’elle est : « Je ne m’appelle point Monseigneur […] mais la Bête. Je n’aime pas les compliments, moi, je veux qu’on dise ce qu’on pense » (l. 15-17). On comprend déjà que la Bête est quelqu’un de franc, et qu’elle souff re sans doute de son apparence.

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Bilan 5. La question a pour but de susciter le débat. Certains élèves diront que la deuxième proposition est moins cruelle car la Bête épargne momentanément le père et décide de tuer une jeune fi lle qui serait volontaire pour mourir. D’autres indiqueront que cette proposition est pire que la seconde puisqu’il s’agit de demander à un père de sacrifi er sa propre fi lle. Le dilemme auquel il est confronté – mourir ou laisser mourir son enfant à sa place – est particulièrement cruel. On comprend d’ailleurs que le père préfèrera mourir lui-même.

▶ Mettre en voixLa mise en voix aura lieu après l’analyse du texte, une fois que les intentions des personnages seront bien comprises. Pour bien rendre la lecture expressive, les élèves incarnant le père et la Bête devront bien penser à s’adresser mutuellement leurs répliques. Quant au narrateur, il doit projeter sa voix vers la classe en cherchant à transmettre une forme de suspens.

▶ Faire une descriptionLes élèves peuvent imaginer la Bête – que Mme Leprince de Beaumont n’a pas décrite – en cherchant à s’écarter des repré-sentations traditionnelles, qui tendent à la rapprocher d’un fauve ou d’un ours. Les élèves doivent imaginer un monstre constitué des animaux qui les eff raient le plus.Le fait d’accompagner leur travail d’une illustration leur per-mettra de développer plus encore leur imaginaire. Ce travail, potentiellement chronophage, peut être eff ectué à la mai-son. On peut leur demander de vraiment soigner leur travail, comme dans un livre illustré. Le fait de le faire fi gurer dans leur album de lecture lui donne plus de valeur.

Le premier souper de la Belle p. 34

Comprendre l’évolution de la situation1. Voici une phrase dans laquelle le mot « bête » signifi e autre chose qu’« animal » : « outre que je suis laid, je n’ai point d’es-prit : je sais bien que je ne suis qu’une Bête » (l. 10-11). « Bête » ici signifi e « idiot, qui n’a pas d’intelligence ». On en trouve un synonyme à la ligne 25 : « mais je suis un stupide ».2. Lorsque la Bête apparait, la Belle semble avoir peur. Elle ne peut « s’empêcher de frémir » (l. 2) et lui répond « en trem-blant » (l. 4).3. Cette phrase signifi e qu’il y a des hommes plus mauvais et cruels que la Bête. Le mot « monstre » est pris au sens moral ici. Bilan 4. La Belle semble changer d’avis sur la Bête car cette dernière se montre soumise à son égard : « il n’y a ici de maî-tresse que vous » (l. 5). Elle est humble, reconnait sa propre laideur et s’intéresse aux impressions de la Belle : « n’est-ce pas que vous me trouvez bien laid ? » (l. 7). Elle est prévenante et attentionnée : « Mangez-donc, la Belle, […] j’aurais du cha-grin si vous n’étiez pas contente » (l. 14-15). Elle fait preuve de modestie : « Si j’avais de l’esprit, […] je vous ferais un grand compliment pour vous remercier ; mais je suis un stupide […] » (l. 24-25).

▶ Faire une mise en voix collectiveL’objectif de cette lecture est de rendre les élèves attentifs à la répartition de la parole et à la construction d’un dialogue. L’élève jouant le narrateur doit être très réactif pour intégrer aux paroles de ses camarades ses propres interventions (« dit le monstre », « dit la Belle »…). La scène peut être très théâ-tralisée : l’élève lisant les mots de la Belle montre d’abord son eff roi, puis semble rassuré(e). L’élève lisant la Bête peut se mettre en scène, s’agenouiller pour montrer son respect, se tenir à distance…

Ressource numériqueExtrait du fi lm La Belle et la Bête, réalisé par J. Cocteau (1946)

VIDÉO

▶ Lecture d’images1. La Bête se trouve derrière la Belle pendant toute la scène, comme si elle cherchait à éviter son regard. Elle ne veut pas imposer sa laideur à la Belle et se tient en retrait.2. La Belle ne regarde pas la Bête : elle semble en eff et terri-fi ée. Sa respiration et ses gestes le montrent. Elle essaie de se maitriser en détournant le regard.3. La Belle est un peu plus présente que la Bête, même si c’est la première fois que celle-ci fait son entrée. Les sentiments de la Belle sont mis en valeur par le jeu des plans : elle apparait toujours au premier plan, tandis que la Bête est à l’arrière-plan. La lumière permet également de mieux voir les traits de son visage.4. Le spectateur ne ressent pas nécessairement la même ter-reur que la Belle car lui voit la Bête. Elle ne parait pas si mons-trueuse : on ne voit pas précisément les traits de son visage, et elle se déplace comme un humain. Le fait que la Belle ne la regarde pas amplifi e son appréhension.

Ressource numériqueExtrait du fi lm La Belle et la Bête, réalisé par C. Gans (2014)

VIDÉO

▶ Lecture d’images1. Comme chez Jean Cocteau, la Bête se trouve derrière la Belle, qui est assise à table pour souper. La Belle ne la regarde pas.2. Le personnage de la Bête n’est presque pas visible : on ne distingue que sa bouche lorsqu’il s’approche pour parler à l’oreille de la Belle, dont on devine en revanche tous les sen-timents.3. Le réalisateur choisit de faire de gros plans sur la Belle. On voit alors très bien à quel point elle a du mal à respirer, paralysée par la peur. Il alterne avec de très gros plans sur son regard : on voit nettement une larme couler ou sa peur augmenter lorsque ses yeux s’agrandissent. Il ne fi lme jamais la Bête en contre-champ. On ne l’aperçoit que dans le refl et d’un fl acon sur la table. Le spectateur s’associe alors complètement à la peur de la Belle puisque, comme elle, il ne sait pas encore à quoi la Bête res-semble. La bande-son accompagne au plus près les sentiments de la Belle, notamment quand elle crie de terreur.

▶ Donner son avis• La version la plus proche du conte de Mme Leprince de Beau-mont est celle de Cocteau. Dans les deux cas, le monstre demande à la Belle si elle accepte qu’il la regarde souper. Il refuse d’être considéré comme le maitre et considère que c’est elle qui a du pouvoir sur lui. La Belle avoue qu’elle ne sait pas mentir et laisse entendre qu’elle trouve la Bête très laide. Elle devine cependant que la Bête est très dévouée. Elle semble moins apeurée à la fi n de l’extrait.Chez Christophe Gans, au contraire, la Bête est très mena-çante et ne cherche pas à rassurer la Belle.

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• Toutes les réponses sont possibles ici, mais les élèves doivent les motiver. Certains diront qu’ils auraient réagi comme la Belle de J. Cocteau. Très calme, elle fait reculer la Bête par ses mots. D’autres préfèreront la Belle de C. Gans, qui cherche à se défendre en se saisissant d’un couteau. Les élèves lui prête-ront du courage et de la volonté.• Tous les points de vue sont possibles ici. On passera vite sur la diff érence entre fi lm en noir et blanc et fi lm en couleurs pour réfl échir davantage aux façons dont les scènes sont fi lmées.

La fi n d’un conte merveilleux p. 36

Étudier la leçon d’un conte1. La Bête est en train de mourir de chagrin car elle croit que la Belle l’a abandonnée. Elle a décidé de se « laisser mourir de faim » (l. 4).2. La Belle lui révèle son amour et la demande en mariage : « je croyais n’avoir que de l’amitié pour vous, mais la douleur que je sens me fait voir que je ne pourrais vivre sans vous voir » (l. 9-11).3. La Belle est si attachée à la Bête que lorsque cette dernière se transforme en beau prince, elle cherche encore son appa-rence d’avant : « elle ne put s’empêcher de lui demander où était la Bête » (l. 18-19). Bilan 4. La morale tourne autour de la question des appa-rences. Les élèves pourront proposer des formules telles que : « il ne faut pas se fi er aux apparences », « ce n’est pas la beauté qui fait la valeur d’un être », « la vraie beauté est intérieure »…

▶ Écrire un scénarioLe but de cet exercice d’écriture, qui peut prendre plusieurs séances, est de remobiliser des compétences développées lors de l’étude du conte (écrire un dialogue, interpréter les sentiments des personnages, comprendre un enchainement de plans au cinéma) et de rendre les élèves plus autonomes. La perspective d’un tournage motivera les élèves dans le tra-vail de l’écriture.Les extraits les plus adaptés pour écrire un scénario intéres-sant sont les extraits 2 et 4. L’extrait 1 ne donne pas spécifi -quement lieu à une scène, et l’extrait 3 a déjà été étudié dans une transposition fi lmique.Avant que les élèves ne se lancent dans l’écriture, il peut être utile de lire ensemble la proposition d’échelle des plans et de réfl échir à leur fonction.Lors de l’écriture du scénario, il est possible de proposer aux élèves d’introduire des didascalies dans les dialogues afi n d’étoff er le jeu des acteurs.Les séances de tournage peuvent être chronophages ou com-plexes à mettre en place en classe entière. Elles peuvent être organisées pendant des heures d’accompagnement person-nalisé si des dédoublements sont possibles. Dans ce cas, il est possible de répartir les rôles des élèves, demander à certains de vérifi er le texte, à d’autres de s’occuper des accessoires, à d’autres de fi lmer, à d’autres, enfi n, de faire les lancements (« silence plateau », « moteur », « ça tourne », « action »).Quant aux costumes ou décors, il ne s’agit pas d’amener des costumes d’époque ou de transformer la salle de classe en château merveilleux. Le conte peut avoir une dimension parodique liée à la modernité des costumes. Il est intéressant malgré tout de faire réfl échir les élèves aux moyens qu’ils peuvent mettre en œuvre pour incarner les personnages.Des logiciels de montage gratuits sont facilement accessibles sur Internet.

Suzy Platiel, « La Fille Caillou » p. 38

Comprendre comment vivre la diff érence1. Les points de suspension au milieu de la phrase montrent que la naissance de la fi lle caillou était très inattendue : « elle accoucha d’un … caillou » (l. 14).2. Quand la fi lle caillou nait, sa mère ne l’accepte pas et décide de ne la montrer à personne : « pour cacher sa honte, elle s’empressa de rouler la petite boule de silex sous le grenier » (l. 16-17).3. Les adjectifs qui qualifi ent la fi lle caillou ne soulignent pas sa monstruosité. Elle semble au contraire très attachante : « jolie » (l. 14), « petite » (l. 15) et « ronde » (l. 15).4. La fi lle caillou a vraiment accepté son handicap. Elle a l’air joyeuse et chante. Elle assume son aspect physique en répé-tant à plusieurs reprises des adjectifs qui permettent de la décrire : « ronde, ronde, rondelette » (l. 22 ; 27 ; 30). Beaucoup de ses phrases commencent par la première personne du sin-gulier : elle utilise le pronom « je » pour revendiquer ce qu’elle est : « je roule » (l. 22), « Je n’ai pas d’yeux pour voir » (l. 24), « J’avance en roulant (l. 28). Lorsqu’elle se présente au froma-ger, elle reprend les mots de la chanson pour les revendiquer.5. La conteuse insiste sur la forme de la jeune fi lle en répétant à plusieurs reprises le verbe « rouler » sous plusieurs modes ou temps : « notre fi lle caillou roula, roula […] et roula » (l. 18-19) (passé simple), « toujours roulant » (l. 19) (participe présent), « Ainsi, elle roulait, roulait » (l. 31) (imparfait de l’indicatif ).6. Le fromager transforme la fi lle caillou en belle jeune fi lle sans doute parce qu’il la trouve très polie. Elle s’excuse en eff et de s’être cognée contre lui. Il doit aussi avoir compris sa valeur : elle assume son handicap et veut vivre comme les autres. Elle refuse d’être cachée et privée de son fi ancé. Sa volonté et sa force sont émouvantes. Bilan 7. La morale de ce conte pourrait être formulée de plu-sieurs manières : « il ne faut pas avoir honte de ce que l’on est », « on est toujours récompensé de son courage », « on est toujours plus heureux lorsqu’on s’accepte soi-même »…

Activités d’expression p. 39

Cette page est destinée à faire réfl échir les élèves sur la symbolique des monstres dans les contes. Elle s’achève par un travail d’écriture qui permet d’inventer un monstre et de l’associer à une peur particulière. L’interview de Marie Desple-chin permet de s’interroger sur les raisons du rejet des diff é-rences – si fréquent en 6e notamment. Son écoute permet de débattre de ce sujet en classe et de revenir sur l’expérience des élèves. L’universalité des contes, confrontée au vécu des élèves, est ainsi mieux comprise.

▶ Créer un monstre à partir d’une peur1. Le monstre du texte d’Henri Pourrat fait sans doute écho à la peur de la nuit. En eff et, il n’apparait que « les soirs, ou le matin, avant que le jour se lève ». Il n’a pas d’apparence fi xe, mais prend l’apparence de toutes les peurs que peuvent avoir les individus dans le noir, où tout semble menaçant.2. Le but de cet exercice d’écriture est de revenir sur la grande problématique du chapitre : pourquoi les hommes ont-ils besoin de se créer des monstres ? Les élèves percevront mieux l’aspect métaphorique du monstre en en créant un qui serait spécifi quement lié à une peur donnée.

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L’enseignant peut insister sur le fait que l’aspect extérieur du monstre doit renvoyer le plus possible à la peur qu’il sym-bolise. Un monstre qui symboliserait la mort pourrait par exemple être constitué d’os, de têtes de mort, être en noir ; un monstre symbolisant la violence de la nature serait formé de plusieurs animaux menaçants.3. Il ne s’agit pas ici de créer un véritable conte, mais uni-quement de décrire un personnage monstrueux. Le fait que l’exercice mène à une lecture et surtout à un jeu de devinette avec les camarades de la classe incitera les élèves à rester dans le sujet.

▶ Écouter une interview

Ressource numériqueMarie Desplechin (écrivain)Marie Desplechin explique qu’on accepte plus

facilement la différence quand on est dans la petite

enfance. C’est sans doute parce que, à cet âge-là, on

n’a pas encore conscience de ce qu’est la norme pour

les autres. On découvre le monde et on n’est pas encore

dans la comparaison.

Cette discussion peut amener une réelle discussion avec

les élèves sur leur rapport à la norme. A-t-elle évolué par

rapport à leur petite enfance ? Sont-ils plus sensibles à

la différence ? Est-ce bien ou mal ? Pourquoi ce besoin

de ressembler aux autres  ? Qu’en est-il des adultes

d’après eux ?

INTERVIEW

ATELIER D’EXPRESSION Décrire l’apparition d’un personnage monstrueux p. 40 à 43

OBJECTIFS ET DÉMARCHE DE L’ATELIER

▶ Les textes présentés dans cet atelier sont diffi ciles à lire au premier abord pour des élèves de 6e, même si beaucoup d’entre eux ont déjà entendu parler du personnage de Quasimodo. Il est cependant important de pouvoir aborder avec eux de grands textes de la littérature. Il est nécessaire, pour que les élèves tirent pleinement parti de cet atelier, que l’enseignant les accom-pagne pas à pas.▶ Si la lecture silencieuse par les élèves du premier extrait peut s’avérer intéressante dans la mesure où ils doivent dessiner ce qu’ils parviennent à comprendre, ce n’est pas toujours le cas. Le troisième extrait, plus diffi cile du point de vue du vocabulaire, sera mieux compris s’il est lu à l’oral par l’enseignant et qu’il y a ensuite un retour sur la compréhension du texte par les élèves.▶ Un des objectifs de cet atelier est de montrer aux élèves qu’ils sont en mesure de comprendre le sens profond d’un texte même s’ils n’en maitrisent pas tous les mots. Leur méconnaissance de certains termes peut amener à des discussions en classe : comment réagir lorsqu’on ne connait pas un mot ? Comment le contexte peut-il nous aider ? Connait-on des mots de la même famille ? Pourquoi un auteur cherche-t-il à accumuler autant de mots complexes ? Cherche-t-il uniquement la compréhension du lecteur ou veut-il produire d’autres eff ets ?L’autre objectif concerne la réfl exion que l’on peut mener sur la norme et l’acceptation de la diff érence. Tous les textes proposés mettent en présence un personnage d’aspect diff orme et une foule qui se rit de lui. L’émotion et la pitié provoquées chez les élèves permettent de mettre en place un débat sur la violence de ce type de harcèlement. L’atelier favorise l’expression d’un point de vue sur le rejet et l’exclusion.

