Le Monde 29 Novembre

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Page 1: Le Monde 29 Novembre

Mardi 29 novembre 2011 - 67e année - N˚20794 - 1,50 ¤ - France métropolitaine - www.lemonde.fr --- Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directeur: Erik Izraelewicz

Algérie 150 DA, Allemagne 2,00 ¤, Antilles-Guyane 2,00 ¤, Autriche 2,40 ¤, Belgique 1,50 ¤, Cameroun 1 500 F CFA, Canada 4,25 $, Côte d’Ivoire 1 500 F CFA, Croatie 18,50 Kn, Danemark 25 KRD, Espagne 2,00 ¤, Finlande 2,50 ¤, Gabon 1 500 F CFA, Grande-Bretagne 1,50 £, Grèce 2,20 ¤, Hongrie 700 HUF, Irlande 2,00 ¤, Italie 2,20 ¤, Luxembourg 1,50 ¤, Malte 2,50 ¤,Maroc 10 DH, Norvège 25 KRN, Pays-Bas 2,00 ¤, Portugal cont. 2,00 ¤, Réunion 1,90 ¤, Sénégal 1 500 F CFA, Slovénie 2,20 ¤, Suède 30 KRS, Suisse 3,00 CHF, Tunisie 2,00 DT, Turquie 6,50 TL, USA 3,95 $, Afrique CFA autres 1 500 F CFA,

A u Maroc, il n’y a pas eu de«printemps arabe ». Danscette élégante pointe ouest

de l’aire islamique arabe, on a pro-cédé autrement. Au pouvoirdepuis le XVIIe siècle, la monarchiechérifienne a devancé la pressionde l’opinion. Le roi Mohammed VIa fait adopter en juin, par référen-dum, une réforme de la Constitu-tion. Elle va dans le sens de ladémocratie; elle donne plus depouvoir au Parlement; elle assoitl’autorité du futur premier minis-tre, face au Palais – même si le sou-verain reste le maître suprêmede la décision politique.

Pourtant, là aussi, comme enEgypte, en Libye et en Tunisie,les islamistes gagnent du terrain.L’islam politique est le grandvainqueur des élections législati-ves du vendredi 25 novembre auMaroc. Et, pour la première foisdans l’histoire moderne du pays,

le poste de chef du gouvernementdevrait être occupé par le numéroun du courant islamiste,Abdelillah Benkirane.

C’est une date qu’on retiendra,au Maghreb comme en Europe.

On peut toujours ergoter. Fairevaloir que sur 21 millions d’élec-teurs potentiels – dans un pays de32 millions d’habitants –, seuls13millions étaient inscrits, et quemoins d’un tiers de ceux-là ontvoté pour la formation deM.Benkirane.

Mais le jeu de la démocraties’est exercé librement et ce seraitmauvaise querelle que de contes-ter la victoire de ce Parti de la jus-tice et du développement (PJD),qui va disposer de 107 sièges surles 395 du Parlement marocain.

Là comme ailleurs les islamis-tes recueillent les fruits d’un longtravail d’opposition. Ils ont legrand mérite d’avoir su consti-tuer auprès des plus pauvres unréseau d’assistance sociale pourpallier les carences d’un appareild’Etat rongé par la corruption.Le PJD l’emporte dans toutes lesgrandes villes, là où, dans d’indi-gnes bidonvilles, s’entassentdes populations misérables.

Les islamistes ont adapté leurdiscours à l’air du temps dans dessociétés qui, comme l’est tout par-ticulièrement le Maroc, sont géné-reusement ouvertes sur le mondeextérieur. Ils affichent leur déter-mination à combattre la corrup-tion. Ils accordent la priorité au«social ». Ils n’ont pas de doctrineéconomique précise – et sont sou-vent, en la matière, très libéraux.

Avancent-ils avec un program-me politique masqué ? L’inten-

tion de soumettre la société auxrigueurs de l’islam fondamental ?Sur les questions « sociétales »,et notamment celle, déterminan-te, du statut de la femme,le PJD n’a pas caché ses optionsréactionnaires.

Il a lutté en vain contre la gau-che et le Palais quand il s’est agide repousser l’âge du mariagedes jeunes filles de 15 à 18 ans,de limiter la polygamie et la tutel-le des hommes sur les femmesde la famille. Appelons cela com-me on veut – conservatismeou fondamentalisme –, maisne l’ignorons pas.

M.Benkirane devra s’allier à lagauche pour former un gouverne-ment. Il sera investi d’une respon-sabilité historique : prouver l’apti-tude des islamistes à gouvernerun pays aussi diversifié et comple-xe que le Maroc de 2011. p

Pages3,4, et Débats p.22-23

Social En novembre, une série d’usines produisant pourde grandes marques occidentales (Apple, IBM, Nike...)ont connu des grèves massives. Les ouvriers craignentdes délocalisations vers l’intérieur du pays. P. 18

Politique Face à une crise sans précédent, l’UMP misesur l’exaltation du sentiment national pour accentuerle clivage avec le PS et séduire l’électorat populaire. P.11

Durban,

le 27 novembre.

La «Marche pour

la vie», une

chaîne humaine

de 3 kilomètres

pour réclamer

une justice

climatique.

ALEXANDER JOE/AFP

«Printemps arabe» Les législatives égyptiennes ontdébuté lundi 28 novembre sans enthousiasme. Lapopulation redoute l’opacité du mode de scrutin et leflou entourant les attributions des futurs députés. P.4

Débats Dans une tribune libre, le candidat socialistedéfend son choix de faire passer la part du nucléairede 75 % à 50 % de la production d’énergie. P.23

J e ne veux ni victimiser ni culpa-biliser, mais montrer que nousavons été conditionnés de géné-

ration en génération à des croyan-ces sans fondement. » Dans unentretien au Monde, Lilian Thu-ram explique ce qui l’a poussé àdevenir l’un des commissaires del’exposition « Exhibitions, l’inven-tion du sauvage ». Issu du livreZooshumains, coordonné parl’his-torien Pascal Blanchard, ce par-cours proposé au Musée du quaiBranly, à Paris, aide à comprendre,estime l’ex-star du football, « lemécanisme du racisme. On a dumalà lecroire, maisl’arrière-grand-père de Christian Karembeu a étémontré,en 1931, dansunecage com-me cannibale ». p Lire page24

L’économie de la zone euroaffrontelamenaced’unedécennie sans croissance

Editorial

«Mapolitiquenucléaire»,parFrançoisHollande

UnevaguedegrèvestouchelaChinedesusines

Droite et gauche se disputentle thème de la nation

Quiveutencoreunaccord sur le climat?t A Durban, 193 pays sont réunis pourlimiter le réchauffement planétaire P. 10 et 23

L’Egyptepost-Moubarakvotepourlapremièrefois

LeMondeEconomie

Quandle«sauvage»étaitexhibé

t L’OCDE anticipe six mois de récession en zone euro, suivis d’une reprise très lentet L’Allemagne et la France envisageraient le lancement d’euro-obligations triple A

UK

pric

1,50

L a zone euro est-elle en train de s’enfoncerdans une période sans croissance compa-rable à celle qu’a connue le Japon dans les

années 1990 ? Plusieurs voix, dont celle de ladirectrice du FMI, Christine Lagarde, semblentprivilégier ce scénario. La plupart des écono-mistes tablent sur une longue séquence depurge pendant laquelle l’Europe devra sedésendetter, mais aussi changer durablementde modèle.

Les prévisions semestrielles publiées parl’OCDE, lundi 28 novembre, vont dans ce sens.

Elles annoncent une décélération très nette dela croissance mondiale, et pour la zone euroune nouvelle récession : – 1 % au quatrième tri-mestre 2011 et – 0,4 % au premier trimestre2012. L’économie pourrait ensuite repartir,mais sur un rythme très lent.

En France, l’économie devrait caler au qua-trième trimestre, et le taux de chômage pour-rait atteindre 10,4 % fin 2012 (contre 9,2 % en2011). Le ministre de l’emploi, Xavier Bertrand,a d’ailleurs reconnu dimanche 27 novembre,avant même qu’ils soient rendus publics, que

les chiffres du chômage du mois d’octobre nesont « pas bons ».

Face à la menace de dégradation des notes del’ensemble des dettes souveraines européen-nes, relancée par la publication d’une étudecatastrophistede l’agence Moody’s,des initiati-ves pour consolider la zone euro se préparent.

Ainsi, l’Allemagne et la France travaille-raient sur le projet de création d’euro-obliga-tions triple A émises par le club des six paysayant les meilleures notes dans la zone euro.p

Lire pages16, 17 et18

Au Maroc, les islamistes et le test du pouvoir

Les 147 sociétésqui tiennent l’économiemondiale. Supplément

Leregard dePlantu

Page 2: Le Monde 29 Novembre

Les indégivrables Xavier Gorce

Société éditrice du « Monde » SAPrésident du directoire, directeur de la publication Louis DreyfusDirecteur du « Monde », membre du directoire, directeur des rédactions Erik Izraelewicz

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0123est édité par la Société éditrice du « Monde » SADurée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 149 017 497 ¤. Actionnaire principal : Le Monde SA.

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ChisinauEnvoyé spécial

Elle a chaussé des lunettes auxbranches épaisses, trop sévè-res, et rassemblé ses cheveuxen un chignon volumineux.On jurerait qu’elle cherche à sevieillir. Sur son pupitre, un

iPad en guise d’antisèche. Les invités s’ins-tallent, les caméras glissent. Comme tousles soirs de la semaine, Natalia Morari,27ans, s’apprête à animer un débat de qua-tre-vingt-dix minutes sur la chaîne privéemoldave Publika. En toute liberté. Ce n’estpas rien.

Il y a deux ans, en avril 2009, NataliaMorari était une des figures de proue de la«révolution Twitter», cette éruption de lajeunesse moldave, contestant la mainmi-secommuniste sur le pouvoir. Les réseauxsociaux avaient joué un rôle décisif, parl’intermédiaire des SMS, de Twitter oud’Odnoklassniki, l’équivalent russe deFacebook.

Au moment de ce maelström, c’est versla jeune femme qu’avaient afflué lesmédias du monde : elle était un visagedéjà connu. En décembre 2007, la journa-liste avait été expulsée de Russie, où ellevivait depuis cinq ans, après avoir écrit surla corruption. « Je devrais envoyer une car-te postale au patron du FSB [services spé-ciaux russes] de l’époque pour le remer-cier ! », rit-elle.

Après la révolution Twitter, des élec-tions législatives avaient permis l’arrivéeaux affaires de l’Alliance pour l’intégra-tion européenne, regroupant plusieursformations. Une Alliance aujourd’huisous haute tension, qui a déçu de nom-breux partisans, malgré des réformes évi-dentes. « Après huit ans sans concurrencepolitique, sous les communistes, une nou-velle élite ne peut pas apparaître en unenuit», note Natalia Morari.

La jeune journaliste en est l’incarna-tion, la liberté d’expression en Moldavie aprogressé à pas de géant depuisavril 2009. Le débat public rappelle – àl’échelle d’un petit pays de 3,5 millionsd’habitants – la Russie des années 1990,avant la glaciation poutinienne. Mais,d’un point de vue politique, c’est plutôt

l’Ukraine qui vient à l’esprit, celle d’aprèsla «révolution orange ».

Là-bas, à force de se déchirer, le camp dit«proeuropéen » avait permis le retour duparti russophone au pouvoir, début 2010.« L’exemple ukrainien est instructif, recon-naît le ministre des affaires étrangèresmoldave, Iurie Leanca. L’Alliance doit seconcentrer sur ce qui nous unit, et pas cequi nous divise. Nous sommes trop latinsdans notre façon de rendre publiques nosdisputes.»

Depuis deux ans, la Moldavie n’a pas deprésident, faute de majorité au Parlement.Une anomalie quijure sur le tableau idylli-que peint par les dirigeants européens,qui veulent ériger la Moldavie en succès,rare dans l’espace postsoviétique. Les paysbaltes ? Dans l’Union européenne (UE)depuis longtemps. L’Ukraine? Elle dérive.La Biélorussie ? Elle est perdue. La Géor-gie? Belle réussite, mais lointaine. La Mol-davie? Pas mieux ! D’où un soutien finan-cier important à Chisinau, 550 millionsd’euros prévus entre 2010 et 2014. Et unaccueil triomphal réservé à Bruxelles aupremier ministre moldave, Vlad Filat. « Çame fait penser à Gorbatchev, qui, avant lafin de l’URSS, était reçu sous les vivats àl’étranger, alors que les étagères étaientvides au pays », note Natalia Morari.

En Moldavie, les étagères sont pleines,mais les campagnes sous-développées.Malgré la croissance économique (+ 6,9 %en 2010), le pays reste le plus pauvre d’Eu-rope. Près d’un Moldave sur quatre tra-vaille dans un autre pays du continent ouen Russie. « Dire que le premier ministre,M. Filat, est réformateur et proeuropéen,c’est de la pure propagande, prétend InnaSupac, jeune député communiste. Endisant que la Moldavie est un succès, l’UEaccorde un crédit illimité au gouverne-ment actuel. »

Pays roumanophone au sud-ouest del’Ukraine, la Moldavie a appartenu à laRoumanie entre 1918 et 1940, avant detomber sous le joug soviétique. Indépen-dante depuis vingt ans mais écarteléeentre deux langues et deux cultures, ellecherche à affirmer son identité et sonambition européenne. Mais il faudraitque les députés y mettent du leur.

Longtemps, l’Alliance n’a disposé quede 59 sièges, soit deux de moins que lamajorité nécessaire pour désigner le chefde l’Etat. A l’approche du vote prévu le18 novembre, trois dissidents des rangscommunistes étaient prêts à se joindre àla coalition. A leurs conditions. Résultat :pas de candidat du tout,et un nouveau pasfranchi vers des élections anticipées auprintemps 2012, souhaitées par les com-munistes pour prendre leur revanche sur2009.

Ces élections pourraient compromet-tre les efforts du gouvernement moldave,qui mise sur l’intégration européenne,malgré la crise au sein de l’Union. Selonun sondage récent, 47 % des Moldavessont en faveur d’une intégration dansl’UE, le plus faible niveau depuis près de

dix ans. Les discussions se poursuiventavec Bruxelles sur un accord d’associa-tion et un autre portant sur le libre-échan-ge. Surtout, le pays aimerait être prêt dèsla fin 2012 pour une levée des visas.

Dans son bureau décoré d’icônes et dedrapeaux, Dorin Chirtoaca, le maire deChisinau, qui est aussi un des leaders duParti libéral (membre de l’Alliance), selamente sur les occasions manquées parson pays depuis 1991 pour s’arrimer à l’Eu-rope. La faute en revient, selon lui, à la clas-se politique dans son ensemble. « Il y a dixpersonnes maximum au Parlement quisont limpides comme du cristal, non impli-quées dans des scandales. Le principalobjectif des élus est d’avoir le plus d’in-fluence possible et de s’enrichir. »

Face à la soif de revanche des commu-nistes, la droite veut consolider sonemprise. Cela passe par la maîtrise desadministrations-clés. Le premier minis-tre a lui-même dénoncé la« mafiaïsation » de certaines institutions.« Une fois au pouvoir, les partis de l’Allian-ce se sont partagé les portefeuilles, ce quiest classique, explique le politologue IgorDotan. Mais, ensuite, ils se sont réparti lesinstitutions publiques, qui ne devraientpas être politisées, comme la Haute Courde justice, le Service d’information et desécurité [services spéciaux], le parquetgénéral, etc. »

L’historien Petru Negura, lui, soulignela polarisation de la politique moldave etla faible culture du compromis. « Lesgrands partis sont orientés selon des fac-teurs géopolitiques et non pas politiques,dit-il. Le clivage est trop fort entre les com-munistes, qui se revendiquent du passésoviétique, et les libéraux, qui sont surtoutdes nationalistes roumanophones. J’aime-rais qu’un projet civique consolide toute lasociété moldave. »

Même les partisans de l’Alliance, quiavaient facilité son avènement, sontdéçus. Ghenadie Brega, 36 ans, un des fon-dateurs de l’ONG Hyde Park, était l’un desanimateurs de la révolution Twitter. Ilavait été accusé de tentative de coupd’Etat. Le 7 avril 2009 au matin, la policeétait venue chez lui et avait confisqué sesordinateurs. Pendant ce temps, les débor-dements commençaient. Les bâtimentsdu Parlement et de la présidence étaientpris d’assaut par la foule, avec une facilitétroublante. « Le pouvoir a changé, mais lesmauvais côtés de l’administration sont res-tés, dit-il. Personne ne veut établir la véritésur le 7 avril. Ils ne comprennent pas lanécessité de la transparence. »

Aujourd’hui, Ghenadie Brega travaillepour Curaj.net, un site d’information. Ilvante la lente maturation d’une citoyen-neté sur la Toile, où apparaissent des cen-taines de témoignages de Moldaves racon-tant leurs démêlés avec les autorités. « Larévolution Twitter était une explosiondont peu de monde a saisi l’importance.Les jeunes ont compris qu’ils avaient unenouvelle arme, Internet. Au siècle dernier,il y avait les samizdats [écrits dissidents àl’époque soviétique]. Maintenant, on al’hypertexte et les vidéos. » p

Piotr Smolar

page deux

L e « roi » de la RATP vient deperdre une bataille judiciai-re dans la guerre sordide qui

l’oppose à ses multiples contra-dicteurs. Depuis la fin août, l’an-cien responsable du syndicatUNSA-commercial, GwenaëlEslan, est au cœur d’un scandalequi a éclaté à la suite d’une lettreanonyme envoyée au présidentde l’entreprise de transport, Pier-re Mongin. Dans ce courrier, lesyndicaliste est accusé d’entrete-nir des relations de connivenceavec la direction et de réclamerdes faveurs sexuelles à des sala-riées en échange d’un coup depouce à leur déroulement de car-rière. Son pouvoir serait si grandet exercé de façon si despotiqueque certains le comparent à unmonarque absolu.

Après la lettre du « corbeau »,d’autres protagonistes sont sor-tis du bois. Parmi eux, il y a Mou-rad Ghazli. Cet ex-adhérent del’UNSA-commercial a témoigné àmaintes reprises dans les jour-naux et à la télévision. Ses décla-rations au lance-flammes ontvisé M. Eslan, mais aussi la direc-tion de la RATP – laquelle a portéplainte pour diffamation et enga-gé une procédure disciplinairepouvant aller jusqu’à la révoca-tion.

Sur son blog, M. Ghazli a misen ligne, pendant quelques jours,deux documents troublants. Lepremier est une vidéo représen-tant M. Eslan lors d’un repas d’an-niversaire. Dans cet enregistre-ment, le syndicaliste chante,micro en main, entouré de plu-sieurs hauts dirigeants de laRATP.

L’autre document est une pho-tographie prise dans un bureauoù l’on voit une femme en sou-tien-gorge et deux hommes, dont

l’un, assis, est présenté commeétant M. Eslan. Sur son blog,M. Ghazli a écrit qu’il s’agissaitd’un cliché de «partouze qui[avait] eu lieu sur le temps de tra-vail et naturellement avec une for-te consommation d’alcool ».

Estimant que la diffusion deces images portait atteinte à savie privée, M. Eslan a saisi en réfé-ré le tribunal de grande instancede Créteil pour obtenir leurretrait. Il voulait également queM.Ghazli soit condamné à lui ver-ser une indemnité en réparationdu préjudice subi.

«Droit à l’information»Les deux documents ont été

soustraits du blog avant mêmel’audience. Quant à la demanded’indemnisation, elle a été reje-tée dans deux décisions renduesle 18 novembre. Le juge a estiméqu’aucune des personnes figu-rant sur la photo ne pouvait êtreidentifiée de façon indiscutable.S’agissant de la vidéo, il a considé-ré que celle-ci avait « pour objetde montrer (…) la réalité des rela-tions que M.Eslan entretenaitavec sa hiérarchie au sein de l’en-treprise ainsi que leur caractèreparticulièrement amical, si cen’est très chaleureux ». La diffu-sion de l’enregistrement était jus-tifiée car elle procédait « de l’exer-cice légitime du droit à l’informa-tion», a ajouté le tribunal dansson ordonnance.

M. Eslan a été condamné àpayer 2 500 euros à M. Ghazli autitre des frais de justice. Il ne ferapas appel, indique son avocat,Me Richard Forget, mais a l’inten-tion d’engager une autre action,pour diffamation cette fois, à lasuite de propos tenus par M. Gha-zli sur Lepoint.fr. p

Bertrand Bissuel

Natalia Morari, l’une des figures de proue de la « révolution Twitter», anime désormais

un débat sur une chaîne privée moldave. PIOTR SMOLAR

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Président : Louis DreyfusDirectrice générale :Corinne Mrejen

La riposte judiciaire ratéedu «roi» de la RATP

Les dirigeantseuropéensveulentériger laMoldavie

ensuccès, rare parmi les nationsentransition dans l’espace

postsoviétique.D’où unsoutienfinancierimportant

«Le clivage est trop fortentreles communistes,

qui serevendiquentdu passésoviétique,

etles libéraux,qui sontsurtoutdesnationalistes

roumanophones»Petru Negura

historien

Reportage Deux ans après sa «révolution Twitter», la Moldavie fait figurede modèle de transition pour l’UE. La coalition au pouvoir rêve d’intégrationeuropéenne. Mais elle ne parvient même pas à désigner un chef d’Etat

LaMoldavieendéprimepostrévolutionnaire

0123Mardi 29 novembre 2011

Page 3: Le Monde 29 Novembre

international

nous présente son oncled’Amérique

Dimanche soir 27 novembre, des partisanes du PJD fêtent leur victoire dans les rues de Rabat. JOHAN ROUSSELOT/SIGNATURES POUR « LE MONDE »

RabatEnvoyée spéciale

E uphoriques,plusieurscentai-nes de militants ont fêté,dimanche soir 27 novembre,

la victoire du Parti de la justice etdu développement (PJD) aux élec-tions législatives marocaines.Dans un concert de klaxons et dechants, drapeaux arborant le logodu mouvement – une lanterne –auxportières, un convoidevéhicu-les a parcouru les rues de Rabat, ducentre jusqu’au quartier populai-re Yacoub El-Mansour, pour célé-brer cet événement «historique » :pour la première fois dans l’histoi-re du royaume chérifien, un partiislamiste dirigera le prochain gou-vernement.

Selon les résultats définitifsannoncés quelques heures plustôt par le ministère de l’intérieur,le PJD distance nettement sesconcurrents, avec107siègesau par-lement sur 395. L’Istiqlal, le plusvieux parti marocain, dont le chefde file, Abbas El-Fassi, occupeactuellement la fonction de pre-mier ministre, arrive en deuxièmeposition avec 60 sièges, suivi parle Rassemblement national desindépendants (RNI) du ministredes finances, SalaheddineMezouar (52 sièges), et le Partiauthenticité et modernité (PAM,47 sièges), dernier-né de la classepolitique, créé par Fouad El-Him-ma, un proche du roi Moham-med VI. Ces deux derniers partis,regroupés avec six autres au seind’une coalition baptisée « G8 »dans le but affiché de faire barrageaux islamistes, ont essuyé unéchec cinglant et rejoignent lesrangs de l’opposition.

Le PJD, qui ne disposait jusqu’àprésentquede47sièges,s’estimpo-sé dans la quasi-totalité des gran-

des circonscriptions urbaines, àCasablanca(19sièges),Rabat (13siè-ges),Tanger(12 sièges),Agadir,Mar-rakech ou Meknès. A Kenitra, dontildirige déjà la municipalité, le par-ti islamiste a obtenu 36 000 voixcontre 17 000 lors des électionslégislatives de 2007. Sans attendre,dès samedi soir, des sympathi-sants s’étaient réunis au siège localdu parti où du lait et des dattes leurétaient offerts. «Ça change du goûtamer d’avant », ironisait un mili-tant, tandis que la salle entonnait àpleins poumons « les corrompusdoivent quitter le pays ! ».

A Rabat dimanche soir, au QGdu PJD situé dans le quartier chicdes Orangers, son secrétaire géné-ral, Abdelillah Benkirane, 57 ans,s’est présenté devant la foulepoing levé avant de saluer le rôledu « printemps arabe » qui, a-t-ildéclaré, « nous a donné un grandsouffle ». Cabotin, mettant lesrieurs de son côté, cet ancien ensei-gnant devrait devenir le prochainchef du gouvernement, sauf si leroi, qui garde, selon la nouvelleConstitution, la possibilité de dési-gner la personnalité qu’il souhai-te au sein du parti gagnant, en

décide autrement. Fustigeant lerôle, dans l’ombre, des conseillersde Mohammed VI dans la gestiondu royaume, y compris la nomina-tion de ministres, M. Benkirane aassuré: «Cette période-là est termi-née : la prochaine étape, c’est le

PJD qui va gérer cela, avec le roi. »Quant aux relations avec le

palais, le chef du PJD a livré saméthode – « ne pas faire intervenirle roi à tout bout de champ » – etdonné pour consigne aux futursministres de « ne pas attendre, surle plan social, que le roi dise “faisceci ou cela” mais aller de l’avant :vous pouvez lui dire courtoisementque quelque chose “n’est pas possi-ble”, et s’il le veut quand même, ehbien, comme on est entré au gou-vernement, on peut en sortir ».

Au PJD et à ses alliés, il revien-dra surtout de mettre en œuvre ladizaine de lois organiques prévuesdans la nouvelle Constitutionadoptée par référendum il y a cinqmois, et pas des moindres puis-qu’elles concernent des sujets aus-si sensibles que les partis politi-ques, la question amazigh (berbè-re), le droit de grève ou le statut desmagistrats. Pour cela, le PJD, quin’a pasobtenu lamajorité auParle-ment, n’a pas d’autre choix que decomposer un gouvernement decoalition avec d’autres partis. Etparmi les éléments de nature àrelativiser son succès, hormis lenombre de personnes inscrites surles listes électorales (13,5 millions

sur une population en âge de voterestimée à22 millions), près de 20 %des bulletins seraient nuls.

Les négociations ont donc com-mencéavec la Koutla, unecoalitionquiréunitl’Istiqlal, l’Unionsocialis-te des forces populaires (USFP,39 sièges) et le Parti du progrès etdu socialisme (PPS, 18sièges). Maisde ce côté-ci, les débats vont bontrain.«Cen’estpasunedécisionsim-ple à prendre », admet Nabil Benab-dallah, secrétaire général du PPS,qui fait état de divisions internes«entre ceux qui restent sur l’incom-patibilité entre la gauche et les isla-mistes et ceux qui pensent qu’il y ades choses en commun comme lalutte contre la corruption ». Beau-coup ont en effet encore en tête lesvifs échanges avec le PJD lors de larévision, en 2004, de la Moudawa-na,lecodedelafamillequiarepous-sé l’âge légal du mariage de 15 ans à18ans,misfinàlatutelle dupèreoudu frère, et limité la polygamie.

Pour d’autres, le risque de refu-ser un gouvernement de coalitionserait supérieur car cela pourraitêtre perçu par l’opinion publiquemarocaine, comme « une manœu-vre d’empêchement du verdictdémocratique des urnes », selon

l’un des responsables de la Koutla.« Le système d’apprenti sorciermarocain est ainsi fait qu’il nousmet en situation de devoir sauverles meubles », peste M. Benabdal-lah. Pour M. Benkirane, les « diffé-rends idéologiques » ne sont pas

un obstacle : « Nous avons déjà descoalitions avec ces partis dans lescommunes», explique-t-il.

Le PJD lorgne aussi le Mouve-ment populaire (MP, berbéropho-ne), qui dispose de 32 sièges. « Et sirien n’est possible, précise Reda Ben

Khaldoun, député et membre de ladirection, nous sommes prêts à res-ter dans l’opposition. » L’hypothèseouvrirait une crise certaine, maiselle semble peu probable.

Vingt-quatre heures après levote, la première réaction à l’acces-sion au pouvoir du PJD a pris la for-me d’une petite manifestationorganisée samedi à Rabat par uncollectif baptisé « Les femmes arri-vent». Dimanche, au côté du Mou-vement du 20 février, sa principaleanimatrice, Amina Brida, profes-seur d’histoire-géographie, défi-lait encoreavec deux dessinssursapancarte: à gauche, une femme enT-shirt « collection printemps ara-be », à droite, une autre dissimuléesous un voile intégral « collectionautomne démocrate ». « Personnene veut parler de laïcité, même pasla gauche qui a peur, mais nous, onva le faire », promettait-elle. p

Isabelle Mandraud

LeParti dela justiceetdudéveloppement

s’estimposé danslaquasi-totalité

descirconscriptionsurbainesimportantes

Maroc:versun gouvernementdirigéparlesislamistesAprèssavictoireaux législatives, lePJDdoitmaintenantconstituerunecoalitiongouvernementale

Pour lesmilitants du Mouvementdu 20 février,lavictoiredu PJD «nechange rien»

Lacoalition «G8»,dontle but affiché

étaitdefaire barrageauxislamistes,

aessuyéun écheccinglant

RÉSULTATS AUX ÉLECTIONS LÉGISLATIVES MAROCAINES,en nombre de sièges et par ordre de score

SOURCE : LE MONDE

Parti de la justiceet du développement

107

Parti de l’Istiqlal60

Rassemblementnational des indépendants

52

Parti authenticitéet modernité

47

Mouvementpopulaire32

Unionconstitutionnelle23

Union socialistedes forcespopulaires39

PPS 18

Autres17

395 élus

RabatEnvoyée spéciale

Plusieurs milliers de personnesont défilé, dimanche 27novem-bre, dans une soixantaine de vil-les marocaines à l’appel du Mou-vement du 20février, qui avaitappelé au boycottage des élec-tions législatives anticipées duMaroc. « Dégage, le Makhzen[appellation courante du systèmepolitique fondé sur l’allégeanceau roi], le Maroc est libre ! », ontscandé les manifestants à Rabat.

Pour ces militants qui contes-tent dans la rue le pouvoir maro-cain depuis des mois, en récla-mant une monarchie parlemen-taire et la fin de la corruption, lavictoire du Parti de la justice et dudéveloppement (PJD) « ne changerien ». « Le PJD n’a jamais soutenule Mouvement, affirme NajibChaouki, l’un de ses animateurs. Ilutilise un discours conservateur àdestination des gens qui pensentque le problème au Maroc estmoral, ce qui ne répond pas aux

problèmes ni aux aspirations.»Minoritaires, ces protestataires

ne sont jamais parvenus à élargirleur audience dans la sociétémarocaine en proie à des difficul-tés économiques et sociales, maisils ont contribué à libérer la paro-le et soumis le palais royal à uneréelle pression. Trois semainesaprès le début du mouvement, nédans le sillage du «printemps ara-be», le roi Mohammed VI avaitpris les devants en annonçant larévision de la Constitution soumi-se à référendum le 1er juillet puisl’organisation d’élections.

Frères ennemis islamistesHétéroclite, le Mouvement du

20février associe des jeunes laï-ques, des militants de la gaucheradicale et des islamistes de Jus-tice et bienfaisance, une organisa-tion tolérée mais non reconnuepar les autorités. « Les référencesdu PJD et les nôtres sont islamistes,mais sur le plan politique, il y aune grande différence, souligneOmar Iharchane, membre de la

direction de Justice et bienfaisan-ce. Eux pensent qu’ils peuventchanger de l’intérieur les institu-tions, nous non, car le pouvoir esttoujours entre les mains du roi. »

Les frères ennemis islamistesdivergent sur la nature du régimemarocain: les premiers se disentmonarchistes et islamistes; lesseconds ne reconnaissent pas leroi comme le commandeur descroyants. « Nous voulons un Etatcivil, démocratique », affirmeMoustapha Oussema, employédans une mission occidentale,membre de Justice et bienfaisan-ce et de la coordination du Mouve-ment du 20 février de Rabat. « Cen’est pas parce que le PJD a unebase populaire qu’il a remporté lesélections, poursuit-il, mais parceque les Marocains ont tout essayé,la gauche, les libéraux, et qu’ilsveulent, aujourd’hui, lui donner sachance.»

L’échec de la gauche appelée,en 1998, à diriger un gouverne-ment d’alternance avec à sa têteAbderrahmane Youssoufi, chef de

file de l’Union socialiste des for-ces populaires (USFP), est abon-damment cité par le Mouvementdu 20février pour refuser toutcompromis avec le pouvoir.

Confronté aux premières mani-festations organisées après la vic-toire du PJD, son secrétaire géné-ral, Abdellilah Benkirane, s’est dit« prêt à dialoguer avec eux à n’im-porte quelle heure». « Le Mouve-ment du 20 février est un mouve-ment social, on doit l’écouter, a-t-ilajouté, mais il doit tenir comptedu fait que ces élections ont ététransparentes. »

Dans le cortège de Rabat, aumilieu des slogans qui ironisaientsur l’« offrande royale du PJD »,Moustapha Mouchtari, ex-respon-sable des jeunes du parti islamistevictorieux dans les urnes, maistoujours militant, défilait lui aus-si : « Je peux être en désaccord avecquelques détails mais pas sur lastratégie globale du mouvement. »D’autres manifestations sont pré-vues dans les jours prochains. p

I. M.

30123Mardi 29 novembre 2011

Page 4: Le Monde 29 Novembre

J our après jour, le régime syrienest de plus en plus isolé sur lascène internationale. Après

avoir suspendu Damas de ses ins-tances, la Ligue arabe a adopté,dimanche 27 novembre au Caire,des sanctions économiques sansprécédent contre un de ses Etatsmembres, alors que les violencesont causé 47 morts durant le week-end en Syrie. Les mesures, dontl’entrée en effet est « immédiate »,comprennent notamment l’arrêtdes transactions avec la Banquecentrale syrienne.

Le ministre syrien des affairesétrangères, Walid Al-Moallem,avait dénoncé une volonté d’inter-nationaliser la crise syrienne,avant même la réunion des minis-tres arabes des affaires étrangèresau Caire. « Tout ce que nous fai-sons, c’est pour éviter une solutionvenant de l’étranger, a rétorqué lepremier ministre du Qatar,Hamad Ben Jassem Al-Thani, char-gé du dossier syrien au sein de l’or-ganisation panarabe. Mais si lacommunauté internationale voitque nous ne traitons pas la ques-tionde manière sérieuse, je ne peuxpas garantir qu’il n’y aura pas d’in-tervention étrangère. »

La Ligue arabe a, une nouvellefois, enjoint les dirigeants syriensde mettre en application la« feuille de route », qu’ils avaientacceptée « sans condition » le9 novembre mais jamais l’appli-quer. Elle prévoyait l’arrêt de larépression, qui a causé plus de3500 morts en huit mois, le retraitdel’armée, lalibération desprison-niers d’opinion et l’envoi d’obser-vateurs arabes. Elle devait être sui-vie, deux semaines plus tard, parl’ouverture d’un dialogue avecl’opposition.

Seuls deux pays arabes ontannoncé leurintention de se disso-cierdes sanctions adoptées diman-che: il s’agit du Liban et de l’Irak, cequi affaiblit nettement leur por-tée. La contrebande entre la Syrieet le Liban est notoire et certainesbanques libanaises servent déjà àcontournerles sanctionsaméricai-nes et européennes en vigueur.Quant à l’Irak, c’est le premier par-tenaire commercial arabe de laSyrie, avec 13,3% de ses échanges.

En revanche, la Turquie, qui sié-

geait en tant qu’observateur à laréunion de la Ligue arabe, diman-che, a annoncé qu’elle applique-rait les mêmes mesures. Ankara amenacé par le passé de réduire sesfournitures d’électricité à la Syrie,qui représentent 10 % de laconsommation totale de son voi-sin. Cette mesure ne manqueraitpas d’avoir un impact sur la viequotidienne des Syriens alors quel’hiver approche. Or « la Ligue ara-be a fait attention de ne pas frap-per la population », fait remar-quer Samir Aïta, économiste etopposant syrien indépendant.« Elle laisse la porte ouverte à unenégociation. »

Si la Turquie venait à adopterdes sanctions économiques sévè-res, cela ne manquerait pas d’ag-graver une situation déjà trèsdétériorée par les mesures euro-péennes et américaines. Mais laTurquie a aussi beaucoup à per-dre économiquement et en ter-mes d’image.

Depuis le début des troubles, le15mars, la Syrie est privée de deuxde ses principales sources de devi-ses : le tourisme, à l’arrêt, et lepétrole, frappé de plein fouet parl’embargo décrété par l’Unioneuropéenne en septembre.

Q u e l q u e 9 0 % d e s400 000 barils/jour produits parla Syrie étaient vendus à l’Europe.Il s’agit, en grande partie, d’unpétrole lourd, qui nécessite un raf-finageadapté. Il n’estdonc pasfaci-le de trouver des clients de substi-tution. D’autant que les portssyriens sont incapables d’ac-cueillir des supertankers, ce quiécarteles acheteurs lointains,com-me la Chine, pour qui il n’est pasrentable d’envoyer une flottille.Résultat, les cuves sont pleines depétrole brut alors que le mazoutmanque cruellement sur le mar-ché. Ce carburant sert à chauffer laplupart des foyers syriens lors deshivers, particulièrement rigou-reux dans le nord du pays. Damas,qui a cessé, depuis l’embargo euro-péen, de rémunérer le pétrolierfrançais Total, opérateur en Syrie,songe à exporter son pétrole versl’Irak via le pipeline qui relie lesdeux pays et qui avait longtempsservi à Saddam Hussein pour de lacontrebande.

Le ministre syrien de l’écono-mie et du commerce, MohammedNedal Alchaar, a reconnu, le24 novembre dans un entretien àl’AFP, que la Syrie connaissait « lapire crise économique de [son] his-toire récente ». Mais le récent ralen-tissement de l’activité a réduit lesimportations et donc ladépendan-ce du pays à l’étranger ainsiqu’aux devises. p

Christophe Ayad

Des électeurs, lundi 28 novembre au matin, devant un bureau de vote au Caire. MAHMOUD HAMS/AFP

international

Envoyer vos manuscrits :Editions Amalthée2 rue Crucy44005 Nantes cedex 1Tél. 02 40 75 60 78www.editions-amalthee.com

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42 partis politiques en lice

L’ombredes «foulouls», hantise des manifestantsdu Caire

Souhaitant procéder prochainement à la convocation de ses associés co-indivis,la Société Civile Ancienne du Jeu de paume ayant son siège social àMérignac (33700), 369 Avenue de Verdun, demande à tous ses associés co-indivis de se faire connaître. A l’effet d’établir les convocations, chaque associéco-indivis devra transmettre au siège social susvisé sous 15 jours à compter dela présente parution, ses coordonnées exactes ainsi que copie de son certificatd’action nominative original ou tout acte original enregistré et signifié au siègesocial attestant de son titre de propriété au capital de la Société.

COMMUNIQUÉ01.49.04.01.85 - [email protected]

LeCaireEnvoyé spécial

E n dépit des violences et de lapoursuite du mouvement decontestation contre le régi-

me militaire, la première phasedesélections législatives égyptien-nes s’est ouverte, lundi 28 novem-bre au matin. Les électeurs de neufdes vingt-sept gouvernorats égyp-tiens, dont ceux du Caire etd’Alexandrie, ont commencé à éli-re leurs représentants à l’Assem-blée du peuple, la Chambre bassedu Parlement égyptien.

Siaucun incidentmajeurnesur-vient,une deuxième et une troisiè-me phases se dérouleront les14décembre et 3 janvier 2012. Cha-que phase consistant en deuxtours, de deux jours chacun, espa-cés d’une semaine, ce n’est qu’à lami-janvier, au plus tôt, que seraconnuela compositionde l’Assem-blée.

Organisée dans le plus peuplédes pays arabes, allié des Etats-Unis et interlocuteur d’Israël, cetteélection promet d’avoir un reten-tissement supérieur aux scrutinsorganisés en Tunisie et au Maroc.Les chancelleries occidentalesvont en scruter à la loupe les résul-tats, qui pourraient aboutirà lavic-toire des Frères musulmans etconfirmer la poussée des islamis-tes, déjà vainqueurs dans les deuxpays précités.

Sur place cependant, la popula-tion a du mal à se passionner pourcette consultation qui, au vu des

affrontements de la semaine pas-sée,a bienfailli être repoussée. Par-mi les révolutionnaires qui occu-penttoujours laplaceTahrir, beau-coup se rendront aux urnes à recu-lons. Convaincus que leur voix necontribuera pas tant à construireune Egypte démocratique qu’àconsolider le pouvoir du Conseilsuprême des forces armées (CSFA),qui dirige le pays depuis la chuted’Hosni Moubarak.

Ce désenchantement est ali-menté par le mode de scrutin.Deux tiers des 498 députés de l’As-semblée du peuple seront élus à laproportionnelle, sur la base de lis-tes présentées par les partis, oùune seule place est réservée auxfemmes, le tiers restant étant élupar un scrutin majoritaire à deuxtours, ouvert non seulement auxcandidats des partis mais aussiaux« indépendants ». Sous la pres-sion de la Place Tahrir, inquièteque cela ne permette auxex-barons du PND, le parti d’HosniMoubarak, de se faire réélire, leCSFA a promulgué à la va-vite uneloi qui interdit à tous ceux qui ont« corrompu la vie politique » de seprésenter. Une formule vague pro-pice à de nombreux contentieux.

Après le décompte des voix, lacommissionélectorale devrainter-venir pour s’assurer qu’au moinsla moitié des sièges revienne à despaysans ou à des ouvriers. Survi-vance de l’époque nassérienne, cesquotas professionnels ont sou-vent été contournés par le passé detelle sorte qu’il n’était pas rare

qu’un chef d’entreprise soit enre-gistré comme ouvrier. Les ajuste-ments qu’ils supposent peuventprofiter à des candidats qui nesont pas en position éligible.

« Les Egyptiens décrochent hautla main le prix de la loi électorale laplus absurde, résume un observa-teur étranger. Tout est fait pourque ce ne soient pas les gens lesmieux élus qui se retrouvent sur lesbancs des députés. On risque de seretrouver avec une Assemblée à lalégitimité très faible, dont l’actionsera entravée par un nombre inter-minable de réclamations. »

«Pour que rien ne change»Le manque d’engouement de la

population s’explique aussi par leflou entourant les attributions desfuturs députés. Leurs pouvoirslégislatifs seront en effet dépen-dant du bon vouloir du CSFA, quidispose de fait des prérogativesprésidentielles et peut à ce titres’opposer à tout projet de loi quilui déplaît. Dans l’esprit des mili-taires, la nouvelle Assemblée nedevrait pas non plus avoir de droitde regard sur la composition dugouvernement. Samedi, le généralMamdouh Chahine, responsabledes questions juridiques au CSFA,avait affirmé sans ciller que « lefutur Parlement n’aura aucuneautorité sur le gouvernement ». « Sile gouvernement n’est pas repré-sentatif du Parlement, l’Assembléebloquera toute décision », a rétor-qué le lendemain un porte-paroledes Frères musulmans, qui ambi-

tionnent de décrocher le poste depremier ministre.

Endéfinitive, letravaildesdépu-tésrisque de se limiter à ladésigna-tion des membres de la commis-sion qui sera chargée d’élaborer lanouvelle Constitution. Mais làencore, l’armée ne sera pas loin.Dans un document présentédébut novembre par le vice-pre-mier ministre Ali Al-Selmi, le CSFAs’était attribué le droit de s’oppo-ser à des articles et de mettre surpied une nouvelle commission encas d’échec au bout de six mois.Attaqué par tous les partis, le« document Selmi » a été mis enveilleuse, mais il est peu probableque le CSFA ait renoncé à sonesprit, révélateur des limites dupouvoir législatif égyptien.

Certains analystes espèrentqu’avec leur mandat populaire, sifragile soit-il, les députés pourrontdesserrer l’emprise des militaires,qui ont promis de s’effacer enjuin 2012, date de l’élection prési-dentielle promise sous la contrain-tedelaruepar lemaréchalMoham-med Tantaoui, chef du CSFA.

D’autres observateurs, plussceptiques, sont sans illusions : « Ils’agitd’une opérationde“dé-démo-cratisation”, analyse le politolo-gue Achraf Al-Chérif. L’enrobageest attrayant car les piliers de l’an-cien régime sont partis et un scru-tin pluraliste est organisé. Mais encoulisses, tout est fait pour que rienne change. C’est du moubarakismesans Moubarak.» p

Benjamin Barthe

LeLibanetl’Irakontannoncéleur

intentiondesedissocierdessanctions,

cequiaffaiblitnettementleurportée

Les mesures adoptées

Sanctions économiques L’arrêtdes transactions avec la Banquecentrale syrienne; le gel de tousles financements arabes de pro-jets en Syrie ; l’interdiction devoyager des officiels syriens dansles pays arabes et un gel desavoirs des dirigeants syriens.

Vols commerciaux L’interdictiondes vols entre la Syrie et lesautres pays arabes est à l’étude.

Echanges En 2010, l’Union euro-péenne (UE) était le premier par-tenaire de la Syrie avec 22,5% deses échanges. Venaient ensuitel’Irak (13,3%), l’Arabie saoudite(9%), la Chine (6,9%), la Turquie6.6% et la Russie (3%).

Sanctions arabessans précédentcontre lerégimedeBachar Al-AssadLaLiguearabeveutobligerDamasàcesserla répressionde lacontestation intérieure

Parmi les 42 partis politiqueségyptiens, 31ont été créés aulendemain de la révolution et15sont des partis islamistes.A côté du Wafd, le plus ancienparti égyptien (libéral nationalis-te) toujours très populaire, et dunouveau parti Al-Adl (centriste),on dénombre 4 grandes coali-tions: l’Alliance démocratique,rassemblant les Frères musul-mans et divers partis de gauche;l’Alliance islamiste, regroupantles formations salafistes; leBloc égyptien, non islamiste,dominé par le Parti des Egyp-tiens libres; et la coalitionLaRévolution continue, qui ras-semble deux mouvements révo-lutionnaires (La Coalition desjeunes révolutionnaires et leCourant égyptien, créé par desdissidents des Frères musul-mans) et des partis de gauche etdu centre. – (Corresp.)

EnEgypte, ouvertured’électionslégislatives très encadrées parl’arméeLacompositiondéfinitivede l’Assembléedupeupleneserapasconnueavant janvier2012

LeCaireCorrespondance

Ils sont la hantise des révolution-naires égyptiens. Les anciens duParti national démocratique(PND) dissous d’Hosni Moubaraksont présents en force dans lacampagne. Avec leurs partisans,les foulouls (« débris d’unearméeen déroute ») incarnent larésistance opposée par le régimedéchu à la dissolution du partiunique. Loin d’être un appareil

idéologique, le PND a en effet assu-ré la construction de puissantsréseaux clientélistes. Il a servi detremplin à de nombreuses person-nalités, qui ont assis leur influen-ce dans tous les domaines et sesont enrichies. Un millier d’entreelles, épargnées par la justice,sont candidates aujourd’hui surdiverses listes politiques et 17 par-tis les représentent, sans compterles candidatures indépendantes.

Pourtant, le 21 novembre, leConseil suprême des forcesarmées (CSFA) s’est décidé à émet-tre une loi interdisant aux diri-geants du PND « accusés de cri-me » de se présenter. A moins desept jours du scrutin, cette mesu-re, que les juristes soupçonnentd’être anticonstitutionnelle, lais-se la main libre aux foulouls.

«Si l’armée a retardé la loicontre les foulouls réclamée par lesrévolutionnaires, c’est parce qu’ellepense qu’ils sont les seuls à pouvoirconcurrencer les Frères musul-mans», estime Mahmoud Ibra-him, ancien responsable de la com-munication numérique au PND.

De fait, l’influence sociale et

politique des foulouls est considé-rable. Le PND comptait 3millionsde militants et nombre de cadresjouissent encore de puissantsappuis au sein de la magistrature,comme en témoignent les juge-ments contradictoires dont lescandidats foulouls ont fait l’objetdepuis la révolution.

Supporteurs de l’EtatSi nombre de hauts fonctionnai-

res ont été condamnés à de la pri-son ou poussés à la démission, lepersonnel d’Etat demeure large-ment inchangé. Rifaat Qumsan,l’adjoint au ministre de l’intérieur,qui supervise les élections depuis2005, est considéré comme un fou-loul. Essam Charaf, premier minis-tre de mars à novembre, siégeaitau comité politique créé parGamal Moubarak, fils du raïs, ausein du PND.

En province, le pouvoir resteaux mains de familles puissanteset anciennes qui se partageaient lepouvoir, soudées autour de dépu-tés pittoresques et populaires,comme Abdel Rahim Al-Ghoul àQena et Mortada Mansour à Man-

soura. « Les “foulouls”, c’était lessupporteurs de l’Etat. Construiredes routes, des ponts, mettre l’élec-tricité dans les petits serviceslocaux: tout cela était impossible àobtenir sans la présence d’un dépu-té du parti », explique M.Ibrahim.

Le poids des foulouls dans lahaute administration et le fait quecertains ont acquis des fortunesqui leur permettent d’acheter desvotes provoquent l’inquiétude.«Sous Moubarak, dans le secteurpublic, les “foulouls” poussaient lesgens à voter PND: un boss donnaitcongé à ses employés, il leur four-nissait un bus pour aller voter… etça sera encore comme ça. »

Par-delà les candidats officiels,de nombreux hommes d’affairespromus par Gamal Moubarak sontsoupçonnés de financer les partislibéraux créés après la révolution.A la veille des élections, le derniersondage, réalisé par l’Institut d’étu-des politiques d’Al-Ahram ennovembre, place le parti Ittihad,fondé par Hossam Badraoui, der-nier secrétaire général du PND, encinquième position. p

Claire Talon

4 0123Mardi 29 novembre 2011

Page 5: Le Monde 29 Novembre

international

New DelhiCorrespondant régional

I l s’agit d’un revers majeur pourlesperspectivesd’unrèglementde la guerre afghane. Larelation

entre les Etats-Unis et le Pakistan,déjà fortement dégradée depuisenvironun an, vient d’entrer en cri-seouverteaulendemaind’uneatta-que des forces de l’OTAN, samedi26 novembre, contre deux postesde l’armée pakistanaise – prochesde la frontière avec l’Afghanistan –ayant causé la mort de ses 24 sol-dats. Les autorités d’Islamabad ontaussitôt exprimé leur « fureur »contre une pareille « agression »qualifiée de « violation flagrantede la souveraineté du Pakistan » etannoncé des représailles hypothé-quant gravement toute la straté-gie de l’OTAN en Afghanistan.

Le gouvernement pakistanais aainsidécidédebloquer l’achemine-ment des convois civils approvi-sionnant l’Alliance atlantique àpartir du port de Karachi – itiné-raire par lequel transite autour de40 % de la logistique destinée à lacoalition internationale. Il a égale-ment sommé la CIA de quitterdans les « quinze jours » la baseaérienne de Shamsi (Balouchistanpakistanais), à partir de laquelledécollaient certains des dronesvisant les sanctuaires d’Al-Qaidaet d’insurgés talibans dans leszones tribales pachtounes de lafrontière pakistano-afghane.

Enfin, Islamabad a laissé enten-dre, selon la presse pakistanaise,que la ministre des affaires étran-gères Hina Rabbani Khar pourraitboycotter la conférence internatio-nale sur l’Afghanistan – prévue le5décembre à Bonn – visant à stabi-liser le pays après le départ destroupes étrangères en 2014. Privéed’une participation pakistanaisede haut niveau, cette conférence

de Bonn, annoncée comme crucia-le pour le futur afghan, perdraitune grande partie de son intérêt.

Au-delà des menaces rhétori-ques, l’impact réel de ce nouvelaccès de fièvre n’est pas encoretrès clair. Il dépendra largement del’établissement des faits par lesdeuxparties et du degré de conver-gence entre leurs versions. Ques’est-il réellement passé samedivers2heures dumatindansle villa-ge de Salala, situé dans la zone tri-bale pakistanaise de Mohmand, àproximité de la frontière avecl’Afghanistan ? Selon l’état-majorde l’armée pakistanaise, les deuxpostesmilitaireslocalisés dans cet-te zone ont été pris pour cibles pardes hélicoptères et des chasseursde l’OTAN ayant franchi la frontiè-re sans aucune raison apparente.

Du côté des Américains et del’OTAN, où l’embarras domine, laréaction oscille entre la présenta-tion de « condoléances » aux victi-mes et la promesse de conduireune enquête afin de faire toute lalumière sur les faits. A Bruxelles,le secrétaire général de l’OTAN,Anders Fogh Rasmussen, a déplo-ré un « incident tragique et invo-lontaire ».

Officieusement, des responsa-bles occidentaux à Kaboul fontétat de tirs provenant du côtépakistanais sur les forces afghano-américaines alors en opérationdans la province de Kunar, du côtéafghan de la frontière. « Il a pus’agir d’une provocation ou d’unemaladresse du côté pakistanais quin’a pas mesuré le risque de riposte

de la part des Américains », souli-gne auMondeune sourcediploma-tique à Kaboul. Américains etAfghans n’ont cessé de dénoncer,ces derniers temps, une attitudede l’armée pakistanaise le long dela frontière, jugée complice desgroupes insurgés. Cette frontièreest le théâtre ces derniers moisd’une escalade de la tension,Kaboul se plaignant de tirs d’artil-lerie fréquents en provenance depositions de l’armée pakistanaise.

Cet incident survient alors queWashington et Islamabad avaientpéniblement restauré un sem-blantdeconfiance après lagravissi-me crise provoquée par le raid desforces spéciales américaines,début mai, contre la cache deBen Laden à Abbottabad, ville degarnison pakistanaise. A la suitede cette intervention dénoncée auPakistan comme « une violation de[SA]souveraineté nationale », larelation avait chuté au plus bas.

Islamabad avait exigé dans lafoulée le départ d’une centained’instructeurs américains for-mant l’armée pakistanaise à lacontre-insurrection. En juillet,Washington avait annoncé, de soncôté, le gel de 800 millions de dol-lars d’aide militaire –, soit un tiersdu total alloué chaque année parlesAméricains. Unevisite àIslama-bad de la secrétaire d’Etat HillaryClinton en octobre avait ensuitepermis de renouer le contact.

Ces maigres acquis semblentaujourd’hui remis en cause, aumoment où Washington a besoindu Pakistan pour convaincre leschefs talibans, refugiés sur sonsol, d’opter pour une solution poli-tique. p

Frédéric Bobin

Desresponsablesoccidentauxà Kaboul

fontétatdetirspakistanais

surles forcesafghano-américaines

Kaboul annonce la suitede la transitionafghane

BogotaCorrespondante

P risonnier depuis quatorzeans, le sergent de l’armée JoséLibio Martinez était le plus

ancien otage aux mains des ForcesarméesrévolutionnairesdeColom-bie (FARC, extrême gauche). Il a étéassassiné samedi 26 novembre,d’une balle dans la tête. Trois de sescompagnons d’infortune – toussous-officiers de police – ont égale-ment été tués, après une fusilladeentrel’arméeet la guérilla,enAma-zonie colombienne. Un cinquièmeotage, le sergent Luis Alberto Erazo,a réussi à fuir au milieu des com-bats. Comme les autres, il a passéplus de dix ans dans la jungle.

Johan Steven Martinez est nésix mois après que les FARC ontemmené José Libio. « Vous m’avezrompu les ailes, gens des FARC.Vous avez brisé mon rêve. Je neconnaîtrai pas mon père. Je ne pen-

sais pas que vous alliez le tuer, quevous alliez le rendre dans un cer-cueil », a déclaré l’adolescent de13 ans, devenu le symbole du dra-me des otages colombiens.

Les corps des quatre otages tuéssont arrivés dimanche soir à Bogo-ta. Ilsontété accueillisavec leshon-neurs militaires. Selon le ministrede la défense, Juan Carlos Pinzon,l’armée était en mission de repéra-ge. Mais les familles des otagessont convaincues que les militai-res ont tenté un coup de force etéchoué. « Nous nous sommes tou-jours opposés à ce genre d’opéra-tion pour récupérer les otages,beaucoup trop risquée, car les gué-rilleros avaient ordre d’exécuterleurs prisonniers en cas de raid del’armée », rappelle Margarita Her-nandez, sœur d’une des victimes.

Le président Juan Manuel San-tos a dénoncé « un crime infâme,une nouvelle démonstration de lacruauté des FARC ». Le représen-

tant du Haut-Commissariat auxdroits de l’homme des Nationsunies, Christian Salazar, a égale-ment condamné « ce crime deguerre qui pourrait constituer uncrime contre l’humanité ». Il a rap-pelé qu’il ne s’agissait pas d’un faitisolé. En mai 2003, dix otages –dont le gouverneur du départe-ment d’Antioquia – avaient étéassassinés alors que l’armée ten-tait de les libérer et, en 2007, onzeautres otages avaient été tués« par erreur », les guérilleros lesayant pris pour des militaires.

Libérations unilatéralesTout au long des années 2000,

les FARC, qui détenaient unesoixantainede militaires et de per-sonnalités politiques, ont, sanssuccès, tenté de négocier avec lesautorités un échange entre leursotages et les guérilleros emprison-nés. En 2008, l’armée récupérait14 otages, dont la Franco-Colom-

bienne Ingrid Betancourt et troisAméricains. Depuis, les FARC ontprocédé à plusieurs libérationsunilatérales. Selon les autorités,12 militaires seraient encore auxmains des rebelles.

Samedi soir, l’ancienne sénatri-ce Piedad Cordoba a annoncé avoirreçu la veille – soit quelques heu-res avant le drame – une lettre desFARC annonçant la prochaine libé-ration de six otages. Mme Cordobaanime l’organisation « Colombia-nos por LaPaz » (Colombiens pourla paix), qui réunit des activistes etintellectuels partisans d’une solu-tion négociée du conflit armé. Ellen’apas expliqué pourquoila missi-ve des FARC – qui ne précise ni ladate, ni les modalités des libéra-tions annoncées – n’avait pas étérendue publique auparavant.Selon des estimations officielles,les FARC comptent entre 8 000 et11 000 hommes en armes.p

Marie Delcas

LesFARC tuent quatre otages lorsdecombats avec l’armée colombienneSelon lesautorités, laguérilladétientencoreunedouzainedemilitaires

Le président Hamid Karzaï alivré, dimanche 27novembre, laliste des zones qui doivent êtretransférées par l’OTAN aux for-ces afghanes lors de la deuxiè-me phase du processus de «tran-sition», censé s’achever fin2014. La liste comprend six pro-vinces qui vont être en intégrali-té rendues aux forces afghanes– dont celle de Kaboul –, septcapitales provinciales, ainsi queplus de quarante districts.Plus de la moitié de la popula-tion est désormais concernéepar ce transfert de sécurité,dans le nord, l’ouest et le centredu pays. Le district de Saroubi,où est stationnée l’armée fran-çaise passe sous contrôleafghan. Kaboul et l’OTAN onttransféré trois districts de la pro-vince du Helmand, dans le sud,la plus meurtrière pour la coali-tion. La province voisine de Kan-dahar, fief des talibans, dont cer-tains districts étaient initiale-ment visés par cette deuxièmephase, a finalement été excluede la liste finale.– (AFP.)

Peshawar

Khost

BAJAUR

Islamabad

Kaboul

AFGHANISTAN

PAKISTAN

SUD-WAZIRISTAN

NORD-WAZIRISTAN

KURRAMKHYBER

ORAKZAI

100 km

Mohmand

Zones tribales

La tension entrele Pakistan et lesEtats-Unis s’aggraveUnebavurede l’OTANmet,denouveau,le règlementde lacrise régionaleenpéril

50123Mardi 29 novembre 2011

Page 6: Le Monde 29 Novembre

Un jeune partisan de Joseph Kabila,dans la banlieue de Kinshasa, le 25 novembre. COLIN DELFOSSE/OUT OF FOCUS

Les aidesverséespar l’Union européenne àla RDCfont polémique

international & europe

KinshasaEnvoyé spécial

A Kinshasa, la route goudron-née, par endroits, qui mènevers l’aéroport internatio-

nal de Ndjili au travers de quar-tiers miséreux en ébullitionconcentre tout le potentiel explo-sif du scrutin présidentiel et légis-latif, à un tour, du lundi 28 novem-bre. Un cocktail reproductible àl’échelle de la République démo-cratique du Congo (RDC, ancienZaïre), alors que les deux princi-paux adversaires à la présidentiel-le, si ce n’est ennemis, l’opposant« historique » Etienne Tshisekedi(79 ans) et le chef de l'Etat sortantJoseph Kabila (40 ans), se sontengagés, chacun avec ses propresarmes, dans une fuite en avant.

Dimanche, un semblant de vienormale reprenait ses droits sur laroutevers Ndjili. Les fidèles, apprê-tées dans leurs jolies robes, sor-taient tranquillement des églises.La veille pourtant, ce cordon bitu-meux mité parl’impéritie des gou-vernements qui, depuis l’indépen-dance de l’ancienne colonie belgeen 1960, ont consciencieusementmis à sac ce pays potentiellement

richissime, était un champ aprèslabataille: jonché depierres etbali-sé de pneus en flammés.

