Le juge d’appui français et l’arbitrage international...1 Décrets n 80-354 du 14 mai 1980 et n...
Transcript of Le juge d’appui français et l’arbitrage international...1 Décrets n 80-354 du 14 mai 1980 et n...
UNIVERSITE DE MONTPELLIER 1
CENTRE DE DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU MARCHE
MASTER II RECHERCHE DROIT DU MARCHE
Le juge d’appui français et l’arbitrage international
Par Lara Chaouachi
Mémoire réalisé sous la direction du professeur
Daniel Mainguy
Et sous la codirection du professeur
Carine Jallamion
Année universitaire 2010/2011
2
Remerciements
Je tiens à adresser mes plus sincères remerciements à :
Monsieur Daniel Mainguy, Professeur à la Faculté de droit de Montpellier et Directeur du
Master Recherche Droit du Marché, pour m’avoir permis de suivre ce parcours et pour ses
riches enseignements.
Madame Carine Jallamion, Professeur à la Faculté de droit de Montpellier, Directrice du
Diplôme Universitaire d’arbitrage, pour m’avoir confortée dans ma passion pour la matière
arbitrale et pour ses riches enseignements.
Mlle Alexandra Pauls, Doctorante à la faculté de droit de Montpellier, pour m’avoir donné
de précieux conseils jusqu’au dernier moment.
Et enfin, à l’ensemble de la promotion 2010/2011 du Master II Recherche de Droit du
Marché, son équipe doctorale ainsi que tous ceux dont le nom n’apparait pas dans ces
quelques lignes, qui m’ont aidé d’une manière ou d’une autre.
3
SOMMAIRE
INTRODUCTION......................................................................................................... 5
PARTIE 1 UNE COMPETENCE TERRITORIALE ELARGIE EN FAVEUR
DE L’ARBITRAGE INTERNATIONAL ................................................................ 15
CHAPITRE 1 DES CRITERES DE COMPETENCE TERRITORIALE ETENDUS
PAR LA JURISPRUDENCE ET CONSACRES PAR LE DECRET DU 13 JANVIER
2011 .......................................................................................................................................... 15
CHAPITRE 2 LA CONSECRATION DE LA COMPETENCE INTERNATIONALE
DU JUGE D’APPUI FRANÇAIS ........................................................................................ 21
PARTIE 2 UNE INTERVENTION ETENDUE ET RENFORCEE EN FAVEUR DE
L’ARBITRAGE INTERNATIONAL .................................................................................. 35
CHAPITRE 1 UNE COMPETENCE MATERIELLE ETENDUE EN FAVEUR DE
L’EFFICACITE DE L’ARBITRAGE ................................................................................ 35
CHAPITRE 2 UNE INTERVENTION ETENDUE EN FAVEUR DE L’EFFICACITE
DE L’ARBITRAGE .............................................................................................................. 52
CONCLUSION GENERALE ............................................................................................... 67
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................ 71
TABLE DES MATIERES ..................................................................................................... 75
4
INTRODUCTION
Le droit français de l’arbitrage, issu de la codification napoléonienne de la procédure
civile de 1806 (prévu aux articles 1003 à 1028 de l’ancien code de procédure civile), avait
fait l’objet d’une véritable révolution lors de l’adoption des décrets du 14 mai 1980 et 12 mai
19811 (dont les dispositions avaient été intégrées dans le code de procédure civile
2 aux
anciens articles 1442 et s.) qui constituait alors la naissance d’un droit moderne de l’arbitrage.
Ces règles ont par la suite été complétée, étayées et amplifiées par la jurisprudence qui elle
même a contribué à la construction d’un droit favorable à ce mode de règlement des conflits.
C’est ainsi qu’elle s'est employée à reconnaître l'arbitrage comme une forme de justice à
part et même, en matière internationale, comme le mode normal de règlement des
différends.
En matière d’arbitrage international, la Cour de cassation n’a eu de cesse d’assurer,
par une utilisation systématique de la méthode des règles matérielles, l’efficacité de
l’arbitrage, tant en ce qui concerne la convention d’arbitrage que l’exécution de la sentence.
Cette démarche à l'égard de l'arbitrage international s'est traduite, sur le plan de la
méthode, par un abandon complet de la méthode conflictuelle et par le développement
d'un nombre important de règles matérielles, au premier rang desquelles figure le
principe de faveur à l'arbitrage, ainsi que par la reconnaissance progressive de
l'arbitrage comme un ordre juridique autonome.
Le décret du 13 janvier 20113 vient préciser et clarifier ce droit et notamment en y
incorporant des solutions jurisprudentielles majeures. De plus, cette réforme innove tout en
cherchant à préserver l’équilibre entre les différents « acteurs » de l’arbitrage : les parties,
dont la liberté occupe une place fondamentale dans le cadre de ce mode de règlement des
conflits, le tribunal arbitral dont la préservation de l’autorité et l’autonomie sont nécessaires
et enfin le juge d’appui, consacré par le texte, et dont l’appui à la procédure arbitrale est
indispensable.
1 Décrets n°80-354 du 14 mai 1980 et n° 81-500 du 12 mai 1981, Rev.arb., 1980.583 et Rev.arb., 1981.449
2 La loi n°2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit (JO du 21 décembre 2007,
p.20639) a abrogé le code de procédure civile de 1806 et a intitulé « Code de procédure civile » ce que l’on
désignait depuis 1975 par les termes de « nouveau code de procédure civile » 3 Décret n°2011-48 du 13 janvier 2011 portant réforme de l'arbitrage, Rev.arb., 2011.289
5
Ce décret portant réforme de l’arbitrage innove en donnant d’avantage d’efficacité et de
souplesse à l’arbitrage et témoigne d’une faveur toujours plus importante à l’arbitrage
international.
I-Les Principaux apports du décret du 13 janvier 2011
La réforme du droit français de l’arbitrage interne et international intervient plus de 30
ans après son introduction dans le Code de procédure civile (CPC) par les décrets des 14 mai
1980 et 12 mai 1981.
Le décret du 13 janvier 2011 a pour objectif de « consolider une partie des acquis de la
jurisprudence qui s’est développée sur cette base, d’autre part, d’apporter des compléments à
ce texte afin d’en améliorer l’efficacité et, enfin, d’y intégrer des dispositions inspirées par
certains droits étrangers dont la pratique a prouvé l’utilité » 4
La réforme consacre un livre IV relatif à l’arbitrage, dans lequel, il reprend en les complétant
et les réorganisant les anciennes dispositions. Il entrera en vigueur le 1er
mai 2011 avec
différentes modalités selon la date de la Convention d’arbitrage ou de la constitution du
Tribunal arbitral (art. 3 du décret).
Les principaux apports de la réforme du droit français de l’arbitrage peuvent être
envisagés en trois grands axes : la consécration de certains principes dégagés par la
jurisprudence, l’assouplissement de certaines règles conformément aux nécessités de la
pratique, la soumission au respect de principes fondamentaux.
§1 La consécration de certains principes dégagés par la jurisprudence
Le décret vient préciser et clarifier le droit français de l’arbitrage, notamment en y
incorporant de nombreuses solutions dégagées par la jurisprudence. Toutefois, les textes
n’avaient pas pour objet de couvrir toutes les questions de droit de l’arbitrage international,
des questions de fait dont l’appréciation est déterminante et doit rester l’apanage de la
jurisprudence.
4 Rapport au Premier ministre que le Garde des Sceaux a eu l’initiative de publier au Journal officiel avec le
décret : JO, 14 janvier 2011, texte n° 9, NOR: JUSC1025421D, p.777
6
Le Décret admet les effets de la clause compromissoire dans le contexte de groupes de
contrats (1442 al.2 CPC). Il est précisé que la clause est une convention par laquelle les
parties « à un ou plusieurs contrats » s’engagent à soumettre les litiges qui pourraient naitre
« relativement à ce ou ces contrats » semble viser les groupes de contrats5. Cette disposition
semble ne pas être applicable en matière internationale car l’article 1506 n’y renvoie pas. Or,
la jurisprudence en matière de groupes de contrats a été principalement érigée dans le cadre
d’espèces mettant en cause des arbitrages internationaux : les contrats en cause devant être
liés pour être couverts par la clause et donc participer à la réalisation ou de la transformation
d'un accord entre les parties. La validité et l’efficacité de la clause compromissoire figurant
dans les groupes de contrats ont été admises depuis la réforme de 1981. L’effet d’une clause
compromissoire figurant dans un contrat-cadre s’étend sans difficulté aux litiges nés de
l’exécution des contrats pris entre les parties en exécution de l’accord-cadre. L’effet de ces
clauses a même été étendu à des tiers dont l’implication dans l’exécution du contrat-cadre
faisait présumer qu’ils s’étaient soumis à la clause compromissoire y figurant.
Cette modification, en matière d’arbitrage interne, quant à l’efficacité des clauses
compromissoires dans les groupes de contrats, semble être de nature à rapprocher droit interne
et droit international de l’arbitrage sur ce point. Les solutions jurisprudentielles à cet égard,
internes comme internationales, demeurent inchangés, il restera nécessaire que ces contrats
soient liés pour qu’ils soient couverts par la clause.
Le décret consacre le principe d’autonomie et plus précisément le principe
d’indépendance de la Convention d’arbitrage (1447 al.1 CPC). Ce principe a été proclamé en
matière internationale par l’arrêt Gosset datant de 19636 et plus récemment en matière
interne7. Il résulte de ce principe que la convention d’arbitrage « n’est pas affectée par
l’inefficacité » du contrat qui la contient. Une efficacité ayant pour objet de parer à
l’ensemble des causes qu’un plaideur pourrait être tenté d’invoquer pour paralyser la
convention d’arbitrage (telles que les allégations de nullité, résolution, résiliation, caducité ou
absence d’entrée en vigueur du contrat contenant la convention d’arbitrage).
Il est prévu la possibilité pour les parties, tant que le tribunal arbitral n’est pas
constitué, de saisir les juridictions étatiques pour le prononcé de mesures provisoires ou
conservatoires. Ainsi, l’article 1449 CPC, qui est applicable tant en matière interne qu’en
5 Rapport au Premier ministre, JO, 14 janvier 2011, texte 8, NOR : JUSC1025421P
6 Cass.civ. 1
re, 7 mai 1963, Bull. civ. I, n° 246
7 Cass.civ. 2
e,, 4 avril 2002 et Cass. Com. 9 avril 2002, JCP, 2002 II 10154
7
matière internationale, vise à combler la lacune que les décrets de 1980-1981 avaient fait
apparaitre et qui est celle de savoir si le principe de l’incompétence des juridictions étatiques
qui résulte de la stipulation d’une convention d’arbitrage s’étend ou non aux mesures
d’instruction ou aux mesures provisoires et conservatoires. Cette disposition du décret du 13
janvier 2011 tente de synthétiser les solutions jurisprudentielles rendues en la matière.
L’article 1466 sanctionne la partie qui s’abstient de se prévaloir d’une irrégularité, en
connaissance de cause et sans motif légitime. Cela constitue l’innovation principale
relativement aux obligations des parties dans l’audience. Rapprochée de l’idée de
renonciation à se prévaloir des griefs, de bonne foi, de la bonne foi, du principe de cohérence
ou encore du principe de l’estoppel, cette règle fonctionne désormais comme un filtre
préalable à la vérification des éventuels griefs prévus pour le recours en annulation. Le décret
entérine une règle qui s’était progressivement imposée en droit français au travers de la
jurisprudence8.
Le décret consacre également le pouvoir d’astreinte des arbitres dans la production des
éléments de preuve détenus par une partie à travers l’article 1467 CPC. Cette disposition
reprend, pour l’appliquer à la production d’un élément de preuve détenu par une partie
récalcitrante, la jurisprudence qui avait admis que le tribunal arbitral puisse lui adresser une
injonction « au besoin à peine d’astreinte »9. Le décret partage ainsi la conception de la
jurisprudence selon laquelle le prononcé d’une astreinte « constitue un prolongement inhérent
et nécessaire à la fonction de juger », complément de la juris dictio et non partie de
l’imperium merum10
qui lui échapperait à l’arbitre, puisqu’il n’a pas le pouvoir de rendre sa
sentence exécutoire. Comme l'a montré Monsieur Jarrosson, l'arbitre, dont l'investiture est
contractuelle, n'est pas un juge étatique ; à la différence de celui-ci, il n'a que la « juris
dictio » et non l' « imperium ». L’arbitre dispose donc d'un pouvoir juridictionnel imparfait
qui ne s'exerce qu'à l'égard des parties à la convention d'arbitrage. La possibilité expresse pour
l’arbitre de recourir à l’astreinte est exprimée de façon plus générale par l’article 1468 qui
8 Cass.civ. 1
re, 6 juillet 2005, Goishani c/ Gouvernement République islamique d'Iran, Rev.arb., 2005.993, note
P. Pinsolle 9 Paris, 24 mai 1991, Rev.arb., 1992.636, obs. J. Pellerin : dans cette affaire, l’astreinte visait à assurer
l’exécution de la sentence ; Paris, 1re
Ch. C, 7 octobre 2004, Rev.arb., 2005.737, note E. Jeuland : la mesure,
prise sous forme de sentence partielle, limitait son effet à la durée de l’instance. 10
Ch. JARROSSON, Réflexions sur l'imperium, Etudes offertes à P. BELLET, Litec, 1991, p. 246 245 :
Monsieur JARROSSON (n° 81) distingue l'"imperium merum", correspondant "aux pouvoirs spécifiquement
concernés par l'emploi de la force et de la contrainte" et l"imperium mixtum", une composante de l'imperium
"...reliée à la juris dictio à l'efficacité de laquelle elle contribue (ex. certaines mesures d'administration judiciaire,
le pouvoir d'injonction ou d'ordonner des astreintes)", l'arbitre pouvant être doté de l'"imperium mixtum" mais
pas de l'"imperium merum".
8
l’applique à « toute mesure conservatoire ou provisoire qu’il juge opportune, la limite résidant
dans la compétence exclusive du juge étatique pour « ordonner des saisies conservatoires et
suretés judiciaires ». Il est à noter que le recours à l’astreinte ne nécessite pas qu’il soit pris
par une sentence, l’article 1468 al. 2 précisant que « Le tribunal arbitral peut modifier ou
compléter la mesure provisoire ou conservatoire qu’il a ordonné ».
§2 L’assouplissement de certaines règles conformément aux nécessités de la pratique
Le décret vient d’abord simplifier certaines règles de procédure. Ainsi, il détermine le
juge d’appui et son rôle en matière interne et internationale, il simplifie et redéfini les voies de
recours à l’encontre de ses décisions, il consacre la possibilité de recourir, au préalable, en cas
de différends, aux organismes institutionnels (en cas d’insuffisance de désignation des
arbitres, démission, empêchement des arbitres…).
Le décret unifie le régime de la clause compromissoire et du compromis (1442 CPC) :
les règles prévues sont moins nombreuses et uniformisées pour les deux formes de convention
d’arbitrage à la seule exception de l’article 1445 qui conserve l’exigence, nécessairement
particulière au compromis, de la détermination de l’objet du litige.
Le texte supprime la nullité en cas d’absence ou d’insuffisance de désignation des
arbitres (1444 CPC) et définit des modalités de résolution des éventuels différends. Il
supprime également les causes de fin de l’instance arbitrale (ancien art. 1464) relative aux
révocations, décès, empêchement, absence, récusation d’un arbitre. Seul est conservé
l’expiration du délai d’arbitrage. Ce sont désormais des causes de suspension de l’instance. Le
décret définit les notions d’interruption de l’instance et des causes de sursis de l’instance
(1471 et s. CPC)
Le prononcé de la sentence devient le point de départ du délai dans lequel est enfermé
l’exercice des voies de recours ordinaires (1456 CPC) alors qu’avant il s’agissait de la date de
signification de l’exequatur.
Enfin, spécifiquement à la matière internationale (la disposition étant déjà prévue en
matière interne), le texte de réforme ajoute une disposition relative à la signature des arbitres
de la sentence et l’hypothèse de refus de l’un d’entre eux (1513 CPC).
§3 La soumission de la procédure arbitrale au respect de principes fondamentaux
9
Il est rappelé à l’article 1464 CPC que les principes directeurs du procès s'appliquent
en matière d'arbitrage. Le renvoi à l'article 11 du Code de procédure civile a cependant fait
l'objet d'une modification qui permet désormais d'envisager la production de documents
nécessaires à l'instruction de l'affaire par des tiers.
En matière internationale, l’article 1510 CPC ajoute le principe selon lequel le tribunal
arbitral garantit l’égalité des parties et le principe de la contradiction.
II-Le libéralisme du droit français de l’arbitrage en faveur de l’arbitrage
international
L’adoption du Décret de réforme s’inscrit dans la conception française de l’arbitrage
international qui reste guidée par un fort libéralisme, fondé sur la liberté contractuelle et limité
par le seul ordre public international. L’ambition de ce libéralisme est certainement de
conforter la position de Paris, siège très fréquemment choisi dans l’arbitrage commercial
international.
§1 Un libéralisme significatif se manifestant à toutes les étapes de la procédure arbitrale
Ce libéralisme qui fait la spécificité du droit français de l’arbitrage vis-à-vis de la
matière internationale s’exprime à travers les règles matérielles et les solutions
jurisprudentielles qui encadrent la convention, l’instance ainsi que la sentence arbitrale.
A-Libéralisme quant à la convention d’arbitrage
Le décret proclame «l’indépendance » de la convention d’arbitrage prévue à l’article
1447 al 1 CPC. Depuis l’arrêt Gosset11
, l’autonomie de la clause compromissoire est
considérée, dans l’ordre international, comme une règle matérielle de droit international privé.
La cour de cassation à cet égard a pu parler de règle matérielle de droit de l’arbitrage
international dans l’arrêt Unikod12
. Le décret fait usage du terme indépendance, terme plus
précis que celui d’autonomie, ainsi, elle ne sera pas « affectée par l’inefficacité du contrat qui
la contient ». L’intérêt du terme « inefficacité » réside dans le fait qu’il englobe l’ensemble
des causes qu’un plaideur pourrait invoquer pour paralyser la convention d’arbitrage.
11
Cass.civ. 7 mai 1963, Rev.arb., 1963.60 12
Cass.civ. 1re
, 30 mars 2004, Rev.arb., 2005.959
10
Le texte de réforme prévoit que « la convention d’arbitrage n’est soumise à aucune
condition de forme » (1507 CPC). Cela constitue une dérogation à l’article II de la
Convention de New York dans le sens d’une plus grande faveur à l’arbitrage. L’écrit reste
toutefois la solution privilégiée en pratique car en cas de nécessité, il sera plus aisé de prouver
l’existence de la convention d’arbitrage. Cette nouvelle disposition pourrait permettre d’éviter
les contestations de clauses compromissoires pour des raisons formelles ou faciliter
l’admission des clauses par référence13
.
Cette conception libérale du droit de l’arbitrage s’exprime également à travers l’arrêt
Galakis14
datant de 1966 et selon laquelle les personnes morales de droit public sont aptes à
compromettre et ne peuvent exciper de leur loi nationale pour échapper à la convention
d’arbitrage qu’elles ont souscrite reste en vigueur quoique non reprise par le décret. Cela
s’explique par des considérations constitutionnelles tenant au domaine respectif de la loi et du
décret.
B-Libéralisme quant à l’instance arbitrale
L’instance arbitrale ne peut débuter que si l’arbitre est bien compétent. La contestation
de cette compétence relève du principe de compétence-compétence. Cette règle est largement
répandue dans le droit comparé de l’arbitrage international, cependant, elle y prospère surtout
sous la forme de l’effet positif (malgré une acceptation croissante de l’effet négatif du
principe, les systèmes juridiques allemand et américain y restent hostiles) de ce principe qui
consiste à reconnaitre à l’arbitre la compétence pour statuer sur sa propre compétence, c'est-à-
dire sur la validité ou l’efficacité de son investiture à l’égard d’un plaideur qui la conteste. En
droit français de l’arbitrage international, cet effet positif est doublé et renforcé d’un effet
négatif qui s’adresse aux juridictions étatiques saisies d’un litige devant lequel la compétence
arbitrale est revendiquée par le défendeur. L’article 1448 consacre l’effet négatif du principe à
l’arbitrage international, ce que la jurisprudence a eu l’occasion de faire lors de l’affaire
Métu15
pour en limiter l’application dans l’affaire American Bureau of Shipping16
, et clarifie
13
Cass.civ.1re
, 9 novembre 1993, Bul.civ. I N° 313 p. 218 : « En matière d'arbitrage international, la clause
compromissoire par référence écrite à un document qui la contient, par exemple des conditions générales ou un
contrat-type, est valable, à défaut de mention dans la convention principale, lorsque la partie à laquelle la clause
est opposée, a eu connaissance de la teneur de ce document au moment de la conclusion du contrat, et qu'elle a,
fût-ce par son silence, accepté l'incorporation du document au contrat » 14
Cass.civ. 1re
, 2 mai 1966, Rev.arb., 1966.99 15
Cass.civ. 1re
, 1er
décembre 1999, Société Métu System France c/ société Sulzer, Rev.arb., 2000.98
11
la rédaction de l’ancien article 1458 (article qui n’était applicable qu’en matière interne), sans
pour autant en changer la substance. En vertu de cet article, les juridictions étatiques ne
peuvent connaître du litige relevant de la convention d’arbitrage, sauf si le tribunal arbitral
n’est pas encore saisi et si la convention d’arbitrage est manifestement nulle ou
manifestement inapplicable. Afin d’assurer une pleine efficacité à l’article 1448, son dernier
alinéa prévoit que toute stipulation contraire est réputée non écrite. Cette obligation de
dessaisissement vise à protéger le pouvoir de l’arbitre tandis que la réserve de la nullité de la
convention vise à protéger les parties du risque de déni de justice
A ce niveau du contrôle de la validité de la convention d’arbitrage s’exprime pleinement
l’autonomie de l’instance arbitrale puisqu’il n’y a pas de concurrence des compétences
étatiques et arbitrales et cette solution d’exclusion des juridictions étatiques est favorable à
l’arbitre tout en faisant rempart aux entreprises dilatoires du plaideur de mauvaise foi.
C-Libéralisme quant à la sentence arbitrale
Au niveau de la sentence arbitrale, le libéralisme du droit français de l’arbitrage se
manifeste à travers une solution jurisprudentielle selon laquelle une sentence internationale
n’est rattachée à aucun ordre juridique et à travers les textes qui favorisent la reconnaissance
et l’exécution des sentences arbitrales.
L’arrêt Putrabali17
datant de 2007 pose la solution selon laquelle une sentence
internationale n’est rattachée à aucun ordre juridique. La jurisprudence semble exprimer le
fait que le lien de rattachement constitué par le siège de l’arbitrage ne constitue pas une
intégration de la sentence arbitrale dans l’ordre juridique du siège. En effet, selon le lieu ou la
sentence doit être rendue (qui sera donc le lieu du siège de l’arbitrage) constitue un lien de
rattachement pris en compte aussi bien par le droit français lui même (lorsqu’il ouvre une voie
de recours en annulation des sentences rendues en France)que par la Convention de New
York, cela n’empêche pas que certaines dispositions spéciales du décret viennent parfois
limiter les effets de ce lien de rattachement.
Le Décret, quant à lui, apporte des innovations remarquables, destinées à simplifier et
à accélérer la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales.
16
Cass.civ.1re
, 26 juin 2001 : Société American bureau of Shipping (ABS) c/ Copropriété maritime Jules Verne
et autres, Rev.arb., 2001.529 : l’arrêt réaffirme que seule la nullité manifeste de la convention d’arbitrage est de
nature à faire obstacle à l’application de l’effet négatif du principe de compétence-compétence. 17
Cass.civ.1re
, 29 juin 2007, Rev.arb., 2007.507
12
La réforme prévoit deux nouveautés concernent la notification de la sentence. Cette étape
faisant courir les divers délais de recours. Avant le décret, la notification nécessitait
l’obtention préalable d’une ordonnance d’exequatur auprès du juge étatique, puis une
signification à l’adversaire par acte d’huissier. Selon le pays dans lequel l’adversaire était
situé, cette notification pouvait prendre plusieurs mois.
