Le juge d’appui français et l’arbitrage international...1 Décrets n 80-354 du 14 mai 1980 et n...

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UNIVERSITE DE MONTPELLIER 1 CENTRE DE DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU MARCHE MASTER II RECHERCHE DROIT DU MARCHE Le juge d’appui français et l’arbitrage international Par Lara Chaouachi Mémoire réalisé sous la direction du professeur Daniel Mainguy Et sous la codirection du professeur Carine Jallamion Année universitaire 2010/2011

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UNIVERSITE DE MONTPELLIER 1

CENTRE DE DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU MARCHE

MASTER II RECHERCHE DROIT DU MARCHE

Le juge d’appui français et l’arbitrage international

Par Lara Chaouachi

Mémoire réalisé sous la direction du professeur

Daniel Mainguy

Et sous la codirection du professeur

Carine Jallamion

Année universitaire 2010/2011

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Remerciements

Je tiens à adresser mes plus sincères remerciements à :

Monsieur Daniel Mainguy, Professeur à la Faculté de droit de Montpellier et Directeur du

Master Recherche Droit du Marché, pour m’avoir permis de suivre ce parcours et pour ses

riches enseignements.

Madame Carine Jallamion, Professeur à la Faculté de droit de Montpellier, Directrice du

Diplôme Universitaire d’arbitrage, pour m’avoir confortée dans ma passion pour la matière

arbitrale et pour ses riches enseignements.

Mlle Alexandra Pauls, Doctorante à la faculté de droit de Montpellier, pour m’avoir donné

de précieux conseils jusqu’au dernier moment.

Et enfin, à l’ensemble de la promotion 2010/2011 du Master II Recherche de Droit du

Marché, son équipe doctorale ainsi que tous ceux dont le nom n’apparait pas dans ces

quelques lignes, qui m’ont aidé d’une manière ou d’une autre.

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SOMMAIRE

INTRODUCTION......................................................................................................... 5

PARTIE 1 UNE COMPETENCE TERRITORIALE ELARGIE EN FAVEUR

DE L’ARBITRAGE INTERNATIONAL ................................................................ 15

CHAPITRE 1 DES CRITERES DE COMPETENCE TERRITORIALE ETENDUS

PAR LA JURISPRUDENCE ET CONSACRES PAR LE DECRET DU 13 JANVIER

2011 .......................................................................................................................................... 15

CHAPITRE 2 LA CONSECRATION DE LA COMPETENCE INTERNATIONALE

DU JUGE D’APPUI FRANÇAIS ........................................................................................ 21

PARTIE 2 UNE INTERVENTION ETENDUE ET RENFORCEE EN FAVEUR DE

L’ARBITRAGE INTERNATIONAL .................................................................................. 35

CHAPITRE 1 UNE COMPETENCE MATERIELLE ETENDUE EN FAVEUR DE

L’EFFICACITE DE L’ARBITRAGE ................................................................................ 35

CHAPITRE 2 UNE INTERVENTION ETENDUE EN FAVEUR DE L’EFFICACITE

DE L’ARBITRAGE .............................................................................................................. 52

CONCLUSION GENERALE ............................................................................................... 67

BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................ 71

TABLE DES MATIERES ..................................................................................................... 75

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INTRODUCTION

Le droit français de l’arbitrage, issu de la codification napoléonienne de la procédure

civile de 1806 (prévu aux articles 1003 à 1028 de l’ancien code de procédure civile), avait

fait l’objet d’une véritable révolution lors de l’adoption des décrets du 14 mai 1980 et 12 mai

19811 (dont les dispositions avaient été intégrées dans le code de procédure civile

2 aux

anciens articles 1442 et s.) qui constituait alors la naissance d’un droit moderne de l’arbitrage.

Ces règles ont par la suite été complétée, étayées et amplifiées par la jurisprudence qui elle

même a contribué à la construction d’un droit favorable à ce mode de règlement des conflits.

C’est ainsi qu’elle s'est employée à reconnaître l'arbitrage comme une forme de justice à

part et même, en matière internationale, comme le mode normal de règlement des

différends.

En matière d’arbitrage international, la Cour de cassation n’a eu de cesse d’assurer,

par une utilisation systématique de la méthode des règles matérielles, l’efficacité de

l’arbitrage, tant en ce qui concerne la convention d’arbitrage que l’exécution de la sentence.

Cette démarche à l'égard de l'arbitrage international s'est traduite, sur le plan de la

méthode, par un abandon complet de la méthode conflictuelle et par le développement

d'un nombre important de règles matérielles, au premier rang desquelles figure le

principe de faveur à l'arbitrage, ainsi que par la reconnaissance progressive de

l'arbitrage comme un ordre juridique autonome.

Le décret du 13 janvier 20113 vient préciser et clarifier ce droit et notamment en y

incorporant des solutions jurisprudentielles majeures. De plus, cette réforme innove tout en

cherchant à préserver l’équilibre entre les différents « acteurs » de l’arbitrage : les parties,

dont la liberté occupe une place fondamentale dans le cadre de ce mode de règlement des

conflits, le tribunal arbitral dont la préservation de l’autorité et l’autonomie sont nécessaires

et enfin le juge d’appui, consacré par le texte, et dont l’appui à la procédure arbitrale est

indispensable.

1 Décrets n°80-354 du 14 mai 1980 et n° 81-500 du 12 mai 1981, Rev.arb., 1980.583 et Rev.arb., 1981.449

2 La loi n°2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit (JO du 21 décembre 2007,

p.20639) a abrogé le code de procédure civile de 1806 et a intitulé « Code de procédure civile » ce que l’on

désignait depuis 1975 par les termes de « nouveau code de procédure civile » 3 Décret n°2011-48 du 13 janvier 2011 portant réforme de l'arbitrage, Rev.arb., 2011.289

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Ce décret portant réforme de l’arbitrage innove en donnant d’avantage d’efficacité et de

souplesse à l’arbitrage et témoigne d’une faveur toujours plus importante à l’arbitrage

international.

I-Les Principaux apports du décret du 13 janvier 2011

La réforme du droit français de l’arbitrage interne et international intervient plus de 30

ans après son introduction dans le Code de procédure civile (CPC) par les décrets des 14 mai

1980 et 12 mai 1981.

Le décret du 13 janvier 2011 a pour objectif de « consolider une partie des acquis de la

jurisprudence qui s’est développée sur cette base, d’autre part, d’apporter des compléments à

ce texte afin d’en améliorer l’efficacité et, enfin, d’y intégrer des dispositions inspirées par

certains droits étrangers dont la pratique a prouvé l’utilité » 4

La réforme consacre un livre IV relatif à l’arbitrage, dans lequel, il reprend en les complétant

et les réorganisant les anciennes dispositions. Il entrera en vigueur le 1er

mai 2011 avec

différentes modalités selon la date de la Convention d’arbitrage ou de la constitution du

Tribunal arbitral (art. 3 du décret).

Les principaux apports de la réforme du droit français de l’arbitrage peuvent être

envisagés en trois grands axes : la consécration de certains principes dégagés par la

jurisprudence, l’assouplissement de certaines règles conformément aux nécessités de la

pratique, la soumission au respect de principes fondamentaux.

§1 La consécration de certains principes dégagés par la jurisprudence

Le décret vient préciser et clarifier le droit français de l’arbitrage, notamment en y

incorporant de nombreuses solutions dégagées par la jurisprudence. Toutefois, les textes

n’avaient pas pour objet de couvrir toutes les questions de droit de l’arbitrage international,

des questions de fait dont l’appréciation est déterminante et doit rester l’apanage de la

jurisprudence.

4 Rapport au Premier ministre que le Garde des Sceaux a eu l’initiative de publier au Journal officiel avec le

décret : JO, 14 janvier 2011, texte n° 9, NOR: JUSC1025421D, p.777

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Le Décret admet les effets de la clause compromissoire dans le contexte de groupes de

contrats (1442 al.2 CPC). Il est précisé que la clause est une convention par laquelle les

parties « à un ou plusieurs contrats » s’engagent à soumettre les litiges qui pourraient naitre

« relativement à ce ou ces contrats » semble viser les groupes de contrats5. Cette disposition

semble ne pas être applicable en matière internationale car l’article 1506 n’y renvoie pas. Or,

la jurisprudence en matière de groupes de contrats a été principalement érigée dans le cadre

d’espèces mettant en cause des arbitrages internationaux : les contrats en cause devant être

liés pour être couverts par la clause et donc participer à la réalisation ou de la transformation

d'un accord entre les parties. La validité et l’efficacité de la clause compromissoire figurant

dans les groupes de contrats ont été admises depuis la réforme de 1981. L’effet d’une clause

compromissoire figurant dans un contrat-cadre s’étend sans difficulté aux litiges nés de

l’exécution des contrats pris entre les parties en exécution de l’accord-cadre. L’effet de ces

clauses a même été étendu à des tiers dont l’implication dans l’exécution du contrat-cadre

faisait présumer qu’ils s’étaient soumis à la clause compromissoire y figurant.

Cette modification, en matière d’arbitrage interne, quant à l’efficacité des clauses

compromissoires dans les groupes de contrats, semble être de nature à rapprocher droit interne

et droit international de l’arbitrage sur ce point. Les solutions jurisprudentielles à cet égard,

internes comme internationales, demeurent inchangés, il restera nécessaire que ces contrats

soient liés pour qu’ils soient couverts par la clause.

Le décret consacre le principe d’autonomie et plus précisément le principe

d’indépendance de la Convention d’arbitrage (1447 al.1 CPC). Ce principe a été proclamé en

matière internationale par l’arrêt Gosset datant de 19636 et plus récemment en matière

interne7. Il résulte de ce principe que la convention d’arbitrage « n’est pas affectée par

l’inefficacité » du contrat qui la contient. Une efficacité ayant pour objet de parer à

l’ensemble des causes qu’un plaideur pourrait être tenté d’invoquer pour paralyser la

convention d’arbitrage (telles que les allégations de nullité, résolution, résiliation, caducité ou

absence d’entrée en vigueur du contrat contenant la convention d’arbitrage).

Il est prévu la possibilité pour les parties, tant que le tribunal arbitral n’est pas

constitué, de saisir les juridictions étatiques pour le prononcé de mesures provisoires ou

conservatoires. Ainsi, l’article 1449 CPC, qui est applicable tant en matière interne qu’en

5 Rapport au Premier ministre, JO, 14 janvier 2011, texte 8, NOR : JUSC1025421P

6 Cass.civ. 1

re, 7 mai 1963, Bull. civ. I, n° 246

7 Cass.civ. 2

e,, 4 avril 2002 et Cass. Com. 9 avril 2002, JCP, 2002 II 10154

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matière internationale, vise à combler la lacune que les décrets de 1980-1981 avaient fait

apparaitre et qui est celle de savoir si le principe de l’incompétence des juridictions étatiques

qui résulte de la stipulation d’une convention d’arbitrage s’étend ou non aux mesures

d’instruction ou aux mesures provisoires et conservatoires. Cette disposition du décret du 13

janvier 2011 tente de synthétiser les solutions jurisprudentielles rendues en la matière.

L’article 1466 sanctionne la partie qui s’abstient de se prévaloir d’une irrégularité, en

connaissance de cause et sans motif légitime. Cela constitue l’innovation principale

relativement aux obligations des parties dans l’audience. Rapprochée de l’idée de

renonciation à se prévaloir des griefs, de bonne foi, de la bonne foi, du principe de cohérence

ou encore du principe de l’estoppel, cette règle fonctionne désormais comme un filtre

préalable à la vérification des éventuels griefs prévus pour le recours en annulation. Le décret

entérine une règle qui s’était progressivement imposée en droit français au travers de la

jurisprudence8.

Le décret consacre également le pouvoir d’astreinte des arbitres dans la production des

éléments de preuve détenus par une partie à travers l’article 1467 CPC. Cette disposition

reprend, pour l’appliquer à la production d’un élément de preuve détenu par une partie

récalcitrante, la jurisprudence qui avait admis que le tribunal arbitral puisse lui adresser une

injonction « au besoin à peine d’astreinte »9. Le décret partage ainsi la conception de la

jurisprudence selon laquelle le prononcé d’une astreinte « constitue un prolongement inhérent

et nécessaire à la fonction de juger », complément de la juris dictio et non partie de

l’imperium merum10

qui lui échapperait à l’arbitre, puisqu’il n’a pas le pouvoir de rendre sa

sentence exécutoire. Comme l'a montré Monsieur Jarrosson, l'arbitre, dont l'investiture est

contractuelle, n'est pas un juge étatique ; à la différence de celui-ci, il n'a que la « juris

dictio » et non l' « imperium ». L’arbitre dispose donc d'un pouvoir juridictionnel imparfait

qui ne s'exerce qu'à l'égard des parties à la convention d'arbitrage. La possibilité expresse pour

l’arbitre de recourir à l’astreinte est exprimée de façon plus générale par l’article 1468 qui

8 Cass.civ. 1

re, 6 juillet 2005, Goishani c/ Gouvernement République islamique d'Iran, Rev.arb., 2005.993, note

P. Pinsolle 9 Paris, 24 mai 1991, Rev.arb., 1992.636, obs. J. Pellerin : dans cette affaire, l’astreinte visait à assurer

l’exécution de la sentence ; Paris, 1re

Ch. C, 7 octobre 2004, Rev.arb., 2005.737, note E. Jeuland : la mesure,

prise sous forme de sentence partielle, limitait son effet à la durée de l’instance. 10

Ch. JARROSSON, Réflexions sur l'imperium, Etudes offertes à P. BELLET, Litec, 1991, p. 246 245 :

Monsieur JARROSSON (n° 81) distingue l'"imperium merum", correspondant "aux pouvoirs spécifiquement

concernés par l'emploi de la force et de la contrainte" et l"imperium mixtum", une composante de l'imperium

"...reliée à la juris dictio à l'efficacité de laquelle elle contribue (ex. certaines mesures d'administration judiciaire,

le pouvoir d'injonction ou d'ordonner des astreintes)", l'arbitre pouvant être doté de l'"imperium mixtum" mais

pas de l'"imperium merum".

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l’applique à « toute mesure conservatoire ou provisoire qu’il juge opportune, la limite résidant

dans la compétence exclusive du juge étatique pour « ordonner des saisies conservatoires et

suretés judiciaires ». Il est à noter que le recours à l’astreinte ne nécessite pas qu’il soit pris

par une sentence, l’article 1468 al. 2 précisant que « Le tribunal arbitral peut modifier ou

compléter la mesure provisoire ou conservatoire qu’il a ordonné ».

§2 L’assouplissement de certaines règles conformément aux nécessités de la pratique

Le décret vient d’abord simplifier certaines règles de procédure. Ainsi, il détermine le

juge d’appui et son rôle en matière interne et internationale, il simplifie et redéfini les voies de

recours à l’encontre de ses décisions, il consacre la possibilité de recourir, au préalable, en cas

de différends, aux organismes institutionnels (en cas d’insuffisance de désignation des

arbitres, démission, empêchement des arbitres…).

Le décret unifie le régime de la clause compromissoire et du compromis (1442 CPC) :

les règles prévues sont moins nombreuses et uniformisées pour les deux formes de convention

d’arbitrage à la seule exception de l’article 1445 qui conserve l’exigence, nécessairement

particulière au compromis, de la détermination de l’objet du litige.

Le texte supprime la nullité en cas d’absence ou d’insuffisance de désignation des

arbitres (1444 CPC) et définit des modalités de résolution des éventuels différends. Il

supprime également les causes de fin de l’instance arbitrale (ancien art. 1464) relative aux

révocations, décès, empêchement, absence, récusation d’un arbitre. Seul est conservé

l’expiration du délai d’arbitrage. Ce sont désormais des causes de suspension de l’instance. Le

décret définit les notions d’interruption de l’instance et des causes de sursis de l’instance

(1471 et s. CPC)

Le prononcé de la sentence devient le point de départ du délai dans lequel est enfermé

l’exercice des voies de recours ordinaires (1456 CPC) alors qu’avant il s’agissait de la date de

signification de l’exequatur.

Enfin, spécifiquement à la matière internationale (la disposition étant déjà prévue en

matière interne), le texte de réforme ajoute une disposition relative à la signature des arbitres

de la sentence et l’hypothèse de refus de l’un d’entre eux (1513 CPC).

§3 La soumission de la procédure arbitrale au respect de principes fondamentaux

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Il est rappelé à l’article 1464 CPC que les principes directeurs du procès s'appliquent

en matière d'arbitrage. Le renvoi à l'article 11 du Code de procédure civile a cependant fait

l'objet d'une modification qui permet désormais d'envisager la production de documents

nécessaires à l'instruction de l'affaire par des tiers.

En matière internationale, l’article 1510 CPC ajoute le principe selon lequel le tribunal

arbitral garantit l’égalité des parties et le principe de la contradiction.

II-Le libéralisme du droit français de l’arbitrage en faveur de l’arbitrage

international

L’adoption du Décret de réforme s’inscrit dans la conception française de l’arbitrage

international qui reste guidée par un fort libéralisme, fondé sur la liberté contractuelle et limité

par le seul ordre public international. L’ambition de ce libéralisme est certainement de

conforter la position de Paris, siège très fréquemment choisi dans l’arbitrage commercial

international.

§1 Un libéralisme significatif se manifestant à toutes les étapes de la procédure arbitrale

Ce libéralisme qui fait la spécificité du droit français de l’arbitrage vis-à-vis de la

matière internationale s’exprime à travers les règles matérielles et les solutions

jurisprudentielles qui encadrent la convention, l’instance ainsi que la sentence arbitrale.

A-Libéralisme quant à la convention d’arbitrage

Le décret proclame «l’indépendance » de la convention d’arbitrage prévue à l’article

1447 al 1 CPC. Depuis l’arrêt Gosset11

, l’autonomie de la clause compromissoire est

considérée, dans l’ordre international, comme une règle matérielle de droit international privé.

La cour de cassation à cet égard a pu parler de règle matérielle de droit de l’arbitrage

international dans l’arrêt Unikod12

. Le décret fait usage du terme indépendance, terme plus

précis que celui d’autonomie, ainsi, elle ne sera pas « affectée par l’inefficacité du contrat qui

la contient ». L’intérêt du terme « inefficacité » réside dans le fait qu’il englobe l’ensemble

des causes qu’un plaideur pourrait invoquer pour paralyser la convention d’arbitrage.

11

Cass.civ. 7 mai 1963, Rev.arb., 1963.60 12

Cass.civ. 1re

, 30 mars 2004, Rev.arb., 2005.959

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10

Le texte de réforme prévoit que « la convention d’arbitrage n’est soumise à aucune

condition de forme » (1507 CPC). Cela constitue une dérogation à l’article II de la

Convention de New York dans le sens d’une plus grande faveur à l’arbitrage. L’écrit reste

toutefois la solution privilégiée en pratique car en cas de nécessité, il sera plus aisé de prouver

l’existence de la convention d’arbitrage. Cette nouvelle disposition pourrait permettre d’éviter

les contestations de clauses compromissoires pour des raisons formelles ou faciliter

l’admission des clauses par référence13

.

Cette conception libérale du droit de l’arbitrage s’exprime également à travers l’arrêt

Galakis14

datant de 1966 et selon laquelle les personnes morales de droit public sont aptes à

compromettre et ne peuvent exciper de leur loi nationale pour échapper à la convention

d’arbitrage qu’elles ont souscrite reste en vigueur quoique non reprise par le décret. Cela

s’explique par des considérations constitutionnelles tenant au domaine respectif de la loi et du

décret.

B-Libéralisme quant à l’instance arbitrale

L’instance arbitrale ne peut débuter que si l’arbitre est bien compétent. La contestation

de cette compétence relève du principe de compétence-compétence. Cette règle est largement

répandue dans le droit comparé de l’arbitrage international, cependant, elle y prospère surtout

sous la forme de l’effet positif (malgré une acceptation croissante de l’effet négatif du

principe, les systèmes juridiques allemand et américain y restent hostiles) de ce principe qui

consiste à reconnaitre à l’arbitre la compétence pour statuer sur sa propre compétence, c'est-à-

dire sur la validité ou l’efficacité de son investiture à l’égard d’un plaideur qui la conteste. En

droit français de l’arbitrage international, cet effet positif est doublé et renforcé d’un effet

négatif qui s’adresse aux juridictions étatiques saisies d’un litige devant lequel la compétence

arbitrale est revendiquée par le défendeur. L’article 1448 consacre l’effet négatif du principe à

l’arbitrage international, ce que la jurisprudence a eu l’occasion de faire lors de l’affaire

Métu15

pour en limiter l’application dans l’affaire American Bureau of Shipping16

, et clarifie

13

Cass.civ.1re

, 9 novembre 1993, Bul.civ. I N° 313 p. 218 : « En matière d'arbitrage international, la clause

compromissoire par référence écrite à un document qui la contient, par exemple des conditions générales ou un

contrat-type, est valable, à défaut de mention dans la convention principale, lorsque la partie à laquelle la clause

est opposée, a eu connaissance de la teneur de ce document au moment de la conclusion du contrat, et qu'elle a,

fût-ce par son silence, accepté l'incorporation du document au contrat » 14

Cass.civ. 1re

, 2 mai 1966, Rev.arb., 1966.99 15

Cass.civ. 1re

, 1er

décembre 1999, Société Métu System France c/ société Sulzer, Rev.arb., 2000.98

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11

la rédaction de l’ancien article 1458 (article qui n’était applicable qu’en matière interne), sans

pour autant en changer la substance. En vertu de cet article, les juridictions étatiques ne

peuvent connaître du litige relevant de la convention d’arbitrage, sauf si le tribunal arbitral

n’est pas encore saisi et si la convention d’arbitrage est manifestement nulle ou

manifestement inapplicable. Afin d’assurer une pleine efficacité à l’article 1448, son dernier

alinéa prévoit que toute stipulation contraire est réputée non écrite. Cette obligation de

dessaisissement vise à protéger le pouvoir de l’arbitre tandis que la réserve de la nullité de la

convention vise à protéger les parties du risque de déni de justice

A ce niveau du contrôle de la validité de la convention d’arbitrage s’exprime pleinement

l’autonomie de l’instance arbitrale puisqu’il n’y a pas de concurrence des compétences

étatiques et arbitrales et cette solution d’exclusion des juridictions étatiques est favorable à

l’arbitre tout en faisant rempart aux entreprises dilatoires du plaideur de mauvaise foi.

C-Libéralisme quant à la sentence arbitrale

Au niveau de la sentence arbitrale, le libéralisme du droit français de l’arbitrage se

manifeste à travers une solution jurisprudentielle selon laquelle une sentence internationale

n’est rattachée à aucun ordre juridique et à travers les textes qui favorisent la reconnaissance

et l’exécution des sentences arbitrales.

L’arrêt Putrabali17

datant de 2007 pose la solution selon laquelle une sentence

internationale n’est rattachée à aucun ordre juridique. La jurisprudence semble exprimer le

fait que le lien de rattachement constitué par le siège de l’arbitrage ne constitue pas une

intégration de la sentence arbitrale dans l’ordre juridique du siège. En effet, selon le lieu ou la

sentence doit être rendue (qui sera donc le lieu du siège de l’arbitrage) constitue un lien de

rattachement pris en compte aussi bien par le droit français lui même (lorsqu’il ouvre une voie

de recours en annulation des sentences rendues en France)que par la Convention de New

York, cela n’empêche pas que certaines dispositions spéciales du décret viennent parfois

limiter les effets de ce lien de rattachement.

Le Décret, quant à lui, apporte des innovations remarquables, destinées à simplifier et

à accélérer la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales.

16

Cass.civ.1re

, 26 juin 2001 : Société American bureau of Shipping (ABS) c/ Copropriété maritime Jules Verne

et autres, Rev.arb., 2001.529 : l’arrêt réaffirme que seule la nullité manifeste de la convention d’arbitrage est de

nature à faire obstacle à l’application de l’effet négatif du principe de compétence-compétence. 17

Cass.civ.1re

, 29 juin 2007, Rev.arb., 2007.507

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12

La réforme prévoit deux nouveautés concernent la notification de la sentence. Cette étape

faisant courir les divers délais de recours. Avant le décret, la notification nécessitait

l’obtention préalable d’une ordonnance d’exequatur auprès du juge étatique, puis une

signification à l’adversaire par acte d’huissier. Selon le pays dans lequel l’adversaire était

situé, cette notification pouvait prendre plusieurs mois.

Désormais, la notification de la sentence ne devra plus être précédée de la procédure

d’exequatur (1484, 1494, 1519, 1522 CPC); la sentence pourra être notifiée dès que le

tribunal arbitral la rendra. De surcroît, la signification par voie d’huissier ne sera obligatoire

que si les parties n’ont pas convenu d’un mode plus rapide et moins onéreux, comme la

notification par courrier électronique.