▶ Compétences travaillées– Comprendre un texte littéraire et l’interpréter.– Partager un point de vue personnel et des sentiments.– Rédiger un texte en fonction d’une intention précise.– Faire une description méliorative.– Les compétences orales développées dans cet atelier tournent autour de l’expression d’un point de vue. La question de l’ac-ceptation de la diff érence est un sujet qui peut susciter facilement un débat. Les textes doivent être analysés du point de vue de l’émotion qu’ils suscitent. À partir de la pitié ou de la colère que les élèves pourront exprimer après la lecture, la discussion peut s’engager aisément.– Les exercices d’écriture mettent en jeu des compétences assez précises. Il s’agit ici d’apprendre aux élèves à respecter un sujet en se fondant sur une analyse détaillée de procédés littéraires. La contrainte peut sembler diffi cile, mais elle s’avèrera également fructueuse et permettra d’enrichir et d’encadrer les écrits souvent trop spontanés.

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CORRIGÉS DES QUESTIONNAIRES ET DES EXERCICES

1. Décrire l’aspect physique du personnage

Victor Hugo, Notre-Dame de Paris p. 41

Comprendre1. Les élèves sont parfois plus sensibles aux détails de la lec-ture lorsqu’il s’agit de dessiner ce qu’ils lisent que lorsqu’ils ne doivent produire qu’un simple relevé. L’exercice les amènera à poser des questions précises de vocabulaire (« hérissée » (l. 7), « contre-coup » (l. 8), « fourvoyées » (l. 9), « faucilles » (l. 11), « trapu » (l. 18)…) On peut demander aux élèves de mobiliser ce nouveau vocabulaire sur leur schéma, en faisant des fl èches qui rejoignent les parties du corps du personnage qu’ils auront dessiné.2. Quasimodo est comparé à un « géant » (l. 16) et à un « cyclope » (l. 17).3. Le lecteur est placé dans la position d’un témoin extérieur. Il ne découvre l’identité de Quasimodo qu’à la fi n du texte, ligne 20, lorsque la foule s’exclame : « C’est Quasimodo, le sonneur de cloches ! c’est Quasimodo, le bossu de Notre-Dame ! ».4. On ne sait pas ce que pense Quasimodo, dont on n’a que la description physique. La foule, quant à elle, est très enthou-siaste face à la laideur du pape qu’elle s’est choisie : « la sur-prise et l’admiration furent à leur comble » (l. 4-5). À noter que le mot « admiration » est plutôt à entendre dans son premier sens, « étonnement », (admirari signifi e « considérer avec étonnement » en latin).5. Une grimace est une déformation du visage. Ici, tout le corps de Quasimodo semble déformé : sa tête est « grosse » (l. 6), il ne se tient pas droit, puisqu’il a « une bosse énorme dont le contre-coup se [fait] sentir par devant » (l. 7-8), ses jambes sont tordues et ne peuvent « se toucher que par les genoux » (l. 9-10), il a « de larges pieds, des mains mons-trueuses » (l. 11-12). Il est « presque aussi large que haut » (l. 18). Le narrateur insiste longuement sur sa « diff ormité » (l. 12).

▶ Grammaire pour dire et pour écrire1. Les élèves peuvent proposer plusieurs types de verbes. Voici les plus attendus :a. Quasimodo faisait peur.b. Son visage était terrifi ant.c. Les enfants fuyaient en le voyant.2. Voici les adjectifs qualifi catifs présents dans le texte de la ligne 6 à la ligne 15 : « grosse » (l. 6), « roux » (l. 7), « énorme » (l. 7), « larges » (l. 11), « monstrueuses » (l. 12), « redoutable » (l. 13), « étrange » (l. 13), « éternelle » (l. 14).3. Les élèves peuvent s’inspirer, pour leur description, des termes qu’ils ont relevés dans l’exercice précédent. L’ensei-gnant peut les guider en leur proposant une petite phrase pour lancer l’écriture : « D'après la caricature, Victor Hugo était / avait… ».

2. Décrire les sentiments du personnage

Victor Hugo, L’Homme qui rit p. 42

Comprendre1. Lorsqu’elle voit Gwynplaine, la foule se met à rire : « On voyait Gwynplaine, on se tenait les côtes » (l. 2-3).2. On trouve plusieurs emplois du verbe « rire » à partir de la ligne 6 : un gérondif, « en riant » (l. 6) ; un infi nitif, « rire » (l. 6) ; le verbe conjugué à l’imparfait, « riait » (l. 6 et 7) ; un participe passé, « ri » (l. 19). Le narrateur répète ce mot – ainsi que le nom commun « rire » – pour insister sur le fait que le person-nage ne peut jamais empêcher son visage de rire.3. Même s’il semble toujours rire, Gwynplaine n’est pas heu-reux. Il peut éprouver des sentiments très variés : « Un éton-nement qu’il aurait eu, une souff rance qu’il aurait ressentie, une colère qui lui serait survenue, une pitié qu’il aurait éprou-vée, n’eussent fait qu’accroître cette hilarité des muscles » (l. 16-19). La foule, à chaque fois qu’elle le voit, éclate de rire, mais Gwynplaine ne partage pas cette joie : « C’est en riant que Gwynplaine faisait rire. Et pourtant il ne riait pas. Sa face riait, sa pensée non » (l. 6-7).4. La phrase « s’il eût pleuré, il eût ri » signifi e que même si Gwynplaine est profondément triste, son visage semble tou-jours rire. Son visage ne refl ète pas ses pensées profondes. Son apparence est trompeuse.5. Le rire sur le visage de Gwynplaine est terrible parce qu’il résulte d’une mutilation : on lui a déformé volontairement la bouche. Il ne lui permet pas d’exprimer sur son visage les sen-timents qu’il ressent. Ce rire le sépare de la communauté des autres hommes : tous rient machinalement et se moquent de lui en le voyant ; ils ne perçoivent jamais ses sentiments profonds. La grimace sur son visage l’empêche d’être pris au sérieux par les autres. Il n’est qu’un spectacle pour eux, un monstre, c’est-à-dire celui que l’on montre du doigt, mais avec qui on ne partage rien.

▶ Grammaire pour dire et pour écrire1. Voici tous les mots et expressions qui appartiennent au champ lexical du rire : « se tenir les côtes » (l. 2-3), « se rouler à terre » (l. 3), « rire » (l. 6 à 21), « rictus » (l. 12 et 14), « joie » (l. 16), « hilarité » (l. 18), « éclat de rire » (l. 21).On peut préciser aux élèves qu’ils n’ont pas à relever toutes les occurrences du mot « rire ». Il s’agit plutôt ici d’enrichir leur vocabulaire en relevant des synonymes.2. Gwynplaine ne maitrise pas du tout son visage, comme le montrent ces énumérations :– « Ce rire qu’il n’avait point mis sur son front, sur ses joues, sur ses sourcils, sur sa bouche, il ne pouvait l’en ôter » (l. 8-9) ;– « Un étonnement qu’il aurait eu, une souff rance qu’il aurait ressentie, une colère qui lui serait survenue, une pitié qu’il aurait éprouvée, n’eussent fait qu’accroître cette hilarité des muscles » (l. 16-19).

▶ Débattre du regard sur la diff érence• La question est ouverte : les élèves doivent y répondre en justifi ant leur point de vue. Certains pourront choisir Quasi-modo, parce sa monstruosité fait pitié. La plupart évoqueront

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sans doute Gwynplaine, parce qu’on a accès à ses sentiments et que l’on devine qu’il souff re derrière le rire de son visage.• Il est diffi cile pour la foule de ne pas rire lorsqu’elle voit Qua-simodo et Gwynplaine parce que leur apparence est inatten-due et grotesque ; elle ne correspond pas à la norme. Elle sus-cite aussi sans doute un certain malaise : le rire est un moyen de se défendre contre ce qui nous gêne.Les élèves sont amenés à se mettre à la place de la foule et à réfl échir à partir de leur expérience personnelle : auraient-ils réagi de cette manière ?• La sympathie éprouvée pour le personnage amène les élèves à prononcer un jugement moral sur le comportement de la foule et à s’interroger sur le regard que l’on doit porter sur les personnes qui souff rent d’un handicap.

▶ Le regard d’un écrivain, Marie Desplechin

Ressource numériqueMarie Desplechin (écrivain)Marie Desplechin, dans son interview, explique que

les arts, la littérature, la peinture et le cinéma se sont

beaucoup attachés aux monstres. Les personnages

monstrueux nous fascinent parce qu’au fond, ils ne sont

pas si éloignés que cela de nous. Ils nous ressemblent.

À partir de cette interview et de ce constat, on peut

entrer avec les élèves dans une discussion sur nos

ressemblances avec les monstres, et notamment avec

Gwynplaine. En quoi Gwynplaine nous ressemble-t-il ?

Qu’est-ce qui fait que, parfois, nous agissons comme

lui  ? Portons-nous aussi un masque  ? Cachons-nous,

nous aussi, nos sentiments derrière notre visage qui ne

laisse rien transparaitre ? Est-ce toujours douloureux ou

est-ce nécessaire ?

INTERVIEW

3. Décrire la réaction des spectateurs

Victor Hugo, L’Homme qui rit p. 43

Comprendre1. Le schéma demandé permet aux élèves d’orienter leur lec-ture sur l’espace et les personnages, sans s’inquiéter outre mesure de la diffi culté du vocabulaire. Le personnage de Gwynplaine doit être au milieu de tous les autres person-nages (« entouré de toutes ces fi gures » (l. 11)). Il doit y avoir un « banc des vieillards » et un « banc des enfants » (l. 9). Les élèves peuvent aussi décider de placer à des endroits distincts les « lords », les « évêques » et les « juges » (l. 8).2. Le narrateur ne décrit pas l’aspect physique de Gwynplaine. Rien n’est dit ici sur le rire de son visage. Le lecteur sait cepen-dant à quoi il ressemble.3. Gwynplaine semble anéanti par les moqueries de l’assem-blée. Il les vit comme un « supplice » (l. 5), une véritable tor-ture. Il se sent proche de la mort : « il avait en lui le sépulcre » (l. 15) ; « Cette moquerie inepte et souveraine le mettait en poussière » (l. 20). Les rires sont pour lui aussi violents que des coups : « Il se sentait comme frappé par derrière » (l. 21).4. Après la lecture expressive de l’enseignant et les questions antérieures, la plupart des élèves indiqueront que le lecteur ressent de la pitié ou de la compassion pour le personnage de Gwynplaine.

▶ Grammaire pour dire et pour écrireGroupes nominaux : « les hommes » (l. 2) ; « les lords » (l. 8) ; « les évêques » (l. 8) ; « les juges » (l. 8) ; « le banc des vieillards » (l. 9) ; « le banc des enfants » (l. 9) ; « toutes ces fi gures » (l. 11) ; « ce tourbillon de battements de mains, de trépignements et de hourras » (l. 12-13) ; « ce splendide épanchement d’hila-rité » (l. 14-15) ; « son auditoire » (l. 17).Pronom personnel : « On » (l. 7, 8).

▶ Exprimer son point de vue

Ressource numériqueExtrait du fi lm L’Homme qui rit, réalisé par J.-P. Améris (2012)L’extrait du fi lm correspond exactement au passage du

roman étudié.

Les élèves sont invités à donner leur opinion sur la

façon dont Gwynplaine est représenté. Tous les points

de vue sont admissibles. Certains diront sans doute

leur déception de voir le comédien beaucoup moins

monstrueux que ce que le texte suggère. Le personnage

ne provoque pas de rire immédiat chez la foule – ni

chez le spectateur. D’autres pourront indiquer que cela

permet au spectateur de s’associer plus facilement

au personnage. S’il était véritablement monstrueux,

il pourrait susciter une forme de répugnance chez le

spectateur, qui n’éprouverait pas de véritable pitié.

VIDÉO

▶ Activité fi naleL’objectif de cette activité d’écriture est de créer un person-nage dont l’aspect extérieur est radicalement diff érent de sa psychologie. Elle prend à contrepied les textes étudiés dans l’atelier : il va s’agir cette fois-ci de décrire un « monstre sacré », une célébrité séduisante, mais de souligner que, der-rière des apparences aimables, cette personne est peut-être plus inquiétante que d’autres.Le texte des élèves suivra de préférence les étapes proposées dans les consignes. L’enseignant peut leur suggérer de se réfé-rer aux encadrés « Grammaire pour dire et pour écrire ». Les élèves doivent mettre en jeu, à chaque étape de leur texte, les procédés qu’ils ont étudiés.– La description du physique de la célébrité se fera donc à l’imparfait et nécessitera l’emploi de plusieurs adjectifs.– La description des sentiments du personnage peut donner lieu à des énumérations. Pour accentuer le contraste avec le physique du personnage, on suggèrera aux élèves d’imaginer des sentiments désagréables ou violents. Pour nourrir leurs énumérations, ils peuvent utiliser un dictionnaire des syno-nymes et constituer une liste de mots appartenant au champ lexical de la violence, par exemple, ou du mépris.– Pour décrire la réaction de la foule, qui ne se rend pas compte de la méchanceté du personnage, les élèves sont invités à relire le passage surligné en jaune dans le texte. Ils peuvent imiter l’alternance entre le pronom personnel « on » et les groupes nominaux.