Désormais, la notification de la sentence ne devra plus être précédée de la procédure
d’exequatur (1484, 1494, 1519, 1522 CPC); la sentence pourra être notifiée dès que le
tribunal arbitral la rendra. De surcroît, la signification par voie d’huissier ne sera obligatoire
que si les parties n’ont pas convenu d’un mode plus rapide et moins onéreux, comme la
notification par courrier électronique.
De plus, le Décret confère à la sentence arbitrale internationale rendue en France ou à la
sentence arbitrale étrangère la capacité d’être immédiatement exécutée, rompant avec le
régime classique de l’effet suspensif des voies de recours contre la sentence. Désormais,
l’exécution forcée pourra être mise en œuvre sans attendre l’épuisement des délais de recours
ou en dépit de l’exercice, par la partie adverse, d’un recours contre la sentence (1526 CPC). Il
était quelque peu antinomique de consacrer le caractère définitif de la sentence arbitrale
internationale et de pouvoir en différer l'effet s'agissant d'une sentence rendue en France, par
la simple introduction d'un recours en annulation sans aucun fondement juridique sérieux.
L'effet suspensif était acquis même si la jurisprudence se la cour d'appel était sévère et
n'annulait que rarement une sentence internationale.
La nouveauté la plus emblématique est constituée par la possibilité qu’auront les parties à un
arbitrage international de pouvoir renoncer, à l’avance, au recours en annulation contre la
sentence internationale rendue en France (1522 CPC). Cette possibilité de renonciation, qui
n’est offerte que dans de très rares pays, pourra ainsi être inscrite dans la convention ou le
règlement d’arbitrage. En pareille hypothèse, la sentence arbitrale internationale rendue en
France deviendrait en fait immuable puisqu’elle ne pourra jamais y être annulée.
§2 Le juge d’appui français : une intervention étatique in favor arbitri
L’intervention du juge d’appui illustre parfaitement la complémentarité entre justice
étatique et justice arbitrale, de plus, le juge d’appui constitue une juridiction étatique qui
« personnalise » le libéralisme du droit français vis-à-vis de l’arbitrage. Bien qu’utilisée
depuis de logues années par la doctrine et la jurisprudence français, la notion de juge d’appui
13
est originaire du droit suisse, en droit français, cette intervention ne saurait être confondue
avec d’autres interventions étatiques à la procédure arbitrale et sa spécificité réside dans le fait
que ce juge étatique se soit fait le « garant » du bon déroulement des procédures d’arbitrage
internationales.
A-Le juge d’appui : une notion empruntée au droit suisse
La notion de juge d’appui a été, d’un point de vue terminologique, empruntée à la
doctrine suisse de l’arbitrage puis consacrée par la doctrine et la jurisprudence française.
Aux termes de l’article 179 de la Loi fédérale suisse sur le droit international privé
(LDIP) du 18 décembre 1987, en vigueur depuis janvier 1989, les arbitres sont nommés,
révoqués ou remplacés conformément à la convention des parties ; à défaut d’une telle
convention, le juge du siège du tribunal arbitral peut être saisi ; il applique par analogie les
dispositions du droit cantonal sur la nomination, la révocation ou le remplacement des
arbitres ; lorsque le juge est appelé à nommer un arbitre, il donne suite à la demande de
nomination qui lui est adressée, à moins qu’un examen sommaire ne démontre qu’il n’existe
entre les parties aucune convention d’arbitrage.
Conformément à l’idée maitresse du chapitre 12 (sur l’arbitrage international) de la LDIP, la
convention d’arbitrage a la primauté pour tout ce qui concerne la constitution du tribunal
arbitral, qu’elle figure dans la convention d’arbitrage ou dans le règlement d’arbitrage adopté
par elles. Ce n’est qu’à défaut d’accord des parties ou de décision de l’organe choisi par elles
qu’il peut être fait appel au juge d’appui. L'intervention du juge d'appui est nécessaire toutes
les fois qu'il y a défaillance dans le mécanisme prévu par la convention des parties. Elle ne se
limite pas aux seuls cas où les parties n'ont pas opté pour un arbitrage institutionnel ou n'ont
pas chargé un tiers de nommer un arbitre. En effet, toute déficience dans l'engrenage de la
procédure de nomination des arbitres que les parties auraient choisie, emporterait
systématiquement comme conséquence, l'intervention du juge judiciaire d'appui à l'arbitrage.
Les textes réformant le droit de l’arbitrage ont reconnu une importance particulière à
cette notion de juge d’appui, de surcroit, la réforme du droit français de l’arbitrage va encore
plus loin que le droit suisse de l’arbitrage dans sa faveur à l’arbitrage international et
concernant l’intervention du juge d’appui à la procédure arbitrale internationale. En effet, le
décret consacre des acquis jurisprudentiels venus étendre la compétence territoriale et
matérielle du juge d’appui et en accroissant l’étendue de son intervention.
14
Toutefois, les interventions du juge d’appui ne doivent pas être confondues avec
d’autres interventions du juge étatique.
B-Le juge d’appui : une intervention distincte d’autres interventions étatiques à
la procédure arbitrale
Le décret attribue cette fonction particulière de juge d’appui, pour ce qui est de
l’arbitrage international, au président du tribunal de grande instance de Paris (1505 CPC).
Sans être nommée, cette compétence était déjà prévue par le décret de 1980. Le décret met en
évidence cette fonction et nomme expressément son titulaire : le juge d’appui, une fonction
mise en exergue par la réforme et distinguée d’autres interventions étatiques que le juge peut
être amené à effectuer dans le cadre de la procédure arbitrale.
Il convient donc de distinguer le juge d’appui du juge des référés de l’article 1449
CPC, qui vise, en cas de stipulation d’une clause compromissoire, la compétence de ce juge
avant que le tribunal ne soit constitué et ce sur demande d’une des parties « afin d’obtenir une
mesure d’instruction, une mesure provisoire ou conservatoire. Les demandes de mesures
provisoires ou conservatoires ne seront admises qu’en cas d’urgence.
Le juge d’appui ne doit pas être confondu avec le juge de l’article 1469 qui est
compétent pour connaitre des questions de délivrance d’actes ou de production de pièces par
un tiers dont la compétence territoriale est fixée par le droit commun de la compétence, c'est-
à-dire le juge du lieu du domicile du tiers.
Le juge d’appui n’est évidemment pas non plus le juge de l’exequatur ou encore le
juge de l’annulation, son rôle étant d’assister la procédure et non de la contrôler, aussi
superficiel que soit le contrôle de la sentence arbitrale internationale en France.
C-Le juge d’appui : le « bon samaritain18
» de l’arbitrage international
Les législations contemporaines, et le droit français de l’arbitrage en particulier,
confèrent au juge d’appui une série de pouvoirs qui découlent, précisément, d’une utilisation
appropriée de la clause compromissoire et qui se concrétisent par une intervention dite in
favor arbitri, nettement distincte de l’intervention traditionnelle qui impliquait une véritable
interférence avec l’arbitrage.
18
Ph. Fouchard, E. Gaillard, B. Goldman, Traité de l’arbitrage commercial international, Litec, 1996, n°838
15
Cette dimension d’assistance, qui implique une intervention positive du juge, laisse
clairement entrevoir un rapprochement entre l’arbitrage et la juridiction étatique puisque la
réalisation du premier, qui est une manifestation de justice privée, suppose en de nombreuses
hypothèses l’appui du juge étatique, que ce soit pour mettre en marche les conventions
d’arbitrage dites pathologiques, pour désigner les arbitres ...
Dans le cadre de l’arbitrage international, le juge d’appui français symbolise le
libéralisme du droit français de l’arbitrage vis-à-vis de la matière internationale car, au delà de
son rôle d’assistance, ces interventions permettent l’efficacité de la procédure arbitrale, alors
même que certaines conventions d’arbitrage ne sont pas toujours des plus claires et s’avèrent
parfois pathologique. A moins que la clause ne soit manifestement nulle ou inapplicable, le
juge d’appui, s’il est compétent, pourra pallier aux situations pathologiques et mettre fin aux
manœuvres dilatoires des parties de mauvaise foi.
Partie 1 UNE COMPETENCE TERRITORIALE ETENDUE ET ACCRUE
EN FAVEUR DE L’ARBITRAGE INTERNATIONAL
L'ancien article 1493 CPC prévoyait la compétence du juge d’appui parisien dans deux
cas, soit lorsque l'arbitrage se déroule en France, soit lorsque les parties ont prévu
l'application de la loi de procédure française. Ces deux conditions d'application sont reprises
par l'article 1505 CPC, lequel ajoute deux nouveaux cas de compétence du juge d’appui, à
savoir lorsque les parties ont donné compétence aux juridictions étatiques françaises pour
connaître des différends relatifs à la procédure arbitrale et lorsque l'une des parties est
exposée à un risque de déni de justice. Comme le souligne le rapport au Premier ministre,
l'ajout de ces deux nouveaux chefs de compétence du juge d’appui de la procédure arbitrale
témoigne et renforce l'idée en vertu de laquelle le droit de l’arbitrage international français est
ouvert sur l'étranger et a une vocation universelle.
Chapitre 1 Des critères de compétence territoriale étendus par la jurisprudence
et consacrés par le décret du 13 janvier 2011
Les critères de compétences initialement prévus par les décrets de 1980 et 1981 ont
été étendus par lé décret 2011 à l’article 1505 CPC (correspondant à l’ancien article 1493) qui
prévoit la compétence du juge d’appui français lorsque les parties auront choisi de donner
compétence aux juridictions françaises pour connaitre des différends relatifs à la procédure
16
arbitrale. Parmi ces chefs de compétence, l’un procède du lieu de l’arbitrage et les deux autres
procèdent de la simple volonté des parties de lier leur litige avec la loi ou les juridictions
françaises.
Section 1 La compétence du juge d’appui procédant du lieu l’arbitrage : un chef de
compétence issu d’une conception localisatrice de l’arbitrage
Le chef de compétence le plus fréquemment mise en œuvre est celui du siège de l’arbitrage,
ce critère revêt un caractère éminemment représentatif de la conception localisatrice de
l’arbitrage.
§1 La compétence du juge d’appui procédant du lieu de l’arbitrage se situant en France
Ce chef de compétence prévu à l’article 1505-1° CPC constitue l’hypothèse la plus fréquente
et si elle se conjugue avec l’une des autres prévues au même texte, c’est elle qui sera mise en
œuvre.
Ce chef de compétence ne pose pas de difficulté particulière et la jurisprudence a pu faire
application de cette règle à maintes reprises, cette hypothèse de compétence du juge d’appui
français étant la plus fréquente, et notamment dans le cadre d’un arbitrage international dont
la convention d’arbitrage était remise en cause et dont la constitution du tribunal arbitral
rencontrait quelques difficultés.
Dans un arrêt datant du 20 février 200719
, la première chambre civile de la cour de cassation
rappelle que le juge d’appui est compétent pour pallier aux difficultés crées par une clause
d’arbitrage, un arbitrage international se déroulant en France.
Dans un contrat figurait une clause d'arbitrage, donnant compétence dans un premier
paragraphe à l'AFA et dans un deuxième à la CCI. Considérant que la clause d'arbitrage était
manifestement inapplicable, une partie actionne son adversaire devant le tribunal de
commerce. La partie défenderesse invoquant le principe « compétence-compétence » soulève
l'incompétence du tribunal.
19 Cass.civ. 1
re, 20 février 2007 : UOP NV c. BP France - Pourvoi n
o 06-14.107
17
Le problème est porté devant la cour d'appel qui tranche en faveur du demandeur. Elle retient
que les termes de la convention qui désignent de façon impérative deux institutions arbitrales
sont contradictoires et qu'une nouvelle manifestation de volonté est nécessaire pour la rendre
efficiente. Tel était le problème posé à la Cour de cassation dans cette affaire UOP contre BP
France.
Dans son arrêt, la Cour de cassation censure la Cour d'appel. Elle juge que le principe
compétence-compétence n'a pas été respecté: les motifs retenus par la Cour d'appel sont
impropres à caractériser une inapplicabilité manifeste de la clause d'arbitrage parce qu'elle ne
constate pas une absence de volonté des parties de recourir à l'arbitrage et que le juge d'appui,
seul compétent pour statuer sur les difficultés de constitution du tribunal arbitral n'avait pas
été saisi.
Le critère essentiel retenu par la Cour de cassation est celui de la volonté des parties de
recourir à l'arbitrage. A la Cour d'appel qui voyait dans la nécessité de recourir à une nouvelle
manifestation de la volonté des parties la tare viciant la clause d'arbitrage, la Cour de
cassation répond que cette nouvelle manifestation n'est pas nécessaire puisqu'il est toujours
possible de recourir au juge d'appui pour pallier aux difficultés créées par la clause
d'arbitrage.
Ce faisant, la Cour de cassation ne retire pas aux parties la possibilité de porter leur litige
devant l'une ou l'autre des institutions arbitrales désignées dans la clause. La logique du
principe compétence-compétence voudrait en effet qu'avant de recourir au juge d'appui, ce
soit un tribunal arbitral constitué sous l'égide des règles de l'une ou l'autre des ces institutions
qui statue sur sa compétence. Le juge d'appui n'aurait à être saisi que dans l'hypothèse où le
tribunal arbitral jugerait que la clause d'arbitrage n'est pas valable.
Depuis les décrets de 1980 et 1981, le droit français de l’arbitrage n’avait pas pour
seul objet de réglementer le régime de l'arbitrage international se déroulant en France, mais
correspondait à une visée universelle : les règles posées étaient applicables à tout arbitrage
international, y compris à ceux qui se déroulent à l'étranger et il était ainsi prévu que le juge
d’appui français serait compétent en cas de choix par les parties de la loi de procédure
française pour encadrer la procédure arbitrale.
18
§2 Le lieu de l’arbitrage : un chef de compétence s’inscrivant dans une conception
localisatrice de l’arbitrage international
La Convention de New York sur l'arbitrage international, signée à Genève le 21 avril
1961 fait expressément du siège de l’arbitrage un critère de rattachement. En outre, par la
ratification massive dont elle a bénéficié, le critère du siège serait celui le plus communément
admis à travers le monde. Nombreuses sont d'ailleurs les lois nationales qui s'y réfèreraient
directement.
Les tenants d'une conception territorialiste de l'arbitrage estiment traditionnellement
que le lieu du siège du tribunal arbitral sert à déterminer la compétence du juge d'appui. A ce
sujet, deux raisons permettent de nuancer le rôle du siège de l’arbitrage international.
D'une part, dès qu'il s'agit d'un arbitrage institutionnel, le centre d'arbitrage va exercer la
quasi-totalité des attributions du juge d'appui. Et dans l'arbitrage international, il est rare qu'il
n'y ait pas de centre d'arbitrage.
D'autre part, et surtout, la jurisprudence la plus moderne, la plus innovante ainsi que les textes
réformant le droit français de l’arbitrage, ont montré que le juge d'appui pouvait être
compétent, même si le siège de l'arbitrage était fixé dans un pays tiers. En décidant, dans un
arrêt illustre20
, que le risque de déni de justice pouvait suffire à fonder la compétence du juge
d'appui, la Cour de cassation française a une fois de plus incontestablement réduit les
conséquences juridiques de la localisation du siège du tribunal arbitral.
Le siège du tribunal ne s’avère pas toujours significatif car il se montre en réalité facile à
contourner.
Section 2 La compétence du juge d’appui français procédant de la volonté des parties de
recourir à la loi ou aux juridictions françaises
Au déroulement de l'arbitrage en France, ou à l'accord des parties pour soumettre l'arbitrage à
la loi de procédure française, le décret réformant le droit français de l’arbitrage ajoute
l'attribution de compétence aux juridictions françaises pour connaître des différends relatifs à
la procédure arbitrale comme chef de compétence du juge d’appui français. Le juge d’appui
sera ainsi compétent lorsque les parties auront fait le choix d’appliquer la loi de procédure
20
Cass.civ. 1re
, 1er
février 2005, Rev.arb. 2005.693, note H. Muir Watt
19
française à la procédure arbitrale ou lorsqu’elles auront attribué compétence aux juridictions
françaises afin de trancher en cas de différent relatif à la procédure arbitrale. Ces chefs de
compétence sont une illustration significative de l’importance primordiale du choix des
parties dans le cadre de l’arbitrage international.
§1 La compétence du juge d’appui procédant du choix des parties de recourir à loi de
procédure française ou aux juridictions françaises pour résoudre tout différend relatif à
la procédure arbitrale
Ce chef de compétence procédant du choix par les parties de la loi de procédure
française, prévu à l’article 1505-2° CPC est, en pratique, moins mis en œuvre que le
précédent. Il intéresse le choix par les parties de la procédure française pour organiser la
procédure d’arbitrage ou pour trancher les incidents de procédure.
Cette hypothèse est conditionnée au fait que le siège de l’arbitrage soit situé à l’étranger ou
n’ait pas fait l’objet d’un choix.
Dans le cadre de cette hypothèse, un conflit de compétence avec le juge étranger est possible.
En effet, si le siège de l’arbitrage est fixé à l’étranger, certaines des règles locales entrent en
conflit avec la loi de procédure française, notamment si elles connaissent des modalités de
recours au juge étranger en cause. Cependant, sous l’empire du décret de 1980-1981, ce risque
de conflit de compétence ne s’est pas concrétisé.
L’avantage de cette règle de compétence est de pouvoir bénéficier du juge d’appui français,
véritable « bon samaritain de l’arbitrage » selon le professeur Fouchard, alors même que le
siège de l’arbitrage n’a pas été fixé en France. En pratique, il arrive souvent que le lieu du
siège soit purement juridique, tandis que l’arbitrage se déroule, concrètement, ailleurs pour
différentes raisons. Ainsi, les audiences auraient lieu dans un autre lieu que celui fixé pour
l’arbitrage pour des raisons tenant aux infrastructures. Ainsi, le choix du juge d’appui
français, seraient dans ce type de circonstance, légitime et cohérent avec la volonté des parties
de tenir les audiences en France alors que le siège juridique de l’arbitrage est fixé à l’étranger.
Suite à l’adoption décret de janvier 2011, le président du tribunal de grande instance
sera compétent lorsque les parties auront décidé de donner compétence aux juridictions
étatiques pour connaitre des différents liés à la procédure arbitrale.
Ce chef de compétence est prévu à l’article 1505-3° CPC, le juge d’appui français sera
compétent pour intervenir dans la procédure lorsque les parties lui auront « expressément
20
donné compétence pour connaitre des différents relatifs à la procédure arbitrale ». il est ici
question d’une attribution de juridiction au juge français pour le contentieux de la procédure
arbitrale, sans pour autant avoir le contrôler la sentence arbitrale rendue à l’étranger.
Dans cette hypothèse également, un conflit positif de compétence avec le juge étranger est
possible, des lors que ce dernier estimera que la parties ne pourront valablement renoncer à sa
compétence.
§2 La compétence du juge d’appui découlant du choix des parties ou la place
primordiale accordée à la volonté des parties dans le cadre de l’arbitrage international
En matière d’arbitrage international, le décret de janvier 2011 donne une forte flexibilité aux
parties dans le choix des règles applicables. Il ne renvoie aux règles de l’arbitrage interne que
sur certains points précis et aux règlements des institutions d’arbitrage quand la procédure
doit être conduite par une telle instance.
Deux améliorations majeures sont instituées. D’une part, les parties peuvent renoncer au
recours en annulation lorsqu’elles choisissent Paris (ou la France) comme siège de l’arbitrage,
si elles ne comptent pas demander l’exécution en France. Par contre, si la sentence est rendue
à l’étranger, l’ordonnance d’exequatur peut être frappée d’appel. D’autre part, les voies de
recours contre la sentence n’ont plus d’effet suspensif, pour éviter les recours dilatoires. Le
juge saisi pourra néanmoins arrêter ou aménager l’exécution de la sentence si elle risque de
léser gravement les droits de l’une des parties.
Cette réforme du 14 janvier 2011 redonne une place très importante aux parties à
l’arbitrage, qui pourront anticiper plusieurs sujets dès la rédaction de leurs contrats et
notamment la compétence du juge d’appui français en faisant le choix de recourir à la loi de
procédure française ou aux juridictions françaises pour connaitre de la procédure arbitrale et
des différents qui lui sont relatifs.
En opérant de tels choix, les parties formulent clairement leur volonté de rattacher tout
différent lié à la procédure arbitrale aux juridictions françaises ou à la loi de procédure
française, la compétence du juge d’appui n’est pas directement choisie par les parties,
cependant, le président du tribunal de grande instance sera à même de résoudre le conflit qui
lui est soumis, avec l’obligation de respecter la volonté exprimée par les parties à travers la
convention d’arbitrage.
21
Dans le cadre d’un arbitrage, la phase de la constitution du tribunal arbitral est probablement
l’une des plus âprement disputées de la procédure arbitrale. Les parties sont convaincues que
le sort de leur litige dépend de sa réussite ou de son échec. Ainsi, leur première préoccupation
concerne la désignation de leur arbitre. Mais la véritable difficulté surgit lorsqu’il faut
désigner l’arbitre unique ou le tiers arbitre. Comme il est appelé à jouer un rôle essentiel dans
les délibérations du tribunal arbitral, sa désignation fait l’objet de pourparlers qui peuvent être
très longs.
D’où, aussi, un risque d’échec, car une partie peut avoir, pour toutes sortes de motifs, intérêt à
contrarier ou à différer, autant qu’il est possible, la constitution du tribunal arbitral. C’est là ce
qui rend nécessaire l’institution du juge d’appui qui en intervenant, fait application de la
volonté initiale des parties de recourir à un arbitrage. Outre la désignation de l’arbitre,
d’autres problèmes peuvent survenir et remettre en cause la mise en œuvre de la procédure
arbitrale et, sauf si la convention d’arbitrage est nulle ou manifestement inapplicable, le juge
d’appui œuvrera à la mettre en application la volonté initiale des parties de recourir à un
arbitrage pour résoudre leurs différents.
Chapitre 2 La consécration de la compétence universelle du juge d’appui français
fondée sur un déni de justice par le décret du 13 janvier 2011
L'intégration de l'hypothèse de déni de justice consolide l'un des plus grands arrêts de
la Cour de cassation en matière d’arbitrage international l'arrêt NIOC21
, lequel a reconnu la
compétence du juge étatique en tant que juge d’appui de la procédure arbitrale dès lors que les
parties étaient confrontées à un risque de déni de justice et qu’il existait un lien de
rattachement, même « ténu », entre le litige et la France. Dans le prolongement de la
jurisprudence Putrabali22
, qui consacre l'autonomie du droit de l’arbitrage international
français par rapport aux autres droits nationaux, le décret réformant le droit français de
l’arbitrage n'oblige pas, pour que la compétence du juge français soit constituée en cas de
risque de déni de justice, que le litige présente un quelconque lien de rattachement avec la
France. En ce sens, le nouveau décret consacre le caractère universel du droit de l’arbitrage
21
Cass.civ. 1re
, 1er
février 2005, Etat d'Israël c/ Sté NIOC, Rev.arb., 2005. 693, note H. Muir Watt 22
Cass.civ. 1re
, 29 juin 2007, PT Putrabali Adyamulia c/ Rena Holding, Rev.arb., 2007.507, rapport J.-P. Ancel,
note E.Gaillard
22
international français que le décret du 12 mai 1981 avait mis en œuvre sans l'afficher aussi
clairement.
Section 1 La Consécration jurisprudentielle d’un chef de compétence universelle du juge
d’appui français
Réunie en formation plénière, la première chambre de la cours de cassation affirme
que « L'impossibilité pour une partie d'accéder au juge, fût-il arbitral, chargé de statuer sur sa
prétention, à l'exclusion de toute juridiction étatique, et d'exercer ainsi un droit qui relève de
l'ordre public international consacré par les principes de l'arbitrage international et l'article 6,
§ 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, constitue un déni de justice qui fonde
la compétence internationale du président du tribunal de grande instance de Paris, dans la
mission d'assistance et de coopération du juge étatique à la constitution d'un tribunal arbitral,
dès lors qu'il existe un rattachement avec la France ».
§1 La compétence internationale du juge d’appui français conditionnée à l’existence
d’un déni de justice
Cette solution, qui pose un nouveau chef de compétence du juge d’appui français,
présente un caractère exceptionnel, tant au niveau des circonstances de l’affaire qu’au niveau
du fondement de cette compétence exorbitante qui ne répond pas aux conditions posées par
l’article 1493 NCPC qui encadrait la compétence du juge d’appui.