De plus, le Décret confère à la sentence arbitrale internationale rendue en France ou à la

sentence arbitrale étrangère la capacité d’être immédiatement exécutée, rompant avec le

régime classique de l’effet suspensif des voies de recours contre la sentence. Désormais,

l’exécution forcée pourra être mise en œuvre sans attendre l’épuisement des délais de recours

ou en dépit de l’exercice, par la partie adverse, d’un recours contre la sentence (1526 CPC). Il

était quelque peu antinomique de consacrer le caractère définitif de la sentence arbitrale

internationale et de pouvoir en différer l'effet s'agissant d'une sentence rendue en France, par

la simple introduction d'un recours en annulation sans aucun fondement juridique sérieux.

L'effet suspensif était acquis même si la jurisprudence se la cour d'appel était sévère et

n'annulait que rarement une sentence internationale.

La nouveauté la plus emblématique est constituée par la possibilité qu’auront les parties à un

arbitrage international de pouvoir renoncer, à l’avance, au recours en annulation contre la

sentence internationale rendue en France (1522 CPC). Cette possibilité de renonciation, qui

n’est offerte que dans de très rares pays, pourra ainsi être inscrite dans la convention ou le

règlement d’arbitrage. En pareille hypothèse, la sentence arbitrale internationale rendue en

France deviendrait en fait immuable puisqu’elle ne pourra jamais y être annulée.

§2 Le juge d’appui français : une intervention étatique in favor arbitri

L’intervention du juge d’appui illustre parfaitement la complémentarité entre justice

étatique et justice arbitrale, de plus, le juge d’appui constitue une juridiction étatique qui

« personnalise » le libéralisme du droit français vis-à-vis de l’arbitrage. Bien qu’utilisée

depuis de logues années par la doctrine et la jurisprudence français, la notion de juge d’appui

Page 13: Le juge d’appui français et l’arbitrage international...1 Décrets n 80-354 du 14 mai 1980 et n 81-500 du 12 mai 1981, Rev.arb., 1980.583 et Rev.arb., 1981.449 2 La loi n 2007-1787

13

est originaire du droit suisse, en droit français, cette intervention ne saurait être confondue

avec d’autres interventions étatiques à la procédure arbitrale et sa spécificité réside dans le fait

que ce juge étatique se soit fait le « garant » du bon déroulement des procédures d’arbitrage

internationales.

A-Le juge d’appui : une notion empruntée au droit suisse

La notion de juge d’appui a été, d’un point de vue terminologique, empruntée à la

doctrine suisse de l’arbitrage puis consacrée par la doctrine et la jurisprudence française.

Aux termes de l’article 179 de la Loi fédérale suisse sur le droit international privé

(LDIP) du 18 décembre 1987, en vigueur depuis janvier 1989, les arbitres sont nommés,

révoqués ou remplacés conformément à la convention des parties ; à défaut d’une telle

convention, le juge du siège du tribunal arbitral peut être saisi ; il applique par analogie les

dispositions du droit cantonal sur la nomination, la révocation ou le remplacement des

arbitres ; lorsque le juge est appelé à nommer un arbitre, il donne suite à la demande de

nomination qui lui est adressée, à moins qu’un examen sommaire ne démontre qu’il n’existe

entre les parties aucune convention d’arbitrage.

Conformément à l’idée maitresse du chapitre 12 (sur l’arbitrage international) de la LDIP, la

convention d’arbitrage a la primauté pour tout ce qui concerne la constitution du tribunal

arbitral, qu’elle figure dans la convention d’arbitrage ou dans le règlement d’arbitrage adopté

par elles. Ce n’est qu’à défaut d’accord des parties ou de décision de l’organe choisi par elles

qu’il peut être fait appel au juge d’appui. L'intervention du juge d'appui est nécessaire toutes

les fois qu'il y a défaillance dans le mécanisme prévu par la convention des parties. Elle ne se

limite pas aux seuls cas où les parties n'ont pas opté pour un arbitrage institutionnel ou n'ont

pas chargé un tiers de nommer un arbitre. En effet, toute déficience dans l'engrenage de la

procédure de nomination des arbitres que les parties auraient choisie, emporterait

systématiquement comme conséquence, l'intervention du juge judiciaire d'appui à l'arbitrage.

Les textes réformant le droit de l’arbitrage ont reconnu une importance particulière à

cette notion de juge d’appui, de surcroit, la réforme du droit français de l’arbitrage va encore

plus loin que le droit suisse de l’arbitrage dans sa faveur à l’arbitrage international et

concernant l’intervention du juge d’appui à la procédure arbitrale internationale. En effet, le

décret consacre des acquis jurisprudentiels venus étendre la compétence territoriale et

matérielle du juge d’appui et en accroissant l’étendue de son intervention.

Page 14: Le juge d’appui français et l’arbitrage international...1 Décrets n 80-354 du 14 mai 1980 et n 81-500 du 12 mai 1981, Rev.arb., 1980.583 et Rev.arb., 1981.449 2 La loi n 2007-1787

14

Toutefois, les interventions du juge d’appui ne doivent pas être confondues avec

d’autres interventions du juge étatique.

B-Le juge d’appui : une intervention distincte d’autres interventions étatiques à

la procédure arbitrale

Le décret attribue cette fonction particulière de juge d’appui, pour ce qui est de

l’arbitrage international, au président du tribunal de grande instance de Paris (1505 CPC).

Sans être nommée, cette compétence était déjà prévue par le décret de 1980. Le décret met en

évidence cette fonction et nomme expressément son titulaire : le juge d’appui, une fonction

mise en exergue par la réforme et distinguée d’autres interventions étatiques que le juge peut

être amené à effectuer dans le cadre de la procédure arbitrale.

Il convient donc de distinguer le juge d’appui du juge des référés de l’article 1449

CPC, qui vise, en cas de stipulation d’une clause compromissoire, la compétence de ce juge

avant que le tribunal ne soit constitué et ce sur demande d’une des parties « afin d’obtenir une

mesure d’instruction, une mesure provisoire ou conservatoire. Les demandes de mesures

provisoires ou conservatoires ne seront admises qu’en cas d’urgence.

Le juge d’appui ne doit pas être confondu avec le juge de l’article 1469 qui est

compétent pour connaitre des questions de délivrance d’actes ou de production de pièces par

un tiers dont la compétence territoriale est fixée par le droit commun de la compétence, c'est-

à-dire le juge du lieu du domicile du tiers.

Le juge d’appui n’est évidemment pas non plus le juge de l’exequatur ou encore le

juge de l’annulation, son rôle étant d’assister la procédure et non de la contrôler, aussi

superficiel que soit le contrôle de la sentence arbitrale internationale en France.

C-Le juge d’appui : le « bon samaritain18

» de l’arbitrage international

Les législations contemporaines, et le droit français de l’arbitrage en particulier,

confèrent au juge d’appui une série de pouvoirs qui découlent, précisément, d’une utilisation

appropriée de la clause compromissoire et qui se concrétisent par une intervention dite in

favor arbitri, nettement distincte de l’intervention traditionnelle qui impliquait une véritable

interférence avec l’arbitrage.

18

Ph. Fouchard, E. Gaillard, B. Goldman, Traité de l’arbitrage commercial international, Litec, 1996, n°838

Page 15: Le juge d’appui français et l’arbitrage international...1 Décrets n 80-354 du 14 mai 1980 et n 81-500 du 12 mai 1981, Rev.arb., 1980.583 et Rev.arb., 1981.449 2 La loi n 2007-1787

15

Cette dimension d’assistance, qui implique une intervention positive du juge, laisse

clairement entrevoir un rapprochement entre l’arbitrage et la juridiction étatique puisque la

réalisation du premier, qui est une manifestation de justice privée, suppose en de nombreuses

hypothèses l’appui du juge étatique, que ce soit pour mettre en marche les conventions

d’arbitrage dites pathologiques, pour désigner les arbitres ...

Dans le cadre de l’arbitrage international, le juge d’appui français symbolise le

libéralisme du droit français de l’arbitrage vis-à-vis de la matière internationale car, au delà de

son rôle d’assistance, ces interventions permettent l’efficacité de la procédure arbitrale, alors

même que certaines conventions d’arbitrage ne sont pas toujours des plus claires et s’avèrent

parfois pathologique. A moins que la clause ne soit manifestement nulle ou inapplicable, le

juge d’appui, s’il est compétent, pourra pallier aux situations pathologiques et mettre fin aux

manœuvres dilatoires des parties de mauvaise foi.

Partie 1 UNE COMPETENCE TERRITORIALE ETENDUE ET ACCRUE

EN FAVEUR DE L’ARBITRAGE INTERNATIONAL

L'ancien article 1493 CPC prévoyait la compétence du juge d’appui parisien dans deux

cas, soit lorsque l'arbitrage se déroule en France, soit lorsque les parties ont prévu

l'application de la loi de procédure française. Ces deux conditions d'application sont reprises

par l'article 1505 CPC, lequel ajoute deux nouveaux cas de compétence du juge d’appui, à

savoir lorsque les parties ont donné compétence aux juridictions étatiques françaises pour

connaître des différends relatifs à la procédure arbitrale et lorsque l'une des parties est

exposée à un risque de déni de justice. Comme le souligne le rapport au Premier ministre,

l'ajout de ces deux nouveaux chefs de compétence du juge d’appui de la procédure arbitrale

témoigne et renforce l'idée en vertu de laquelle le droit de l’arbitrage international français est

ouvert sur l'étranger et a une vocation universelle.

Chapitre 1 Des critères de compétence territoriale étendus par la jurisprudence

et consacrés par le décret du 13 janvier 2011

Les critères de compétences initialement prévus par les décrets de 1980 et 1981 ont

été étendus par lé décret 2011 à l’article 1505 CPC (correspondant à l’ancien article 1493) qui

prévoit la compétence du juge d’appui français lorsque les parties auront choisi de donner

compétence aux juridictions françaises pour connaitre des différends relatifs à la procédure

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16

arbitrale. Parmi ces chefs de compétence, l’un procède du lieu de l’arbitrage et les deux autres

procèdent de la simple volonté des parties de lier leur litige avec la loi ou les juridictions

françaises.

Section 1 La compétence du juge d’appui procédant du lieu l’arbitrage : un chef de

compétence issu d’une conception localisatrice de l’arbitrage

Le chef de compétence le plus fréquemment mise en œuvre est celui du siège de l’arbitrage,

ce critère revêt un caractère éminemment représentatif de la conception localisatrice de

l’arbitrage.

§1 La compétence du juge d’appui procédant du lieu de l’arbitrage se situant en France

Ce chef de compétence prévu à l’article 1505-1° CPC constitue l’hypothèse la plus fréquente

et si elle se conjugue avec l’une des autres prévues au même texte, c’est elle qui sera mise en

œuvre.

Ce chef de compétence ne pose pas de difficulté particulière et la jurisprudence a pu faire

application de cette règle à maintes reprises, cette hypothèse de compétence du juge d’appui

français étant la plus fréquente, et notamment dans le cadre d’un arbitrage international dont

la convention d’arbitrage était remise en cause et dont la constitution du tribunal arbitral

rencontrait quelques difficultés.

Dans un arrêt datant du 20 février 200719

, la première chambre civile de la cour de cassation

rappelle que le juge d’appui est compétent pour pallier aux difficultés crées par une clause

d’arbitrage, un arbitrage international se déroulant en France.

Dans un contrat figurait une clause d'arbitrage, donnant compétence dans un premier

paragraphe à l'AFA et dans un deuxième à la CCI. Considérant que la clause d'arbitrage était

manifestement inapplicable, une partie actionne son adversaire devant le tribunal de

commerce. La partie défenderesse invoquant le principe « compétence-compétence » soulève

l'incompétence du tribunal.

19 Cass.civ. 1

re, 20 février 2007 : UOP NV c. BP France - Pourvoi n

o 06-14.107

Page 17: Le juge d’appui français et l’arbitrage international...1 Décrets n 80-354 du 14 mai 1980 et n 81-500 du 12 mai 1981, Rev.arb., 1980.583 et Rev.arb., 1981.449 2 La loi n 2007-1787

17

Le problème est porté devant la cour d'appel qui tranche en faveur du demandeur. Elle retient

que les termes de la convention qui désignent de façon impérative deux institutions arbitrales

sont contradictoires et qu'une nouvelle manifestation de volonté est nécessaire pour la rendre

efficiente. Tel était le problème posé à la Cour de cassation dans cette affaire UOP contre BP

France.

Dans son arrêt, la Cour de cassation censure la Cour d'appel. Elle juge que le principe

compétence-compétence n'a pas été respecté: les motifs retenus par la Cour d'appel sont

impropres à caractériser une inapplicabilité manifeste de la clause d'arbitrage parce qu'elle ne

constate pas une absence de volonté des parties de recourir à l'arbitrage et que le juge d'appui,

seul compétent pour statuer sur les difficultés de constitution du tribunal arbitral n'avait pas

été saisi.

Le critère essentiel retenu par la Cour de cassation est celui de la volonté des parties de

recourir à l'arbitrage. A la Cour d'appel qui voyait dans la nécessité de recourir à une nouvelle

manifestation de la volonté des parties la tare viciant la clause d'arbitrage, la Cour de

cassation répond que cette nouvelle manifestation n'est pas nécessaire puisqu'il est toujours

possible de recourir au juge d'appui pour pallier aux difficultés créées par la clause

d'arbitrage.

Ce faisant, la Cour de cassation ne retire pas aux parties la possibilité de porter leur litige

devant l'une ou l'autre des institutions arbitrales désignées dans la clause. La logique du

principe compétence-compétence voudrait en effet qu'avant de recourir au juge d'appui, ce

soit un tribunal arbitral constitué sous l'égide des règles de l'une ou l'autre des ces institutions

qui statue sur sa compétence. Le juge d'appui n'aurait à être saisi que dans l'hypothèse où le

tribunal arbitral jugerait que la clause d'arbitrage n'est pas valable.

Depuis les décrets de 1980 et 1981, le droit français de l’arbitrage n’avait pas pour

seul objet de réglementer le régime de l'arbitrage international se déroulant en France, mais

correspondait à une visée universelle : les règles posées étaient applicables à tout arbitrage

international, y compris à ceux qui se déroulent à l'étranger et il était ainsi prévu que le juge

d’appui français serait compétent en cas de choix par les parties de la loi de procédure

française pour encadrer la procédure arbitrale.

Page 18: Le juge d’appui français et l’arbitrage international...1 Décrets n 80-354 du 14 mai 1980 et n 81-500 du 12 mai 1981, Rev.arb., 1980.583 et Rev.arb., 1981.449 2 La loi n 2007-1787

18

§2 Le lieu de l’arbitrage : un chef de compétence s’inscrivant dans une conception

localisatrice de l’arbitrage international

La Convention de New York sur l'arbitrage international, signée à Genève le 21 avril

1961 fait expressément du siège de l’arbitrage un critère de rattachement. En outre, par la

ratification massive dont elle a bénéficié, le critère du siège serait celui le plus communément

admis à travers le monde. Nombreuses sont d'ailleurs les lois nationales qui s'y réfèreraient

directement.

Les tenants d'une conception territorialiste de l'arbitrage estiment traditionnellement

que le lieu du siège du tribunal arbitral sert à déterminer la compétence du juge d'appui. A ce

sujet, deux raisons permettent de nuancer le rôle du siège de l’arbitrage international.

D'une part, dès qu'il s'agit d'un arbitrage institutionnel, le centre d'arbitrage va exercer la

quasi-totalité des attributions du juge d'appui. Et dans l'arbitrage international, il est rare qu'il

n'y ait pas de centre d'arbitrage.

D'autre part, et surtout, la jurisprudence la plus moderne, la plus innovante ainsi que les textes

réformant le droit français de l’arbitrage, ont montré que le juge d'appui pouvait être

compétent, même si le siège de l'arbitrage était fixé dans un pays tiers. En décidant, dans un

arrêt illustre20

, que le risque de déni de justice pouvait suffire à fonder la compétence du juge

d'appui, la Cour de cassation française a une fois de plus incontestablement réduit les

conséquences juridiques de la localisation du siège du tribunal arbitral.

Le siège du tribunal ne s’avère pas toujours significatif car il se montre en réalité facile à

contourner.

Section 2 La compétence du juge d’appui français procédant de la volonté des parties de

recourir à la loi ou aux juridictions françaises

Au déroulement de l'arbitrage en France, ou à l'accord des parties pour soumettre l'arbitrage à

la loi de procédure française, le décret réformant le droit français de l’arbitrage ajoute

l'attribution de compétence aux juridictions françaises pour connaître des différends relatifs à

la procédure arbitrale comme chef de compétence du juge d’appui français. Le juge d’appui

sera ainsi compétent lorsque les parties auront fait le choix d’appliquer la loi de procédure

20

Cass.civ. 1re

, 1er

février 2005, Rev.arb. 2005.693, note H. Muir Watt

Page 19: Le juge d’appui français et l’arbitrage international...1 Décrets n 80-354 du 14 mai 1980 et n 81-500 du 12 mai 1981, Rev.arb., 1980.583 et Rev.arb., 1981.449 2 La loi n 2007-1787

19

française à la procédure arbitrale ou lorsqu’elles auront attribué compétence aux juridictions

françaises afin de trancher en cas de différent relatif à la procédure arbitrale. Ces chefs de

compétence sont une illustration significative de l’importance primordiale du choix des

parties dans le cadre de l’arbitrage international.

§1 La compétence du juge d’appui procédant du choix des parties de recourir à loi de

procédure française ou aux juridictions françaises pour résoudre tout différend relatif à

la procédure arbitrale

Ce chef de compétence procédant du choix par les parties de la loi de procédure

française, prévu à l’article 1505-2° CPC est, en pratique, moins mis en œuvre que le

précédent. Il intéresse le choix par les parties de la procédure française pour organiser la

procédure d’arbitrage ou pour trancher les incidents de procédure.

Cette hypothèse est conditionnée au fait que le siège de l’arbitrage soit situé à l’étranger ou

n’ait pas fait l’objet d’un choix.

Dans le cadre de cette hypothèse, un conflit de compétence avec le juge étranger est possible.

En effet, si le siège de l’arbitrage est fixé à l’étranger, certaines des règles locales entrent en

conflit avec la loi de procédure française, notamment si elles connaissent des modalités de

recours au juge étranger en cause. Cependant, sous l’empire du décret de 1980-1981, ce risque

de conflit de compétence ne s’est pas concrétisé.

L’avantage de cette règle de compétence est de pouvoir bénéficier du juge d’appui français,

véritable « bon samaritain de l’arbitrage » selon le professeur Fouchard, alors même que le

siège de l’arbitrage n’a pas été fixé en France. En pratique, il arrive souvent que le lieu du

siège soit purement juridique, tandis que l’arbitrage se déroule, concrètement, ailleurs pour

différentes raisons. Ainsi, les audiences auraient lieu dans un autre lieu que celui fixé pour

l’arbitrage pour des raisons tenant aux infrastructures. Ainsi, le choix du juge d’appui

français, seraient dans ce type de circonstance, légitime et cohérent avec la volonté des parties

de tenir les audiences en France alors que le siège juridique de l’arbitrage est fixé à l’étranger.

Suite à l’adoption décret de janvier 2011, le président du tribunal de grande instance

sera compétent lorsque les parties auront décidé de donner compétence aux juridictions

étatiques pour connaitre des différents liés à la procédure arbitrale.

Ce chef de compétence est prévu à l’article 1505-3° CPC, le juge d’appui français sera

compétent pour intervenir dans la procédure lorsque les parties lui auront « expressément

Page 20: Le juge d’appui français et l’arbitrage international...1 Décrets n 80-354 du 14 mai 1980 et n 81-500 du 12 mai 1981, Rev.arb., 1980.583 et Rev.arb., 1981.449 2 La loi n 2007-1787

20

donné compétence pour connaitre des différents relatifs à la procédure arbitrale ». il est ici

question d’une attribution de juridiction au juge français pour le contentieux de la procédure

arbitrale, sans pour autant avoir le contrôler la sentence arbitrale rendue à l’étranger.

Dans cette hypothèse également, un conflit positif de compétence avec le juge étranger est

possible, des lors que ce dernier estimera que la parties ne pourront valablement renoncer à sa

compétence.

§2 La compétence du juge d’appui découlant du choix des parties ou la place

primordiale accordée à la volonté des parties dans le cadre de l’arbitrage international

En matière d’arbitrage international, le décret de janvier 2011 donne une forte flexibilité aux

parties dans le choix des règles applicables. Il ne renvoie aux règles de l’arbitrage interne que

sur certains points précis et aux règlements des institutions d’arbitrage quand la procédure

doit être conduite par une telle instance.

Deux améliorations majeures sont instituées. D’une part, les parties peuvent renoncer au

recours en annulation lorsqu’elles choisissent Paris (ou la France) comme siège de l’arbitrage,

si elles ne comptent pas demander l’exécution en France. Par contre, si la sentence est rendue

à l’étranger, l’ordonnance d’exequatur peut être frappée d’appel. D’autre part, les voies de

recours contre la sentence n’ont plus d’effet suspensif, pour éviter les recours dilatoires. Le

juge saisi pourra néanmoins arrêter ou aménager l’exécution de la sentence si elle risque de

léser gravement les droits de l’une des parties.

Cette réforme du 14 janvier 2011 redonne une place très importante aux parties à

l’arbitrage, qui pourront anticiper plusieurs sujets dès la rédaction de leurs contrats et

notamment la compétence du juge d’appui français en faisant le choix de recourir à la loi de

procédure française ou aux juridictions françaises pour connaitre de la procédure arbitrale et

des différents qui lui sont relatifs.

En opérant de tels choix, les parties formulent clairement leur volonté de rattacher tout

différent lié à la procédure arbitrale aux juridictions françaises ou à la loi de procédure

française, la compétence du juge d’appui n’est pas directement choisie par les parties,

cependant, le président du tribunal de grande instance sera à même de résoudre le conflit qui

lui est soumis, avec l’obligation de respecter la volonté exprimée par les parties à travers la

convention d’arbitrage.

Page 21: Le juge d’appui français et l’arbitrage international...1 Décrets n 80-354 du 14 mai 1980 et n 81-500 du 12 mai 1981, Rev.arb., 1980.583 et Rev.arb., 1981.449 2 La loi n 2007-1787

21

Dans le cadre d’un arbitrage, la phase de la constitution du tribunal arbitral est probablement

l’une des plus âprement disputées de la procédure arbitrale. Les parties sont convaincues que

le sort de leur litige dépend de sa réussite ou de son échec. Ainsi, leur première préoccupation

concerne la désignation de leur arbitre. Mais la véritable difficulté surgit lorsqu’il faut

désigner l’arbitre unique ou le tiers arbitre. Comme il est appelé à jouer un rôle essentiel dans

les délibérations du tribunal arbitral, sa désignation fait l’objet de pourparlers qui peuvent être

très longs.

D’où, aussi, un risque d’échec, car une partie peut avoir, pour toutes sortes de motifs, intérêt à

contrarier ou à différer, autant qu’il est possible, la constitution du tribunal arbitral. C’est là ce

qui rend nécessaire l’institution du juge d’appui qui en intervenant, fait application de la

volonté initiale des parties de recourir à un arbitrage. Outre la désignation de l’arbitre,

d’autres problèmes peuvent survenir et remettre en cause la mise en œuvre de la procédure

arbitrale et, sauf si la convention d’arbitrage est nulle ou manifestement inapplicable, le juge

d’appui œuvrera à la mettre en application la volonté initiale des parties de recourir à un

arbitrage pour résoudre leurs différents.

Chapitre 2 La consécration de la compétence universelle du juge d’appui français

fondée sur un déni de justice par le décret du 13 janvier 2011

L'intégration de l'hypothèse de déni de justice consolide l'un des plus grands arrêts de

la Cour de cassation en matière d’arbitrage international l'arrêt NIOC21

, lequel a reconnu la

compétence du juge étatique en tant que juge d’appui de la procédure arbitrale dès lors que les

parties étaient confrontées à un risque de déni de justice et qu’il existait un lien de

rattachement, même « ténu », entre le litige et la France. Dans le prolongement de la

jurisprudence Putrabali22

, qui consacre l'autonomie du droit de l’arbitrage international

français par rapport aux autres droits nationaux, le décret réformant le droit français de

l’arbitrage n'oblige pas, pour que la compétence du juge français soit constituée en cas de

risque de déni de justice, que le litige présente un quelconque lien de rattachement avec la

France. En ce sens, le nouveau décret consacre le caractère universel du droit de l’arbitrage

21

Cass.civ. 1re

, 1er

février 2005, Etat d'Israël c/ Sté NIOC, Rev.arb., 2005. 693, note H. Muir Watt 22

Cass.civ. 1re

, 29 juin 2007, PT Putrabali Adyamulia c/ Rena Holding, Rev.arb., 2007.507, rapport J.-P. Ancel,

note E.Gaillard

Page 22: Le juge d’appui français et l’arbitrage international...1 Décrets n 80-354 du 14 mai 1980 et n 81-500 du 12 mai 1981, Rev.arb., 1980.583 et Rev.arb., 1981.449 2 La loi n 2007-1787

22

international français que le décret du 12 mai 1981 avait mis en œuvre sans l'afficher aussi

clairement.

