Libertes ! Mai 2009 n°454

16
Libertes! BELGIQUE- BELGIE ÉTATS-UNIS LES 100 JOURS DE BARACK OBAMA PÉROU LA CONDAMNATION D’ALBERTO FUJIMORI MAI 2009 – N°454 – LE MENSUEL D’AMNESTY INTERNATIONAL POLICES LE CÔTÉ OBSCUR DE LA FORCE POLICES LE CÔTÉ OBSCUR DE LA FORCE Ne paraît pas en juillet-août. 9, rue Berckmans 1060 Bruxelles Agréation n°P0901135

description

Le DOSSIER est consacre aux violences diverses pratiquees par les forces de police de 3 Etats de l’Union europeenne d’avant l’elargissement de 2004: la France, l’Autriche et la Grece. Au sommaire egalement : deux victoires du combat contre l’impunite, au Perou et au Cambodge, ainsi qu’aux 100 premiers jours d’Obama. Les 3 appels du mois concernent la Bielorussie (Belarus), l’Iran et l’Indonesie, a trouver egalement sur http://www.isavelives.be/leslettresdumois

Transcript of Libertes ! Mai 2009 n°454

Page 1: Libertes ! Mai 2009 n°454

Libertes!BELGIQUE-

BELGIE

ÉTATS-UNISLES 100 JOURSDE BARACK OBAMA

PÉROULA CONDAMNATIOND’ALBERTO FUJIMORI

MAI 2009 – N°454 – LE MENSUEL D’AMNESTY INTERNATIONAL

POLICESLE CÔTÉ OBSCURDE LA FORCE

POLICESLE CÔTÉ OBSCURDE LA FORCE

Ne paraît pas enjuillet-août.

9, rue Berckmans1060 Bruxelles

Agréation n°P0901135

Page 2: Libertes ! Mai 2009 n°454

ACTUEL■ Condamnation de Fujimori : C’est le Pérou■ Cambodge : «La période des Khmers rouges

est absente des livres d’histoire»■ Insolite-Brèves

DOSSIERPOLICES : LE CÔTÉ OBSCUR DE LA FORCE■ France : Impunité, intimidation et récidive■ Autriche : «Accusés de tout, protégés de rien»■ Grèce : Le révélateur du décembre noir

MOUVEMENT■ AG 2009 : Un grand cru■ Les 100 jours d’Obama: Messages ambivalents

ISAVELIVES.BE■ Lettres du mois : Biélorussie (Bélarus),

Iran et Indonésie■ Bonnes nouvelles

CULTURE/AGENDA■ Le prix de la pauvreté■ La place du mort■ À Mayotte

É D I T O R I A L

S O M M A I R E

Libertés! • Rue Berckmans, 9 – 1060 Bruxelles • Tél : 02 538 81 77 Fax : 02 537 37 29 • [email protected] • www.libertes.be • Éditrice responsable: Chris-tine Bika • Rédacteur en chef: Pascal Fenaux • Comité de rédaction: Bruno Brioni, Thandiwe Cattier, Véronique Druant, Samuel Grumiau, Anne Lowyck,Brian May, Suzanne Welles • Ont collaboré à ce numéro: Gilles Bechet, Louis Mbazoa (st.), Vincent Rifflart, Julien Winkel • Iconographie: Brian May• Maquette: RIF • Mise en page: Gherthrude Schiffon • Impression (sur papier recyclé non blanchi) : Remy Roto • Couverture: Des policiers anti-émeute protègent le siège du Syntagma, le Parlement grec, lors d’une des manifestations qui ont secoué Athènes et Thessalonique. Athènes, 12 décembre2008. © AFP / Olivier Laban-Mattei

CHANGEMENT D’ADRESSE – ATTESTATION FISCALE – MODIFICATION, ANNULATION OU NOUVELLE COTISATION DE

MEMBRE/DONATEUR(TRICE)Madame Michele Ligot : [email protected]

je change d’adresse (inscrire uniquement la nouvelle adresse)Nom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Prénom: . . . . . . . . . . N° de membre: . . . . . . .Adresse: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . N° . . . . . bte . . . . . . . . . .Code postal: . . . . . Localité: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Tél (obligatoire): . . . . . . . . . . . . . . . E-mail: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Oui, j'adhère aux objectifs d'Amnesty et souhaite devenir membre

Je répartis le montant de : ma cotisation de mon abonnement sur toutel’année en complétant ce coupon et en le renvoyant à Amnesty International, 9 rue Berck-mans à 1060 Bruxelles. Tout montant qui dépassera 14,87 e (prix de la cotisation oude l'abonnement), sera considéré comme un «don», et par là-même jouira de la déduc-tibilité fiscale pour autant que ce supplément soit de 30 e ou plus.Je verse tous les mois, au départ de mon compte n° . . . . . . . . . . – . . . . . . . . . . . . . . lasomme de : 6 e 10 e 20 e . . . . . . . . e (ou tout autre montant demon choix) au profit du compte 001-2000070-06 de Amnesty International à partirdu . . . . . . . . . . et jusqu’à nouvel ordre. Je conserve le droit d’annuler ou de modi-fier cet ordre à tout moment. ou je verse en une fois le mandat de . . . . . . . . . . . . . . au compte 001-2000070-06Nom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Prénom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Date de naissance: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Adresse: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . N° . . . . . . . . bte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Code postal: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Localité: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Tél (obligatoire): . . . . . . . . . . . . . . . . E-mail: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Profession: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Date: . . . . . . . . Signature:

Ne rien inscrire dans cette case s.v.p. (réservé à l'organisme bancaire)

3

5

10

13

15

Le 7 juin prochain, les électeurs belges seront appelés àrenouveler leurs Parlements régionaux et de Communautés.Dans la partie néerlandophone du pays, il semble d’ores et

déjà acquis que le scrutin régional accouchera d’un Parlementflamand éclaté, la seule inconnue étant l’ampleur du bon résultatque réalisera probablement la Lijst De Decker (LDD), un nouveauvenu sur la scène politique flamande. Dans la partie francophonedu pays, par contre, tous les regards sont tournés vers deuxbatailles électorales, celle que se livrent pour la première place leMouvement réformateur (MR) et le Parti socialiste (PS), et celle quese livrent pour la troisième place le Centre démocrate humaniste(cdH) et Écolo. S’il est un point commun au nord et au sud de lafrontière linguistique, c’est le probable ressac de l’extrême droite,le Vlaams Belang (VB) étant en nette baisse dans les intentions devote, tandis que le Front national (FN) s’effondre.Voilà pour l’arithmétique électorale. Car, pour ce qui est des débatsd’idées, les électeurs ont de quoi rester sur leur faim. Or, même sinos élus ont d’importantes responsabilités politiques et éthiquesà assumer au niveau régional et communautaire, on a du mal à lesentendre se prononcer sur une série d’enjeux dont certains concer-nent le travail d’Amnesty International. C’est la raison pour la

section francophone d’Amnesty arédigé un mémorandum adresséaux candidats se présentant auxélecteurs de Bruxelles et deWallonie. Premier enjeu, la ques-tion de l’octroi de licences pourdes exportations d’armes, unequestion éthique qui risque parfoisd’être mise de côté au nom de laprotection de l’emploi. Deuxièmeenjeu, la protection des femmescontre les violences domestiques,une question sur laquelle desprogrès ont été faits davantage enWallonie qu’à Bruxelles, même siles violences sexuelles à l’école

restent encore largement ignorées, en dépit des chiffres de lapolice. Troisième enjeu, les traités internationaux qui ne peuvententrer en vigueur que s’ils sont ratifiés par toutes les Régions(torture, personnes handicapées, minorités, etc). Quatrième enjeu,la nécessaire création d’une Commission belge des droits fondamen-taux. Cinquième et dernier enjeu, les relations extérieures (accordsde coopération, accords culturels, politiques et économiques).Si vous voulez prendre connaissance de ce mémorandum et, pour-quoi pas?, interpeller vous-mêmes les candidats de votre région, ilvous suffit d’aller à l’adresse URLhttp://www.amnesty.be/memorandum2009Bonne lecture et bonnes interpellations.ePascal Fenaux

AUX URNES,CITOYENS

Page 3: Libertes ! Mai 2009 n°454

Des manifestants péruviens défilent devant l’ambassade du Chili pour protester contre une première décision de la Cour suprême du Chili de ne pas extrader Alberto Fujimori vers le Pérou. Lima, 11 juillet 2007. © AI

Une fois n’est pas coutume, c’est d’un commu-niqué aux accents vibrants d’optimisme ques’est fendue Amnesty International en appre-

nant la condamnation d’Alberto Fujimori à pasmoins de 25 ans de prison. «Justice a été rendue au Pérou,a ainsi affirmé le Conseiller spécial Javier Zúñiga, undes observateurs mandatés par Amnesty Internationalpour assister à ce procès. Nous vivons une journée histo-rique. C’est exceptionnel qu’un ancien chef d’État soitcondamné pour des atteintes aux droits humains telles que latorture, l’enlèvement et les disparitions forcées. Nous espé-rons que c’est le premier d’une longue série de procès, tant enAmérique latine que dans les autres régions du globe.»De fait, l’ONG aurait bien eu tort de cacher sa joie àl’écoute du jugement rendu par la Division desAffaires pénales spéciales de la Cour suprême duPérou à l’issue des enquêtes menées sur trois affaires.La première affaire jugée concernait le massacre deBarrios Altos, où 15 hommes, femmes et enfantsavaient été exécutés de manière extrajudiciaire en1991. La deuxième affaire jugée était le «massacre deLa Cantuta»: l’enlèvement et l’assassinat de 9 étudiantset d’un enseignant de l’ Universidad Nacional deEducación Enrique Guzmán y Valle par des membresdu Grupo Colina, un groupement paramilitaire opérantau sein de l’armée péruvienne. La troisième etdernière affaire était celles des caves du Service durenseignement de l’Armée (où deux personnes avaientété séquestrées). À l’unanimité, les trois juges présidantle tribunal de Lima ont décidé que l’ancien présidentAlberto Fujimori portait la responsabilité pénale indi-viduelle dans ces trois affaires puisqu’il assumait à

l’époque le commandement militaire des personnesayant commis les crimes.Cela fait un moment que divers acteurs du combatcontre l’impunité ont établi de manière incontestableque, sous le gouvernement d’Alberto Fujimori, degraves atteintes aux droits humains et des crimesimprescriptibles violant le droit international (actes detorture, homicides et disparitions forcées notamment)ont été commis. En raison de leur caractère généraliséet systématique, ces violations constituent des crimescontre l’humanité. Cela dit, l’organisation avait égale-ment relevé qu’avant 1990, les violations des droitsfondamentaux par les prédécesseurs du présidentFujimori revêtaient déjà un caractère généralisé etsystématique.Pour rappel, Alberto Fujimori avait remporté le secondtour de l’élection présidentielle de 1990 à la tête de sonparti Cambio 90 («Changement 90») face à son adver-saire, le célèbre écrivain Mario Vargas Llosa, lequelprivilégiait à l’époque des recettes budgétaires etéconomiques hardiment néo-libérales (privatisationstous azimuts). Il succédait ainsi à Alan García et à sonparti socialisant de l’Alianza Popular RevolucionariaAmericana (Alliance populaire révolutionnaire améri-caine ou APRA). Fujimori avait sans doute bénéficiéd’un vote majoritairement plus populaire et plusindien que celui de l’APRA. La violence des guérillerosmarxistes du Movimiento Revolucionario Túpac Amaru etdu Sendero Luminoso (Sentier lumineux) et l’insécuritérégnant dans les campagnes avaient par ailleurscontribué au succès de Fujimori face à une APRAdéconsidérée.