A-Une affaire atypique mettant en exergue un « déni de justice arbitrale »
Les faits de l’affaire étaient exceptionnels et il est peu probable que les juridictions
françaises, et notamment le juge d’appui français, aient, de si tôt, à fonder la compétence
internationale de ce dernier sur un déni de justice doublé d’un lien de rattachement entre le
litige et la France.
La National Iranian Oil Company (la NIOC) a conclu en 1968 avec l'État d'Israël un contrat
de construction et d'exploitation d'un oléoduc courant de la cote d'Ashquelon en Iran jusque
dans le golfe d'Eilat en Israël. La clause compromissoire ad hoc contenue dans le contrat
prévoyait que si les deux arbitres choisis par les parties ne s'accordaient pas sur le nom du
troisième, il serait demandé au « président de la Chambre de commerce internationale de Paris
de nommer ce troisième arbitre ». En l’espèce, la CCI interviendrait, en cas d’absence
d’accord des co-arbitres, en tant qu’autorité de nomination, n’ayant alors pour seule fonction
que la nomination du tiers arbitre. Dans cette hypothèse l’arbitrage est un arbitrage ad hoc et
23
la procédure arbitrale n’est pas organisée ou administrée par la CCI et son règlement
d’arbitrage.
Fait original, la encore, la difficulté de constitution du tribunal arbitral ne découle pas
de la désignation du troisième arbitre, mais de celle du deuxième. En effet, une fois le litige
né, en 1994, l'État d'Israël refusa de choisir quelqu'un, alors que la NIOC avait notifié son
propre choix. Huit mois après l'expiration du délai contractuellement prévu pour que l'État
d'Israël procède à son choix, la NIOC saisit le président du Tribunal de grande instance de
Paris pour lui demander d'y procéder en lieu et place du défendeur défaillant, comme le
prévoit l'article 1493 du NCPC. Voulant à tout prix éviter la constitution du tribunal arbitral,
l'État d'Israël contesta la compétence du juge d’appui français arguant du fait que le siège de
l'arbitrage n'était pas prévu pour être en France et que la loi de procédure française n'avait pas
été choisie par les parties, alors que ce sont les deux conditions d'application alternatives de
l'article 1493 du NCPC. Le Procureur de la République de Paris requit d'ailleurs dans ce sens
à l'audience. Il a été entendu puisque, dans une première ordonnance, le président du Tribunal
de grande instance de Paris énonça que le « déni de justice» n'était pas constitué tant qu'il
n'était pas prouvé que la juridiction israélienne refusait de nommer un arbitre alors même que
le gouvernement israélien avait annoncé que ce serait le cas23
.
Intervient alors un événement judiciaire en Israël dont la NIOC estimait qu’il scellait
la l’impossibilité pour elle d’accéder à la justice ailleurs qu’en France. En effet, selon une
décision Manbar rendue par le tribunal de première instance de Tel-Aviv-Jaffa, l’Iran était
désormais considéré comme un état ennemi, cela entrainait un certain nombre de
conséquence : l’accès au juge israélien était interdit aux ressortissants ennemis, tandis que les
décisions rendues dans un tel pays ne seraient pas reconnues. Ainsi, la NIOC était interdite
d’accès devant le juge israélien, et donc il lui serait impossible de d’obtenir le concours à
l’encontre de l’état signataire de la clause, tandis que, s’il était encore théoriquement possible
de solliciter le secours du juge iranien, sa décision serait privée d’effet en Israël. Comme
l’admet la cour de cassation dans l’arrêt rapporté, le jeu de la clause d’arbitrage était alors bel
et bien bloqué et ce de façon durable. Une fois cela constaté, la NIOC saisit à nouveau le
président du Tribunal de grande instance de Paris à fin de nomination, mais quatre ans avaient
déjà passé. L'État d'Israël s'opposa à cette nomination en écartant l'argument du risque de déni
23
TGI Paris, 10 janvier 1996, Rev.arb., 2002.429
24
de justice et en arguant que la clause compromissoire pathologique car dépourvue de système
palliatif pour désigner le deuxième arbitre. L'État d'Israël fut une deuxième fois suivi par le
président du Tribunal de grande instance de Paris qui, relevant que les conditions de sa
compétence internationale posées par l’article 1493 al.2 du NCPC faisaient toujours défaut,
estima que sa compétence ne pouvait être retenue sans « contact territorial ou législatif avec la
France ». Il ajouta que l'impossibilité de saisir les juridictions israéliennes était temporaire et
qu'elle reposait sur des raisons politiques qu'il ne lui appartenait pas de juger. Mais
l'ordonnance laissa la porte ouverte énonçant tout de même que la compétence « pourrait être
exceptionnellement étendue en présence d'une situation de déni de justice », s'« il existe un
lien suffisant de rattachement de l'arbitrage avec la France»24
.
Suite à cette décision la Cour d'appel de Paris s'est prononcée trois fois, les 28
septembre 200025
, 29 mars 200126
et 8 novembre 200127
. Si le premier arrêt de la Cour d'appel
concerne une question de pure procédure relative à la recevabilité d'un contredit de
compétence contre la décision du juge d’appui et si le troisième arrêt est celui qui nomme un
arbitre au lieu et place de l'État d'Israël, c'est surtout à partir du deuxième arrêt que l'on peut
tirer des enseignements, même si la Cour de cassation a, dans la décision ici rapportée, joint
les pourvois formés contre les deux derniers arrêts. Dans l’arrêt du 29 mars 2001, la cour
d’appel infirme l’ordonnance attaquée, cependant, la cour en a repris une partie du
raisonnement, tout en parvenant à une conclusion inverse. Ainsi, elle a pu estimer que le droit
positif ne permettait pas au juge français d'être compétent, sauf en cas de déni de justice, et s'il
y a un contact avec la France. Contrairement au juge d’appui, la Cour d'appel estima que le
déni de justice ainsi que le contact avec la France étaient constitués. Le juge d’appui français
était donc compétent. L'arrêt énonce ainsi : « Ce juge (d’appui) peut encore intervenir en cas
de déni de justice avéré à l'étranger, le droit pour une partie à une convention d'arbitrage de
voir soumettre ses prétentions à une juridiction arbitrale étant une règle d'ordre public que le
juge français, comme tout autre, a vocation à faire respecter dans l'exercice de ses attributions
de soutien à l'arbitrage ; son intervention doit toutefois être justifiée par un contact avec la
France. [...] Le juge français était et est encore le moins mal placé pour désigner un arbitre et
permettre ainsi à la société de droit iranien d'accéder à la juridiction arbitrale ». Le 8
novembre 2001, la cour d’appel a même estimé que le premier juge avait commis un excès de
24
TGI Paris, 9 février 2000, Rev.arb., 2002.431 25
Paris, 28 septembre 2000, Rev.arb., 2002.427 (1re esp.), note P. Fouchard
26 Paris, 29 mars 2001, Rev.arb., 2002.427 (2
e esp.), note P. Fouchard
27 Paris, 8 novembre 2001, Rev.arb., 2001.925
25
pouvoir négatif en n’exerçant pas ses pouvoirs de juge d’appui à raison du déni de justice dont
la NIOC se trouvait victime du fait de l’impossibilité durable ou elle se trouvait de soumettre
ses prétentions au Tribunal arbitral.
Un pourvoi est formé contre cet arrêt d’appel, la société NIOC est cette fois
défenderesse. Le problème qui se pose alors aux juges du droit est de déterminer si le juge
d’appui peut être compétent quand bien même les conditions prévues à l'article 1493 du
NCPC ne sont pas respectées.
Réunie en formation plénière, la première chambre civile rejette le pourvoi opéré au nom du
refus du déni de justice et du refus de la compétence du juge d’appui français en l’absence des
critères posés par l’article 1493 du NCPC. La cour de cassation relève en effet que le déni de
justice est caractérisé.
B-Un déni de justice justifiant la compétence internationale du juge d’appui
français
Le principal apport de la décision commentée est relatif à la notion de déni de justice.
Rejetant le moyen tiré de ce qu'un tel déni suppose l'impossibilité d'obtenir justice au fond
devant une juridiction étatique (la société Nioc n'avait jamais tenté de saisir un juge du fond
du litige), la Cour énonce en termes très généraux qu'il y a déni de justice en cas
d'impossibilité pour une partie d'exercer son droit d'accès à l'arbitre, droit qu'elle fonde sur
l’ordre public international, les principes de l'arbitrage international et sur l'article 6, § 1 de la
Convention européenne des droits de l'homme. Cette affirmation doit être précisée car si on
peut considérer qu'il existe un « droit à l'arbitre», c'est en réalité dans l'impossibilité d'accéder
au juge d'appui que réside le déni de justice.
Pour la Première chambre civile, le fondement de la compétence exorbitante du juge
français confronté à un déni de justice en matière d'arbitrage est donc triple : l'ordre public
international, les principes de l'arbitrage international et l'article 6, § 1 de la CEDH. Ces trois
fondements ne sont pas respectés si les parties à une convention d'arbitrage ne pouvaient
recourir à un juge d’appui pour les aider à constituer leur tribunal arbitral.
La violation du droit d'accès au juge est assurément une atteinte à l'ordre public international
et à l'article 6, § 1 de la CEDH. Il s'agit même d'un droit garanti par toutes les sources du droit
processuel. Dès lors que les parties choisissent de trancher leur litige par la voie de l'arbitrage,
26
le droit au juge devient le droit à l'arbitre et doit être protégé avec la même vigueur.
La référence à la convention européenne des droits de l’Homme peut surprendre car ces
dispositions ne sont pas directement applicables à l'arbitrage, d’autant plus que la même
chambre de la Cour de cassation l'avait solennellement affirmé le 20 février 2001 lorsqu'elle
avait énoncé que « la CEDH, qui ne concerne que les États et les juridictions étatiques, est
sans application [pour l'arbitrage] »28
. Cependant, il convient d'apporter deux précisions :
d'une part, cela ne signifie pas que les garanties fondamentales de bonne justice énoncées par
cet article ne soient pas présentes dans l'arbitrage; ce ne sont pas les garanties énoncées dans
l'article 6, § 1 qui ne s'appliquent pas à l'arbitrage, mais c'est l'article lui-même, au sens
formel, qui ne s'impose pas à l'arbitre. D'autre part, l'article 6, § 1 reste naturellement
applicable au juge étatique qui, comme en l'espèce, se prononce à l'occasion d'une procédure
arbitrale.
En conséquence, l'article 6, § 1 CEDH fournit ici le fondement juridique du chef exceptionnel
de compétence du juge d’appui. Le droit à l'arbitre permet de dépasser la lettre de l'article
1493 du NCPC, voire de l'outrepasser, au nom d'un principe fondamental avec lequel cet
article pourrait sinon se trouver en contradiction. Cet arrêt offre donc, seize ans après la
jurisprudence La Belle Créole29
, une nouvelle extension des pouvoirs du juge d’appui, qui ne
concerne plus les étapes de la procédure arbitrale dans lesquelles il peut intervenir, mais les
parties impliquées par ces pouvoirs.
En se fondant sur cet article, la cour de cassation admet qu’en refusant leur concours en
l’occurrence à la constitution du tribunal arbitral, les juridictions françaises commettraient
elles même un déni de justice. La question est donc celle de l’imputabilité aux juridictions
françaises d’un refus d’accès au juge qui a sa cause directe dans le comportement d’un état
étranger. Sur ce point la question n’est pas spécifiques au déni de justice arbitrale et reste
donc distincte de celle, très controversée, de l’applicabilité de l’article 6 §1 de la CEDH au
domaine de l’arbitrage. Le problème ici n’est pas de savoir si l’article en cause est applicable
devant le juge mais est en revanche celui de l’effet indirect ou dérivé de ce texte. A cet égard,
une jurisprudence importante de la cour de Strasbourg a progressivement admis l’hypothèse
de la violation indirecte ou dérivée du procès équitable dans les arrêts Soering c/ Royaume-
28
Cass.civ. 1re
, 20 février 2001, Rev.arb., 2001.511, note Th. Clay 29
TGI Paris, 12 juillet 1989, Rev.arb., 1990.176 (1re esp.), note Ph. Kahn
27
Uni, Drozd et Jamousek c/ France et Espagne et Pelligrini c/ Italy. Une telle situation se
présente lorsqu’un état partie prolonge par sa propre action une atteinte au procès équitable,
virtuelle ou acquise, commise dans un état étranger qu’il soit partie ou non à la convention.
Cela peut être le cas de l’extradition d’un individu vers un état ou il risque de subir une peine
elle même contraire aux exigences de la convention, ou encore, celui de l’exequatur d’une
décision issue d’un procès inéquitable dans son état d’origine. En admettant qu’un état puisse
prolonger un déni de justice initial par un refus d’y apporter un remède, l’arrêt rapporté vient
ici enrichir la catégorie de la violation indirecte de l’article 6 §1 d’un nouveau cas de figure :
l’impossibilité d’accéder à la justice dans un autre état devient imputable à un autre des lors
qu’il ne met pas ses propres juridictions au service de l’accès du demandeur à la justice. En
soit l’apport de l’arrêt sur ce point est intéressant. Cependant, la question demeure de savoir
dans quelle conditions une violation indirecte de l’article en cause peut être constituée. Il
serait certainement excessif d’admettre que tout état dont les juridictions sont saisies par un
demandeur qui ne parvient pas à accéder à une juridiction d’appui dans un autre état,
commettrait une violation dérivée du procès équitable en refusant de concourir à la
constitution du tribunal arbitral, indépendamment des liens qu’il entretient avec le litige ou les
parties. La question est celle, classique, du rattachement requis pour fonder la compétence
internationale d’un état en cas de déni de justice.
La cour se fonde aussi sur les « principes de l'arbitrage international ». Ce n'est pas la
première fois que la Cour de cassation se réfère aux principes de l'arbitrage international. Elle
l'a fait notamment pour le principe de validité de la clause d'arbitrage international30
, pour le
principe compétence-compétence et pour le principe de l'égalité des parties dans la
désignation des arbitres31
. La cour a pu également, comme en l'espèce, citer « les principes de
l'arbitrage international», sans préciser de quel principe il s'agissait. Lorsqu'elle est ainsi
muette sur le principe de l'arbitrage international qu'elle vise, on peut se demander quel est le
principe concerné, voire si cette référence ne se suffit pas à elle-même.
Il convient de s’interroger sur le principe auquel la Cour pourrait faire référence. Si elle devait
renvoyer à un principe en l'espèce, on pourrait penser au principe Pacta sunt servanda. Mais
il n'y a pas de raison particulière pour qu'il s'applique ici plus qu'ailleurs, et il n'est pas
spécifique à l'arbitrage international. La difficulté, en l’espèce, est relative à la constitution du
30
Cass.civ. 1re
, 5 janvier 1999, Rev.arb., 1999.260, note Ph. Fouchard 31
Cass.civ. 1re
7 janvier 1992, Dutco, Rev.arb,. 1992.470, note P. Bellet
28
tribunal arbitral. Or il est établi que « toutes les lois d'arbitrage permettent aux parties de saisir
le juge en vue de désigner les arbitres32
». C'est une règle universellement et la Cour, sans le
nommer, vise probablement un principe que l'on pourrait appeler le principe du droit au
concours d'un juge d’appui ou, mieux encore, le principe du droit à l'arbitre, ce qui serait un
autre grand apport de cet arrêt. Il est aussi possible de considérer que la Cour ne vise pas de
principe spécifique, considérant que le renvoi à ceux de l'arbitrage international suffit car il
constituerait un ordre juridique à lui seul33
, ce qui serait tout à fait caractéristique de la
sollicitude de l’ordre juridique français à l’égard de l’arbitrage international.
§2 La Compétence internationale du juge français conditionnée à un rattachement du
litige avec la France
La première chambre de la cour de cassation pose deux conditions nécessaires à la
compétence universelle du juge d’appui français, le risque d’un déni de justice ainsi que
l’existence d’un lien de rattachement entre le litige et la France. Cependant, le lien de
rattachement relevé par les juges du Droit, qualifié de « ténu », semble en réalité insignifiant,
de sorte que l’on peut s’interroger sur la nécessité de préserver cette condition lorsqu’un
risque de déni de justice est avéré.
A-L’exigence d’un lien de rattachement du litige avec la France
La société NIOC, confrontée à la situation de fait qui l'empêchait de trouver un juge
pour nommer un arbitre, saisit le juge d’appui parisien au motif que le contrat litigieux, et la
clause compromissoire inclue, comportaient un certain nombre d'éléments montrant que les
parties avaient souhaité localiser leur arbitrage à Paris. Effectivement, certains éléments
pouvaient « rattacher » l’arbitrage à Paris : d’abord, l'accord de participation et l'acte de
concession faisaient référence à Paris, ensuite, la négociation de ces contrats avait donné lieu
à plusieurs réunions qui s'étaient tenues à Paris et enfin, la clause compromissoire donnait
compétence au président de la Chambre de Commerce Internationale de Paris pour nommer le
troisième arbitre. De tout cela, la société NIOC déduisait que Paris avait été le choix naturel
des parties pour localiser leur arbitrage. Il convient de s’attarder sur la clause compromissoire
qui était doublement mal rédigée. En premier lieu, la clause visait la CCI « de Paris », nul
n’est besoin de le préciser il n’y a qu’une seule CCI. De plus, en visant le président de la «
CCI » et non pas celui de la « Cour internationale d'arbitrage de la CCI », les parties ont
32
J.-F. Poudret et S. Besson, Droit comparé de l'arbitrage international, Bruylant, LGDJ et Schulthess, 2002 33
J.-B. Racine, « Réflexions sur l'autonomie de l'arbitrage commercial international », in Journée d'hommage et
d'études à la mémoire de Philippe Fouchard, Paris, 11 mars 2005, Rev.arb., 2005.305
29
confondu la Chambre de commerce et la Cour d'arbitrage qui en est l'émanation, lesquelles
ont chacune un président différent.
Ces approximations ont néanmoins été surmontées par la Cour d'appel puis par la Cour de
cassation qui ont admis que cette référence à la CCI suffisait, à défaut d'autres éléments, à
constituer le lien avec la France, même si, la Cour de cassation a précisé que le lien était «
ténu ».
Force est de constater qu’au delà d’être ténu, ce lien de rattachement pourtant déclaré
nécessaire, s’avère en réalité factice.
B-Le caractère insignifiant mais suffisant du lien de rattachement avec la
France constitué par la désignation de la CCI siégeant à Paris en tant qu’autorité de
désignation du tiers arbitre
Ce lien opéré entre le litige en cause et les juridictions françaises étant constitué par la
présence de la CCI en France n’est pas de nature à constituer un réel lien de rattachement
permettant de déduire la volonté des parties de recourir au juge d’appui français pour
connaitre d’éventuelles difficultés relatives à la constitution du tribunal, ni plus généralement
aux juridictions françaises. Les éléments significatifs de la procédure arbitrale n’étaient pas de
nature à lier le litige aux juridictions françaises. En effet, le contrat, rédigé en anglais, n'avait
pas été conclu en France, le siège de l'arbitrage n'était pas la France et les parties n'avaient pas
adopté un contrat type français.
Concernant la présence de la CCI en France, elle ne saurait constituer un réel lien de
rattachement liant le litige et la France. La CCI a, depuis 1920, son siège mondial à Paris,
c'est une personne morale de droit français, organisée sous forme d'association relevant de la
loi de 1901. Cependant, ces indices ne paraissent signifiants que face à la pénurie d'éléments
permettant un autre rattachement. Considérer que la référence à la CCI constitue un
rattachement avec la France, c'est faire méconnaitre le statut particulier de la CCI qui est
avant tout une organisation internationale, non gouvernementale et reconnue par l'ONU. Ni la
forme sociale française de la CCI, ni l'implantation à Paris n’autorisent à la considérer comme
française. La cour d’appel a pu s'appuyer sur la forme sociale ce qui revient à nier l'originalité
de cette institution véritablement transnationale, c'est privilégier une approche juridique dans
un domaine où les critères économiques l'ont toujours emporté sur les critères juridiques, c'est
surtout mettre en danger l'immense privilège qu'a la France d'héberger la CCI à Paris, un
30
danger évité ou retardé depuis que la CCI a renoncé au début du mois de février de cette
année à s’installer à Genève et n’a finalement déménagé que du 8e au 16
e arrondissement de
Paris . Ce type d'approche exclusivement juridique favorise des arguments comme celui que
n'a pas manqué de faire valoir l'État d'Israël lorsqu'il a prétendu que le président de la Cour,
autorité de nomination visée par la clause, étant de nationalité suisse, c’est le juge d’appui
suisse qui était en réalité compétent. De même, si à aucun moment dans cette procédure, n'a
été soulevé l'argument que la langue du contrat n'était pas le français, mais l'anglais, ce qui
aurait pourtant pu être un indice de localisation intéressant, c'est parce que l'anglais est la
langue de l'arbitrage, notamment à la CCI, et que cette circonstance n’était pas de nature à
empêche de faire un lien avec la CCI.
Au delà du caractère factice du lien de rattachement, tirer des conséquences juridiques
de l'implantation parisienne de la CCI, c’est donner des conséquences juridiques à la
localisation d’une institution qui n'est pas française, mais mondiale. La CCI est située sur le
territoire français, pas dans l'État français. En réalité, il n'existe donc pas de tel lien entre la
CCI et la France pour que la seule référence à la CCI, qui plus est dans une de ses missions
subalternes, en tant qu’autorité de nomination, suffise à rattacher l'arbitrage à la France. Si le
juge français est compétent, ce n'est pas parce que la CCI est implantée à Paris, c'est parce que
le juge français, en application de sa faveur constante à l’efficacité de l’arbitrage, ne peut pas
laisser un arbitrage sans arbitre et ainsi laisser une partie face à un déni de justice.
La question est de savoir si un tel lien de rattachement n’est pas inutile quant à la
détermination de la compétence internationale du juge d’appui en cas de déni de justice et ce
d’autant plus que le décret réformant le droit de l’arbitrage ne fait pas état d’une telle
condition alors qu’il consacre, à l’article 1505-4° CPC un chef de compétence universelle du
juge d’appui français sans mentionner une telle condition.
Section 2 Une solution jurisprudentielle élargie par le décret du 13 janvier 2011 en
faveur d’un arbitrage toujours plus efficace et autonome
Alors que la solution semble requérir l’existence d’un lien de rattachement entre le
litige et le for de nécessité, le décret de janvier 2011 quant à lui ne reprend pas expressément
cette condition et, dans le silence des textes, la question est de savoir quelle interprétation la
jurisprudence française, favorable à l’autonomie de l’arbitrage international, fera du nouvel
31
article 1505-4° qui consacre le chef de compétence du juge d’appui français en présence d’un
déni de justice.
§ 1 Une Compétence déterritorialisée en présence d’un risque de déni de justice ?
Face à l’existence d’un déni de justice, il convient de s’interroger sur l’utilité de
l’exigence d’un lien de rattachement entre le litige et le for de nécessité et ce d’autant plus que
le nouveau droit français de l’arbitrage ne mentionne pas expressément cette condition.
A-L’existence d’un lien de rattachement du litige avec la France : une exigence
inutile face à l’existence requise d’un déni de justice ?
La question est de savoir dans quelles conditions un état lié par la convention
européenne a une obligation de mettre ses tribunaux à la disposition du demandeur. Cette
opposabilité ne saurait être inconditionnelle. La Cour de cassation a reconnu que le lien était
ténu mais elle l’a néanmoins jugé suffisant, comme étant « le seul dont la société Nioc
pouvait utilement se prévaloir pour assurer la réalisation de [la] commune volonté [des
parties] de recourir à l'arbitrage», près de huit ans après la naissance du litige. La formule est
plus heureuse que celle qu'avait retenue la Cour d'appel, qui avait estimé quant à elle que le
juge français était « le moins mal placé» pour intervenir. Il reste que le lien avec le for était
plus que mince. Il est difficile de concevoir qu’un devoir actif de secours puisse
raisonnablement être mis à la charge d’un état indépendamment de toute exigence de
rattachement entre le For et le litige. Or la difficulté particulière du cas de la paralysie de la
clause d’arbitrage réside dans le fait que la compétence internationale du juge d’appui est déjà
assez largement définie. Aux termes de l’article 1493 al.2 NCPC, le juge d’appui a une
compétence internationale pour intervenir si la procédure se déroule en France ou si la loi
française est la loi de procédure. En dehors de ces hypothèses, il est difficile de concevoir une
situation ou il existerait néanmoins un lien suffisamment fort avec la France pour que la
déclaration d’incompétence du juge d’appui puisse être constitutive de violation du procès
équitable. Au contraire, on voit facilement se profiler l’objection conséquentialiste selon
laquelle une ouverture trop généreuse de la compétence du For d’appui risque de faire de la
France un paradis de Forum shoppeur en matière arbitrale. C’est ainsi que le juge français
« ne saurait prêter son concours à la mise en place de n’importe quel arbitrage, s’il n’intéresse
en aucune façon l’ordre juridique ou les intérêts économiques français. Le juge d’appui « n’a
32
pas à jouer le bon samaritain ou la mouche du coche des arbitrages du monde entier »34
.