Section 1 La Consécration jurisprudentielle d’un chef de compétence universelle du juge

d’appui français

Réunie en formation plénière, la première chambre de la cours de cassation affirme

que « L'impossibilité pour une partie d'accéder au juge, fût-il arbitral, chargé de statuer sur sa

prétention, à l'exclusion de toute juridiction étatique, et d'exercer ainsi un droit qui relève de

l'ordre public international consacré par les principes de l'arbitrage international et l'article 6,

§ 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, constitue un déni de justice qui fonde

la compétence internationale du président du tribunal de grande instance de Paris, dans la

mission d'assistance et de coopération du juge étatique à la constitution d'un tribunal arbitral,

dès lors qu'il existe un rattachement avec la France ».

§1 La compétence internationale du juge d’appui français conditionnée à l’existence

d’un déni de justice

Cette solution, qui pose un nouveau chef de compétence du juge d’appui français,

présente un caractère exceptionnel, tant au niveau des circonstances de l’affaire qu’au niveau

du fondement de cette compétence exorbitante qui ne répond pas aux conditions posées par

l’article 1493 NCPC qui encadrait la compétence du juge d’appui.

A-Une affaire atypique mettant en exergue un « déni de justice arbitrale »

Les faits de l’affaire étaient exceptionnels et il est peu probable que les juridictions

françaises, et notamment le juge d’appui français, aient, de si tôt, à fonder la compétence

internationale de ce dernier sur un déni de justice doublé d’un lien de rattachement entre le

litige et la France.

La National Iranian Oil Company (la NIOC) a conclu en 1968 avec l'État d'Israël un contrat

de construction et d'exploitation d'un oléoduc courant de la cote d'Ashquelon en Iran jusque

dans le golfe d'Eilat en Israël. La clause compromissoire ad hoc contenue dans le contrat

prévoyait que si les deux arbitres choisis par les parties ne s'accordaient pas sur le nom du

troisième, il serait demandé au « président de la Chambre de commerce internationale de Paris

de nommer ce troisième arbitre ». En l’espèce, la CCI interviendrait, en cas d’absence

d’accord des co-arbitres, en tant qu’autorité de nomination, n’ayant alors pour seule fonction

que la nomination du tiers arbitre. Dans cette hypothèse l’arbitrage est un arbitrage ad hoc et

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23

la procédure arbitrale n’est pas organisée ou administrée par la CCI et son règlement

d’arbitrage.

Fait original, la encore, la difficulté de constitution du tribunal arbitral ne découle pas

de la désignation du troisième arbitre, mais de celle du deuxième. En effet, une fois le litige

né, en 1994, l'État d'Israël refusa de choisir quelqu'un, alors que la NIOC avait notifié son

propre choix. Huit mois après l'expiration du délai contractuellement prévu pour que l'État

d'Israël procède à son choix, la NIOC saisit le président du Tribunal de grande instance de

Paris pour lui demander d'y procéder en lieu et place du défendeur défaillant, comme le

prévoit l'article 1493 du NCPC. Voulant à tout prix éviter la constitution du tribunal arbitral,

l'État d'Israël contesta la compétence du juge d’appui français arguant du fait que le siège de

l'arbitrage n'était pas prévu pour être en France et que la loi de procédure française n'avait pas

été choisie par les parties, alors que ce sont les deux conditions d'application alternatives de

l'article 1493 du NCPC. Le Procureur de la République de Paris requit d'ailleurs dans ce sens

à l'audience. Il a été entendu puisque, dans une première ordonnance, le président du Tribunal

de grande instance de Paris énonça que le « déni de justice» n'était pas constitué tant qu'il

n'était pas prouvé que la juridiction israélienne refusait de nommer un arbitre alors même que

le gouvernement israélien avait annoncé que ce serait le cas23

.

Intervient alors un événement judiciaire en Israël dont la NIOC estimait qu’il scellait

la l’impossibilité pour elle d’accéder à la justice ailleurs qu’en France. En effet, selon une

décision Manbar rendue par le tribunal de première instance de Tel-Aviv-Jaffa, l’Iran était

désormais considéré comme un état ennemi, cela entrainait un certain nombre de

conséquence : l’accès au juge israélien était interdit aux ressortissants ennemis, tandis que les

décisions rendues dans un tel pays ne seraient pas reconnues. Ainsi, la NIOC était interdite

d’accès devant le juge israélien, et donc il lui serait impossible de d’obtenir le concours à

l’encontre de l’état signataire de la clause, tandis que, s’il était encore théoriquement possible

de solliciter le secours du juge iranien, sa décision serait privée d’effet en Israël. Comme

l’admet la cour de cassation dans l’arrêt rapporté, le jeu de la clause d’arbitrage était alors bel

et bien bloqué et ce de façon durable. Une fois cela constaté, la NIOC saisit à nouveau le

président du Tribunal de grande instance de Paris à fin de nomination, mais quatre ans avaient

déjà passé. L'État d'Israël s'opposa à cette nomination en écartant l'argument du risque de déni

23

TGI Paris, 10 janvier 1996, Rev.arb., 2002.429

Page 24: Le juge d’appui français et l’arbitrage international...1 Décrets n 80-354 du 14 mai 1980 et n 81-500 du 12 mai 1981, Rev.arb., 1980.583 et Rev.arb., 1981.449 2 La loi n 2007-1787

24

de justice et en arguant que la clause compromissoire pathologique car dépourvue de système

palliatif pour désigner le deuxième arbitre. L'État d'Israël fut une deuxième fois suivi par le

président du Tribunal de grande instance de Paris qui, relevant que les conditions de sa

compétence internationale posées par l’article 1493 al.2 du NCPC faisaient toujours défaut,

estima que sa compétence ne pouvait être retenue sans « contact territorial ou législatif avec la

France ». Il ajouta que l'impossibilité de saisir les juridictions israéliennes était temporaire et

qu'elle reposait sur des raisons politiques qu'il ne lui appartenait pas de juger. Mais

l'ordonnance laissa la porte ouverte énonçant tout de même que la compétence « pourrait être

exceptionnellement étendue en présence d'une situation de déni de justice », s'« il existe un

lien suffisant de rattachement de l'arbitrage avec la France»24

.

Suite à cette décision la Cour d'appel de Paris s'est prononcée trois fois, les 28

septembre 200025

, 29 mars 200126

et 8 novembre 200127

. Si le premier arrêt de la Cour d'appel

concerne une question de pure procédure relative à la recevabilité d'un contredit de

compétence contre la décision du juge d’appui et si le troisième arrêt est celui qui nomme un

arbitre au lieu et place de l'État d'Israël, c'est surtout à partir du deuxième arrêt que l'on peut

tirer des enseignements, même si la Cour de cassation a, dans la décision ici rapportée, joint

les pourvois formés contre les deux derniers arrêts. Dans l’arrêt du 29 mars 2001, la cour

d’appel infirme l’ordonnance attaquée, cependant, la cour en a repris une partie du

raisonnement, tout en parvenant à une conclusion inverse. Ainsi, elle a pu estimer que le droit

positif ne permettait pas au juge français d'être compétent, sauf en cas de déni de justice, et s'il

y a un contact avec la France. Contrairement au juge d’appui, la Cour d'appel estima que le

déni de justice ainsi que le contact avec la France étaient constitués. Le juge d’appui français

était donc compétent. L'arrêt énonce ainsi : « Ce juge (d’appui) peut encore intervenir en cas

de déni de justice avéré à l'étranger, le droit pour une partie à une convention d'arbitrage de

voir soumettre ses prétentions à une juridiction arbitrale étant une règle d'ordre public que le

juge français, comme tout autre, a vocation à faire respecter dans l'exercice de ses attributions

de soutien à l'arbitrage ; son intervention doit toutefois être justifiée par un contact avec la

France. [...] Le juge français était et est encore le moins mal placé pour désigner un arbitre et

permettre ainsi à la société de droit iranien d'accéder à la juridiction arbitrale ». Le 8

novembre 2001, la cour d’appel a même estimé que le premier juge avait commis un excès de

24

TGI Paris, 9 février 2000, Rev.arb., 2002.431 25

Paris, 28 septembre 2000, Rev.arb., 2002.427 (1re esp.), note P. Fouchard

26 Paris, 29 mars 2001, Rev.arb., 2002.427 (2

e esp.), note P. Fouchard

27 Paris, 8 novembre 2001, Rev.arb., 2001.925

Page 25: Le juge d’appui français et l’arbitrage international...1 Décrets n 80-354 du 14 mai 1980 et n 81-500 du 12 mai 1981, Rev.arb., 1980.583 et Rev.arb., 1981.449 2 La loi n 2007-1787

25

pouvoir négatif en n’exerçant pas ses pouvoirs de juge d’appui à raison du déni de justice dont

la NIOC se trouvait victime du fait de l’impossibilité durable ou elle se trouvait de soumettre

ses prétentions au Tribunal arbitral.

Un pourvoi est formé contre cet arrêt d’appel, la société NIOC est cette fois

défenderesse. Le problème qui se pose alors aux juges du droit est de déterminer si le juge

d’appui peut être compétent quand bien même les conditions prévues à l'article 1493 du

NCPC ne sont pas respectées.

Réunie en formation plénière, la première chambre civile rejette le pourvoi opéré au nom du

refus du déni de justice et du refus de la compétence du juge d’appui français en l’absence des

critères posés par l’article 1493 du NCPC. La cour de cassation relève en effet que le déni de

justice est caractérisé.

B-Un déni de justice justifiant la compétence internationale du juge d’appui

français

Le principal apport de la décision commentée est relatif à la notion de déni de justice.

Rejetant le moyen tiré de ce qu'un tel déni suppose l'impossibilité d'obtenir justice au fond

devant une juridiction étatique (la société Nioc n'avait jamais tenté de saisir un juge du fond

du litige), la Cour énonce en termes très généraux qu'il y a déni de justice en cas

d'impossibilité pour une partie d'exercer son droit d'accès à l'arbitre, droit qu'elle fonde sur

l’ordre public international, les principes de l'arbitrage international et sur l'article 6, § 1 de la

Convention européenne des droits de l'homme. Cette affirmation doit être précisée car si on

peut considérer qu'il existe un « droit à l'arbitre», c'est en réalité dans l'impossibilité d'accéder

au juge d'appui que réside le déni de justice.

Pour la Première chambre civile, le fondement de la compétence exorbitante du juge

français confronté à un déni de justice en matière d'arbitrage est donc triple : l'ordre public

international, les principes de l'arbitrage international et l'article 6, § 1 de la CEDH. Ces trois

fondements ne sont pas respectés si les parties à une convention d'arbitrage ne pouvaient

recourir à un juge d’appui pour les aider à constituer leur tribunal arbitral.

La violation du droit d'accès au juge est assurément une atteinte à l'ordre public international

et à l'article 6, § 1 de la CEDH. Il s'agit même d'un droit garanti par toutes les sources du droit

processuel. Dès lors que les parties choisissent de trancher leur litige par la voie de l'arbitrage,

Page 26: Le juge d’appui français et l’arbitrage international...1 Décrets n 80-354 du 14 mai 1980 et n 81-500 du 12 mai 1981, Rev.arb., 1980.583 et Rev.arb., 1981.449 2 La loi n 2007-1787

26

le droit au juge devient le droit à l'arbitre et doit être protégé avec la même vigueur.

La référence à la convention européenne des droits de l’Homme peut surprendre car ces

dispositions ne sont pas directement applicables à l'arbitrage, d’autant plus que la même

chambre de la Cour de cassation l'avait solennellement affirmé le 20 février 2001 lorsqu'elle

avait énoncé que « la CEDH, qui ne concerne que les États et les juridictions étatiques, est

sans application [pour l'arbitrage] »28

. Cependant, il convient d'apporter deux précisions :

d'une part, cela ne signifie pas que les garanties fondamentales de bonne justice énoncées par

cet article ne soient pas présentes dans l'arbitrage; ce ne sont pas les garanties énoncées dans

l'article 6, § 1 qui ne s'appliquent pas à l'arbitrage, mais c'est l'article lui-même, au sens

formel, qui ne s'impose pas à l'arbitre. D'autre part, l'article 6, § 1 reste naturellement

applicable au juge étatique qui, comme en l'espèce, se prononce à l'occasion d'une procédure

arbitrale.

En conséquence, l'article 6, § 1 CEDH fournit ici le fondement juridique du chef exceptionnel

de compétence du juge d’appui. Le droit à l'arbitre permet de dépasser la lettre de l'article

1493 du NCPC, voire de l'outrepasser, au nom d'un principe fondamental avec lequel cet

article pourrait sinon se trouver en contradiction. Cet arrêt offre donc, seize ans après la

jurisprudence La Belle Créole29

, une nouvelle extension des pouvoirs du juge d’appui, qui ne

concerne plus les étapes de la procédure arbitrale dans lesquelles il peut intervenir, mais les

parties impliquées par ces pouvoirs.

En se fondant sur cet article, la cour de cassation admet qu’en refusant leur concours en

l’occurrence à la constitution du tribunal arbitral, les juridictions françaises commettraient

elles même un déni de justice. La question est donc celle de l’imputabilité aux juridictions

françaises d’un refus d’accès au juge qui a sa cause directe dans le comportement d’un état

étranger. Sur ce point la question n’est pas spécifiques au déni de justice arbitrale et reste

donc distincte de celle, très controversée, de l’applicabilité de l’article 6 §1 de la CEDH au

domaine de l’arbitrage. Le problème ici n’est pas de savoir si l’article en cause est applicable

devant le juge mais est en revanche celui de l’effet indirect ou dérivé de ce texte. A cet égard,

une jurisprudence importante de la cour de Strasbourg a progressivement admis l’hypothèse

de la violation indirecte ou dérivée du procès équitable dans les arrêts Soering c/ Royaume-

28

Cass.civ. 1re

, 20 février 2001, Rev.arb., 2001.511, note Th. Clay 29

TGI Paris, 12 juillet 1989, Rev.arb., 1990.176 (1re esp.), note Ph. Kahn

Page 27: Le juge d’appui français et l’arbitrage international...1 Décrets n 80-354 du 14 mai 1980 et n 81-500 du 12 mai 1981, Rev.arb., 1980.583 et Rev.arb., 1981.449 2 La loi n 2007-1787

27

Uni, Drozd et Jamousek c/ France et Espagne et Pelligrini c/ Italy. Une telle situation se

présente lorsqu’un état partie prolonge par sa propre action une atteinte au procès équitable,

virtuelle ou acquise, commise dans un état étranger qu’il soit partie ou non à la convention.

Cela peut être le cas de l’extradition d’un individu vers un état ou il risque de subir une peine

elle même contraire aux exigences de la convention, ou encore, celui de l’exequatur d’une

décision issue d’un procès inéquitable dans son état d’origine. En admettant qu’un état puisse

prolonger un déni de justice initial par un refus d’y apporter un remède, l’arrêt rapporté vient

ici enrichir la catégorie de la violation indirecte de l’article 6 §1 d’un nouveau cas de figure :

l’impossibilité d’accéder à la justice dans un autre état devient imputable à un autre des lors

qu’il ne met pas ses propres juridictions au service de l’accès du demandeur à la justice. En

soit l’apport de l’arrêt sur ce point est intéressant. Cependant, la question demeure de savoir

dans quelle conditions une violation indirecte de l’article en cause peut être constituée. Il

serait certainement excessif d’admettre que tout état dont les juridictions sont saisies par un

demandeur qui ne parvient pas à accéder à une juridiction d’appui dans un autre état,

commettrait une violation dérivée du procès équitable en refusant de concourir à la

constitution du tribunal arbitral, indépendamment des liens qu’il entretient avec le litige ou les

parties. La question est celle, classique, du rattachement requis pour fonder la compétence

internationale d’un état en cas de déni de justice.

La cour se fonde aussi sur les « principes de l'arbitrage international ». Ce n'est pas la

première fois que la Cour de cassation se réfère aux principes de l'arbitrage international. Elle

l'a fait notamment pour le principe de validité de la clause d'arbitrage international30

, pour le

principe compétence-compétence et pour le principe de l'égalité des parties dans la

désignation des arbitres31

. La cour a pu également, comme en l'espèce, citer « les principes de

l'arbitrage international», sans préciser de quel principe il s'agissait. Lorsqu'elle est ainsi

muette sur le principe de l'arbitrage international qu'elle vise, on peut se demander quel est le

principe concerné, voire si cette référence ne se suffit pas à elle-même.

Il convient de s’interroger sur le principe auquel la Cour pourrait faire référence. Si elle devait

renvoyer à un principe en l'espèce, on pourrait penser au principe Pacta sunt servanda. Mais

il n'y a pas de raison particulière pour qu'il s'applique ici plus qu'ailleurs, et il n'est pas

spécifique à l'arbitrage international. La difficulté, en l’espèce, est relative à la constitution du

30

Cass.civ. 1re

, 5 janvier 1999, Rev.arb., 1999.260, note Ph. Fouchard 31

Cass.civ. 1re

7 janvier 1992, Dutco, Rev.arb,. 1992.470, note P. Bellet

Page 28: Le juge d’appui français et l’arbitrage international...1 Décrets n 80-354 du 14 mai 1980 et n 81-500 du 12 mai 1981, Rev.arb., 1980.583 et Rev.arb., 1981.449 2 La loi n 2007-1787

28

tribunal arbitral. Or il est établi que « toutes les lois d'arbitrage permettent aux parties de saisir

le juge en vue de désigner les arbitres32

». C'est une règle universellement et la Cour, sans le

nommer, vise probablement un principe que l'on pourrait appeler le principe du droit au

concours d'un juge d’appui ou, mieux encore, le principe du droit à l'arbitre, ce qui serait un

autre grand apport de cet arrêt. Il est aussi possible de considérer que la Cour ne vise pas de

principe spécifique, considérant que le renvoi à ceux de l'arbitrage international suffit car il

constituerait un ordre juridique à lui seul33

, ce qui serait tout à fait caractéristique de la

sollicitude de l’ordre juridique français à l’égard de l’arbitrage international.

§2 La Compétence internationale du juge français conditionnée à un rattachement du

litige avec la France

La première chambre de la cour de cassation pose deux conditions nécessaires à la

compétence universelle du juge d’appui français, le risque d’un déni de justice ainsi que

l’existence d’un lien de rattachement entre le litige et la France. Cependant, le lien de

rattachement relevé par les juges du Droit, qualifié de « ténu », semble en réalité insignifiant,

de sorte que l’on peut s’interroger sur la nécessité de préserver cette condition lorsqu’un

risque de déni de justice est avéré.

A-L’exigence d’un lien de rattachement du litige avec la France

La société NIOC, confrontée à la situation de fait qui l'empêchait de trouver un juge

pour nommer un arbitre, saisit le juge d’appui parisien au motif que le contrat litigieux, et la

clause compromissoire inclue, comportaient un certain nombre d'éléments montrant que les

parties avaient souhaité localiser leur arbitrage à Paris. Effectivement, certains éléments

pouvaient « rattacher » l’arbitrage à Paris : d’abord, l'accord de participation et l'acte de

concession faisaient référence à Paris, ensuite, la négociation de ces contrats avait donné lieu

à plusieurs réunions qui s'étaient tenues à Paris et enfin, la clause compromissoire donnait

compétence au président de la Chambre de Commerce Internationale de Paris pour nommer le

troisième arbitre. De tout cela, la société NIOC déduisait que Paris avait été le choix naturel

des parties pour localiser leur arbitrage. Il convient de s’attarder sur la clause compromissoire

qui était doublement mal rédigée. En premier lieu, la clause visait la CCI « de Paris », nul

n’est besoin de le préciser il n’y a qu’une seule CCI. De plus, en visant le président de la «

CCI » et non pas celui de la « Cour internationale d'arbitrage de la CCI », les parties ont

32

J.-F. Poudret et S. Besson, Droit comparé de l'arbitrage international, Bruylant, LGDJ et Schulthess, 2002 33

J.-B. Racine, « Réflexions sur l'autonomie de l'arbitrage commercial international », in Journée d'hommage et

d'études à la mémoire de Philippe Fouchard, Paris, 11 mars 2005, Rev.arb., 2005.305

Page 29: Le juge d’appui français et l’arbitrage international...1 Décrets n 80-354 du 14 mai 1980 et n 81-500 du 12 mai 1981, Rev.arb., 1980.583 et Rev.arb., 1981.449 2 La loi n 2007-1787

29

confondu la Chambre de commerce et la Cour d'arbitrage qui en est l'émanation, lesquelles

ont chacune un président différent.

Ces approximations ont néanmoins été surmontées par la Cour d'appel puis par la Cour de

cassation qui ont admis que cette référence à la CCI suffisait, à défaut d'autres éléments, à

constituer le lien avec la France, même si, la Cour de cassation a précisé que le lien était «

ténu ».

Force est de constater qu’au delà d’être ténu, ce lien de rattachement pourtant déclaré

nécessaire, s’avère en réalité factice.

B-Le caractère insignifiant mais suffisant du lien de rattachement avec la

France constitué par la désignation de la CCI siégeant à Paris en tant qu’autorité de

désignation du tiers arbitre

Ce lien opéré entre le litige en cause et les juridictions françaises étant constitué par la

présence de la CCI en France n’est pas de nature à constituer un réel lien de rattachement

permettant de déduire la volonté des parties de recourir au juge d’appui français pour

connaitre d’éventuelles difficultés relatives à la constitution du tribunal, ni plus généralement

aux juridictions françaises. Les éléments significatifs de la procédure arbitrale n’étaient pas de

nature à lier le litige aux juridictions françaises. En effet, le contrat, rédigé en anglais, n'avait

pas été conclu en France, le siège de l'arbitrage n'était pas la France et les parties n'avaient pas

adopté un contrat type français.

Concernant la présence de la CCI en France, elle ne saurait constituer un réel lien de

rattachement liant le litige et la France. La CCI a, depuis 1920, son siège mondial à Paris,

c'est une personne morale de droit français, organisée sous forme d'association relevant de la

loi de 1901. Cependant, ces indices ne paraissent signifiants que face à la pénurie d'éléments

permettant un autre rattachement. Considérer que la référence à la CCI constitue un

rattachement avec la France, c'est faire méconnaitre le statut particulier de la CCI qui est

avant tout une organisation internationale, non gouvernementale et reconnue par l'ONU. Ni la

forme sociale française de la CCI, ni l'implantation à Paris n’autorisent à la considérer comme

française. La cour d’appel a pu s'appuyer sur la forme sociale ce qui revient à nier l'originalité

de cette institution véritablement transnationale, c'est privilégier une approche juridique dans

un domaine où les critères économiques l'ont toujours emporté sur les critères juridiques, c'est

surtout mettre en danger l'immense privilège qu'a la France d'héberger la CCI à Paris, un

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30

danger évité ou retardé depuis que la CCI a renoncé au début du mois de février de cette

année à s’installer à Genève et n’a finalement déménagé que du 8e au 16

e arrondissement de

Paris . Ce type d'approche exclusivement juridique favorise des arguments comme celui que

n'a pas manqué de faire valoir l'État d'Israël lorsqu'il a prétendu que le président de la Cour,

autorité de nomination visée par la clause, étant de nationalité suisse, c’est le juge d’appui

suisse qui était en réalité compétent. De même, si à aucun moment dans cette procédure, n'a

été soulevé l'argument que la langue du contrat n'était pas le français, mais l'anglais, ce qui

aurait pourtant pu être un indice de localisation intéressant, c'est parce que l'anglais est la

langue de l'arbitrage, notamment à la CCI, et que cette circonstance n’était pas de nature à

empêche de faire un lien avec la CCI.

Au delà du caractère factice du lien de rattachement, tirer des conséquences juridiques

de l'implantation parisienne de la CCI, c’est donner des conséquences juridiques à la

localisation d’une institution qui n'est pas française, mais mondiale. La CCI est située sur le

territoire français, pas dans l'État français. En réalité, il n'existe donc pas de tel lien entre la

CCI et la France pour que la seule référence à la CCI, qui plus est dans une de ses missions

subalternes, en tant qu’autorité de nomination, suffise à rattacher l'arbitrage à la France. Si le

juge français est compétent, ce n'est pas parce que la CCI est implantée à Paris, c'est parce que

le juge français, en application de sa faveur constante à l’efficacité de l’arbitrage, ne peut pas

laisser un arbitrage sans arbitre et ainsi laisser une partie face à un déni de justice.

La question est de savoir si un tel lien de rattachement n’est pas inutile quant à la

détermination de la compétence internationale du juge d’appui en cas de déni de justice et ce

d’autant plus que le décret réformant le droit de l’arbitrage ne fait pas état d’une telle

condition alors qu’il consacre, à l’article 1505-4° CPC un chef de compétence universelle du

juge d’appui français sans mentionner une telle condition.

Section 2 Une solution jurisprudentielle élargie par le décret du 13 janvier 2011 en

faveur d’un arbitrage toujours plus efficace et autonome

Alors que la solution semble requérir l’existence d’un lien de rattachement entre le

litige et le for de nécessité, le décret de janvier 2011 quant à lui ne reprend pas expressément

cette condition et, dans le silence des textes, la question est de savoir quelle interprétation la

jurisprudence française, favorable à l’autonomie de l’arbitrage international, fera du nouvel

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31

article 1505-4° qui consacre le chef de compétence du juge d’appui français en présence d’un

déni de justice.