Libertés ! Mai 2009 3

A C T U E L

IRANDELARA DARABI EXÉCUTÉE

Delara Darabi a été exécutée alors qu’unsursis d’exécution de deux mois avait étéprononcé le 19 avril dernier par le chef del’ordre judiciaire. Cette jeune femme avait étécondamnée à mort pour un meurtre commislorsqu’elle avait 17 ans. Dans un premiertemps, elle avait reconnu ce meurtre avant dese rétracter et d’affirmer qu’un ami qui l’ac-compagnait au moment des faits, et qui setrouve être l’auteur présumé des faits, luiavait demandé de se déclarer coupable car ilpensait que, étant mineure, elle ne serait pasexécutée… Le plus révoltant est que sonavocat n’a pas été informé de l’imminence del’exécution, en dépit de l’exigence légaleselon laquelle il devait en être informé48 heures à l’avance. L’exécution de DelaraDarabi porte à 140 le nombre d’exécutions enIran pour cette année. L’Iran a exécuté aumoins 42 mineurs depuis 1990, en violationabsolue du droit international qui interditl’exécution de personnes condamnées pourdes crimes commis sous l’âge de 18 ans. e

COLOMBIEHUIT INDIENS EXÉCUTÉS PARLES FARCLe 2 avril 2009, les dépouilles de huitmembres de la tribu Awa ont été retrouvéesdans le département de Narino, non loin dela frontière équatorienne. Selon LuisAndrades, chef de cette communauté indi-gène, ces hommes et ces femmes auraientété torturés puis assassinés par les FuerzasArmadas Revolucionarias de Colombia (FARC). Laguérilla marxiste colombienne avait pour sapart reconnu, le 17 février, avoir exécuté huitAwa, accusés d’être des informateurs del’armée. e

CHINEMORT EN PRISONLe 12 avril, Chen Hongqiang, un toxico-mane condamné à 10 jours d’incarcérationdans la prison de Fuzhou (sud-est) a étédécouvert samedi plongé dans le coma danssa cellule. Il est décédé après avoir été hospi-talisé. Cet incident intervient alors qu’unesérie de décès semblables soulèvent l’indi-gnation en Chine depuis plusieurs semaines.Le gouvernement chinois a récemmentassuré qu’il enquêterait sur toute affaire demauvais traitements en prison ou dans lescommissariats, faits pour lesquels la Chine aété mise à l’index par le Comité contre latorture de l’ONU. e

C’EST LE PÉROULe 7 avril, le tribunal de Lima condamnait l’ancien président Alberto Fujimori à 25 ans de prisonpour plusieurs graves violations des droits humains commises sous sa présidence (1990-2000).Une étape de plus franchie dans la lutte contre l’impunité.

© www.myspace.com/helpdelara

Page 4: Libertes ! Mai 2009 n°454

L’INSOLITE

A C T U E L

Entamé dans une relative euphorie, le premiermandat d’Alberto Fujimori avait été marqué parune initiative assez originale de mémoire de polito-logue. Le 5 avril 1992, Fujimori renversait sonpropre gouvernement. En dissolvant un parlementpéruvien devenu impopulaire pour cause de criseéconomique et d’insécurité généralisée, cet auto-golpe («auto-coup d’État») était officiellement censéhâter l’adoption de mesures antiterroristes radi-cales à l’encontre du Sentier lumineux et TúpacAmaru. En avril 1995, face à Javier Pérez de Cuéllar,ancien secrétaire général des Nations unies, Fujimoriavait été réélu à la présidence péruvienne, tandis queson parti obtenait la majorité absolue au Congrès,des résultats que de nombreux observateurs n’attri-buèrent pas seulement à l’incontestable popularitédu président, mais aussi à des manipulations élec-torales. C’est surtout à partir de son deuxièmemandat qu’Alberto Fujimori s’engagea dans unefuite en avant sécuritaire et économique, une fuiteen avant qui allait petit à petit le perdre face à sonopinion publique.Dans son rapport final publié en 2003, la Comisiónde la Verdad y Reconciliación (Commission Vérité et

Réconciliation pour le Pérou) a ainsi rassemblé d’in-nombrables preuves de l’implication du présidentFujimori, de son conseiller à la Sécurité, Vladi-miro Montesinos, et d’officiers supérieurs desservices de renseignement dans les milliers d’as-sassinats, de disparitions forcées et d’actes detorture perpétrés par l’escadron de la mort du GrupoColina. De même, en 2001 et 2006, la Cour inter-américaine des Droits de l’Homme avait statué que,dans les affaires de Barrios Altos et de La Cantuta,l’État péruvien avait violé le droit à la vie de sescitoyens, tant les preuves étaient nombreuses quantà l’implication de l’armée et du président Fujimori.Réélu en 2000 pour un troisième mandat en viola-tion de la Constitution, Alberto Fujimori avait vu sonautorité vaciller, avant d’être emporté par le scan-dale de la corruption d’opposants par VladimiroMontesinos et d’être contraint de fuir le pays. Le7 novembre 2005, le président déchu était finale-ment arrêté au Chili et extradé vers le Pérou. Si lejugement du 7 avril 2009 est venu faire la lumièresur quelques uns des chapitres les plus sombres del’histoire récente du Pérou, des milliers de citoyenspéruviens attendent néanmoins toujours justice.ePascal Fenaux

4 Libertés ! Mai 2009

«Je ne sais pas si Douch regrette vraiment sesactes. Quand il demande pardon [le 31 mars]devant le tribunal, c’est déjà quelque chose,

mais je n’oublie pas ce qu’il a fait : la journée, il tuait desgens, des bébés, et le soir, en rentrant chez lui, il embrassaitses enfants, sans remords. Il serait faux de penser que les diri-geants khmers rouges ont commis ces atrocités par craintede Pol Pot. À lui seul, celui-ci n’aurait pu tuer 2 millions deCambodgiens. Dans tous les régimes, il y a des personnes quiveulent se faire apprécier, des arrivistes prêts à dénoncer lesautres pour se faire bien voir des chefs. Quand il était chefde Tuol Sleng, Douch a commis plus d’atrocités que ce quiétait nécessaire pour suivre l’idéologie, il a agi en ce senspour être apprécié par les hauts gradés du régime. Ça fonc-tionne comme dans une secte: quand tu es dans l’engrenage,c’est trop tard, tu n’en sors plus, il t’arrive de douter, maistu veux rester dans le courant dominant. Tu n’imagines plusque Pol Pot va disparaître, tu essaies de t’accommoder de lasituation. «Le plus important serait de savoir si, dans les mêmesconditions, ces bourreaux commettraient à nouveau lesmêmes atrocités. Je pense hélas que la plupart recommen-ceraient, peu de gens faisant un travail sur eux-mêmes. Sila majorité des victimes et des bourreaux avaient tiré lesenseignements de l’histoire du Cambodge, ce pays ne connaî-trait pas autant de corruption, d’inégalités sociales,d’exploitation, de tueries. Si ce procès aboutit à un début deréflexion dans la société cambodgienne, c’est déjà important.«L’aspect didactique du procès est d’autant plus crucial

que la période des Khmers rouges n’est pas enseignée dansles livres d’histoire. Cette absence s’explique par le fait qued’anciens Khmers rouges sont au pouvoir actuellement,mais aussi par la fierté nationale. Après mon livre, j’ai reçudes messages de Cambodgiens qui me reprochent de m’in-téresser à une période assez courte de l’histoire duCambodge, alors que notre pays a une longue histoireglorieuse. La période des Khmers rouges divise les Cambod-giens, notamment sur le rôle de la Chine, du roi NorodomSihanouk, sur l’invasion vietnamienne qui, pour certains(dont le Premier ministre Hun Sen), est un jour de libéra-tion alors que pour d’autres, il s’agit d’un jour de hontenationale. «Je regrette que seuls cinq responsables khmers rouges soienttraduits devant le tribunal. Il aurait fallu citer une dizained’autres personnes qui étaient vraiment les massacreurs, quidonnaient l’ordre de tuer. Le Premier ministre Hun Senaffirme préférer l’échec du tribunal à voir davantage deresponsables traduits en justice. Il a d’ailleurs accepté àcontrecœur la tenue de ce procès, lequel n’aurait pu existersans la pression internationale.»Ong Thong Hoeung vit en Belgique depuis 1982. Ilest notamment l’auteur du livre J’ai cru aux Khmersrouges, paru en 2003 aux éditions Buchet/Chastel.ePropos recueillis par Samuel Grumiau

Lire aussi le document d’Amnesty :Cambodia : After 30 years Khmer Rouge crimes ontrial (ASA 23/003/2009)

P A R O L E S

FEMMES FATALES

Deux femmes en tout et pour tout au sein d’ungouvernement pléthorique qui ne compte pas moinsde 30 ministres, c’est de toute évidence très peu. Maisc’est encore trop pour la presse ultraorthodoxe israé-lienne. Pour les haredim (littéralement, les «craignantDieu»), l’interdit religieux de toute représentation dela femme est absolu. Leur presse a donc de plus enplus tendance à user des ressources du logicielPhotoshop pour «retoucher» et «purger» de touteprésence féminine les photos qui seront publiéesdans les versions papier des journaux ou surInternet. Ce respect absolu a atteint le comble de l’ab-surde lorsqu’il s’est agi de publier la photo officielledu nouveau gouvernement de Binyamin Neta-nyahou. Pour des raisons de «pudeur», l’hebdo-madaire Shaa Tova et le quotidien Yated Ne’eman ontdonc carrément fait «disparaître» Sofa Landver(ministre de l’Absorption) et Limor Livnat (ministrede la Culture et des Sports) de la photo du nouveaugouvernement. e (D’après Yediot Aharonot)

«LA PÉRIODE DES KHMERS ROUGESEST ABSENTE DES LIVRES D’HISTOIRE»Le procès de Kang Kek Ieu, alias «Douch», ex-dirigeant de la prison de Tuol Sleng, a débuté le30 mars au Cambodge, 30 ans après la fin de la dictature des Khmers rouges qui a provoqué lamort de 2 millions de Cambodgiens. Ong Thong Hoeung, rescapé des «camps de rééducation»de Pol Pot, livre son sentiment sur la signification de ce procès.