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PARCOURS UN THÈME Les monstres dans les récits antiques p. 44 à 55

OBJECTIFS ET DÉMARCHE DU PARCOURSProblématique : Comment le héros antique révèle-t-il ses qualités exceptionnelles dans la confrontation avec le monstre ?▶ L’objectif de ce parcours est de découvrir les monstres présents dans les principaux récits épiques antiques : Les Argonautiques, l’Odyssée et l’Énéide. Le thème est décliné ici sous la forme d’un groupement de textes où des monstres, issus des dieux primitifs ou suscités par certains Olympiens, font obstacle au destin d’un héros.▶ Confronté à l’apparition du monstre, le héros, en observateur, peut ressentir comme ses compagnons un immense eff roi. Les textes antiques invitent les héros à voir dans cette apparition l’expression d’une volonté divine qu’il s’agit d’interpréter. Mais dans la confrontation directe, il s’agit pour lui d’une mise à l’épreuve de son intelligence, de sa patience ou de son obéissance. De cette mise à l’épreuve résulte le plus souvent un choix diffi cile qu’il aff rontera avec courage et détermination, quelle que soit l’horreur que lui inspire le monstre.▶ Les cinq premiers textes choisis présentent les principaux monstres rencontrés par Ulysse et Énée dans un ordre qui suit, tant que faire se peut, la chronologie de la narration épique, depuis la prise de Troie jusqu’aux voyages de retour. Nous sommes conscients que cette fi ction temporelle associe des récits dans une succession qui néglige les retours en arrière ou les enchâssements des textes antiques.Les épisodes choisis mettent en scène les monstres les plus familiers, aux professeurs et aux élèves : les serpents de Laocoon ouvrent une porte sur l’histoire des arts ; la cruauté du Cyclope est mise en avant plus que la violence du héros crevant l’œil de son ennemi ; le passage de Charybde et Scylla est propice à une réfl exion sur le dilemme et le choix du moindre mal ; le chant des Sirènes fera écho à la tentation du serpent et aux dangers de la parole séduisante ; les Enfers découverts par Énée tissent des liens avec d’autres récits antiques où les monstres apparaissent, comme la Théogonie d’Hésiode dont Virgile est nourri.Le texte d’Apollonius de Rhodes ne se rattache pas au cycle troyen. Mais il semblait intéressant de montrer, à la suite d’un texte où Cerbère est maitrisé par la magie, d’autres monstres animaux, des taureaux, maitrisés au cours d’un combat physique. Ce texte est mis en écho direct avec une réécriture de la littérature de jeunesse, qui prolonge, grâce au cinéma, la présence des monstres antiques dans notre culture moderne. L’intérêt de ce passage est de mettre en scène une jeune fi lle combattive, qui donne une image féminine plus positive que les fi gures féminines antiques (Harpies, Gorgones, Sirènes...)▶ À titre d’exemple d’entrée didactique, le premier extrait étudié peut être abordé par le lexique : le choix de textes au vocabulaire littéraire peut être un obstacle à la compréhension pour des élèves moins à l’aise avec un registre très soutenu. Ce travail peut être réalisé en préparation à la maison ou dans une séance d’AP. On peut aussi imaginer un travail d’écriture préalable, comme celui présenté à la page 62 du manuel.▶ Ce parcours vise à permettre aux élèves :– de découvrir des récits épiques ;– de se familiariser avec de grandes fi gures monstrueuses antiques ;– d’aborder des questionnements moraux ;– de faire des liens entre la culture antique dans notre imaginaire moderne ;– de s’approprier des références culturelles tant littéraires qu’iconographiques ;– d’exprimer leur compréhension, leur sensibilité et leur créativité.

ORGANISATION DU CHAPITRE ET CHOIX DES AXES DE LECTURE

1. Le monstre, un avertissement divin

Virgile, Énéide, chant II p. 44

● Pistes didactiquesCe texte se situe après la fameuse scène où Laocoon pro-nonce : « Timeo Danaos et dona ferentes. » (« Je crains les Grecs même s’ils apportent des off randes »). Il propose un ren-versement de situation, le sacrifi cateur devenant la victime : il pousse des mugissements comme un taureau blessé qui fuit l’autel (l. 1-2 et 22-25). La scène, très dynamique, commence par une description eff rayante des serpents, puis enchaine sur l’attaque du prêtre et de ses acolytes. Le texte s’attarde sur le pathétique de la souff rance de Laocoon, et fait l’ellipse de sa mort. La fi n du passage permet de comprendre quel dieu est vraiment à l’origine de l’attaque, Pallas Athéna.

● Proposition d’hypothèse de lectureComment s’exprime le pathétique dans cette attaque mons-trueuse ?

2. Le monstre, une mise à l’épreuve inévitable

Homère, Odyssée, chant IX p. 46

● Pistes didactiquesLe texte présente un long dialogue qui tourne court : la dis-cussion sur l’hospitalité s’achève dans un bain de sang. Le plaidoyer pour l’hospitalité d’Ulysse fait place à la ruse et au mensonge, seule stratégie du faible pour vaincre le fort. Cet épisode peut se rapprocher de la lutte de David contre Goliath ou de la joute verbale entre l’Ogre et le Chat Botté : le plus

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faible doit utiliser son intelligence pour se sortir d’un mau-vais pas. De même, c’est la prudence qui retarde le moment où Ulysse tire vengeance du Cyclope : le tuer immédiatement rendrait la fuite impossible. Ce texte peut s’inscrire dans une propédeutique à l’argumentation : avant d’agir, il est néces-saire de réfl échir aux conséquences ou aux implications d’un geste défi nitif.

● Proposition d’hypothèse de lectureComment l’intelligence vient-elle à bout de l’inhumanité ?

Homère, Odyssée, chant XII p. 48

● Pistes didactiquesLe passage est un monologue d’avertissement. Circé annonce à Ulysse les trois dangers qu’il encourt en la quittant : les Sirènes, Charybde et Scylla et l’ile du Soleil. Ce texte présente aussi un moment de réfl exion qui précède l’action : Ulysse aura à choisir entre deux maux. La narration du passage entre les deux monstres se situe aux vers 234-258 du chant XII : l’équipage, captivé par les tourbillons de Charybde, ne voit pas l’attaque de Scylla. Le monstre, sortant de la brume, enlève six marins, et les dévore à l’entrée de son antre. L’inté-rêt de l’intervention de Circé est qu’elle permet la description de l’un et l’autre danger. La magicienne expose le choix diffi -cile, tout en off rant la solution. L’illustration de la p.49 permet de bien comprendre la situation d’énonciation.

● Proposition d’hypothèse de lectureComment cette description est-elle aussi une mise en garde ?

Homère, Odyssée, chant XII p. 50

● Pistes didactiquesDans cet extrait, Ulysse s’adresse à deux publics diff érents : le début, de la ligne 1 à la ligne 7, s’adresse à l’équipage ; la narration aux Phéaciens reprend ensuite, seulement entre-coupée par le chant des Sirènes restitué au style direct (l. 27 à 34). Le texte est scandé par l’utilisation des liens : Ulysse demande à ses hommes de l’attacher et de ne pas répondre à ses appels pour le détacher (l. 3 à 7) ; les hommes attachent Ulysse (l. 21-22) ; Ulysse cherche à se faire détacher (l. 36 à 39) ; Ulysse est détaché quand le danger est passé (l. 42-43). L’uni-vers sonore du passage mêle la cadence obstinée des rames au chant des Sirènes et aux cris d’Ulysse. Le texte permet de travailler le champ lexical de la navigation et celui de l’ouïe.

● Proposition d’hypothèse de lectureComment cet épisode montre-t-il l’ambivalence du héros ?

3. Le monstre maitrisé

Virgile, Énéide, chant VI p. 52

● Pistes didactiquesLa descente aux Enfers, appelée « catabase », est un topos litté-raire qu’il faut distinguer de la nekuia, évocation des morts lors

d’une cérémonie sacrifi cielle comme au chant XI de l’Odyssée quand Ulysse consulte le devin Tirésias. Aidé par la Sibylle de Cumes qui lui ouvre le chemin, Énée consulte l’ombre de son père Anchise qui lui révélera le destin de Rome. L’iconogra-phie de la page 53 évoque une autre catabase qui constitue le dernier des Travaux d’Héraklès : ramener Cerbère à Eurysthée. D’autres héros mythologiques sont descendus dans l’Hadès (Orphée, Thésée...). Dans la Divine Comédie, c’est Virgile lui-même qui accompagne Dante dans les neuf cercles de l’Enfer (▶ Eugène Delacroix, La Barque de Dante ou Dante et Virgile aux enfers, 1822, huile sur toile (189 x 141,5 cm), musée du Louvre, Paris).

● Proposition d’hypothèse de lectureComment la rencontre des monstres aux Enfers constitue-t-elle un parcours initiatique pour le héros ?

Apollonius de Rhodes, L‘Expédition des Argonautes ou la conquête de la Toison d‘or, chant III

Rick Riordan, Percy Jackson p. 54

● Pistes didactiquesL’expédition des Argonautes est un récit épique dont on a déjà l’écho dans l’Odyssée (chant XII), quand Circé met en garde Ulysse. On peut considérer que la légende de Jason est anté-rieure à celle du retour d’Ulysse. Circé est la sœur d’Aeétès (ou Éétes) et de Pasiphaé, et donc la tante de Médée : la magie est héréditaire dans la famille des descendants d’Hélios, le Soleil. Tout comme l’est l’intérêt pour les taureaux (voir les troupeaux de l’ile du Soleil, fatals à l’équipage d’Ulysse, ou les amours monstrueuses de Pasiphaé qui donneront naissance au Mino-taure). À son arrivée à Colchos, Jason a réclamé la Toison d’or au roi Aeétès (ou Éétes). Celui-ci accepte mais à condition que Jason prouve sa vaillance. L’épreuve est double : il doit atteler à une charrue deux taureaux qui vomissent des fl ammes, puis tracer un sillon dans lequel il sèmera des dents de dragon. De ces dents naitront des géants armés qu’il devra défaire. Éros (Cupidon), à l’instigation d’Héra, fait naitre chez Médée une passion amoureuse qui l’incitera à aider Jason et à trahir son père. Une traduction des Argonautiques est disponible à cette adresse : http ://remacle.org/bloodwolf/poetes/falc/apollo-nius/livre3.htmLa série de littérature de jeunesse de Rick Riordan, Percy Jack-son, raconte les aventures de jeunes Américains, descendants d’Olympiens. Ces demi-dieux ou demi-déesses sont éduqués dans un camp d’entrainement dirigé par le centaure Chiron. Ils doivent lutter contre les dieux primitifs et les Titans qui cherchent à renverser les pouvoirs des Olympiens. Percy (Per-sée) est le fi ls de Poséidon ; il est en rivalité avec Clarisse, la fi lle de Mars, mais quand leur camp est attaqué par deux taureaux mécaniques qui lancent des fl ammes, une alliance de circons-tance se noue.

● Proposition d’hypothèse de lectureComment la réécriture des récits antiques permet-elle d’ou-vrir l’héroïsme à des fi gures féminines ?

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CORRIGÉS DES QUESTIONNAIRES ET DES EXERCICES

1. Le monstre, un avertissement divin

Virgile, Énéide, chant II p. 44

▶ Vocabulaire pour entrer dans le texte

Ressource numérique Les monstres dans les récits antique• Les verbes en -indre (pour éclairer et mettre en pers-

pective la forme « étreignent », ligne 14).

1.

Nom Verbe

contrainte contraindre

crainte craindre

plainte plaindre

étreinte étreindre

feinte feindre

teinte teindre

• Famille de «  repaitre  » (pour éclairer et mettre en

perspective la forme « se repaissant », ligne 15)

2. Le pâtre fait paitre le mouton dans la pâture. Sous

la garde de son pasteur, la bête se repait d’herbe verte.

Une fois repue, elle revient dans sa bergerie.

3. Le mot générique repas permet de défi nir le déjeuner,

le diner et le souper.

4. Pour éclairer le sens de « échines » (l. 8, l. 19), et de

« souillées » (l. 21) :

Leurs échines écailleuses souillées.

ACTIVITÉ

▶ Lecture d’imageLe groupe sculpté présente une attaque simultanée des trois personnages. Dans la partie inférieure, un serpent attaque les jambes des trois personnages ; sa tête, invisible, semble atta-quer le fi ls de gauche. Le second serpent s’est enroulé autour de la partie supérieure de Laocoon et du bras droit de son autre fi ls ; la tête, visible, mord la hanche du prêtre.1. Le texte présente une attaque successive d’abord des fi ls, puis du père. Les enfants semblent avoir été dévorés avant la tentative de sauvetage du père. Les serpents enserrent en deux endroits le corps du prêtre, à la taille et au cou. Le point commun des deux évocations est l’eff ort, la tension pour ten-ter de desserrer l’étreinte.2. La nudité héroïque de Laocoon va à l’encontre de sa fonc-tion sacerdotale. La présence de la barbe montre cependant un personnage âgé ou sage (cf. la barbe des portraits de philosophes). La dignité du prêtre, perdue dans ce combat contre les serpents, peut être lue dans le drapé qui recouvre l’autel sur lequel s’appuie Laocoon. L’arme évoquée dans le texte n’apparait pas ou a disparu.3. Cette scène est dynamique et violente : la torsion des corps, la multiplication des anneaux des serpents et la construction pyramidale du groupe confèrent à cette sculpture une force

évocatrice typique de l’esthétique hellénistique. Les élèves pourront être sensibles à la souff rance que la bouche de Lao-coon fi ge dans un cri muet. Cette sculpture est une belle illus-tration du registre pathétique.

Comprendre le message divin délivré par les serpentsEntrer dans la lecture. Les deux serpents, quoique venant de la mer, obéissent à la cruelle Tritonienne (l. 26), la déesse Pallas Athéna, comme le prouve le lieu où ils trouvent refuge, le bouclier placé aux pieds de la statue de la déesse.La déesse poursuit Troie de sa vindicte depuis le jugement de Pâris.1. Neptune, autrement dit Poséidon dans une lectio Romana, règne sur les mers. C’est aussi une puissance chtonienne : il provoque les tremblements de terre. Il est le protecteur de Troie, dont il a contribué à édifi er les murs. La cérémonie a pour but de remercier le dieu de sa protection. On peut aussi imaginer des imprécations pour le mauvais retour des Grecs.2. L’attaque maritime des serpents peut provoquer sidéra-tion et incompréhension des Troyens, car c’est justement du domaine de Neptune que les serpents surgissent.3. Les présents ressentent une grande épouvante : ils deviennent « livides » et s’enfuient (l. 12). En en faisant le récit, Énée en frémit encore (ligne 4, voir l’expression proverbiale hor-resco referens qui évoque la peur ravivée du témoin du drame).4. La taille des serpents est mise en valeur par l’emploi des expressions « aux orbes immenses » (l. 4), « ils dominent les ondes » (l. 7), « leurs échines démesurées » (l. 8). Ils se caracté-risent par des « crêtes rouge sang » (l. 6) et des « yeux brillants […] injectés de sang et de feu » (l. 10). On pourrait ajouter tout un univers sonore où la mer « résonne » (l. 9) de l’approche des « gueules siffl antes » (l. 11).5. Le premier assaut est subi par les fi ls de Laocoon. L’injustice de cette attaque ne doit pas faire oublier que l’Antiquité est familière des familles sacerdotales, où les fi ls sont éduqués à prendre la succession de leur père. La mort pathétique de ces enfants annonce la mort des enfants de Priam (Cassandre, Polyxène) ou d’Hector (Astyanax).6. L’élève pourra exprimer toute une palette de sentiments allant de la pitié à l’horreur ou la révolte. Bilan 7. Le mécontentement de Pallas Athéna apparait dans la punition du sacrilège : en tuant celui qui refuse le don des Grecs, le cheval de bois, la déesse semble les inviter à ne plus tarder à faire entrer le cheval dans Troie. Elle réclame le res-pect qui lui est dû, et comme dans toute tragédie, elle aveugle ceux qu’elle veut perdre (▶ p.190, dossier « Aux origines de la ruse »).

2. Le monstre, une mise à l’épreuve inévitable

Homère, Odyssée, chant IX p. 46

▶ Graine de savoirL’épithète homérique « aux mille tours » (polutropos), employée dès les premiers vers de l’Odyssée, est la marque d’un person-nage prudent qui ne tuera pas le Cyclope avant d’avoir trouvé le moyen de faire déplacer le rocher qui obstrue l’entrée de la caverne. Il est rusé, car il prétend se nommer « Personne », mais aussi habile dans toutes les techniques (pour durcir la pointe d’un épieu ou fabriquer seul un radeau).