§ 1 Une Compétence déterritorialisée en présence d’un risque de déni de justice ?

Face à l’existence d’un déni de justice, il convient de s’interroger sur l’utilité de

l’exigence d’un lien de rattachement entre le litige et le for de nécessité et ce d’autant plus que

le nouveau droit français de l’arbitrage ne mentionne pas expressément cette condition.

A-L’existence d’un lien de rattachement du litige avec la France : une exigence

inutile face à l’existence requise d’un déni de justice ?

La question est de savoir dans quelles conditions un état lié par la convention

européenne a une obligation de mettre ses tribunaux à la disposition du demandeur. Cette

opposabilité ne saurait être inconditionnelle. La Cour de cassation a reconnu que le lien était

ténu mais elle l’a néanmoins jugé suffisant, comme étant « le seul dont la société Nioc

pouvait utilement se prévaloir pour assurer la réalisation de [la] commune volonté [des

parties] de recourir à l'arbitrage», près de huit ans après la naissance du litige. La formule est

plus heureuse que celle qu'avait retenue la Cour d'appel, qui avait estimé quant à elle que le

juge français était « le moins mal placé» pour intervenir. Il reste que le lien avec le for était

plus que mince. Il est difficile de concevoir qu’un devoir actif de secours puisse

raisonnablement être mis à la charge d’un état indépendamment de toute exigence de

rattachement entre le For et le litige. Or la difficulté particulière du cas de la paralysie de la

clause d’arbitrage réside dans le fait que la compétence internationale du juge d’appui est déjà

assez largement définie. Aux termes de l’article 1493 al.2 NCPC, le juge d’appui a une

compétence internationale pour intervenir si la procédure se déroule en France ou si la loi

française est la loi de procédure. En dehors de ces hypothèses, il est difficile de concevoir une

situation ou il existerait néanmoins un lien suffisamment fort avec la France pour que la

déclaration d’incompétence du juge d’appui puisse être constitutive de violation du procès

équitable. Au contraire, on voit facilement se profiler l’objection conséquentialiste selon

laquelle une ouverture trop généreuse de la compétence du For d’appui risque de faire de la

France un paradis de Forum shoppeur en matière arbitrale. C’est ainsi que le juge français

« ne saurait prêter son concours à la mise en place de n’importe quel arbitrage, s’il n’intéresse

en aucune façon l’ordre juridique ou les intérêts économiques français. Le juge d’appui « n’a

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32

pas à jouer le bon samaritain ou la mouche du coche des arbitrages du monde entier »34

.

Cependant, la cour de cassation n’a affirmé la compétence internationale du juge d’appui que

dans des circonstances très particulières, des circonstances graves de déni de justice global et

durable, ce qui laisse peu de marge de manœuvres aux parties de mauvaise foi tentant de

saisir le juge d’appui français en cas de paralysie d’une convention d’arbitrage qui serait

manifestement nulle ou inapplicable.

La cour de cassation fait preuve d’un libéralisme conséquent quant au lien requis entre

le juge français et le litige en cause risquait de remettre en cause ce chef de compétence

prétorien, il était surtout question de prendre sérieux les considérations pragmatiques qui ont

conduit les juges à vouloir mettre fin à une situation de blocage durable, dans laquelle aucun

autre For ne pouvait être sollicité pour quémander de l’aide de façon plus appropriée. Dans

ces conditions, le lien avec la France, même résultant du facteur aussi ténu que le choix du

président de la chambre de commerce international, comme autorité de nomination du

troisième arbitre et de sa présence en France, était « le seul dont la société NIOC pouvait

utilement se prévaloir… ». La condition qui semble prévaloir n’est pas celle du lien de

rattachement mais plutôt celle du risque d’un déni de justice, qui devrait, même en l’absence

de lien avec tout ordre juridique national, à elle seule, être de nature à déterminer la

compétence du juge d’appui français.

Au delà de cette apparente exigence de lien de rattachement, cette solution implique

surtout à la charge du demandeur de For dérogatoire de prouver le déni de justice et plus

particulièrement, qu’aucun autre For de rechange n’est disponible, ou qu’un tel fort n’est pas

mieux placé pour remédier au déni de justice constitué par l’impossibilité d’accéder au For

normalement compétent. Il est à prévoir que pareille preuve ne pourra être rapportée que dans

des circonstances exceptionnelles telles que celles de l’espèce en cause. Le rattachement,

artificiel, au territoire français était un fondement inutile et le risque de déni de justice, à lui

seul, devrait fonder la compétence du juge d’appui

34

Ph. Fouchard, E. Gaillard, B. Goldman, Traité de l’arbitrage commercial international, Litec, 1996, n°838

Page 33: Le juge d’appui français et l’arbitrage international...1 Décrets n 80-354 du 14 mai 1980 et n 81-500 du 12 mai 1981, Rev.arb., 1980.583 et Rev.arb., 1981.449 2 La loi n 2007-1787

33

B-L’existence d’un lien de rattachement avec la France : une condition non

mentionnée par le décret du 13 janvier 2011

En ne requérant aucun lien de rattachement avec la France, cette dernière condition

semble aller plus loin que ce qui avait été décidé par la Cour de cassation, dans son célèbre

arrêt NIOC c/ Israël de février 2005 et consacre une véritable compétence universelle du

président du TGI de Paris. En effet, la Cour de cassation avait retenu la compétence du

président du TGI de Paris en présence d'un risque de déni de justice, mais avait tout de même

exigé un rattachement, même ténu, avec la France. Sur ce point, le décret ne s'est pas contenté

d'intégrer la jurisprudence, il a semble également innover en déterritorialisant complètement

le juge d'appui.

Cette disposition semble élargir la solution de l’arrêt NIOC car il ne reprend pas

expressément la condition du lien avec l’ordre juridique français. Il reviendra ainsi à la

jurisprudence de dire si cette exigence aura été implicitement conservée par le texte. Sous

réserve de l’application jurisprudentielle qui en sera faite, ce texte ferait de la France la terre

d'accueil de l'arbitrage international, dont le droit de l’arbitrage est un des plus favorables au

monde.

§2 Une compétence internationale du juge d’appui illustrative de l’autonomie de

l’arbitrage international

Dans cet arrêt, la cour de cassation fait de l’arbitrage un moyen d’éviter le déni de

justice, au même titre que les juridictions étatiques et cela conforte le caractère libéral et

autonomiste du droit français vis-à-vis de l’arbitrage international.

A-L’arbitrage : un rempart au déni de justice

L'affirmation du droit d'accès au juge « fût-il arbitral » a pour conséquence immédiate,

non seulement de rappeler que l'arbitre est un juge, mais aussi d'affirmer qu'il est son égal, et

qu'il doit donc être protégé de la même manière. Mais surtout, en voulant éviter que certaines

prétentions ne trouvent pas leur juge, l'arrêt n'hésite pas à hisser l'arbitre au niveau du juge

étatique, le rendant quasiment coresponsable du bon ordre juridictionnel mondial. C'est une

belle consécration pour l'arbitre. On n'est pas loin d'une répartition des tâches entre le juge et

l'arbitre : au premier les litiges du droit international privé classique, au second ceux du

commerce international. Certes, cela n'est possible que si une convention d'arbitrage a été

conclue, mais il est indéniable que la quasi-totalité des contrats du commerce international

comportent désormais une clause compromissoire permettant à l’arbitre d’intervenir et ainsi,

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d’éviter un déni de justice.

De plus, les textes qui étaient alors en vigueur parvenir à cette solution n’étaient alors

pas applicables puisque l’arbitrage ne siégeait pas en France et que les parties n’avaient pas

choisi la loi de procédure française pour connaitre du différend en cause. La cour de cassation

a créé un nouveau chef de compétence, extra legem, et ce afin que le juge d’appui français

puisse permettre à une partie de soumettre ses prétentions à un arbitres, à défaut de pouvoir

saisir les juridictions étatiques en cause. Ainsi, en aidant à la constitution de tribunaux

arbitraux n'ayant pas de réel lien significatif avec la France, l’arrêt de la Haute juridiction

permet à de pallier au déni de justice.

Dans cet arrêt, l’arbitrage permet d’éviter le déni de justice et, paradoxalement, c'est

la justice judiciaire, à travers la première chambre de la cour de cassation, qui l'énonce et qui

lui en donne les moyens. Le fait d’affirmer le principe du droit au juge d’appui fait de

L'arbitrage un rempart contre le déni de justice.

B-La (ré)affirmation du caractère transnational de l’arbitrage international

Dans cet arrêt, la cour de cassation distingue la constitution du tribunal arbitral du lieu

du siège de l'arbitrage, et affirme clairement la position du droit français de l’arbitrage qui

considère l'arbitrage international comme un ordre véritablement transnational et autonome.

Une difficulté de constitution d'un tribunal arbitral doit être surmontée coûte que coûte et

donc presque n'importe où. En l’espèce, le différend ne concernait pas véritablement l’état

français, le lien de rattachement étant clairement factice, or les juridictions françaises ont été

sollicitées et ont répondu favorablement à cette demande, dès lors qu'il y avait une convention

d'arbitrage, une difficulté de constitution et un déni de justice.

Les circonstances de l'espèce étaient exceptionnelles car elles réunissaient à la fois une

clause compromissoire défaillante, une absence totale d'autres rattachements possibles, une

partie d'extrême mauvaise foi, des juridictions judiciaires des deux pays ne se reconnaissant

pas mutuellement et des relations belligérantes entre les deux États. Il est peu probable que le

juge français ait, une nouvelle fois, à réaffirmer et mettre en œuvre la compétence universelle

du juge d’appui français mais si cela venait à se produire, la solution donnée par les

juridictions étatiques française pourraient interpréter l’article 1505-4°, toujours en faveur d’un

arbitrage international efficace et autonome, et confirmer l’absence d’exigence de la condition

du lien de rattachement qui, dans le cadre de l’affaire NIOC, était requise, même s’il était

question d’un lien « ténu ». Cet arrêt « prêche » pour l'universalité de l'arbitrage

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35

international, et donc son autonomie. Il est ainsi devenu vraiment universel. C'est aussi la

raison pour laquelle, on peut constater que, en consacrant l'universalité de l'arbitrage tout en

cherchant à rattacher celui-ci à un territoire, il y a une contradiction. L’arbitrage ne saurait

recouvrer tout sa dimension universelle si était encore exigé un point d'attache avec un

territoire. Dans cette optique libérale et autonomiste, le rattachement artificiel, au territoire

français était un fondement inutile face à un risque réel de déni de justice déniant aux parties

le droit d’accès au juge fusse t-il arbitral.

L’article 1505 prévoit que « le juge d’appui de la procédure arbitrale (internationale)

est, sauf clause contraire, le président du tribunal de grande instance de Paris ».

Contrairement à ce que prévoit le droit de l’arbitrage interne, le président du tribunal de

grande instance de Paris dispose d’une compétence exclusive pour intervenir en tant que juge

d’appui dans la procédure arbitrale. La mention « sauf clause contraire » ne faisant référence

qu’à la possibilité laissée aux parties de désigner un mandataire conventionnel qui assistera la

procédure arbitrale et non pas à la possibilité pour ces dernières de désigner, comme l’article

1459 CPC le prévoit en arbitrage interne, le président du tribunal de commerce pour

intervenir en tant que juge d’appui.

La compétence matérielle du juge d’appui a été étendue par une jurisprudence savante

et équilibrée puis, elle a été accrue par le décret réformant le droit français de l’arbitrage qui

vise à rendre cette intervention du juge d’appui plus claire et lisible pour les utilisateurs de

l’arbitrage. L’intervention du juge d’appui est étendue et encadrée et est de nature à sécuriser

l’arbitrage.

Partie 2 Une intervention étendue et renforcée en faveur de l’arbitrage

international

La compétence matérielle du juge d’appui a été étendue par la jurisprudence et accrue

par le décret de réforme, cela démontre la faveur du droit français de l’arbitrage vis-à-vis de

l’arbitrage international qui sera aidé par le président du tribunal de grande instance de Paris

qui résoudra toute sorte de difficulté entravant le bon déroulement de la procédure arbitrale.

L’intervention du juge d’appui suppose la prise d’une décision qui tranchera la difficulté liée

à la procédure arbitrale, ces ordonnances sont régies par un principe d’interdiction des recours

et sont dotées de l’autorité de chose jugée. Ces deux derniers paramètres sont de nature à

rendre significativement plus efficace les arbitrages internationaux.

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36

Chapitre 1 Une compétence matérielle étendue en faveur de l’arbitrage

international

L’arbitre étant dépourvu du pouvoir de contrainte, du pouvoir de commander,

l’efficacité de l’arbitrage dépend donc du juge d’appui lorsqu’il s’agit de surmonter un

blocage. Bien que la lettre de l'article 1444 NCP limitait les cas d'intervention du juge d'appui

aux seuls cas où la « constitution » du tribunal arbitral a été entravée. En pratique, les

interventions du juge d’appui s’étaient étendues. Les instances judiciaires se sont multipliées,

avant et pendant l’instance arbitrale, et le juge d’appui a couramment prêter secours aux

parties ou aux arbitres pour résoudre toutes sortes de difficultés résultant d’un défaut d’accord

sur une question de personne, une situation de refus ou de blocage.

D’exceptionnelle, l’intervention du juge d’appui n’est pas devenue la règle. Mais il s’agit

maintenant d’une figure familière de l’arbitrage qui peut, intervenir tout au long de la

procédure arbitrale. La jurisprudence a progressivement élargi ses pouvoirs en se détachant de

la lettre des textes fondant son intervention et le décret de janvier 2011 est venu accroitre les

compétences du juge d’appui.

Issu de la réforme datant du 13 janvier 2011, l’article 1505 prévoit expressément que

le président du tribunal de grande instance de Paris est le juge d'appui de la procédure

arbitrale, sans pour autant décliner les compétences qui sont les siennes. Il semble que

les rédacteurs ont estimé que les domaines de compétence du juge d' appui étaient

suffisamment établis en matière d 'arbitrage interne et que, de ce fait, il n’était pas

nécessaire de les énumérer en matière d’arbitrage international. De plus, l'article 1506, qui

énumère les textes qui sont applicables tant en matière d'arbitrage interne qu'international,

n'exclut pas l’application des textes régissant l’arbitrage interne, tant ceux qui donnent

compétence au juge d’appui pour intervenir en matière de difficulté de constitution du

tribunal arbitral que ceux qui lui donnent compétence pour intervenir après la constitution du

tribunal arbitral.

Section 1 Une compétence matérielle étendue permettant l’intervention du juge d’appui

avant et après la constitution du tribunal arbitral

Ainsi, depuis les décrets du 14 mai 1980 et 12 mai 1981, la jurisprudence a étendu

l’intervention du juge d’appui à la procédure d’arbitrage internationale et ses compétences

sont accrues dans le nouveau décret. Le juge d’appui peut désormais intervenir avant et après

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37

la constitution du tribunal arbitral, en toute conformité avec les textes en vigueur depuis le 1er

mai 2011.

§1 Une intervention initialement cantonnée aux difficultés nées avant la constitution du

tribunal arbitral

L’intervention du juge d’appui avant la constitution du tribunal arbitral a été

considérablement étendue par la jurisprudence sous l’empire de l’ancien droit.

Ainsi, la première chambre de la cour de cassation a pu décider que le juge d’appui était

compétent, en dépit de la mention d'un arbitrage institutionnel dans la clause d’arbitrage, pour

aider à identifier le choix du centre35

. Les rédacteurs de la clause s'étaient vraisemblablement

surpassés puisqu'ils avaient visé deux centres d'arbitrage différents, l'AFA et la CCI, dans

deux paragraphes de leur même clause compromissoire. De plus, décision opérait une

extension des pouvoirs du juge d’appui au détriment de ceux du centre d'arbitrage. Or lorsque

l'on connaît la propension des centres d'arbitrage à se reconnaître dans des clauses mal

rédigées où le centre est très approximativement désigné au prétexte qu'ils sont les premiers

saisis, on ne peut que se réjouir de ce que la détermination du centre d'arbitrage choisi par les

parties puisse faire l'objet d'une analyse plus objective par un tiers impartial et désintéressé tel

que le président du tribunal de grande instance.

§2 Une intervention étendue à des difficultés nées après la constitution du tribunal

arbitral

Bien que le texte de l’ancien article 1493, alinéa 2 du code de procédure civile

n'envisageait d'intervention que pour la mise en place du tribunal arbitral dont « la

constitution se heurte à une difficulté », la jurisprudence a considéré que le président du

tribunal de grande instance de Paris était compétent pour régler les incidents ultérieurs relatifs

à la composition du tribunal () ou aux délais propres à la procédure arbitrale (). Une

jurisprudence que le décret est venu préciser et accroitre.

A-Compétence du juge d’appui pour connaitre des difficultés nées après la

constitution du tribunal et relative à sa composition

En amont de la constitution du tribunal arbitral, le juge d’appui intervient

principalement dans le contentieux de la désignation et celui de la récusation d’un arbitre.

35

Cass.civ., 1re

, 20 février 2007, Sté UOP NV, n° 06-14.107, Bull. I, n° 62 ; D. 2007. AJ.734, obs. X. Delpech

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38

Bien que le texte de l'article 1493, alinéa 2 du code de procédure civile n'envisageait

d'intervention que pour la mise en place du tribunal arbitral dont « la constitution se heurte à

une difficulté », la jurisprudence a considéré que le président du tribunal de grande instance

de Paris était compétent pour régler les incidents ultérieurs, des incidents tels que la

récusation36

, le décès d'un arbitre37

, le remplacement après la démission d'un arbitre38

. Sa

mission étant d'assister l'arbitrage, il n'est plus compétent après le prononcé de la sentence39

.

La jurisprudence a étendu à l'arbitrage international la condition prévue par l'article 1444,

alinéa 3, du nouveau code de procédure civile en arbitrage interne qui permet au juge, dans un

souci d'efficacité et d'économie, de refuser son appui s'il constate la nullité manifeste de la

clause d'arbitrage comme celle de l'absence de litige40

.

La compétence ainsi reconnue au président du tribunal de grande instance de Paris pour

donner plein effet à la volonté d'arbitrer des parties ne peut le conduire à empiéter sur la

compétence des arbitres41

, ou sur celle d'un autre juge42

ou encore à ajouter à l'accord des

parties, auquel cas il n'y aurait plus assistance des parties mais modification de leur volonté.

Le respect de la volonté des parties explique que, en présence d'un arbitrage institutionnel, la

jurisprudence ait dégagé un principe de non-immixtion, la procédure devant se dérouler

d'après ce qui est prévu par le règlement applicable43

. Si, une fois le tribunal constitué, le juge

d’appui n'a pas le pouvoir de s'immiscer dans les prérogatives juridictionnelles des arbitres, ni

de se substituer au centre préconstitué d'arbitrage, c'est toutefois, sous réserve de « carence

reconnue ou prouvée de celui-ci », afin de prévenir tout risque de paralysie de l'instance

arbitrale qui légitimerait son action.

Le décret de réforme consacre et accroit l’intervention du juge d’appui après la

constitution du tribunal arbitral. Ainsi, le président du tribunal de grande instance de Paris

36

TGI Paris, 28 octobre 1988, 14 et 29 juin 1989, 15 juillet 1989, Drexel Burnham Lambert Ltd c/Philipp

Brothers, Rev.arb., 1990.497 37

TGI Paris, 12 juillet 1989, La Belle Créole c/The Gemtel Partnership, Rev.arb., 1990.176, note P. Kahn 38

TGI Paris, 15 février 1995, Rev. arb., 1996.503, note P. Fouchard ; CA Paris, 1er

juillet 1997, Rev.arb.,

1998.131 39

TGI Paris, 2 juillet 1990, Annahold Frydman et D. c/L'Oréal, Rev.arb., 1996.483 40

TGI Paris, 19 mai 1988, Sofrimpex c/Cafcao, no 4573/88 ; CA Paris, 26 mai 1992, Guyapêche c/Sté Export AB

Frantz Witte et Co, Rev.arb., 1993.431, 3e esp., note A. Hory ; Paris, 29 mars 2001, NIOC c/État d'Israël,

Rev.arb., 2002.427 (2e esp.), note P. Fouchard

41 TGI Paris, 13 juillet 1988, Rev.arb., 1989.97, note P. Bellet

42 TGI Paris, 15 février 1995, préc. supra, n°37

43 TGI Paris, 18 janvier 1991, Sté Chérifienne des pétroles, Rev.arb., 1996.503, 1

re esp., note P. Fouchard

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39

sera compétent, en matière d’arbitrage international et ce par un renvoi opéré à l’article 1506

CPC, dans certaines hypothèses.

L’article 1456 prévoit que le juge d’appui sera compétent en cas de demande de récusation

formée contre un arbitre par une partie. L’article 1457 prévoit qu’il sera compétent en cas de

renonciation par l’arbitre refusée par une ou par les deux parties. Enfin, l’article 1458 prévoit

que le juge d’appui pourra intervenir en cas de demande de révocation opérée par une partie.

En dépit de la marge de manœuvre importante dont dispose le juge d’appui pour éviter

les situations de blocage et aider au rétablissement de la nécessaire coopération des parties, la

compétence du juge d’appui est encadrée. Ainsi, sous l’empire de l’ancien droit de l’arbitrage,

la jurisprudence estimait qu’il devait s’abstenir d'aller au-delà de ce que lui permettait

l'article 1495 qui prévoyait que lorsque l’arbitrage était soumis à la loi française, les

dispositions de l’arbitrage interne relatives aux conventions d’arbitrage, à l’instance arbitrale

et à la sentence arbitrale s’appliquaient.

Le décret a clairement déterminé le domaine de compétence du juge d’appui dans des

dispositions de droit interne, applicables à la matière internationale par renvoi à l’article 1506,

son intervention, par principe subsidiaire, peut être limitée par le règlement d'arbitrage en

cause ou la volonté des parties telle qu'exprimée dans la convention d'arbitrage44

. Le président

du tribunal de grande instance n'est pas compétent pour se prononcer sur la validité ou les

limites de l'investiture des arbitres45

. Il n'a pas non plus le pouvoir d'enjoindre à un tribunal

arbitral de surseoir à statuer dans l'attente de la décision sur la demande de la récusation d'un

arbitre, seul le tribunal arbitral lui-même étant compétent pour se prononcer sur une telle

demande tant que la récusation n'a pas été tranchée46

.

B-Compétence du juge d’appui pour connaitre des difficultés relatives aux délais

de la procédure arbitrale

Sous l’empire de l’ancien droit, la jurisprudence avait déjà affirmé la compétence du

président du tribunal de grande instance de Paris en matière de prorogation du délai

d'arbitrage47

. La prorogation des délais de l'arbitrage qui n’était pas visée par l'article 1493 du

44

TGI Paris, 15 février 1995, Rev.arb., 1996.503, note Ph. Fouchard 45

TGI Paris, 29 octobre 1997, Rev.arb., 1998.383, note J.-L. Delvolvé 46

TGI Paris, 24 juin 2004, Rev.arb., 2005.1037, note Y. Derains 47

TGI Paris, 12 janvier 1988 et 3 juin 1988, Rev.arb., 1994.538, obs. Ph. Fouchard

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40

Dans une autre espèce, la cour de cassation a pu affirmer que le juge d’appui C'est pouvait

conforter la demande d'une partie qui ne créait pas de difficulté. Le juge d’appui avait non

seulement prorogé un délai d’arbitrage mais encore confirmé la désignation d'un arbitre à la

demande de la partie qui l'avait choisi. L'autre partie prétendait qu'il avait commis un excès de

pouvoir. Son action fut déclarée irrecevable par la cour d'appel, et le pourvoi contre cet arrêt

fut rejeté48

. Cette compétence élargie permet de purger les difficultés futures, notamment

comme en l'espèce celles relatives à l'indépendance de l'arbitre.

Cette extension des pouvoirs avalisée et encouragée par la jurisprudence témoigne

bien du fait que le juge d’appui est sorte de chevalier blanc du tribunal arbitral qui doit savoir

s'extraire du champ limitatif dans lequel pourraient vouloir le cantonner les parties, tout en

étant capable de s'inspirer de leurs demandes pour mettre le tribunal arbitral à l'abri de

certaines vicissitudes. Le juge d’appui n’a cessé de voir ses attributions renforcées. Après

l'extension de ses pouvoirs dans le temps, avec la célèbre jurisprudence La Belle Créole),

après l'extension de ses chefs de compétence territoriale par l’arrêt NIOC, après l'extension de

ses attributions à la détermination du centre d'arbitrage choisi par les parties (l’arrêt Sté UOP

NV du 20 février 2007 note n°1), cet arret constituait un nouvel élargissement touchant à

l'étendue de sa saisine, laquelle peut même être désormais faite à titre préventif. Si l'on

additionne ces décisions, on constate que le juge d’appui est compétent sur tous les problèmes

relatifs à la constitution et même au fonctionnement du tribunal arbitral, pendant toute la

durée de l'instance arbitrale, ainsi que dans tous les cas où son intervention est légitime

(comme ce fut le cas dans l’hypothèse d’un déni de justice).