Cependant, la cour de cassation n’a affirmé la compétence internationale du juge d’appui que
dans des circonstances très particulières, des circonstances graves de déni de justice global et
durable, ce qui laisse peu de marge de manœuvres aux parties de mauvaise foi tentant de
saisir le juge d’appui français en cas de paralysie d’une convention d’arbitrage qui serait
manifestement nulle ou inapplicable.
La cour de cassation fait preuve d’un libéralisme conséquent quant au lien requis entre
le juge français et le litige en cause risquait de remettre en cause ce chef de compétence
prétorien, il était surtout question de prendre sérieux les considérations pragmatiques qui ont
conduit les juges à vouloir mettre fin à une situation de blocage durable, dans laquelle aucun
autre For ne pouvait être sollicité pour quémander de l’aide de façon plus appropriée. Dans
ces conditions, le lien avec la France, même résultant du facteur aussi ténu que le choix du
président de la chambre de commerce international, comme autorité de nomination du
troisième arbitre et de sa présence en France, était « le seul dont la société NIOC pouvait
utilement se prévaloir… ». La condition qui semble prévaloir n’est pas celle du lien de
rattachement mais plutôt celle du risque d’un déni de justice, qui devrait, même en l’absence
de lien avec tout ordre juridique national, à elle seule, être de nature à déterminer la
compétence du juge d’appui français.
Au delà de cette apparente exigence de lien de rattachement, cette solution implique
surtout à la charge du demandeur de For dérogatoire de prouver le déni de justice et plus
particulièrement, qu’aucun autre For de rechange n’est disponible, ou qu’un tel fort n’est pas
mieux placé pour remédier au déni de justice constitué par l’impossibilité d’accéder au For
normalement compétent. Il est à prévoir que pareille preuve ne pourra être rapportée que dans
des circonstances exceptionnelles telles que celles de l’espèce en cause. Le rattachement,
artificiel, au territoire français était un fondement inutile et le risque de déni de justice, à lui
seul, devrait fonder la compétence du juge d’appui
34
Ph. Fouchard, E. Gaillard, B. Goldman, Traité de l’arbitrage commercial international, Litec, 1996, n°838
33
B-L’existence d’un lien de rattachement avec la France : une condition non
mentionnée par le décret du 13 janvier 2011
En ne requérant aucun lien de rattachement avec la France, cette dernière condition
semble aller plus loin que ce qui avait été décidé par la Cour de cassation, dans son célèbre
arrêt NIOC c/ Israël de février 2005 et consacre une véritable compétence universelle du
président du TGI de Paris. En effet, la Cour de cassation avait retenu la compétence du
président du TGI de Paris en présence d'un risque de déni de justice, mais avait tout de même
exigé un rattachement, même ténu, avec la France. Sur ce point, le décret ne s'est pas contenté
d'intégrer la jurisprudence, il a semble également innover en déterritorialisant complètement
le juge d'appui.
Cette disposition semble élargir la solution de l’arrêt NIOC car il ne reprend pas
expressément la condition du lien avec l’ordre juridique français. Il reviendra ainsi à la
jurisprudence de dire si cette exigence aura été implicitement conservée par le texte. Sous
réserve de l’application jurisprudentielle qui en sera faite, ce texte ferait de la France la terre
d'accueil de l'arbitrage international, dont le droit de l’arbitrage est un des plus favorables au
monde.
§2 Une compétence internationale du juge d’appui illustrative de l’autonomie de
l’arbitrage international
Dans cet arrêt, la cour de cassation fait de l’arbitrage un moyen d’éviter le déni de
justice, au même titre que les juridictions étatiques et cela conforte le caractère libéral et
autonomiste du droit français vis-à-vis de l’arbitrage international.
A-L’arbitrage : un rempart au déni de justice
L'affirmation du droit d'accès au juge « fût-il arbitral » a pour conséquence immédiate,
non seulement de rappeler que l'arbitre est un juge, mais aussi d'affirmer qu'il est son égal, et
qu'il doit donc être protégé de la même manière. Mais surtout, en voulant éviter que certaines
prétentions ne trouvent pas leur juge, l'arrêt n'hésite pas à hisser l'arbitre au niveau du juge
étatique, le rendant quasiment coresponsable du bon ordre juridictionnel mondial. C'est une
belle consécration pour l'arbitre. On n'est pas loin d'une répartition des tâches entre le juge et
l'arbitre : au premier les litiges du droit international privé classique, au second ceux du
commerce international. Certes, cela n'est possible que si une convention d'arbitrage a été
conclue, mais il est indéniable que la quasi-totalité des contrats du commerce international
comportent désormais une clause compromissoire permettant à l’arbitre d’intervenir et ainsi,
34
d’éviter un déni de justice.
De plus, les textes qui étaient alors en vigueur parvenir à cette solution n’étaient alors
pas applicables puisque l’arbitrage ne siégeait pas en France et que les parties n’avaient pas
choisi la loi de procédure française pour connaitre du différend en cause. La cour de cassation
a créé un nouveau chef de compétence, extra legem, et ce afin que le juge d’appui français
puisse permettre à une partie de soumettre ses prétentions à un arbitres, à défaut de pouvoir
saisir les juridictions étatiques en cause. Ainsi, en aidant à la constitution de tribunaux
arbitraux n'ayant pas de réel lien significatif avec la France, l’arrêt de la Haute juridiction
permet à de pallier au déni de justice.
Dans cet arrêt, l’arbitrage permet d’éviter le déni de justice et, paradoxalement, c'est
la justice judiciaire, à travers la première chambre de la cour de cassation, qui l'énonce et qui
lui en donne les moyens. Le fait d’affirmer le principe du droit au juge d’appui fait de
L'arbitrage un rempart contre le déni de justice.
B-La (ré)affirmation du caractère transnational de l’arbitrage international
Dans cet arrêt, la cour de cassation distingue la constitution du tribunal arbitral du lieu
du siège de l'arbitrage, et affirme clairement la position du droit français de l’arbitrage qui
considère l'arbitrage international comme un ordre véritablement transnational et autonome.
Une difficulté de constitution d'un tribunal arbitral doit être surmontée coûte que coûte et
donc presque n'importe où. En l’espèce, le différend ne concernait pas véritablement l’état
français, le lien de rattachement étant clairement factice, or les juridictions françaises ont été
sollicitées et ont répondu favorablement à cette demande, dès lors qu'il y avait une convention
d'arbitrage, une difficulté de constitution et un déni de justice.
Les circonstances de l'espèce étaient exceptionnelles car elles réunissaient à la fois une
clause compromissoire défaillante, une absence totale d'autres rattachements possibles, une
partie d'extrême mauvaise foi, des juridictions judiciaires des deux pays ne se reconnaissant
pas mutuellement et des relations belligérantes entre les deux États. Il est peu probable que le
juge français ait, une nouvelle fois, à réaffirmer et mettre en œuvre la compétence universelle
du juge d’appui français mais si cela venait à se produire, la solution donnée par les
juridictions étatiques française pourraient interpréter l’article 1505-4°, toujours en faveur d’un
arbitrage international efficace et autonome, et confirmer l’absence d’exigence de la condition
du lien de rattachement qui, dans le cadre de l’affaire NIOC, était requise, même s’il était
question d’un lien « ténu ». Cet arrêt « prêche » pour l'universalité de l'arbitrage
35
international, et donc son autonomie. Il est ainsi devenu vraiment universel. C'est aussi la
raison pour laquelle, on peut constater que, en consacrant l'universalité de l'arbitrage tout en
cherchant à rattacher celui-ci à un territoire, il y a une contradiction. L’arbitrage ne saurait
recouvrer tout sa dimension universelle si était encore exigé un point d'attache avec un
territoire. Dans cette optique libérale et autonomiste, le rattachement artificiel, au territoire
français était un fondement inutile face à un risque réel de déni de justice déniant aux parties
le droit d’accès au juge fusse t-il arbitral.
L’article 1505 prévoit que « le juge d’appui de la procédure arbitrale (internationale)
est, sauf clause contraire, le président du tribunal de grande instance de Paris ».
Contrairement à ce que prévoit le droit de l’arbitrage interne, le président du tribunal de
grande instance de Paris dispose d’une compétence exclusive pour intervenir en tant que juge
d’appui dans la procédure arbitrale. La mention « sauf clause contraire » ne faisant référence
qu’à la possibilité laissée aux parties de désigner un mandataire conventionnel qui assistera la
procédure arbitrale et non pas à la possibilité pour ces dernières de désigner, comme l’article
1459 CPC le prévoit en arbitrage interne, le président du tribunal de commerce pour
intervenir en tant que juge d’appui.
La compétence matérielle du juge d’appui a été étendue par une jurisprudence savante
et équilibrée puis, elle a été accrue par le décret réformant le droit français de l’arbitrage qui
vise à rendre cette intervention du juge d’appui plus claire et lisible pour les utilisateurs de
l’arbitrage. L’intervention du juge d’appui est étendue et encadrée et est de nature à sécuriser
l’arbitrage.
Partie 2 Une intervention étendue et renforcée en faveur de l’arbitrage
international
La compétence matérielle du juge d’appui a été étendue par la jurisprudence et accrue
par le décret de réforme, cela démontre la faveur du droit français de l’arbitrage vis-à-vis de
l’arbitrage international qui sera aidé par le président du tribunal de grande instance de Paris
qui résoudra toute sorte de difficulté entravant le bon déroulement de la procédure arbitrale.
L’intervention du juge d’appui suppose la prise d’une décision qui tranchera la difficulté liée
à la procédure arbitrale, ces ordonnances sont régies par un principe d’interdiction des recours
et sont dotées de l’autorité de chose jugée. Ces deux derniers paramètres sont de nature à
rendre significativement plus efficace les arbitrages internationaux.
36
Chapitre 1 Une compétence matérielle étendue en faveur de l’arbitrage
international
L’arbitre étant dépourvu du pouvoir de contrainte, du pouvoir de commander,
l’efficacité de l’arbitrage dépend donc du juge d’appui lorsqu’il s’agit de surmonter un
blocage. Bien que la lettre de l'article 1444 NCP limitait les cas d'intervention du juge d'appui
aux seuls cas où la « constitution » du tribunal arbitral a été entravée. En pratique, les
interventions du juge d’appui s’étaient étendues. Les instances judiciaires se sont multipliées,
avant et pendant l’instance arbitrale, et le juge d’appui a couramment prêter secours aux
parties ou aux arbitres pour résoudre toutes sortes de difficultés résultant d’un défaut d’accord
sur une question de personne, une situation de refus ou de blocage.
D’exceptionnelle, l’intervention du juge d’appui n’est pas devenue la règle. Mais il s’agit
maintenant d’une figure familière de l’arbitrage qui peut, intervenir tout au long de la
procédure arbitrale. La jurisprudence a progressivement élargi ses pouvoirs en se détachant de
la lettre des textes fondant son intervention et le décret de janvier 2011 est venu accroitre les
compétences du juge d’appui.
Issu de la réforme datant du 13 janvier 2011, l’article 1505 prévoit expressément que
le président du tribunal de grande instance de Paris est le juge d'appui de la procédure
arbitrale, sans pour autant décliner les compétences qui sont les siennes. Il semble que
les rédacteurs ont estimé que les domaines de compétence du juge d' appui étaient
suffisamment établis en matière d 'arbitrage interne et que, de ce fait, il n’était pas
nécessaire de les énumérer en matière d’arbitrage international. De plus, l'article 1506, qui
énumère les textes qui sont applicables tant en matière d'arbitrage interne qu'international,
n'exclut pas l’application des textes régissant l’arbitrage interne, tant ceux qui donnent
compétence au juge d’appui pour intervenir en matière de difficulté de constitution du
tribunal arbitral que ceux qui lui donnent compétence pour intervenir après la constitution du
tribunal arbitral.
Section 1 Une compétence matérielle étendue permettant l’intervention du juge d’appui
avant et après la constitution du tribunal arbitral
Ainsi, depuis les décrets du 14 mai 1980 et 12 mai 1981, la jurisprudence a étendu
l’intervention du juge d’appui à la procédure d’arbitrage internationale et ses compétences
sont accrues dans le nouveau décret. Le juge d’appui peut désormais intervenir avant et après
37
la constitution du tribunal arbitral, en toute conformité avec les textes en vigueur depuis le 1er
mai 2011.
§1 Une intervention initialement cantonnée aux difficultés nées avant la constitution du
tribunal arbitral
L’intervention du juge d’appui avant la constitution du tribunal arbitral a été
considérablement étendue par la jurisprudence sous l’empire de l’ancien droit.
Ainsi, la première chambre de la cour de cassation a pu décider que le juge d’appui était
compétent, en dépit de la mention d'un arbitrage institutionnel dans la clause d’arbitrage, pour
aider à identifier le choix du centre35
. Les rédacteurs de la clause s'étaient vraisemblablement
surpassés puisqu'ils avaient visé deux centres d'arbitrage différents, l'AFA et la CCI, dans
deux paragraphes de leur même clause compromissoire. De plus, décision opérait une
extension des pouvoirs du juge d’appui au détriment de ceux du centre d'arbitrage. Or lorsque
l'on connaît la propension des centres d'arbitrage à se reconnaître dans des clauses mal
rédigées où le centre est très approximativement désigné au prétexte qu'ils sont les premiers
saisis, on ne peut que se réjouir de ce que la détermination du centre d'arbitrage choisi par les
parties puisse faire l'objet d'une analyse plus objective par un tiers impartial et désintéressé tel
que le président du tribunal de grande instance.
§2 Une intervention étendue à des difficultés nées après la constitution du tribunal
arbitral
Bien que le texte de l’ancien article 1493, alinéa 2 du code de procédure civile
n'envisageait d'intervention que pour la mise en place du tribunal arbitral dont « la
constitution se heurte à une difficulté », la jurisprudence a considéré que le président du
tribunal de grande instance de Paris était compétent pour régler les incidents ultérieurs relatifs
à la composition du tribunal () ou aux délais propres à la procédure arbitrale (). Une
jurisprudence que le décret est venu préciser et accroitre.
A-Compétence du juge d’appui pour connaitre des difficultés nées après la
constitution du tribunal et relative à sa composition
En amont de la constitution du tribunal arbitral, le juge d’appui intervient
principalement dans le contentieux de la désignation et celui de la récusation d’un arbitre.
35
Cass.civ., 1re
, 20 février 2007, Sté UOP NV, n° 06-14.107, Bull. I, n° 62 ; D. 2007. AJ.734, obs. X. Delpech
38
Bien que le texte de l'article 1493, alinéa 2 du code de procédure civile n'envisageait
d'intervention que pour la mise en place du tribunal arbitral dont « la constitution se heurte à
une difficulté », la jurisprudence a considéré que le président du tribunal de grande instance
de Paris était compétent pour régler les incidents ultérieurs, des incidents tels que la
récusation36
, le décès d'un arbitre37
, le remplacement après la démission d'un arbitre38
. Sa
mission étant d'assister l'arbitrage, il n'est plus compétent après le prononcé de la sentence39
.
La jurisprudence a étendu à l'arbitrage international la condition prévue par l'article 1444,
alinéa 3, du nouveau code de procédure civile en arbitrage interne qui permet au juge, dans un
souci d'efficacité et d'économie, de refuser son appui s'il constate la nullité manifeste de la
clause d'arbitrage comme celle de l'absence de litige40
.
La compétence ainsi reconnue au président du tribunal de grande instance de Paris pour
donner plein effet à la volonté d'arbitrer des parties ne peut le conduire à empiéter sur la
compétence des arbitres41
, ou sur celle d'un autre juge42
ou encore à ajouter à l'accord des
parties, auquel cas il n'y aurait plus assistance des parties mais modification de leur volonté.
Le respect de la volonté des parties explique que, en présence d'un arbitrage institutionnel, la
jurisprudence ait dégagé un principe de non-immixtion, la procédure devant se dérouler
d'après ce qui est prévu par le règlement applicable43
. Si, une fois le tribunal constitué, le juge
d’appui n'a pas le pouvoir de s'immiscer dans les prérogatives juridictionnelles des arbitres, ni
de se substituer au centre préconstitué d'arbitrage, c'est toutefois, sous réserve de « carence
reconnue ou prouvée de celui-ci », afin de prévenir tout risque de paralysie de l'instance
arbitrale qui légitimerait son action.
Le décret de réforme consacre et accroit l’intervention du juge d’appui après la
constitution du tribunal arbitral. Ainsi, le président du tribunal de grande instance de Paris
36
TGI Paris, 28 octobre 1988, 14 et 29 juin 1989, 15 juillet 1989, Drexel Burnham Lambert Ltd c/Philipp
Brothers, Rev.arb., 1990.497 37
TGI Paris, 12 juillet 1989, La Belle Créole c/The Gemtel Partnership, Rev.arb., 1990.176, note P. Kahn 38
TGI Paris, 15 février 1995, Rev. arb., 1996.503, note P. Fouchard ; CA Paris, 1er
juillet 1997, Rev.arb.,
1998.131 39
TGI Paris, 2 juillet 1990, Annahold Frydman et D. c/L'Oréal, Rev.arb., 1996.483 40
TGI Paris, 19 mai 1988, Sofrimpex c/Cafcao, no 4573/88 ; CA Paris, 26 mai 1992, Guyapêche c/Sté Export AB
Frantz Witte et Co, Rev.arb., 1993.431, 3e esp., note A. Hory ; Paris, 29 mars 2001, NIOC c/État d'Israël,
Rev.arb., 2002.427 (2e esp.), note P. Fouchard
41 TGI Paris, 13 juillet 1988, Rev.arb., 1989.97, note P. Bellet
42 TGI Paris, 15 février 1995, préc. supra, n°37
43 TGI Paris, 18 janvier 1991, Sté Chérifienne des pétroles, Rev.arb., 1996.503, 1
re esp., note P. Fouchard
39
sera compétent, en matière d’arbitrage international et ce par un renvoi opéré à l’article 1506
CPC, dans certaines hypothèses.
L’article 1456 prévoit que le juge d’appui sera compétent en cas de demande de récusation
formée contre un arbitre par une partie. L’article 1457 prévoit qu’il sera compétent en cas de
renonciation par l’arbitre refusée par une ou par les deux parties. Enfin, l’article 1458 prévoit
que le juge d’appui pourra intervenir en cas de demande de révocation opérée par une partie.
En dépit de la marge de manœuvre importante dont dispose le juge d’appui pour éviter
les situations de blocage et aider au rétablissement de la nécessaire coopération des parties, la
compétence du juge d’appui est encadrée. Ainsi, sous l’empire de l’ancien droit de l’arbitrage,
la jurisprudence estimait qu’il devait s’abstenir d'aller au-delà de ce que lui permettait
l'article 1495 qui prévoyait que lorsque l’arbitrage était soumis à la loi française, les
dispositions de l’arbitrage interne relatives aux conventions d’arbitrage, à l’instance arbitrale
et à la sentence arbitrale s’appliquaient.
Le décret a clairement déterminé le domaine de compétence du juge d’appui dans des
dispositions de droit interne, applicables à la matière internationale par renvoi à l’article 1506,
son intervention, par principe subsidiaire, peut être limitée par le règlement d'arbitrage en
cause ou la volonté des parties telle qu'exprimée dans la convention d'arbitrage44
. Le président
du tribunal de grande instance n'est pas compétent pour se prononcer sur la validité ou les
limites de l'investiture des arbitres45
. Il n'a pas non plus le pouvoir d'enjoindre à un tribunal
arbitral de surseoir à statuer dans l'attente de la décision sur la demande de la récusation d'un
arbitre, seul le tribunal arbitral lui-même étant compétent pour se prononcer sur une telle
demande tant que la récusation n'a pas été tranchée46
.
B-Compétence du juge d’appui pour connaitre des difficultés relatives aux délais
de la procédure arbitrale
Sous l’empire de l’ancien droit, la jurisprudence avait déjà affirmé la compétence du
président du tribunal de grande instance de Paris en matière de prorogation du délai
d'arbitrage47
. La prorogation des délais de l'arbitrage qui n’était pas visée par l'article 1493 du
44
TGI Paris, 15 février 1995, Rev.arb., 1996.503, note Ph. Fouchard 45
TGI Paris, 29 octobre 1997, Rev.arb., 1998.383, note J.-L. Delvolvé 46
TGI Paris, 24 juin 2004, Rev.arb., 2005.1037, note Y. Derains 47
TGI Paris, 12 janvier 1988 et 3 juin 1988, Rev.arb., 1994.538, obs. Ph. Fouchard
40
Dans une autre espèce, la cour de cassation a pu affirmer que le juge d’appui C'est pouvait
conforter la demande d'une partie qui ne créait pas de difficulté. Le juge d’appui avait non
seulement prorogé un délai d’arbitrage mais encore confirmé la désignation d'un arbitre à la
demande de la partie qui l'avait choisi. L'autre partie prétendait qu'il avait commis un excès de
pouvoir. Son action fut déclarée irrecevable par la cour d'appel, et le pourvoi contre cet arrêt
fut rejeté48
. Cette compétence élargie permet de purger les difficultés futures, notamment
comme en l'espèce celles relatives à l'indépendance de l'arbitre.
Cette extension des pouvoirs avalisée et encouragée par la jurisprudence témoigne
bien du fait que le juge d’appui est sorte de chevalier blanc du tribunal arbitral qui doit savoir
s'extraire du champ limitatif dans lequel pourraient vouloir le cantonner les parties, tout en
étant capable de s'inspirer de leurs demandes pour mettre le tribunal arbitral à l'abri de
certaines vicissitudes. Le juge d’appui n’a cessé de voir ses attributions renforcées. Après
l'extension de ses pouvoirs dans le temps, avec la célèbre jurisprudence La Belle Créole),
après l'extension de ses chefs de compétence territoriale par l’arrêt NIOC, après l'extension de
ses attributions à la détermination du centre d'arbitrage choisi par les parties (l’arrêt Sté UOP
NV du 20 février 2007 note n°1), cet arret constituait un nouvel élargissement touchant à
l'étendue de sa saisine, laquelle peut même être désormais faite à titre préventif. Si l'on
additionne ces décisions, on constate que le juge d’appui est compétent sur tous les problèmes
relatifs à la constitution et même au fonctionnement du tribunal arbitral, pendant toute la
durée de l'instance arbitrale, ainsi que dans tous les cas où son intervention est légitime
(comme ce fut le cas dans l’hypothèse d’un déni de justice).
Le décret de réforme consacre toutes ces avances jurisprudentielles et précise la
compétence matérielle du juge d’appui après la constitution du tribunal.
L’article 1463 CPC et prévoit expressément que le juge d’appui sera compétent en cas de
prorogation de la durée de la mission arbitrale. De plus, l’article 1486 al.2 prévoit que le juge
d’appui pourra intervenir en cas de prorogation du délai de trois mois prévu pour le prononcé
de la sentence rectificative
Le compétence du président du tribunal de grande instance de paris a donc été étendue
par la jurisprudence, sous l’empire des décrets de 1980-1981, et le décret réformant le droit
français de l’arbitrage a précisé et accru les cas de compétence du juge d’appui en matière
d’arbitrage international. Cette consécration doublée d’un accroissement de ses pouvoirs ne 48
Cass.civ. 1re, 23 janvier 2007, Rev.arb., 2007.284, obs. E. Teynier
41
préjuge pas du fait que la jurisprudence n’ira pas plus loin dans cette tendance à étendre les
pouvoirs du juge d’appui, toujours dans l’optique de rendre efficace l’arbitrage international
issu d’une convention d’arbitrage qui, prima facie, sera valide.