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Étudier l’aff rontement avec un monstre inhospitalierEntrer dans la lecture. Ulysse et ses compagnons se com-portent comme des marins à la recherche de nourriture : sans l’arrivée du propriétaire de la grotte ils pourraient la piller sans scrupules (voir l’épisode ultérieur des troupeaux du Soleil qui provoquera la perte de l’équipage). Au regard de la suite des évènements, cette violation du domicile du Cyclope est une mise en danger imprudente. Rappelons que les compagnons d’Ulysse le pressaient de quitter rapidement l’endroit (IX, 224-228). Rien ne dit, dans les limites de l’extrait, que l’exploration ne respecterait pas l’intégrité des lieux et des réserves : la présence d’Ulysse et son insistance sur les lois de l’hospitalité inciteraient à une lecture moins négative.1. Ulysse met en avant les hasards de l’errance d’hommes « chassés par tous les vents du ciel » (l. 1-2), ainsi que la volonté probable de Zeus (l. 4).2. Le quémandeur se met aux genoux de l’hôte (l. 8). En retour, si l’hôte accepte la requête du suppliant, il se doit de lui faire un don (l. 10). Ulysse se met sous la protection de Zeus Xénios (garant des étrangers) : les lois de l’hospitalité inter-disent le meurtre de l’étranger que l’on a accepté comme hôte (l. 11-13). Xén(o)- est le radical grec présent dans xénophobie ou proxène (Athénien qui prenait en charge les intérêts de citoyens d’autres cités) ; le mot proxénète est un emprunt du latin à un mot grec de la même famille, qui signifi ait intermé-diaire dans les transactions ; le sens a dérivé et s’est spécialisé.3. Le Cyclope fait preuve d’arrogance et de démesure (hubris) : il ne craint pas Zeus et le sacrilège qu’il va commettre est la preuve de son absence de peur (l. 19). Il fait aussi preuve d’une certaine ruse en cherchant à savoir si un bateau est à l’ancre à proximité de sa grotte (l. 21-22).4. Ligne 31 : « comme des chiots ». Cette comparaison indique la faiblesse des hommes entre les mains du Cyclope.Ligne 34 : « comme un lion né des montagnes ». Cette compa-raison indique la férocité animale du Cyclope.5. Le spectacle sanglant du dépeçage des compagnons d’Ulysse provoque la tristesse et l’horreur des survivants, ainsi qu’un sentiment d’impuissance devant une telle force brutale. Les Grecs pleurent en appelant Zeus à l’aide (l. 36-37).6. Ulysse n’attaque pas le Cyclope durant son sommeil, car ses hommes et lui n’ont pas la force de déplacer le rocher qui obstrue l’entrée de la caverne. Ulysse montre, avec raison, sa prudence et son intelligence. Bilan 7. Le Cyclope se montre inhospitalier en méprisant les règles de l’hospitalité garanties par Zeus : il accomplit un double meurtre et mérite donc un châtiment qui ne tardera pas à arriver. La scène sanglante et détaillée d’anthropopha-gie montre que le Cyclope appartient au monde de la sauva-gerie, celui des mangeurs de cru, qui s’oppose au monde des hommes, les mangeurs de pain cuit.

Homère, Odyssée, chant XII p. 48

Étudier les conséquences monstrueuses d’un choixEntrer dans la lecture. Amphitrite n’est pas mentionnée comme l’épouse de Poséidon (l’édition de Jaccottet écrit le nom sans accent) dans l’Odyssée. Cependant la tradition hésiodique et iconographique permet de forcer le texte pour introduire cette donnée culturelle. Amphitrite est ici la mai-tresse des monstres marins (sous-entendu les baleines). L’uti-lisation de l’épithète « hurlante » à la ligne 25 (traduction du grec agastonos, « au fort gémissement ») rapproche la déesse de l’aboyeuse Scylla. Le royaume marin, peuplé de monstres, n’est pas fait pour rassurer les navigateurs.

1. La grotte de Scylla s’ouvre sur les pentes d’une haute mon-tagne dont la cime se perd dans les nuages. L’ensemble, cime comme grotte, est plongé dans les nuages (l. 2-3) ou la brume (l. 8). Le rocher est lisse, nul être, fût-il monstrueux, ne peut s’y accrocher (l. 5-7).2. Circé utilise l’image d’une fl èche lancée par un archer puis-sant qui ne peut atteindre le fond de la grotte.La portée de fl èche est de nouveau évoquée à la ligne 30 pour mesurer l’espace entre les deux écueils.3. Scylla est appelée la « terrible aboyeuse », car sa voix res-semble à celle d’un chiot (l. 14). Le relief présente en arrière-plan deux têtes de chien à gueule ouverte. L’image du chien est très contrastée dans l’Antiquité : symbole de fi délité comme le chien d’Ulysse, Argos, qui attend son maitre pour mourir, c’est aussi un élément maléfi que lié aux Enfers comme Cerbère ou à la déesse magicienne Hécate.4. Si Ulysse passe du côté de Scylla, six de ses hommes risquent d’être dévorés par le monstre ; s’il passe du côté de Charybde, tout l’équipage risque d’être englouti.5. Les dieux pourraient être impuissants face à de tels monstres : le dieu de la mer ne sauverait pas Ulysse de l’en-gloutissement (l. 35) ; un monstre primitif doté de vingt bras et vingt pieds n’escaladerait pas la montagne où se situe la grotte de Scylla (on peut penser aux trois géants primitifs appelés Hécatonchires, les Cent-bras, qui aideront Zeus à vaincre les Titans). Bilan 6. Le choix d’Ulysse est diffi cile : il pourrait renoncer au passage et voir son voyage de retour s’allonger. S’il se résout à passer, il doit aff ronter ce dilemme : perdre six hommes ou son équipage entier. Cet extrait permet aux élèves de s’initier à l’argumentation : faut-il choisir le moindre mal ou faire un pari risqué ? Les élèves devront commencer l’argumentation par « À la place d’Ulysse, je... ». Ce travail peut être mis en rap-port avec le travail d’oral suggéré sur la même page.

▶ Imaginer un dialogue.Le sujet de cette activité est lié à la question Bilan de la même page. Si le travail sur le texte a donné lieu à une mise en com-mun orale, le professeur pourra constituer des binômes aux avis divergents. Un élève peut jouer le rôle de maitre de la parole en assumant le rôle d’Ulysse. Euryloque, Périmède et Politès sont les noms des compagnons d’Ulysse utilisables pour l’exercice (Elpénor s’est tué en tombant d’un toit chez Circé).Chaque personnage peut s’adresser à trois interlocuteurs dif-férents : à son interlocuteur direct, à Ulysse ou à l’équipage entier. Plusieurs étapes sont possibles pour construire ce dialogue : l’identifi cation de l’orateur (« Vous avez tous que je suis... »), le rappel de la situation ou la mise en cause d’Ulysse (« Circé t’avait prévenu, mais tu as absolument voulu... »), l’expression du choix personnel (« Selon moi/d’après moi/à mon avis, il faudrait/il vaudrait mieux/je préférerais...), la pro-position d’une solution pour minimiser les risques (rapidité du passage, utilisation d’armes, attente d’un vent plus favo-rable...), l’appel à un vote à main levée (passage d’un nom propre à un nom commun).

Homère, Odyssée, chant XII p. 50

▶ Graine de savoirÀ partir du XIXe siècle, le mot sirène désigne par antonomase un dispositif sonore d’alarme ou d’appel. Le terme a été inventé en 1819 par le physicien Charles de Cagniard de Latour.

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33© Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 6e – Livre Ressources

Comprendre comment le héros résiste à des monstres tentateursEntrer dans la lecture. Ulysse organise sa séduction et sa résistance : il peut écouter le chant des Sirènes, mais en restant attaché et en protégeant ses compagnons de cette séduction, il évite le naufrage.1. Ulysse impute l’arrêt du vent à une infl uence divine – Poséi-don ou Éole ? (l. 11-12, 21-22).2. Ulysse demande à ses marins de l’attacher au mât de son navire et de serrer fort les liens (l. 4-7). Il utilise de la cire qu’il découpe pour en boucher les oreilles de ses compagnons (l. 16-20).3. Le terme employé par Jaccottet désigne l’emplacement où vient se loger le mât, la base du mât lui-même. Sur la mosaïque, Ulysse est attaché au mât qui se prolonge au-des-sus de sa tête, mais sa position surélevée semble confi rmer que ses pieds reposent sur l’emplanture.Emplanture est formé d’un préfi xe locatif em-, du radical -plant- et du suffi xe -ure indiquant le résultat d’une action (voir balayure, boursouffl ure...).4. Les Sirènes fl attent d’abord Ulysse (l. 27), puis lui pro-mettent le savoir (l. 31, 32, 34). Elles connaissent le passé (l. 32-33) et l’avenir (l. 34).5. Ulysse, désireux de les écouter, cherche à communiquer avec ses compagnons, afi n de les faire le détacher.6. Le texte d’Ovide présente les Sirènes comme des êtres mi-femmes mi-oiseaux dotés d’une voix capable de « charmer l’oreille » (l. 10) par ses chants.7. L’introduction permet d’entrevoir la puissance de séduc-tion des Sirènes sans que le texte précise la nature du danger (naufrage, oubli de la patrie...). La tentation du savoir qu’elles off rent peut être rapprochée de la Tentation exercée par le serpent sur Ève. Leur malveillance tient dans la promesse fallacieuse d’un possible départ de leur ile. Elles imitent les Muses pour mieux tromper les voyageurs. Bilan 8. Des Sirènes le texte d’Homère ne fait aucune des-cription physique contrairement au texte d’Ovide qui reprend les éléments iconographiques des vases et des mosaïques. Toute leur séduction tient dans leur expression orale : le dan-ger aurait été imparable sans les avertissements de Circé. Sans l’aide de la magicienne, Ulysse aurait cédé à la séduc-tion du chant glorieux et à la promesse d’un savoir nouveau. Le danger était d’autant plus grand que, malgré la vitesse du bateau, leur chant était clairement perçu.

▶ Mettre en voixCette activité, dont le nom est une adaptation d’un télé-cro-chet familier aux élèves, déborde le cadre de la simple récita-tion en invitant les participants à jouer sur plusieurs registres : l’apprentissage par cœur du texte devient un prérequis de la performance orale enregistrée. Un travail avec le professeur de musique peut s’avérer intéressant pour ce qui est du travail instrumental ou de l’appropriation du travail vocal antique (▶ http ://www.kerylos.fr/home.php : travaux d’Annie Bélis sur la musique grecque et les enregistrements de l’ensemble Kérylos). Négocier la participation d’un adulte de l’établisse-ment au jury qui départagera les prestations constitue aussi un travail oral à partager.

3. Le monstre maitrisé

Virgile, Énéide, chant VI p. 52

▶ Graine de savoirL’orque (n. f.) est un cétacé à dents (odontocète) nommé aussi épaulard. Animal prédateur, elle est appelée en anglais killer whale (« baleine tueuse »). Sa célébrité s’est développée avec le fi lm Sauvez Willy (1993) et ses suites. La première attestation du mot en français date de 1550 au vers 22 de la Musagnoemachie (Guerre des Muses et de l’Ignorance) de Joachim du Bellay.

▶ Raconter un combatLe récit s’appuie sur la lecture préalable du texte de la page 52. Le narrateur a soin de décrire le physique du monstre : les trois têtes, le cou hérissé de couleuvres, la taille énorme. Il met en scène le comportement canin : Cerbère aboie, grogne, montre les crocs, tire sur la chaine, cherche à mordre pour montrer son hostilité. Héraclès utilise divers moyens d’intimi-dation (voix, menaces, massue...). Héraclès conclut l’aff ronte-ment par une solution ingénieuse.

Observer une galerie de monstres infernauxEntrer dans la lecture. Le trajet d’Énée commence par la visite d’une maison infernale dotée d’un vestibule (l. 1), de chambres (l. 8) et d’une cour (l. 10). La traversée du Styx se fait à la ligne 23, mais il faut endormir Cerbère avant de continuer le chemin et s’éloigner du fl euve (l. 33-34).1. Les premières fi gures sont des allégories (des idées personni-fi ées dont le nom comporte une majuscule) : les Pleurs, les Sou-cis (l. 2), les Maladies, la Vieillesse (l. 3), la Crainte, la Faim, l’Indi-gence (l. 4), le Trépas, la Peine (l. 5), la Torpeur (l. 6), la Guerre (l. 7) et la Discorde (l. 8). Ligne 11, on trouve aussi les Songes.2. La Discorde bénéfi cie d’une description particulière (l. 9). C’est elle qui est à l’origine de la guerre de Troie : pour se ven-ger de ne pas avoir été invitée au banquet des dieux, elle jette au milieu des déesses une pomme d’or destinée à la plus belle. Pour éviter de fâcher Héra, Athéna et Aphrodite, Zeus confi e à Hermès la mission de trouver un juge impartial. C’est le berger troyen Pâris qui accordera le fruit à Aphrodite en échange de la promesse de la plus belle femme, Hélène.3. Énée tremble de crainte et dégaine son épée pour se proté-ger des ombres (l. 18-22).4. Cerbère dispose de trois gueules (l. 25), il est énorme, son corps emplit son antre (l. 31-32). Ses aboiements font réson-ner les Enfers (l. 26). Ses cous se hérissent de couleuvres (l. 27). La faim le fait enrager (l. 29).5. Grâce à la magie de la Sibylle qui jette à Cerbère une bou-lette soporifi que, Énée peut continuer sa route (l. 27-28). Bilan 6. D’abord eff rayé par l’aspect terrifi ant des habitants des Enfers qualifi és de « fi gures eff rayantes » (l. 5), « de bêtes monstrueuses » (l. 13), Énée traverse lentement le monde des Enfers. Une fois Cerbère endormi, Énée franchit en hâte l’en-trée et s’éloigne rapidement du fl euve (l. 33-34).

▶ Décrire un monstreCette activité est réalisable en AP. Pour débloquer l’imagi-naire, on peut reprendre la liste des monstres rencontrés et énumérer les caractéristiques physiques qui concourent à leur monstruosité : diff ormité, hybridation, taille... Réfl échir sur le lieu de la rencontre peut faciliter la détermination de la nature terrestre, aquatique ou aérienne du monstre. Faire précéder l’écriture d’une réalisation graphique est une autre piste de travail.

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Apollonius de Rhodes, L’Expédition des Argonautes ou la Conquête de la Toison d’or

Rick Riordan, Percy Jackson p. 54

Étudier le courage des deux héros face au dangerEntrer dans la lecture. Dans le premier texte, Jason a prati-quement achevé son combat : il a dompté les taureaux et ne doit plus que leur imposer le joug (voir l’indication donnée en introduction).Dans le second texte, Clarisse est prise en tenaille par l’autre taureau qui vient de faire volte-face : elle est en danger.1. Les deux taureaux sont puissants, ils crachent le feu. Le premier extrait utilise la comparaison du souffl et de forge et développe longuement la description (l. 7-11). Le second extrait se contente d’une notation succincte comparant le jaillissement des fl ammes à celui de geysers.2. Les deux héros disposent d’une grande force physique : Jason reste inébranlable sous le choc (l. 6), Clarisse est « bara-quée » (l. 7), « bâtie pour porter une armure grecque » (l. 8-9).3. Tous deux font preuve de courage, mais Jason est protégé par un charme qui le rend invulnérable, ce qui pourrait faire de Clarisse un personnage plus méritant.4. Jason a une alliée, Médée, qui lui a off ert un onguent pro-tecteur. Clarisse ne combat pas seule, mais à la tête de guer-riers et le héros éponyme, Percy Jackson, l’aidera par la suite.5. Bilan Les deux héros font preuve de fermeté et de courage face à l’attaque des taureaux. Chacun est doté d’une grande force physique. L’un est un garçon, alors que l’autre est une fi lle.