Le décret de réforme consacre toutes ces avances jurisprudentielles et précise la

compétence matérielle du juge d’appui après la constitution du tribunal.

L’article 1463 CPC et prévoit expressément que le juge d’appui sera compétent en cas de

prorogation de la durée de la mission arbitrale. De plus, l’article 1486 al.2 prévoit que le juge

d’appui pourra intervenir en cas de prorogation du délai de trois mois prévu pour le prononcé

de la sentence rectificative

Le compétence du président du tribunal de grande instance de paris a donc été étendue

par la jurisprudence, sous l’empire des décrets de 1980-1981, et le décret réformant le droit

français de l’arbitrage a précisé et accru les cas de compétence du juge d’appui en matière

d’arbitrage international. Cette consécration doublée d’un accroissement de ses pouvoirs ne 48

Cass.civ. 1re, 23 janvier 2007, Rev.arb., 2007.284, obs. E. Teynier

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41

préjuge pas du fait que la jurisprudence n’ira pas plus loin dans cette tendance à étendre les

pouvoirs du juge d’appui, toujours dans l’optique de rendre efficace l’arbitrage international

issu d’une convention d’arbitrage qui, prima facie, sera valide.

Ces interventions n’en sont pas moins soumises à un double caractère : la compétence du juge

d’appui est subsidiaire car les parties peuvent y déroger. Cependant, si les parties n’ont pas

décidé de rédiger de clause contraire à sa compétence, son intervention sera d’ordre public.

La compétence du juge d’appui français pour connaitre des différents relatifs à un arbitrage

international n’est pas automatique, cette intervention est souvent subsidiaire. L’arbitrage

reste la chose des parties et ces dernières peuvent décider de déroger à sa compétence.

Section 2 Une compétence « impérative » en l’absence de choix contraire des parties

Les parties peuvent décider de déroger à la compétence à caractère subsidiaire du

président du tribunal de grande instance en tant que juge d’appui, en faisant application de la

«clause contraire» prévue à l'article 1505 al 1, et ainsi évincer le président de Tribunal de

grande instance de Paris pour lui préférer le recourir aux services d’un centre d’arbitrage ou

d’un juge étatique.

§1 Une compétence majoritairement subsidiaire

A-Une compétence subsidiaire au Choix des parties de recourir à un centre

d’arbitrage

Les parties peuvent déroger à la compétence du président du tribunal de grande instance en

qualité de juge d’appui et décider de désigner un centre d’arbitrage qui assumera le rôle de

« juge d’appui contractuel ». Il convient de s’interroger sur la nature de sa décision qui,

contrairement à celle du président du tribunal de grande instance, n’est pas de nature

juridictionnelle. De par sa nature non juridictionnelle, le régime de la décision en cause ne

permet pas la possibilité d’un appel de l’acte émanant du centre d’arbitrage.

1-Nature de la décision du centre d’arbitrage

Lorsque la résolution des difficultés de constitution du Tribunal arbitral est confiée à

un centre d'arbitrage, le lien qui unit les parties au centre d'arbitrage est de même nature que

celui qui les unit pour l'ensemble de la procédure, il s'agit d'un lien de nature contractuelle

unissant les parties, d'une part, et le centre d'arbitrage, d'autre part.

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42

En effet, comme l'expliquait le professeur Fouchard, les pouvoirs du centre d'arbitrage « (...)

découlent de la volonté commune des parties et du centre d'arbitrage. Celle des parties est

exprimée dans leur convention d'arbitrage, généralement une clause compromissoire décidant

qu'en cas de litige il sera soumis à l'arbitrage de ce centre, en application de son règlement.

Quant à la volonté du centre d'arbitrage, elle se manifeste d'abord par une offre permanente à

personne indéterminée, qui résulte de la diffusion de son règlement faisant connaître les

conditions dans lesquelles il organisera l'arbitrage, et est éventuellement confirmée, si besoin

est, lors de la réception de la requête d'arbitrage et de l'acceptation du dossier»49

.

Toutefois, à la différence de l'arbitre unique ou du Tribunal arbitral qui en raison du

contrat d'arbitrage possèdent tous les attributs juridictionnels, le contrat avec le centre

d'arbitrage est un contrat visant à organiser l'arbitrage et à l'encadrer et ne vise pas à trancher

un litige. Pour cette raison, la jurisprudence a très tôt considéré que les décisions émanant de

ce centre, décisions relatives aux difficultés de constitution du Tribunal arbitral, aux incidents

de récusation, au bien encore à la prorogation des délais n'étaient pas des actes

juridictionnels50

.

Ces actes sont des « mesures « d'administration de la procédure ou de l'instance arbitrale», qui

n'ont pas plus de force que celle que les parties ont bien voulu leur conférer. Cette

qualification non juridictionnelle des décisions du centre qui organise et administre les

procédures arbitrales est approuvée par la Cour de cassation51

.

2-Régime de la décision du centre d’arbitrage : une décision inacceptable

de tout recours et n’ayant pas autorité de force jugée

L’article 543 du Code de procédure civile prévoit que « La voie de l'appel est ouverte

en toutes matières, mêmes gracieuses, contre les jugements de première instance s'il n'en est

autrement disposé». L'appel n'est donc ouvert qu'à l'égard des décisions de nature

juridictionnelle52

.

49

Ph. Fouchard, Les institutions permanentes d'arbitrage devant le juge étatique (à propos d'une jurisprudence

récente), Rev.arb. 1987.225. 50

Voir par exemple : Paris, 15 janvier 1985, Société Opinter France, Rev.arb., 1986.87, note E. Mezger; Paris,

15 mai 1985, Raffinerie d'Homs, Rev.arb., 1985.141; Paris, 29 novembre 1985, Société commerciale de produits

agricoles, Rev.arb., 1987.335; TGI Paris, 8 octobre 1986, Ceskolovenska Obchodni Banka AS, Rev.arb., 1987.

367); Cass.com., 19 mai 1987, JCP, 1987, IV. 251). C. Paris, 15 mai 1985, Rev.arb., 1985.141 51

Cass.civ. 1re

, 20 février 2001, Rev.arb,. 2001.511, note Th. Clay. 52

Paris, 13 juillet 1978, D. l 985, 45, note Rameau.

Page 43: Le juge d’appui français et l’arbitrage international...1 Décrets n 80-354 du 14 mai 1980 et n 81-500 du 12 mai 1981, Rev.arb., 1980.583 et Rev.arb., 1981.449 2 La loi n 2007-1787

43

Ainsi, concernant les décisions de nature administrative rendues par un Centre d'arbitrage

préconstitué, la voie de l'appel est bien entendu fermée, leur critique s'exerçant ultérieurement

au moment du contrôle de la sentence.

Les parties peuvent décider de désigner comme « juge d’appui contractuel » un juge étatique

qui et il sera souvent fait appel au président du tribunal de commerce. Cette hypothèse illustre

également le caractère subsidiaire de la compétence du juge d’appui français.

B-Une compétence subsidiaire au Choix des parties de recourir à un juge étatique

L’autorité contractuellement choisie par les parties étant un juge étatique et le plus souvent le

juge désigné sera le président du tribunal de commerce, il convient de s’interroger sur la

nature des décisions que ce magistrat prendra en tant que mandataire conventionnel et sur le

régime qui lui est applicable.

1-Nature de la décision du juge d’appui : une décision non juridictionnelle

La cour d’appel de Paris a, dans un premier mouvement, admis la qualification de

décision juridictionnelle, cependant, elle a ensuite déployé son énergie à « contractualiser» le

lien unissant les parties à ce magistrat désigné, ce qui aura une incidence directe sur la nature

de la décision rendue.

Dans un premier temps, face à une clause désignant le président du Tribunal de

commerce, la cour a considéré que ce juge ainsi que le président du tribunal de grande

instance de paris étaient des magistrats de l'ordre judiciaire, si bien que le régime organisé

pour l'intervention du premier pouvait également s'appliquer au second.

Un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 10 mai 1995

reconnaît implicitement que la décision rendue par le président du Tribunal de commerce est

un acte juridictionnel53

.

Il s'agissait dans cette affaire d'un arbitrage international opposant une société française à une

société marocaine. Le contrat prévoyait que tout litige serait tranché par un « arbitre désigné

par ordonnance du président du Tribunal de commerce de Paris statuant en référé». Les

parties avaient donc désigné ce juge comme « juge d'appui».

53

Cass.civ. 1re

, 10 mai 1995, Rev.arb. 1995.607, note A. Hory

Page 44: Le juge d’appui français et l’arbitrage international...1 Décrets n 80-354 du 14 mai 1980 et n 81-500 du 12 mai 1981, Rev.arb., 1980.583 et Rev.arb., 1981.449 2 La loi n 2007-1787

44

À deux reprises, le président du Tribunal de commerce de Paris rendit des ordonnances afin

de surmonter des difficultés liées à la désignation de l'arbitre. Face à ces difficultés sérieuses

le président du Tribunal de commerce autorisa une des parties à assigner au principal. Sur

cette assignation, le Tribunal de commerce, en formation collégiale, désigna un arbitre. La

Cour d'appel déclara alors irrecevable l'appel contre la décision du Tribunal de commerce en

visant l'article 1457 nouveau Code de procédure civile.

Au visa des articles 1493 et 1457, alinéa 1 du nouveau Code de procédure civile, la plus haute

juridiction cassa l'arrêt d'appel et jugea que « (...), l'arbitre investi en méconnaissance de la

volonté des parties ou des textes susvisés est irrégulièrement désigné et que la décision du

juge qui procède à cette désignation sans y être habilité, est susceptible d'appel».

Implicitement, la Cour de cassation reconnaissait alors le caractère juridictionnel tant de

l'ordonnance du président du Tribunal de commerce que celle de la décision du Tribunal de

commerce désignant l'arbitre. La voie de l'«appel-nullité», pour excès de pouvoir était alors

ouverte.

La situation était donc identique à celle de la saisine du président du Tribunal de commerce en

sa qualité de juge des référés. Sa compétence ne pouvait par conséquent découler que d'une

clause lui attribuant compétence (au sens juridictionnel du terme), par dérogation aux

dispositions de l'article 1493, alinéa 2 du nouveau Code de procédure civile attribuant une

compétence de principe au président du Tribunal de grande instance de Paris.

Malgré la simplicité de cette solution, la nature juridictionnelle de la décision du

président du Tribunal de commerce agissant en qualité de « juge d'appui» en présence d'un

arbitrage commercial international méconnaissait la spécificité reconnue à ce type d'arbitrage

par le droit français.

En premier lieu, cette solution méconnaissait le caractère supplétif de l'article 1493, alinéa 2

et la prééminence de la volonté en matière d'arbitrage international qui permet, aux parties, de

déroger au mécanisme du « juge d'appui» proposé par le nouveau Code de procédure civile à

celles-ci.

En deuxième lieu, cette solution méconnaissait le caractère exclusif de la compétence

reconnue au président du Tribunal de grande instance de Paris en matière d'arbitrage

Page 45: Le juge d’appui français et l’arbitrage international...1 Décrets n 80-354 du 14 mai 1980 et n 81-500 du 12 mai 1981, Rev.arb., 1980.583 et Rev.arb., 1981.449 2 La loi n 2007-1787

45

commercial international54

. En effet, le décret de 1981 a voulu centraliser les pouvoirs de «

juge d'appui» entre les mains de ce seul magistrat. Ainsi, pour le professeur Fouchard, l'article

1493, alinéa 2 « (...) réserve les pouvoirs de désignation des arbitres, en matière

internationale, au seul président du Tribunal de grande instance de Paris, en excluant donc la

compétence des ses homologues des autres Tribunaux de grande instance et des présidents des

Tribunaux de commerce»55

. En ce sens, par un arrêt du 7 mars 2000, la première chambre

civile de la Cour de cassation a expressément reconnu que le président du Tribunal de grande

instance était la seule autorité juridictionnelle compétente pour statuer sur les difficultés de

constitution d'un tribunal arbitral dans un arbitrage international ayant un lien avec la

France56

.

En réalité, et afin de concilier ces deux principes et le texte de l'article 1493, alinéa 2 qui

autorise les parties à rédiger une « clause contraire» à la compétence du président du Tribunal

de grande instance de Paris, il convenait, dans un premier temps, d'admettre que les parties

pouvaient choisir qui bon leur semblait pour les assister en cas de difficultés relatives à la

constitution du tribunal arbitral, y compris choisir un magistrat de l'ordre judiciaire et, dans un

deuxième temps, que nonobstant le choix des parties, la seule autorité juridictionnelle

habilitée était le président du Tribunal de grande instance de Paris.

Le fait pour les parties de renoncer à la compétence du président du Tribunal de grande

instance de Paris exprimait simplement leur souhait de ne pas voir les juridictions étatiques

intervenir au stade de la constitution du Tribunal arbitral. La désignation du tiers est celle

d'une entité dont la nature importait peu. Le lien qui unirait les parties et le président du

Tribunal de commerce serait donc de nature contractuelle, de la même manière que le serait le

lien entre les parties et le centre d'arbitrage qu'elles auraient pu désigner.

C'est dans cette voie que s'est avancée la Cour d'appel de Paris dans plusieurs décisions

successives rendues en 2003.

54

La concentration du contentieux entre les mains d'une seule juridiction s'explique par le constat que la plupart

des arbitrages internationaux dont le siège est situé en France se déroulent à Paris et par la spécialisation accrue «

pointue» acquise par les magistrats parisiens. De plus la règle supprime les conflits internes de compétence

ratione materiae et loci. V. Fouchard, Gaillard, Goldman, Traité de l'arbitrage commercial international, Paris,

Litec 1997, no 888.

55 Ph. Fouchard, La coopération du président du Tribunal de grande instance à l'arbitrage, Rev.arb. 1985.19

56 Cass.civ. 1

re, 7 mars 2000, Société Adidas-Salomon c/ Société Ventex, Rev.arb., 2000.447, note Lacabarats

Page 46: Le juge d’appui français et l’arbitrage international...1 Décrets n 80-354 du 14 mai 1980 et n 81-500 du 12 mai 1981, Rev.arb., 1980.583 et Rev.arb., 1981.449 2 La loi n 2007-1787

46

Dans deux décisions du 5 juin 2003 (Rose c/ SA Waterfront et autre), la Cour d'appel, saisie

d'un appel sous la forme de contredit à l'encontre d'une ordonnance rendue par le président du

Tribunal de commerce relative à la constitution d'un tribunal arbitral a déclaré cette voie de

recours irrecevable aux motifs que : « La contractualisation par les parties de l'assistance pour

les opérations de constitution du Tribunal arbitral permise par l'article 1493 du nouveau Code

de procédure civile, dans la mesure où la compétence du président du Tribunal de grande

instance de Paris n'est pas exclusive de la désignation d'un tiers ou d'un centre préconstitué

pour les aider dans la mise en place du Tribunal arbitral, ne s'étend pas au choix des voies de

recours par les parties ; le régime dérogatoire prévu pour critiquer les décisions du président

du Tribunal de grande instance de Paris par les articles 1493 et 1457 n'est pas transposable

pour la désignation d'un arbitre par un tiers préconstitué, agissant comme mandataire

conventionnel, tel le président du Tribunal de commerce de Paris. (...) Le rôle éminent du

président du Tribunal de grande instance de Paris explique que son intervention soit entourée

d'une procédure spécifique, y compris pour les voies de recours contre ses décisions,

essentiellement destinée à éviter les retards et à protéger l'efficacité de son action. Il s'ensuit

que le président du Tribunal de grande instance de Paris étant en France la seule institution

judiciaire à agir en tant que telle, l'intervention dans la désignation des arbitres d'une autorité

préconstituée donne lieu à une décision sans postérité sur le plan juridictionnel».

Ainsi, pour la Cour d'appel de Paris, le président du Tribunal de commerce de Paris, lorsqu'il

est désigné par les parties pour les assister dans leurs opérations de constitution du tribunal

arbitral, agit en tant que mandataire commun, mais n'agit pas en sa qualité d'institution

judiciaire. Sa décision est sans postérité sur le plan juridictionnel, c'est-à-dire qu'elle n'est pas

un jugement. La Cour a réitéré sa position quelques jours plus tard57

.

Comme l'a souligné le professeur Éric Loquin, cette solution est « conforme à l'architecture

des textes régissant en France l'arbitrage international. La Cour d'appel de Paris arrive ainsi à

concilier le fait que la compétence du président du Tribunal de grande instance de Paris est à

la fois supplétive et exclusive. Elle est supplétive dès lors que le juge n'intervient pour

désigner un arbitre que dans les cas où le mécanisme de désignation mis en place par les

57

Paris, 19 juin 2003, Bacques et autres c/ SARL Carlyle Holdings, Rev.arb., 2004.136. La Cour d'appel de

Paris, comme pour mieux affirmer sa jurisprudence, n'a pas hésité à ordonner la réouverture des débats lorsque,

saisi d'un « appel-nullité» à l'encontre d'une ordonnance du président du Tribunal de commerce (juge d'appui

contractuellement désigné par les parties) ayant rejeté la requête en récusation d'un arbitre, aucune des parties ne

s'était prononcée sur la nature interne ou internationale de l'arbitrage, et invitait les parties à discuter, en

conséquence de la qualification retenue, de la « recevabilité d'un recours juridictionnel à l'encontre d'une

décision sur la récusation prise par une autorité contractuellement désignée dans la clause compromissoire»

Page 47: Le juge d’appui français et l’arbitrage international...1 Décrets n 80-354 du 14 mai 1980 et n 81-500 du 12 mai 1981, Rev.arb., 1980.583 et Rev.arb., 1981.449 2 La loi n 2007-1787

47

parties ne permet pas de résoudre la difficulté. Elle est exclusive en ce sens que le président

du Tribunal de grande instance de Paris est la seule juridiction française compétente pour

juger de la difficulté»58

. Reste que le cas de figure est original puisque le juge désigné par les

parties n'intervient pas en qualité de juge mais en qualité de mandataire commun de ceux qui

l'ont désigné.

Ainsi, que le tiers désigné par la « clause contraire» de l'article 1493, alinéa 2 soit un centre

d'arbitrage, une personne privée, ou bien un magistrat, le lien unissant les parties à ce tiers est

de nature contractuelle. Ce tiers n'a aucune fonction juridictionnelle, et ce, même si en

pratique, il tranche un litige survenant entre les parties. La décision rendue par lui n'est pas un

jugement, mais un acte de droit privé, qui n'a de force obligatoire que celle que les parties ont

bien voulu lui conférer.

En ce qui concerne la relation contractuelle unissant les parties à un centre d'arbitrage, les

auteurs retiennent généralement la qualification de mandat sui generis comprenant également

des obligations relevant du contrat d'entreprise. En ce qui concerne la relation contractuelle

entre les parties et un magistrat autre que le président du Tribunal de grande instance de Paris,

la Cour d'appel de Paris a considéré que le président du Tribunal de commerce est un «

mandataire conventionnel» des parties et ce, même si cette relation contractuelle s'insère

toutefois avec difficulté dans le contrat de mandat au sens de l'article 1984 du Code civil.

La décision de l’autorité contractuellement désignée est en tout état de cause de nature

conventionnelle. En d'autres termes, elle n'aurait de valeur que contractuelle, ce qui conduit à

s'interroger sur le régime qui lui est applicable dans le cadre d'un arbitrage commercial

international.

2-Une décision insusceptible de recours et non dotée de l’autorité de force

jugée

Bien qu’émanant d’un magistrat, la décision du juge étatique désigné en tant que « juge

d’appui contractuel » n’est pas de nature juridictionnelle. De ce fait, elle ne peut faire l’objet

d’un appel et n’est pas dotée de l’autorité de chose jugée.

58

E. Loquin, observations sous Paris, 5 juin 2003

Page 48: Le juge d’appui français et l’arbitrage international...1 Décrets n 80-354 du 14 mai 1980 et n 81-500 du 12 mai 1981, Rev.arb., 1980.583 et Rev.arb., 1981.449 2 La loi n 2007-1787

48

a-Une décision insusceptible de recours bien qu’émanant d’un juge

étatique

La décision du juge étatique intervenant en tant qu’autorité contractuellement choisie

par les parties pour « assister » la procédure arbitrale ne peut faire l’objet d’un appel car cette

décision n’est pas de nature juridictionnelle. Cependant, les parties pourront exercer une

certaine forme de recours auprès du président du tribunal de Grande instance de Paris si

l’autorité qu’elles ont choisi ne peut procéder à sa mission.

L’article 543 du Code de procédure civile prévoit que « La voie de l'appel est ouverte en

toutes matières, mêmes gracieuses, contre les jugements de première instance s'il n'en est

autrement disposé».

L'appel n'est donc ouvert qu'à l'égard des décisions de nature juridictionnelle59

.

La question se pose cependant de savoir si le président du Tribunal de grande instance

de Paris conserve en la matière une compétence subsidiaire et ce nonobstant la désignation

d'un juge étatique en qualité de « juge d'appui».

La jurisprudence semble se prononcer dans l'affirmative. Ainsi, dans l'arrêt de la Cour d'appel

de Paris du 5 juin 2003, dans le cas où le tiers désigné était le président du Tribunal de

commerce (l’affaire Rose c/ SA Waterfront), le Cour a jugé qu’« en cas de contestation

concernant l'accomplissement par l'autorité préconstituée de sa mission, les parties

conservent la possibilité, pour vérifier s'il a été procédé à bon droit à cette désignation, de

s'adresser au président du Tribunal de grande instance de Paris dont la compétence pour

mettre fin aux difficultés de constitution du tribunal arbitral est toujours offerte à titre

subsidiaire».

Ainsi, le président du Tribunal de grande instance de Paris garde une compétence et pourra

être saisi si l’autorité désignée ne peut procéder à sa mission60

.

La règle est identique dans le cas où le tiers désigné est un centre d'arbitrage. Il pourra donc

être fait appel au président du tribunal de grande instance de Paris si l’autorité choisie par les

59

Paris, 13 juillet 1978, D. l 985, 45, note Rameau. 60

Il a été ainsi jugé que le président du Tribunal de grande instance de Paris « n'a pas le pouvoir de se substituer

au centre pré-constitué d'arbitrage sauf carence reconnue ou prouvée de celui-ci», TGI Paris, 28 octobre 1988, 14

juin 1989, 15 juillet 1989, Rev.arb., 1990, p. 497 ; TGI Paris, 24 février 1992, Rev.arb., 1994.557, obs. Fouchard.

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49

parties refuse la mission d'assistance qui lui a été confiée, ou lorsqu'en raison de la carence

d'un règlement intérieur, n'est pas capable de l'assurer.

b-Une décision non revêtue de la force de chose jugée

La question de savoir si ces décisions sont dotées de l’autorité de chose jugée revêt

toute son importance dans le cadre d’un recours en annulation de la sentence qui sera rendue à

l’issue de la procédure arbitrale.

En matière d'arbitrage international, les sentences arbitrales rendues en France peuvent faire

l'objet d'un recours en annulation sur le fondement des articles 1491 et 1492 du Code de

procédure civile. Parmi les griefs permettant d'attaquer la sentence figurent l'irrégularité de la

composition du Tribunal arbitral ou bien encore la violation de l'ordre public international. La

question qui se pose est de savoir quel est le sort d'un moyen d'annulation de la sentence

reposant sur des faits et moyens de droit préalablement discutés devant le juge étatique et sur

lesquels ce dernier s'est prononcé.

L'existence d'une d’une ordonnance du juge d’appui en matière d’arbitrage international61

permet par la suite d'invoquer l'exception tirée de l'autorité de la chose jugée afin d'écarter, au

stade du recours en annulation, la contestation ayant déjà été tranchée par le juge d'appui.

La possibilité de recourir à l'exception de chose jugée est impossible lorsqu'il s'agit de la

décision du juge étatique intervenant en tant que mandataire conventionnel puisque cette

décision n'est pas un jugement. En effet, le législateur fait de l'autorité de la chose jugée un

attribut de l'acte juridictionnel (article 480 du nouveau Code de procédure civile). Dès lors,

l'autorité de la chose jugée découle de la qualification préalable de l'acte du juge comme acte

juridictionnel.

Il ne pourrait donc être opposé l'exception tirée de l'autorité de la chose jugée à un des

plaideurs qui, au stade du recours en annulation, contesterait par exemple le défaut

d'indépendance ou de d'impartialité du Tribunal arbitral, quand bien même l'incident de

récusation aurait déjà été réglé par le juge étatique contractuellement choisi par les parties.

61

J. Vincent, S. Guinchard, Procédure civile, Précis Dalloz, 24e éd., 1996 : « la nature des ordonnances du juge

d'appui diffère de celle des ordonnances de référé : elles ne présentent pas un caractère provisoire et se trouvent

revêtues de l'autorité au principal».