Kinshasa n’a jamais aimé etn’aime toujours pas Joseph Kabila,« le Rwandais » comme l’appelle,méprisant, Etienne Tshisekedi. Levieil homme politique reprendainsi à son compte les douteusesinsinuations aux relents nationa-listes véhiculées, et toujoursdémenties, sur les ascendances du

président, propulsé en 2001, à30 ans, à la tête du pays, au lende-main de l’assassinat de son pèreLaurent-Désiré, tombeur du dicta-teur, le maréchal-président Mobu-tuSesse Sekoen 1997,grâce auxfor-ces rwandaises.

Aujourd’hui, et une guerre plustard, les appétits du petit Rwandasur les richesses orientales du

géant congolais ne sont pas rassa-siés. Mais le discours antirwan-dais, lui, ne fait plus vraiment unprogramme électoral.

Samedi, les jeunes des commu-nes kinoises de Matete, Ndjili etMasina sont sortis par milliers deleur taudis pour dire à Kabila, àleur façon, brutale, qu’eux, lesdésœuvrés, ne veulent plus deJoseph Kabila pour perpétuer lepillage des richesses minérales dupays. Ils étaient là aussi pour fêterbruyamment le retour dans lacapitale d’Etienne Tshisekedi, « leSphinx de Limete », en référence àson quartier de « Kin » d’où il s’op-pose sans relâche depuis trenteans à tous les gouvernants congo-lais, qui l’ont enterré politique-ment plusieurs fois.

Au retour de sa tournée dans lepays, Etienne Tshisekedi enten-dait conclure sa campagne à Kins-hasa par un meeting provocateuraux abords du stade des martyrsen même temps que celui du prési-dent. Ces rendez-vous n’eurentjamais lieu. Il y eut sur place deséchanges de pierres entre les mili-tants des deux camps. Quand il seconfirma que la rue de Kinshasaappartenait aux « tshisékédis-

tes », les brigades d’interventionrapide de la police antiémeute etantiterroriste firent parler leurbrutalité.

Il y eut plusieurs morts. Aumilieu de la journée, trois corpsétaient encore visibles sur le bordde la route de l’aéroport. Le nom-bre total – six ? dix ? plus ? – estinvérifiable dans cette cité de10 millions d’habitants.

Pour éviter un bain de sangencore plus grave, tous les rassem-blements ont été annulés. EtienneTshisekedi n’a jamais eu sa mar-che triomphale depuis l’aéroport.Il y a été bloqué par la police pen-dant dix heuresavant d’être recon-duit chez lui sans ménagement aumilieu de la nuit.

Cela n’a pas entamé sa détermi-nation.Dimanche matin, en confé-rence de presse, il a transmis lemessage qu’il répète depuis ledébut de sa tournée électorale.Celuiqui n’estàcejour que leprési-dent de l’Union démocratiquepour le progrès social (UDPS) estconvaincu, avant même le scrutin,que«les Congolais [l]’ontdéjà nom-mé président de la République ». Etsi le résultat devait être contraireaux présages du « Sphinx », « lesCongolais sauront prendre leursresponsabilités », lâche-t-il,confiant dans la force de la rue. Ladésorganisation du scrutin pour-rait lui offrir aussi l’occasion decrier au voleur au moment de lapublication des résultats.

En 2006, lors du premier scru-tin pluraliste de l’histoire duCongo indépendant, la commu-nauté internationale avait dûaccomplir des miracles pourmener à son terme une électionjugée plutôt réussie. Rien de tel,cette année. Des observateurs pré-voient un véritable chaos.

La communauté internationa-le a tout de même contribué à hau-teur de 400 millions de dollars(300 millions d’euros) dans l’orga-nisation, et la flotte aérienne de lamission des Nations unies auCongo (Minusco) a convoyé lematériel électoral dans les princi-pales villes du pays. Le resterevient aux autorités congolaisespour alimenter 64 000 bureauxde vote (pour 32 millions d’élec-teurs inscrits sur une liste contes-tée), certains perdus au milieu dela forêt équatorienne où lesurnes, grandes comme des pou-belles d’immeuble, ne peuventarriver qu’à dos d’homme ou enpirogue.

Dans ce contexte, et sans parlerdes fraudes, nul doute qu’EtienneTshisekedi saura trouver matièreàcontester età exciter les bidonvil-les. Mais les violences de samedidonnent une idée de la réponseque le camp de Joseph Kabilaentend donner. Les hordes désœu-vrées trouveront alors face à ellesdu matériel antiémeute sud-afri-cain ou les milliers d’hommes dela garde présidentielle. Et si l’issueest, malgré le déséquilibre des for-ces, incertaine à Kinshasa, que diredu reste du pays ? p

Christophe Châtelot

ITINéRAIRESGéOPOLITIQUESle dessous des cartesMoins de conflits, plus d’enfants scolarisés, des budgetsde santé publique plus élevés… voilà de «bonnes »nouvelles, auxquelles échappent cependant encoretrop de pays, voire de continents. La question surprendet pourtant se pose : et si, dans certains domaines,le monde allait mieux ?Jean-Christophe Victor

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«LesCongolaism’ontdéjà nommé

présidentdela République»

Etienne Tshisekediprincipal candidat

de l’opposition

Election présidentielleàhaut risque en Républiquedémocratiquedu CongoL’opposanthistoriqueEtienneTshisekediaffronte leprésidentsortant,JosephKabila, lorsd’unscrutinmalpréparémalgré l’aide internationale

BruxellesBureau européen

L’Union européenne a fourni, en2010, une aide de 253millions d’eu-ros à la République démocratiquedu Congo (RDC), faisant de ce paysle premier bénéficiaire des fondsapportés aux pays de la zone diteACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique).Les Européens ont, en outre, déblo-qué 45millions pour l’organisa-tion du processus électoral. Deuxmissions sont toujours menéesdans le pays, au titre de la politi-que de sécurité et de défense:Eupol (6,5millions de budgetannuel, 50 membres), qui tentedepuis 2005 de réformer la police,

et Eusec (12,5 millions, 50 mem-bres), qui fait de même pour l’ar-mée. L’efficacité des deux mis-sions et l’utilisation des aides ver-sées au pays de Joseph Kabila sontaujourd’hui des sujets de polémi-que, même si le Service européend’action extérieure, le «ministè-re» de Catherine Ashton, s’estmontré discret sur le Congo et sesélections.

Mais il a réduit de moitié lenombre d’observateurs qu’il comp-tait envoyer sur place (150 environ,au lieu de 300). Un groupe d’euro-députés avait invité, en avril, lahaute représentante à renoncer àtoute mission européenne pour nepas légitimer des élections poten-

tiellement frauduleuses. La diplo-matie bruxelloise ne considère pasque les scrutins présidentiel etlégislatif sont sans risques. Bien aucontraire: l’éventualité d’uneexplosion de violence et d’une déri-ve «à l’ivoirienne» est clairementprise en compte. Mais « la consigneest la discrétion», résume un hautfonctionnaire. L’Europe, plus vrai-ment désirée à Kinshasa, se taitpour ne pas compliquer davanta-ge ses relations avec le régime duprésident Joseph Kabila.

Pays massivement aidéLes responsables les plus opti-

mistes évoquent «quelques amélio-rations» depuis 2006, et la mobili-

sation internationale autour despremières élections libres. Les plusréalistes rappellent que le Congorecèle de nombreuses richesses(diamant, or, métaux rares, boisprécieux, etc.) et qu’un retrait euro-péen laisserait définitivement lechamp libre à la Chine qui, aprèsavoir gagné la bataille de l’influen-ce politique, gagnerait celle del’économie. A Bruxelles, de gran-des compagnies font le siège de laCommission pour l’inciter à la pru-dence dans son apparente volontéde moraliser les pratiques desentreprises européennes en RDC.

Des organisations gouverne-mentales et divers spécialistesréclament une révision fondamen-

tale de la politique à l’égard d’unpays massivement aidé mais dontla population reste, dans sonimmense majorité, privée de l’es-sentiel. Les arguments, longtempsressassés, notamment en Belgique– l’ancienne puissance coloniale –et selon lesquels une aide auCongo permet de stabiliser l’en-semble d’une région, ne font plusl’unanimité. Les nouvelles priori-tés de la diplomatie européenne,couplées au peu d’effet des aidesversées à Kinshasa et aux restric-tions budgétaires se profilant danstoute l’Union, pourraient débou-cher sur une remise en cause dusoutien «habituel» au Congo. p

Jean-Pierre Stroobants

Emirats arabes unis

Delaprisonpourdesmilitantspro-démocratieauxEmiratsABOU DHABI. Cinq militants pro-démocratie, des blogueurs et un pro-fesseur à l’antenne de la Sorbonne ouverte à Abou Dhabi, ont étécondamnés à des peines allant de deux à trois ans de prison, dimanche27novembre. Les cinq hommes avaient été arrêtés en avril et leur pro-cès, dont les modalités ont été contestées par des organisations interna-tionales de défense des droits de l’homme, s’était ouvert le 14 juindevant la Haute cour fédérale de justice, à Abou Dhabi. Arrêtés aprèsavoir demandé des réformes politiques, ils étaient accusés par les auto-rités d’avoir notamment « insulté le président, le vice-président et le prin-ce héritier d’Abou Dhabi», des accusations rejetées en bloc. Le verdict estsans appel, mais les condamnés peuvent être graciés par le présidentdes Emirats, le cheikh Khalifa Ben Zayed Al-Nahyane. – (AFP.) p

Yémen

Unresponsabledel’oppositionchargédeformerungouvernementd’ententeSANAA. Un responsable de l’opposition yéménite, Mohamed Basin-dawa, a été chargé, dimanche 27 novembre, de former un gouverne-ment d’entente nationale pour la période intérimaire qui doit précéderle départ du pouvoir du président Ali Abdallah Saleh prévu en févrierselon les termes d’un accord signé à Riyad, en Arabie saoudite, le23 novembre. Le chef du gouvernement désigné avait fait partie de l’ad-ministration de M. Saleh. Natif d’Aden, dans le sud du Yémen, il avaitété notamment ministre des affaires étrangères avant de rompre, il y adix ans, avec le Congrès général populaire, le parti présidentiel. Parallè-lement, M. Saleh, 69 ans dont trente-trois au pouvoir, a annoncé uneamnistie générale contestée par l’opposition qui l’a jugée contraire àl’accord signé à Riyad. – (AFP.) p

Arabie saoudite Retrait des forces déployéesdans les localités chiites de la province orientaleRIYAD. Des forces déployées en renfort dans des localités chiites de l’estdu royaume, après des troubles qui ont fait quatre morts, se sont reti-rées dans la nuit du dimanche 27 au lundi 28 novembre, avec le début dela commémoration du deuil chiite de l’Achoura. – (AFP.)

Iran–Royaume-UniLe Parlement iranienréduit les relationsavec LondresTÉHÉRAN. Le Parlement iranien avoté, dimanche 27novembre, uneréduction des relations avec leRoyaume-Uni prévoyant l’expul-sion de son ambassadeur à Téhé-ran, en réponse aux nouvelles sanc-tions adoptées contre l’Iran. L’am-bassadeur d’Iran à Londres devraitaussi être rappelé. Londres a jugé«regrettable» cette loi, devantencore être confirmée par leConseil des gardiens. Les sanctionsfont suite à un rapport de l’Agenceinternationale de l’énergie atomi-que (AIEA), qui renforce le soup-çon d’une «possible dimensionmilitaire» du programme nucléai-re iranien. – (AFP.)

AllemagneLa gare «Stuttgart 21»sera construiteBERLIN. Le projet «Stuttgart 21 »,visant à transformer la gare termi-nus de Stuttgart en une gare pas-sante et souterraine, a été approu-vé, dimanche 27 novembre, par58,8% des électeurs du Bade-Wur-temberg. Ce projet a donné lieudepuis dix-huit mois à de trèsimportantes manifestations. LesVerts, qui président cet Etat-région, étaient hostiles à cet inves-tissement de plusieurs milliardsd’euros, mais leurs partenairessociaux-démocrates y étaientfavorables et avaient imposé ceréférendum. – (Corresp.)

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Page 7: Le Monde 29 Novembre

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Le 7 novembre, une fuite de pétrole d’un puits offshore exploité par l’américain Chevron s’étend au large de Rio de Janeiro. REUTERS

planète

Rio de Janeiro (Brésil)Correspondant

L a marée noire au large de Riode Janeiro est sur le pointd’être circonscrite mais ses

effets n’ont pas fini de se faire sen-tir. Plusieurs enquêtes ont été lan-cées par les autorités brésiliennessur la fuite de pétrole survenue,lundi 7 novembre, dans un puitsoffshore exploité par le géantpétrolier américain Chevron, à1 200 m de profondeur.

Suspendu depuis une semaineetpouruneduréeindéterminée,detoute activité de forage au Brésil, legroupe est soupçonné d’avoir falsi-fié des informations et minimisél’ampleur de la catastrophe. Uneaffaire aux allures de test nationalpour les dirigeants brésiliens aumoment où le pays ambitionned’exploiter les gigantesques gise-ments, découverts en 2007, depétrole dit « pré-sal », enfoui à7000m sous une épaisse croûte desel devant les côtes des Etats de Riode Janeiro et de Sao Paulo.

« Cela nous sert d’alerte rouge.Aujourd’hui, un seul puits estconcerné, le pré-sal en aura mille.Nous devons en tirer les leçons », aprévenu Carlos Minc, le secrétairede l’environnement de Rio.

La découverte de brut dansl’océan Atlantique a été signalée, le8novembre, par un hélicoptère dela compagnie pétrolière d’EtatPetrobras. La fuite a été localisée lelendemain par un robot sous-marin, à 370km au nord-est de Rio,prèsduchamppétrolifèredeFrade,exploité à 51,7% par Chevron. Deuxjoursplustard,deséquipesspéciali-sées ont mis en place un systèmede pompage pour récupérer lepétrole en mer. Le 16 novembre, unpremier bloc-tampon de ciment aété injecté dans l’une des fissures.

Dès les premiers jours du désas-

tre, les annonces des responsablesaméricains ont été mises en doute.D’abord, une porte-parole du grou-pe a affirmé que la fuite était due à« un phénomène naturel ». Puis leprésident de Chevron Brésil, Geor-geBuck,aannoncé que 2 400barilsde pétrole (environ 317 tonnes)s’étaient répandus dans l’océanentre le 8 et le 15 novembre.

Rapidement, il s’est vu contre-ditparl’Agence nationale dupétro-le (ANP), l’autorité de régulationbrésilienne, qui a estimé la fuite à

3000 barils. L’ONG écologiste Sky-Truth qui travaille à partir d’ima-ges satellite, a aussi réagi et avancéun chiffre dix fois supérieur, éva-luant l’impact de la catastrophe àprès de 30 000 barils. Cette pre-mière controverse a eu le don deprovoquer la colère de la présiden-te brésilienne, Dilma Rousseff.

Devantla commission de l’envi-ronnement de la Chambre desdéputés, mercredi, M. Buck a tentéde calmer les esprits en présentantses « sincères excuses à la popula-

tion et au gouvernement ». Il aessayé d’expliquer, non sans mal,comment Chevron s’était trompédans ses calculs de pression sousroche lors d’un forage.

Cinquante-trois minutesUnpeu court,ont estimé les spé-

cialistes. Fernando Brito, l’un despremiersjournalistes à avoir poin-té du doigt les zones d’ombreentourant la catastrophe, a tôt faitde démonter les arguments desresponsables locaux de Chevron.

Fabio Scliar, membre de la Poli-ce fédérale, a lui accusé l’entrepri-se américaine d’avoir délibéré-ment occulté certaines informa-tions pour gagner du temps. Selonl’hebdomadaireCarta Capital, l’en-quête de la police fédérale révèlequeChevronauraitutilisé uneson-de capable de perforer jusqu’à7 600 m de profondeur. Un procé-déqui pourraitavoirétémis enpla-ce pour atteindre clandestine-ment la couche du pré-sal.

Unautreélément àcharge, révé-

lé par Fabio Scliar, est venu s’ajou-ter au dossier. L’agent suspecte lenuméro deux américain du pétro-le d’ignorer les lois migratoires enembauchant sur les plateformesune main-d’œuvre étrangère sansenavertir lesautorités.Une accusa-tion formellement démentie parles avocats de l’entreprise.

L’ANP a lancé un processusvisant à infliger deux amendes àChevronpour«falsificationd’infor-mations » et pour ne pas disposerdu matériel adéquat pour combat-tre la marée noire. Elles pourraientatteindre 50 millions de réais(20,7 millions d’euros) chacune.L’EtatdeRiodeJaneiroa,lui,annon-cé une action en justice pour«atteinte à la biodiversité marine»dont l’indemnisation pourraits’élever à 100millions de réais.

Pour l’heure, seul l’Institut bré-silien de l’environnement (Ibama)a infligé à l’entreprise une amendede 50 millions de réais, le maxi-mum autorisé par la loi pour desdégâts à l’environnement. Soit,selon les calculs de M. Scliar, cin-quante-trois minutes de produc-tiondepétrole pourle géant améri-cain. Une goutte d’eau qui fait direà cet expert que le Brésil devaiturgemment voter de nouvelleslois pour réguler le secteur. p

Nicolas Bourcier

Saint-DenisCorrespondant

E n octobre, un énorme ballonblanc juché sur une tour debéton a fait son apparition

dans la technopole de Saint-Pierre,au sud de La Réunion. Ce radômede 7 tonnes et 10 m de diamètre,capablede résister aux ventscyclo-niques les plus forts, protège l’an-tenne parabolique de la nouvellestation SEAS-OI (surveillance del’environnementassistée parsatel-lite dans l’océan Indien), qui doitêtre inaugurée prochainement.

Fruitd’un projet mené en parte-nariat par l’Etat, la région, l’Insti-tut de recherche pour le dévelop-pement (IRD) et l’université, cetéquipement permet de réception-ner les images satellite haute réso-lution d’observation de la Terredans un rayon de 2 500 km.

Le territoire couvert englobel’ensemble des zones économi-quesexclusivesdes paysde laCom-mission de l’océan Indien (Mada-gascar, l’îleMaurice, les Seychelles,les Comores et l’île de la Réunion)

ainsi que le Mozambique et leMalawi et une partie de la Tanza-nie et du Zimbabwe. Soit unesuperficie couvrant quelque12,6millions de km2.

« Nous sommes dans un océansur lequel on possède peu d’infor-mations et où la France est suffi-samment bien implantée pouravoir une surveillance à la foisatmosphérique, océanique et ter-restre. La Réunion occupe une posi-tion privilégiée, à une latitude pro-che du tropique du Capricorne,entre l’océan Indien tropical aunord et le pôle antarctique au sud,où les effets du changement clima-tique seront très importants »,expose David Lorion, géographe àl’université de La Réunion et vice-président du conseil régional.

SEAS-OI vient compléter locale-ment un ensemble de stationscomprenant l’Observatoire volca-nologique du piton de la Fournai-se, le Centre météorologique régio-nal spécialisé cyclones et, bientôt,l’Observatoire astronomique duMaïdo, en cours de construction.

Sur le modèle de la plateforme

installée début 2006 à Cayenne,en Guyane, la station saint-pierroi-se réceptionnera les images dessatellites Spot 4 et Spot 5, Envisatet Radarsat 2.

Les deux premiers, de type opti-que,présentent l’avantage de four-nir des images d’une très hauterésolution, mais leur capteurdevient « aveugle » la nuit ou enprésence de nuages.

Les deux autres, des satellitesradars, captent des images d’unerésolution inférieure, mais ils peu-vent opérer dans toutes les condi-tions météorologiques, de jourcomme de nuit. La conjugaison

des quatre permet d’obtenir surune même zone des images à quel-ques heures d’intervalle.

Les applications de l’imageriesatellitaire sont nombreuses ; cel-les jugées ici prioritaires concer-nent l’aménagement du territoireet la surveillance maritime (trafic,pêche, pollution). Les imagesreçues,quipourrontdescendrejus-qu’à3mderésolution,sontparticu-lièrement adaptées à la surveillan-ce maritime, selon les promoteursdu projet. La gestion des risquesnaturels, l’observation des change-ments climatiques, le suivi de labiodiversité, la surveillance épidé-miologique font aussi partie desaxes prioritaires du programme.

SEAS-OI est aussi perçu comme«un outil majeur pour le développe-mentdeLaRéunionautitredelacoo-pérationrégionale»,cequiapermisdefairefinancerplusdelamoitiédel’investissementtotal(10,2millionsd’euros) par des fonds européens.Des programmes tels Acclimate,axé sur le changement climatique,et Global Monitoring for Environ-ment and Security (GMES), portésdans la zone par la Commission del’océan Indien, sont directementintéressés par la station.

Lespromoteurs deSEAS-OI tien-nent à ce que l’exploitation desimages soit assurée localement.« Les données acquises par la sta-tion doivent être traitées dans lecentre de détection » et non enEurope, insisteJean-PhilippeCami-nade, responsable de la stationpour l’IRD. L’université de La Réu-nion a créé en 2010 un masterinternational« télédétection et ris-ques naturels ». « SEAS-OI est unoutil qui va amener le développe-mentde la géomatique », la sciencedela collecte,del’analyseet del’uti-lisation des données géographi-

ques, prévoit David Lorion. Larégionetses partenairesontachetéles droits d’acquisition et de redif-fusion des images pour trois ans :

une durée pendant laquelle ilsdevront trouver les conditionsd’un autofinancement ultérieur. p

Hervé Schulz

L’île a«une positionprivilégiée,oùles

effetsdu changementclimatiqueseronttrèsimportants»

David Lorion,géographe

à l’université de La Réunion

Les leçonsde la marée noire de Chevron au BrésilLafuitedepétroleau largedeRio inquiète lepays,quis’apprêteàexplorerdegigantesquesgisementsoffshore

Fin octobre, l’ incendie qui a rava-gé 2800 hectares de forêts dansle Parc national a donné lieu à denouvelles polémiques sur lesmoyens insuffisants dont estdotée l’île de La Réunion pour fai-re face à ces catastrophes récur-rentes.En 2010, cette partie de l’île,classée au patrimoine mondialde l’Unesco pour la richesse desa biodiversité, avait déjà ététouchée par le feu: 800 hecta-res avaient été détruits.Si elle ne règle pas la questiondes moyens d’intervention mis à

la disposition des sapeurs pom-piers au moment de la catastro-phe, la nouvelle base de récep-tion d’images satellite, installéedans la commune de Saint-Pier-re, au sud de l’île, devrait amélio-rer la prévention.L’observation de la forêt fait eneffet partie de son cahier descharges. Les données produitesdevront permettre d’améliorerla gestion forestière tout enaccentuant la vigilance sur leszones fragiles. Un programmespéciquement dédié aux forêtsest par ailleurs en projet.

600 km

COLOMBIE

VENEZUELA

BOLIVIE

PÉROU

PARAG.

ARGENTINE

BRÉSILAmazone

Brasilia

Rio deJaneiroSao Paulo

Océan Atlantique

Frade

Un outil de prévention des incendies

LaRéunion devientune base d’observationenvironnementale dans l’océanIndienGrâceàsanouvelle stationderéceptiond’imagessatellite, la régionfourniradesdonnéesutilesà lapréventiondescatastrophesnaturelles

8 0123Mardi 29 novembre 2011

Page 8: Le Monde 29 Novembre

Autourde latable, cinqacteurs incontournables

Leprotocolede Kyoto,pierre angulaire d’une négociation enpéril

Connie HedegaardLe Chevalier blanc européen

La commissaire européenne au cli-mat n’a pas laissé un bon souve-nir de sa présidence de la Confé-rence de Copenhague, en 2009.L’énergie qu’elle déploie depuisdeux ans pour convaincre lesautres pays d’aller vers un accordglobal a redressé son image.L’Union européenne, qui est prêteà s’engager dans une deuxièmephase du protocole de Kyoto,apparaît comme la seule forcemotrice de cette négociation.Mais elle a aussi posé ses condi-tions : son engagement doit s’ins-crire dans une feuille de routecommune à l’ensemble desgrands pays émetteurs. Le princi-pe d’un traité global et contrai-gnant doit être fixé et une datedoit être arrêtée. Les divisionsentre Européens risquent cepen-dant de freiner l’allant de ConnieHedegaard. Elle devra en particu-lier gérer les réticences de la Polo-gne, qui assure la présidence del’Union, et de l’Italie. p

planète

L ’Europe qui « pèse » quatrefois moins que les deux plusgros pollueurs de la planète

réunis (Etats-Unis et Chine sont àl’origine de plus de 40 % des émis-sions mondiales de CO2) a-t-elleencore les moyens d’orienter lesnégociations climatiques ? La17e conférence de la Conventioncadre des Nations unies sur leschangements climatiques(CNUCC) qui s’est ouverte, lundi28 novembre, pour deux semai-nes, à Durban (Afrique du Sud),sera un test important.

Pari imprudent ou calcul mesu-ré de la part des Européens, c’est entout cas autour de leur proposi-tion que devraient s’articuler lesdiscussions politiques pour tenterde redonner du souffle et un cap àun processus multilatéral qui,depuis l’échec de la conférence deCopenhague, en décembre 2009,s’estinstallé dans un «régime »lar-gement insuffisant pour espérerlimiter la hausse moyenne destempératures à 2 ˚C d’ici la fin dusiècle. Seuil recommandé par lesexpertsdu Grouped’experts inter-

gouvernemental sur l’évolutiondu climat (GIEC) pour se prémunird’unréchauffement auxeffetsirré-versibles et dangereux pour unegrande partie de l’humanité.

Or les engagements pris pourinfléchir l’envolée des émissionsmondiales sont loin de suffire. Ilsne représentent que 60 % de l’ef-fort qu’il faudrait fournir d’ici à2020.Deuxrapports(l’undel’Agen-ce internationale de l’énergie,l’autre du Programme des Nationsunies pour l’environnement) vien-nent de confirmer que, au rythmeactuel, le thermomètre mondialaugmenterait de 3˚C à 6˚C d’ici à lafin du siècle plutôt que 2˚C.

D’où la volonté de remettre aucentre de la négociation la nécessi-té d’un accord global et légalementcontraignant qui oblige tous lesgrands émetteurs à prendre leurpart du fardeau. Au lendemain deCopenhague, cette idée semblaitavoir fait long feu et les Européens,anéantis par le fiasco de la confé-rence, avaient, par réalisme, admisqu’il faudrait peut-être se satisfai-re de contributions volontaires.

Ce fut, dans le langage des négo-ciateurs, le basculement d’uneapproche « top down » vers uneapproche « bottom up » : chacunmet ce qu’il veut sur la table etadvienne que pourra.

Les Européens reviennent doncàla charge à Durban. Parce qu’il n’ya pas d’autre solution, a expliquéla commissaire au climat, ConnieHedegaard. « Seul un objectifcontraignant nous oblige à agir. Encette période de crise, l’Union euro-péenne n’aurait certainement pascontinué à progresser dans la luttecontre le changement climatique sicet impératif n’avait pas été inscritdans sa législation. Les autres paysdevraient en tirer des enseigne-ments », a-t-elle rappelé à la veillede Durban, en faisant référence aupaquet climat-énergie qui balise lapolitique climatique de l’Unionjusqu’en 2020.

Connie Hedegaard a une carteen main : le protocole de Kyoto,dontla premièrepériode d’engage-ment expire fin 2012. Les pays endéveloppement avec les grandsémergents – Chine, Brésil, Inde,

Afrique du Sud – exigent sa recon-duction, car il constitue leur uni-que moyen de pression sur lespays industrialisés.

Or l’Union européenne (UE) estlaseuleàavoirofficiellementdécla-ré être prête à une seconde périoded’engagement. A une condition :que les autres grands pays émet-teursadhèrent à une feuille de rou-te actant du principe d’un futurtraitéglobaletcontraignant.«L’Eu-rope,avec ses 11% d’émissions mon-diales, ne peut sauver seule le pro-cessus. Il faut faire davantage, celan’aurait pas de sens que l’Europeaccepte de maintenir Kyoto sans

contreparties.Le monde attend queles Etats-Unis et les pays émergentss’engagent. Voilà pourquoi nousproposons d’adopter une feuille deroute claire avec un calendrier quinous conduise vers un traité solideavec la participation de tous lesgrands pays émetteurs», défend lareprésentante européenne.

Quelles sont les chances de voirun tel scénario émerger à Durban?Faibles, assurément. Même si lasecrétaire exécutive de la conven-tion climat, Christiana Figueres, aconfirméqu’ilétait pris au sérieux:«Les gouvernements sont arrivés àDurban en ayant très clairement à

l’esprit que l’avenir du protocole deKyoto est LE sujet sur la table et qu’ilest intimement lié aux décisionsqu’ils prendront sur un accord glo-bal», a-t-elle déclaré dimanche.

Trois options sont possibles. Laplus optimiste couronne de succèsl’initiativeeuropéenne.Lanégocia-tion est relancée et les parties sedonnent jusqu’en 2015 pour discu-ter de l’architecture du futur traitéqui entrerait en vigueur en 2020,lorsque expireraient les engage-ments pris par quelques-uns dansune seconde période de Kyoto – lesEuropéens espèrent au moins ral-lier la Norvège, la Nouvelle-Zélan-de et la Suisse – et ceux adoptésdans la foulée de Copenhague.

Quatre-vingt-quatre pays, dontles Etats-Unis et la Chine, ont déjàformellement déposé auprès de laConvention climat des plans d’ac-tion volontaires d’ici à 2020. Ladate butoir des négociations, fixéeà 2015, permet de prendre encompte les données du prochainrapport du GIEC, qui doit êtrepublié en 2013.

Deuxième option nettementmoins ambitieuse, mais toujoursoptimiste : l’idée d’un traitécontraignant est entérinée, maisles pays émergents et les Etats-Unis refusent de fixer une date.L’UEacceptelecompromis. Ladéci-

sion est renvoyée après 2015 à lalumière du rapport du GIEC et desavancées sur les autres volets de lanégociation, en particulier celuidu financement.

Les pays développés ont promisla création d’un « fonds vert » dotéde 100 milliards de dollars (75 mil-liards d’euros) par an à partir de2020 pour financer les politiquesdetransitionénergétiqueetd’adap-tation des pays en développement.Le Fonds a été créé, mais reste jus-qu’à présent une coquille vide. Lacrise financière compromet toutréel progrès à Durban. Les caissespubliques sont vides et la discus-sion sur les financements inno-vants n’est pas mûre.

Troisième option : l’UE essuieune fin de non-recevoir. Les paysendéveloppement refusentde dis-cuter d’engagements contrai-gnants tant que la question dufinancement n’est pas réglée. LesEtats-Unis jettent de l’huile sur lefeu en dénonçant une nouvellefois le dumping environnementalde la Chine. Aucune décision n’estprise sur le protocole de Kyoto. Laconfiance dans le processus denégociations multilatérales s’ef-fondre un peu plus.

Une seule chose est sûre : laconférence Durban ne sera pas cesimplerendez-vousd’étapeannon-cé il y a encore quelques semaines.Lundi matin, le texte sur lequel les193 Etats devront plancher n’exis-tait pas encore.p

Laurence Caramel

Aurythme actuel,lethermomètre

mondialaugmenteraitde 3˚Cà6˚Cd’ici àla findusiècle,au lieu de 2˚C

La Caravane transafricaine de l’espoir, partie du Burundi pour alerter l’opinion à l’exposition particulière

du continent aux conséquences du réchauffement climatique, est arrivée à Durban le 26 novembre. R. JANTILAL/AFP

Climat:lecoupdeforcedel’EuropepourarracheruntraitéàlaconférencedeDurban193payssontréunisenAfriqueduSud.L’UniondemandeauxEtats-Unisetauxémergentsdefairepluscontre le réchauffement

IL FAUT SAUVER le protocole deKyoto. A l’exception des Etats-Unis, qui ne l’ont pas ratifié, tousles pays qui participent aux négo-ciations climatiques réclamentune solution pour «prolonger » ceprestigieux mourant.

Même le Japon, qui a clairementindiqué (comme la Russie et leCanada) qu’il ne souscrirait pas àune seconde période d’engage-ment au-delà de 2012, ne souhaitepas que soit abandonné tout ce quia été si difficilement construit pourimposer le seul traité légalementcontraignant de réduction desémissions de gaz à effet de serre.

Signé en 1997 – cinq ans après lacréation de la Convention cadre

des Nations unies sur les change-ments climatiques (CNUCC), dansla foulée du Sommet de la Terre deRio –, le protocole n’est entré envigueur qu’en 2005, après la ratifi-cation par la Russie obtenue enéchange d’une généreuse dotationde crédits carbone. Il impose à37pays industrialisés ainsi qu’àl’Union européenne de réduired’au moins 5% leurs émissions pol-luantes entre2008 et 2012 par rap-port à 1990.

Pour les pays en développe-ment, une seconde période d’enga-gement constitue la seule garantieque les pays industrialisés, qui por-tent la responsabilité historiquedu réchauffement, continueront à

agir. «Durban ne sera pas la tombedu protocole de Kyoto », a averti legroupe africain. Même si chacunsait que cet outil est insuffisant etne colle plus au monde actuel danslequel les pays émergents produi-sent près de 40% des émissions etles pays industrialisés, contraintspar le protocole, à peine un tiers.

Spectacle chaotiqueMais l’acquis de Kyoto repose

aussi sur l’adoption de règles com-munes (comptabilisation des émis-sions, validation des efforts deréduction) qui apparaissent pré-cieuses à la lumière du chaotiquespectacle auquel donne lieu ledébat sur la façon dont tous les

pays signataires de la conventionpourraient devoir rendre compte àl’avenir de leurs engagements.

Le sort des « mécanismes deflexibilité» qui permettent auxpays industrialisés de réaliser unepartie de leurs réductions d’émis-sions dans des pays en développe-ment est aussi en jeu. Le plusimportant d’entre eux, le « méca-nisme de développement propre »(MDP), a servi à financer, essentiel-lement en Asie, plusieurs milliersde projets fondés sur des technolo-gies plus sobres en carbone.

Ce mécanisme est loin d’êtreparfait et les Européens souhai-tent qu’il soit réformé, mais il a lemérite d’exister. Le brouillard qui

entoure l’horizon au-delà de 2012 adéjà commencé à geler nombred’initiatives. En 2010, le marchédes MDP n’a jamais été aussiréduit depuis sa création, en 2005,selon les chiffres de la Banquemondiale. Le doute s’est du resteinsinué dans l’ensemble du mar-ché carbone. La crise économiqueporte sa part de responsabilitédans ce retournement, mais pasautant que l’absence de débouchéde la négociation climatique.

Le sauvetage de Kyoto est doncbien davantage qu’une questionde principe. Il s’agit de préserverles éléments d’une grammairecommune de la lutte contre lechangement climatique. p L. C.

Tosi Mpanu MpanuLa voix de l’Afrique

Le temps où les délégations afri-caines arrivaient dans les confé-rences sur le climat en ordre dis-persé et mal préparées est termi-né. Le groupe africain parle d’uneseule voix et l’on sait depuisCopenhague qu’il peut tenir avecfermeté sur ses positions.A sa tête depuis deux ans, leCongolais Tosi Mpanu Mpanudéfend une ligne claire: reconduc-tion du protocole de Kyoto car,défend-il, c’est le « pilier juridiquede la lutte contre le réchauffe-ment» et financement accru pourl’adaptation. L’Afrique, continentle plus exposé aux conséquencesdu changement climatique, a, jus-qu’à présent, reçu une part infimedes flux financiers internatio-naux. Le groupe africain comptesur la présidence sud-africaine dela conférence pour être entendu,mais il s’est aussi rapproché desautres pays vulnérables commeles petits Etats insulaires afin depeser davantage. p

Jayanti NatarajanL’Indienne intransigeante

La ministre indienne de l’environ-nement s’est clairement expri-mée contre toute forme de traitéglobal et légalement contrai-gnant. Elle considère qu’avantd’avoir ce débat, les pays indus-trialisés doivent honorer leurspromesses, notamment en matiè-re de financement et de transfertde technologie. Elle souhaite aus-si que les questions commercia-les soient intégrées aux négocia-tions. Jusqu’à quel point JayantiNatarajan peut-elle infléchir saposition ? C’est l’une des incon-nues de la négociation. En por-tant haut les intérêts des payspauvres, l’Inde souhaite aussiréaffirmer qu’elle n’est pas dansla même situation que la Chine.Le niveau de ses émissions parhabitant est inférieur à 2 tonnesde CO2 par an. Il est de 6,8 tonnesen Chine. Plus que jamais, l’Inderevendique son statut de pays endéveloppement. p

CRÉDITS PHOTO : REUTERS, AFP, AFP, IISD, ECAS

Todd SternL’avocat de l’inertieaméricaine

L’envoyé spécial pour le climat deBarack Obama est un vieux rou-tier des négociations climatiques.Sa nomination, en janvier 2009,avait été présentée par la secrétai-re d’Etat, Hillary Clinton, commele signe que « les Etats-Unis pren-nent très au sérieux la lutte contrele changement climatique ».Depuis, les démocrates ont perdula majorité à la Chambre des repré-sentants et les climatosceptiquesont regagné du terrain. Les enga-gements volontaires pris à Copen-hague – réduire de 17 % les émis-sions de CO2 d’ici à 2020 par rap-port à 2005 – restent sur la table, aindiqué Todd Stern. Mais l’affron-tement avec la Chine, que les Etats-unis veulent voir soumise auxmêmes règles que les pays indus-trialisés, reste un véritable pointde blocage dans les négociations.Les deux plus gros pollueurs de laplanète ne sont, pour l’heure, pasparvenus à un compromis. p

Xie ZhenhuaUn Chinois sous pression

Le porte-parole chinois estcontraint à une partition délicate:justifier que la Chine continue dese voir appliquer un traitement depays en développement – auquelaucun engagement contraignantne doit être réclamé – tout endémontrant que, en tant que plusgros émetteur de CO2 de la planè-te, elle est aussi prête à assumersa part de responsabilité.La Chine, qui sait que cette posi-tion ne sera pas éternellementtenable, cherche à gagner dutemps. Il lui importe, en revanche,que les pays industrialisés pren-nent de nouveaux engagements,car elle a investi massivementdans les technologies vertes.Ces derniers mois, ses industrielsont fait les frais de la baisse dessubventions accordées par les gou-vernements européens sur cesmarchés. La Chine suscite parailleurs l’agacement discret maiscroissant des pays pauvres, vulné-rables au réchauffement. p

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Page 9: Le Monde 29 Novembre

france

V ive laFrance !Enpleine tour-mente européenne, alorsque le pays est menacé non

seulement de perdre son triple Amais de devoir consentir des aban-dons de souveraineté budgétaire,Nicolas Sarkozy et la droite se rac-crochent comme à une bouée aucredo national.

Depuis une semaine, ils organi-sent méthodiquement le clivageavec la gauche en menant une tri-ple offensive. Economique d’abordavec la défense du « made in Fran-ce».C’estsouscetanglequeleprési-dent de la République, le premierministre, François Fillon, et les res-ponsablesdel’UMPontattaquél’ac-cord PS – Europe Ecologie-LesVerts, qui prévoit la fermeture de24 réacteurs nucléaires sur 58 encas de victoire de la gauche. Ilsdénoncent«laruptured’unconsen-sus vieux de 65ans », l’atteinte à « lasouveraineté nationale », la miseen cause « d’une filière d’exc-ellence» et les pertes d’emploi.

Côté politique, la droite et le pré-sident du MoDem, François Bay-rou, ont relevé, dans le mêmeaccord, une proposition visant àsupprimer le droit de veto auconseil de sécurité de l’ONU.

« Les socialistes semblent s’ingé-nier à priver la France de tous sesatouts : l’atout de la crédibilitéfinancière, l’atout de l’indépendan-ce énergétique, et l’atout de notreplace au Conseil de sécurité desNationsuniesquinousdonnelapos-sibilité d’influer sur l’organisationdu monde », s’est exclaméM. Fillon, samedi 26 novembredevant les cadres de l’UMP. C’est«la grande braderie de la France», arenchéri Jean-François Copé, secré-taire général de l’UMP.

Côté identitaire enfin, la droite,dans la foulée du président de laRépublique, tire à boulets rougessur la proposition de loi déposéeau Sénat par le PS, qui vise à accor-der le droit de vote aux étrangersaux élections locales. « Il y a un telmalaiseaveclanation,unetelleper-tederepèresquerajouterencorecel-le-ci serait désastreux », justifieHenri Guaino, conseiller spécial duchef de l’Etat alors que NicolasSarkozy était favorable, à titre per-

sonnel, à ce droit de vote il y a sixans.

Devant les maires de France(AMF) réunis en congrès, le23novembre, M. Sarkozy a estiméqu’une telle proposition « semblehasardeuse, parce qu’elle risque dediviser profondément les Français».

Une manière d’envoyer dessignaux à l’électorat de droite.Selon un sondage BVA pour Le Pari-sien, publié lundi 28 novembre,61%des Françaissont favorablesaudroitdevotedesétrangersauxélec-tions locales, mais 56% des sympa-thisants de droite y sont opposés.

La vigueur de l’offensive du par-ti majoritaire est à la hauteur de lacrainte des autorités françaises deperdre le triple A. «Plus on travaillemain dans la main avec l’Allema-gne, plus il faut montrer qu’ondéfend les intérêts français »,décrypte un ministre. NicolasSarkozy n’a pas d’autres solutionsque de coller à Berlin. La chanceliè-re allemande, Angela Merkel, veutréviser les traités européens pourgarantir au sein de la zone euro lesérieux budgétaire. Les modalitésde l’accord ne sont pas encore arrê-tées, mais le gouvernement s’at-tend à devoir vendre aux Françaisdes abandons conséquents de sou-veraineté budgétaire.

Jamaisune campagne présiden-tielle ne s’était déroulée dans untel contexte de crise. L’exaltationdu sentiment national vise à luttercontre l’impression que le politi-que n’a plus de prise sur les événe-ments. « La France veut rester laFrance,elle veut être rassurée», jus-

tifie M. Guaino, chargé de rédigerle nouveau discours de Toulonque prononcera le chef de l’Etatjeudi 1er décembre. « On garde desatouts, tout ne fout pas le camp »,se rassure le ministre de l’agricul-ture, Bruno Le Maire, qui contri-bue activement à la rédaction duprojet UMP.

Sur la crise du politique, les indi-cateurs sont contradictoires. Le

baromètre de la confiance politi-que réalisé en octobre pour le Cevi-pof fait état d’un niveau record dedéfiance, en grande partie liée ausentiment d’une impuissancepoli-tique : plus de la moitié des Fran-çais (52 %) déclarent n’avoirconfiance ni dans la droite ni dansla gauche pour gouverner le pays.

A l’Elysée, on fait le pari que ladramatisation sert Nicolas Sarkozy

pourvu qu’il endosse les habits deprésident protecteur. D’où les atta-ques contre une gauche « hors sol»,d’où aussi le virage de l’UMP qui neveut plus s’attaquer frontalementau modèle social français mais pré-tend au contraire le sauver.

Un autre élément ou plutôt untroisièmepersonnageinciteladroi-te à pratiquer le «cocorico ».

Marine Le Pen atteint dans lessondages un niveau auquel sonpèren’étaitjamaisparvenu. La pré-sidente du Front national est consi-dérée comme une concurrenteredoutable dans le monde desouvriers et employés qui représen-tent un tiers de l’électorat.

Elle s’emploie à récupérer un àun les déçus du sarkozysme enjouant sur le nationalisme (« Etatfort », « réindustrialisation dupays»), le protectionnisme (« sortiede l’euro et barrière aux frontièresnationales»), lapréférencenationa-le, renommée « priorité nationa-le », et le rejet du multiculturalis-me. « La seule qui parle de leurs pro-blèmes, c’est elle», affirme le polito-logue Jérôme Fourquet, auteuravec le sociologue Alain Mergierd’une «Enquête sur les ressorts duvote FN en milieux populaires »(Fondation Jean Jaurès).

Comme lors du débat sur l’iden-tité nationale, M. Sarkozy et l’UMPse remettent donc à flirter avec lesthématiques lepénistes – identité,sécurité, immigration –, en espé-rant rallier les électeurs du FN ausecond tour de la présidentielle,mais sans être sûrs de ne pas les fai-re trop monter au premier. p

Françoise Fressoz

Lecamp Hollande disputeàla droiteladéfense delasouveraineté

Leparti majoritairefustigela propositiondeloidu PS, quivise

àaccorderle droitdevote auxétrangersauxélections locales

Faceau PS,l’UMP mise sur lethème delanationContrainteparlacriseàdesabandonsdesouverainetébudgétaire, ladroiteveutséduire l’électoratpopulaire

EN ACCUSANT la gauche de prépa-rer « la grande braderie de la Fran-ce », Jean-François Copé, le secré-taire général de l’UMP, puisedans une rhétorique bienconnue. « Depuis la fin du XIXe siè-cle, l’idée selon laquelle la gaucheincarnerait le “parti de l’étranger”voire “l’anti-France”, est régulière-ment utilisée par une partie de ladroite », rappelle l’historien Vin-cent Duclert, professeur à l’Ecoledes hautes études en sciencessociales et coauteur d’un entre-tien avec François Hollande parudans Le Rêve français (Privat), lelivre publié par le député de laCorrèze en août.

Après le républicain Waldeck-Rousseau, dépeint en 1902 com-me l’incarnation du « ministère del’étranger », après Léon Blum,soupçonné en 1936 de vouloir por-ter à la tête de la France une coali-tion « antinationale», et aprèsFrançois Mitterrand, dont la victoi-re, en 1981, alimenta la peur devoir les chars soviétiques entrerdans Paris, voici donc FrançoisHollande dépeint en fossoyeur del’intérêt national.

Dans l’entourage du candidatsocialiste, l’accusation est prise ausérieux. «On ne gagne pas une pré-sidentielle sans porter une certai-ne vision du récit national. Or,entre Henri Guaino et Marine LePen, on voit aujourd’hui qu’il y aune rude concurrence dans cedomaine. Celui qui portera le

mieux ce récit-là tient dans sesmains le talisman de la présiden-tielle», explique le député euro-péen Vincent Peillon, chargé desquestions d’éducation dans l’équi-pe de M. Hollande.

Procès d’intentionA l’évidence, le temps est révo-

lu où la gauche socialiste tenait lanation en suspicion. « Depuis quel-ques années, le PS est clairementdans une phase de réactivation dela nation et de la République. Nousne sommes plus dans les années1980-1990 où rares étaient lessocialistes qui osaient prôner ledevoir d’intégration plutôt que ledroit à la différence et où le projeteuropéen avait ravalé la nation aurang d’idée ringarde. Comme surles questions de sécurité, les accusa-tions que porte aujourd’hui la droi-te relèvent du pur procès d’inten-tion », explique François Kalfon,délégué général du PS aux étudesd’opinion et coauteur d’un récentPlaidoyer pour une gauche popu-laire (Le Bord de l’eau, 116p., 10 ¤).

Si les socialistes sont aujour-d’hui si attentifs à ne pas laisser ladroite s’arroger le monopole de ladéfense de l’intérêt national, c’estau fond parce qu’ils savent que tou-te une partie de l’électorat est trèssensible à cette thématique. « Laquestion de la souveraineté a tou-jours été une préoccupation très for-te des Français. Or elle l’est encoreplus aujourd’hui. Plus que jamais,

nos concitoyens ont le sentimentque l’Europe est un nouveau Lévia-than qui leur échappe. La seulealternative est de proposer uneEurope dans laquelle la souveraine-té populaire ne soit pas dépossé-dée», analyse Vincent Peillon.D’où l’accusation portée par le PScontre Nicolas Sarkozy, accusé debrader la « souveraineté budgétai-re» de la France au profit de l’Alle-magne.

Pour M. Peillon, « cette questionde la reconquête de la souveraine-té est particulièrement importan-te pour les couches populaires. Cet-te France dite “invisible” ne deman-de pas que du pouvoir d’achat, ellea besoin aussi de se sentir apparte-nir à une communauté ». L’enjeuest en tout cas assez importantpour faire l’objet, jeudi 1er décem-bre, d’un séminaire organiséautour de François Hollande enprésence des auteurs du Plaidoyerpour une gauche populaire. « Lesclasses populaires et les couchesmoyennes déclassées font face àune triple insécurité : l’insécuritétout court, l’insécurité économi-que et sociale, et l’insécurité identi-taire. Face à une droite qui a choisiune vision repliée de l’identiténationale en exacerbant les hainesde proximité, la gauche doit appor-ter une réponse républicaine quipasse notamment par la réactiva-tion de la promesse scolaire », plai-de François Kalfon. p

Thomas Wieder

Le président Sarkozy, lors de son discours à la centrale nucléaire de Tricastin (Drôme), vendredi 25 novembre. LIONEL BONAVENTURE/AFP

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Page 10: Le Monde 29 Novembre

politique

François Hollande a dû tran-cher et désavouer un nou-veau point de l’accord entre

Verts et socialistes, lundi28 novembre, en promettant aumicro de BFM-TV et RMC qu’il n’yaurait pas de remise en cause duvetofrançaisàl’ONU s’il étaitprési-dent. « Tant que je serai dans lasituation d’exercer la responsabili-té de mon pays si les Français me laconfient, il n’y aura pas de remiseen cause du droit de veto, de remiseen cause unilatérale du droit deveto», aprécisélecandidat socialis-te, en ajoutant : « Les Nations uniesdoivent évoluer, il y a une réflexionqui peut être engagée, une gouver-nance mondiale. »

L’UMP, rejointe par le centre etune partie de la gauche, pilonne lePS sur ce sujet depuis une semai-ne. C’est le ministre de l’intérieur,Claude Guéant, qui a déniché, mer-credi 23 novembre, ce point passéinaperçu de l’accord entre le PS etEurope-Ecologie Les Verts (EELV).

Selon le texte, « la France ferades propositions précises pourréformer et démocratiser l’ONUafin qu’elle structure un ordre juri-dique et normatif global : siègeeuropéen, suppression du droit deveto, meilleure représentativité despays du Sud au sein du Conseil desécurité, renforcement du rôle desorganisations non-gouvernemen-tales ». Il n’en fallait pas plus pourque Claude Guéant juge que « les

deux partis, donc M. Hollande, pro-posentqu’auConseil de sécurité [del’ONU], ce soit désormais un repré-sentant de l’Union européenne quisiège et que, par conséquent, laFrance n’y siège plus ».

Une attaque relayée par Jean-François Copé, pour qui « FrançoisHollande s’apprête à brader l’un desfondamentaux de notre indépen-dance ». Et d’ajouter : « Imagi-ne-t-on François Mitterrand enga-ger la France dans une abdicationde son statut de membre perma-nent du Conseil de sécurité ? ». Uneattaque, là encore, de la stature pré-sidentielle de M.Hollande.

L’accord n’évoque pourtant pas,comme l’interprète l’UMP, la perted’un siège français mais la mise enplace d’un siège européen, mêmesi un cumul semble improbable.

Plus lapidaire, le passage sur ledroit de veto posait question : cinqpays, membres permanents duConseil de sécurité, possèdent cedroit : Etats-Unis, Russie, Chine,Grande-Bretagne et France. Etaucun ne compte se priver d’un telavantage, même si, depuis unetrentaine d’années, Paris plaide,avec Londres, pour un élargisse-ment du cercle des membres per-manents à d’autres nations : Alle-magne, Brésil ou Inde.

En matière de relations interna-tionales, l’accord prend des posi-tions plus idéalistes que concrètesqui rappellent une résolutionvotée par le Parlement européenen 2004. Le Parti populaire euro-péen (PPE), dans lequel siègel’UMP, avait alors voté, avec la gau-che, un texte prônant un élargisse-ment du conseil de sécurité et unemodification du droit de veto, qui

aurait nécessité deux pays et nonplus un seul.

L’UMP n’a pas été la seule à s’in-quiéter du contenu de l’accordVerts-PS. François Bayrou a égale-ment jugé « infiniment troublant»que l’on veuille gommer « la seulearme qui permette encore à la Fran-ce d’être au rang des puissancesmajeures ». A gauche, Jean-PierreChevènement a lui aussi fait partde son inquiétude devant un textequi «ne tient pas debout».

Convoqué à la défense de l’ac-cord, Pierre Moscovici, directeur decampagne de M. Hollande, avaitdéjà fait, vendredi, la distinctionentre grands principes et réalités :«Iln’est pasquestion de remettre encause le statut de membre perma-nent de laFrance au Conseil de sécu-rité de l’ONU, ni le droit de veto »,avait-il assuré, ajoutant qu’il n’yavait rien d’anormal à vouloir,

« avec les Verts, poursuivre desidéaux et souhaiter des change-ments de long terme ».

Les écologistes, eux, défendentune interprétation plus formelledu texte. Cécile Duflot jugeait ven-dredi que «des positions européen-nes portées sur la politique interna-tionale » seraient « plus utiles quecet anachronique droit de veto de laFrance». Pour la candidate d’EELVEvaJoly,le droit devetode laFranceà l’ONU est « un privilège dépassé,réservé à quelques pays ».

Cette nouvelle différence de lec-ture entre partenaires à gaucheinquiète, au sein du PS, après l’épi-sode du nucléaire. Le PS se débattoujours sur cette question face àl’UMP, qui accuse, Nicolas Sarkozyen tête, socialistes et écologistes devouloir « brader » l’indépendanceénergétique du pays en mettantfin au nucléaire. Une vision carica-turale de la position médiane ducandidat socialiste, mais qui per-met là aussi à la droite d’attaquerM. Hollande sur les thématiquesplus régaliennes et internationa-les dans lesquelles M. Sarkozy estjugé le plus positivement dans lesenquêtes d’opinion.

L’accord avec EELV, qui devaitpermettre à François Hollande derelancer sa campagne, apparaît deplus en plus, aux yeux de certainssocialistes, comme un « énormecafouillage », selon les termesMichel Vauzelle, président PS de larégion PACA. p

Samuel Laurent

Hélie Denoix de SaintMarc décoré par Nicolas SarkozyLechefde l’Etatélèveà ladignitédegrand-croix l’ancienrésistantetex-putschistede 1961

A près avoir annoncé, vendre-di25 novembre, vouloirs’at-taquer aux « faux » deman-

deurs d’asile (Le Monde du26novembre), le ministre de l’inté-rieur, Claude Guéant, a déclaré,dimanche, vouloir s’attaquer aux« fraudes sociales » imputablesaux étrangers.

Interrogé sur Europe 1 lors del’émission « Le Grand rendez-vous », en partenariat avec iTélé etLe Parisien, M. Guéant a annoncéson intention de « connecter », dèsle 1er janvier 2012, « les fichiers desétrangers résidant en France et lesfichiers de Sécurité sociale ». Unefaçond’avoir«des moyenspluseffi-caces pour lutter contre ces fraudesspécifiques», a-t-il plaidé.

Le ministre doit se rendre à Cré-teil, la préfecture du Val-de-Marne,mardi 29 novembre, pour exami-nerundispositif«pilote»decoopé-ration entre la police et la Caissed’allocations familiales (CAF). Undispositif qui, selon son entourage,aurait permis depuis sa mise enœuvre, en avril, de recouvrir«175 000euros d’indus ». La volon-té de M. Guéant de s’attaquer aux« fraudes sociales des étrangers »est le résultat d’un décret paru il y abientôt six mois – le 8 juin – quiréforme l’Application de gestiondes dossiers des ressortissantsétrangers en France (Agdref). Ce« fichier des étrangers », commel’appelle le ministre, existe depuis1993etenregistretouteslesdeman-des de titres de séjour et de voyage.

Mais, depuis juin, Agdref a étéfusionné avec un autre fichier, dit«ELOI », qui recense, lui, toutes lesmesures d’éloignement. Et parmiun certain nombre d’innovations,Agdref – rebaptisé Agdref 2 – peutdésormais être consulté par lesagents des organismes chargés dela gestion d’un régime obligatoirede Sécurité sociale.

Ces derniers peuvent ainsi véri-fier la régularité du séjour desétrangers et identifier notammentles « faux-papiers». Cette réforme,en gestation depuis longtemps, aété rendue possible par le vote, enmars, de la loi d’orientation et deprogrammation pour la perfor-mance de la sécurité intérieure(Loppsi2). La possibilité de consul-ter Agdref était aussi l’une desrecommandations, en juin, du rap-port sur la fraude de la Mission par-

lementaire d’évaluation et decontrôle des lois de financementde la protection sociale (Meccs).

Sur Europe 1, dimanche,M. Guéant a dit vouloir cibler lesétrangers qui « résident régulière-ment sur le sol [français], touchentdes allocations pour des enfants quine vivent pas en France », ainsi queceux qui font « des allers et retoursentre la France et leur pays d’origi-ne ». Pour bénéficier de droits enFrance, il faut en effet ne pas rési-der hors du territoire plus de trois àsix mois (selon les allocations).

«Vieux migrants»Cette dernière remarque visait

particulièrement les « vieuxmigrants»,précise-t-onPlaceBeau-vau. Ces immigrés, souvent origi-naires du Maghreb ou d’Afriquesubsaharienne, venus travailler enFrancependant les« trenteglorieu-ses » et qui vivent aujourd’hui enfoyer. Un contentieux juridiqueexiste toutefois sur le sort de cesderniers,uncertainnombred’asso-ciations et de parlementairesdéfendant leur droit à profiter sansconditions de leur retraite.

Le chiffrage des fraudes imputa-bles aux étrangers reste toutefoisun exercice difficile. En mars2010,une enquête publiée par Politiquessociales et familiales, le magazinede la Caisse nationale des alloca-tions familiales (CNAF), avait poin-té la surreprésentation des immi-grés et de leurs descendants dansles minima sociaux. Mais dans sonrapport, la Meccs n’avait donnéqu’un montant global de la fraudeaux prestations sociales : soit 2 à3milliards d’euros par an.

L’annoncedeM. Guéants’inscritdans la droite ligne des thèmes decampagne de l’UMP. Elle reprendaussiun sujet défendu par la candi-date du FN à l’élection présidentiel-le, Marine Le Pen. Interrogée surLCP le 23 novembre dans « Ques-tion d’info», en partenariat avec LeMonde, AFP et Dailymotion, Mme LePen avait détaillé comment ellesouhaitait lutter contre la «fraudesociale» – qu’elleimpute engrandepartie à l’immigration. « Il fautdévelopper la transmission à l’inté-rieur de l’administration des docu-ments qui fondent la délivrance depapiers», avait-elle plaidé. p

Elise Vincentet Jean-Baptiste Chastand

Lutte contrelafraude sociale:ClaudeGuéantcibleles étrangersLeministreveutconnecterlefichierdesétrangersrésidantenFranceavecceluide laSécurité sociale

Le nucléaire ou le siège français àl’ONU ne sont pas les seuls pointsde l’accord entre les Verts et lePS qui pourraient faire polémi-que. Le texte évoque ainsi lareconnaissance de l’Etat palesti-nien, qui ne figure pas en tant quetel dans le projet socialiste,même si François Hollande y estfavorable. Il propose aussi la miseen place d’une «contribution cli-mat énergie» similaire à la taxecarbone retoquée en 2009, maisqui serait deux fois plus chère

(36euros par tonne de CO2 en2012 contre 14euros dans la loide 2009), ou un encadrement desprix dans la grande distributionqui ne figurait pas non plus dansle projet socialiste. Un passageprécise par ailleurs la mise en pla-ce de la proportionnelle aux légis-latives: «entre 15% et 20% desdéputés, au moins 100sièges enfonction du redécoupage sur labase d’une analyse partagée».Le PS parlait jusqu’ici d’une«dose», sans plus de détails.

Droitdevetoàl’ONU:lePartisocialistenuancel’accordaveclesécologistesM.Hollandeaassuréque laplacede laFranceauxNationsuniesneserapasmodifiées’il estélu

N icolas Sarkozy devaitremettre, lundi 28 novem-bre, aux Invalides, lors de la

traditionnelle prise d’armesd’automne, les insignes de grand-croix de la Légion d’honneurà l’an-cien commandant Hélie Denoixde Saint Marc, 89 ans.

Résistant, survivant de la dépor-tation, auteur de nombreux livres,le chef de bataillon de Saint Marccommandait par intérim le 1er régi-ment étranger de parachutistes dela Légion, à qui le général MauriceChalle avait fait appel pour condui-re le putsch d’avril 1961 en Algérie.Le 1er REP a été dissous. Le comman-dant Denoix de Saint Marc,condamné à dix ans de réclusion, aété libéré après cinq ans.