Activités d’expression p. 55

▶ Imaginer la fi n d’un récitUn paragraphe d’une dizaine de lignes écrit en respectant tout ou partie des conseils de méthode est attendu. L’arti-culation avec le texte doit être travaillée : comment Clarisse se sort-elle d’une attaque en tenaille ? Esquive-t-elle l’assaut ou est-elle bousculée ? Quelqu’un vient-il à la rescousse pour détourner l’attention ?L’introduction d’un adjuvant est possible, d’autant qu’un nar-rateur assiste au combat (l. 9 : « je ne voyais pas comment... »).L’examen des photogrammes de la page, ainsi que l’expres-sion « gueule articulée » (l. 4) indiquent que les taureaux sont métalliques, l’issue du combat peut se jouer sur l’utilisation de l’eau, d’abord pour tenter d’éteindre les fl ammes, puis pour gripper les articulations en provoquant une oxydation rapide. Pour conclure le combat, Clarisse doit plus utiliser la ruse et la tactique que la force, or le caractère du personnage ne s’y prête guère.

▶ Écrire un récit de combatLe travail attendu est ici une écriture plus longue (une ving-taine de lignes manuscrites). Le sujet laisse ouvert le choix du héros, afi n de permettre d’imaginer une héroïne au combat. Des fi gures féminines combattantes peuvent être étudiées au préalable, comme les Amazones Antiope ou Penthésilée, ou la princesse volsque Camille de l’Énéide, ou même Jeanne d’Arc. On trouvera quelques exemples sur ce site consacré à l’histoire des femmes : https ://histoireparlesfemmes.com/tag/combattante/.

DOSSIER Les périples antiques en Méditerranée p. 56 à 59

OBJECTIFS ET DÉMARCHE DU DOSSIER▶ Ce dossier s’appuie sur trois récits de périples antiques présentés dans un ordre chronologique. Les aventures de Jason sont déjà évoquées au cours de la narration des aventures d’Ulysse : les Argonautiques, du moins certains épisodes, sont à considérer comme antérieurs à ceux de l’Odyssée. Cependant l’un et l’autre récit ne cessent d’être réécrits ou résumés jusqu’à la fi n de l’Antiquité. L’Énéide, dès son écriture par Virgile, est conçue comme une imitation des épopées homériques dans le but d’une glorifi cation de la famille des Julii (la famille de César et de son petit-neveu, Auguste) : elle se compose d’un périple racontant l’arrivée d’Énée en Italie selon le modèle de l’Odyssée et d’une épopée guerrière imitant l’Iliade au cours de laquelle Énée doit vaincre les peuples latins qui s’opposent à son installation dans le Latium, la région de la future Rome.▶ Deux pages sont consacrées à la légende de Jason et des Argonautes : souvent moins connue des élèves, elle survit surtout par le nom de son héros devenu un prénom à la mode par le biais de feuilletons américains. Deux péplums (fi lms en costumes antiques) y ont été consacrés et la littérature de jeunesse en exploite certains épisodes. C’est surtout le personnage tragique de Médée qui prolonge jusqu’à aujourd’hui la légende noire de cette navigation au long cours.▶ Une page est consacrée au périple d’Ulysse dont les épisodes les plus importants sont traités dans la partie littérature du manuel – voir le parcours Les monstres dans les récits antiques p. 44-55 et le dossier Aux origines de la ruse, p. 190-191. Elle fait le pendant à une page consacrée aux aventures d’Énée, dont la survie tient surtout au récit de ses amours tragiques avec la reine Didon.▶ Chaque périple est à lire sous trois angles diff érents :– la navigation antique et ses dangers ;– le rôle des dieux ;– le rôle des femmes.▶ Ce dossier vise à permettre aux élèves :– de connaitre des légendes fondatrices de l’imaginaire européen ;– d’établir des liens avec des œuvres littéraires, picturales ou cinématographiques ;– de s’exprimer oralement pour renouveler la mémoire de ces récits.

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35© Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 6e – Livre Ressources

CORRIGÉS DES QUESTIONNAIRES ET DES EXERCICES

1. Jason et les Argonautes : l’expédition et ses dangers

Apollonius de Rhodes, L’Expédition des Argonautes ou la Conquête de la Toison d’or p. 56

Les textes de la page 56 montrent que la poupe est la place habituelle du pilote qui tient les rames de direction. Lors du passage des rochers mobiles des Symplégades, l’écrasement de l’extrémité de la poupe indique que le navire a échappé de peu au naufrage – les Symplégades sont deux rochers qui s’entrechoquent à l’emplacement actuel du Bosphore.

▶ DevinetteLa chouette se cache au sommet du pilier, derrière le siège d’Athéna. Sur le relief romain, on voit Athéna, identifi ée par son casque et son bouclier, qui porte la tête de Méduse en son centre, mettre en place la voile sur la vergue tenue par Tiphys. Pendant ce temps, Argos achève la proue que la déesse a façonnée avec du bois d’un chêne sacré de la forêt de Dodone et à laquelle elle a donné le don de la parole.

▶ DevinetteLes positions sur le navire se donnent dans le sens de la navi-gation : a. à l’arrière → 2. à la poupe ; b. à l’avant → 3. à la proue ; c. du côté droit → 4. à tribord ; d. du côté gauche → à babord.

▶ Lire la carte1. En Méditerranée, les Grecs ont surtout colonisé le bassin oriental et le bassin occidental, mais ils ont établi quelques comptoirs sur les côtes de la mer Noire jusqu’en Crimée. La côte septentrionale de l’Anatolie était occupée par des royaumes barbares qui se sont hellénisés avec la conquête d’Alexandre. On appelait cette mer le Pont-Euxin (pontos signifi e « mer », euxinos « accueillante »), par antiphrase, de façon à conjurer les terribles conditions de navigation qui y régnaient.Les Romains, qui ont conquis l’ensemble du bassin méditer-ranéen, considèrent la Méditerranée comme leur mer inté-rieure. C’est pourquoi les bords de la mer Noire sont une sorte de bout du monde, un lieu d’exil pour tout homme civilisé : Ovide, qui fi nit sa vie à Tomes, sur la côte bulgare, y compo-sera ses plaintes des Tristes.2. Comme toutes les terres lointaines, la Colchide, région de Colchos, est un pays dangereux. Située loin à l’est, elle appar-tient au dieu du soleil Hélios, père du roi Éétès, de Circé et de Pasiphaé. La magie y a cours (cf. les épreuves proposées à Jason, le dragon gardien de la Toison ou les pouvoirs de Médée).

2. Rencontre avec Médée : la passion et la magie

Apollonius de Rhodes, L’Expédition des Argonautes ou la Conquête de la Toison d’or p. 57

▶ Mène l’enquête !

1. Jason et Médée sont poursuivis par le père de cette dernière et ses soldats. Mais la magicienne a emmené avec elle son jeune frère, qu’elle découpe et dont elle jette les morceaux à la mer. Le roi Éétès s’attarde pour recueillir les membres dépe-cés de l’enfant, afi n de lui off rir une sépulture.2. Pélias est ébouillanté par ses fi lles, trompées par Médée. Cette dernière leur a fait croire qu’un bain dans une eau bouil-lante le rajeunirait.3. Jason, arrivé à Corinthe, courtise la fi lle du roi Créon, et s’ap-prête à abandonner Médée. Celle-ci se venge en off rant une robe qui brule la princesse et son père. Puis elle tue les deux fi ls qu’elle a eus de Jason. Elle lui échappe en s’envolant sur un char tiré par des dragons ailés.

▶ Graine de cultureLa Toison d’or est un ordre de chevalerie créé par Philippe le Bon, duc de Bourgogne, en 1430. À la mort de Charles le Téméraire, l’ordre est dirigé par son gendre Maximilien Ier de Habsbourg. Il se transmettra ensuite aux maisons Habsbourg d’Espagne et d’Autriche.

▶ Mène l’enquête !1. Médée off re à Jason des onguents magiques, des crèmes protectrices contre les brulures.2. Jason lance une pierre au milieu des combattants et ceux-ci s’entretuent.

3. Quitter les rivages de Troie (Ilion)

Homère, Odyssée p. 58

Ulysse est un personnage héroïque, il a un « esprit magna-nime » – étymologiquement, c’est une « grande âme », le grec dit : « au grand cœur ». Cependant, ce nouveau coup du sort a raison de son courage et il est désemparé et se plaint : il appréhende ce que Poséidon lui réserve encore. L’humanité du personnage transparait dans la plainte pathétique qu’il émet. Il n’a pas la fermeté d’un héros guerrier dans ce passage.

▶ Mène l’enquête !Les tribulations d’Ulysse l’amènent en plusieurs étapes à perdre progressivement ses compagnons.En quittant Troie, Ulysse aborde d’abord en Thrace chez les Cicones. Puis, après quatre jours de navigation vers le sud, il arrive au pays des Lotophages (les « mangeurs de lotos », un fruit qui ôte le désir du départ) : Ulysse doit contraindre ceux de ses hommes qui y avaient gouté de reprendre la mer. Il aborde ensuite l’ile des Cyclopes (retrouvez l’épisode p. 46-47 du manuel élève).Après avoir échappé au Cyclope, Ulysse débarque sur l’ile d’Éole, dieu des vents, qui lui off re une outre pleine de vents à ne pas ouvrir. Durant le sommeil d’Ulysse, ses compagnons l’ouvrent et le navire s’éloigne d’Ithaque. Éole refuse de renou-veler son aide.Les bateaux d’Ulysse font escale chez les Lestrygons. Ce peuple de géants anthropophages détruit l’ensemble de la fl otte grecque, sauf le navire qu’Ulysse parvient à libérer à temps.Ulysse rejoint l’ile de Circé : dans un premier temps, la magi-cienne transforme les compagnons du héros en porcs, mais il parvient à la réduire à sa merci et elle lui off re son aide. Elle

Ressource numérique Les périples antiques

ACTIVITÉ

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lui permet de consulter l’âme du devin Tirésias, qui informe Ulysse de son destin, puis le conseille sur ses deux prochaines épreuves : la navigation le long de l’ile des Sirènes et le pas-sage entre Charybde et Scylla (retrouvez les deux épisodes, p. 48-49 et 50-51).En dépit de quelques pertes humaines, le bateau parvient à rejoindre l’ile du Soleil. Malgré les avertissements d’Ulysse, ses marins, aff amés, tuent des bœufs consacrés au dieu. Le navire est foudroyé par Zeus et tous les marins périssent. Ulysse, accroché à son mât, repasse le détroit de Charybde et Scylla, puis dérive durant neuf jours jusque l’ile lointaine de Calypso où il séjournera sept ans.

▶ Lire la carte

Ressource numérique Les périples d’Énée et d’Ulysse1. Cette activité demande à être préparée par des

recherches préalables, effectuées lors de l’exercice

précédent. (Mène l’enquête !) Le périple compte une

dizaine d’étapes, plus ou moins longues à raconter,

entre le départ de Troie et l’arrivée sur l’ile de Calypso.

a. Outre les monstres connus par les textes du manuel

(Cyclopes, Sirènes, Charybde et Scylla), on peut

aisément ajouter le peuple des Lestrygons.

b. Il s’agit du détroit où sévissent Charybde et Scylla.

c. Nausicaa est la fi lle du roi des Phéaciens, chez qui

Ulysse raconte son périple.

2. Carthage se situe en Afrique, approximativement

sur le site de Tunis. La ville de Lavinium se situe à

proximité de la ville de Rome.

ACTIVITÉ

4. Quitter les rivages de Troie (Ilion)

Virgile, Énéide p.59

▶ Mène l’enquête !1. Le père d’Énée s’appelle Anchise. Son fi ls est connu sous le nom d’Ascagne ou de Iule (ancêtre supposé de la famille des Julii, que Virgile, appartenant au cercle des amis d’Auguste, fl atte ainsi). Il est le fondateur de la ville d’Albe, d’où naitront Romulus et Rémus.2. Les Pénates sont les dieux protecteurs de la maison, en par-ticulier du garde-manger.3. Il existe aussi des Pénates publics qui semblent être hérités des Pénates légendaires amenés de Troie. Le fait de les empor-ter assure la pérennité de l’existence de Troie, comme le sym-bole du feu de Vesta à Rome qui ne doit jamais s’éteindre.4. Les trois personnages représentent les trois âges de la vie : Ascagne, la jeunesse ; Énée, la maturité ; Anchise, la vieillesse.Bilan 5. La tempête est un lieu commun du récit de voyage antique. C’est un topos présent dans la littérature épique, comme dans la littérature romanesque. Ce symbole de la lutte de l’homme contre la nature et ses éléments traverse la litté-rature d’aventures et se prolonge encore aujourd’hui dans les fi lms catastrophe d’Hollywood.

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PARCOURS UNE ŒUVRE INTÉGRALE

Les Métamorphoses, Ovide p. 60 à 69

OBJECTIFS ET DÉMARCHE DU PARCOURSProblématique : Comment les dieux affi rment-ils leur pouvoir en créant ou en détruisant des créatures monstrueuses ?▶ L’objectif de ce parcours est de découvrir les monstres présents dans Les Métamorphoses d’Ovide. Le thème se présente ici sous la forme d’une étude d’œuvre intégrale où la monstruosité est moins physique que morale.▶ Ce parcours d’œuvre propose un choix succinct de personnages monstrueux, parce que le monstre en tant que tel apparait peu dans l’œuvre d’Ovide ; nous pourrions évoquer le dragon contre lequel combat Cadmus au livre III de l’Énéide, mais ce type de monstre a déjà été évoqué par un texte dans un autre parcours (▶ p. 44-45 du manuel). Néanmoins nous ne voulions pas renoncer à une œuvre dont la richesse culturelle et les nombreuses adaptations dans des éditions jeunesse ont fait un passage obligé de l’enseignement de la culture antique en 6e.▶ Les quatre premiers textes choisis s’articulent autour du même moment narratif, l’instant même de la métamorphose, ce moment où l’être châtié perd ses caractéristiques humaines pour rejoindre une altérité physique. Ce moment s’accompagne d’une épiphanie divine : le dieu apparait alors dans toute sa puissance (Jupiter, Bacchus, Pallas-Athéna) ou, dans le cas de Persée, par l’appropriation du pouvoir divin de Méduse. Il peut être intéressant d’expliquer aux élèves le terme épiphanie, du grec ancien epiphaneia (« manifestation, apparition »), connu par la fête des Rois de début janvier. Il fait référence à la manifestation de Jésus aux Rois mages venus lui rendre hommage.▶ Les victimes de la métamorphose sont des criminels sacrilèges tels Lycaon et les pirates cherchant à attenter à la personne divine, ou des personnages dont l’arrogance – l’hybris – conduit à mépriser les dieux : Atlas persévère dans la révolte des Titans contre l’ordre olympien ; Arachné se mesure à Pallas et présente les dieux de façon peu glorieuse. Le cinquième texte choisi est un passage où les Piérides, ultérieurement transformées en pies par les Muses, chantent un épisode peu glorieux du combat des dieux olympiens contre le monstre Typhée (Typhon).▶ Ce parcours vise à permettre aux élèves :– de découvrir des récits de métamorphoses ;– d’aborder des questionnements moraux ;– de faire des liens entre la culture antique et notre imaginaire moderne ;– de s’approprier des références culturelles tant littéraires qu’iconographiques ;– d’ exprimer leur compréhension, leur sensibilité et leur créativité.