Page 50: Le juge d’appui français et l’arbitrage international...1 Décrets n 80-354 du 14 mai 1980 et n 81-500 du 12 mai 1981, Rev.arb., 1980.583 et Rev.arb., 1981.449 2 La loi n 2007-1787

50

§2 Une compétence « d’ordre public »

La compétence du président du tribunal de Paris en tant que juge d’appui de la procédure

arbitrale n’est pas impérative, ayant un caractère subsidiaire et supplétif, cette compétence

devient toutefois d’ordre public lorsque la compétence territoriale du juge d’appui français et

que les parties n’ont pas rédigé de clause contraire à sa compétence, telle qu’elle est prévue à

l’article 1505 al. 1.

A-La compétence d’ordre public du juge d’appui : une hypothèse conditionnée

La compétence du juge d’appui pour aider à la mise en œuvre de la procédure arbitrale en

matière internationale sera d’ordre public sous deux conditions : la première relevant de la

nature des difficultés de mise en œuvre de la procédure arbitrale, la seconde relative à

l’existence d’une clause contraire prévoyant la compétence d’un « juge d’appui

contractuellement choisi par les parties ».

1-Une compétence d’ordre public conditionnée à la nature des difficultés

entravant la procédure arbitrale

L’article 1505 du CPC prévoit que le président du tribunal de grande instance de paris

sera compétent pour régler tout différend relatif à la constitution du tribunal arbitral.

Des lors que sa compétence est établie, la mission du président du tribunal de grande

instance de Paris permet également de régler les difficultés qui peuvent intervenir pour la

perfection de la composition du tribunal arbitral, telles que la récusation62

ou les difficultés

postérieures affectant la constitution du tribunal63

. Le tribunal peut également se trouver

amputé à la suite de manœuvres dilatoires de l’une des parties, voire de l’un des arbitres qui

démissionnerait à un stade avancé de la procédure. Le président du tribunal de grande instance

de Paris, lorsqu’il est compétent, a le devoir de tout mettre en œuvre pour éviter les situations

de blocages et aider au rétablissement de la nécessaire coopération des parties cependant, il

doit s’abstenir d’aller au delà de ce que lui permettent le règlement d’arbitrage en cause ou la

volonté des parties telle qu’exprimée dans la convention d’arbitrage64

. Il en est ainsi en

matière de prorogation du délai d’arbitrage65

. Mais le président du tribunal de grande instance

de Paris n’est pas compétent pour se prononcer sur la validité ou les limites de l’investiture

62

TGI Paris, 23 juin1988, Rev.arb., 1988.657, 3e décision, note P. Fouchard

63 Paris, 3 mai 2007, Rev.arb., 2008.706, note J. Ortscheidt

64 TGI Paris, 15 février 1995, Rev.arb., 1996.503, note P. Fouchard

65 TGI Paris, 12 janvier 1988, Rev.arb., 1994.538, obs. P. Fouchard

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51

des arbitres66

. Il n’a pas non plus le pouvoir d’enjoindre à un tribunal arbitral de surseoir à

statuer dans l’attente de la décision sur la demande de récusation d’un arbitre, seul le tribunal

est compétent pour se prononcer sur une telle demande tant que la récusation n’a pas été

tranchée67

.

Par deux arrêts datant du 7 mars 200068

, la première chambre civile de la cour de

cassation réaffirme la double limite à à la compétence du juge d’appui : d’une part, elle ne

vaut que pour les difficultés de constitution du tribunal arbitral et, d’autre part, elle ne fait pas

obstacle au choix par les parties d’un autre mode de règlement de telles difficultés.

2-Une compétence d’ordre public conditionnée à l’absence de toute clause

contraire

La compétence du juge d’appui est d’ordre public lorsque les parties n’ont pas stipulée de

clause contraire en application de l’article 1505 al. 1 du CPC. Soit que les parties n’aient pas

voulu recourir à une autre autorité contractuellement choisie ou à un arbitrage institutionnel

soit que le règlement auquel elles se sont référées ne prévoit pas une telle mission conférée au

centre.

B-Effets de la compétence d’ordre public du président du tribunal de grande

instance

En l’absence de clause contraire, les parties ne peuvent déroger à la compétence du

juge d’appui français, et plus particulièrement à la compétence exclusive du président du

tribunal de grande instance.

1-Un recours impératif au juge d’appui

Les parties ne peuvent supprimer le recours au juge d’appui. L’article 1505 du CPC qui

prévoit la compétence du président du tribunal de grande instance de Paris pour trancher en

cas de difficultés relatives à la constitution du tribunal arbitral constitue une disposition

d’ordre public. Cette règle de compétence s’explique par la nécessité d’assurer la pleine

efficacité des procédures d’arbitrage, en supprimant les risques de conflit de compétence

d’attribution ou territoriale et en favorisant l’émergence d’une spécialisation du magistrat

appelé à statuer en ce domaine.

66

TGI Paris, 29 octobre 1997, Rev.arb., 1998.383 note J. Delvolvé 67

TGI Paris, 24 juin 2004, Rev.arb., 2005.1037, note Y. Derains 68

Cass.civ. 1re

. 7 mars 2000, Rev.arb., 2000.447, note A. Lacabarats

Page 52: Le juge d’appui français et l’arbitrage international...1 Décrets n 80-354 du 14 mai 1980 et n 81-500 du 12 mai 1981, Rev.arb., 1980.583 et Rev.arb., 1981.449 2 La loi n 2007-1787

52

Cette règle de compétence constitue une disposition d’ordre public lorsque les parties n’ont

pas exprimé leur volonté contraire de recourir à une autre autorité contractuellement choisie,

qu’il soit question d’un juge étatique ou d’un centre d’arbitrage. Sachant que même dans

l’hypothèse d’une clause contraire, l’autorité contractuellement choisie peut se trouver dans

l’impossibilité de procéder à sa mission. Dans ce cas, si la compétence territoriale du juge

d’appui français est avérée et face l’autorité contractuellement désignée, la compétence du

président du tribunal de grande instance de Paris est d’ordre public.

L’ordre public n’est défini dans aucun texte et il est laissé à l’entière appréciation des

tribunaux. Selon la doctrine, l’ordre public est « ce à quoi il n’est pas possible de déroger par

conventions particulières » la convention d’arbitrage étant une de ces conventions.

Le caractère d’ordre public de la compétence du juge d’appui doit s’entendre ici de

l’interdiction faite au partie, en l’absence d’une clause contraire préalablement stipulée, de

recourir à une autre autorité pour régler les difficultés relatives à la constitution du tribunal

mais aussi de choisir un autre juge étatique que celui prévu à l’article 1505 du CPC, à savoir,

le président du tribunal de grande instance de Paris.

2-Un recours impératif au président du tribunal de grande instance de Paris

L’article 1505 al.1 CPC prévoit la compétence exclusive du président du tribunal de

grande instance de Paris pour trancher en cas de difficultés de constitution du tribunal arbitral

en matière internationale. A la différence du droit de l’arbitrage interne, ce magistrat se voit

attribuer une compétence exclusive. En effet, dans le cadre d’un arbitrage interne, les parties

peuvent attribuer certains pouvoirs au président du tribunal de commerce dont la compétence

territoriale suit les mêmes règles que celles relatives au président du tribunal de grande

instance. L’article 1459 al.2 CPC limite toutefois le champ de compétence du président du

tribunal de commerce aux seules difficultés relevant de la constitution du tribunal arbitral,

c'est-à-dire les questions de désignations des arbitres (articles 1451 à 1453 CPC) et la

compétence générale prévue à l’article 1454 CPC relative à tout différend lié à la constitution

du tribunal. Ainsi, en matière interna, seule la police de l’arbitrage est de la compétence

exclusive du président du tribunal de grande instance quand les parties n’ont pas stipulé de

clause contraire prévoyant le recours à une institution d’arbitrage.

Dans le cadre d’un arbitrage international, en l’absence de clause contraire permettant

aux partie de faire appel aux service à une autorité contractuellement choisie pour régler tout

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53

problème relatif à la constitution du tribunal arbitral, les parties ne peuvent choisir parmi les

juges étatiques un autre juge que le président du tribunal de grande instance de Paris.

Chapitre 2 Une intervention renforcée en faveur de l’efficacité de l’arbitrage

Section 1 La faveur du régime des recours contre les décisions du juge d’appui à

l’efficacité de la procédure arbitrale

Il résulte de l’article 1460 du CPC (correspondant à l’ancien 1457) que le président du

tribunal arbitral, saisi notamment d’une difficulté relative à la constitution du tribunal ou

d’une demande de prorogation du délai d’arbitrage, statue « par ordonnance non susceptible

de recours ». Ce texte est en principe applicable à l’arbitrage international par renvoi à

l’article 1460 de l’article 1506 du même code. Ces dispositions posent un principe

d’interdiction des recours à l’encontre des décisions du juge d’appui (A), cependant, il prévoit

une exception dans l’hypothèse particulière ou le juge d’appui « déclare n’y avoir lieu à

désignation pour une des causes prévues à l’article 1455 », à savoir, la circonstance selon

laquelle la convention d’arbitrage serait, selon lui, manifestement nulle ou manifestement

inapplicable (B)

§1 Le principe d’interdiction des recours en faveur de l’efficacité de l’arbitrage

L’article 1460 al 3 du code de procédure civile prévoit que le juge d’appui statue par

« ordonnance non susceptible de recours ».

A-Le principe d’interdiction des recours en faveur de l’efficacité de la procédure

arbitrale

Le principe d’irrecevabilité des recours contre les ordonnances du juge d’appui

interdisent l’appel de la décision ou le pourvoie en cassation. Ce principe est de nature à

favoriser l’arbitrage car la décision, qui permet le bon déroulement de la procédure, ne pourra

être remise en cause par des parties de mauvaise foi.

1-Un principe interdisant tout recours contre les décisions du juge

d’appui

Sous réserve de l’hypothèse particulière d’appel prévue à l’article 1460 al 3, en cas de

rejet de la demande, lorsque le président du tribunal a décliné son intervention en raison de la

nullité manifeste de la clause compromissoire visée à l'article 1455 du même code, les

décisions du président du tribunal ne peuvent faire d’un recours au juge supérieur. En effet,

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54

L'appel-réformation est exclu69

. Le pourvoi en cassation à l'encontre de la décision du juge

d’appui est également exclu70

.

De plus, de l’interdiction des recours à l'encontre des décisions du juge d’appui, la

jurisprudence a déduit l'interdiction de toute remise en cause devant le juge de l'annulation

des décisions de celui-ci qui a ainsi irrévocablement statué71

.

En comparaison, les décisions prises par les institutions d'arbitrage n'offrent pas un tel

caractère intangible en raison de la nature administrative et non juridictionnelle de leurs

interventions.

Une décision de la cour d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale en matière de

récusation n'est ainsi pas une sentence, et le recours en annulation à son encontre est

irrecevable72

. Il s'agit d'actes de police de l'instance arbitrale permettant à l'arbitrage

d'avancer, mais qui, n'ayant pas d'autorité de chose jugée, après s'évaporent.

Les décisions du juge d’appui sont donc insusceptibles de tout recours à un juge supérieur. Le

juge d’appui ayant une mission d’assistance, ces décisions pourront ainsi permettre le bon

déroulement de la procédure arbitrale.

2-Faveur du principe à l’efficacité de la procédure arbitrale

Ces dispositions visent à donner pleine efficacité à la convention d’arbitrage, en

évitant le risque de manœuvres dilatoires des parties et de paralysie de l’arbitrage.

L’existence de ce principe d’interdiction des recours permet, lorsque l’intervention du

juge d’appui est indispensable à la procédure arbitrale, de contenir toute autre intervention du

juge étatique en tant que juge supérieur.

Cette ordonnance n'est pas susceptible de recours et favorise l'efficacité de la convention

d'arbitrage. Cependant, ce principe connait des exceptions. Ces exceptions sont toutefois

limitée aux cas ou la convention d’arbitrage est soit manifestement nulle soit manifestement

inapplicable.

69

Paris, 9 novembre 1983, Rev.arb., 1985.81 ; Paris, 24 novembre 1989, Rev.arb., 1990.176, note P. Kahn 70

Cass.civ. 2e, 22 novembre 1989, Rev.arb., 1990. 142, note S. Guinchard ; 7 novembre 2002, n

o 01-10.351,

D. 2002, IR 3241 71

Paris, 6 avril 1990, Rev.arb., 1990. 880, note M. de Boisséson ; pour une décision concernant les délais de

l'arbitrage, Paris, 8 mars 2001, Rev.arb. 2001.567 72

Paris, 15 janvier 1985 et Cass.civ. 2e, 7 oct. 1987, Rev.arb., 1986.87 et 1987.479, notes E. Mezger

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B-L’exception au principe de prohibition : la nullité ou l’inapplicabilité manifeste

de la convention d’arbitrage

L’ordonnance du juge d’appui est susceptible d'appel dans les formes ordinaires,

lorsque le président du tribunal dit n'y avoir lieu à désignation d'un arbitre (autrement dit

lorsqu'il refuse de compléter le tribunal arbitral partiellement composé) pour l'une des causes

prévues par l'article 1455 du code de procédure civile, à savoir « si la clause compromissoire

est soit manifestement nulle, soit manifestement inapplicable (et non plus insuffisante comme

le prévoyait l’article 1444 al. 3 du CPC) pour permettre de constituer le tribunal arbitral ».

La jurisprudence apprécie cette exception de façon stricte et décret de janvier 2011

simplifie et clarifie le régime de l’appel des ordonnances du juge d’appui.

1-Une appréciation stricte de la réserve de la nullité ou de l’inapplicabilité

manifeste

Lorsque le juge d’appui est saisi d’une demande relative à une difficulté de

constitution du tribunal arbitral et qu’en application de l’article 1455 du CPC, il refuse de

compléter le tribunal arbitral car il estime que la convention d’arbitrage est manifestement

nulle ou inapplicable.

Cette exception va à l’encontre du principe de compétence-compétence en vertu

duquel « il appartient à l’arbitre, par priorité, de statuer sur l’existence, la validité et

l’étendue de la convention d’arbitrage »73

. C’est la raison pour laquelle l’étendue de cette

exception est appréhendée de façon stricte (a) dans le cadre d’un contrôle prima facie (b).

a-Une conception restrictive de la notion de nullité et

d’inapplicabilité manifeste de la convention d’arbitrage

Avant l’adoption du décret réformant le droit de l’arbitrage, la jurisprudence

mentionne dans ses arrêts, au titre de l’exception, la nullité manifeste et l’inapplicabilité

manifeste sans évoquer l’inexistence manifeste.

De plus, la cour de cassation a pu affirmer dans un arrêt datant de 2004 que « la nullité ou

l’inapplicabilité manifeste de la clause d’arbitrage (sont) seules de nature à faire obstacle » au

droit qu’a l’arbitre d’examiner prioritairement sa compétence74

.

73

Cass.civ., 2e, 24 juin 2004, SAS Knauf La Rhénane c/ Ailhaud, Rev.arb., 2004.855

74 Cass.civ., 2

e, 8 avril 2004, Société Financière Granulats c/ Callet, Rev.arb., 2004.849

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56

Il semblerait donc que l’inexistence manifeste de la convention d’arbitrage ne constitue pas

une exception de nature à permettre au juge d’appui de se prononcer sur la convention

d’arbitrage. Or, il serait opportun et cohérent de traiter sur un même pied d’égalité

l’inexistence, la nullité et l’inapplicabilité manifeste. Ce point n’a pas été précisé par l’article

1455 du CPC qui ne fait que reprendre les deux exceptions déjà prévues par l’article 1457

ancien du CPC, à savoir, la nullité et l’inapplicabilité manifeste de la convention d’arbitrage.

L’exception au principe d’interdiction des recours contre les ordonnances du juge

d’appui ne concerne donc que les hypothèses de nullité et d’inapplicabilité manifeste, seules

causes permettant de se prononcer sur l’efficacité prima facie d’une convention d’arbitrage.

Ce qui est manifeste et évident n’a pas besoin d’être démontré, mais seulement constaté.

Concrètement, le seul fait pour le juge d’appui de s’emparer des éléments du dossier,

autrement dit d’entrer en matière, révèle un dépassement des limites du contrôle du caractère

manifeste de la nullité ou de l’inapplicabilité manifeste. Au delà de cette appréciation

sémantique, il est à noter que, jusqu’à aujourd’hui, seuls quatre cas de nullité ou

d’inapplicabilité manifeste75

ont été constatés à ce jour dans la jurisprudence de la cour de

cassation.

b-Exercice par le juge d’appui d’un contrôle prima facie

Le juge d’appui opérera un contrôle prima facie de la validité de la convention

d’arbitrage. Le caractère sommaire du contrôle de la validité de la convention d’arbitrage

apparait comme une condition de mise en œuvre du principe de validité de la convention et du

principe de compétence-compétence. Ces notions sont interprétées restrictivement car les

arbitres sont compétents en cas de doute pour apprécier la validité et l’applicabilité de la

convention d’arbitrage. De plus, le juge d’appui dispose d’une marge d’intervention telle

qu’elle lui permet de « sauver » la clause d’arbitrage en donnant plein effet à la volonté des

parties de recourir à l’arbitrage.

Dans son arrêt rendu le 7 juin 2006 dans l’affaire du navire Tag Heuer, la première chambre

civile de la cour de cassation interdit aux juges du fond « de procéder à un examen substantiel

et approfondi de la convention d’arbitrage ». Seul est autorisé un premier examen de la clause

compromissoire dont le caractère superficiel ne porte pas à conséquence, puisqu’un second

75

Cas constatés à ce jour dans la jurisprudence de la cour de cassation : Cass.civ. 1re

, 27 avril 2004, Sté Bureau

Veritas, Rev.arb., 2004.851 ; 11 juillet 2006, Sté Andhika Lines c/ Axa, Rev.arb., 2006.960 ; Sté CSF c/ Sté

Recape, Rev.arb., 2006.960 ; Cass.com., 13 juin 2006, Sté Prodium c/ Sté Gemodis, Rev.arb., 2006.955

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57

contrôle, plus approfondi, pourra être exercé ultérieurement lors du recours en annulation

introduit par une partie contre la sentence.

L’étendue et les modalités du contrôle de l’inapplicabilité ou de la nullité manifeste

sont déterminées par son fondement. Des lors que le principe de compétence-compétence est

consacré, la priorité reconnue à l’arbitre doit être ménagée et les exceptions doivent être

strictement cantonnées aux seules situations d’évidence. Un contrôle réduit au seul caractère

évident, manifeste évite que le débat sur la validité de la convention compromissoire ne

prenne trop d’ampleur. En pratique, ce caractère sommaire du contrôle est donc une condition

de mise en œuvre du principe de validité de la clause compromissoire et du principe de

compétence-compétence. La combinaison de ces deux principes interdit par voie de

conséquence interdit au juge d’appui et plus généralement au juge étatique de procéder à un

examen substantiel et approfondi de la convention d’arbitrage.

Ce contrôle superficiel de la nullité ou de l’inapplicabilité manifeste de la convention

d’arbitrage permet de lutter contre les manœuvres dilatoires et permet ainsi de respecter le

principe d’efficacité de la procédure arbitrale qui doit conduire les arbitres à rendre une

sentence qui puisse être exécutée à des couts et dans des délais raisonnables.

2-La simplification du régime des recours contre la décision du juge

d’appui

Le décret réformant le droit français de l’arbitrage modifie le régime de l’appel

dérogatoire qui était auparavant soumit à la procédure de contredit de compétence.

Désormais, cet appel est soumis à la procédure de l’appel avec représentation obligatoire, le

décret n’apportant aucune précision quant au régime de l’appel nullité, il est à penser que la

jurisprudence, par analogie au régime de l’appel dérogatoire et suite à l’entrée en vigueur du

décret, tende à soumettre également l’appel nullité procédant d’un excès de pouvoir à l’appel

soumis à la représentation obligatoire.

a-L’appel dérogatoire désormais soumis à la procédure avec

représentation obligatoire

Cette exception au principe d’interdiction des recours peut être mise en œuvre à l’encontre de

décisions par lesquelles le juge d’appui refuse la désignation d’un arbitre complétant le

tribunal arbitral pour nullité ou inapplicabilité manifeste de la convention d’arbitrage,

décisions pour lesquelles l’appel est recevable. Dans le cadre de ce recours, la forme de

l’appel est modifiée par le décret de janvier 2011.

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58

Avant l’avènement de la réforme, cet appel devait obligatoirement respecter les formes

du contredit de compétence76

, ce qui s’avérait être contraignant pour l'auteur du recours,

lequel devait se montrer particulièrement vigilant. En particulier parce que cette procédure de

contredit présentait notamment la caractéristique d'être une procédure à la fois formaliste et

accélérée, l'appel devant, en effet, être formé dans les quinze jours77

.

Le décret modifie la forme du recours78

, ainsi, l’appel qui devait être effectué sous

forme de contredit a été remplacé par un appel soumis à la représentation obligatoire. Le délai

est donc désormais d’un mois79

et court à compter de la signification de l’ordonnance. Cet

appel a un effet suspensif et sera instruit et jugé selon les articles 900 et suivants du code de

procédure civile.

b-L’appel-Nullité toujours soumis à la procédure du contredit de

compétence ?

Aucun texte ne prévoit les modalités de l’appel de la décision du juge d’appui

procédant d’un excès de pouvoir en matière d’arbitrage.

Sous l’empire du décret du 12 mai 1981, une jurisprudence constante80

imposait, par

analogie avec l’article 1457 al.2 ancien du CPC (devenu l’article 1460), la voie du contredit

de compétence comme condition de recevabilité de l’appel-nullité. C'est ce que vient de

rappeler la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 9 février 201181

. De manière prétorienne,

en faisant application de la règle du parallélisme des procédures, la Cour de cassation, à la

suite de la cour d'appel de Paris dont elle valide pleinement la solution, considère que lorsque

l’ordonnance du juge d’appui de désignation d'un arbitre procède d’un excès de pouvoir, elle

doit également être formée, instruite et jugée comme en matière de contredit de compétence

Cette solution n’est pas nouvelle, la deuxième chambre civile s'était déjà prononcée à

plusieurs reprises en faveur de l'application de la procédure du contredit en cas de recours

fondé sur l'excès de pouvoir en matière d'arbitrage82

. La première chambre civile ne fait que

donc s'aligner sur cette jurisprudence. En l’absence de fondement juridique à l’application

76

Cass.civ. 1re

, 22 sept. 2010, D. 2010. Actu. 2235 77

Art. 82, al. 1er

CPC 78

Art. 1460 CPC 79

Art. 538 CPC 80

Cass.civ. 2e, 21 janvier 1998, Rev.arb., 1998.113 ; Paris, 10 octobre 2002, Rev.arb. 2002.1056 ; Cass.civ., 2

e,

10 juillet 2003, Sté Lidl c/ sté Prodim, Rev.arb., 2004.933, Cass. Civ., 2e, 29 janvier 2004, Sté Genedis c/ sté

Pollet et Charpin distribution, Rev.arb., 2004.936. 81

Cass.civ. 1re

, 9 févier 2011, pourvoi n° 09-71-416 (n° 141 F-P+B+I). 82

Cass.civ. 2e, 21 janvier 1998, Rev.arb. 2004.936, obs. Moreau

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59

d’une telle procédure, la solution repose sur des considérations d'opportunité : la procédure du

contredit permet de régler au plus vite l'incident lié à la désignation de l'arbitre par le juge

d'appui.

De plus, la deuxième chambre civile considère même que le pourvoi en cassation est

possible contre l’arrêt d’appel si celui-ci, ayant déclaré recevable un appel-nullité pour excès

de pouvoir, est lui-même entaché du même excès83

.

Le décret réformant le droit français de l’arbitrage doit entrer en vigueur le 1er

mai

2011, il est fort probable que la jurisprudence soumette le régime de l’appel-nullité à celui de

l’appel des décisions du juge d’appui refusant la désignation d’un arbitre pour les causes

prévues à l’article 1455 CPC. Ainsi, l’appel-nullité serait, par analogie, lui aussi soumis à

l’appel avec représentation.

Outre cet appel dérogatoire au principe d’interdiction des recours, il est toujours

possible de frapper d’appel une décision fondée sur un excès de pouvoir.

D'abord déclaré irrecevable84

, l’appel nullité a ensuite, conformément à ce qui est admis en

procédure civile, été reconnu possible lorsque la décision du juge d’appui est fondée sur un

excès de pouvoir.

§2 Recevabilité de l’Appel-nullité contre une décision procédant d’un excès de pouvoir

Conçu par la jurisprudence comme une soupape de sécurité offerte aux parties pour

remédier aux vices graves affectant une décision de justice, l’appel nullité doit demeurer une

voie de recours exceptionnelle car elle constitue une création contra legem, allant à l’encontre

du principe de prohibition des voies de recours posé par l’article 1460 al 3 du code de

procédure civile qui interdit les voies de recours à l’encontre des ordonnances rendues par le

juge d’appui.

A-La Recevabilité du recours pour excès de pouvoir dans le domaine de

l’arbitrage

Il est admis que l'appel-nullité, considéré comme un principe général du droit85

, est

ouvert, mais uniquement en cas d'excès de pouvoir86

.