Page 5: Libertes ! Mai 2009 n°454

Des policiers anti-émeute sur les Champs-Élysées, après la défaite de la France face à l’Italie en finale du Mondial de football 2006. Paris, 9 juillet 2006. © AP / Baz Ratner

Libertés ! Mai 2009 5

D O S S I E R

Les homicides, les passages àtabac, les comportementsracistes et l’usage abusif de laforce par les policiers sontinterdits en toutes circonstancespar le droit international. Or, enAutriche, en France et en Grèce,les plaintes pour ce type deviolations des droits humainsfont rarement l’objet d’enquêtes,tandis que ces violations sontnettement en hausse et queleurs responsables sont peusouvent traduits en justice. Enmars et avril 2009, AmnestyInternational a publié un rapportsur chacun de ces États membresdu «noyau dur» de l’Unioneuropéenne (UE), un noyau qui athéoriquement peu à avoir avecla «tradition» policière desanciens régimes staliniens.Dans nos sociétés entrées dansune période de profondesmutations économiques, socialeset démographiques, il sembleque nos forces de police résistentde moins en moins à la pressionqu’impliquent l’accroissement etla complexification de leursmissions, tandis qu’une certaineatmosphère de xénophobie etd’intolérance a tendance à sedévelopper. La paranoïa généréepar la «guerre contre leterrorisme» n’est sans doute pasnon plus étrangère auraidissement sécuritaire et à larecrudescence du délit de faciès.Dans ce contexte, il estnécessaire que nos systèmesdémocratiques se ressaisissent etprennent à bras le malaise quis’est emparé de leurs forces del’ordre, des forces de l’ordre deplus en plus déconsidérées etperçues comme des forces dudésordre.

FRANCE

IMPUNITÉ, INTIMIDATION ET RÉCIDIVEEn 2005, Amnesty avait publié un premier rapport sur certaines violences policières et l’impunité donttrop de leurs auteurs bénéficiaient. Quatre ans plus tard, un nouveau rapport (1), encore plus accablant,révèle que l’impunité, l’intimidation et le racisme restent encore trop souvent de mise au sein des forcesde l’ordre.

Les informations selon lesquelles des responsables del’application des lois commettraient en France desviolations des droits humains inspirent depuis

longtemps des inquiétudes persistantes à Amnesty Inter-national, qui est également préoccupée par le faible tauxde comparution en justice des responsables présumés,faute d’enquêtes indépendantes, impartiales et efficaces.En 2005, l’organisation avait déjà publié à ce sujet unrapport intitulé France – Pour une véritable justice (index AI :EUR 21/001/2005) et s’inquiétant du nombre d’homicidesillégaux, de l’usage excessif de la force, ainsi que d’actes detorture ou d’autres mauvais traitements. Des motivationsracistes, se traduisant souvent par des injures, apparais-saient dans bien des cas.Dans ce rapport, l’impunité était soulignée et attribuée àdes facteurs tels que les lacunes ou les faiblesses de la

législation; l’incapacité ou le manque d’empressement dela police, du ministère public et des tribunaux dès qu’ils’agit de mener des enquêtes exhaustives sur des violationsdes droits humains impliquant des policiers et d’en pour-suivre les auteurs présumés ; les peines, enfin, sanscommune mesure avec la gravité de l’infraction. Malheu-reusement, les autorités françaises n’ont appliqué aucunedes recommandations essentielles suggérées par AmnestyInternational dans le rapport publié en 2005 et quivisaient à lutter contre les violations des droits humainset le climat d’impunité. L’organe de contrôle indépendant, la Commission natio-nale de Déontologie de la Sécurité (CNDS) exprimerégulièrement ses préoccupations au sujet des allégationsde violations des droits humains commises par des respon-sables de l’application des lois, ainsi que d’autres

POLICES

LE CÔTÉ OBSCUR DE LA FORCE

Page 6: Libertes ! Mai 2009 n°454

chargés de faire respecter la loi en pâtit, à l’instar des relations de cesorganes avec la population.Les violences qui ont éclaté à la suite de décès liés à des opérations policières(par exemple les émeutes qui se sont produites après la mort de deux adoles-cents poursuivis par des policiers à Clichy-sous-Bois, en novembre 2005 entémoignent très clairement. Lors de certaines manifestations pacifiquesorganisées pour demander justice, par exemple celles qui ont suivi lamort d’Abdelhakim Ajimi à Grasse en mai 2008, on a vu se faire jour desmouvements de colère et de défiance moins spectaculaires mais loind’être négligeables.Si la France veut réellement respecter les obligations découlant des traitésinternationaux qui lui imposent de prohiber la torture et les autresmauvais traitements et de respecter et protéger le droit à la vie, elle doitprendre des mesures pour réformer ses mécanismes d’enquête sur lesallégations de violations des droits humains. eAIPOUR AGIR :http://www.amnesty.org/fr/appeals-for-action

(1) France – Des policiers au-dessus des lois (Index AI : 21/003/2009)(2) L’hôpital de l’Hôtel-Dieu reçoit de nombreuses personnes interpellées à Paris ayant àsubir un examen médical pendant leur garde à vue.(3) Rapport 2004 de la CNDS, «Étude sur la part des discriminations dans les manquements àla déontologie».

manquements moins graves aux règles de déontologie. Le bilan de ses sixpremières années d’activités, publié en 2006, révélait la persistance deplaintes évoquant un recours excessif à la force ou un usage inappropriéde la force ayant entraîné, dans certains cas, la mort ou une invaliditépermanente. D’autres épisodes de cette nature ont été relatés dans sesrapports annuels suivants.En 2006, lorsqu’il a examiné la mise en œuvre par la France des obligationsprévues par la Convention contre la torture et autres peines ou traitementscruels, inhumains ou dégradants (Convention contre la torture), le Comitédes Nations unies contre la torture a salué les efforts accomplis par la Francepour améliorer et renforcer la formation des policiers, mais s’est déclarépréoccupé par «le nombre et la gravité des allégations parvenues jusqu’à lui au sujetdes mauvais traitements infligés par des agents de l’ordre public à des détenus et àd’autres personnes auxquelles ils se heurtent».

PRÉOCCUPATIONS INTERNATIONALESLe Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou trai-tements inhumains ou dégradants (le CPT) a effectué une visite en Franceen 2006. Dans son rapport sur cette visite, le CPT a fait observer qu’outreles allégations de mauvais traitements qui lui ont été directement mention-nées par des détenus, il avait reçu des déclarations du même genre enprovenance des autorités médicales, juridiques et policières, ainsi qued’organismes indépendants comme le médiateur de la République ou laCNDS. Selon les données communiquées au CPT par le chef du service desurgences médico-judiciaires de l’Hôtel-Dieu (2), à Paris, environ 5 % desdétenus examinés par le service se plaignaient d’avoir été maltraités parles responsables de l’application des lois au moment de leur arrestationou pendant leur garde-à-vue. Ce taux a été corroboré par l’étude d’unéchantillon aléatoire de dossiers réalisée par un membre de la délégationdu CPT.En 2008, le Comité des droits de l’homme de l’ONU s’est dit préoccupé «parles allégations indiquant que des étrangers dont des demandeurs d’asile, détenus dansdes prisons et des centres de rétention administrative sont l’objet de mauvais traite-ments de la part des agents des forces de l’ordre» et a ajouté que la France «n’apas ouvert d’enquête sur ces violations des droits de l’homme ni sanctionné commeil convient leurs auteurs».Dans son rapport annuel de 2004, la CNDS consacrait un chapitre auxdiscriminations commises par des fonctionnaires chargés de la sécurité,analysant la part de la discrimination dans certains manquements à ladéontologie (3). Certes, toutes les plaintes ne sont pas fondées. Toutefois,l’écart entre le nombre de plaintes reçues et le nombre de sanctions disci-plinaires prises permet de s’interroger sur l’exhaustivité et l’impartialitédes enquêtes, ce qui ne peut entretenir qu’un climat d’impunité.Par ailleurs, Amnesty International constate l’accentuation manifested’un phénomène inquiétant : les personnes qui protestent ou tententd’intervenir lorsqu’elles sont témoins de mauvais traitements infligéspar des responsables de l’application des lois sont elles-mêmes accuséesd’outrage (insulte envers une personne dépositaire de l’autorité publique)ou de rébellion (résistance avec violence envers un représentant de l’auto-rité). Dans d’autres cas, des personnes qui se sont plaintes d’avoir subi desmauvais traitements sont accusées de diffamation par les agents concernés.Amnesty International pense que ces pratiques peuvent exercer unedissuasion très forte sur les personnes qui essaient d’obtenir justice aprèsavoir été témoins ou victimes de violations des droits humains ; ellesrisquent donc d’aggraver encore le climat d’impunité actuel.Au cours de ses recherches, Amnesty International a entendu à maintesreprises des victimes et des avocats indiquer qu’ils estimaient avoir des griefslégitimes à l’égard d’un agent de la force publique mais n’avaient pas l’in-tention de porter plainte, car ils considéraient que les dispositifs d’enquêtesur les plaintes (tant au sein des organes chargés de faire respecter la loique de la juridiction pénale) étaient inéquitables et, partant, inefficaces.Par ailleurs, de nombreuses personnes ne voient pas l‘intérêt de faire desréclamations auprès de l’organe de contrôle indépendant, la CNDS, étantdonné que cette dernière ne peut mettre en œuvre aucune forme de sanc-tion.Certes, la tâche des responsables de l’application des lois en France est diffi-cile et dangereuse. Il n’en demeure pas moins qu’en cas d’affrimation deviolations des droits humains, les autorités doivent ouvrir promptementune enquête exhaustive, indépendante et impartiale. Les mesures discipli-naires qui s’imposent doivent être prises, et les agents de la force publiquesoupçonnés d’actes tombant sous le coup de la loi doivent comparaître enjustice dans le cadre d’un procès équitable. Les autorités doivent veiller àce que les auteurs d’infractions rendent compte de leurs actes et montrerà la population qu’elles y ont veillé. Autrement, la crédibilité des organes

D O S S I E R

6 Libertés ! Mai 2009

lManifestationsétudiantes contre le CPE(Contrat Premier Emploi). Paris, 16 mars 2006. © AP / RemyGabalda