« C’est unpersonnage embléma-tique des hauts et des bas de notrearmée », souligne le ministre de ladéfense, Gérard Longuet. « Mon-sieur le Président, on peut deman-der beaucoup à un soldat, en parti-

culier de mourir, c’est son métier,avait déclaré le commandant lorsde son procès devant le tribunalmilitaire le 5 juin 1961. Mais on nepeut lui demander de tricher, de sedédire, de se contredire, de mentir,de se renier, de se parjurer.» Le ges-te de M. Sarkozy « n’est pas un actepolitique », explique Franck Lou-vrier, conseiller en communica-tion de l’Elysée. « C’est un acte mili-taire, c’est en tant que chef desarmées que le président de la Répu-blique remet cette décoration.»

Rassembler les droitesLes putschistes d’Alger ont été

amnistiés et réintégrés dans lescadres de l’armée par six décretset lois successifs, de 1963 à 1982. Letexte du gouvernement Mauroyavait ainsi réintégré les deux der-niers généraux vivants, RaoulSalan et Edmond Jouhaud, à l’is-sue d’un vif débat et en dépit del’opposition de Pierre Joxe. « Il

appartient à la nation, au bout devingt ans, de pardonner», avait jus-tifié François Mitterrand.

La décoration de M. de SaintMarc s’inscrit dans la continuité,justifie M. Louvrier. « De Gaulle l’aamnistié en 1968. Il fut rétabli dansses droits civils et militaires parValéry Giscard d’Estaing et élevé àla dignité de grand officier de laLégion d’honneur le 29 mars 2003par Jacques Chirac ».

Il n’empêche. M. Sarkozy tente,à cinq mois de la présidentielle, derassembler toutes les droites fran-çaises. « Par petites touches, c’est leprésidentrassembleur quise confir-me », commente l’ancien ministrede l’intérieur Brice Hortefeux.

Promu par le même décret queM. de Saint Marc, Hocine Chieb-Bouares, 70 ans, harki et présidentd’associations d’anciens combat-tants, devrait être décoré lorsd’une future prise d’armes.

Le ministre des transports et lea-

der de la Droite populaire, ThierryMariani se réjouit d’un « signe »vis-à-vis des harkis. « Il y a unedemande de reconnaissance : 2012ne sera pas seulement l’élection pré-sidentielle, ce seront les 50ans de lafin de la guerre d’Algérie, et un cer-tain nombre de Français attendentun signe. » Dans ce contexte, ledéputéUMPJacquesMyard,souve-rainiste gaulliste, estime qu’il faut« saluer un grand soldat » enM.Denoix de Saint Marc. Et il pour-suit, à propos des harkis : « L’histoi-re des harkis n’est pas une page glo-rieuse de la France. Nous les défen-dons, mais nous leur disons aussiqu’il faut savoir tourner la page.»

Selon le ministre de la défense,parler de cette période «de maniè-re apaisée semble un devoir abso-lu».M.Longuetajoute:« Onpeutsetromper d’orientation, moi-mêmeje me suis beaucoup trompé.» p

Arnaud Leparmentieret Nathalie Guibert

«FrançoisHollandes’apprête àbrader l’undesfondamentaux denotre indépendance»

Jean-François Copésecrétaire général de l’UMP

Certains points de l’accord divergent du projet du PS

François Hollande (ici lors d’une conférence de presse à Paris, dimanche 27 novembre), a déclaré, lundi,

sur BFM-TV, qu’il ne remettrait pas en cause le veto français à l’ONU s’il était président. FRED DUFOUR/AFP

Election présidentielle

DominiquedeVillepinproposeune«équipedeFrancedesmeilleurs»A l’occasion d’une récente entrevue avec le chef de l'Etat, Dominique deVillepin a proposé à Nicolas Sarkozy d’avoir un gouvernement resserréà une dizaine de « grands talents ». Selon l’ancien premier ministre,interrogé dimanche 27 novembre sur BFMTV2012/Le Point/RMC, ceuxqui peuvent faire partie de cette « équipe de France des meilleurs » sontle secrétaire national de l’UMP, Jean-François Copé – « bon dans l’ac-tion », – le ministre des finances, François Baroin, le président du Partiradical, Jean-Louis Borloo, l’ex-ministre Thierry Breton, ou encore lessocialistes Gérard Collomb et François Rebsamen. Egalement question-né sur ses relations avec le président de la République, M. de Villepin aaffirmé avoir « tourné la page» de l’affaire Clearstream et entretenirdésormais des relations « républicaines, apaisées » avec le locataire del’Elysée. Il a encore affirmé n’avoir pas « dealé » avec Nicolas Sarkozy, enprécisant qu’il n’aurait pas accepté de « responsabilités dans un gouver-nement quelconque dans cette mandature ». Sans toutefois exclure uneparticipation au prochain quinquennat. – (AFP.) p

UMP Claude Guéant et Jean-François Copénient tout complot contre Dominique Strauss-KahnLe ministre de l’intérieur, Claude Guéant, et le secrétaire général del’UMP, Jean-François Copé, ont vivement dénoncé, dimanche 27novem-bre, la « thèse du complot » exposée par le journaliste américain EdwardEpstein dans la New York Review of Books et nié toute implication del’UMP dans cette affaire. L’enquêteur conclut qu’on a voulu nuire à DSKpour « faire capoter » sa candidature à l’élection présidentielle. « Grotes-que», a commenté M. Copé. « S’il y a quelqu’un qui estime qu’il y a com-plot, il n’a qu’à déposer une plainte», a conseillé M. Guéant.

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politique

Entretien

L es deux hommes, réunisautour du même thème, lasécurité, en plaisantent. Il y a

bien longtemps, leurs parcours sesont déjà croisés : ils ont été rocar-diens « à la même » époque, dansles années 1980. Puis, l’un, le dépu-té PS du Finistère Jean-JacquesUrvoas, 52 ans, a choisi l’engage-ment politique, quand l’autre, leprofesseur de criminologie AlainBauer, 49 ans, a opté pour l’ultras-pécialisation dans les questions desécurité,et le statutd’expert multi-fonction – certains diront éminen-ce grise du pouvoir, et notammentde Nicolas Sarkozy.

Mais le hasard – l’offre, en 2008,par Martine Aubry, du poste desecrétaire national chargé de lasécurité à M. Urvoas – les a, de nou-veau, amenés sur le même terrain.Depuis août, ils ont tour à tour pré-senté leur vision des questions desécurité. Jean-Jacques Urvoas dans11 propositions-chocs pour rétablirla sécurité (Fayard), puis dans unrapport de la fondation TerraNova, « Changer de politique desécurité », qu’il a supervisé. AlainBauer, avec le Livre blanc sur lasécurité publique, dont il a codirigéla rédaction avec le préfet de poli-ce, Michel Gaudin. Deux visionsqu’ils ont accepté de confronter.M.Urvoas, dans le rapport TerraNova, vous proposez de suppri-mer la prison pour les mineurs,n’est-ce pas s’exposer aux accu-sations de laxisme?

Jean-Jacques Urvoas: C’est aus-si le rôle d’un think tank que de bri-ser les tabous. Constatons que,depuis 2002, le nombre desmineurs détenus enregistre unenette baisse (825 en 2002, 723 en2010). Regardons la réalité : le pas-sage en détention confère uneaura.Osonsaffirmerquelaréinser-tion de ces mineurs passe par unencadrement éducatif très fort,avec une sécurité garantie poureux-mêmes et pour la population.Nelaissonspascroirequenoussug-géronsquedesmineursayantcom-mis des crimes ou des délits gravesne doivent pas être gardés dansuneenceinte.Mais,oui,nouspréfé-rons toute autre structure à la pri-son, école de l’oisiveté et de la réci-dive. La gauche, en 2004, n’avaitpas approuvé les CEF [centres édu-catifs fermés] mais l’expériencemontre qu’ils constituent uneréponse plus adaptée, sans être laseule étant donné leur coût.

Alain Bauer : Aujourd’hui, laréponse sociale est extrêmementcomplexe, et un peu défaillante. Enfait, notre système fonctionneentre «rien» et «trop». Une confé-rence de politique pénale sur unsujet aussi douloureux et compli-qué que la délinquance desmineurs, un endroit où les poli-ciers ne se dressent pas devant lesmagistrats en pensant qu’ils sonttous laxistes et les magistrats ne

montent sur leurs caisses en boisenexpliquantqueles policierssonttous fascistes, est un élément quimanque cruellement. Dans la plu-part des pays anglo-saxons, cesconférences ont permis d’élaborerdes politiques, de montrer la com-plexité de la réponse, et, surtout, depermettre l’adhésion d’une partieimportante des populations.Aujourd’hui, il y a un certain nom-bre de spécialistes de la sécuritéà gauche. Le sujet est-il rentrédans les mœurs, ou cela témoi-gne-t-il de divergences de fond?

J.-J. U. : Au PS, nous sommes eneffet plusieurs à réfléchir et à pro-poser des solutions pour restaurerla confiance entre les Français etleurs forces de sécurité. Et depuiscinqans, ily aunevéritable conver-gence de vues. Que nos adversai-res ne misent pas sur la discorde!

A. B. : J’ai le sentiment qu’il y aeu un travail de reconstructionconsidérable. La difficulté, elle estprobablement que le débat quiexistait à l’intérieur du PS, existetoujours à l’intérieur de la gauche.Mais on sent que le passage desécologistes aux affaires municipa-les ou régionales provoque undébut d’évolution vers le pragma-tisme.Au fond, la sécurité est-elle unevaleur de gauche?

J.-J. U. : C’est en tout cas une pré-occupation de nos concitoyens. Etdans notre rapport, nous mon-trons que c’est la gauche qui acontribué à améliorer l’efficacitéde la police alors que la droite se

contentedel’administrersansréel-le perspective. De l’investisse-ment dans la formation (Defferre)à la police de proximité (Vaillant),en passant par le développementde la police scientifique (Joxe) etles plans locaux de sécurité(Quilès). Donc, je ne sais pas si c’estune valeur, mais je suis convaincuque c’est un bon terrain d’action.

A. B. : Je pense que c’est unevaleur républicaine. Si la gauches’est exclue, pendant une période,du débat sur la sécurité, ce n’est pasparce que c’est une valeur contrai-re aux siennes, c’est parce qu’ellene savait plus dans sa diversitécomment appréhender les problé-matiques de la demande descitoyens.

D’où vient alors le malentendurécurrent?

A. B. : Je me rappelle d’une dis-cussionque j’aieue avec Lionel Jos-pin, juste avant la présidentiellede 2002, sur la problématique dela sécuritéetde l’insécurité. Ilm’as-surait la chose suivante : « Ça nesera pas un enjeu majeur, mais l’undes enjeux. » Ensuite, il m’expli-

quait que la majorité plurielleavait des divergences telles qu’iln’était pas possible de les synthéti-ser. Je ne crois pas que le problèmea été la « naïveté », comme l’a ditM.Jospin, mais la cohérence.

J.-J. U. : Cette page est d’autantplus tournée que c’est nous quil’avions écrite. Après le 21 avril2002, nous étions tellement à larecherche d’une explication sim-ple à notre élimination, que nousavons construit cette lecture del’échec sur la sécurité. Tout cela estderrière nous.Le discours sur la sécurité aensuite été préempté par Nico-las Sarkozy. Selon vous, quel estson bilan?

J.-J. U. : Il est vide. ClaudeGuéant [le ministre de l’intérieur]est l’incarnation de l’immobilis-me enfermé dans des certitudes.Les seules réalités qu’il connaît cesont les notes de ses collabora-teurs. Il n’a aucune idée du quoti-dien de nos concitoyens.

A. B. : J’ai une vision contrastée.D’abord parce qu’il y a eu deuxSarkozy et ensuite un certain nom-bre de ministres. Je ne fais pas dutout le même bilan de Sarkozy 1(2002-2004) et de Sarkozy 2(2005-2007), par exemple. Le bilandeSarko1estextrêmementintéres-sant. Il a repris en compte un cer-tain nombre de réalités, notam-mententermesdeprésenceetd’in-tervention sur la voie publique. LeSarkozy 2 était tout orienté vers laprésidentielle et pas du tout demême niveau. Le verre est-il à moi-

tié vide ou à moitié plein? En toutcas, il n’est pas complètement vide.Maintenant, c’est au tour de lagauche de tenter de proposerune alternative. Dans quelledirection peut-elle aller pourinnover?

J.-J. U. : Le prochain chantier,c’est la gouvernance locale de lasécurité. Il faut que le triangle pro-cureur-élu-chef de police ou degendarmerie devienne l’unité deréflexion et de mise en œuvred’une stratégie locale adaptée auterritoire et à ses habitants.

A. B. : Je pense que ça va dans lesens d’une analyse qui doit être lasuivante : définir des territoires,car les territoires de la criminaliténe sont pas déterminés par lesadministrations, les administra-tionsdoiventsimplements’y adap-ter. De ce point de vue, le bassin dela criminalité ressemble, en géné-ral, au bassin du transport urbain.Après, il faut déterminer ce qu’estla réalité des missions. La sécuritépublique avait comme dramed’êtreunestructuregénéraliste fai-sant tout plus ou moins bien… Puisil faut décider des moyens. Et pasl’inverse.Et la prévention? Cela peut êtreune piste pour que la gauche sedémarque?

J.-J. U. : J’aimerais autant que cene soit pas le cas. En réalité, tout lemonde se reconnaît aujourd’huidans la volonté de prévention, dedissuasion, de sanction et de répa-ration. Considérons que c’est unfait acquis. Ce qui doit guider la

gauche au pouvoir, c’est la recher-che de l’efficacité.Concrètement?

J.-J. U. : Pourquoi demain lesmaires ne participeraient-ils pas àl’évaluation des commissaires etdes commandants de groupe-ment de gendarmerie ? Et puis lesdéfis ne sont pas les mêmes par-tout. Deux tiers des crimes etdélitssont commis sur 5 % du terri-toire où réside 50 % de la popula-tion. C’est là qu’il faut agir en prio-rité. Les moyens mis en œuvrepour garantir la tranquillité publi-que doivent s’adapter aux spécifi-cités locales. Il faut assumer de sefixer des priorités.Quels objectifs fixer alors auxforces de sécurité?

J.-J. U. : Améliorer la qualité duservice rendu à la population. Lequotidiendes Français, ce n’est pasles grandes affaires du 36, quai desOrfèvres. Si la gauche n’a rienoublié, elle a beaucoup appris. Elleest attendue sur l’amélioration duquotidien. Tournons le dos à lapolitique du chiffre et réinstau-rons l’esprit de responsabilité etde discernement aux policiers etaux gendarmes en leur rendantleur capacité d’initiative pour larésolution des conflits.

A. B. : En fait, la réponse policiè-re reste formatée autour de logi-ques qui sont quantitatives et pasqualitatives. Avec tous les effetssecondaires du quantitatif : quandça monte trop, on se fait engueu-ler ; quand c’est trop bas, on serefait engueuler. Et donc, tout lemondevise une moyenne-moyen-neté visant à répondre à des outilsadministratifsdecomptagede l’ac-tivité et pas à des outils qualitatifsd’efficacité du service.Le service rendu à la population,ça suffit?

A.B. : Je pense quec’est unobjec-tif naturel, ce serait étonnantqu’un service public n’ait pas pourvocation de rendre service à lapopulation.

J.-J. U. : Aujourd’hui, ce n’est pasle cas. Notre situation est contra-dictoire et incroyable : le ministrene cesse de supprimer les postes(9 453 parmi les actifs depuis2007) et, au moindre trouble, ilenvoie les CRS ou les escadrons degendarmes mobiles. En 2012, nousallons encore en perdre 3148, ça nefera du bien à personne.

A. B. : Je ne sais pas s’il y a tropou pas assez de policiers en France,parce que le calcul actuel sur leseffectifs n’a aucun sens.Un effectifqui travaille 40 heures et un quitravaille 35 heures, ça ne vaut pasla même chose, c’est le temps d’ac-tivité qui est important. Ensuite, sil’on supprimait des postes de CRSou de gendarmes mobiles, et zéropostedans lasécurité publique ter-ritoriale, on aurait supprimé deseffectifs, et on ne s’en porterait pasplus mal en termes de présence. p

Propos recueillis parL. B.

Le criminologue Alain Bauer et le secrétaire national du PS chargé de la sécurité, Jean-Jacques Urvoas. MARC CHAUMEIL/FEDEPHOTO/POUR « LE MONDE »

la gauche et la sécurité

A ujourd’hui,il estle seulhabi-lité à parler au nom du can-didat socialiste sur les ques-

tions de sécurité,et il tient à le fairesavoir. François Rebsamen, prési-dent du groupe PS au Sénat, mairede Dijon, s’est vu confier par Fran-çois Hollande le pôle « sécurité »de sa campagne. Un aboutisse-ment logique pour ce proche dudéputé de la Corrèze, ancien chefde cabinet de Pierre Joxe au minis-tère de l’intérieur, de 1984 à 1986,puis de 1988 à 1991.

François Rebsamen se verrait-ilbien lui-même Place Beauvau? Luiassure ne penser qu’à la campagne– et à la victoire. En choisissant cefidèle, qui œuvre dans le domainede la sécurité depuis plus de vingt-cinq ans, François Hollande n’a entout cas pas pris de risque. Il a fait le

choix de la branche « grand élulocal pragmatique et ferme » dudébat sécuritaire au PS. Les autrespoids lourds sur les questions desécurité au PS, Manuel Valls etJulien Dray, ont été intégrés dansl’équipe de campagne ; l’un com-me porte-parole, l’autre commechargé des comités de soutien.

M. Rebsamen prône l’apaise-ment. Pour le maire de Dijon, il nefaut pas «déstabiliser » le ministèrede l’intérieur, mais plutôt « redo-rer» l’image de la police. La base duprogrammedu candidat, ce sera les22 propositions – très consensuel-les – adoptées à l’issue du Forumdes idées du PS à Créteil, en novem-bre 2010. Avec une tonalité peut-être un peu plus sécuritaire… etl’aménagement d’une mesured’importance: vu la situation bud-

gétaire de la France, il n’est plusquestion d’une vague d’embau-ches de policiers et de gendarmesdans l’immédiat. La décision estrepoussée à l’établissement d’unétat des lieux budgétaire.

La « priorité des priorités », c’estlerenforcementdubudgetdelajus-tice. M. Rebsamen estime que lesujet de la délinquance desmineurs peut même être « l’occa-sion de tendre la main à la droite »pour la première fois, après uneéventuelle arrivée au pouvoir, car« l’unité républicaine est menacéepar une frange de la jeunesse délin-quante». Et si, aujourd’hui, tout lemonde au PS s’accorde sur la néces-sité de sanctions proportionnées,M.Rebsamen estime que « cela nesuffit plus » : « Il faut inventer denouvellesformesalternatives,pour-

quoi pas des centres de discipline etde réinsertion pour les délinquantsmineurs multirécidivistes ? » MaisM. Rebsamen reconnaît que cela«prendradutemps» :«Onnerésou-drapasleproblème delarécidivedujour au lendemain.»

M. Rebsamen dessine égale-mentlescontoursd’une«participa-tion citoyenne» à l’élaboration et àl’évaluation des politiques localesdesécurité,au-delàducadreinstitu-tionnel classique. Le « pacte » deCréteil suggérait simplement que

le commissaire ou le patron de labrigade de gendarmerie rendecompte de son activité devant lesconseils municipaux et intercom-munaux. En dehors de la centainede « zones de sécurité prioritaire »que les socialistes veulent instau-rer dans les quartiers difficiles, lemaire de Dijon assume enfin leretour à la police de proximité. Sesmissions pourront être assurées,éventuellement, par les policesmunicipales – la reprise d’une pro-position de Manuel Valls.

Du classique, donc, qui trancheaveclespropositionsparfoisicono-clastes du secrétaire national char-gé des questions de sécurité, Jean-Jacques Urvoas, dont l’activismefait craindre à l’équipe Hollande dela « confusion » lors de la campa-gne. Certains récusent d’ailleurs

une partie du rapport que le dépu-té du Finistère a coordonné pour lafondation Terra Nova, pourtantproche du PS.

Plusieurspropositionsduchapi-tre «Innovation » du texte présen-té début novembre inquiètent : laréorganisation de la gendarmerieet de la police entre trois directions(sécurité publique, renseignementet ordre public, et enfin police judi-ciaire rattachée au ministère de lajustice) ; la suppression de l’éche-lon départemental de décisionpour chacune des forces ; la limita-tion du recours aux unités de typebrigade anti-criminalité. De quoifaire bondir une grande partie de lahiérarchie policière et gendarmi-que, que les socialistes aimeraientreconquérir. p

Laurent Borredon

«Tournonsledosàlapolitiqueduchiffreetréinstauronsl’esprit

deresponsabilitéauxpoliciers

etauxgendarmes»Jean-Jacques Urvoas

La« prioritédespriorités»,

c’est lerenforcementdubudgetde lajustice

LePSdevrait ajournerl’embauche de nouveauxpoliciersFrançoisRebsamen,«M.Sécurité»deFrançoisHollande,défenduneréponseplus fermequecelleaffichéedans leprogrammesocialiste

Depuis2007, les socialistes s’emploient à reconstruire une crédibilitésur la sécuritéLecriminologueAlainBaueret ledéputéPS Jean-JacquesUrvoasdébattentdesmoyensd’améliorer l’efficacitéde la luttecontre ladélinquance

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Page 12: Le Monde 29 Novembre

Créditphoto©AlexMahieu

E n visite au Salon de l’éduca-tion, dimanche 27 novembre,le candidat socialiste à la pré-

sidentielle, François Hollande, atransformé ses 60 000 postes, per-çus comme un cadeau aux ensei-gnants, en un investissement pourle pays. Magie des mots !

En septembre, avant la primairesocialiste, il avait écorné son ima-ge de bon gestionnaire en annon-çant la re-création des postes quela droite a supprimés dans les éco-les depuis 2007. Dimanche, il a ren-versé l’approche, rappelant quechaque centime mis dans ce sec-teur est un investissement. « Lesmauvais résultats du système sco-laire sont un gâchis pour la nation ;une souffrance pour les élèves etleurs parents, a-t-il scandé. Pourdes raisons d’économie et de compé-titivité, nous devons investir dansl’école. La France n’a pas assezinvesti pour préparer le futur, pasassez investi dans la recherche etl’innovation, pas assez dans lesindustries nouvelles, dans l’ensei-gnement supérieur et dans tous lessens du terme, dans son école. » Ehoui, on est dans une économie dela connaissance, et la jeunesse estun gisement de croissance.

Le présidentiable est allé plusloin dimanche, dans l’annonce desa stratégie, avançant l’idée queces efforts méritaient « contrepar-ties ». L’usage de ce terme – revenuplusieurs fois – est d’autant plusessentiel que le spectre de 1989 pla-ne toujours sur le PS. 1989, c’est lemoment où Lionel Jospin revalori-sa les enseignants sans leur deman-

der rien en échange. Pour la droitecomme pour la gauche, cet épiso-de est devenu l’archétype de l’er-reur à éviter. Surtout quand l’écolea un besoin urgent de réforme.François Hollande a rappelé encreux que 2012 ne serait pas unnouveau 1989.

VirageA coup sûr, l’avenir du métier

d’enseignant sera au cœur des dis-cussions entre le candidat et les syn-dicats. François Hollande a estimédimanche que ce métier était tou-jours «un peu le même et en mêmetemps, il change»… Lui donner unenouvelle définition, c’est ce quiétait sous-jacent dans son discours.Si le candidat n’en a pas dit plus,c’est que cela se discute. Et pas en2012. «Ce que nous n’aurons pas pré-paré dès aujourd’hui, nous ne pour-rons le mettre en place», a-t-il rappe-lé aux syndicats venus l’écouter. Letemps est en effet compté.

Si la gauche arrive au pouvoir enmai, elle ne pourra pas intervenirsur la rentrée 2012. «Hélas, la ren-trée 2012 est déjà faite, on enconnaît les conditions : 14000emplois supprimés. L’urgence, nousla traiterons dans l’idée d’apporterdes moyens supplémentaires auxétablissements les plus en difficul-té», a simplement regretté le candi-dat. Son équipe de campagne a déjàla tête en 2013. Moment d’un possi-ble virage pour l’école. L’ensembledes organisations doivent êtrereçues entre le 5 et le 10décembrepar l’équipe du candidat. p

Maryline Baumard

Europe Ecologie-Les Vertsva-t-il vraiment « tenir » sacandidate dans la durée ?

Après un recadrage présenté com-me «soft», lors d’un bureau exécu-tif extraordinaire la semaine der-nière au cours duquel il a étédemandé à Mme Joly de jouer « pluscollectif», l’heure est au vissage deboulons. L’équipe de campagne dela candidate, qui sera dévoilée lejeudi1er décembre, devrait en êtrelaconcrétisation. Sergio Coronado,actuel co-directeur de campagne,en resterait une pièce maîtresse, au

même poste ou au porte-parolat.Dominique Voynet pourrait être lesecond porte-parole, tandis queJulien Bayou, initiateur de « Jeudinoir », collectif contre le mal-loge-ment, ferait son entrée à un posteencore indéterminé, mais quidevrait permettre, selon la direc-tion, de le «mettre en avant ».

Stéphane Sitbon, l’autre direc-teur de campagne de Mme Joly,devrait prendre la direction opéra-tionnelle des opérations et se char-gerait de la délicate mission desrelations avec le parti.

Reste à savoir qui Mme Joly écou-te vraiment. Lors de son absence dequelquesjourspourcausede«trou-ble » après la signature de l’accordentre socialistes et écologistes, lacandidate, réfugiée en Charente,n’a communiqué qu’avec ceux quiont toute sa confiance.

Laurent Beccaria, fondateur etPDG des éditions Les Arènes, qui apublié ses livres et avec lequel elleentretient des relations d’amitié etde confiance depuis presque vingtans,atrouvélamaison danslaquel-le Mme Joly a trouvé refuge. Ils ontbeaucoup échangé à ce moment-là. Mme Joly sollicite aussi fréquem-ment les avis de son ami Denis Pin-gaud qui a, comme elle, une mai-son sur l’île de Groix, en Bretagne.Ce spécialiste de la communica-tion politique, qui a consacré deslivresàJoséBovéetOlivierBesance-

not, est ex-vice-président de l’insti-tut de sondages Opinion Way. Ilintervient auprès de la candidate àtitre personnel, et sans être payé.

Sergio Coronado, qui n’est pasun proche de Mme Joly, est pourtantécouté. Il faisait partie de ceuxavec lesquels la candidate, quiavait éteint son téléphone porta-ble, communiquait quotidienne-ment lors de sa retraite charentai-se. Longtemps membre de l’ailegauche du parti, Patrick Farbiazprépare avec elle les émissions detélévision. Ce proche de NoëlMamère avec lequel il écrit tousses livres, est spécialiste des dos-siers internationaux pour EE-LV.

Le parti a «surréagi»Stéphane Pocrain est l’homme

des « petites phrases » et autres« éléments de langage » pour lacandidate. Il s’est rapproché d’elle àl’époque des primaires d’EE-LV, etl’aide désormais à promouvoir cequ’il appelle une « écologie de com-bat ». L’arrivée de StéphanePocrain, qui fut porte-parole deNoël Mamère en 2002, mais qui arompu tout lien avec les écologis-tes depuis sa condamnation par lajustice pour « violences conjuga-les», est contestée au sein du parti,mais la candidate apprécie sesconseils. Mme Joly lui accorde saconfiance, et ses prestations sontdécomptéesdesoncomptedecam-

pagne. Deux députées européen-nes ont aussi des échanges très fré-quents avec la candidate : KarimaDelli, très impliquée aux côtés deJulien Bayou dans «Jeudi noir », etqui a voté contre l’accord PS -EE-LV,et Michèle Rivasi, fondatrice de laCriirad, un collectif pionnier dansla contre expertise nucléaire.

Le point commun de tous cesconseillers, amis, et autres visi-teurs du soir ? Tous considèrentque la direction d’EE-LV a « surréa-gi» la semaine dernière aux décla-rations de la candidate. Tous sontpersuadés que Mme Joly, en adop-tant une position offensive face auPS, ne peut être que gagnante. Cer-tains auraient des positions plus«dures ». La « radicalité » de DenisPingaud n’est pas étrangère audépartdel’ancienporte-paroleYan-nick Jadot, affirme ce dernier.

Tous acceptent la volonté affir-mée du parti de peser sur le planinstitutionnel, mais à une condi-tion : ne pas oublier une certaineliberté de ton, dont serait deman-deuse une base peu enthousias-mée par les manœuvres d’appa-reil. Comment concilier le nou-veau partenariat stratégiqueconclu avec le PS et cette envied’une parole « libre » ? Recadrageou pas, EE-LV ne fera sans doutepas l’économie de nouveauxdébats avec sa candidate. p

Anne-Sophie Mercier

politique

M.Morin se pose en candidat des «corpsintermédiaires» et desclasses moyennesL’ancienministrede ladéfenseaprésenté lesaxesdesonprogramme,parmi lesquels les37heureshebdomadairesdans leprivéet lepublic

FrançoisHollande et l’école,oul’artde transformer unedépenseen investissement

Berville-sur-Mer (Eure)Envoyé spécial

A veclaSeineetle pontde Nor-mandie en toile de fond,Hervé Morin, le président

duNouveau Centre(NC), aofficiali-sé, dimanche 27 novembre à Ber-ville-sur-Mer (Eure), dans sarégion, sa candidature à l’électionprésidentielle de 2012. Dans sondiscours, devant près de 500 mili-tants, il a donné les grands axes dece que devrait être sa campagne.

L’ancien ministre de la défenseentend défendre quatre idées for-ce : la « vérité », la « modernité », le«progrès » et l’« égalité». Là où sonancien mentor, le président duMoDem, François Bayrou, expli-que, pour se démarquer de la gau-che et de la droite, que l’augmenta-tiondesrecettesdel’Etat,comme labaisse des dépenses ne suffirontpas à résorber la crise des déficitspublics, M.Morin affirme défendre« une troisième voie ». « Elle a unnom: les 37heures de travail hebdo-madairesdansle privé commedans

le public », affirme-t-il. Une aug-mentation de la durée du travailenvisagée sans hausse de salaire.

Comme M. Bayrou en 2007,M. Morin souhaite être le candidatd’une République « exemplaire». Ilpropose ainsi la fin du cumul desmandats ; il promet de s’attaqueraux conflits d’intérêts entre publicet privé ; il souhaite que tout élu« condamné pour un délit politico-financier devienne inéligible à vie».Et se pose comme le candidat des«corps intermédiaires» et des clas-ses moyennes.

«Trois idées neuves»LepatronduNCdressetroisprio-

rités: « l’école», « la santé » et «l’en-treprise ». Sur ce dernier point, ilentend, dit-il, défendre les PME.Aux chefs d’entreprise qui se plai-gnent d’un changement incessantdes textes, M. Morin propose « unprincipe simple: les lois et les règlesne peuvent changer plus d’une foispar quinquennat ». Le candidat duNC à la présidentielle pose sur latable « trois idées neuves» : la «TVA

emploi », sa version de la « TVAsociale» ou « antidélocalisation » ;« l’égalité salariale entre les hom-mes et les femmes dans l’entreprisesous peine de sanction financière» ;et « l’allégement des programmeset de l’année scolaire », pour « fairele français et les maths le matin etles activités culturelles, artistiqueset sportives l’après-midi ».

Le président du Nouveau Cen-tre,partid’élus–24députés,12séna-teurs, et 3 députés européens, soit39parlementaires –, a reçu, diman-che, le soutiend’un peumoins delamoitié d’entre eux, 17 parlementai-res. Sa candidature reste combat-tue par la plupart des ténors de sonparti comme le numéro deux Jean-Christophe Lagarde, le ministre dela fonction publique François Sau-vadet ou celui de la ville MauriceLeroy.Tous rivalisent de bons motspour railler ce qu’ils considèrentcomme un « suicide politique »,alors qu’Hervé Morin ne dépassepas 1 % d’intentions de vote dans laplupart des sondages.p

Pierre Jaxel-Truer

Denis Pingaud, Sergio Coronado, Stéphane Pocrain (en haut) et Patrick Farbiaz . OPALE/KR IMAGES/MAXPPP/AFP

Amis,conseillers, visiteurs dusoir :ceux quiont l’oreille d’Eva JolyDans lesmomentsdecrise, lacandidateEE-LVfait appelàunpetit cercledeproches

14 0123Mardi 29 novembre 2011

Page 13: Le Monde 29 Novembre

société

Devant les enquêteurs de l’Ins-pection générale des services,Michel Neyret a fait état «depressions au niveau central»pour obtenir des résultats. Or,a-t-il justifié, «le système actuel,notamment de rétribution, ne per-met pas dans des affaires de hautniveau où les informateurs doi-vent investir de façon importan-te, de parvenir à des résultats».

Dimanche 27novembre, sur Euro-pe 1, le ministre de l’intérieur,Claude Guéant, a annoncé lamise en place d’une «cellule d’ap-pui à la pratique déontologique»et la création d’un «code de trai-tement des sources» qui doit per-mettre aux policiers de mieuxmaîtriser les règles vis-à-vis des«indics». M.Guéant devait serendre à Lyon, lundi.

C ’est l’histoire d’un flic deve-nul’amid’un voyou.L’histoi-re d’un voyou qui n’arrêtait

pas d’arroser ce flic. Des séjours auMaroc, en Corse et dans un hôtel-spa de Roanne ; une montre Cartierenor d’unevaleur de 30000 euros,mais aussi d’autres montres demarques comme cette Chopard à5000ou 6000 euros; des prêts devoitures de luxe; enfin un comptebancaireenSuisse, letoutenéchan-ge de renseignements puisés dansle fichier des personnes recher-chées (FPR). Interrogé à treize repri-ses lors de sa garde à vue, entre le29septembreetle3octobre,lecom-missaire Michel Neyret a reconnula plupart des faits qui lui valentd’être incarcéré depuis le 3 octobreà la prison de la Santé, à Paris.

Le Monde a eu connaissance destreize procès-verbaux issus de cet-teauditionaucoursdelaquellel’an-cien numéro deux de la police judi-ciaire lyonnaise a admis implicite-ment ses turpitudes. A la questiondespoliciersdel’inspectiongénéra-le des services (IGS) : « Ne pensez-vous pas que les nombreuxcadeauxcorrespondentàdesrensei-gnements communiqués par votrepart qui peuvent être qualifiés defaits de corruption passive pourvous? » Michel Neyret répond : « Ilest vrai que cette démarche-là peutêtre qualifiée de cette manière.»

Le commissaire Michel Neyret,mis en examen le 3 octobre par lejuge parisien Patrick Gachon pour« trafic de stupéfiant » et « corrup-tion passive », s’était lié avec GillesBenichou. Ce petit escroc, vague-ment indicateur de police – il futenregistré officiellement commeinformateur avant d’être rayé deslistes pour « manque de fiabilité »en 2000 – était censé renseigner lenuméro deux de la PJ lyonnaise« sur le milieu juif ». Les deux hom-mes se sont rencontrés il y a quel-ques années. « J’ai fait la connais-sance de Gilles par son frère Albert

quiesttoujours une sourcedu servi-ce», a expliqué le policier.

Très vite, Gilles Benichou etMichel Neyret tissent une relationde confiance. Ils se voient « deux àtroisfoisparsemaine»etsetélépho-nent à peu près tous les jours. « Ilnous arrive de partir en vacancesensemble», indique le commissai-re. La dernière fois, c’était fin sep-tembre à Essaouira, au Maroc, unesemaine avant son arrestation.Michel Neyret accompagne alorsGilles Benichou « à un pèlerinagejuif».Lepolicier,quinefaitpasmys-tère des largesses de son « indic »,ne s’en offusque guère. Oui, GillesBenichou lui a offert une montreCartier en or. « Il me l’a offerte parpure amitié car il s’agit d’un vraiami», assure-t-il. Un peu plus loin,Michel Neyret insiste: « C’était uneamitié qui s’est consolidée.»

A tel point que Gilles Benichoule sollicite toujours plus et que larelation entre les deux prend untour inattendu : ce n’est plus levoyou qui balance au flic, maisl’inverse. Lorsque, fin 2010, GillesBenichou présente son cousin Ste-phane Alzraa – un escroc de hautvol – à Michel Neyret, les deman-des de renseignements issus desfichiers nationaux ou d’Interpol sefont plus fréquentes. Michel Ney-ret communique à ses amis desinformations sur des personnesrecherchées « depuis début 2011 ».Au moins une dizaine de fois et à

chaque reprise à propos d’indivi-dus proches de Stephane Alzraa.Ainsi, en mars 2011, il exhume lafiche d’Albert Benichou poursavoir « s’il était recherché et sousquelle identité».

Quelque temps après, il consul-tecelledes frèresChikli,desmalfai-teurs connus dans la région deLyon. « J’ai dû interroger le FPRpourcespersonnesà lademandedeGilles [Benichou]. Je lui ai remis lesdocuments », précise-t-il auxenquêteurs de l’IGS. Même choseen mai pour Yannick Dacheville,un criminel en fuite. Pour celui-ci,

Michel Neyret s’adresse même àun de ses collègues responsabled’un office central de la PJ, lequelne donne pas suite. De même auxfins de protéger Stéphane Alzraa,condamné à un an d’emprisonne-ment et à 360000 euros d’amendepour escroquerie par la cour d’ap-pel de Lyon, Michel Neyret s’en-quiert auprès d’un avocat généralde ce qu’il adviendrait de son ami,si celui-ci payait son amende.

Entre 2010 et 2011, Michel Ney-ret ne ménage pas sa peine. Enretour, ses amis ne sont pas avares.Le policier et son épouse Nicolesont invités une semaine en avril àl’hôtel Les jardins de la Koutoubia àMarrakech, une autre fois à l’hôtelLe Maquis entre Ajaccio et Propria-no (Corse-du-Sud). Michel Neyretse voit également offrir des vête-ments – Gilles Benichou en achètepour un montant de 40 000eurosen mars – et, enfin, il reçoit des chè-ques-cadeaux pour un montantsupérieur à 1 000 euros.

Rien n’est trop beau pour « lesuper-flic ». « Je mettais [cescadeaux] sur le compte de mes rela-tions amicales avec Gilles », assu-re-t-il. Quant aux sommes que celareprésente, il n’y trouve rien à redi-re : « Ce sont des gens qui évoluentdans un milieu aisé. Ces cadeauxsont importants», mais ils sont «àla mesure de leur niveau de vie».

Michel Neyret nie formelle-ment avoir vendu ces informa-tions. Lorsque les policiers de l’IGSfont état d’une somme de50000 euros qui lui aurait été des-tinée sur ordre de Dacheville, ilaffirme n’être au courant de rien.De même, il assure aux enquê-teurs qu’il ne savait pas que Beni-chouavait vendu30000eurospiè-ce à chacun des frères Chikli lesinformations les concernant.

A la lecture de ce dossier, il sem-ble que le responsable de la policelyonnaise, qui se promenait lespoches pleines d’argent liquide,avait perdu tous ses repères. Ain-si, s’agissant d’un compte bancai-re ouvert à Genève en septembreau nom de sa femme, il a cetteréflexion : « Gilles Benichou avaitl’idée d’ouvrir un compte en Suisseau moment où j’aurais quitté mesfonctions. Ce compte aurait, je pen-se, fonctionné pour Gilles et moi. Jene sais pas par qui il aurait été ali-menté. » p

Yves Bordenave

Saint-Pierre-des-Corps(Indre-et-Loire)

L ’enseigne, en grandes lettresstylisées,s’appelle Little Italy,comme le quartier italien de

New York. L’idée initiale, il y a unpeuplusdedeux ans,étaitde sedis-tinguer des noms à tiroir utilisantle mot pizza : les Allô Pizza, Zap Piz-za et autres Pizza Carlo qui fleuris-sent au gré des cessions de fondsde commerce. Mais l’objectif étaitausside distillerau projet une peti-te dose de cosmopolitisme.

En cela, le but est atteint. Depuisla fermeture du petit supermarchévoisin, cette pizzeria de Saint-Pier-re-des-Corps est devenue le princi-pal lieu de socialisation du quar-tier populaire de La Rabaterie.

Les anciens viennent y boire descafés, les jeunes y discuter tout enregardant des retransmissionssportiveset lesfamillesy comman-der des pizzas aux prix imbatta-bles. La chose est plus diffuse, maisl’endroit bouscule également lespréjugés – nombreux autour de cetensemble HLM de l’agglomérationtourangelle. « Ici, les gens peuventcroiser les jeunes du quartier dansun contexte différent de celui desparkings du bas des tours. C’est uneautreambiance,unpointderencon-tre », plaide le cogérant, GhalemBouguelmouna.

Ouvrir une pizzeria n’était pas

vraiment une vocation pour cedéçu de l’ascenseur social âgé de33 ans. Cesontles«impasses» etles« portes qui se ferment », expli-que-t-il, qui l’ont poussé à créer cet-te activité sans rapport avec le sec-teurquifaisaitsapréférenceausor-tir de ses études : l’immobilier.

Titulaire d’un BTS action com-merciale, Ghalem Bouguelmounaavaitpourtantcommencésacarriè-re professionnelle dans cette bran-che, à Paris, avant de revenir à

Tours, sa ville natale. Une année ausein d’une agencede la région l’en adégoûté à jamais. « J’ai été naïf decroirequel’acceptationdesdifféren-ces était identique à Paris et en pro-vince. La France est vraiment parta-géeen deux»,confie-t-ilaprès avoirraconté ses déboires d’« agentimmobilier arabe » : les propriétai-res qui refusent de le faire entrer,d’autres qui font aboyer les chiensou sortent le fusil –quand ils n’ap-pellent pas carrément la police.

Il démissionne de son job en2001 et enchaîne ensuite descontratsd’intérimouàduréedéter-minée qui vont faire de lui notam-

ment un chauffeur (chez Renault àBoulogne-Billancourt) ou unouvrier (chez STMicroélectronics,une usine de semi-conducteurs del’agglomération tourangelle).

Ghalem en est persuadé: ses ori-gines maghrébines l’ont empêchéde trouver des emplois correspon-dant à ses compétences, par exem-ple dans le secteur pharmaceuti-que pour lequel il s’est égalementformé. « Au bout d’un moment, tute rends compte que tu es cantonnéà desboulotsd’usine ou de chantier,ou encore de vente de fenêtres enporte-à-porte, poursuit-il. Autantcréer ta propre activité.»

Il n’y avait plus de pizzerias, àl’époque, dans le centre de Saint-Pierre-des-Corps. Pire : certainespizzerias de Tours « refusaientmême de venir livrer ici » – la mau-vaise réputation de la ville, encoreelle. Le marché était à prendre. Cequi fut fait avec une mise initialemodeste: 5 000 euros. Et une séried’emprunts (70000 euros en tout)contractés auprès d’amis et de pro-ches: «Un montage inédit qui nousa évité de solliciter une banque, sefélicite le patron. On a tout rem-boursé en un an et demi.»

Le restaurant emploie aujour-d’hui quatre salariés, sans compterles deux cogérants qui s’octroientdes salaires en fonction des inves-tissements et de ce qu’il reste encaisse.

Quatre ans après les premierscoups de pioche dans le local (unancien bazar), et deux ans aprèslespremières fournées de marghe-rita, Ghalem se sait sorti d’affai-res, mais il n’a rien oublié desannées galère. Entre le four et lepétrin de son restaurant, il voit lesparcours fracassés des jeunes desa génération. Il voit aussi la situa-tion des « anciens », arrivés enFrance dans les années 1970 et qui,pensant qu’ils retourneraientvivre un jour en Algérie, ne sontjamais devenus propriétaires deleur logement.

Redoutable jeu de miroir :« Quand eux sont arrivés, c’était leplein-emploi. Dans un secteur défi-ni certes, le bâtiment. Mais à l’épo-que, les patrons leur couraient

après pour qu’ils travaillent chezeux. » Quelle génération s’avère lamieux lotie au final ? « C’est miti-gé, poursuit-il. On a fait des étudespour travailler ailleurs que sur deschantiers, mais les opportunitéssont limitées. La différence est quenous ambitionnons tous de deve-nir propriétaires alors que nosparents continuent de verser 600ou 700 euros de loyer pour desappartements qu’ils ont déjà payésdix fois. »

Locataire à Tours, Ghalem aacheté il y a peu un pied-à-terre àHadjadj, la petite commune desenvirons de Mostaganem d’où estoriginaire la quasi-totalité de lacommunauté algérienne de Tours.L’un de ses cousins, ayant commelui grandi en France, est parti s’ins-

tallerau bledil y a quelquesannéesafindetravaillerdansunepharma-cie – un phénomène d’« immigra-tion inversée » de plus en plusrépandu. Lui n’y pense pas : « J’aid’abordachetélà-bas,avantd’ache-ter un jour ici. » p

Frédéric Potet

n Sur Lemonde.frJusqu’à l’élection présidentiellede 2012, « Le Monde » pose ses valises

dans huitquartiers deFrance.Des portraitset des histoiresau jour le jour.

Lire le blog Les épines forteshttp://saintpierredescorps.blog.lemon-de.fr/

Leresponsabledela policelyonnaise,

quisepromenaitlespochespleines

d’argent,avait perdutoussesrepères

Lerestaurant emploieaujourd’huiquatre

salariés,sans compterlesdeux cogérants

Santé

XavierBertrandveutreleverlenumerusclaususdesmédecinsLe ministre de la santé, Xavier Bertrand, a indiqué, samedi 26 novem-bre, vouloir augmenter le numerus clausus qui détermine le nombred’étudiants admis en médecine pour éviter une pénurie de praticiensdans dix ans. Le ministre justifie cette décision par le fait, notamment,qu’il y aura « de plus en plus de temps partiel » chez les médecins. Unehausse permettrait « de mieux organiser l’implantation des médecinssur le territoire sur la base de l’incitation », a expliqué le ministre, diman-che 27novembre, au Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI. Le chiffre retenu seraannoncé début décembre. Pour la Fédération des médecins de France, leproblème principal n’est pourtant pas le manque de praticiens, mais« le fait que la médecine libérale n’attire plus » les diplômés, contraire-ment au salariat. Malgré un creux à venir, aucune pénurie n’est à crain-dre, avait jugé la Cour des comptes en septembre. Mais elle estimait quedes mesures « plus contraignantes » sont nécessaires contre les problè-mes de mauvaise répartition des médecins. p Laetitia Clavreul

Solidarité Les banques alimentaires ont collectéprès de 12500 tonnes de nourritureLe réseau des Banques alimentaires a collecté, les 25 et 26 novembre,dans les grandes surfaces françaises, près de 12 500 tonnes de nourritu-re, représentant l’équivalent de 25 millions de repas pour les plus dému-nis, soit un million de plus qu’en 2010. – (AFP.)

Faits divers

UnmalfaiteurtuéetunpoliciergrièvementblesséàVitrollesDans la nuit de dimanche27 à lundi 28novembre, un homme connu dela justice et âgé de 30 ans a été tué et un policier de la brigade anticrimi-nalité d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) grièvement blessé par bal-les lors d’une course-poursuite qui s’est achevée à Vitrolles. Atteintd’une balle dans la tête et de deux dans le corps, le policier a été trans-porté à l’hôpital Nord de Marseille dans un « état très grave », selon leprocureur de la République d’Aix-en-Provence. Les faits se sont déroulésvers 2h30 dans le parc d’activités Les Estroublancs à Vitrolles. Les malfai-teurs, au nombre de « trois ou quatre », avaient été interceptés par les for-ces de l’ordre après avoir commis une série de cambriolages. – (AFP.)

Justice Un père mis en examen pour avoir tué son filsdans un lave-lingePour le punir d’une bêtise, un père de famille, âgé de 33 ans, a tué sonfils de 3 ans en le plaçant dans une machine à laver, vendredi 25 novem-bre, à Germiny-l’Evêque (Seine-et-Marne). Lors de son audition, Christo-phe Champenois avait déclaré que son fils était tombé dans les esca-liers. Or les résultats de l’autopsie montrent que les blessures qui ontentraîné la mort peuvent avoir été causées par le fait d’avoir été misdans une machine à laver. Ce père a été mis en examen pour « meurtresur mineur de moins de 3 ans », et la mère « pour non-empêchement decrime et non-assistance à personne en danger ». – (AFP.)

L’ex-président du CRAN soupçonné d’abusde confiance et de blanchimentAlerté par Tracfin, en octobre, le parquet de Paris vient de saisir, selon leJournal du dimanche du 27 novembre, la Brigade de répression de ladélinquance économique d’une enquête préliminaire visant PatrickLozès, l’ex-président du Conseil représentatif des associations noires(CRAN) et candidat à l’élection présidentielle. Il est soupçonné d’abus deconfiance et de blanchiment. – (AFP.)

Ghalem Bouguelmouna dans sa pizzeria, à Saint-Pierre-des-Corps. ANTONIN SABOT POUR LEMONDE.FR

Blog (5/5) GhalemBouguelmouna a ouvert il ya deux ans une pizzeriadansle quartier populairede la Rabaterie,à Saint-Pierre-des-Corps

Prèsde Tours, créer sonpropre jobplutôtque subir les discriminations

M.Guéant veut sensibiliser les policiers à la déontologie

La«solide amitié» entre le commissaireNeyretet l’escroc GillesBenichouLorsdesonaudition, lepolicieraadmisavoir reçudescadeauxenéchangederenseignements

150123Mardi 29 novembre 2011

Page 14: Le Monde 29 Novembre

économie

D e chocs financiers en mala-dresses politiques, la zoneeuro se dirige-t-elle vers

une «décennie perdue »? La direc-trice du Fonds monétaire interna-tional (FMI), Christine Lagarde, lefinancier George Soros, comme leprésident tchèque, Vaclav Klaus,ancien prévisionniste économi-que, ont eu recours à l’expression.Selon eux, l’Union monétaire,surendettée et malade de ses ban-ques, risque fort de connaître lemême sort que le Japon dans lesannées 1990.

La crise de la zone euro présente,de fait, de « sérieux symptômes »comparables à ceux qui ont minél’économie japonaise, atteste Syl-vain Broyer, économiste chezNatixis.Rappel historique: dans lesannées 1980, le premier des«tigres» asiatiques se hisse au rangde troisième puissance mondiale,Toyota défie l’Amérique et la jeu-nesse ne jure que par Sony et sonwalkman. Mais la hausse du yeninquiète et la Banque centrale duJapon (BoJ) opte pour une baissedestauxde3pointsdepourcentageentre 1985 et début 1988 qui inondelepaysdeliquidités.Lesprixdel’im-mobilier flambent, la Bourse deTokyo s’envole et la spéculation sedéchaîne.

La « bulle » éclate entre 1989 et1991. Les prix s’effondrent. La des-truction de richesses dans l’immo-bilier et la Bourse s’élèverait ainsi à1 500 000 milliards de yens, soittrois fois le produit intérieur brut(PIB) du pays, écrit Raymond VanDer Putten, économiste chez BNPParibas. Les « mauvaises dettes »plombent les banques qui fermentle robinet du crédit. Pour dégripperl’étau,laBoJoptepourunassouplis-sementmonétaire,maislegesteesttrop timide. L’Etat, lui, met en placede vaines politiques de relance.

« On en venait à construire desponts qui ne menaient nulle part!»,raconte Jean-Marc Daniel, profes-seur à l’ESCP. La dette publiqueexplose. Le pays s’enfonce dans ladéflation, une baisse généraliséedes prix et des salaires qui atrophiel’économie: la population vieillis-santepréfèreépargnerqueconsom-mer. Et de 1992 à 2002, la hausse duPIB ne dépasse pas 0,8% par an.

Surendettement public, «créditcrunch»,croissancemolle,ineffica-cité des politiques… les mêmes cau-ses semblent devoir produire lesmêmes effets en Europe.

« Ce n’est pas comparable »,répond Jean-Luc Schneider, direc-

teuradjointdesétudesàl’Organisa-tion de coopération et de dévelop-pement économiques (OCDE).Selon lui, le spectre de la spiraledéflation-croissance molle n’estpas la principale menace du Vieux

Continent : « Nous constatons enEuropedesanticipations d’inflationbien ancrées. » S’ils ont baissé enIrlande, en Espagne ou en Grèce, lesprix de l’immobilier y restent en

moyenne à leur niveau de 2009. Enoutre, les dirigeants européensn’ontpas,commeauJapon,mainte-nu en vie des « banques zombies »gorgées de dettes pourries et n’ontpasresserréprématurémentlapoli-tique monétaire.

En revanche, à l’avantage de l’Ar-chipel, l’énorme dette publique(220 % du PIB contre 90% en zoneeuro) n’a jamais connu d’attaquesspéculatives, car elle est détenue àplus de 90 % par les ménages nip-pons, et non les marchés. La seulesolution pour l’Europe de se sortird’unecrisequi,contrairementàcel-leduJapon,risquedecontaminerlereste du monde, est d’abord derésoudre le problème aigu de sesdettes souveraines.

Comme bien d’autres, M.Broyermilite pour que la Banque centraleeuropéenne rachète en masse lesdettes publiques menacées par laspéculation. « Il y a trois solutions,complète Bruno Cavalier, chef éco-nomiste chez Oddo. Ou fairedéfaut, mais cela coupera la zoneeuro de tout financement dans lefutur. Ou payer en monnaie de sin-ge en fabriquant de l’inflation, maiscelaaussi,commeonl’avuenAméri-que latine dans les années 1990,conduit à une décennie perdue. Oubien on assume sa dette, mais il fautcorriger les effets des politiques trèsrestrictives qui en découlent en évi-tant que celles-ci soient pro-cycli-ques, et en réduisant plutôt lesdépenses qu’en augmentant lesimpôts. » Et, comme le proposeChristian de Boissieu, professeur àParis-I, en favorisant des dépensesd’avenir, la recherche, l’enseigne-ment, l’aide aux PME, la luttecontre l’émission de CO2.

«Ne croyons pas que nous allonsavoir dix ans de purge et que toutredeviendra comme avant ! », pré-vient M. Cavalier. L’Etat-providen-ce et les systèmes sociaux devrontévoluer. L’Europe doit se désendet-ter, mais aussi changer de modèle.Rendez-vous en 2021. p

Claire Gatinois et Alain Faujas

L’OCDEs’attend àsix mois de récessionenzone euro,suivisd’une reprise trèslente

Sur France Info“A la une du monde”du lundi au vendredi à 21h25

avec

LES PRÉVISIONS semestriellespubliées par l’Organisation de coo-pération et de développementéconomiques (OCDE), lundi28 novembre, sont sombres.

« Contrairement à ce que l’onpouvait s’attendre au début de cet-te année, l’économie mondialen’est pas tirée d’affaire », écrit PierCarlo Padoan, secrétaire généraladjoint et chef économiste de l’or-ganisation, dans son rapport. Cer-tes, elle ne sera pas en récessioncomme en 2009, mais la décéléra-tion en cours est incontestable. Lacroissance mondiale reviendra de5% en 2010 à 3,8 % cette année et à3,4% en 2012.

Les raisons de ce coup de dépri-me sont connues. C’est d’abord lazone euro qui n’arrive pas à gérerla crise de sa dette. Ses atermoie-ments ont engendré une défiance

des marchés sur sa capacité à évi-ter un défaut de ses membres lesplus fragiles et jeté le doute sur lasolidité de la monnaie commune.

L’OCDE prédit que l’année 2012y sera pratiquement blanche avecune croissance de 0,2 % seule-ment. En réalité, la zone eurodevrait connaître une nouvellerécession pendant six mois,durant le quatrième trimestre2011 (– 1 %) et le premier trimestre2012 (– 0,4 %) pour repartir ensui-te très lentement.

L’OCDE met presque sur lemême plan le risque que représen-tent les Etats-Unis, qui pourraientrenouer avec la récession si Wash-ington ne parvient pas à arrêterun programme crédible de réduc-tion du déficit budgétaire à longterme. Toutefois, l’activité y pro-gresserait, mais à un rythme bien

inférieur au potentiel tradition-nel de l’économie américaine :+ 1,7% en 2011, + 2 % en 2012 et+ 2,5% en 2013.

Chômage en hausseA l’image de la Chine dont la

croissance ralentira de 9,3% en2011 à 8,5% en 2012, les pays émer-gents seraient inévitablementaffectés par ce coup de froid en rai-son d’un affaiblissement de lademande étrangère et d’un com-merce international moins dyna-mique (+12,6 % en 2010, +6,7% en2011 et + 4,4% en 2012). Au total, lechômage devrait rester élevé danstous les pays de l’OCDE, pour seporter en 2012 à 10,3% de la popula-tion active dans la zone euro et à8,9% aux Etats-Unis.

Au chapitre des bonnes nouvel-les, figurent un recul général del’inflation, qui est en train de pas-ser sous les 2%, et un lent dégonfle-ment des déficits budgétaires enraison des plans d’austérité encours.

Mauvaise nouvelle en annéeélectorale, l’économie française acalé au quatrième trimestre et letaux de chômage pourrait y attein-dre un pic de 10,4% à la fin de l’an-née 2012 (contre 9,2 % en 2011).L’OCDE prend la peine de préciserque ce scénario plutôt médiocrepourrait se révéler encore tropoptimiste, si la zone euro perdaitle contrôle de la crise de sa dette.

Dans ce cas, aucune frontière nerésisterait à la panique des mar-chés et la récession deviendrait lelot de tous les pays de l’Organisa-tion du fait de l’effondrementgénéral de la confiance, de lavaleur des biens et de l’activité. p

Al. Fs.

EnhausseThe « Black Friday » – Les ventes desdétaillants américains au cours du « Black Fri-day » de vendredi 25 novembre ont progressé de6,6% par rapport aux ventes de 2010, pour attein-dre 11,40 milliards de dollars (8,4 milliards de dol-lars), a indiqué le cabinet spécialisé ShopperTrak.

Surendettementpublic,croissance

molle, inefficacité despolitiques…les mêmescausessemblent devoir

produireles mêmeseffetsenEurope

Lespectredela«décennieperdue»hantel’EuropeLasituationde lazoneeurorappelle le Japondudébutdesannées1990,avantqu’il connaissedixanssanscroissance

EnbaisseAssurance-vie – Les retraits ont dépassé lesversements sur les contrats d’assurance-vie enoctobre pour le deuxième mois d’affilée, une pre-mière depuis dix ans. La décollecte nette (verse-ments moins retraits) atteint 1,4 milliard d’eurosen octobre, après 1,8 milliard en septembre.

Lescoursdu jour ( 28/11/11 ,09h47)

Christine Lagarde, présidente du Fonds monétaire international, le 3 novembre à Cannes. MARKUS SCHREIBER/AP

Estimations

Des prévisions pessimistes

– 6,3

– 4,2– 3,5

– 1,2

1,8

– 0,3

1,6

1,7 2

2

0,21,41,62,5

4,1

53,8 3,4

4,3

3

0

Etats-Unis

2009 2010 2011 2012 2013

CROISSANCE RÉELLE DU PIB, en %

SOURCE : OCDE

Zone euro Japon Monde

Euro 1euro 1,3229dollar (achat)Or Onced’or 1 688,50dollarsPétrole Lightsweetcrude 96,90dollarsTauxd’intérêt France 3,666 (àdixans)Tauxd’intérêt Etats-Unis 1,897 (àdixans)

16 0123Mardi 29 novembre 2011

Page 15: Le Monde 29 Novembre

économie

francemusique.fr

Une journée avecNatalie DessayMercredi 30 novembre de 7h à 23h

BruxellesCorrespondant

L aBelgique est«un paysformi-dable », qui entend respectertous ses engagements euro-

péens et « contribuer au sauvetagede l’euro ». Voilà pourquoi, selon le« formateur » gouvernementalElio Di Rupo, six partis ont finale-ment oublié leurs réserves pours’entendre, en moins de deuxjours, sur un projet de budget quiles divisait depuis des semaines. Sitout se passe comme prévu, leRoyaume – parvenu, lundi28 novembre, à son 533e jour de cri-se – sera bientôt doté d’un gouver-nement de plein exercice.

La vraie cause de ce miracle est,pour beaucoup, la pression desagences de notation, Standard&Poor’s en tête. On parle d’ailleursdu « budget Standard & Poors ».Vendredi,cette dernière a causé unchoc décisif en ramenant la notedu pays à « AA» assorti d’une pers-pectivenégative.M.DiRupoenten-dait donc, dimanche, convaincre,avant la réouverture des marchés,que la Belgique était en mesure derépondreà deuxgriefs de l’agence:ilpeut sortir de l’impasse politiqueet présenter un budget crédible,avec un déficit ramené à 2,8 % en2012.

Le projet de loi de finances pré-voit 11,3 milliards d’économies, ets’il faut trouver plus pour financerd’éventuels besoins d’un secteurbancaire fragile, ce sera possible, aaffirmé M. Di Rupo, qui annoncel’équilibre budgétaire pour 2015.

« Nos fondamentaux sont bons,mais notre talon d’Achille c’est ladette », affirme Laurette Onkelinx,actuelle ministre PS des affairessociales, et c’est « un budget de larigueur mais pas de l’austéritéaveugle» qui a été adopté.