83

Cass.civ., 2e, 18 décembre 1996, Bull., II, n° 283

84 Cass.civ. 2

e, 10 mars 1993, Rev.arb., 1993. 431

85 Cass.civ., 1

re, 10 mai 1995, Bull., I, n° 193

86 Cass.civ., 1

re, 7 mars 2000, Rev.arb., 2000.447 ; Civ. 2e, 30 avr. 2002, Rev.arb., 2002.719 ; Com. 23 janv.

2007, Rev.arb., 2007. 284

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60

Le recours pour excès de pouvoir ouvre aux parties, à titre exceptionnel, le droit de

critiquer une décision de justice, alors même qu’un texte interdit l’exercice d’un recours.il a

vocation à s’appliquer en matière d’arbitrage dans un certain nombre d’hypothèses. Appelé à

intervenir comme juge d’appui pour aider à la mise en place de l’instance arbitrale ou faciliter

sa progression, il peut commettre un excès de pouvoir. Ce recours est soumis à un régime

dont les règles ont été consolidées par la jurisprudence et l’excès de pouvoir peut être identifié

à travers deux hypothèses.

1-Une voie de recours subsidiaire soumise au régime de droit commun

Les solutions relatives à l’excès de pouvoir constatées dans le domaine de l’arbitrage

appliquent le droit commun du recours pour excès de pouvoir. Le régime du recours est

constitué de quelques règles établies par la jurisprudence qui a pu affirmer le caractère

subsidiaire du recours et déterminer la procédure ainsi que la sanction qui lui sont propres.

a-Une voie de recours subsidiaire

Le recours pour excès de pouvoir à l’encontre de l’ordonnance du juge d’appui est une voie

de recours qui n’a été instituée que pour « venir à la rescousse » des parties qui sont dans

l’impossibilité d’agir. Ainsi, l’appel-nullité présente un caractère subsidiaire et ne peut, à ce

titre, être mis en œuvre que lorsqu’aucune autre voie de recours ne peut être ouverte87

.

b-Un régime soumis au droit commun

La partie qui subit l’excès de pouvoir a la possibilité de faire annuler la décision

« selon les voies de recours de droit commun"88

. Le pouvoir réglementaire, à travers le décret

de réforme du droit français de l’arbitrage, a fait le choix de modifier la forme de l’appel des

décisions du juge d’appui refusant de désigner un arbitre pour les causes prévues à l’article

1455 du CPC. Ainsi, l’appel dérogatoire est soumis à la procédure d’appel avec représentation

obligatoire.

La sanction de l’excès de pouvoir est de restaurer le recours qui aurait eu vocation à

s’appliquer à défaut d’interdiction. La question est de savoir si la jurisprudence va continuer à

appliquer la procédure du contredit de compétence ou celle de l’appel avec représentation

obligatoire (la procédure à suivre en cas d’appel dérogatoire depuis l’adoption du décret de

janvier 2011).

87

Cass.civ., 2e, 27 juin 1984, RTD civ., 1984.775

88 Cass.com., 30 mars 1993, Bull., IV, n°132, p.89

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61

Dans un arrêt récent89

datant du mois de février de cette année, la première chambre de

la cour de cassation appliquait encore à l’appel nullité la procédure du contredit de

compétence, procédure à laquelle l’appel dérogatoire devait être soumis avant la réforme. Il

est à prévoir qu’après l’entrée en vigueur du décret le 1er

mai 2011, la jurisprudence aligne le

régime de l’appel-nullité à celui de l’appel dérogatoire, ainsi, l’appel procédant d’un recours

pour excès de pouvoir devra également se faire sous la forme d’un appel soumis à

représentation obligatoire.

2-Identification de l’excès de pouvoir commis par le juge d’appui

Un recours immédiat est donc possible sur le fondement de l’excès de pouvoir si le

juge d’appui méconnait le droit de l’arbitre de statuer sur le litige ou s’il méconnait le droit de

l’arbitre de statuer par priorité sur le litige. Il en sera de même lorsqu’il enfreint les limites qui

encadrent son intervention, ou refuse d’exercer pleinement les pouvoirs qui lui sont dévolus.

a-L’excès de pouvoir relatif à l’intervention du juge d’appui

Dans cette hypothèse, c’est le recours au juge d’appui qui est remis en cause dans son

principe. Le recours à l’excès de pouvoir permettra qu’il ne soit pas fait obstacle aux

prérogatives de l’arbitre par l’intervention du juge étatique. Cependant, ce recours permet

aussi de pallier aux refus intempestifs du juge d’appui d’intervenir, alors qu’il est le seul,

lorsqu’une difficulté surgit, à pouvoir secourir les parties et lever les obstacles.

Ainsi, cette voie de recours permet à la fois de contrer les empiétements du juge du fond sur

le terrain de l’arbitre, mais aussi de remédier aux « mouvements de retraite » du juge d’appui.

Le recours pour excès de pouvoir90

sanctionne la décision du juge qui méconnaît la règle qui

confère à l’arbitre le droit de statuer par priorité sur sa compétence ou encore celle par

laquelle le juge s'immisce dans la procédure arbitrale malgré sa soumission par les parties à la

compétence d'un centre d'arbitrage91

.

Le recours pour excès de pouvoirpourra aussi sanctionner la décision du juge de refuser

d’intervenir sous prétexte que le droit est obscur, que la convention est caduque ou encore,

89

Cass.civ. 1re

, 9 févier 2011, pourvoi n° 09-71-416 (n° 141 F-P+B+I). 90

« Il y a recours pour excès de pouvoir lorsque, en dépit d’un texte prohibant l’exercice de recours,

définitivement ou provisoirement, une voie de droit est néanmoins ouverte, a l’effet de sanctionner la

méconnaissance par le juge de ses attributions, à laquelle on peut assimiler la violation d’un principe

fondamental de la procédure, et de rétablir la partie qui est victime dans les droits qu’auraient été les siens en

l’absence d’interdiction » Revue de l’Arbitrage 2002. 91

TGI Paris 18 janvier 1991, Rev.arb. 1996.504

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62

que l’intérêt du litige est insuffisant92

. Or, dans le cadre de cet excès de pouvoir négatif, la

non intervention du juge d’appui peut être perçue comme un déni de justice. Cependant, ce

déni, sous l’angle de l’excès de pouvoir, correspond en vérité à un empiétement. Ainsi,

lorsque le juge d’appui refuse d’intervenir pour cause de défaut d’intérêt ou encore pour

caducité de la convention, il se place sur le terrain réservé de l’arbitre, il se substitue

indirectement à lui et s’arroge son pouvoir. L’arbitre est seul compétent concernant tout ce

qui touche à la convention principale ou à ses effets et concernant tout ce qui intéresse les fins

de non recevoir ou les moyens que le défendeur peut opposer au demandeur. L’excès de

pouvoir négatif sera caractérisé si le juge d’appui s’empare de ce type de considération pour

décider qu’il n’a pas à se prononcer.

Ainsi, la notion d’excès de pouvoir retenue par la jurisprudence a non seulement un aspect

positif qui consiste à reprocher au juge d’avoir dépassé ses pouvoirs elle revêt également un

aspect négatif en ce sens qu’elle sanctionne le comportement du juge qui refuse d’exercer ses

attributions.

b-L’excès de pouvoir relatif aux modalités de désignation de

l’arbitre

Dans cette hypothèse, ce sont les modalités de l’intervention du juge d’appui qui sont mises

en cause. Dans ce cas de figure, il convient de s’attarder sur la solution de l’arrêt Dutco93

qui

assujettit le processus de constitution du tribunal au principe d’égalité entre les parties. Or, la

méconnaissance du principe d’égalité relève t-il du domaine de l’excès de pouvoir ? Dans un

arrêt du 10 octobre 200294

, la cour d’appel de Paris affirme que la violation, par le juge

d’appui, du principe d’égalité peut caractériser un excès de pouvoir

La Cour de Cassation française a ainsi admis que la méconnaissance par une décision

judiciaire d'un principe général de l'arbitrage, en l'occurrence celui du respect de l'égalité des

parties dans le processus de désignation d'un arbitre, justifierait un recours pour un excès de

pouvoir contre elle95

.

92

Cass.civ., 3e, 16 avril 1970, D., 1970.474 ; Cass.civ. 1

re, 17 mai 1983, Bull, I, n°149, p.131

93 Cass.civ., 1

re, 7 janvier 1992, Rev.arb., 1992.470.

94 Paris, 10 octobre 2002, Rev.arb., 2002.1977

95 Cass.civ. 2

e, 13 juin 2002, Société Prodium c/ SARL Ocalenn , Rev.arb., 2002.612

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63

B-Le renforcement du recours pour excès de pouvoir en faveur du principe

d’efficacité

Cette voie de recours « ultime » est une voie créée contra legam, de ce fait elle doit rester

exceptionnelle.

1-Une voie de recours contra legem fondée sur la méconnaissance par le

juge d’appui des limites ou de l’étendue de son pouvoir

Dans le cadre de l’arbitrage, l’appel nullité procédant d’un excès de pouvoir constitue

une mesure contra legem qui va à l’encontre de l’interdiction de tout recours contre les

décisions du juge d’appui prévue à l’article 1460 du CPC.

Le recours pour excès de pouvoir permet l’éviction de la règle prohibant l’accès au juge

supérieur et aboutit à la sanction immédiate de la méconnaissance par le juge des principes

essentiels qui légitiment sa fonction.

Le juge d’appui sera alors sanctionné, soit pour avoir outrepassé ses pouvoirs et s’être

immiscé dans le domaine dévolu à l’arbitre, soit parce qu’il aura refusé d’exercer pleinement

les pouvoirs qui lui sont dévolus.

De ce point de vue, cette voie de recours allant à l’encontre d’une interdiction posée par le

droit de l’arbitrage est fondée et est de nature à faire en sorte que le juge d’appui assume

pleinement la mission d’assistance de la procédure arbitrale lorsque la convention d’arbitrage

est valide.

2-Une voie de recours nécessairement exceptionnelle

Au delà de son caractère subsidiaire, le recours pour excès de pouvoir doit demeurer

exceptionnel puisque la jurisprudence qui l'institue viole la règle interdisant tout recours

contre la décision du juge d’appui.

Le fondement de ce caractère exceptionnel réside dans le fait que ce recours contredit un texte

excluant toute voie de recours ordinaire ou extraordinaire contre les ordonnances du juge

d’appui.

C’est ce caractère exceptionnel que la cour d’appel a voulu consacrer dans son arrêt

Culioli du 10 octobre 200296

.

96

Paris, 10 octobre 2002, Culioli v SA Gastrolouvre et Sibella, Rev.arb., 2002.1053

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64

Section 2 Une décision dotée de l’autorité de chose jugée au fond en faveur de l’efficacité

de la sentence arbitrale

Les conditions procédurales gouvernant l'intervention du juge d’appui sont de nature à

garantir aux parties l'obtention rapide d'une décision ayant force de chose jugée au fond

§1 La saisine du juge d’appui « comme en matière de référé »

A-Une analogie avec la procédure de référé se limitant aux modalités de saisine

du juge d’appui

L’article 1460 CPC prévoit que « le juge d’appui est saisi soit par une partie, soit par

le tribunal arbitral ou l’un de ses membres. La demande est formée, instruite et jugée comme

en matière de référé ».

La saisine peut être faite par voie d'assignation ou de requête conjointe97

, par la partie la plus

diligente ou par un arbitre98

. Suivant une pratique développée dès les premières années,

courant 1981 à 1983, le magistrat fixe un calendrier aux parties et renvoie l'affaire à des

audiences ultérieures jusqu'à complète solution des difficultés. Le requérant saisit le Président

du Tribunal de grande instance de Paris, par voie d’assignation en forme de référé, dont il

dépose le projet au greffe en demandant au Président de fixer une date et une heure pour

l’audience. Dans les 15 jours qui suivent, le Président fixe une date et une heure, dans les 30

jours à compter du dépôt, et autorise le requérant à faire délivrer l’assignation au défendeur

qui formule ses écritures en réponse. L’ordonnance est généralement rendue dans les 15 jours

qui suivent l’audience devant le Président. Soit un délai moyen de procédure de deux mois

pour obtenir la décision du juge d’appui.

Cette méthode, qui n'implique aucun dessaisissement, permet d'assister efficacement la justice

arbitrale sans attendre la réassignation du défendeur99

. Afin d'assurer le respect du

contradictoire, l'arbitre concerné doit être assigné et les autres arbitres doivent avoir

notification de la procédure, au besoin dans le cas d'un arbitrage administré en passant par

l'intermédiaire du centre, pour leur permettre d'intervenir s'ils l'entendent.

97

TGI Paris, 22 février 1984, Cordier c/ Ruze et société des Bazars populaires, no 001374

98 TGI Paris, 29 novembre 1989, Sté Omnium de travaux c/Rép. de Guiné, Rev.arb., 1990.525

99 TGI Paris, 12 et 20 déc. 1991, Sté Campenon Bernard c/Eurodisneyland, Rev.arb., 1996.516, note P. Fouchard

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65

L'analogie avec la procédure de référé s'arrête donc aux modalités de la saisine, aussi

les conditions du référé de droit commun, l'urgence et l'absence de contestation sérieuse ne

sont pas applicables100

.

Même si le juge d’appui se prononce sur une question de procédure, il tranche un

véritable différend relatif à la nomination d'un arbitre, après un débat contradictoire, et que,

bien que saisi « comme en matière de référé », ce n'est pas un juge des référés car il rend une

décision au fond.

B-Le Juge d’appui : un juge statuant au fond

L’article 484 CPC prévoit que « l’ordonnance de référé est une décision provisoire »,

que le juge n’est pas saisi au principal, ayant le seul pouvoir « d’ordonner immédiatement les

mesures nécessaires ».

La décision du juge d’appui est une décision au fond, à laquelle les dispositions de

l'article 488 CPC sur la modification ou le rapport d’une ordonnance de référé en cas de

circonstances nouvelles sont inapplicables101

.

Le mot "fond" comme dans l'expression "au fond" renvoie aux dispositions légales

réglementaires ou contractuelles par références auxquelles le juge détermine les droits de l'une

ou l'autre des parties. En abordant le "fond" du litige, le juge va statuer "au principal".

Dans le langage de la procédure on parle du "juge du fond" pour désigner une juridiction qui a

compétence pour décider des demandes des parties relativement à l'objet du litige.

A l'opposé se trouve le "juge des référés" qui est le juge de l'urgence et qui ne statue qu'au

provisoire. Sa décision ne s'impose ni à lui-même, ni aux juridictions de première instance, ni

aux cours d’appel, ni à la cour de cassation.

Le juge d’appui pourra statuer au fond quant à des demandes relatives aux difficultés de

constitution du tribunal arbitral, de récusation d’un arbitre, d’empêchement ou d’abstention

de l’arbitre, et de prorogation du délai de l’instance arbitrale (le tribunal arbitral dispose d’un

délai de 6 mois pour trancher le litige à compter de la date à laquelle l’ensemble des arbitres

composant le tribunal arbitral ont accepté leur mission.)

100

Cass.civ. 2e, 8 avr. 1998, Rev.arb., 1998.373, note A. Hory

101 TGI Paris, 23 nov. 1992, Rev.arb., 1994.715, 1

re décision, note A. Hory

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66

Le juge d’appui a, contrairement à la décision du juge des référés, autorité de la chose jugée102

car il statue "au principal". Cette notion constitue une référence à la procédure au fond par

opposition aux mesures provisoires que peuvent ordonne le juge des référés. Seules les

dispositions sur lesquelles il a été statué au principal ont l'autorité de la chose jugée.

§2 Une décision juridictionnelle revêtue de l’autorité de chose jugée au fond

L’article 1460 CPC précise que « la demande est formée, instruite et jugée comme en

matière de référé », cela indique clairement qu’il n’est pas question d’une instance en référé

mais une instance au fond et qu’en conséquence le juge d’appui prononce des ordonnances

qui ont autorité de chose jugée (A). Ainsi, le point litigieux qui lui a été soumis ne peut être

remis en cause ultérieurement dans le cadre d’un éventuel recours en annulation (B).

A-Une décision dotée de la force de chose jugée

Bien que les textes ne le prévoient pas expressément, la jurisprudence a pu, à maintes

reprises, mettre en exergue le fait que l’ordonnance du juge d’appui est dotée de l’autorité de

chose jugée au sens de l’article 480 CPC.

En effet, de l'interdiction des recours à l'encontre des décisions du juge d’appui, la

jurisprudence a déduit l'interdiction de toute remise en cause devant le juge de l'annulation

des décisions de celui-ci qui a ainsi irrévocablement statué103

.

En comparaison, les décisions prises par les institutions d'arbitrage (ou de toute autre autorité

de désignation) n'offrent pas un tel caractère intangible en raison de la nature administrative et

non juridictionnelle de leurs interventions. Seul le juge d'appui a le pouvoir de trancher ces

questions, alors que les autorités de désignation les « règlent ». Ainsi, lorsqu'elles prennent

des décisions sur les questions de récusation, les institutions arbitrales n'exercent pas une

mission juridictionnelle mais une simple délégation de pouvoirs contractuellement consentie

par les parties qui n'aboutit pas à une décision assortie de l'autorité de chose jugée.

La cour d’appel a réitéré cette solution dans plusieurs arrêts et notamment dans un arrêt rendu

le 3 mars 2005. Saisi sur le fondement des articles 1454 et suivants du NCPC, le président

d’un tribunal de grande instance statuant en la forme des référés ayant dit que les parties sont

bien convenues de proroger le délai de la mission et que la demande de récusation de l’arbitre

pour défaut d’indépendance et d’impartialité était infondé, la décision intervenue a

102

Paris, 26 mai 1992, Rev.arb., 1993. 431, note A. Hory 103

Paris, 6 avril 1990, Rev. arb., 1990. 880, note M. de Boisséson ; pour une décision concernant les délais de

l'arbitrage, CA Paris, 8 mars 2001, Rev.arb., 2001. 567, note C. Legros

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67

irrévocablement statué sur la durée de la mission et sur l’indépendance et l’impartialité de

l’arbitre, questions insusceptibles d’être rejugées par le moyen d’un recours en annulation des

lors que l’objet des contestations est identique quant à la durée de la mission et la récusation,

le recourant n’excipant pas d’aucun élément différent ou nouveau. L’intervention du juge

étatique a eu pour effet, en réglant, sans recours possible, ces contestations, d’assurer et de

consacrer la régularité du tribunal arbitral. A défaut de révélation ultérieure d’un vice, les

moyens ne peuvent être accueillis.

Cette solution a été confirmée par la suite dans un arrêt du 10 novembre 2005104

, la cour

d’appel a jugé que l’ordonnance du juge d’appui avait irrévocablement statué sur l’expiration

du délai d’arbitrage et que cette question ne pouvait donc plus être discutée devant le juge de

l’annulation. L'ordonnance du juge d'appui, rejetant une demande de prorogation du délai de

l'arbitrage au motif que la demande était déjà faite hors délai, a l'autorité de chose jugée dès

lors qu'un appel nullité dirigé contre cette décision a été rejeté par la Cour de Colmar, en sorte

que la question du délai de l'arbitrage ne peut plus être rediscutée devant le juge de

l'annulation.

Il en sera de même si le juge d’appui rejette une demande en récusation, les parties ne

pourront plus invoquer les causes de récusation dans le cadre d’un recours en annulation ou

d’une demande en exequatur105

.

Un autre arrêt confirme cette solution et, fait plus original, le juge d’appui avait été saisi par

un arbitre unique, contesté par l'une des parties au moment de sa désignation, et ce afin que le

juge en cause statue sur la demande de récusation. Peu regardant sur les conditions de sa

saisine, le président du Tribunal de grande instance de Chartres s’est estimé compétent et dit

n'y avoir lieu à récusation de l'arbitre. L'arbitrage se poursuit donc et une sentence est rendue.

Elle est attaquée sur le fondement de l'absence d'indépendance de l'arbitre qui aurait été

désigné de manière « systématique » par l'autre partie, de telle manière qu'existerait un «

courant d'affaires entre cet arbitre et cette partie ». Lien d’ailleurs révélé par l’arbitre. La Cour

d'appel rejette le recours en annulation au motif, que le juge d’appui s'est déjà prononcé sur la

104

Paris, 10 novembre 2005, Tinnes et Floradis c. Système U, Rev.arb., 2006.469 105

Paris, 7 février 2008, Rev.arb., 2008.501

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68

prétendue absence d'indépendance de cet arbitre, et que sa décision est dotée de l’autorité de

chose jugée106

.

Un tel arrêt soulevait alors une série de questions. Premièrement, en saisissant le juge

d’appui, l'arbitre unique a obtenu une décision derrière laquelle s'abrite la Cour d'appel

énonçant que « les vices entachant la désignation de l'arbitre ont été purgés par

l’ordonnance, (...) laquelle a irrévocablement autorité de chose jugée ». Or, selon l’ancien

article 1452 NCPC, l'arbitre ne pouvait pas lui-même saisir le juge d’appui pour qu'il tranche

l'incident d'indépendance. C’est désormais une possibilité prévue par l’article 1460 CPC qui

dispose « le juge d'appui est saisi soit par une partie, soit par le tribunal arbitral ou l'un de ses

membres ». L'article 1452, alinéa 2, NCPC énonçait que si la déclaration d'indépendance était

contestée par l'une des parties, l'arbitre ne pouvait se maintenir. Deuxièmement, rien ne

permettait de penser que la décision du juge d’appui sur l'indépendance s'imposait à la Cour

d'appel comme elle l'énonce car même s'il eût fallu sans doute que l’ordonnance soit

immédiatement attaquée, on sait qu'elle ne peut l'être que si elle refuse la désignation de

l'arbitre ou en cas d'excès de pouvoir. Le recours contre l’ordonnance n'étant pas ouvert au

moment où elle est rendue, il ne pouvait réapparaître dans le recours en annulation.

Troisièmement, les parties à cette affaire étaient les mêmes que dans l'arrêt rendu par la Cour

d'appel de Paris le 29 janvier 2004107

, laquelle avait estimé que si l'arbitre avait effectivement

révélé être déjà intervenu dans des litiges avec l'une des parties, il n'avait pas été

suffisamment précis sur le nombre important de fois où cela s'était produit. Or, il s'agit en

l'espèce, non seulement des mêmes parties, mais aussi du même arbitre dans un autre

arbitrage. La demanderesse au recours en annulation n'a d'ailleurs pas manqué d'invoquer la

décision parisienne. La Cour d'appel de refusa d'annuler la sentence sur les motifs qui avaient

fondé l'annulation à Paris.

La décision du juge d’appui est donc revêtue de l’autorité de chose jugée. Une

question se pose alors : soutenir que le juge d’appui a pu irrévocablement statuer sur des

demandes telles que la durée de l’arbitrage ou l’indépendance d’un arbitre est il de nature à

remettre en cause la pleine efficacité d’un éventuel recours en annulation de la sentence

arbitrale fondé sur ces points litigieux déjà tranchés ?

106

CA Versailles, 2 mars 2006, n° 04/05773, Me Y. Perrin 107

CA Paris, 29 janvier 2004, Rev.arb., 2005, p. 709 (1re esp.), note M. Henry

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B-Une circonstance de nature à immuniser la sentence arbitrale d’un éventuel

recours en annulation ?

Le fait que la décision du juge d’appui soit dotée de l’autorité de chose jugée prive t-il

les parties de l’effectivité d’un recours en annulation, et partant de l’effectivité d’un contrôle

de la cour de cassation sur des griefs aussi importants que le défaut d’impartialité et

d’indépendance de l’arbitre ?

L’ordonnance du juge d’appui est dotée de l’autorité de chose jugée, cependant, cette

décision peut toujours faire l’objet d’un appel réformation sur le fondement de l’article 1460

CPC si la convention d’arbitrage est manifestement nulle ou inapplicable, voire même d’un

appel nullité en cas d’excès de pouvoir commis par le président du tribunal de grande

instance. Les parties ayant alors la possibilité de contester la décision du juge d’appui qui ne

serait pas conforme au dt de l’arbitrage. Ainsi, le fait de ne pas pouvoir se fonder sur des

points litigieux déjà tranchés par le juge d’appui pour faire annuler une sentence arbitrale ne

porte pas préjudice aux litigants mécontents qui, n’ayant pas fait appel de l’ordonnance, ne

peuvent s’estimer lésés de ne pas pouvoir s’en prévaloir ultérieurement dans le cadre d’un

recours en annulation sur le fondement de l’article 1492 CPC.

De plus, A supposer que cela soit de nature à amoindrir l’effectivité d’un recours en

annulation, le droit de l’arbitrage français, et plus particulièrement la jurisprudence des

juridictions concernées par l’arbitrage international (le président du tribunal de grande

instance, la cour d’appel ainsi que la cour de cassation) ont fait preuve, très tôt d’un des plus

grands libéralismes au monde quant à l’autonomie de la procédure arbitrale vis-à-vis des

juridictions étatiques. Le fait que la sentence arbitrale soit, du fait de la « purge » des griefs

opérée par l’ordonnance du juge d’appui, plus efficace s’inscrit dans la cohérence d’un

libéralisme à la fois textuel et surtout jurisprudentiel, une jurisprudence qui est venue

compléter et interpréter le droit français de l’arbitrage établi par les décrets de 1982 dans le

sens d’une appréhension de l’arbitrage toujours plus soucieuse de l’autonomie et de

l’efficacité de ce mode de résolution des conflits.