Page 7: Libertes ! Mai 2009 n°454

D O S S I E R

Libertés ! Mai 2009 7

Le 8 mai 2008, peu avant minuit, Lamba Soukouna rentrait chez luitout en parlant au téléphone avec un ami quand il a remarqué ungroupe de policiers en tenue antiémeutes devant l’immeuble d’en

face. Il a alors perçu de l’agitation et, en se retournant, a vu les policierscharger un groupe de jeunes, qui se sont dispersés dans toutes les directions.Toujours au téléphone, Lamba Soukouna est alors entré dans le hall de sonimmeuble et s’est dirigé vers l’escalier, mais deux groupes de policiers sontarrivés en courant. L’un d’eux a attrapé le jeune homme par-derrière et l’aplaqué contre le mur. Choqué par cette agression soudaine, LambaSoukouna aurait dit au policier de se calmer. Celui-ci lui aurait répondu dese taire et l’aurait frappé au front avec la crosse de son arme à balles encaoutchouc. Lamba Soukouna raconte qu’il est alors tombé à terre et s’estévanoui quelques secondes. Quand il est revenu à lui, il a senti du sang ruis-seler sur son front et a crié aux policiers : «Mais pourquoi vous faites ça ?Qu’est-ce que j’ai fait?». Un voisin est arrivé et a dit aux policiers de faire atten-tion parce que Lamba Soukouna souffrait d’une grave maladie, mais l’und’eux aurait répondu «On n’en a rien à foutre de ta maladie». Ils auraientalors commencé à lui donner des coups de pied dans le dos et les côtes alorsqu’il était à terre.Accompagné de deux amis et de son frère, Lamba Soukouna est monté dansla voiture d’un de ses amis dans l’intention de signaler à la gendarmeriece qui lui était arrivé. En route, ils sont passés sur les lieux d’un accidentde voiture, où se trouvaient de nombreux policiers. Ayant reconnu certainsdes policiers qui l’avaient agressé, Lamba Soukouna est descendu de lavoiture pour essayer de mieux les identifier. Un policier d’une autre unitéprésente (celle d’Aulnay), remarquant les blessures et l’état de détresse dujeune homme, lui a demandé ce qui lui était arrivé. Quelques instants plustard, quand les secours sont arrivés pour s’occuper de l’accident de voiture,ce policier a dit à Lamba Soukouna d’aller les voir pour faire soigner sa plaie

au front. Alors qu’il se dirigeait vers l’ambulance, un des policiers quil’avaient agressé l’a attrapé par le cou et l’a traîné sur plusieurs mètres avantde le faire monter de force dans le fourgon de police, où il a été menotté.Son frère, inquiet de l’agression qui venait de se dérouler sous ses yeux, ademandé aux policiers pourquoi ils traitaient Lamba Soukouna de cettefaçon et où ils allaient l’emmener. Ceux-ci ont répondu «à l’hôpital». Enréalité, ils l’ont emmené au commissariat de Villepinte.À son arrivée au commissariat, Lamba Soukouna a été menotté à un banc.Il a demandé à plusieurs reprises des médicaments contre les effets de samaladie chronique, en vain. Finalement, vers deux heures du matin, il aété emmené à l’hôpital de Bondy, où il a revu les policiers d’Aulnay. Ceux-ci l’ont reconnu ; l’un d’eux a raconté aux agents qui accompagnaient lejeune homme que celui-ci leur avait dit avoir été frappé par des policiersde Villepinte, et qu’eux-mêmes avaient été témoins de la violence de soninterpellation sur les lieux de l’accident de voiture.Lamba Soukouna a été soigné pour sa blessure au front, qui a nécessitéplusieurs points de suture, et a reçu une ITT de six jours, puis il a été renvoyéau commissariat de police de Villepinte vers 3 h 30. Cela faisait alorstrois heures qu’il était retenu par la police sans qu’on lui ait signifié ni lesraisons de son arrestation ni les charges éventuelles retenues contre lui. Peuaprès son retour au commissariat, il a été placé en garde-à-vue pour outrageet rébellion. Il a ensuite été entendu en compagnie du policier qui l’avaitagressé. Pendant l’interrogatoire, ce dernier a affirmé que Lamba Soukounal’avait insulté et avait essayé de lui donner un «coup de boule», et que lui-mêmel’avait frappé avec son arme dans un acte de légitime défense. Il a aussidéclaré que Lamba Soukouna avait essayé de s’enfuir et avait encouragé d’au-tres jeunes à attaquer les policiers. Lamba Soukouna a nié toutes cesaccusations et a donné sa version des faits.En raison de sa maladie chroniqueet de deux opérations aux hanches, a-t-il souligné, il est tout à fait incapablede courir et ne peut donc pas avoir tenté de s’enfuir, comme le prétendaitle policier.Amnesty International a vu le dossier médical du jeune homme, quiconfirme la gravité de son état de santé et reconnaît son invalidité à 80 %.L’organisation a aussi vu les certificats médicaux et les photos des blessuresqu’il a reçues le 8 mai 2008; ces documents correspondent à ses allégations.

Après cet interrogatoire, LambaSoukouna a demandé une nouvelle foisses médicaments mais, raconte-t-il, il aété renvoyé dans sa cellule. Il affirmeavoir renouvelé sa demande à plusieursreprises, en vain. En conséquence, à 5heures du matin, il a fait une gravecrise, caractérisée par des difficultés àrespirer et de violentes douleurs. Selonlui, il a dû attendre une demi-heureavant qu’un policier lui annoncequ’une ambulance était en route. Àleur arrivée, les auxiliaires médicauxont immédiatement reconnu LambaSoukouna car ils venaient de l’hôpitaloù le jeune homme est suivi habituel-lement. Ils l’ont emmené directementaux urgences de l’hôpital Robert-Ballanger, où le médecin de garde l’a luiaussi reconnu et a dit aux policiersqu’il était impossible de le renvoyer engarde à vue, compte tenu de la gravitéde son état de santé. Lamba Soukounaest resté hospitalisé trois jours.Il a déposé une plainte auprès de l’IGS.Sa plainte et celle des policiers contrelui sont toujours en instance. AI e

TÉMOIGNAGE

«MAIS POURQUOI VOUS FAITES ÇA?»Lamba Soukouna a été maltraité par des policiers dans la soirée du 8 mai 2008devant chez lui, à Villepinte (Seine-Saint-Denis), dans la banlieue de Paris.Lamba Soukouna souffre de drépanocytose, une grave maladie génétique, eta dû être hospitalisé trois jours à la suite de cet épisode.

jLamba Soukouna, le soir de sonagression par des policiers. Villepinte(Seine-Saint-Denis), 8 mai 2008. © Privé

Page 8: Libertes ! Mai 2009 n°454

8 Libertés ! Mai 2009

D O S S I E R

K, citoyenne autrichienne originaire d’Afrique de l’Ouest, vit depuisplus de vingt ans à Vienne. Elle n’a jamais commis de délit et pour-tant, c’est en ces termes qu’elle a décrit à Amnesty International ses

rapports – et ceux de la majorité des personnes d’origine africaine – avecle système judiciaire autrichien: «Voilà comment on vit ici : on nous accuse de toutet on ne nous protège de rien.»Ce sentiment est caractéristique des victimes de violations des droitshumains recensées dans un rapport que vient de publier Amnesty Interna-tional(1). Ce rapport ne se contente pas de présenter des cas d’infractionsracistes et de mauvais traitements de la part des forces de police autri-chiennes. Il témoigne également de l’incapacité générale du systèmejudiciaire autrichien à traiter les migrants, ainsi que les membres desminorités ethniques, de la même manière que le reste de la population –que ces personnes soient des victimes, des suspects ou des auteurs présumésde délits. Les faits relatés ne sont ni isolés ni le simple résultat d’uncomportement déviant de la part d’une poignée de représentants del’ordre. Au contraire, leur persistance illustre plutôt l’incapacité structu-relle du système judiciaire autrichien à s’acquitter de ses fonctions enévitant toute attitude discriminatoire. Cette incapacité est due au racismeinstitutionnel qui règne au sein de la police autrichienne et dans d’autressecteurs du système judiciaire autrichien.Par «racisme institutionnel», il faut entendre «l’incapacité collective d’uneorganisation à offrir un service approprié et professionnel à certaines personnes enraison de la couleur de leur peau, de leur culture ou de leur origine ethnique… On peut[l’] observer ou [le] détecter dans les procédures, les attitudes et les comportements rele-vant de la discrimination et qui sont le fait de préjugés inconscients, de l’ignorance,du manque d’égards et de l’application de stéréotypes racistes qui défavorisent lespersonnes appartenant aux minorités ethniques (2).»Cette phrase ne signifie pas que tous les policiers ou représentants d’organesjudiciaires autrichiens, ni même la majorité d’entre eux, soient racistes. Ilsemble ainsi évident que de très nombreux représentants de l’ordre sontparfaitement conscients de leurs obligations au regard des droits humains.Ce que cette phrase signifie et ce que les enquêteurs locaux et internatio-naux ont constaté, c’est que les préjugés sociaux et les stéréotypes courantsconcernant les étrangers et les différents groupes religieux et ethniques sontrépandus, y compris au sein des structures chargées d’appliquer les lois. De

L’Autriche n’échappe pas au malaise qui semble s’être emparé des forces depolice de plusieurs pays d’Europe occidentale. Régulièrement, la police y estaccusée voire convaincue de mauvais traitements et de comportementssystématiquement racistes.

même, ces préjugés et stéréotypes donnent lieu à des pratiques discrimi-natoires que les organes en question ne prennent pas le soin de préveniret contre lesquelles ils ne luttent pas. Enfin, les systèmes mis en place pourrépondre aux dérapages racistes des policiers ne sont pas efficaces et negarantissent aucunement qu’une réponse appropriée sera systématiquementapportée aux infractions dénoncées par les minorités ethniques.Ces pratiques discriminatoires vont des insultes ouvertement racistes auxmauvais traitements infligés par des policiers, en passant par l’incapacité,délibérée ou non, de représentants du maintien de l’ordre ou d’organes judi-ciaires à apporter aux membres des minorités ethniques des services dequalité égale à ceux qu’ils apporteraient normalement à des Autrichiensblancs – par exemple, en ne parvenant pas à protéger les personnes contredes attaques racistes; en n’enquêtant pas assidûment sur les infractions dontces personnes ont été victimes; en n’accordant pas l’importance nécessaireà leur témoignage; ou en ayant recours de façon abusive à la force lors d’ar-restations. Aux termes du droit international, tous ces exemples dediscrimination constituent des violations des droits humains.