En 2012, les dépenses de l’Etatseront allégées sur tous les fronts :

les entreprises publiques (che-mins de fer, poste), les secteurs dela santé, la défense et la coopéra-tion seront mis à contribution.L’âge de la retraite (65 ans) n’estpas modifié, mais l’accès à la prére-traite sera limité. Les indemnitésde chômage ne seront plus illimi-tées dans le temps.

« Cotisation de solidarité »Du côté des recettes, les opéra-

tions boursières et les stock-options seront davantage taxées.Le taux du précompte mobiliersera porté à 21 % pour les intérêtset les dividendes. Le système desintérêts notionnels, très profitableaux entreprises étrangères, serarevu. Une « cotisation de solidari-té » frappera les revenus mobilierssupérieurs à 20 000 euros. Tabacet alcool seront davantage taxés.

La gauche socialiste a ferraillépour le maintien de l’indexationdes salaires au coût de la vie.Contre les recommandations de laCommission européenne et l’avisde la droite libérale, qui voit dansce mécanisme une menace pour lacompétitivité belge. M.Di Rupo irasous peu expliquer aux instanceseuropéennes pourquoi il entendmaintenir cette pratique qui,selon lui, peut soutenir la deman-de intérieure et la croissance.

De son côté, Didier Reynders,ministrelibéral desfinances etcan-didat à sa succession, imagine, « àmoyen terme », le lancement d’ungrand emprunt d’Etat, « unempruntpopulaire»,destiné àallé-ger le poids de la dette du pays. Aucours des derniers jours, l’émis-sion de bons d’Etat a, il est vrai,connu un succès inattendu : cetteopérationqui s’arrêterale3décem-bre pourrait, estime-t-on, mobili-ser au total 1 milliard d’euros,quand le gouvernement rêvait de200millions. p

Jean-Pierre Stroobants

L ’agence de notation américai-neMoody’sacrééunenouvel-le fois la confusion, dans la

nuit du dimanche 27 au lundi28novembre, peu avant l’ouvertu-re des Bourses européennes.

Dans une note publiée depuisles Etats-Unis, à la teneur catastro-phiste, Moody’s menace l’ensem-ble des pays européens, Allema-gne comprise, d’une dégradation,enrafale, deleur notationfinanciè-re – cet indicateur de solvabilitéqui détermine les coûts d’em-pruntdes Etatsauprès desinvestis-seurs sur les marchés financiers.

Cet avertissement, lancé unesemaine après la mise en garde dela France contre la possible pertede son triple A, se fonde sur « l’ag-gravation de la crise de la dette enEurope».

Enl’absenced’«initiativespoliti-ques majeures dans un proche ave-nir» pour stabiliser les conditionsde crédit sur les marchés, avertitMoody’s, « toute l’architecture denos notations au sein de la zoneeuro, et peut-être ailleurs au sein del’Union européenne, devrait êtrerévisée ».

L’agence s’inquiète de l’impéri-tie des gouvernements européensface à la crise de la dette, qui aurapour conséquence de renchérir lecoût d’emprunt des Etats et doncd’aggraver un peu plus encore lasituation. Un partage du fardeauentreles pays de la zone euro pour-rait s’avérer nécessaire.

Convaincue que la volonté poli-tique nécessaire à la mise enœuvre d’un plan efficace contre lacrise n’émergera qu’« après unesérie de chocs », Moody’s pousseson scénario noir plus loin.

L’agence estime que « la proba-bilité de multiples défauts parmiles pays de la zone euro n’est plusnégligeable (…) » et qu’il faut désor-maisenvisager un«scénario desor-ties multiples » pour les pays les

plus fragiles. La zone euro appro-che d’un moment clef de son his-toire, écrit l’agence, qui débouche-ra soit sur une intégration pous-sée, soit sur une « désintégration ».

AgacementA l’Elysée, lundi matin, la nou-

velle « sortie » de Moody’s susci-tait l’agacement, en pleines négo-ciationsavec l’Allemagnepourten-ter de faire reculer l’incendie dansla zone euro, d’une part en renfor-çant la discipline budgétaire etd’autre part en faisant émergerune nouvelle gouvernance de lazone euro qui permettrait demieux surveiller les pays les plusendettés.

L’entourage du chef de l’Etats’efforçait, une fois encore, de rela-tiviser l’importance de la prédic-tion de Moody’s : « Toutes lessemaines arrivent de nouvellesnotes qui nous disent en substan-ce: si la crise s’aggrave, si on prendle scénario le pire, alors il ne faitaucun doute que les notationsseront abaissées, lâche un proche

de Nicolas Sarkozy. Alors oui, on lesait déjà ! Alors non, cela ne nouspréoccupe pas plus qu’hier ! Ce quinous préoccupe, en revanche, c’estla situationen zoneeuro sur laquel-le nous travaillons à plein. » Et l’Ely-sée de remarquer que, dans cetteagitation,la note triple Ade la Fran-ce n’a pas été modifiée et « restedotée d’une perspective stable,confirméepar toutes les agences denotation, Moody’s y compris».

De fait, lundi matin, le taux d’in-térêt auquel emprunte la Francesur dix ans s’établissait autour de3,7%(OAT à dix ans), stable par rap-port à la clôture des marchés, ven-dredi 25 novembre. L’Allemagneempruntait, elle, à 2,7 %, l’Italie à7,1%.

Unvisiteur dusoir àl’Elyséepes-tait toutefois contre les coups deboutoir répétés des agences et leureffet autoréalisateur sur les mar-chés : « Moody’s prend en compteunesituation qu’elle contribue elle-même à créer (…). C’est un problè-me en soi. » p

Anne Michel

EnItalie, MarioMonti patine,unemprunt citoyen est lancé

LaBelgiquesedote enfin d’unbudget d’austéritéAprèsavoirétédégradéparStandard&Poor’s,leRoyaumeprometl’équilibrebudgétaireen2015

RomeCorrespondant

Qui sait ? Un jour peut être Giulia-no Melani passera pour le « sau-veur de la Nation » avec une rue àson nom dans la ville de Quarrata(Toscane) où réside cet entrepre-neur. A moins que ce ne soit àMilan où l’on s’émeut de voir lestaux des emprunts italiens battrechaque jour de nouveaux records.En publiant à ses frais, le 4 novem-bre, une pleine page de publicitédans le Corriere della Sera danslaquelle il appelle les Italiens à« racheter » leur dette (1 900 mil-liards d’euros, soit 120% du pro-duit intérieur brut), il a ouvert lavoix à l’instauration du « BTPDay», la «Journée des bons du Tré-sor» dont la première édition setiendra lundi 28 novembre et laseconde le 12 décembre.

Soutenue par l’association desbanques – et par celle des joueursprofessionnels de football –, cetteinitiative devrait permettre auxparticuliers désireux d’acquérirdes obligations d’Etat d’épargnerles frais de gestion. Ceci dit, lamise de départ ne peut être infé-rieure à 1000euros, et elle nécessi-te de créer un compte ad hocauprès de son agence, ainsi que lepaiement de 20 euros de frais etd’une taxe forfaitaire de 35 eurospour l’Etat. Bref, seuls les grosacheteurs seront gagnants…

L’enthousiasme – au moinsmédiatique – remporté par Giulia-no Melani tranche avec les doutesqui commencent à s’exprimer surle nouveau président du ConseilMario Monti. Le «Professore»prend son temps. Alors que lesinvestisseurs et les chefs d’Etat ontles yeux braqués sur l’Italie,M.Monti annonce un conseil desministres pour officialiser les pre-mières mesures… le 5décembre.

Tandis que le nouveau prési-dent du Conseil se faisait photo-graphier dimanche 27novembrechez son barbier milanais, le quoti-dien La Stampa a affirmé que leFonds monétaire international(FMI) étudie un « prêt spécial pour

l’Italie» estimé entre 400 et600milliards d’euros, soit la tota-lité de ses réserves ! Cette mannepermettrait à l’Italie de refinancersa dette à des taux beaucoupmoins importants (entre 4 % et5%) que sur les marchés et donne-rait à M. Monti le temps nécessai-re pour conduire les réformes.Lors du G20 de Cannes, le FMIavait proposé une aide de 44 mil-liards à l’Italie, qui l’avait déclinée.

«Brouillard»Démentie par le FMI, l’informa-

tion ajoute à l’impression de sur-place donnée par M. Monti, quisemble déjà s’être fait « aspirer »par les méandres de la vie politi-que italienne. Soutenu par la qua-si-totalité des partis politiques, àl’exception de la Ligue du Nord, ilpasse des heures à négocier aveceux, au cas par cas, la liste dessecrétaires d’Etat sans lesquelsaucune des mesures envisagéesne pourra être présentée au Parle-ment. « Un gouvernement dans lebrouillard », titrait le FinancialTimes le 26 novembre.

L’ancien commissaire euro-péen garde en mémoire les diffi-cultés du gouvernement de SilvioBerlusconi qui avait consumé laconfiance dont il disposait par desannonces jamais réalisées.M.Monti ne souhaite rien propo-ser qui ne soit d’abord avalisé partous: la création d’une taxe d’habi-tation, l’accélération de la réfor-me des retraites, un mini-impôtsur la fortune, une nouvelle aug-mentation de la TVA, la vente dupatrimoine et des privatisations.

Enfin, un nouveau plan derigueur d’environ 25 milliardsd’euros est à l’étude pour permet-tre d’atteindre l’équilibre budgé-taire en 2013. Dimanche, l’Elysée aaccentué la pression vis-à-vis deRome. « S’il y a un problème ita-lien, c’est le cœur de la zone euroqui est atteint. L’engagement desdirigeants français et allemand esttrès fort pour soutenir l’Italie. Aelle de faire ce à quoi elle s’est enga-gée.» Impatience ? p

Philippe Ridet

Le fardeau de l’Europe

Pays-Bas Espagne Allemagne Royaume-Uni

France Portugal Irlande Italie Grèce

SOURCE : COMMISSION EUROPÉENNE, BLOOMBERG

MONTANTDE LADETTE 2011, en % du PIB

64,2 69,6

81,7 84,0 85,4

101,6108,1

120,5

162,8

Etmaintenant, Moody’s pourraitdégradertous les pays dela zone euro…L’agencedenotationexigedes«initiativespolitiquesmajeuresdansunavenirproche»

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Page 16: Le Monde 29 Novembre

économie

ShanghaïCorrespondance

L ’indice de production indus-trielle compilé par la banqueHSBC montre que les com-

mandes des entreprises chinoisesont reculé, en novembre, à leurniveau le plus bas depuis trente-deux mois : cet indice se situe à 48,selon une estimation préliminai-re, contre 51 en octobre, sachantqu’un chiffre inférieur à 50 indi-que une contraction de l’activité.

Or novembre a également été lemois le plus tumultueux dans lesusines, depuis une grève sur leslignes de production de Honda etune série de suicides dans un com-plexe du géant de la sous-traitanceen électronique Foxconn, au prin-temps 2010, qui mirent en lumiè-re une montée du mécontente-ment ouvrier.

Une grève a ainsi bloqué la pro-duction, le 22novembre, chez Jing-mo, un groupe taïwanais assem-blant des claviers et d’autres acces-soires pour des marques tellesqu’Apple et IBM. Selon l’associa-tion China Labor Watch, les gérantsimposaient aux employés des heu-res de labeur nocturne, de 18 heu-res à minuit et parfois plus tard,pour conclure des journées débu-tant à 7h30.

Le 14 novembre, des milliersd’ouvriers, craignant pour leuremploi et se plaignant de n’avoirpas été informés, avaient organiséun débrayage dans cinq usines dePepsi, alors que le géant du sodaavait annoncé la cession de ses acti-vités locales de mise en bouteille àun groupe chinois.

Un autre mouvement a éclaté, le17novembre, à Dongguan, cité usi-ne jouxtant le nord de Shenzhen,où 7 000 employés de Yuecheng,sous-traitantdemarquestellesqueNew Balance et Nike, ont cessé laproduction pendant une semaine.

Le mois précédent, dix-huitmanagers de l’usine avaient étéremerciés et les ouvriers suspec-taient un prochain déménage-ment de l’usine vers le Jiangxi, pro-vince où la main-d’œuvre estmoins onéreuse.

A la fin du mois d’octobre, desouvriers fabriquant les montresCitizenàShenzhenévoquaientéga-lement la peur que la productionsoit transférée ailleurs, après leNouvel An chinois (fin janvier),pour justifier un arrêt de travail.

Ces « délocalisations intérieu-res » sont présentées comme unesolution à terme au malaise demigrants souffrant de l’éloigne-ment des familles. Face à la haussedes coûts de main-d’œuvre, ellesévitent que la Chine perde sesemplois au profit de l’Asie du Sud-Est et permettent aux provincescôtières de rêver d’une montée engamme.

Elles n’en sont pas moins anxio-gènes. « Certains délocalisent versdes régions meilleur marché, ce quicréeuneatmosphèretendue.Lestra-vailleurs se demandent combien detemps leur usine restera ouverte,constate Geoffrey Crothall, porte-parole de l’association ChinaLabour Bulletin, à Hongkong. Or,au même moment, la demandemondiale ralentit.»

Les marges de manœuvre dupatronat sont limitées. Il faut aug-menter les salaires en période d’in-flation pour retenir ces ouvriersqui n’hésitent plus à se rebiffer etse coordonnent par messages SMSetmicroblogs.AShenzhen,lesauto-ritéslocalesimposentuneaugmen-tation de 15% du salaire minimumen janvier2012.

Réduire les taxesMais les marchés d’exportation

commandent moins et la croissan-ce chinoise a elle-même ralenti à9,1 % au troisième trimestre,contre 9,7 % en début d’année,sous le poids d’une politiquemonétaire plus rigoureuse.

Pour retenir des investisseursplombés par cette hausse du coûtde la main-d’œuvre, Dongguan, laville-atelier de la sueur dont l’éco-nomie repose essentiellement surles exportations, a proposé, lundi21 novembre, de réduire les taxesimposées aux usines de 300 mil-lions de yuans (35 millions d’eu-ros) par an, selon le South China

Morning Post. 70 % des usines decette cité se disent sur la brèchefinancièrement.

Les doléances plus « classi-ques», telles que l’amélioration deméthodes de management rétro-grades, figurent aussi parmi lesrevendications des travailleurs, etsont elles-mêmes accentuées enphase de ralentissement.

Environ 400 ouvrières chez lefabricant de soutiens-gorge Top-form ont ainsi rendu leur tablierrose pendant cinq jours à compterdu 16 novembre, en protestationcontre « un système de paiement àla pièce et des quotas de productionjournalière impossibles à respec-ter», selon China Labor Watch.

Lagrèveaétédéclenchée àlasui-te de mots particulièrement dépla-cés d’un contremaître cantonaiss’énervant sur une employée quine comprenait que le mandarin.En référence au sujet sensible dessuicides de travailleurs migrants,il avait lancé à l’ouvrière : « Sautedu toit et va en enfer ! » p

Harold Thibault

LesEtatsd’Afrique australe veulent mieux tirerprofitdel’exploitation de leurs sous-sols richesen mineraisLaZambievientdedoubler les royalties sur lescompagniesminières

Berlin, BruxellesCorrespondants

B erlin jusqu’ici très opposé àtout projet d’euros-obliga-tions – des obligations émi-

ses pour l’ensemble des membresde la zone euro – envisageraitdésormais de lancer des empruntspour le compte des six pays de lazone euro notés triple A.Outre l’Al-lemagne, seraient concernés laFrance, la Finlande, les Pays-Bas, leLuxembourg et l’Autriche. C’est cequ’affirme, lundi 28 novembre, lesite Internet du quotidien DieWelt. Le Royaume-Uni, qui n’estpas membre de la zone euro, pour-rait y être associé. Surnommés« obligations d’élites », ces titrespourraient être émis avec un tauxcompris entre 2 % et 2,25 %, affirmele journal.

Le ministère des finances alle-mand a démenti dans la matinéecette information. Néanmoins,depuis l’échec de l’émission d’obli-gations allemandes, mercredi23 novembre, et le sommet deStrasbourg, le lendemain, entreAngela Merkel, Nicolas Sarkozy etle premier ministre italien MarioMonti, lesréflexionssemblent s’ac-célérer en Allemagne pour présen-ter un plan de sortie de crise, avantmême le prochain Conseil euro-péen des 8 et 9 décembre.

Dimanche 27 novembre, l’heb-domadaire dominical Die Welt amSonntag affirmait que la France etl’Allemagne envisageaient la miseen place d’un pacte de stabilitélimité à quelques pays de la zoneeuro. Ce pacte, qui ne concerneraitque les pays volontaires au sein dela zone euro, serait juridiquementproche de l’accord de Schenghensur la libre circulation des person-nes qui ne concerne que vingt-deux pays européens. Angela Mer-kel constaterait en effet qu’ellen’arrive pas à imposer la réformedes traités à Vingt-sept, qu’elleappelle de ses vœux pour sanctua-riser la discipline budgétaire

Signe de l’évolution des espritsen Allemagne, l’économiste PeterBofinger, qui est l’un des cinq éco-nomistes à conseiller le gouverne-ment, plaide désormais pour uneintervention accrue de la Banquecentrale européenne (BCE) et pourl’émission d’euros-obligations.« Si la BCE ne devait pas agir, s’il n’yapas d’euros-obligations,nouscou-rons à la catastrophe », a-t-il décla-ré dimanche 27 novembre dans lesmédias irlandais.

« Nous ferions l’expérience d’uneffondrement des marchés finan-ciers. Nous verrions une récessionextrêmement forte dans toute l’Eu-rope. Nous aurions une longuepériode de très haut niveau de chô-mage dans toute l’Europe. Les ban-ques feraient faillite et les gens per-draient leur argent », a poursuivi

cet économiste, jugé le plus àgauche des cinq experts du gou-vernement.

Les « obligations d’élite » per-mettraient à ces pays de se finan-cer mais aussi de financer les paysen difficultés, comme l’Espagneou l’Italie, en échange d’un pro-gramme d’assainissement.

Le dispositif permettrait ausside garantir les rachats de detteeffectués par la BCE, dont onattend qu’ils montent encore enpuissance dans les prochains jourspour apaiser la crise. Ce dispositifqui n’en serait qu’au stade de laréflexion permettrait aussi decontourner les difficultés que ren-contreactuellement leFonds euro-péen de stabilité financière (FESF)pour accroître sa force de frappe.

Piste sérieuseLa création d’obligations com-

munes, est considérée comme unepiste sérieuse. Herman Van Rom-puy, le président du Conseil euro-péen, en fait l’un des principauxsujets de discussion dans la pers-pectivedu prochainsommet euro-péen. Il espère que les chefs d’Etatet de gouvernement seront enmesuredefixer une«feuille derou-te » dont le but ultime serait, surplusieurs années, la mise en placedes euros-obligations.

Dans des documents prépara-toires au sommet, M. Van Rompuyutilise le terme de « mutualisationde la dette publique » des pays de lazone euro, sans en préciser lesmodalités. Un concept qu’il préfè-reàcelui d’euros-obligationsconsi-déré à Bruxelles comme un chif-fon rouge pour l’Allemagne.

«Touteslesformesdemutualisa-tion de la dette publique ne peuventêtre envisagées qu’à la fin d’un pro-cessus, avec différentes phases, etdifférents critères, comme ce fût lecas pour le processus ayant conduità l’euro », estime M.Van Rompuy.Ce dernier fait d’une percée en cesens l’un des éléments clefs de laréformedestraitésquelachanceliè-reallemandetente, désormais avecle soutien de M. Sarkozy et M. Mon-ti, d’arracher à ses partenaires, afinde bétonner la discipline budgétai-re au sein de la zone euro. Pour lui,la mutualisation des dettes nepourra pas se faire sans davantagede consolidation, et des règles bud-gétaires plus strictes.

Les discussions devraientgagner encore en vigueur à partirde mardi 29 novembre. L’entoura-ge de M. Van Rompuy entame cejour-là une série de consultationsavec les représentants des chefsd’Etat et de gouvernement, dontXavier Musca, le secrétaire généralde l’Elysée, et Nikolaus Meyer-Lan-drut, le conseiller Europe d’AngelaMerkel. p

Frédéric Lemaître (à Berlin)et Philippe Ricard (à Bruxelles)

JohannesburgCorrespondance

I l n’aura fallu qu’un mois etdemi au nouveau président dela Zambie, Michael Sata, pour

traduire ses paroles de campagneenactes.Le11novembre,sonminis-tre des finances a annoncé, lors dela présentation du budget 2012, undoublement des royalties (de 3 % à6 %) sur les compagnies minièresexploitant les ressources de cetEtat d’Afrique australe, septièmeproducteur mondial de cuivre.

Cesrecettesfinancerontune for-te augmentation des dépensesdansl’éducationet lasanté.Suppri-mée en 2009, une taxe forfaitairesur les profits miniers de 25 % estégalement à l’étude. Pour justifiercette politique, un proche deM.Sata a expliqué à l’AFP, pendantlacampagne électorale, que le paysvit«un développementde typepor-nographique : tout le monde peutle voir, mais personne n’y participe.(…) Le PIB gagne 8 %, mais il n’y apas d’emplois.»

Le secteur minier, en expansiongrâce aux récents investissementschinois, représente près des troisquarts des revenus d’exportations,mais ne contribue qu’à hauteur de2% aux recettes fiscales du pays.

Le gouvernement souhaite aus-

sirenforcerlecontrôlesur lesdécla-rations d’activités à l’export de cesfirmes internationales. En septem-bre, l’organisation non gouverne-mentale suisse, La Déclaration deBerne, a pointé du doigt dans unlivre enquête (Swiss Trading SA) lespratiques de Mupani, filiale miniè-re du suisse Glencore.

MonopoleCitant un audit du cabinet

Grant Thornton Zambia, un chapi-tre décrivait les mécanismes telsque la non-déclaration douanière,le report de pertes, la refactura-tion interne, permettant à la minede cuivre de se soustraire à la taxa-tion fiscale zambienne.

Depuis quelques mois, plu-sieurs gouvernements d’Afriqueaustrale, région au sous-sol riche-ment doté en minerais, ont décidéde remettre la main sur leursrichesses au moment où les coursde celles-ci remontent. Objectif :serapprocher des niveauxde taxa-tion des pays développés, commel’Australie, pour financer la luttecontre la pauvreté.

En août, le gouvernementnamibien a décidé d’instaurer unetaxe exceptionnelle qui sedéclencherait automatiquementen cas de forte hausse des coursmondiaux de diamants, d’or, de

cuivre, de charbon.La fiscalité a aussi été augmen-

tée sur les compagnies exportatri-ces, mais le lobbying de celles-ci,ainsique les craintesde lachambrelocale des mines de faire fuir lesinvestissementsont limité lahaus-se. Le français Areva devrait com-mencer l’exploitation d’une mined’uranium en 2012.

La Namibie a choisi, en avril, deréserver le monopole de certainsminerais « stratégiques » (ura-nium, charbon, cuivre) à sa compa-gnie nationale, Epangelo Mining.Les firmes internationales souhai-tant exploiter de nouvelles minesdevront proposer à Epangelo uneparticipation au capital.

Le canadien Namibia RareEarths a signé le premier accordpour des gisements d’uranium,dont la Namibie est le quatrièmeproducteur mondial. Le Mozambi-que réfléchirait à cette option.

Plusieurs pays choisissent lavoie de l’« indigénisation ». A peti-tes doses en Namibie, où les autori-téssouhaitent que lecapital des fir-mes minières soit détenu entre10%et25%pardeslocaux,ouenco-re en Zambie, où le président Sataévoque le chiffre de 35%.

Le Zimbabwe vise un niveauplus élevé. Prônant une «décoloni-sation économique», pour réparer

les inégalités héritées de l’ancienrégime blanc, le président RobertMugabe veut que les firmes étran-gères cèdent 51 % de leurs actions àdes Zimbabwéens noirs. Les entre-prises concernées viennent dedéposer leurs offres, mais crai-gnent que la compensation finan-cière soit faible, voire inexistante.

Auseindugouvernementd’uni-té nationale, l’opposant et premierministre, Morgan Tsvangirai,dénonce une opération électoralis-te, qui risque de précipiter de nou-veau le pays dans la crise économi-que. Le débat sur l’utilisation desressources minières touche aussila première puissance économi-que du continent. Au début dumois, près de 5 000 Sud-Africainsont marché sur la Bourse de Johan-nesburg pour soutenir le projet dela Ligue de la jeunesse de l’ANC(Congrès national Africain), le partiau pouvoir, de nationaliser lesmines et obtenir une meilleureredistribution des richesses.

Au sein du parti, une commis-sionaété chargée d’étudierla ques-tion. La ministre des ressourcesminérales, Susan Shabangu, a rap-pelé que la nationalisation desmines n’était « une politique prô-née ni par le gouvernement, ni parl’ANC.» p

Sébastien Hervieu

Devant une usine de chaussures, mercredi 23novembre à Dongguan, dans le sud de la Chine. TYRONE SIU/REUTERS

Lesconflits sociaux se multiplientdans lesusines chinoisesLesdélocalisationssuscitentdescraintes, alorsque lademandemondiale ralentit

Finances

LacriseenEurope,«financièreetnonmonétaire»,selonChristianNoyerIntervenant à Tokyo, lundi 28 novembre, dans le cadre du 15e Forumfinancier Europlace, dont l’un des objectifs était de rassurer le Japon surla situation de la zone euro, le gouverneur de la Banque de France, Chris-tian Noyer a souligné le fait que la crise européenne actuelle est « finan-cière et non monétaire ». Il a insisté sur le fait que la Banque centraleeuropéenne (BCE) doit « tout faire pour maintenir la stabilité des prix etpréserver la valeur intrinsèque de la monnaie unique ».M.Noyer a insisté sur l’indépendance de l’établissement central etqualifié de vertu le refus de la BCE de recourir à la politique de laplanche à billet pour financer les dettes. Sur la question del’effondrement de la zone euro, il a déclaré qu’une telle éventualité était« hors de question ». « Un tel scénario aurait de graves conséquences pourtoutes les économies de la zone, surtout les plus faibles », a-t-il indiqué. p

Philippe Mesmer (A Tokyo)

Lessixpays triple Adela zone europourraientfaireemprunt communAllemagne,France, Finlande,Pays-Bas, LuxembourgetAutricheenvisagentdes«obligationsd’élite»

18 0123Mardi 29 novembre 2011

Page 17: Le Monde 29 Novembre

SÉLECTION publiée sous laresponsabilité de l'émetteurDernier cours connu le 28/11 à 9hValeur Cours date

en euro valeur

CM-CIC EUROPE 19,43 24/11

Fonds communs de placementsCM-CIC EURO ACTS C 15,00 24/11CM-CIC SELECT.PEA 6,23 24/11CM-CIC MID EUROPE 17,08 24/11CM-CIC TEMPERE C 161,16 24/11CM-CIC DYN.EUROPE 28,25 24/11CM-CIC FRANCE C 24,86 24/11CM-CIC EQUILIBRE C 64,76 24/11CM-CIC DYNAM.INTLE 24,13 24/11CM-CIC OBLI C.T.D 131,88 25/11CM-CIC MID FRANCE 28,07 24/11

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SICAV ET FCP

PER - Price Earning Ratio (ou cours/bénéfice) : cours de Bourse divisé par le bénéfice par action estimé pour l'exercicecourant. PER : FactSet JCF Estimates ; données : la Cote Bleue. n/d : valeur non disponible.

FRANCE CAC 40 2927,94 28/11 2,48 4169,87 16/2 2693,21 23/9 9,10

ALLEMAGNE DAX Index 5600,86 28/11 1,97 7600,41 2/5 4965,80 12/9 9,30

ROYAUME UNI FTSE 100 index 5231,30 28/11 1,29 6105,77 21/2 4791,01 9/8 8,40

ETATS-UNIS Dow Jones ind. 11231,78 25/11 -0,23 12876,00 2/5 10404,49 4/10 10,90

Nasdaq composite 2441,51 25/11 -0,75 2887,75 2/5 2298,89 4/10 15,30

JAPON Nikkei 225 8287,49 28/11 1,56 10891,60 17/2 8135,79 25/11 13,00

LES BOURSES DANS LE MONDE 28/11, 9h47

Pays Indice Dernier % var. Maxi Mini PER cours 2011 2011

(Publicité)

VALEURS DU CAC40

Cours en euros.◗ : valeur pouvant bénéficier du service de règlement différé (SRD). # : valeur faisant l'objet d'un contrat d'animation.Plus haut et plus bas : depuis le 1/1/2011. n/d : valeur non disponible. A : acompte, S : solde, T : totalité.

ACCOR ......................... ◗ 19,04 18,39 3,48 -42,84 36,20 17,82 0,62 T FR0000120404AIR LIQUIDE ....................... ◗ 87,79 85,99 2,09 -7,24 100,65 80,90 2,35 T FR0000120073ALCATEL-LUCENT ........... ◗ 1,22 1,21 0,49 -44,04 4,47 1,11 0,16 T FR0000130007ALSTOM ............................ ◗ 23,55 22,62 4,09 -34,25 45,32 21,82 0,62 T FR0010220475ARCELORMITTAL ................ 12,18 11,75 3,62 -54,84 28,55 10,46 0,16 S LU0323134006AXA .................................... ◗ 9,30 8,85 5,08 -25,30 16,16 7,88 0,69 T FR0000120628BNP PARIBAS ACT.A ........ ◗ 27,14 25,85 5,01 -42,98 59,93 22,72 2,10 T FR0000131104BOUYGUES ....................... ◗ 22,79 22,34 1,97 -29,36 35,05 20,88 1,60 T FR0000120503CAP GEMINI ...................... ◗ 25,29 24,88 1,65 -27,61 43,38 21,98 1,00 T FR0000125338CARREFOUR ..................... ◗ 17,64 17,31 1,94 -34,53 31,98 14,65 1,08 T FR0000120172CREDIT AGRICOLE ............ ◗ 4,22 4,08 3,68 -55,55 12,92 3,98 0,45 T FR0000045072DANONE ............................ ◗ 46,22 45,70 1,14 -1,70 53,16 41,92 1,30 T FR0000120644EADS ................................... ◗ 21,16 20,75 2,00 21,33 25,39 17,55 0,19 T NL0000235190EDF ...................................... ◗ 18,58 18,17 2,26 -39,47 32,75 17,71 0,58 S FR0010242511ESSILOR INTL .................... ◗ 51,76 51,36 0,78 7,44 57,72 46,60 0,83 T FR0000121667FRANCE TELECOM ............ ◗ 11,92 11,71 1,79 -23,57 16,65 11,12 0,60 A FR0000133308GDF SUEZ ........................... ◗ 18,52 18,13 2,18 -31,01 30,05 17,65 0,83 A FR0010208488LAFARGE ........................... ◗ 24,35 23,41 3,99 -48,10 48,76 22,29 1,00 T FR0000120537L’OREAL ............................ ◗ 76,02 75,03 1,32 -8,50 91,24 68,83 1,80 T FR0000120321LVMH MOET HEN. ............ ◗ 110,65 108,10 2,36 -10,11 132,65 94,16 1,40 S FR0000121014MICHELIN ........................... ◗ 43,37 42,29 2,55 -19,24 68,54 40,20 1,78 T FR0000121261PERNOD RICARD ............... ◗ 66,84 66,00 1,27 -5,00 72,78 56,09 0,77 S FR0000120693PEUGEOT ............................ ◗ 12,54 12,21 2,74 -55,86 33,60 11,60 1,10 T FR0000121501PPR ..................................... ◗ 103,60 101,30 2,27 -12,94 132,20 90,50 3,50 T FR0000121485PUBLICIS GROUPE ........... ◗ 32,71 32,64 0,21 -16,13 41,84 29,10 0,70 T FR0000130577RENAULT ............................ ◗ 25,00 24,25 3,09 -42,53 50,53 22,07 0,30 T FR0000131906SAFRAN .............................. ◗ 21,15 20,66 2,35 -20,19 30,50 20,18 0,50 T FR0000073272SAINT-GOBAIN .................. ◗ 28,34 27,28 3,90 -26,38 47,64 26,07 1,15 T FR0000125007SANOFI ............................... ◗ 48,93 48,23 1,46 2,26 56,82 42,85 2,50 T FR0000120578SCHNEIDER ELECTRIC ..... ◗ 37,59 36,09 4,17 -32,88 61,83 35,00 3,20 T FR0000121972SOCIETE GENERALE ......... ◗ 16,40 15,83 3,60 -59,22 52,70 14,31 1,75 T FR0000130809STMICROELECTR. ............. ◗ 4,45 4,27 4,03 -42,56 9,73 3,96 0,09 A NL0000226223SUEZ ENV. .......................... ◗ 9,10 8,93 1,85 -41,11 15,99 8,84 0,65 T FR0010613471TECHNIP ............................. ◗ 64,80 63,11 2,68 -6,22 78,14 52,85 1,45 T FR0000131708TOTAL ................................. ◗ 36,06 35,69 1,05 -9,04 44,55 29,40 0,57 A FR0000120271UNIBAIL-RODAMCO ........ ◗ 128,90 125,95 2,34 -12,91 162,95 123,30 2,70 D FR0000124711VALLOUREC ....................... ◗ 43,98 42,37 3,81 -44,04 89,58 38,34 1,30 T FR0000120354VEOLIA ENVIRON. ............. ◗ 8,60 8,37 2,72 -60,68 24,30 8,02 1,21 T FR0000124141VINCI ................................... ◗ 30,16 29,39 2,65 -25,85 45,48 28,46 1,15 S FR0000125486VIVENDI .............................. ◗ 15,85 15,49 2,29 -21,56 22,07 14,10 1,40 T FR0000127771

Bremerhaven (Allemagne)Envoyé spécial

A 40 km du port allemand deBremerhaven, en pleinemer du Nord, Alpha Ventus

est une ferme éolienne témoin :ses 6 turbines de forte puissance(5 mégawatts) préfigurent lesgrands parcs que le groupe fran-çais Areva veut installer en Nor-mandie et en Bretagne dans lecadre du premier appel d’offres,lancé en janvier2011 par le gouver-nement : 600 éoliennes en mer(3 000 MW) pour un investisse-ment de 10 milliards d’euros.

A terre, lesdeux usinesd’assem-blage des nacelles (Bremerhaven)et de fabrication des pâles (Stade),qui emploient550 personnes,don-nent aussi un avant-goût du futursite industriel qu’Areva créera surle port duHavre (Seine-Maritime).A condition que l’Etat retienne leconsortium qu’il a formé avec GDFSuez et Vinci.

L’Allemagneestdevenuele bancd’essai de l’éolien offshore d’Areva.L’industriel du nucléaire adéjà pré-

vu d’installer en mer du Nord126 machines (630 MW) d’ici à fin2013. Il a annoncé, lundi 28 novem-bre, avoir été retenu pour l’installa-tion de deux parcs éoliens outre-Rhin, soit 120 turbines supplémen-taires, pour un montant de 1,2 mil-liard d’euros qui reste cependant«en attente de financement».

En 2007, Anne Lauvergeon, pré-sidente du directoire d’Areva,avait acheté le fabricant allemandMultibrid.Sonsuccesseur, LucOur-sel, a confirmé ce choix des éner-gies renouvelables. « L’éolien offs-hore est une priorité stratégique,souligne Jean Huby, directeur d’A-reva Wind. Le marché de l’éolien enmer grandit très vite, notammenten Europe. Il y a de la place. »

Legouvernement français apré-vu d’installer 6 000 MW d’ici à2020 – la capacité de deux réac-teurs nucléaires EPR. L’Allemagnevoit plus gros, avec 10 000 MWsupplémentaires d’ici à 2020, et leRoyaume-Uni a programmé36 000 MW.

Avec sa turbine M5000, Areva aopté pour une solution hybride

limitant les risques d’usure et depannes. Après un an d’expérience,le taux de disponibilité d’AlphaVentus est de 95,5 %. Concurrentsur le marché français, Alstom afait le choix de la rupture avec l’en-traînement direct, plus risqué.

Salle de contrôle à terre«L’acceptabilitéde notretechno-

logie est très importante, notam-ment pour les investisseurs, expli-que Philippe Kavafyan, directeurFrance d’Areva Wind. Fin 2013, onaura une bonne idée de ce qu’onferaen France: on aura une techno-logie et des partenariats pour l’ins-tallation en mer validés.»

Pour une exploitation très ren-table, il faut limiter les coûteusesopérations de maintenance. Résis-tantes à la corrosion marine, lesturbines sont équipées de systè-mes redondants et de 1 400 cap-teurs. Reliés à une salle de contrô-le à terre, ils mesurent pression,vibrations, chaleur, niveau d’hui-le et émettent des signaux d’alerteavant toute panne. Un arrêt d’uneheure et ce sont 800 à 1 000 euros

perdus pour l’exploitant.Le consortium Areva-GDF Suez-

Vinci remettra son offre (créationd’emplois,protection de l’environ-nement, prix de l’électricité…) augouvernement le 11 janvier au plustard,comme Alstom-EDF.Laminis-tre de l’écologie, Nathalie Koscius-ko-Morizet, a annoncé que lesrésultats seront connus « avant laprésidentielle ». Un second appeld’offres (3 000 MW) sera lancé en2012, dont un parc au large de Noir-moutier (Vendée).

Les dirigeants d’Areva estimentqu’« il faudra un volume de com-mandes suffisant » pour justifier laconstruction de l’usine havraise :au moins 2 des 5 parcs français enprojet, soit 1 000 à 1 500MW. Avecla turbine M5000 et une usineau Havre, ils pensent être égale-ment «très bien positionnés » pourrépondre au troisième «round» del’appel d’offres lancé par le Royau-me-Uni, qui représente un marchéde 100 milliards d’euros. Est-ce unhasard si M. Huby passe 30 % deson temps outre-Manche ?p

Jean-Michel Bezat

Lundi 28 novembre 9h45Valeur Dernier Cours % var. % var. Plus Plus Divid. Code cours préc. /préc. 31/12 haut bas net ISIN

Energie Total va déposerun recours contre l’Etatsur les gaz de schisteTotal va déposer un recourscontre l’abrogation de son permisd’exploration de gaz de schistedans le sud de la France, qu’il jugenon conforme à la loi, a annoncé,samedi 26 novembre, le PDG de lacompagnie pétrolière, Christophede Margerie, lors d’un forum orga-nisé à Lyon par Libération.

Aérien Air France: le plande redressement se feraen deux tempsLe plan de redressement d’AirFrance, qui sera annoncé en 2012,se fera en deux temps, selon La Tri-bune du lundi 28 novembre. Lepremier volet, présenté en janvierou février, comportera des mesu-res visant à accroître les écono-mies pour préserver le cash. Ladeuxième partie du plan ne seraannoncée qu’en mai ou juin 2012,après l’élection présidentielle. Ellevisera à augmenter la productivi-té du personnel et la qualité duservice.

Médias Grève à RFI contrela fusion avec France 24Les syndicats de Radio FranceInternationnale (RFI) ont appelé,lundi 28 novembre, les salariés àune grève d’une «durée indétermi-née» contre les conditions de lafusion avec la chaîne d’informa-tion France24. Dans le cadre de cerapprochement, RFI devrait quit-ter la Maison de Radio France àParis pour emménager à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine).

Canal+ finalise son accordavec OrangeCanal + a finalisé son accord avecOrange sur la chaîne Orange Ciné-ma Séries. Celle-ci sera détenue à66,6 % par Orange et à 33,3 % parla chaîne à péage, après l’accorddes autorités de la concurrence. Adéfaut d’un accord, des clausessuspensives ont été ajoutées aucontrat. La gouvernance de la chaî-ne sera assurée par les deux grou-pes au prorata de leurs parts.

Télécoms La 3G devraitbientôt faire sonapparition dans le métroSelon le quotidien Libération, laRATP aurait lancé un appel d’of-fres pour le déploiement de la 3Gdans le métro parisien. Une coen-treprise devrait être créée par laRATP avec l’un des trois grandsopérateurs pour la constructiond’un réseau qui permettrait aux5millions d’usagers quotidiensune meilleure réception d’Inter-net.

Automobile Daimler arrêtede produire la marquede luxe MaybachLe groupe automobile Daimler aannoncé, vendredi 25 novembre,qu’il stoppera, en 2013, la construc-tion de la marque de voitures degrand luxe Maybach. Les 150 sala-riés concernés par cette décisionseront recyclés dans la produc-tion très haut de gamme de Merce-des-Benz. En 2010, Daimlern’avait vendu qu’environ200 exemplaires de Maybach.– (AFP.)

Marchés

Transports

SeaFrance: letraficpourraitreprendreàpartirdu12décembreUn accord de médiation devait être signé, lundi 28novembre, entre lesadministrateurs judiciaires de la compagnie de ferries SeaFrance(880salariés) et les porteurs d’un projet de coopérative, afin de préparerune éventuelle reprise du trafic à partir du 12 décembre, après un bilantechnique des bateaux.Le 16 novembre, le tribunal de commerce de Paris avait prononcé la liqui-dation judiciaire de la société, avec maintien de l’activité jusqu’au 28jan-vier. Les quatre ferries de SeaFrance sont à quai à Calais (Pas-de-Calais),sur décision des administrateurs qui invoquent des risques pour la sécu-rité des passagers et du personnel. La CFDT porte un projet de reprisesous la forme d’une coopérative ouvrière des salariés. – (AFP.) p

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Lavie desentreprises

économie

A h non, désolé, dimanche, jene peux pas te rejoindre auciné. C’est le Noël de ma

boîte.»La voix est terne. La tradition

est là, mais le cœur n’y est pas. Lacrise n’a rien à voir à l’affaire. Bienque le budget d’un tel événementvarie entre 75 et 150 euros par per-sonne, selon les experts. « Lesentreprises qui avaient fait appelà nous l’an dernier pour organiserleurs fêtes de fin d’année ont tou-tes renouvelé leur contrat. Nous neressentons aucun effet de la crise »,affirme Ari Bentolila, directeur del’agence événementielle Azefir.

Conclusion : ou les entreprisesne vont pas si mal que ça ; ou ellesincitent à boire pour oublier ; ouencore, comme prétendent cellesqui ne renonceraient sous aucunprétexte à la tradition, la fêtesoude les équipes, donne dubaume au cœur de chacun, etdonc booste la productivité.

Et pourtant : une étude réaliséeen 2009 par Monster, le site d’of-fres d’emploi en ligne, indiqueque les deux tiers des salariéseuropéens dont les entreprisesorganisent des fêtes de Noël préfé-reraient passer ce temps enfamille ou avec des amis. Et tou-cher un bonus à la place.

« Mais non ! Les gens adorentça», rétorque ce directeur générald’entreprise. Il s’apprête, une nou-velle fois cette année, à montersur l’estrade, pour renouveler sesvœux aux salariés, saluer chacun,conjoint compris. « C’est agaçant,mais indispensable », estime-t-il.Qui dit vrai? Qui dit faux ? Ou

bien chacun y va par devoir ; ouc’est un plaisir inavouable.

Ce ne sont pas les Irlandais quidiront le contraire. Plus de la moi-tié d’entre eux ont profité aumoins une fois de la fête de Noëlde leur entreprise pour embrasserun ou une collègue de bureau,selon une autre enquête, égale-ment signée Monster, en 2003. Ilexiste décidément des études surtout.

Les Britanniques, si réservés,briseraient aussi facilement la gla-ce sous le gui. En revanche, il n’enest pas question pour la plupartdes Allemands, des Belges et desHollandais. On imagine que laquestion n’avait sans douteaucun sens pour les Français, noncités dans l’étude.

Mais attention, car la bise estaussi un vent de Nord à Nord-Est,sec et froid, dit le dictionnaire.

Entre piste de danse et buffet,notre DG agacé complète le por-trait psychologique de ses sala-riés. Il se régale du spectacle de lasalle. « Tiens, celui-là, avec sa gran-de gueule, il file doux en famille.Etonnant! », constate-t-il à l’om-bre du sapin. « Ses enfants sontvraiment gueulards et ch…» Mau-vais point ! p

[email protected]

Oubienchacun vaàla fête par devoir,ouc’estun plaisir

inavouable

Ma vie en boîte | Chroniquepar Annie Kahn

Bise de Noël

Stockholmcorrespondance

E ntre une nouvelle crise ban-caire, qui se développe dansles pays baltes, et le destin

incertaindu constructeurautomo-bile suédois Saab, on retrouve unpersonnage controversé : Vladi-mir Antonov.

Ce jeune et richissime hommed’affaires russe, qui s’était promisd’être le chevalier blanc sauvantSaab de la faillite, est sous le coupd’une inculpation en Lituanie pourescroquerie.Arrêtéjeudi24novem-bre au soir à Londres, il a été relâchésous caution le lendemain. La courl’entendra le 16décembre.

M. Antonov est soupçonnéd’avoirdétournéde l’argentetfalsi-fié les comptes de Snoras, banquedont il est propriétaire en Lituanie:il manque près d’un milliard d’eu-ros dans les comptes. Snoras a éténationalisée la semaine dernière,puis mise en faillite afin d’éviterque la crise ne se propage. La filialelettone de Snoras, Krajbanka, a aus-si été mise en faillite, vendredi. Letrou découvert s’y élève à plus de140millions d’euros.

L’inquiétude grandit en Letto-nie, car les deux banques étaientparmi les principales actionnairesd’Air Baltic, compagnie aérienneen difficulté. L’Etat letton en estactionnaire à hauteur de 52%, et ilva peut-être devoir la renflouer, cequi pourrait compromettre seschances d’adopter l’euro en 2014.

Selonleprocureurlituanien,l’ar-gent qui a disparu des banques deM. Antonov a servi à financer sesprojets, parmi lesquels le possiblerachat de Saab. Son nom étaitappa-ru dans le dossier du constructeurautomobileen2009,lorsqueGene-

ralMotorsavaitannoncésoninten-tionde se débarrasserde Saab.Maisla firme de Detroit n’avait pas vou-lu de lui.

M.Antonov s’était placé dans lesillage de Spyker, le petit construc-teur néerlandais de voitures deluxe, et de son principal actionnai-re, Victor Muller, qui a fini parreprendre Saab, en février 2010.M. Antonov avait alors annoncéson intention d’injecter de l’argentdans Saab. Cette annonce avait jetéun certain froid en Suède, car l’inté-ressé ne bénéficiait pas d’une ima-ge flatteuse en raison de l’originede sa fortune.

Contact avec la mafiaLes autorités suédoises avaient

examiné le dossier Antonov, s’atta-chant aux rumeurs de blanchi-mentd’argentet decontacts avec lamafia, mais n’avaient rien trouvé ày redire. La Banque européenned’investissement avait toutefoisrefusé sa présence. Antonov araconté avoir injecté 74 millionsd’euros dans Saab, via un empruntaccordé à la compagnie d’investis-sement de Victor Muller.

L’« affaire Antonov » est unemauvaise nouvelle pour les épar-gnants baltes et pour les 3700 sala-riés suédois de Saab. Ceux-ci devai-ent toucher leur salaire vendredi25 novembre, mais n’ont rien vuvenir. Ce n’est pas la première foisdepuis l’arrêt, en juin, des chaînesde montage. Ce rebondissementsurvient aussi alors que des repre-neurs potentiels chinois de Saab,Pang Da et Youngman, sont enga-gésdansunediscussionserréeavecGeneral Motors, toujours proprié-taire des droits des derniers modè-les du constructeur. p

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0123LA BOUTIQUE

Du lundi au vendredi9 h 30 à 18 h

Samedi 10 h à 14 h

Pour développer l’éolien en mer, Arevas’appuiesur son expérience allemandeLegroupeaétéretenupourdeuxnouveauxcontratsdeparcsd’éoliennesoutre-Rhin

VladimirAntonov, richehommed’affaires russe,inculpépour escroquerieIl est soupçonnéd’avoirdétournéde l’argentdeSnoras,banquedont il estpropriétaireenLituanie

190123Mardi 29 novembre 2011

Page 18: Le Monde 29 Novembre

décryptages ENQUÊTE

Il commence sa deuxième semaine àla tête de l’établissement et il fait,déjà, l’objet de critiques. Jean-LucGarcia, nommé proviseur de la citéscolaire Honoré-de-Balzac (Paris 17e)le 18 novembre, entré en fonctions

le 21, a eu droit à son bizutage : jeudi24novembre, des élèves ont bloqué l’accèsau lycée. Il est le sixième proviseur, enmoins de dix ans, à prendre les rênes del’immense collège-lycée de la porte de Cli-chy. « Balzac, c’est un paquebot énorme. Lebouger, infléchir sa direction prend dutemps. Les rouages grincent… », confie Isa-belle Gachet, conseillère de Paris et du17e arrondissement, qui siège au conseild’administration du collège. Et pourtant, lepaquebot tangue souvent, plus qu’aucunautre à entendre ses passagers, qui ontconnu un mouvement de grève d’uneampleur inédite, du 3 au 15novembre.

Ici, comme dans les 11 500 collèges etlycées de France, la rentrée a été difficile,mais « techniquement réussie ». Le 5 sep-tembre, quelque 200 enseignants et2000élèvesontreprislechemindes cours,la moitié en section générale et technologi-que, l’autre moitié dans des classes dites«d’élite» – six sections internationales quirehaussent, depuis vingt ans, la réputationde l’établissement. Le plus vaste de Paris :Balzacaccueille,sur5hectares,34classesdecollège, 35 au lycée dont 8 post-bac (prépaset BTS), un Greta (centre de formation pouradultes), une piscine, trois gymnases, unepiste d’athlétisme…

C’est après les vacances de la Toussaintqueleschosessesontgâtées.Grèved’ensei-gnants et de personnels, blocus de lycéens,opération «classes mortes » pour les collé-giens… les trois kilomètres de couloirs et lacentaine de salles se sont en partie vidéspouraccueillir des«AG».Endébat : le man-quedepostes, lenon-remplacementdeper-sonnels, la surcharge des classes (36 élèvesenterminale,32 ensixième), le non-respectdu volume horaire officiel dans certainesdisciplines… Revendiqués : des sur-veillants, une documentaliste et une infir-mière supplémentaires, un enseignant defrançais langue étrangère…

S’agit-il d’une énième mobilisationcontrela«casse»del’éducationnationale?De la première grève de la « personnalisa-tion», cette « troisième révolution» – aprèsl’écolelaïque deJules Ferryet le collègeuni-que de René Haby – que prétend porter LucChatel, le ministre de l’éducation nationa-

le ? D’une nouvelle illustration des ten-sions internes communes à beaucoupd’établissements, en cette rentrée mar-quée par la pénurie de moyens? Une choseest sûre : le mouvement symbolise les blo-cages en vigueur au sein de l’éducationnationale.

Parmi les revendications, une demandeadhominem : ledépartde Katia Blas, la pro-viseure, devenue le symbole du désordre.Tenue pour responsable d’« emplois dutemps aberrants », « avec des cours qui sechevauchent», témoigne Ahcène Cheriet,conseiller principal d’éducation au lycée.Accusée d’avoir « fait une interprétationzélée de laréforme du lycée » et de « détruirela classe » en multipliant les enseigne-ments en groupe, « jusqu’à en constituer255 au lycée ! », affirme Liliane Bas, profes-seure d’histoire-géographie au lycée. Un« bon petit soldat du rectorat » moqué pardes élèves grévistes, qui ne lui pardonnentpas d’avoir fait appel à la police lors du blo-cus du lycée, le 8novembre au matin.

«Lorsque les revendications ont viré auxattaques personnelles, j’ai préféré me direqu’ils ne me méritaient pas », témoigneKatia Blas. Difficile, pour cette sexagénairereconnue comme « une chef d’établisse-ment hors pair» par sa hiérarchie, mais pastoujoursdouéepourlacommunication,decacher son émotion. « J’évite désormais detrop me déplacer dans les couloirs », expli-que-t-elle dans son appartement de fonc-tion qu’elle occupe encore, au cinquièmeétage de l’établissement. Depuis sonbalcon, l’architecture de la cité scolaire,inauguréedansles années1950,prendtoutson sens: un bâtiment central encadré dedeux ailes, l’une accueillant le collège, enforme de faucille, l’autre le lycée, un mar-teau.

«L’architectureest conformeà l’espritdulycée, prompt à se soulever », affirme l’ex-proviseure.Après trente ans passés à la têted’établissements parfois difficiles, et unpeu plus d’un an à Balzac, cette linguiste etgermaniste a finalement renoncé à sa mis-sion. Accompagnée vers la porte de sortiepar le rectorat de Paris, soucieux « d’apai-ser la situation ». « Je suis chargée de réflé-chir à la carte des Greta de l’académie, leurtransformation en groupements d’intérêtpublic. C’est une très belle mission à laquellej’avais postulé ! », lance-t-elle, avec unenthousiasme un peu feint. «J’ajoute doncmon nom à la liste des proviseurs éclair.»

L e constat est d’autant plus amer quepersonne, y compris au rectorat deParis, ne semble ignorer les difficul-

tés à « tenir » le collège-lycée. « On a tou-jours mis les proviseurs sous tension »,reconnaît Françoise Marol, professeure delettres au lycée durant trente-trois ans,retraitéedepuishuitans.«Maisonsaitaus-si reconnaître les “bons”. Quand je suis arri-vée, en 1971, tout le monde avait en mémoi-re le courage de M.Bouchara, un colosse quiavaitsuramenerl’ordre.»ABalzac,surnom-mé le « lycée rouge » durant les événe-ments de Mai-68, l’effervescence a duré…un an. « Les années ont passé, et le lycée estresté très syndiqué », reconnaît FrançoiseMarol. Beaucoup d’enseignants témoi-gnent de cette culture de la mobilisation.

«Elle est à la hauteur de notre attachementà Balzac», soutient Michèle Pupat, profes-seured’allemandaulycéedepuisvingtans.« On est nombreux, ici, à avoir dix, quinzeans d’ancienneté ! On a nos habitudes, c’estun peu vrai…»

« Manifester, c’est une tradition plus oumoins consciemment transmise par desenseignants à leurs élèves», explique Jean-Louis Tétrel, le prédécesseur de Katia Blas àla tête de la cité scolaire. « Certains profes-seurss’autocélèbrentunpeucommeça.Res-

te qu’ils n’inventent pas les difficultés: c’estdur, très dur parfois de travailler à Balzac,explique-t-il. De mon temps, j’ai vécu jus-qu’à trois mouvements de grève par an. »Jean-LouisTétrel, retraité, n’est plus tenupar le devoir de réserve. « Diriger Balzac,c’estgrisant,attirant;sansdouteaussi l’unedes missions les plus en vue pour un provi-seur. » Une sorte de bâton de maréchalaccordéenfindecarrière,avecunerémuné-rationenviée. « Mais c’est épuisant. J’ai cédéphysiquement.» Avant lui, Jacqueline Mar-guin-Durand a résisté un peu plus long-temps, avant de prendre la tête du collège-lycéeJean-Baptiste-Say(Paris16e).Pourcha-cun d’eux, si Balzac est « difficile à tenir »,c’est que l’établissement sort des normes.Sur ce point, au moins, enseignants etparents ne leur donnent pas tort.

Balzac est un établissement contrasté,« car, même si on se refuse à l’admettre,deux établissements coexistent en un »,explique Katia Blas. D’un côté, un collège-lycée de quartier, avec 60% de réussite aubrevetet au baccalauréat.Del’autre, uncol-lège-lycée international, avec des sectionsespagnole, allemande, anglaise, italienne,

arabe et portugaise, sélectionnant des ado-lescentsbilingues,frôlantles100%deréus-siteaubaccalauréatet raflantlesmentions.Pour les encadrer, une majorité de profes-seurs diplômés de l’éducation nationalecôtoient des enseignants recrutés et rému-nérés par leurs ambassades dans les sec-tions portugaise, espagnole et italienne.

De part et d’autre, des élèves et desfamilles plus ou moins impliqués, s’obser-vant avec plus ou moins de bienveillance.« Ma lettre de mission était claire », confieKatia Blas : « Mettre en articulation les sec-tions internationales et les sections généra-les. Doter Balzac d’un projet fondé sur lamixité scolaire et sociale. Autrement dit,répartir les bons élèves dans toutes les clas-ses, faire disparaître les classes poubelles.»

Pas simple lorsqu’on doit faire face à desassociations de parents d’élèves qui saventse mobiliser en nombre – FCPE, PEEP, maisaussi Balzac International, BIG, Apesifa(pour la section franco-allemande), Apesa(sectionanglophone),Paesi(sectionitalien-ne)… « Rien d’élitiste dans notre attitude »,assure Marc de Banville, président de laFCPE de Balzac. « La mixité, on la défend,au-delàdes “belles paroles”. Mais il faut pro-céder par étapes, doter Balzac d’un projetd’établissement, lui accorder des moyenssupplémentaires, en reconnaissant que cetétablissement “à part” mérite un traite-ment “à part”.»

« Hypocrisie», répond Katia Blas : « Bal-zac est plutôt préservé des coupes de postesen cette rentrée, avec 62heures de plus queladotationhoraireglobaleinitialementpré-vue. Le mélange des sections, démarré enseptembre en 6e et au lycée, est voué auxgémonies, sans même qu’on ait pris letemps d’évaluer les résultats déjà obtenus.»A l’entendre, c’est avant tout le « conserva-tisme» et le désir de préserver «l’entre-soi»qui l’ont menée à l’échec.

Et elle n’est pas tout à fait seule à le pen-ser.Souscouvertd’anonymat,une poignéede parents et d’enseignants regrettent le« bizutage de quatorze mois » dont elle apayé le prix fort. Jean-Pierre Obin, inspec-teur honoraire chargé d’intervenir, le29 janvier, devant une salle comble deparentssurlethèmedelamixité,aétéfrap-pé par la virulence de quelques-uns. « J’aipassé une demi-journée à expliquer quemélanger les niveaux, ça profite aux élèvesles plus fragiles sans pénaliser les meilleur-s… et rien, dans mon exposé, n’a retenu leurattention, se souvient-il. Je reste persuadéque pour certains, la solution passe par lascission pure et simple de l’établissement.»

Lassés par le malaise persistant, les jour-nées perdues, certains enseignants, certai-nes familles n’excluent pas de claquer laporte d’un établissement auquel ils sont,pourtant, très attachés. Un renoncementpas si éloigné, somme toute, de celui deKatia Blas. p

«DirigerBalzac,c’estgrisant, attirant;

sansdoute aussil’unedes missions

lesplus en vuepourun proviseur»

Jean-Louis Tétrelancien proviseur de Balzac

La cité scolaire Honoré-de-Balzac,

aux 3 kilomètres de couloirs

et à la centaine de salles, vue

de l’appartement de fonction

du proviseur. BRUNO LEVY POUR « LE MONDE »

Manifestation

à Paris, à une centaine

de mètres du ministère

de l’éducation nationale,

d’élèves et de professeurs

de Balzac, le 14 novembre.

STEPHEN DOCK POUR « LE MONDE »Balzac

Lacitéscolaireimprenable

BRUNO LEVY

POUR « LE MONDE »

Mattea Battaglia

Le nouveauproviseur ducollège-lycéedu17e arrondissementde Parisaprisses fonctionsle 21novembre. Il estle sixièmeen moinsde dixans à fairefaceàla traditionde mobilisationdesenseignantsetdesélèves de Balzac

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Page 19: Le Monde 29 Novembre

décryptages ANALYSES

I l en est de la démocratie fran-çaise comme de la circulationautomobile. Elle subit réguliè-

rement des embouteillages qu’el-le a le plus grand mal à résorber.Pour les transhumances urbai-nes, l’embarras est quotidien,pare-chocs contre pare-chocs.Pour la joute politique, il n’estque quinquennal : l’approche del’élection présidentielle fait brus-quement grossir la longue file descandidats.

Avec le dernier en date – HervéMorin, champion du NouveauCentre –, ils sont seize sur lesrangs, postulants déclarés ou puta-tifs, candidats pour voir, pour sefaire voir, ou pour de vrai: deuxtrotskistes (Nathalie Arthaud, Phi-lippe Poutou), trois représentantsdes gauches (Jean-Pierre Chevène-ment, François Hollande, Jean-LucMélenchon), deux écologistes (EvaJoly, Corinne Lepage), deux centris-tes (François Bayrou, HervéMorin), quatre représentants desdroites (Christine Boutin, NicolasDupont-Aignan, Nicolas Sarkozy,Dominique de Villepin), une del’extrême droite (Marine Le Pen),un «chasseur» (Frédéric Nihous)et un «Noir » (Patrick Lozès). Bref,

tous les tons ou presque du nuan-cier politique.

Est-ce bien raisonnable ? Evi-demment non, si l’on veut bien sesouvenir qu’il s’agit de désignerle président de la République, etque seuls les deux candidats arri-vés en tête au soir du premiertour, le 22 avril, pourront postulerà l’Elysée. Mais tout aussi évidem-ment oui, si l’on s’en tient à l’exi-gence démocratique et aux règlesdu jeu électoral fixées depuis undemi-siècle.