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71

CONCLUSION GENERALE

I-Une compétence territoriale étendue mais principalement mise en œuvre en

présence d’un lien de rattachement entre le litige et la France

La compétence territoriale a été, dans un premier temps étendue par la jurisprudence,

puis, dans un deuxième temps, consacrée et accrue par le décret de réforme.

Malgré la proclamation d’un chef de compétence internationale, l’hypothèse de la

compétence universelle du juge d’appui, affranchie de l’exigence de tout lien de rattachement

et qui répond donc à une conception déterritorialisée (exprimant l’extrême libéralisme de

l’ordre juridictionnel français) de l’intervention de ce juge étatique, est exceptionnelle et n’est

pas de nature à représenter la majorité des interventions du juge d’appui dans l’arbitrage

commercial international.

Parmi les quatre chefs de compétence du juge d’appui, trois d’entre eux répondent à

une conception plus « DIPiste » de l’arbitrage international qui veut que la compétence du

juge d’appui soit appréciée en fonction de critères de rattachement liant l’arbitrage en cause et

la France. L’intervention du juge d’appui reste prépondérante en cas de rattachement du litige

avec la France.

§1 Une compétence territoriale étendue ou la prédominance des chefs de compétence

présentant des liens de rattachement avec la France

L’article 1505 CPC qui détermine les chefs de compétence territoriale du juge d’appui,

trois d’entre eux sont mis en œuvre de par l’existence de liens de rattachement avec l’ordre

juridictionnel français. Ainsi, sauf clause contraire, le juge d’appui français sera compétent

pour intervenir à un arbitrage international lorsque les parties auront décidé de soumettre

l’arbitrage à la loi de procédure française, lorsque les parties auront expressément donné

compétence aux juridictions française pour connaitre des différents relatifs à la procédure

arbitrale ou encore (et surtout), lorsque l’arbitrage se déroule en France.

Le chef de compétence le plus fréquemment mis en œuvre dans le cadre de l’arbitrage

commercial international est celui du siège de l’arbitrage. Chef de compétence répondant à

une conception localisatrice de l’arbitrage. En réalité cela semble surtout justifié par

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l’attractivité de la place de paris de par la présence de la CCI siégeant à la capitale que par une

réelle volonté de rattacher l’arbitrage à un ordre juridictionnel étatique.

Un autre chef de compétence correspond plus à la conception libérale du droit français

de l’arbitrage : celui de la compétence universelle du juge d’appui français en cas de déni de

justice.

§2 Une compétence universelle proclamée et affranchie de tout lien de rattachement

mais conditionnée à l’existence d’un déni de justice

L’hypothèse mise en exergue dans l’arrêt NIOC d’un « déni de justice arbitrale » est

tout à fait exceptionnelle.

Exceptionnelle, de par les circonstances hors du commun conduisant une des parties au litige

a faire face à un déni de justice, ne pouvant valablement saisir aucune des juridictions

nationales propre à chaque partie.

Exceptionnelle également de par la nature « arbitrale » du déni de justice. Arbitrale car le

demandeur à l’arbitrage ne pouvait saisir aucune juridiction étatique à même de rendre une

décision efficace qui puisse lui permettre de faire valoir ses prétentions devant un tribunal

arbitral, tel que prévu par la convention d’arbitrage, même si en réalité, le déni de justice ne

réside pas dans l’impossibilité d’accéder à l’arbitre mais dans l’impossibilité d’accéder au

juge d’appui.

L’arrêt conditionnait alors la compétence universelle du juge d’appui français à

l’existence d’un déni de justice ainsi que celle d’un lien de rattachement avec la France,

même ténu.

Le décret de janvier 2011 ne reprend pas expressément cette condition de lien de

rattachement avec la France et, il est à penser que si, par extraordinaire, les juridictions

françaises sont amenées à se prononcer, à nouveau, sur une affaire similaire exposant une des

parties à un arbitrage international à un déni de justice, elles ne feront pas du lien de

rattachement avec la France une condition à la compétence internationale du juge d’appui

français. Le déni de justice étant une condition nécessaire et suffisante.

Ce chef de compétence internationale procède d’une conception délocalisatrice ou

transnationale de l’arbitrage et constitue une manifestation du libéralisme du droit français de

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l’arbitrage, cependant, ce type d’hypothèse étant exceptionnel, la compétence universelle du

juge d’appui français en cas de déni de justice restera probablement, à l’image de son

fondement, exceptionnelle.

Cette solution jurisprudentielle, devenue disposition textuelle est tout à fait caractéristiques de

la sollicitude de l’ordre juridictionnel français à l’égard de l’arbitrage international qui ira

jusqu’à l’interventionnisme lorsque celui-ci éprouve des difficultés de fonctionnement.

II-Une compétence matérielle étendue et accrue : une intervention de nature à

sécuriser l’arbitrage

Même si la compétence matérielles du juge d’appui a été étendue par la jurisprudence,

puis consacrée et accrue par le décret de réforme, cette compétence reste, principalement,

subsidiaire, les parties dérogeant fréquemment à la compétence du juge d’appui par une

stipulation contraire. Toutefois, en l’absence de clause contraire, le juge d’appui dispose de

pouvoirs étendus et œuvre en faveur de l’efficacité de l’arbitrage.

§1 Une intervention accrue mais principalement subsidiaire

Comme le prévoit l’article 1505 CPC, les parties peuvent, par clause contraire, déroger

à la compétence du juge d’appui pour lui préférer bien souvent l’intervention d’un centre

d’arbitrage.

Le plus souvent, en effet, les parties seront de nationalités différentes et ne partageront ni la

même langue, ni la même culture, ni les mêmes traditions juridiques. Elles risquent aussi

d'avoir une vision divergente des moyens d'aboutir à une solution raisonnable et équitable de

leur litige. Les parties peuvent également nourrir un certain sentiment de méfiance, aggravé

par un manque d'informations ou par des hésitations quant à la conduite à tenir. Ces

problèmes se trouveront accrus par la distance et par le désavantage dont chacune des parties

pourrait souffrir en se soumettant aux procédures du pays d'origine de l'autre. Pour toutes ces

raisons, les parties peuvent avoir des réticences à porter leur litige devant les tribunaux

nationaux et préfèreront ainsi recourir aux centres d’arbitrages pour remplir « régler » les

différends relatifs à la mise en œuvre de la convention d’arbitrage.

Cependant, même si les parties auront souvent recours aux centres d’arbitrage, le juge

d’appui conservera une compétence résiduelle et son intervention sera d’autant plus

significative que ces décisions sont de vraies décisions juridictionnelles ayant autorité de

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chose jugée et dont la contestation est régie par un principe d’interdiction, ce qui est de nature

à sécuriser la voie de l’arbitrage.

§2 Une intervention constituant un instrument de sécurisation de l’arbitrage

L’intervention du juge d’appui est une intervention de nature à rendre la volonté initiale des

parties de recourir à l’arbitrage, telle qu’exprimée dans la convention d’arbitrage, efficace.

Le juge d’appui peut intervenir avant ou après la constitution du tribunal arbitral, l’appel de

ces décisions est strictement encadré, de sorte à ce que, au vu de sa faveur à toute convention

d’arbitrage qui ne soit pas manifestement nulle ou inapplicable (ces notions prévues à l’article

1455 CPC étant appréciées de façon très restrictive dans le cadre d’un contrôle superficiel),

l’arbitrage soit correctement mise en œuvre. De plus, la décision du juge d’appui étant dotée

de l’autorité de chose jugée au fond, cela constitue une circonstance de nature à immuniser la

sentence d’un éventuel recours en annulation.

Le juge d’appui, intervention étatique à l’arbitrage, constitue une manifestation significative

du caractère libéral et favorable de l’ordre juridictionnel français à l’arbitrage commercial

international.

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75

BIBLIOGRAPHIE

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A. Kassis, La réforme du droit de l'arbitrage international - Réflexions sur le texte

proposé par le Comité français de l'arbitrage, L'Harmattan, 2008

Ph. Fouchard, E. Gaillard, B. Goldman, Traité de l’arbitrage commercial international,

Litec, 1996

II-Textes :

La Convention de New York sur la reconnaissance et l'exécution des sentences

arbitrales étrangères, signée le 10 juin 1958

Code de procédure civile, Articles : L1444 et s. (ancienne numérotation), 1451 et s.

(nouvelle numérotation)

Décret n°80-354 du 14 mai 1980

Décret nº 81-500 du 12 mai 1981

Décret n°2011-48 du 13 janvier 2011 portant réforme de l'arbitrage.

III-Articles :

Ch. JARROSSON, Réflexions sur l'imperium, Etudes offertes à P. BELLET, Litec,

1991

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in Journée d'hommage et d'études à la mémoire de Philippe Fouchard, Paris, 11 mars

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LGDJ et Schulthess, 2002

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IV-Jurisprudence :

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, 2 mai 1966, Galakis, Rev.arb., 1966.99

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, 9 novembre 1993, Bul.civ. I N° 313 p. 218

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, 6 juillet 2005, Goishani c/ Gouvernement République islamique d'Iran,

Rev.arb., 2005.993, note P. Pinsolle

Cass.civ.1re

, 29 juin 2007, PT Putrabali Adyamulia c/ Rena Holding, Rev.arb.,

2007.507

Le principe de l’autonomie de la clause compromissoire :

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, 7 mai 1963, Bull. civ. I, n° 246 : arrêt Gosset

Cass.civ. 1re

, 30 mars 2004, Rev.arb., 2005.959

Le principe de compétence-compétence :

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, 1er

décembre 1999, Société Métu System France c/ société Sulzer,

Rev.arb., 2000.98

Cass.civ.1re

, 26 juin 2001 : Société American bureau of Shipping (ABS) c/

Copropriété maritime Jules Verne et autres, Rev.arb., 2001.529

La compétence territoriale du juge d’appui français :

TGI Paris, 12 juillet 1989, Rev.arb., 1990.176 (1re

esp.), note Ph. Kahn

TGI Paris, 10 janvier 1996, Rev.arb., 2002.429

TGI Paris, 9 février 2000, Rev.arb., 2002.431

Cass.civ. 1re

, 7 mars 2000, Société Adidas-Salomon c/ Société Ventex, Rev.arb.,

2000.447, note Lacabarats

Paris, 28 septembre 2000, Rev.arb., 2002.427 (1re

esp.), note P. Fouchard

Cass.civ. 1re

, 20 février 2001, Rev.arb., 2001.511, note Th. Clay

Paris, 29 mars 2001, Rev.arb., 2002.427 (2e esp.), note P. Fouchard

Paris, 8 novembre 2001, Rev.arb., 2001.925

La compétence matérielle du juge d’appui :

Cass., Civ. 19 février 1930, Mardelé c/ Müller et Cie

TGI Paris, 12 janvier 1988 et 3 juin 1988, Rev.arb., 1994.538, obs. Ph. Fouchard

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77

TGI Paris, 19 mai 1988, Sofrimpex c/Cafcao, no 4573/88 ; CA Paris, 26 mai 1992,

Guyapêche c/Sté Export AB Frantz Witte et Co, Rev.arb., 1993.431, 3e esp., note

A. Hory

TGI Paris, 13 juillet 1988, Rev.arb., 1989.97, note P. Bellet

TGI Paris, 28 octobre 1988, Rev.arb., 1989.97

TGI Paris, 14 et 29 juin 1989, 15 juillet 1989, Drexel Burnham Lambert Ltd c/Philipp

Brothers, Rev.arb., 1990.497

TGI Paris, 12 juillet 1989, La Belle Créole c/The Gemtel Partnership, Rev.arb.,

1990.176, note P. Kahn

TGI Paris, 2 juillet 1990, Annahold Frydman et D. c/L'Oréal, Rev.arb., 1996.483

TGI Paris, 15 février 1995, Rev. arb., 1996.503, note P. Fouchard

CA Paris, 1er

juillet 1997, Rev.arb., 1998.131

TGI Paris, 29 octobre 1997, Rev.arb., 1998.383, note J.-L. Delvolvé

Paris, 29 mars 2001, NIOC c/État d'Israël, Rev.arb., 2002.427 (2e esp.), note P.

Fouchard

TGI Paris, 24 juin 2004, Rev.arb., 2005.1037, note Y. Derains

Cass.civ. 1re

, 6 déc. 2005, Consorts Juliet c. Castagnet et al, pourvoi n° U 03-13.116

Cass.civ., 1re

, 20 février 2007, Sté UOP NV, n° 06-14.107, Bull. I, n° 62 ; D. 2007.

AJ.734, obs. X. Delpech

Le caractère subsidiaire voire supplétif des décisions du juge d’appui et le régime des

décisions du mandataire conventionnel en tant que juge d’appui contractuellement choisi :

Paris, 13 juillet 1978, D. l 985, 45, note Rameau.

TGI Paris, 24 février 1992, Rev.arb., 1994.557, obs. Fouchard

Cass.civ. 1re

, 10 mai 1995, Rev.arb. 1995.607, note A. Hory

Paris, 19 juin 2003, Bacques et autres c/ SARL Carlyle Holdings, Rev.arb., 2004.136

Le régime des recours contre les décisions du juge d’appui :

Paris, 9 novembre 1983, Rev.arb., 1985.81 ; Paris, 24 novembre 1989, Rev.arb.,

1990.176, note P. Kahn

Cass.civ. 2e, 22 novembre 1989, Rev.arb., 1990. 142, note S. Guinchard

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78

TGI Paris 18 janvier 1991, Rev.arb. 1996.504

Cass.civ., 2e, 18 décembre 1996, Bull., II, n° 283

Cass.civ. 2e, 21 janvier 1998, Rev.arb., 1998.113

Cass.civ., 1re

, 7 mars 2000, Rev.arb., 2000.447

Paris, 10 octobre 2002, Rev.arb., 2002.1977

Paris, 10 octobre 2002, Culioli v SA Gastrolouvre et Sibella, Rev.arb., 2002.1053

Cass.civ. 1re

, 22 septembre 2010, D. 2010. Actu. 2235

Cass.civ. 1re

, 9 févier 2011, pourvoi n° 09-71-416 (n° 141 F-P+B+I)

Le mode de saisine du juge d’appui :

TGI Paris, 22 février 1984, Cordier c/ Ruze et société des Bazars populaires,

no 001374

TGI Paris, 29 novembre 1989, Sté Omnium de travaux c/Rép. de Guiné, Rev.arb.,

1990.525

Cass.civ. 2e, 8 avr. 1998, Rev.arb., 1998.373, note A. Hory

Paris, 8 mars 2001, Rev.arb. 2001.567

La décision du juge d’appui revêtue de l’autorité de chose jugée :

Paris, 26 mai 1992, Rev.arb., 1993. 431, note A. Hory

Paris, 10 novembre 2005, Tinnes et Floradis c. Système U, Rev.arb., 2006.469

CA Versailles, 2 mars 2006, n° 04/05773, Me Y. Perrin

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TABLE DES MATIERES

SOMMAIRE 3

INTRODUCTION 4

I-LES PRINCIPAUX APPORTS DU DECRET DU 13 JANVIER 2011 5

§1 La consécration de certains principes dégagés par la jurisprudence 5

§2 L’assouplissement de certaines règles conformément aux nécessités de la pratique 8

§3 La soumission de la procédure arbitrale au respect de principes fondamentaux 8

II-LE LIBERALISME DU DROIT FRANÇAIS DE L’ARBITRAGE EN FAVEUR DE

L’ARBITRAGE INTERNATIONAL 9

§1 Un libéralisme significatif se manifestant à toutes les étapes de la procédure arbitrale 9

A-Libéralisme quant à la convention d’arbitrage 9

B-Libéralisme quant à l’instance arbitrale 10

C-Libéralisme quant à la sentence arbitrale 11

§2 Le juge d’appui français : une intervention étatique in favor arbitri 12

A-Le juge d’appui : une notion empruntée au droit suisse 13

B-Le juge d’appui : une intervention distincte d’autres interventions étatiques à la procédure arbitrale 14

C-Le juge d’appui : le « bon samaritain » de l’arbitrage international 14

PARTIE 1 UNE COMPETENCE TERRITORIALE ELARGIE EN

FAVEUR DE L'ARBITRAGE INTERNATIONAL 15

CHAPITRE 1 DES CRITERES DE COMPETENCE TERRITORIALE ETENDUS

PAR LA JURISPRUDENCE ET CONSACRES PAR LE DECRET DU 13 JANVIER

2011 15

Section 1 La compétence du juge d’appui procédant du lieu l’arbitrage : un chef de compétence issu d’une

conception localisatrice de l’arbitrage 16

§1 La compétence du juge d’appui procédant du lieu de l’arbitrage se situant en France 16

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80

§2 Le lieu de l’arbitrage : un chef de compétence s’inscrivant dans une conception localisatrice de l’arbitrage

international 18

Section 2 La compétence du juge d’appui français procédant de la volonté des parties de recourir à la loi

ou aux juridictions françaises 18

§1 La compétence du juge d’appui procédant du choix des parties de recourir à loi de procédure française ou

aux juridictions françaises pour résoudre tout différend relatif à la procédure arbitrale 19

§2 La compétence du juge d’appui découlant du choix des parties ou la place primordiale accordée à la

volonté des parties dans le cadre de l’arbitrage international 20

CHAPITRE 2 LA CONSECRATION DE LA COMPETENCE UNIVERSELLE DU

JUGE D’APPUI FRANÇAIS 21

Section 1 La Consécration jurisprudentielle d’un chef de compétence universelle du juge d’appui français

22

§1 La compétence internationale du juge d’appui français conditionnée à l’existence d’un déni de justice 22

A-Une affaire atypique mettant en exergue un « déni de justice arbitrale » 22

B-Un déni de justice justifiant la compétence internationale du juge d’appui français 25

§2 La Compétence internationale du juge français conditionnée à un rattachement du litige avec la France 28

A-L’exigence d’un lien de rattachement du litige avec la France 28

B-Le caractère insignifiant mais suffisant du lien de rattachement avec la France constitué par

la désignation de la CCI siégeant à Paris en tant qu’autorité de désignation du tiers arbitre 29

Section 2 Une solution jurisprudentielle élargie par le décret du 13 janvier 2011 en faveur d’un arbitrage

toujours plus efficace et autonome 30

§ 1 Une Compétence déterritorialisée en présence d’un risque de déni de justice ? 31

A-L’existence d’un lien de rattachement du litige avec la France : une exigence inutile face à

l’existence requise d’un déni de justice ? 31

B-L’existence d’un lien de rattachement avec la France : une condition non mentionnée par le

décret du 13 janvier 2011 33

§2 Une compétence internationale du juge d’appui illustrative de l’autonomie de l’arbitrage international 33

A-L’arbitrage : un rempart au déni de justice 33

B-La (ré)affirmation du caractère transnational de l’arbitrage international 34

PARTIE 2 UNE INTERVENTION ETENDUE ET RENFORCEE EN

FAVEUR DE L'ARBITRAGE INTERNATIONAL 36

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CHAPITRE 1 UNE COMPETENCE MATERIELLE ETENDUE EN FAVEUR DE

L’EFFICACITE DE L’ARBITRAGE 36

Section 1 Une compétence matérielle étendue permettant l’intervention du juge d’appui avant et après la

constitution du tribunal arbitral 36

§1 Une intervention initialement cantonnée aux difficultés nées avant la constitution du tribunal arbitral 37

§2 Une intervention étendue à des difficultés nées après la constitution du tribunal arbitral 37

A-La Compétence étendue du juge d’appui pour connaitre des difficultés nées après la

constitution du tribunal et relative à sa composition 37

B-La Compétence du juge d’appui accrue pour connaitre des difficultés relatives aux délais de

la procédure arbitrale 39

Section 2 Une compétence « impérative » en l’absence de choix contraire des parties 41

§1 Une compétence majoritairement subsidiaire 41

A-Une compétence subsidiaire au Choix des parties de recourir à un centre d’arbitrage 41

1-Nature de la décision du centre d’arbitrage 41

2-Régime de la décision du centre d’arbitrage : une décision inacceptable de tout recours et

n’ayant pas autorité de force jugée 42

B-Une compétence subsidiaire au Choix des parties de recourir à un juge étatique 43

1-Nature de la décision du juge d’appui : une décision non juridictionnelle 43

2-Une décision insusceptible de recours et non dotée de l’autorité de force jugée 47

a-Une décision insusceptible de recours bien qu’émanant d’un juge étatique 48

b-Une décision non revêtue de la force de chose jugée 49

§2 Une compétence « d’ordre public » 50

A-La compétence d’ordre public du juge d’appui : une hypothèse conditionnée 50

1-Une compétence d’ordre public conditionnée à la nature des difficultés entravant la

procédure arbitrale 50

2-Une compétence d’ordre public conditionnée à l’absence de toute clause contraire 51

B-Effets de la compétence d’ordre public du président du tribunal de grande instance 51

1-Un recours impératif au juge d’appui 51

2-Un recours impératif au président du tribunal de grande instance de Paris 52

CHAPITRE 2 UNE INTERVENTION RENFORCEE EN FAVEUR DE

L’EFFICACITE DE L’ARBITRAGE 53

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82

Section 1 La faveur du régime des recours contre les décisions du juge d’appui à l’efficacité de la

procédure arbitrale 53

§1 Le principe d’interdiction des recours en faveur de l’efficacité de l’arbitrage 53

A-Le principe d’interdiction des recours en faveur de l’efficacité de la procédure arbitrale 53

1-Un principe interdisant tout recours contre les décisions du juge d’appui 53

2-La Faveur du principe à l’efficacité de la procédure arbitrale 54

B-L’exception au principe de prohibition : la nullité ou l’inapplicabilité manifeste de la

convention d’arbitrage 55

1-Une appréciation stricte de la réserve de la nullité ou de l’inapplicabilité manifeste 55

a-Une conception restrictive de la notion de nullité et d’inapplicabilité manifeste de la

convention d’arbitrage 55

b-L'Exercice par le juge d’appui d’un contrôle prima facie 56

2-La simplification du régime des recours contre la décision du juge d’appui 57

a-L’appel dérogatoire désormais soumis à la procédure avec représentation obligatoire 57

b-L’appel-Nullité toujours soumis à la procédure du contredit de compétence ? 58

§2 Recevabilité de l’Appel-nullité contre une décision procédant d’un excès de pouvoir 59

A-Recevabilité du REP dans le domaine de l’arbitrage 59

1-Une voie de recours subsidiaire soumise au régime de droit commun 60

a-Une voie de recours subsidiaire 60

b-Un régime soumis au droit commun 60

2-L’dentification de l’excès de pouvoir commis par le juge d’appui 61

a-L’excès de pouvoir relatif à l’intervention du juge d’appui 61

b-L’excès de pouvoir relatif aux modalités de désignation de l’arbitre 62

B-Le renforcement du recours pour excès de pouvoir dans le domaine de l’arbitrage en faveur

du principe d’efficacité 63

1-Une voie de recours contra legem fondée sur la méconnaissance par le juge d’appui des

limites ou de l’étendue de son pouvoir 63

2-Une voie de recours nécessairement exceptionnelle 63

Section 2 Une décision dotée de l’autorité de chose jugée au fond en faveur de l’efficacité de la sentence

arbitrale 64

§1 La saisine du juge d’appui « comme en matière de référé » 64

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83

A-Une analogie avec la procédure de référé se limitant aux modalités de saisine du juge

d’appui 64

B-Le Juge d’appui : un juge statuant au fond 65

§2 Une décision juridictionnelle revêtue de l’autorité de chose jugée au fond 66

A-Une décision dotée de la force de chose jugée 66

B-Une circonstance de nature à immuniser la sentence arbitrale d’un éventuel recours en

annulation ? 69

CONCLUSION GENERALE 71

I-UNE COMPÉTENCE TERRITORIALE ÉTENDUE MAIS PRINCIPALEMENT

MISE EN ŒUVRE EN PRÉSENCE D’UN LIEN DE RATTACHEMENT ENTRE LE

LITIGE ET LA FRANCE 71

§1 Une compétence territoriale étendue ou la prédominance des chefs de compétence présentant des liens

de rattachement avec la France 71

§2 Une compétence universelle proclamée et affranchie de tout lien de rattachement mais conditionnée à

l’existence d’un déni de justice 72

II-UNE COMPETENCE MATERIELLE ETENDUE ET ACCRUE : UNE

INTERVENTION DE NATURE A SECURISER L’ARBITRAGE 73

§1Une intervention accrue mais principalement subsidiaire 73

§2Une intervention constituant un instrument de sécurisation de l’arbitrage 74

BIBLIOGRAPHIE 75

I-OUVRAGES GENERAUX : 75

II-TEXTES 75

III-ARTICLES 75

IV-JURISPRUDENCE 75