ORGANISATION DU PARCOURS ET CHOIX DES AXES DE LECTURE

1. La monstruosité révélée : Lycaon, un monstre de cruauté

Ovide, Les Métamorphoses, I, 230-239 p. 60-61

● Pistes didactiquesCe texte raconte la première métamorphose de l’œuvre d’Ovide : il fait suite à la description des quatre âges de l’his-toire humaine (âges d’or, d’argent, d’airain et de fer) et illustre, ce faisant, la férocité de l’âge de fer. Le récit est un retour en arrière que le narrateur, Jupiter, fait lors d’un banquet des dieux. Son indignation devant la férocité humaine va l’ame-ner à annoncer la destruction des hommes lors de l’épi-sode suivant du déluge. Lycaon n’est qu’un exemple, parmi d’autres, de l’indignité humaine. Sa métamorphose, une punition personnelle, précède une complète métamorphose terrestre, dont sortira une nouvelle humanité, recréée grâce à Deucalion et Pyrrha.Ce passage, récit à la première personne, évoque l’opposition religieuse du peuple et de son roi, et une mise à l’épreuve du dieu par l’homme. Des sacrilèges sont alors commis : le meurtre d’un otage, la préparation d’une viande rituelle ina-déquate... La réaction divine est foudroyante : le palais est détruit et la métamorphose commence. Le texte est à mettre en rapport avec le tableau d’un peintre fl amand, Jan Cossiers, qui œuvrait pour la cour d’Espagne : le personnage divin aux

allures christiques se défend de la tentation à laquelle le sou-met un Lycaon diabolique.Contrairement à faon, taon ou Laon dont les trois dernières lettres se prononcent avec un seul son [I], le nom de l’animal et du personnage mythologique se prononce en deux sons [aI].

● Proposition d’hypothèse de lectureComment une métamorphose conserve-t-elle l’identité monstrueuse d’un personnage ?

2. La monstruosité révélée : La vengeance de Bacchus

Ovide, Les Métamorphoses, III, 650-690 p. 62-63

● Pistes didactiquesCe texte est un passage d’un récit fait au roi Penthée par Acœtès, un Tyrrhénien, ministre du culte de Bacchus. Ce récit enchâssé est un avertissement que néglige le tyran thébain : il sera mis en pièces par les Bacchantes, des femmes en proie au délire bacchique, menées par Agavé, la propre mère de Pen-thée. La métamorphose des pirates tyrrhéniens explique la foi dionysiaque du narrateur.Le passage est long et complexe : cinq étapes sont matériali-sées par un fl échage latéral. Elles sont reprises par un tableau

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récapitulatif à compléter oralement. L’entrée dans le texte se fait par un travail d’écriture en quatre étapes, qui suivent non pas un déroulement narratif, mais une progression dans la complexité du travail écrit. Partant d’un premier jet, l’élève est amené à imaginer une métamorphose, puis à vérifi er que les éléments lexicaux, les motifs narratifs ou les structures gram-maticales ont été réfl échies.Les trois illustrations choisies permettent de mettre en rap-port l’iconographie et les moments du texte.Il peut être étonnant pour les élèves de considérer une méta-morphose en dauphin comme une punition. L’animal béné-fi cie dès l’Antiquité d’un grand coeffi cient de sympathie. La légende d’Arion en est un exemple probant. Cependant l’intention de vente du dieu comme esclave n’est pas un crime aussi grave que les meurtres de Lycaon : la punition transforme un groupe d’hommes liés au monde marin en un groupe d’animaux marins.

● Proposition d’hypothèse de lecturePourquoi une métamorphose doit-elle être interprétée comme une punition ?

3. Les monstres de la démesure : La punition d’Atlas

Ovide, Les Métamorphoses, IV, 646-662 p. 64-65

● Pistes didactiquesCe passage du livre IV des Métamorphoses est extrait du pre-mier des récits de la geste de Persée, qui comprend la méta-morphose d’Atlas, le sauvetage d’Andromède et le récit du combat contre Méduse. Le début du livre V poursuit cette geste avec l’aff rontement de Persée et Phinée, frère du roi Céphée.L’aff rontement d’Atlas et Persée est dû à un oracle mal inter-prété par le Titan. Il prédit qu’un fi ls de Jupiter le dépouille-rait de ses pommes d’or : ce sera l’un des travaux d’Hercule, un autre fi ls de Jupiter. Persée ne comprend pas l’hostilité du géant et utilise le pouvoir prodigieux du regard de Méduse pour neutraliser la force titanesque d’Atlas.Outre les deux illustrations, qui viennent en écho enrichir la lecture du texte, cette double page est munie d’un arbre généalogique succinct qui reprend l’ensemble des person-nages cités dans le parcours : chaque génération est marquée d’une couleur spécifi que, les enfants ayant une teinte plus claire que les parents.Un exercice de mémorisation est proposé à partir d’un pas-sage de la métamorphose proprement dite.

● Proposition d’hypothèse de lectureQuel moyen le héros doit-il employer pour vaincre un adver-saire qui le surpasse en force ?

4. Les monstres de la démesure : Le châtiment d’Arachné

Ovide, Les Métamorphoses, VI, 130-145 p. 66-67

P. Grimal, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, texte écho p. 66-67

● Pistes didactiquesCet épisode qui ouvre le livre VI des Métamorphoses peut être lu en écho avec le récit des Piérides qui se situe à la page 68.

Dans l’un et l’autre récit, la métamorphose des personnages est causée par une même attitude irrespectueuse à l’égard des dieux : les Piérides se moquent de la couardise des dieux, Arachné évoque publiquement leur inconduite. Une divinité ne saurait tolérer que l’on bafoue sa puissance divine (VI, 4).Le texte littéraire est ici mis en rapport avec un texte explica-tif, extrait du Dictionnaire de la mythologie de Pierre Grimal. Il est possible d’utiliser le lienmini pour écouter une lecture de ce texte et en faire une exploitation en lien avec le tableau de Velázquez proposé en numérique.Trois illustrations sur le thème sont exploitables aux pages 67 et 320, ainsi que dans les ressources numériques accessibles par les lienminis.

● Proposition d’hypothèse de lectureComment le châtiment divin de la métamorphose intervient-il pour punir un excès d’orgueil ?

5. Un monstrueux désordre : Des dieux eff rayés par des monstres / Typhée, un monstre absolu

Ovide, Les Métamorphoses, V, 321-331 p. 68

Hésiode, Théogonie, v. 820-840 p. 68

● Pistes didactiquesLes textes de la page 68 évoquent le dernier monstre suscité par Gaia, la mère (ou grand-mère) de tous les monstres primi-tifs qui seront éliminés par Zeus-Jupiter ou les héros évoqués dans l’atelier d’écriture (p. 72-75 du manuel).La traduction ancienne de M. Patin utilise le nom de Vénus pour désigner Aphrodite : Vénus est une divinité latine assimi-lée au IIe siècle avant Jésus-Christ à la déesse grecque. Consi-dérée comme membre à part entière des douze grands dieux olympiens, Aphrodite appartient pourtant à une génération antérieure : elle est née de la chute de la semence d’Ouranos dans la mer, au moment où celui-ci a été mutilé par Cronos. C’est le thème d’Aphrodite anadyomène (« surgie des eaux ») : voir le tableau de Sandro Botticelli, La Naissance de Vénus, 1485.Le texte d’Ovide présente la métamorphose non pas comme un moyen de punir ou de récompenser, mais comme une piètre tentative d’échapper à un destin funeste : la majesté des dieux est mise à mal par le chant des Piérides, ce qui causera leur châtiment, infl igé par les Muses. Le texte d’Hésiode, par sa description foisonnante de la puissance terrifi ante de Typhée (Typhon) met en valeur sa force chaotique, qui ne pourra être vaincue que par Zeus : une fois le monstre foudroyé, le roi des dieux l’enfonce dans les entrailles de son propre père, le Tar-tare. Sur la signifi cation de l’épisode, voir l’article de F. Blaise : www.persee.fr/issue/reg_0035-2039_1992_num_105_502Le personnage de Campé, un être monstrueux préposé à la garde des Cyclopes et des trois Hécatonchires par Cronos, est évoqué dans un texte tardif chez Nonnos de Panopolis (Ve siècle après Jésus-Christ). Pour vaincre Cronos, Zeus avait besoin des prisonniers et tua donc cette gardienne, dont la légende est très évasive. Ce personnage réapparait dans la littérature de jeunesse contemporaine.

● Proposition d’hypothèse de lectureComment la monstruosité provoque-t-elle des réactions opposées, y compris chez les dieux ?

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CORRIGÉS DES QUESTIONNAIRES ET DES EXERCICES

1. La monstruosité révélée : Lycaon, un monstre de cruauté

Ovide, Les Métamorphoses, I, 230-239 p. 60-61

Ressource numérique La fresque des ConstellationsLa fresque des Constellations orne le plafond de la salle

de la Mappemonde (« de la carte ») de la Villa Farnèse

de Caprarola, près de Viterbe dans le Latium (Italie).

La décoration de la salle dura de novembre 1573 à

décembre 1575 : on ne connait pas avec certitude l’ordre

dans lequel furent peintes la voute céleste du plafond et

la carte de l’Europe qui occupe les murs. La répartition

du travail entre les peintres Giovanni De’ Vecchi (1536-

1614) et Raffaello Motta (dit Raffaellino da Reggio,

1550-1578) est aussi mal connue. Sur un fond de ciel

bleu outremer, constellé d’étoiles, le plafond présente

la cinquantaine de constellations connues depuis

l’Antiquité (les 88 d’aujourd’hui prennent en compte

celle de l’hémisphère sud, qui vont être progressivement

répertoriées à partir de la découverte des mers du sud).

Les constellations se répartissent sur la surface du

plafond selon un ordre donné par un réseau de fi nes

lignes dorées représentant l’équateur, les tropiques

et l’écliptique, mais aussi les méridiens des solstices

d’hiver et d’été, le problème étant de dérouler sur le

plan du plafond l’ensemble de la sphère céleste. La

représentation est centrée sur le méridien du solstice

d’hiver, ce qui fait que des constellations du méridien du

solstice d’été apparaissent en partie sur les deux côtés

du plafond. Cette représentation s’appuie probablement

sur le travail préparatoire du cosmographe, Orazio Trigini

de’ Marii, possesseur d’un manuscrit de l’astronome

latin Hygin.

Les questions posées invitent les élèves à repérer les

constellations du zodiaque facilement reconnaissables.

La Grande Ourse et la Petite Ourse (avec l’étoile polaire

au bout de la queue) font partie de la légende de

Callisto, aimée de Zeus, mais jalousée par Héra. On

distingue aussi le cygne blanc qui a permis à Zeus de

séduire Léda, la mère d’Apollon et d’Artémis. La plupart

des constellations circumpolaires, qui ne disparaissent

jamais du ciel de l’année, appartiennent à la légende

de Persée. Le jeune héros, après avoir pétrifi é Atlas

(cf.  p.  64-65) sauve la belle Andromède du monstre

marin (Cétos ou la Baleine) et la rend à son père,

Céphée, et à sa mère, Cassiopée.

ACTIVITÉ

Comprendre comment le monstre se révèleEntrer dans la lecture. Le peuple montre sa piété en com-mençant à prier, dès que Jupiter manifeste sa divinité (l. 3). Lycaon se moque des prières du peuple et met en doute la réalité de la divinité de Jupiter. Ce scepticisme et ce mépris sont constitutifs de son hybris (arrogance démesurée).1. Le roi commet un sacrilège : il tente de tuer son hôte durant son sommeil, puis il tue un otage de sa propre main et fait préparer le corps de la victime pour le donner à manger à son hôte. Si le dieu ou prétendu tel ne s’aperçoit pas de la crimi-nelle supercherie, il ne peut être divin. L’intention du roi sus-cite dégout, répulsion, révolte...2. Jupiter utilise la foudre pour renverser le palais royal. Lycaon cependant parvient à s’échapper.3. Lycaon commence par perdre sa voix humaine : il se met à hurler comme un loup (l. 6-17). Sa peau se transforme et il adopte un pelage animal ; ses membres se métamorphosent en pattes (l. 19).4. L’anaphore de « même » montre que l’identité de Lycaon se conserve dans la couleur du pelage et la férocité animale qui le caractérisait avant sa métamorphose (l. 21-22).Bilan 5. Lycaon est transformé en loup car sa cruauté (éty-mologiquement, son gout du sang) est la même que celle de l’animal : « il tranche la gorge » (l. 9), « sa soif irrépressible de carnage » (l. 17), « il se repaît […] de leur sang » (l. 18).

▶ Lecture d’image1. La scène se passe à l’intérieur du palais, dont on aperçoit une colonne en arrière-plan.2. Lycaon vient d’off rir un plat de viande à Jupiter. Il s’agit pro-bablement d’une partie du corps de l’otage dont il est ques-tion dans le texte d’Ovide. Sur la table, nous voyons aussi une miche de pain.3. Le personnage est barbu, sa tête est entourée d’un halo de lumière ; l’image présente beaucoup de similitudes avec une iconographique christique. Il est habillé d’un drapé rouge et au-dessus de sa tête se tient l’aigle avec les foudres dans son bec.4. Le personnage commence à se métamorphoser par la tête. Sa gueule ouverte, avec les crocs visibles, est le symbole de la cruauté du personnage.5. Le tableau est principalement construit sur une diagonale : Jupiter commence à se lever de son siège avec le bras droit tendu, alors que Lycaon est déjà de profi l en train de s’extraire de son siège. Ce dernier va s’engager dans l’arcade en arrière-plan : sa fuite est amorcée. La convergence de l’aigle et de Jupiter accentue le mouvement d’échappée vers la gauche. Les drapés attestent d’une fl uidité qui s’oppose à la rectitude du décor en arrière-plan.

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2. La monstruosité révélée : La vengeance de Bacchus

Ovide, Les Métamorphoses, III, 650-690 p. 62-63

▶ Écrire pour comprendreCette activité est conçue comme une entrée dans la lecture : ordinairement les travaux d’écriture sont conçus comme le résultat d’une observation qui amène, par imitation, à l’écri-ture. Ici, chaque étape fait boule de neige et se conçoit comme un travail d’amélioration de l’écrit qui peut se faire par traite-ment de texte. À chaque étape, le professeur peut collation-ner les productions pour donner des conseils d’amélioration. La première rédaction se fait en temps limité de façon manus-crite. On peut projeter sur le tableau une image de dauphin pour ouvrir l’imaginaire. L’étape suivante se fait au traitement de texte, en classe pupitre dans la mesure du possible, avec, en préalable, une mise en commun des mots du corps que chacun a employés. L’étape suivante introduit un enrichisse-ment lexical nécessaire ; décrire le corps du dauphin nécessite une certaine précision, d’autant que l’exercice demande une mise en parallèle des éléments qui se transforment. Les élèves doivent partir d’un tableau complété avec les parties du corps du dauphin pour retrouver tous les membres humains qui se transforment. La dernière étape vérifi e la qualité des verbes employés dans leur variété et leur conjugaison : nous privilé-gierons la troisième personne du présent ou du passé simple.

▶ Lecture d’image1. L’image illustre l’avant-dernière étape du récit : les marins sont saisis dans leur plongeon, la métamorphose à demi engagée. L’orientation des corps et la présence végétale sur la gauche indiquent que le bateau doit se situer hors-champ.2. Le personnage de gauche a commencé sa métamorphose par les jambes, alors que les cinq autres entrent dans les vagues par leur nouveau rostre. La superposition des person-nages de droite donne une certaine profondeur de champ à la scène.

Étudier l’échec d’un projet monstrueuxEntrer dans la lecture. Les marins sont transformés en dau-phins.1. Les pronoms personnels de la première personne (« que j’avais demandée » l. 4, « Qu’ai-je donc fait » l. 5) sont employés dans les paroles rapportées du dieu Bacchus. Les guillemets encadrent ce passage (l. 3 à 6).2. Lors de l’étape 2 du texte, le personnage qui dit « je » est le narrateur, le marin qui a refusé de prendre part à l’attaque contre Bacchus.3. La puissance du dieu se manifeste d’abord par l’apparition d’une vigne qui immobilise le navire, puis, dans l’étape 3, par celle des animaux fantasmatiques qui appartiennent au cor-tège bacchique : « de tigres, de lynx et de panthères tache-tées » (l. 20).4. Les marins se transforment en dauphins, il s’agit d’une métamorphose.5. Ce spectacle a provoqué l’eff roi du narrateur : il tremble de peur, la chaleur a déserté son corps, il est près de défaillir. Un spectateur pourrait ressentir de la crainte face à la puissance du dieu, mais aussi de la surprise ; malgré les intentions cri-minelles des marins, on peut ressentir pour eux de la com-passion.Bilan 6. Les marins prévoyaient l’attaque et l’enlèvement d’un enfant qui s’était confi é à eux. Cet acte de piraterie a provoqué leur perte, car ils ignoraient la nature divine de leur passager, qui les a transformés en dauphins.