En effet, le législateur a eu beauposer des filtres de plus en plus ser-rés pour éviter l’inflation de candi-datures, rien ou presque n’y a fait.Initialement, en 1962, il fallait centparrainages d’élus (parlementai-res, maires, etc.) d’au moins dixdépartements différents pour voirsa candidature validée. Le nombrede candidats doubla entre1965 et1974, passant de six à douze.

Une loi de 1976 a sérieusementresserré les mailles du filet, puis-qu’il faut désormais cinq cents par-rainages d’élus, d’au moins trentedépartements. En outre, par souci– légitime – de transparence, leConseil constitutionnel rendpublics les noms de 500 des par-

rains de chaque candidat, ce qui estindéniablement dissuasif pourbon nombre de maires de petitescommunes qui ne souhaitent pasafficher ce qui apparaît comme unsoutien politique à tel ou tel. Pour-tant, l’on a encore compté dix can-didats en 1981, neuf en1988 et 1995,seize en 2002 et douze en 2007.

«Ce nombre élevé de candidats apu affecter la clarté du débat électo-ral, notamment dans le cadre de lacampagne radiotélévisée, en raisonde l’exigence légale d’une stricteégalité entre les candidats », obser-vait le Conseil constitutionnel aulendemain du scrutin de 2007.Quant au comité de réflexion surla réforme des institutions, présidéla même année par Edouard Balla-dur, il notait sans ambiguïté que lesystème des parrainages «a vécu»,avant de proposer d’autres solu-tions. Mais ni l’un ni l’autre n’ontété entendus.

L’on assiste donc, dès à présent,à ce jeu de rôle classique en saisonpréélectorale. D’un côté, les«petits» candidats s’indignentdes conditions qui leur sont impo-sées pour concourir et dénoncentles pressions exercées par lesgrands partis sur les élus locauxpour éviter une trop grande disper-sion des candidatures; ils revendi-quent vigoureusement le droit,pour tous les courants de la vie

politique, d’être représentés dansl’élection majeure. Quelques-unsd’entre eux seront d’ailleurs, sansdoute, obligés de renoncer, fauted’avoir pu réunir les cinq cents par-rainages requis.

De l’autre côté, de bons espritss’inquiètent, tout aussi rituelle-ment, que la solennité et la clartéde la compétition présidentiellesoient troublées, voire dévoyées,par la multiplication de candidatu-res marginales, réunissant aubout du compte 1 % des suffrages,ou à peine plus.

De fait, au fil des décennies, lepremier tour de la présidentielles’est transformé en une vaste com-pétition à la proportionnelle, oùchaque famille, tribu ou groupus-cule politique se doit de participers’il veut se faire entendre et mesu-rer son audience. Faute de pouvoirle faire lors des élections législati-ves – où la loi d’airain du scrutinuninominal majoritaire à deuxtours impose une sélection impla-

cable –, tous ont jeté leur dévolusur l’élection présidentielle. Il ensera ainsi tant que la représenta-tion parlementaire sera, dans cepays, aussi peu représentative desa diversité.

Il n’est guère étonnant, dans cesconditions, que trois Français surcinq (60%, en progression de 12points en deux ans) jugent que, enFrance, la démocratie «ne fonction-ne pas bien », comme l’a montré lerécent baromètre de la confiancepolitique établi par le Centre d’étu-des politiques de Sciences Po.

Certes, le système électoral n’estpas la seule cause de cette morosi-té. Mais il y contribue fortement.S’il en faut une preuve supplémen-taire, on la trouvera dans unecontroverse qui se répète depuistrente ans, avant chaque présiden-tielle ou presque, à propos du droitde vote des étrangers (non mem-bre de l’Union européenne) auxélections locales.

En 1981, François Mitterrand en

avait fait la promesse, avant de l’en-terrer. En 2000, la majorité de gau-che de l’Assemblée nationale avaitvoté une proposition de loi consti-tutionnelle rendant possible l’attri-bution du droit de vote local auxétrangers non européens; mais lepremier ministre du moment, Lio-nel Jospin, avait jugé inutile detransférer ce texte au Sénat.

En 2005, Nicolas Sarkozy avaitsurpris en expliquant «qu’il neserait pas anormal qu’un étrangeren situation régulière, qui travaille,paie des impôts et réside depuis aumoins dix ans en France, puissevoter aux élections municipales».Or il vient de déclarer «hasardeu-se» une proposition en ce sens queles sénateurs socialistes veulentexaminer, en décembre. La ques-tion est tout sauf médiocre: le bul-letin de vote permettrait-il auximmigrés de mieux s’intégrer dansla République, ou risquerait-il, aucontraire, d’encourager leur isole-ment communautaireet de mena-cer la définition républicaine de lanationalité? Cela mériterait unvrai débat, plutôt que ces instru-mentalisations.

Ces petits jeux tactiques entémoignent: les embarras de ladémocratie française ne sont pasprès d’être surmontés. p

[email protected]

A vec son livre en forme decoup de gueule Pour en finiravec l’exception culturelle, le

journaliste Philippe Bailly, fonda-teur de NPA Conseil, société deconseil en audiovisuel, ne va pas sefaire que des amis parmi les créa-teurs.Sur200pagesbienargumen-tées, didactiques et remplies deréférences,ilpréconisetoutsimple-

mentdepasserdel’exceptioncultu-relle, datant des poussiéreusesannées 1980 où cinq chaînes hert-ziennes rivalisaient entre elles, au«rayonnementculturel»plusadap-té à notre époque numérique.

Face à la multiplication desécrans (télévision, tablette, smart-phone…),à l’extension des réseauxsociaux et à l’irruption de la télévi-sion connectée à Internet qui, dansquelques années, bouleverseraentièrement le paysage audiovi-suel, la réglementation françaiseest aujourd’hui totalement ina-daptée et obsolète.

« La sociétéde l’écran remet radi-calementen causenotre façond’ac-céder aux programmes culturels etde divertissements », écrit PhilippeBailly. « La nouvelle donne se jouedes réglementations nationales etrend l’action des régulateurs large-ment inopérante. Il est plus quetemps de repenser les règles quiorganisent en France la défense dela création.»

Face à « l’impérialisme » cultu-rel américain qui a déferlé sur lemonde, l’exceptionculturelle fran-çaise, mise en place au milieu desannées 1980, reste le socle de notrepolitique culturelle. Avec cette«French Touch », il s’agissait avanttout, face aux Américains et auxdirectives de Bruxelles, de défen-dre la langue française et les indus-tries culturelles, de protéger lescréateurs, les auteurs et leursdroits. La bataille a été parfois rudeet compliquée, mais les politiques– de droite comme de gauche – ontfinalement admis que la culturen’est pas une marchandise commeles autres, mais un bien commun

qu’il faut préserver des perversitéséconomiques et financières.

Selon Philippe Bailly, les tempsaudiovisuels ont définitivementchangé.Dèslafinnovembre,latélé-vision française connaîtra unerévolution en abandonnant totale-ment la diffusion analogique pourle numérique. Les Français, qui ontlongtempseu l’habitudedenerece-voir que cinq chaînes, pourrontdésormais tous en capter une ving-taine. Ce qui changera forcémentles comportements devant le petitécran et les parts de marché entreles chaînes, comme ce fut le casavecl’arrivéedelatélévisionnumé-rique terrestre (TNT) en 2005.

Or, si l’exception culturelle fonc-tionnait bien au siècle dernier avecun numérique balbutiant, elle estaujourd’hui mise à mal par la liber-té de choix donné au « specta-teur/consommateur » qui se jouedes « lignes Maginot réglementai-res ». La réglementation françaisene protège plus les créateursconstate Philippe Bailly, car « nous

sommes entrés dans l’ère de l’A-tawad : any time, any where, anydevice ». En clair, il faut désormaispasser«del’artisanatàl’industriali-sation de la culture » en retournantaux sources, écrit un peu brutale-ment l’auteur. « La meilleure armede la production française et lameilleure garantie de son rayonne-ment culturel, ce sont évidemmentses créateurs», rappelle-t-il.

L’exception culturelle reste undossier éminemment politique.Or, pour le moment, aucun desprincipaux candidats déclarés àl’élection présidentielle de 2012n’a fait connaître son programmeconcernant la révolution numéri-que et la nouvelle organisation desmédias rendue nécessaire par l’ir-ruption de ce « maelström mon-dial de la convergence ». La répon-se ne devrait pas tarder. p

Daniel Psenny

«Ilestplusquetempsderepenserlesrègles

quiorganisentladéfensedelacréation»

Le premier tourde la présidentielles’est transformé en unevastecompétition

àla proportionnelle,où chaque famille, tribu ougroupusculepolitique se doitde participers’ilveut sefaire entendreet mesurerson audience

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Politique | Chroniquepar gérard courtois

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Lerayonnementculturel

210123Mardi 29 novembre 2011

Page 20: Le Monde 29 Novembre

Jean-FrançoisBayartDirecteur de recherche au CNRS

Président du Fonds d’analyse des sociétés politiques(Fasopo), il est un spécialiste de sociologie historique

comparée du politique. Il enseigne actuellementà l’université Paris-I - Panthéon-Sorbonne.

Il est notamment l’auteur de « L’Etat en Afrique » (Fayard,1989), « L’Illusion identitaire » (Fayard, 1996),

«Le Gouvernement du monde » (Fayard, 2004),«Les Etudes postcoloniales, un carnaval académique »

(Karthala, 2010) et «L’Islam républicain. Ankara, Téhéran,Dakar » (Albin Michel, 2010), prix France-Turquie, 2011.

L’islamn’existe pas, il n’y a quedes musulmans. De même, lalaïcité estunconcept fourre-tout qui peut signifier laséparation des culteset de l’Etatcommeson antipode.Une polysémieque la France adu mal à comprendre

Etrelaïqueenterred’islam

Face à l’islam, les Françaisvivent dans l’illusion d’uneéquation magique selonlaquelle la République équi-vaut à la démocratie qui équi-vaut à la laïcité qui équivaut à

l’égalité des sexes qui équivaut à lamodernité qui équivaut à l’Occident quiéquivaut au christianisme. L’équation,mal posée, est insoluble. Aucun de sestermes ne résiste à l’analyse de terrain.

Donnons un point à Brice Hortefeux,à l’époque ministre de l’intérieur. Unmusulman, « quand il y en a un, ça va,c’est quand il y en a beaucoup qu’il y ades problèmes ». En effet, ils ne sont pasdeux à penser la même chose ! D’unpoint de vue politique, l’islam n’existepas. Il est un vocabulaire politique isla-mique issu de la théologie, de la philoso-phie, du droit musulmans. Mais chacunde ses mots est polysémique.

De même, il y a des partis qui se récla-ment de l’islam. Les uns sont conserva-teurs et néolibéraux, les autres étatisteset/ou révolutionnaires, et tous sontnationalistes, donnant aux intérêts del’Etat-nation la priorité sur ceux de lacommunauté des croyants. Un militantalgérien l’avait expliqué au jeune histo-rien et sociologue Maxime Rodinson,lors d’une Fête de L’Humanité, entre lesdeux guerres : « L’Oumma et L’Huma,c’est la même chose .»

Et cette même chose relève de l’uto-pie. En conséquence, les conflits quidéchirent les sociétés islamiques sontinternes à celles-ci. Ils opposent lesmusulmans entre eux, plutôt que ceux-ci à l’Occident. Ainsi du Pakistan, del’Afghanistan, de l’Irak, ou encore, dansle contexte des « printemps arabes », dela Syrie, de l’Egypte, de la Libye.

L’islam est un mot-valise qui n’inter-dit en rien aux musulmans concretsd’être des adeptes de la laïcité, pas plusque le christianisme ne prédisposait leschrétiens à le devenir. Mais la laïcité estelle-même une catégorie vide de senspolitique précis.

En France, elle désigne la séparationpragmatique des cultes et de l’Etat, aunom d’une conception universaliste dela citoyenneté. En Turquie, elle signifieson antipode : la subordination politi-que et bureaucratique du religieux àl’Etat, dans le contexte d’une définitionethnoconfessionnelle de la citoyenneté.

Encore faut-il se garder de figer chacu-ne des deux trajectoires dans un modèleanhistorique. La France demeure habi-tée par une représentation ethnoconfes-sionnelle de l’appartenance à la nation,comme l’a démontré la collaboration deVichy avec les nazis après cinquante ansd’antisémitisme républicain, et commele rappellent aujourd’hui les propos nau-séabonds de ministres au détriment desFrançais de confession ou d’origine fami-liale musulmane, voire juive.

Dans le même temps, des Turcs plai-dent en faveur d’une refondation univer-saliste de leur République afin qu’elleassure l’égalité réelle des droits à tousles citoyens – une mue dont la reconnais-sance du génocide des Arméniens est leprix d’entrée.

La plupart des pays du Moyen-Orientse situent à la confluence de cesdeux modèles de laïcité et de citoyenne-té, pour avoir été successivement desprovinces ottomanes et des coloniesfrançaises ou britanniques. Il en est de lasorte en Algérie, en Tunisie, en Egypte,au Liban, en Syrie, en Irak. Mais cela est

aussi vrai de la Grèce, des républiques del’ancienne Yougoslavie ou d’Israël…

Derechef, l’islam explique moins quene le fait l’histoire, et notamment le pas-sage d’un monde impérial inclusif del’aire ottomane à un monde d’Etats-nations fonctionnant selon des logiquesd’exclusion.

Un autre distinguo s’impose. La laïci-té est une politique publique, relative àl’organisation légale ou administrativedes champs religieux et politique. Lasécularisation est un processus social dedissociation des affaires de la cité et desconvictions religieuses. La laïcité del’Etat, alla franca ou alla turca, n’est pasune condition nécessaire à la sécularisa-tion de la société, ainsi que le démontrel’expérience des régimes occidentauxconfessionnels, du Maroc ou de la Répu-blique islamique d’Iran.

De même, elle n’exclut pas l’arrivéeau pouvoir, par le biais des urnes, d’unparti islamique, comme en Turquie et en

Tunisie, sans que cette alternance remet-te obligatoirement en cause le caractèrelaïque des institutions ni la sécularisa-tion de la société. C’est que les électeursont souvent voté pour ces partis selondes raisons non religieuses, par exemple

pour sortir les sortants et renvoyer l’ar-mée dans ses casernes en Turquie, oupour rompre avec l’ancien régime enTunisie.

Autrement dit, il n’est de laïcité, en ter-re d’islam, que par rapport à des histoi-

res et des contextes singuliers, au regarddes pratiques ou des stratégies effecti-ves des acteurs sociaux. D’une situationà l’autre, cette idée est un élément de ladomination politique et de la distinc-tion sociale, en bref un langage de classe.

En outre, pour une minorité de musul-mans qui, pour être minoritaires, n’ensont pas moins respectables ni moinsmusulmans, elle est accolée à certaineslibertés publiques, comme celles de laconscience ou du gosier. Et, pour unemajorité d’entre eux, elle est le nom res-pectable de l’islamophobie dans laquel-le se vautre désormais l’Europe.

Dès lors que la laïcité est un « événe-ment », historiquement situé, plutôtqu’une « essence », pour reprendre la dis-tinction du philosophe Gilles Deleuzesur ce que doit dire un concept, elle n’en-tretient pas, avec le politique ou le reli-gieux, un rapport fixe. L’islam a été peuprésent dans le déclenchement des «prin-temps arabes ». Il s’y est vite (ré)inséré.Mais n’énonçons pas ces recompositionsselon un jeu à somme nulle.

D’abord, parce que les armées, ou lesrégimes sous tutelle militaire, ont, lamain sur le cœur de la laïcité, beaucoupconcédé à l’islam pour lutter contre lagauche ou les revendications régionalis-tes, notamment en Algérie, en Egypte eten Turquie, dans les années 1960-1990.

Ensuite, parce que les mobilisationsde 2011 ont fourni aux jeunes militantslaïques et islamistes l’opportunité de lut-ter ensemble, de partager l’espacepublic au prix de compromis mutuels,et d’imposer aux aînés de leurs campsrespectifs de nouvelles visions de la cité.Selon le politologue marocain Moha-med Tozy, devrait en découler une offreislamique d’Etat séculier, dont le vocabu-

laire musulman, prompt à effaroucherles opinions occidentales, avec sesnotions de « charia » ou de « califat »,pourrait ne rien dire d’autre qu’Etat civilde droit, bonne gouvernance et privatisa-tion de la solidarité sociale.

L’idée hexagonale de laïcité n’a pasaidé les Français à admettre l’iniquitédes Etats moyen-orientaux qui s’enréclamaient ni à pressentir l’éclosiondes « printemps arabes ». Elle menacemaintenant de les faire passer à côté desrecompositions en cours. Le vrai problè-me a moins trait aux rapports de la reli-gion et du politique qu’à la relation aunéolibéralisme des partis issus de l’is-lamisme.

Si les peuples dits arabes ou musul-mans ont apporté la preuve de leur capa-cité à secouer le joug de l’oppressionpolitique, ils n’ont pas encore – pas plusque les Européens – su apporter uneréponse à la crise structurelle qui frappel’économie mondiale. Certes, la Turquiede l’AKP caracole avec ses 8 % de croissan-ce. Mais pour combien de temps, et enquoi ce succès est-il reproductible sousprétexte d’islam ?

Quid du prétendu miracle tunisienqui n’était qu’un mirage, sans même par-ler de la vulnérabilité du décollage duMaroc, des trompe-l’œil pharaoniquesdu Golfe ou des piètres performances del’Egypte et de la Syrie ?

La question à laquelle sont confrontésles musulmans, islamistes et laïcistesconfondus, est sociale et non religieuse.Et, pour la résoudre, le « petit père Com-bes » [il avait préparé le projet de loi deséparation de l’Eglise et de l’Etatqui seravotée en 1905] leur sera moins utile quel’économiste Keynes. p

décryptages LE GRAND DÉBAT

Levrai problème a moinstrait auxrapports

dela religionetdu politique

qu’àlarelationau néolibéralisme

despartis issusdel’islamisme

POUR LES FRANÇAIS MUSULMANS, la laï-cité est une évidence dans laquelle ils ontété élevés et dont ils négocient au jour lejour les termes, comme le font leursconcitoyens catholiques, protestants oujuifs à propos de l’école, de l’éthique oudes jours fériés – arrêtons de nous payerde mots discriminants et de nier l’univer-salité de ces petits arrangements quiétaient dans l’esprit de compromis pro-pre aux républicains « opportunistes » dela fin du XIXe siècle, ceux-là mêmes dontse réclament indûment les salafistes de lasainte Laïcité.

Pour les Algériens musulmans, la laïci-té a été indissociable du refus, par le colo-nisateur, d’étendre à ce territoire la loi deséparation des cultes et de l’Etat pour yproroger un appareil néoottoman decontrôle de la religion et pour enfermerles « indigènes » dans leur « tradition».Elle a ensuite servi la légitimation dumonopole politique de l’armée. De ce fait,

sa représentation est ambivalente.Elle contredit l’orientation ethnocon-

fessionnelle de la guerre de libérationnationale, mais elle est également asso-ciée à la reproduction d’un régime honni,méprisé et maculé du sang des jeunesémeutiers de 1988, ces prédécesseurs des«printemps arabes » que nous oublionscurieusement tant sont grands l’effroi, lamauvaise conscience, la complaisance oula fascination que nous inspirent les géné-raux d’Alger.

Tradition ottomaneEn Tunisie, la laïcité, là aussi plus alla

turca qu’alla franca, est enracinée dans latradition ottomane, coloniale et bourgui-bienne du réformisme autoritaire, qui aengendré, outre la dictature, une forma-tion asymétrique de l’Etat à l’avantage dulittoral et au détriment des régions del’hinterland.

La contestation sociale des années

2008-2011, le renversement du régimeBen Ali, la victoire électorale d’Ennahdasonnent comme une revanche, sans dou-te plus symbolique que durable, de cesprovinces déshéritées sur l’arrogancesociale et culturelle des élites tunisoises,tout comme, en Turquie, l’arrivée au pou-voir de l’AKP a consacré l’ascension éco-nomique et politique de notables péri-phériques au détriment relatif de l’esta-blishment néokémaliste.

En Iran, la laïcité est une nostalgie deci-devant des quartiers nord de Téhéranqui se cachent que le régime du shahétait tout sauf démocratique et laïque, etdont les supporteurs occidentaux ne veu-lent pas voir que la révolution de 1979 aété, pardonnez la tautologie, une révolu-tion, avec ses gagnants et ses gagnantesen termes de logement, d’éducation oud’indépendance nationale. Et ainsi de sui-te en Egypte, en Irak, ou dans les situa-tions si différentes des pays du Golfe.p

Les mobilisationsde 2011ontfourni auxjeunes

militantslaïquesetislamistes

l’opportunitéde lutterensemble,de partagerl’espacepublic,au prixdecompromis mutuels

Focussur l’Algérie, la Tunisie et l’Iran

D.R.

22 0123Mardi 29 novembre 2011

Page 21: Le Monde 29 Novembre

décryptages DÉBATS

L’islam continuera de jouer unrôle dans les sociétés musulma-nessi l’onencroitcertainesfigu-res musulmanes médiatiques,dont l’islamologue Tariq Rama-dan.Compte tenudufaitqueles

Tunisiens,Egyptiens,Libyens, etc.,seraientattachés, plus que tout, à la référencemusulmane.Soit. C’est le droit le plus strictdespays concernés.Ilseraitôcombienmal-séant de faire ici de l’ingérence politiqueet/ou culturelle. Chacun de nous doit res-pecter la liberté de personnes qui se sontlibérées, seules, du joug de leurs potentatsrespectifs.Ellesontdoncpleindroitdechoi-sir leur modèle de société.

Il est désormais acquis que les islamis-tes ont rallié plutôt tard les manifestationscontre les dictatures, sauf peut-être auMaroc, où le mouvement Justice et bienfai-sance, fidèle à une ligne d’opposition radi-cale à la monarchie depuis des décennies,était présent dès les débuts du Mouve-ment du 20 février. Il en constitued’ailleursunesolideforced’appointenpre-nantsoindenepasscanderleretouraucali-fat auquel il peut appeler par ailleurs.

Néanmoins, certains intellectuels de lascène musulmane, au premier rang des-quels Tariq Ramadan, ne vont pas au fonddes choses. Et ce n’est pas le prétendu« double discours », une fois de plus, quiest en cause. Ce dernier pèche plutôt paromission qui est un biais de la réflexion. Etil s’en satisfait sans doute bien volontiers.Certes, les sociétés musulmanes restentattachées, pour une majorité d’entre elles,à l’islam, mais peut-on déterminer à queltype d’islam ? Il est une pluralité de modesd’être musulman comme il est mille etune façons d’être non musulman en terred’islam majoritaire…

Où commence l’islamité et où s’arrê-te-t-elle? Comment doit se matérialiser ouse concrétiser la référence à l’islamité del’Etat dans les espaces sociaux ? A défaut,pourquoi s’entêter à vouloir conserverune telle référence dans les nouvellesConstitutions? C’est ce type de questionsqu’il est indispensable de poser aux défen-seurs de l’inscription de l’islam dans lesConstitutions nationales afin de les fairesortir du bois et qu’ils expriment ce qu’ilsentendent par « islam, référence éthiquedans les pays arabes».

Aussi, constitutionnaliser l’islam, n’est-

ce pas introduire, bon gré mal gré, une iné-galité de traitement entre les citoyensselonqu’ilssontouiounonmusulmans?Ilimporte seulement d’assumer, sans sedérober, ses choix ou positions de princi-pe. Par ailleurs, si l’islam peut ou doit tenirunrôledanslesconfigurationspostrévolu-tionnaires,encorefaut-ilquecelasetradui-se de façon distincte du référent laïque,puisque si les principes islamiques rejoi-gnent, d’après les acteurs politiques etintellectuelsmusulmans,lesgrandsprinci-pes à l’origine de l’Etat de droit démocrati-que (ce que nous ne récusons pas), alorspourquoiinvoquer, encecas, l’islam,sinonà des fins rhétoriques ou dilatoires?

Quid de la rupture du jeûne en public,de l’obligation, dans certains établisse-ments scolaires publics par exemple, d’ob-serverleritedelaprièreenprésencedel’en-seignant, du contenu dogmatique et idéo-logique de certains manuels scolaires, quiflattent davantage l’ego musulman maisn’élèvent certainement pas la consciencecritique de l’individu, de la censure quifrappel’ethoshomosexuel,etc. ?C’est dansces interrogations que s’incrustent l’im-pensé ou les non-dits qui constituent l’an-gle mort des réflexions des leaders d’opi-nion musulmans.

Sicertainsd’entreceux-làsedisentfavo-rables à la distinction des autorités civileset religieuses, il faut les prendre au pied dela lettre. Sont-ils, oui ou non, pour le refusd’une interaction, parfois liberticide, entreletemporel etle spirituel,dufaitdela colla-boration étroite entre les autorités politi-ques et les oulémas, au demeurant sou-vent instrumentalisés par les premières ?Ou n’est-ce pas, si l’on suit leur idée de vou-loir distinguer autorités civiles et religieu-ses, l’amorced’unelaïcité qui n’ose pasdireson nom car elle demeure encore taboueen terre d’islam ?

Nous ne le pensons pas, car il ne s’agitque d’une simple division ou répartitiondestâches. De deux chosesl’une, donc: soitla référence à l’islam apporte une plus-value par rapport à la laïcité et, le caséchéant,ilfautavoirle couragedele direenénumérant les conséquences pratiques dupoint de vue politique, économique etsocial. Soit celle-ci est formelle ou oratoireet, auquel cas, pourquoi ne pas entonner lechant de la laïcité sans crier ensuite à l’occi-dentalisation de l’ordre intérieur et à sonhégémonisme culturel. p

FrançoisHollandeCandidat du Parti socialiste et du Parti

radical de gauche à l’élection présidentielle

Le rôle de la politique, ce n’est pas de fairepeur pour ne rien changer, c’est de chan-ger pour vaincre la peur. Ce n’est pas deprolonger le passé, c’est d’engager lefutur.

Après le drame de Fukushima, tandisque les réserves de pétrole s’amenuisent et que nousavons l’obligation écologique de réduire nosconsommations de CO2, la France doit réussir la tran-sition énergétique. Avec lucidité et volonté. Il s’agitde sortir progressivement du tout-pétrole pour lestransports et du tout-nucléaire pour l’électricité.

Je veux préparer cette transition autour de quatreprincipes : l’indépendance, la sécurité, l’emploi et lepouvoir d’achat. Elle n’est pas seulement une néces-sité pour le développement durable ou une protec-tion par rapport aux risques. C’est surtout, si noussavons la saisir, une opportunité économique.

Mon premier objectif est donc la diversificationde nos sources d’énergie. Depuis le choc pétrolier en1973, la France a installé un important parc électro-nucléaire. Nous connaissons les atouts de cette tech-nologie, l’excellence de notre industrie, le potentielqu’elle représente et le savoir-faire des salariés de cesecteur. Mais ce modèle doit désormais se moderni-ser et s’adapter. Les centrales lancées à la fin desannées 1970 seront en fin de vie dans les quinze pro-chaines années. Des investissements importantsdevront y être consacrés pour éventuellement lesprolonger, sachant que les exigences en matière desécurité en élèveront le coût, sans oublier la ques-tion lancinante du stockage des déchets.

Parallèlement, si nous ne faisons rien, notreretard en matière d’énergies renouvelables s’accen-tuera, d’autant que la politique chaotique du gouver-nement depuis cinq ans a encore aggravé notre écartde performance avec nos pays voisins, notammentl’Allemagne (230 000 emplois contre 40 000 enFrance). Et les difficultés d’Areva, provoquées par unaffaiblissement financier, voire un démantèlementorganisé par le pouvoir, ont nui à l’investissementdans les énergies nouvelles.

C’est pourquoi je porte, à l’occasion de l’électionprésidentielle, un scénario volontariste et pragmati-que. Il consiste à réduire à l’horizon 2025 la part dunucléaire dans la production d’électricité de 75 % à50 % et à faire monter celle des énergies renouvela-bles, tout en maîtrisant notre consommation. Cettemutation prendra du temps – trois quinquennats –et supposera des étapes d’évaluation en fonctiondes progrès de la science et des prix relatifs de cha-que source d’énergie. L’industrie nucléaire, loind’être affaiblie, sera à plusieurs titres sollicitée, etdonc renforcée. Elle aura à intervenir sur les centra-les les plus anciennes, à être exemplaire en matièrede démantèlement et à poursuivre les recherchessur les énergies de demain, tout en garantissant lasécurité absolue de chaque site de production.

Pour le prochain quinquennat, je prends quatreengagements en cohérence avec cette perspective :la plus ancienne de nos centrales – Fessenheim –sera arrêtée ; le chantier de Flamanville – avec le nou-

veau réacteur EPR – sera conduit à son terme ; le sys-tème de retraitement des déchets et la filière qui l’ac-compagne seront préservés ; aucune autre centralene sera lancée durant ce mandat. Par ailleurs, j’enga-gerai une politique cohérente de montée du renou-velable : solaire, éolien terrestre et maritime, bio-masse… Des incitations fiscales pour la consomma-tion comme pour la production contribueront audéveloppement d’une industrie innovante et créa-trice d’emplois, dont le CEA et Areva seront les fersde lance.

Mon second objectif est de promouvoir une socié-té de sobriété énergétique.

La priorité sera d’agir sur le bâti, qui absorbe prèsde 40 % de l’énergie consommée. La rénovation ther-mique aura, en outre, l’avantage de préserver le pou-voir d’achat des Français et d’offrir un gisementd’emplois considérable : plus de 150 000 d’ici à2020. Là encore, des actions importantes sont àmener pour améliorer notre efficacité énergétique :généralisation des appareils de faible consomma-tion, diminution des pertes en ligne, stockage del’électricité.

Quant au prix de l’énergie, la vérité oblige à direque, quel que soit le scénario autour de la part dunucléaire, il aura tendance à s’élever en raison durenchérissement des énergies fossiles et de l’am-pleur des investissements à engager sur les centra-les comme sur les énergies renouvelables. C’estpourquoi je propose des mesures de protection desconsommateurs avec un tarif de base pour l’essen-tiel et un tarif progressif pour le confort. De même,la maîtrise de la facture énergétique est indispensa-ble à la préservation de la compétitivité de nosentreprises.

Réussir cette transition est donc un impératif éco-nomique, social et écologique. Elle suppose l’affirma-tion d’une politique industrielle et la préservationd’un pôle public de l’énergie, aujourd’hui malmené.

C’est le choix de l’avenir et celui de la responsabili-té. Il évite un statu quo forcément dépassé et une sor-tie irréaliste du nucléaire. Il appelle, aussi, uneconception élevée de la démocratie. C’est pourquoij’ouvrirai, au lendemain de l’élection présidentielle,si les Français m’accordent leur confiance, un granddébat sur l’énergie en France associant largement lesacteurs et les citoyens, dont le Parlement fixera laconclusion par le vote d’une loi de programmationde la transition énergétique.

Ce débat mérite mieux que la caricature, l’outran-ce, l’aveuglement, voire le mensonge. Je suisconvaincu que les Français se rassembleront davan-tage sur cette stratégie équilibrée, ambitieuse et pro-tectrice que sur la défense de schémas périmés ouincantatoires.

Préparer l’avenir, c’est l’enjeu de l’élection prési-dentielle. p

Ala veille de la conférence desNations unies sur les chan-gements climatiques deDurban (Afrique du Sud), lesgouvernements européensdoivent admettre que, divi-

sée, l’Union européenne est le maillon fai-ble de la mondialisation. Les nouvellespuissances émergentes – Brésil, Chine etInde – rechignent à assumer une plusgrande responsabilité dans les négocia-tions internationales, surtout face à l’inca-pacité apparente de l’UE à remettre de l’or-dre dans sa maison.

Ces deux dernières réunions sont plei-nesd’enseignements.Dans lesdeuxcas,unpays européen – le Danemark en 2009 et laFrance en 2011 – conduisait un processuscrucial pour relever deux défis: le change-ment climatique et la crise économiquemondiale. Bien entendu, les insuffisancesdela conférence de Copenhagueet dusom-met du G20 ne sont pas toutes dues auxseules divisions européennes.

Mais celles-ci ont été ressenties vive-ment alors que le monde cherche une solu-tion alternative au leadership américainsans trouver de candidat crédible. En cesdeuxoccasions et malgré de réelles capaci-tés intellectuelles et techniques pourapporter une riposte aux enjeux mon-diaux, l’UE n’a pas su impulser le change-ment.Les divisionsétaientet restent lapre-mière cause de son impuissance sur la scè-ne internationale.

Le contraste est saisissant : l’Europe aaccomplidesprogrèsdansl’économiemon-diale et fait œuvre de pionnier en intégrantdespaystrèsdivers,grâceàuncadreconsen-suelde principes et de règles pour la fourni-ture de biens publics. Forte de cette expé-rience et de son poids économique, l’UEdoit contribuer à l’adoption de nouvellesformes de gouvernance internationale

alors même que la mondialisation s’accélè-re.Maislesuccèsparaîtincertain.Al’avenir,l’Europe doit investir dans la transforma-tion de son économie et ouvrir un nouveauchapitre de son intégration, celui de la pro-chaine révolution industrielle, indispensa-ble pour se libérer de la dépendance au car-bone et construire un modèle de croissanceéconome en ressources.

Nouveaux modèles économiquesOn voit à certains signes que le proces-

sus est amorcé : abandon des combustiblesfossiles au profit des énergies renouvela-bles, adoption de nouvelles techniquesdanslebâtiment et lestransports, nouveaudéploiementdestechnologiesdel’informa-tion pour la gestion de réseaux, remise àplat des politiques d’urbanisme et prioritéaccordée à la recherche. Cette révolutionnécessite un renouvellement du rôle desacteurs publics et des politiques mais aussil’adoptiondenouveauxmodèleséconomi-ques. L’économie doit s’adapter à l’actionpublique, confrontée au défi de favoriserune transition dynamique.

L’Europe est le lieu idéal pour élaborercette nouvelle vision. Celle-ci doit donnernaissance à un projet politique dont lescitoyenseuropéens ont tant besoin. C’est la

seule voie crédible pour restaurer la crois-sance. Il nous faut des politiques conver-gentes – avec ces instruments budgétairesque sont les politiques de tarification del’énergie et du carbone, pour renoncer à lafiscalité du travail en faveur d’une fiscalitéprivilégiant les écotaxes, à l’instar de cequ’ont fait les pays du nord de l’UE.

Il nous faut de grands réseaux d’infras-tructures communs, notamment pourl’énergie. Ces investissements seraientcommelaréformeréglementaire,unobjec-tif pour l’Europe : très productifs et propi-cesauxénergiesrenouvelables,ilsrenforce-raient la sécurité et l’intégration. Grâce àcette vision, une Europe unie conforteraitsa crédibilité de leader. Sans l’Europe, lesnégociations internationales autour du cli-mat aboutiront à nouveau à une impasse,alors même qu’un certain nombre de paysen développement se mobilisent.

Le sommet de Durban est une occasionpourranimerlaflamme.Sesrésultatspoliti-ques dépendront de la capacité à dégagerune perspective dépassant la seule mise enœuvredel’accorddeCancun.Lespolitiquesclimatiques commencent à produire leurseffets. La Chine – comme les pays émer-gents et en développement – investit dansune économie sobre en carbone. Mais ces

mesures ne suffisent pas. Nous savons quecesengagementsneproduirontqu’unepar-tie des effets requis pour éviter un réchauf-fement supérieur à deux degrés.

La réussite de la stratégie de Cancundépendra de l’adoption d’une vision ambi-tieuse et partagée. D’où la nécessité d’uncadre mondial qui puisse donner sens etconfiance: la Chine semble prête àavancer,conscientedelanécessitéd’uneactioncoor-donnéepourenclencherlarévolutiontech-nologique sobre en carbone. Mais seulel’UEpeutdonnerl’élannécessairepoursor-tir de l’inertie et libérer cette volonté d’agirque l’on perçoit, à mesure que l’on com-prend mieux les dangers du changementclimatiquemaisaussilepotentieldelanou-velle révolution énergétique et industriel-le. Cette mutation exige des politiquescohérentes,desinvestissementsconsidéra-bles et une véritable volonté politique. Ilest temps pour les Européens de mettre finà leurs querelles, de faire preuve d’initiati-ve et de parler d’une seule voix. p

Constitutionnaliserl’islam?Lesrévoltes arabesrisquentde renier l’idéal de lalaïcité

NicholasSternPrésident du Grantham Research

Institute on Climate Change and theEnvironment et professeur à la London

School of Economics

LaurenceTubianaDirectrice de l’Institut du

développement durable et desrelations internationales (Iddri)

¶Député

et président

du conseil général

de la Corrèze,

ancien premier

secrétaire

du Parti

socialiste,

François Hollande

a été désigné

candidat

pour l’élection

présidentielle

de 2012 à l’issue

de la primaire

citoyenne

d’octobre

¶Conférence sur le climat

à Durban (Afrique du Sud)

du 28 novembre au 9 décembre.

Les islamistesont ralliéplutôttard

lesmanifestationscontreles dictatures,

saufpeut-être au Maroc

HaouesSeniguerEnseignant à l’Institut d’études

politiques de Lyon,membre du Groupe de rechercheet d’études sur la Méditerranée

et le Moyen-Orient

Cettemutation prendra du temps–trois quinquennats – et supposerades étapes

d’évaluationen fonction des progrèsdela scienceet des prixrelatifs dechaque

sourced’énergie. L’industrienucléaire,loind’êtreaffaiblie, sera à plusieurs titres

sollicitée,etdonc renforcée

Lesommet de Durban est une occasion de ranimerla flammeeuropéenne

Réussir la transition énergétiqueUnimpératif économique,social et écologique

230123Mardi 29 novembre 2011

Page 22: Le Monde 29 Novembre

culture

Commentle«sauvage» est devenul’unique figure de l’autre lointain

CRÉDITSNO

NCO

NTRACTUELS

P A R T I E I I I : W E L C O M E I N V I E N N A

PA R T I E I : D I E U N E C R O I T P L U S E N N O U S

P A R T I E I I : S A N T A F E

ENF INAU C INÉMA!

LE 30 NOVEMBRE

Un chef d’œuvre indispensableTélérama Canal Plus Studio Cinélive Le Monde Les Inrockuptibles Evene.fr

France Inter Le Figaro Magazine Cinécinéma Judaïque FM Paris Match MarianneFrance Culture Libération Radio Shalom Lepoint.fr Arte toutlecine.com

La Vie Le Mouv’ Le Nouvel Observateur Actualité Juive...

“WELCOME INVIENNAest un filmsubtil etenthousiasmant,grande leçon d’Histoire,decinémaetd’humanité”Claude Lanzmann

W E L C O M EI N V I E N N ALA TR ILOG IE DE AXEL CORT I

Entretien

E x-star du football, Lilian Thu-ram est le co-commissaire(avec Pascal Blanchard et

NanetteJacomijnSnoep)d’«Exhibi-tions,l’inventiondusauvage»,pré-sentée au Musée du quai Branly àParis à partir du lundi 28 novem-bre. Né à Pointe-à-Pitre en 1972, ledéfenseur de l’équipe de France aprissaretraitesportiveen 2008etacréé la Fondation Lilian Thuram,éducationpourleracisme.«Exhibi-tions» est née du livre coordonnépar l’historien Pascal Blanchard,Zooshumains:autempsdesexhibi-tions humaines, paru en 2002(Ed. La Découverte). Il révélait unmonde de vitrines ethnologiques,de monstres prétextes à la science,de négresses à plateaux, danseusesjaponaises, indiens à plumes, hom-mes lions et nègres pie.Pourquoi montrer une exposi-tion qui justement condamnel’exhibition?

Ce qui m’intéresse, c’est lamanière dont nos regards se sontformés, comment a été détermi-née cette hiérarchie de l’humani-té.Comment a-t-on imaginé que larace noire était le chaînon man-quant entre l’homme et le singe ?Ce racisme « scientifique » a finipar atteindre la masse. Si demaindes hommesde science nous mon-traient des petits hommes vertsau Jardin d’acclimatation, nousirions voir. Mais irions-nous avecun préjugé négatif ? En nous sen-tant supérieurs ? Il y a beaucoupd’idées fausses et quotidiennes.On parle ainsi de communauténoire, ce qui n’existe pas. De mino-rité visible et l’invisible, elle estblanche ? Cela témoigne d’uninconscient collectif où tous lesNoirs sont pareils.Comment en avez-vous eu l’idée?

En 2002, je jouais au FC Barcelo-ne et Pascal Blanchard est venudonner une conférence sur leszoos humains, d’après le livre qu’ilavait publié. J’ai été soulagé : jecomprenais enfin le mécanismedu racisme, la façon dont se sontformés les imaginaires du sauva-ge. Cette exposition est la troisiè-me action de ma fondation, la pre-mière ayant été la publication de

Mes étoiles noires, de Lucy à BarakObama. La deuxième action a viséles élèves d’écoles élémentaires.Avec « Exhibitions », je ne veux nivictimiser, ni culpabiliser, maismontrerque nous avons été condi-tionnés de génération en généra-tion à des croyances sans fonde-ment. Pour cela, il faut se mettre àdistance pour mieux comprendre.Se décentrer.Comment pouvaient-ils accep-ter d’être ainsi montrés?

D’abord, pour eux, le voyageétait hors du réel. Les Amérindiensqui arrivent du Brésil à Rouen en1550 ont un regard identique àcelui de Christophe Colombposant pour la première fois le

pied aux Amériques. Après, il y aune extrême complexité des cas,de la naïveté, parfois de la compli-cité, des contrats signés par lesexhibés,mais aussi des Lapons kid-nappés, des mises en esclavage,comme ce fut le cas pour la Vénushottentote.Il y aaussides mascara-des, où les Européens se grimenten Amérindiens, par exemple.

D’autres sont innocents oumalades, comme ce «What is it ? »,un Afro-Américain montré chezBarnum en 1860, un an après lapublication De l’origine des espè-ces de Darwin, et qui sera à la foisun objet de distraction et un objetd’études scientifiques – on le pré-sentera comme le chaînon man-

quant entre l’homme et l’orang-outang. Il souffrait d’une microcé-phalie. Il jouera à l’homme singejusque dans les années 1920.

Mais nous avons aussi des Alsa-ciens exhibés [en 1909]. Cela don-ne à réfléchir. Il y a des humanitésplus légitimes que d’autres, despeuples minoritaires ou pariasdans chaque pays, écrasés par lanorme dominante. On a du mal àle croire aujourd’hui, mais l’arriè-re-grand-père de Christian Karem-beu a été montré dans une cagecommecannibale au Jardind’accli-matation en 1931 ; en 1994, il y a un«Village bamboula » à Nantes, ins-tallé dans un parc zoologique, on yexhibe des Ivoiriens, en partena-

riat avec les galettes Saint-Michel.Peut-il y avoir mise à distance?

L’honnêteté est de s’avouer àsoi-même ses propres préjugés,les dépasser en les comprenant. Sion dit à un enfant qu’il n’est bon àrien, il grandit ainsi ; que les Noirscourent vite, ils finissent par s’enpersuader.De mêmeon laisse croi-re aux femmes qu’elles sont infé-rieures. Le sexisme est le début detous les préjugés, « la matrice detous les autres régimes d’inégalité,une question éminemment politi-que », a dit l’ethnologue FrançoiseHéritier.En quoi êtes-vous personnelle-ment concerné?

C’est l’histoire de ma vie. Je suis

arrivéà 9 ans en métropole. La cou-leur de ma peau posait problème.J’ai compris que le racisme étaitune construction intellectuelle, unconditionnement. Mon grand-père est né en 1908, l’esclavage[aboli en 1848] a laissé des traces,

une coupure dans l’histoire desAntilles. Le colonialisme cherchaità obtenir des matières premières àbas prix, et a construit l’idée d’uneraceinférieure pour mieux en tirerprofit. Cela continue. Qu’un hom-me aussi important que NicolasSarkozy, président d’un pays aussiimportant que la France, tienne undiscours humiliant à Dakar dansl’université Cheikh-Anta-Diop, leplus grand historien africain, c’estterrible. Vous n’échappez pas àvotre conditionnement, que voussoyez simple citoyen ou président.Vous aimez l’art contemporain,vous le collectionnez?

Non. J’achète des œuvres quej’aime, de Bruce Clark, de ChériSamba. Pour « Exhibitions », j’aivoulu introduire le contemporain,en faisant appel à Vincent Elka[pionnier du graffiti français] quiclôt l’exposition. Le rôle desmusées est de faire le lien entre lepassé et le présent, afin d’appren-dre à connaître la société. p

Propos recueillis parVéronique Mortaigne

L’arrière-grand-pèredeChristianKarembeuaétémontré dansune

cagecomme cannibale

LilianThuram:«Leracisme,unconditionnement»Sonexposition,«Exhibitions, l’inventiondusauvage»,ouvreauMuséeduquaiBranlyàParis

L’ancien footballeur international Lilian Thuram est co-commissaire de l’exposition du quai Branly, à Paris. RICHARD PAK POUR « LE MONDE »

L’EXPOSITION qui s’ouvre lundi28novembre au Musée du quaiBranly, àParis, entrelace deuxsujets qui ne se confondent pas. Lepremier est celui de la perceptionde l’autre dans les pays occiden-taux depuis la Renaissance. Toutindividu perçu comme différent,inquiétant ou seulement pittores-que. Ainsi les bizarreries de la natu-re – nains, géants, obèses, mais aus-si les «hommes de couleur». L’ex-position fait un inventaire de cesfigures de l’altérité.

Le lointain y tient une placeconsidérable, le lointain du Siamdont Louis XIV reçoit les ambassa-deurs, celui des Iroquois et Algon-quins dont les envoyés sontaccueillis à la cour d’Angleterre.

Dans les œuvres qui décrivent cessolennités, comme dans leurs rela-tions littéraires, la stupeur va jus-qu’à l’incrédulité. «Comment sepeut-il que la création divine com-prenne de tels êtres, dont les costu-mes et les coutumes ressemblent sipeu aux nôtres?» : la questionprend au dépourvu l’Europe.

Quelques-uns cherchent àsavoir qui sont ces peuples et àmesurer combien ces découvertesimposent de se détacher d’uneconception du monde dans laquel-le il faut une place pour les Pyg-mées ou les Indiens.

D’autres, infiniment plus nom-breux, se bornent à s’enrichir, ens’emparant des terres, puis en orga-nisant la traite des esclaves à desti-

nation des plantations d’Améri-que. Dès le XVIIesiècle, l’hommenoir, c’est l’esclave – et bien peus’en indignent. «Exhibitions»,curieusement, ne rappelle rien dela traite et ce silence étonned’autant plus que la colonisations’accomplit avec en tête exacte-ment la même stupide certituded’être supérieur. Simultanément,des entrepreneurs de spectaclemettent en scène les mœurs de cessupposés sauvages dans les foireset les cirques.

Engouement écœurantC’est là l’autre sujet de l’exposi-

tion, celui qui se dégage du pre-mier sans que soit assez nettementdit que le «sauvage» ne devient

l’unique figure de l’autre lointain –la caricature plutôt – que durant leXIXesiècle colonialiste et industrielalors qu’auparavant, il y en avaitd’autres, bien plus intelligentes.

Dans les années1840 et 1850encore, le regard n’est pas nécessai-rement méprisant, comme le mon-trent les portraits d’Indiens desplaines peints par George Catlin.Ceux des Océaniens de Gauguinmontrent le même désir de com-prendre et de préserver. Mais quiles regarde alors? Bien peu des mil-lions de visiteurs des Expositionsuniverselles ou coloniales, dont ladeuxième moitié du parcours accu-mule jusqu’à la nausée affiches,photographies et réclames. Dans ledernier quart du XIXesiècle, aucun

pays occidental n’échappe à cetengouement écœurant. Allema-gne, Etats Unis, France, Royaume-Uni, Belgique: on y exhibe desfamilles razziées en Afrique, auxPhilippines ou en Nouvelle-Gui-née. Installés dans des simulacresde villages, sommés de rejouer depseudo-rituels, ces figurants sonttraités comme des animaux. Sur cepoint, la démonstration qui s’ac-complit dans «Exhibitions» est àla fois définitive et accablante.p

Philippe Dagen

Musée du quai Branly, 37, quai Branly,Paris 7e. Tél. : 01-56-61-70-00. Mardi,mercredi et dimanche, de 11 heures à19 heures. Jeudi, vendredi et samedi de11 heures à 21 heures. Jusqu’au 3 juin.

24 0123Mardi 29 novembre 2011

Page 23: Le Monde 29 Novembre

culture

KeithJarrettRioPartant de suggestions autour dela dissonance, le pianiste Keith Jar-rett, en solo lors d’un concert auTheatro Municipal de Rio, nousmène de Rio Part I à Rio Part XVvers une mélodie à la tranquilleévidence des standards du jazzavant de s’écouler en longs flots.Une traversée dans les musiqueseuropéennes et américainesdepuis la fin du XIXe siècle, entre-mêlées, sans chronologie, maisévoquées par des traits rythmi-ques et des références harmoni-ques. Jarrett développe ici un rap-port à l’émotion musicale qu’il nelaisse pas si souvent s’échapper.En cela, Rio est à placer parmi sesdisques les plus réussis. p S. Si.1 double CD ECM/Universal Music.

PortugalTheManIn the MountainIn the Cloud

Patientantdepuis2006 dansl’anticham-bre du suc-cès, Portu-gal TheMan pour-

rait bien avoir trouvé la clé de lagrande porte avec ce déjà septiè-me album. Délaissant ses écartsles plus excentriques, ce quatuord’Alaska émigré à Portland peau-fine ici son obsession des mélo-dies ciselées, une polychromiepsychédélique tendue avanttout vers l’efficacité. Les aigusaguicheurs du chanteur et guita-riste John Baldwin Gourley évo-quent la façon euphorique dontElton John (période glam-rock)ou les Bee Gees (période pop

baroque) savaient jouer de lamélancolie. A force de couchesde cordes, d’envolées de guitareet d’entrelacements vocaux, cer-taines constructions flirtentavec le kitsch, d’autres (Senseless,Everything You See) vont plus élé-gamment du côté de MGMT. Endépit d’un final plus introspec-tif, on retient surtout la capacitéfédératrice de refrains (les irrésis-tibles So American et Got It All(This Can’t Be Living Now) criantleur désir d’être repris par lesfoules. p Stéphane Davet1 CD Atlantic/Warner Music.

SealSoul 2Après Soulen 2008, etles années1960 dugenre, lechanteurbritanni-

que Seal avance dans Soul 2 vers ladécennie suivante. Avec quelquesévidences – Let’s Stay Together, AlGreen, What’s Going On, MarvinGaye, Lean On Me, Bill Withers… –,mais surtout des thèmes plussecrets, en tout cas en Europe. Ain-si Wishing On A Star et Love Don’tLive Here Anymore, toutes deux de1978 et du groupe Rose Royce,Back Stabbers, des O’Jays en 1972,ou Love Won’t Let Me Wait, queMajor Harris, membre des super-bes Delfonics, interpréta en 1975,témoignent de l’érudition duchanteur. Le timbre, le registre etla puissance caressante de Seal col-lent en plus parfaitement à cerépertoire que le chanteur abordesans excès de dévotion et avecune exactitude d’interpréta-tion. p S. Si.1 CD Reprise Records/Warner Music.

LIOR ASHKENAZI SHLOMO BAR ABA

Westend Films, United King films et Movie Plus presentent

FOOTNOTEUN FILM DE JOSEPH CEDAR

LE 30 NOVEMBRE

”SUBTIL ET DRÔLE ! ”LE MONDE

Musique

T out commence par LeTableau, montrant une belleendormie, « un visage qui la

nuit vient vers moi », nous dit lenarrateur. Et se termine par unedéclaration des plus évidentes,J’aime l’amour. Entre ces deuxchansons, Laurent Voulzy nousemmène dans un autre temps,peut-être celui du Moyen Age, deLa 9e Croisade (la chute de Saint-Jean-d’Acre), en des lieux mythi-ques, Blackdown – son trésorenfoui et son sentier du serpent –,Glastonbury et Avalon (l’île de lageste arthurienne), dans un uni-vers entre ciel et terre, commedans celui de La Nuit…

Avril, précédent album de chan-sons originales de LaurentVoulzy, sorti en décembre 2001,avait été une formidable gour-mandise multicolore, débordantd’idées, d’entremêlements instru-mentaux et vocaux, d’accrochesmélodiques. Lys & Love, le nou-veau Voulzy donc, après les jeuxavec les reprises qu’ont été La Sep-tième Vague (2006) et partielle-ment Recollection (2008), n’a pasau premier abord ces évidencespop. Ses flamboyances, nombreu-ses, ses subtilités se découvrentpeu à peu.

Et puis, comme le narrateur duTableau, nous voici attiré par cequi se révèle le disque le plus« expérimental » de Voulzy, unefolie musicale tout en cordes (vio-lons, altos, violoncelles) etchœurs, d’instruments de percus-sions et de finesses électroniques.Soit une réalisation ambitieuseplusieurs coudées au-dessus de

celles proposées par la chansondurant l’année. Que le mot « expé-rimental » ne déroute pas. ToutVoulzy est là, avec l’aide pour cer-tains textes d’Alain Souchon,Mylène Miles, Charles d’Orléans,Liam Keenan et Abu Firas, poètearabe du Xe siècle, et aux arrange-ments de Frank Eulry (par ailleursaux claviers et programmations) :sa sophistication d’écriture, son

sens des atmosphères, sa sciencedu détail, de la surprise.

Disque concept, Lys & Love l’estcertainement. Pas au sens de cesmachins thématiques sur dessujets proches comme Rick Wake-man (claviériste de talent chez Yesmais piètre compositeur) ou lehard rock progressif ont pu encommettre avec leurs gros sabots.Le tableau, la jeune fille, le cheva-

lier errant… sont des prétextespour l’imaginaire. Comme le pas-sage d’un galop, un envold’oiseaux, des sons de la nature.Une manière d’entrer dans cegrand œuvre qu’est Lys & Love.

Deux chansons, Jeanne etC’était déjà toi ont le potentiel detubes destinés à s’insérer dans lerecueil des succès de Voulzydepuis la fin des années 1970.D’autres comme En regardant versle pays de France ou La 9e Croisade– d’une durée de près de 15 minu-tes et qui pourrait rappeler l’envoloriental de Kashmir (1975), de LedZeppelin–, s’inscrivent dans lepro-longement lumineux d’Avril.

Entrelacs sophistiquésEt puis il y a ces virées sonores

que sont Glastonbury, Blackdown,Ma seule amour, Le Ciel et la terre…à la fois familières – l’impact mélo-dique de Voulzy – et dans une nou-veauté aventureuse, où chœurs etélectroniques s’épanouissent enentrelacs sophistiqués. On sent icique Voulzy a autant joué avec desdéfis de composition qu’avec l’en-viedene paspenserautubeabsolu-ment, à la chanson « efficace».

Lys&Loveaété enpartieenregis-tré aux Abbey Road Studios, à Lon-dres (les cordes), et dans le donjondu château de Vincennes. Lieuxd’histoire de la musique classiqueet des Beatles, à Abbey Road, lieud’histoire royale dès l’époquemédiévale, à Vincennes. Et autantde vibrations pour cette captivan-te réussite qu’est Lys & Love. p

Sylvain Siclier

Lys & Love, de Laurent Voulzy,1 CD Columbia/Sony Music.

SélectionCD

Musique

L e patron de l’Opéra de Paris,Nicolas Joël, un nostalgique ?Après le Faust de Gounod

monté avec le chef d’orchestreAlainLombardetle metteur enscè-ne Jean-Louis Martinoty, avec les-quels il débuta à Strasbourg, le voi-là qui convoque post mortem sonmaître et mentor, Jean-Pierre Pon-nelle (1932-1988). A l’affiche doncdes nouvelles productions del’Opéra de Paris, cette Cenerentola(Cendrillon) de Rossini, qui, aprèsle fameux Barbier de Séville de1968 à Salzbourg, fit la carrière dudécorateur et metteur en scènefrançais, notamment à l’étranger.

Car cette Cendrillon a été detous les bals avant d’entrer enfindans la danse à Paris. Depuis 1971,elle a fait quasiment le tour dumonde: Florence, Edimbourg, SanFrancisco, Milan, Düsseldorf,Zurich, Munich, sans compterChicago, Dallas, Houston,Ottawa, etc. C’est peu dire qu’ellen’est plus une inconnue : un filmtourné en 1981 en studio sous ladirection de Claudio Abbado dansla foulée des représentations à LaScala est disponible en DVD chezDeutsche Grammophon/Unitel.

Repris par un de ses anciensassistants,Grischa Asagaroff, le tra-vail de Ponnelle semble flotterdans un intemporel empruntéd’une part à la matière même duconte, d’autre part à l’esthétiqued’un théâtre de tréteaux élargi,décor de carton-pâte conçu com-me un castelet, direction d’acteursouvent proche de la commediadell’arte. Mais le tout fonctionneet on ne boudera pas son plaisir,d’autant que la distribution estsans doute l’une des meilleuresque l’on entendra cette saison. Elletacle même la dernière reprise, en2002, de la production d’avril 1996de Jérôme Savary dans ce même

Palais Garnier, avec le prince JuanDiegoFlorez etla Cendrillon deJoy-ce DiDonato.

Car la mezzo française KarineDeshayes n’a rien à envier auxgrandes rossiniennes du moment.Elle possède l’étourdissant abatta-ge virtuose requis pour le rôlemais se distingue par un art parti-culier de la nuance et de la couleurainsi qu’une mélancolie dans letimbre qui rend particulièrementtouchante l’humble héroïne de ceconte de fée.

Simplement excellentsLe prince Ramiro du Mexicain

Javier Camarena chante avec unepuissance d’engagement qui forcele respect. Tous les autres convivesde cefestin lyriquesont remarqua-bles : le Dandini « prince-sans-rire» de Riccardo Novaro, l’Alidoronoble et puissant d’Alex Esposito,le Don Magnifico absurde et cocas-se de Carlos Chausson chaperon-nant ses deux méchantes filles etsœurs de Cendrillon, lablonde Clo-rinda d’Annette Fischer et la bruneTisbe d’Anna Wall.

Dans la fosse, le maestro italien,BrunoCampanella, quiconnaît cet-te production comme sa poche,fait une fois de plus la preuve deson métier – un rien plan-plan –mais l’Orchestre et le Chœur del’Opéra de Paris sont tout simple-ment excellents. p

Marie-Aude Roux

La Cenerentola, de Rossini. Avec Jean-Pierre Ponnelle (mise en scène, décorset costumes), Grischa Asagaroff (réalisa-tion), Michael Bauer (lumières), Orches-tre et Chœur de l’Opéra national deParis, Bruno Campanella (direction).Palais Garnier, Paris 2e. Le 26 novembre.Jusqu’au 17 décembre.Tél. : 08-92-89-90-90. De 10 ¤ à 180 ¤.Operadeparis.frDiffusion en direct le 17 décembre à19 h 30 sur France Musique.

«La Cenerentola»,unfestin lyriqueAuPalaisGarnier,unopéradeRossini serviparunedesmeilleuresdistributionsdumoment

Laurent Voulzy à Vincennes(Val-de-Marne), autre lieu d’enregistrement

de « Lys & Love » avec Abbey Road, à Londres. PHILIPPE ABERGEL

Laréussite expérimentalede Voulzy«Lys&Love»,nouvelalbumduchanteur,mêlecordeset chantmédiéval,popetélectronique

250123Mardi 29 novembre 2011

Page 24: Le Monde 29 Novembre

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LA PLUIE (06/03/12 - 13/05/12)

PATAGONIE Images du bout du monde(06/03/12 - 13/05/12)

LES MAÎTRES DU DÉSORDRE(11/04/12 - 29/07/12)

LES SÉDUCTIONS DU PALAISCuisiner et manger en Chine(19/06/12 - 30/09/12)

CHEVEUX CHÉRIS Frivolités et trophées(18/09/12 - 14/07/13)

PAPUNYA Les grands maîtres aborigènes australiens(09/10/12 - 20/01/13)

NIGÉRIA Arts de la vallée de la Bénoué(13/11/12 - 27/01/13)

Et aussiLes spectacles

Les cycles de cinéma

Les salons de musique

Les conférences

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culture

L’homme sourit. Il raconte son his-toire : « Je m’appelle Paul Ham-mer. Je suis un enfant illégitime. »Lâché par ses parents, il a été éle-vé par sa grand-mère, riche.Quand elle est morte, Paul Ham-mer était un jeune homme, seul.Il a pris un avion pour passer Noëlavec son père, à Chicago. Il l’aretrouvé dans une chambre duRitz, nu sur son lit, dans un comaéthylique. Il est parti, a pris unautre avion, pour l’Autriche, où ila vu sa mère, dans un hôtel, elleaussi. « Complètement folle », dit-il, et animée par une telle hainede son pays natal, les Etats-Unis,qu’elle rêvait de s’installer dansune ville de banlieue et de cruci-fier à la porte de l’église un de seshabitants.