Ces interventions n’en sont pas moins soumises à un double caractère : la compétence du juge
d’appui est subsidiaire car les parties peuvent y déroger. Cependant, si les parties n’ont pas
décidé de rédiger de clause contraire à sa compétence, son intervention sera d’ordre public.
La compétence du juge d’appui français pour connaitre des différents relatifs à un arbitrage
international n’est pas automatique, cette intervention est souvent subsidiaire. L’arbitrage
reste la chose des parties et ces dernières peuvent décider de déroger à sa compétence.
Section 2 Une compétence « impérative » en l’absence de choix contraire des parties
Les parties peuvent décider de déroger à la compétence à caractère subsidiaire du
président du tribunal de grande instance en tant que juge d’appui, en faisant application de la
«clause contraire» prévue à l'article 1505 al 1, et ainsi évincer le président de Tribunal de
grande instance de Paris pour lui préférer le recourir aux services d’un centre d’arbitrage ou
d’un juge étatique.
§1 Une compétence majoritairement subsidiaire
A-Une compétence subsidiaire au Choix des parties de recourir à un centre
d’arbitrage
Les parties peuvent déroger à la compétence du président du tribunal de grande instance en
qualité de juge d’appui et décider de désigner un centre d’arbitrage qui assumera le rôle de
« juge d’appui contractuel ». Il convient de s’interroger sur la nature de sa décision qui,
contrairement à celle du président du tribunal de grande instance, n’est pas de nature
juridictionnelle. De par sa nature non juridictionnelle, le régime de la décision en cause ne
permet pas la possibilité d’un appel de l’acte émanant du centre d’arbitrage.
1-Nature de la décision du centre d’arbitrage
Lorsque la résolution des difficultés de constitution du Tribunal arbitral est confiée à
un centre d'arbitrage, le lien qui unit les parties au centre d'arbitrage est de même nature que
celui qui les unit pour l'ensemble de la procédure, il s'agit d'un lien de nature contractuelle
unissant les parties, d'une part, et le centre d'arbitrage, d'autre part.
42
En effet, comme l'expliquait le professeur Fouchard, les pouvoirs du centre d'arbitrage « (...)
découlent de la volonté commune des parties et du centre d'arbitrage. Celle des parties est
exprimée dans leur convention d'arbitrage, généralement une clause compromissoire décidant
qu'en cas de litige il sera soumis à l'arbitrage de ce centre, en application de son règlement.
Quant à la volonté du centre d'arbitrage, elle se manifeste d'abord par une offre permanente à
personne indéterminée, qui résulte de la diffusion de son règlement faisant connaître les
conditions dans lesquelles il organisera l'arbitrage, et est éventuellement confirmée, si besoin
est, lors de la réception de la requête d'arbitrage et de l'acceptation du dossier»49
.
Toutefois, à la différence de l'arbitre unique ou du Tribunal arbitral qui en raison du
contrat d'arbitrage possèdent tous les attributs juridictionnels, le contrat avec le centre
d'arbitrage est un contrat visant à organiser l'arbitrage et à l'encadrer et ne vise pas à trancher
un litige. Pour cette raison, la jurisprudence a très tôt considéré que les décisions émanant de
ce centre, décisions relatives aux difficultés de constitution du Tribunal arbitral, aux incidents
de récusation, au bien encore à la prorogation des délais n'étaient pas des actes
juridictionnels50
.
Ces actes sont des « mesures « d'administration de la procédure ou de l'instance arbitrale», qui
n'ont pas plus de force que celle que les parties ont bien voulu leur conférer. Cette
qualification non juridictionnelle des décisions du centre qui organise et administre les
procédures arbitrales est approuvée par la Cour de cassation51
.
2-Régime de la décision du centre d’arbitrage : une décision inacceptable
de tout recours et n’ayant pas autorité de force jugée
L’article 543 du Code de procédure civile prévoit que « La voie de l'appel est ouverte
en toutes matières, mêmes gracieuses, contre les jugements de première instance s'il n'en est
autrement disposé». L'appel n'est donc ouvert qu'à l'égard des décisions de nature
juridictionnelle52
.
49
Ph. Fouchard, Les institutions permanentes d'arbitrage devant le juge étatique (à propos d'une jurisprudence
récente), Rev.arb. 1987.225. 50
Voir par exemple : Paris, 15 janvier 1985, Société Opinter France, Rev.arb., 1986.87, note E. Mezger; Paris,
15 mai 1985, Raffinerie d'Homs, Rev.arb., 1985.141; Paris, 29 novembre 1985, Société commerciale de produits
agricoles, Rev.arb., 1987.335; TGI Paris, 8 octobre 1986, Ceskolovenska Obchodni Banka AS, Rev.arb., 1987.
367); Cass.com., 19 mai 1987, JCP, 1987, IV. 251). C. Paris, 15 mai 1985, Rev.arb., 1985.141 51
Cass.civ. 1re
, 20 février 2001, Rev.arb,. 2001.511, note Th. Clay. 52
Paris, 13 juillet 1978, D. l 985, 45, note Rameau.
43
Ainsi, concernant les décisions de nature administrative rendues par un Centre d'arbitrage
préconstitué, la voie de l'appel est bien entendu fermée, leur critique s'exerçant ultérieurement
au moment du contrôle de la sentence.
Les parties peuvent décider de désigner comme « juge d’appui contractuel » un juge étatique
qui et il sera souvent fait appel au président du tribunal de commerce. Cette hypothèse illustre
également le caractère subsidiaire de la compétence du juge d’appui français.
B-Une compétence subsidiaire au Choix des parties de recourir à un juge étatique
L’autorité contractuellement choisie par les parties étant un juge étatique et le plus souvent le
juge désigné sera le président du tribunal de commerce, il convient de s’interroger sur la
nature des décisions que ce magistrat prendra en tant que mandataire conventionnel et sur le
régime qui lui est applicable.
1-Nature de la décision du juge d’appui : une décision non juridictionnelle
La cour d’appel de Paris a, dans un premier mouvement, admis la qualification de
décision juridictionnelle, cependant, elle a ensuite déployé son énergie à « contractualiser» le
lien unissant les parties à ce magistrat désigné, ce qui aura une incidence directe sur la nature
de la décision rendue.
Dans un premier temps, face à une clause désignant le président du Tribunal de
commerce, la cour a considéré que ce juge ainsi que le président du tribunal de grande
instance de paris étaient des magistrats de l'ordre judiciaire, si bien que le régime organisé
pour l'intervention du premier pouvait également s'appliquer au second.
Un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 10 mai 1995
reconnaît implicitement que la décision rendue par le président du Tribunal de commerce est
un acte juridictionnel53
.
Il s'agissait dans cette affaire d'un arbitrage international opposant une société française à une
société marocaine. Le contrat prévoyait que tout litige serait tranché par un « arbitre désigné
par ordonnance du président du Tribunal de commerce de Paris statuant en référé». Les
parties avaient donc désigné ce juge comme « juge d'appui».
53
Cass.civ. 1re
, 10 mai 1995, Rev.arb. 1995.607, note A. Hory
44
À deux reprises, le président du Tribunal de commerce de Paris rendit des ordonnances afin
de surmonter des difficultés liées à la désignation de l'arbitre. Face à ces difficultés sérieuses
le président du Tribunal de commerce autorisa une des parties à assigner au principal. Sur
cette assignation, le Tribunal de commerce, en formation collégiale, désigna un arbitre. La
Cour d'appel déclara alors irrecevable l'appel contre la décision du Tribunal de commerce en
visant l'article 1457 nouveau Code de procédure civile.
Au visa des articles 1493 et 1457, alinéa 1 du nouveau Code de procédure civile, la plus haute
juridiction cassa l'arrêt d'appel et jugea que « (...), l'arbitre investi en méconnaissance de la
volonté des parties ou des textes susvisés est irrégulièrement désigné et que la décision du
juge qui procède à cette désignation sans y être habilité, est susceptible d'appel».
Implicitement, la Cour de cassation reconnaissait alors le caractère juridictionnel tant de
l'ordonnance du président du Tribunal de commerce que celle de la décision du Tribunal de
commerce désignant l'arbitre. La voie de l'«appel-nullité», pour excès de pouvoir était alors
ouverte.
La situation était donc identique à celle de la saisine du président du Tribunal de commerce en
sa qualité de juge des référés. Sa compétence ne pouvait par conséquent découler que d'une
clause lui attribuant compétence (au sens juridictionnel du terme), par dérogation aux
dispositions de l'article 1493, alinéa 2 du nouveau Code de procédure civile attribuant une
compétence de principe au président du Tribunal de grande instance de Paris.
Malgré la simplicité de cette solution, la nature juridictionnelle de la décision du
président du Tribunal de commerce agissant en qualité de « juge d'appui» en présence d'un
arbitrage commercial international méconnaissait la spécificité reconnue à ce type d'arbitrage
par le droit français.
En premier lieu, cette solution méconnaissait le caractère supplétif de l'article 1493, alinéa 2
et la prééminence de la volonté en matière d'arbitrage international qui permet, aux parties, de
déroger au mécanisme du « juge d'appui» proposé par le nouveau Code de procédure civile à
celles-ci.
En deuxième lieu, cette solution méconnaissait le caractère exclusif de la compétence
reconnue au président du Tribunal de grande instance de Paris en matière d'arbitrage
45
commercial international54
. En effet, le décret de 1981 a voulu centraliser les pouvoirs de «
juge d'appui» entre les mains de ce seul magistrat. Ainsi, pour le professeur Fouchard, l'article
1493, alinéa 2 « (...) réserve les pouvoirs de désignation des arbitres, en matière
internationale, au seul président du Tribunal de grande instance de Paris, en excluant donc la
compétence des ses homologues des autres Tribunaux de grande instance et des présidents des
Tribunaux de commerce»55
. En ce sens, par un arrêt du 7 mars 2000, la première chambre
civile de la Cour de cassation a expressément reconnu que le président du Tribunal de grande
instance était la seule autorité juridictionnelle compétente pour statuer sur les difficultés de
constitution d'un tribunal arbitral dans un arbitrage international ayant un lien avec la
France56
.
En réalité, et afin de concilier ces deux principes et le texte de l'article 1493, alinéa 2 qui
autorise les parties à rédiger une « clause contraire» à la compétence du président du Tribunal
de grande instance de Paris, il convenait, dans un premier temps, d'admettre que les parties
pouvaient choisir qui bon leur semblait pour les assister en cas de difficultés relatives à la
constitution du tribunal arbitral, y compris choisir un magistrat de l'ordre judiciaire et, dans un
deuxième temps, que nonobstant le choix des parties, la seule autorité juridictionnelle
habilitée était le président du Tribunal de grande instance de Paris.
Le fait pour les parties de renoncer à la compétence du président du Tribunal de grande
instance de Paris exprimait simplement leur souhait de ne pas voir les juridictions étatiques
intervenir au stade de la constitution du Tribunal arbitral. La désignation du tiers est celle
d'une entité dont la nature importait peu. Le lien qui unirait les parties et le président du
Tribunal de commerce serait donc de nature contractuelle, de la même manière que le serait le
lien entre les parties et le centre d'arbitrage qu'elles auraient pu désigner.
C'est dans cette voie que s'est avancée la Cour d'appel de Paris dans plusieurs décisions
successives rendues en 2003.
54
La concentration du contentieux entre les mains d'une seule juridiction s'explique par le constat que la plupart
des arbitrages internationaux dont le siège est situé en France se déroulent à Paris et par la spécialisation accrue «
pointue» acquise par les magistrats parisiens. De plus la règle supprime les conflits internes de compétence
ratione materiae et loci. V. Fouchard, Gaillard, Goldman, Traité de l'arbitrage commercial international, Paris,
Litec 1997, no 888.
55 Ph. Fouchard, La coopération du président du Tribunal de grande instance à l'arbitrage, Rev.arb. 1985.19
56 Cass.civ. 1
re, 7 mars 2000, Société Adidas-Salomon c/ Société Ventex, Rev.arb., 2000.447, note Lacabarats
46
Dans deux décisions du 5 juin 2003 (Rose c/ SA Waterfront et autre), la Cour d'appel, saisie
d'un appel sous la forme de contredit à l'encontre d'une ordonnance rendue par le président du
Tribunal de commerce relative à la constitution d'un tribunal arbitral a déclaré cette voie de
recours irrecevable aux motifs que : « La contractualisation par les parties de l'assistance pour
les opérations de constitution du Tribunal arbitral permise par l'article 1493 du nouveau Code
de procédure civile, dans la mesure où la compétence du président du Tribunal de grande
instance de Paris n'est pas exclusive de la désignation d'un tiers ou d'un centre préconstitué
pour les aider dans la mise en place du Tribunal arbitral, ne s'étend pas au choix des voies de
recours par les parties ; le régime dérogatoire prévu pour critiquer les décisions du président
du Tribunal de grande instance de Paris par les articles 1493 et 1457 n'est pas transposable
pour la désignation d'un arbitre par un tiers préconstitué, agissant comme mandataire
conventionnel, tel le président du Tribunal de commerce de Paris. (...) Le rôle éminent du
président du Tribunal de grande instance de Paris explique que son intervention soit entourée
d'une procédure spécifique, y compris pour les voies de recours contre ses décisions,
essentiellement destinée à éviter les retards et à protéger l'efficacité de son action. Il s'ensuit
que le président du Tribunal de grande instance de Paris étant en France la seule institution
judiciaire à agir en tant que telle, l'intervention dans la désignation des arbitres d'une autorité
préconstituée donne lieu à une décision sans postérité sur le plan juridictionnel».
Ainsi, pour la Cour d'appel de Paris, le président du Tribunal de commerce de Paris, lorsqu'il
est désigné par les parties pour les assister dans leurs opérations de constitution du tribunal
arbitral, agit en tant que mandataire commun, mais n'agit pas en sa qualité d'institution
judiciaire. Sa décision est sans postérité sur le plan juridictionnel, c'est-à-dire qu'elle n'est pas
un jugement. La Cour a réitéré sa position quelques jours plus tard57
.
Comme l'a souligné le professeur Éric Loquin, cette solution est « conforme à l'architecture
des textes régissant en France l'arbitrage international. La Cour d'appel de Paris arrive ainsi à
concilier le fait que la compétence du président du Tribunal de grande instance de Paris est à
la fois supplétive et exclusive. Elle est supplétive dès lors que le juge n'intervient pour
désigner un arbitre que dans les cas où le mécanisme de désignation mis en place par les
57
Paris, 19 juin 2003, Bacques et autres c/ SARL Carlyle Holdings, Rev.arb., 2004.136. La Cour d'appel de
Paris, comme pour mieux affirmer sa jurisprudence, n'a pas hésité à ordonner la réouverture des débats lorsque,
saisi d'un « appel-nullité» à l'encontre d'une ordonnance du président du Tribunal de commerce (juge d'appui
contractuellement désigné par les parties) ayant rejeté la requête en récusation d'un arbitre, aucune des parties ne
s'était prononcée sur la nature interne ou internationale de l'arbitrage, et invitait les parties à discuter, en
conséquence de la qualification retenue, de la « recevabilité d'un recours juridictionnel à l'encontre d'une
décision sur la récusation prise par une autorité contractuellement désignée dans la clause compromissoire»
47
parties ne permet pas de résoudre la difficulté. Elle est exclusive en ce sens que le président
du Tribunal de grande instance de Paris est la seule juridiction française compétente pour
juger de la difficulté»58
. Reste que le cas de figure est original puisque le juge désigné par les
parties n'intervient pas en qualité de juge mais en qualité de mandataire commun de ceux qui
l'ont désigné.
Ainsi, que le tiers désigné par la « clause contraire» de l'article 1493, alinéa 2 soit un centre
d'arbitrage, une personne privée, ou bien un magistrat, le lien unissant les parties à ce tiers est
de nature contractuelle. Ce tiers n'a aucune fonction juridictionnelle, et ce, même si en
pratique, il tranche un litige survenant entre les parties. La décision rendue par lui n'est pas un
jugement, mais un acte de droit privé, qui n'a de force obligatoire que celle que les parties ont
bien voulu lui conférer.
En ce qui concerne la relation contractuelle unissant les parties à un centre d'arbitrage, les
auteurs retiennent généralement la qualification de mandat sui generis comprenant également
des obligations relevant du contrat d'entreprise. En ce qui concerne la relation contractuelle
entre les parties et un magistrat autre que le président du Tribunal de grande instance de Paris,
la Cour d'appel de Paris a considéré que le président du Tribunal de commerce est un «
mandataire conventionnel» des parties et ce, même si cette relation contractuelle s'insère
toutefois avec difficulté dans le contrat de mandat au sens de l'article 1984 du Code civil.
La décision de l’autorité contractuellement désignée est en tout état de cause de nature
conventionnelle. En d'autres termes, elle n'aurait de valeur que contractuelle, ce qui conduit à
s'interroger sur le régime qui lui est applicable dans le cadre d'un arbitrage commercial
international.
2-Une décision insusceptible de recours et non dotée de l’autorité de force
jugée
Bien qu’émanant d’un magistrat, la décision du juge étatique désigné en tant que « juge
d’appui contractuel » n’est pas de nature juridictionnelle. De ce fait, elle ne peut faire l’objet
d’un appel et n’est pas dotée de l’autorité de chose jugée.
58
E. Loquin, observations sous Paris, 5 juin 2003
48
a-Une décision insusceptible de recours bien qu’émanant d’un juge
étatique
La décision du juge étatique intervenant en tant qu’autorité contractuellement choisie
par les parties pour « assister » la procédure arbitrale ne peut faire l’objet d’un appel car cette
décision n’est pas de nature juridictionnelle. Cependant, les parties pourront exercer une
certaine forme de recours auprès du président du tribunal de Grande instance de Paris si
l’autorité qu’elles ont choisi ne peut procéder à sa mission.
L’article 543 du Code de procédure civile prévoit que « La voie de l'appel est ouverte en
toutes matières, mêmes gracieuses, contre les jugements de première instance s'il n'en est
autrement disposé».
L'appel n'est donc ouvert qu'à l'égard des décisions de nature juridictionnelle59
.
La question se pose cependant de savoir si le président du Tribunal de grande instance
de Paris conserve en la matière une compétence subsidiaire et ce nonobstant la désignation
d'un juge étatique en qualité de « juge d'appui».
La jurisprudence semble se prononcer dans l'affirmative. Ainsi, dans l'arrêt de la Cour d'appel
de Paris du 5 juin 2003, dans le cas où le tiers désigné était le président du Tribunal de
commerce (l’affaire Rose c/ SA Waterfront), le Cour a jugé qu’« en cas de contestation
concernant l'accomplissement par l'autorité préconstituée de sa mission, les parties
conservent la possibilité, pour vérifier s'il a été procédé à bon droit à cette désignation, de
s'adresser au président du Tribunal de grande instance de Paris dont la compétence pour
mettre fin aux difficultés de constitution du tribunal arbitral est toujours offerte à titre
subsidiaire».
Ainsi, le président du Tribunal de grande instance de Paris garde une compétence et pourra
être saisi si l’autorité désignée ne peut procéder à sa mission60
.
La règle est identique dans le cas où le tiers désigné est un centre d'arbitrage. Il pourra donc
être fait appel au président du tribunal de grande instance de Paris si l’autorité choisie par les
59
Paris, 13 juillet 1978, D. l 985, 45, note Rameau. 60
Il a été ainsi jugé que le président du Tribunal de grande instance de Paris « n'a pas le pouvoir de se substituer
au centre pré-constitué d'arbitrage sauf carence reconnue ou prouvée de celui-ci», TGI Paris, 28 octobre 1988, 14
juin 1989, 15 juillet 1989, Rev.arb., 1990, p. 497 ; TGI Paris, 24 février 1992, Rev.arb., 1994.557, obs. Fouchard.
49
parties refuse la mission d'assistance qui lui a été confiée, ou lorsqu'en raison de la carence
d'un règlement intérieur, n'est pas capable de l'assurer.
b-Une décision non revêtue de la force de chose jugée
La question de savoir si ces décisions sont dotées de l’autorité de chose jugée revêt
toute son importance dans le cadre d’un recours en annulation de la sentence qui sera rendue à
l’issue de la procédure arbitrale.
En matière d'arbitrage international, les sentences arbitrales rendues en France peuvent faire
l'objet d'un recours en annulation sur le fondement des articles 1491 et 1492 du Code de
procédure civile. Parmi les griefs permettant d'attaquer la sentence figurent l'irrégularité de la
composition du Tribunal arbitral ou bien encore la violation de l'ordre public international. La
question qui se pose est de savoir quel est le sort d'un moyen d'annulation de la sentence
reposant sur des faits et moyens de droit préalablement discutés devant le juge étatique et sur
lesquels ce dernier s'est prononcé.
L'existence d'une d’une ordonnance du juge d’appui en matière d’arbitrage international61
permet par la suite d'invoquer l'exception tirée de l'autorité de la chose jugée afin d'écarter, au
stade du recours en annulation, la contestation ayant déjà été tranchée par le juge d'appui.
La possibilité de recourir à l'exception de chose jugée est impossible lorsqu'il s'agit de la
décision du juge étatique intervenant en tant que mandataire conventionnel puisque cette
décision n'est pas un jugement. En effet, le législateur fait de l'autorité de la chose jugée un
attribut de l'acte juridictionnel (article 480 du nouveau Code de procédure civile). Dès lors,
l'autorité de la chose jugée découle de la qualification préalable de l'acte du juge comme acte
juridictionnel.
Il ne pourrait donc être opposé l'exception tirée de l'autorité de la chose jugée à un des
plaideurs qui, au stade du recours en annulation, contesterait par exemple le défaut
d'indépendance ou de d'impartialité du Tribunal arbitral, quand bien même l'incident de
récusation aurait déjà été réglé par le juge étatique contractuellement choisi par les parties.
61
J. Vincent, S. Guinchard, Procédure civile, Précis Dalloz, 24e éd., 1996 : « la nature des ordonnances du juge
d'appui diffère de celle des ordonnances de référé : elles ne présentent pas un caractère provisoire et se trouvent
revêtues de l'autorité au principal».
50
§2 Une compétence « d’ordre public »
La compétence du président du tribunal de Paris en tant que juge d’appui de la procédure
arbitrale n’est pas impérative, ayant un caractère subsidiaire et supplétif, cette compétence
devient toutefois d’ordre public lorsque la compétence territoriale du juge d’appui français et
que les parties n’ont pas rédigé de clause contraire à sa compétence, telle qu’elle est prévue à
l’article 1505 al. 1.
A-La compétence d’ordre public du juge d’appui : une hypothèse conditionnée
La compétence du juge d’appui pour aider à la mise en œuvre de la procédure arbitrale en
matière internationale sera d’ordre public sous deux conditions : la première relevant de la
nature des difficultés de mise en œuvre de la procédure arbitrale, la seconde relative à
l’existence d’une clause contraire prévoyant la compétence d’un « juge d’appui
contractuellement choisi par les parties ».
1-Une compétence d’ordre public conditionnée à la nature des difficultés
entravant la procédure arbitrale
L’article 1505 du CPC prévoit que le président du tribunal de grande instance de paris
sera compétent pour régler tout différend relatif à la constitution du tribunal arbitral.
Des lors que sa compétence est établie, la mission du président du tribunal de grande
instance de Paris permet également de régler les difficultés qui peuvent intervenir pour la
perfection de la composition du tribunal arbitral, telles que la récusation62
ou les difficultés
postérieures affectant la constitution du tribunal63
. Le tribunal peut également se trouver
amputé à la suite de manœuvres dilatoires de l’une des parties, voire de l’un des arbitres qui
démissionnerait à un stade avancé de la procédure. Le président du tribunal de grande instance
de Paris, lorsqu’il est compétent, a le devoir de tout mettre en œuvre pour éviter les situations
de blocages et aider au rétablissement de la nécessaire coopération des parties cependant, il
doit s’abstenir d’aller au delà de ce que lui permettent le règlement d’arbitrage en cause ou la
volonté des parties telle qu’exprimée dans la convention d’arbitrage64
. Il en est ainsi en
matière de prorogation du délai d’arbitrage65
. Mais le président du tribunal de grande instance
de Paris n’est pas compétent pour se prononcer sur la validité ou les limites de l’investiture
62
TGI Paris, 23 juin1988, Rev.arb., 1988.657, 3e décision, note P. Fouchard
63 Paris, 3 mai 2007, Rev.arb., 2008.706, note J. Ortscheidt
64 TGI Paris, 15 février 1995, Rev.arb., 1996.503, note P. Fouchard
65 TGI Paris, 12 janvier 1988, Rev.arb., 1994.538, obs. P. Fouchard
51
des arbitres66
. Il n’a pas non plus le pouvoir d’enjoindre à un tribunal arbitral de surseoir à
statuer dans l’attente de la décision sur la demande de récusation d’un arbitre, seul le tribunal
est compétent pour se prononcer sur une telle demande tant que la récusation n’a pas été
tranchée67
.