RACISME IMPUNIL’un des indicateurs les plus évidents du racisme institutionnel qui règnedans le système judiciaire autrichien est l’incapacité répétée des organeschargés de l’application des lois à répondre de façon appropriée aux actesperpétrés par leurs représentants et dont le caractère raciste est avéré –même lorsque les actes infligés à des membres de minorités ethniques cons-tituent des infractions graves, notamment les actes de torture. Les membresdes forces de l’ordre qui commettent ce type d’infractions échappent habi-tuellement à une sanction proportionnelle à leurs actes. Même dans des casgraves et relayés par la presse, ils ne reçoivent en général que des condam-nations minimes et des sanctions extrêmement indulgentes, tandis qu’ilscontinuent souvent à bénéficier publiquement du soutien de leurs supé-rieurs administratifs et politiques. Le message ainsi transmis signifie quele racisme n’est pas un délit très grave.Le niveau d’impunité dont bénéficient les responsables de l’application deslois qui ont des comportements racistes explique en grande partie l’enra-cinement de ces comportements dans le système judiciaire autrichien, endépit des progrès enregistrés ces dernières années. Une plus grande atten-tion a en effet été accordée à la formation des agents de police, àl’application de normes non-discriminatoires et à la promotion de lacompréhension des cultures des différents groupes ethniques installésen Autriche. Une circulaire ministérielle de 2006 a souligné l’importancepour les officiers de police d’être particulièrement attentifs aux plaintespour délits à caractère raciste. En 2007, la police de Vienne a lancé sa

AUTRICHE

«ACCUSÉS DE TOUT, PROTÉGÉS DE RIEN»

jVeillée en mémoirede MarcusOmofuma, undemandeur d’asilenigérian mort lors deson renvoi forcé enmai 1999. Vienne,mai 2000. © Semotan

Page 9: Libertes ! Mai 2009 n°454

Dans une synthèse (1) rendue publique le 30 mars, Amnesty Interna-tional met en évidence des pratiques apparemment bien établiesde violations des droits fondamentaux des civils par la police

grecque. Les faits mis en évidence concernent un recours excessif à laforce et aux armes à feu, des actes de torture et d’autres formes de mauvaistraitements, des détentions arbitraires et le fait d’empêcher les détenus deprendre rapidement contact avec un avocat.Les événements ayant émaillé les manifestations violentes qui ont secouéla Grèce ces derniers mois font encore l’objet d’instructions judiciaires etd’enquêtes de police. Si elles ont souvent dégénéré en émeutes, les mani-festations avaient initialement été déclenchées par la mort, le 6 décembre2008, d’Alexis Gregoropoulos, un adolescent de 15 ans tué par un poli-cier de l’unité des Gardes spéciaux. Les méthodes répressives alors utiliséespar les forces de l’ordre ont remis en mémoire de nombreux observateursque c’est depuis fort longtemps que ce pays connaît de graves problèmesen matière de maintien de l’ordre. En d’autres termes, la réaction de lapolice aux récentes émeutes a constitué une sorte de point d’orgue d’unepolitique systématique de graves violations des droits humains par lesresponsables de l’application des lois.Concernant la répression excessive menée en décembre 2008 et janvier 2009par les forces de polices, Amnesty a porté plusieurs cas à l’attention deProkopis Pavlopoulos, le ministre grec de l’Intérieur. Ainsi, des poli-ciers auraient arrêté de façon arbitraire, soumis à des mauvais traitementset maintenu en détention des manifestants pacifiques, ainsi que des civilsn’ayant pas participé aux actions et aux manifestations. Des détenus, ycompris des mineurs, ont été empêchés d’entrer rapidement en contact avecdes avocats.Si la répression policière a été le point d’orgue d’une politique systématiquede violations des droits humains, il serait bien que leur révélation serve decatalyseur au gouvernement grec pour qu’il autorise l’ouverture d’unecommission d’enquête de grande envergure pour instruire les événements

de l’hiver dernier mais aussi pour se pencher sérieusement sur une ques-tion aussi fondamentale que la formation des policiers en matière derecours à la force et d’utilisation des armes à feu.Certes, aux termes du droit international, les autorités grecques ont laresponsabilité et l’obligation d’assurer la sécurité des biens et despersonnes. Même armés des meilleures intentions, il n’est pas toujours facilepour les membres des forces de l’ordre de contenir des manifestationsparfois très violentes. Cependant, il est aussi du devoir de la police, auxtermes de même droit international, de veiller à ce que les normes inter-nationales, y compris celles qui traitent du recours à la force, soientrespectées lors des opérations de maintien de l’ordre pendant les manifes-tations.Quoi qu’il en soit, si l’opinion grecque n’est pas toujours sensible à ladétresse des migrants et demandeurs d’asile victimes d’excès policiers, lesenquêtes d’opinion indiquent que les circonstances de la mort du jeuneAlexis Gregoropoulos ont en quelque sorte servi de piqûre de rappel à unepopulation qui ne fait plus outre mesure confiance à ses forces de l’ordre.ePFPOUR AGIR :http://www.amnesty.org/fr/appeals-for-action

(1) Greece – Alleged abuses int the policing of demonstrations (Index AI : 25/001/2009).

D O S S I E R

Libertés ! Mai 2009 9

première campagne de recrutement en direction des minorités ethniques.Le profilage ethnique, une pratique policière courante au début de ladécennie, a été réduit. Ces évolutions témoignent d’une prise de cons-cience croissante de l’importance de la lutte contre la discrimination au seindu système judiciaire autrichien. S’il faut s’en réjouir, il reste néanmoinsurgent de multiplier les efforts si l’on souhaite changer les choses defaçon durable. Le rapport d’Amnesty se fonde sur les recherches actuellement menées pardes institutions publiques (3) et diverses ONG (4), ainsi que sur des entretiensentre délégués d’Amnesty International et des avocats, des responsablescommunautaires, des militants antiracistes et des représentants des diffé-rentes branches du système judiciaire autrichien. Il repose également surun certain nombre de cas individuels dont certains ont été relayés par diffé-rents médias ou rapportés par d’autres organisations. Plusieurs de ces cassont liés à des faits qui remontent à quelques années. S’ils sont inclus ici,c’est premièrement pour montrer que les préoccupations soulevées dansce rapport ont des origines lointaines et, deuxièmement, pour permettred’analyser le traitement réservé aux membres des minorités ethniques àmesure que leurs plaintes sont soumises aux différentes instances dusystème judiciaire, depuis le dépôt et l’enregistrement de la plaintejusqu’aux poursuites judiciaires effectives, aux pourvois, aux éventuellesmesures disciplinaires et au versement de dommages et intérêts.

La plupart des victimes de violations des droits humains consignées dansce rapport ont exprimé, au fil des entretiens, le profond sentiment d’alié-nation et de rejet qu’elles ont ressenti face au traitement discriminatoireexercé par les organes chargés du maintien de l’ordre et de l’applicationdes lois. En d’autres termes, ce sont précisément les institutions spécifique-ment créées pour défendre et protéger leurs droits qui les ont bafoués. Pluspréoccupant encore du point de vue social, ce sentiment violent d’injusticene se retrouve pas seulement chez les victimes ; il se propage dans toutesles communautés minoritaires qui finissent par se sentir spécifiquementvisées. L’une des victimes a exprimé ce sentiment en ces termes : «Nous nevalons rien dans ce pays ; les chiens valent plus que nous.» eAIPOUR AGIR :http://www.amnesty.org/fr/appeals-for-action

(1) Austria – Victim or suspect – Racial discrimination in the Austrian justice system (Index AI :13/002/2009)(2) The Stephen Lawrence Inquiry, § 6-34, février 1999 : enquête demandée par le ministre de l’In-térieur (Home Secretary) du Royaume-Uni «sur les faits qui se sont produits depuis le décès deStephen Lawrence, le 22 avril 1993, afin d’en tirer des leçons utiles pour les enquêtes sur les crimes à carac-tère raciste et l’inculpation de leurs auteurs».(3) Entre autres, le Menschenrechtsbeirat (Conseil consultatif des Droits de l’Homme).(4) Zivilcourage und Anti-Rassismus-Arbeit (ZARA), Helping Hands Graz et de nombreuses autresassociations locales.

Les manifestations étudiantes de l’hiver 2008, par-delà leurvirulence, ont rappelé le comportement souvent erratique etviolent de forces de l’ordre grecques déjà passablement étrilléespour leur attitude envers les migrants et les demandeurs d’asile.

GRÈCE

LE RÉVÉLATEUR DUDÉCEMBRE NOIR

lUn manifestants’agenouille etse «menotte»symboliquementface auxpoliciers anti-émeutependant que les étudiantsbloquent l’accès auSyntagma, le Parlementgrec. Athènes,13 décembre2008. © AFP / OlivierLaban-Mattei

Page 10: Libertes ! Mai 2009 n°454

M O U V E M E N T

10 Libertés ! Mai 2009

NOS FORMATIONS

14 mai de 19h00 à 22h00Découvrir et s’orienter au sein d’Amnesty

16 mai de 10h00 à 15h00USA et droits humains

23 mai de 09h30 à 16h30Mission et fonctionnement d’Amnesty

23 mai de 09h00 à 14h00La lutte contre l’impunité

6 juin de 10h00 à 16h30Homosexualités et droits humains (Namur)

6 juin de 10h00 à 16h00La peine de mort

13 juin de 09h30 à 13h00Le rôle d’Amnesty dans la protection des réfugiés

20 juin de 10h00 à 16h00La protection internationale des droits fondamentaux

27 juin de 09h30 à 12h30Découvrir et s’orienter au sein d’Amnesty

Si vous venez de devenir membre de notre organi-sation, nous vous conseillons de suivre la formation«Découvrir et s’orienter au sein d’Amnesty». Si vousdésirez approfondir votre connaissance de notretravail et de notre structure, c’est le module«Mission et fonctionnement d’Amnesty» quirépondra au mieux à vos attentes.Pour vous inscrire et obtenir des détails concer-nant le contenu des formations, rendez-vous surnotre site Internet : http://www.amnesty.be/formations ePour tout renseignement, envoyez-nous un e-mail à [email protected] ou téléphonez-nous au 02/538 81 77, depréférence les mardi, jeudi et vendredi.

LE PETIT ÉCRAN DU MERCREDI20 MAI – À BRUXELLESLE SEL DE LA MER

C’est nouveau ! Dès le mois de mai, le cinéma s’ins-talle chez Amnesty. C’est une initiative deFrançoise Guillitte qui, étant membre du jury du«Festival des Libertés», a eu l’occasion de visionnernombre de films documentaires et de fictions tousde qualité, mais ayant peu de chance d’être montrésen salle, ni à la télé, les lois du marché aidant.Notre but est de vous en faire découvrir quelques-uns, au cours de soirées-rencontres conviviales quise tiendront une fois par mois (sauf en juillet et enaoût) au Secrétariat national d’Amnesty, à Saint-Gilles.Une première séance permettra de découvrir Le selde la mer, un long-métrage de la réalisatrice palesti-nienne Annemarie Jacir. Une jeune Palestiniennenée aux États-Unis veut rentrer dans son pays. Elley fait la rencontre d’un jeune homme qui, lui, nerêve que de quitter ce pays-prison. Un beau filmsur les complexités du droit au retour et un atta-chant portrait de femme. eÀ 19h00 au SN, rue Berckmans 9, 1060 Bruxelles (Saint-Gilles)PAF : 3 e – Infos : 02 538 81 77

Météo printanière aidant, la section belge francophone d’Amnesty International a vécu uneassemblée générale 2009 que l’on peut raisonnablement classer parmi les grands crus.Cette année, l’événement était organisé à Bruxelles, à deux pas du site de Tour & Taxis,dans un Quartier maritime en plein renouveau économique et démographique. Là, lesmembres d’Amnesty ont pu entretenir leurs méninges et leurs estomacs entre le K_nal –un ancien entrepôt de tuiles de l’avenue du Port, réaménagé en espace de fêtes et deconférences – et le Biouel – un bateau amarré au Quai des Matériaux. Les membres se sontégalement prononcés sur les orientations de la section francophone d’Amnesty. Et, cetteannée, les débats ont en outre bénéficié de la présence d’une «guest star» en la personned’Irene Khan, secrétaire générale d’Amnesty International, qui y a tracé les grandes lignesd’AI pour les six années à venir.

lIrene Khan (g), secrétaire générale d’Amnesty International, et Olivier De Schutter (d), rapporteurspécial aux Nations unies sur le droit à l’alimentation, lors de la conférence «Amnesty va-t-elle mettreun terme à la faim dans le monde?». Bruxelles, 25 avril 2009. © Bruno Brioni

AG 2009

UN GRAND CRU

lAmarrée au quai des Matériaux, dans le Bassin Béco, la péniche du Biouel a été prise en otage par lesparticipants de l’AG. © RIF

Page 11: Libertes ! Mai 2009 n°454

M O U V E M E N T

Libertés ! Mai 2009 11

CERCLE PETER BENENSON

MARDI 26 MAI – BRUXELLESLES ONG : QUELS RÔLES SUR LASCÈNE INTERNATIONALE?