C’est son fils qui le fera, ou dumoins tentera de le faire. Ce PaulHammer qui sourit en demi-tein-te quand il raconte son histoire,au début de Bullet Park, le specta-cle présenté par le collectif desPossédés, au Théâtre de la Bastille,jusqu’au 22 décembre. Bullet Parkest une adaptation des Lumièresde Bullet Park, de John Cheever(1912-1982), cet écrivain mer-veilleux qu’on appelle « leTchekhov de la banlieue ». Sonœuvre, qui dépeint la vie de lamiddle class américaine après laseconde guerre mondiale, est tra-versée par un sourire tendre etmélancolique. Celui que l’on per-çoit chez le comédien jouant PaulHammer. Mais c’est une feinte.

Très vite, ce sourire engageantse mue en un rictus énervant. Ani-més par une coquetterie à lamode au théâtre, Les Possédéstransforment la chronique de lavie à Bullet Park en une comédiede boulevard qui ridiculise les per-sonnages et les tire vers le bas,comme s’ils étaient uniquementdes abrutis, dans la société améri-caine des années 1960. On est loindu ton du roman de John Chee-ver, qui commence ainsi : « Imagi-nez une petite gare, dix minutesavant la nuit. » A vous de lire lasuite, publiée en Folio. p

Brigitte Salino

Cinéma

NantesEnvoyé spécial

R elais précieux de la chaînecinéphilique française, leFestival des 3 continents de

Nantes a ouvert le 22 novembresur la dure équation qui s’imposeaux manifestations de cette taille,désormais privées du sel de ladécouverte internationale par lesquelques géants (Cannes-Venise-Locarno-Berlin) qui trustent lamarchandise. La réponse prenddeux formes : relever le niveaud’une compétition qui n’est plustenueparl’impératif del’exclusivi-té, et créer l’événement sur le restede la programmation.

Pariremporté, cetteannée enco-re, par le directeur artistique, Jérô-me Baron, avec d’un côté d’excel-lents films en compétition (Peoplemountain, people sea du ChinoisCai Shangjun, Saudade du Japo-nais Katsuya Tomida…), et del’autre une belle découverte patri-moniale.

Soit un hommage en vingt-sixfilms à la compagnie Nikkatsu,l’un des grands studios histori-ques nippons, qui célébrera en2012 le centenaire de sa naissance.La majorité des titres sont inéditsen France. A côté des génies réper-toriés (Kenji Mizoguchi, SadaoYamanaka, Shohei Imamura…), ony découvre de belles raretés. Celava de la révélation de la premièrestar nippone (Matsunosuke Onoe,dans le film de ninjas GoketsuJiraya de Shozo Makino en 1921)jusqu’aux perles du roman pornoqui relance le studio à partir desannées 1970 (Marché sexuel des

filles de Noboru Tanaka, 1974 ; LoveHoteldeShinjiSomai, 1985),en pas-sant par les riffs modernistes dutonitruant Koreyoshi Kurahara(The Warped ones, 1960, Black sun,1964). On retrouvera, du 7 décem-bre 2011 au 20 janvier 2012, ce pas-sionnant cycle Nikkatsu à la Ciné-mathèque française, augmentéd’une dizaine de films.

Le clou de la rétrospective nan-taise aura toutefois été la résurrec-tion, en « live », d’une traditiondatant du cinéma muet, le benshi,quiestl’artdenarreretdecommen-ter les films. Advenu le 25 novem-bre,cemiracleestdûàla présence à

Nantes de Midori Sawato, petitboutdefemmedontletransformis-me vocal fait passer l’héroïne deL’Exorciste pour une dilettante.

Attablée sur scène, face à l’écran,en compagnie d’un guitariste etd’une flûtiste, Midori Sawato a ain-si « sonorisé » de belle manière–inventantlesdialogues,contrefai-sant les voix et poétisant certainsdétails – deux films muets devantune assistance médusée par cevoyage aux origines du cinéma. Ils’agissait de La Marche de Tokyo(1929) de Kenzi Mizoguchi, méloincomplet qui est à ce jour le plusancien film conservé de l’auteur, et

de Jirokichi le rat (1931) de Ito Daisu-ke,l’undesrénovateursdufilmhis-torique japonais, qui met ici en scè-ne les aventures d’un célèbre bri-gand du XVIIIe siècle.

L’expériencefuttroublante.Par-tagée entre l’admiration pour letalent de l’oratriceet la réserve quefait naître chez le spectateurmodernecette voixqui sesuperpo-se à son regard et cette glose quiarraisonne le sens du film. Expé-rience, sans doute, éminemmentjaponaise.

Quand, à peu près partout dansle monde au tournant des années1910, les bonimenteurs quittaientla scène à mesure que le cinémas’éloignait de ses origines foraineset gagnait en autonomie narrati-ve, les benshis continuaient auJapon à régner en maîtres. Lepublic s’y déplaçait pour euxdavantage que pour les acteurs, lesréalisateurs, voire les films eux-mêmes. Leur prestation était par-fois enregistrée, puis religieuse-ment écoutée hors des salles decinéma. La corporation était sipuissante (sept mille benshisétaient en activité en 1920) qu’elle

contribua à retarder le passage aucinéma parlant dans l’Archipel,qui n’eut lieu qu’au mitan desannées 1930. Son arrivée leur futévidemment fatale, mais pas aupoint de faire oublier l’art qu’ilsvéhiculèrent, qui s’est transmisjusqu’à aujourd’hui, où une dizai-ne de benshis officient encore.

D’où vient cette spécificité nip-pone? Pour Midori Sawato, « l’im-portance du benshi n’est pas seule-ment due à l’obligation d’expli-quer à un public qui n’y connais-sait rien le caractère et les ressortsdes films occidentaux qui arri-vaient au Japon. Bien sûr, cettemédiation était nécessaire. Maisl’art du commentaire et la présenced’un narrateur viennent directe-ment de la tradition théâtrale japo-naise. Ilsexistentdansle nô, le kabu-ki, le bunraku. Le benshi, bien sûr,dispose de beaucoup plus de libertéque ces formes traditionnelles.Mais c’est parce qu’il se situe danscette filiation qu’il a contribué ànaturaliser le cinéma au Japon ».

Midori Sawato, diplômée enphilosophie, est quant à elle tom-bée sous le charme du benshi àl’âge de 20ans, en assistant en 1972à une projection commentée par

Shunsui Matsuda, qui devint sonmaître. Elle en est aujourd’hui lavoix la plus connue, avec quelquecinq cents films à son répertoire.Lepublic parisien pourra laretrou-verlemardi 29novembre à20heu-res à la Maison de la culture duJapon, où elle officiera sur deuxfilms de 1935 : Quelle richesse sontles enfants, court métrage burles-que de Torajiro Saito, et La Cigogneen papier de Kenji Mizogochi. p

Jacques Mandelbaum

Maison de la culture du Japon,101 bis, quai Branly, Paris 15e.Tél. : 01-44-37-95-01

Lacorporationde«benshis»était si

puissante qu’ellecontribuaàretarderlepassage aucinéma

parlant dansl’Archipel

Lesourireétaitunefeinte

Le 25 novembre, à Nantes, Midori Sawato – célèbre « benshi » –, accompagnée d’un flûtiste

et d’un guitariste, invente les dialogues et contrefait les voix d’un film muet. HERVÉ SAMSON POUR « LE MONDE »

Midori Sawato, la voix nippone du cinémamuetDécouverteàNantesd’unetradition japonaiseséculaire, le«benshi», art toujoursvivacedecommenter les films

Art Succès public pourla Biennale de VeniseLa 54e Biennale d’art contempo-rain de Venise a fermé ses por-tes, dimanche 27 novembre,après avoir reçu, depuis sonouverture au mois de juin plusde 440 000 visiteurs, soit uneaugmentation de 18 % par rap-port à la précédente édition. Par-mi eux, 7 chefs d’Etat, 40 minis-tres et une vingtaine d’ambassa-deurs, ce qui témoigne de la por-tée politique de l’événement,mais également 4 500 journalis-tes accrédités (en hausse égale-ment, de 20 %), qui n’ont pour laplupart pas été tendres avec lamanière, jugée terne, dont lacommissaire de la manifesta-tion, la Zurichoise Bice Curiger,avait installé sa sélection interna-tionale. Les pavillons nationauxétaient au nombre de 89, contre77 en 2009. Un succès pour ledirecteur de la biennale, PaoloBaratta, que le précédent gouver-nement italien avait voulu, envain, remplacer par un proche deSilvio Berlusconi. p Harry Bellet

Bande dessinée Plusde 1,8million d’eurospour HergéLa vente Hergé organisée samedi26 novembre à Paris chez Artcu-rial a totalisé un montant de1 873 396 euros. 85 % des 856 lotsont trouvé preneurs, dont un des-sin original pour Le Secret de laLicorne, estimé entre 35 000 et40000 euros, qui a atteint168 900 euros. En 2008, déjà chezArtcurial, une gouache d’Hergéavait été adjugée 764 200 euros,record mondial pour un dessinoriginal de BD. – (AFP.)

26 0123Mardi 29 novembre 2011

Page 25: Le Monde 29 Novembre

& vous

EN LIVE

Achetermalin grâce à InternetDessitesproposent lunettes, téléphones,mobilieretobjetsdedécorationàmoindrecoût

Consommation

L es amateurs de bons planspeuventseréjouir.L’augmen-tation du nombre d’internau-

tes – 39, 4millions en France, selonMédiamétrie, 2millions de plus enun an – et surtout l’essor de l’Inter-net mobile via les smartphones –18 millions de mobinautes, 5 mil-lionsdeplusenunan–stimulentlacréativité des web-entrepreneurs.Sites et applications rivalisent denouveautés pour consommermalin. Florilège d’offres dont onpeut profiter en un clic.

Deux bastions très rentables ducommerce, la téléphonie et leslunettes, sont pris d’assaut par lesentrepreneurs duWeb.Facebook etAmazon plancheraient chacun surun portable pour fin 2012. En atten-dant, le site Meilleurmobile.compropose de comparer les forfaits devingt opérateurs. Pratique si vousenvisagez de renégocier votrecontrat. Ce site permet égalementl’achat de téléphones « de 30 à 100eurosmoins cher»,estimesonPDG,Mathieu Drida.

Autre option pour les chasseursd’économies, l’achat de temps deconversation, sans engagementauprès de zeroforfait.com. « Noussommes en moyenne 50 % moinschers que le marché », affirme sondirigeant Patrick Gentemann.Vous pouvez ainsi, à la carte, ache-ter une demi-heure (2,90 euros),1 heure (5,90 euros), 50 sms(3 euros), Internet illimité(10euros), etc. Pour devancer l’arri-vée de Free, le site a même lancé,

mardi 22 novembre, une offre à29,90 euros/mois : conversation,smset Internetillimités, sans enga-gement. Il est même possible delouer un portable à prix mini.

Marc Simoncini, fondateur deMeetic, vient quant à lui de lancerSensee.com, considérant que « lemarché français des lunettes estopaque et verrouillé». Les prix sont«au moins deux fois moins élevés »dit-il, mais le site ne propose pourl’instant que des verres correcteurssimples. Le site envoie à domiciletrois montures choisies, puis mon-tera les verres sur le modèle préfé-ré.

Les porteurs de verres progres-sifs peuvent quant à eux passer parEasy-verres.com. Nous sommes« 40 % moins cher que les prix dumarché», explique le cofondateurJean Von Polier, ancien pilote dechasse passé par le MBA de l’écolede management de l’Insead, deve-nu opticien. Le site ne vend que lesverres,«carunopticienestnécessai-re pour ajuster les montures ou cen-trer les verres progressifs en hau-teur»,ajouteledirigeant.Lesverressont fabriqués par le français ClaireVision et l’allemand Sola, quidépend du plus gros verrier outre-Rhin Carl Zeiss. Le panier moyen« pour deux verres progressifs,atteint 250 euros, et moins de 100euros pour des verres unifocaux ».La pose, payée en ligne, se fait chezun des 700 opticiens partenaires.

Les adeptes du dicton, « C’est enmultipliant les petits gains qu’ilsdeviennent grands », peuvent ten-ter le site Lesparrains.fr : celui-cimet en relation toute personnevoulant bénéficier d’une offre deparrainage (cadeaux, bon d’a-chats…), sur un site d’e-commerce.On peut être un parrain potentielen mal de filleul numérique oul’inverse.

Pour des achats plus impor-tants, certains sites discount sedotentdésormaisde«vrais»maga-sins affichant les mêmes prix que

le Net. C’est le cas de Pixmania.com(neuf magasins), de Cdiscount.comquivientd’ouvrirsadeuxièmebou-tique(ParisaprèsBordeaux)etbien-tôt de Myfab.fr, spécialiste du desi-gn, situé à Hongkong, qui ouvremi-décembre un showroom àParis.

Toujours dans la décoration, letout nouveau Manabey.fr, dont laproduction est asiatique, affiche degrandes ambitions. « Nous nousengageonsà payer trois fois la diffé-rence si quelqu’un trouve moinscher », explique Arnaud Reinette,un des deux dirigeants qui veulentdevenir les Michel-Edouard Leclercdu Web pour l’univers de la mai-son. « Le client paye 80 euros, puis aaccès à nos produits à prix coû-tant.»

Côté habillement, pléthore desitesselivrentuneguerresansmer-ci pour proposer des vêtementsgriffés à des prix imbattables. Lesecteur de la mode pèse par exem-

ple près de 40 % chez eBay.fr. Lesite, connu pour ses enchères, estdésormais utilisé par des bouti-ques branchées françaises et étran-gères. Un bon moyen de se procu-rer les créations de designersintrouvables en France. La nou-veauté est la déclinaison des sitesen version mobile pour faire sonshopping sur son téléphone multi-fonctions, ou, plus pratique, sur satablette.

Ainsi, le site Yoox propose desphotos en haute définition, ce quipermet de zoomer sur les moin-dres détails. Le site Showroompri-ve.com, numéro deux après Vente-privee.com, réalise déjà 12% de sonchiffre d’affaires grâce au mobile etvient de lancer son applicationiPad. « L’utilisation de sa tablette,dans son canapé, où l’on touchel’écran pour choisir sa tenue, se rap-proche plus du shopping tradition-nel que de passer une commandesur ordinateur », note Christophe

Davy, président-directeur généralde Brandonlinecommerce.com,qui gère les sites d’ e-commerce demarques de luxe, comme Jean PaulGaultier. De quoi augmenter enco-

re le temps moyen passé sur Inter-net, de 40 heures par mois, selonMédiamétrie, plus d’une semainede temps légal de travail ! p

Laure Belot et Joël Morio

Nombre d’applications vous géo-localisent pour vous proposer debons plans à proximité. C’est lecas des sites d’avis de consom-mateurs tels Nomao (2millionsde visiteurs par mois, selonMédiamétrie), Cityvox (1,9mil-lion), Qype (1,8), Yelp (0,2). Seulproblème: ces sites sont polluéspar des faux avis. Qype vient de«mettre en place un logiciel pourles repérer», explique son direc-teur marketing Richard Dennys.Une nouvelle application a déci-dé de maîtriser de bout en boutles avis en ligne: les quatres créa-teurs d’Happy City répertorientles bars proposant des happyhours proches de vous. L’applica-tion Paris (Happyparis.fr) est lan-cée, Lyon et Lille vont arriver aupremier trimestre 2012.

Des bars à «happy hours»près de chez vous

S’initierà l’artavec…BarbieDes poupées Barbie habillées par de grands couturiers, on en comptepar dizaines : depuis 1989, une soixantaine de créateurs ont créé destenues pour la figurine de Mattel. Trois nouvelles poupées « collec-tor », conçues pour Noël (vendues 50 euros l’une) portent, elles, desrobes inspirées des tableaux de Klimt, de Léonard de Vinci ou de Vin-cent Van Gogh. La première emprunte la pose et la tenue d’AdèleBloch Bauer dont Klimt fit le portrait, la seconde évoque le souriremystérieux de la célèbre Joconde et la troisième s’est drapée dans letableau La Nuit étoilée, peint par Van Gogh. Le Musée des Arts déco-ratifs à Paris a conçu autour de ces poupées un atelier gratuit pour

les enfants âgés de 5 à 12 ans, afin de les initier à l’art. Une maniè-re ludique de familiariser les enfants avec l’univers desmusées. p Véronique Lorelle (PHOTOS DENNIS ; PAUL JORDAN/MATTEL)

Barbie aux Arts décoratifs, 111, rue de Rivoli, Paris 1er. Chaque dimanchejusqu’au 1er décembre, de 10 h 30 à 13 heures. Entrée libre après inscrip-tion sur [email protected]

Lesadeptesdudicton«C’est enmultipliantlespetits gainsqu’ilsdeviennent grands »peuventtenter lesite

Lesparrains.fr

Voyager mieuxà l’aidedes réseauxsociaux

Plusieurs sites permettent de trouver des locations saisonnières entre particuliers. JAMESBEST/NYT-REA

LES RÉSEAUX SOCIAUX devien-nent un outil pour aider à se dépla-cer. Ainsi, en un peu plus d’un an,700000 automobilistes françaissont devenus accros au GPS gra-tuit Wase.com, comme 7 millionsd’utilisateurs dans le monde. Il suf-fit de télécharger l’applicationpuis de l’ouvrir dans sa voiturepour que ce GPS vocal vous guide.

Le site se rémunère par la publi-cité apparaissant sous forme depetits drapeaux localisant sur lacarte certains lieux sur le parcoursde l’automobiliste. « Les donnéesde chaque téléphone connecté sontanalysées en temps réel et répercu-tées dans les conseils de naviga-tion», explique Mme Yael Elish, vice-présidente marketing de l’entrepri-se basée près de Tel-Aviv. Plus leréseau d’utilisateurs s’étend, plusles informations sur le trafic sont

fiables. Et l’automobiliste peutsignaler par des touches simplesles raisons de son arrêt. Ainsi, enIsraël, où l’application a été télé-chargée 2,5 millions de fois, Wazeest l’outil numéro un anti-bou-chons.

Bon rapport qualité-prixAutre réseau en voie de mondia-

lisation, celui du site américain Air-bnb.com. Dans 19700 villes de 192pays, il est possible de louer l’appar-tement ou la chambre d’un particu-lier pour un très bon rapport quali-té-prix (draps, serviettes et ména-ge inclus). Le système de paiementest astucieux: le site débite le mon-tant de la location mais ne le rever-se au loueur que 24heures après ladate prévue d’arrivée, le temps dese retourner en cas de problème. Lepropriétaire, lui, est couvert jus-

qu’à 50000dollars (38 000euros)de dommages. Résultat : depuis sacréation en 2008, 2 millions de nui-tées ont été réservées, les six der-niers mois connaissant une crois-sance exponentielle. Une réserva-tion sur dix est désormais réaliséevia l’application portable.

Depuis mai, Airbnb proposed’intégrer dans son compte sa listed’amis Facebook. L’internaute peutainsi voir apparaître, lors d’unerecherche: «Ce loueur est l’ami surFacebook d’untel, un de vos amis.»En quelques mois, plus de 130mil-lions de membres d’Airbnb etd’amis Facebook ont ainsi étéconnectés. Et le site fait des émulescomme les allemandsWimdu.com, et 9flats.com, quiassure, lui, le propriétaire à hau-teur de 500000 euros. Airbnb adésormais un clone chinois, Airizu,

sorte de consécration à laquelleont déjà eu droit Facebook et Twit-ter.

Wipolo.com veut quant à luidevenir la référence pour organi-ser un voyage. Tous les détailsqu’on oublie facilement (numérodes places réservées, heure dedépart) sont automatiquement ins-crits dans votre profil accessiblesur mobile: il suffit de se créer uncompte puis de renvoyer par mailchaque confirmation électroniquede réservation. Là aussi, l’idée deWipolo, partenaire de Facebook,est de créer une communautéd’amis qui s’échangent itinéraires,bonnes adresses… et in fine achè-tent via le site qui, précise son fon-dateur, Mathieu Heslouin, «seramarchand à partir de 2012 », renta-bilité oblige. p

L. Be.

270123Mardi 29 novembre 2011

Page 26: Le Monde 29 Novembre

Football

MarseilleEnvoyé spécial

D imanche 27 novembre, auStade-Vélodrome, JavierPastore a réussi six passes

en première mi-temps. Deux demoins que… le gardien du Paris-Saint-Germain, Salvatore Sirigu. Lastatistique n’a pas échappé à l’en-traîneur en sursis du PSG, AntoineKombouaré, qui a renvoyé l’Argen-tin au vestiaire juste avant l’heurede jeu. Un remplacement qui n’apas évité le naufrage de son équipeface à l’Olympique de Marseille(3-0) et au club de céder sa place deleader de la Ligue 1 à Montpellier.

Acheté 42 millions d’euros cetété à Palerme, Javier Pastore n’estplus que l’ombre de lui-même.Depuis son entrée fracassante enLigue 1 – cinq buts et deux passesdécisiveslors dessix premiers mat-ches de championnat –, l’Argentina semble-t-il perdu son talent.Avantcepremier«clasico»delasai-son,ilavaitportantrépétéauxjour-naux du groupe Amaury qu’il avait«l’expérience des gros matches ».

Dimanche, face à l’OM, lescontacts, les duels, les dribbles…étaientdevenus desconcepts beau-couptrop abstraits pourJavier Pas-tore et ses coéquipiers. « C’était unaccident, on est passé au travers »,assurait Antoine Kombouaréaprès la rencontre. Sauf que le PSGavait déjà été battu (1-0) au Parcdes Princes, par le 18e, Nancy, lorsde la journée précédente. « Mar-seille a quelque chose que l’on n’a

pas : la grinta et la rage. Il nous amanqué du cœur, de l’engage-ment, de la détermination », analy-sait l’entraîneur du PSG qui saitque ses jours sont de plus en pluscomptés sur le banc du club de lacapitale. Car même si le directeursportif du PSG, Leonardo, martèleque Kombouaré « reste l’entraî-neur », le Brésilien lui cherche unremplaçant avec un nom plus clin-

quant. Une situation paradoxalequand on sait le PSG fait sonmeilleur début de championnatdepuis des années et que le ParcdesPrinces afficheun taux de rem-plissage de 85 % contre 59 % la sai-son dernière. Pas suffisant pourles riches propriétaires qatariensdu club. Avant la rencontre, Antoi-ne Kombouaré pensait pourtantque « c’était le bon moment pourprendre Marseille ».

Enchutant lourdement, les Pari-siens ont offert un ballon d’oxygè-ne aux Marseillais. Car du côté duVieux-Port, l’OM enchaîne crisesd’ego sur crises d’hystérie. Aprèsl’épisode qui avait opposé DidierDeschamps à son directeur sportifJosé Anigo, c’est Pierre-AndréGignac, vexé de chauffer le bancdes remplaçants, qui s’en étaitpris verbalement à Didier Des-champs. L’attaquant ne devrait

pas réintégrer le groupe avant le29 novembre.

Après le clasico, Didier Des-champs – ému par une victoire « àl’ancienne» –, n’avait toujours pasdigéré. « J’en suis à ma troisièmesaison, c’est toujours difficile. EnFrance, c’est plus compliquéqu’ailleurs (…) car les mêmes quivont à l’étranger ne bronchent pas.Ilya un cadre,une rigueurplus défi-nis. C’est un peu plus relâche enFrance. »

Désormais neuvième de laLigue 1 à douze points du leader,

l’objectif, pour l’OM, est de remon-ter au classement avant la trêveprévue le 21 décembre. Après undébut catastrophique – cinq nuls,une victoire, trois défaites –, « Jesuis allé voir les joueurs, le 13 octo-bre, et je leur ai dit qu’on tirait untrait sur ces neuf journées », expli-que président de l’OM, VincentLabrune. « Mais il fallait prendreau moins deux points par matchpour espérer être en Ligue deschampions la saison prochaine. Eton fera le bilan à la trêve. »

Depuis cette mise au point,

l’OM a pris 13 points sur 18 possi-bles.Les quatreprochaines rencon-tres avant la trêve vont être déter-minantes. Si les Olympiens grim-pent, Vincent Labrune pourraitenvisager, lors du mercato hiver-nal, de demander à MargaritaLouis-Dreyfus, la propriétaire duclub, de mettre la main à la pochepour renforcer l’équipe. Car unenon-participation à la Ligue deschampions la saison prochaine,c’est au moins 20millions d’eurosen moins dans les caisses.

« Je n’ai pas des moyens illimités

comme le Qatar », avait expliquéMargarita Louis-Dreyfus dans unentretien au Monde du 8 octobre.La Ligue des champions est doncvitale. Et si l’OM ne se qualifie paspour les 8es de finale face à Dort-mund, le 6 décembre, le club devradéjà faire une croix sur 4 millionsd’euros. Mais comme l’ont curieu-sement rappelé Antoine Kom-bouaré et Vincent Labrune, « lechampionnat, c’est un marathon »où le PSG commence à ralentir etl’OM tout juste à accélérer. p

Mustapha Kessous

sport

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«Le coup de cœur»

«Réveil dai ns le camp des réfugiés...Les oubliés du conflit libyen»

Un photoreportage de Camille Lambrecq27 ans, étudiant à Sup de Co La Rochelle

Grand Prix 2011

TÉMOIGNERPARTAGERl’émotion

Résultats de la 15ejournéede Ligue 1

Saint-Etienne – Ajaccio 3 – 1Rennes – Evian/Thonon 3 – 2Nancy – Dijon 1 – 2Sochaux – Montpellier 1 – 3Bordeaux – Caen 2 – 0Toulouse – Valenciennes 2 – 0Lille – Brest 2 – 0Lorient – Nice 1 – 0Auxerre – Lyon 0 – 3Marseille – Paris SG 3 – 0

Classement1. Montpellier : 33 points ; 2. ParisSG: 30 ; 3. Lille : 28; 4. Rennes:28; 5. Lyon: 26 ; 6. Toulouse: 26;7. Lorient : 23; 8. Saint-Etienne:23; 9. Marseille : 21 ; 10. Caen: 19;11. Sochaux: 17 ; 12. Dijon: 17 ;13. Evian/Thonon: 16; 14. Bor-deaux: 16; 15. Brest : 15 ; 16.Auxerre : 15 ; 17. Valenciennes:14; 18. Nancy: 14; 19. Nice: 11 ;20. Ajaccio : 8.

Entre l’OM etle PSG, les doutes changent de campLesParisiensontperdu lapremièreplacede laLigue1après leurdérouteauStade-Vélodrome(3-0)

D ans la plus grande discré-tion,la policejudiciairetou-lousainefinalisesonenquê-

te après une plainte déposée le26 janvier devant le tribunal degrande instance de Toulouse pournotamment abus de confiance,abus de biens sociaux, escroquerieet recel. La plainte vise implicite-ment l’ancien rugbyman SergeBlanco et son partenaire dans laligne de prêt-à-porter « XV – SergeBlanco », Jean-Jacques Lauby, diri-geant du groupe TNT à Toulouse.

Une enquête préliminaire a étéouverte en début d’année. Le plai-gnant, Dominique Labrunie,consultant indépendant spécialisédans le sauvetage des entreprisesen difficulté, avait été appelé enurgenceauchevetde lavitrinepari-sienne de la marque Serge Blancoalorsexploitéeparl’ancieninterna-tional Vincent Moscato et sonépouse.

La mission de M. Labrunieaurait révélé des dysfonctionne-ments au sein de la franchise enga-geant, selon lui, la responsabilitédufranchiseur etdeson partenaireTNT. M. Labrunie a l’obligationlégale de porter à la connaissancede la justice les irrégularités qu’il apu mettre au jour au cours del’exercice de son activité profes-sionnelle. En sa qualité d’ancienconsultant des époux Moscato,M. Labrunie a été entendu le18mars par le SRPJ de Toulouse.

Selon M. Labrunie, la SARL Seco-pro, société de franchise représen-

tée par Serge Blanco, serait une« pseudo-société de franchise, enréalité dévolue au portage d’opéra-tions financières et commercialesde son dirigeant ». Depuis le débutdes années 1990, Serge Blanco, pré-sident du Biarritz Olympique etvice-président de la Fédérationfrançaise de rugby (FFR), s’est bâtiun petit empire : une thalassothé-rapie et un hôtel à Hendaye, unrelais et château à Anglet et uneligne de vêtements à son nom dis-tribuée dans 70 boutiques.

«Pas de réaction»Pour M. Labrunie, la marque

«Serge Blanco », propriété de l’an-cien international, est exploitée« sans qu’aucun contrat de licenced’exploitation ait jamais été établiau bénéfice de Secopro dont il restele gérant majoritaire ». Selon lesdéclarationsdeM.Labrunie,«lesys-tèmedefranchise,réputéréglemen-té, aurait, dès son origine, été mis enplacehorsdespassagescloutésde lalégalité. En effet, curieusement, lesbilans de la société Secopro n’ontjamais enregistré le moindre effec-tif salarié. En revanche, la véritableactivité de Secopro, exorbitante deson objet social, confirmerait sonstatut de simple société “mule” ».Soit, une société de portage sansrapport avec la réalité de son objetsocial.

M.Labrunie affirme que la lignede vêtements et accessoires crééeet produite par TNT, « dirigeant defait » de la franchise Serge Blanco,

pourrait ne pas être le seul secteurde « l’empire Blanco » touché pardes irrégularités. La plainte préciseque « par avenant à ses statuts endate du 18février 2002, l’activité dufranchiseur Secopro apparaît s’êtreessentiellement orientée vers le por-tage des 34,25 % du capital de la SA“Complexe thalassothérapie SergeBlanco” détenus intuitu personaepar son dirigeant (…). Le produit dela franchise est en réalité détournéauseulprofitdirectdeM.SergeBlan-co au préjudice des franchisés».

Contactés, Jean-Jacques Lauby adéclaré qu’il n’était « au courant derien» et Serge Blanco s’est conten-té d’un «pas de réaction».

Fin 2007, quelques jours avantle début de la Coupe du monde enFrance, « l’audit » de M. Labrunieavait été communiqué à la FFR. Cel-le-ci avait estimé qu’il s’agissaitd’un litige d’ordre privé. L’enquêtepréliminaire devrait être boucléed’ici la fin de l’année. Le procureuraura le choix de classer l’affaire,d’ouvrir une information judiciai-re ou de renvoyer les protagonistesdirectement devant le tribunal.

De source policière, il n’est pascertain que le dossier, complexe etjugé assez nébuleux par les enquê-teurs, connaisse d’autres suitesjudiciaires. M. Labrunie indiquequ’en cas de classement sans suite,il porterait plainte avec constitu-tion de partie civile, ce qui oblige-rait la justice à instruire le dos-sier.p

Laurent Telo

«Marseillea quelquechoseque l’onn’apas:

lagrinta etla rage»Antoine Kombouaré

entraîneur du PSG

Tennis

RogerFederer,maîtreduMastersLe Suisse Roger Federer a remporté, dimanche 27 novembre, le Mastersde Londres. En finale, il s’est imposé face à Jo-Wilfried Tsonga (6-3, 6-7,6-3). Il y a deux semaines, Roger Federer avait déjà battu le numéro 1Français, en finale du tournoi de Paris-Bercy. Avec ce sixième succès, lejoueur suisse détient désormais le record du nombre de victoires dansle Masters devant Pete Sampras et Ivan Lendl, sacrés cinq fois.

Formule 1 Premièreet dernière pour WebberEn s’imposant, le 27 novembre, auBrésil, lors du dernier Grand Prixde la saison, l’Australien MarkWebber (Red Bull) a remporté sapremière course de l’année,devant son coéquipier, le cham-pion du monde Sebastian Vettel.

Antoine Kombouaré et Javier Pastore, dimanche 27 novembre, à Marseille. N. LE GOUIC/FEP/PANORAMIC

Lapolice toulousaines’intéresseauxaffaires de l’ex-rugbyman SergeBlancoUneplaintevise le fonctionnementde la franchisequ’il acrééeavecJean-JacquesLaubypourcommercialiser samarquedeprêt-à-porter

28 0123Mardi 29 novembre 2011

Page 27: Le Monde 29 Novembre

Gumm’artA fond la gomme. Il figure dans la liste des « principales quantitésconsommées par les ménages» français établie par l’Insee (tinyurl.com/cj8pwlb). Il contribuait, en 2006, à hauteur de 6,4 % dans les dépen-ses en produits sucrés des Français qui, entre 10 et 50 ans, aiment à lemâchonner à raison de cinq par semaine en moyenne, hissant l’Hexago-ne dans le trio de tête des pays consommateurs de… chewing-gum ! Ets’ils contribuent à diminuer le stress (tinyurl. com/dxahvyo), il n’en estrien pour celui installé face à l’individu qui le mastique la boucheentrouverte. Agaçant, non ?Du recyclage de bon goût. « J’aime à penser que toute mastication est làpour satisfaire mon appétit créatif (…). Le chewing-gum est un sourire enattente d’être donné », estime Jamie Marracini, qui a réalisé 30 œuvres àpartir de 35 000 chewing-gums mâchouillés. Pour cet artiste, « le plaisirprovient de la mastication, et l’art est l’expression même de ce plaisir».Sa galerie de tableaux, très colorés, se fait l’apologie de la bouche, théâ-tre d’un sourire tout en dents. (gumart. com/pictures. htm.)Qui d’autre pour hisser au rang d’œuvre d’art la pâte à mâcher? Lechewing-gum finit souvent sa course seul, délaissé sur quelque trottoir –où il mettrait d’ailleurs cinq ans à se biodégrader. L’artiste britanniqueBen Wilson s’est penché sur ces orphelins du bitume. Depuis 2004, il apeint, à même le trottoir, des scènes miniatures sur près de 300 000 deces «déchets». Son compte Flickr en a immortalisé plusieurs (tinyurl.com/5bk4j5). Autre amatrice de ce matériau, Melissa Harris. Cette étu-diante à l’université du Delaware aux Etats-Unis a créé la Gum Chair, unechaise intégralement recouverte de chewing-gums multicolores. Unefois assise, pourrai-je me relever sans craindre quelques attachants reli-quats? (tinyurl. com/c99nh8z). Trois démarches artistiquement loua-bles, et bien plus éloquentes que le groupe Facebook «Toi aussi, tu asdéjà collé ton chewing-gum sous la table» (tinyurl. com/cgf344a).

Politique De la valeur de l’engagementSur une parodie de La Bohème de Charles Aznavour, nous pouvons chan-ter: « Je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans vont apprendre àconnaître/Je vous parle d’un temps que les plus de 20 ans ont appris àconnaître/Nommons-le ici sans perdre un instant/C’est le divin tempsdes ralliements… » Sujet anodin ? Certes non, puisqu’il ne s’agit ni plus nimoins que de ce choix intemporel : «… Sauver son âme ou sauver lacité…». Quand le citoyen écoute l’homme politique professionnel, qu’en-tend-il? Sans doute Max Weber quand il traitait de l’éthique de convic-tion et de l’éthique de responsabilité. Ou Raymond Aron quand il seposait la question de savoir s’il peut y avoir conviction sans responsabili-té, mais aussi si l’on peut agir par conviction pour obtenir certains résul-tats. En d’autres termes, peut-on préférer l’affirmation intransigeantede ses convictions au succès ? Peut-on sacrifier ses convictions auxnécessités de la réussite? En face de cette aporie, qui allons-nous croire,et donc, que devons-nous faire ? Michèle Kujas, Paris

Courriels

C’est tout Net! Marlène Duretz

Lundi28novembreTF1

20.50 Doc Martin.Série. La Baronne de Port-Garrec. La Nuitde l’amour (saison 2, 3 et 4/6, inédit).22.50 Esprits criminels.Série. Amnésie V. Sa solution U. Femmesen danger U (saison 3, 19, 15 et 18/20).1.15 Au Field de la nuit.Invités : Rama Yade, Luc Besson... (75 min).

FRANCE2

20.35 Castle.Série. Aveuglement (S3, 15/24, inédit) ; Tuezle messager. Doubles vies (S2, 8 et 10/24).22.45 Mots croisés.Qui fraude ? Qui en profite ? Invités : RoselyneBachelot, Bernard Thibault, Marisol Touraine,Jacques Myard, Louis Aliot et François Soulage.0.10 Journal, Météo.0.30 Au clair de la lune - Atys.Opéra de Lully. Par Les Arts florissants, dir.William Christie, avec Bernard Richter (185 min).

FRANCE3

20.35 Comment ils ont fait fortune.Partis de rien. [2/2]. Magazine.22.35 et 3.15 Soir 3.23.05 Docs interdits. La Montagne d’Hitler.23.55 La Case de l’oncle Doc.Nice, l’atelier perpétuel. Documentaire (55 min).

CANAL+

20.55 Braquo.Série. Tous pour un. Chèvres et chacals (S2, 3et 4/8). Avec Jean-Hugues Anglade (inédit) V.22.30 Spécial investigation.Vendetta mortelle chez les « Bikers ».23.25 Mensomadaire. Magazine (35 min).

ARTE

20.40 Il divopp

Film Paolo Sorrentino. Avec Toni Servillo,Anna Bonaiuto, Giulio Bosetti (It. - Fr., 2008).22.35 Dans l’atelier de Mondrian.23.25 Le Chef d’orchestre ThomasHengelbrock. Documentaire (55 min).

M6

20.50 Enquête exclusive spécial.Chauffards, tricheurs et faussaires : les nouveauxhors-la-loi de la route. Magazine U.22.45 Coupable, non coupable.Le Procès de Jean-Louis Muller (90 min) U.

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Mercredi

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EUROPE: Fortes pluies sur le sud-ouest de la Norvège

En Europe12h TU

Mardi, une perturbation peu activecirculera de la Vendée aux côtes de laManche. Elle occasionnera de nombreuxpassages nuageuxmais peu de pluie.Des averses semanifesteront égalementdu sud duMassif-Central jusqu'auLanguedoc-Roussillon. Sur le reste dupays en revanche, après dissipation desgrisailles matinales, le temps sera sec etgénéralement ensoleillé. Lestempératures resteront douces.

Saint SaturninCoeff. demarée

LeverCoucher

LeverCoucher

Pluies éparses sur le Nord-Ouest

Aujourd’hui

météo & jeux écrans

Mardi29 novembreTF1

20.50 Les Experts : Manhattan. Série.Ce qui est fait est fait. L’Heure de la vengeance(saison 7, 20 et 21/22, inédit) U ; Des secretsau placard (S5, 22/25) U. Avec Gary Sinise.23.20 Un homme de loi. Magazine U.0.55 Harry Roselmack derrièreles portes du pénitencier (110 min) U.

FRANCE2

20.35 Louis XVI,l’homme qui ne voulait pas être roi.Documentaire. Thierry Binisti (France, 2011).22.05 Versailles, le rêve d’un roi.Documentaire (France, 2007).23.45 FBI : portés disparus. Série.Le Protecteur. Partir (S5, 9 et 11/24, 104 min).

FRANCE3

20.35 Louis la Brocante.Série. Louis mène l’enquête. Avec Victor Lanoux,Evelyne Buyle, Etienne Durot (France, 2010).22.20 et 2.40 Soir 3.22.45 Ce soir (ou jamais !).Présenté par Frédéric Taddeï (120 min).

CANAL+

20.55 The ReaderFilm Stephen Daldry. Avec Kate Winslet,Ralph Fiennes, David Kross (EU - All., 2008) U.22.55 Amorep p

Film Luca Guadagnino. Avec Tilda Swinton,Flavio Parenti, Edoardo Gabbriellini (It., 2009) U.0.50 Concert privé Kasabian (60 min).

ARTE

20.39 Thema - Poussière mortelle.20.40 Le Grand Procès de l’amiante. Documentaire.Niccolo Bruna et Andréa Prandstaller (2011).22.05 Débat. Invités : Annie Thébaud-Mony,Pierre Pluta, Bernd Eisenbach.22.30 Havana - Miami.Les temps changent. Documentaire (Fr., 2010).23.30 ARTE Lounge.Invités : Giora Feidman, Casper, Nils Mönkemeyer...0.35 Die Nacht/La Nuit (55 min).

M6

20.50 Maison à vendre. Magazine.22.30 On ne choisit pas ses voisins.Sommaire : Anastasia, Linda et Jonathan...0.30 Recherche appartementou maison. Télé-réalité (55 min).

Lessoiréestélé

Les résultats du Loto sont publiés dans nos éditionsdatées dimanche-lundi, mardi, mercredi et vendredi.Tous les jours Mots croisés et sudoku.

Sudoku n˚11-284 Solution du n˚11-283

Rédaction : 80, boulevard Auguste-Blanqui,75707 Paris Cedex 13Tél. : 01-57-28-20-00 ; télex : 202806F ;

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Le Monde sur microfilms : 03-88-04-28-60

Résultats du tirage du samedi 26 novembre.3, 16, 31, 39, 47 ; numéro chance : 1.Rapports :5 bons numéros et numéro chance : pas de gagnant ;5 bons numéros : pas de gagnant ;4 bons numéros : 2 138,00 ¤ ;3 bons numéros : 13,10 ¤ ;2 bons numéros : 6,00 ¤.Numéro chance : grilles à 2 ¤ remboursées.Joker : 4 216 079.

Motscroisés n˚11-284

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5 3 1 9 8

2 4 5

2 3

4 8 1 9 3 2

2 3

9 7 8 6 5Realise par Yan Georget (http://yangeorget.blogspot.com)

6 1 7 4 9 2 8 5 3

4 2 3 5 8 7 1 9 6

9 5 8 1 6 3 7 4 2

1 7 9 6 3 4 5 2 8

8 3 5 9 2 1 4 6 7

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5 8 6 3 4 9 2 7 1

3 4 2 7 1 6 9 8 5

7 9 1 2 5 8 6 3 4

Tres facileCompletez toute lagrille avec des chiffresallant de 1 a 9.Chaque chiffre ne doitetre utilise qu’uneseule fois par ligne,par colonne et parcarre de neuf cases.

Lesjeux

LotoHorizontalement Verticalement

I

II

III

IV

V

VI

VII

VIII

IX

X

Solution du n° 11 - 283HorizontalementI. Inadvertance. II. Noyautée.ULM. III. Demi-sel. Vaeb (bave).IV. Eg. Rosi. Fr. V. Va. Nunuche.VI. Ictère. Ers. VII. Dé. Relancées.VIII. Urne. Réa. Va. IX. Ebonite .Sied. X. Lenticulaire.

Verticalement1. Individuel. 2. Noé. Acerbe.3. Aymé. Non. 4. Daignèrent.5. Vus. Ure. II. 6. Eternel. Tc.7. Relou. Areu. 8. Te. Scène.9. VIH. Casa. 10. Nua. EEE. II.11. Clef. Rêver. 12. Embrassade.

Philippe Dupuis

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12

1. Ne fera pas de mal à unemouche. 2. Voit arriver l’hiver aveccrainte. 3. Pourra être approuvé.Devront repartir de zéro. 4. Lachoroïde et l’iris. Crie comme unebête. 5. Exprimées avecconviction. Paresse. 6. Rarementseule à vos pieds. Communicationdirecte. 7. Artère. Se servit sansdroit. 8. Au cœur des cheminées.Mal venu dans la main. 9. Règle.Fin royale. Sans la moindrefantaisie. 10. Grand fournisseurde mort. Personnel. 11. Forte tête.Lalo a fait chanter son roi.12. Complètement tranquillisée.

I. Avec lui, nous éviterons delongs discours. II. Très vite, ellesrisquent de prendre un coup devieux. III. Bloqué au centre.Travailler sur le sauvageon. Posesouvent des problèmes. IV. Mitson nez partout. Bousculent lessens. V. Vient de disparaître.A peu de chance de disparaître.VI. Distendues. Possessif.VII. Prennent les devants. Dansle coup. Du seigle dans les glaçons.VIII. Perte des eaux. Plus quandil suit peu. Etain. IX. Sorties de lacrise. Descendent de leurmontagne. X. On la suit de Cannesà Deauville.

En vente cette semaine

N° 7 BACHRÉCITAL D’ORGUEHELMUTWALCHA

30 0123Mardi 29 novembre 2011

Page 28: Le Monde 29 Novembre

a Blog «Pertes et profits» Pourquoi legroupe Daimler a-t-il renoncé à produire desvéhicules sous la marque Maybach ? CommentMichael Woodford, à peine évincé de la direc-tion d’Olympus, rêve-t-il de revenir à la tête del’entreprise ? Pourquoi le pétrolier Chevron(photo) est-il indésirable au Brésil ? Des ques-tions auxquelles répond Stéphane Lauer surson blog consacré à l’actualité des grandes entre-prises. (REUTERS) http://lauer.blog.lemonde.fr/

A ne pas manquer sur 0123.fr

Tous minoritaires!Riche de 200 cartes, cet atlas retrace la longue histoire des « minorités » à travers le monde.

Depuis les quatre systèmes dominants (européen, musulman, indien et chinois)jusqu’aux populations contemporaines (la communauté bio, les homosexuels…),

en passant par les populations autochtones (Kurdes, Pachtouns…)ou issues des migrations (Roms, Palestiniens…), cet ouvrage de référence

nous conduit à ce constat : nous faisons tous partie d’une minorité.

CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX

200 cartes188 pages

EN PARTENARIATAVEC

LeDon des affairesLettred’ItaliePhilippe Ridet

0123

I l en est des dessous des assiet-tes comme des dessous-de-table. On prend le risque, à vou-

loir les connaître, d’être dégoûté dela cuisine tout court comme de lacuisine politique. Et pourtant, ilfaut toujours en savoir gré à ceuxqui les dévoilent. On aurait pu par-ler du quatrième volet de la sériedocumentaire «Manipulations»,diffusé sur France 5, dimanche27novembre, qui revenait sur l’af-faire des frégates de Taïwan. Maisen regardant, un peu plus tôt sur lamême chaîne, «Plats préparés:que cachent-ils?», on s’est dit qu’iln’y avait pas moins de noblesse àenquêter sur les Pasta Box que surles caisses noires, qu’il ne fallait pasmoins de ténacité pour percer lessecrets des industriels de l’agroali-mentaire que pour révéler ceuxdes marchands d’armes. Que lejournalisme d’investigation peutcommencer au coin de la rue… oudu supermarché.

C’est là que débute l’enquête d’I-sabelle Doumenc: au rayon dessoupes en brique, des cassoulets,paellas et autres lasagnes en bar-quette. Les statistiques défilent: lesFrançais achètent chaque seconde22kg de cette malbouffe à la foisdéconseillée pour leur santé et leurporte-monnaie, mais qui permetde mettre moitié moins de tempsqu’il y a dix ans pour préparer unrepas, soit une demi-heure.

Même si peu d’industriels ontouvert leurs portes aux caméras,on sait qu’il faudra en passer parlà: le spectacle de la viandemalaxée à la chaîne, des pompes àsauce, des bassines à matière gras-se… Miam!

Après le dégoût, c’est la colèrequi monte. Spécialement quand ladirectrice du marketing des PastaBox, ces boîtes de pâtes qui seréchauffent au micro-ondes endeux minutes et se mangent pres-

que plus vite sur un coin debureau, nous prend pour desnouilles. Elle nous explique, geste àl’appui, que cette «box» permet,mieux qu’une assiette, «uneconsommation ouverte avec ses col-lègues». Tout juste s’il ne faudrapas dire dans des millions d’annéesque la «Pasta Box» a libéré la convi-vialité de l’homme comme le passa-ge à la bipédie a libéré ses mains.

Nos seuls amis, dans cette histoi-re où l’on prend vite parti, ce sontles consommateurs qui se sacri-fient pour nous en testant les pro-duits et en décryptant leurs étiquet-tes pleines d’additifs. Mention spé-ciale à cette mère de famille faisantgoûter cinq sortes de «cordon-bleu», dont un cuisiné par ses pro-pres soins, à sa progéniture qui,bien sûr, préférera l’immonde tam-bouille d’on ne sait quel pèremachin à la préparation de cettemère courage. Si jeunes et déjàaccros à l’E330, l’E407, l’E451…

Puis l’enquête s’achève dans uneambiance polar, au Brésil, avec lavisite clandestine d’un bagne àvolaille géré par le groupe françaisDoux. Visage flouté, coup de filsous fausse identité, interviewsrefusées… Difficile de savoir ce queces poussins picorent pour devenirdes poulets en trente jours.

Au terme de ce voyage peuragoûtant mais instructif, on sesent prête à dévaliser les étals delégumes, à passer des heuresdevant les fourneaux. Face à l’in-dustrie agroalimentaire, notre ven-geance sera un plat qui se mangefrais. Sans additifs.p

O n pourrait en sourire, mais unhomme est mort. Se dire que cetteaffaire mêlant un prêtre affairiste

et mondain, un grand hôpital de Milan, leSan Raffaele, et des intermédiaires sulfu-reux est encore un nouvel exemple deces histoires que l’ont dit «à l’italienne»,comme les comédies : personnages carica-turaux, imbroglios et grosses ficelles.Mais… Le 18 juin, Mario Cal, vice-prési-dent de l’établissement hospitalier, s’estsuicidé dans son bureau d’une balle enpleine tête. Le remords probablement.

Depuis plusieurs semaines, la policefinancière s’intéressait aux comptes del’établissement, qui affichent une dettede 1,5 milliard d’euros, et aux investisse-ments pour le moins étranges réaliséspar son responsable et fondateur. Le16novembre, les enquêteurs de la gendar-merie financière de Milan ont mis en exa-men Don Luigi Maria Verzè, 91 ans, pourbanqueroute.

Quelques mots sur le personnage. DonVerzè, né le 14 mars 1920, est un prêtre ETun homme d’affaires. Un homme d’Egli-se ET un homme d’influence. « Managerde Dieu » ou « Prélat-Tycoon », la presseitalienne rivalise d’images pour tenter decerner cette personnalité fascinée par lepouvoir et l’argent au point de publier unlivre au titre révélateur : Le Charisme del’argent (sous-titré : Une proposition d’en-treprise au service de l’amour).

Il fut lié à Bettino Craxi, ancien prési-dent du conseil socialiste de 1983 à 1987,condamné pour corruption et mort enexil en Tunisie, et reste un très proche deSilvio Berlusconi. Du premier, il disaitqu’il était une image du Christ ; dusecond, « un don de Dieu fait à l’Italie ». Iltient également Fidel Castro pour unhomme « très sympathique ».

Flagorneur, peu regardant sur lesmoyens, c’est grâce au coup de main ini-tial de M. Berlusconi qu’il a pu bâtir le San

Raffaele dans la banlieue de la capitalelombarde. Au début des années 1970, cedernier, qui a commencé de construire laville nouvelle de Milano 2, lui cède un ter-rain pour y réaliser son rêve. Pour l’entre-preneur, l’affaire n’est pas mauvaise: ilveut transformer ce qui n’est encorequ’une clinique privée en « aire hospita-lière », et parvient grâce à cet argument àfaire détourner les couloirs aériens de l’aé-roport de Linate, tout proche, pour assu-rer la tranquillité des futurs propriétairesde ses appartements.

Don Verzè convainc sans peine sesamis banquiers et autres responsablespolitiques liés à l’Eglise à travers la toute-puissante fondation Communion et Libé-ration de financer son projet. Aujour-d’hui, le San Raffaele est un des plusgrands hôpitaux d’Italie ainsi qu’unimportant centre de recherche de médeci-ne moléculaire. Il s’étend sur 300 000 m2

et dispose de 1 083 lits. On le voit de loin.Une coupole dorée le recouvre, haute de8,30m, surplombée elle-même d’une sta-tue de l’ange Raphaël.

De là-haut, on a une vue sur le siège deMediaset, l’empire médiatique de M. Ber-lusconi, le bienfaiteur de Don Verzè, etsur l’immeuble de la via Olgettina, où leCavaliere logeait les prostituées du « bun-ga-bunga »… Un autre établissement aégalement été construit à Rome. Il a étéensuite racheté pour une misère par ungroupe de cliniques privées, puis reven-du à l’Etat avec une solide plus-value.Selon son site Internet, l’hôpital tient son

nom de l’hébreu Raf-el, « Dieu guérit».Les mauvaises langues assurent que c’estun hommage discret à Bettino Craxi.C’est dans l’hôtel du même nom qu’illogeait à Rome et dont il s’enfuit bombar-dé de pièces de monnaie lancées par desItaliens en colère.

Malgré ces entourloupes, plusieurscondamnations pour corruption et recel,et une suspension ad divinis, la réputa-tion de don Verzè n’a pas trop souffert.Son état ecclésiastique, sa réputation debâtisseur ont absous bien des fautes. Le

miracle du San Raffaele, sorti de terre parla volonté d’un seul homme, était la preu-ve de sa fondamentale bonté. En retour, ilpromettait sinon la vie éternelle dumoins une belle rallonge à ses protec-teurs : « Je ferai vivre M.Berlusconi pour150 ans », a-t-il lâché un jour.

Aujourd’hui, l’avenir du San Raffaele

et de son personnel est sombre. Créan-ciers et fournisseurs attendent d’êtrepayés. La banque du Vatican, l’IOR, qui arepris l’affaire en main et nommé de nou-veaux responsables, tente avec les enquê-teurs de comprendre pourquoi ce vais-seau amiral de la santé fait désormais eaude toutes parts. Il suffit de regarder lescomptes. L’hôpital s’est moqué allégre-ment de la charité. Il a investi là où il nedevait pas sous la houlette d’affairistes.

Dans la liste des biens du San Raffaele,on trouve de tout: un hôtel en Sardaigne,une plantation de melons au Brésil, desappartements au Chili, des participationsdans une société s’occupant d’énergie. Etun avion! Un avion ? Oui, un jet privé,comme en possèdent les très grandspatrons, pouvant traverser l’Atlantiquesans escale, payé 20 millions d’euros.« Mais qui, ont demandé les enquêteurs àun cadre de l’hôpital entendu commetémoin, mais qui a décidé d’acheter unavion? » Sa réponse (qui se passe de com-mentaires) : « Cette décision a été prise parDon Verzè et Mario Cal. Je ne pourrais pasvous dire à quel point c’était utile. Il faisaitles trajets vers Rome, la Sardaigne et le Bré-sil. A son âge, Don Verzè supportait diffici-lement les attentes aux check-in. »

Les enquêteurs cherchent à compren-dre et à reconstituer les motifs d’une telledérive financière. Mais pour l’instant, lesvoies de Don Verzè restent encore impé-nétrables. p

[email protected]

Don LuigiMaria Verzè,91ans, a été mis enexamen

pourlabanqueroute duSanRaffaele, un immense

hôpitaldeMilan.Hommed’Eglise

ethommed’influence,ilestun ami trèsproche

deSilvio Berlusconi

Iln’ya pas moinsdenoblesse à enquêtersurles Pasta Box»quesurlescaisses noires

C’est tout vu ! | Chronique télépar Isabelle Talès

Mauvaispetitsplats

pTirageduMondedatédimanche27-lundi28novembre2011:399982exemplaires. 1 2 3

310123Mardi 29 novembre 2011

Page 29: Le Monde 29 Novembre

Acteurs p.2MartinWolf p.2AndréPhilip, unsocialistepartisandela rigueur,parJ.-M. Daniel

Zoneeuro:leretour delaconfianceestencore possible

DLa France et la zone euro se sont fracasséessur le mur de la dette. Avec des taux d’inté-rêt deux fois supérieurs à ceux de l’Allema-

gne, l’Hexagone a été dégradé par les marchés avantmême la sanction des agences de notation. Elle abordel’année 2012 avec la perspective d’une croissance nulle,d’un déficit commercial record, d’un chômage frappantplus de 10% de la population active, d’une dette publi-que dépassant le seuil de 90% du produit intérieur brut(PIB) à partir duquel elle réduit l’emploi et l’activité. Lachute de cette dernière et la hausse des taux (1 pointgénère 3milliards d’euros de charges supplémentaires)imposeront vite un nouveau plan de rigueur.

Fondamentalement, le modèle social français n’estplus compatible avec l’évolution démographique, lachute de la croissance et la défiance des investisseurs.Quant à la classe politique, elle s’est révélée incapable demoderniser le pays avant qu’il ne perde sa souverainetéfinancière et budgétaire et ne soit placé sous la doubletutelle des marchés et de l’Allemagne. Comme en 1983et à l’image des pays du sud de l’Europe, la France vadevoir choisir entre une réforme drastique de son modè-le économique et social ou son départ de la zone euro.

Dans le même temps, l’Europe va droit à la réces-sion, cumulant ralentissement mondial, plans d’austé-rité et effondrement du crédit. La crise de la zone eurone cesse de s’étendre, contaminant l’Europe du Nord, lesystème bancaire et les financements d’entreprise. Ellechange de dimension avec l’Italie, qui est à la tête de laquatrième dette mondiale et dont le défaut provoque-rait une dépression globale. Or si l’Italie avec MarioMonti – comme l’Espagne avec Mariano Rajoy – disposedésormais d’un gouvernement légitime et apte à enga-ger les indispensables réformes, elle ne peut se sauverseule face à une dette de 120 % du PIB refinancée à destaux d’intérêt autour de 7 %.

La situation critique de la France et de l’Europe esten partie paradoxale au regard des atouts qu’elles peu-vent mobiliser. Elle ne résulte pas d’excès spéculatifsdes marchés, mais de l’impuissance du politique et dumanque de leadership. Ainsi, la France a dilapidé tou-tes ses chances de se réformer à froid, poursuivantl’euthanasie de son appareil de production et la consti-tution d’une vaste bulle spéculative autour de sa fonc-tion publique et de son Etat-providence. La zone euro,elle, fut construite autour de principes insoutenables :absence de gouvernement économique et de prêteuren dernier ressort, refus de la solidarité financière et dela responsabilité budgétaire, fédéralisme monétaire etrenationalisation des politiques économiques.

aaaLire la suite page2

Enpartenariatavec RTL.Sixmois aprèsl’entréeenvigueur de laloi,lesrègles ont déjà changé

Finde partie

AnnoncesParoles d’experts Ingénieurs Page 13Dirigeantsp Finance, administration,juridique, RH p Banque assurancep Conseil, audit p Marketing, commercial,communication p Santé p Industrieset technologies p Carrières internationalesMultiposte p Collectivités territorialesPages 11 à 14Consultez notre site: www.lemonde.fr

Q ui contrôle l’économiemondiale? Trois ans aprèsle déclenchement de la cri-se consécutive à la faillite

de Lehman Brothers, au momentoù Etats et marchés s’affrontentautour des dettes souveraines et

où les opinions désignent le systè-me financier comme coupable detous leurs maux, la question méri-te d’être posée. Trois chercheurssuisses, Stefania Vitali, JamesB. Glattfelder et Stefano Battiston(Ecole polytechnique fédérale de

Zurich), spécialistes des réseauxcomplexes,ontentreprisd’yrépon-dre par une étude pluridisciplinai-re – physique, mathématique etéconomie– deladétention du capi-tal des 43 000 plus grandes entre-prises mondiales. Les résultats ontété publiés le 26 octobre par larevue scientifique en ligne améri-caine PlosOne. Mais leur papier,qui circule sur le Net depuis juillet,adéjà suscité une forte polémique.

L’une de leurs conclusions esten effet que les participations de737 firmes dans les autres entrepri-ses du réseau leur permettent decontrôler 80% de la valeur (mesu-rée par le chiffre d’affaires) de la

totalité du réseau. Et que 147 fir-mes contrôlent 40 % de cettevaleur totale. De plus, l’ampleurdes participations croisées entreces 147 firmes, dont les trois quartsappartiennent au secteur finan-cier, leur permet de se contrôlermutuellement, ce qui en fait une« super-entité économique dans leréseau global des grandes socié-tés », disent les auteurs.

Il n’en a pas fallu plus pour quenombre de médias et de blogueursvoient dans ces travaux la preuvescientifique de l’existence d’un« syndicat caché » de la finance,contrôlant l’ensemble de l’écono-mie. Mais certains économistes

estiment que les auteurs confon-dent détention d’actions et contrô-le, ce qui ne se vérifie que dans lecas d’une détention majoritaire.

Ils affirment aussi que les éta-blissements financiers montrésdu doigt ne sont que des intermé-diaires, gérants, et non propriétai-res, des actions qui appartiennentaux simples épargnants. Ce à quoiles auteurs rétorquent qu’ils nedénoncent aucun complot, mais lerisque systémique et le potentielde collusion représentés par la for-te concentration des détentionsd’actions.

Antoine Reverchon

aaaLire la suite page4

Unnœud de147 sociétésaucœur de l’économiemondialet Trois chercheurs ont dressé la carte de la détention du capitaldes 43000 entreprises multinationales de la planètet L’hyperconcentration du système financier accroît le risquesystémique et pose des problèmes de libre concurrence

SpécialRetraites pages 7 à10

Dossier

Cahier du « Monde » N˚ 20794 daté Mardi 29 novembre 2011 - Ne peut être vendu séparément

Page 30: Le Monde 29 Novembre

2 0123Mardi 29 novembre 2011

AndréPhilip, un socialistepartisan dela rigueur

aaa Suite de la chronique

de Nicolas Baverez

La France n’a plus les moyensde sauver l’euro mais peut faireimploser l’Union monétaire si ellene parvient pas à se redresser.