Par deux arrêts datant du 7 mars 200068
, la première chambre civile de la cour de
cassation réaffirme la double limite à à la compétence du juge d’appui : d’une part, elle ne
vaut que pour les difficultés de constitution du tribunal arbitral et, d’autre part, elle ne fait pas
obstacle au choix par les parties d’un autre mode de règlement de telles difficultés.
2-Une compétence d’ordre public conditionnée à l’absence de toute clause
contraire
La compétence du juge d’appui est d’ordre public lorsque les parties n’ont pas stipulée de
clause contraire en application de l’article 1505 al. 1 du CPC. Soit que les parties n’aient pas
voulu recourir à une autre autorité contractuellement choisie ou à un arbitrage institutionnel
soit que le règlement auquel elles se sont référées ne prévoit pas une telle mission conférée au
centre.
B-Effets de la compétence d’ordre public du président du tribunal de grande
instance
En l’absence de clause contraire, les parties ne peuvent déroger à la compétence du
juge d’appui français, et plus particulièrement à la compétence exclusive du président du
tribunal de grande instance.
1-Un recours impératif au juge d’appui
Les parties ne peuvent supprimer le recours au juge d’appui. L’article 1505 du CPC qui
prévoit la compétence du président du tribunal de grande instance de Paris pour trancher en
cas de difficultés relatives à la constitution du tribunal arbitral constitue une disposition
d’ordre public. Cette règle de compétence s’explique par la nécessité d’assurer la pleine
efficacité des procédures d’arbitrage, en supprimant les risques de conflit de compétence
d’attribution ou territoriale et en favorisant l’émergence d’une spécialisation du magistrat
appelé à statuer en ce domaine.
66
TGI Paris, 29 octobre 1997, Rev.arb., 1998.383 note J. Delvolvé 67
TGI Paris, 24 juin 2004, Rev.arb., 2005.1037, note Y. Derains 68
Cass.civ. 1re
. 7 mars 2000, Rev.arb., 2000.447, note A. Lacabarats
52
Cette règle de compétence constitue une disposition d’ordre public lorsque les parties n’ont
pas exprimé leur volonté contraire de recourir à une autre autorité contractuellement choisie,
qu’il soit question d’un juge étatique ou d’un centre d’arbitrage. Sachant que même dans
l’hypothèse d’une clause contraire, l’autorité contractuellement choisie peut se trouver dans
l’impossibilité de procéder à sa mission. Dans ce cas, si la compétence territoriale du juge
d’appui français est avérée et face l’autorité contractuellement désignée, la compétence du
président du tribunal de grande instance de Paris est d’ordre public.
L’ordre public n’est défini dans aucun texte et il est laissé à l’entière appréciation des
tribunaux. Selon la doctrine, l’ordre public est « ce à quoi il n’est pas possible de déroger par
conventions particulières » la convention d’arbitrage étant une de ces conventions.
Le caractère d’ordre public de la compétence du juge d’appui doit s’entendre ici de
l’interdiction faite au partie, en l’absence d’une clause contraire préalablement stipulée, de
recourir à une autre autorité pour régler les difficultés relatives à la constitution du tribunal
mais aussi de choisir un autre juge étatique que celui prévu à l’article 1505 du CPC, à savoir,
le président du tribunal de grande instance de Paris.
2-Un recours impératif au président du tribunal de grande instance de Paris
L’article 1505 al.1 CPC prévoit la compétence exclusive du président du tribunal de
grande instance de Paris pour trancher en cas de difficultés de constitution du tribunal arbitral
en matière internationale. A la différence du droit de l’arbitrage interne, ce magistrat se voit
attribuer une compétence exclusive. En effet, dans le cadre d’un arbitrage interne, les parties
peuvent attribuer certains pouvoirs au président du tribunal de commerce dont la compétence
territoriale suit les mêmes règles que celles relatives au président du tribunal de grande
instance. L’article 1459 al.2 CPC limite toutefois le champ de compétence du président du
tribunal de commerce aux seules difficultés relevant de la constitution du tribunal arbitral,
c'est-à-dire les questions de désignations des arbitres (articles 1451 à 1453 CPC) et la
compétence générale prévue à l’article 1454 CPC relative à tout différend lié à la constitution
du tribunal. Ainsi, en matière interna, seule la police de l’arbitrage est de la compétence
exclusive du président du tribunal de grande instance quand les parties n’ont pas stipulé de
clause contraire prévoyant le recours à une institution d’arbitrage.
Dans le cadre d’un arbitrage international, en l’absence de clause contraire permettant
aux partie de faire appel aux service à une autorité contractuellement choisie pour régler tout
53
problème relatif à la constitution du tribunal arbitral, les parties ne peuvent choisir parmi les
juges étatiques un autre juge que le président du tribunal de grande instance de Paris.
Chapitre 2 Une intervention renforcée en faveur de l’efficacité de l’arbitrage
Section 1 La faveur du régime des recours contre les décisions du juge d’appui à
l’efficacité de la procédure arbitrale
Il résulte de l’article 1460 du CPC (correspondant à l’ancien 1457) que le président du
tribunal arbitral, saisi notamment d’une difficulté relative à la constitution du tribunal ou
d’une demande de prorogation du délai d’arbitrage, statue « par ordonnance non susceptible
de recours ». Ce texte est en principe applicable à l’arbitrage international par renvoi à
l’article 1460 de l’article 1506 du même code. Ces dispositions posent un principe
d’interdiction des recours à l’encontre des décisions du juge d’appui (A), cependant, il prévoit
une exception dans l’hypothèse particulière ou le juge d’appui « déclare n’y avoir lieu à
désignation pour une des causes prévues à l’article 1455 », à savoir, la circonstance selon
laquelle la convention d’arbitrage serait, selon lui, manifestement nulle ou manifestement
inapplicable (B)
§1 Le principe d’interdiction des recours en faveur de l’efficacité de l’arbitrage
L’article 1460 al 3 du code de procédure civile prévoit que le juge d’appui statue par
« ordonnance non susceptible de recours ».
A-Le principe d’interdiction des recours en faveur de l’efficacité de la procédure
arbitrale
Le principe d’irrecevabilité des recours contre les ordonnances du juge d’appui
interdisent l’appel de la décision ou le pourvoie en cassation. Ce principe est de nature à
favoriser l’arbitrage car la décision, qui permet le bon déroulement de la procédure, ne pourra
être remise en cause par des parties de mauvaise foi.
1-Un principe interdisant tout recours contre les décisions du juge
d’appui
Sous réserve de l’hypothèse particulière d’appel prévue à l’article 1460 al 3, en cas de
rejet de la demande, lorsque le président du tribunal a décliné son intervention en raison de la
nullité manifeste de la clause compromissoire visée à l'article 1455 du même code, les
décisions du président du tribunal ne peuvent faire d’un recours au juge supérieur. En effet,
54
L'appel-réformation est exclu69
. Le pourvoi en cassation à l'encontre de la décision du juge
d’appui est également exclu70
.
De plus, de l’interdiction des recours à l'encontre des décisions du juge d’appui, la
jurisprudence a déduit l'interdiction de toute remise en cause devant le juge de l'annulation
des décisions de celui-ci qui a ainsi irrévocablement statué71
.
En comparaison, les décisions prises par les institutions d'arbitrage n'offrent pas un tel
caractère intangible en raison de la nature administrative et non juridictionnelle de leurs
interventions.
Une décision de la cour d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale en matière de
récusation n'est ainsi pas une sentence, et le recours en annulation à son encontre est
irrecevable72
. Il s'agit d'actes de police de l'instance arbitrale permettant à l'arbitrage
d'avancer, mais qui, n'ayant pas d'autorité de chose jugée, après s'évaporent.
Les décisions du juge d’appui sont donc insusceptibles de tout recours à un juge supérieur. Le
juge d’appui ayant une mission d’assistance, ces décisions pourront ainsi permettre le bon
déroulement de la procédure arbitrale.
2-Faveur du principe à l’efficacité de la procédure arbitrale
Ces dispositions visent à donner pleine efficacité à la convention d’arbitrage, en
évitant le risque de manœuvres dilatoires des parties et de paralysie de l’arbitrage.
L’existence de ce principe d’interdiction des recours permet, lorsque l’intervention du
juge d’appui est indispensable à la procédure arbitrale, de contenir toute autre intervention du
juge étatique en tant que juge supérieur.
Cette ordonnance n'est pas susceptible de recours et favorise l'efficacité de la convention
d'arbitrage. Cependant, ce principe connait des exceptions. Ces exceptions sont toutefois
limitée aux cas ou la convention d’arbitrage est soit manifestement nulle soit manifestement
inapplicable.
69
Paris, 9 novembre 1983, Rev.arb., 1985.81 ; Paris, 24 novembre 1989, Rev.arb., 1990.176, note P. Kahn 70
Cass.civ. 2e, 22 novembre 1989, Rev.arb., 1990. 142, note S. Guinchard ; 7 novembre 2002, n
o 01-10.351,
D. 2002, IR 3241 71
Paris, 6 avril 1990, Rev.arb., 1990. 880, note M. de Boisséson ; pour une décision concernant les délais de
l'arbitrage, Paris, 8 mars 2001, Rev.arb. 2001.567 72
Paris, 15 janvier 1985 et Cass.civ. 2e, 7 oct. 1987, Rev.arb., 1986.87 et 1987.479, notes E. Mezger
55
B-L’exception au principe de prohibition : la nullité ou l’inapplicabilité manifeste
de la convention d’arbitrage
L’ordonnance du juge d’appui est susceptible d'appel dans les formes ordinaires,
lorsque le président du tribunal dit n'y avoir lieu à désignation d'un arbitre (autrement dit
lorsqu'il refuse de compléter le tribunal arbitral partiellement composé) pour l'une des causes
prévues par l'article 1455 du code de procédure civile, à savoir « si la clause compromissoire
est soit manifestement nulle, soit manifestement inapplicable (et non plus insuffisante comme
le prévoyait l’article 1444 al. 3 du CPC) pour permettre de constituer le tribunal arbitral ».
La jurisprudence apprécie cette exception de façon stricte et décret de janvier 2011
simplifie et clarifie le régime de l’appel des ordonnances du juge d’appui.
1-Une appréciation stricte de la réserve de la nullité ou de l’inapplicabilité
manifeste
Lorsque le juge d’appui est saisi d’une demande relative à une difficulté de
constitution du tribunal arbitral et qu’en application de l’article 1455 du CPC, il refuse de
compléter le tribunal arbitral car il estime que la convention d’arbitrage est manifestement
nulle ou inapplicable.
Cette exception va à l’encontre du principe de compétence-compétence en vertu
duquel « il appartient à l’arbitre, par priorité, de statuer sur l’existence, la validité et
l’étendue de la convention d’arbitrage »73
. C’est la raison pour laquelle l’étendue de cette
exception est appréhendée de façon stricte (a) dans le cadre d’un contrôle prima facie (b).
a-Une conception restrictive de la notion de nullité et
d’inapplicabilité manifeste de la convention d’arbitrage
Avant l’adoption du décret réformant le droit de l’arbitrage, la jurisprudence
mentionne dans ses arrêts, au titre de l’exception, la nullité manifeste et l’inapplicabilité
manifeste sans évoquer l’inexistence manifeste.
De plus, la cour de cassation a pu affirmer dans un arrêt datant de 2004 que « la nullité ou
l’inapplicabilité manifeste de la clause d’arbitrage (sont) seules de nature à faire obstacle » au
droit qu’a l’arbitre d’examiner prioritairement sa compétence74
.
73
Cass.civ., 2e, 24 juin 2004, SAS Knauf La Rhénane c/ Ailhaud, Rev.arb., 2004.855
74 Cass.civ., 2
e, 8 avril 2004, Société Financière Granulats c/ Callet, Rev.arb., 2004.849
56
Il semblerait donc que l’inexistence manifeste de la convention d’arbitrage ne constitue pas
une exception de nature à permettre au juge d’appui de se prononcer sur la convention
d’arbitrage. Or, il serait opportun et cohérent de traiter sur un même pied d’égalité
l’inexistence, la nullité et l’inapplicabilité manifeste. Ce point n’a pas été précisé par l’article
1455 du CPC qui ne fait que reprendre les deux exceptions déjà prévues par l’article 1457
ancien du CPC, à savoir, la nullité et l’inapplicabilité manifeste de la convention d’arbitrage.
L’exception au principe d’interdiction des recours contre les ordonnances du juge
d’appui ne concerne donc que les hypothèses de nullité et d’inapplicabilité manifeste, seules
causes permettant de se prononcer sur l’efficacité prima facie d’une convention d’arbitrage.
Ce qui est manifeste et évident n’a pas besoin d’être démontré, mais seulement constaté.
Concrètement, le seul fait pour le juge d’appui de s’emparer des éléments du dossier,
autrement dit d’entrer en matière, révèle un dépassement des limites du contrôle du caractère
manifeste de la nullité ou de l’inapplicabilité manifeste. Au delà de cette appréciation
sémantique, il est à noter que, jusqu’à aujourd’hui, seuls quatre cas de nullité ou
d’inapplicabilité manifeste75
ont été constatés à ce jour dans la jurisprudence de la cour de
cassation.
b-Exercice par le juge d’appui d’un contrôle prima facie
Le juge d’appui opérera un contrôle prima facie de la validité de la convention
d’arbitrage. Le caractère sommaire du contrôle de la validité de la convention d’arbitrage
apparait comme une condition de mise en œuvre du principe de validité de la convention et du
principe de compétence-compétence. Ces notions sont interprétées restrictivement car les
arbitres sont compétents en cas de doute pour apprécier la validité et l’applicabilité de la
convention d’arbitrage. De plus, le juge d’appui dispose d’une marge d’intervention telle
qu’elle lui permet de « sauver » la clause d’arbitrage en donnant plein effet à la volonté des
parties de recourir à l’arbitrage.
Dans son arrêt rendu le 7 juin 2006 dans l’affaire du navire Tag Heuer, la première chambre
civile de la cour de cassation interdit aux juges du fond « de procéder à un examen substantiel
et approfondi de la convention d’arbitrage ». Seul est autorisé un premier examen de la clause
compromissoire dont le caractère superficiel ne porte pas à conséquence, puisqu’un second
75
Cas constatés à ce jour dans la jurisprudence de la cour de cassation : Cass.civ. 1re
, 27 avril 2004, Sté Bureau
Veritas, Rev.arb., 2004.851 ; 11 juillet 2006, Sté Andhika Lines c/ Axa, Rev.arb., 2006.960 ; Sté CSF c/ Sté
Recape, Rev.arb., 2006.960 ; Cass.com., 13 juin 2006, Sté Prodium c/ Sté Gemodis, Rev.arb., 2006.955
57
contrôle, plus approfondi, pourra être exercé ultérieurement lors du recours en annulation
introduit par une partie contre la sentence.
L’étendue et les modalités du contrôle de l’inapplicabilité ou de la nullité manifeste
sont déterminées par son fondement. Des lors que le principe de compétence-compétence est
consacré, la priorité reconnue à l’arbitre doit être ménagée et les exceptions doivent être
strictement cantonnées aux seules situations d’évidence. Un contrôle réduit au seul caractère
évident, manifeste évite que le débat sur la validité de la convention compromissoire ne
prenne trop d’ampleur. En pratique, ce caractère sommaire du contrôle est donc une condition
de mise en œuvre du principe de validité de la clause compromissoire et du principe de
compétence-compétence. La combinaison de ces deux principes interdit par voie de
conséquence interdit au juge d’appui et plus généralement au juge étatique de procéder à un
examen substantiel et approfondi de la convention d’arbitrage.
Ce contrôle superficiel de la nullité ou de l’inapplicabilité manifeste de la convention
d’arbitrage permet de lutter contre les manœuvres dilatoires et permet ainsi de respecter le
principe d’efficacité de la procédure arbitrale qui doit conduire les arbitres à rendre une
sentence qui puisse être exécutée à des couts et dans des délais raisonnables.
2-La simplification du régime des recours contre la décision du juge
d’appui
Le décret réformant le droit français de l’arbitrage modifie le régime de l’appel
dérogatoire qui était auparavant soumit à la procédure de contredit de compétence.
Désormais, cet appel est soumis à la procédure de l’appel avec représentation obligatoire, le
décret n’apportant aucune précision quant au régime de l’appel nullité, il est à penser que la
jurisprudence, par analogie au régime de l’appel dérogatoire et suite à l’entrée en vigueur du
décret, tende à soumettre également l’appel nullité procédant d’un excès de pouvoir à l’appel
soumis à la représentation obligatoire.
a-L’appel dérogatoire désormais soumis à la procédure avec
représentation obligatoire
Cette exception au principe d’interdiction des recours peut être mise en œuvre à l’encontre de
décisions par lesquelles le juge d’appui refuse la désignation d’un arbitre complétant le
tribunal arbitral pour nullité ou inapplicabilité manifeste de la convention d’arbitrage,
décisions pour lesquelles l’appel est recevable. Dans le cadre de ce recours, la forme de
l’appel est modifiée par le décret de janvier 2011.
58
Avant l’avènement de la réforme, cet appel devait obligatoirement respecter les formes
du contredit de compétence76
, ce qui s’avérait être contraignant pour l'auteur du recours,
lequel devait se montrer particulièrement vigilant. En particulier parce que cette procédure de
contredit présentait notamment la caractéristique d'être une procédure à la fois formaliste et
accélérée, l'appel devant, en effet, être formé dans les quinze jours77
.
Le décret modifie la forme du recours78
, ainsi, l’appel qui devait être effectué sous
forme de contredit a été remplacé par un appel soumis à la représentation obligatoire. Le délai
est donc désormais d’un mois79
et court à compter de la signification de l’ordonnance. Cet
appel a un effet suspensif et sera instruit et jugé selon les articles 900 et suivants du code de
procédure civile.
b-L’appel-Nullité toujours soumis à la procédure du contredit de
compétence ?
Aucun texte ne prévoit les modalités de l’appel de la décision du juge d’appui
procédant d’un excès de pouvoir en matière d’arbitrage.
Sous l’empire du décret du 12 mai 1981, une jurisprudence constante80
imposait, par
analogie avec l’article 1457 al.2 ancien du CPC (devenu l’article 1460), la voie du contredit
de compétence comme condition de recevabilité de l’appel-nullité. C'est ce que vient de
rappeler la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 9 février 201181
. De manière prétorienne,
en faisant application de la règle du parallélisme des procédures, la Cour de cassation, à la
suite de la cour d'appel de Paris dont elle valide pleinement la solution, considère que lorsque
l’ordonnance du juge d’appui de désignation d'un arbitre procède d’un excès de pouvoir, elle
doit également être formée, instruite et jugée comme en matière de contredit de compétence
Cette solution n’est pas nouvelle, la deuxième chambre civile s'était déjà prononcée à
plusieurs reprises en faveur de l'application de la procédure du contredit en cas de recours
fondé sur l'excès de pouvoir en matière d'arbitrage82
. La première chambre civile ne fait que
donc s'aligner sur cette jurisprudence. En l’absence de fondement juridique à l’application
76
Cass.civ. 1re
, 22 sept. 2010, D. 2010. Actu. 2235 77
Art. 82, al. 1er
CPC 78
Art. 1460 CPC 79
Art. 538 CPC 80
Cass.civ. 2e, 21 janvier 1998, Rev.arb., 1998.113 ; Paris, 10 octobre 2002, Rev.arb. 2002.1056 ; Cass.civ., 2
e,
10 juillet 2003, Sté Lidl c/ sté Prodim, Rev.arb., 2004.933, Cass. Civ., 2e, 29 janvier 2004, Sté Genedis c/ sté
Pollet et Charpin distribution, Rev.arb., 2004.936. 81
Cass.civ. 1re
, 9 févier 2011, pourvoi n° 09-71-416 (n° 141 F-P+B+I). 82
Cass.civ. 2e, 21 janvier 1998, Rev.arb. 2004.936, obs. Moreau
59
d’une telle procédure, la solution repose sur des considérations d'opportunité : la procédure du
contredit permet de régler au plus vite l'incident lié à la désignation de l'arbitre par le juge
d'appui.
De plus, la deuxième chambre civile considère même que le pourvoi en cassation est
possible contre l’arrêt d’appel si celui-ci, ayant déclaré recevable un appel-nullité pour excès
de pouvoir, est lui-même entaché du même excès83
.
Le décret réformant le droit français de l’arbitrage doit entrer en vigueur le 1er
mai
2011, il est fort probable que la jurisprudence soumette le régime de l’appel-nullité à celui de
l’appel des décisions du juge d’appui refusant la désignation d’un arbitre pour les causes
prévues à l’article 1455 CPC. Ainsi, l’appel-nullité serait, par analogie, lui aussi soumis à
l’appel avec représentation.
Outre cet appel dérogatoire au principe d’interdiction des recours, il est toujours
possible de frapper d’appel une décision fondée sur un excès de pouvoir.
D'abord déclaré irrecevable84
, l’appel nullité a ensuite, conformément à ce qui est admis en
procédure civile, été reconnu possible lorsque la décision du juge d’appui est fondée sur un
excès de pouvoir.
§2 Recevabilité de l’Appel-nullité contre une décision procédant d’un excès de pouvoir
Conçu par la jurisprudence comme une soupape de sécurité offerte aux parties pour
remédier aux vices graves affectant une décision de justice, l’appel nullité doit demeurer une
voie de recours exceptionnelle car elle constitue une création contra legem, allant à l’encontre
du principe de prohibition des voies de recours posé par l’article 1460 al 3 du code de
procédure civile qui interdit les voies de recours à l’encontre des ordonnances rendues par le
juge d’appui.
A-La Recevabilité du recours pour excès de pouvoir dans le domaine de
l’arbitrage
Il est admis que l'appel-nullité, considéré comme un principe général du droit85
, est
ouvert, mais uniquement en cas d'excès de pouvoir86
.
83
Cass.civ., 2e, 18 décembre 1996, Bull., II, n° 283
84 Cass.civ. 2
e, 10 mars 1993, Rev.arb., 1993. 431
85 Cass.civ., 1
re, 10 mai 1995, Bull., I, n° 193
86 Cass.civ., 1
re, 7 mars 2000, Rev.arb., 2000.447 ; Civ. 2e, 30 avr. 2002, Rev.arb., 2002.719 ; Com. 23 janv.
2007, Rev.arb., 2007. 284
60
Le recours pour excès de pouvoir ouvre aux parties, à titre exceptionnel, le droit de
critiquer une décision de justice, alors même qu’un texte interdit l’exercice d’un recours.il a
vocation à s’appliquer en matière d’arbitrage dans un certain nombre d’hypothèses. Appelé à
intervenir comme juge d’appui pour aider à la mise en place de l’instance arbitrale ou faciliter
sa progression, il peut commettre un excès de pouvoir. Ce recours est soumis à un régime
dont les règles ont été consolidées par la jurisprudence et l’excès de pouvoir peut être identifié
à travers deux hypothèses.
1-Une voie de recours subsidiaire soumise au régime de droit commun
Les solutions relatives à l’excès de pouvoir constatées dans le domaine de l’arbitrage
appliquent le droit commun du recours pour excès de pouvoir. Le régime du recours est
constitué de quelques règles établies par la jurisprudence qui a pu affirmer le caractère
subsidiaire du recours et déterminer la procédure ainsi que la sanction qui lui sont propres.
a-Une voie de recours subsidiaire
Le recours pour excès de pouvoir à l’encontre de l’ordonnance du juge d’appui est une voie
de recours qui n’a été instituée que pour « venir à la rescousse » des parties qui sont dans
l’impossibilité d’agir. Ainsi, l’appel-nullité présente un caractère subsidiaire et ne peut, à ce
titre, être mis en œuvre que lorsqu’aucune autre voie de recours ne peut être ouverte87
.
b-Un régime soumis au droit commun
La partie qui subit l’excès de pouvoir a la possibilité de faire annuler la décision
« selon les voies de recours de droit commun"88
. Le pouvoir réglementaire, à travers le décret
de réforme du droit français de l’arbitrage, a fait le choix de modifier la forme de l’appel des
décisions du juge d’appui refusant de désigner un arbitre pour les causes prévues à l’article
1455 du CPC. Ainsi, l’appel dérogatoire est soumis à la procédure d’appel avec représentation
obligatoire.