À l’origine, les ONG étaient appelées associationsinternationales ou transnationales. Elles apparais-sent vers la fin du XVIIIe siècle et leur objectif estd’aboutir à la concrétisation de revendications dansun traité international. Les défis à relever ayantchangé, les desseins des ONG ont également évoluéet évolueront encore. Aujourd’hui, le poids de leursinterventions et exigences auprès des acteurs inter-nationaux ne fait que s’amplifier. Mais quels rôlesont-elles précisément à jouer sur la scène interna-tionale et quelle est leur influence réelle ?En présence de Michel Doucin – Ambassadeurchargé en France de la bioéthique et de la respon-sabilité sociale des entreprises depuis le 15 septem-bre 2008. Ancien ambassadeur pour les Droits del’Homme au sein du Ministère des Affaires étran-gères, Michel Doucin a notamment publié Les ONG:le contre-pouvoir? (éd. Toogezer, coll. Essai, Paris 2007).

À 20h00 à l’Hôtel de ville de Bruxelles – Salle des confé-rences, Grand Place - 1000 BruxellesPrix : 5 e - 2 e (étudiants et demandeurs d’emploi)

MERCREDI 10 JUIN – BRUXELLESTRAITE DES ÊTRES HUMAINS : ÉTATDE LIEUX EN BELGIQUE

Selon le Bureau Inter-national du Travail(BIT), 2,4 millions defemmes, d’hommes etd’enfants sont victimesdu trafic internationalà des fins d’exploita-tions sexuelles etéconomiques. À cejour, la Belgique n’apas encore ratifié laConvention sur la luttecontre la traite desêtres humains (TEH).L’ampleur de ce phénomène reste difficile à cerner.De quels moyens dispose la Belgique pour luttercontre ce fléau ?En présence de Heidi De Pauw (directrice de Pag-Asa, le centre bruxellois agréé pour l’accueil desvictimes de la traite), Myriam Kaminski (avocateau Barreau de Bruxelles) et Johan Debuf (respon-sable de la TEH pour la zone de police deBruxelles-Nord).

À 20h00 à l’Hôtel de ville de Bruxelles – Salle des confé-rences, Grand Place - 1000 BruxellesPrix : 5 e - 2 e (étudiants et demandeurs d’emploi)

Voir aussi notre dossier «Belgique – Regards sur latraite», Libertés! n°442 de mars 2008. e

© I

rvin

g T

eit

elb

au

m

lSi Amnesty na va pas mettre fin à la faim dans le monde d’un coup de cuiller à pot, ses militants onten tout cas eu le loisir de s’approvisionner en nourritures de l’esprit. © RIF

lAprès la concentration vient la détente, entre le canal et l’immeuble impérial d’une banque dont noustairons le nom. Cocktail sous les combles du K_nal. Bruxelles, 25 avril 2009. © Bruno Brioni

Page 12: Libertes ! Mai 2009 n°454

12 Libertés ! Mai 2009

M O U V E M E N T

Le 29 avril dernier, Amnesty International publiaitun rapport (1) sur les cent premiers jours d’administra-tion démocrate sous la présidence de Barack Obama

en matière de politique de détention liées à la lutte contrele terrorisme, une politique qui repose sur «des promesses dechangement assorties de mesures limitées».Certes, plusieurs changements positifs sont intervenus. Ainsi,le troisième jour de son entrée en fonctions, Barack Obamaa publié des décrets sur la fermeture de Guantánamo, la findu programme de détentions secrètes de longue durée de laCIA et les nouvelles règles régissant les interrogatoires, quine doivent plus englober les techniques d’«interrogatoirerenforcé», un euphémisme introduit par l’administrationprécédente pour parler de méthodes relevant de la torture.Cependant, les messages envoyés restent ambivalents.1) L’administration Obama a rendu publics quatre mémoran-dums autorisant légalement la CIA à user contre lesprisonniers détenus au secret de méthodes d’interrogatoireconstituant des actes de torture ou d’autres mauvais traite-ments. Le président Obama a condamné la pratique de latorture, mais a assuré que les auteurs présumés de cescrimes ne seraient pas traduits en justice s’ils avaient suiviles conseils légaux du ministère de la Justice, soulignant qu’ilpréférait regarder vers l’avenir plutôt que vers le passé. Il aajouté qu’il incombait au ministre de la Justice de déciderd’ouvrir ou non des enquêtes sur ceux qui ont élaboré cesdirectives légales et qu’il ne voulait pas en «préjuger».2) L’administration Obama a publié un décret sur la ferme-ture future du centre de détention de Guantánamo, mais ellene s’est pas engagée à inculper les détenus devant untribunal civil ou à les libérer, laissant ainsi 240 prisonniersdans le doute quant à leur avenir.3) L’administration Obama a promis que les cas des détenusde Guantánamo seraient révisés «au fur et à mesure et aussi rapi-dement que possible», afin de déterminer lesquels étaienttransférables ou libérables. Cependant, après des annéesd’incarcération – dont quelques mois sous le gouvernement

actuel –, un seul prisonnier a été remis en liberté depuisjanvier et aucun n’a été inculpé. Or, plusieurs détenus sonttoujours incarcérés pour une durée indéterminée alors que,depuis des mois, des juges fédéraux américains ont ordonnéleur libération immédiate.4) L’administration Obama a ordonné à la CIA de fermer sescentres de détention secrets et lui a interdit de gérer de telscentres à l’avenir, tout en lui laissant la possibilité d’en-lever des personnes et d’opérer des détentions «de courtedurée, transitoires».5) L’administration Obama a publié un décret interdisant lerecours à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements,tout en approuvant sans réserve le Manuel de terrain del’armée des États-Unis, qui autorise la privation prolongée desommeil et l’isolement cellulaire, ainsi que l’exploitation desphobies des détenus d’une manière qui bafoue l’interdictioninternationale de la torture et d’autres mauvais traitements.6) L’administration Obama a annoncé une rupture avec laculture du secret privilégiée par le gouvernement Bush,mais se réfugie malgré tout encore derrière la doctrine dusecret d’État, bloquant de facto les réparations pour les viola-tions des droits humains et s’abstenant de communiquer àl’opinion publique des informations sur les quelque500 hommes détenus à la base militaire américaine deBagram, en Afghanistan.7) Si l’administration Obama cesse désormais d’utiliser destermes comme «guerre contre le terrorisme» ou «combattantennemi», elle continue néanmoins de s’appuyer sur les lois dela guerre, plutôt que sur la justice pénale et les droitshumains, comme clé de voûte de la politique américaine delutte contre le terrorisme.Par ailleurs, on est toujours sans nouvelles d’au moins36 personnes détenues par le programme secret de détentionaméricain, tandis que le Département de la justice a révéléque la CIA avait détruit 92 vidéos d’interrogatoires réalisésdans le cadre du programme de détentions secrètes. Lesbandes auraient pu contenir des preuves de torture et d’au-tres violations des droits humains.À la veille de la fin des 100 jours, le président Obama atoutefois apporté un soutien relatif à un processus bipartitechargé d’examiner les politiques et les pratiques du passé.Cependant, il ne s’agit pas d’une commission totalementindépendante, chose que demande Amnesty depuis 2004. eP.F.

(1) USA: Mixed messages : Counter Terror and Human Rights : President Obama’sfirst 100 days (Index AI : AMR 51/043/2009)

LES 100 JOURS D’OBAMA

MESSAGES AMBIVALENTSLe 20 janvier 2009, lors de son entrée en fonction, leprésident Barack Obama prononçait un discoursd’investiture dans lequel il soulignait la nécessité derompre avec le passé et récusait le choix «erroné»entre la sécurité et les idéaux. Cent jours plus tard,Amnesty International a dressé le premier biland’une présidence en laquelle de nombreux espoirsont été placés.

SECRÉTARIAT NATIONAL AIBF

Rue Berckmans 9, 1060 Bruxelles 02 538 81 77Fax: 02 537 37 29www.amnesty.be

SECRÉTARIAT INTERNATIONAL

Easton Street 1, London WC1X ODWUnited Kingdom00 44 207 413 5500

AMNESTY INTERNATIONAL VLAANDEREN

Kerkstraat 156, 2060 Antwerpen 603 271 16 16

RESPONSABLES RÉGIONAUX D’AMNESTY

BRABANT WALLON

Jean-Philippe CHENUchemin de la Terre Franche 131470 Genappe010 61 37 73 – [email protected]

BRUXELLES

Le poste de coordinateur est vacant !Pour des renseignements sur le profilrequis avant d’envoyer un CV, écrire àAntoine CAUDRON – Amnesty Interna-tional, rue Berckmans 9, 1060 Bruxelles ouenvoyer un e-mail à [email protected]

HAINAUT ORIENTAL

Nicole GROLETav. Elisabeth 6, 6001 Marcinelle071 43 78 40 – [email protected]

LIÈGE

Jean-Pierre ANDRÉ04 387 51 07 – [email protected] BIKAResponsable de la gestion de la perma-nence – C/O Bureau régional d’AI – rueSouverain Pont 11 – 4000 Liège – du lundi au vendredi de 13h30 à 17h3004 223 05 [email protected]

LUXEMBOURG

Daniel LIBIOULLEAvenue de la Toison d’Or 266900 Marche en Famenne084 31 51 [email protected]

NAMUR

Romilly VAN GULCKRue Vivier Anon 8, 5140 Sombreffe071 88 66 [email protected]

WALLONIE PICARDE

Marie NOËLRue Cheny 1, 7536 Vaulx069 77 66 13 – 0499 13 57 [email protected]

Ce sont aussi 80 groupes locaux qui, sur leterrain, font un travail d’action et desensibilisation aux droits humains. Pourvous y joindre, contactez votre régionale.