Elle a trois priorités. Reconsti-tuer une offre compétitive via labaisse du coût du travail, l’encoura-gement à l’épargne, l’orientationvers les entreprises, l’innovation.Reprendre le contrôle des financespubliques –cela implique un plande 120 milliards d’euros d’écono-mies à l’horizon 2016 reposant sur80% de baisse des dépenses et20% de hausse d’impôts et de pri-vatisations. Lutter contre le chôma-ge de masse et l’exclusion.

L’œuvre de soixante annéesd’intégration européenne estmenacée par l’éclatement de lazone euro. Or le Fonds de stabilité(FESF), mort-né avec la dégrada-tion de fait de la note de la France,ne dispose pas de la taille suffisan-te pour réassurer la dette italien-ne. Quant à la mutualisation desdettes par la création d’euro-obli-gations, elle exige des conditionsjuridiques et politiques – notam-ment la révision des traités –, dontles délais sont incompatibles avecl’accélération de la crise.

La spirale de déstabilisation desdéficits publics et des bilans ban-caires ne peut être cassée que parl’intervention de la Banque centra-le européenne (BCE) pour monéti-ser les dettes souveraines, au-delàdes 200milliards d’euros de titresactuellement détenus.

L’Allemagne, qui porte la res-ponsabilité première des conflitsmondiaux ayant provoqué le suici-de de l’Europe au XXe siècle, nepeut prendre le risque de ruinerl’euro et de provoquer une catas-trophe économique planétaire.

Elle concentre les moyens de lapuissance en Europe mais refused’en assumer la charge, qui impli-que la prise en compte d’un biencommun au-delà de ses intérêts.Réformes structurelles et encadre-ment des budgets des pays défici-taires seront vains sans la mue dela BCE en prêteur de dernier res-sort. Pour sauver l’Europe, Parisdoit renoncer à la croissance à cré-dit et Berlin aux chimères d’unmonétarisme anachronique. p

Nicolas Baverez est économisteet historien.

Lelivre

Les investisseurs répu-gnent de plus en plusàfaireconfianceàla det-te de la plupart des paysde la zone euro. Telle estla principale leçon des

événements récents. Beaucoup dedirigeants européens voudraientdéclarer la guerre aux marchés. Ilsne doivent toutefois pas oublierque ce qu’ils souhaitent, c’estqu’on achète leur dette.

Au 21 novembre, les spreads(écarts de taux) par rapport auxobligations allemandes dépas-saient les 60 points de base (0,6%)auxPays-BasetenFinlandeetattei-gnaient 152 points en Autriche,155points en France, 292 points enBelgique, 466 points en Espagne,480 points en Italie, 650 points enIrlande, 945 points au Portugal et…2554 points en Grèce.

Ces écarts sont gérables pour laplupart des membres de la zoneeuro. Même l’Italie et l’Espagnepourraient vivre, sinon indéfini-ment, du moins pendant une cer-taine période avec les taux actuels.Ce qui est inquiétant, c’est l’aug-mentation des tensions sur lesmarchés de la dette publique despays de la zone dont l’Irlande est leseul à avoir réduit significative-ment ses spreads, même s’ilsdemeurent à un niveau écrasant.

Il y a trois explications à cela.La première est que les investis-

seurs se rendent compte que plu-sieurs pays de la zone euro courentun risque d’insolvabilité bien plusgrand que ce que l’on pensait.

Ladeuxième est quecetteunionmonétaireestdépourvued’unvéri-table prêteur de dernier recours. Ilexiste ce que Charles Goodhart, dela London School of Economics,appelle des « Etats subsidiaires ».

Leur dette court le risque d’undéfaut pur et simple plutôt qued’une simple monétisation.

Redoutantle défaut, lesinvestis-seurs créent de l’illiquidité, qui setransforme en insolvabilité. Plusgrande est la proportion de créan-ciers étrangers, plus fort est le ris-que de défaut : les investisseurssavent que les politiciens sontplus réticents à faire défautvis-à-vis de leurs propres citoyensqu’aux dépens d’étrangers. Maisen raison de l’union monétaire, lesétrangers détiennent une plusgrande partie de la dette souverai-ne qu’autrefois : la moitié de cellede l’Italie est détenue à l’étranger.

La troisième explication estqu’il existe un risque d’éclate-ment. Aucune union monétairen’est irréversible. Les pays eux-mêmes ne survivent pas éternelle-ment. Mais une union monétaireentre pays en désaccord est encoreplus fragile.

Que peut-on faire ? J’ai récem-ment présidé un débat à l’occasiond’une conférence donnée en l’hon-neurde Paulde Grauwede l’univer-sité de Louvain en Belgique. Maconclusion était que la zone eurose trouve confrontée à trois défisinterconnectés. Le premier est degérer l’illiquidité sur les marchésde la dette publique; le deuxième,d’inverser la divergence en matiè-re de compétitivité que l’on obser-

ve depuis la création de la zone ; letroisième, decréer un régimecapa-ble d’assurer des relations écono-miques moins instables entre sesmembres. Ces trois points recou-vrent un problème simple : si l’onveut qu’ils croient à l’avenir del’euro, les gens doivent êtreconvaincus que les choses irontmieux pour eux au sein de la zonequ’en dehors. Examinons l’unaprès l’autre ces trois points.

Tout d’abord, les pays vulnéra-bles ne peuvent pas éliminer seulsle risque d’illiquidité ou de ruptu-

re. Les promesses d’austérité, quiaffaibliront inévitablement l’éco-nomie, entament la crédibilitébien plus qu’elles ne la renforcent.

Les taux d’intérêt doivent impé-rativement être maintenus à desniveaux gérables. La façon d’y par-venir est une question secondaire.

Une combinaison entre le Fondseuropéen de stabilité financière(FESF) et la Banque centrale euro-péenne (BCE), comme le suggèrentPeter Bofinger de l’université deWürzburg (Allemagne) et le finan-cier américain George Soros, sem-

blerait une proposition logique.Mais toute intervention massiveparaît improbable du fait d’unerésistance idéologique mal placée.On laissera les Etats vulnérablesosciller au bord du gouffre. Pour-tant,silesécartsdetauxétaientpla-fonnés, mais non éliminés, celainciterait les pays à réduire leursdéficits et à résorber leur dette.

Deuxièmement, une grandepartie de la perte de compétitivitédes pays de la périphérie doit êtreinversée. Mais, comme devraitl’avoir appris l’Allemagne de sa

propre expérience depuis unedécennie, cela serait bien plus faci-le si l’inflation était relativementforte chez les pays partenaires.

La BCE devrait s’efforcer d’assu-rer une demande suffisante aucours des années qui viennentpour faciliter l’amélioration de lacompétitivité dont les pays péri-phériques ont besoin. Or, à cetégard, elle a jusqu’à présentéchoué. La croissance de la massemonétaireausenslarges’est effon-drée et le produit intérieur brut(PIB) nominal comme le PIB réelsont bien trop faibles.

A présent que l’austérité budgé-taire est devenue la règle, la BCEdevrait développer une politiquefortement expansionniste au lieude celle, très restrictive, menée parles grandes banques centrales detous les pays avancés. Dans les cir-constances actuelles, le mantra dela BCE sur la stabilité des prix

à moyen terme risque de s’avérermortel. Comme le faisait remar-quer récemment un responsablede Bruxelles, les historiens ris-quentdesesouvenir delaBCE com-me de la banque centrale magnifi-quement orthodoxe d’une unionmonétaire qui a échoué. Est-cel’image que les membres de sonconseil d’administration veulentlaisserdans l’histoire? Jeveux croi-re que non.

Venons-en enfin au futur régi-me politique et économique de lazone euro. Il me semble que la crisenous adresse trois grandes leçons.La première, comme le soulignaitAndré Sapir, de l’Université librede Bruxelles, lors de la conférencedeLouvain,estque lesecteurfinan-cier de la zone doit être contrôlépar un régulateur commun etappuyé par une autorité budgétai-re commune. La deuxième est quela zoneeuro tireraitun grand béné-fice d’un marché unifié des obliga-tionsquicouvriraitunegrandepar-tie de la dette des pays membres.Enfin, il faut instaurer une discipli-ne plus efficace dans le domainedes politiques structurelles et bud-gétaires des Etats membres.

Mais aucune de ces mesures nesaurait (ni ne devrait) être accepta-ble par des démocraties sans uneavancée substantielle vers uneunion politique. Or tout ce quenous avons récemment vu ouentendu indique que cette évolu-tion, déjà exclue dans les années1990, serait encore plus difficileaujourd’hui…p

Cette chronique de Martin Wolf,éditorialiste économique,est publiée en partenariat exclusifavec le « Financial Times ». © « FT »(Traduit de l’anglais par Gilles Berton)

I l y a des livres à faire. Celui deFrançois Desnoyers et EliseMoreau en est un. En deux

cents pages rythmées, les deuxjournalistes (le premier collaboreau « Monde Economie »), livrentune enquête instructive et sou-vent divertissante. De la naissanced’une filière bio au business bio, enpassant par la montée en puissan-ce des coopératives bio, ils nousemmènent autour d’une planètebio en pleine effervescence.

Pourquoidesagriculteursselan-cent-ils dans le biologique ? Lesauteurs avancent en effet le chiffrede 22 000 exploitations (bio) enFrance – sur un total d’environ500000 dans l’Hexagone. Pour unagriculteur,l’annoncede saconver-sion au bio est parfois vécue com-me un coming out, affirment-ils.Du côté des consommateurs, le bioaleventenpoupe.Mais la«bioatti-tude » a aussi ses limites. A com-mencer par le prix des produits,plus élevé de 20% à 30%.

Le monde du bio a égalementses zones d’ombre ; les auteurscitent notamment un responsablede la filière bio : le « jus d’orangebio venant d’Espagne (…) a le goûtde la sueur des travailleurs sans

papiers ». Il a aussi ses guerrespicrocholines, comme celle de l’or-tie – elle a sans doute échappé àbeaucoup –, qui concerne l’autori-sation de mise sur le marché dupurin d’ortie, ou celle sur l’huile deneem, issue d’un arbre tropical, lemargousier.

Car les substances employéesdans l’agriculture bio ne sont pastoutes inoffensives. Le duo évoquenotamment l’importation de sojabio chinois au fort taux de mélani-ne, celle de concombres égyptiensfarcis aux pesticides, ou celle de bléukrainien arrosé d’insecticides. Le« faux bio » n’est donc pas unmythe, écrivent-ils. Même si « laquasi-totalité des produits mis surlemarché sont conformes aucahierdes charges européen ».

Le livre montre que la commer-cialisationdes produitsbio,enplei-ne croissance, déjà, évolue. C’estque la grande distribution est pas-sée par là. Les défenseurs d’uneligne bio dure ont mis de l’eaudans leur vin sans sulfate. Maisqu’on se rassure, écrivent lesauteurs: « Les pommes piquéespardes oiseaux ou talées ont encoretoute leur place dans les étals. » p

Philippe Arnaud

Planète bio

L’éclairage Ecarts de taux plafonnés, politiquemonétaire expansionniste, «eurobonds», marchevers l’union politique… l’euro peut être sauvé

Rétablir la confiance

Les acteursde l’économie Jean-MarcDaniel

Par Martin Wolf

La BCE veut-elle être une institutionmagnifiquement orthodoxe d’uneUnion monétaire qui a échoué?

DLes leaders socialis-tes qui préparent laséquence électorale

du printemps2012 se disent parti-sans de la rigueur mais, selon lemot de François Hollande, leurcandidat au scrutin présidentiel,elle doit avoir du sens. Ce mot –«rigueur » – appliqué à la politi-que économique a d’ailleurs étéinventé par Pierre Mauroy, pre-mier ministre socialiste en 1982.

Si, à l’époque, certains l’avaientvécue comme une parenthèse mal-heureuse, la rigueur avait sesdéfenseurs parmi les socialistesdes périodes antérieures, lorsqu’ilétait question de la gestion desfinances publiques. Un des plusillustres, André Philip, futconseiller économique de LéonBlum, ministre de l’économie etdes finances du 26 janvier au11juin 1946, puis du 17décembre1946 au 22janvier 1947.

André Philip naît le 28juin 1902à Pont-Saint-Esprit (Gard). Sonpère, issu d’une vieille famille pro-testante, était officier. Docteur enéconomie en 1923 et agrégé de l’en-seignement supérieur en 1926, ilest nommé professeur d’écono-mie à la faculté de Lyon.

Il rejoint la Section française del’internationale ouvrière (SFIO), lenom du Parti socialiste de l’épo-que, en 1920. Il est élu député en1936 au moment de la victoire duFront populaire.

Il préconise alors une ruptureavec la politique de déflation dugouvernement sortant, tout enétant réservé sur l’idée d’une relan-ce par le déficit budgétaire. Ildéfend le principe d’une politiquecentrée sur la croissance, à la diffé-rence des obsessions monétairesqui avaient justifié la déflation.Favorable aux grands travaux, ilveut qu’ils soient financés par unehausse des impôts des plus richeset milite pour une modernisationactive de l’économie faisant plusappel à la concurrence.

Une vision moraleComptant parmi les 80députés

qui refusent les pleins pouvoirs aumaréchal Pétain en 1940, ildevient durant l’Occupation, avecsa femme, Mireille, une des figuresmarquantes de la Résistance.

Après la guerre, pendant sonpassage rue de Rivoli (alors siègedu ministère de l’économie), ildéfend le principe du retour

àl’équilibre des comptes publics etla nécessité de lutter contre l’infla-tion. Il décide de réduire les dépen-ses de l’Etat de 17 % et, avant dequitter son poste en janvier1947,signe un décret baissant les prix de5%. Convaincu que la justice socia-le est d’autant plus accessible quel’économie connaît la croissance, ilassigne à l’Etat la mission d’orien-ter l’activité économique.

C’est dans cette logique qu’ilcrée en 1946 l’Institut national dela statistique et des études écono-miques (Insee) et la Compagniefrançaise d’assurance pour le com-merce extérieur (Coface), afin defavoriser le développement desexportations. Faisant voter lanationalisation du secteur del’énergie (gaz, électricité, charbon-nages), il défend l’autonomie degestion de ces entreprises dans uncadre défini par l’Etat.

Rédacteur du préambule de laConstitution de 1946, où les droitséconomiques et sociaux sont affir-més, il a une vision morale de sonengagement socialiste. Il s’opposeaux dirigeants de la SFIO dans lesannées1950, les accusant de fairede la surenchère économique enpromettant l’impossible. La ruptu-

re survient lorsque le gouverne-ment de Guy Mollet intensifie larépression en Algérie. Exclu de laSFIO en 1958, il continue de mili-ter, notamment en faveur de laconstruction européenne, jusqu’àsa mort en juillet 1970. p

Jean-Marc Daniel est professeurà l’ESCP-Europe.

Finde partie

n D’autres débats sur Lemonde.fr« La stabilité économique mondiale n’existe plus », par Alexandre Hezez,responsable de la gestion de Convictions Asset Management.« Conférence de Durban : quelle ambition pour le climat ? », par Céline Mesquida,administratrice de France Nature Environnement et Jean Jouzel, climatologue.« Durban : en finir avec nos esclaves », par Jean-François Mouhot, auteur deDes esclaves énergétiques : réflexions sur le changement climatiqueaux éditions Champ Vallon (2011).

Tout beau, tout bio?L’envers du décorFrançois Desnoyerset Elise MoreauEditions de l’Aube,215 pages, 16 euros

Siège social : 80, bd Auguste-Blanqui75707 PARIS CEDEX 13Tél. : +33 (0)1-57-28-20-00Fax. : +33 (0)1-57-28-21-21

Télex : 206 806 F

Edité par la Société éditricedu «Monde » SA,

Président du directoire,directeur de la publication :

Louis DreyfusDirecteur du «Monde »,membre du directoire :

Erik Izraelewicz

La reproduction de tout article est interdite sansl’accord de l’administration.Commission paritairedes journaux et publications no0712 C 81975.

ISSN : 0395-2037

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Pré-presse Le MondeImpression Le Monde12, rue M.-Gunsbourg94852 Ivry CedexPrinted in France

EconomieExpertises

Page 31: Le Monde 29 Novembre

30123Mardi 29 novembre 2011

DLorsque Margaret Thatcher(premier ministre du Royaume-Uni de 1979 à 1990) prononça

son fameux « TINA » – « There is no alternati-ve! » –, son propos avait au moins une certai-ne plausibilité : la social-démocratie avaitalors en effet pris ses aises et une bureaucra-tie satisfaite régnait sur une économie quetout dynamisme avait fui.

Le « TINA » thatchérien, rapidementrejoint par son cousin reaganien, entendaitannoncer la résurrection de l’initiative indi-viduelle, le retour triomphal de l’« entrepre-neur» et du rentier, qui promettaient ensem-ble des lendemains qui chantent.

On sait ce qu’il en advint : privatisationset dérégulation et, surtout, part toujourscroissante ponctionnée sur les gains de pro-ductivité par les dividendes des actionnaireset par les salaires, bonus et stock-optionsextravagants des dirigeants des grandesentreprises.

Pour tous les autres, en revanche, dessalaires dont la stagnation s’accompagnait,pour masquer la décote du pouvoir d’achat,d’une montée en puissance du crédit person-nel, les rémunérations à venir devant, contretoute logique, compenser l’insuffisance decelles d’aujourd’hui. Le résultat est connu :un système financier fragilisé par de lon-gues chaînes de créance, où le défaut d’uneseule suffit à entraîner dans sa chute toutescelles qui lui sont subordonnées.

Le « TINA » nous faisait miroiter un avenirmeilleur, et cet espoir lui assurait sa légitimi-té. De manière absurde, il est à nouveau invo-qué, mais pour justifier cette fois le cauche-mar qui accompagne l’échec cuisant… dumême programme néolibéral.

Il n’existait, paraît-il, aucune alternativeàcelui-ci dans sa phase triomphante, et iln’existerait à nouveau aucune alternativeàsa déconfiture dans sa phase actuelle d’ef-fondrement: austérité, rigueur et éradica-tion de l’Etat-providence devraient êtreaccueillies avec les mêmes hourras quiavaient salué le retour sur le podiumde l’entrepreneur et du rentier !

Mais faut-il véritablement admettre lanécessité de ces gouvernements d’« uniténationale» dirigés par des techniciens, aux-quels la Grèce et l’Italie sont aujourd’huicontraintes, la classe politique ayant fui,sachant qu’elle serait balayée bientôt par lacolère des électeurs si elle persistait à étalerson indécente impuissance ?

Proclamer comme on le fait que la médio-crité et l’échec présents reflètent fidèlementla nature profonde de l’espèce humaine estune insulte.

L’Histoire a montré que l’on peut fairemieux. C’est Aristote qui louait la philia : lesentiment spontané qui nous pousseàœuvrer au bien commun. Il dénonçaitau contraire l’intérêt égoïste, maladie profes-sionnelle des marchands, nous avertissantdes ravages que celle-ci peut causer. Lesannées récentes nous ont montré où nousentraîne cette philosophie spontanée desmarchands; le temps est venu de rendre laparole aux philosophes authentiques.

C’est Hegel qui nous rappelait dans La Phé-noménologie de l’esprit que « l’esprit qui seforme mûrit lentement et silencieusementjusqu’à sa nouvelle figure, désintègre frag-ment par fragment l’édifice de son mondeprécédent; l’ébranlement de ce monde estseulement indiqué par des symptômes spora-diques; la frivolité et l’ennui qui envahissentce qui subsiste encore, le pressentimentvague d’un inconnu sont les signes annoncia-teurs de quelque chose d’autre qui est en mar-che. Cet émiettement continu qui n’altéraitpas la physionomie du tout est brusquementinterrompu par le lever du soleil, qui, dans unéclair, dessine en une fois la formedu nouveau monde. » p

DUne large part dessciences économi-ques et de gestion

estime que la valeur économiqueest produite par le travail humain.Que ce soit pour l’exploiter oupour le valoriser, l’économie orga-nise une circulation de richessesdont la source est le travail.

Or tout travail comprend troisdimensions : il est subjectif, objec-tif et collectif. Subjectif car il estréalisé par des personnes, selonleurs capacités, leur tempéra-ment et leur dignité ; objectif dansla mesure où il produit quelquechose de nouveau, un objet ou unservice qui entre dans la circula-tion économique; collectif enfin,car tout travail individuel se com-bine nécessairement avec celuid’un autre pour que les objets pro-duits puissent circuler.

Au cours de l’histoire, les entre-prises ont fait varier l’équilibre deces trois dimensions. Depuis deuxdécennies, la financiarisation desorganisations a généralisé sa pro-pre lecture de la création de valeurpar le travail en hypertrophiant ladimension objective.

On identifie ainsi la valeur éco-nomique que produit le travailpar un montant quantifiable d’ob-jets. Les organisations ont doncdéveloppé une comptabilitésophistiquée pour traquer lesquantités de biens fabriqués oules nombres d’actes de service réa-lisés, afin d’en déduire la création

de la valeur économique. Chargéed’établir l’objectivité et la transpa-rence des calculs, une bureaucra-tie financière a pu gouverner lesentreprises en établissant que lavaleur est maximisée quand le tra-vail, vu comme purement objec-tif, atteint les cibles mesurablesqu’on lui prescrit.

Un fossé s’est creuséEn contrepartie, les dimensions

subjectives et collectives du tra-vail ont été atrophiées. Pour labureaucratie financière, le salariéimporte moins en tant que person-ne que par le rôle qu’il joue dansl’organisation qui l’emploie. Eneffet, la flexibilité des entrepriseset des marchés le rend potentielle-ment interchangeable. Aussi, ladimension subjective de son tra-vail est réduite à prouver inlassa-blement qu’il est toujours la bon-ne personne à la bonne place enproduisant ce qu’on lui demandede produire (ou davantage).

De la même manière, la dimen-sion collective a été découragéepar les rémunérations individuali-sées en fonction des résultats. Cel-les-ci survalorisent les stratégiesindividuelles au détriment de lapart collective dans la productionde valeur.

Par un coûteux détour, on a dûalors inventer des managers spé-cialisés (de projets, de proximi-té,etc.) pour réintroduire de la col-laboration et du dialogue dans

des organisations exacerbant lesintérêts individuels.

L’hypertrophie de la dimen-sion objective du travail a intensi-fié les rythmes, tant dans l’indus-trie que dans les services privés etpublics, au grand bénéfice de laproductivité. Mais la création devaleur par le travail ne se réduitpas à cela, et un fossé s’est creuséentre le travail valorisé abstraite-ment par la bureaucratie financiè-re, et celui que les salariés effec-tuent en réalité, ce qu’Yves Clotappelle « le travail réel » (Le Tra-vail à cœur, 2010).

Or, l’atrophie des dimensionssubjective et collective épuise laressource humaine. Les symptô-mes sont apparus dès la fin desannées 1990 avec l’accroissementde l’infidélité ou la démobilisa-tion des salariés, puis avec la ques-tion de la santé au travail et desrisques psychosociaux.

La dépression économiqueactuelle montre que nous sommesau bout de cette logique contre-productive. Elle appelle de nouvel-les grilles pour lire la création devaleur par le travail en tenantmieux compte de ses trois dimen-sions. Il faut désormais «définan-ciariser» les organisations.p

Pierre-Yves Gomez est professeurà l’EM Lyon, directeur de l’Institutfrançais de gouvernement des entrepri-ses et président de la Société françaisede management.

Créditphoto:Jean-Philippe

Mesguen.

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Chroniquede la semaine

Paul Jorion, économiste et anthropologue

La valeurtravail, trou noirde la finance

Il ya unealternative

Entreprise Pierre-Yves Gomez

ExpertisesEconomie

Page 32: Le Monde 29 Novembre

4 0123Mardi 29 novembre 2011

Le «Top 50 » de lafinance mondiale

DétentionLa capitalisation boursière mondiale des entreprises cotées s’élevait,au 21novembre, à 48 578 000 milliards de dollars (36 416 600milliardsd’euros). Les volumes d’actions échangées chaque mois sur les Boursesmondiales représentent 3000 à 5 500 milliards de dollars.L’encours des actifs confiés aux vingt plus grands gestionnairesde fonds – ils ne comportent pas que des actions, mais aussi desobligations (d’entreprise ou d’Etat), des produits financiers dérivés, desactifs immobiliers, etc. – dépassait, à la fin de l’année 2010,26 300milliards de dollars.Mais la détention d’actions n’est pas forcément synonyme de contrôledes décisions stratégiques au sein des entreprises. La présence d’admi-nistrateurs véritablement indépendants – à la fois des principauxactionnaires et de la direction – et le non-cumul des mandats sont, dansles principes reconnus de la bonne gouvernance, une façon d’équilibrerle poids des grands détenteurs d’actions au sein des conseils d’adminis-tration des entreprises. p

aaa Suite de la première page

Les objections des économistesportent sur plusieurs points. DavidThesmar, professeur de finance àHEC, ou Eric Savitz, éditorialiste aujournalForbes, rappellentquenom-bre de grandes firmes sont contrô-lées par les Etats ou par les famillesfondatrices. L’étude « CorporateOwnership around the World »(The Journal of Finance, R. La Porta,F. Lopez-de-Silanes et A. Shleifer,avril 1999) montre que ces deux

schémas de détention sont majori-taires dans les vingt plus grandessociétés des vingt-sept pays lesplus riches. Même minoritaires, lesdynastiesentrepreneurialess’assu-rent le contrôle via une pyramidede holdings ou des droits de votemultiples. En revanche, les gérantsde fonds mutuels et de fondsd’épargneneparticipentpas,laplu-part du temps, à la gestion dessociétés,sauf éventuellement là oùils sont majoritaires ou lorsqu’unecrise grave se produit.

Les auteurs répondent avoirfait« tourner » trois modèlesaffec-tant des poids plus ou moinsimportants à la détention de parti-cipations minoritaires ou indirec-tes, et obtiennent dans tous les casdes résultats proches quant aupoids des 147 firmes « centrales »qu’ils ont détecté.

Ce résultat global est d’ailleursconfirmé, expliquent-ils, parnom-bre d’exemples où des actionnai-res indirects ou minoritaires exer-cent une forte influence sur les

décisions de gestion au sein desfir-mes, l’influence étant la capacité,même sans droits de vote ou sansmajorité, à s’opposer à la coalitiond’autres partenaires au sein desconseils d’administration.

Ilsassurentavoir mis en éviden-ce, avec la forte interconnexiondes principaux détenteurs de capi-taux, non pas un complot destinéàs’assurer le contrôle des entrepri-ses, mais un pouvoir d’influencepotentiel qui peut être ou nonexercé par le représentant des

actionnaires, selon leur choix.« Notre principal message est le sui-vant, explique James Glattfelder :nous ne pouvons pas exclure queles principaux détenteurs de capi-taux que nous avons identifiésà l’échelle mondiale exercent leurpouvoir potentiel, formellementou de façon informelle. »

Autre objection des économis-tes, les fonds de pension mutua-lisés, les banques et institutionsgestionnaires de fonds d’épargne«hébergent » les actions détenuespar les fonctionnaires californiensoulaveuvedeCarpentras,etlespla-centleplus souvent dans des fondsindiciels dont la composition favo-rise, par construction, l’investisse-ment des grandes entreprises.

Laforte concentrationduréseaude détention ne reflète donc pas lecontrôle des entreprises par lafinance, mais le fonctionnementdes marchés financiers : les inves-tisseurs, pour minimiser le risque,préfèrentsuivrelefluxdesinvestis-sementsdéjàréalisés.Laconcentra-tion de l’activité financière autourdequelquesacteursestdonc«natu-relle », puisqu’elle permet de limi-ter les coûts de transaction, de ren-forcer la confiance mutuelle et lesintérêts communs, de partager lesrisques et de bloquer les prises decontrôle « inamicales».

« Il est normal que les flux finan-cierspassent tous parun petitnom-bred’établissements, dans la mesu-re où ceux-ci détiennent les instru-ments de financement que tous lesinvestisseurs utilisent », note aussiCarloAltomonte, professeur d’éco-nomie à l’université Bocconi.

Même si le fonctionnement« naturel » du marché a conduità une telle concentration, « ce quiest naturel n’est pas forcément bonpour l’économie et pour la société »,répond Stefano Battiston, pour quiles conséquences réelles de laconcentration qu’ils ont mise enévidence restent à examiner.

«Notre travail a montré, pour lapremière fois à l’échelle mondiale,l’existence d’une “super-entité” ausein du réseau mondial des grandesentreprises(…).Cettedécouvertesou-lève au moins deux questions (…)fondamentales pour la compréhen-sion du fonctionnement de notreéconomie : premièrement, quellessont les implications pour la stabili-té financière mondiale ? (…) Deuxiè-mement, quelles sont les implica-tions pour la concurrence sur lesmarchés?», écrivent les auteurs.

De nombreuses études ontmontré le risque que fait peser sur

un système la défaillance d’un deses « points-clés », et la faillite deLehmanBrothers en aété l’illustra-tion la plus forte. Le propos desauteurs est ainsi d’élargir, expli-queJamesGlattfelder, laprobléma-tique du too big to fail (trop grospour faire faillite) à celle de tooconnected to fail (trop connectépour faire faillite).

«Dans une économie où la chaî-ne d’approvisionnement est mon-dialisée, la défaillance d’une usinejaponaise noyée par le tsunamia bloqué la production mondialed’automobiles, observe Carlo Alto-monte.Nousdevonspensercesystè-me non plus sous le signe du “just intime” (juste à temps), mais souscelui du “just in case” (au cas où). »

Les travaux de Vitali, Glattfelderet Battiston montrent qu’il en estde même pour l’ensemble de l’éco-nomie mondiale: celle-ci présente,en particulier au sein de l’industriefinancière, des «points-clés » dontilseraitimprudentdeméconnaîtrel’importance. « 96% du marché desproduits dérivés est contrôlé partrois institutions bancaires. Dansl’industrie, cela suffirait à déclen-cher une enquête de la Commissioneuropéenne sur les risques de collu-sion. L’interconnexion entre lesacteurs interdit de croire que lesmarchésdérivésn’étantqu’unepeti-te partie des marchés financiers,cela n’aurait guère d’importance »,poursuit M. Altamonte.

John Drifill, professeur demacroéconomie à l’université deLondres, cité par The New Scientist,note que le nombre de 147 firmesau cœur du système suffit à garan-tir l’absence de collusion.

« Il est tout à fait possible quel’existence d’un tel réseau crée de lacompétition et de la stabilité finan-cière, reconnaît Stefano Battiston.Nous ne disons pas que ce n’est cer-tainement pas le cas. Mais nousdisons seulement que, étant donnéce que l’on sait désormais, il seraitbien de le vérifier… » p

Antoine Reverchon

Laforte concentrationduréseaudedétentionnereflètepaslecontrôle desentreprisespar lafinance,mais lefonctionnementdesmarchésfinanciers

1006987 liens capitalistiques impliquant 600508 sociétés ont été passésau tamis de la modélisation mathématique des réseaux complexes

Unerechercheinéditequisusciteledébat

POUR réaliser leur étude, StefaniaVitali, James Glattfelder et Stefa-no Battiston (Ecole Polytechniquede Zurich), ont extrait de la basede données Orbis 2007 (produitepar la société d’études privée bel-ge Bureau van Dijk), qui référence37millions d’entreprises et d’in-vestisseurs, les 43 060 entreprisesdont le profil correspond à la défi-nition de la firme multinationalepar l’Organisation pour la coopé-ration et le développement écono-miques (OCDE).

Les chercheurs ont identifiétous les liens de détention d’ac-tions partant de ou allant vers cesfirmes, soit 1 006987 liens impli-quant 600 508 acteurs. Puis ilsont cartographié ce réseau.

Sa morphologie a la forme d’un«nœud papillon » dont le centreest formé de firmes fortementinterconnectées – les trois quartsde la propriété des firmes du cen-tre sont entre les mains des firmesdu centre – et les parties externesoù les firmes sont reliées par desréseaux plus univoques, qu’ellessoient détentrices ou détenues.

Enfin, les chercheurs ont affec-té à chaque firme un degré decontrôle du capital de l’ensemble,fonction de la détention de majori-tés d’actions, mais aussi des déten-tions minoritaires, directement etvia d’autres firmes, grâce à unemodèlisation mathématique deces parts dans le capital .

Les 50 firmes présentéesci-contre sont celles dont le degréde contrôle était le plus élevé à ladate de l’observation par les cher-cheurs, en 2007, ce qui explique,entre autres, la présence de la ban-que Lehman Brothers, qui a faitfaillite en septembre 2008. p

A. R.

Dossiera VOLUMES ÉCHANGÉS CHAQUE MOIS SUR LES MARCHÉS

BOURSIERS MONDIAUX, en milliards de dollarsa CAPITALISATION BOURSIÈRE MONDIALE

en milliards de dollars

SOURCE : BLOOMBERG SOURCE :WORLD FEDERATIONOFEXCHANGES (WFE)

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SOURCE : S.VITALI, J.B. GLATTFELDER ET S. BATTISTON : THE NETWORK OF GLOBAL CORPORATE CONTROL

1 : Barclays PLC (Royaume-Uni)

2 : Capital Group Companies Inc. (Etats-Unis)

3 : FMR Corp (Etats-Unis)

4 : AXA (France)

5 : State Street Corporation (Etats-Unis)

6 : JPMorgan Chase & Co. (Etats-Unis)

7 : Legal & General Group PLC (Royaume-Uni)

8 : Vanguard Group Inc. (Etats-Unis)

9 : UBS AG (Suisse)

10 : Merrill Lynch & Co., Inc. (Etats-Unis)

11 : Wellington Management Co. L.L.P. (Etats-Unis)

12 : Deutsche Bank AG (Allemagne)

13 : Franklin Resources, Inc. (Suisse)

14 : Credit Suisse Group (Suisse)

15 : Walton Enterprises LLC (Etats-Unis)

16 : Bank of New York Mellon Corp. (Etats-Unis)

17 : Natixis (France)

18 : Goldman Sachs Group, Inc. (Etats-Unis)

19 : T. Rowe Price Group, Inc. (Etats-Unis)

20 : Legg Mason, Inc. (Etats-Unis)

21 : Morgan Stanley (Etats-Unis)

22 : Mitsubishi UFJ Financial Group, Inc. (Japon)

23 : Northern Trust Corporation (Etats-Unis)

24 : Société générale (France)

25 : Bank of America Corporation (Etats-Unis)

26 : Lloyds TSB Group PLC (Royaume-Uni)

27 : Invesco PLC (Royaume-Uni)

28 : Allianz SE (Allemagne)

29 : TIAA (Etats-Unis)

30 : OldMutual Public Limited (Royaume-Uni)

31 : Aviva PLC (Royaume-Uni)

32 : Schroders PLC (Royaume-Uni)

33 : Dodge & Cox (Etats-Unis)

34 : Lehman Brothers Holdings, Inc. (Etats-Unis)

35 : Sun Life Financial (Canada)

36 : Standard Life PLC (Royaume-Uni)

37 : CNCE (France)

38 : Nomura Holdings, Inc. (Japon)

39 : The Depository Trust Company (Etats-Unis)

40 : Massachusetts Mutual Life (Etats-Unis)

41 : ING Groep N.V. (Pays-Bas)

42 : Brandes Investment Partners (Etats-Unis)

43 : Unicredito Italiano SPA (Italie)

44 : Deposit Insurance Corporation of JP (Japon)

45 : Vereniging Aegon (Pays-Bas)

46 : BNP Paribas (France)

47 : Affiliated Managers Group, Inc. (Etats-Unis)

48 : Resona Holdings, Inc. (Japon)

49 : Capital Group International, Inc. (Etats-Unis)

50 : China Petrochemical Group Co. (Chine)

CLASSEMENTDES SOCIÉTÉS SELON LEUR DEGRÉ DE CONTRÔLE, EN 2007, DU CAPITALDES MULTINATIONALES

Page 33: Le Monde 29 Novembre

50123Mardi 29 novembre 2011

DÉTENIR des actions, qui sont destitres de propriété sociale – et nonpas privative –, ne donne pas tousles pouvoirs sur une entreprise.L’enjeu de la gouvernance est d’or-ganiser les droits et les devoirs detoutes les «parties prenantes »:ceux des apporteurs de capitaux,mais aussi des administrateurs,dirigeants ou salariés, tous concou-rant à «l’intérêt social ».

Les grands investisseurs finan-ciers – les sociétés de gestion, sou-vent filiales des banques ou desassureurs – ont, eux, des appro-ches d’actionnaires différenciées.En effet, ils gèrent l’épargne deleurs clients, en particulier les cais-ses de retraite ou les fonds de pen-sion (avec un horizon de très longterme), les détenteurs de sicav(plutôt à cinq ans), etc. Contraire-ment aux fonds spéculatifs, ils semontrent peu agressifs sur leschoix de gestion à court terme desentreprises.

Jusqu’aux années 1990, lesgérants institutionnels, focaliséssur le rendement, étaient aussitrès peu actifs dans la défense desdroits des actionnaires. Sous lapression de leurs mandants, etavec l’édiction de codes et de régle-mentations de la gouvernance unpeu partout dans le monde, ilsont été amenés à s’impliquer.

En France, les sociétés de ges-tion sont ainsi tenues de définirune politique de vote en Assem-blée générale (AG). D’après une

enquête de l’Association françaisede gestion financière (AFG) defévrier2011, le taux de participa-tion des sociétés de gestion aux AGde 2010 a été de 85 %. Et elles ontdésapprouvé 15% des résolutions.

Mais, indique le cabinet Proxin-vest, spécialiste de l’analyse desrésolutions d’AG et du conseil devote, le premier actionnaire dessociétés du CAC 40 détient enmoyenne 25 % du capital, quandles participants aux AG de 2010 nereprésentaient que 63% de leurcapital en moyenne. La masse desinvestisseurs financiers, sauf àseregrouper, a donc une influencelimitée sur le résultat des votes.

D’autre part, les gérants d’épar-gne à long terme demandent rare-ment des places dans les conseilsd’administration, mais un engage-ment à plein-temps des dirigeantsdans l’entreprise et le choix de per-sonnalités indépendantes dans lesconseils, un point qui s’améliore.

Ainsi, « Le cumul des mandatsétait une plaie du système fran-çais, et il a considérablement dimi-nué. Les PDG et DG d’entreprisen’ont plus le temps de consacrerdes journées entières à d’autresgroupes. Et les investisseurs, maisaussi les équipes de cadres diri-geants, n’apprécient pas les “cumu-lards”», analyse Daniel Lebègue,président de l’Institut français desadministrateurs (IFA).

DébatsToutefois, alors qu’aux Etats-

Unis un dirigeant d’entreprise estcensé n’avoir qu’un seul mandatd’administrateur, « dans les codesde gouvernance français, on peutaller jusqu’à cinq mandats, sanscompter ceux dans les sociétésétrangères et les filiales… Si bienqu’il a pu exister des situations –comme celle d’Henri Proglio, titu-laire de huit mandats au momentde sa nomination à la présidence

d’EDF – qui évoluent désormais etqui sont appelées à disparaître»,explique M. Lebègue.

Par ailleurs, la définition del’indépendance des administra-teurs reste sujette à débats. Selonle Rapport 2011 de l’Autorité desmarchés financiers (AMF) sur legouvernement d’entreprise et larémunération des dirigeants, pré-senté jeudi 24 novembre, « le ratiomoyen de membres indépen-dants» (selon les critères descodes patronaux AFEP-Medef)est, à l’issue du résultat des AG de2010, d’en moyenne 59 % dans lesentreprises du CAC 40. Or le cabi-net Proxinvest n’en recense, lui,que 39 %, « car nous n’avons pas lamême définition des conflits d’in-térêts », explique son président,Pierre-Henri Leroy.

En revanche, nul ne contesteque les sociétés du CAC 40 ontbien commencé à féminiser leursorganes de surveillance : la loi dite«Copé-Zimmermann » de jan-vier2011 les y oblige. La propor-tion d’administratrices d’entrepri-ses du CAC 40 est passée de 8 % en2010 à 20 % en 2011 – le phénomè-ne dépasse donc l’entrée de Berna-dette Chirac chez LVMH – et elledoit atteindre, selon la loi, 40%avant la fin 2016. De l’actionnariatau conseil d’administration et à lagestion, la gouvernance a fait desprogrès en dix ans, mais il en res-te à accomplir. p

Adrien de Tricornot

Lesgérants defonds pèsentlourd au capitaldesentreprises, mais pastoujours dans leurgestion

Quel est l’enseignement majeurde l’étude de Stefania Vitali,James B.Glattfelder et StefanoBattiston, «The Network WorkofGlobal Corporate Control»?

YElle quantifie,auniveau mondial,un fait bien connu

au niveau des pays : la concentra-tion de l’activité économique dansun nombre restreint de firmes.

Par exemple, les deux plus gran-des sociétés de Corée du Sud (Sam-sung et Hyundai) réalisent 35%des exportations du pays, et leursventes comptent pour 22% du pro-duit intérieur brut (PIB) sud-coréen. Au Japon, les dix plus gros-ses entreprises font 35% des expor-tations. Même aux Etats-Unis, les50plus grands groupes représen-tent plus de 30 % du PIB. Dans lesecteur bancaire, les concentra-tions sont presque encore plus for-tes: il n’est pas rare qu’une ban-que ou qu’un hedge fund (« fondsspéculatif») gère plus de 1000mil-liards d’euros d’actifs.

Cette concentration a-t-elledes conséquences?

Oui. L’une d’elles est que l’éco-nomie est « granulaire » : à la base,elle n’est pas faite d’un conti-nuum de firmes très petites, maisde « grains » incompressibles d’ac-tivité économique, les grandesentreprises. Dans un tel monde,les chocs microéconomiques ontun impact macroéconomique. Lesconséquences sont importantes :un succès de Nokia, d’Airbus, a unimpact important sur le PIB fin-landais ou français. A rebours,lachute d’une grande banque –le Creditanstalt en Autriche en1931, ou Lehman Brothers auxEtats-Unis en 2008 – a un effetimportant sur l’activité économi-que mondiale.

Faut-il réguler la taillede ces entreprises géantes?

Certains pensent que oui, afinde sortir de la problématique dutoo big to fail («trop grand pour fai-re faillite»). Mais, d’un autre côté,ce gigantisme est rendu naturel, etpresque nécessaire, par des proces-sus économiques très simples.

Chaque année, une société inno-ve ou perd des parts de marché,croît ou décroît. Cette « croissancealéatoire» (qui, souvent, récom-pense l’innovation) fait apparaîtreau fil du temps quelques très gran-des firmes. Elles suivent d’ailleursune loi très régulière, la «loi deZipf», qui dit que la firme numéro«N» a une taille àpeu près « 1/N »

fois la taille de la plus grande fir-me. C’est une des régularités éco-nomiques les mieux vérifiées.Cela s’explique justement par cesprocessus de croissance aléatoire,qui sont si naturels qu’il est diffici-le de les réguler. Sauf dans certainscas, comme la taille des plus gran-des banques.

Peut-on en déduire qu’un petitnombre d’entreprises contrô-lent l’activité économique?

Ces firmes sont en nombre suf-fisant (au moins dix) pour qu’illeur soit difficile d’agir en collu-sion. Il serait erroné de penser entermes de contrôle cohérent, deconspiration. Ces sociétés (sou-vent de grandes banques)essaient de maximiser leurs pro-fits, d’une manière très concurren-tielle. L’étude trouve qu’environ700 entreprises « contrôlent »indirectement 80% de la valeurajoutée. Mais 700, c’est très pro-che de la concurrence pure. Mêmeau niveau local, le marché restedonc assez compétitif.

Comment l’Etat doit-il agirface à un réseau aussi«entre-maillé» d’entreprisesde très grande taille?

Il y a un problème si quelques-unes des mailles du réseau fontdéfaut. C’est pour cela qu’il y a desrègles de concurrence un peu par-tout dans l’économie : pour main-tenir les prix bas et pour éviter desdifficultés majeures si quelquesacteurs sont en difficulté.

L’approche, jusqu’à présent,aété: «L’Etat maintient la concur-rence et intervient en cas de catas-trophe» (par exemple pendant lacrise), plutôt que : «l’Etat contrôleles allocations microéconomi-ques ». Mais cette étude montrequ’une approche tenant comptede l’existence de ces réseaux estutile. C’est précisément le genred’outil que les banques centralessont en train de mettre au point,après la débâcle de Lehman.

La confusion actuelle montreque, hélas, les Etats ne possèdentpas encore une information dequalité suffisante pour évaluer,par exemple, l’impact sur leréseau bancaire d’une probablefaillite d’une nation européenne.

Comme les contrôleursaériens, les banques centrales etles Etats doivent observer entemps réel la situation des acteursmajeurs du réseau économique,demander des changements ponc-tuels pour éviter les crashes. Maispas piloter les avions. p

Propos recueillis par A. R.

Sur le Web –«The Network ofGlo-bal Corporate Control», l’articlede Stefania Vitali, James B. Glatt-felder et Stefano Battiston, estconsultable sur le site de la revueen ligne Plosone.org.–«L’engagement en France etàl’étranger. Montée en puissancedes critères extra-financiers»,l’étude de l’Observatoire sur la res-ponsabilité sociétale des entrepri-

ses (avril 2011), sur le site Orse.fr.–«Guides et recueils de bonnespratiques et principes de bonnegouvernance dans le monde», surle site de l’European CorporateGovernance Institute (Ecgi.org).

En librairie « The Granular Ori-gins of Aggregate Fluctuations »,Xavier Gabais, Econometrica,vol.79, nº3 (mai 2011).

«Les Etats nepossèdent pasuneinformation suffisantesur lesréseaux financiers»Xavier Gabaix, professeur de finance à laStern School of Business, New York University

Parcours

2011 Xavier Gabaix, chercheurau National Bureau of EconomicResearch (Etats-Unis), lauréat duPrix du meilleur jeune économis-te 2011, membre du Conseil d’ana-lyse économique (France).

1999 Doctorat d’économie,Harvard (Massachusetts).

1995 Agrégé de mathématiques,Ecole normale supérieure.

a LES DIX PREMIERS GÉRANTS DE FONDS CLASSÉS PAR ENCOURSSOUS GESTIONAU 31/12/2010, en milliards de dollars

SOURCE : PENSIONS & INVESTMENTS,TOWERSWATSONGLOBAL500 SURVEY SOURCE : ETHICS & BOARDS-JUILLET2011 SOURCE : ETHICS&BOARDS-JUILLET2011

a PARTDES ADMINISTRATEURSINDÉPENDANTS, en %

a NOMBRE DE MANDATS PARADMINISTRATEUR DANS LES CONSEILS

2010

1,263 1,255 1,216 1,2051,140 1,139 1,130 1,124 1,118 1,113 1,090 1,110 1,084 1,089

1,040 1,07955,99 55,46

42,25 41,19

20112010 20111 : BlackRock (Etats-Unis)

2 : State Street Global (Etats-Unis)

3 : Allianz Group (Allemagne)

4 : Fidelity Investments (Etats-Unis)

5 : Vanguard Group (Etats-Unis)

6 : Deutsche Bank (Allemagne)

7 : Axa Group (France)

8 : BNP Paribas (France)

9 : J.P. Morgan Chase (Etats-Unis)

10 : Capital Group (Etats-Unis)

3 560,968

2 010,447

2 009,949

1 811,901

1 764,960

1 562,352

1 462,966

1 313,882

1 303,372

1 223,412 SFB 120 CAC 40 DAX 30 FTSE 100 SBF 80 DJIA FTSE 30 SMI CAC 40 SBF 80

LIENS CAPITALISTIQUES ENTRE LES ENTREPRISES

SOURCE : S.VITALI, J.B. GLATTFELDER ET S. BATTISTON : THE NETWORK OF GLOBAL CORPORATE CONTROL

Un réseau en « nœud papillon »

FranklinResources

DroiteGauche

Bas

13,5 %

CœurHaut Haut

PrudentialFinancial

MorganStanley

Citigroup

Bankof America

StateStreet

GoldmanSachs

BearStearns

LehmanBrothers

T. RowePrice

UBS

DeutscheBank

CreditSuisse

Commerzbank

Axa

Barclays MerrillLynch

JPMorganChase & Co

Au cœur, les firmes les plus interconnectées(18,7 % du chiffre d’affaires de l’ensemble)

A droite, les sociétés controlées (59,8 %)

A gauche, les entreprises indépendantes (2,2 %),ayant des participations

En haut, les firmes en mode de détention « isolées »

En bas, celles en mode de détention en « cascade »

Autres (5,8 %)

Le cœur du « nœud papillon » comporte 1 318 points pour autant d’entrepriseset 12 191 liens symbolisant les liens capitalistiques entre elles.

La couleur des points indique le degré croissant (du jaune au rouge)de contrôle de l’ensemble du réseau

Zoom sur la place des principales firmes financièresdans le réseau mondial

Pour en savoir plus

D. R.

DossierEconomie

Page 34: Le Monde 29 Novembre

6 0123Mardi 29 novembre 2011

Siemens propose depuis desannées des solutions permet-tant d’améliorer l’efficacité éner-gétique dans les bâtiments, lescomplexes industriels, l’équipe-ment médical, l’électroménageret les transports. Pourquoi?

YLes gens ont besoind’air pur et d’eaupotable. Dans la

mesure du possible, ils veulentsedéplacer et transporter leursmarchandises rapidement, sansencombrements et sans risques.La consommation d’énergie doitêtre gérée de façon efficace.

Depuis des années, notre porte-feuille d’activités est orienté versles technologies vertes. Les solu-tions proposées par Siemensaident à réduire les embouteilla-ges ou le besoin en énergie.

A Paris, nous équipons parexemple la ligne 1 du métro avecun système de pilotage automati-que. Les premières rames roulentdéjà sans conducteur. L’avantage ?Grâce à un système informatique,nous pouvons calculer commentla rame doit accélérer et freinerafin d’arriver à l’heure à la pro-chaine station tout en réduisantau maximum le besoin en éner-

gie. Avec ce système, la Ville deParis économise 15 % d’électricitéchaque année.

Siemens a fondé cette année unnouveau secteur d’activité, appe-lé «Infrastructures and Cities»(infrastructures et villes), consti-tué à partir de certaines activi-tés des départements «indus-trie» et «énergie» de la société.Pourquoi?

Selon les Nations unies, les vil-les consomment aujourd’hui lesdeux tiers de l’énergie mondialeet sont responsables de 70 % desémissions de gaz à effet de serre.Dans vingt ans, elles compteront1,4 milliard d’habitants supplé-mentaires. Il faut donc mettre enplace des technologies qui permet-tent à ces territoires urbains de sedévelopper de façon durable.

Là où l’économie et la popula-tion croissent – et c’est le cas desvilles partout dans le monde –, ilfaut investir dans les infrastructu-res. Selon nos estimations, les gran-des cités ont un besoin en investis-sement d’environ 2000milliardsd’euros. Sur cette somme, nousestimons que Siemens peut capter300milliards chaque année.

Derrière ces chiffres, il y a desclients qui ont des besoins com-plexes. C’est pour mieux y répon-dre que nous avons regroupé noscompétences en matière de solu-tions urbaines dans un nouveausecteur d’activités, permettantd’apporter des solutions cibléesaux défis particuliers posés à cha-que ville. Par exemple, chacun denos city account manager vit dansla ville dans laquelle il est mission-né. Il est consultant et donneurd’idées, c’est aussi l’interlocuteurde l’urbaniste et du maire. Le but

est de nouer un dialogue étroitavec les villes, afin de comprendreau mieux leurs besoins et de s’ap-puyer sur leurs suggestions dansnotre travail de recherche et dedéveloppement.

Est-ce que la décision prise parSiemens d’abandonner ses acti-vités dans le nucléaire est liéeàla création de ce nouveaudépartement? Les deux straté-gies étaient-elles devenuesincompatibles?

Non, il n’y a absolument aucunlien entre les deux.

En quoi les villes sont-elles desclients particuliers?

Les villes sont des moteurs decroissance. Les 600 plus grandescités du monde réalisent aujour-d’hui environ 50% de la croissan-ce mondiale. Cela vaut pour tousles types d’agglomérations : pourdes mégapoles telles queShanghaï (Chine) ou Paris, com-me pour des ensembles urbainsd’une taille plus modeste commeZurich (Suisse) ou Munich (Alle-magne). Mais, à mon avis, il fauts’attendre à un développementparticulièrement dynamique des

petits et moyens centres urbainsdes pays émergents.

Quelles technologies sont privi-légiées par votre département?

L’avantage de ce secteur ne

repose pas uniquement sur destechnologies spécifiques. Pournous, il est plus important de pro-poser des solutions intégrées, quirépondent à un problème dansson ensemble, et non à une partiede ce problème.

Prenons l’exemple de Londres.A partir d’une étude sur le centre-ville de la capitale britannique,nous avons mené une série deconsultations avec les autorités.Siemens a ensuite mis en place unsystème de circulation dont cha-cun peut mesurer l’efficacité : lacirculation dans le centre de lacité a été réduit de 20%, sa fluidités’est améliorée de 30 %, et Lon-dres aréduit ses émissions de CO2

de 150 000 tonnes par an.

Quelles sont les dépenses enrecherche et développement dece nouveau département? Com-bien de personnes y travaillent?

Nous employons 84 000 per-sonnes. Nous donnerons les pre-miers chiffres concernant l’activi-té de notre département au pre-mier trimestre 2012. p

Propos recueillis par

Cécile Boutelet

(Berlin, correspondance)

L ’Agence internationale del’énergie (AIE) a confirmédans son Panorama de l’éner-

gie 2011, publié le 9novembre, quele parc industriel, immobilier et detransport actuel émettait unequantité de gaz à effet de serre(GES)tellequeleréchauffementcli-matique atteindrait 60C en 2050,trois fois plus que ce que la planètepeut supporter sans dommagesimportants. A moins de neconstruire, à partir d’aujourd’hui,que des équipements émettantzéro CO2, cette tendance ne pourraêtre inversée…

Le31e volet desindicateurs Euro-sif-PwC-Le Monde des performan-ces sociales et environnementalesdesgrandesentreprises internatio-nales indique que les principalesindustries émettrices de CO2, sielles ont réalisé quelques progrèsen la matière, sont encore bienloin du compte.

Certes, quasiment toutes – saufchangement de périmètre commeGDF Suez – sont parvenues à dimi-nuer l’intensité énergétique deleurs activités entre 2005 et 2010.Mais il n’en est pas de même enmatière d’intensité carbone, com-mele montre la comparaisonentreles émissions de CO2, mesurées en2004 (premier volet des indica-teurs, « Le Monde Economie » du14mars 2006) et en 2008 (23e voletdes indicateurs, «Le Monde Econo-mie» du 8décembre 2009).

Seulement trois (BASF, CRH,Total)destreizeentreprisesprésen-tes dans nos tableaux à ces troisdates ont obtenu une baisseconstante de leurs émissions; trois(Dow Chemical, Holcim et Che-vron) ont connu une hausseconstante ; trois (Bayer, Exxon etBP) ont connu une progression

après une baisse ; et trois (Lafarge,Nippon Steel, Shell) ont enregistréun repli après une hausse. Cesvariations sont parfois dues auxmodifications du périmètre d’acti-vité, ou aux effets de la conjonctu-re.Maisellesconfirmentlesconclu-sions d’études plus générales réali-sées par le cabinet de conseil Pri-cewaterhouseCooper (PwC).

L’étude « Counting the Cost ofCarbon : Low Carbon EconomyIndex 2010 » montre que l’intensi-té carbone mondiale – volume deCO2 émis par milliard de produitnational brut (PNB) – a augmentéen 2010, quand elle avait diminuélesannées précédentes,principale-ment dans les pays émergents.L’étude « Facteur carbone Euro-pe », qui porte sur les 18 premiers

producteurs d’électricité euro-péens, montre aussi que les émis-sions de CO2 ont crû en 2010, maisque la quantité de CO2 émise parkilowattheure produit a diminué,principalement par la substitutiondu charbon par le gaz.

L’hétérogénéité des réactionsde l’industrie àla contrainte carbo-ne témoigne surtout de l’absenced’incitation régulatrice qui per-mettrait d’évoluer au même ryth-me vers un modèle énergétiqueplus efficient, et plus durable.

«Tout n’est pas perdu»De plus, nombre d’acteurs ne

publient pas assez de données, enparticulier ceux des pays émer-gents. Tous les éléments qui per-mettraient aux investisseurs etaux régulateurs de peser sur leschoix stratégiques de ces indus-tries ne sont donc pas réunis.Quant aux initiatives comme leCarbon Disclosure Project (CDP,Cdproject.net), qui organise, surune base volontaire, un reportingcohérent concernant les émissionsdeCO2,elles sontencore insuffisan-tes – quoique précieuses – car ellesnecouvrentpasl’ensembledu péri-mètre pertinent.

L’essoufflement de la vaguelégislative – en témoignent enFrance les reculs du Grenelle 2 – et,en période de crise, des solutionsdemarché inviteà passer àuneéta-pe supérieure, celle des accordspolitiques internationaux quiouvriraient la voie à des incita-tions fiscales et réglementairescoordonnées. Mais les négocia-teurs de la Conférence des Nationsunies sur le climat à Durban (Afri-que du Sud), du 28 novembre au9décembre, ne semblent pas sur lavoie d’un accord.

Pourtant « tout n’est pas per-du », estime, avec un brin d’opti-misme, Olivier Muller, directeurchargé de l’activité stratégie pro-duits et changement climatiqueau sein du département dévelop-

pementdurable de PwC. « Pourres-pecter lalimite des20Cderéchauffe-ment en 2050, nous avons calculéqu’il faudrait, à partirde 2012, dimi-nuer les émissions de CO2 de 4,8 %par an.Or, historiquement, ce résul-

tat a été atteint en France quand leparc nucléaire a été mis en service ;et au Royaume-Uni quand le gazde la mer du Nord s’est substitué aucharbon. » p

Antoine Reverchon

Parcours

2011 Membre du conseil d’admi-nistration du groupe Siemens,Roland Busch est directeur de lanouvelle division «Infrastructu-res and Cities» et responsable dela zone Asie-Pacifique.

2005 Il prend la tête d’une filialeasiatique du groupe, baséeà Shanghaï et spécialisée dans lestechnologies automobiles.

1994 Diplômé de physique del’université Friedrich-Alexanderd’Erlangen-Nuremberg (Allema-gne) et de l’université de Greno-ble, il entre chez Siemens commechef de projet au départementrecherche et développement dugroupe, à Erlangen. Il se spéciali-se dans les technologies de l’auto-mobile, du combustible et dansles systèmes de transport.

CHIMIE

SOURCES : PWC D’APRÈS LES DONNÉES PUBLIÉES PAR LES ENTREPRISES ET CARBON DISCLOSURE PROJECT

BASF (Allemagne)

Dow Chemical (Etats-Unis)

Bayer (Allemagne)

LyondellBasell Industries (Pays-Bas)

AIntensité énergétique

BPart

de l’énergierenouvelable

(en %)

C

Emissionsde CO2 (1)

D

Intensitécarboneen 2010 en 2005

Efficacité énergétique Intensité carbone

Entreprises

ÉNERGIE

E.ON (Allemagne)

Gazprom (Russie)

GDF Suez (France)

EDF France (France)

RWE (Allemagne)

INDUSTRIE EXTRACTIVE

Pemex (Mexique)

Rio Tinto Group (Royaume-Uni)

BHP Billiton (Australie)

Xstrata (Suisse)

MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION

Saint-Gobain (France)

CRH (Irlande)

Lafarge (France)

Holcim (Suisse)

MÉTAUX

Arcelor Mittal (Luxembourg)

ThyssenKrupp (Allemagne)

Posco (Corée du Sud)

Nippon Steel (Japon)

PÉTROLIERS

Royal Dutch Shell (Pays-Bas)

Exxon Mobil (Etats-Unis)

BP (Royaume-Uni)

Chevron (Etats-Unis)

Total (France)

A : Consommation d’énergie (directe : fuel, gaz, charbon, etc. et indirecte : électricité)en mégawattheure/chiffre d’affaires en milliers d’euros.

B : Part d’énergie renouvelable dans l’énergie primaire consommée.

C : Emissions de CO2, en kilotonnes. Source CDP sauf exceptions.

D : Intensité carbone = émissions de CO2 en kilotonnes/chiffre d’affaires en milliers d’euros.

(1) Scope 1 ou scopes 1 et 2, c’est-à-dire, émissions liées à la production ou émissions liées au cycle de vie du produit(2) Ratio calculé par Dow Chemical. (3) Energie directe uniquement. n. c. : non communiqué

L’intensité carbone des entreprises ne diminue pas

0,4

3,1

0,5

8,5

0,5

4,6 (2)

0,7

n. c.