La sanction de l’excès de pouvoir est de restaurer le recours qui aurait eu vocation à
s’appliquer à défaut d’interdiction. La question est de savoir si la jurisprudence va continuer à
appliquer la procédure du contredit de compétence ou celle de l’appel avec représentation
obligatoire (la procédure à suivre en cas d’appel dérogatoire depuis l’adoption du décret de
janvier 2011).
87
Cass.civ., 2e, 27 juin 1984, RTD civ., 1984.775
88 Cass.com., 30 mars 1993, Bull., IV, n°132, p.89
61
Dans un arrêt récent89
datant du mois de février de cette année, la première chambre de
la cour de cassation appliquait encore à l’appel nullité la procédure du contredit de
compétence, procédure à laquelle l’appel dérogatoire devait être soumis avant la réforme. Il
est à prévoir qu’après l’entrée en vigueur du décret le 1er
mai 2011, la jurisprudence aligne le
régime de l’appel-nullité à celui de l’appel dérogatoire, ainsi, l’appel procédant d’un recours
pour excès de pouvoir devra également se faire sous la forme d’un appel soumis à
représentation obligatoire.
2-Identification de l’excès de pouvoir commis par le juge d’appui
Un recours immédiat est donc possible sur le fondement de l’excès de pouvoir si le
juge d’appui méconnait le droit de l’arbitre de statuer sur le litige ou s’il méconnait le droit de
l’arbitre de statuer par priorité sur le litige. Il en sera de même lorsqu’il enfreint les limites qui
encadrent son intervention, ou refuse d’exercer pleinement les pouvoirs qui lui sont dévolus.
a-L’excès de pouvoir relatif à l’intervention du juge d’appui
Dans cette hypothèse, c’est le recours au juge d’appui qui est remis en cause dans son
principe. Le recours à l’excès de pouvoir permettra qu’il ne soit pas fait obstacle aux
prérogatives de l’arbitre par l’intervention du juge étatique. Cependant, ce recours permet
aussi de pallier aux refus intempestifs du juge d’appui d’intervenir, alors qu’il est le seul,
lorsqu’une difficulté surgit, à pouvoir secourir les parties et lever les obstacles.
Ainsi, cette voie de recours permet à la fois de contrer les empiétements du juge du fond sur
le terrain de l’arbitre, mais aussi de remédier aux « mouvements de retraite » du juge d’appui.
Le recours pour excès de pouvoir90
sanctionne la décision du juge qui méconnaît la règle qui
confère à l’arbitre le droit de statuer par priorité sur sa compétence ou encore celle par
laquelle le juge s'immisce dans la procédure arbitrale malgré sa soumission par les parties à la
compétence d'un centre d'arbitrage91
.
Le recours pour excès de pouvoirpourra aussi sanctionner la décision du juge de refuser
d’intervenir sous prétexte que le droit est obscur, que la convention est caduque ou encore,
89
Cass.civ. 1re
, 9 févier 2011, pourvoi n° 09-71-416 (n° 141 F-P+B+I). 90
« Il y a recours pour excès de pouvoir lorsque, en dépit d’un texte prohibant l’exercice de recours,
définitivement ou provisoirement, une voie de droit est néanmoins ouverte, a l’effet de sanctionner la
méconnaissance par le juge de ses attributions, à laquelle on peut assimiler la violation d’un principe
fondamental de la procédure, et de rétablir la partie qui est victime dans les droits qu’auraient été les siens en
l’absence d’interdiction » Revue de l’Arbitrage 2002. 91
TGI Paris 18 janvier 1991, Rev.arb. 1996.504
62
que l’intérêt du litige est insuffisant92
. Or, dans le cadre de cet excès de pouvoir négatif, la
non intervention du juge d’appui peut être perçue comme un déni de justice. Cependant, ce
déni, sous l’angle de l’excès de pouvoir, correspond en vérité à un empiétement. Ainsi,
lorsque le juge d’appui refuse d’intervenir pour cause de défaut d’intérêt ou encore pour
caducité de la convention, il se place sur le terrain réservé de l’arbitre, il se substitue
indirectement à lui et s’arroge son pouvoir. L’arbitre est seul compétent concernant tout ce
qui touche à la convention principale ou à ses effets et concernant tout ce qui intéresse les fins
de non recevoir ou les moyens que le défendeur peut opposer au demandeur. L’excès de
pouvoir négatif sera caractérisé si le juge d’appui s’empare de ce type de considération pour
décider qu’il n’a pas à se prononcer.
Ainsi, la notion d’excès de pouvoir retenue par la jurisprudence a non seulement un aspect
positif qui consiste à reprocher au juge d’avoir dépassé ses pouvoirs elle revêt également un
aspect négatif en ce sens qu’elle sanctionne le comportement du juge qui refuse d’exercer ses
attributions.
b-L’excès de pouvoir relatif aux modalités de désignation de
l’arbitre
Dans cette hypothèse, ce sont les modalités de l’intervention du juge d’appui qui sont mises
en cause. Dans ce cas de figure, il convient de s’attarder sur la solution de l’arrêt Dutco93
qui
assujettit le processus de constitution du tribunal au principe d’égalité entre les parties. Or, la
méconnaissance du principe d’égalité relève t-il du domaine de l’excès de pouvoir ? Dans un
arrêt du 10 octobre 200294
, la cour d’appel de Paris affirme que la violation, par le juge
d’appui, du principe d’égalité peut caractériser un excès de pouvoir
La Cour de Cassation française a ainsi admis que la méconnaissance par une décision
judiciaire d'un principe général de l'arbitrage, en l'occurrence celui du respect de l'égalité des
parties dans le processus de désignation d'un arbitre, justifierait un recours pour un excès de
pouvoir contre elle95
.
92
Cass.civ., 3e, 16 avril 1970, D., 1970.474 ; Cass.civ. 1
re, 17 mai 1983, Bull, I, n°149, p.131
93 Cass.civ., 1
re, 7 janvier 1992, Rev.arb., 1992.470.
94 Paris, 10 octobre 2002, Rev.arb., 2002.1977
95 Cass.civ. 2
e, 13 juin 2002, Société Prodium c/ SARL Ocalenn , Rev.arb., 2002.612
63
B-Le renforcement du recours pour excès de pouvoir en faveur du principe
d’efficacité
Cette voie de recours « ultime » est une voie créée contra legam, de ce fait elle doit rester
exceptionnelle.
1-Une voie de recours contra legem fondée sur la méconnaissance par le
juge d’appui des limites ou de l’étendue de son pouvoir
Dans le cadre de l’arbitrage, l’appel nullité procédant d’un excès de pouvoir constitue
une mesure contra legem qui va à l’encontre de l’interdiction de tout recours contre les
décisions du juge d’appui prévue à l’article 1460 du CPC.
Le recours pour excès de pouvoir permet l’éviction de la règle prohibant l’accès au juge
supérieur et aboutit à la sanction immédiate de la méconnaissance par le juge des principes
essentiels qui légitiment sa fonction.
Le juge d’appui sera alors sanctionné, soit pour avoir outrepassé ses pouvoirs et s’être
immiscé dans le domaine dévolu à l’arbitre, soit parce qu’il aura refusé d’exercer pleinement
les pouvoirs qui lui sont dévolus.
De ce point de vue, cette voie de recours allant à l’encontre d’une interdiction posée par le
droit de l’arbitrage est fondée et est de nature à faire en sorte que le juge d’appui assume
pleinement la mission d’assistance de la procédure arbitrale lorsque la convention d’arbitrage
est valide.
2-Une voie de recours nécessairement exceptionnelle
Au delà de son caractère subsidiaire, le recours pour excès de pouvoir doit demeurer
exceptionnel puisque la jurisprudence qui l'institue viole la règle interdisant tout recours
contre la décision du juge d’appui.
Le fondement de ce caractère exceptionnel réside dans le fait que ce recours contredit un texte
excluant toute voie de recours ordinaire ou extraordinaire contre les ordonnances du juge
d’appui.
C’est ce caractère exceptionnel que la cour d’appel a voulu consacrer dans son arrêt
Culioli du 10 octobre 200296
.
96
Paris, 10 octobre 2002, Culioli v SA Gastrolouvre et Sibella, Rev.arb., 2002.1053
64
Section 2 Une décision dotée de l’autorité de chose jugée au fond en faveur de l’efficacité
de la sentence arbitrale
Les conditions procédurales gouvernant l'intervention du juge d’appui sont de nature à
garantir aux parties l'obtention rapide d'une décision ayant force de chose jugée au fond
§1 La saisine du juge d’appui « comme en matière de référé »
A-Une analogie avec la procédure de référé se limitant aux modalités de saisine
du juge d’appui
L’article 1460 CPC prévoit que « le juge d’appui est saisi soit par une partie, soit par
le tribunal arbitral ou l’un de ses membres. La demande est formée, instruite et jugée comme
en matière de référé ».
La saisine peut être faite par voie d'assignation ou de requête conjointe97
, par la partie la plus
diligente ou par un arbitre98
. Suivant une pratique développée dès les premières années,
courant 1981 à 1983, le magistrat fixe un calendrier aux parties et renvoie l'affaire à des
audiences ultérieures jusqu'à complète solution des difficultés. Le requérant saisit le Président
du Tribunal de grande instance de Paris, par voie d’assignation en forme de référé, dont il
dépose le projet au greffe en demandant au Président de fixer une date et une heure pour
l’audience. Dans les 15 jours qui suivent, le Président fixe une date et une heure, dans les 30
jours à compter du dépôt, et autorise le requérant à faire délivrer l’assignation au défendeur
qui formule ses écritures en réponse. L’ordonnance est généralement rendue dans les 15 jours
qui suivent l’audience devant le Président. Soit un délai moyen de procédure de deux mois
pour obtenir la décision du juge d’appui.
Cette méthode, qui n'implique aucun dessaisissement, permet d'assister efficacement la justice
arbitrale sans attendre la réassignation du défendeur99
. Afin d'assurer le respect du
contradictoire, l'arbitre concerné doit être assigné et les autres arbitres doivent avoir
notification de la procédure, au besoin dans le cas d'un arbitrage administré en passant par
l'intermédiaire du centre, pour leur permettre d'intervenir s'ils l'entendent.
97
TGI Paris, 22 février 1984, Cordier c/ Ruze et société des Bazars populaires, no 001374
98 TGI Paris, 29 novembre 1989, Sté Omnium de travaux c/Rép. de Guiné, Rev.arb., 1990.525
99 TGI Paris, 12 et 20 déc. 1991, Sté Campenon Bernard c/Eurodisneyland, Rev.arb., 1996.516, note P. Fouchard
65
L'analogie avec la procédure de référé s'arrête donc aux modalités de la saisine, aussi
les conditions du référé de droit commun, l'urgence et l'absence de contestation sérieuse ne
sont pas applicables100
.
Même si le juge d’appui se prononce sur une question de procédure, il tranche un
véritable différend relatif à la nomination d'un arbitre, après un débat contradictoire, et que,
bien que saisi « comme en matière de référé », ce n'est pas un juge des référés car il rend une
décision au fond.
B-Le Juge d’appui : un juge statuant au fond
L’article 484 CPC prévoit que « l’ordonnance de référé est une décision provisoire »,
que le juge n’est pas saisi au principal, ayant le seul pouvoir « d’ordonner immédiatement les
mesures nécessaires ».
La décision du juge d’appui est une décision au fond, à laquelle les dispositions de
l'article 488 CPC sur la modification ou le rapport d’une ordonnance de référé en cas de
circonstances nouvelles sont inapplicables101
.
Le mot "fond" comme dans l'expression "au fond" renvoie aux dispositions légales
réglementaires ou contractuelles par références auxquelles le juge détermine les droits de l'une
ou l'autre des parties. En abordant le "fond" du litige, le juge va statuer "au principal".
Dans le langage de la procédure on parle du "juge du fond" pour désigner une juridiction qui a
compétence pour décider des demandes des parties relativement à l'objet du litige.
A l'opposé se trouve le "juge des référés" qui est le juge de l'urgence et qui ne statue qu'au
provisoire. Sa décision ne s'impose ni à lui-même, ni aux juridictions de première instance, ni
aux cours d’appel, ni à la cour de cassation.
Le juge d’appui pourra statuer au fond quant à des demandes relatives aux difficultés de
constitution du tribunal arbitral, de récusation d’un arbitre, d’empêchement ou d’abstention
de l’arbitre, et de prorogation du délai de l’instance arbitrale (le tribunal arbitral dispose d’un
délai de 6 mois pour trancher le litige à compter de la date à laquelle l’ensemble des arbitres
composant le tribunal arbitral ont accepté leur mission.)
100
Cass.civ. 2e, 8 avr. 1998, Rev.arb., 1998.373, note A. Hory
101 TGI Paris, 23 nov. 1992, Rev.arb., 1994.715, 1
re décision, note A. Hory
66
Le juge d’appui a, contrairement à la décision du juge des référés, autorité de la chose jugée102
car il statue "au principal". Cette notion constitue une référence à la procédure au fond par
opposition aux mesures provisoires que peuvent ordonne le juge des référés. Seules les
dispositions sur lesquelles il a été statué au principal ont l'autorité de la chose jugée.
§2 Une décision juridictionnelle revêtue de l’autorité de chose jugée au fond
L’article 1460 CPC précise que « la demande est formée, instruite et jugée comme en
matière de référé », cela indique clairement qu’il n’est pas question d’une instance en référé
mais une instance au fond et qu’en conséquence le juge d’appui prononce des ordonnances
qui ont autorité de chose jugée (A). Ainsi, le point litigieux qui lui a été soumis ne peut être
remis en cause ultérieurement dans le cadre d’un éventuel recours en annulation (B).
A-Une décision dotée de la force de chose jugée
Bien que les textes ne le prévoient pas expressément, la jurisprudence a pu, à maintes
reprises, mettre en exergue le fait que l’ordonnance du juge d’appui est dotée de l’autorité de
chose jugée au sens de l’article 480 CPC.
En effet, de l'interdiction des recours à l'encontre des décisions du juge d’appui, la
jurisprudence a déduit l'interdiction de toute remise en cause devant le juge de l'annulation
des décisions de celui-ci qui a ainsi irrévocablement statué103
.
En comparaison, les décisions prises par les institutions d'arbitrage (ou de toute autre autorité
de désignation) n'offrent pas un tel caractère intangible en raison de la nature administrative et
non juridictionnelle de leurs interventions. Seul le juge d'appui a le pouvoir de trancher ces
questions, alors que les autorités de désignation les « règlent ». Ainsi, lorsqu'elles prennent
des décisions sur les questions de récusation, les institutions arbitrales n'exercent pas une
mission juridictionnelle mais une simple délégation de pouvoirs contractuellement consentie
par les parties qui n'aboutit pas à une décision assortie de l'autorité de chose jugée.
La cour d’appel a réitéré cette solution dans plusieurs arrêts et notamment dans un arrêt rendu
le 3 mars 2005. Saisi sur le fondement des articles 1454 et suivants du NCPC, le président
d’un tribunal de grande instance statuant en la forme des référés ayant dit que les parties sont
bien convenues de proroger le délai de la mission et que la demande de récusation de l’arbitre
pour défaut d’indépendance et d’impartialité était infondé, la décision intervenue a
102
Paris, 26 mai 1992, Rev.arb., 1993. 431, note A. Hory 103
Paris, 6 avril 1990, Rev. arb., 1990. 880, note M. de Boisséson ; pour une décision concernant les délais de
l'arbitrage, CA Paris, 8 mars 2001, Rev.arb., 2001. 567, note C. Legros
67
irrévocablement statué sur la durée de la mission et sur l’indépendance et l’impartialité de
l’arbitre, questions insusceptibles d’être rejugées par le moyen d’un recours en annulation des
lors que l’objet des contestations est identique quant à la durée de la mission et la récusation,
le recourant n’excipant pas d’aucun élément différent ou nouveau. L’intervention du juge
étatique a eu pour effet, en réglant, sans recours possible, ces contestations, d’assurer et de
consacrer la régularité du tribunal arbitral. A défaut de révélation ultérieure d’un vice, les
moyens ne peuvent être accueillis.
Cette solution a été confirmée par la suite dans un arrêt du 10 novembre 2005104
, la cour
d’appel a jugé que l’ordonnance du juge d’appui avait irrévocablement statué sur l’expiration
du délai d’arbitrage et que cette question ne pouvait donc plus être discutée devant le juge de
l’annulation. L'ordonnance du juge d'appui, rejetant une demande de prorogation du délai de
l'arbitrage au motif que la demande était déjà faite hors délai, a l'autorité de chose jugée dès
lors qu'un appel nullité dirigé contre cette décision a été rejeté par la Cour de Colmar, en sorte
que la question du délai de l'arbitrage ne peut plus être rediscutée devant le juge de
l'annulation.
Il en sera de même si le juge d’appui rejette une demande en récusation, les parties ne
pourront plus invoquer les causes de récusation dans le cadre d’un recours en annulation ou
d’une demande en exequatur105
.
Un autre arrêt confirme cette solution et, fait plus original, le juge d’appui avait été saisi par
un arbitre unique, contesté par l'une des parties au moment de sa désignation, et ce afin que le
juge en cause statue sur la demande de récusation. Peu regardant sur les conditions de sa
saisine, le président du Tribunal de grande instance de Chartres s’est estimé compétent et dit
n'y avoir lieu à récusation de l'arbitre. L'arbitrage se poursuit donc et une sentence est rendue.
Elle est attaquée sur le fondement de l'absence d'indépendance de l'arbitre qui aurait été
désigné de manière « systématique » par l'autre partie, de telle manière qu'existerait un «
courant d'affaires entre cet arbitre et cette partie ». Lien d’ailleurs révélé par l’arbitre. La Cour
d'appel rejette le recours en annulation au motif, que le juge d’appui s'est déjà prononcé sur la
104
Paris, 10 novembre 2005, Tinnes et Floradis c. Système U, Rev.arb., 2006.469 105
Paris, 7 février 2008, Rev.arb., 2008.501
68
prétendue absence d'indépendance de cet arbitre, et que sa décision est dotée de l’autorité de
chose jugée106
.
Un tel arrêt soulevait alors une série de questions. Premièrement, en saisissant le juge
d’appui, l'arbitre unique a obtenu une décision derrière laquelle s'abrite la Cour d'appel
énonçant que « les vices entachant la désignation de l'arbitre ont été purgés par
l’ordonnance, (...) laquelle a irrévocablement autorité de chose jugée ». Or, selon l’ancien
article 1452 NCPC, l'arbitre ne pouvait pas lui-même saisir le juge d’appui pour qu'il tranche
l'incident d'indépendance. C’est désormais une possibilité prévue par l’article 1460 CPC qui
dispose « le juge d'appui est saisi soit par une partie, soit par le tribunal arbitral ou l'un de ses
membres ». L'article 1452, alinéa 2, NCPC énonçait que si la déclaration d'indépendance était
contestée par l'une des parties, l'arbitre ne pouvait se maintenir. Deuxièmement, rien ne
permettait de penser que la décision du juge d’appui sur l'indépendance s'imposait à la Cour
d'appel comme elle l'énonce car même s'il eût fallu sans doute que l’ordonnance soit
immédiatement attaquée, on sait qu'elle ne peut l'être que si elle refuse la désignation de
l'arbitre ou en cas d'excès de pouvoir. Le recours contre l’ordonnance n'étant pas ouvert au
moment où elle est rendue, il ne pouvait réapparaître dans le recours en annulation.
Troisièmement, les parties à cette affaire étaient les mêmes que dans l'arrêt rendu par la Cour
d'appel de Paris le 29 janvier 2004107
, laquelle avait estimé que si l'arbitre avait effectivement
révélé être déjà intervenu dans des litiges avec l'une des parties, il n'avait pas été
suffisamment précis sur le nombre important de fois où cela s'était produit. Or, il s'agit en
l'espèce, non seulement des mêmes parties, mais aussi du même arbitre dans un autre
arbitrage. La demanderesse au recours en annulation n'a d'ailleurs pas manqué d'invoquer la
décision parisienne. La Cour d'appel de refusa d'annuler la sentence sur les motifs qui avaient
fondé l'annulation à Paris.
La décision du juge d’appui est donc revêtue de l’autorité de chose jugée. Une
question se pose alors : soutenir que le juge d’appui a pu irrévocablement statuer sur des
demandes telles que la durée de l’arbitrage ou l’indépendance d’un arbitre est il de nature à
remettre en cause la pleine efficacité d’un éventuel recours en annulation de la sentence
arbitrale fondé sur ces points litigieux déjà tranchés ?
106
CA Versailles, 2 mars 2006, n° 04/05773, Me Y. Perrin 107
CA Paris, 29 janvier 2004, Rev.arb., 2005, p. 709 (1re esp.), note M. Henry
69
B-Une circonstance de nature à immuniser la sentence arbitrale d’un éventuel
recours en annulation ?
Le fait que la décision du juge d’appui soit dotée de l’autorité de chose jugée prive t-il
les parties de l’effectivité d’un recours en annulation, et partant de l’effectivité d’un contrôle
de la cour de cassation sur des griefs aussi importants que le défaut d’impartialité et
d’indépendance de l’arbitre ?
L’ordonnance du juge d’appui est dotée de l’autorité de chose jugée, cependant, cette
décision peut toujours faire l’objet d’un appel réformation sur le fondement de l’article 1460
CPC si la convention d’arbitrage est manifestement nulle ou inapplicable, voire même d’un
appel nullité en cas d’excès de pouvoir commis par le président du tribunal de grande
instance. Les parties ayant alors la possibilité de contester la décision du juge d’appui qui ne
serait pas conforme au dt de l’arbitrage. Ainsi, le fait de ne pas pouvoir se fonder sur des
points litigieux déjà tranchés par le juge d’appui pour faire annuler une sentence arbitrale ne
porte pas préjudice aux litigants mécontents qui, n’ayant pas fait appel de l’ordonnance, ne
peuvent s’estimer lésés de ne pas pouvoir s’en prévaloir ultérieurement dans le cadre d’un
recours en annulation sur le fondement de l’article 1492 CPC.
De plus, A supposer que cela soit de nature à amoindrir l’effectivité d’un recours en
annulation, le droit de l’arbitrage français, et plus particulièrement la jurisprudence des
juridictions concernées par l’arbitrage international (le président du tribunal de grande
instance, la cour d’appel ainsi que la cour de cassation) ont fait preuve, très tôt d’un des plus
grands libéralismes au monde quant à l’autonomie de la procédure arbitrale vis-à-vis des
juridictions étatiques. Le fait que la sentence arbitrale soit, du fait de la « purge » des griefs
opérée par l’ordonnance du juge d’appui, plus efficace s’inscrit dans la cohérence d’un
libéralisme à la fois textuel et surtout jurisprudentiel, une jurisprudence qui est venue
compléter et interpréter le droit français de l’arbitrage établi par les décrets de 1982 dans le
sens d’une appréhension de l’arbitrage toujours plus soucieuse de l’autonomie et de
l’efficacité de ce mode de résolution des conflits.
70
71
CONCLUSION GENERALE
I-Une compétence territoriale étendue mais principalement mise en œuvre en
présence d’un lien de rattachement entre le litige et la France
La compétence territoriale a été, dans un premier temps étendue par la jurisprudence,
puis, dans un deuxième temps, consacrée et accrue par le décret de réforme.
Malgré la proclamation d’un chef de compétence internationale, l’hypothèse de la
compétence universelle du juge d’appui, affranchie de l’exigence de tout lien de rattachement
et qui répond donc à une conception déterritorialisée (exprimant l’extrême libéralisme de
l’ordre juridictionnel français) de l’intervention de ce juge étatique, est exceptionnelle et n’est
pas de nature à représenter la majorité des interventions du juge d’appui dans l’arbitrage
commercial international.