▶ Échanger sur le texte

Qui est présent ? Qui parle ? Résumé de l’action

Étape 1

- Bacchus

- les marins

- Bacchus

- le narrateur,

marin rescapé

Bacchus se plaint

du comportement

des marins.

Étape 2

- Bacchus

- les marins

- le narrateur,

marin rescapé

le narrateur,

marin rescapé

Le narrateur raconte

l’immobilisation

du navire par la

vigne suscitée par

Bacchus.

Étape 3

- Bacchus

- les marins

- le narrateur,

marin rescapé

- Lycabas,

un marin

Des bêtes sauvages

fantasmatiques

apparaissent

auprès du dieu ;

les marins sont pris

de folie.

Étape 4

les marins le narrateur,

marin rescapé

Les marins se

jettent à la mer en

se métamorphosant

en dauphins.

Étape 5

- les marins

- le narrateur,

marin rescapé

- Bacchus

- le narrateur,

marin rescapé

- Bacchus

Les dix-neuf marins

métamorphosés

sont désormais

des dauphins.

Le narrateur est

rassuré par le dieu

Bacchus.

Ressource numérique L’Assemblée des dieuxÉcole de Raphaël (1483-1520), détail de la loggia d’Amour et Psyché, villa Farnesina, Rome (Italie)En 1517, Raphaël et son école décorent la galerie du

rez-de-chaussée (la loggia) de la villa suburbaine de la

famille Chigi. Deux fresques tirent leur sujet du conte

d’Amour et Psyché raconté par Apulée dans L’Âne d’or

ou les Métamorphoses : L’Assemblée des dieux et Le

Banquet de noces.

Psyché a suscité la colère de Vénus. La déesse demande

à son fi ls Cupidon de la débarrasser de la jeune fi lle.

Mais celui-ci, séduit par Psyché, la fait enlever et la

garde auprès de lui. Il lui a interdit de chercher à le

voir. Sous le conseil perfi de de ses sœurs jalouses,

Psyché découvre la beauté de son mari endormi, mais

il se réveille et la quitte. Vénus impose alors diverses

épreuves à la jeune femme dont elle se sort avec de

l’aide. Cupidon décide de plaider sa cause, mais Vénus

reste infl exible. Alors, il passe outre et s’adresse à

Jupiter. Psyché, dont le nom signifi e « âme » en grec

ancien, est acceptée dans l’assemblée des dieux, son

symbole est le papillon.

ACTIVITÉ

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3. Les monstres de la démesure : La punition d’Atlas

Ovide, Les Métamorphoses, IV, 646-662 p. 64-65

Analyser les causes d’un aff rontement monstrueuxEntrer dans la lecture. Atlas subit une métamorphose miné-rale (il se transforme en montagne) et végétale (sa barbe et ses cheveux deviennent des forêts).1. Atlas craint le vol des pommes d’or de son jardin. Il en a confi é la garde à un dragon, le serpent Ladon.2. Son comportement est hostile, méfi ant et agressif, il manque d’hospitalité.3. Même s’il est l’enfant de Zeus (Jupiter), Persée, fi ls de Danaé, est un héros humain, il ne dispose pas de la force phy-sique du Titan Atlas. Persée risque de perdre la vie au cours du probable aff rontement.4. La tête de Méduse a le pouvoir de pétrifi er qui croise son regard. L’image le montre détournant le regard car il veut évi-ter la pétrifi cation.5. Atlas est presque entièrement transformé en montagne, seuls sa barbe et ses cheveux subissent une transformation végétale (l. 12-13)6. Atlas doit soutenir la voute céleste. La sculpture montre la sphère céleste avec les constellations : on distingue sur la droite la nef Argo.Bilan 7. Persée compense sa faiblesse physique par un objet magique : la tête de Méduse. Pour combattre un Titan, le héros doit disposer d’une puissance qui remonte aux forces primitives, Phorcys et Céto, les enfants de Gaia, la Terre, et de Pontos, l’Océan.

▶ Lecture d’image

Comprendre la représentation d’une métamorphose1. L’image peut être mise en rapport avec les lignes 12 à 15 du texte : la métamorphose a commencé, mais Atlas n’a pas encore démesurément grandi.2. Le personnage central est Persée, il détourne la tête tout en tenant celle de Méduse par les cheveux.3. Le personnage de gauche est Atlas : sa jambe droite, à gauche de l’illustration, disparait dans la masse rocheuse, alors que son genou gauche apparait encore nettement.4. a. Atlas est presque aussi haut qu’un arbre ; c’est bien un géant. Néanmoins son développement vers le ciel n’a pas encore commencé. La scène est ainsi construite autour de trois verticales : Atlas, Persée, l’arbre.b. L’artiste a réuni dans un même espace restreint les deux personnages principaux : la métamorphose est en cours. Les traits encore anthropomorphes d’Atlas sont la preuve de la présence du temps inachevé.Bilan 5. Le peintre Gillis Congnet (1542-1599) s’est inspiré du passage pour en restituer un moment précis. Cependant il n’a pas cherché à préciser le décor par la présence d’un ver-ger gardé par un dragon. Nous voyons tout au plus quelques arbres alignés au second plan et la présence de vaches accré-dite le caractère bucolique du paysage. Nous distinguons la tête de Pégase derrière un repli de terrain. L’arrière-plan montre une sorte de forteresse, peut-être une allusion au jar-din des Hespérides, qui s’élève au sommet d’un pic. Le tableau montre que la connaissance de la fable, à savoir la mythologie telle qu’elle est transmise par les textes littéraires antiques, est un élément de la formation des peintres de la Renaissance et du monde classique.

4. Les monstres de la démesure : Le châtiment d’Arachné

Ovide, Les Métamorphoses, VI, 130-145 p. 66

P. Grimal, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, texte écho p. 67

▶ Décrire une métamorphoseLa première étape de ce travail d’écriture est la détermina-tion précise des personnages en confl it. Les élèves peuvent se référer aux attributs et aux fonctions divines rappelés dans les commentaires du tableau de L’Assemblée des dieux (voir Activité +, p. 63). La métamorphose, telle qu’elle est décrite dans les exemples du parcours, suit souvent le même enchai-nement narratif. Une fois le confl it constaté, la divinité se met en colère et touche son adversaire en utilisant ou pas un instrument. La métamorphose provoque immédiatement la perte de la parole, mais l’humain garde ses capacités d’émo-tion (colère, tristesse, peur...). Le corps suit un ordre de méta-morphose, en général de la tête aux pieds, mais l’inverse est possible comme dans le cas des pirates (p. 62-63). La méta-morphose terminée, le nouvel animal prend la fuite dans son nouveau milieu.

Découvrir les conséquences monstrueuses d’un talentEntrer dans la lecture. La métamorphose d’Arachné est un châtiment explicitement nommé à la ligne 8 du texte.1. Pallas Athéna détruit la toile où Arachné présente les situa-tions amoureuses peu glorieuses des dieux. Elle présente en eff et les « adultères divins » (l. 2), en particulier les infi délités de Zeus-Jupiter.2. Dans un premier temps, la déesse frappe Arachné de sa navette à plusieurs reprises. Le terme navette (« petit navire », du latin navis, « bateau ») désigne l’instrument de bois dont se servent les tisseurs pour faire passer le fi l entre les fi ls de trame. De ce passage alternatif, nous avons tiré l’expression faire la navette, c’est à dire se déplacer régulièrement d’un point à un autre. Est apparu récemment le terme navetteur, traduction de l’anglo-américain commuter, qui désigne les banlieusards contraints à des déplacements quotidiens entre leur domicile et leur lieu de travail.3. Arachné se suicide sous l’aff ront.4. Pallas Athéna se comporte comme une sorcière de conte. La décoction est une sorte de tisane recueillie après avoir fait chauff er jusqu’à ébullition les feuilles d’une plante pour en retirer les principes actifs. Le traducteur utilise ce terme pour sucis (suc, sève, jus) qui peut simplement désigner le liquide obtenu après pressurage.5. Arachné tissait de la toile et s’est pendue à un lacet : ces deux éléments rapprochent la jeune femme de l’animal en lequel elle est transformée. La métamorphose établit une analogie.6. C’est l’attitude arrogante d’Arachné, son défi , qui provoque l’intervention de Pallas Athéna. La déesse lui laisse d’abord une chance de ne pas faire preuve d’hybris (de démesure) en apparaissant sous l’aspect d’une vieille femme.7. La toile de la déesse rappelle quatre épisodes à l’issue des-quels des mortels ayant preuve d’hybris ont trouvé la mort (l. 12-13). Cependant l’allusion reste incompréhensible à la jeune fi lle.Bilan 8. Toute attitude de défi ou de provocation à l’égard des dieux conduit à un sévère rappel à l’ordre. L’irrespect envers

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les dieux est un désordre qui appelle un châtiment, qui impose un retour à l’ordre par une métamorphose. Le rappel des règles divines se manifeste par une punition.

Ressource numériqueDiégo Velázquez, Les Fileuses ou La Fable d’ArachnéLe tableau de Velázquez s’intitule Les Fileuses ou La

Fable d’Arachné, car son interprétation a varié au fi l

des siècles. D’une interprétation réaliste qui identifi e

la scène au premier plan à l’atelier de tapisseries de

Santa Isabel de Madrid, on revient à l’heure actuelle

à une interprétation plus mythologique, soit le confl it

entre Athéna, sous l’apparence de la vieille femme, et

Arachné, qui fait une pelote de fi l face à un écheveau

qui ressemble à un embryon de toile, soit les fi leuses

évoquent les Parques, les fi leuses du fi l de vie dans la

mythologie gréco-romaine.

La toile, une grande composition contemporaine

des Ménines, daterait de 1659. Le tableau construit

sa scénographie sur deux niveaux : au premier plan

une scène d’atelier, à l’arrière-plan une assemblée

de femmes d’un milieu plus élevé rassemblée face à

une grande tapisserie. Les ouvrières, à l’avant-scène,

sont au nombre de cinq : une jeune femme qui ouvre

le rideau se penche vers la plus âgée du groupe qui

fait fonctionner un rouet ; au centre, une jeune femme

assise de face semble carder la laine ; le groupe de

droite est vu de dos ou de côté, l’une embobine le

fi l, l’autre s’occupe d’un panier dans un geste arrêté.

La scène à l’arrière-plan présente deux groupes de

personnages féminins : trois observatrices sur le bord de

l’estrade, et deux personnages qui se font face devant

la tapisserie. L’identifi cation d’Athéna est plus aisée : la

déesse porte un casque. Elle semble montrer quelque

chose sur la toile. Les spécialistes ont reconnu dans le

sujet de la tapisserie L’Enlèvement d’Europe, un sujet

qu’Arachné a pu tisser, puisque Zeus y a un rôle de

séducteur sous la forme taurine. Le sujet est connu de

Velázquez, puisqu’à Madrid se trouvait un tableau du

Titien sur ce sujet. Ce qui est reproduit sur la tapisserie

est probablement ce tableau ou sa copie par Rubens.

On peut voir le tableau du Titien (entre 1559 et 1562)

au Isabella Stewart Gardner Museum de Boston, tandis

que le Rubens (1628) est conservé au musée du Prado

de Madrid.

ART

5. Un monstrueux désordre : Des dieux eff rayés par des monstres / Typhée, un monstre absolu

Ovide, Les Métamorphoses, V, 321-331 p. 68

Hésiode, Théogonie, v. 820-840 p. 68

Étudier deux réactions opposées des dieux face au monstreEntrer dans la lecture. Les dieux présents dans les deux textes sont Zeus-Jupiter et Aphrodite-Vénus.1. Typhée (Typhon) provoque la terreur des dieux.2. Ils tentent de lui échapper en se métamorphosant : Jupi-ter en bélier, Apollon en corbeau, Bacchus en bouc, Diane en chatte, Junon en vache, Vénus en poisson et Mercure en ibis (l. 6-11). Derrière ces métamorphoses, il est possible de repérer quelques dieux égyptiens qui bénéfi cient d’une inter-prétation latine (intrepretatio romana) : Jupiter serait le bélier d’Amon ou de Khnoum, Diane la chatte de Bastet, Junon la vache d’Hathor, Vénus le poisson de Neith et Mercure l’ibis de Thot. Apollon et Bacchus semblent avoir gardé leur propre animal symbolique.3. La puissance de Typhée se manifeste dans l’utilisation de nombreux adjectifs qui marquent la démesure, dont « terrible » (l. 3), « indomptables » (l. 4), « infatigables » (l. 4), « eff royables » (l. 6). Elle est aussi sensible par la présence du feu (l. 7) et de la confusion des sons (dès la ligne 9). Toute sa personne est l’expression du désordre chaotique.4. Le terme « hybride » suppose un ensemble composé d’élé-ments d’espèces diff érentes. L’image présente un Typhée ailé et anguipède (aux jambes en forme de serpents). Le texte propose la vision de cent têtes de serpents d’où sortent des voix animales diverses : mugissements taurins (l. 12), rugisse-ments léonins (l. 13), plaintes canines (l. 13-14) et siffl ements serpentins (l. 15).Bilan 5. Dans le premier texte, la chanteuse n’hésite pas à ridiculiser les dieux de l’Olympe ; elle en sera punie, comme le fut Arachné, par une métamorphose en pie bavarde. Zeus passe de la majesté divine gréco-romaine à un zoomorphisme égyptien dégradant. Dans le second texte, Zeus garde son statut de dieu redoutable : après avoir chassé les Titans, il doit engager un combat au retentissement cosmique, du haut du ciel aux profondeurs du Tartare (l. 20 à 25). Hésiode garde un respect religieux des grands dieux.

▶ Écrire à partir d’un texteCe combat a été illustré dans le quatrième volume de la série de littérature de jeunesse de Rick Riordan, Percy Jackson : La Bataille du Labyrinthe, chapitre 7 (Librairie Générale Française, 2011, © Albin Michel, 2010).Pour le premier paragraphe, les élèves peuvent reprendre des éléments des textes où les personnages ressentent de la peur (p. 60, l. 15-16 ; p. 63, l. 21...). Un travail de préparation en AP peut leur demander de recenser tous les passages en ce sens dans le parcours. Pour le deuxième paragraphe, ils travaillent seuls ou en AP les étapes de la métamorphose, en choisis-sant l’ordre de disparition des éléments physiques anthropo-morphes. L’animal choisi par le dieu peut rappeler son animal totem. Pour le troisième paragraphe, l’aff rontement avec le monstre peut reprendre les éléments du texte de la page 69, en les développant diff éremment. Le quatrième paragraphe s’évalue sur la pertinence du choix de l’arme : Poséidon préfé-rera la mer, Zeus l’éclair, etc.

Ressource numérique« Arachné », Dictionnaire de la mythologie grecque et latine de Pierre GrimalActivités possibles : situer le récit par rapport au texte

d’Ovide, l’article de dictionnaire évoquant essentiellement

ce qui précède le confl it entre la déesse et la jeune fi lle,

ou encore imaginer la scène entre la vieille femme et

Arachné, mais aussi faire des recherches sur les légendes

évoquées.