0

7

0

n. c.

25 701

38 084

8 500

28 000

0,3

0,7

0,2

0,7

n. c.

n. c.

3,6

2,1

6,0 (3)

n. c.

n. c.

0,5

3,1

n. c.

n. c.

n. c.

4,2

8,7

n. c.

132 326

131 219

112 575

81 247

170 200

1,1

1,1

1,0

0,9

2,5

2,3 (2009)

2,5

1,5

1,0

1,8 (2006)

3,2 (2006)

2,9

2,0

0

24

n. c.

22

50 300

44 600

45 731

24 694

0,5

0,8

0,9

0,8

1,2

0,9

6,0

n. c.

n. c.

1,9

6,6

n. c.

0

0

12

2

18 700

10 150

104 663

108 334

0,4

0,4

4,9

5,2

n. c.

n. c.

n. c.

5,2 (2009)

n. c.

n. c.

7,4

7,0

n. c.

n. c.

n. c.

n. c.

184 825

28 867

71 679

60 500

2,2

0,5

1,4

1,6 (2009)

n. c.

1,2

1,0

0,8

1,1

n. c.

1,2

1,4

1,4

1,3

n. c.

n. c.

0

n. c.

n. c.

85 000

147 000

74 920

57 000

66 620

0,2

0,4

0,2

0,3

0,3

«Les villes sontresponsables de70%des émissionsde gazà effetde serre»Roland Busch, directeur du département «Infrastructures and Cities» et membre du conseil d’administration de Siemens

Des données publiques

Indicateurs Eurosif-PwC-«Le Monde»des performances socialeset environnementales des grandesentreprises internationales

Une industriemoins énergivore

D. R.

Les données publiées dans letableau ont été collectées et trai-tées par le cabinet de conseil Pri-cewaterhouseCooper (PwC)àpartir des documents accessi-bles au public: rapports annuels,rapports de développement dura-ble, sites Web institutionnels…Le périmètre retenu est celui desquatre ou cinq plus grandes socié-tés (par chiffre d’affaires 2010,source: Global Fortune 500,2011) des six secteurs les plusintenses en énergie. Trois compa-gnies (Sinopec Group, ChinaNational Petroleum, Sabic) ontété retirées du tableau faute d’in-formations suffisantes. EDF Fran-ce a été ajouté au secteur énergiebien que figurant, dans Fortune500, dans le secteur utilities(infrastructures).

EconomieStratégie

Page 35: Le Monde 29 Novembre

70123Mardi 29 novembre 2011

Partenariat entre RTLet «Le Monde Economie»

La retraiteprogressive, un dispositifpeu connu

L’âge légal de départ à laretraite à 62 ans et lereport à 67 ans de l’âgeà partir duquel un sala-rié peutpartir sans déco-te,même s’iln’a pascoti-

sé toutes les années nécessairespour avoir une retraite, s’applique-ront pleinement dès la génération1955, et non plus 1956, comme leprévoyait initialement la réformedu 9novembre 2010.

C’est la menace d’une dégrada-tion de la note AAA de la France,liée à son endettement, qui a incitéle gouvernement à prendre desmesures de rigueur. A peinesix mois après l’entrée en vigueurde la réforme des retraites, le pre-mier ministre, François Fillon,aproposé, le 7 novembre, une accé-lération de sa mise en application,aussi justifiée par la révision à labaisse des prévisions de croissan-ce pour l’année 2012, à 1 % du pro-duit intérieur brut (PIB).

La limitation du nombre de per-sonnes à la charge des caisses deretraite permettrait une diminu-tion des déficits cumulés des régi-mesderetraiteàhauteurde4,4mil-liards d’euros entre 2012 et 2016,

dont 0,1 milliard dès 2012, selon lepland’équilibre desfinancespubli-ques. Le total des économies pré-vues par les nouvelles mesures derigueur étant de 64,7 milliards, lamesure concernant les retraitesparaît symbolique.

C’est donc pour rassurer lesagences de notation, que les géné-rations 1952, 1953, 1954 et 1955 ver-ront l’âge légal de départ à la retrai-tereportédequelquesmoissupplé-mentaires (+1 mois pour ceux nésen 1952, + 2 pour les 1953, + 3 pourles 1954 et +4 pour les 1955).

Alors que ces nouvelles mesu-res étaient initialement intégréesdans un projet de loi de finance-ment rectificative de la Sécuritésociale pour 2012, le gouverne-menta finalementchoisi de procé-der par voie d’amendement ; cequi permet une entrée en vigueurplus rapide du texte. Elle est pré-vue avec le projet de loi de finance-ment de la Sécurité sociale (PLFSS)pour 2012, le 1er janvier prochain.

Adopté par les députés le22 novembre, rejeté par le Sénat lelendemain, le sort de l’accélérationdu calendrier de la réforme desretraites devait être fixé in fine parl’Assemblée nationale, où l’amen-dement sera ànouveau àl’ordre dujour mardi 29novembre.

Combien de personnes concer-ne-t-il?«Globalement,pourlespro-chaines années, on estimeà 650 000 personnes en moyenne,tous âges confondus, le flux annuel

de départs à la retraite pour le régi-me général », estime le présidentdu conseil d’administration de laCaisse nationale d’assurance-vieillesse (CNAV), Gérard Rivière.

Mais toutes ne sont pas tou-chées par les changements. « A lasuite des mesures visant à releverl’âge légal, parmi la génération1952, 63 % devraient reporter leurdépart, 70 % pour la génération1953, 73 % pour la génération 1954 et76% pour la génération 1955», indi-queVincentPoubelle, directeursta-tistiques, prospective et recherchede la CNAV. Les personnes restan-tes partent à la retraite avant60 ans, dans le cadre de départsanticipés pour carrière longue parexemple, ou après 65 ans.

Du côté des salariés, cette nou-velle accélération du calendrier estplutôtmalreçue.«Les reportsd’âgesuccessifs, qui soulagent un peu lescomptes, donnent surtout le senti-ment que les droits sont sans cesseremis en cause. La perception dessalariés est qu’on repousse toujoursplus loin l’échéance de la retraite»,rapporteJean-LouisMalys,secrétai-re général de la CFDT, en charge dudossier retraites.

Les générations 1951, 1952, 1953,1954, 1955, ont à peine intégré unpremier report de l’âge de départ,qu’un deuxième est annoncé.« Pour ceux qui sont en emploi,c’est vécu comme une contraintesupplémentaire ; pour ceux qui n’ysont déjà plus dans les années quiprécèdent la liquidation, c’est unenouvelle période de précarité etune menace sur leur niveau de pen-sion ; pour les plus jeunes, çadécrédibilise la retraite par réparti-tion », ajoute-t-il.

Du côté des entreprises, l’atten-tisme prévaut. Depuis la réformede 2010, afin que les salariés ne seretrouvent pas dans une trappe«sans indemnisation ni retraite »,des directions des ressources

humaines avaient dû revoir oucompléter, par des avenants, lesaccords d’entreprise par lesquelsun certain nombre de salariésavaient quitté l’entreprise dansdes plans de départ volontaires oudesaménagements defindecarriè-re, sans avoir prévu l’éventualitéd’un changement législatif surl’âge légal de départ à la retraite.

Michelin,parexemple,avaitain-si prolongé, par avenant au planvolontariat France, la période depriseen charge par l’entreprise jus-qu’à l’âge reporté de la retraite. Lanouvelle accélération du calen-drier de la réforme pourrait don-ner lieu à de nouvelles négocia-tions. « Les accords qui avaient été

signés dans le cadre du plan dedépart volontaire et les avenantsliés à la réforme seront revus avecles organisations syndicales, à par-tir de janvier », indique la directionde Michelin. Toutefois, le texten’étant pas définitivement validépar l’Assemblée nationale, « on nepeut pas dire aujourd’hui ce qu’ilen sera précisément », ajoutent-ils.

Chez Renault, qui avait fait l’ob-jet de protestations de salariéssignataires du plan Renault volon-tariatde 2009,la direction «a privi-légié l’approche au cas par cas, enrecevant individuellement les per-sonnes éventuellement concernéespour leur proposer des missionsd’activité ».

Plus généralement, au sein desdirections des ressources humai-nes des grands groupes, « le reportd’âge crée un problème de visibilitésur la volonté de départ des sala-riés », indique Simon Desrochers,directeur général du bureau deParis du cabinet de conseilsTowers Watson. Or la gestion del’emploi des seniors s’inscrit leplus souvent dans des program-mes pluriannuels. « Le reportd’âge légal de départ à la retraiteconcerne peu les cadres, quientrant généralement tard sur lemarché du travail n’envisageaientpas de partir avant 62 ans, maispour tous les autres, entre le reportd’âge et l’interdiction de faire par-

tir les seniors en retraite d’officeavant 70 ans, les DRH sont dans leflou », note M. Desrochers.

Defait,à la CNAV,dont leconseild’administration avait émis, le17 novembre, un avis majoritaire-ment négatif sur l’accélération ducalendrierde réformedes retraites,le plus grand changement a été letravail d’information auprès dessalariés et des entreprises. « Laconvention d’objectifs et de gestionnégociée entre la CNAV et les pou-voirs publics a anticipé les besoinset les attentes des entreprises enexpérimentant une offre de conseildédiée», indique Gérard Rivière.

Maisunlong chemin resteà par-courirpourpromouvoirlesdisposi-tifsdedépartsprogressifscompati-bles à la fois avec le report de l’âgelégal de départ à la retraite et laconjoncturedéfavorable àl’emploidesseniors.Lecumulemploi-retrai-teaétéassoupli,maissonusageres-te marginal. « La réforme des retrai-tes a confirmé le dispositif “retraiteprogressive”–quicumulelaliquida-tion d’une partie de la rente et le tra-vail partiel –, mais les entreprises nes’en saisissent pas ou très peu »,constate M. Desrochers.p

Anne Rodier

Un nouveau calendrierde départs

Lamenaced’unedégradation dela noteAAAde la Franceetl’anticipationd’unecroissanceen berneontfait leur œuvre

La loi portant réforme des retrai-tes, publiée au Journal officieldu10novembre 2010, prévoit unpassage progressif de l’âge légalde départ à la retraite de 60à62ans d’ici à 2018, à raison dequatre mois supplémentaires parannée dès le 1er juillet 2011.Al’âge de départ légal, le tauxplein n’est versé qu’à la conditiond’avoir réalisé tous ses trimes-tres. Les changements présentéspar le premier ministre, FrançoisFillon, le 7novembre, accélèrentce calendrier.Pour la génération 1952, l’âgelégal est porté à 60 ans et 9moispour un départ possible à partird’octobre2012. Pour ceux nés en1953, l’âge légal est porté à61anset 2mois avec un départ possibleàpartir de mars2014. Pour ceuxnés en 1954, l’âge légal est portéà 61 ans et 7 mois avec un départpossible à partir d’août2015.Pour ceux nés en 1955, l’âge légalest porté à 62ans avec un départpossible àpartir de janvier2017.Pour toutes les autres généra-tions, il n’y a pas de changement.Le départ à taux plein qui passede 65 à 67ans avec la réformesuit la même «accélération»puisqu’il est fixé cinq ans après ladate de départ légal.

Six mois après l’entrée envigueur de la loi de 2010 portantréforme des retraites, et pourrépondre aux interrogations sou-levées par l’accélération ducalendrier de cette réforme,annoncée le 7 novembre par lepremier ministre, FrançoisFillon, RTL consacre à cedossier, en partenariat avec«LeMonde Economie», une jour-née «Spécial Retraites», lundi28novembre. Qui est concernépar les nouvelles mesures?Auprès de qui s’informer sur sesdroits? Les experts de la Caissenationale d’assurance-vieillesse(CNAV) répondront toute la jour-née sur RTL aux questions desauditeurs au 3210.

Lesà-coups de la réforme desretraitesSoucieux de réduire les déficits publics, le gouvernement a accéléré le calendrier du texte voté en 2010

« C’EST un dispositif promis à unebelle progression… lorsqu’il seraconnu.» A la Caisse nationale d’as-surance-vieillesse (CNAV), on lereconnaît bien volontiers, la retrai-te progressive pâtit d’un déficit denotoriété patent. Le vote puis lamise en œuvre de la réforme desretraites auraient pu inciter entre-prises et salariés à se tourner ennombre vers elle. Il n’en est rien.

Elle offre pourtant une sédui-sante combinaison pour le salarié.Celui-ci travaille à temps partiel,perçoit une partie de sa pension, etcontinue de cotiser à l’assurance-retraite sur la base d’un salaire àtaux plein. Seules conditions requi-ses: avoir l’âge légal de départ à laretraite et justifier de 150 trimes-tres d’activité. Le salarié et l’em-ployeur doivent par ailleurs s’êtremis d’accord sur cette formule.

Malgré ces atouts, le compten’y est pas. L’assurance-retraiterecensait 744 attributions de retrai-

tes progressives entre le 1er janvieret le 30 septembre 2011, contre970 attributions pour l’ensemblede l’année 2010. Un total de2029 retraites de ce type était enplace au 31décembre 2010.

Ce n’est pas faute de recevoirdes soutiens. A la CFDT, si on émetquelques réserves sur le volet«retraite complémentaire» du dis-positif, on reconnaît son «inté-rêt». «Il correspond à un réelbesoin», résume un spécialiste dudossier à la Confédération.

Pérennisée par la loi depuisun an, la retraite progressive estl’objet de campagnes de sensibili-sation de la CNAV qui porte la bon-ne parole dans les entreprises. Ellesouligne notamment aux servicesdes ressources humaines « qu’ils’agit d’un bon moyen de négocierun prolongement d’activité avecdes collaborateurs-clés ». Et, dumême coup, de favoriser un passa-ge de relais générationnel.

Autre argument, moins avoua-ble, alors que toute mise à la retrai-te d’office n’est plus possibleavant les 70 ans du salarié, la for-mule peut également devenir unmoyen détourné pour réduire lamasse salariale.

Passée sous silenceCertaines sociétés sensibilisées

par la CNAV ont relayé le messageà leurs collaborateurs. C’est le casd’Universcience et son millier desalariés de droit privé. Résultat,« en 2010, plus de 10% de la popu-lation concernée a souhaité bénéfi-cier de ce système, résume SophieBiecheler-Fiocconi, directrice desressources humaines. La directiony est aussi favorable: « Ce disposi-tif évite la rupture immédiate etpermet une passation progressivedes connaissances et des dossiers. »

Mais le cas est isolé. Beaucoupde groupes préfèrent s’appuyersur leur propre système d’accom-

pagnement des seniors, jugé plusefficace en termes de manage-ment. Quitte, parfois, à passer soussilence l’existence d’une retraiteprogressive permettant, elle, detoucher une partie de sa pension.

Axa met par exemple en avantun récent accord « Transition, acti-vité et retraite » qui offre la possi-bilité aux salariés pouvant bénéfi-cier d’une retraite à taux pleind’obtenir notamment un tempspartiel abondé. « Cela donne de lavisibilité aux managers : ils sau-ront que tel ou tel collaborateur nesera plus là dans tant de mois»,relève Didier Aujoux, directeurfinance et analyses RH. Ce sont300personnes qui auraient sou-haité s’engager dans le dispositifdepuis septembre. Quant à laretraite progressive ? « C’est uneapproche plus personnelle, indi-que-t-il. Nous n’avons pas ce typede demande. » p

François Desnoyers

SpécialRetraitesEconomie

Page 36: Le Monde 29 Novembre

8 0123Mardi 29 novembre 2011

«La persistance d’unchômageélevé interdiraittouttransfert de cotisations»Stéphane Hamayon, directeur des étudeséconomiques chez Harvest

YQuelle est l’écono-mie prévue par laréforme des retrai-

tes, avec et sans les récentesmesures?

La réforme de 2010 permet deséconomies substantielles maistransitoires. A l’échéance 2020, lerecul de l’âge légal et de l’âge dutaux plein à, respectivement, 62et67 ans permettrait une économiede l’ordre de 9milliards d’euros.

Le solde du déficit serait com-blé par les dispositions connexesprises pour augmenter les ressour-ces des régimes (basculement decotisations entre le régime d’assu-rance chômage et la branchevieillesse, hausse du taux d’impo-sition sur les plus hauts revenus,prélèvements sur les revenus ducapital…). Mais au-delà de ce ter-me, les déficits se creuseraient ànouveau pour atteindre 25mil-liards d’euros constants à l’hori-zon 2035. Quant aux récentesmesures, elles représentent4,4milliards en cumul d’ici à 2016.

Ces économies représentent laréduction du nombre de presta-tions à verser par les caisses deretraite. Tiennent-elles comptede la situation de l’emploi?

Il est admis que le chômagen’apas d’impact majeur sur l’équi-libre d’un régime de retraite parrépartition, car il ne modifie pas lapopulation active. Mais la loi de2003 réformant les retraites a bou-leversé la donne, non pas par sonaction sur le nombre des cotisants,mais par le transfert de finance-ment qu’elle a établi entre l’assu-rance-chômage et l’assurance-vieillesse. Si le taux de chômagepassait sous la barre des 6,5 %, des

transferts notables bénéficieraientaux caisses de retraite. C’est ce quirésulte de la réforme de 2010,basée sur un taux de chômageà4,5 %. Le maintien d’un taux éle-vé interdirait en revanche toustransferts de cotisations entre l’as-surance-chômage et la branchevieillesse. Dans ce cas, l’équilibrefinancier du régime général sedégraderait vite et conduirait à undéficit de l’ordre de 40 milliardsd’euros constants en 2035.

Le taux d’emploi des seniors est,en France, inférieur à la moyen-ne européenne. Quelle améliora-tion attendre de la réforme?

Actuellement, le taux d’emploides 55-64 ans est de 46 % enmoyenne dans l’Union européen-ne à 27 pays. La France, avec untaux de 39,7 % en 2010, est au-des-sous de la moyenne en raison dela faiblesse du taux des 60-64 ans,qui ressort à 17 %, et de celui desplus de 65 ans, qui est de 2 %. Laréforme vise à faire augmenter lestaux d’emploi des âges élevés.Selon nos estimations, en 2040, letaux d’activité des 55-64 ans pour-rait atteindre 55 %, mais l’équili-bre financier du régime de basene serait pas assuré pour autant.

Un retour à l’équilibredes régimes de retraite est-ilpossible sans améliorationdu taux d’emploi?

Non. Vu la dégradation du rap-port démographique (rapport coti-sants-retraités), les transfertsentre cotisations de l’assurance-chômage et l’assurance-vieillesse,qui dépendent de l’assainisse-ment du marché du travail, sontindispensables au rééquilibragedu système. Elles sont autant deressources supplémentaires pourles régimes par répartition. p

Propos recueillis par A. Rr

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/Corbis

TAUXD’EMPLOI DES 55-64 ANS EN 2010, en %

SOURCE : EUROSTAT

0 10 20 30 40 50 60 70

Suède

Allemagne

Danemark

Royaume-Uni

Union européenne

Espagne

France

Objectifde Lisbonne

Le maintien dans l’emploides seniors estfragileLes plus de 55 ans restent une variable d’ajustement au sein des entreprises de l’Hexagone

L es réformes des retraitesvisent, depuis2003,à repous-ser la sortie d’activité des

seniors, en augmentant la duréede cotisation exigée d’une part, eten reportant l’âge légal de départd’autrepart.Lemeilleur tauxd’em-ploi de cette catégorie d’âge cheznos voisins européens, au Dane-mark, en Allemagne, au Royaume-Uni, pays où l’âge légal de départà la retraite (65 ans) est supérieuràcelui de la France, pourrait laissercroire que ces réformes soutien-dront le maintien en emploi desplus âgés des salariés.

En France, le décrochage mar-qué de l’emploi des seniors com-mence dès 55 ans, note la Directionde l’animation de la recherche, desétudes et des statistiques (Dares).En 2010, on a observé une chute du« taux d’emploi de 20 points entrela tranched’âge des 50-54 anset cel-le des 55-59 ans, passant de 81 % à

61 %, alors qu’il ne chute que de14 points pour la moyenne del’Union européenne, de 75% à 61%»(Synthèse des principales donnéessur l’emploi des seniors, Documentd’études de la Dares, septem-bre2011).Undeuxième palierinter-venait jusqu’alors à 60 ans, du faitde nombreux départs à la retraite.Le report de l’âgelégal devrait doncchanger la donne.

En effet, du côté des salariés,« quand la moitié des seniorsrêvaient de partir avant 60 ans en2005, seuls 24 % le souhaitent enco-re aujourd’hui », note le onzièmeBaromètre senior Entreprise & car-rières-Notretemps. com, réalisé du18 octobre au 1er novembre. Ilssavent que, s’ils n’ont pas consti-tué un complément de retraite, ilsprennent un risque financier enacceptant un départ anticipé.

Mais du côté des entreprises, ladichotomie entre le discours sur

l’emploi des seniors et sa réalité esttoujours d’actualité. La gestion decette catégorie d’âge a peu changé.

Les recrutements de salariésentrant dans cette catégorie sontainsi quasiment inexistants :«25%desentreprisesn’enontrecru-téaucunet48%moinsde5%», indi-que l’étude « Défi RH 2011 »,publiée par l’Association nationaledes directeurs des ressourceshumaines (ANDRH) en mai.

Manque à gagnerLes seniors restent une variable

d’ajustement. « Les programmessont toujours axés sur les départsanticipés », assure Simon Desro-chers, directeur général France ducabinet de conseil en ressourceshumaines, Towers Watson. L’étu-de « Défi RH 2011 » indique ainsique, « dans 26 % des entreprisesayant réduit leurs effectifs en 2010,les plus de 50 ans représentaient la

majorité des départs et dans 22 %une part significative ».

Depuis la réforme des retraites,lesentreprisescommencenttoute-fois àcomprendre qu’il faut propo-serune sortie graduelle del’emploiaux seniors, pour deux raisonsprincipales: « Ils ont retenu des pré-cédentes crises que les départs mas-sifs [de ces personnels] représen-taient une perte de compétence, etils savent que les “packages” dedéparts sont devenus trop chersdepuis que l’exonération des char-ges sociales sur les indemnités dedéparts ont été limitées à trois foisle plafond de la Sécurité sociale »,précise M.Desrochers.

« C’est souvent la contrainte quisertde déclencheur auchangementen entreprise », constate M.Desro-chers.Laréformedes retraitesacer-tescrééunterreau favorableàl’em-ploi des seniors, mais la dynami-que n’est pas amorcée.

Pourtant, l’amélioration dumarché de l’emploi des seniorsserait une source de revenus nonnégligeable pour l’Etat. Avec untaux d’emploi à 39,7 % en 2010quand l’objectif fixé en la matièrepar la Stratégie de Lisbonne est de50 %, la France se prive d’un man-que à gagner de cotisations socia-les de 9 milliards d’euros : « Si laFrance respectait les critères de Lis-bonne, elle aurait 800 000emplois de plus chez les 55-64 ans,produisant chaque année environ9milliardsd’eurosde plusde cotisa-tions sociales assises sur le travail,et 28 milliards de recettes fiscales etsociales à niveau de productivitéégal », note Mathieu Plane, écono-

miste à l’Observatoire français desconjonctures économiques.

Cette perspective est peu réalis-te àcourt terme, puisqu’elle impli-que, soit une hausse d’activité deprès de 3 % pour maintenir unniveau de productivité égal – or, lesprévisions de croissance viennentd’êtreréviséesàla baisse(1%du PIBen France en 2012) –, soit une baissede la productivité, ce qui revien-drait à faire payer le maintien enemploi des seniors par les entrepri-ses, explique M. Plane. Dans uncontexte de ralentissement écono-mique, « la porte est donc grandeouverte pour la sortie des seniors del’emploi», assure-t-il.p

Anne Rodier

Parcours

1991 Stéphane Hamayon estéconomiste chez Rexecode.

1992-1997 Cofondateur de lasociété de conseil Quantix, ilcontribue à quatre Livres blancssur les retraites en Europe.

2006 L’éditeur de logicielHarvest rachète Quantix; il y déve-loppe une gamme «retraite ».

2011 Il publie «La Face cachée dela réforme des retraites» dans larevue Banque &Stratégie.

D. R.

EconomieSpécialRetraites

Page 37: Le Monde 29 Novembre

90123Mardi 29 novembre 2011

Info-Retraite, le groupementd’intérêt public communaux 35organismes de retraiteobligatoire (base et complémen-taire) édite un glossaire completsur les mots-clés de la retraite(Info-retraite.fr).

Age légal de départ à la retraiteAge à partir duquel un assuré esten droit de demander sa retraite.Des départs avant cet âge (appe-lés «départs anticipés») sonttoutefois possibles souscertaines conditions.

Age du taux plein Age d’attribu-tion systématique d’une pensionà taux plein.

Liquidation de la retraite Vérifi-cation des droits acquis et calculdu montant de la retraite d’unassuré, préalable à sa mise enpaiement. La liquidation inter-vient après que l’assuré a formulésa demande de retraite.

Pension de retraite Somme ver-sée à un assuré en contrepartiede ses cotisations, après l’arrêt –au moins partiel – de son activitéprofessionnelle. Par souci de sim-plification, le mot «retraite » rem-place souvent celui de «pensionde retraite».

Point Unité de calcul de la retrai-te dans certains régimes. Les coti-sations permettent d’acquérirdes points. Le montant de laretraite sera égal à la somme despoints acquis au cours de la vieprofessionnelle, multipliée par lavaleur du point au moment dudépart en retraite. La plupart desrégimes complémentaires utili-sent le système des points. Lesrégimes de base utilisent plutôt lesystème des trimestres.

Décote Réduction définitive appli-quée au montant de la pensiond’un assuré qui choisit de partiren retraite avant d’avoir atteint ladurée de cotisation nécessaire

(ou l’âge requis) pour bénéficierd’une pension de retraite à tauxplein.

Surcote Majoration appliquée aumontant de la future pension d’unassuré âgé de 60 ans au moins etqui choisit de continuer à tra-vailler, alors qu’il a atteint ladurée d’assurance nécessairepour bénéficier d’une retraiteàtaux plein.

Majoration Avantage supplémen-taire en matière de retraite lié,non pas aux cotisations, maisàlasituation personnelle du béné-ficiaire. La plupart des régimesprévoient des majorations – sou-mises à certaines conditions –portant soit sur la durée d’assu-rance – exemple : l’attribution detrimestres supplémentaires pouravoir élevé un enfant – soit sur lemontant de la retraite (exemple :une majoration pour aide constan-te d’une tierce personne). Dans lafonction publique, on parle ausside «bonification».

Réversion Attribution auconjoint d’un assuré décédé(avant ou après son départ enretraite) d’une partie de sa pen-sion de retraite. Cette «pensionde réversion» est fonction desressources du conjoint survivantdans le régime général des sala-riés et les régimes alignés.

Cumul emploi-retraitePossibilité, sous certaines condi-tions, de percevoir une retraitetout en poursuivant une activitéprofessionnelle.

Régime général Expressionsimplifiée utilisée pour désignerle régime de retraite des salariésdu commerce, de l’industrie etdes services du secteur privé.Auniveau national, le régimegénéral est géré par la Caissenationale d’assurance-vieillessedes travailleurs salariés(CNAVTS).

L ’accélération du passageàl’âge légal de 62 ans, annon-cée le 7 novembre par le gou-

vernementfrançais,asemé letrou-ble chez les actifs proches de l’âgede la retraite. Le standard de l’assu-rance-vieillesse n’a pas explosémais de nombreuses questionsont afflué. Qui est concerné ? Est-ce que le nombre de trimestre aug-mente ? Qu’est-ce que cela changepour la surcote ? Et les Français quisont nés en 1952 demandent… s’ilsdoivent partir au plus tôt.

Pour Jean-Louis Malys, secrétai-re national de la CFDT en chargedes retraites, les salariés ont le sen-timent d’une « réforme sans fin »,qui les déstabilise : « En juillet, lepassage à 41 ans et 2 trimestres aulieu [de 41 ans et 1 trimestre] avaitdéjà provoqué une certaine émo-tion », rappelle-t-il.

«A la suite du plan de rigueur, jemevoisgratifierd’unepeinesupplé-mentaire de 3 mois, et ma retraiten’en sera pas pour autant augmen-tée », ironise Serge, 57 ans et demi,préparateur en pharmacie chezSanofi. Mais il n’a pas le cœur à rire.Car, avec la réforme de 2010, il a dûse faire à l’idée de partir à 61 ans et4 mois, soit seize mois d’activitésupplémentaire. Dans l’emploidepuis l’âge de 18 ans, il a déjà« raté » le dispositif des carrièreslongues àdeux trimestres de coti-sationprès :«Entout,celafait prati-quement deux ans [de travail] deplus. C’est dur, car ma femme vientde prendre sa retraite, et nousavions des projets. »

Pour ceux qui arrivent en fin decarrière, c’est le sauve-qui-peut :arrêter de travailler pour ne pas

subir des réformes encore plusdures, lesquelles finissent de toutefaçon par les rattraper.

Michel, 58 ans, ancien cadrechez LCL, a bénéficié d’une prére-traite en 2009. La banque s’enga-geait à lui verser une rente (65 % deson salaire brut mensuel) jusqu’au30juin 2013, date de ses 60 ans. « Ala suite de la réforme de 2010, nousavons signé un avenant qui prolon-ge ma rente d’une année. Mais là,que va-t-il se passer avec la mesureFillon ? Je crains de me retrouversans revenus pendant trois mois. Sil’entreprise ne veut pas couvrir cet-te période, Pôle emploi voudra-t-ilbien de moi, ou toucherai-je le reve-venu de solidarité active (RSA) ? »,s’inquiète-t-il.

Chez Aluminium Pechiney, quiemploie 2 100 personnes en Fran-ce, la réforme de 2010 a mis fin aucongé de fin de carrière, qui per-mettait de quitter l’entreprise à 57,58 ou 59 ans, en fonction de l’an-cienneté.Avec,enfiligrane, l’accélé-ration du calendrier de la retraiteà 62 ans, les négociations sur lapénibilité patinent : « La directionpropose un départ à 60 ans et demipour les employés en travail posté,relatePhilippeMartin,déléguésyn-dical CFE-CGC. Rester en activitétrois ans et demi de plus, c’est énor-me pour ceux qui sont lessivés parleur boulot. »

Alors que les discussions sur lapénibilité s’ouvrent dans lafédéra-tiondu commerce et de ladistribu-tion, Frank Gaulin, représentantCGT chez Carrefour, pointe l’in-quiétude des salariés : « Ils ne réa-gissent pas vraiment au projetFillon, tant le coup de massue de la

réforme les a abattus. Il n’y aqu’une question: “Comment je vaistenir jusqu’au bout ?”, sans qu’onsache très bien quand celui-ci arri-vera. » A la suite de l’accord seniorsigné en 2009, EURO CRM, sociétéde gestion de la relation clientscomptant 1 200 salariés, a embau-ché une trentaine de quinquagé-naires : « Le prolongement de ladurée d’activité nous impose deredoubler d’efforts sur l’aménage-ment des conditions de travail desplus de50 ans », reconnaît Pia Casa-nova, la présidente.

Les entreprises ont aussi été sur-prises par le changement de calen-drier. Selon Axa France, cela ne per-turbe cependant pas sa gestion del’emploi des seniors, basée autourde trois axes : le développementprofessionnel avec la formation, lapréservationdescompétences-clésavecletutoratetlatransitionactivi-té-retraite. Ce dernier point, objetd’un accord mis en œuvre à l’été,prévoit la possibilité de passer à

tempspartiel sur une période com-prise entre 6 et 30 mois, la rémuné-ration perdue étant en partie com-penséeparl’entreprise:«Lanouvel-le mesure ne fera que décaler dequelques mois l’entrée des person-nes concernées dans le dispositif,précise Didier Aujoux, directeurfinance et analyse ressourceshumaines. A ce jour, 300collabora-teurs s’y sont engagés. »

Chez Total, on estime que lescontraintes s’accumulent ; le grou-pe, qui mettait d’office à la retraitelessalariésayant60 ansetleurs tri-mestres, a d’abord vu sa mécani-quedemobilitésegripper avecl’in-terdiction de cette pratique avantl’âge de 70 ans : « La réforme de2010, poursuivie par la propositiondu gouvernement, complexifie lasituation, explique Odile deDamas-Nottin, directrice rémuné-ration et engagements sociaux.L’instabilitéde la législationne faci-lite pas la planification ; l’allonge-ment de la durée de vie active freine

momentanément les promotions.L’ensembledelagestiondesressour-ces humaines est impacté. »

Chez Auchan, l’accord senior de2009 mettait en place des aména-gements de l’organisation du tra-vail et du temps partiel pour lessalariés âgés ; le distributeur s’est

fixé comme objectif de faire pro-gresser de 10 % l’emploi des plusde55ansd’ici à2012.Avecl’allonge-ment de la vie active, l’équationdevient plus difficile à tenir :« Nous devons garder nos collabo-rateurs plus longtemps, motivésdans leur travail et en bonne santé,ce qui demande des investisse-ments, résume André Her, chargéde la protection sociale. Et, en

mêmetemps, parcequ’une popula-tion plus âgée présente plus de ris-ques de maladie ou d’invalidité, lescoûts de nos contrats prévoyanceexplosent : c’est 15 millions d’eurossupplémentaires.»

L’année 2012, où seront renégo-ciésdenombreux accordssur l’em-ploi des seniors, sera sous hautetension sociale. « Les syndicats nese contenteront pas de mesuresconsensuelles comme le tutorat oules entretiens de mi-carrière, maisils exigeront du concret », préditainsi Sylvain Niel, avocat du cabi-net Fidal.

C’est d’ailleurs l’intention affi-chée par Jean-Michel Daire, délé-gué syndical CFDT d’IBM Paris :« Nous voulons obtenir la créationd’un compte épargne temps pourcongé de fin de carrière, avec abon-dement de l’entreprise de 20 % encas d’utilisation.» Ce que la sociétéd’informatique a toujours refuséjusqu’à présent… p

Nathalie Quéruel

Lesmots de la retraite

Pourlespersonnelsquiarrivent enfindecarrière, c’estlesauve-qui-peut

Les entreprisessont pertubées par la nouvelle donneL’instabilité de la législation ne facilite pas la gestion des ressources humaines

SpécialRetraitesEconomie

Page 38: Le Monde 29 Novembre

10 0123Mardi 29 novembre 2011

«En France,plus on est jeune, plus la confiancedansle système par répartition tend à se réduire»Pour le sociologue Serge Guérin, la certitude de bénéficier, demain, de cet élément de base de l’Etat-providence a vécu

BAPTISTE FENOUIL/REA

Le ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie accueille la

Mercredi 7 décembre 2011

« L’euro a dix ans : qu’est-ce qu’une monnaie ? »Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie139, rue de Bercy - 75012 ParisMétro : Bercy, lignes 14 ou 6, Gare de LyonBus : 87 ou 24

Prix Lycéen «Lire l’Économie»

9h-13h

Plus d’informations surwww.lirelapolitique.com

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Entretien

SergeGuérin est unsocio-logue spécialisé dans laquestion des seniors etdes solidarités entre lesgénérations. Il est égale-ment professeur à l’ESG

Management School et enseigneau sein de l’Executive Master« politiques gérontologiques » deSciences Po Paris.En France, on ne se bouscule paspour se constituer une retraiteprivée, au grand dam desbanquiers et des assureurs.Vous dites pourtant queles jeunes ont déjà enterréla retraite par répartition…

Plus on est jeune et plus laconfiancedanslesystèmederetrai-te par répartition tend à se réduire.Dans un récent sondage Ipsos-Axa,on découvre que 36 % des 25-34 ansdéclarent ne pas être certains debénéficier d’une retraite légale. Ilssont même un quart qui pensentne toucher aucune retraite leurtour venu. C’est un problème defond. La retraite par répartition estun élément de base de l’Etat-provi-dence et du contrat intergénéra-tionnel: les retraités d’aujourd’huisont les cotisants d’hier. Avant, onpensait que ce système nous profi-teraitquoi qu’il arrive.Ce n’estplusforcément le cas.Comment expliquez-vouscette révolution?

Les Français ont tout simple-ment intégré le discours ambiantselon lequel une retraite sur dixn’est pas financée. La prise deconscience du poids de la dette dupays joue également un grandrôle. Il y a deux ans, personne ne sesouciait du AAA.

Par ailleurs, le discours des poli-tiques ne « sécurise » plus. Ainsi,dès 2008, la population grecqueavait accepté de faire des efforts.Mais, aujourd’hui, leurs dirigeantsviennent leur expliquer que cen’était pas suffisant.

On observe ce phénomène enFrance sur la question des retrai-tes… Résultat, à chaque réforme,les plus âgés se dépêchent de sortirdu monde du travail tandis quel’inquiétude grandit chez les plusjeunes.

Pourquoi ne pas se tournerdavantage vers la constitutiond’une épargne destinée à laretraite? Les Français aimentles bas de laine…

Notre taux d’épargne – il s’élèveà 12% selon l’Organisation de coo-pération et de développement éco-nomiques – compte effectivementparmi les plus élevés du monde.C’est une culture qui se transmet :souvent,cesontles grands-parentsqui ouvrent un Livret A à leurspetits-enfants.

Les solutions alternatives deretraite privée se développent bienentendu, avec parfois des effetsdévastateurs. On peut ainsi obser-ver des situations catastrophiquesavec certains de ces produitsd’épargne cotés en Bourse.

Mais les jeunes investissentd’aborddanslelogement,puispen-

sent à des produits très sûrs, typeassurance-vie. Quant aux plansd’épargne retraite collectifs enentreprise (Perco), ils présententquelquesfaiblesses.Lesjeunessala-riésdepetitessociétésn’ontpasfor-cément confiance dans leurs struc-turesenressourceshumaines ,sou-vent peu développées. Pour eux sepose la question de la durée de pré-sencedans l’entreprise.S’ilsn’yres-tent que quelques années, ils nevoient pas forcément l’intérêt des’appuyer sur un Perco.

Au final, personne ne compteréellement sur son épargne pourfinancer sa retraite.Ni répartition ni capitalisation…Que reste-t-il comme solution?La «grève» des cotisations?

Lorsqu’on travaille, on cotise.La question de payer ou non ne sepose pas, sauf dans certains cercles

ultralibéraux. Des individus isolésont aussi fait le choix de sedébrouiller sans travail déclaré,sans mutuelle. C’est une visiontrès individualiste et très risquée.En fait, ces derniers comptent surla solidarité de leur entourage encas de problème.

C’est donc une erreur que dedire que le système par répartitionva exploser. Par quoi le remplacer ?Comment structurer une retraite àpartir de ses seules économies ?L’épargne dépend du mode deconsommation de chacun, dumoment de vie dans lequel on setrouve… Et puis, qui peut vraimentdire ce qui se passera dans quaran-te ans ? Certains pourraient trèsbien s’en sortir. Mais, en réalité, cen’est pas généralisable.Comment redonner confianceaux jeunes sceptiques?

D’abord, on parle sans cesse delutte générationnelle. Mais lesconflits entre juniors et seniorsexistent surtout dans la tête desdécideurs.Biensûr,ilexistedesten-sions. Mais un senior retrouve tou-jours un peu l’image du fils, et lesplus jeunes celle du père. Ce n’estpas la guerre. Il faut déconstruirece discours d’opposition.

L’autre élément porte sur unemeilleure gestion de la parolepublique. Il ne faut pas remplacerl’action par la communication,veiller à ne pas être atteint de« miniréformite » aiguë. Noussommes toujours en train d’ajus-ter plutôt que de lancer un vraidébat national, de décider ensem-ble d’une stratégie et ensuite de s’ytenir. En Suède, la réforme desretraites a demandé quatorze ans.Si l’on parvient à démontrer

qu’une telle refonte est durable-ment viable et équitable, mêmepour les carrières pénibles et lesentrées tardives dans l’emploi, onpourra avancer.Corriger ces défautsne résoudra pas le problèmedu financement des retraites…

Augmenter le taux de contribu-tion sociale généralisée sur lesretraites ne me paraît pas cho-quant, à condition d’éviter de tou-cher les pensions les plus modes-tes. En moyenne, en France, laretraite s’élève à 1 300 euros parmois. Pourquoi ne pas fixer unelimite? Un pensionné sur dix per-çoit plus de 5000 euros par mois…

Reste que la question des retrai-tes est liée au taux d’emploi. Or, endéveloppant la formation conti-nue,la validationdes acquis et l’ap-prentissage, on peut améliorer cedernier. Enfin, nous automatisonsau maximum notre économie.Loin de moi l’idée de faire du « lud-disme », mais parfois cela relèvedu délire – la « gérontotechnolo-gie » aboutit ainsi à l’installationde caméras et de capteurs plutôtque d’employer du personneldanslesmaisonsde retraite.Consé-quence, le taux d’accompagne-mentdes personnes prisesen char-ge est deux fois moins élevé cheznous qu’en Suisse. Collective-ment, nous avons construit unesociété du chômage. p

Propos recueillis par

Julien Dupont-Calbo

Achaque âge, son placement

Parcours

2011 Serge Guérin, né en 1962,publie une nouvelle éditionde La Nouvelle Société desseniors (Editions Michalon).

2010 Conseiller régionald’Ile-de-France (Europe Ecologie-Les Verts).

2008 Lancement de la revueReciproques, centrée sur lesaidants bénévoles etla problématique du don.

2005 Professeur à l’Ecolesupérieure de gestion (ESG)Management School (Paris).

A CHAQUE génération, son épar-gne-retraite. Le long débat sur laréforme des retraites et l’insoute-nabilité de la dette publique, com-mencé bien avant le vote de la loiFillon de 2003, a favorisé la prisede conscience, chez les Français,qu’il était judicieux d’épargnerpour ses vieux jours.

Cependant, la complexité desplacements commercialisés parles banques et les assureurs, sousdes noms parfois abscons – PERP,Préfon, etc. – pour compenser labaisse du niveau de pension issuedu régime par répartition, n’aidepas les actifs dans leur choix. Enréalité, ces produits conçus pour laretraite ne sont pas adaptés à tou-tes les populations. Et selon l’âgede l’épargnant, sa capacité d’épar-gne et ses habitudes de consomma-tion, les produits d’épargne classi-que peuvent s’avérer de bienmeilleurs placements.

Ainsi, le PERP (plan d’épargne-retraite populaire), instauré par laloi de réforme des retraites, neconnaît pas le succès populaireescompté. En dépit d’une fiscalitéavantageuse, ce contrat d’assuran-ce à très long terme, qui permet dedébloquer les sommes épargnéessous forme de rente (ou de capital)dès l’acquisition des droits à laretraite, ne compte que 2,1millionsde souscripteurs sur 30millions de

foyers. Ce faible taux traduit la réti-cence des Français à se constituerune épargne à long terme. L’en-cours d’épargne sur les PERP pla-fonne à 18milliards d’euros, soit8600 euros en moyenne par PERP,somme qui dégage une rente déri-soire pour les futurs retraités, del’odre de 80 euros par an.

Attrait de l’assurance-vie«En dépit de bonifications pour

faire venir les jeunes, ce type decontrat, qui enferme le client en neprévoyant pas de possibilité de sor-tie autre que la retraite, ne fonction-ne pas auprès de cette clientèle,explique Cyrille Chartier Kastler,fondateur du cabinet de conseil enstratégie Facts &Figures.Les carac-téristiques du PERP en font dèslors un produit plus adapté auxactifs de 40, 45 voire 50 ans qu’auxjeunes. « Ce sont les seuls à pouvoiratteindre les versements nécessai-res pour que le produit soit efficace,poursuit M.Chartier, car pour obte-nir une rente de 400 à 600 eurospar mois, il faut un capital de50000à 100000euros !»

Le même constat prévaut pourle produit Préfon, un contrat dit«en points», qui revient à acheterun montant de rente viagère garan-ti. Les jeunes se laissent découra-ger par le montant des sommes àverser pour espérer un complé-

ment de retraite satisfaisant. Exem-ple: un versement de 6700 eurosdonne droit, la retraite venue, àune rente de 60 euros par an.

Pour les jeunes actifs, qui ont enmoyenne peu de revenus et sou-haitent disposer de leur épargne,les contrats les plus liquides pré-sentent plus d’attrait. Parmi ceux-ci, la traditionnelle assurance-vie,proposée par les banques et lescompagnies d’assurances, bloquéepour seulement huit ans. Celle-cireste toujours populaire, même si,du fait des crises successives et dela baisse du pouvoir d’achat, l’âgede la souscription recule. « Les jeu-nes sont de plus en pauvres etentrent de plus en plus tard dans lavie active. C’est désormais vers28-30 ans qu’ils contractent uneassurance-vie», dit M.Chartier.

Un autre placement fait concur-rence aux produits spécial retraite,et sans distinction d’âge: l’acquisi-tion de la résidence principale, quiconstitue l’un des modes privilé-giés de financement de la retraiteen France. Une fois retraités, cesactifs, qui consacrent de 30% à40% de leurs revenus au rembour-sement de leur crédit immobilier,n’auront plus à dépenser d’argentpour payer leur logement. Cettemoindre dépense leur garantiraune certaine aisance financière. p

Anne Michel

EconomieSpécialRetraites

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PAROLES D’EXPERTS DOSSIER RÉALISÉ PAR LE MONDE PUBLICITÉ

L’industrie et plus particulièrement

les métiers très respectés de

l’ingénieur ont été ces dernières

semaines à la pointe de l’actualité. La

décision du groupe automobile PSA de

réduire les effectifs de ses bureaux de

recherche et développement a fait l’effet

d’un coup de tonnerre dans un paysage

jusqu’ici serein, à défaut d’être préservé

de la compétition internationale. Le

s o l d e de nos échanges commerciaux

particulièrement déficitaire, plus de

75 milliards prévus en 2011, remet au

premier plan l’impérative nécessité de

retrouver de la compétitivité. Il faut, disent

nos responsables alertés par les industriels,

rebâtir un socle industriel digne de ce nom.

Du coup, après avoir sanctifié puis maudit

la finance plus question d’ignorer l’industrie.

L’usine retrouve son rang et sa légitimité.

Plus question de fumeuse théorie sur

l’industrie sans usine. Preuve est faite que

c’est le meilleur moyen de disparaître de la

carte économique du globe. Cela dit, les

grands séminaires comme celui ouvert l’an

dernier autour des États généraux de

l’Industrie sont sans ambiguïté : nous avons

changé d’époque. Et de philosophie

industriel le . « Nous sommes trèsenthousiastes pour l’avenir mais aussitrès prudents. On s’attend à de profondschangements des liens entre les sociétésde conseil en technologie et en ingénierieet les entreprises. On va passer à unmodèle où les grandes enseignes vontexternaliser l’ensemble d’un projet quenous piloterons ensemble » remarque

S a n d r i n e A n t i g n a , r e s p o n s a b l e

communication groupe chez Alten. De fait,

les entreprises décalquent de plus en plus le

modèle init ié par l ’automobile et

perfectionné par l’aéronautique qui veut

que les constructeurs, les fabricants,

dessinent l’architecture générale d’un

projet et surveillent la troupe des sous-

traitants qui vont fournir les éléments

avant d’assurer le montage. Entre les deux,

des sociétés d’ingénieurs réaliseront la

re che rche e t déve loppement e t

l’accompagnement technologique. Ce

bouleversement, les ingénieurs ne doivent

les craindre nous disent nos experts. Ils

feront toujours partie des acteurs

incontournables des évolutions à venir. Ce

qui ne signifie pas pour autant que les voies

de la facilité sont ouvertes. Si les ingénieurs

- 31 000 sont diplômés officiellement

chaque année- sont encore une denrée en

nombre limité notamment à cause des

fortes ponctions de secteurs comme le

conseil et l’audit ou la banque toujours à

l’affût de têtes bien pleines et bien faites, la

concurrence est vive. Les jeunes diplômés

par exemple se trouvent en concurrence

avec les ingénieurs confirmés disponibles

qui sont en recherche active d’un poste. Les

plus expérimentés découvrent eux que les

pays émergents ont désormais un réservoir

de talents seniors très compétents et à des

tarifs ultra compétitifs. Il est indispensable

de ne pas se tromper dans l’approche du

marché du travail. « Je constate que lavision est souvent faussée par rapportaux possibilités qui sont offertes auxingénieurs dans nos entreprises. Nousavons besoin de diversité, de talents, deplus de femmes et de profils qui nesortent pas tous du même mouleconceptuel car on attend des ingénieursavec en plus d’un savoir-faire technique,de la créativité » souligne Eve Royer,

directrice recrutement France de AKKA, une

société spécial isée dans le conseil

technologique qui déplore par ailleurs le

manque de formations par rapport aux

besoins dans les filières de l’information

embarquée ou de l’électronique au sens

large. Peut-être par manque de visibilité de

ces métiers. Peut-être aussi par manque de

lisibilité sur l’avenir de ces spécialités très

évolutives.

Besoin de la créativité donc mais aussi de

capacité à communiquer et à diriger. La

gestion des ressources humaines, ce grand

absent des formations scientifiques, est

devenue un socle incontournable dans le

profil d’un bon candidat. Les meilleurs

parmi les ingénieurs ont vocation à devenir

les managers de grands ensembles « 70 %

de nos managers sont des ingénieurs » note

Sandra Antigna.

Cette dimension comportementale peu

souvent soulignée est en réalité un critère

de plus en plus clivant entre les postulants

aux bons postes. « Le volet motivation atoujours la priorité sur le statut del’école et la technique. La dimensioncomportementale est énorme dans nosmétiers. Nos jeunes ingénieurs sont trèsvite aux commandes d’unités deproduction qui sont des véritablesentreprises en elles-mêmes. Il faut savoircommuniquer et au besoin diriger des

compagnons qui ont parfois uneexpérience professionnelle supérieure àl’âge du jeune responsable de chantier »prévient Cédric Mendes, adjoint au DRH de

Colas, le leader de la construction de routes

qui développe des projets d’infrastructures

à travers le monde. Ce savoir-être ne

s’apprend pas ou peu en école. Il est le fruit

d’une personnalité mais aussi de stages.

Tous nos experts insistent sur l’importance

de ces périodes dans l’entreprise durant

lesquelles se forge l’intelligence des

situations techniques mais surtout

humaines. Communiquer, une capacité

longtemps dédaignée par les ingénieurs est

devenue une obligation. Surtout pour ceux

qui veulent tenter l ’expérience de

l’international. Aujourd’hui, 15 % des

ingénieurs français de moins de 30 ans

travaillent sur des projets ou pour des

entreprises à l’étranger.

Quant aux rémunérations pas de soucis :

elles sont à la hauteur des responsabilités

qui doivent être assumées. Pour les

débutants, le salaire médian d’un jeune

diplômé est de près de 34000 euros par an.

Il passe à 38 000 euros dès 30 ans. Et ce

sont les secteurs de l’énergie, des

télécommunications et de la banque (!) qui

offrent en moyenne les plus gros salaires.

L. PM

Faits marquants du mois d’octobre 2011Au mois d’octobre 2011, l’Index Monster de l’emploi pour le secteur del’« ingénierie » a été le secteur le plus dynamique des 21 secteurs enregistréspar l’index avec une croissance de 27%. Cette très bonne performance dusecteur de l’ingénierie est décorrélée du retournement brutal du climat desaffaires depuis le mois de juillet.

Depuis décembre 2010, les offres d’emploi dans l’ingénierie sont plusdynamiques que la moyenne des autres secteurs. Au cours des onze derniersmois, celles-ci ont crû en moyenne de 30% en glissement annuel. Ce rythmetrès soutenu des offres d’emploi dans l’« ingénierie » permet de retrouver dessentiers de croissance comparable à la période record des offres d’emploi dela mi-2007.

Grâce à cette forte reprise, les offres d’emploi dans le secteur de l’ingénierie sesituent actuellement près de 40% au-dessus de leur niveau d’il y a deux ans.

Les catégoriesLes offres d’emploi du secteur de l’ingénierie sont hautement qualifiées.Elles sont composées à 79% de « cadres et dirigeants » et de « professionsscientifiques et intellectuelles ».

La reprisemarquéede l’activité de l’« ingénierie » profite à toutes les catégoriesde professions du secteur mais c’est la catégorie des « cadres dirigeants », quiaffiche la plus forte augmentation (plus de 100%en glissement annuel aumoisd’octobre 2011).

Les régionsPar rapport à lamoyennedes autres secteurs répertoriés par l’Indexde l’emploi,les offres d’emploi dans le secteur de l’«ingénierie » sontmoins concentrées enIDFet plus représentées enprovince.Si la région IDFreste la première région deFrance pour les offres d’emploi du secteur de l’ingénierie, avec 27% des offresd’emploi, elle est cependant sous représentée par rapport aux offres d’emploide l’ensemblede l’IndexMonster de l’emploi qui sont concentréesà35 %en IDF.A l’exceptionde la régionMéditerranée, toutes les régions sont surreprésentéesdans le secteur de l’ingénierie par rapport à leur poids respectif dans les offresd’emploi globales. C’est particulièrement le cas pour la région Rhône-Alpeset la région Ouest qui concentrent à elles deux 34% des offres d’emploi del’ingénierie alors que ces deux régions représentent moins de 29% des offresd’emploi totales de l’Index Monster de l’emploi.

À l’exception de la région Sud-Ouest, toutes les régions de France connaissent,en octobre 2011, une croissance positive, en glissement annuel, des offresd’emploi dans le secteur de l’ingénierie. Trois régions affichent une très fortevitalité des offres d’emploi de ce secteur en octobre : c’est le cas de la régionEst (45% en glissement annuel), de la région Rhône-Alpes (42%) et de larégion Ouest (29%), ces trois régions représentant 45% des offres d’emploidu territoire national du secteur de l’ingénierie.

L’Index Monster de l’Emploi “Ingénierie” du mois d’octobre 2011

Lundi 5 décembre 2011 : Collectivités Territorialesen partenariat avec

On ne connaît pas assezles métiers de l’ingénieriequi sont des accélérateurs

d’expérienceSandrine Antignat

Nous pilotons de grandsprojets pour le compte de

grandes entreprisesEve Royer

On peut très tôt devenirpatron de belles unités quisont des entreprises en

elles-mêmesCédric Mendes

Ingénieurs : l’offre est toujours abondanteLe dossier industrie est au cœur des préoccupations des pouvoirs publics. L’épisode PSA qui a jeté un coup de froid dans le monde de l’ingénierie pourraitlaisser croire que les métiers de l’ingénieur après ceux de la production sont dans la spirale des délocalisations. Si le phénomène n’est plus une rareté, lediplôme d’ingénieur reste néanmoins l’un des passeports les plus efficaces pour pénétrer le marché du travail. Les ingénieurs représentent à eux seuls untiers des offres d’emploi de cadres en France.

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Légende :■ Index «Europe » Vs. 2011

ColasProgramme de recrutements : 2500 à 3000.Profils : Jeunes diplômés débutants à ingénieurs travaux.Stagiaires : 160 (fin de cycle de formation).Expertises et spécialités : Routes, génie civil, bâtiment.Filières : 45 écoles cibles dont les dix établissements du groupe A.International : Projets d’infrastructures ouverts dès les premiers pas dans le métier.Rémunérations : 35/40 K€.À noter : Tour de France durant un an avec rotation tous les 3 mois et une semaine depréavis avant le mouvement.

Akka

Programme de recrutements : 1 800.Profils : Jeunes diplômés et expérimentés.Stagiaires : 150 Paris Toulouse.Expertises et spécialités : Énergie, auto, télécoms, ferroviaire et aéronautique.Filières : Écoles ingénieurs, généralistes et informatiques.International : Partenariat avec Airbus en Allemagne.Rémunérations : 35/38 K€.À noter : Centre recherche véhicule électrique, région parisienne, ouvert aux stagiaires.

AltenProgramme recrutements : 2 600.Profils : Jeunes diplômés et expérimentés.Stagiaires : Oui.Expertises et spécialités : Auto, télécoms, aéronautique.Filières : 10 écoles « Platinium » (rang 1 + ISEP, ECE, etc.). Recrutement sur l’ensembledu territoire.International : 70 nationalités dans le groupe.Rémunération : 35/38 K€.À noter : School Bus pour la tournée des écoles et partenaire du Raid Centrale Paris.

« Nous sommes en train de changer de dimension grâce aurachat d’Aéroconseil, une société d’ingénieurs spécialiséedans la maintenance aéronautique et les systèmes denavigation qui outre le nombre de collaborateurs (noussommes désormais 7 000) nous ouvre de nouvellesperspectives à l’international où nous réalisons désormais15 % de notre chiffre d’affaires. Comme toutes lessociétés de conseil en technologie et en ingénierie, lesévolutions du secteur automobile nous concernent. Cetteactivité est sur des cycles de plus en plus courts et moinsvalorisée que l’aéronautique, l’énergie ou les télécoms.Cela dit, nous avons un centre de recherche sur le véhiculeélectrique ouvert aux stagiaires de dernière année à quinous donnons carte blanche pour créer et inventer desconcepts nouveaux. Par ailleurs, nous présentons nosprojets dans les écoles de façon à montrer la réalité desmissions que peuvent embrasser les jeunes diplômés cheznous. Il y a me semble-t-il une méconnaissance et parfoismême une vision déformée de ce que l’on peut faire dansnos sociétés. En multipliant les contacts avec les écolesà qui nous proposons des cartes blanches, nous nouspermettons aussi de faire jouer la diversité des approcheset l’émulation.Dans ce cadre,nous espérons aussi recruterdes femmes ingénieurs. Je note enfin le problème nouveauet aigu du sort des étudiants étrangers. Nous les formonset nous ne pouvons pas les recruter. C’est un terriblegâchis, dans certaines filières comme l’informatique etles systèmes d’information, ils composent parfois jusqu’à50 % des étudiants. »

Eve Royer

Directrice recrutementFrance

Akka

« Nous sommes à la fois enthousiastes et prudents. Nous

pressentons de profonds changements dans les liens qui

unissent les conseils en technologie et en ingénierie et les

grands industriels. On va passer peu à peu à un modèle

où les entreprises externalisent l’ensemble d’un projet

dont nous aurons l’entière responsabilité. Cela signifierait

une profonde mutation de nos « business model » et de

nos organisations. Dans l’automobile ou l’aéronautique,

les grands noms ne seraient plus que les architectes

et les surveillants des chaînes industrielles et de leurs

sous-traitants. Pour nous, cela signifie être capable de

travailler avec des centres de décisions répartis dans le

monde entier. Cette intégration va modifier l’approche

du métier de l’ingénieur. Ce sont des éléments que nous

analysons notamment dans le cadre de nos relations avec

les écoles. Principalement celles, les « Platiniums », avec

lesquelles nous avons des relations privilégiées. Il me

semble toutefois que ces changements ne modifient pas

les fondamentaux du métier d’ingénieur qui restera un

accélérateur d’expérience offrant à des jeunes diplômés

de 25 ans des responsabilités importantes à la fois sur

le champ technique mais aussi dans celui des rapports

humains. Il est significatif que 70% de nos managers sont

des ingénieurs. Je peux simplement déplorer la difficulté

de recruter des femmes hors des spécialités des sciences

de la vie. »

Sandrine Antignat

Responsablecommunication groupe

Alten

« Cela peut paraître paradoxal en ces temps de grise mine,mais nous sortons d’une période de ralentissement duBTP. Aujourd’hui, nous avons des carnets de commandespleins et de gros projets notamment d’infrastructures àl’international. De façon synthétique, nous pouvons direque 80 % de nos activités sont orientées autour de laconception et la construction de routes puis dans le géniecivil et le bâtiment. Ce redressement a une forte influencesur nos volumes de recrutements avec des offres de postesà l’étranger mais aussi la multiplication par deux de nosoffres de stages ingénieurs. Nous considérons que c’estle meilleur moyen de bien recruter. Et pour les candidatsde s’engager à bon escient: 80 % de nos recrues sont nosanciens stagiaires.Je suis conscient que notre notoriété dans les classementsemployeur est encoremodestemais nous sommes un grosemployeur d’ingénieurs et je regrette que trop souventles jeunes diplômés nous découvrent trop tard. C’est pourcorriger cette faille dans le parcours d’information desétudiants que nous élaborons notre stratégie autour duslogan « cherche partenaire pour relation indéterminée ».Nous avons défini une cinquantaine d’écoles cibles dont lesdixmembres du groupeAmais nous avons surtout analyséquels types de formation permettaient aux étudiants deréussir dans nos métiers. Ce n’est pas une coquetterie:nous leur demandons très tôt de devenir des patronsd’unité autonome avec sous leurs ordres des compagnonsqui ont parfois 20 ou 30 ans d’expérience terrain. Lesvolets motivation et comportemental sont dominantspar rapport à l’école et à la fiche technique du candidat. »

Cédric Mendes

Adjoint au DRH

Colas