À la MaisonBlanche, Barack Obamasigne le décretordonnant lafermeture dela prison deGuantánamo.Washington,22 janvier2009. © AP / CharlesDharapak

Page 13: Libertes ! Mai 2009 n°454

Une cellule du«couloir de lamort» du SIZO, laprison centralebiélorusse.© Legal Initiative

Libertés ! Mai 2009 13

I S A V E L I V E S . B E

La Biélorussie est le seul pays du conti-nent européen et de l’ex-Unionsoviétique qui applique toujours la

peine capitale. Selon nos informations, quatreexécutions y ont eu lieu en 2008. En l’absencede chiffres officiels, Amnesty Internationalestime à environ 400 le nombre de personnesexécutées depuis que la Biélorussie estdevenue indépendante, en 1991. Les datesd’exécution n’étant communiquées à l’avanceni aux prisonniers, ni à leurs familles, lescondamnés craignent le pire dès qu’on ouvrela porte de leur cellule. «Les occupants du couloirde la mort détestent les portes. Tant qu’elles restentfermées, ils sont vivants. La mort arrive toujourspar une porte ouverte», explique Oleg Alkaev,ancien directeur d’une prison de Minsk où desexécutions ont eu lieu. Les prisonniers

apprennent très tardivement que le momentest venu, quelques instants seulement avantde recevoir une balle dans la nuque. Le corpsn’est pas rendu à la famille, souvent informéede l’exécution longtemps après, et le lieu d’in-humation est tenu secret, ce qui ne faitqu’accroître le chagrin des proches. La situa-tion issue du recours à la peine capitale estd’autant plus grave que le système pénal estdéfaillant. On a en effet de fortes raisons depenser que la torture et d’autres mauvais trai-tements sont utilisés pour obtenir des «aveux».Les prisonniers condamnés ne peuvent faireappel. Enfin, le caractère intrinsèquementcruel, inhumain et dégradant de la peinecapitale est aggravé, pour les condamnéscomme pour leurs proches, par le secretentourant la procédure. e

MODÈLE DE LETTRE

Monsieur le Président,Le Bélarus est le seul pays du continent européen et de l’ex-Union soviétique qui applique

toujours la peine capitale. Or, la peine de mort viole le droit à la vie tel que prescrit dans laDéclaration universelle des Droits de l’Homme et constitue un traitement cruel, inhumain etdégradant. En tant que membre / sympathisant(e) d’Amnesty International, je vous demande,Monsieur le Président, d’instaurer sans délai un moratoire sur la peine capitale et les exécutions en vuede l’abolition totale de ce châtiment, ainsi que de commuer en peines d’emprisonnement toutes lescondamnations à mort déjà prononcées. En espérant que ma requête ne restera pas sans suite, je vousprie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes sentiments les plus respectueux.

Signature : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Nom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

LETTRE À ADRESSER À :Alyaksandr Lukashenka, President, Ul. Karla Marxa 38, 220016 – Minsk, Belarus

COPIE À ENVOYER À :Ambassade de la République du Bélarus, Avenue Molière, 192, 1050 – Bruxelles (Ixelles)Fax : 02 340 02 87 – E-mail : [email protected]

BIÉLORUSSIE (BÉLARUS)

LA MORT DERRIÈRELA PORTE

BONNES NOUVELLESDans tous les pays du monde, des gens sont libérés grâceau travail des membres d’Amnesty. Des témoignagesémouvants nous parviennent des prisonniers libérés oude leur famille. Ils montrent qu’une action de masse peutavoir des résultats pour un meilleur respect des droitshumains.

IRAK (KURDISTAN)ENGAGEMENT OFFICIELLe Premier ministre du Kurdistan irakien, Nechirvan Barzani, apris un engagement fort en faveur des droits humains lors d’unerencontre avec des représentants d’Amnesty International le 23avril dans la ville d’Arbil. La visite d’Amnesty International dansla région du Kurdistan faisait suite à la publication, il y a quelquesjours, du rapport intitulé Hope and Fear : Human rights in theKurdistan Region of Iraq (MDE 14/006/2009). Ce rapport mettaitnotamment en cause les forces de sécurité de la Région auto-nome du Kurdistan irakien dans des faits de torture et desdisparitions forcées. Lors de cette rencontre, le Premier ministreBarzani a expliqué qu’une nouvelle loi en préparation visait àrendre l’Asayish (service de sécurité) comptable de ses actes devantle Conseil des ministres, même si le calendrier concernant sonadoption n’a pas encore été clairement défini. Le Premier ministrea également exprimé sa volonté d’éradiquer les crimes «d’honneur»et de veiller à ce que les femmes bénéficient d’une véritableprotection contre la violence, y compris au sein du foyer. (Voir «Descibles si faciles», Libertés ! n°452 de mars 2009) e

ZIMBABWEMILITANTS RELÂCHÉS

Kisimusi Dhlamini, Andrison Manyere etGandhi Mudzingwa, qui avaient été enlevéspar des agents de l’État en décembre 2008, ontété libérés sous caution le 17 avril. Ils faisaientpartie des plus de 30 militants des droitshumains et militants politiques qui avaient étévictimes d’une disparition forcée puis d‘une

détention illégale – tous ont a présent été remis en liberté. e

SOUDANLIBÉRÉ SANS INCULPATIONMohamed Al Mahjoub avait été arrêté le 14 avril 2009 et détenuau secret pendant six jours par le Service national de la Sûreté etdu Renseignement à el-Fasher, dans le Darfour septentrional. Sadétention semblait motivée par ses activités professionnelles paci-fiques de directeur du Centre Amal de réadaptation pour lesvictimes de traumatismes physiques et psychiques, situé égalementà el-Fasher. Il été libéré sans inculpation le 17 avril, est en bonnesanté et affirme ne pas avoir été torturé. Il n’est cependant pas auto-risé à quitter el-Fasher. e

AZERBAÏDJANJOURNALISTE GRACIÉLe 9 avril, les autorités azerbaïdjanaises ont relâché le journalisted’opposition Sakit Zahidov après que celui-ci eut passé près detrois ans en prison au terme d’un procès entaché d’irrégularités.Journaliste satirique écrivant pour le journal Azadlıq (Liberté),Zahidov a été libéré à la faveur d’une loi d’amnistie adoptée enmars par le Milli Mejlis, le Parlement national. Amnesty Interna-tional le considérait comme un prisonnier d’opinion. Cettelibération ne doit pas faire oublier le fait que les journalistesindépendants ou favorables à l’opposition continuent à fairel’objet d’actes de harcèlement, d’agressions physiques, de manœu-vres d’intimidation et d’emprisonnement en raison de leursactivités journalistiques. e

POUR RECEVOIR OU CONSULTER LES LETTRES DU MOIS :Abonnez-vous à la lettre d’information Isavelives.be ou consultez-la sur : http://www.isavelives.be/leslettresdumois

Lire aussi sur isavelives.be : http://www.isavelives.be/fr/node/3498

Page 14: Libertes ! Mai 2009 n°454

Mansour Ossanlu, conducteur debus, syndicaliste et défenseur desdroits humains, purge actuelle-

ment une peine de cinq ans d’emprisonne-ment en Iran. Amnesty International estimeque cet homme est un prisonnier d’opiniondétenu uniquement pour avoir exercé paci-fiquement son droit à la liberté d’associa-tion. Mansour Ossanlu est le président duSyndicat des travailleurs de la régie des busde Téhéran et de sa banlieue, qui est affiliéà la Fédération internationale des ouvriers dutransport. Avant son arrestation, il s’efforçaitde défendre les droits des travailleurs enIran. Il avait déjà été incarcéré à deuxreprises par le passé, pour une durée totalede neuf mois, en raison de ses activités syndi-cales. Il a été jugé en février 2007, puiscondamné à cinq ans d’emprisonnementpour «agissements contre la sécurité nationale». Ila voyagé à l’étranger en attendant son procèsen appel et a de nouveau été arrêté le

14 Libertés ! Mai 2009

I S A V E L I V E S . B E

Le 29 juin 200, Johan Teterissa étaità la tête d’un groupe de 22 militantsqui avaient participé à une action de

protestation pacifique devant le présidentindonésien, Susilo Bambang Yudhoyono.Aujourd’hui, l’un d’eux est en instance dejugement et les autres purgent des peinesallant de 7 à 20 ans d’emprisonnement. L’in-cident a eu lieu lors d’une cérémonieorganisée par le gouvernement à Amboine,la capitale de la province des Moluques. Les22 manifestants, principalement des ensei-gnants et des paysans, ont exécuté une danseguerrière traditionnelle devant le président.Ils ont ensuite déployé le drapeau du Mouve-ment pour l’Indépendance de la Républiquedes Moluques du Sud. Emmenés par les poli-ciers, ils ont séjourné dans troiscommissariats successifs en 11 jours et c’estsous la garde du Détachement 88, l’unité

antiterroriste de la police de la base deTantui, qu’ils ont connu les pires traite-ments. Les policiers les ont frappés – à coupsde crosse notamment–, forcés à ramper surdu bitume chaud, fouettés avec des câblesélectriques et leur ont également enfoncé desboules de billard dans la bouche. Ils ont tirédes coups de feu tout près des oreilles deplusieurs des détenus, provoquant chezcertains d’entre eux une surdité partielle.Des détenus ont été contraints de signer desdéclarations affirmant qu’ils n’avaient pasbesoin d’avocats. D’autres se sont vu assi-gner des avocats qui leur ont conseillé deplaider coupable et de renoncer à leur droità interjeter appel. Johan Teterissa, qui étaitle meneur du groupe, a été condamné le4 avril 2008 à la réclusion à perpétuité,peine ramenée à quinze ans d’emprisonne-ment en appel. e

INDONÉSIE

MANIFESTANTSTORTURÉS ETEMPRISONNÉS

TARIFS POSTAUXLettres (jusqu’à 50 grammes)Belgique: 0,59e; Europe: 0,90e; restedu monde: 1,05e. La surtaxe aérienneest incluse (étiquette requise).

COMMENT AGIR EFFICACEMENT ?Les cas exposés concernent des victimes de violations des droits humains dont s’occupe Amnesty International. Chaque appel compte.Un texte (à écrire ou à photocopier) vous est proposé pour chaque cas. Dans l’intérêt des victimes, écrivez en termes mesurés et cour-tois aux adresses indiquées. Ces lignes sont lues partout dans le monde par les quelque 1800000 membres d'Amnesty International.Elles sont reproduites dans de nombreux pays par des dizaines de journaux et constituent la clé de voûte de l'action du mouvement.

MODÈLE DE LETTRE

Excellence,Mansour Ossanlu, conducteur de bus, syndicaliste et défenseur des

droits humains purge actuellement une peine de cinq ans de prison. Déjàemprisonné à deux reprises pour ses activités syndicales, il a été à nouveauarrêté le 10 juillet 2007, condamné à 5 ans de prison et le verdict a étéconfirmé par une juridiction d’appel a confirmé le verdict le 30 octobre 2007.En tant que membre/ sympathisant(e) d’Amnesty International qui considèrecet homme comme un prisonnier d’opinion et qui se préoccupe de son état desanté déficient, je vous demande la levée de toutes les charges qui pèsent surlui ainsi que sa libération immédiate et inconditionnelle et, en attendant, unaccès à des soins médicaux et à ses avocats. Espérant que vous ferez droit àma requête, je vous prie d’agréer, Excellence, l’expression de ma considérationdistinguée.