Parmi les quatre chefs de compétence du juge d’appui, trois d’entre eux répondent à
une conception plus « DIPiste » de l’arbitrage international qui veut que la compétence du
juge d’appui soit appréciée en fonction de critères de rattachement liant l’arbitrage en cause et
la France. L’intervention du juge d’appui reste prépondérante en cas de rattachement du litige
avec la France.
§1 Une compétence territoriale étendue ou la prédominance des chefs de compétence
présentant des liens de rattachement avec la France
L’article 1505 CPC qui détermine les chefs de compétence territoriale du juge d’appui,
trois d’entre eux sont mis en œuvre de par l’existence de liens de rattachement avec l’ordre
juridictionnel français. Ainsi, sauf clause contraire, le juge d’appui français sera compétent
pour intervenir à un arbitrage international lorsque les parties auront décidé de soumettre
l’arbitrage à la loi de procédure française, lorsque les parties auront expressément donné
compétence aux juridictions française pour connaitre des différents relatifs à la procédure
arbitrale ou encore (et surtout), lorsque l’arbitrage se déroule en France.
Le chef de compétence le plus fréquemment mis en œuvre dans le cadre de l’arbitrage
commercial international est celui du siège de l’arbitrage. Chef de compétence répondant à
une conception localisatrice de l’arbitrage. En réalité cela semble surtout justifié par
72
l’attractivité de la place de paris de par la présence de la CCI siégeant à la capitale que par une
réelle volonté de rattacher l’arbitrage à un ordre juridictionnel étatique.
Un autre chef de compétence correspond plus à la conception libérale du droit français
de l’arbitrage : celui de la compétence universelle du juge d’appui français en cas de déni de
justice.
§2 Une compétence universelle proclamée et affranchie de tout lien de rattachement
mais conditionnée à l’existence d’un déni de justice
L’hypothèse mise en exergue dans l’arrêt NIOC d’un « déni de justice arbitrale » est
tout à fait exceptionnelle.
Exceptionnelle, de par les circonstances hors du commun conduisant une des parties au litige
a faire face à un déni de justice, ne pouvant valablement saisir aucune des juridictions
nationales propre à chaque partie.
Exceptionnelle également de par la nature « arbitrale » du déni de justice. Arbitrale car le
demandeur à l’arbitrage ne pouvait saisir aucune juridiction étatique à même de rendre une
décision efficace qui puisse lui permettre de faire valoir ses prétentions devant un tribunal
arbitral, tel que prévu par la convention d’arbitrage, même si en réalité, le déni de justice ne
réside pas dans l’impossibilité d’accéder à l’arbitre mais dans l’impossibilité d’accéder au
juge d’appui.
L’arrêt conditionnait alors la compétence universelle du juge d’appui français à
l’existence d’un déni de justice ainsi que celle d’un lien de rattachement avec la France,
même ténu.
Le décret de janvier 2011 ne reprend pas expressément cette condition de lien de
rattachement avec la France et, il est à penser que si, par extraordinaire, les juridictions
françaises sont amenées à se prononcer, à nouveau, sur une affaire similaire exposant une des
parties à un arbitrage international à un déni de justice, elles ne feront pas du lien de
rattachement avec la France une condition à la compétence internationale du juge d’appui
français. Le déni de justice étant une condition nécessaire et suffisante.
Ce chef de compétence internationale procède d’une conception délocalisatrice ou
transnationale de l’arbitrage et constitue une manifestation du libéralisme du droit français de
73
l’arbitrage, cependant, ce type d’hypothèse étant exceptionnel, la compétence universelle du
juge d’appui français en cas de déni de justice restera probablement, à l’image de son
fondement, exceptionnelle.
Cette solution jurisprudentielle, devenue disposition textuelle est tout à fait caractéristiques de
la sollicitude de l’ordre juridictionnel français à l’égard de l’arbitrage international qui ira
jusqu’à l’interventionnisme lorsque celui-ci éprouve des difficultés de fonctionnement.
II-Une compétence matérielle étendue et accrue : une intervention de nature à
sécuriser l’arbitrage
Même si la compétence matérielles du juge d’appui a été étendue par la jurisprudence,
puis consacrée et accrue par le décret de réforme, cette compétence reste, principalement,
subsidiaire, les parties dérogeant fréquemment à la compétence du juge d’appui par une
stipulation contraire. Toutefois, en l’absence de clause contraire, le juge d’appui dispose de
pouvoirs étendus et œuvre en faveur de l’efficacité de l’arbitrage.
§1 Une intervention accrue mais principalement subsidiaire
Comme le prévoit l’article 1505 CPC, les parties peuvent, par clause contraire, déroger
à la compétence du juge d’appui pour lui préférer bien souvent l’intervention d’un centre
d’arbitrage.
Le plus souvent, en effet, les parties seront de nationalités différentes et ne partageront ni la
même langue, ni la même culture, ni les mêmes traditions juridiques. Elles risquent aussi
d'avoir une vision divergente des moyens d'aboutir à une solution raisonnable et équitable de
leur litige. Les parties peuvent également nourrir un certain sentiment de méfiance, aggravé
par un manque d'informations ou par des hésitations quant à la conduite à tenir. Ces
problèmes se trouveront accrus par la distance et par le désavantage dont chacune des parties
pourrait souffrir en se soumettant aux procédures du pays d'origine de l'autre. Pour toutes ces
raisons, les parties peuvent avoir des réticences à porter leur litige devant les tribunaux
nationaux et préfèreront ainsi recourir aux centres d’arbitrages pour remplir « régler » les
différends relatifs à la mise en œuvre de la convention d’arbitrage.
Cependant, même si les parties auront souvent recours aux centres d’arbitrage, le juge
d’appui conservera une compétence résiduelle et son intervention sera d’autant plus
significative que ces décisions sont de vraies décisions juridictionnelles ayant autorité de
74
chose jugée et dont la contestation est régie par un principe d’interdiction, ce qui est de nature
à sécuriser la voie de l’arbitrage.
§2 Une intervention constituant un instrument de sécurisation de l’arbitrage
L’intervention du juge d’appui est une intervention de nature à rendre la volonté initiale des
parties de recourir à l’arbitrage, telle qu’exprimée dans la convention d’arbitrage, efficace.
Le juge d’appui peut intervenir avant ou après la constitution du tribunal arbitral, l’appel de
ces décisions est strictement encadré, de sorte à ce que, au vu de sa faveur à toute convention
d’arbitrage qui ne soit pas manifestement nulle ou inapplicable (ces notions prévues à l’article
1455 CPC étant appréciées de façon très restrictive dans le cadre d’un contrôle superficiel),
l’arbitrage soit correctement mise en œuvre. De plus, la décision du juge d’appui étant dotée
de l’autorité de chose jugée au fond, cela constitue une circonstance de nature à immuniser la
sentence d’un éventuel recours en annulation.
Le juge d’appui, intervention étatique à l’arbitrage, constitue une manifestation significative
du caractère libéral et favorable de l’ordre juridictionnel français à l’arbitrage commercial
international.
75
BIBLIOGRAPHIE
I-Ouvrages généraux :
A. Kassis, La réforme du droit de l'arbitrage international - Réflexions sur le texte
proposé par le Comité français de l'arbitrage, L'Harmattan, 2008
Ph. Fouchard, E. Gaillard, B. Goldman, Traité de l’arbitrage commercial international,
Litec, 1996
II-Textes :
La Convention de New York sur la reconnaissance et l'exécution des sentences
arbitrales étrangères, signée le 10 juin 1958
Code de procédure civile, Articles : L1444 et s. (ancienne numérotation), 1451 et s.
(nouvelle numérotation)
Décret n°80-354 du 14 mai 1980
Décret nº 81-500 du 12 mai 1981
Décret n°2011-48 du 13 janvier 2011 portant réforme de l'arbitrage.
III-Articles :
Ch. JARROSSON, Réflexions sur l'imperium, Etudes offertes à P. BELLET, Litec,
1991
J.-B. Racine, « Réflexions sur l'autonomie de l'arbitrage commercial international »,
in Journée d'hommage et d'études à la mémoire de Philippe Fouchard, Paris, 11 mars
2005, Rev.arb., 2005.305
J.-F. Poudret et S. Besson, Droit comparé de l'arbitrage international, Bruylant,
LGDJ et Schulthess, 2002
Ph. Fouchard, « La coopération du président du Tribunal de grande instance à
l’Arbitrage », in Rev.arb., 1985.5
IV-Jurisprudence :
Cass.civ. 1re
, 2 mai 1966, Galakis, Rev.arb., 1966.99
76
Cass.civ.1re
, 9 novembre 1993, Bul.civ. I N° 313 p. 218
Cass.civ. 1re
, 6 juillet 2005, Goishani c/ Gouvernement République islamique d'Iran,
Rev.arb., 2005.993, note P. Pinsolle
Cass.civ.1re
, 29 juin 2007, PT Putrabali Adyamulia c/ Rena Holding, Rev.arb.,
2007.507
Le principe de l’autonomie de la clause compromissoire :
Cass.civ. 1re
, 7 mai 1963, Bull. civ. I, n° 246 : arrêt Gosset
Cass.civ. 1re
, 30 mars 2004, Rev.arb., 2005.959
Le principe de compétence-compétence :
Cass.civ. 1re
, 1er
décembre 1999, Société Métu System France c/ société Sulzer,
Rev.arb., 2000.98
Cass.civ.1re
, 26 juin 2001 : Société American bureau of Shipping (ABS) c/
Copropriété maritime Jules Verne et autres, Rev.arb., 2001.529
La compétence territoriale du juge d’appui français :
TGI Paris, 12 juillet 1989, Rev.arb., 1990.176 (1re
esp.), note Ph. Kahn
TGI Paris, 10 janvier 1996, Rev.arb., 2002.429
TGI Paris, 9 février 2000, Rev.arb., 2002.431
Cass.civ. 1re
, 7 mars 2000, Société Adidas-Salomon c/ Société Ventex, Rev.arb.,
2000.447, note Lacabarats
Paris, 28 septembre 2000, Rev.arb., 2002.427 (1re
esp.), note P. Fouchard
Cass.civ. 1re
, 20 février 2001, Rev.arb., 2001.511, note Th. Clay
Paris, 29 mars 2001, Rev.arb., 2002.427 (2e esp.), note P. Fouchard
Paris, 8 novembre 2001, Rev.arb., 2001.925
La compétence matérielle du juge d’appui :
Cass., Civ. 19 février 1930, Mardelé c/ Müller et Cie
TGI Paris, 12 janvier 1988 et 3 juin 1988, Rev.arb., 1994.538, obs. Ph. Fouchard
77
TGI Paris, 19 mai 1988, Sofrimpex c/Cafcao, no 4573/88 ; CA Paris, 26 mai 1992,
Guyapêche c/Sté Export AB Frantz Witte et Co, Rev.arb., 1993.431, 3e esp., note
A. Hory
TGI Paris, 13 juillet 1988, Rev.arb., 1989.97, note P. Bellet
TGI Paris, 28 octobre 1988, Rev.arb., 1989.97
TGI Paris, 14 et 29 juin 1989, 15 juillet 1989, Drexel Burnham Lambert Ltd c/Philipp
Brothers, Rev.arb., 1990.497
TGI Paris, 12 juillet 1989, La Belle Créole c/The Gemtel Partnership, Rev.arb.,
1990.176, note P. Kahn
TGI Paris, 2 juillet 1990, Annahold Frydman et D. c/L'Oréal, Rev.arb., 1996.483
TGI Paris, 15 février 1995, Rev. arb., 1996.503, note P. Fouchard
CA Paris, 1er
juillet 1997, Rev.arb., 1998.131
TGI Paris, 29 octobre 1997, Rev.arb., 1998.383, note J.-L. Delvolvé
Paris, 29 mars 2001, NIOC c/État d'Israël, Rev.arb., 2002.427 (2e esp.), note P.
Fouchard
TGI Paris, 24 juin 2004, Rev.arb., 2005.1037, note Y. Derains
Cass.civ. 1re
, 6 déc. 2005, Consorts Juliet c. Castagnet et al, pourvoi n° U 03-13.116
Cass.civ., 1re
, 20 février 2007, Sté UOP NV, n° 06-14.107, Bull. I, n° 62 ; D. 2007.
AJ.734, obs. X. Delpech
Le caractère subsidiaire voire supplétif des décisions du juge d’appui et le régime des
décisions du mandataire conventionnel en tant que juge d’appui contractuellement choisi :
Paris, 13 juillet 1978, D. l 985, 45, note Rameau.
TGI Paris, 24 février 1992, Rev.arb., 1994.557, obs. Fouchard
Cass.civ. 1re
, 10 mai 1995, Rev.arb. 1995.607, note A. Hory
Paris, 19 juin 2003, Bacques et autres c/ SARL Carlyle Holdings, Rev.arb., 2004.136
Le régime des recours contre les décisions du juge d’appui :
Paris, 9 novembre 1983, Rev.arb., 1985.81 ; Paris, 24 novembre 1989, Rev.arb.,
1990.176, note P. Kahn
Cass.civ. 2e, 22 novembre 1989, Rev.arb., 1990. 142, note S. Guinchard
78
TGI Paris 18 janvier 1991, Rev.arb. 1996.504
Cass.civ., 2e, 18 décembre 1996, Bull., II, n° 283
Cass.civ. 2e, 21 janvier 1998, Rev.arb., 1998.113
Cass.civ., 1re
, 7 mars 2000, Rev.arb., 2000.447
Paris, 10 octobre 2002, Rev.arb., 2002.1977
Paris, 10 octobre 2002, Culioli v SA Gastrolouvre et Sibella, Rev.arb., 2002.1053
Cass.civ. 1re
, 22 septembre 2010, D. 2010. Actu. 2235
Cass.civ. 1re
, 9 févier 2011, pourvoi n° 09-71-416 (n° 141 F-P+B+I)
Le mode de saisine du juge d’appui :
TGI Paris, 22 février 1984, Cordier c/ Ruze et société des Bazars populaires,
no 001374
TGI Paris, 29 novembre 1989, Sté Omnium de travaux c/Rép. de Guiné, Rev.arb.,
1990.525
Cass.civ. 2e, 8 avr. 1998, Rev.arb., 1998.373, note A. Hory
Paris, 8 mars 2001, Rev.arb. 2001.567
La décision du juge d’appui revêtue de l’autorité de chose jugée :
Paris, 26 mai 1992, Rev.arb., 1993. 431, note A. Hory
Paris, 10 novembre 2005, Tinnes et Floradis c. Système U, Rev.arb., 2006.469
CA Versailles, 2 mars 2006, n° 04/05773, Me Y. Perrin
79
TABLE DES MATIERES
SOMMAIRE 3
INTRODUCTION 4
I-LES PRINCIPAUX APPORTS DU DECRET DU 13 JANVIER 2011 5
§1 La consécration de certains principes dégagés par la jurisprudence 5
§2 L’assouplissement de certaines règles conformément aux nécessités de la pratique 8
§3 La soumission de la procédure arbitrale au respect de principes fondamentaux 8
II-LE LIBERALISME DU DROIT FRANÇAIS DE L’ARBITRAGE EN FAVEUR DE
L’ARBITRAGE INTERNATIONAL 9
§1 Un libéralisme significatif se manifestant à toutes les étapes de la procédure arbitrale 9
A-Libéralisme quant à la convention d’arbitrage 9
B-Libéralisme quant à l’instance arbitrale 10
C-Libéralisme quant à la sentence arbitrale 11
§2 Le juge d’appui français : une intervention étatique in favor arbitri 12
A-Le juge d’appui : une notion empruntée au droit suisse 13
B-Le juge d’appui : une intervention distincte d’autres interventions étatiques à la procédure arbitrale 14
C-Le juge d’appui : le « bon samaritain » de l’arbitrage international 14
PARTIE 1 UNE COMPETENCE TERRITORIALE ELARGIE EN
FAVEUR DE L'ARBITRAGE INTERNATIONAL 15
CHAPITRE 1 DES CRITERES DE COMPETENCE TERRITORIALE ETENDUS
PAR LA JURISPRUDENCE ET CONSACRES PAR LE DECRET DU 13 JANVIER
2011 15
Section 1 La compétence du juge d’appui procédant du lieu l’arbitrage : un chef de compétence issu d’une
conception localisatrice de l’arbitrage 16
§1 La compétence du juge d’appui procédant du lieu de l’arbitrage se situant en France 16
80
§2 Le lieu de l’arbitrage : un chef de compétence s’inscrivant dans une conception localisatrice de l’arbitrage
international 18
Section 2 La compétence du juge d’appui français procédant de la volonté des parties de recourir à la loi
ou aux juridictions françaises 18
§1 La compétence du juge d’appui procédant du choix des parties de recourir à loi de procédure française ou
aux juridictions françaises pour résoudre tout différend relatif à la procédure arbitrale 19
§2 La compétence du juge d’appui découlant du choix des parties ou la place primordiale accordée à la
volonté des parties dans le cadre de l’arbitrage international 20
CHAPITRE 2 LA CONSECRATION DE LA COMPETENCE UNIVERSELLE DU
JUGE D’APPUI FRANÇAIS 21
Section 1 La Consécration jurisprudentielle d’un chef de compétence universelle du juge d’appui français
22
§1 La compétence internationale du juge d’appui français conditionnée à l’existence d’un déni de justice 22
A-Une affaire atypique mettant en exergue un « déni de justice arbitrale » 22
B-Un déni de justice justifiant la compétence internationale du juge d’appui français 25
§2 La Compétence internationale du juge français conditionnée à un rattachement du litige avec la France 28
A-L’exigence d’un lien de rattachement du litige avec la France 28
B-Le caractère insignifiant mais suffisant du lien de rattachement avec la France constitué par
la désignation de la CCI siégeant à Paris en tant qu’autorité de désignation du tiers arbitre 29
Section 2 Une solution jurisprudentielle élargie par le décret du 13 janvier 2011 en faveur d’un arbitrage
toujours plus efficace et autonome 30
§ 1 Une Compétence déterritorialisée en présence d’un risque de déni de justice ? 31
A-L’existence d’un lien de rattachement du litige avec la France : une exigence inutile face à
l’existence requise d’un déni de justice ? 31
B-L’existence d’un lien de rattachement avec la France : une condition non mentionnée par le
décret du 13 janvier 2011 33
§2 Une compétence internationale du juge d’appui illustrative de l’autonomie de l’arbitrage international 33
A-L’arbitrage : un rempart au déni de justice 33
B-La (ré)affirmation du caractère transnational de l’arbitrage international 34
PARTIE 2 UNE INTERVENTION ETENDUE ET RENFORCEE EN
FAVEUR DE L'ARBITRAGE INTERNATIONAL 36
81
CHAPITRE 1 UNE COMPETENCE MATERIELLE ETENDUE EN FAVEUR DE
L’EFFICACITE DE L’ARBITRAGE 36
Section 1 Une compétence matérielle étendue permettant l’intervention du juge d’appui avant et après la
constitution du tribunal arbitral 36
§1 Une intervention initialement cantonnée aux difficultés nées avant la constitution du tribunal arbitral 37
§2 Une intervention étendue à des difficultés nées après la constitution du tribunal arbitral 37
A-La Compétence étendue du juge d’appui pour connaitre des difficultés nées après la
constitution du tribunal et relative à sa composition 37
B-La Compétence du juge d’appui accrue pour connaitre des difficultés relatives aux délais de
la procédure arbitrale 39
Section 2 Une compétence « impérative » en l’absence de choix contraire des parties 41
§1 Une compétence majoritairement subsidiaire 41
A-Une compétence subsidiaire au Choix des parties de recourir à un centre d’arbitrage 41
1-Nature de la décision du centre d’arbitrage 41
2-Régime de la décision du centre d’arbitrage : une décision inacceptable de tout recours et
n’ayant pas autorité de force jugée 42
B-Une compétence subsidiaire au Choix des parties de recourir à un juge étatique 43
1-Nature de la décision du juge d’appui : une décision non juridictionnelle 43
2-Une décision insusceptible de recours et non dotée de l’autorité de force jugée 47
a-Une décision insusceptible de recours bien qu’émanant d’un juge étatique 48
b-Une décision non revêtue de la force de chose jugée 49
§2 Une compétence « d’ordre public » 50
A-La compétence d’ordre public du juge d’appui : une hypothèse conditionnée 50
1-Une compétence d’ordre public conditionnée à la nature des difficultés entravant la
procédure arbitrale 50
2-Une compétence d’ordre public conditionnée à l’absence de toute clause contraire 51
B-Effets de la compétence d’ordre public du président du tribunal de grande instance 51
1-Un recours impératif au juge d’appui 51
2-Un recours impératif au président du tribunal de grande instance de Paris 52
CHAPITRE 2 UNE INTERVENTION RENFORCEE EN FAVEUR DE
L’EFFICACITE DE L’ARBITRAGE 53
82
Section 1 La faveur du régime des recours contre les décisions du juge d’appui à l’efficacité de la
procédure arbitrale 53
§1 Le principe d’interdiction des recours en faveur de l’efficacité de l’arbitrage 53
A-Le principe d’interdiction des recours en faveur de l’efficacité de la procédure arbitrale 53
1-Un principe interdisant tout recours contre les décisions du juge d’appui 53
2-La Faveur du principe à l’efficacité de la procédure arbitrale 54
B-L’exception au principe de prohibition : la nullité ou l’inapplicabilité manifeste de la
convention d’arbitrage 55
1-Une appréciation stricte de la réserve de la nullité ou de l’inapplicabilité manifeste 55
a-Une conception restrictive de la notion de nullité et d’inapplicabilité manifeste de la
convention d’arbitrage 55
b-L'Exercice par le juge d’appui d’un contrôle prima facie 56
2-La simplification du régime des recours contre la décision du juge d’appui 57
a-L’appel dérogatoire désormais soumis à la procédure avec représentation obligatoire 57
b-L’appel-Nullité toujours soumis à la procédure du contredit de compétence ? 58
§2 Recevabilité de l’Appel-nullité contre une décision procédant d’un excès de pouvoir 59
A-Recevabilité du REP dans le domaine de l’arbitrage 59
1-Une voie de recours subsidiaire soumise au régime de droit commun 60
a-Une voie de recours subsidiaire 60
b-Un régime soumis au droit commun 60
2-L’dentification de l’excès de pouvoir commis par le juge d’appui 61
a-L’excès de pouvoir relatif à l’intervention du juge d’appui 61
b-L’excès de pouvoir relatif aux modalités de désignation de l’arbitre 62
B-Le renforcement du recours pour excès de pouvoir dans le domaine de l’arbitrage en faveur
du principe d’efficacité 63
1-Une voie de recours contra legem fondée sur la méconnaissance par le juge d’appui des
limites ou de l’étendue de son pouvoir 63
2-Une voie de recours nécessairement exceptionnelle 63
Section 2 Une décision dotée de l’autorité de chose jugée au fond en faveur de l’efficacité de la sentence
arbitrale 64
§1 La saisine du juge d’appui « comme en matière de référé » 64
83
A-Une analogie avec la procédure de référé se limitant aux modalités de saisine du juge
d’appui 64
B-Le Juge d’appui : un juge statuant au fond 65
§2 Une décision juridictionnelle revêtue de l’autorité de chose jugée au fond 66
A-Une décision dotée de la force de chose jugée 66
B-Une circonstance de nature à immuniser la sentence arbitrale d’un éventuel recours en
annulation ? 69
CONCLUSION GENERALE 71
I-UNE COMPÉTENCE TERRITORIALE ÉTENDUE MAIS PRINCIPALEMENT
MISE EN ŒUVRE EN PRÉSENCE D’UN LIEN DE RATTACHEMENT ENTRE LE
LITIGE ET LA FRANCE 71
§1 Une compétence territoriale étendue ou la prédominance des chefs de compétence présentant des liens
de rattachement avec la France 71
§2 Une compétence universelle proclamée et affranchie de tout lien de rattachement mais conditionnée à
l’existence d’un déni de justice 72
II-UNE COMPETENCE MATERIELLE ETENDUE ET ACCRUE : UNE
INTERVENTION DE NATURE A SECURISER L’ARBITRAGE 73
§1Une intervention accrue mais principalement subsidiaire 73
§2Une intervention constituant un instrument de sécurisation de l’arbitrage 74
BIBLIOGRAPHIE 75
I-OUVRAGES GENERAUX : 75
II-TEXTES 75
III-ARTICLES 75
IV-JURISPRUDENCE 75