AUDIO

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ATELIER D’EXPRESSION Participer à un jeu de rôles : interviewer un héros chasseur de monstres p. 70 à 75

OBJECTIFS ET DÉMARCHE DE L’ATELIER

▶ Cet atelier s’inscrit dans le cadre de la thématique consacrée aux monstres. Il s’attache en particulier à présenter quatre autres héros antiques confrontés à la monstruosité : Persée, Hercule, Thésée et Bellérophon. Ici, les textes choisis ne sont pas des classiques, mais des textes documentaires ou de littérature de jeunesse.▶ L’objectif principal de cette activité est l’expression, tant orale qu’écrite : l’élève est mis en position d’exercer de façon concrète un rôle social, celui de journaliste. Les deux étapes essentielles du travail journalistique sont successivement abordées : celui de collecte de l’information (par la documentation et l’interview) et celui de restitution de l’information (élaboration et diff usion du contenu).▶ Chaque héros est présenté par un texte d’étude diff érent, équipé d’une aide sous la forme d’un surlignage de couleur. Chaque page vise un objectif journalistique précis : l’élève se documente sur Persée, interviewe Hercule, confronte les témoignages sur l’exploit de Thésée (l’information doit être recoupée) ou contextualise l’aventure de Bellérophon. Ce travail de lecture s’accompagne d’une réfl exion sur la langue : comment poser une question ? Comment y répondre ? Comment rapporter le témoignage d’autrui ? Comment évoquer le passé récent ou le futur proche ?▶ Réaliser la tâche fi nale nécessite de choisir un héros dès le lancement de l’activité documentaire ; chaque étape guide le travail sur un héros particulier, mais chaque groupe peut, avec l’aide de son professeur, avancer de concert, quel que soit le héros interviewé. Le travail d’expression orale intervient quand les membres du groupe ont établi le fi l conducteur de l’entretien : certains groupes pourront préférer l’expression théâtrale directe face au groupe-classe, à eux d’aménager leur espace scénique et d’apporter les éventuels accessoires – sans disposer d’un véritable micro, on peut jouer avec une règle dont un bout est recouvert d’une boule de papier entourée de fi lm aluminium. Le lancement du reportage peut se faire comme en plateau de journal télévisé avec un présentateur général et un reporter en mission.▶ Cet atelier vise à apporter diff érentes compétences aux élèves :– acquérir des connaissances culturelles et savoir les réinvestir ;– savoir s’exprimer à l’oral en utilisant divers supports d’expression ;– être capable de se documenter en citant ses sources ;– savoir rédiger un dialogue ;– maitriser le questionnement ;– maitriser la chronologie d’un récit ;– savoir prendre ses distances avec des affi rmations ;– prendre en compte un interlocuteur.

CORRIGÉS DES QUESTIONNAIRES ET DES EXERCICES

1. Se documenter sur le héros

M. Piquemal, D. Garcia, Petite anthologie de la mythologie p. 71

▶ Comprendre1. Persée s’est équipé pour aff ronter Méduse : il a une épée (l. 20) et une besace (l. 22), ainsi que des armes défensives off ertes par les dieux, le casque d’invisibilité d’Hadès (l. 10), le bouclier poli off ert par Athéna.2. Persée ressent de l’horreur et du dégout : les Gorgones sont nommées péjorativement « monstres » (l. 11, 18) ou « créatures » (l. 1, 11, 21), elles sont qualifi ées d’« immondes » (l. 1), leur aspect est « horrible » (l. 6) et laid (l. 12). La descrip-tion de Méduse insiste sur sa laideur : elle a des « verrues » (l. 14), diverses sécrétions s’épanchent des orifi ces de sa tête (l. 14-17).

3. Les Gorgones ont des parties animales comme les défenses ou la chevelure de serpents (l. 3, 6). D’autres parties de leur corps présentent des similitudes avec les animaux : ainsi leurs ongles tels des serres de rapaces (l. 5). Méduse est spécifi que-ment décrite comme une bête (l. 14), elle rugit comme un lion (l. 20), et sa chevelure, comme celle de ses sœurs, est faite de serpents (l. 22).4. Les Gorgones peuvent attaquer les hommes comme des sangliers (l. 4). Méduse est dangereuse par son regard qui pétrifi e (l. 15).

▶ Grammaire pour dire et pour écrire1. a. Quelles armes Persée utilise-t-il ?b. Où Persée a-t-il été mis avec sa mère tout bébé ?c. Où les Gorgones habitaient-elles ?d. À quel âge Persée participa-t-il à un banquet chez le roi Polydectès ?e. De qui Persée est-il le fi ls ?f. Qu’a promis Persée à Polydectès ?

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2.

Ressource numériqueRéalise un dossier documentaire sur PerséeLe travail journalistique ne s’improvise pas : les grands

journaux disposent de services documentaires que

le journaliste peut consulter avant de rencontrer la

personnalité à interviewer.

Ce travail de recherche doit permettre de valoriser les

ressources documentaires présentes au CDI.

Les questions sont d’abord de nature biographique,

puis s’intéressent aux circonstances de l’affrontement

avec le monstre. Connaitre le devenir du héros permet

aussi de cadrer la conclusion de la future interview. Ce

travail est l’occasion d’apprendre à nommer les sources

d’information, car un(e) journaliste se doit de posséder

des sources fi ables. Comme le même travail est possible

sur le monstre affronté, le dossier documentaire peut

être réalisé en équipe de deux ou trois élèves.

ACTIVITÉ

▶ Lire en mimantToute la phase préparatoire est une occasion d’échanges oraux entre les trois lecteurs. Ils sont amenés à négocier le choix du paragraphe à lire, à déterminer le rôle de chacun durant la lecture, à préparer éventuellement des masques ou des armes factices. Ils déterminent le moment et la nature des gestes à accomplir durant la lecture.

2. Recueillir le témoignage du héros

D. Buisset, Les Douze travaux d’Hercule p. 72

▶ Comprendre1. Hercule monte sur son char avec son neveu (l. 7). Il arrive face au repaire de l’hydre (l. 8). Il lance des fl èches enfl am-mées pour la débusquer (l. 9). L’hydre sort (l. 9). Hercule fait s’écarter son neveu (l. 9-10). Hercule se saisit de l’hydre (l. 10). L’hydre s’enroule autour d’une de ses jambes (l. 10-11). Her-cule tire son épée (l. 13). Hercule commence à couper les têtes de l’hydre (l. 14-15). Plus Hercule coupe de têtes, plus nom-breuses elles repoussent (l. 15-24).2. L’hydre vivait « dans les marais » (l. 2), à proximité du bord de la mer (l. 3). Son repaire se situe « près d’une source » (l. 8).3. Hercule aff ronte seul le monstre, il écarte son neveu du lieu du combat pour le protéger (l. 10). Il saisit l’hydre à mains nues (cf. l’illustration, dont l’auteur semble s’inspirer) : au cours du corps à corps, il montre de la vigueur et déploie rageusement son énergie (l. 18-19).4. Le monstre est diffi cile à vaincre, car il se régénère : chaque tête coupée est remplacée par deux autres (l. 23-24).5. Les trois interventions de l’interlocuteur ponctuent la nar-ration d’Hercule de moments d’émotion : l’horreur, l’éton-nement, l’inquiétude. Ces interventions ne relancent pas Hercule, elles scandent le dialogue sans demander de sup-plément d’information : l’auteur a ménagé ces espaces pour rythmer la lecture pour son jeune public.

▶ Grammaire pour dire et pour écrire1. Réécriture du passage (l. 6 à 10) : « Je suis monté sur mon char de combat, avec mon neveu Iolaos pour cocher. L’hydre avait son repaire sur une colline, près d’une source. Pour la débusquer de son gîte, j’y ai lancé des fl èches enfl ammées.

Dès qu’elle est sortie, j’ai crié à Iolaos de s’écarter, et je l’ai saisie solidement ; mais elle, elle m’a saisi aussi, enroulant ses anneaux aff reux autour de l’une de mes jambes. »2. a. Je suis arrivé en char avec mon neveu Iolaos.b. J’ai utilisé des fl èches enfl ammées pour la débusquer.c. J’ai protégé Iolaos en l’écartant de la scène de combat.d. J’ai utilisé la technique du corps à corps pour me saisir d’elle.e. L’hydre s’est défendue en s’enroulant autour de mes jambes.f. J’ai essayé de lui faucher les têtes à grands coups d’épée.g. Je me suis aperçu que la tête coupée était remplacée par deux autres.h. Toutes les têtes coupées ont repoussé en double.

3. Confronter les témoignages

M. Grant, J. Hazel, Dictionnaire de la Mythologie p. 73

▶ Comprendre1. Dédale est à l’extérieur du Labyrinthe en un lieu non identi-fi é : il ne peut rien savoir du combat. Ariane fournit le fi l salva-teur, mais ne pénètre pas dans le Labyrinthe : elle ne peut rien savoir du combat. Les compagnons de Thésée sont à l’entrée du Labyrinthe : ils ne peuvent qu’entendre éventuellement des bruits étouff és du combat sans en connaitre l’issue. Thé-sée est le véritable héros du récit.2. Aphrodite, déesse de l’amour, apporte l’aide la plus précieuse.3. La fi lle de Minos, Ariane, apporte une aide indispensable.4. Ariane est tombée amoureuse du prince athénien.5. Dédale est l’architecte du Labyrinthe, il connait le moyen d’en ressortir : attacher un fi l à l’entrée, le dérouler jusqu’au lieu de l’aff rontement et le suivre pour ressortir.6. Thésée et ses compagnons arrivent près du Labyrinthe, mais Thésée s’enfonce seul dans les couloirs. Son retour prouve qu’il a tué le Minotaure, mais il est le seul témoin, car tous s’enfuient immédiatement vers le port.

▶ Grammaire pour dire et pour écrire1. a. Lignes 11 et 12, le texte laisse planer une incertitude sur l’armement de Thésée. Sa réponse doit prendre en compte l’une ou l’autre tradition (l. 13). Le texte doit expliquer pour-quoi les témoins n’ont pas vu l’épée.→ « On a dit que je n’avais pas d’épée et qu’Ariane m’en avait fourni une, c’est faux/inexact. J’avais conservé mon épée cachée dans mes vêtements... »→ « Il est vrai que, quand je suis entré dans le Labyrinthe, je ne disposais pas d’épée, mais j’en ai découvert une abandonnée par une précédente victime... »b. La question sous-entend que le témoignage de Dédale est sujet à caution, avec l’utilisation de « prétend ». La réponse doit donner la juste mesure de son rôle, le minimiser sans le nier.→ « Ariane m’a expliqué qu’elle avait obtenu de lui l’idée du peloton de fi l à dérouler. Il n’est pas venu m’aider de lui-même, il exagère un peu. »c. Le récit est antérieur à l’abandon d’Ariane sur l’ile de Naxos. Thésée peut répondre sans cynisme avec reconnaissance.→ « Ariane a dit vrai et je tiens publiquement à remercier la fi lle du roi Minos pour son aide précieuse. Son intervention auprès de Dédale a été décisive. Je lui ai proposé de s’enfuir avec moi, car elle a bravé son père pour me sauver. »

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4. Prendre en compte le héros

O. Grandon, Dieux et héros de l’antiquité p. 74-75

▶ Grammaire pour dire et pour écrire1. La première phrase doit prendre en compte les trois élé-ments grammaticaux suggérés : la périphrase verbale venir de, un adjectif qui qualifi e de façon fl atteuse l’exploit du héros, et un complément de temps qui permet de situer l’interview par rapport à l’exploit. Cette phase est celle de la captatio benevo-lentiae des discours rhétoriques – mot à mot : « la recherche de la bienveillance », c’est-à-dire la manière d’obtenir l’adhé-sion de l’auditoire dès le début. C’est aussi un moyen de faire le point pour l’auditeur ou le lecteur. La première question doit ensuite permettre au héros d’entrer dans la chronologie des évènements.Proposition : « Votre Altesse, vous venez de réaliser un exploit sans précédent. Vous avez vaincu il y a quelques jours le monstre qui terrorisait la Lycie, l’aff reuse Chimère. Dans quelles circonstances vous êtes-vous lancé dans cette aven-ture ? »2. La suite de l’histoire de Bellérophon comporte encore des épreuves imposées par le roi de Lycie, dont le héros sort vain-queur. Il fi nit même par épouser la fi lle du roi. Sa fi n cependant est teintée d’hybris, cette démesure qui abat les imprudents : Bellérophon tente en eff et de se rendre jusqu’à la demeure de Zeus sur Pégase, son cheval ailé. Zeus provoque sa chute et sa mort.L’échange fi nal ouvre sur l’avenir et les intentions du héros : la question utilise le futur simple ou le futur périphrastique (aller + infi nitif ) ; la réponse du héros tient compte des don-nées mythologiques recherchées ; la conclusion doit garder une tonalité polie, voire déférente ou admirative. Proposition :JOURNALISTE – Bellérophon, quels sont aujourd’hui vos pro-jets ? Envisagez-vous d’autres aventures ?BELLÉROPHON – Le roi de Lycie désire me confi er d’autres missions périlleuses. J’espère me montrer digne de sa confi ance. Un jour, cependant, je pense rejoindre mon père sur le dos de Pégase.JOURNALISTE – Voici des projets qui intéresseront, j’en suis sûr, nos lecteurs/auditeurs. Je vous remercie de toutes ces informations et vous souhaite un grand succès.

▶ Comprendre1. Les parties de texte à considérer sont « surlignées » dans la marge de gauche avec la numérotation :

– première partie (l. 1 à 6) : mettre en valeur dans le titre le danger caché du message ;– deuxième partie (l. 7 à 12) : mettre en valeur le risque encouru ou la férocité du monstre ;– troisième partie (l. 12 à 21) : mettre en valeur l’aff rontement ;– quatrième partie (l. 22) : mettre en valeur le retour victo-rieux.2. Bellérophon ne se rend pas compte que le message qu’il transporte est en fait sa condamnation à mort. Il va vers un destin funeste en toute inconscience. La situation est tra-gique.3. Le roi de Lycie est tenu, de par les lois de l’hospitalité, à ne pas mettre à mort son hôte. Sa ruse consiste à confi er à Bellé-rophon une mission impossible à remplir sans risquer sa vie. Il se joue de la naïveté du héros.4. Bellérophon fait preuve d’intelligence : il ne se rue pas sur la Chimère, mais réfl échit à une tactique d’approche, l’attaque aérienne (l. 16). Par ailleurs, il a anticipé la contrattaque de la Chimère en se munissant de plomb pour étouff er ses fl ammes (l. 19-21). Bellérophon fait non seulement preuve de vaillance et de courage, mais il se montre aussi avisé et prudent.

Activité fi nale p. 75

Cette tâche fi nale ne demande pas à être réalisée entièrement en classe. Les étapes préliminaires ont familiarisé les élèves avec les quatre héros (Persée, Hercule, Thésée et Belléro-phon). Le travail doit simplement être planifi é :– se documenter sur le héros et le monstre choisis ;– rédiger le dialogue au cours duquel le héros détaille l’aff ron-tement ;– reprendre le dialogue en y insérant des témoignages contradictoires ou en demandant une précision ;– prendre soin de rédiger l’ouverture et la fermeture du dia-logue.Il est préférable de réaliser ces quatre étapes en classe, éven-tuellement en utilisant le traitement de texte pour éviter la lassitude de la reprise de l’écrit. Avant la restitution orale ou visuelle, une séance de remue-méninges collective est néces-saire pour établir un cahier des charges, ne serait-ce que pour convenir des critères d’évaluation. On trouve, sur YouTube par exemple, des didacticiels pour la réalisation d’interview : une séance guidée d’observation du travail de l’interviewer peut aider à la mise en œuvre. La réalisation technique est laissée au choix des élèves, selon leurs moyens ou leurs capacités techniques : la saynète jouée ou enregistrée sera l’objet d’une évaluation collective.