Signature : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Nom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

LETTRE À ADRESSER À :His Excellency Ayatollah Mahmoud Hashemi Shahroudi, Head ofthe JudiciaryMinistry of Justice, Ministry of Justice Building, Panzdah-KhordadSquareTehran, Iran

COPIE À ENVOYER À :Ambassade d’Iran, Avenue F.D. Roosevelt, 15, 1050 Bruxelles (Ixelles)Fax : 02 762 55 49 – E- mail : [email protected]

MODÈLE DE LETTRE

Monsieur,Le 29 juin 200, Johan Teterissa était à la tête d’un groupe de

22 militants moluquois qui avaient participé à une action de protestationpacifique devant le président indonésien, Susilo Bambang Yudhoyono.Aujourd’hui, l’un d’eux est en instance de jugement et les autres purgent despeines allant de 7 à 20 ans d’emprisonnement. Les détenus ont en outre étélonguement battus et torturés. Johan Teterissa, le meneur du groupe, a étécondamné à 15 ans d’emprisonnement. En tant que membre /sympathisant(e) d’Amnesty International, je vous écris pour que vousoeuvriez à la libération immédiate et sans condition de ces 22 militants, etque veilliez à ce que les autorités mènent une enquête indépendante sur lesactes de torture qu’ils auraient subis aux mains de la police. En espérant quevous ferez droit à ma requête, je vous prie d’agréer, cher Monsieur,l’expression de mes sentiments les meilleurs.

Signature : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Nom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

LETTRE À ADRESSER À :Ifdhal Kasim, Chair of the Indonesian Human Rights Commission(Komnas HAM), Jln. Latuharhari 4B, Jakarta Pusat 10310, IndonésieFax : + 62 213912026

COPIE À ENVOYER À :Ambassade de la République d’Indonésie, Boulevard de la Woluwe, 381200 – Bruxelles (Woluwe-Saint-Lambert)Fax : 02 772 82 10 – E-mail : [email protected]

IRAN

SYNDICALISTEPERSÉCUTÉ

10 juillet 2007, après avoir assisté en Europeà des réunions avec des collègues de syndicatsd’autres pays. Le 30 octobre 2007, une juridic-tion d’appel de Téhéran a confirmé sacondamnation à cinq ans d’emprisonne-ment. Il semble cependant que ce jugementn’ait jamais été rendu officiel, ce qui estcontraire au droit iranien. Sans jugementécrit, ses avocats ne peuvent contester ladécision de la cour. Amnesty International est préoccupée par lefait que Mansour Ossanlu soit en mauvaisesanté et ne bénéficie pas de soins médicauxdont il a fortement besoin. D’après sonépouse, Parvaneh Ossanlu, il n’a pas étéautorisé à s’entretenir avec ses avocats depuisson transfert dans une prison de Karaj, àl’ouest de Téhéran, le 31 août 2008. e

© ITF

Lire aussi sur isavelives.be : http://www.isavelives.be/fr/node/3500

Lire aussi sur isavelives.be : http://www.isavelives.be/fr/node/3499

Page 15: Libertes ! Mai 2009 n°454

A G E N D ATHÉÂTREAU POCHE, TOUJOURS !FAT PIG

Les êtres humains sont-ils si superficiels qu’ils jugentune personne seulement sur son apparence? Dans cettecomédie romantique, Neil LaBute sonde de manièrecinglante notre société obsédée par les corps jeunes,séduisants et parfaitement proportionnés.Tom, jeune cadre séduisant, rencontre Helen, unefemme qui pourrait s’avérer être son âme soeur. Helenest pétillante, intelligente, sexy, mais très forte. Alorsqu’il se voit à contrecoeur tomber amoureux d’elle, sescollègues de travail, Carter et Jeannie, sont atterrés parson choix et brutalement cruels dans leur jugementenvers sa nouvelle amie. Tom suivra-t-il son coeur et dessentiments qu’il n’a jamais ressentis auparavant, ousuccombera-t-il à sa faiblesse ? L’amour a-t-il besoin del’approbation de la société pour être entier? Alors qu’ill’aime profondément, il est gêné d’être vu en public avecelle et n’ose pas la présenter à ses amis.Né en 1963 à Detroit, Neil LaBute est aujourd’hui auteurdramatique, scénariste, metteur en scène et réalisateur.Il étudie d’abord le théâtre à l’Université du Kansas oùl’une de ses pièces, Filthy Talk for Troubled Times, évoquantles agressions homosexuelles, suscite déjà de vives réac-tions. Pour le cinéma, Neil LaBute tourne, en 1997, sonpremier long-métrage In the Company of men qui lui vautle trophée des réalisateurs à Sundance et le Prix spécialdu jury à Deauville. Un an plus tard il réalise Your friendsand neighbours, et en 2000 il réalise sur commande, sansen écrire le scénario, Nurse Betty, et obtient son plusgrand succès commercial avec cette histoire mêlant leromantisme naïf à la violence la plus crue. Puis vientPossession en 2002, basé sur l’adaptation d’une nouvellede A. S. Byatt. Il réalise, en 2003, sa propre adaptationcinématographique de The Shape of things puis The Wickerman en 2006. Neil LaBute, en qui la critique reconnaît «lepremier dramaturge, depuis David Mamet et SamSheppard - avec Edward Albee -, qui parvient à mêlersympathie et férocité, pathos et pouvoir», a rapidementacquis une solide réputation qui le place parmi les plusgrands. Avec intelligence et humour, Neil LaBute n’a passon pareil pour captiver son public en le confrontantviolemment à lui-même.Création francophone, mise en scène de Thierry Lavat.e

Du 25 avril au 30 mai 2009 à 20h30 (relâche les dimanches et

lundis).

Bois de la Cambre, 1A Chemin du Gymnase - 1000 Bruxelles –

Réservations : 02 649 17 27 ou reservation@ poche.be

LE PRIX DE LAPAUVRETÉ

Les revenus cumulés de toutes lesaides au développement dépasse-raient ceux que le Congo tire de ses

ressources minières. Si la pauvretérapporte de l’argent, elle est donc uneressource naturelle. Malheureusement,elle ne profite pas à ceux qui en sont leslégitimes propriétaires. C’est avec cepostulat provocateur que l’artiste hollan-dais Renzo Martens a sillonné pendant quatre ans la RDC avec ses questions faussement naïves et unecaméra DV. Entre pauvreté et dépendance, c’est un peu l’œuf et la poule. Le salaire que gagnent de jeunesphotographes du cru avec leurs images de fêtes et de mariages est sans commune mesure avec les sommesempochées par les photoreporters occidentaux pour leurs clichés de femmes violées, d’enfants sous-alimentés et de victimes de guerre. Le cinéaste propose alors à de jeunes photographes locaux des’approprier les sujets qui intéressent l’Occident et d’essayer de les vendre. On imagine sans peine cequ’il adviendra… Agitateur plus que journaliste, Martens se met en scène comme un Tintin postmo-derne sous son chapeau de paille. S’éloignant du documentaire d’investigation, le film vire à l’objetfilmique non identifiable qui tient à la fois de la performance et du geste artistique. Pénétrer dans lescoins les plus reculés de la brousse pour allumer un néon avec les mots «Enjoy Poverty» est assez gonflé.Quand, au milieu de la nuit, il encourage des villageois, tout sourires à accepter leur pauvreté pour mieuxl’exploiter, on peut se demander qui est le spectateur de qui. C’est à l’Occident qu’il destine son film.Et, en artiste avisé, Martens s’intéresse autant à la beauté du geste qu’à son contenu. e Gilles BechetEnjoy Poverty de Renzo Martens, sortie le 13 mai

LA PLACE DUMORT

ÀYokohama, par une languidejournée d’été, une famille seretrouve pour commémorer la

mort accidentelle de l’aîné des enfants,quinze ans plus tôt. Il y a le père et lamère restés seuls dans la spacieusemaison où rien n’a changé et où ils sontchaque jour confrontés à un videimmense. Il y a le frère et la soeur accom-pagnés de leurs conjoints et enfants respectifs. Filmant les gestes dans la cuisine ou autour de la table,le cinéaste décortique avec subtilité et élégance les tensions familiales. Devenus grands, les enfants nesont pas devenus les adultes que leurs parents attendaient et le frère disparu ne pourra jamais déce-voir les espoirs que l’on avait placés en lui. Au détour d’une phrase surgissent les rancœurs, les espoirsdéçus et les incompréhensions. À aucun moment pourtant, l’ambiance ne devient pesante. Si lesretrouvailles peuvent être amères, elles sont vues avec douceur et une absence totale de pathos. Le filmpeut aussi se montrer cruel et drôle, lors de la visite du jeune homme que le frère a sauvé en se noyant.Désunie par un chagrin inégalement partagé, cette famille peut aussi être unie par l’amour et latendresse. Au final, le réalisateur Kore-Eda nous glisse que la famille peut être un carcan comme ellepeut être une bouée de sauvetage. Ce qui se transmet de génération en génération envers et contre toutest imprévisible. Insaisissable et fragile comme le vol d’un papillon. e G.B.Still Walking de Hirokazu Kore-Eda, sortie nationale le 27 mai.

À MAYOTTE…

Belle île des Comores, plages de sable blanc, lagon turquoise, palmiers et fleurs exubérantes, voilàl’un des visages de Mayotte. L’envers de ce décor de rêve, c’est l’intense immigration clandestinequi ne pourra aller que s’amplifiant depuis qu’en mars dernier, l’île est devenue par réfé-

rendum le 129e département français. Chaque nuit, des barques surchargées y amènent des grappes devoyageurs ayant payé chèrement leur passage. La plupart fuient Madagascar. Une fois sur l’île, ils vontêtre en butte au mépris total des habitants, Français «de souche», et à la traque des gendarmes. DansDroit du sol, une BD à l’épais dessin en noir et blanc, Charles Masson raconte le quotidien de ces gensau bord du désespoir. Pour les jeunes femmes qui n’ont qu’une envie, sortir de la pauvreté, reste souventun seul moyen : la prostitution. Ou encore le mariage forcé avec un natif ou un expatrié. Mais la peurest omniprésente et la police des frontières est tenue de respecter les quotas (une quarantaine d’expul-sions par jour) fixés par la République française. Dans ce récit très noir, Charles Masson laisse cependantsouffler un petit vent d’espoir. eSuzanne WellesDroit du Sol, Charles Masson, Casterman «Écritures», 436 pages, 24e

Libertés ! Mai 2009 15

C U L T U R E

Page 16: Libertes ! Mai 2009 n°454